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Louis Joseph Lebret

Face à la pauvreté, une spiritualité de la miséricorde

Pour l’histoire et la bibliographie : voir fiche distribuée.

La démarche spirituelle de Louis Joseph Lebret est inséparable de son action en tant que créateur
d’organisations (EH, IRFED, ASCOFAM, IRAM…), d’acteur de développement (en France, au
Sénégal, Colombie, Liban..), de formateur (tant à l’économie qu’à la spiritualité), de théologien
(concile Vatican II, inspirateur de Populorum Progressio) et d’écrivain spirituel tout autant que
technique. Cette activité multiple qui caractérise Lebret fait de lui un des maitres de ce qu’on
pourrait appeler une spiritualité de l’action. Mais cette expression calquée sur l’œuvre de Maurice
Blondel (philosophie de l’action, 1861-1949) requiert d’être précisée car elle ne peut pas signifier
pour Lebret que l’action se substituerait aux démarches spirituelles et leur seraient identiques. Au
contraire. Chez LJ Lebret, il y a une généalogie ininterrompue entre contemplation et action, et
c’est cela qui fonde l’originalité de la spiritualité de Lebret.

Parler de spiritualité de l’action est un terme générique mais qui reste impropre. Lebret publie un
grand livre « action marche vers Dieu » (en jouant sur la polysémie du mot marche : avancée et
escalier) qui invite à comprendre la place de l’action dans la vie spirituelle. Il serait plus juste de
parler dans la vie mystique, car c’est de cela dont Lebret veut rendre compte. Lebret ne cesse de
présenter cet engendrement mutuel permanent entre contemplation (et rencontre de Dieu) et
l’engagement solidaire avec les plus pauvres, entre la mystique et des pratiques évangéliques à
dimensions économiques.

Cette articulation entre contemplation et action se lit au travers même de l’écriture de Lebret qui
mène en même temps la production de livres techniques (sur la technique sociologique, sur
l’économie et la planification) et d’ouvrages de spiritualité. Ceux-ci sont composés de prières où
Lebret laisse aller son intelligence, sa pratique et son cœur et dévoile de manière pudique son
expérience mystique. La dimension mystique de LJ Lebret ne sera pas vraiment reconnue par ses
équipiers qui n’auront de cesse de présenter un Lebret socio-économiste, précurseur du tiers-
mondisme catholique, un scientifique pluridisciplinaire en avance sur son temps. Par là (typique
chez D. Pelletier), ils n’ont pas su rendre compte du pourquoi la vie de Lebret a été celle qu’elle a
été.

Lebret a été un mystique à la manière de Catherine de Sienne : à la fois marqué par la charité (la
miséricorde dans la tradition dominicaine de Catherine et de tout l’Ordre dominicain), par
l’engagement politique (Catherine avec les grands de son temps), par la contemplation amoureuse
de Dieu et par ce dialogue avec Dieu source de leur écriture. Lebret s’inscrit sans aucune
1
difficulté dans la tradition dominicaine, proche de la doctrine de Saint Thomas relue par
Sertillanges, Augier, Gardeil…, admirateur de St Dominique (« un des hommes les plus brûlés par
la miséricorde » dans Dimensions de la charité) tradition dans laquelle la miséricorde est centrale.
C’est Lebret qui fera ce jeu de mot à propos du projet d’EH et de ce que doit être un militant
d’EH (« misere/ corde) : c’est celui qui prend un secteur de misère dans son cœur et se donne
pour transformer cette situation, accomplissant ainsi le désir de Dieu.

1. Le rapport action-contemplation

« Action marche vers Dieu » ouvrage de L.-J. Lebret de 1949 est central pour qui veut
comprendre que l’agir solidaire est un chemin vers l’union avec Dieu. « Ces pages voudraient montrer
que l’action engagée par amour pour ses frères n’est pas un obstacle à l’union à Dieu. C’est tout le contraire qui se
produit » écrit L.J Lebret en introduction à cet ouvrage.
Cette œuvre a ses sources dans « Principes pour l’action » de 1945 où le combat pour Dieu et le
combat pour l’homme se fertilisent mutuellement et dans « L’efficacité politique du chrétien » de
1946 dont le premier chapitre porte pour titre : « une spiritualité de l’action ».
Trois grandes articulations de l’action et de la contemplation se déploient dans l’œuvre de Lebret.
- La première part de la contemplation et fuse, selon l’expression de Lebret, vers l’action
- La seconde suit le chemin inverse et se poursuit dans la première posture
- La troisième est celle de l’union

L’évangile tel que le lit LJ Lebret conduit à une relation intime avec Dieu, à une contemplation
qui engendre l’envie d’agir pour que l’amour triomphe. LJ Lebret est fidèle à la première épitre de
St Jean. « L’homme qui a trouvé Dieu et qui se donne à Dieu ne peut aimer Dieu sans aimer ses frères en leur
principe et en leur fin. Le cœur de l’homme se dilate jusqu’aux confins de l’humanité ; l’homme ramasse en soi tous
les hommes et les enveloppe d’une tendresse indicible ; l’homme veut communiquer son don, associer à son bonheur »
(guide du militant, p. 92).

