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NB : le signe linguistique est propre à l’être humain par ses capacités de récursivité et
d’autoréférentialité. La convention est de mettre en italiques les objets linguistiques dont on parle
dans l’exposé (on souligne dans une écriture manuscrite). Le sens d’une expression est mis entre
guillemets (simples ou doubles).
NB : on parle d’individu pour tous les objets matériels du monde, et non seulement pour les êtres
humains. Ainsi une table ou un lampadaire seront des individus au même titre qu’un boucher ou
une ballerine.
Pourtant, comme l’étoile du matin, l’étoile du soir et Vénus ont le même référent, on devrait pouvoir
substituer l’un à l’autre et avoir le même message. Mais intuitivement, on sent bien que ce n’est pas
le cas. Il faut supposer que le signe ne peut pas accéder directement au référent/à sa dénotation/à
sa désignation, mais cette relation doit être médiée par le sens. Autrement dit, la référence ne suffit
pas à épuiser le sens, et il faut avec Frege distinguer sens et référence.
Le sens d’un terme ou d’une expression, c’est donc la représentation qui vient faire
l’intermédiaire entre la forme phonique du mot et son référent. C’est pourquoi Saussure (1916)
propose de diviser le signe en deux morceaux : le signifiant et le signifié. Ce signifié, c’est la
représentation qui sert d’intermédiaire entre le signifiant et le référent.
Le signifié ou sens est comme l’adresse du référent. Mais cette adresse peut être donnée
sous différentes formes : « 1 rue Dupont » ; « au-dessus de la boulangerie » etc. Autrement, le
signifié ou sens est ce qui permet de trouver le référent, ce qui pointe en direction du référent,
selon le schéma suivant :
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Signifiant Référent
NB : pour certains chercheurs, il faut poser plus qu’un intermédiaire entre le signifiant et le
référent, mais ce ne sera pas traité ici. En effet, la licorne n’a pas d’existence dans le monde réel,
donc la représentation de la licorne pointe en direction d’une autre représentation mentale.
De même, dans une phrase comme (6), le troisième set n’a pas de référent, mais il
correspond bien à une représentation.
(6) Le tennisman français n’est pas arrivé jusqu’au troisième set.
Par conséquent, certains supposent un niveau intermédiaire supplémentaire de représentation
(un quadrilatère sémiotique).
Pour d’autres, le signifié est plutôt un concept, à savoir un ensemble de traits sémantiques,
de primitives. Pour Saussure : le sens d’un mot vient de deux sources. La langue à laquelle il
appartient et le monde qu’il décrit.
NB : Tentative en sémantique lexicale de les théoriser sous forme de sèmes (unité minimale de
sens). Sémantique structurale, école française des années 1960 (Pottier, Greimas, Rastier).
Dans ce cours, nous ne traiterons pas de sémantique lexicale. Ces questions resteront donc en suspens.
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L’opposition entre les deux approches peut s’expliquer par la métaphore du Lego et du
moule. Dans le jeu de Lego, on a des briques et on construit des objets avec (par exemple un mur).
Le sens vient des mots eux-mêmes (compositionnalité). Avec un moule, on a de la pâte et c’est le
moule qui lui donne une forme. Le sens vient de la construction dans laquelle on insère ces mots
(absence de compositionnalité).
Les deux approches ont quelque chose de vrai, mais la question est : qu’est-ce qui est
central dans le fonctionnement du langage et qu’est-ce qui est périphérique. En raison de la
récursivité du langage, la première approche semble meilleure. C’est celle qu’on adoptera ici, mais
il faut être conscient du débat.
A. En définissant la nature du sens des mots. Le sens des mots est à la base du sens des
phrases.
o Les primitives sémantiques
o La définition négative de Saussure (dans la langue il n’y a que des différences)
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C. En définissant la nature du sens des phrases. Le sens des phrases est pris comme base et les
mots sont caractérisés en termes de leur contribution au sens des phrases.
EXEMPLE : la négation sert à indiquer que la valeur de vérité de la proposition dans
laquelle elle s’insère est inverse. Ainsi Ahmed est gentil veut dire qu’il est vrai qu’Ahmed est gentil ;
Ahmed n’est pas gentil, veut dire que la proposition ‘Ahmed est gentil’ est fausse.
Approche A : lexicale
Il s’agit de la famille d’approches rapidement présentées en 3 ci-dessus, dont une version
est la théorie des concepts, à savoir la définition du sens d’un mot à partir d’un ensemble de
primitives.
