Vous êtes sur la page 1sur 436

Créer des conditions

d’apprentissage
Un cadre de référence socioconstructiviste
pour une formation didactique des enseignants

Préface de Michel Caillot

Philippe Jonnaert
Cécile Vander Borght
Avec la collaboration de
Rosette Defise |
Godelieve Debeurme
Stephan Sinotte

| De Boeck *

| : Ÿ perspectives
Université] a. éd ucation
Digitized by the Internet Archive
in 2022 with funding from
Kahle/Austin Foundation

https://archive.org/details/creerdesconditio0000jonn
Créer des conditions
d’apprentissage
Un cadre de référence socioconstructiviste
pour une formation didactique des enseignants

AA\
AG (L

te AA
BD eu
a \\ V

guys
perspectives
enF éducation
Collection dirigée par
Philippe JONNAERT, Sherbrooke

Comité scientifique international


Dan Baba TAHIROU, Niamey; Jean-Marie De KETELE, Louvain-la-Neuve;
Maurice SACHOT, Strasbourg ;Jacques TARDIF, Sherbrooke.

Animée par Philippe Jonnaert (Université de Sherbrooke), voici une collection en sciences de l’édu-
cation créée pour soumettre à la critique des praticiens les réflexions théoriques et les résultats de
recherches et de travaux actuels et pour offrir aux enseignants et aux professionnels de l'éducation
des outils pour leur pratique quotidienne et une réflexion sur ces derniers.
Créer des conditions
d’apprentissage
Un cadre de référence socioconstructiviste
pour une formation didactique des enseignants

Préface de Michel Caillot

Philippe Jonnaert
Cécile Vander Borght
Avec la collaboration de
Rosette Defise
Godelieve Debeurme a
Stephan Sinotte aff

De Boeck

Université en éducation
ul

© De Boeck & Larcier s.a. 1999


Département De Boeck Université
Paris, Bruxelles

b Toute reproduction d’un extrait quelconque de ce livre,


7 par quelque procédé que ce soit, et notamment par photocopie ou microfilm,
? l'est strictement interdite.
Cr
qÎlmprimé en Belgique
LV ISSN 1373-0258
L ‘ D 1999/0074/23 ISBN 2-8041-3154-8
«Sur la ville et les champs, sur les toits et les blés,
Je vais m'exercer seul à ma fantasque escrime,
Flairant dans tous les coins les hasards de la rime,
Trébuchant sur les mots comme sur les pavés,
Heurtant parfois des vers depuis longtemps rêvés ».

Baudelaire, Les Fleurs du Mal,


«Le Soleil», LXXXVII, in Tableaux parisiens.
A Lidiée ari s er en sy d'u
d'atouts sh lire rar.ls ei,
utietà AM are 10 Get di dan rider
sil et virer fr en aa Mirail
hr eva Mine: ls ent) UMA mate e

dd à rt ni ctiéirantl
PhaiarmMiT [ uen : héas @t
PRÉFACE NN Ai enne slee 1e >, SUNIDPRM CAPTOR NRENCE me CaR RS 9

INTRODUCTION LR MUR Mere RÉ Re APT, Le ER 13

CHAPITRE 1
Mise en perspective socioconstructiviste .......................... 17
CBTECTIRS DÉNCELCHAPITRE nt.
EAN TS AC). 19
ISALUNÉE MISESEN SITUATION RUN PRE ACER LIRE, NT 19
2. LES FONDEMENTS D'UNE RÉFLEXION SOCIOCONSTRUCTIVISTE .................... 25
DOCUMENTS Re re 34
AREA MATIEREPALDÉEBATU re RENDU a UT Ne. 36

CHAPITRE 2
… À propos du concept de didactique! ........................... 39
OBJECTIFS D EICEAGHAPITR ER ReOr nl CEE | 41
1. LE CADRE GÉNÉRAL D'UNE RÉFLEXION DIDACTIQUE ........................... 42
2. LE CADRE SPÉCIFIQUE D'UNE RÉFLEXION DIDACTIQUE .......................... 54
SV OUSAVEZIDITDIDAGTIQU ER RER ne En ne 59
AMD IDACTIQUEIENPÉD AGOGIER REP ARRET 65
D'ARDESIDÉEINITIONSAAPANALYSER ARRde co. 72
G'ANOMREAPPROCHEIDUICONCEPIIDEDIDACIIQUE PE 83
Ta LA UREMATIONIDIDAGIIQUER ER R die erc 91
SADESRAPPORIS AUS AVOIR RER NM ETer et het 100
OMAVERSIUNIPARADIGME POURIIESIDIDACTIQUES PP PRET CR CR RE 125
1 D'MDOCUMENTS ER ReOU eme mie 129
8 Créer des conditions d'apprentissage
annee cnrs

CHAPITRE 3
Lorsqu'il est question d'environnement scolaire ................. 131
OBJEGTIES DE CE CHAPITRE BE en 153

TA MILIEU SCOLAIREVETIS YSTÈME D Ce CC IDE 133


2. NIVEAUX ORGANISATIONNELS D'UN SYSTÈME SCOLAIRE
ETIRELATION DIDAGTIQUES RE CR 141
SA EINALITÉS BUTS ETMAGTION RES De CR de ce El ER 145
AN UNTENVIRONNEMENT PLUS LARGE PEER RP RE 154
DRE DÉBATIN ESIIPAS CLOS SR RE - 2 sec curseur:
cer 161

