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SEQUENCE 1 : les liens sociaux à l’heure du numérique

Texte 1 : Montaigne (1533-1592), LES ESSAIS, livre Ier, chapitre XXVIII

« Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont


qu'accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle
nos âmes s'entretiennent. En l'amitié de quoi je parle, elles se mêlent et confondent l'une en l'autre,
d'un mélange si universel qu'elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me
presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne se peut exprimer, qu'en répondant : « Parce
que c'était lui, parce que c'était moi. »
Il y a, au-delà de tout mon discours, et de ce que j'en puis dire particulièrement, ne sais quelle force
inexplicable et fatale, médiatrice de cette union. Nous nous cherchions avant que de nous être vus, et
par des rapports que nous oyions l'un de l'autre, qui faisaient en notre affection plus d'effort que ne
porte la raison des rapports, je crois par quelque ordonnance du ciel ; nous nous embrassions par nos
noms. Et à notre première rencontre, qui fut par hasard en une grande fête et compagnie de ville,
nous nous trouvâmes si pris, si connus, si obligés entre nous, que rien dès lors ne nous fut si proche
que l'un à l'autre. Il écrivit une satire latine excellente, qui est publiée, par laquelle il excuse et
explique la précipitation de notre intelligence, si promptement parvenue à sa perfection. Ayant si peu
à durer, et ayant si tard commencé, car nous étions tous deux hommes faits, et lui plus de quelques
années, elle n'avait point à perdre de temps et à se régler au patron des amitiés molles et régulières,
auxquelles il faut tant de précautions de longue et préalable conversation. Celle-ci n'a point d'autre
idée que d'elle-même, et ne se peut rapporter qu'à soi. Ce n'est pas une spéciale considération, ni
deux, ni trois, ni quatre, ni mille : c'est je ne sais quelle quintessence de tout ce mélange, qui ayant
saisi toute ma volonté, l'amena se plonger et se perdre dans la sienne ; qui, ayant saisi toute sa
volonté, l'amena se plonger et se perdre en la mienne, d'une faim, d'une concurrence pareille. Je dis
perdre, à la vérité, ne nous réservant rien qui nous fût propre, ni qui fût ou sien, ou mien. »

Nous avons ici une vision positive de l’amitié.


Le locuteur s’intègre dans le texte avec des « nous »
Il répond à une question qu’il pose indirectement « pourquoi je l’aimais » et il y répond avec
« parce que c’était lui parce que c’était moi » nous pouvons traduire une passion pour cette personne
Il raconte qu’il aime cette relation

Le thème de Montaigne est l’amitié

La phrase clé de cet extrait est « parce que c’était lui parce que c’était moi ».

L’amitié véritable, telle que Montaigne la définit, est faite d’une fusion entre deux parties qui
semblent se retrouver l’une en l’autre de façon irrésistible. Les deux amis semblent se connaître
parfaitement alors qu’ils se sont rencontrés il y a peu de temps, et sont attirés l’un vers l’autre la
personne la plus importante et réciproquement, en un partage absolu des affections. Pour eux, cette
attraction s’exerce de façon inexplicable

Texte 2 : L’Ami retrouvé, Fred Uhlman (1932)

Je ne puis guère me rappeler ce que Conrad me dit ce jour-là ni ce que je lui ai dit. Tout ce
que je sais est que, pendant une heure, nous marchâmes de long en large comme deux jeunes
amoureux, encore nerveux, encore intimidés, mais je savais en quelque sorte que ce n'était là qu'un
commencement et que, dès lors, ma vie ne serait plus morne et vide, mais pleine d'espoir et de
richesse pour tous deux.
Quand je le quittai enfin, je courus sur tout le chemin du retour. Je riais, je parlais tout seul, j'avais
envie de crier, de chanter, et je trouvais très difficile de ne pas dire à mes parents combien j'étais
heureux, que toute ma vie avait changé et que je n'étais plus un mendiant, mais riche comme Crésus.
Mes parents étaient, grâce à Dieu, trop absorbés pour observer le changement qui s'était fait en moi.
Ils étaient habitués à mes expressions maussades et ennuyées, à mes réponses évasives et à mes
silences prolongés, qu'ils attribuaient aux troubles de la croissance et à la mystérieuse transition de
l'adolescence à l'âge viril. De temps à autre, ma mère avait essayé de pénétrer mes défenses et tenté
une ou deux fois de me caresser les cheveux, mais elle y avait depuis longtemps renoncé, découragée
par mon obstination et mon manque de réceptivité.

L’amitié

« Mais je savais en quelque sorte que ce n'était là qu'un commencement et que, dès lors, ma
vie ne serait plus morne et vide, mais pleine d'espoir et de richesse pour tous deux. »

L’amitié présentée ici est une amitié qui ne pourra aller que dans un sens étant donné les
origines du locuteur et de Conrad. Il y a un changement de comportement du locuteur qui a des
expressions ennuyées chez ses parents. Ici il est décrit que sa vie ne sera plus morne et vide

Texte 3 : extrait d’un article du CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales)
Amitié : subs. Fém.
Relation d'ami.
I.− [Les êtres intervenant dans la relation sont exclusivement des animés]
A.− [La relation d'amitié est de nature pers.]
1. [La relation a pour obj. de créer ou d'entretenir, etc. une communauté de nature affective et
vertueuse] Une amitié désintéressée, avoir de l'amitié pour quelqu'un, une preuve d'amitié :

Texte 4 :
Rutebeuf (XIIIe siècle), « La Complainte », (1762)

Que sont mes amis devenus


Que j'avais tant cultivés,
Et tant aimés ?
Je crois qu’ils se sont éparpillés ;
Ils n’avaient pas été bien attachés
Et ainsi ils ont failli.
De tels amis m’ont mis en mauvaise situation,
Car jamais aussi longtemps que Dieu me mit à
l'épreuve
De bien des manières,
Je n'en vis un seul à mes côtés.
Je crois que le vent les a emportés,
L'amitié est morte :
Ce sont amis que le vent emporte,
Et il ventait devant ma porte,
Ainsi le vent les emporta,
Car jamais aucun ne me réconforta
Ni ne m'apporta rien de ce qui lui appartenait.
Ceci m'apprend
Que celui qui a des biens, doit les prendre pour lui :
Mais celui-ci se repent trop tard
Qui a trop dépensé
Pour se faire des amis,
Car il ne les trouve pas sincères, même à moitié,
Pour lui venir en aide.
Je cesserai donc de courir la fortune,
Et je m’appliquerai à me tirer d’affaire
Si je le peux.
Il me faut aller trouver mes bons seigneurs
Qui sont courtois et débonnaires
Et qui m’ont fait vivre.
Mes autres amis sont tous pourris :
Je les envoie à Maître Orri
Et je les lui laisse.

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