On ne peut échapper par la mystique à la nécessité de s’intéresser au devenir du monde, au


contraire la mystique de Lebret conduit à ne pas se dérober à l’engagement. « La prière est un
engagement, impossible à la nature, facile cependant à Dieu. La prière est l’entrée progressive dans l’association, le
plus souvent douloureuse à l’Homme-Dieu. La prière est communion à l’humanité en recherche et à la nature en
gémissement sous le péché. En même temps qu’elle porte l’âme vers les sommets, elle entraîne le corps vers les
activités efficaces, elle transforme en ses profondeurs, en sa structure. Elle n’est nullement évasion ou narcotique.
Elle racine la réalité la plus authentique pour la faire respirer dans le ciel » (Appels au Seigneur, p.14)

Quand l’homme recherche Dieu et se laisse aspirer par lui, il découvre d’abord la vie de Dieu et
fond sa volonté dans celle de Dieu. « Mais la volonté de Dieu inclut la bienveillance divine envers l’homme.
En Dieu contemplé et aimé, l’homme se retrouve…….et le cosmos. Quand l’homme regarde l’univers, l’univers lui
clame Dieu. Quand l’homme se tourne vers Dieu, Dieu lui révèle le sens et la portée du monde» ( 1). Ainsi au
cœur même du mouvement contemplatif, pas en son contraire, se manifeste la présence des
humains, en particulier de ceux qui souffrent, et la nécessité d’un engagement pour être acteur

1
Efficacité politique p. 341
2
d’un monde plus juste et plus fraternel. L’action est irrépressible, pas de l’ordre du devoir faire
mais au cœur même de la contemplation ; elle est réponse-réflexe à l’appel de Dieu.

L’action quant à elle, poussée à son paroxysme fuse dans la contemplation, se dépasse en entrant
dans la contemplation. « L’action n’est pas un jeu qui vient s’ajouter à la vie profonde pour la perturber peu ou
prou. Action et contemplation ne séparent pas. L’action est en germe dans la contemplation… la vie intérieure et la
vie extérieure s’allient dans une unité très éloignée de l’activisme » ( 2). Plus on s’engage dans la lutte contre
la pauvreté et la misère plus on avance vers Dieu et plus on se rend disponible pour sa rencontre.
Mais dans ce mouvement c’est Dieu qui attire et pousse à l’action. « L’âme qui s’est donnée ne peut
plus qu’adhérer dans l’élan total… Elle est happée dans l’absolu liberté que Dieu fait en elle » (d de lc, p 179)

« L’âme vole au secours de malheureux, entrainant le corps dans l’action. L’action est dans le plan de Dieu. Elle
va de Dieu à Dieu. L’âme dans l’action se nourrit de lumière divine, de vouloir divin. Dans l’action elle trouve
encore Dieu ; elle ne peut échapper à son emprise » (action, p180)

Ce mouvement contemplation-action est caractérisé par le terme dépassement qui joue un rôle
essentiel chez Lebret et complète le verbe « fuser ». C’est le mouvement essentiel de l’expérience
mystique qui permet de passer de l’action à la contemplation et qui conduira un jour en Dieu. La
vie mystique est ce mouvement d’excès qui n’aura de fin que dans l’éternité de Dieu.

Le dépassement se fait par le désir d’aimer qui est à la fois œuvre de la volonté éclairée par
l’analyse et force reçue de Dieu. Pour que ce cercle vertueux action-contemplation soit mis en
branle il faut tenter l’impossible soit par la prière qui « exprime mon désir bien au-delà de ce que pourra
mon action » (3) soit par la mobilisation du meilleur de nous-mêmes et s’abandonner « laisse toi donc
aller à l’absolu de mon amour et perds toi en moi pour l’unit é de nos vouloirs ; en t’associant à ma volonté
abandonne toi à l’absolue confiance « ( d de lc, p.178). On pourrait dire que c’est Dieu qui agit à
travers l’homme qui se donne à Dieu. « Union à Dieu, l’élan que l’on a commencé et qu’il achève ; le don
que l’on fait de tout soi et qu’il intensifie, le don qui s’oublie quand Dieu a fixé l’âme en lui-même… Union à
Dieu le non-agir qui est l’acte suprême ; la liberté en lui qui enchaîne dans l‘attrait à quoi l’on ne peut résister ; la
prière en lui si intense pour toute l’humanité que l’on aime ; l ’amour purifié qui se dilate à l’infini » » (d de lc, p
191).