CHAPITRE 4
Vous avez dit contrat didactique ? ............................... 163
OBIECIIES DEXCE CHAPITRE et ee I EC EE 165
TLINTRODUCTION DR RE AO CE D EEE DE CE 166
DAALE CONCEPTUDE CONTRAT RE 167
3 RUN AUTRELTYPEIDÉ CONTRAT SERRE
OP RE 176
APN LES FONCTIONS DUICONTRATIDIDAGTIQUE RP ER 192
D'LA DYNAMIQUEDUICONTRATIDIDAGTIQUE AE PERRET 205
GE ENIGUISE DEICONCLUSION SR TE 214

CHAPITRE 5
Le concept d'apprentissage scolaire... 217
OBJECTIFS DE CE CHAPITRE... soon UD CON ONIIURE 219
1. INTRODUCTION Luce nine re cts ee OI A CEE 0 219
2. UN MODÈLE SOCIOCONSTRUCTIVISTE ET INTERACTIF
DE L'APPRENTISSAGE SCOLAIRE : LE MODÈLE SCI ............................ 221
3. DES DÉFINITIONS DU CONCEPT D'APPRENTISSAGE ............................ 238
ARLEDÉBATINIESTPASICLOSS 267

CHAPITRE 6
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 269
OBIECTIFS.DE:CΠCHAPITRE nee in De ee DE ON NE ER RRES 271
12: INTRODUCTION. 2e ee 274
2. LE PROCESSUS D'ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE . ........................... 272
3. CE QU'ILS EN DISENT. LT OT ON 286
4. LES CONDITIONS DE L'APPRENTISSAGE EN CONTEXTE SCOLAIRE . ................. 294
CONCLUSION
Quelques lignes pour conclure... .................. 397
INDEX 2 musuee e 401
BIBLIOGRAPHIE .. :....,,,4, 0,00 ONE à 407
PRÉFACE

L'écriture d’une préface est toujours un exercice difficile. La préface


ne doit ni déflorer le texte afin de laisser le lecteur le découvrir par lui-même,
ni être un texte de louange à la gloire des auteurs. Souvent une préface est
l’occasion de discussions ou de prise de position par rapport à des débats qui
peuvent exister dans la société ou bien dans une communauté plus réduite,
comme ici le système éducatif.
= Ici nous sommes face à un livre destiné à des enseignants en exercice,
à des formateurs de maîtres ou encore à de futurs enseignants, quoiqu'il ne de-
vrait pas laisser indifférents des chercheurs en didactique. Mais c’est un livre
qui tranche sur la littérature habituelle pour ce public. Il est fort éloigné des
livres qui donnent des conseils et recettes basés, la plupart du temps, sur l’em-
pirisme le plus pur. Ici au contraire le discours est assis sur des soubassements
théoriques importants, soubassements que les auteurs prennent grand soin
d'exposer : ils se placent dans un modèle socio constructiviste et interactif. Et
c'est là que la discussion peut s'engager car quand un livre, destiné à des en-
seignants, est basé sur l’empirisme et qu'il relate des expériences, comme le
sont souvent les livres dits de pédagogie, aucune discussion ne peut voir lieu
puisque l’empirisme valorise l'existence de faits qui existeraient par eux-mé-
mes et que l'observateur ne peut que constater et non discuter.
Le modèle socio constructiviste et interactif proposé par les auteurs
résulte d’une longue pratique de recherche dans le champ de la didactique des
mathématiques et des sciences. Le livre est du reste parsemé d'exemples tirés
des corpus d'observations objectivées faites en classes par les auteurs. Le mo-
dèle proposé intègre les concepts classiques de transposition didactique et de
contrat didactique qui, historiquement produits par des auteurs différents
(Chevallard pour le premier et Brousseau pour le second), n'étaient initiale-
ment pas liés et qui ici entrent en interaction pour se répondre et appuyer les
propositions des auteurs.
Créer des conditions d'apprentissage

À travers ce livre, on voit bien apparaître ce qu'ailleurs, avec Claude


Raisky, j'avais appelé le champ du didactique : espace dans lequel d’une part
l'objet de toute didactique disciplinaire est de considérer «des rapports à un
savoir qu'un projet de formation se fixe pour but de modifier !», et d’autre part
espace où toute situation didactique est reconnue comme «un système com-
plexe qu’une modélisation analytique ne peut épuiser?». Ici ce livre ne pré-
tend pas épuiser toute modélisation, mais au contraire en propose une
raisonnable avec de forts arguments.
Cet ouvrage pose en filigrane deux questions clés que les didacticiens
se doivent d'aborder et auxquelles ils doivent réfléchir : d’une part la question
du rapport aux savoirs? et d'autre part la question du contexte et de son rap-
port avec la situation didactique. Dans une préface qui en général se doit
d'être courte, il est hors de propos de faire de longues digressions. Mais lors-
que la recherche en didactique se préoccupe du travail en classe, il est impor-
tant de prendre ces deux éléments en considération. Quand l’enseignant est
face à la diversité des apprentissages de ses élèves, pour ne pas dire l'hétéro-
généité, il doit considérer la diversité des rapports des élèves à l’école en tant
qu'institution, mais aussi leur rapport au savoir (au singulier cette fois) tel que
le définit Charlot * et que l’on peut paraphraser comme le rapport à
«l’apprendre», mais surtout leur rapport aux savoirs objets, autrement dit
aux objets de savoir dont s'occupe le didacticien. Hélas la recherche sur ce
point en didactique est encore balbutiante et peu de travaux s’y intéressent.
Mais ici on sent bien que ce rapport est constitutif de ce que les auteurs
appellent la relation didactique et qui, pour moi, en est même le cœur.