Le risque couru par cette méthode est celui de la circularité. On donne des définitions de
mots avec d’autres mots. Mais il faut aussi définir ces mots etc. SOLUTIONS : On peut utiliser l’idée
négative de la valeur saussurienne (que des différences) ; avoir un métalangage. Le problème est
que ces approches ne sont pas falsifiables, car il faut de toute façon rendre compte de la
définition des catégories de base.
Approche B : communicationnelle
Elle repose sur la théorie des actes de langage (Searle (1969; Austin (1970; Vanderveken
(1988, (1990-1991)). Cette théorie s’intéresse aux conditions de réussite de l’énonciation d’un
énoncé. Elle a l’avantage de fonctionner pour tous les types d’acte de langage. Ainsi on peut se
demander si l’énonciation d’une phrase interrogative est réussie dans tel ou tel contexte.
NB : un ancêtre de cette approche peut être trouvé chez les behaviorists, qui puisent l’explication
d’une énonciation dans le contexte : un énoncé est provoqué par un stimulus, qui peut être
situationnel ou verbal. Ainsi un ça va ? peut être déclenché par un ça va. Cette approche
rudimentaire a vite trouvé ses limites, puisqu’il y a des cas où il n’y a pas de stimulus à la
production de phrases.
Dans la théorie des actes de langage, le sens des phrases et des mots sera défini par les
conditions dans lesquelles il est approprié de les employer. Mais cette approche va à l’encontre de
la distinction entre compétence et performance. En effet, si on se fonde sur la félicité/réussite, on
ne fait plus de distinction entre phrases grammaticales et agrammaticales, mais entre usage
approprié ou non des phrases. Cela nous mène à une impasse, car on essaie de définir la
compétence (le sens attaché intrinsèquement aux mots et aux phrases) en termes de performance
(leur emploi, qui peut être variable).
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En réalité, on peut séparer les actes de langage (performance) de la phrase qui les véhicule.
Ainsi, dans la phrase Jacques sera à la fête ce soir peut être considérée comme un avertissement si
je l’adresse à quelqu’un qui est fâché avec Jacques ou comme une simple information dans un cas
différent (Bref, pour utiliser la terminologie des philosophes du langage cités plus haut, on peut
détacher le contenu locutoire de la force illocutoire de l’énoncé, même dans les performatifs !).
Il vaut mieux laisser l’étude de l’emploi à une autre science : la PRAGMATIQUE. (cf. les
maximes de Grice (1975), les implicatures). Notons en passant un point intéressant : les
implicatures (et ce qui relève de la pragmatique) sont annulables, contrairement à ce qui
appartient intrinsèquement au sens d’une expression (et que nous étudions ici).
Les implicatures
Il s’agit d’inférences que l’on tire d’une phrase (et qui sont souvent liées à des termes particuliers)
à partir de règles de la conversation, règles culturelles ou universelles. Ainsi à partir de (8), on
infère que cinq personnes exactement viendront. À partir de (9), que les individus présents
étaient en train de faire une action illégale. Mais les implicatures sont annulables. Ainsi (9) et (11)
sont tout à fait possibles et viennent annuler les inférences que l’on avait faites.
(8) Cinq personnes viendront.
(9) Cinq personnes viendront, et même six.
(10) La police entra et tout le monde jeta sa cigarette.
(11) La police entra et tout le monde jeta sa cigarette, bien qu’ils ne fissent rien d’illégal.
Approche C : vériconditionnelle
Cette approche part du constat que la forme de base du langage, c’est l’énoncé (Un énoncé
= toute forme du message linguistique). Un énoncé doit contribuer à quelque chose dans le
contexte. Prenons par exemple les phrases déclaratives comme (12).
(12) Il pleut.
Je demande à mon interlocuteur de considérer que ‘il pleut’ est vrai et donc de l’ajouter à
son stock de connaissances sur le monde. On considérera que ce stock de connaissances est
constitué d’un stock de propositions qui décrivent le monde (Stalnaker (1978)). La propriété des
propositions est d’être vraies ou fausses. On se fondera donc sur cette propriété comme
fondement pour l’évaluation du sens (idée d’un philosophe du langage, Davidson, sur la base de
propositions d’un logicien, Tarski).
Intérêt : vérifiable, falsifiable par le jugement des locuteurs.