Le dépassement est, à cause du don de Dieu, de l’ordre de la passivité. Quand on a commencé de


percevoir le chemin « on ne peut plus rester repliés sur soi, tournés vers soi ; on est tourné vers le grand Dieu…
Le cœur s’est progressivement indéfiniment changé… Il s’est trouvé tout proche de celui du Christ, tout semblable
au Cœur du Christ, battant avec lui, battant avec tous les cœurs de tous les hommes » (4).

Lorsque le militant est happé par la tache à accomplir, il est entraîné bien au-delà du pensable
possible. Le Christ nous accompagne alors jusqu’au sommet comme il l’a déjà fait avec la Croix
Lebret rappelle aussi la place de l’Esprit Saint dans cette aventure en particulier quand la volonté
humaine est submergée par l’impuissance: « Devenu incapable de me diriger dans l’obscurité, je me rends à
toi. Je t’offre sans réserve mon impuissance, je me livre au mystère de tes désirs, à la joie de tes embrasements, à la
douceur de tes baisers, à la solitude de tes sentiers, à l’agonie de tes exigences, au risque de tes combats.. Nul ne
sait par où tu chemines mais il suffit de se laisser porter par toi pour voler vers la plénitude, il suffit de

2
Montée humaine p 163
3
Action marche vers Dieu p. 140
4
Action marche vers Dieu p 46
3
s’abandonner à ton souffle pour échapper à tout naufrage » (5). Lebret reste optimiste, convaincu que
l’engagement radical au nom de l’Evangile ne peut être oublié par Dieu et que ce dernier vient
relancer le courage militant. Dieu est celui qui soutient le dépassement vers l’action et de l’action.

Ce dépassement conduit à au moment mystique, moment d’union entre Dieu et l’homme,


moment qui cependant relance vers l’action. C’est par là que l’homme atteint sa plus grande
dimension : sa capacité à s’unir à Dieu. « On sort pour ainsi dire de soi pour saisir Dieu » (6). L-J Lebret
ose le mot d’extase pour signifier cette expérience qui fait faire le va et vient entre l’humain et
Dieu, entre l’agir et la contemplation, qui ne s’enferme pas dans l’action car elle est
essentiellement mouvement vers Dieu et mouvement venant de Dieu. La grandeur de l’humain se
révèle dans sa capacité mystique au cœur de l’action solidaire. L-J Lebret manifeste par là une
originalité très importante dans l’histoire de la spiritualité qui minorise l’action.

Ce mouvement est aussi caractérisé par la notion d’infini (épectase de G. de Nysse) : « Ainsi
l’amour qui, par la charité en moi, domine, me jette d’un saut infini dans l’infini de Dieu et m’élargit aux
dimensions infinies de la bonté substantielle de Dieu « (dimensions de la charité, p19)

Dans l’union, l’action prend une dimension nouvelle. Elle est suspendue, en repos, dans le
bonheur mais ne se perd pas totalement. Elle est prise en Dieu « On se demande pourquoi on ne meurt
pas. On est absolument prêt à mourir ; On est absolument prêt à recommencer le dur effort » (action p.155)
C’est là un thème classique (St Paul) qui sépare la vraie mystique catholique avec les dérives
quiétistes.

On pourrait distinguer une quatrième posture qui est celle qui se manifeste dans la mort comprise
comme plénitude de vie. On retrouve, à travers des images qui font penser à Thérèse d’Avila, une
posture contemplative : la mort est une union mystique devenue définitive. « La mort c’est l’élan
vers Dieu qui un jour aboutit tout a fait en laissant là la carcasse » (d dc, p. 175). Les pages de Lebret sur
la mort sont fortes : « Ce sera le grand départ de l’âme progressivement gonflée de Dieu qui achèvera en lui son
élan en laissant là le corps et en se laissant absorber part la lumière… ce sera la traversée du voile devenu
translucide et qui cette fois pour tout de bon disparaît…ce sera la vie si longtemps hésitante qui se sera affermie et
intensifier jusqu’à éclater dans la vie » (action p.184)

2. L’action comme miséricorde

L’action, chez Lebret, désigne une œuvre de miséricorde concrète, pratique, qui émerge de la part
contemplative de chacun et qui vise à lutter contre la pauvreté qui est un mal car elle conduit à
une infra-humanité. On retrouve là la problématique déployée par St Jean dans sa première épitre.
« Je ne puis aimer Dieu sans être miséricordieux avec Dieu, sans que les misères du monde m’aient envahi et aient
pénétré dans mon cœur, sans que moi, de façon habituelle j’en porte l’angoisse » (D de Ch, p 41)

Sans nier l’importance de la dynamique personnelle (de type charité), Lebret donne au mot
action, une dimension plus collective, plus politique (mais entendu comme un changement des
structures de gouvernance et des rapports économiques) ancrée dans la lutte contre la pauvreté et
le mal-développement... Dans « Dimensions de la charité » en 1958 :« Quand on va au fond des choses,

5
Appels p.63
6
Action marche vers Dieu p. 160
4
Economie et Humanisme est un engagement devant la misère du monde, un acte politique de miséricorde » (7) écrit
Lebret pour définir son projet.