Le contexte, quant à lui, est plus large que la situation didactique dans
ses dimensions physique et artefactuelle. Bien entendu, il l'inclut. Mais il intè-
gre aussi le rôle fondamental du langage qui la façonne. À la suite des travaux
d'une part de Vygotsky et de l’école soviétique et d'autre part des interaction-
nistes américains nous savons comment les interactions verbales contribuent
au partage des significations. Apprendre c'est pour l’apprenant partager des
significations nouvelles avec celui qui sait, mais aussi coopérer avec lui et ses
pairs. Comme le disent Weil-Barais et Dumas-Carré : «Apprendre pour l'élève,
c'est entrer dans un jeu de reformulation-interprétation, c’est se positionner
par rapport aux connaissances, juger de leur pertinence, confronter différen-
tes sortes de solution, etc.°». Dans cette perspective, la médiation devient
fondamentale. L'étude du contexte prend alors en compte les interactions ver-
bales entre élèves et médiateur, et entre élèves eux-mêmes. C’est avec cette
approche du contexte où on ne peut plus séparer artificiellement la situation

1 Raisky et Caillot, (1996 : 15).


2 Did;
3 Le pluriel est volontaire
4 Charlot B., 1997. Du rapport au savoir. Eléments pour une théorie. Paris: Anthropos.
o Weil-Barais A. et Dumas-Carré A., 1997. Les interactions didactiques : tutelle et/ou média-
tion. In A. Dumas-Carré et A. Weil-Barais, Tutelle et médiation dans l'éducation scientifique,
p. 5. Bern : Peter Lang.
Préface 11
æs à

didactique et son contenu de savoir à transmettre et les acteurs interagissant SEA


verbalement que le modèle socio-constructiviste et interactif se révèle perti-
nent.

Le livre de Jonnaert et de Vander Borght apporte sur ce point des élé-


ments de réponse convaincants et permet de fonder une action en classe effi-
cace et contextualisée où les objets de savoir et les acteurs se rencontrent
dans une interaction sociale médiatisée par le langage. Les résultats classiques
des recherches didactiques en mathématiques et en sciences, par exemple
ceux relatifs aux conceptions des élèves, aux objectifs-obstacles ou encore au
contrat didactique, prennent alors tout leur sens. Si la réflexion théorique sur
le contexte (ensemble constitué de la situation didactique et des acteurs en
interaction verbale) semble bien fondée, comme elle l’est ici, elle devient alors
à la fois source et programme d’action pour l’enseignant-médiateur dans sa
classe et pour la formation des maîtres dans les IUFM. Une transformation des
pratiques de l’enseignement des mathématiques et des sciences est alors
nécessaire. Mais cette transformation, au lieu de suivre les dernières modes
pédagogiques et les discours de quelques gourous, trouve ici toute sa justifi-
cation.

Michel CAILLOT
Professeur à l’Université
René Descartes, Paris 5
t'umt AMMAENT 2" hou à eve Miimontiæde ai rer eMgts mures Sanrcp) Hrsettiht
nèz 00 soja ins Mere dite out As
ee - 1e ne dir .

DRE TR E L LIL 1 E L"Me


ol PRET: duc het diner an)
CARPE ets VAISA ren OR ee PTE ON PRIE DE
muet. che tlant al œr > ST ROLL Tr Min Evan
MIVREr APE A7 En ASUT Um CN DATI Cal stone ae
" 7 1 a ere Miele Start
6 vidéo it». À aan caisse intl ANT
mé ont past ee ee Cal étomndtfédt 4 ecrans sbteque) ntairaen sf ;
af aie le ati meme, mA cornté atrase tete mOi
De st mule arte tunes coule mat onag et enrdate nr |
de metro ares SR LCR 0 TR 0 ©
ro à ù 6 pétanque,tr désil-éitnnt
dar ampiiste
était + Bat mue Lu so arviehesgié
tes SAME efoÈNs
MES à taff On tue! nan pemnn ee
mes 0 2 Éaiiin

