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Olympe de Gouges - Livre du professeur

Partie 7 : Dissertation

Portrait(s) de femme(s) (p. 112-117) 2


Objectif(s) pédagogique(s) généraux 2
Objectifs pédagogiques de l’étude thématique 2
Mise en œuvre pédagogique 2
Éléments de corrigés 3

Le mariage : esclavage féminin ou contrat égalitaire ? (p. 118-121) 12


Objectifs pédagogiques généraux 12
Objectifs pédagogiques 12
Mise en œuvre pédagogique 13
Éléments de corrigés 13

Stratégies argumentatives et tactiques de combat (p. 122-127) 32


Objectifs pédagogiques généraux 32
Objectifs pédagogiques de l’étude thématique 32
Mise en œuvre pédagogique 32
Éléments de corrigés 33

L’origine et les fondements de l’inégalité parmi les sexes (p. 128-134) 52


Objectifs pédagogiques généraux 52
Objectifs pédagogiques de l’étude thématique 52
Mise en œuvre pédagogique 52
Éléments de corrigés 53

Bilan - outils de révision (p. 135) 64


Objectifs pédagogiques 64
Mise en œuvre pédagogique 64
Éléments de corrigés 64

Revoir la méthode (p. 136) 72


Objectifs pédagogiques 72
Mise en œuvre pédagogique 72
Éléments de corrigés 72

Dissertation guidée (p. 139-140) 83


Objectifs pédagogiques 83
Mise en œuvre pédagogique 83
Éléments de corrigés 84

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Portrait(s) de femme(s) (p. 112-117)

Objectif(s) pédagogique(s) généraux

Les quatre études thématiques proposées ont pour but de permettre une étude
approfondie de l'œuvre au programme. En complément des études linéaires sur des
passages de l'œuvre, elles sont conçues pour préparer en priorité l’épreuve de la
dissertation et développer des connaissances précises, nécessaires pour la construction
d’une argumentation personnelle propre à cette épreuve. Alternant analyses de détail et
questions de synthèse, analyses sur l'œuvre et résonances avec des textes
complémentaires, chaque étude propose une plongée et une traversée dans l'œuvre à
partir d’un thème embrassant ses enjeux majeurs.

Chaque étude est indépendante des trois autres : le temps à y consacrer est très variable
et les mises en œuvre pédagogiques, détaillées plus bas, peuvent être différentes.

Objectifs pédagogiques de l’étude thématique

Cette première étude propose de réfléchir à une question transversale qui s’apparente
fortement, dans la démarche intellectuelle qu’elle suppose, à une dissertation. L’objectif
est donc de permettre aux élèves de parcourir l'œuvre, de se l’approprier plus en détails,
tout en développant des compétences propres à l’argumentation : clarification et analyse
d’un sujet, structuration des idées, repérages pertinents dans l’œuvre, organisation
progressive sous la forme d’un plan, analyses issues de passages précis de l'œuvre.

Mise en œuvre pédagogique

Le travail proposé peut se faire en petits groupes pour favoriser les échanges sur l'œuvre
et sur la compréhension des différentes étapes du travail proposé. Il peut faire l’objet
d’un travail en classe pour les étapes 1 et 2, puis d’un travail plus personnel pour les
étapes suivantes.

Le corrigé annoncé dans ce livre du professeur est une proposition et ne constitue pas la
seule réponse possible.

L’étape 3 qui propose de guider les élèves dans la recherche d’arguments et d’analyses
susceptibles de nourrir la démonstration peut être complétée, notamment si le corrigé
proposé pour l’étape 5 sert de base à une correction de l’exercice. Dans ce cas, on pourra
ajouter les questions suivantes pour nourrir le plan tel qu’il est proposé ci-dessous :

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a) Relisez « Les Droits de la femme » (p. 29-30). Comment l’homme est-il qualifié ? Au
vu des remarques de l’autrice, dans quelle mesure pourrait-on également le
qualifier d’usurpateur ?
b) À quel endroit de l'œuvre Olympe de Gouges s’adresse-t-elle directement et
exclusivement aux femmes ? Que leur demande-t-elle concrètement de faire ?
c) Dans le Préambule de la Déclaration, quelle formule l’autrice choisit-elle pour
désigner les femmes ? Pourquoi, selon vous ?
d) Où l’autrice évoque-t-elle une expérience personnelle ? En quoi cet épisode sert-il
son combat selon vous ?

Éléments de corrigés

Étape 1

1. À la lumière de votre lecture de l'œuvre, expliquez quelles notions, dans la liste


suivante, sont intéressantes pour apporter une réponse au sujet.

- défauts et qualités : entendus dans leur sens moral, ces deux termes font écho à
certains passages de l'œuvre étudiée où l’autrice s’attache à dépeindre les vices des
femmes de l’Ancien Régime ; ce n’est pas néanmoins un thème majeur.

- définition : terme relativement pertinent mais réducteur pour rendre compte de la


démarche de Gouges : l’autrice ne mène pas une réflexion d’ordre philosophique sur la
caractérisation du genre féminin.

- description physique : expression inadéquate ; dans le sujet proposé, le terme « portrait


» n’est pas à entendre dans son sens premier de « représentation s’attachant à
reproduire les traits physiques d’une personne réelle ».

- tableau : terme pertinent comme équivalent de « portrait » dans le sens figuré de «


description rapide et concise » ; l’autrice propose en effet plusieurs descriptions de la
condition féminine qui se présentent sous cette forme.

- image : terme pertinent comme équivalent de « portrait », au sens large de


« représentation ».

- caricature : notion inappropriée ; en tant que représentation excessive, qui déforme les
traits dans une intention plaisante ou satirique, la caricature ne correspond pas à la
démarche de Gouges lorsqu’elle décrit la condition féminine.

- modèle : terme assez peu pertinent si on l’entend comme représentation pouvant servir
de référence à l’imitation ou à la reproduction ; les femmes, telles qu’elles sont décrites

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ou envisagées sous la plume de Gouges, ne sont pas considérées comme des exemples à
suivre.

- éloge et blâme : ces deux termes ont du sens à l’échelle de l'œuvre dans la mesure où
l’autrice peut développer une perspective morale ; si le blâme des femmes est présent
dans l'œuvre (celui des hommes aussi), le terme « éloge » reste toutefois peu adéquat
pour rendre compte de sa démarche de manière générale.

- autobiographie : terme peu adéquat, l’expérience personnelle de l’autrice n’est pas au


centre de la démarche réflexive ; tout au plus, Gouges évoque une mésaventure
personnelle à la fin de l'œuvre, mais sous la forme d’un appendice qui vient nourrir ses
réflexions principales sur la condition féminine.

Étape 2

1. Parmi les onze intitulés proposés ci-dessous, barrez ceux qui vous semblent les
moins pertinents pour répondre au sujet.

1. Un autoportrait en femme de lettres et en combattante.


2. La caricature de femmes opprimées.
3. Un tableau de femmes à la tribune pour défendre leurs droits.
4. Un tableau pathétique de la condition féminine : la femme, victime spoliée et
méprisée.
5. Le portrait d’une femme aveugle et qu’il faut réveiller.
6. Les qualités et les défauts de la femme.
7. Portrait de la femme ou des femmes ? Du concept de femme aux situations réelles
vécues par les femmes de son époque.
8. Des femmes perverties au sein d’une société vicieuse.
9. L’image d’une femme égale de l’homme.
10. Une femme, emblème de la Révolution française.
11. Le portrait d’une femme vengeresse qui réclame l’égalité.

Les propositions que nous n’avons pas retenues sont très éloignées de l’œuvre étudiée :
une première lecture relativement attentive de la Déclaration et des textes qui
l’encadrent permet d’éliminer facilement ces propositions :
- Pas de caricature (2) dans la démarche de Gouges, ni de réclamation vengeresse
(11). Ces mots sont incorrects pour rendre compte du projet énoncé par l’autrice
dans cette œuvre.
- Si les valeurs de la Révolution sont au coeur de la réflexion proposée, elles ne
sont pas incarnées par l’autrice ou une autre femme qui en serait l’emblème ou la
représentation symbolique (10).
- Plutôt que d’évoquer un portait au singulier, la question nous encourage à
analyser les représentations de la condition féminine dans l'œuvre. Plus encore,
s’il est bien question, dans le début du Postambule notamment, de « réveiller les
femmes » endormies par des siècles de servitude, l’ensemble de l’œuvre ne se
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réduit pas à cette injonction de Gouges (5). En ce sens, la question des « qualités
et défauts de la femme » ne peut être au centre de la démonstration.

2. Parmi ceux que vous avez gardés, sélectionnez-en trois qui pourront constituer
les trois parties d’une réponse au sujet.

Plusieurs réponses sont possibles. Voici une proposition :


5. Un tableau pathétique de la condition féminine : la femme, victime spoliée et méprisée.
7. Portrait de la femme ou des femmes ? Du concept de femme aux situations réelles
vécues par les femmes de son époque.
10. L’image d’une femme égale de l’homme.

Les propositions restantes sont justes dans la mesure où elles rendent compte au moins
d’un aspect de l'œuvre. Reste à savoir si elles sont suffisamment générales pour
permettre le développement de plusieurs arguments.

3. Organisez ces trois parties selon une progression logique.

I. Un tableau pathétique de la condition féminine : la femme, spoliée et méprisée.


II. L’image d’une femme égale de l’homme.
III. Portrait de la femme ou des femmes ? Du concept de femme aux situations réelles
vécues par les femmes de son époque.

Étape 3

Circulez dans l'œuvre à la recherche d’arguments et d’exemples correspondant à chacune


de vos trois parties.

Voici des éléments de correction pour les questions proposées :

a) Dans les articles de la Déclaration, par quelles expressions Gouges rétablit-elle


l’équilibre juridique et social entre l’homme et la femme ?

On peut citer les expressions suivantes qui permettent de montrer une égalité juridique
et sociale entre les sexes, formulée dès l’article premier (« la femme nait libre et demeure
égale à l’homme en droits ») :
- « les droits naturels et imprescriptibles de la femme et de l’homme » (article II)
- « la nation, qui n’est que la réunion de la femme et de l’homme » (article III)
- « toutes les citoyennes et citoyens doivent concourir [à la loi] » ; « toutes les
citoyennes et tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, doivent être également
admissibles » (article VI)
- « Les femmes obéissent comme les hommes à cette loi rigoureuse. » (article VII)
- « les contributions de la femme et de l’homme sont égales. » (article XIII)
- « Les propriétés sont à tous les sexes réunis ou séparés. » (article XVII)

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b) Repérez deux exemples qui illustrent le pouvoir des femmes. Comment Gouges
juge-t-elle cette puissance féminine ?

Les femmes détiennent une certaine forme de pouvoir dans la mesure où leurs charmes,
leur pouvoir de séduction, permettent à certaines d’entre elles de se hisser jusqu’au
sommet de l’État ou des lieux de pouvoir. Leur beauté et leur ruse sont des armes
qu’elles manipulent avec brio mais que Gouges condamne avec fermeté :
- « Le gouvernement français, surtout, a dépendu, pendant des siècles, de
l’administration nocturne des femmes. » L’autrice continue la description en citant
des instances de pouvoir variées (ministère, présidence, pontificat, cardinalat) où
les femmes ont pu influencer les hommes par les stratagèmes de la séduction.
- Plus loin, elle évoque le cas de la femme belle qui « voyait cent fortunes à ses
pieds » : ses charmes, son pouvoir de séduction lui donne un pouvoir économique
(mais qui n’existe qu’aussi longtemps que la femme est jeune et belle et qui
dépend du bon vouloir de l’homme : la richesse ne signifie pas l’indépendance,
mais au contraire la dépendance).
Dans les deux cas, Gouges blâme ce comportement qu’elle associe aux mœurs dépravées
de l’Ancien Régime.

c) Dans son adresse aux hommes, quel argument développe-t-elle pour affirmer
l’égalité entre les femmes et les hommes ? Quelles sont donc les causes de
l’inégalité selon elle ?

Dans « Les Droits de la femme », Gouges développe un argument fondé sur un


raisonnement par analogie : l’observation de la nature et notamment du vivant et plus
largement de toute chose créée au sein de l’univers, permet de montrer que partout
l’élément masculin et l’élément féminin coopèrent en un ensemble harmonieux, l’un
n’étant ni supérieur à l’autre, ni tyrannique à son égard. L’inégalité entre les hommes et
les femmes n’est pas donc naturelle, ne se trouve pas justifiée par la nature mais provient
de la seule outrecuidance de l’homme qui a agi en despote avec celle qui était sa
compagne et son égale. En instaurant un rapport de force et de domination, l’homme agit
contre-nature.

d) Où et pourquoi déclare-t-elle que la situation des femmes depuis la Révolution


est plus critique qu’auparavant ?

Dans le postambule de la Déclaration, Gouges emploie un chiasme percutant pour décrire


la triste situation des femmes à présent que la Révolution a transformé politiquement la
France : « ce sexe autrefois méprisable et respecté, et depuis la Révolution, respectable
et méprisé » (lignes 143-144).

Ce parallélisme de construction accentue le paradoxe qui caractérise la condition des


femmes : sous l’Ancien Régime, les femmes employaient la ruse, le mensonge et la
séduction pour parvenir à influencer les hommes. En cela, elles étaient méprisables selon
Gouges car moralement perverties, faisant appel à des ressources contraires à la nature
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humaine. Mais, par ces divers stratagèmes, elles étaient toutefois respectées par les
hommes qui les admiraient notamment pour leur beauté. Depuis la Révolution, les
femmes sont censées avoir acquis un statut respectable (mais avec sa Déclaration elle
montre justement que ce « respect » est un leurre) ; mais elles sont méprisées par les
hommes qui les privent de droits politiques et les maintiennent ainsi dans un position
d’infériorité.

e) Quel lexique dominant repérez-vous l. 128-144 ?

Le lexique dominant est celui du vice, de la dépravation : « mal » (l. 132), « dissimulation
» (l. 133), « ruse » (l. 134), « charmes » (l. 135), « poison, fer » (l. 136), « crime » (l. 137),
« administration nocturne » (l. 139) « secret » (l. 140), « indiscrétion » (l. 140), « cupidité »
(l. 143).

f) La situation des femmes est-elle désespérée selon Gouges ? Répondez en vous


appuyant sur un passage du postambule.

La situation des femmes n’est nullement désespérée : dans le début du postambule,


Gouges s’adresse avec vivacité aux femmes qu’elle exhorte à se ressaisir de leur véritable
nature. Pleine d’espoir pour l’avenir, elle cherche à montrer le droit chemin en donnant
aux femmes la marche à suivre pour s’émanciper et obtenir la reconnaissance de leurs
droits : « opposez courageusement la force de la raison [...], réunissez-vous sous les
étendards de la philosophie, déployez toute l’énergie de votre caractère, et vous verrez
bientôt ces orgueilleux [...] fiers de partager avec vous les trésors de l’Être suprême »
(lignes 120-125). L’emploi du futur de l’indicatif (« vous verrez bientôt ») montre comment
l’autrice considère la conséquence de cette mise en action des femmes comme
quasiment acquise, comme faisant partie du réel, et non d’un hypothétique coup du sort.

g) Quelles situations, montrant la diversité de la condition féminine, Olympe de


Gouges expose-t-elle au cours de son argumentation ? Donnez des exemples
précis.

La diversité de la condition féminine est abordée par Olympe de Gouges à travers


plusieurs tableaux rapidement esquissés donnant à voir différentes situations
dramatiques vécues par les femmes (lignes 160-188) :
- une femme qui, devenue vieille et ayant perdu le pouvoir de ses charmes, est
laissée par son amant et se retrouve pauvre et méprisée ;
- une jeune femme naïve tombant amoureuse d’un homme qui ne l’épouse pas et
l’abandonne après quelques années sans aucun moyen de subsister, et ce même
s’ils ont des enfants (« si elle a des enfants », écrit Gouges) ;
- une femme pleine de vertus et de talents, mais qui, parce qu’elle est née pauvre,
ne peut tirer aucun bénéfice de son mérite, ne pouvant être reçue à aucune
fonction publique.
Gouges s’arrête là mais conclut sur la nécessité de développer ces réflexions et cet état
des lieux ultérieurement, faisant entendre par là que les exemples sont bien plus
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nombreux et dramatiques encore : « je ne veux donner qu’un aperçu des choses, je les
approfondirai dans la nouvelle édition de tous mes ouvrages politiques ».

h) Quelle est la tonalité dominante l. 160-183 ?


La tonalité pathétique est dominante dans ce passage. On pourra se référer au corrigé de
la lecture linéaire du passage (étude linéaire de l’extrait 4 « Le jouet du mépris ») pour
nourrir les analyses.

Étape 4

Après avoir effectué ce travail, si vous pensez que vos trois grandes parties doivent être
modifiées ou précisées, reprenez-les.

Cette étape cherche à encourager chez les élèves des réflexes de relecture et
d’autocorrection.

Étape 5

Organisez sous forme de plan détaillé les éléments recueillis dans l’étape 3.

I. Un tableau pathétique de la condition féminine : la femme, spoliée et méprisée

- Argument 1 : le sort partagé par toutes les femmes, c’est celui d’un abus de
pouvoir et de force de la part des hommes
→ Analyse des « Droits de la femme » et du « Préambule ».
- Argument 2 : l’autrice expose la situation des femmes à travers différentes
descriptions dramatiques
→ Analyse des lignes 160 à 188.
- Argument 3 : le sort des femmes ne s’est pas vraiment amélioré avec la Révolution
→ « ce sexe autrefois méprisable et respecté, et depuis la Révolution,
respectable et méprisé » (lignes 143-144).

II. L’image d’une femme égale de l’homme

- Argument 1 : La Déclaration cherche à (r)établir les droits de la femme en


instituant une égalité de droits.
→ Analyse des parallélismes de construction dans différentes citations
issues des articles de la Déclaration (II, III, VI, XVII).
- Argument 2 : Il est nécessaire que les femmes cessent de se reposer sur leur
pouvoir de séduction, sur leurs charmes pour essayer d’acquérir des conditions de
vie meilleures.
→ Analyse du blâme de la ruse et de la séduction comme armes des
faibles et de l’Ancien Régime (lignes 128-144)
- Argument 3 : L’égalité des droits n’est pas un idéal chimérique mais une réalité à
faire advenir maintenant pour et par les femmes.
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→ Analyse du début du Postambule où Gouges exhorte les femmes à agir
au présent, en usant de leur raison.

III. Portrait de la femme ou des femmes ? Du concept de femme aux situations réelles
vécues par les femmes de son époque.

- Argument 1 : Une Déclaration assortie de multiples textes (préambule, postambule,


Forme du contrat social, appendice…) aux statuts et enjeux différents
→ Analyse de la volonté de l’autrice d’assortir son texte de lois d’autres
types de prise de parole justifiant sa démarche et son projet féministes par
des analyses pragmatiques et une observation du réel.
- Argument 2 : Olympe de Gouges, une femme parmi les femmes : autoportrait
exemplaire en femme indépendante et égale aux hommes.
→ Analyse de l’appendice où l’anecdote finale, à valeur d’apologue,
s’appuie sur une expérience personnelle de l’autrice.
- Argument 3 : Une Déclaration à l’origine d’une sororité proclamée et à développer.
→ Analyse de la formulation du Préambule « les mères, les filles, les
sœurs » ; une Déclaration adressée à Marie-Antoinette : l’appel de l’autrice
à une sororité qui dépasse les clivages et les conflits.

Étape 6

1. Identifiez le lien entre chacun des textes-échos et l'œuvre étudiée en vous aidant
du guide p. 117.

Les éléments de correction du guide de lecture sont présentés ci-dessous.

2. Complétez votre plan avec ces nouveaux éléments.

● Le texte-écho 1 (Le cri du sage, par une femme, Olympe de Gouges) peut nourrir
l’argument 3 de la première partie ainsi que l’argument 2 de la seconde.

● Le texte-écho 2 (Les Liaisons dangereuses, Choderlos de Laclos) peut servir


d’exemple intéressant à l’argument 2 de la deuxième partie sur la ruse comme
arme des femmes dominées.

● Le texte-écho 3 (Le Mariage de Figaro, Beaumarchais) peut tout à fait nourrir


l’argument 2 de la première partie mais également entrer en écho avec le dernier
argument de la troisième partie.

Guide de lecture

1. Par quels procédés argumentatifs Olympe de Gouges tente-t-elle d’éveiller la


conscience des femmes ?

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De la même manière que dans le début du Postambule où elle s’adresse avec franchise et
sévérité aux femmes, Olympe de Gouges use des procédés de l’exhortation que sont :
- l'apostrophe directe avec interjection lyrique « ô femmes ! »
- l’usage de nombreuses questions rhétoriques visant à impliquer le destinataire
dans un raisonnement actif : « Qu’avez-vous fait ? Qu’avez-vous produit ? »
- la modalité exclamative avec anaphore du ô lyrique dans le second paragraphe :
« ô sexe, tout à la fois séduisant et perfide ! [...] ô vous, qui avez égaré les
hommes ».
- l’emploi d’antithèses mettant en valeur le paradoxe qui anime le tempérament
des femmes : « Ô sexe tout à la fois faible et tout-puissant ! »
- le déploiement d’un lexique dépréciatif qui participe du blâme des femmes :
« vous avez abandonné », « vous avez éloigné » « vous haïr, vous mépriser »,
« sexe [...] perfide » « sexe [...] trompeur » « [vous] avez égaré les hommes ».

2. Quelles critiques l’autrice adresse-t-elle aux femmes ?

L’autrice reproche aux femmes d’être responsables du mépris que les hommes leur
portent en ces moments de troubles révolutionnaires. Par leur attitude séductrice et
trompeuse, par leurs manigances et leurs ruses, les femmes ont perdu tout crédit auprès
des hommes qui ne peuvent pas leur témoigner confiance et respect.

3. Comment la Marquise caractérise-t-elle l’éducation qu’elle a reçue et celle qu’elle


s’est elle-même forgée ?

L’éducation qu’elle a reçue, conçue pour faire des filles des êtres silencieux, passifs,
dociles et distraits, permet de les garder sous tutelle, dans un état d’ignorance et de
naïveté qui confine à la bêtise.

L’éducation qu’elle se forge est toute autre : il s’agit de duper le monde pour mieux s’en
émanciper, pour gagner sa liberté tout en faisant croire à tous qu’elle répond
parfaitement au rôle qu’on attend d’elle, celle d’une jeune femme obéissante et se
conformant aux codes sociaux. C’est une éducation de l'artifice, du stratagème et de la
ruse.

4. En quoi la stratégie qu’elle développe est-elle une stratégie de survie ?

Pour la Marquise, duper le monde est le seul moyen dont elle dispose pour y occuper une
véritable place. Sinon, c’est l’ennui mortifère qui aurait eu raison d’elle et l’aurait
conduite à une existence fade et morne. La ruse qu’elle élabore, le rôle qu’elle se
construit et le jeu de dupe qui en découle sont les seules armes dont elle dispose pour
exister dans un monde d’hommes où la femme est cantonnée à une existence
entièrement passive et dictée par l’autre sexe.

5. En quoi consiste l’injustice subie par les femmes selon Marceline ?

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Marceline dénonce l’injustice dont sont victimes les femmes dans la société d’Ancien
Régime où le fonctionnement même de la société et les rapports entre les sexes les
pénalisent. En prenant appui sur sa situation personnelle, elle démontre comment les
femmes, même sages et vertueuses, sont poussées à la faute et n’en sont jamais
véritablement quittes aux yeux de la société patriarcale dans laquelle elles vivent.
Éduquées pour être maintenues dans l’ignorance, devant subvenir à leurs besoins sans
possibilité d’exercer librement un métier (on commentera alors le passage sur les métiers
de la couture), les jeunes femmes modestes sont souvent réduites à succomber à des
hommes qui les séduisent et les abandonnent sans aucun engagement leur garantissant
une protection. La loi est faite par les hommes et pour eux, en protégeant ces
comportements irresponsables qui conduisent de nombreuses femmes à une vie de
pauvreté et d’opprobre.