Cette miséricorde, un thème majeur de la spiritualité dominicaine, a, dans l’œuvre de Lebret, deux
horizons qui se fertilisent mutuellement. Elle concerne l’homme concret et le bien commun mais
elle est d’abord « une immense grâce de Dieu » (dimensions, p 157).

Un des thèmes forts de L-J Lebret est la montée humaine qui conduit au développement de tous
les hommes et femmes de la planète, à l’amélioration de leur niveau et genre de vie, aux avancées
vers le bien commun universel. « Dès qu’un homme est envahi par la charité et la met en œuvre, l’humanité
s’élève. La charité est l’impulsion continue de la montée humaine universelle » (d de c, p 63). Cette charité est
un don gracieux de Dieu qui pousse les hommes les plus aimants à travers le monde : pour cela il
faut se rendre attentifs aux impulsions de l’Esprit saint en nous. La charité n’est pas de l’ordre du
devoir moral mais une réponse-réflexe à une motion de l’Esprit.

La spiritualité de l’engagement chrétien est orientée vers la montée humaine, vers l’humanisation
qui est globale : économique, sociale, culturelle, vers un développement global, harmonisé et
solidaire (objet de l’IRFED) où tous les peuples sont appelés ensemble à avancer vers un mieux
être et un mieux vivre. C’est l’action solidaire avec les plus pauvres, afin qu’ils soient libérés du
poids de misère, qui humanise. Le militant lui-même devient humain en s’engageant à ce que
toute l’humanité se libère de la des-humanisation.. La solidarité conduit à cette double
humanisation. L-J Lebret parle d’une « mystique du bien commun » (8) pour désigner cet
engagement politique vers un ordre du monde juste, un engagement pour la solidarité qui
entraine toute l’humanité vers une moindre misère.

« Solidaires cela veut dire qu’on est à plusieurs comme un solide tenant chacun fortement aggloméré à tous les
autres. Cela veut dire qu’on est tous ensembles engagés dans l’effort productif et civilisateur. .Cela veut dire qu’on
instaure ensemble sécurité et prospérité dans la confiance mutuelle qui donne la paix…non nous n’avons pas le
droit de nous opposer à ce grand effort solidaire. Nous avons notre pierre à extraire, à tailler puis à poser parmi les
autres pierres ;…Non, nous ne pouvons demeurer des spectateurs…ainsi solidaires nous apporterons à la
libération des hommes pour qu’ils se retrouvent et vivent en hommes, pour qu’ils se dépassent et vivent en Dieu »
(efficacité, N°8)

Cette humanisation par l’agir pour le bien commun passe par le face à face avec le concret. L-J
Lebret insiste beaucoup sur cette dimension. Il s’agit d’avoir en son cœur des hommes et des
femmes concrets, particuliers, ayant visages. « Quand je parle de l’homme, je ne veux pas parler d’un
homme abstrait dont les philosophes m’auraient fourni la définition. Je ne veux même pas parler de tous les
hommes qui successivement ont peuplé la terre : L’homme que j’aborde c’est celui de ma génération, celui là que je
rencontre sur ma route, qui entre plus ou moins dans ma vie … Cet homme quand on le regarde, même quand il
apparaît comme un des moindres parmi les hommes porte en lui quelque chose de grand» (conférence 1943)

Et de s’ouvrir à une multitude de cas concrets (présents avec émotion dans tous les livres de
Lebret), avoir un cœur ouvert à toute l’humanité faite de ces cas uniques. Cette individualisation
de l’amour conduit à l’universel par généralisation progressive et nous permet de comprendre les
causes générales qui produisent le mal, l’injustice et la misère… et ayant connu, nous serons
7
EH n° 12, p. 121
8
Découverte du bien commun, 1947
5
capables d’aimer encore plus largement à travers l’engagement solidaire. « Le cœur s’est
progressivement, indéfiniment élargi. Il a logé en lui tous les miséreux, de toutes les catégories sociales et,
spécialement les habitants des taudis… Le cœur s’est transformé, s’est fondu en eux, est devenu miséricorde » (9).

Si Lebret n’est pas un mystique du corps, il utilise néanmoins des métaphores corporelles pour
insister sur l’incarnation pour chacun du problème du mal et de la nécessité de l’engagement. L-J
Lebret peut alors écrire qu’il faut avoir la croix dans la peau (10) pour signifier la place centrale que
la solidarité avec les humiliés et crucifiés du monde contemporain doit avoir dans nos choix et
toute notre vie, y compris dans ses aspects du quotidien.

