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L’architecte arrive au Maroc dès 1913 dans un contexte qui voit se mettre en place la politique urbaine

de Lyautey et à laquelle il prend part jusqu’à sa mort en 1952. Rien ne prédestinait ce jeune homme né
à Montevideo à venir s’installer au Maroc pour y édifier les grands monuments rabatis.
L’architecte est rappelé comme lieutenant au premier bataillon de réserve de Rabat. Cette affectation
est un moyen pour Lyautey de garder à ses côtés un vivier d’architectes avec lesquels il va pouvoir
lancer une série de grands travaux dont la Résidence générale sera une des premières réalisations.
Laforgue intègre le service des plans de villes dirigé par Prost. Il y fait la connaissance d’Albert
Laprade avec qui il collaborera à plusieurs reprises. Dans un ouvrage consacré à Henri Prost, Joseph
Marrast évoque l’importance de Laforgue au sein du service :
« À son arrivée au Maroc, il [Henri Prost] avait eu la chance de tomber sur notre confrère Adrien
Laforgue, le frère de Jules le poète, installé depuis quelques temps à Rabat et déjà imprégné du climat
et des idées de Lyautey. Il fut le premier de ses collaborateurs et l’embryon de ce qu’on a appelé
Architecture et urbanisme à Rabat au début du XXe siècle : le cas d’Adrien La... Livraisons de
l'histoire de l'architecture, 44 | 2023 justement plus tard, suivant la tradition de notre métier : «
l’agence Prost ».
Sous l’influence de ses confrères, il fait également évoluer sa manière de concevoir l’architecture. Du
pseudo-marocain qu’il qualifiera ironiquement lui-même de style Jonnart, sa production tend
progressivement vers une recherche de simplification. Pour Prost, « c'est Laforgue et Marchisio
notamment qui dirigent le mouvement, pour continuer une architecture franchement moderne adaptée
au climat et utilisant dans toute la mesure du possible les belles ressources encore vivantes des artisans
marocains ». Toutefois, cette modernité regroupe à l’époque une pluralité d’expressions dont celle du
Corbusier qui n’y est pas associée, et Adrien Laforgue le revendique clairement. Dans un article de
L’art et les artistes d’Arcos résume : « Unité, simplicité, pureté, tels sont les trois termes de la nouvelle
formule d'architecture française au Maroc, dont on peut dire que fut l'animateur Laforgue »
À l’image de Laprade, il produit au Maroc une architecture empreinte de monumental ayant pour
référence les canons néoclassiques. Son œuvre s’inscrit dans le sillon tracé par Lyautey lorsque ce
dernier évoque les « grandes ordonnances architecturales de France au XVIIe et XVIIIe siècles »17
pour la future composition de la grande place de Casablanca. Simple et dépouillée, son architecture
fait néanmoins quelques allusions discrètes à l’architecture locale par l’emploi de zelliges, de toitures
en tuiles vernissées et de la pierre de Salé (Ill. 3). La cathédrale Saint-Pierre de Rabat édifiée en 1919-
1921, puis agrandie en 1934-1938, illustre cette première esthétique rapidement abandonnée. En
réalité, son architecture illustre les revirements des instances coloniales qui ne souhaitent pas
reproduire l’expérience de l’Algérie qui a conduit à une production académique usant d’un style néo-
mauresque. Cette doctrine n’est pourtant pas établie clairement dès l’arrivée de Lyautey et de Prost, et
le critique d’art Léandre Vaillant prend pour exemple les constructions de Laforgue au sein de la
Résidence depuis la direction des eaux et forêts construite en 1922 où « le goût se dépouille. Plus de
chapiteaux ni de bases aux colonnes. Un grand nu, qu’orne un portique de trois arcs fragiles », en
passant par les Travaux publics de 1926 où « le grand parti se précise », jusqu’aux finances publiques
où « La belle matière devient de règle »19. Cette évolution marquera également le visage de l’avenue
Dar-el-Makhzen.

Architecture et urbanisme à Rabat au début du XXe siècle : le cas d’Adrien Laforgue (1871-1952) et
de l’avenue Dar-el-Makhzen à partir des fonds d’archives du Protectorat marocain.

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