6. Celle-ci est-elle commune à toutes les conditions sociales ? Expliquez.

L’injustice subie par les femmes ne concerne pas que les femmes de condition modeste.
Dans sa dernière réplique, Marceline élargit son propos en prenant l’exemple des femmes
de condition aisée : là encore, les femmes sont réduites à une forme de servitude
puisqu’elles sont dépossédées de leurs biens par le mariage et condamnées beaucoup
plus fermement que leurs époux pour les mêmes fautes (l’adultère par exemple).
Résumant ce paradoxe sous la forme d’un parallélisme de construction (« traitées en
mineures pour nos biens, punies en majeures pour nos fautes »), Marceline montre l’état
d’assujettissement dont sont victimes les femmes de la haute société. Certes, elles n’ont
pas à se battre pour subvenir à leurs besoins, garantis par un mariage qui les protège de
la misère, mais elles sont réduites à un pur rôle d’apparat, n’obtenant des hommes
qu’une « considération dérisoire ».

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Le mariage : esclavage féminin ou contrat égalitaire ? (p. 118-
121)

Objectifs pédagogiques généraux

Les quatre études thématiques proposées ont pour but de permettre une étude
approfondie de l'œuvre au programme. En complément des études linéaires sur l'œuvre,
elles sont conçues pour préparer en priorité l’épreuve de la dissertation et développer
des connaissances précises, nécessaires pour la construction d’une argumentation
personnelle propre à cette épreuve. Alternant analyses de détail et questions de
synthèse, analyses sur l'œuvre et résonances avec des textes complémentaires, chaque
étude propose une plongée et une traversée dans l'œuvre à partir d’un thème
embrassant ses enjeux majeurs.

Chaque étude est indépendante des trois autres : le temps à y consacrer est très variable
et les mises en œuvre pédagogiques, détaillées plus bas, peuvent être différentes.

Objectifs pédagogiques

Pour l’activité 1, être capable de :


● approfondir sa connaissance de l'œuvre, et notamment du postambule de la
Déclaration, en travaillant spécifiquement sur les propositions supplémentaires
formulées par Olympe de Gouges ;
● s’approprier l'œuvre en mettant ses connaissances au service d’un écrit
d’invention ;
● réinvestir ses connaissances sur le style et l’éloquence de l’autrice ;
● résumer, expliquer et présenter avec précision et justesse l’argumentation et la
pensée de l’autrice ;
● faire preuve de créativité et d’originalité.

Pour l’activité 2, être capable de :


● travailler collaborativement à un projet de classe ;
● développer ses compétences en commentaire de texte ;
● proposer une lecture expressive ;
● opérer des liens thématiques et/ou formels entre plusieurs extraits littéraires.

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Mise en œuvre pédagogique

L’activité 1 est proposée en binôme pour permettre des échanges entre les élèves et une
répartition du travail. L’étape 1 peut être commencée en classe lors d’une séance (une
heure) puis se terminer lors d’un temps de travail personnel. Les étapes 2 et 3 peuvent se
faire à la maison et donner lieu à un rendu sous forme de DM. On pourra proposer alors
aux élèves de réaliser l’étape 2 grâce à un outil d’écriture collaborative de type Framapad
(ou Pad disponible sur l’ENT du lycée) qui facilite les échanges, la répartition de l’écriture
et permet à l’enseignant(e) de vérifier que chaque membre du binôme s’est investi
suffisamment.

L’activité 2 proposée permet un pas de côté vis-à-vis du programme stricto sensu tout en
permettant de travailler les compétences essentielles de l’oral et du commentaire de
texte à l’écrit. Certains textes proposés dans l’anthologie peuvent d’ailleurs servir
d’exercices de type bac pour le commentaire dans la mesure où ce sont des extraits de
genre narratif et théâtral, correspondant aux bornes chronologiques de l’épreuve écrite
sur texte inconnu. Plusieurs scénarios pédagogiques sont proposés notamment pour
rendre l’activité moins chronophage en classe. Enfin, pour permettre un projet de classe
(35 élèves) permettant aux élèves de travailler en binôme sur un texte différent, d’autres
propositions de texte sont faites ci-dessous, dans la correction de l’activité 2.

Éléments de corrigés

Activité 1

Étape 1

Thématique · Observation de la nature

1. Complétez la phrase suivante en relisant les pages 29 et 30 : « Dans la nature,


l’élément féminin et l’élément masculin... »

Plusieurs réponses sont possibles tant qu’elles mettent en évidence l’idéal d’harmonie et
de coopération qu’Olympe de Gouges relève dans la nature. « Dans la nature, l’élément
féminin et l’élément masculin se trouvent unis et indifférenciés, sans rapport de
domination l’un par rapport à l’autre »

2. Illustrez votre propos par une citation pertinente.

Lignes 11 à 14 : « Cherche, fouille et distingue, si tu peux, les sexes dans l’administration


de la nature. Partout tu les trouveras confondus, partout ils coopèrent avec un ensemble
harmonieux à ce chef-d'œuvre immortel. »

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Thématique · Définition du statut et du rôle de la femme vis-à-vis de l’homme

1. a) Quel terme emploie-t-elle pour définir la femme injustement oubliée ?

« Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne » (l. 104-105)

b) Quel est le sens étymologique de ce mot ?

« Compagne » est issue du mot « compangne » (2 e moitié du XIIe siècle) qui signifie « celle
qui accompagne quelqu’un, qui vit habituellement auprès de quelqu’un ». Le terme est
lui-même issu de l’ancien français « compain » (qui donne en français moderne
« compagnon » et « copain »), mot qui s’est formé à partir des termes latins « cum »
signifiant « avec » et « panis » désignant le pain. Littéralement, la compagne est celle
avec laquelle on partage son pain. Choisir ce terme, c’est mettre en évidence l’idée de
« mise en commun », de partage et d’entente entre deux individus.

c) À quels mots l’opposeriez-vous ?

Le terme « compagne » n’a pas la même connotation que les termes « épouse » ou
« femme » (comme pendant du « mari ») qui mettent l’accent sur le lien marital institué
socialement entre un homme et une femme. En choisissant le terme « compagne »,
Olympe de Gouges se place sur un plan théorique où le lien naturel qui existe entre
l’homme et la femme est celui d’un partage et d’une cohésion, d’un secours mutuel
comme l’indique la manière dont elle résume l’épisode révolutionnaire au début du
Postambule : « l’homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux
tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne » (l.
103-105). En choisissant de ne pas employer les termes juridiques (« épouse », « femme »
par opposition au « mari »), l’autrice insiste sur le lien originel égalitaire qui existe selon
elle entre les deux sexes. Critiquant par la suite les liens conjugaux tels qu’ils existent
sous l’Ancien Régime et qu’elle juge en partie responsables du renforcement des
inégalités et de l’oppression subie par les femmes, l’autrice cherche à montrer comment
la société a perverti des rapports initialement harmonieux entre les deux sexes.

2. Quels liens faites-vous entre ce mot et la « Forme du contrat social » imaginée


entre l’homme et la femme ?

Le terme « compagne » est par conséquent le terme qui convient le mieux pour définir les
rapports sains qui devraient exister et se développer entre les deux sexes selon l’autrice.
C’est dans cette perspective qu’elle propose à la suite de sa Déclaration des droits de la
femme et de la citoyenne une « Forme du contrat social de l’homme et de la femme » où
elle définit précisément ces nouveaux liens, ces liens de « compagnonnage », qui
unissent librement et dans un rapport égalitaire les deux sexes. Cette « Forme du contrat
social » s’oppose donc au mariage, vu par l’autrice comme une institution obsolète et
foncièrement inégalitaire, instituant de fait une domination de l’homme sur la femme.

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14
Thématique · Situation conjugale sous l’Ancien Régime

1. a) Dans le postambule, repérez le(s) passage(s) où l’autrice montre le déséquilibre


caractérisant le mariage sous l’Ancien Régime.

Olympe de Gouges développe sa critique du mariage notamment aux pages 41 à 43


lorsqu’elle s’attache à décrire les rapports de force entre les hommes et les femmes dans
la société de l’Ancien Régime où, selon elle, « tout était vicieux, tout était coupable ».
N’ayant que la ruse et la dissimulation comme armes, les femmes restent cantonnées à
un rôle de séductrice dont elles jouent pour se faire une position enviable au sein de la
société. Le mariage s’inscrit dans cet univers perverti, fondé sur le mensonge et la
tromperie et où les femmes n’ont pas d’autre recours que celui de la stratégie pour vivre
et même survivre : si elles n’usent pas de leurs charmes, si elles choisissent l’honnêteté,
elle sont dépréciées (associées à de « mauvaise[s] tête[s] » l. 155), rejetées ou tout
simplement perdues puisqu’il leur est presque impossible de vivre sans recourir à la
protection d’un homme, soit par les liens du mariage soit par le recours à un amant
généreux. Le déséquilibre qui caractérise le mariage repose donc sur la confiscation du
pouvoir économique (« l’or » ou « la fortune » sous la plume de Gouges) par les hommes
dont les femmes ne peuvent jouir qu’en contractant des liens fallacieux.

b) Que détient l’homme que ne détient pas la femme ?

L’homme détient le pouvoir économique, qui lui permet de « s’offrir » les faveurs des
femmes, mais qui lui garantit surtout une forme d’indépendance tout au long de sa vie.
Acquise par la naissance ou par la possibilité de travailler, l’homme dispose toujours des
moyens de faire fortune, ce qui n’est pas permis aux femmes. Un homme né pauvre, s’il a
du mérite et des vertus, peut s’enrichir là où la femme, partant de la même situation, est
vouée à « la pauvreté et l’opprobre » (l. 183).

c) En quoi cette inégalité est-elle préjudiciable à la femme ?

La femme souffre de ne pas pouvoir acquérir son indépendance par la possibilité de


travailler librement et ainsi « faire fortune ». Cette impossibilité la contraint à rester
dépendante d’un homme : son père lorsqu’elle n’est pas mariée, puis son mari qui prend
possession de ses biens ou encore un amant qui subviendra à ses besoins matériels.

2. a) Que détient cependant la femme ?

La femme détient la beauté, les charmes dont elle va se servir pour attirer les hommes
susceptibles de lui assurer protection et confort matériel, ou encore pour lui permettre
d’intégrer les cercles réduits du pouvoir afin de les influencer.

b) En quoi ce capital est-il fragile et même inconsistant ?

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15
Ce capital est très fragile puisqu’il diminue irrémédiablement avec le temps : les charmes
s’effacent et la beauté s’affadit ; devenues vieilles, les femmes n’ont plus de pouvoir ni
d’influence. Leurs amants les délaissent. Si elles ne peuvent subvenir à leurs besoins par
une indépendance financière, et si elles ne bénéficient pas de la protection du statut
marital, elles sont réduites à la pauvreté.

3. Expliquez l’image employée par Gouges pour définir les rapports asymétriques au
sein du couple.

Gouges reprend l’image de l’esclavage pour définir les rapports au sein d’un couple, sans
préciser d’ailleurs s’il s’agit d’un couple marié ou non : « la femme que l’homme achète,
comme l’esclave sur les côtés d’Afrique » (l. 162).
Cette comparaison associant la femme à une esclave évoque donc la transaction
financière qui régit les rapports entre les sexes, transaction qui déséquilibre forcément le
couple puisque l’un détient le capital économique (la « fortune » pour reprendre le terme
employé par l’autrice) là où l’autre, soit ne peut en disposer librement, soit n’a pas la
possibilité d’en constituer un comme sa véritable propriété. L’homme achète la femme
comme une esclave, parce qu’il subvient à ses besoins et pourvoit à son confort matériel
en échange de ses faveurs.

Thématique · Risques de l’union hors mariage

1. Quels exemples Olympe de Gouges prend-elle pour montrer les dangers des
relations hors mariage pour les femmes ?

Olympe de Gouges prend tout d’abord l’exemple d’une femme entretenue par un riche
amant qui, une fois vieille et ayant perdu tous ses charmes, se retrouve abandonnée et
donc pauvre (l. 165). Elle évoque également le cas d’une jeune femme qui vit pendant des
années avec un homme qui l’aime mais qui l’abandonne quelques années plus tard. Dans
tous les cas, qu’elle ait eu des enfants ou non avec cet homme, que celui-ci soit déjà
marié ou non, il pourra l’abandonner sans crainte d’être poursuivi tandis qu’elle devra
subvenir seule aux besoins de sa famille sans avoir véritablement les moyens honnêtes
de subsister.

2. La juridiction de l’Ancien Régime sur ce point est-elle favorable aux femmes ?


Expliquez en lisant la page 60 et LLS.fr/DDFCStatutSocial.

La juridiction de l’Ancien Régime est défavorable aux femmes, plus encore lorsque celles-
ci ne sont pas mariées. La conception des enfants hors du cadre marital pénalisent par
exemple grandement les femmes qui sont contraintes d’accoucher loin de chez elles et de
quitter leur famille pour élever seule leur enfant afin d’éviter la honte sociale (Texte 3 p.
60). Le statut de mère ne donne aucun droit sous l’Ancien Régime s’il n’est pas corrélé au
statut d’épouse, liant ainsi la femme à un homme.

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Thématique · « Le mariage est le tombeau de la confiance et de l’amour »

1. Quelle figure de style repérez-vous dans cette citation ?

Il s’agit d’une métaphore.

2. Commentez-la en résumant l’argumentation qui suit directement la thèse


formulée dans cette phrase.

Olympe de Gouges associe l’institution maritale à un état mortifère qui brise les liens
originels unissant l’homme et la femme, à savoir la confiance et l’amour. En effet, le
mariage encourage selon l’autrice des rapports corrompus entre les époux comme
l’exemplifie le cas des enfants issus d’un adultère féminin : la femme peut donner
naissance à un enfant dont le père n’est pas son mari tout en faisant passer cet enfant
pour l’héritier du couple. Inversement, un enfant qu’elle aurait eu avec un homme avec
lequel elle n’est pas mariée n’a aucune chance d’hériter des biens et du nom de son
véritable père. À travers cet exemple, l’autrice cherche à montrer que le mariage est une
institution où l’homme et la femme peuvent mentir et se tromper mutuellement : il n’a
pas été institué pour engendrer une relation harmonieuse entre un homme et une femme
mais pour perpétuer des rapports de domination majoritairement préjudiciables aux
femmes et aux enfants : la filiation qui découle de l’institution maritale par exemple
s’accommode du mensonge et du secret parce qu’elle contribue à réduire
considérablement la perte ou la dilapidation des biens patrimoniaux, c’est-à-dire les
biens du père.

3. Après avoir relu les pages 41 à 43, montrez en quoi le mariage, selon Gouges, est
porteur des vices de l’Ancien Régime.

Institution de l’Ancien Régime, période de l’Histoire qu’Olympe de Gouges définit comme


un temps où « tout était vicieux, tout était coupable », le mariage comporte
intrinsèquement les vices de l’époque dans laquelle il s’est très largement déployé. Le
mariage est fondé sur les principes du mensonge et de la spoliation. Il est en ce sens
contre-nature, ne permettant pas à l’homme et la femme de développer des liens d’union
véritable, fondés sur une égalité de statut. Parce qu’il maintient la femme dans un rôle
subalterne et qu’il permet voire encourage, parallèllement à lui-même, le « commerce
des femmes » (l. 156), c’est-à-dire le vaste réseau des femmes entretenues par des
hommes auxquels elles offrent leurs charmes, le mariage est une institution obsolète
pour les temps révolutionnaires censés épurer les mœurs. Considérée comme une
protection à laquelle les femmes doivent consentir pour ne pas tomber dans l’opprobre
ou la honte, le mariage relève d’une conception inégalitaire du couple et de la famille : la
femme signe un contrat aux clauses déséquilibrées, qui l’obligent à se soumettre à une
volonté extérieure pour être durablement protégée. Dans un lexique et avec des analyses
plus modernes, nous pourrions dire que Gouges critique la dimension patriarcale du
mariage et propose avec sa forme de contrat social un modèle plus équilibré qui ne
pénalise ni la femme ni les enfants de chacun des membres de l’union.
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Thématique · Propositions

1. Dans le postambule, repérez les passages où l’autrice propose une solution


concrète à l’injustice vécue par les femmes dans le mariage.

Gouges formule une proposition concrète pour remédier au déséquilibre présent dans la
situation conjugale et dont les femmes sont les premières victimes : il s’agit d’opérer le
« partage des fortunes entre les hommes et les femmes, et de l’administration publique »
(l. 179), donc de réformer d’abord totalement le système conjugal et patrimonial, jusqu’ici
patriarcal puisqu’il favorise toujours l’héritier masculin sur l’autre sexe. Si les hommes et
les femmes héritent à égalité des biens de leurs ascendants, le contrat de mariage s’en
trouve totalement bouleversé en laissant la possibilité aux femmes d’être indépendantes
d’un point de vue économique. De la même manière, l’accès paritaire aux emplois de
l’administration publique transformera radicalement la société en permettant aux
femmes d’obtenir à une forme d’autonomie, à celles issues d’une famille pauvre mais qui
auraient « du mérite et des vertus » de sortir par elles-mêmes de la pauvreté sans rien
devoir à un mari.
« La forme du contrat social de l’homme et de la femme » qu’elle décrit juste après cette
proposition se présente alors comme la formulation des différentes clauses de ce
nouveau contrat d’union qui remplacerait favorablement le mariage devenu pour l’autrice
obsolète : le partage de la fortune y est de nouveau évoqué, notamment en cas de
séparation du couple.
Plus loin encore, l’autrice élargit son propos en demandant des lois en faveur des veuves
et des femmes en union libre en prévoyant des compensations financières.

2. a) Dans la « Forme du contrat social de l’homme et de la femme », à qui Gouges


reprend-elle l’expression « contrat social » ? Lisez le texte-écho proposé à la
page suivante.

L’expression est reprise du philosophe Jean-Jacques Rousseau qui, en 1762, soit


quasiment trente ans auparavant, avait publié Du Contrat social, un essai politique
devenu extrêmement célèbre sur le « pacte social » ou « contrat » qui permet à une
société d’être constituée de citoyens libres et égaux en droits. Olympe de Gouges, grande
lectrice et admiratrice du philosophe, entretient en quelque sorte une forme de dialogue
ininterrompu avec les réflexions rousseauistes dans le cadre de ses propres écrits. Ainsi
Le Bonheur primitif de l’homme ou Rêveries patriotiques, publié en 1789 proposait déjà
une forme de réflexion politique fortement inspirée du Discours sur l’origine de l’inégalité
parmi les hommes de Rousseau (1755). Ici, la « Forme du contrat social de l’homme et de
la femme » transpose les réflexions rousseauistes menées sur la constitution de la
société humaine au niveau du noyau conjugal, sorte de micro-société où les deux parties,
sorties de l’état de nature, contractualisent en vue d’assurer leur bonheur mutuel le
temps de leur union.

b) Quelle définition en donne cet auteur ?


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Rousseau définit le contrat social comme les conventions que les êtres humains adoptent
entre eux lorsqu’ils sortent de l’état de nature où ils ne formaient pas « société ». Il est la
solution permettant aux êtres humains de rester libres tout en étant individuellement
protégés. Chaque individu cède son autorité à la volonté générale en échange de quoi il
bénéficie de la garantie de sa liberté et de la protection de sa personne et de ses biens.
En ce sens, puisque chaque individu cède son autorité à la volonté générale, chaque
individu est égal à tout autre individu. C’est librement et communément que tous les
êtres humains cèdent leurs droits naturels pour acquérir des droits garantis par la
société.

c) Quels échos en trouve-t-on dans la proposition d’Olympe de Gouges ?

Dans la « Forme du contrat social de l’homme et de la femme », Olympe de Gouges définit


les liens unissant l’homme et la femme comme une mise en commun des biens et
possessions (« nous entendons et voulons mettre nos fortunes en communauté », l. 205)
de la même manière que Rousseau reformule le contrat social sous la forme suivante :
« Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance » en vue de la
protection de « la personne et des biens de chaque associé », ce que les conventions
conjugales doivent également garantir selon l’autrice. Chez Rousseau comme chez
Gouges, le contrat est consenti entre individus libres et selon leur propre volonté.

Plus largement, les réflexions que mène Rousseau dans Du Contrat social irriguent en
profondeur la pensée de l’autrice concernant les relations entre les hommes et les
femmes, fondées sur un déséquilibre des forces : par exemple, le philosophe définit
l’esclavage comme illégitime au sein d’une société de droit, ce que Gouges reprend pour
condamner le rapport déséquilibré qui régit les deux sexes. « Je fais avec toi une
convention toute à ta charge et toute à mon profit, que j’observerai tant qu’il me plaira et
que tu observeras tant qu’il me plaira » : cette définition de l’esclavage par Rousseau
pourrait tout à fait paraphraser la situation que Gouges décrit des rapports
hommes/femmes où ces dernières s’aliènent pour leur subsistance. Quand la monnaie
d’échange dont use la femme s’est tarie (sa beauté, ses charmes), elle ne peut même plus
subsister.

3. a) Sur quel sentiment repose le contrat social de l’homme et de la femme selon


Gouges ? Référez-vous aux pages 44 et 45.

Il repose sur l’amour, sentiment décrit comme possiblement éphémère. En ce sens, le


contrat entre l’homme et la femme peut être résilié à tout moment. Olympe de Gouges le
formule dès la première phrase du contrat en soumettant l’union à « la durée de nos
penchants mutuels » (l. 203-204).

b) En quoi est-ce novateur ?

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Le mariage ne repose pas essentiellement sur le sentiment amoureux entre les deux
époux ; par ailleurs, considéré comme un acte sacré réalisé devant Dieu, le mariage
(toujours religieux au XVIIIe siècle) ne peut être brisé puisqu’il a impliqué la volonté de
Dieu. Les conventions conjugales proposées par Gouges peuvent au contraire être
résiliées à tout moment puisque le contrat d’union contient une clause spécifique en cas
de séparation. Dès lors, le contrat selon Gouges autorise le divorce, qui sera institué en
France l’année suivante (1792), au moment où le mariage devient un contrat civil et non
plus seulement religieux.

4. Qui est susceptible de s’élever contre les propositions de l’autrice ? Pourquoi ?

Les membres du clergé, que l’autrice désigne sous les qualificatifs de « tartuffes »,
« bégueules » (l. 222) et qu’elle associe de manière provocante à l’enfer, peuvent tout à
fait s’élever contre la forme de mariage civil qu’elle propose. En effet, se fondant sur une
conception religieuse du mariage, où l’union se trouve sacrée par la volonté de Dieu, les
hommes d'Église ne reconnaissent pas la valeur de toute autre forme de liens conjugaux.
Le mariage, dans leur perspective, ne peut être rompu puisque l’homme ne peut
décemment détruire ce que Dieu lui-même a béni ; la possibilité de la séparation,
envisagée par Gouges dès la rédaction du contrat d’union, reste inconcevable dans une
perspective catholique.

5. En quoi ce contrat social favorise-t-il également la descendance et propose-t-il


une nouvelle définition de la filiation ?

Ce contrat social favorise la descendance des deux membres de l’union puisque le


partage de la fortune se fait de manière équitable entre les différents enfants du couple,
que ces derniers soient issus du lit conjugal ou de relations extraconjugales. De même
pour le nom, qui échoit naturellement aux enfants reconnus par l’un ou l’autre parent :
l’existence d’ « enfant illégitime » ou de « bâtard » disparait pour laisser place à une
conception plus large de la famille et de la filiation qui se trouve totalement dissociée de
la question du mariage. C’est notamment ce qu’illustre l’exemple de ce riche libertin qui,
entretenant des relations avec une femme mariée pauvre, pourrait reconnaitre les
enfants qu’il a eus avec cette femme, en faire naturellement ses héritiers sans épouser la
mère de ses enfants : les liens du sang sont toujours légitimes dans la perspective de
l’autrice et surpassent les liens sociaux dans lesquels Gouges inclut le mariage.

Étape 2

Rédigez votre entretien en proposant au minimum une douzaine de questions et de


réponses. Prenez soin de respecter l’éloquence de l’autrice, analysée notamment dans
l’étude thématique 3 (▶ p. 122 à 127).