Débat : peut-on appliquer aux langues naturelles des principes des langages formels ? Si on
prend l’idée que le langage est parfait (Strong Minimalist Hypothesis), il doit être formalisable…
on peut donner la forme logique d’une phrase (d’où l’idée en syntaxe que peut-être la phrase prend
à un moment de sa dérivation une forme qui sera directement interprétable).
L’idée est qu’une proposition est vraie si l’état du monde correspond à ce qu’elle décrit.
Ainsi, on dira que ‘il pleut’ est vraie s’il pleut dans le monde et fausse s’il ne pleut pas dans le
monde. L’état du monde correspondant à la vérité de la proposition est appelé « conditions de
vérité » de la proposition. Les conditions de vérité sont le sens d’une proposition ; la valeur de
vérité est sa dénotation.
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Revenons sur le sens des mots. Si l’on accepte le principe de compositionnalité, pour
rendre compte du sens des mots il faut regarder les contributions systématiques qu’un mot fait aux
conditions de vérité de la phrase dans laquelle il apparaît -> en termes d’inférences. Intéressant,
car cette méthode permet aussi bien de réfléchir au sens des mots lexicaux qu’à celui des mots
grammaticaux.
Exemple : chase vs follow en anglais. suivre et poursuivre en français. L’emploi de ces termes
sera approprié dans des conditions telles que ‘aller derrière quelqu’un’, mais on peut repérer des
différences en regardant les phrases suivantes :
On voit que l’insertion de lentement ou de bien que ce ne soit pas volontaire avec suivre ne pose pas
de problème, alors qu’elle rend les phrases inacceptables avec poursuivre. Ces paires minimales
permettent de faire des inférences sur le sens de poursuivre : l’acte de poursuivre est
nécessairement rapide et volontaire, ce qui n’est pas le cas de l’acte de suivre.
NB : # indique qu’une phrase n’est pas interprétable. Il faut distinguer de * qui indique qu’une
phrase est mal formée.
Notations
- « Je suis content »
- Je suis content
- ‘Richard est content’
Énoncé : ce qu’on dit, ce qu’on énonce dans une situation particulière. Si un énoncé
correspond à la situation dans laquelle on le prononce, cet énoncé est réussi (felicitous). Sinon, il
est raté. La notion de vérité n’a donc pas de sens pour un énoncé. GUILLEMETS doubles
Phrase : la forme qui sert à l’énoncé. Une forme n’est donc ni vraie ni fausse. Elle n’a pas de
valeur de vérité non plus. Cf. la phrase Je suis content dite par deux personnes différentes
constituera deux énoncés différents (et même dit par la même personne à deux moments
différents). ITALIQUES
En revanche, je suis content dit par moi correspond à la proposition (ou forme logique)
‘Richard est content’, dit par x correspond à la proposition (ou forme logique) ‘x est content’. Donc
deux propositions différentes. Et ces propositions, elles, ont une valeur de vérité, c’est-à-dire que
l’on peut vérifier si dans tel ou tel contexte elles sont vérifiées (vraies ou fausses). GUILLEMETS
simples
Pour aller plus loin : la vérité est en réalité évaluée pour la partie posée des propositions,
pas de la partie présupposée (cf. Roussarie, chap. 1). L’énoncé (17)a pose que Lucien est content et
présuppose qu’il est parti. On peut nier la partie posée (validité de (17)b), mais pas la partie
présupposée (non validité de (17)c).
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References
Austin, J. L. 1970. Quand dire, c'est faire. traduit par G. Lane, Paris: Seuil.
Frege, G. 1971 [1892]. Sens et dénotation. Écrits logiques et philosophiques, ed. by r.s.s. signifiant,
102-26. Paris: Le Seuil.
Grice, H. P. 1975. Logic and conversation. The Logic of Grammar, ed. by p.l.c. implicature, 41-58.
Encino: Dickenson.
Kempson, R. M. 1975. Presupposition and the Delimitation of Semantics. Cambridge: Cambridge
University Press.
Saussure, F. d. 1916. Cours de linguistique générale. Publié par Charles Bally et Albert Sechehaye.
Lausanne-Paris: Payot.
Searle, J. 1969. Speech Acts. Cambridge: Cambridge University Press.
Stalnaker, R. 1978. Assertion. Syntax and semantics 9:315-32.
Vanderveken, D. 1988. Les actes de discours : essai de philosophie du langage et de l'esprit sur la
signification des énonciations. Liège-Bruxelles: Mardaga.
—. 1990-1991. Meaning and Speech Acts. Cambridge-New York: Cambridge University Press.