rÜnnst Let f Es D'ae! a

CODPUPENTÉ Parent > |


OT 2 LL
INTRODUCTION

Cet ouvrage rassemble les propos, les réflexions, les suggestions, les
questionnements issus de l’expérience de deux didacticiens : un didacticien
des mathématiques, Ph. Jonnaert et une didacticienne des sciences, C. Van-
der Borght. Les lignes qui suivent sont le reflet d’un long débat qu'ils ont mené
durant plusieurs années autant à propos de leurs travaux universitaires de
chercheurs en didactique et d'enseignants, qu’à propos de leurs pratiques de
formateurs d'enseignants. Leur expérience de didacticien correspond prati-
quement à cette période qui, depuis les années soixante-dix, voit s’éclore les
didactiques des disciplines. Ils ne poseront plus la sempiternelle question de
la pertinence des didactiques. Elles existent. Elles se développent. Un corpus
scientifique se construit progressivement pour chacune des didactiques des
disciplines, certes de façon inégale, parfois peu coordonnée, anarchique
même à quelques occasions! Mais des chercheurs, des praticiens et des théo-
riciens se donnent aujourd’hui pour objectif de créer un vocabulaire non com-
promettant pour les didactiques. Ils échafaudent ainsi une théorie des
didactiques, certains s’y sont déjà essayés avec plus ou moins de bonheur dans
leur discipline, ... ce ne sont plus des balbutiements!
Le dynamisme des didacticiens n’est donc plus à démontrer. Leurs re-
cherches sont reconnues par les grands organismes subventionnaires qui les
financent. Leurs enseignements sont inscrits dans la plupart des curricula uni-
versitaires de formation des enseignants. Des revues spécifiques ont vu le
jour, quinze années plus tard elles sont toujours plus largement diffusées. Des
congrès, des colloques ou symposiums se tiennent très régulièrement au qua-
tre coins de la planète, d’un Océan à l’autre. Déjà, de premiers bilans sont faits,
[par CI. Gaulin (Montréal, 1995) pour les 25 ans de didactique des mathéma-
tiques au Québec, par Artigue, Gras, Laborde et Tavignot (Paris, 1993) pour
les 20 ans de didactique des mathématiques en France], .… Des doctorats, des
doctorands et des docteurs existent dans la plupart des didactiques des
14 Créer des conditions d'apprentissage
pe]

disciplines, … parfois même des doctorats d'honneur (Brousseau à l'Universi-


té de Montréal en 1997).

Les didactiques existent, et pourtant!


Il ne se passe pas une rencontre de didacticiens sans qu’à un moment
donné, un membre de l'assemblée, subitement pris par un doute existentiel,
ne pose la question : «Maïs, finalement, les didactiques, qu'est-ce que
c’est ?» Lors d’une rencontre de mathématiciens ou de biologistes, plus que
convaincus de la réalité de leur discipline, une telle question verrait son auteur
frappé instantanément d’anathème. Et puis, que font ces didacticiens, bâtards
de leur discipline-mère ? Quel art exercent-ils, eux qui empiètent sur les do-
maines de la pédagogie ? Et quel est le contenu de leurs enseignements, eux
qui n’enseignent pas vraiment leur discipline ?

Pour répondre tant bien que mal à ces questions, nous avons d’abord
dû admettre que, d’une manière générale, les questions d'apprentissage sont
centrales pour les didactiques des disciplines. Force est de constater, à l’exa-
men de leurs écrits, que les travaux de nombreux didacticiens traitent de
questions relatives à l'apprentissage de leur discipline. Les didactiques des
disciplines s'intéressent par là aux problématiques de construction des con-
naissances.

Mais, cette affirmation nous permet-elle de traiter d'emblée d’appren-


tissage sans autre forme de procédé, dans l'absolu, sans préalable, simplement
parce que nous avons décidé, de facto, que ce serait l’objet de nos disciplines
appelées «didactiques» ? Le lecteur averti crierait à l’imposture!

Avant toute chose, il nous faut montrer «patte blanche» et préciser le


paradigme épistémologique qui guide l’ensemble de la réflexion que nous
proposons : il est socioconstructiviste. Le premier chapitre clarifie notre po-
sition. Simplement, sans emphase, il fournit au lecteur la clé pour la compré-
hension de l’ensemble de l'ouvrage. Fort de notre position, le lecteur pourra
alors continuer son cheminement en considérant que la connaissance qu'il se
construira, comme toutes celles qui font partie de son patrimoine cognitif,
«n'est jamais une image de la réalité, mais plutôt la somme des itinérai-
res que le sujet humain a trouvés viables dans la poursuite de ses entre-
prises physiques et mentales. ». Von Glasersfeld (1989 : 8)

Ce n'est qu'alors
que nouspouvons
entrer dans levifdu sujet!
Si le cheminement que nous lui proposons est viable pour lui, le lec-
teur pourra enfin entrer dans nos réflexions.

Le second chapitre propose au lecteur des grilles d'analyse qui lui


permettent de porter un regard critique sur les dizaines de définitions qui
peuplent la littérature à propos du concept de didactique. Quelques distinc-
tions, partant d'illustrations, sont établies entre les questions que posent les
Introduction 15 |

didacticiens et celles des pédagogues, pour finir par constater qu'il n’est nul
besoin de les mettre dos à dos, ils sont tellement complémentaires!
Le troisième chapitre contextualise la réflexion des didacticiens dans
l'environnement scolaire. Décrivant rapidement les différents niveaux organi-
sationnels du système scolaire, les pressions qu'y subit la relation didactique
apparaissent de façon évidente. Naturellement, une réflexion didactique ne
peut se faire sans poser d’abord la question des finalités de l’objet d’apprentis-
sage. Finalement, l'inscription d’un contenu dans un programme scolaire n’est
pas suffisante pour justifier en soi son apprentissage par des élèves.
Et puis, quel est le rôle de chacun, l'enseignant, les élèves et le
«savoir » ? Le quatrième chapitre clarifie le concept de contrat didactique qui
présente toutes les allures d’un anti-contrat. Partant des différents types de
contrats véhiculés à travers les courants pédagogiques, ce chapitre définit le
contrat didactique et en analyse les fonctions. Pour conclure que ce dernier
sert avant toute chose à créer des espaces de dialogues entre les partenaires
en présence. À défaut, nous nous retrouvons, tels des chiens de faiëénce, con-
frontés à des dialogues de sourds isolant chacun dans sa bulle.

à à et les apprentissages ?