On pourra valoriser les travaux des élèves qui, dans la construction de cet entretien, ont
su :
- reprendre les éléments étudiés au moyen de la trame proposée dans l’étape 1 ;
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20
- reformuler avec clarté et précision la pensée de l’autrice en se l’appropriant
pleinement ;
- alterner différents types de questions (ouvertes, fermées, à visée didactique, à
visée polémique…) ;
- varier les approches de la thématique proposée en en montrant différentes
facettes ;
- proposer un entretien dynamique, vivant, et proche du style et de l’éloquence
d’Olympe de Gouges.

Étape 3

Présentez votre entretien à la manière d’un journal de l’époque, en vous inspirant par
exemple des journaux accessibles sur Gallica LLS.fr/DDFCJournaux et en vous servant
d’un outil de mise en page comme Canva.

On pourra valoriser les travaux faisant preuve d’originalité et de créativité, d’un sens du
détail ou qui témoignent d’une recherche supplémentaire quant à la présentation
graphique fidèle aux procédés de l’époque.

▶ Activité 2 (numérique)

À partir d’un florilège d’extraits, réalisez collectivement une anthologie orale sur
l’expérience du mariage de l’Antiquité à nos jours.

En fonction du temps disponible, du niveau de la classe et des enjeux pédagogiques à


privilégier, nous proposons une extension de cette activité grâce à des ressources
complémentaires permettant le même type d’exercice avec 18 extraits différents. Ce vaste
choix de textes permet de mobiliser 36 élèves en binômes. L’activité peut être menée sur
plusieurs séances consécutives ou sur plusieurs temps pendant l’année, quelques textes
pouvant d’ailleurs servir d’entrainement pour l’épreuve écrite de commentaire sur texte
inconnu.

Étape 1

Retrouvez un corpus de sept textes d’époques, de genres, d’autrices ou d’auteurs


différents, traitant du thème du mariage. Formez des groupes, tirez au sort l’un des
textes proposés et inscrivez vos noms dans la colonne de droite.

Cette étape ne nécessite pas de corrigé particulier.

Étape 2

Lisez attentivement votre texte en vue de réaliser ensemble une mise en voix expressive
qui fera apparaitre votre interprétation du passage. Au sein de votre groupe, discutez
ensemble :
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21
- du sens du texte et de la vision du mariage qui y est à l’œuvre

Extraits Choix énonciatifs et Description du mariage / Tonalité


relation entre les dominante
Aspects de la relation conjugale
personnages
- Description des difficiles conditions d’une
1. Euripide, Médée, Médée s’adresse aux Polémique et
épouse.
-431, traduit du femmes de Corinthe. tragique.
- Le mariage est une alliance funeste qui
grec ancien par Elle s’affirme comme
prépare la femme à un destin tragique.
Marie Delcourt- le porte-parole des
Curvers. femmes de son - Parole déjà vengeresse de Médée qui
époque. refuse la soumission imposée par son mari
et par les hommes en général.
- Le mariage repose sur un rapport
2. Molière, L’École Dans une longue Satirique.
déséquilibré qui oppose la supériorité et la
des Femmes, 1662. tirade, Arnolphe,
toute-puissance de l’homme à
vieillard égoïste et
l’enfermement et à la soumission de la
misogyne, s’adresse à
femme.
celle qu’il veut
- Le mariage n’est que contraintes et devoirs
épouser, la jeune
pour l’épouse qui, réduite à un rôle d’esclave
Agnès.
ignorante, doit obéissance et fidélité à son
mari.
- La vie des femmes est faite
3. Voltaire, Dialogue entre l’abbé Polémique et
d’incommodités et de souffrances
Femmes, soyez de Châteauneuf et la satirique.
physiques évoquées de manière crue.
soumises à vos maréchale de
- Si l’infériorité physique des femmes
maris, 1768. Grancey.
semble établie, il s’agit toutefois de
revendiquer une égalité hommes-femmes
qui doit se déployer dans de nombreux
domaines : familial, social, politique,
religieux.
- Dénonciation d’un système social fondé
sur l’autorité des hommes.
- Rejet par Indiana du modèle traditionnel
4. George Sand, Confrontation entre Polémique et
de l’épouse soumise et obéissante
Indiana, 1832. Indiana et son mari satirique.
correspondant au statut de la femme,
autoritaire, le colonel
mineure à vie, selon le Code civil en
Delmare.
vigueur.
- Pour le colonel, l’épouse est réduite à
exercer des tâches domestiques ou à
s’occuper d’actions frivoles méprisées par
les hommes.
- Le mari a toute autorité sur son épouse et
peut exercer sur elle des violences
physiques.
- Prise de conscience nécessaire de la
5. Benoîte Groult, Benoîte Groult fait Polémique et
valeur et des compétences intellectuelles,
Ainsi soient-elles, mine d’interpeller des satirique.
morales, physiques des femmes qui doivent
1975. femmes reconnues
refuser de se réaliser dans et par le
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mariage.
pour leurs combats
- Au-delà de la volonté pour une femme de
ou leurs exploits afin
refuser désormais le silence et la
de contester leur
résignation de la soumission, B. Groult
marginalisation dans
conteste une législation et des mœurs
l’esprit des hommes.
jugées archaïques.
L’énonciation devient
- Appel à la généralisation de cette prise de
plus impersonnelle
conscience auprès de toutes les femmes.
dans les deux
derniers paragraphes.
- Condamnation sous-jacente d’un système
6. Laetitia Lackschmama Pathétique.
héréditaire qui discrimine doublement
Colombani, La s’adresse à Smita et
Smita : en tant que femme située tout en
Tresse, 2017. sa fille et leur dévoile
bas de l’échelle des castes et en tant que
les difficultés
veuve, rejetée par la société et par sa
inhérentes à la
famille.
condition d’une
femme veuve. - Sous la forme de constats, évocation
d’une existence de femme, minorée,
empêchée, sans cesse exclue dès lors que
les liens du mariage sont rompus.
- Prise de conscience des traumatismes
7. Djaïli Amadou Le père puis la mère Pathétique.
engendrés par la polygamie, le mariage
Amal, Les s’adressent à leur
précoce et forcé, ainsi que par les violences
Impatientes, 2020. fille, Hindou, la
conjugales.
narratrice, pour lui
- Par le terme peul « munyal », par les
faire leurs
propos incontestés du père de famille,
recommandations sur
critique d’un système patriarcal qui oblige
sa future vie de co-
les femmes à une obéissance et à une
épouse.
soumission totale au père, au frère, au
mari.
- Grande vulnérabilité des femmes
sommées d’accepter de manière fataliste
un destin d’épouses qui ne sera que
tourments et violences.

- de l’appartenance du texte à un genre spécifique

Extraits Genre littéraire Lecture expressive


1. Euripide, Médée, - Théâtre. On sera attentif(ve) au :
431 - rythme des vers, en particulier des effets produits par les
traduit du grec enjambements et les rejets ;
ancien par Marie - à l’éloquence désespérée de Médée qui parle de sa
Delcourt-Curvers. condition d’épouse, au nom de toutes les femmes ;
- à l’effet produit par les apostrophes généralisantes qui
brisent le quatrième mur et interpellent les
spectateurs(trices).
2. Molière, L’École Théâtre. On sera attentif(ve) au :
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des Femmes, 1662.
- respect de la versification (-e final des mots,
diérèses, enjambements...) ;
- rythme et à la longueur des phrases : la
première phrase court sur 10 vers ; attention
également à la structure binaire de certains
vers ;
- au changement des intonations à l’intérieur
de la tirade afin de rendre la lecture vivante.
3. Voltaire, Femmes, Dialogue On sera attentif(ve) au :
soyez soumises à vos philosophique. - choix du dialogue qui confère dynamisme et théâtralité à
maris, 1768. l’extrait ;
- aux prises de parole très éloquentes de la maréchale de
Grancey : succession de questions oratoires, anaphores, des
modalisations qui expriment une critique virulente des
rapports homme-femme.
4. George Sand, Roman – L’extrait On sera attentif(ve) au :
Indiana, 1832. prend la forme - choix du dialogue qui confère dynamisme et théâtralité à
d’un dialogue l’extrait : on sera sensible en particulier au jeu de
romanesque. questions / réponses et au rythme vif de l’échange ;
- aux effets de tension entre les personnages, perceptibles
aux jurons, au lexique de la domination et de l’esclavage ;
- aux verbes introducteurs de dialogue qui renseignent sur
les intonations de lecture et les relations entre les
personnages.
5. Benoîte Groult, Essai. On sera attentif(ve) à :
Ainsi soient-elles, Le premier - la longueur de la première phrase qui, par sa structure
1975. paragraphe prend accumulative, énumère le nom de quelques femmes
la forme d’un illustres ;
discours adressé à - les passages où l’implication de l’autrice est marquée par le
des femmes ayant choix d’une énonciation personnelle, d’un lexique dépréciatif
marqué l’Histoire ou par l’ironie.
par leur réussite
ou leurs combats.
6. Laetitia Roman – L’extrait On sera attentif(ve) à :
Colombani, La Tresse, inclut différentes - la succession voire à l’imbrication des différentes formes
2017. formes de paroles de paroles rapportées ;
rapportées.
- la présentation d’un double point de vue féminin sur la
condition de la femme mariée et de la veuve qui confine à la
même dénonciation.
7. Djaïli Amadou Roman. On sera attentif(ve) aux :
Amal, Les - changements d’intonation selon l’identité et l’état d’esprit
Impatientes, 2020. du personnage : autorité du père, acceptation forcée de sa
condition par la mère dont la prise de parole oscille entre
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défaitisme désespéré et expression d’une leçon de vie ;
- à la charge émotionnelle de la prise de parole de la mère
d’Hindou.

- de sa construction

Extraits Texte en prose Progression Passage(s) Éléments


ou en vers important(s)* stylistiques
Force persuasive de
1. Euripide, Texte en vers. Double oscillation de Les cinq derniers vers
la tirade :
Médée, -431, l’extrait : de l’évocation stigmatisent
- progression de
traduit du grec désespérée de son sort l’opposition entre les
l’énonciation ;
ancien par personnel à celle non sexes et annoncent
- apostrophes ;
Marie moins tragique des dans une ironie
- ponctuation
Delcourt- femmes mariées en tragique les choix
expressive.
Curvers. général ; puis retour au meurtriers de Médée.
cas personnel de
Des propos
Médée dans les deux
catégoriques :
derniers vers.
- énoncés
gnomiques ;
- fréquences des
négations
grammaticales ou
lexicales ;
- Emploi d’un
lexique fort, celui
de la domination de
l’homme ou celui du
péril.
- Importance du
motif de la mort qui
structure la tirade
Un personnage mani-
2. Molière, Texte en vers. Mouvement inductif de De « Votre sexe n’est là
pulateur :
L’École des la tirade qui part de que pour la
- procédés de l’éloge
Femmes, 1662. considérations dépendance » à la fin
de soi qui s’opposent
particulières sur les de la tirade : entre
au portrait dépréciatif
devoirs d’épouse aphorismes et
d’Agnès ;
d’Agnès pour aboutir à exemples imagés, le
- Propos sentencieux
des observations vieux barbon décrit
(énoncés gnomiques,
générales sur le mariage avec une certitude
Impératifs).
conçu comme une comique la condition
relation inégalitaire. de la femme mariée
Lexique de la soumis-
qui est maintenue dans
-sion de la femme.
un état d’esclavage
permanent.
Enumération voire
gradation qui disent
la domination mas-
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25
culine.

Métaphores de la
toute-puissance de l’
homme.
- Forte modalisation
3. Voltaire, Texte en prose. Raisonnement inductif Les deux derniers
de l’extrait
Femmes, soyez qui part d’expériences paragraphes récusent
(première personne,
soumises à personnelles (la lecture avec ironie la
ponctuation
vos maris, des épîtres de Saint supposée supériorité
expressive,
1768. Paul par la Maréchale, physique de l’homme
périphrases.
son mariage avec M. de sur la femme.
- Circuit
Grancey) au plaidoyer
argumentatif
général pour l’égalité
efficace :
homme-femme.
raisonnements
inductif, concessif,
références
scientifiques,
bibliques,
littéraires, choix
d’un dialogue
dynamique.
- Des revendications
d’égalité hommes-
femmes qui
s’expriment par une
critique virulente de
la domination
masculine : champ
lexical de la
soumission de la
femme, phrases
cinglantes qui
manient l’ironie.

Un dialogue
4. George Texte en prose. Inversion des rapports Les deux dernières
polémique :
Sand, Indiana, de force : de la phrases de l’extrait
- jurons,
1832. subordination civile de traduisent la force de
interjections et
l’épouse à un mari caractère d’Indiana et
apostrophes
autoritaire à la signent la victoire
injurieuses dans les
revendication d’une d’une femme contre
propos du mari ;
force morale et d’une l’autorité de son
- lexique de la
liberté intérieure époux.
subordination
contre lesquelles
féminine.
l’époux est démuni.

Le portrait d’une
femme forte :
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26
- champ lexical de la
volonté ;
- fréquences des
négations ;
- répartition
avantageuse de la
parole et
retournement de
situation final.
- Structure
5. Benoîte Texte en prose. La thèse sexiste réfutée Le premier
accumulative par
Groult, Ainsi par l’autrice, « Pour paragraphe, de
l’énumération
soient-elles, être respectable, il ne structure
d’exemples,
1975. s'agit donc pas d'être accumulative, égrène
présentés sous la
mère, il s'agit d'être le nom de femmes
forme d’une
mariée », est invalidée reconnues pour leur
anaphore.
par les exemples du autonomie et leur
- Ironie perceptible
premier et du dernier haute valeur
par la chute de la
paragraphes qui physique, morale,
première phrase : «
démontrent que la intellectuelle. On
rien ne vous voudra
femme est porteuse de appréciera en
ni dignité ni sécurité
hautes valeurs. particulier l’effet de
».
pointe produit par la
- Progression de
fin de la première
l’énonciation : du
phrase.
tutoiement qui
établit un lien
sororal entre les
femmes et l’autrice
à une énonciation
plus impersonnelle :
emploi dominant de
la 3ème personne et
du présent de vérité
générale.
- Double visée
critique, d’abord à
l’égard des hommes
qui dénigrent les
compétences et les
valeurs des femmes
puis à l’encontre de
celles qui
participent à ce
dénigrement.
- Forte présence du
6. Laetitia Texte en prose. L’analepse présente De « Maudites, elles
discours narrativisé
Colombani, La dans chaque sont considérées
et du discours
Tresse, 2017. paragraphe est comme coupables » à

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27
indirect libre qui
l’occasion d’une « condamnées à une
tiennent à distance
évocation à la fois vie de mendicité » :
l’émotion du
personnelle et générale entre discours
personnage face aux
des conditions de vie narrativisé et discours
horreurs subies.
des veuves dans la indirect libre,
- Fréquente
caste des Intouchables Lackschmama évoque
progression à thème
en Inde. le sort des veuves en
constant qui
Inde, une vie de
structure le premier
dépouillement et
paragraphe en lui
d’exclusion.
conférant une
portée accumulative
: les injustices ou
sévices subis sont
ainsi énumérés en
ne laissant aux
femmes aucune
échappatoire.
- Emploi dominant
du présent
d’énonciation qui
prend peu à peu
une valeur itérative
inscrivant les
conditions des
femmes
intouchables dans
des règles
sociétales
immuables.
- Lexique de la perte
et de la déchéance.
- Dans le dernier
paragraphe,
balancement binaire
des phrases qui crée
un effet
d’opposition
saisissant.
- Forte opposition
7. Djaïli Texte en prose. Deux points de vue Le dernier paragraphe
entre les propos
Amadou Amal, s’opposent permet au
résolus et
Les radicalement : celui du personnage maternel,
majoritairement
Impatientes, père, détenteur du de faire le bilan de sa
impersonnels du
2020. pouvoir au sein de la vie de co-épouse dans
père et la charge
famille et bénéficiant la civilisation peule.
émotive du discours
des intérêts d’un Le passage trahit
de la mère.
mariage arrangé (« Je l’émotion des
- Procédés qui
suis content de cet personnages face à
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28
soulignent le poids
arrangement qui leur condition de
des traditions
satisfait tout le monde femme.
contre lequel
[...] ») et celui de la
aucune femme ne
mère qui tire les
peut s’élever :
conséquences
répétition
dramatiques de sa vie
anaphorique de «
de soumission et de
j’ai hérité »,
violences conjugales :
énoncés gnomiques,
« J’ai piétiné mes rêves
phrases brèves,
pour mieux embrasser
parfois non-
mes devoirs. »
verbales, lexique
dominant des
relations familiales.

Étape 3
En vue de votre passage devant la classe, réalisez une prise de notes pour justifier vos
choix interprétatifs. Préparez ensuite une courte introduction de votre extrait en
rappelant l’auteur ou l’autrice, le titre de l’œuvre, son inscription dans l’histoire littéraire
et un genre ainsi que les enjeux du texte.

Les tableaux de l’étape précédente serviront de supports à la justification des choix


interprétatifs.

Pour la présentation progressive de l’œuvre et de l’extrait, on se rapportera aux conseils


donnés dans le LLS.fr/FR1398.

Étape 4 Le jour J, introduisez rapidement votre extrait et ses enjeux, puis proposez à la
classe votre mise en voix. À la suite de la lecture, justifiez à l’oral vos choix
d’interprétation et expliquez quelle vision ou quelle expérience du mariage propose
votre extrait.
Pour conseiller les élèves ou évaluer leur prestation orale, on pourra s’appuyer sur les
critères de réussite suivants :

Critères de réussite Réussi À retravailler

La présentation de l’œuvre en deux minutes est


synthétique et claire. Elle s’appuie sur des connaissances
contextuelles et littéraires (mouvement, genre).

L’extrait est situé dans l’œuvre : l’élève rappelle sa place et


éventuellement ce qui a précédé l’extrait étudié.

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29
La lecture est claire et expressive. L’élève sait adapter sa
manière de lire au genre littéraire et à la tonalité
dominante du texte choisi.
Pour s’entraîner à la lecture expressive d’un texte, on
pourra tirer profit des conseils et des exercices proposés
dans le LLS.fr/FR396.

Dans ses choix d’interprétation, l’élève s’appuie sur des


exemples précis tirés de l’extrait choisi et conduit son
analyse à partir du repérage des procédés d’écriture
pertinents associés à des citations précises.

Le choix de l’extrait et la vision du mariage qui y est


exposée sont justifiés de façon convaincante : les
arguments sont pertinents et personnels.

Étape 5 Lors du passage des autres groupes, prenez des notes de manière à sélectionner
les deux textes qui, selon vous, proposent les liens les plus pertinents avec votre extrait.
Complétez en ce sens le schéma suivant.

Cette étape peut se faire en autonomie.

Prolongement : D’autres textes peuvent alimenter cette réflexion collective sur la


condition de la femme mariée. On proposera les extraits suivants :

Extraits Délimitations

1. Molière, L’Avare, De « Je veux ce soir lui donner pour époux un homme aussi riche que sage »
I, 5, 1668. à « Ne bougez ; je reviens tout à l’heure. »

2. Molière, Les Femmes De « Quoi ! le beau nom de fille est un titre, ma sœur » à « Dont l’appétit
savantes, I, 1, 1672. grossier aux bêtes nous ravale.»

3. Montesquieu, Lettres De « C'est une grande question, parmi les hommes [...] » à « où l'on aime à
persanes, lettre XXXVIII, soutenir des opinions extraordinaires et à réduire tout en paradoxe. »
1721.

4. Manon Roland, De « Je réfléchis profondément à ce que je devais faire ; [...] » à « je l’habituai


Mémoires particuliers, à ne savoir se passer de moi pour rien au monde, ni dans aucun instant. »
1793.

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30
5. George Sand, « Aux De « Il [L’affranchissement de la femme] consiste simplement à rendre à la
membres du Comité femme les droits civils [...] » à « Il faut que l'homme et la femme obéissent à
central », leurs serments, à l'honneur, à la raison, à leur amour pour leurs enfants.»
Correspondance, 1848.

6. Simone de Beauvoir, De « La monotonie de l’existence adulte m’avait toujours apitoyée ; [...] » à «


Mémoires d’une jeune fille D’avance, je portais le deuil de mon passé. »
rangée, 1958.

7. Annie Ernaux, La Femme De « Un mois, trois mois que nous sommes mariés, nous retournons à la fac,
gelée, 1981. [...] » à « Maintenant, c’est la nourriture corvée. »

8. Chimamanda Ngozi De « « Tu as été marié ? » J’ai entrelacé les doigts car mes mains s’étaient
Adichie, Les Marieuses, mises à trembler. » à « [...] j’ai remarqué qu’il n’attendait pas d’avoir fini de
2015. mastiquer pour boire son eau. »

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31
Stratégies argumentatives et tactiques de combat (p. 122-
127)

Objectifs pédagogiques généraux

Les quatre études thématiques proposées ont pour but de permettre une étude
approfondie de l'œuvre au programme. En complément des études linéaires sur l'œuvre,
elles sont conçues pour préparer en priorité l’épreuve de la dissertation et développer
des connaissances précises, nécessaires pour la construction d’une argumentation
personnelle dans ce type d’épreuve. Alternant analyses de détail et questions de
synthèse, analyses sur l'œuvre et résonances avec des textes complémentaires, chaque
étude propose une plongée et une traversée dans l'œuvre à partir d’un thème
embrassant les enjeux majeurs de l'œuvre au programme.

Chaque étude est indépendante des trois autres : le temps à y consacrer est très variable
et les mises en œuvre pédagogiques, détaillées plus bas, peuvent être différentes.

Objectifs pédagogiques de l’étude thématique

Être capable de :
● approfondir sa connaissance de l'ensemble de l’œuvre en maitrisant le
vocabulaire propre aux textes argumentatifs (éloquence, harangue, types
d’arguments, persuader, convaincre, etc.)
● acquérir des réflexes d’analyse pour le commentaire (repérage de certains
procédés d’écriture propres aux textes issus de la littérature d’idées - essais,
discours, - et narratifs)
● développer son esprit de synthèse à travers la rédaction de réponses-bilans
● nourrir sa réflexion sur l'œuvre étudiée par la comparaison de celle-ci avec
d’autres textes (de l’autrice, mais aussi de Diderot, Laclos, Toussaint Louverture,
Rousseau)

Mise en œuvre pédagogique

L’étude thématique 3 est une étude dense qui propose aux élèves de parcourir
l’ensemble de l'œuvre autour d’une thématique essentielle au regard de l’objet d’étude et
de l’intitulé du parcours associé : écrire et combattre pour l’égalité. Abordant de
nombreux points (trois parties, huit sous-parties) et construite sur un nombre
conséquent de questions (plus d’une trentaine), elle est conçue comme une étude
arborescente qui cherche à ouvrir au maximum les perspectives d’approche du sujet.

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32
Pour mener à bien l’étude, il sera judicieux de répartir le travail entre différents groupes
au sein de la classe, certaines questions permettant d’ailleurs d’aborder un même enjeu
mais sous un angle différent.

Si le travail se fait en petits groupes, il est possible ensuite de réaliser une synthèse sous
forme de carte mentale reprenant les différents axes travaillés, et qui sera distribuée à
l’ensemble de la classe : si chaque groupe a travaillé sur un aspect spécifique, l’ensemble
de la classe pourra bénéficier d’une synthèse utile en vue des révisions et de la
préparation de l’épreuve.

Éléments de corrigés

▶ Comment servir une « si belle cause » (p. 27)

Impliquer et attaquer

· Une prise de parole adressée

1. « Homme, es-tu capable d’être juste ? » ; « Femme, réveille-toi » : relisez


attentivement ces passages et aidez-vous de l’étude linéaire page 74 pour repérer
le type d’adresse et les procédés de la modalisation à l’œuvre (questions
oratoires, mode verbal dominant, ponctuation expressive, lexique, etc.).