L’homme d’action, miséricordieux et ayant la mystique du bien commun, est appelé par Lebret
un militant, terme un peu désuet aujourd’hui. Le militant est, pour Lebret, le saint des temps
modernes. C’est pour lui qu’il écrit, c’est lui qu’il veut former, c’est lui qu’il veut mobiliser dans
l’aventure de construction d’un monde plus juste et plus solidaire. Le militant analyse la société
dans laquelle il vit et, sous la mouvance de son expérience spirituelle, il agit. Ce saint c’est celui
qui, prenant au sérieux la force de l’Evangile, se laisse entraîner par son désir de Dieu et se livre
au combat pour que le monde soit plus beau, plus humain ; en cela sa volonté se confond avec
celle de Dieu et il accomplit ce que Dieu veut : « Quiconque s’insère dans le plan de Dieu concourt au
triomphe de l’humanité » (11). Le militant-saint est non seulement un acteur pour transformer le
monde mais il s’engage avec d’autres, dans la durée, avec intelligence, détermination… et en
s’appuyant sur une vie d’oraison et d’analyse. Si les chrétiens sont mous et veulent être neutres,
c’est qu’ils ont abandonné l’Evangile, c’est qu’on les a aiguillés : « sur les voies de garage de
l’arithmétique du salut et de la conviction sans dynamisme. Le moteur manquant - qui est l’amour - au lieu
d’avancer, ils piétinent » (12). Le christianisme est un chemin de responsabilité qu’on ne peut fuir :
face au monde, aux autres et à nous-mêmes. Pour Lebret l’engagement militant contre la pauvreté
et le mal-développement n’est pas un optatif, mais une des principales facettes de la vie de
sainteté.

«Les armes du militant chrétien ne sont ni celles de la force, ni celles de la ruse, mais celles du témoignage.
Militant, il ne s’agit pas de conformisme, de présence sans actes, d’acceptation passive, mais d’affirmation, de refus,
de luttes, d’entreprises. Il ne s’agit en définitive que de vivre dans la ligne tracée par le Sermon sur la montagne et
synthétisée dans les Béatitudes... Le désastre actuel du monde s’origine à ce fait que trop de chrétiens d’étiquette
ayant abandonné l’évangile et son style de vie portent un anti-témoignage » (Montée humaine, p 152)

Nous parlerions aujourd’hui de prophète pour désigner cet acteur qui s’engage au cœur de son
expérience mystique… et nous serions surement moins enthousiastes ou convaincus que ne l’était
Lebret…mais est-ce là faire preuve de réalisme ? pas sur !

Pour Louis-Joseph Lebret, être chrétien et agir pour la transformation du monde est un même
mouvement. Il ne peut donc comprendre que l’église ne soit pas militante (théologie des années
60), que des croyants soient mous ou inintéressés aux problèmes du monde. L-J Lebret a des
pages très fortes contre les bien-pensants, les chrétiens embourgeoisés, indifférents
ou simplement prêts à faire de l’assistanat ou du « social ». Une telle attitude, pour lui, est
9
Action marche vers Dieup46
10
Dimensions politiques de la charité p 99
11
Guide du militant p.172
12
Montée humaine p 152
6
impensable car la parole de Dieu lui paraît une source de vitalité inouïe, un message
révolutionnaire (MH p.152) qui réveille tous ceux qui osent la lire. « L’Evangile est le livre de la
libération humaine et les béatitudes désaliènent la personne de tout ce qui l’englue en la rendant indisponible pour
l’œuvre valable des hommes : montée personnelle et montée collective » (13).

Non seulement il est impossible d’être mous, indifférents aux réalités d’injustice, de violence, de
misère ou de mal développement, d’être spectateurs dans un monde où domine la misère, mais il
est impossible de se déclarer neutres: « être neutre, c’est trahir » (14). Si Dieu est la vérité, le chrétien
sait dans quel état est le monde et ne peut donc pas le laisser errer dans le mal alors que le monde
et toute l’humanité sont appelés au bonheur. « La grandeur des militants c’est d’aimer la vérité jusqu’à la
vivre… Que les chrétiens vivent évangéliquement, cela suffit. L’Esprit Saint au-dedans les conduira d’effort en
effort, d’engagement en engagement » (15).

Louis-Joseph Lebret critique aussi le chrétien qui se contente de « faire du social » et qui ne voit
pas la dimension d’injustice dans les problèmes sociaux et ne cherche pas la cause de celle-ci au
niveau des sphères économiques et politiques. Cette attitude est très moderne, mais elle est mal
suivie par les chrétiens et reste marginale dans l’Eglise qui voit trop souvent la charité par la seule
dimension d’activités assistantielles (bonnes mais non suffisantes).

L’action-miséricorde part d’une émotion, plus exactement de la conscience d’un scandale.