Le chapitre cinq aborde enfin les questions d'apprentissage, ques-


tions, par essence, de didacticiens. Pour aborder le thème des apprentissages
scolaires, nous définissons ce que nous avons nommé le modèle «socio-cons-
tructif et interactif» (SCD de construction des connaissances. Ce modèle
nous sert ensuite de grille pour analyser les définitions de l'apprentissage à
travers différents courants. Une définition de l'apprentissage dans la perspec-
tive du modèle SCI termine ce chapitre.
Finalement, après avoir précisé ce que nous entendons par processus
«enseignement/apprentissage», nous clarifions les conditions de l’appren-
tissage en contexte scolaire. Sans fournir de recettes, partant d'exemples et
d'expériences que nous avons nous-mêmes menées, nous illustrons les chemi-
nements d’un apprentissage dans une perspective socioconstructiviste. Ils ne
sont pas définitifs. Beaucoup reste à faire, et nos propos ne sont certes ni nor-
matifs, ni prescriptifs. L'unique contrainte que nous nous imposons dans nos
approches didactiques, comme dans nos propos au fil de cet ouvrage, c’est la
fidélité au paradigme socioconstructiviste que nous avons clarifié au premier
chapitre.
Et, pour conclure, nous reprenons la question que nous avions laissée
ouverte au terme du premier chapitre, enfin, nous y répondons; une perspec-
tive constructiviste de l’apprentissage et des questions d'éducation est-elle
compatible avec d’autres paradigmes épistémologiques ? Au fil de sa lecture,
de ses réflexions, de ses propres apprentissages, le lecteur se sera construit
sa propre idée à propos de cette question. Nous lui fournissons la nôtre dans
les dernières lignes de cet ouvrage.
16 Créer des conditions d'apprentissage

… en avant-goût!
«(..) Une fois cela tout à fait compris, il deviendra évident qu’on ne doit pas considé-
rer le constructivisme radical comme un moyen d'établir une image ou description
d'une réalité absolue, mais seulement comme modèle possible de connaissance éla-
boré par des organismes cognitifs capables de construire pour eux-mêmes, à partir
de leur propre expérience, un monde plus ou moins fiable».
Von Glasersfeld (1988 : 42)
Mise en perspective
socioconstructiviste
POUR OUVRIR LE DÉBAT...
«LE POSTULAT

Vous vous souvenez certainement du personnage de Monsieur Jourdain, dans la piè-


ce de Molière intitulée «le Bourgeois gentilhomme» : un nouveau riche qui, avide
d'instruction, fréquente les sphères raffinées de l'aristocratie française. Un jour, s’en-
tretenant de poésie et de prose avec son maître de philosophie, Jourdain découvre à
son grand étonnement et plaisir que, quand il parle, il parle en prose. Bouleversé par
cette découverte, il s'exclame : «Par ma foi! Il y a plus de quarante ans que je dis de
la prose sans que j'en susse rien, et je vous suis le plus obligé du monde de m'avoir
appris cela!»
Une découverte similaire a été faite il n’y a pas si longtemps. Il ne s'agissait alors ni
de poésie ni de prose, mais d'environnement : c'était l'environnement qu’on avait cet-
te fois découvert. Je me souviens d’avoir vu, il y a peut-être dix où quinze ans, quel-
ques-uns de mes amis américains arriver en courant, eux aussi à la fois surpris et
enchantés de leur dernière grande découverte : « Nous vivons dans un
environnement! Nous vivons depuis toujours dans un environnement sans le savoir!»
Cependant, ni Monsieur Jourdain ni mes amis n’ont encore fait une autre découverte
— ils ne savent pas que, quand Monsieur Jourdain parle, que ce soit en prose ou en
poésie, c'est lui-même qui invente ce qu'il dit, et que, de la même façon, quand nous
percevons notre environnement, c'est nous-mêmes qui l’inventons.
Toute découverte est à la fois douloureuse et joyeuse : douloureuse quand nous en
sommes encore à nous battre avec une idée nouvelle, encore imprécise; mais joyeu-
se aussitôt qu'on est parvenu à la déterminer. Aussi, le seul but de ma présentation
sera de minimiser le plus possible la douleur et d'augmenter la joie de ceux qui n’ont
pas encore fait cette découverte. Formulons donc de nouveau la découverte que
nous devons tous faire. Il s’agit du postulat suivant :
L'environnement, tel que nous le percevons, est notre invention».
Von Foerster (1988 : 45 et 46)

1 Mis en évidence par nous dans le texte.


18 Créer des conditions d'apprentissage
SE |

RÉSUMÉ

Partant d’un exemple extrait d’une situation de classe, ce premier texte pré-
sente la posture épistémologique des auteurs de cet ouvrage. L'ensemble de
la réflexion développée dans le livre est inscrit à l'intérieur d’un paradigme
socioconstructiviste et interactif.

Après avoir clarifié le concept de paradigme et défini trois grandes orienta-


tions épistémologiques, ce chapitre pose les assises d’une réflexion socio-
constructiviste et interactive en précisant les trois dimensions qui la consti-
tuent :

(1) la dimension constructiviste;

(2) la dimension liée aux interactions sociales;

(3) la dimension liée aux interactions avec l'environnement.

Ces trois dimensions solidaires définissent le processus de construction des


connaissances.