Dans « Les Droits de la femme » où l’autrice apostrophe l’homme, comme dans les
premières lignes du Postambule où elle interpelle la femme, Olympe de Gouges emploie
des procédés d’écriture similaires dans le but de mobiliser ses destinataires :

- L’apostrophe franche à l’homme ou à la femme qui débute chaque passage met en


évidence un destinataire caractérisé par son sexe : elle sollicite un auditoire
masculin pour l’invectiver, elle exhorte ensuite un auditoire féminin à une prise de
conscience, accentuant d’ailleurs son adresse par une apostrophe lyrique qui
redouble la charge émotionnelle de l’imploration : « Ô femmes ! femmes » (l. 105).

- Dans les deux cas, l’autrice s’adresse à son destinataire par le biais du tutoiement
qui crée un rapport de proximité immédiate, supprimant tout rapport d’autorité.

- La modalité injonctive accompagne ce mouvement : elle est majoritaire dans « les


Droits de la femme » avec onze occurences entre les lignes 4 et 14 (par exemple
« observe le créateur », l. 4 ; « parcours la nature », l. 5 ; « donne-moi », l. 6) et se
trouve également présente lorsque Gouges s’adresse aux femmes : « réveille-toi »
(l. 98), « reconnais tes droits » (l. 99), « réunissez-vous » et « déployez » (l. 122).

- La modalité interrogative permet également de solliciter l’attention des


destinataires au moyen de questions rhétoriques, très nombreuses et ponctuant

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33
régulièrement le début du Postambule : « Quand cesserez-vous d’être aveugles ?
Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la Révolution ? » (lignes
106-107), puis « Que vous reste-t-il donc ? (l. 110), puis encore aux lignes 112 à 114.
Dans « Les droits de la femme », la question rhétorique liminaire inscrit
directement l’extrait dans une tonalité polémique : « Homme, es-tu capable d’être
juste ? » qui sera ensuite développée par une autre question rhétorique à la
ligne 3 : celle-ci se trouve par ailleurs développée au moyen de questions
formulant des hypothèses de réponses, contribuant ainsi à dynamiser l’invective :
« Dis-moi ? Qui t’a donné le souverain empire d’opprimer mon sexe ? Ta force ?
Tes talents ? » (l. 3-4).

- Dans les deux cas, le vocabulaire employé nourrit la dimension polémique de cet
appel : le champ lexical du rapport de force est omniprésent, aussi bien dans les
« Droits de la femme » (« souverain empire », « d’opprimer », l. 3 ; « ta force »,
l. 4 ; « empire tyrannique », l. 7 ; « commander en despote », l. 18) que dans le
début du Postambule (« homme esclave » l. 103 ; « briser ses fers » l. 104 ; « vaines
prétentions de supériorité » (l. 121). Plus encore, le lexique des valeurs morales
parcourt ces deux extraits en dessinant notamment le blâme des hommes (« être
juste » l. 1 ; « sagesse » l. 5 ; « boursouflé de sciences et dégénéré » l. 16 ;
« ignorance la plus crasse » l. 18 ) ou en exigeant de la part des femmes une
attitude exemplaire, fondée sur le devoir de se saisir de leurs droits. Dans les deux
cas, c'est le lexique de la philosophie des Lumières que l’autrice emploie pour
nourrir son argumentation et esquisser un monde tendu entre deux pôles
incompatibles : celui de la raison et de la vertu, conforme à la nature et celui du
préjugé et de la corruption : « le tocsin de la raison » (l. 98), « préjugés, fanatisme,
superstition, mensonges » (l. 100-101), « flambeau de la vérité » (l. 101), « nuage de
la sottise et de l’usurpation » (l. 102), « siècles de corruption » (l. 108), « les sages
décrets de la nature » (l. 112), « la force de la raison » (l. 121), « les étendards de la
philosophie » (l. 122)

2. Lisez le texte de Rousseau proposé sur LLS.fr/DDFCEchoRousseau. Quelles


ressemblances et quelles différences observez-vous entre Rousseau et Gouges
quant à l’implication de leurs destinataires et l’exposition de leur projet ?

Ressemblances Différences

L’implication forte du destinataire permise par Une adresse plus mesurée chez Rousseau, plus
l’emploi des mêmes procédés d’écriture : exaltée chez Gouges :
- apostrophes lyriques (« ô femmes ! » chez - Rousseau examine une question (l. 1) dont il
Gouges ; « ô hommes » chez Rousseau) ; expose les grandes lignes dans le cadre de
- modalité injonctive (« écoute ») et cette introduction ;
exclamative (« combien tu as changé de ce que - Rousseau résume notamment sa thèse dans
tu étais ! ») ; le paragraphe 3 là où Gouges investit
- l’emploi du tutoiement qui rapproche le davantage les ressorts expressifs de la
locuteur de son destinataire (« combien tu as persuasion.

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34
changé de ce que tu étais! »).

L’exigence de vérité et de sincérité dans la Dans l’exposition du projet, les précautions


présentation d’un projet porté par des valeurs oratoires sont plus employées chez Rousseau
morales défendues par l’auteur. Gouges (« il n’y aura de faux que ce que j’y aurai mêlé
comme Rousseau s’expriment au nom de la du mien sans le vouloir »)
vérité, en se référant tous deux à la nature
comme seule source du vrai (et que les
hommes ont pervertie) : « la nature, qui ne
ment jamais. Tout ce qui sera d’elle sera vrai ».

· Des attaques ad hominem ?

1. Pages 29-30 et 45-46, repérez à qui s’adresse Olympe de Gouges.

Une coquille s’est glissée dans la première édition : il s’agit des pages 29-30 et 45-46. Elle
est corrigée dans les rééditions.

Dans « les Droits de la femme », Olympe de Gouges s’adresse à l’homme en tant qu’être
masculin. Dans le Postambule, elle s’adresse aux « tartuffes », aux « bégueules », au
« clergé et [à] toute la séquelle infernale » (l. 222-223), aux « détracteurs de la saine
philosophie » (l. 234), ceux qui s’opposent ou s’opposeront aux propositions qu’elle
élabore pour permettre notamment le divorce et la reconnaissance des enfants hors
mariage.

2. Quel type de vocabulaire est employé pour décrire ses adversaires ?

Le vocabulaire est nettement dépréciatif : dans « les Droits de la femme », l’homme est
qualifié de « bizarre, aveugle, boursouflé de sciences et dégénéré » (l. 16), sorte de
despote monstrueux et donc contre-nature ; dans le paragraphe qui suit la « Forme du
contrat social de l’homme et de la femme », ses adversaires sont qualifiés de « tartuffes »
et de « bégueules » (l. 222) et la périphrase « les détracteurs de la saine philosophie »
(l. 234) les met clairement en opposition avec les penseurs des Lumières. Il s’agit pour
l’autrice de cantonner ses adversaires à l’ « ancien monde », celui de l’obscurantisme et
des préjugés, par opposition au monde progressiste défendu par le courant des Lumières,
dans lequel Gouges s’inscrit et dont la Révolution a permis l’avènement et la
concrétisation politique des idées.

3. Comment met-elle au jour les contradictions de ses détracteurs ?

Dans le dernier paragraphe des « Droits de la femme », Olympe de Gouges interpelle


l’homme en lui faisant constater l’absurdité de son comportement. Comment peut-on
d’une part faire advenir les valeurs révolutionnaires de liberté et d’égalité tout en les
refusant aux femmes alors même que celles-ci appartiennent pleinement à l’humanité,
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35
ayant reçu « toutes les facultés intellectuelles » (l. 19) par lesquelles chacun reconnait la
marque du genre humain ? En ce sens la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
contient une contradiction que Gouges souhaite résorber avec sa propre Déclaration : si
les hommes, entendus comme êtres humains, naissent libres et égaux et si on considère
que la femme appartient à l’humanité, alors les femmes naissent également libres et
égales aux hommes et la Déclaration de 1789 doit en tenir pleinement compte.

Lorsqu’elle s’adresse ensuite aux membres du clergé ou plus largement à ceux qui
s’opposeraient à sa réforme du mariage, elle s’appuie sur le texte biblique lui-même pour
démontrer que le nouveau modèle de filiation qu’elle propose n’est pas contraire au
texte religieux et même que celui-ci en fournit un exemple avec Abraham, époux de
Sarah, qui a eu un enfant légitime « hors-mariage » avec sa servante Agar. Il s’agit bien de
prendre ses adversaires à leurs propres contradictions. Ceux qui fondent leurs principes
et leur dogme sur l’étude approfondie du texte sacré au point de s’y perdre, comment
pourraient-ils renier alors la Bible elle-même ?

Déclarer et proposer

· Une déclaration solennelle

1. À partir de l’étude linéaire page 72, montrez en quoi le préambule opère une
rupture de ton par rapport à l’adresse faite aux hommes (▶ p. 29 et 30).
Commentez notamment le lexique (niveau de langue, champs lexicaux dominants),
la syntaxe et la ponctuation.

Les éléments de réponse sont disponibles sur le Livre du Professeur consacré aux études
linéaires, notamment celle de l’extrait 1 p. 72.

2. En vous aidant du glossaire, montrez en quoi la Déclaration cherche à déployer


une parole performative et relève du genre de la harangue.

Une parole performative est une parole agissante, qui modifie la réalité lorsqu’elle est
prononcée (par exemple : « Je vous déclare mari et femme »). La Déclaration des droits de
la femme et de la citoyenne est rédigée sous la forme de dix-sept articles qui
promulguent des droits et des devoirs modifiant en profondeur l’organisation sociale de
la nation ; cette réécriture de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen a pour
ambition de faire advenir une réalité seulement en puissance au moment où Gouges la
rédige : ainsi, en déclarant par exemple dans l’article premier que « la femme nait libre et
demeure égale à l’homme en droits », l’autrice veut faire passer cette virtualité dans
l’ordre du réel, en présentant l’ensemble des articles comme un texte « à décréter par
l’Assemblée nationale dans ses dernières séances ou dans celle de la prochaine
législature ».

Une harangue est un discours solennel : le préambule de la Déclaration s’apparente bien


à ce genre issu de l’art oratoire, en mettant l’accent sur la gravité du propos et la
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dimension politique et législative de la Déclaration qui suit. Le terme « solennel » est
d’ailleurs employé pour qualifier celle-ci à la ligne 8 (« une déclaration solennelle »).

· Écrire la loi

1. Diriez-vous que la Déclaration de Gouges est un pastiche ? une parodie ? une


réécriture ? une usurpation ? une subversion ? Définissez chacun des termes et
justifiez vos choix.

La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne s’apparente à une réécriture : la


perspective d’Olympe de Gouges est d’apporter avec sa version de 1791 un correctif
nécessaire à La Déclaration de 1789, et d’engager une comparaison des textes dans le but
de faire respecter tout autant le texte initial de 1789 que celui qu’elle propose deux ans
plus tard. La proximité entre les deux textes est assumée par l’autrice qui reprend
souvent terme à terme le texte initial et le modifie dans le sens d’une inclusion des
femmes aux nouveaux droits acquis par les citoyens. En ce sens, elle propose une forme
de version alternative, plus complète et plus conforme selon elle à l’esprit de la
Révolution qui, pour l’instant, a oublié les femmes dans son vaste mouvement de
transformation sociale, sur laquelle elle ne compte pas revenir. Cette réécriture relève
ainsi d’une forme d’appropriation du texte initial : il n’en commente ni les manques ni les
faiblesses mais tient au contraire compte de ses acquis pour proposer un texte parallèle
qui prend comme sujet premier, la femme. Les articles, rédigés en reprenant ceux du
texte source, sont donc véritablement réécrits à partir de ce postulat et sont modifiés en
ce sens : ainsi, l’autrice donne sa propre interprétation de la libre communication des
pensées et des opinions dans l’article XI en abordant la question des enfants dits
illégitimes. La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne est une forme de
réécriture féministe qui se veut plus inclusive dans la mesure où chaque article cherche à
corriger le déséquilibre persistant entre l’homme et la femme dans le texte-source.

Cette forme de réécriture, à visée politique, ne correspond ni à un pastiche ni à une


parodie.

Un pastiche est l’imitation d’un style, souvent pour le parodier, parfois pour lui rendre
hommage (▶ glossaire p. 178). Certes, Gouges imite le style de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen : elle en reprend les tournures, parfois même des phrases entières
en ajoutant simplement la référence aux femmes. Néanmoins, elle ne cherche ni à
parodier ce texte, à moins de mettre en avant son incomplétude puisque les femmes en
sont exclues, ni à lui rendre hommage, puisqu’elle le critique. Si le style solennel est bien
celui du texte initial, ce n’est pas par jeu mais parce qu’il s’agit du ton que requiert tout
texte promulguant la loi et les droits. L’enjeu est grave et sérieux et le style d’écriture doit
en rendre compte.

Une parodie est une imitation caricaturale, dans un but comique ou satirique (▶
glossaire p. 178). Ce terme ne semble donc pas adapté pour décrire ce texte : Olympe de
Gouges ne poursuit pas un but comique, au contraire son texte revendique des droits
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« naturels, inaliénables et sacrés » (l. 8-9) pour les femmes, alors qu’ils leur sont
dénigrés. La parodie ne correspond pas du tout aux objectifs d’Olympe de Gouges dans
cette Déclaration dont la légitimité en tant que femme politique est en jeu.

Qualifier la Déclaration de Gouges d’usurpation, c’est considérer que l’autrice s’est


appropriée le texte initial de façon illégitime, sans y avoir droit. Le terme semble donc
excessif dans la mesure où ni ruse ni violence ne sont entrées en jeu dans le processus
d’appropriation du texte que l’autrice considère comme point d’appui dont elle ne remet
pas en cause les acquis. Sa Déclaration n’est donc pas une usurpation puisque tout à
chacun peut prendre appui sur la législation existante pour penser et proposer d’autres
textes législatifs venant combler une forme de vide juridique ou une injustice encore non
combattue : c’est la perspective qu’adopte précisément Olympe de Gouges.

La dimension subversive d’un tel écrit est en revanche beaucoup plus palpable dès la
lecture du préambule qui formule la demande d’une Assemblée nationale des « mères »,
des « filles » et des « sœurs », « représentantes de la nation ». La Déclaration a une
dimension subversive dans la mesure où elle propose un nouvel ordre, une nouvelle
organisation sociale et politique (articles VI et XIII) qui passe par la destruction de
certains principes pour rétablir une égalité entre les sexes. Il s’agit, dans la perspective
de l’autrice, de poursuivre et d’achever pleinement le projet révolutionnaire. En cela, la
dimension perturbatrice de sa démarche est pleinement assumée et même revendiquée
comme l’atteste « Les Droits de la femme », ce court texte accusateur et combatif qui
précède le préambule de la Déclaration et dans laquelle Gouges assume l’audace de son
entreprise.

2. Synthétisez vos propos en montrant d’une part l’originalité et la force rhétorique


de cette Déclaration, d’autre part l’audace qu’elle constitue. Reportez-vous aux
pages 57 à 61 pour nourrir votre réflexion.

En proposant une réécriture de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen,


Olympe de Gouges propose un texte de loi : à l’heure où les femmes n’ont pas de droits
politiques et n’accèdent pas à l’Assemblée pour y voter les lois, cette publication est donc
d’une grande audace : prolongeant le geste libérateur de la Déclaration de 1789, elle en
montre les limites et propose avec ce nouveau texte un complément susceptible de
correspondre davantage au projet révolutionnaire, en incluant désormais les femmes
dans ce vaste mouvement d’émancipation politique et d’égalité de tous les citoyens.

Le choix d’une réécriture d’un texte fondateur est original et efficace : en s’appuyant sur
un texte déjà existant, Gouges met au jour, en ajoutant ou modifiant plusieurs passages-
clés, l’injustice dont sont victimes les femmes, jusqu’ici invisibilisées par ou dans la loi
elle-même. Le Préambule révise d’ores et déjà le texte-source en mettant en lumière les «
mères, les filles, les sœurs » comme « représentantes de la Nation ». Cette prise de
parole solennelle, suivie de dix-sept articles « à décréter par l’Assemblée nationale dans
ses dernières séances ou dans celle de la prochaine législature » a une force rhétorique
remarquable : en déclarant chacun des articles, Gouges les fait advenir comme « réalités
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» destinées à se diffuser par le biais de la publication et de la diffusion dans l’espace
public.

· Critiquer mais surtout proposer

1. Quelles propositions contiennent la Déclaration et la « Forme du contrat social »


(▶ p. 44 à 49) ? Repérez-en trois et montrez comment elles s’inscrivent dans un
débat de société qui traverse l’époque d’Olympe de Gouges.

On peut par exemple repérer les trois propositions suivantes :

- L’article VI de la Déclaration indique que « toutes les citoyennes et tous les


citoyens, étant égaux à ses yeux, doivent être également admissibles à toutes
dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités, et sans autres
distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents ». Cette proposition
s’inscrit plus largement dans le débat sur le droit pour les femmes d’accéder à
l’ensemble des métiers et des corporations. En témoigne l’injustice évoquée par
Marceline dans Le Mariage de Figaro (voir l’extrait p. 116), à propos des métiers de
couture : jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les couturières (femmes) n’étaient
autorisées à confectionner que les vêtements d’enfants et certains vêtements
féminins (les plus « simples » à réaliser).

- La possibilité de défaire une union conjugale, formulée sur la Forme du contrat


social de l’homme et de la femme (« Nous nous obligeons également, au cas de
séparation, de faire le partage de notre fortune »). En 1792, l’Assemblée législative
vote le droit au divorce.

- L’autorisation pour les prêtres de se marier (l. 257). En cela, Gouges prolonge un
débat ancien des philosophes des Lumières (Montesquieu, Voltaire, et les
Encyclopédistes) qui considéraient que le célibat des prêtres participait nettement
à la dépopulation d’un pays et contribuait à attacher le clergé davantage à Rome
qu’à leur État ou leur patrie, sans parler des dangers de la continence sexuelle.
Sur cette dernière proposition et le débat sur le célibat des prêtres, on pourra se
référer à la thèse de Sarah Dumortier en partie consacrée au débat sur le célibat
écclesiastique (notamment les pages 49 à 56) et consultable en ligne.

2. Page 46 et 47, quel verbe est répété quatre fois ? Pourquoi cette insistance, selon
vous ?

Le verbe « vouloir » est répété quatre fois, conjugué au conditionnel présent : « je


voudrais » aux lignes 237, 239, 241 et 244. Dans ce paragraphe qui suit la présentation de
la « Forme du contrat social de l’homme et de la femme », Gouges énonce plusieurs
propositions en complément du grand projet qu’elle vient de formuler pour remplacer le
mariage. Il s’agit pour elle de mener une réflexion et surtout d’établir une liste de
propositions qui englobent toutes les dimensions de l’organisation sociale et toutes les
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catégories de la population. Le procédé anaphorique participe de cette entreprise en
créant un effet d’insistance : ayant évoqué le sort de la femme mariée, elle traite ensuite
de la veuve, mais aussi de la fille abandonnée suite à une union libre, et de la prostituée.
Sans chercher à favoriser les femmes (toute femme enfreignant la loi doit être punie), elle
cherche à ce que la loi protège équitablement les plus faibles.

Convaincre et persuader

· Raisonner pour convaincre

1. En vous aidant du glossaire, montrez quels types d’arguments sont employés aux
pages 35 à 37 puis 47 à 49.

Type d’argument Extrait de l’œuvre

Article X : « la femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir


également celui de monter à la tribune »

Article XI : « la libre communication des pensées et des opinions est un


des droits les plus précieux de la femme, puisque cette liberté assure la
Argument logique
légitimité des pères envers les enfants. »

Article XIII : « elle a part à toutes les corvées, à toutes les tâches,
pénibles ; elle doit donc avoir de même part à la distribution des places,
des emplois, des charges, des dignités et de l’industrie. »

l. 267 et suivantes : « les colons prétendent régner en despotes sur des


hommes dont ils sont les pères et les frères ; et méconnaissant les droits
de la nature, ils en poursuivent la source jusque dans la plus petite
teinte de leur sang. »
Argument de valeur
l. 277 et suivantes « Une main divine semble répandre partout l’apanage
de l’homme, la liberté ; la loi seule a le droit de réprimer cette liberté, si
elle dégénère en licence ; mais elle doit être égale pour tous ».

On pourra se référer à d’autres passages de l’œuvre pour repérer d’autres types


d’argument comme celui d’expérience fondé sur l’observation de faits réels (dans « Les
Droits de la femme » ou dans l’anecdote finale).

2. Gouges emploie-t-elle à chaque fois le même type de raisonnement pour chercher


à convaincre ?

L’autrice emploie des types de raisonnement différents :

- Dans l’énoncé des articles de la Déclaration, on peut considérer qu’elle s’appuie


largement sur un raisonnement a pari : si la femme est un être humain comme
l’homme (postulat sur lequel s’appuie l’autrice), alors les droits des femmes
doivent être les mêmes que ceux dont jouissent déjà les hommes. Plus

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précisément, on pourra se référer par exemple aux articles X et XIII (arguments
logiques, mais aussi raisonnements a pari).

- On peut également relever, de manière plus générale, des raisonnements par


analogie, par exemple lorsque Gouges compare la crainte des femmes à celle de la
mère du Christ lors des noces de Cana (p. 39). Un autre exemple peut s’étudier à la
page 49 lorsque Gouges compare l’alliance des pouvoirs législatif et exécutif à
celle de « l’homme et la femme qui doivent être unis, mais égaux en force et en
vertu, pour faire un bon ménage » (lignes 288-290).

- On peut relever un raisonnement déductif par exemple dans la formulation de


l’article XI : « La libre communication des pensées et des opinions est un des
droits les plus précieux de la femme [...] Toute citoyenne peut donc dire
librement : « je suis mère d’un enfant qui vous appartient ».

- Le raisonnement concessif est aussi présent par exemple lorsqu’elle évoque les
différentes conditions féminines et notamment le statut des femmes publiques :
« Cette chaine d’union fraternelle offrira d’abord le désordre, mais par la suite,
elle produira à la fin un ensemble parfait » (l. 248-250).

· Émouvoir et persuader

1. À quels endroits du texte l’autrice recourt-elle à la tonalité pathétique ?

La tonalité pathétique est particulièrement employée lorsque l’autrice dresse le tableau


de la condition des femmes à travers plusieurs exemples « touchants » (l. 169). C’est
également la tonalité dominante du passage où l’autrice évoque la situation troublée des
colonies suite au décret sur les hommes de couleur.

2. Comment donne-t-elle à voir l’injustice subie par les femmes ?

L’injustice subie par les femmes est exemplifiée au moyen de différents tableaux : une
femme aimée mais qui, devenue vieille, est laissée par son amant et se retrouve pauvre et
méprisée ; une jeune femme naïve tombant amoureuse d’un homme qui l’abandonne
après quelques années sans aucun moyen de subsister ; une femme pleine de vertus et
de talents, mais qui, parce qu’elle est née pauvre, ne peut tirer aucun bénéfice de son
mérite, ne pouvant être reçue à aucune fonction publique. Olympe de Gouges s’arrête là,
concluant sur la nécessité de développer ces réflexions et cet état des lieux
ultérieurement : « je ne veux donner qu’un aperçu des choses, je les approfondirai dans
la nouvelle édition de tous mes ouvrages politiques » (l. 185 et suivantes).

3. Adopte-t-elle la même stratégie pour défendre le statut des hommes de couleur ?


Expliquez.

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La stratégie qu’elle adopte pour défendre le statut des hommes de couleur s’appuie en
effet sur la tonalité pathétique : le tableau du chaos est toutefois beaucoup plus
développé à travers une insistance sur la dimension tragique des évènements : à travers
des effets rhétoriques plus appuyés comme l’anaphore qui débute la description (« c’est
là où »), le lexique dominant du feu (« fermentations incendiaires » l. 265, « allument »,
« feu », « embraser » l. 266) puis du sang, les images du parricide et du fratricide, Olympe
de Gouges cherche à susciter l’effroi des « âmes » les plus « endurcies » (l. 262).

4. Lisez le texte de Diderot disponible sur LLS.fr/DDFCEchoDiderot. Dans quelle


mesure déploie-t-il une persuasion semblable à celle dont se sert Gouges ?