Scandale face à l’écart entre le projet de Dieu (le plan de Dieu) et son désir que l’humanité avance
vers lui et les réalités socio-économiques du monde. Lebret a la certitude que Dieu veut la
béatitude de chacun. Ce bonheur se heurte aux réalités, aux structures socio-économiques
qui légitiment l’injustice ou la violence. Cette confrontation est intolérable et le chrétien ne
peut esquiver la lutte contre ces formes non conformes au projet de Dieu. Le chrétien
veut conduire la réalité la où est son désir, qui est aussi le désir de Dieu. « Le militant sait tout ce
qu’il y a de fou dans son désir, d’impossible. Il n’est pas naïf jusqu’à croire au redressement simultané de tous les
hommes, au triomphe décisif de la justice….Mais il croit à la puissance du désir, à la validité de l’esprit, à
l’efficacité de la tension… Qui désire ardemment, grandement, accomplit personnellement la plus grande tâche dont
il est capable et avec tous les hommes de bonne volonté, le bien total. Le grand désir militant s’épanouit en appel, en
impulsion, en réalisation, en prière ; il instaure, il achève l’ordre universel » (16). Il ne s’agit pas d’être naïf et
de croire que tous ces changements se feront facilement, mais de se donner de manière radicale et
organisée avec intelligence et sens de l’efficacité.

Il y a d’évidence un enjeu d’émotion qui donne à l’homme engagé une plus grande sensibilité,
qui élargit son cœur et le fait plus humain et ne doit pas être occulté. Mais on ne peut en rester là.
L’analyse des causes de la pauvreté introduit déjà l’intelligence dans la relation à l’autre et L-J
Lebret ne cesse de proposer des analyses économiques (et non sociales), de mettre en évidence
les mécanismes qui produisent la pauvreté et de suggérer des stratégies pour transformer les
situations… La miséricorde n’est pas seulement une histoire de cœur blessé par la souffrance de
l’autre, c’est une stratégie globale de compréhension et de lutte, collective et organisée. Toutes les
dimensions de l’humain sont alors engagées et s’élargissent.

13
Montée Humaine p.152
14
Guide du militant p 108
15
Montée humaine p 152
16
Efficacité politique du chrétien, p 20
7
L’engagement est pour une part volonté humaine mais c’est surtout une conséquence de la
manière dont Dieu se dit dans l’homme et dans le Christ. Le non –engagement, l’indifférence
n’est pas une faute éthique mais un péché. » Qui ne s’exerce pas à devenir un homme .. insulte Dieu…
Les hommes qui humainement deviennent toujours plus sont déjà dans la création la gloire de Dieu » (d de lc,
p.77)

Jean Paul II dans l’Encyclique « sollicitudo rei socialis » a approché de l’analyse de Lebret sur le
péché en parlant de « structure de péché » pour désigner des mécanismes qui conduisaient à
légitimer, dans les systèmes économiques et sociaux les péchés personnels. Il avait aussi, dans la
même encyclique, appelé « refus de répondre à la volonté de Dieu créateur » (17) le non-
engagement en matière de développement. Cette veine théologique et spirituelle est celle où
Lebret veut ancrer son témoignage pour la vérité. « Le péché est l’obstacle à la montée humaine jusqu’à
la taille humaine et la vision de Dieu. Il est la contradiction du bien de l’homme, le grand barrage anticivilisateur,
l’anticivilisation. Le péché est d’une force incroyable. Il a tué l’Homme- Dieu » (Civilisation, p.172)

3. Le Christ

L-J Lebret est particulièrement attentif au motif de l’Incarnation. Par amour, Dieu a envoyé son
fils, le Verbe, sur la terre et nous le propose comme modèle, comme voie à suivre. Or le Christ
est « militant » : il a donné sa vie pour que les humains découvrent la vraie vie, pour qu’ils soient
libérés de toutes les aliénations économiques, religieuses, psychologiques et découvrent la
miséricorde infinie de Dieu. « Jésus apparaît : homme en qui la nature humaine n’avait point de refus à
Dieu, Dieu donnant à la nature qu’il avait assumée la capacité de le saisir. L’ordre de la création était rétabli :
tout appartiendrait aux homes régénérés, eux même possession du Christ, lui-même possession de Dieu » (d de lc,
p93)

Suivre ce Christ, c’est recevoir de lui la force pour faire comme lui et devenir un acteur de la
libération qui permet une montée d’humanité, mais c’est aussi entrer dans un processus
de déification, paroxysme de l’humanité, projet de Dieu qui veut que nous retrouvions notre
filiation par rapport à lui.

L’Incarnation est ce qui donne du poids, de la valeur à la vie humaine, à la terre et aux humains, à
leur histoire sociale et économique. Dieu a sanctifié le monde par l’Incarnation et dès lors toute
vie humaine a un prix immense qu’il faut sauvegarder, pour laquelle il convient, au nom de la foi
au Christ de Dieu, de se battre. Lebret a une seule et même passion : pour le ciel et pour le
monde, inséparablement comme l’écrivait Lacordaire, à cause de la venue du Verbe en ce monde.
L’amour pour un Dieu qui par amour s’est incarné conduit à prendre au sérieux le monde et ses
recherches pour lutter contre la misère, à l’aimer concrètement par une recherche des moyens qui
donneront plus de vie à l’humanité. Non seulement une telle attitude correspond au plan de Dieu
pour le monde mais est une manière humaine de répondre à l’amour que Dieu ne cesse de
manifester aux humains.