SOMMAIRE

Objectifs de ce chapitre
1.1 Une mise en situation
1.2 Une mise en paradigme de notre réflexion
1.3 Le débat n'est pas clos
1.4 Il y a matière à débat

Ce chapitre développe une réflexion que nous avons proposée dans diffé-
rents articles antérieurs :
— Jonnaert, Ph. (1996). Les apprentissages mathématiques en situation :
une perspective constructiviste. Revue des Sciences de l'Éducation,
22(2), 233-252:
— Jonnaert, Ph. (1996). Le dialogue entre chercheurs et praticiens : uto-
pie ou réalité ? Cahiers de la Recherche en Éducation, 3(2), 271-294.
— Fourez, G. et de Bueger-Vander Borght, C. (1995). Introduction à la so-
cio-épistémologie, in A. Giordan, J.-L. Martinand et D. Raichvarg (dir.)
Que savons-nous des savoirs scientifiques et techniques ? Actes des
XVII Journées Internationales sur la communication, l'éducation et la
culture scientifiques et industrielles, Centre Jean Franco, Chamonix,
mars 1995, 185-196.
Mise en perspective socioconstructiviste 19
TORRES PE CPL ARGENT

OBJECTIFS DE CE CHAPITRE -
Ce chapitre poursuit l'objectif général de clarifier le paradigme épisté-
mologique qui détermine la réflexion développée dans cet ouvrage. Ce para-
digme épistémologique constitue en quelque sorte la «clé» pour comprendre
les réflexions, les idées et les propositions formulées par les deux auteurs à
travers tout l'ouvrage. Par la lecture de ce premier chapitre, le lecteur se cons-
truira ainsi une grille lui permettant de décoder les intentions des auteurs.
Préalablement, les principaux concepts utilisés («paradigme » et
«paradigme épistémologique») sont définis. Ces définitions ne sont pas im-
portantes pour elles-mêmes (l'ouvrage n’est pas un manuel d’épistémologie
mais bien un manuel de formation didactique); cependant ces concepts sont
des outils que le lecteur devra utiliser à différents endroits de l'ouvrage. En ce
sens, la clarification conceptuelle proposée a pour objectif de fournir au lec-
teur des outils indispensables à la compréhension des propos de l'ouvrage.
Enfin, la position des auteurs se situant à l’intérieur d’un paradigme
socioconstructiviste, ce chapitre présente également les composantes fonda-
mentales que les auteurs ont retenues pour définir le paradigme sociocons-
tructiviste. De cette définition découle la cohérence de l’ensemble de
l'ouvrage puisque ce paradigme socioconstructiviste en est la clé de voûte. En
ce sens, cette clarification permet au lecteur de découvrir, dès le premier cha-
pitre, le fil conducteur de la réflexion didactique proposée dans cet ouvrage.

1. UNE MISE EN SITUATION


.… Ou le cadrage de notre réflexion!
«[...] Il n'est pas de domaine du savoir où il y ait eu aussi peu de progrès que dans
la philosophie de l'esprit. L'esprit humain a été étudié comme s’il était indépendant du
corps, et, en général, par des philosophes qui avaient relativement peu de connais-
sances du monde physique. Par exemple, aucune tentative n’a été faite pour étudier
les phénomènes mentaux à la lumière de l’expérimentation et de l'observation, ou
pour les analyser dans leurs phases anormales. [...] Sans données, sans axiomes,
sans définitions, [la science de l'esprit] soulève des problèmes qu'elle ne peut résou-
dre, [...]. L'esprit humain se dérobe à une connaissance par les sens et par la raison,
et il s'étend tel un champ en friche, exposé au nord, sur lequel chaque spéculateur de
passage jette son ivraie mentale, étouffant les bons grains qui auraient pu naître et
se développer»
Brewster (1854), cité par Gardner (1985 : 65).

1.1 Une nécessaire clarification.


Les réflexions développées dans cet ouvrage sont essentiellement di-
dactiques. Elles traitent d'enseignement et d'apprentissage à propos des con-
tenus des disciplines scolaires. Les didactiques s'intéressent donc aux
processus de transmission et d'acquisition de connaissances relatives à ces
disciplines scolaires. En ce sens, elles sont concernées par les mécanismes de
20 Créer des conditions d'apprentissage
PRES
FALSE ATEN

construction des connaissances. Dès lors, au point de départ de toute ré-


flexion didactique, une prise de position épistémologique est indispensable,
elle clarifie le rapport de l’apprenant à l’objet de connaissance (Brun, 1994) et
répond à la question :

Comment un élève qui apprend construit-il


sespropres connaissance:
Cette question génère des réponses multiples. Il n’est pas facile de lui
trouver une réponse univoque. Et pourtant! La question de l’origine des con-
naissances est posée depuis des générations par des philosophes, des psycho-
logues, des épistémologues et quantité d’autres chercheurs. Nous ne referons
pas, en ces lignes, l’histoire passionnante de ces questions*.
Les propos qui suivent clarifieront simplement la position que nous
avons adoptée à travers l'ouvrage. La réponse que nous apportons à la ques-
tion de la construction des connaissances est socioconstructiviste et interac-
tive. Il ne s’agit pas d’une position fermée et doctrinaire, au contraire nous
ouvrons la réflexion sur les apprentissages en contexte scolaire à de multiples
références qui ne sont pas exclusivement socioconstructivistes. Cependant,
lorsqu'il s’agit d'évoquer, stricto sensu, les processus d'apprentissage, nous
nous situons clairement dans une approche fondamentalement sociocons-
tructiviste et interactive.
Mais, qu'est-ce à dire ? Partant d’un exemple, nous clarifions cette po-
sition qui définit en quelque sorte notre «posture épistémologique ».