Dans cet extrait de Sur les femmes, Diderot dresse lui aussi le tableau pathétique de la
condition féminine à travers un témoignage à la première personne : le lexique de la
souffrance (« malheureuse » ; « peines ») parcourt cette prise de parole émouvante et se
trouve accentué par des polyptotes qui signalent l’éternel retour des épreuves et de la
douleur (« ce que j’ai enduré » / « ce que j’endurerai » ; « j’ai souffert » / « me reste à
souffrir » ; « je serai morte / « jusqu’à ce que je meure »). La comparaison des travaux
effectués par l’homme puis par la femme montre comment cette dernière porte un
fardeau bien plus grand que celui de l’homme et à quel point ses tâches sont
harassantes. Plus encore, c’est le ton de désespoir de l’Indienne qui nous interpelle :
alors qu’elle vient de mettre au monde une enfant morte à cause de mauvais soins, elle
avoue humblement préférer mille fois la mort à une vie de misère comme celle que
mènent les Indiennes.

▶ Oratrice, autrice et combattante

Une oratrice

1. À partir de vos lectures linéaires et en relisant le début de chaque partie de


l'œuvre, identifiez les différents procédés d’écriture relevant de l’oralité. Dans
quelle mesure cette œuvre s’inscrit-elle dans la tradition rhétorique du discours ?

Procédé d’écriture relevant de l’oralité Quelques exemples

Apostrophes nombreuses « Homme »


« Femme » « ô femmes ! »

Questions rhétoriques « Quand cesserez-vous d’être aveugles ? »

L’emploi du tutoiement « … réveille-toi ! » « … es-tu capable d’être


juste ? »

Lexique de la parole « déclaration solennelle », « les réclamations


des citoyennes »

L’inclusion d’un dialogue sous forme de « “Femmes, qu’y a-t-il de commun entre vous
question/réponse et nous ?” “Tout”, auriez-vous à répondre. »

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En employant ces procédés rhétoriques, Gouges s’inscrit dans la lignée des orateurs
révolutionnaires qui, tout en s’inspirant de l’éloquence antique, encore largement
enseignée sous l’Ancien Régime, donnent à leurs discours une perspective politique
moderne. Si, à la différence de ses homologues masculins, Gouges ne monte pas à la
tribune et ne discourt pas face à des auditeurs, ses écrits restent toutefois marqués par
une profonde oralité et par les codes rhétoriques du discours : par les apostrophes
nombreuses, les questions rhétoriques ou encore l’usage du tutoiement, l’autrice cherche
par exemple à impliquer immédiatement et durablement les destinataires. Ses prises de
parole, formulées à l’écrit, n’obéissent pourtant pas au schéma classique de la
rhétorique : l’exorde vise rarement à s’attirer la bienveillance du public, et la captatio
benevolentiae peut laisser place à une attaque frontale, comme dans « Les droits de la
femme » ou au début du postambule ; narration, confirmation et réfutation s’entremêlent
souvent pour laisser place à une péroraison qui vise moins à marquer les esprits qu’à
synthétiser le propos ou envisager d’autres sujets de réflexion possibles.

2. a) À quels endroits de l'œuvre le terme « énergie » est-il employé ? Pourquoi,


selon vous ? b) Lisez la définition de ce terme proposée dans le glossaire (p. 178).
En quoi est-elle pertinente pour désigner aussi le style d’Olympe de Gouges ?

Le terme « énergie » est d’abord employé dans le premier paragraphe de l'épitre à la


reine où Olympe de Gouges tient en premier lieu à rappeler à Marie-Antoinette que sa
liberté de ton, sa verve franche, son audace ne sont pas nées avec la Révolution : « Je me
suis montrée avec la même énergie dans un temps où l’aveuglement des despotes
punissait une si noble audace » (l. 5-6). Le terme revient ensuite lorsqu’elle s’adresse aux
femmes pour les persuader d’être pleinement actrices de leur émancipation : « déployez
toute l’énergie de votre caractère » (l. 122-123). Selon l’autrice, les armes dont doivent
user les femmes sont ainsi celles de la pensée et de l’éloquence : « la force de la raison »
(l. 121), « les étendards de la philosophie » (l. 122), « l’énergie de votre caractère » (l. 123).

Le terme « énergie », dans la rhétorique, désigne la « vivacité dans le discours » ; il


désigne donc une qualité de style, celle capable de donner l’impression que l’action se
déroule sous nos yeux. Le style de Gouges peut être qualifié d’énergique,
particulièrement lorsqu’elle décrit la situation vécue par les femmes ou le chaos qui
règne aux colonies suite au décret accordant l’égalité entre les citoyens blancs et les
hommes de couleur nés de père et de mère libres. Plus encore, lorsqu’elle s’adresse à
l’homme ou à la femme, pour blâmer leurs conduites ou les exhorter au changement,
lorsqu’elle raconte son anecdote finale avec le cocher malhonnête, elle déploie une
vivacité qui captive et interpelle.

3. Texte-écho 1 • Quels points communs relevez-vous entre cet extrait et l'œuvre


étudiée (thème principal, arguments, procédés utilisés) ?

Points communs avec l’œuvre étudiée

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Thème principal Il s’agit d’exhorter les femmes à s’émanciper de la domination
masculine.

- Les femmes ont naturellement des droits dont elles ont été
spoliées par la société (l. 2).
- Les femmes sont naturellement les compagnes de l’homme, non
pas leur esclave (l. 3).
Arguments
- Les femmes se sont accommodées de cette situation de tutelle
en usant du pouvoir des faibles, à savoir le vice.
- Les femmes doivent être actrices de ce combat émancipateur en
ayant le courage de bouleverser la société.

- Une adresse franche et une implication ininterrompue des


destinataires : apostrophe et interjection lyrique (« ô femmes »),
modalité injonctive (« venez apprendre » ; « retournez », « ne
vous laissez plus abuser »), questions rhétoriques (« Cette
révolution est-elle possible ? »).
Procédés d’écriture - Une argumentation nourrie par le lexique des valeurs morales
utilisés (« vies avilissants » / « être libre et respectable » ; « le mal est
sans remède », « les vices », « vous rougissez de honte », «
noble désir », « plénitude de vitre être », « trompeuses
promesses », « vos maux », « votre courage »).
- Une argumentation nourrie par des images saisissantes : la
femme esclave de l’homme, le tableau de l’avilissement.

4. Rédigez un paragraphe récapitulatif d’une dizaine de lignes mettant en évidence


le fait que l’autrice déploie une parole éloquente (p. 177).

Olympe de Gouges déploie une parole visant à persuader ses destinataires, hommes et
femmes, de la nécessité de garantir les mêmes droits pour toutes et tous. Son éloquence
réside à la fois dans sa faculté à émouvoir son auditoire en suscitant empathie, révolte et
indignation face aux situations d’injustice vécues par les femmes ou les peuples
colonisés, tout en déployant une argumentation fondée sur les principes et valeurs des
Lumières. Maitrisant les techniques propres à la tradition rhétorique, elle excelle à
impliquer ses destinataires dans son propos et déploie un discours énergique qui se veut
efficace puisque l’enjeu de ces écrits est pragmatique et non théorique. Gouges cherche
en effet à agir sur la société et plus précisément sur les décideurs politiques : sa
Déclaration vise à compléter celle de 1789. En offrant une parole véritablement incarnée
dans les divers textes entourant les dix-sept articles (l’épitre à la reine, « Les Droits de la
femme », le postambule) parallèlement à une déclaration elle-même solennelle et
impersonnelle comme tout texte de loi l’exige, l’autrice cherche à susciter l’adhésion tant
du cœur que de l’esprit.

Une narratrice

1. a) En quoi la dernière partie de l'œuvre relève-t-elle de l’anecdote ?

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Le texte se clôt par un changement de ton radical : Gouges propose un appendice sous
forme d’anecdote personnelle. Elle devient narratrice en nous contant une mésaventure
avec un cocher malhonnête, suivi d’un entretien avec un commissaire de paix qui se
comporte encore plus injustement. Ce récit, qui s’étend sur une soixantaine de lignes,
possède un statut marginal au regard de la solennité et des enjeux historiques exposés
dans la Déclaration et les autres textes qui l’accompagnent.

b) Quelle expression l’autrice emploie-t-elle pour qualifier cet ajout ? Jugez-vous


cela surprenant ? Justifiez votre réponse.

Gouges commence son récit par une prétérition : « j’avais résolu et décidé de ne pas me
permettre le plus petit mot pour rire dans cette production, mais le sort en a décidé
autrement. » (l. 293-295). Qualifier cet appendice de « petit mot pour rire » est étonnant
sous la plume de l’autrice qui nous a habitué(e)s jusqu’ici à des réflexions graves et
solennelles. Cette rupture de ton cherche à provoquer la surprise et l’intérêt. L’oratrice
devient donc conteuse et déploie des talents jusqu’ici peu exploités ou mis en valeur : art
du suspense, mise en scène de personnages et mise en scène de soi, dialogue théâtralisé.

2. En quoi cette anecdote est-elle un récit plaisant ? Justifiez en relevant des


éléments précis, que vous analyserez.

En introduisant son récit à la manière d’un apologue, Olympe de Gouges cherche à plaire
et instruire, à la manière d’un fabuliste comme La Fontaine ou d’un conteur comme
Voltaire. Elle commence d’ailleurs son anecdote en formulant une sorte de moralité (« il
est vrai que nul individu ne peut échapper à son sort » (l. 291), que son expérience
personnelle va illustrer ensuite. Gouges n’hésite pas à souligner le pittoresque ou le
piquant de la situation, notamment par la maitrise de l’art du suspense et par la
caractérisation comique des personnages masculins : le cochet malhonnête « fait du
bruit », le commissaire de paix est un « forcené » qui « s’emporte » et le magistrat porte
« une redingote poudreuse et dégoutante comme sa conversation » et se comporte
comme un « moderne Brid’oison ». L’univers théâtral n’est pas loin avec ces échos
farcesques et comiques, comme l’indique la référence au personnage de juge ridicule du
Mariage de Figaro de Beaumarchais. L’anecdote amuse Gouges (« je m’en fus moitié
furieuse et moitié riant du jugement de ce moderne Brid’oison » l. 336-337) mais lui donne
in fine l’occasion de revenir à des considérations plus politiques.

3. a) Pourquoi l’autrice s’est-elle autorisée ce récit, selon vous ?

Ce récit anecdotique est significatif à l’échelle de l'œuvre : il donne un exemple concret


du comportement grossier et méprisant de certains hommes dans la vie quotidienne,
mais il permet aussi à Gouges de se mettre en scène de manière méliorative, en se
montrant comme une femme qui a de l’humour (qui n’est pas ennuyeuse et dont la parole
n’est pas que sentencieuse), mais aussi comme une femme qui, dans les situations
quotidiennes les plus banales, refuse de se laisser faire et ne craint pas de s’opposer à
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l’autorité quand celle-ci est injuste. En prenant appui sur sa propre expérience, l’autrice
se rend aussi plus proche de ses destinataires : elle n’est pas une femme déconnectée de
la réalité, qui n’aurait que des considérations purement spéculatives, mais une femme
qui met en application dans son quotidien les idées qu’elle défend, et pour qui tout
évènement, aussi anecdotique soit-il, est l’occasion de réfléchir concrètement à
l’amélioration de l’ordre social.

b) Quelle image donne-t-il d’elle-même ?

Cet appendice final propose un autre aperçu de la personnalité de l’autrice : elle s’y
dépeint comme une femme « comme tout le monde » (qui pour aller à Paris prend les
transport en commun, même si c’est long et compliqué : « l’économie n’est point
défendue », l. 295-296), active, travailleuse et minutieuse (quand elle se rend chez son
éditeur pour corriger ses épreuves), généreuse mais pas naïve (avec le cocher), éprise de
justice, connaissant la loi et sûre de ses droits face aux hommes dont le comportement
s’avère injuste voire outrangeant. Ce rapide autoportrait fait d’elle un modèle de ténacité,
y compris dans les plus petits faits de la vie quotidienne : elle n’est décidément pas une
victime mais une femme qui assume parfaitement de tenir tête aux hommes, lorsque sa
cause est juste. Enfin, dans sa manière d’introduire son récit et sa propre mise en scène,
elle fait preuve d’autodérision qui lui permet de développer une forme de bienveillance
et d’empathie de la part de ses destinataires : « sans doute une mauvaise étoile me
poursuivait dès le matin » affirme-t-elle avec une pointe de malice, ayant tout à fait
conscience que son récit n’a rien de tragique.

4. Dans quelle mesure ce récit sert-il l’argumentation déployée par l’autrice dans
l’ensemble de l'œuvre ?

Ce récit final cherche à montrer les injustices subies par les femmes : la narratrice
dénonce ainsi « l’acte d’autorité » (l. 321) et le « coup d’autorité » (l. 332) du magistrat.
Cette dénonciation en entraine une autre : en s’exclamant « C’est donc là l’espèce
d’homme qui doit juger un peuple éclairé ! » (l. 337-338), elle dénonce l'incompétence du
magistrat, qui méconnait la loi et agit de manière injuste, sans écouter les arguments de
la plaignante. L’œuvre s’achève donc sur une question civique et politique, celle de la
compétence des fonctionnaires du nouveau régime, fondamentale pour le maintien de
l’ordre social : « Que font ces juges de paix ? Que font ces commissaires, ces inspecteurs
du nouveau régime ? » (l. 349-351). Cette anecdote n’est donc pas si éloignée de la
Déclaration en tant que telle : en dénonçant le non-respect des hommes envers la loi, la
narratrice se présente elle-même comme une femme de loi et fait du respect de la loi une
question civique et sociale.

Une écrivaine au travail

1. a) Dans quelle partie du texte se situe l’autoportrait de Gouges en écrivaine ?

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Gouges esquisse son autoportrait en écrivaine dans la dernière partie du postambule,
dans l’appendice où elle raconte une mésaventure personnelle.

b) Quelles actions sont précisément décrites ? Est-ce ainsi que vous vous
représentez en premier lieu le travail d’un écrivain ?

Évoquant sa venue chez son imprimeur, elle décrit son travail : corriger ses épreuves,
vérifier que les pages sont bien « serrées et remplies » (l. 309-310), s’atteler à la
composition et à l’impression. Ce travail d’agencement et de correction correspond
davantage au travail d’un éditeur et d’un imprimeur que d’un écrivain.

2. Pourquoi l’autrice a-t-elle fait ce choix selon vous ? Justifiez votre réponse en
faisant un lien avec le contexte révolutionnaire.

En choisissant de mentionner ce genre de détails, l’autrice montre qu’elle est soucieuse


du bon déroulement de l’ensemble du processus de publication. Là encore, plus qu’une
écrivaine à sa table de travail, elle veut se présenter comme une écrivaine qui publie, qui
investit l’espace public grâce à ses écrits. Décrite comme une femme active et gardant la
main sur ses publications, elle cherche à mettre en scène son indépendance par le
travail : il s’agit de prouver que toute femme est tout à fait capable de travailler, et ce
même dans des domaines qui ne sont pas spécifiquement considérés comme féminins.

BILAN

Rédigez une synthèse en employant les expressions-clés contenues dans ce nuage de


mots. Vous pouvez les reformuler.

À travers les écrits variés accompagnant ou encadrant la Déclaration des droits de la


femme et de la citoyenne, Olympe de Gouges déploie une plume protéiforme, se montrant
capable de mettre en œuvre aussi bien l’éloquence grave et solennelle d’une oratrice à la
tribune dans le préambule de la Déclaration que des talents de conteuse à travers la
narration enjouée d’une anecdote en appendice du postambule. Usant de tonalités aussi
bien polémiques que pathétiques, blâmant les hommes oppresseurs comme les femmes
trompeuses, l’autrice assume son rôle de porte-parole des femmes, en mettant ses écrits
au service de sa cause, à savoir une égalité des droits entre les sexes pour le bonheur de
toutes et tous. Dans cette perspective, lorsqu’elle se met en scène et évoque une
expérience personnelle qu’elle théâtralise sous la forme d’une intrigue plaisante, son
objectif est double : il s’agit tout d’abord de montrer qu’elle est une femme dans son
époque, qui vit et traverse les mêmes vicissitudes que ses contemporaines. Sa prise de
parole et ses propositions sont donc le fruit de réflexions appuyées sur le réel. Ensuite,
en se peignant comme une écrivaine soucieuse de sa publication, oeuvrant
méthodiquement à ce que ses écrits soient rendus publics par une impression de qualité,
elle montre à tous qu’une femme peut assumer une carrière publique : en assurant
pleinement son rôle de femme de lettres, Olympe de Gouges cherche aussi à donner

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l’exemple d’une femme libre, légitime à écrire et tout à fait capable d’œuvrer à l’évolution
des lois.

▶ Écrire pour agir ? Parole véhémente, parole agissante

Combattre, mais jusqu’à quel point ?

1. À quel endroit de l'œuvre Olympe de Gouges condamne-t-elle précisément la


violence ? Expliquez le contexte de ses réflexions.

Olympe de Gouges condamne l’usage de la force et déplore notamment l’insurrection de


Saint-Domingue qu’elle évoque à la suite de la « Forme du contrat social de l’homme et
de la femme » : en mai 1791, au moment où elle rédige sa Déclaration, la colonie française
s’embrase en effet suite à un décret accordant le droit de vote aux « hommes de couleur
nés de père et de mère libres ». L’autrice se sent obligée d’ajouter quelques réflexions
personnelles sur la situation que traverse la colonie pour condamner fermement le
comportement des colons : la violence, pour l’autrice, relève toujours d’un abus de
pouvoir et ce sont les colons qui sont à l’origine de cette violence. Seule la loi est capable
de régir les rapports entre les membres d’une même société. Ainsi, lorsqu’elle évoque
ensuite, sous forme de récit plaisant, sa mésaventure avec le cocher malhonnête, elle ne
manque pas d’opposer à la force du commissaire de paix, le seul recours légitime, c’est-
à-dire la loi : « ce forcené s’emporte, me menace de la force si je ne paye à l’instant [...]
Je lui demande de me faire conduire au tribunal de département ou à la mairie, ayant à
me plaindre de son coup d’autorité ».

2. Texte-écho 2 • Montrez en quoi le combat mené par l’autrice s’appuie sur le sens
figuré du verbe « combattre ».

Dans la préface de Zamore et Mirza, Olympe de Gouges s’adresse aux esclaves et « gens
de couleur » (métisses) en lutte contre les Blancs dans la colonie de Saint-Domingue. Elle
condamne fermement la violence à laquelle ils ont recours pour faire reconnaitre leurs
droits et rompre leur esclavage ou les inégalités de statut dont ils sont les victimes. Si
l’autrice soutient leur combat pour la liberté et l’égalité, elle émet de sérieuses réserves
sur les moyens employés en blâmant avec énergie le recours aux armes, qu’elle associe à
une forme de sauvagerie et de férocité. Son raisonnement est simple : si les opprimés
usent de la violence face à leurs oppresseurs, ils se comportent comme leurs oppresseurs
et ne permettront donc jamais de rompre le cercle de la domination et de faire naitre la
paix car, par nature, « en imitant vos tyrans, vous les justifiez » (l. 3) ; « La tyrannie vous
suivra, comme le crime s’est attaché à ces hommes pervers. » (l. 10-11). La violence porte
en elle une injustice profonde puisqu’elle n’agit que par amalgame : « dans votre aveugle
rage, vous ne distinguez pas les victimes innocentes de vos persécuteurs. » (l. 4-5).
Quiconque use de la violence n’est donc pas digne de l’humanité et mérite qu’on le prive

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de ses droits fondamentaux, notamment de la liberté : « les hommes n’étaient pas nés
pour les fers et vous prouvez qu’ils sont nécessaires » (l. 5-6).

Si un combat doit être mené, c’est avec les armes de la loi et du droit qu’il conduira à la
victoire : ces armes seules sont capables de faire éclore « une concorde indispensable au
bien de la colonie et à [leurs] propres intérêts » (l. 18).

3. Lisez la réfutation qu’adresse Toussaint Louverture à Vienot-Vaublanc, page 108.


Dans quelle mesure sa condamnation rejoint-elle la posture modérée d’Olympe de
Gouges ?

Dans cet extrait de la Réfutation de quelques assertions d’un discours prononcé par
Viénot-Vaublanc, Toussaint Louverture condamne la violence dont a fait preuve une
partie des esclaves dans la colonie de Saint-Domingue : son objectif est de déconstruire
les accusations de son adversaire Viénot-Vaublanc qui considère que la situation
chaotique de la colonie repose sur la violence des Noirs. Toussaint Louverture, en
reconnaissant la brutalité et les exactions commises par les révoltés, met en garde le
Sénat français contre toute forme d’amalgame : « c’était le délire de quelques individus,
et non pas celui de tous les Noirs. » Le comportement indécent d’une partie de la
population ne doit pas faire oublier le combat exemplaire et républicain de la majorité.
Les termes ou périphrases qu’emploie l’auteur pour qualifier la violence relèvent du
blâme en rejetant les hommes violents hors de l’humanité, dans une forme de
monstruosité indifférenciée : « aveuglement », « délire » (l. 6), « conduite coupable » (l.
9), « passions qui font agir les ennemis de la liberté » (l. 14-15), « troupe sans frein, sans
discipline » (l. 16). Ils s’opposent aux expressions caractérisant le comportement du reste
des Noirs, guidés par les valeurs de la philosophie des Lumières et de la République : «
preuves sans réplique de fidélité à la République » (l. 17-18), « actes de bonté et
d’humanité » (l. 19) « retour à l’ordre et au travail » (l. 20), « attachement à la France » (l.
20) et enfin « dociles à la voix de la raison » (l. 22).

Se faire entendre

1. a) Quel sens donnez-vous au mot « publier » ?

Publier, c’est faire connaitre quelque chose, l’annoncer officiellement. Il s’agit notamment
de faire paraitre un ouvrage (l’éditer, l'imprimer et le diffuser).

b) Quel est son sens étymologique ?

Le terme est emprunté au latin publicare qui signifie « mettre à la disposition du public ;
montrer au public ». Publier, c’est donc rendre public.

c) Pour Olympe de Gouges, pourquoi est-il si important de publier ?

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49
La publication permet à Olympe de Gouges de faire connaitre et de diffuser largement ses
idées. En publiant, l’autrice sort de l’espace privé traditionnellement dévolu aux femmes,
pour investir l’espace public, espace dominé par les hommes mais aussi lieu d'échanges
et de débats politiques. En étant publiée, la parole d’Olympe de Gouges accède à un
statut particulier : elle devient support de réflexions et de dialogue pour l’ensemble des
citoyennes et citoyens et se dote d’un pouvoir d’action. Si Gouges écrit et publie, c’est
pour agir sur l’actualité et la société de son temps, c’est pour changer véritablement et
concrètement les lois, c’est pour parfaire l'œuvre révolutionnaire.

2. Olympe de Gouges est considérée comme la première femme à se servir d’affiches


pour exprimer ses idées. Que révèle cette pratique, selon vous ?

Exprimer ses idées sur des affiches, c’est se donner la possibilité de les rendre
accessibles à tout le monde puisqu’elles sont alors visibles dans l’espace public par
excellence : la rue, espace de circulation et espace commun. À la différence des salons ou
des lieux de culture et de débat politiques (les Cercles, les Sociétés), l’affiche touche non
seulement un public très large mais aussi un public non averti, par exemple les femmes.
Là où les Cercles révolutionnaires supposent une démarche de la part de celles et ceux
qui s’y rendent, l’affiche interpelle tout à chacun se trouvant dans l’espace public. Afficher
ses idées, c’est recourir ainsi à une forme de communication cherchant à toucher et
informer le plus grand nombre de personnes, en un siècle où l’objet-livre reste encore
l’apanage des classes aisées ; c’est choisir un support capable de faire naitre l’opinion
publique.

3. Après avoir consulté le prolongement artistique et culturel (p. 166-167), montrez


comment cette pratique initiée par Gouges se poursuit et se transforme à travers
les époques. Créez une fiche de synthèse ou une carte mentale.