L-J Lebret a des pages très fortes sur le Christ, l’Homme modèle pour l’humanité (18), le
protecteur des misérables mais aussi de ceux qui cherchent un monde plus juste, le compagnon
intime des humains. Dans ces pages, L-J Lebret ne cesse pas de rencontrer en Jésus le Verbe,
17
Encyclique n° 30, 1987
18
en particulier dans Montée humaine les textes sur « l’appel au juste, tête de l’humanité » (p81)
8
l’Homme-Dieu, le Vivant plein de sollicitude pour toute l’humanité mais aussi pour chacun des
membres de cette humanité (le titre de compagnon intime est utilisé souvent). « Entrer dans ton
intimité est à la fois entrer dans l’intimité trinitaire et dans la connaissance aimante de l’humanité » (d de
lc,p163)

Le Christ, Homme-Dieu, a connu le poids de l’humanité et ses refus, mais il alla jusqu’au bout
par amour. Le Christ continue à faire son œuvre à travers les chrétiens engagés. Il continue à être
proche de chacun par notre propre capacité à nous rendre solidaires de tout homme et en
particulier de ceux qui sont exclus. Ce lien entre le Christ et le chrétien engagé se réalise par
une imprégnation de son amour, c’est le lien amoureux dans son double mouvement. C’est
l’amour qui meut le chrétien et le conduit à l’engagement et c’est par l’action, par des réalisations
miséricordieuses, que nous prouvons notre amour. On retrouve là des aspects de la spiritualité de
C. de Sienne.

Avec Lebret, nous ne sommes pas dans une problématique du devoir mais dans une
problématique de l’intimité, d’une véritable relation désirante. Au cœur même de cette relation, il
y a l’autre blessé à aimer : « Tu as gonflé mon cœur de ton amour pour l’humanité ; je n’ai jamais rencontré les
pauvres bougres sans en être ému…Tu n’es l’intime, l’ami que l’on connaît bien que si l’on a mis en soi ta douleur,
que si tu nous a insérés dans ta douleur…c’est rigoureusement fou de grandeur ; en toi je rencontre toute l’humanité
que tu enserrais dans ton amour et pour qui, homme, tu t’offrais ; en toi je rencontre la plénitude de Dieu. Toi seul
peux polariser ma vie entière en faisant fondre mon désir dans le tien. Ainsi tu es ma paix comme tu es ma
délivrance…Jésus mon frère, mon Seigneur et mon Dieu» (19).

Devenir l’intime du Christ conduit à avoir la même sensibilité que le Christ a pour chaque humain
et à prendre avec lui son souci du devenir de chacun des humains et de leur terre. Le Christ est le
juste, le messager qui apporte la vraie libération et conduit ainsi l’humanité à son but : sa montée
vers Dieu. Cette libération se fait par la vérité et la justice. Le croyant doit suivre ce Christ en lui
laissant prendre place en son cœur et en sa vie.
Conclusion

Louis Joseph Lebret a développé une mystique de l’action et a pratiqué celle-ci à travers son
engagement dans la planification économique, l’aménagement du territoire, la définition de
stratégies de développement en Amérique latine et en Afrique…Il n’a pas seulement fait une
théorie spirituelle mais a réalisé ce qu’il pressentait.

La pensée de LJ Lebret articule action et contemplation de manière originale mais aussi de


manière exigeante, trop peut-être. Elle est tributaire en cela de l’optimisme des années 60, d’une
vision communautaire de la vie et dans une vision de l’Eglise et de la foi qui n’était pas encore
devenue marginale. Il y a un optimisme et une confiance dans l’agir qui ne sont plus
véritablement contemporains… mais et-ce pour cela qu’il ne faut se résigner et simplement
composer avec le monde et ses forces de mort ?

Fr Jean Claude Lavigne op


4.12.2009

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Dimensions politiques de la charité p. 165
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© Jean-Claude Lavigne, février 2010
© Centre d’Études du Saulchoir, février 2010

Louis Joseph LEBRET op

Nait le 26 juin 1897 au Minihic (Bretagne) et meurt à Paris le 19 juillet 1966

LJ Lebret sera élève de l’Ecole navale puis deviendra capitaine de Vaisseau. Comme officier de
Marine, il participera à la guerre de 1914-18. En 1922, il est nommé directeur du port de
Beyrouth chargé du trafic, de la régulation, de l’entrée et de la sortie des bateaux. Il décide
d’entrer chez les Dominicains en 1923, dans la Province de Lyon.