1.2 Un exemple...
EXEMPLE

extrait de Jonnaert (1997 : 261 et 262).


Description de la situation de classe : dans une classe de première primaire, chaque élève a
placé une étiquette avec son nom sur la table. L'enseignante a mélangé ces étiquettes et de-
mandé aux élèves de vérifier s'il y a autant de garçons que de filles dans l'atelier mathéma-
tique ce matin. Les élèves classent les étiquettes en deux tas : les «filles» et les «garçons »
et comptent le nombre de filles et le nombre de garçons présents. L'enseignante a également
placé une étiquette avec son nom sur la table. Nous observons que certains élèves ne comp-
tent pas l'enseignante parmi le nombre de filles présentes en classe ou, au contraire, lui at-
tribuent une valeur supérieure à «un» lors du comptage. Nous avons retranscrit les propos
de deux de ces élèves. Une partie de cet extrait est décrite dans Jonnaert (1997 : 261 et 262),
la seconde partie est la suite de cette transcription.
Extraits d'échanges entre 2 élèves et l'observateur : ce dernier a demandé à Nicolas pourquoi
ilne prend pas en considération l'étiquette de l'institutrice 3.

2. Howard Gardner (1983) retrace de façon magistrale l'historique des courants de pensée qui
se sont succédés à travers les siècles pour apporter des réponses (aujourd’hui célèbres) à la
question de la construction et du développement des connaissances de l'être humain.
3 Extrait d'une observation réalisée dans une classe de première primaire dans la Province du
Hainaut en Belgique francophone; il s'agit de la transcription d’une séquence magnétoscopée.
Mise en perspective socioconstructiviste 2
CARRE SONTER ESPN

«(N. = Nicolas; F. = Fabienne; Obs. = observateur)


— Obs.: Pourquoi tu ne comptes pas Monique 4?
— N.: Parce que c’est pas juste pour les garçons.
— Obs.: Comment ça ?
— N.: Elle vaut plus qu’un élève alors c’est pas juste.
— Obs.: Ça veut dire quoi elle vaut plus ?
— N.: Elle vaut pas juste un comme nous autres, elle vaut plus.
— Obs.: Tu peux dire alors combien elle vaut ?
— N.: Non, mais ça doit être beaucoup parce que c’est elle la maîtresse.
— FE: Moi j'ai compté 12 et 12. C’est le même pour les deux.
— N.: Tutriches parce qu'on est plus de garçons.
(N. aligne les 12 noms des garçons et les 10 noms des filles)
— Obs.: Alors, Nicolas, pour toi ça fait combien et combien ?
— N.: 12 garçons et 10 filles.
ES Tu dois aussi compter Monique, c’est une fille comme nous.
— N.: Non, c’est une maîtresse, c’est pas juste!
— Obs.: Qu'est-ce qui n’est pas juste ?
— N.: Une maîtresse c’est pas comme nous, alors on la compte pas.
— Obs.: Pourquoi tu ne veux pas la compter ?
— N.: Parce qu’alorsil y a plus de filles que de garçons et c’est pas vrai. C’est nous qu’on
est le plus dans la classe, … pas les filles.
— Obs.: Fabienne, peux-tu compter tout haut le nombre de noms que tu as devant toi ?
— FE: Oui.
(F. compte oralement le nombre de cartes)
mn S Voilà il y a 12 cartes avec des noms de garçons et 11 cartes avec des noms de filles.
— Obs.: Pourquoi dis-tu qu'il y a 12 garçons et 12 filles et non 12 garçons et 11 filles ?
(silence, F. recompte et réfléchit sous le regard courroucé de Nicolas)
— E: Parce que Monique vaut 2. Parce que c’est elle la maîtresse.
— N.: C'est pas juste, … on peut pas compter Monique.

Nicolas et Fabienne sont confrontés à une situation identique : un en-


semble de 23 étiquettes dont 12 représentent les noms des garçons de la clas-
se et 11 ceux des filles de la classe y compris celui de l’enseignante.
Théoriquement, l’un et l’autre devraient se construire une même représenta-
tion de cette situation. … et pourtant!
Là où Nicolas compte un total de 22 étiquettes (12 et 10), Fabienne
en compte 24 (12 et 12) alors que l'observateur en voit 23 (12 et 11). Qui a
raison ?

4 Prénom de l’enseignante de la classe.


22 Créer des conditions d'apprentissage
Eee
Se ARE

Une situation 23 étiquettes


identique

11 prénoms
12 prénoms de filles
de garçons

Des représentations
différentes

Représentation Représentation
de Nicolas de Fabienne

22 prénoms d'élèves

12 prénoms| | 10 prénoms
de garçons de filles

(L'étiquette avec le prénom de l'enseignante


est comptabilisée avec les prénoms de filles,
Prénom de
mais Fabienne lui attribue une valeur double)
l'enseignante

FIGURE 1

Une seule situation, deux élèves, deux représentations. !