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Supports d’expression féministes

Des affiches Au XIXe De nos jours, des


pendant la siècle, des collages
Révolution affiches et des féministes pour se
réapproprier

Les affiches se La tendance est


présentent sous la Des formes plus aux collages et
forme de longs variées sont aux œuvres de
street-art

Elles constituent Les affiches sont Les collages


un support de l’expression d’un s’accompagnent

Des affiches qui Des collages qui


Pendant l’époque condamnent les dénoncent les
révolutionnaires, inégalités de la inégalités, les

Exemples : Exemples : affiches Exemples :

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51
L’origine et les fondements de l’inégalité parmi les sexes
(p. 128-134)

Objectifs pédagogiques généraux

Les quatre études thématiques proposées ont pour but de permettre une étude
approfondie de l'œuvre au programme. En complément des études linéaires sur l'œuvre,
elles sont conçues pour préparer en priorité l’épreuve de la dissertation et développer
des connaissances précises, nécessaires pour la construction d’une argumentation
personnelle propre à cette épreuve. Alternant analyses de détail et questions de
synthèse, analyses sur l'œuvre et résonances avec des textes complémentaires, chaque
étude propose une plongée et une traversée dans l'œuvre à partir d’un thème
embrassant ses enjeux majeurs.

Chaque étude est indépendante des trois autres : le temps à y consacrer est très variable
et les mises en œuvre pédagogiques, détaillées plus bas, peuvent être différentes.

Objectifs pédagogiques de l’étude thématique

Être capable de :
● approfondir sa connaissance de l'ensemble de l’œuvre en maîtrisant le
vocabulaire propre à l’autrice et à une époque.
● nourrir sa réflexion sur l’oeuvre étudiée en la mettant en perspective avec des
textes plus anciens (Poullain de La Barre, La Fontaine mais aussi les auteurs
antiques du dossier numérique « Un premier et un deuxième sexe » disponible sur
LLS.fr/DDFCForce), contemporains de l’œuvre elle-même (Condorcet, Rousseau,
Charrière, Guyomar) et plus récents (Beauvoir).
● nourrir ses analyses littéraires par des connaissances et une approche plus
philosophique.

Mise en œuvre pédagogique

Comportant de nombreux textes-échos, l’étude thématique 4 propose un parcours qui


contextualise le débat sur l’égalité des droits entre les deux sexes. Moins centrée sur
l’étude précise de l'œuvre, elle propose un parcours plus large et plus souple, chaque
partie proposant un prolongement de la réflexion qu’on peut choisir de traiter ou non, en
fonction du temps dont on dispose.

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Les guides de lecture proposés peuvent faire l’objet d’un travail personnel et donner
l’occasion d’un bilan en classe sous forme de tableau récapitulatif.

Éléments de corrigés

▶ Existe-t-il une égalité naturelle entre les sexes ?

Construisez la réponse que pourrait formuler Olympe de Gouges à cette question en vous
appuyant sur votre lecture précise de l'œuvre. Aidez-vous du parcours de lecture suivant
pour nourrir votre propos.

Nature / Sens 1 • Préambule

● Où se trouvent les deux premières mentions du mot « nature » ?


● Que désigne-t-il alors ?

Le terme « nature » est employé pour la première fois dans le texte intitulé « Les Droits
de la femme » (l. 29-30) : « parcours la nature dans toute sa grandeur » (l. 5), « dans
l’administration de la nature » (l. 12). Il désigne alors « l’univers » et plus particulièrement
« l’ordre répandu dans toutes ces choses créées et suivant lequel toutes choses ont leur
commencement, leur progrès et leur fin » (dictionnaire de l’Académie française, édition
de 1762). En ce sens, la nature désigne l’ordre établi des éléments dans l’univers comme
système de lois qui président à l’existence des choses et où l’être humain n’a aucune
part. Dans la perspective de Gouges, la société doit être le reflet de la nature.

Nature / Sens 2 • Postambule

● À quoi l’autrice oppose-t-elle la nature ?


● Quel sens donnez-vous alors au mot « nature » ?

Le terme « nature » est employé à plusieurs reprises dans le postambule où il se dote


d’une connotation morale, s’opposant notamment au terme « préjugés » à la ligne 100
(« le puissant empire de la nature n’est plus environné de préjugés ») puis à la ligne 256
(« le préjugé tombe, les mœurs s’épurent, et la nature reprend tous ses droits »). La
nature prend donc ici un sens plus spécifiquement lié au destin humain. Elle ne désigne
plus seulement l’univers comme ordre biologique ou scientifique dans lequel l’être
humain n’a pas de part active, mais également une forme d’ordre moral et juste, auquel
chaque individu participe. La « nature » renvoie alors aussi à une sorte de constitution
morale qui permet de discerner le bien et le mal.

« Droits naturels »

● Dans le préambule et dans les articles de la Déclaration des droits de la femme et


de la citoyenne, à quels autres mots l’adjectif « naturel » est-il associé ?

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● Que désignent les « droits naturels » pour Olympe de Gouges ?

L’adjectif « naturel » est associé aux adjectifs « inaliénable » et « sacré » dans le


Préambule, puis « imprescriptible » dans l’article II de la Déclaration ; « les droits
naturels » désignent les droits fondamentaux dont l’être humain ne peut pas être privé.

Remarque · Une définition est proposée p. 69 du livre. La question 5 b) de cette page peut
être donnée en complément, puisqu’elle porte, à partir d’un très court extrait, sur la
définition que Condorcet donne des droits naturels.

● En quoi les droits naturels constituent-ils un « patrimoine perdu » pour la


femme ?
● Pour qui d’autre ces droits sont-ils perdus ?

Dans le postambule de la Déclaration, Gouges exhorte les femmes à réclamer le


patrimoine qu’elles ont perdu, dont elles ont été injustement spoliées : ce patrimoine
réside en un ensemble de droits dont les femmes disposaient naturellement en tant
qu’êtres humains et que la société, qui pervertit l’œuvre de la nature, leur a ravis. La
Déclaration a pour but de rétablir ces droits : liberté, propriété, sûreté, résistance à
l’oppression (article II). Les femmes ne sont pas les seules victimes de cette spoliation :
les hommes de couleur et les esclaves noirs ont aussi été dépossédés de leurs droits
naturels.

● Lisez l’extrait de l’Encyclopédie proposé p. 12 (Texte 2). Quels points communs


relevez-vous avec la pensée de l’autrice ?

Jaucourt et Gouges partagent une même définition des droits naturels comme droits
fondamentaux consubstantiels à l’humanité : ce qui contrevient à la nature contrevient
aussi à la morale. C’est en ce sens qu’ils condamnent l’un et l’autre l’esclavage comme
étant une pratique inhumaine.

« Lois de la nature et de la raison »

● Où en est-il question dans l'œuvre étudiée ?


● De quoi ces lois sont-elles protectrices ?
● Pourquoi sont-elles tout autant issues de la nature que de la raison ?

Olympe de Gouges évoque les lois de la nature et de la raison dans les articles IV et V de
la Déclaration. Elles protègent la liberté et l’intégrité de chacun(e), mais également
l’égalité entre tous les individus. Gouges s’appuie sur les lois issues a priori de deux
entités différentes : la nature, qui désigne l’ordre établi des éléments dans l’univers, et la
raison, faculté qui détermine l’appartenance d’un être au genre humain. Le droit à la
liberté, à l’égalité et à l’intégrité est garanti par les lois de la nature, c’est-à-dire le
fonctionnement de celle-ci, mais aussi par les lois de la raison, cette faculté ayant été
distribuée aux deux sexes dans le genre humain.
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Plus encore, « nature » et « raison » tendent à s’unifier dans la perspective philosophique
de Gouges, héritée de la philosophie des Lumières du XVIII e siècle. En effet, la raison est
comprise comme l’expression la plus parfaite de la nature humaine ; la raison est ce que
dicte en tout être humain le comportement le plus pur et moral qui soit, donc aussi le
comportement le plus proche de sa nature propre. « Nature » et « raison » sont
confondues puisque la seconde est l’expression toute humaine de la première.

BILAN · En quoi la Révolution fait-elle enfin triompher la nature ?

Dans la perspective d’Olympe de Gouges, la Révolution permet aux êtres humains de


renouer enfin avec leur nature profonde d’êtres raisonnables et moraux et avec l’ordre
établi par la nature comme système de lois qui préside à l’existence des choses.
Jusqu’alors, et particulièrement sous l’Ancien Régime, la nature était étouffée et
pervertie : les préjugés, le fanatisme et le mensonge régnaient en maitres et
déséquilibraient totalement la relation des individus entre eux et avec le monde. Gouges
somme donc les hommes comme les femmes de se saisir pleinement de ce temps
historique de la Révolution comme d’une occasion inédite de bouleverser l’organisation
sociale trop longtemps dépravée et de renouer avec un modèle naturel porteur des
véritables valeurs humaines.

Guide de lecture

1. Comment l’auteur explique-t-il la permanence des inégalités entre les hommes et


les femmes, si la nature n’en est pas à l’origine ?

Selon Poullain de La Barre, les inégalités entre les deux sexes persistent encore parce
qu’elles sont le fruit de la coutume, le résultat d’un préjugé si profondément ancré dans
nos manières de vivre qu’il nous semble naturel, alors qu’il est le fruit d’une certaine
organisation de la société. Les femmes ne sont pas naturellement inférieures aux
hommes ; elles ont été rendues inférieures et l’étude approfondie des conditions
historiques (l’auteur évoque la possibilité de remonter à la source) permettrait de
montrer comment la société a provoqué l’inégalité entre les deux sexes.

2. Si les facultés sont identiques aux deux sexes, par quel moyen les femmes ont-
elles été soumises ?

Les femmes ont été soumises par la force, par « la loi du plus fort », loi illégitime selon
Poullain de la Barre.

3. Sur LLS.fr/DDFCEcho2, comparez les réflexions de Poullain de la Barre avec celles


de son contemporain La Fontaine et du député révolutionnaire Pierre Guyomar.

Le fabuliste La Fontaine, contemporain de Poullain de La Barre, propose un récit qui met


en scène la loi du plus fort, socle de la monarchie absolue. Dans la fable « Le Loup et
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55
l’agneau », c’est le loup qui triomphe en dépit de la justesse de l’argumentation et de la
bonne foi de l’agneau. La morale de cette fable, ironique, dénonce implicitement (mais
donc aussi de manière quelque peu ambiguë car La Fontaine est proche du pouvoir) le
fonctionnement injuste de la justice, qui est toujours du côté des puissants. On peut le
voir aussi comme un avertissement (plus que comme une dénonciation) : ne vous
attaquez jamais à un puissant, car on vous donnera toujours tort.

Le député Pierre Guyomar rejoint, plus d’un siècle après les réflexions de Poullain de la
Barre, sa critique de la loi du plus fort ; selon lui, celle-ci s’oppose tout simplement au
droit et à la loi. En ce sens, la force, si elle a une légitimité et un sens dans le monde
sauvage, n’en a aucune lorsqu’il s’agit de faire société.

Texte-écho A
1. Quelle est la morale de cette fable ?

Exceptionnellement antéposée au récit, la morale de cette fable est constituée du


premier vers : « La raison du plus fort est toujours la meilleure ». Elle est exprimée par un
énoncé gnomique dont la valeur globalisante se perçoit par l’article défini générique « La
» et la forme verbale « est » au présent de vérité générale. L’adverbe « toujours » confère
également un tour implacable à cette sentence.

La morale choisie par le fabuliste pose comme inexorable le fait que le plus fort triomphe
toujours, du seul fait de sa domination sur les autres. Le droit est donc inéluctablement
du côté de celui qui incarne le pouvoir. Dès ce vers liminaire, le fabuliste nous délivre
ainsi une morale contestable. Il s’agira de percevoir, après une lecture plus fine de la
fable, la portée ironique de ce premier vers puisque La Fontaine veut condamner les abus
de pouvoir en dénonçant le sort injuste réservé à l’Agneau.

2. L’agneau mérite-t-il son sort, selon vous ? Pourquoi ?

On peut considérer l’Agneau comme la victime expiatoire de la puissance et de la cruauté


du Loup. En effet, son innocence perceptible par son association à « l’onde pure » (v. 4),
sa jeunesse évoquée dans l’hémistiche « je tète encor ma mère (v. 21) et sa déférence à
l’égard du Loup marquée à la fois par le vouvoiement et les titres « Sire » (v. 10) ou «
Votre Majesté » (v. 10) sont immédiatement écartées au profit de la mauvaise foi et de
l’autorité du Loup. Ainsi, la perfidie de ce dernier le conduit à alléguer une argumentation
fallacieuse, faite d’imprécisions (« Je sais que de moi tu médis l’an passé », v. 19),
d’affirmations non fondées (« On me l’a dit »n v. 26), voire de mensonges avérés (v. 20).
L’agneau subit donc un véritable procès d’intention et est condamné d’avance, dès la
morale du premier vers. Cette condamnation sans appel est d’autant plus injuste que,
face à la faillite des justifications du Loup, l’Agneau s’efforce de proposer une
argumentation rigoureuse et convaincante, comme une vaine tentative de défense. Mais
sa parole est de plus en plus réduite, passant de l’alexandrin (v. 20), au décasyllabe (v. 21)
et au tétrasyllabe (v. 23). Le silence qui s’impose à lui trahit l’inutilité de ses interventions

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face à la domination et à l’agressivité du Loup. Sa parole est ainsi confisquée confirmant
que sa condamnation est inéluctable.

3. En quoi cette fable représente-t-elle le fonctionnement de la monarchie absolue ?

Cette fable est une condamnation ferme de la justice arbitraire exercée par les puissants
de la cour, incarnés ici par un Loup tyrannique et cruel. En effet, le lexique de la haine
composé des expressions « plein de rage » (v. 8), « en colère » (v. 11), « bête cruelle » (v.
18) plaçant résolument ce personnage du côté de la férocité, l’emploi du futur simple « tu
seras châtié » (v. 9) qui annonce de manière inflexible la sentence finale, la rapidité
expéditive avec laquelle cette sentence sera appliquée dans les trois ultimes octosyllabes
(v. 27-29) dénoncent non seulement la dure réalité des rapports de force entre le tiers
état et les Grands de la cour mais également l’absence de toute équité dans les conflits
qui les opposent.

Texte-écho B
1. Quelle contradiction Guyomar met-il en lumière dans cet extrait ?

Alors que les femmes font intégralement partie de la population française quand on fait
le compte démographique des habitants du pays (« La France a 25 millions d’habitants »),
celles-ci sont décomptées de la population globale dès lors qu’il s’agit de leur accorder
des droits politiques. Pierre Guyomar laisse échapper sa surprise voire son
incompréhension devant cette injustice par la question rhétorique « S'agit-il de calculer
le nombre des membres du souverain ? ». Les oppositions fortes des premières phrases
entre les expressions « 25 millions d’habitants » et « le nombre des membres du
souverain » ou entre les groupes verbaux « on comprend les femmes « et « on fait la
soustraction » légitiment l’indignation de l’auteur qui condamne ainsi ce préjudice subi
par les femmes alors même que les idéaux révolutionnaires auraient dû/pu œuvrer pour
une égalité politique entre les sexes.

2. Quelle serait la conséquence, si l’on acceptait la loi du plus fort ?

En appliquant « la loi du plus fort », les Grands qui dirigent le pays sur le seul principe de
l’autorité et de la toute-puissance évitent de recourir « au travail d’un code » c’est-à-dire
à un système de lois rigoureux et plus égalitaire. Ce manque législatif instaure donc un
déséquilibre, une injustice profonde exprimée par l’expression métaphorique « en
écrasant d’une main le faible » qui dévoile toute la violence du rapport de force entre les
faibles et les puissants, mais aussi entre les femmes et les hommes.

▶ Quand la différence des sexes engendre des différences morales

Guide de lecture

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57
1. a) Selon Rousseau, quelle égalité existe-t-il entre l’homme et la femme ? b) En
quoi diffèrent-ils ?

L’homme et la femme sont égaux biologiquement, exception faite de la différence


sexuelle qui détermine chez l’un et l’autre des spécificités morales, c’est-à-dire de
comportement.

2. a) Quels attributs ou qualités appartiennent naturellement à l’homme ?

L’homme détient naturellement la force qui détermine chez lui des qualités d’initiative,
de puissance et de volonté.

b) Et à la femme ?

La femme, naturellement moins forte, est dotée de la beauté et de la ruse. Plus faible que
l’homme, elle est naturellement passive, timide, docile.

3. a) La ruse est-elle une qualité ou un défaut selon Rousseau ?


b) Pourquoi est-elle spécifiquement féminine selon lui ?

La ruse est une qualité chez Rousseau : c’est la puissance dont sont dotées les femmes
pour faire face à la force, attribut naturel de l’homme. Dans l’équilibre des rapports entre
l’homme et la femme, l’homme use de force, là où la femme emploie la ruse : c’est au
moyen de ces deux armes différentes que leurs rapports s’équilibrent et que l’un ne
domine pas l’autre. Dans la perspective rousseauiste, la différence sexuelle induit des
différences psychologiques : être de sexe masculin, c’est être doté d’une force physique
supérieure qui induit des comportement plus actifs et volontaires. Être de sexe féminin,
c’est être plus faible ce qui conduit la femme à développer un autre talent : la ruse. Celle-
ci est donc la réponse naturelle développée par les femmes pour équilibrer ses rapports
avec les hommes.

4. Que pense Gouges de la ruse des femmes ? Expliquez les divergences entre
Rousseau et elle en vous référant à l’étude thématique 1, p. 112.

À la différence de Rousseau, Gouges condamne la ruse comme subterfuge immoral qui


maintient les femmes dans un comportement fait de bassesse et de tromperie. Rousseau
comme Gouges reconnaissent que la ruse est l’instrument de l’être faible. Mais là où
Rousseau la considère comme un talent spécifiquement développé par les femmes grâce
auquel elles se hissent à la hauteur des hommes, Gouges la condamne comme un moyen
qui pervertit la société entière et maintient les femmes dans un état d’infériorité : la
puissance de la ruse n’est pas l’équivalent de la puissance de la force selon Gouges. Dans
sa vision d’une société réformée et de rapports homme/femme épurés, la force comme la
ruse ont disparu pour laisser la place aux droits et à la loi.

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58
5. Que reproche Isabelle de Charrière à Rousseau ? Précisez votre réponse en lisant
sur LLS.fr/DDFCRousseau un extrait dans lequel Rousseau explique quelle
éducation il préconise pour développer les qualités naturellement féminines.

Isabelle de Charrière reproche à Rousseau la différence d’éducation qu’il instaure entre


les garçons et les filles, notamment en ce qui concerne l’apprentissage de la contrainte et
de la frustration. Selon Rousseau en effet, il faut accoutumer la fille dès son plus jeune
âge à la contrainte pour la rendre docile et obéissante, notamment aux hommes. En
l’éduquant à l’obéissance, en freinant ses ardeurs et ses « excès », on permet
l’épanouissement de facultés naturelles chez la fille : douceur, délicatesse, persuasion.

▶ Des différences biologiques aux inégalités sociales

Guide de lecture

1. Après avoir lu le texte-écho 5, expliquez avec vos propres mots l’affirmation de


Beauvoir mise en gras dans la citation ci-dessus.

« On ne nait pas femme, on le devient » signifie que la femme est une construction
sociale que l’individu de sexe féminin intériorise par le biais d’une certaine éducation et
d’interactions sociales. Devenir une femme, c’est assimiler dès la naissance et tout au
long de la vie des attitudes et schémas de pensée déterminés comme étant du ressort du
féminin, ce que Beauvoir décrit comme « un destin qui lui est imposé par ses éducateurs
et par la société ». Par exemple, la passivité ou la retenue sont le fruit d’une longue
éducation faite d’un rapport biaisé, secondaire et contraint au monde matériel et social
là où le garçon développe activité, initiative et curiosité parce qu’il se déploie et investit
le monde dès son plus jeune âge en y trouvant un champ d’expérience et d’apprentissage.

2. En quoi Beauvoir s’oppose-t-elle à Rousseau lorsqu’elle affirme qu’« on ne naît


pas femme » ?

À la différence de Rousseau, Beauvoir considère que le caractère féminin ou masculin,


n’est pas inné, biologique. « Femme » et « homme », « féminité » et « virilité » sont des
constructions sociales et non caractéristiques naturelles. Là où Rousseau estime, comme
l’extrême majorité des penseurs de son époque, que les différences sexuelles biologiques
engendrent des différences « sur le moral », c’est-à-dire le comportement ou la
psychologie, la philosophe affirme qu’ « aucun destin biologique, psychique ou
économique » ne définit la femme mais que celle-ci est le résultat d’un ensemble de
déterminants sociaux et civilisationnels. Féminité et virilité, ainsi que les attributs qu’on
leur attribue spécifiquement (douceur, passivité, docilité pour l’une ; force, activité,
initiative pour l’autre) sont des « produits » culturels et non naturels.

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▶ Un premier et un deuxième sexe (LLS.fr/DDFCForce)

1. Lisez de courts extraits de textes religieux, philosophiques et scientifiques de


l’Antiquité au XVIIIe siècle. En quoi ont-ils participé à construire l’inégalité ou
l’égalité entre les sexes ?

Activité 1 Au commencement étai(en)t l’homme... et puis la femme

Guide de lecture

1. Texte 1 · Comment les rapports entre l’homme et le femme évoluent-ils dans ces
trois extraits du récit de la Genèse ? Appuyez-vous notamment sur le lexique
employé.

Le premier paragraphe de cet extrait met plutôt en évidence une forme d’équilibre entre
l’homme et la femme, formant tous deux une unité que Dieu ne distingue pas lorsqu’il
s’adresse à eux : après les avoir bénis sans distinction, il s’adresse à l’homme et la femme
en employant un « vous » qui rassemble et caractérise le couple homme/femme comme
une unité. L’homme et la femme, ensemble, dominent le monde terrestre en le peuplant
et en se rendant maîtres des autres espèces (« l’assujettissez ; et dominez sur [...] »).

Le second paragraphe met l’accent sur le caractère premier du sexe masculin dans la
création : Dieu crée d’abord l’homme puis forme la femme à partir d’une côte de l’homme
pour lui donner une compagne. Le compagnonnage de l’homme et de la femme est voulu
par Dieu, l’homme étant endormi et donc passif durant la création de la femme par Dieu.
Le couple peut donc être vu comme une volonté de Dieu et comme une création à part
entière (« ils deviendront une seule chair »), faite à partir de deux entités distinctes.
Ensemble, l’homme et la femme forment un nouvel être (« une aide semblable à lui »).

Le troisième paragraphe, qui suit le moment où Dieu retourne au jardin d’Eden pour
constater la faute d’Adam et Ève, relate un changement relationnel majeur entre l’homme
et la femme : là où tous deux « dominaient » et « assujettissaient » le monde terrestre
dans le premier paragraphe, c’est désormais l’homme qui asservira la femme (« il
dominera sur toi »). La punition que Dieu réserve à la femme est marquée par des
souffrances liées à deux statuts désormais spécifiquement rattachés à sa condition : la
maternité et la conjugalité.

2. Texte 2 · Quel statut ce commandement donne-t-il à la femme ?

Dans ce dernier commandement, la femme est considérée comme une propriété de


l’homme : l’énumération qui mentionne ce que l’homme ne doit pas convoiter met sur le
même plan l’épouse et le bétail, l’épouse et les serviteurs, et même tout autre élément
appartenant à un homme. La femme est ainsi réduite au rang de « bien » dont l’homme
dispose au même titre qu’une maison.

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60
Guide de lecture

1. Texte 3 • Quels arguments et quelle stratégie argumentative Marie de Gournay


emploie-t-elle pour convaincre de l’égalité naturelle entre l’homme et le femme
devant Dieu ?

À la manière des commentateurs du texte sacré, Marie de Gournay fonde sa stratégie


argumentative sur l’examen, l’analyse minutieuse et l’interprétation du texte biblique lui-
même, texte sacré considéré comme source de la parole de Dieu et donc vérité dans la
religion chrétienne.