Assigné en Bretagne, il va découvrir la situation économique et morale désastreuse des marins


pêcheurs, fait des enquêtes. Les enquêtes de Lebret deviennent des techniques performantes.
Elles permettent la création d’institutions d’aide et de conseil, elles orientent la morale syndicale,
elles suscitent la création d’une Fédération des pêcheurs, d’un syndicat des marchands de quais et
transportent les poissons vers les centres de vente, qui créent de nouveaux débouchés, une
multitude d’associations techniques, sociales et syndicales

La guerre de 1939-1945 arrive. Lebret se rend compte qu’il faut dépasser les problèmes de marins
et de pêche. En 1940, Lebret décide, avec quelques amis, dont l’économiste François Perroux, de
fonder un centre de recherche : « Economie et humanisme ». Lebret installe Economie et humanisme
à Marseille. Ce qui justifie l’appellation du centre c’est une volonté de ne pas s’en tenir au « social
– palliatif », mais de mettre en question les structures. Il s’agit aussi de proposer une action qui
envisage tout homme et tous les hommes. Lebret veut s’attaquer aux structures, remettre en
cause les systèmes qui engendrent l’inégalité, l’injustice et les structures qui aliènent l’humain en le
considérant comme un outil. En créant Economie et humanisme, le père Lebret veut inventer un lieu
où on peut envisager la globalité des phénomènes complexes sociaux, et où on va donner une
vraie place à l’analyse économique et l’analyse des structures.

Dès 1942, l’équipe se met en place, avec notamment le père Jacques Loew qui sera un des
premiers prêtres ouvriers, docker à Marseille. En 1945, le père Lebret installe Economie et
humanisme à Lyon avec des laïcs et des Dominicains. Lebret développe son centre de recherches
qui réalise de nombreuses études sur l’aménagement du territoire en France, les taudis français,
l’entreprise humaine, le système coopératif…. Lebret fait beaucoup d’études, produit beaucoup
de réflexions théoriques et il invente des outils d’analyse quantitatifs.

Le mouvement Economie & Humanisme ce n’est pas simplement une association ou un centre
de recherche, c’est un vrai mouvement pour le changement social. Ainsi, dans une quinzaine de
villes en France, des centres Economie & humanisme se développent à l’initiative de citoyens.

En 1947, Lebret est invité à donner des cours de sociologie politique à l’Université de Sao-Paolo
au Brésil. Il découvre à la fois une misère radicale mais aussi des hommes et des femmes qui sont
prêts à relever le défi. Le gouvernement brésilien lui demande de faire des plans d’aménagement
du territoire et d’urbanisme. A partir du Brésil, il va voyager beaucoup dans les pays d’Amérique
Latine. Il sera invité à travailler ensuite au Dahomey, au Vietnam, au Liban et puis au Sénégal en
1957.

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Grâce à cette expérience et ce savoir-faire, le père Lebret devient un expert auprès des Nations-
Unies. Ce qu’on appelle aujourd’hui l’indicateur de développement humain (I.D.H.) est l’un des
fruits du travail de Lebret parce que son premier travail fut de réaliser des indices quantitatifs et
qualitatifs de développement. En 1957, fort de son expérience internationale, il fonde l’IRFED,
l’Institut International de Recherches et de Formation en vue du Développement harmonisé.
L’IRFED va accueillir et former une grande partie de la nouvelle génération d’intellectuels
Africains et Latino-Américains, la première génération des Indépendances en Afrique, la première
génération de la démocratie chrétienne en Amérique-Latine. La problématique enseignée est celle
de la « conscientisation ».

A partir de 1962, Lebret se passionne pour le concile Vatican II. Si Lebret a des ennemis dans la
hiérarchie catholique il et l’ami de Jean XXIII et surtout de Paul VI. Dès l’ouverture du Concile, à
la recherche d’experts compétents dans des domaines nouveaux pour le champ théologique, ce
dernier fait venir Lebret à Rome. C’est ainsi que le père Lebret va être un des rédacteurs de la
Constitution Lumen Gentium. Dans ce texte fondamental sur les rapport entre l’Eglise et le monde,
on retrouve toute la réflexion de Lebret sur la place de l’économie, la rôle de la politique, sur
l’engagement de l’Eglise. Le père Lebret inspirera enfin l’encyclique Populorum Progressio de Paul
VI en 1969 et représentera le Vatican dans de nombreuses conférences internationales.

Bibliographie succincte :

- Manifeste d’Economie et Humanisme, 1944


- Principes pour l’action, 1945
- Découverte du bien commun, 1947
- Action marche vers Dieu, 1949
- Montée humaine, 1951
- Civilisation, 1953
- Appels au Seigneur, 1955
- Dimensions de la charité, 1958
- Le drame du siècle, 1960
- Dans le combat du monde, 1962

© Jean-Claude Lavigne, février 2010


© Centre d’Études du Saulchoir, février 2010

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