De plus, elle s’inscrit dans la lignée d’autres exégètes comme Basile, dont elle met en
évidence sa qualité de « grand saint » : ce recours à un argument d’autorité dans le
premier paragraphe de l’extrait lui permet d’asseoir son argumentaire sur une figure
reconnue par ses lecteurs tout en mettant bien en évidence que les hommes aussi, à
l’instar de Basile, peuvent tout à fait reconnaître l’égale vertu des deux sexes. Marie de
Gournay continue ensuite en tenant compte des arguments de ses adversaires : à ceux
qui défendent l’idée que la supériorité de l’homme est légitimée par le texte sacré du fait
que Dieu ait choisi un fils pour sauver l’humanité, elle oppose la figure de la Vierge qui,
dans la Bible, occupe un statut particulier et même supérieur en un certain sens au Christ
lui-même (car lui, n’est pas considéré comme un être parfait).

Ainsi, elle procède à une réfutation en démontrant précisément en quoi la perfection de


la Vierge prouve que le texte sacré accorde à la femme un statut équivalent à celui de
l’homme.

Enfin, elle anticipe d’éventuels contre-arguments en proposant sa propre interprétation


de la célèbre mention de l'épitre de Paul aux Ephésiens, affirmant que le mari est le chef
de la femme. Certes, il s’agit là aussi d’une partie du texte sacré issu du Nouveau
Testament, mais l’autrice l’analyse en lui opposant d’autres parties du texte sacré, issues
de l’Ancien Testament et plus précisément de la Genèse. Là où c’est l’apôtre Paul qui
affirme que le mari est le chef de la femme, Marie de Gournay rappelle que c’est Dieu lui-
même qui affirme que « les deux ne seront qu’un » et que « l’homme quittera père et
mère pour suivre sa femme. » Dans la perspective de l’autrice, Paul a défendu l’idée que
le mari est le chef de la femme comme étant un moyen (parmi d’autres ?) pour garantir
surtout la volonté de Dieu, celle d’une harmonie, d’une entente, d’une paix entre les deux
sexes. Or, il s’agit bien de considérer avant tout la parole de Dieu et de mieux
comprendre ce que signifie cette paix conjugale et comme elle est fondée, dans la
perspective de Marie de Gournay, sur une égalité de statut entre les deux sexes.

2. Selon vous, pourquoi est-ce important, pour l’autrice, de s’appuyer sur les textes
religieux ?

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61
Les textes religieux, et notamment la Bible, considérée comme le texte sacré de la
religion chrétienne, sont d’une importance extrême pour fonder les bases de la morale et
du fonctionnement de la société au XVIe siècle. En fondant sa réflexion sur la Bible, Marie
de Gournay s’élève au rang d'exégèse, fonction jusqu’alors réservée aux hommes et
même uniquement aux clercs ou aux érudits. Il s’agit pour elle de montrer qu’elle est tout
à fait capable, au même titre que les grands commentateurs du texte sacré, de fonder son
raisonnement, non sur des convictions personnelles issues de son expérience de la
condition féminine, mais en raison et en vérité, le texte biblique étant considéré comme
la source de la parole divine et donc de la vérité.

Activité 2 La femme, cet homme manqué

Guide de lecture

1. Texte 2 · Quels sont les deux textes de référence sur lesquels s’appuie Thomas
d’Aquin ?

Thomas d’Aquin s’appuie d’une part sur la Bible, en reprenant un passage de la Genèse,
d’autre part sur les écrits d’Aristote, philosophe grec de l’Antiquité. Ces deux références
sont des figures d’autorité au XIIIe siècle, l’ensemble des connaissances se fondant sur
l’étude du texte sacré et des écrits antiques.

2. Textes 1 et 2 · a) Relevez les expressions associées à l’un et l’autre sexe. b)


Comment la femme est-elle décrite par rapport à l’homme ? Résumez en quelques
mots.

L’homme La femme

Texte 1, Aristote - « le moteur et l’agent » - « passive »


- « la semence » - « la matière » grâce aux «
- « le sperme [...]le menstrues », c’est-à-dire le
mouvement dont il est sang menstruel.
animé » - « mâle mutilé et imparfait »
- « le principe de l’âme » - « sperme qui n’est pas pur »

Texte 2, Thomas d’Aquin - « la vertu génératrice active - « la vertu passive »


» - « quelque chose de
- « activité vitale encore plus défectueux et de manqué »
noble : la connaissance - « ordonnée à l'œuvre de
intellectuelle » génération ».

La femme est dans la perspective d’Aristote et de Thomas d’Aquin, un être incomplet au


regard de l’homme: « mutilé et imparfait » chez le philosophe grec, « défectueux et
manqué » chez le théologien du XIIIe siècle. La femme est en quelque sorte un homme à
qui il manque le principe vital, qui anime, qui donne l’âme à l’espèce pour la perpétuer.

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62
Chez les deux penseurs, la femme est marquée, naturellement, biologiquement, par la
passivité notamment dans l’acte de reproduction de l’espèce : ce n’est pas elle, mais
l’homme qui détient la substance qui donne vie à la matière que la femme apporte. Cette
dichotomie entre l’activité, détenue par l’homme, et la passivité, état de la femme,
dépasse, dans la représentation des rapports entre les sexes, la seule dimension
biologique : en pensant que la femme ne détient aucune substance animée (littéralement
« qui donne l’âme, qui donne vie »), on admet que la femme est par nature un être inactif,
qui doit naturellement « recevoir » et « s’offrir » en tant que « matière », en tant que «
corps » à la puissance active détenue par l’homme.

En ce sens, cette opposition activité/passivité engendre tout un ensemble de


considérations sur les rapports homme/femme, depuis une certaine vision de la sexualité
et de la séduction, jusque dans les stéréotypes sociaux associés aux deux sexes (femme
docile, homme entreprenant…)

Guide de lecture

1. Texte 3 • En quoi la théorie de Buffon s’oppose-t-elle à celle d’Aristote, considérée


jusqu’alors comme légitime ?

La théorie de Buffon vient contredire les pensées d’Aristote sur la répartition des
substances active et passive entre les deux sexes. Buffon affirme que le mâle et la femelle
détiennent tous deux, des « matières également actives, également chargées de
molécules organiques propres à la génération ». La dichotomie activité/passivité devient
obsolète d’un point de vue scientifique, l’homme et la femme étant considérés comme
participants actifs à l’oeuvre de reproduction.

2. Débat • Selon vous, la science a-t-elle un rôle à jouer dans le changement de


mentalités sur les rôles féminin et masculin ? Si oui, comment ?

Voici quelques pistes de réflexion pour nourrir le débat en classe :


- L’écoute de l’émission proposée dans la question suivante permet de poser un
cadre intéressant au débat en soulignant notamment la complémentarité des
approches scientifiques (génétique, anthropologie, paléontologie, etc.),
notamment du lien entre sciences dures et sciences humaines.
- Les travaux de Françoise Héritier et de Priscille Touraille sur le dimorphisme
sexuel peuvent nourrir la réflexion.
- Un documentaire Arte, accessible en VOD

3. Prolongement • L’homme, cette femme ratée ?

Cette question ne nécessite pas de correction particulière.

Toutefois, l’écoute de l’émission de France Culture disponible sur LLS.fr/DDFCEvolution («


Hommes et femmes : égales devant l’évolution ? ») peut très bien servir de ressource
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63
intéressante pour le débat proposé précédemment : trois scientifiques (Yves Coppens,
Pierre-Henri Gouyon et Edith Heard) font un tour d’horizon des recherches menées par
des anthropologues, généticiens, paléontologues sur l’évolution naturelle et culturelle
des sexes et l’apparition des différences entre ces derniers.

Bilan - outils de révision (p. 135)

Objectifs pédagogiques

Par ces activités de bilan, on cherchera à :


● vérifier la compréhension de l’œuvre et des parcours thématiques étudiés en
créant des fiches synthétiques sous forme de tableaux ou de cartes mentales ;
● favoriser la mémorisation des connaissances et l’appropriation des principaux
enjeux de l’œuvre ;
● comprendre la portée argumentative et subversive de la Déclaration des droits de
la femme et de la citoyenne ;
● mettre ses connaissances au service de la maîtrise de l’exercice de dissertation.

Mise en œuvre pédagogique

Cette rubrique s’organise autour de deux types d’activités : l’élaboration d’une fiche de
révision collective (outil 1) qui doit permettre une mobilisation des connaissances sur
l'œuvre étudiée et leur mise en commun, puis la conception de quatre cartes mentales
pour réinvestir les acquis des études thématiques précédentes (outil 2). Afin de favoriser
les échanges entre les élèves, on pourra réaliser cette fiche de révision et ces cartes
mentales en binômes ou en petits groupes. Un temps de mise en commun des réponses
sera ensuite organisé en classe entière. On pourra enfin tirer profit de ces activités de
synthèse et des notions / citations mises en jeu pour se constituer un solide réservoir
d’exemples pour l’exercice de dissertation.

Éléments de corrigés

Outil 1

1. Reproduisez le tableau ci-dessous ou téléchargez-le sur LLS.fr/DDFCP135. Puis


complétez-le en précisant, pour chaque citation, à quel endroit de l'œuvre elle est
située.

Voici une proposition de complétion du tableau proposé :

Thèmes Citations
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64
« Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la nation,
demandent d’être constituées en Assemblée nationale. » (Préambule)
L’union des femmes
« Cette chaine d’union fraternelle offrira d’abord le désordre, mais par
les suites, elle produira à la fin un ensemble parfait. » (Postambule)

« La femme nait libre et demeure égale à l’homme en droits. » (Art.


Premier)
L’égalité entre les
hommes
« [...] toutes les citoyennes et tous les citoyens, étant égaux à ses yeux,
et les femmes
doivent être également admissibles à toutes dignités, places et emplois
publics » (Art. 6)

« Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout


La révolte l’univers ; reconnais tes droits. » (Postambule)
nécessaire des
femmes « Quelles que soient les barrières que l’on vous oppose, il est en votre
pouvoir de les affranchir » (Postambule)

« [...] elles ont eu recours à toutes les ressources de leurs charmes, et le


plus irréprochable ne leur résistait pas. » (Postambule)
Les vices des
femmes « Une femme n’avait besoin que d’être belle ou aimable ; quand elle
possédait ces deux avantages, elle voyait cent fortunes à ses pieds. »
(Postambule)

« Qui t’a donné le souverain empire d’opprimer mon sexe ? » (« Les


Droits de la femme »)
L’oppression
masculine
« l’exercice des droits naturels de la femme n’a de bornes que la
tyrannie perpétuelle que l’homme lui oppose. » (Art. IV).

« Le mariage est le tombeau de la confiance et de l’amour. »


(Postambule)
Le mariage
« l’homme et la femme [...] doivent être unis, mais égaux en force et en
vertu, pour faire un bon ménage » (« Forme du contrat social de
l’homme et de la femme »)

« Le principe de la souveraineté réside essentiellement dans la nation,


La nation
qui n’est que la réunion de la femme et de l’homme » (Art. III)

« [les femmes] ont résolu d’exposer dans une déclaration solennelle, les
droits naturels, inaliénables et sacrés de la femme » (Préambule)

Les droits naturels « Le but de toute association politique est la conservation des droits
naturels et imprescriptibles de la femme et de l’homme : ces droits sont
la liberté, la propriété, la sûreté et surtout la résistance à l’oppression. »
(Art. II)

« [...] la raison peut-elle se dissimuler que tout autre chemin à la fortune


est fermé à la femme que l’homme achète, comme l’esclave sur les côtés
d’Afrique ? » (Postambule)
Les droits de tous
les opprimés
« Les colons prétendent régner en despotes sur des hommes dont ils
sont les pères et les frères » (« Forme du contrat social de l’homme et
de la femme »)
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65
« Homme, es-tu capable d’être juste ? » (« Les Droits de la femme »)
Des attaques ad
hominem Ô femmes ! femmes, quand cesserez-vous d’être aveugles ? »
(Postambule)

« La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir


également celui de monter à la tribune » (Art. X)
La liberté d’opinion
« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits
les plus précieux de la femme » (Art. XI)

« Le flambeau de la vérité a dissipé les nuages de la sottise et de


l’usurpation. » (Postambule)
Une parole
éloquente « tout a été soumis à la cupidité et à l’ambition de ce sexe autrefois
méprisable et respecté, et depuis la Révolution, respectable et
méprisé. » (Postambule)

Outil 2

1. Pour favoriser la mémorisation de l’étude thématique 3, complétez la carte


mentale proposée sur LLS.fr/DDFCCarteMentale.

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66
Stratégies argumentatives et

Les moyens Une femme à la « Combattre » mais

Impliquer Ecrire une Convaincre


Une oratrice Combattre par les
Éloquen mots, par une prise
ce de parole
Hommes et La Déclaration Faire appel Les adresses politique :
femmes : : à la raison : - Condamnation de
« Homme, - successives à la
la violence :
es-tu 1) Une Raisonnem reine, aux hommes,
capable harangue : ent a pari aux « mères »,
d’être « Ô femmes ! (art. X et « filles », « sœurs »
juste ? » femmes, et les marques Incarner une parole
« Femme, politique : écrire
quand
réveille-toi pour investir
cesserez-vous Faire appel l’espace public,
»
d’être aux Une autrice comme « lieu de
Procédés : aveugles ? » émotions : combat »
(postambule) Tonalité Recours au récit
→ Appel à la pathétique anecdotique
prise de dans De la moralité
l’évocation
conscience :
collective et à
la Une éditrice
mobilisation Autoportrait en
pour atteindre écrivaine qui
s’implique dans la
publication de ses

2. Créez une carte mentale pour chacune des trois autres études thématiques.

Carte mentale pour l’étude thématique 1 · Portrait(s) de femme(s)

La carte mentale proposée ci-dessous pourra être modifiée en fonction des intitulés
choisis dans l’étape 2 page 112 et des arguments développés dans l’étape 3 page 113.

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67
I Un tableau pathétique I L’image d’une

Le sort des Exemples de La volonté de La nécessité pour les


femmes, un abus situations injustes rétablir les droits femmes de rompre

L’égalité des droits, une


Le sort des femmes
réalité à faire advenir
guère plus enviable

Citation-clé : « réunissez-vous sous les


Citation-clé : « ce sexe autrefois étendards de la philosophie, déployez
méprisable et respecté, et depuis la toute l’énergie de votre caractère, et vous

Portrait(s) de femme(s)

I Portrait de la femme ou
des femmes ?

Une démarche et un Un autoportrait en


projet féministes femme active,

Une Déclaration à l’origine


d’une sororité proclamée et à

Citation-clé : « Les mères, les filles, les

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68
Carte mentale pour l’étude thématique 2 · Le mariage : esclavage féminin ou contrat
égalitaire ?

Le mariage : esclavage féminin ou

De l’égalité naturelle à la Les relations hommes / femmes

Observation de la Rôle et statut de Une Des « Le mariage


nature la femme relation femmes est le
déséquilib abando tombeau de
- Dans la nature, - À la fin du XVIIIe rée la confiance
nnées
il n’existe pas de siècle, les et de l’amour
distinction - La femme »
femmes sont Les
hiérarchique est « le
dominées, femmes - Métaphore
opprimées : leur jouet du

Des propositions
La « Forme Un projet
du contrat inédit... Une
social de nouvelle
l’homme et définition
de la de la
femme » filiation
… mais
- critiqué - par la
Directemen reconnaiss
t « je vois

Carte mentale pour l’étude thématique 4 · L’origine et les fondements de l’inégalité parmi
les sexes

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69
L’origine et les fondements de l’inégalité

Nature Droits Lois de la Bilan

· Dans « Les · Dans le • Dans l’article V, La


Droits préambule, les « lois de la Révolution
de la femme » : doit faire
les femmes doivent nature et triompher
La nature est une
création proclamer leurs « de la raison la nature :
supérieure à la droits naturels, défendent
civilisation inaliénables et toutes actions · Les lois de
humaine et dont sacrés ». nuisibles à la la nature
il faut prendre société ». expriment
exemple : · Dans l’article II, une égalité
« parcours la des droits
les droits naturels • L’égalité entre entre les
nature dans
toute sa de la femme (et de les hommes et
l’homme) sont « la sexes se justifie à les femmes.

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70
Revoir la méthode (p. 136)

Objectifs pédagogiques

Les objectifs méthodologiques, liés à l’acquisition de la méthode de la dissertation, sont


nombreux :
● analyser un sujet de dissertation en identifiant puis en définissant ses mots-clés
(exercices 1, 2) ;
● choisir la démarche appropriée au sujet (exercices 1, 2) ;
● dégager et formuler une problématique adéquate, qui tienne compte des
présupposés du sujet (exercices 2, 3, 4) ;
● mobiliser ses connaissances en repérant dans l'œuvre étudiée les éléments utiles
à l’argumentation (exercices 1, 2).

Mise en œuvre pédagogique

Les quatre exercices proposés permettent aux élèves de créer des automatismes sur
certains points techniques de la dissertation. Ils suivent une progression guidée : analyse
du sujet, démarche argumentative appropriée au sujet, formulation pertinente d’une
problématique, mobilisation des connaissances dans la perspective de l’élaboration d’un
plan détaillé. Les deux premiers exercices peuvent être réalisés en binôme : chaque élève
prendra en charge un sujet et procèdera à son analyse en suivant l’ordre des consignes.
Au terme de ce premier travail, les élèves de chaque binôme échangeront leur analyse et
proposeront une correction en notant les remarques méthodologiques dans la marge.
Une correction collective suivra, qui permettra une mise en commun des réponses et, si
besoin, une explication sur les erreurs ou défaillances constatées. Les deux derniers
exercices seront réalisés individuellement par écrit ou feront l’objet d’une activité
d’échanges oraux en classe entière.

Éléments de corrigés

Ex 1

1. Lisez attentivement les deux sujets de dissertation proposés. En quoi leur


présentation est-elle similaire ?

Les deux sujets de dissertation sont constitués des deux mêmes composantes :
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71
- La citation d’un journaliste, Laurent Joffrin pour le sujet 1, et celle de deux
historiens, Michelle Perrot et Georges Duby pour le sujet 2. Ces deux citations
présentent un point de vue sur l’un aspect de la Déclaration d’Olympe de Gouges :
dans le sujet 1, Laurent Joffrin évoque l’engagement humaniste d’Olympe de
Gouges qui dépasse celui des droits de la femme. Dans le sujet 2, Michelle Perrot
et Georges Duby énumèrent les revendications égalitaires qui ont émergé à la fin
du XVIIIe siècle et dont Olympe de Gouges s’est fait la porte-voix.
- Le sujet proprement dit, formulé par une question. Ce sujet doit permettre
d’éclairer, d’expliciter les propos des auteurs en mobilisant les connaissances sur
la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.

2. Observez la formulation de la question posée. Ces sujets appellent-ils un plan


dialectique ou un plan thématique ? Justifiez votre réponse.

Les deux questions sont introduites par la locution interrogative « En quoi » que l’on
pourrait reformuler par « pour quelles raisons ». Les deux sujets induisent un plan
thématique : ils sont introduits par des mots interrogatifs qui demandent de valider une
opinion selon une démarche progressive. Ainsi, la question « En quoi ces propos
illustrent-ils les combats de l’autrice de la Déclaration des droits de la femme et de la
citoyenne ? » invite à développer les raisons qui font de cette Déclaration une œuvre
militante.

3. Pour chaque sujet, définissez les mots-clés mis en gras.

Pour le sujet 1, on pourra définir les mots-clés suivants :


➢ « émancipation » : affranchissement, action qui consiste à se libérer d’une
entrave, d’une domination ;
➢ « document précurseur », « texte fondateur » : œuvre annonciatrice de règles
nouvelles, dispensatrice d’idées innovantes ; Gouges serait alors une pionnière,
initiant les femmes et autres opprimés à la révolte pour une place plus juste et
meilleure une reconnaissance de leurs droits ;
➢ « féminisme » : mouvement social militant pour l’extension et l’égalité des droits
sociaux, économiques, politiques, juridiques de la femme ; l’engagement féministe
a permis de lutter pour l’émanicipation des femmes.

Le sujet 2 contient également trois mots-clés qui forment un lexique politique déjà étudié
dans le dossier pédagogique (pages 68-69).
➢ « république » : du latin res publica, la « chose publique », la république
appartient aux citoyens (avec les limites que l’on donne à ce mot, les conditions
pour en faire partie) et elle donc une forme de la démocratie. Le peuple s’exprime
(la plupart du temps) par le biais de représent(e)s élu(e)s, qui exercent leur
mandat pour une durée déterminée. Dans la citation de Georges Duby et Michelle
Perrot, la république est une organisation politique qui permet un partage plus
équilibré des pouvoirs.

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72
➢ « citoyens » : ceux (et celles) qui peuvent exercer leur droit de cité, c’est-à-dire
leurs droits civiques en participant pleinement à la vie politique de leur pays ;
➢ « droit politique » : droit de participer à la vie politique, d’exercer ses droits
civiques en votant ou en étant élu(e).

4. Pour chacune des expressions surlignées en orange, proposez une reformulation


sous forme de phrase ; complétez votre phrase en lui associant un ou des
passage(s) précis de l'œuvre étudiée, ainsi qu’une citation pertinente.

Pour le sujet 1, on reformulera les expressions de la manière suivante :


➢ « celle des esclaves dont elle fut l’avocate impénitente et celle des femmes » : en
effet, Olympe de Gouges défend le droit à la liberté et à l’égalité pour tous les
individus, en établissant une comparaison entre la situation des femmes et celle
des esclaves. Dans le postambule, elle dénonce la situation des femmes « que
l’homme achète, comme l’esclave sur les côtes d’Afrique » (p. 42). Sa volonté est
alors de rappeler les humiliations et les souffrances déshumanisantes subies par
les esclaves, de s’insurger contre le refus d’accorder des droits humains pleins et
entiers aux hommes racisés (comme aux femmes). Ainsi, la démarche féministe
d’Olympe Gouges est une démarche humaniste qui prône la reconnaissance de
droits égaux entre tous les individus et une liberté qui « doit être égale pour
tous » (p. 48).
➢ « l’égalité des droits politiques, la fin du mariage, le divorce par consentement
mutuel, la reconnaissance des enfants adultérins » : pour Gouges, les femmes
doivent désormais être considérées comme des citoyennes actives en participant
à la vie politique du pays. Ainsi, alors que l’article premier de sa Déclaration
affirme l’égalité des droits entre les femmes et les hommes, les articles III et XVI
proclament la nécessité pour les femmes d’être considérées comme des membres
de la nation, laquelle « n’est que la réunion de la femme et de l’homme » (p. 33).
De plus, l’institution du mariage maintient les femmes dans une forme de
domination notamment économique : Gouges propose alors, dans la « forme de
contrat social entre l’homme et la femme », de nouvelles lois qui impliqueraient
« le partage des fortunes entre les hommes et les femmes, et de l’administration
publique » (p. 43), soit une répartition égale des biens et des emplois entre les
sexes. Enfin, dans l’article XI et le nouveau « contrat » conjugal, Olympe de Gouges
accorde une importance forte à la filiation naturelle en prônant l’égalité des
enfants devant la loi, qu’ils soient « légitimes » ou « illégitimes » : « Toute
citoyenne peut donc dire librement “je suis mère d’un enfant qui vous appartient”,
sans qu’un préjugé barbare la force à dissimuler la vérité, sauf à répondre de
l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » (p. 35). Enfin, est
évoquée dans la Déclaration la liberté de divorcer selon des lois qui favorisent
l’égalité entre les genres (p. 44-45).

Pour le sujet 2, on proposera les reformulations ci-dessous :

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73
➢ « Égalité des droits fondée par la nature, égalité des sexes, égalité dans
l’instruction » : dès le préambule, Olympe de Gouges revendique ces « droits
naturels, inaliénables et sacrés » (p. 31), qui par nature doivent concerner aussi
bien les femmes que les hommes. De même, l’article premier proclame l’égalité
des droits entre les sexes : « La femme nait libre et demeure égale à l’homme en
droits » (p. 32). L’article VI affirme également la nécessité pour les femmes
d’accéder aux mêmes « dignités, places et emplois publics » (p. 34) que les
hommes alors que, selon l’article X, la femme doit pouvoir exprimer ses opinions
librement : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions mêmes fondamentales.
La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également le doit de
monter à la tribune » (p. 35). Enfin, dans la « forme de contrat social de l’homme
et de la femme », elle propose de renouveler les lois du mariage pour créer une
« chaine d’union fraternelle » (p. 47) qui accordera à la femme une place plus
juste.
➢ « l’exhortation au changement » : dès l’épitre à la reine, Olympe de Gouges
exhorte Marie-Antoinette, à la fois « mère et épouse » de défendre « ce sexe
malheureux » (p. 27), de soutenir les droits des femmes. Ce sont ensuite les
hommes qu’elle interpelle « Les Droits de la femme », avec l’apostrophe initiale «
Homme, es-tu capable d’être juste ? » (p. 29). Enfin, ce sont les femmes qui sont
prises à partie au début du postambule : « Femme, réveille-toi ; [...] reconnais tes
droits » (p. 38) ; « Ô femmes, femmes, quand cesserez-vous d’être aveugles ? » (p.
38). « Quelles que soient les barrières que l’on vous oppose, il est en votre pouvoir
de les affranchir. » (p. 40)

5. Dans le premier sujet, explicitez l’expression surlignée en bleu en donnant des


exemples précis issus de votre lecture de l'œuvre.

L’expression « et bien d’autres choses » est une formule synthétique équivalente à la


formule latine et caetera, mieux connue par l’abréviation etc : Laurent Joffrin résume ainsi
les combats d’Olympe de Gouges pour défendre tous les opprimés ou oubliés de la
société. Voici ses différentes revendications dans la Déclaration :

Combats d’Olympe de Gouges Citation

Droit des femmes à accéder aux emplois Art. VI : « toutes les citoyennes et tous citoyens
publics. [...] doivent être également admissibles à
toutes dignités, places et emplois publics »
(p. 34)

Droit des femmes à la liberté d’expression et Art. X : « Nul ne doit être inquité pour ses
d'opinion. opinions même fondamentales. La femme a le
droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir
également celui de monter à la tribune »
(p. 35)

Droit à un partage juste des biens. Art. XIV et XVII : « Les propriétés sont à tous les
sexes réunis ou séparés ; [...] nul ne peut en

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74
être privé comme vrai patrimoine de la
nature » (p. 38)

Élaboration d’un contrat conjugal qui « Nous entendons et voulons mettre nos
permettra le partage des biens. fortunes en communauté » (p. 44)

Protection des veuves et des femmes non- « Je voudrais encore une loi qui avantageât les
mariées. veuves et les demoiselles trompées par les
fausses promesses d’un homme à qui elles se
seraient attachées » (p. 46)

Protection des prostituées. « Je voudrais [...] que les filles publiques


fussent placées dans des quartiers désignés »

Droit au mariage des prêtres. « Ajoutez-y le mariage des prêtres » (p. 47)

Ex 2

1. Un mot interrogatif est-il employé ? Si oui, proposez-en une reformulation.

Seule la question correspondant au sujet 1 comporte un terme interrogatif : « comment ».


Il peut être reformulé par la locution « de quelle manière » ou encore « par quels
moyens ».

2. Quel type de plan adopteriez-vous pour traiter l’un et l’autre sujet ?

Le sujet 1 est formulé par une question ouverte, introduite par un terme interrogatif. Ce
type de question induit une réponse qui analysera de manière progressive la notion de ce
sujet : il faut donc choisir un plan thématique.

En revanche, la question correspondant au sujet 2 est une question fermée à laquelle on


ne peut répondre que par oui ou non. Le sujet invite à une confrontation d’idées, à une
discussion nuancée : il faudra donc adopter un plan dialectique.

3. Quelle expression-clé constitue le cœur de chaque sujet ?

L’expression-clé du sujet 1 est « une fraternité nouvelle ». Elle met l’accent sur
l’émergence de liens plus justes, plus égalitaires, plus complémentaires entre les
membres d’une même nation.

L’expression-clé du sujet 2 est « bouleverser l’ordre établi ». Cette expression fait de la


Déclaration une œuvre subversive qui renverse ou détruit les règles préexistantes pour
propager des idées innovantes, révolutionnaires.

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75
4. Le sujet 1 a été analysé à la page suivante, mais trop brièvement. Complétez cette
ébauche d’analyse en proposant des synonymes, des antonymes et des définitions
précises.

Fraternité :
● Devise de la France : liberté, égalité, fraternité, trois valeurs universelles et
indissociables.
● Synonymes → amitié, solidarité, communion.
● Frères = lien de parenté, de proximité, de solidarité
● Peut avoir un sens plus large : entre frères, mais aussi entre hommes, entre
hommes et femmes, entre gens de différentes nationalités, entre classes sociales,
etc.
● L’équivalent féminin du mot est sororité, mais qui n’existe que dans un sens
restreint (solidarité entre femmes)

nouvelle :
● Nouvelle place pour les femmes ? pour tous les opprimés ?
● Nouvelle organisation ? Vers un système social et politique qui inclurait des droits
plus égalitaires ?
● Nouvelles mentalités qui bouleverseraient en profondeur les liens entre les
individus ?

5. Faites le même travail pour le sujet 2 dont l’ébauche d’analyse est disponible sur
LLS.fr/DDFCSujet2.

Bouleverser :
● Réorganiser, reconstruire, refondre, restructurer.
● Mettre sens dessus dessous, renverser, troubler, changer brutalement.
● Par la violence ? Par les mots ? Par la littérature ? Par la loi ?
● Révolutionner = en créant un ordre nouveau ? En quoi cet ordre nouveau
s’opposerait-il au monde établi ? S’agirait-il d’un monde meilleur ? Plus juste ?
Plus égalitaire ?

l’ordre établi :
● Ordre social, pouvoir en place.
● Place des un(e)s par rapport aux autres, nouvelle organisation de la société,
redistribution des rôles de chaque composante d’une nation, vers un partage, une
plus grande complémentarité.
● Règles : lesquelles ? celles que tous les individus doivent suivre ? celles qui
émanent de la loi ? celles qui imposent une classification voire une hiérarchisation
entre les individus formant une société ?
● Faut-il obéir à l’ordre établi ? Faut-il s’y soumettre ?

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6. Approfondissez l’analyse des deux sujets au brouillon en proposant des
références à l'œuvre étudiée (passages précis, citations éventuelles, arguments
de l’autrice…).

Sujet 1 :
Passages :
- « Les droits de la femme », (p. 29-30)
- Les articles I et III (p. 32-33).
- Le début du postambule (p. 38-40).
- Dans le postambule, exemples évoquant la dépendance et le rejet dont les
femmes sont victimes (p. 42).
- Proposition de lois, au sein d’un « Contrat social » en vue d’un système social et
politique qui inclurait des droits plus égalitaires (p. 44-47).

Citations :
- « [...] et vous verrez bientôt ces orgueilleux, non serviles adorateurs rampants à
vos pieds, mais fiers de partager avec vous les trésors de l’Être suprême. » (p. 39-
40)
- Une loi qui permettra « le partage des fortunes entre les hommes et les femmes,
et de l’administration publique » (p. 43).
- « Cette chaine d’union fraternelle offrira d’abord le désordre, mais par les suites,
elle produira à la fin un ensemble parfait » (p. 47).

Arguments :
- Il faut respecter les lois de la nature qui ne distinguent pas, ne hiérarchisent pas
les éléments masculins et féminins.
- Il faut respecter les lois de la raison : si les deux sexes sont égaux d’un point de
vue intellectuel, ils doivent aussi être égaux du point de vue des droits politiques.
- Il s’agit d’exhorter les femmes à sortir de leur passivité et de leur aveuglement afin
de faire émerger une nouvelle société, plus conforme aux idéaux des Lumières et
aux acquis de la Révolution.
- Olympe de Gouges propose un nouveau contrat social pour une meilleure
reconnaissance des droits des femmes : l’instauration du divorce, la suppression
du mariage religieux au profit d’un contrat conjugal établissant le partage des
biens entre les époux, et enfin la protection des mères et des enfants, en
particulier des enfants illégitimes.

Sujet 2 :

Passages :
- Le préambule qui, par un jeu de réécriture, permet d’offrir aux femmes une
Déclaration des droits novatrice et inclusive (p. 31-32).
- Les articles de la Déclaration qui corrigent les injustices ou silences de la
Déclaration de 1789 (p. 32-38).

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- Des passages polémiques qui intiment aux hommes le devoir de mettre un terme à
l’oppression qu’ils exercent sur les femmes (« Les droits de la femme », p. 29-30)
et aux femmes celui de s’en affranchir (postambule, p. 38-40).
- Un « Contrat social » qui devient une force de propositions inédites (p. 44-49).

Citations :
- « Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l’univers ;
reconnais tes droits » (p. 38)
- « Quelles que soient les barrières que l’on vous oppose, il est en votre pouvoir de
les affranchir ; vous n’avez qu’à le vouloir » (p. 40)
- « je vois s’élever contre moi les tartuffes, les bégueules, le clergé et toute la
séquelle infernale. Mais combien il offrira aux sages de moyens moraux pour
arriver à la perfectibilité d’un gouvernement heureux ! » (p. 45)
- « Le préjugé tombe, les mœurs s’épurent et la nature reprend tous ses droits »
(p. 47)

Arguments :
- La DDFC, une œuvre militante qui veut récuser les inégalités de droits.
- La DDFC, une œuvre qui incite les femmes à un sursaut salvateur qui puisse les
libérer du joug de l’obscurantisme et de la domination masculine.
- La DDFC, une oeuvre qui veut institutionnaliser des droits nouveaux et
fondamentaux pour la femme.
- La DDFC, une œuvre qui veut propager des idées innovantes et révolutionnaires
pour une plus grande égalité ou complémentarité entre les individus : partage des
fortunes et des fonctions dans l’administration publique, droit au divorce,
reconnaissance des enfants illégitimes…
- La DDFC, une œuvre engagée qui se heurte à la persistance de préjugés misogynes
et à des mentalités sectaires.

7. Proposez pour chacun des sujets une reformulation permettant de dégager une
problématique.

Proposition de reformulation du sujet 1 : Comment Olympe de Gouges fixe-t-elle des liens


de plus grande solidarité entre les individus ?

Proposition de reformulation du sujet 2 : Ce texte subversif a-t-il pour but de contester


les règles préexistantes pour reconstruire un monde meilleur, fondé sur une nouvelle
organisation de la société ?

Ex 3

1. Parmi les trois problématiques suivantes, quelle est selon vous la plus
pertinente ?
a) La Déclaration est-elle un cri qui retentit pour faire réagir la passivité ?
b) En quoi cette oeuvre polémique est-elle une exhortation au changement ?
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c) Avec ce verbe à l’impératif, la Déclaration d’Olympe de Gouges engage-t-elle les
femmes à militer pour leurs droits ?

La meilleure problématique correspond à la proposition a). En effet, elle reformule bien


la question du sujet puisque le terme « cri » exprime la révolte à laquelle Olympe de
Gouges exhorte les femmes de son temps. De même, l’expression « faire réagir la
passivité » reprend, dans un sens équivalent, la formule du sujet « appel à une prise de
conscience » et la citation issue du postambule : « Femme, réveille-toi ». Ainsi, cette
problématique énonce un enjeu fondamental de la Déclaration d’Olympe de Gouges, à
savoir l’incitation à la lutte pour faire émerger une société plus égalitaire. Cet enjeu de
l'œuvre est exprimé sous la forme d’une équivalence, traduite par l’emploi du verbe «
être » au présent de vérité générale. Ainsi, de manière imagée mais concise et claire,
cette problématique éclaire bien la question posée par le sujet.

2. Quelles faiblesses relevez-vous dans les deux autres problématiques ?

Le choix d’une question ouverte ne permet pas de retenir la proposition b). En effet,
introduite par « En quoi », cette question déplace les enjeux du sujet en induisant un
plan thématique qui ne correspond pas à la démarche dialectique imposée par la
question fermée du sujet.

La problématique c) « Avec ce verbe à l’impératif, la Déclaration d’Olympe de Gouges


engage-t-elle les femmes à militer pour leurs droits ? » dépasse légèrement la portée du
sujet tout en laissant de côté la nécessaire et salutaire prise de conscience qui doit
mener à la révolte. De plus, le renvoi au procédé injonctif de la citation d’Olympe de
Gouges est assez maladroit dans le cadre de la formulation de la problématique.

Ex 4

LLS.fr/DDFCExercice4 Associez chaque problématique au sujet de dissertation qui


correspond.

1. En groupe, lisez attentivement les sujets de dissertation et reliez chacun d’entre


eux à la problématique qui correspond.

Sujet 1 : « Homme, es-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait la question ;
tu ne lui ôteras pas du moins ce droit. Dis-moi ? Qui t’a donné le souverain empire
d’opprimer mon sexe ? » s’indigne Olympe de Gouges au début de sa Déclaration des
droits de la femme et de la citoyenne. En quoi ce cri de révolte illustre-t-il le combat des
femmes pour accéder à l’égalité des droits ?
→ Problématique D : En quoi la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne
manifeste-t-elle la nécessité urgente pour les femmes, qu’Olympe de Gouges représente,
d’élever énergiquement la voix pour obtenir plus de justice ?

Sujet 2 : La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne : une œuvre de combat ?


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→ Problématique E : Dans quelle mesure la Déclaration des droits de la femme et de la
citoyenne peut-elle se définir comme une arme au service d’une lutte pour un monde plus
égalitaire ?

Sujet 3 : Selon vous, comment la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne


met-elle en œuvre le pouvoir des mots ?
→ Problématique C : En quoi l’œuvre engagée d’Olympe de Gouges déploie-t-elle une
parole puissante et agissante ?

Sujet 4 : Selon Benoîte Groult dans Ainsi soit Olympe de Gouges, Gouges « a été la
première féministe à comprendre [...] que le sexisme n’était qu’une des variantes du
racisme, et à s’élever à la fois contre l’oppression des femmes et contre l’esclavage des
Noirs. » En quoi cette autrice est-elle une figure fondatrice des combats pour l’égalité ?
→ Problématique B : En quoi les fondements idéologiques et philosophiques de la
Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne reposent-ils sur une réflexion qui
dépasse la seule question de l’émancipation féminine ?

Sujet 5 : La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne n’est-elle qu’un pastiche


de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ?
→ Problématique A : Dans quelle mesure la Déclaration des droits de la femme et de la
citoyenne repose-t-elle sur un jeu de réécriture ?

2. Répartissez-vous les sujets et prenez en charge la rédaction complète de


l’introduction du sujet dont vous êtes responsable.

Deux introductions sont proposées ci-dessous :

● Sujet 4

[Entrée en matière] Connue pour ses prises de position féministes, Olympe de Gouges
a, tout au long de sa vie, mené un combat plus large en prenant la défense des personnes
les plus démunies, rejetées, opprimées. [Formulation du sujet] C’est d’ailleurs l’opinion de
Benoîte Groult qui, dans Ainsi soit Olympe de Gouges, considère qu’elle « a été la
première féministe à comprendre [...] que le sexisme n’était qu’une des variantes du
racisme, et à s’élever à la fois contre l’oppression des femmes et contre l’esclavage des
Noirs. » En quoi cette autrice est-elle une figure fondatrice des combats pour l’égalité ?
[Problématique] En quoi les fondements idéologiques et philosophiques de la
Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne reposent-ils sur une réflexion qui
dépasse la seule question de l’émancipation féminine ? [Annonce du plan] Nous verrons
d’abord ses combats pour les droits des femmes. Puis nous montrerons qu’en militant
pour d’autres causes, par une parole libre et humaniste, elle a œuvré de manière plus
générale pour une société plus juste.

● Sujet 5

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[Entrée en matière] Selon la critique Sophie Mousset, dans Olympe de Gouges et les
droits de la femme, « la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de
Gouges, reprend, article après article, et dès le préambule, la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen. Elle en est, en quelque sorte, le complément sans être une
critique. » [Formulation du sujet] Mais la Déclaration des droits de la femme et de la
citoyenne n’est-elle qu’un pastiche de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ?
[Problématique] Dans quelle mesure cette œuvre repose-t-elle sur un jeu de réécriture ?
[Annonce du plan] Après avoir montré que la Déclaration des droits de la femme et de la
citoyenne reprend très largement la Déclaration de 1789, nous verrons en quoi les
modifications établies ont une portée argumentative et subversive qui s’inscrit dans un
combat pour une société plus égalitaire.

Pour les autres introductions, on veillera au respect des étapes mentionnées dans le livre
page 140 et dans le manuel de Première p. 370 (voir : LLS.fr/FR1P370).

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Dissertation guidée (p. 139-140)

Objectifs pédagogiques

Pour cet exercice d'entrainement, on recensera les objectifs généraux suivants :


● aider les élèves à mener l’exercice rigoureux de la dissertation jusqu’à son terme ;
● s’entrainer à appliquer la méthode à partir d’un cheminement progressif, de
l’analyse du sujet à la rédaction de parties-clés.

Plus spécifiquement, on s’attachera à :


● apprendre à repérer et définir les mots-clés du sujet pour en assurer une pleine
compréhension (étape 1) ;
● identifier le type de plan approprié au sujet (étape 2) ;
● à partir d’un schéma préétabli, élaborer le plan de la dissertation en formulant la
thèse des deux parties puis leurs arguments (étape 3) ;
● réinvestir les connaissances sur l’œuvre étudiée en ciblant un champ d’exemples
pertinents et précis (étape 3) ;
● vérifier l’acquisition de la méthode de l’introduction (étape 4) et de la conclusion
(étape 5) à partir de schémas éclairants puis s'entrainer à la rédaction de ces deux
parties.

Mise en œuvre pédagogique

Point d’orgue de cette partie de l’ouvrage, l’exercice de dissertation guidée doit


permettre le réinvestissement des acquis méthodologiques et notionnels des séances
précédentes. Quatre étapes constituent cet exercice d’entrainement : les deux premières
pourront être menées collectivement, dans une démarche collaborative d'analyse du
sujet. L’étape 3, qui demande de construire un raisonnement dans l'élaboration d’un plan
détaillé et de mobiliser les connaissances sur l'œuvre étudiée, pourra être envisagée en
petits groupes. Au terme de ce travail, une mise en commun des réponses permettra de
dégager et de formuler un plan à la fois progressif et équilibré qui constituera une bonne
synthèse des connaissances des élèves sur le sujet proposé. Enfin, les deux dernières
étapes qui engagent les compétences rédactionnelles des élèves, se prêteront volontiers
à un travail en binôme : individuellement d’abord, chaque élève rédigera successivement
l’introduction et la conclusion de la dissertation. Puis, à la faveur d’un échange des
productions écrites, chacun(e) procèdera à la relecture et à la correction éventuelle de
l’introduction et de la conclusion rédigées par l’autre. Une correction collective sera enfin
proposée à l’ensemble de la classe. Si besoin, on pourra compléter cet exercice

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d’entrainement par des points de cours et des exercices supplémentaires présentés dans
le manuel de Première, p. 366 et suivantes (voir : LLS.fr/FR1P366 et suivantes).

Éléments de corrigés

Étape 1

Analysez au brouillon le sujet en vous aidant des termes mis en évidence en gras.

La question posée par le sujet contient une négation restrictive formée par les adverbes
« ne … que ». Elle met en doute le fait que les seules destinataires de la Déclaration des
droits de la femme et de la citoyenne soient les femmes, sous-entendant que cela
réduirait considérablement sa portée. Le sujet nous invite donc à réfléchir sur le lectorat
d’Olympe de Gouges et sur les bénéficiaires des idées novatrices qu’elle développe dans
son œuvre.

On pourra formuler l’implicite de ce sujet pour en faire émerger les sous-entendus : cette
œuvre d’engagement pour des droits égalitaires ne concerne-t-elle pas aussi le lectorat
masculin ? En luttant pour la reconnaissance des plus démunis et de tous les opprimés, la
démarche d’Olympe de Gouges n’est-elle pas une démarche plus générale, humaniste ?
Ne peut-on pas conférer à la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne une
visée plus universelle ?

Étape 2

Pour répondre à ce sujet, choisiriez-vous un plan thématique ou un plan dialectique ?


Justifiez votre réponse.

Ce sujet, formulé par une question fermée, implique une démarche dialectique. La
première partie devra étayer une thèse, le deuxième axe la nuancera. Enfin, une dernière
partie pourra proposer un dépassement.

Étape 3

Allez sur LLS.fr/DDFCDissertation, téléchargez le schéma dont vous avez un aperçu ci-
dessous puis complétez-le.

Voici une proposition de complétion du schéma.

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Selon vous, la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de

Problématique : Cette œuvre engagée n’a-t-elle pas une portée plus universelle ?

Partie I Partie II
Certes, la Déclaration des droits de la femme Toutefois, ce texte témoigne d’un engagement
et de la citoyenne est l’œuvre d’une pionnière plus général et s’adresse à l’ensemble de la

Argument Argument Argument Argument


Une Déclaration Un texte qui Au-delà des Un texte à visée
placée sous l’égide exhorte les femmes combats pour les universelle,
des femmes à faire valoir leurs droits des femmes, adressé tout
une démarche autant aux

Exemple 1 : Une Exemple 1 : Dans


œuvre adressée à les articles, Exemple 1 : Dans Exemple 1 : La
des femmes revendication de le postambule et volonté de
- l’épitre droits le contrat changement
dédicatoire à la fondamentaux conjugal, Gouges qu’exprime ce
reine (p. 25-28) ; pour les femmes évoque la texte n’a de sens
- un préambule (art. I à IV), de situation des que si elle est
adressé à toutes « nouvelles libertés esclaves et entendue et
les mères, les dans l’espace « hommes de acceptée par les
filles, les soeurs, couleur » (p. 42, p. hommes et ce
représentantes de 47-49). texte les
la nation » (p. 31) ; interpelle aussi,
comme au début
des « Droits de la

Étape 4

Poursuivez la rédaction de cette introduction en respectant les étapes mentionnées dans


le schéma.

[Entrée en matière] Malgré l’implication des femmes dans la Révolution française,


celles-ci ont en grande partie été exclues des avancées obtenues. C’est notamment ce
que souligne Olympe de Gouges en 1791 quand elle publie sa Déclaration des droits de la
femme et de la citoyenne, réécriture de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
de 1789. Dédicaçant son texte à la reine Marie-Antoinette, elle y exhorte « les mères, les
filles, les sœurs » à se mobiliser pour défendre leurs droits. [Formulation du sujet]
Toutefois, la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges ne
s’adresse-t-elle qu’aux femmes ? [Problématique] Cette œuvre engagée n’a-t-elle pas une
portée plus universelle ? [Annonce du plan] Après avoir montré que l’autrice exhorte
spécifiquement les femmes à entreprendre une véritable conquête pour leur

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émancipation, nous verrons d’une part que son texte condamne de manière plus large
toute forme d’oppression et d’autre part qu’il s’adresse aussi au lectorat masculin, sans
qui la société égalitaire et fraternelle qu’il défend ne pourrait advenir.

Étape 5

Rédigez la conclusion de cette dissertation en suivant les étapes suivantes.

[Bilan] En définitive, si la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe


de Gouges s’adresse d’abord aux femmes en étant un plaidoyer en faveur de leur
émancipation et d’une société nouvelle au sein de laquelle elles accèderont enfin au
bonheur par des lois plus justes, cette prise de parole féminine interpelle également les
hommes en contestant vigoureusement leur pouvoir de domination et en leur rappelant
les idéaux de la Révolution. [Ouverture] D’ailleurs, ces abus des hommes sur les femmes
sont déjà évoqués dans des textes des Lumières, comme La Colonie de Marivaux. En effet,
dignes représentants des contestations que portera Gouges à la fin du siècle, les
personnages féminins de cette pièce s’insurgent contre les préjugés misogynes et
revendiquent une condition féminine plus juste, dans l’esprit des idéaux des Lumières.

Remarque · Une autre possibilité d’ouverture serait de faire référence au podcast de


France Culture intitulé « Peut-il y avoir des hommes féministes ? ».

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