Chacun organise cette situation en fonction de son vécu, de son expé-


rience et du sens qu'il souhaite lui donner. Finalement, Nicolas construit sa si-
tuation, Fabienne la sienne et l'observateur celle qui l’intéresse. Et c’est bien
là la première dimension du paradigme constructiviste :

Chacun construit sans cesse lui-même sa propre réalité. ÀSen |

Le dialogue qui s’installe entre Nicolas et Fabienne montre que leurs


représentations respectives de la situation divergent l’une de l’autre et repo-
sent sur des logiques différentes. Pour Nicolas, l'étiquette représentant le nom
Mise en perspective socioconstructiviste 23

de l’enseignante ne peut être prise en considération (elle vaut donc 0), alors _
que pour Fabienne, au contraire, cette même étiquette vaut le double de la va-
leur de toute autre étiquette. On imagine derrière ces propos d’autres débats,
d’autres rivalités. Retenons simplement pour nos propos du moment que ces
deux élèves de première primaire se sont construit des représentations diffé-
rentes d’une même réalité. Ils en arrivent même à des dénombrements diver-
gents des objets auxquels ils sont confrontés.

pasCette situation est-elle exceptionnelle ?

1.3 Une première réponse constructiviste


Cette situation n’est pas sans évoquer l'expérience relatée par Khun
(1983). Nous la décrivons sommairement dans les lignes qui suivent. Désirant
connaître ce que représente, pour des scientifiques, la théorie atomique, un
chercheur nord-américain interroge deux spécialistes reconnus par la com-
munauté scientifique internationale dans leur domaine respectif : la chimie et
la physique. Il leur demande si un atome d’hélium est ou n’est pas une molé-
cule. La réponse de l’un et l’autre ne s'accorde pas. Pour le chimiste, l'atome
d’hélium est une molécule. Ce dernier argumente sa réponse en faisant réfé-
rence à la théorie cinétique des gaz. Pour le physicien, l'atome d’hélium n’est
pas une molécule. Ce dernier argumente sa réponse en affirmant qu'il ne peut
en apercevoir le spectre moléculaire.
Ces réponses sont-elles pour autant contradictoires ? Sommes-nous
dans une impasse ? Non, certainement pas. Cette situation est fréquente. Cha-
cun, le chimiste et le physicien, construit sa définition d’un atome d’hélium en
fonction de son champ de référence.
Nous vivons quotidiennement des situations similaires! Considérons
une situation triviale. Si un géographe, un aquarelliste, un géologue, un urba-
niste, un photographe, un cultivateur, un écologiste, un bûcheron et nous-mé-
mes cherchant un coin paisible pour pique-niquer avec notre famille sommes
arrêtés en face d’un même site campagnard, nous ne le regarderons certaine-
ment pas du même œil. Sans doute que là où le photographe cherchera de la
lumière, le bûcheron regardera des arbres. Là où nous prospecterons pour dé-
nicher un coin d'ombre où déjeuner, l’aquarelliste recherchera des couleurs.
Là où le cultivateur découvrira un sol fertile à défricher, l’écologiste relèvera
des espèces végétales à protéger, …
Mais alors, que se passe-t-il ? Chacun se construit-il une vision person-
nelle de la réalité ontologique ? Et puis est-il encore pertinent, dans ce cas, de
parler de réalité ontologique ?

Les constructivistes abandonnent l’idée d’une connaissance qui soit


une copie conforme de la réalité extérieure au sujet, la réalité ontologique.
Pour eux, il est normal que les représentations que Nicolas et Fabienne se font
24 Créer des conditions d'apprentissage
|EPS LOGIN EAN RARES A

de la situation à laquelle ils sont confrontés ne soit pas une reproduction stric-
te de cette dernière. Sans cesse, chaque individu cherche à construire le mon-
de en se construisant lui-même de manière à pouvoir s’y insérer et à y adopter
une position viable (Pépin, 1994). Dans cette perspective, les connaissances
sont construites par le sujet lui-même à travers les expériences qu'il vit dans
son environnement, mais aussi au départ de celles qu'il a déjà vécues :
«(...) la notion de savoir-reflet ou de savoir-lecture, qui colporte un sens d'empreinte
ou d'image du réel dans notre connaissance, semble tout à fait illusoire, voire utopi-
que. La connaissance entendue comme une copie plus ou moins achevée de la
réalité n’a plus de sens puisque nous n'avons accès à la réalité que par nos
représentations ».
Ruel (1994 : 39)

La réalité ontologique ne se copie donc pas! Les connaissances du sujet


qui apprend ne sont pas comme un album photo, une série de clichés, copies
conformes du monde extérieur. C’est impossible! Le sujet qui apprend ne pho-
tographie pas le monde, il le reconstruit sans cesse en se construisant lui-même.
Dans cette perspective, le savoir n’est pas transmissible passivement, il est cons-
truit par le sujet qui apprend. Ce postulat constructiviste a une incidence très
importante sur nos réflexions à propos de l’enseignement et de l'apprentissage.
De cette mise en situation nous pouvons déjà retenir que :

| Les premiers savoirs auxquels l'élève est confronté sont d'abord


ses connais-
sances. ES LEE | RTE RE Tire

1.4 Que retenir ?

Quel est le cadre général de notre réflexion ?


Répondons en clarifiant notre posture épistémologique…
(1) Les didacticiens s'intéressent aux processus de transmission et d'acquisition des contenus
des disciplines scolaires. En ce sens, la question de la construction des connaissances les
intéresse au plus haut point. Il est donc utile, avant de développer une réflexion didactique,
de clarifier la posture épistémologique qui la sous-tend.
(2) La posture épistémologique du didacticien permet d'identifier le paradigme 5 auquel il fait
référence lorsqu'il évoque les processus de construction et de développement des connais-
sances.
(3) Le paradigme auquel les auteurs de cet ouvrage se réfèrent lorsqu'ils parlent de construc-
tion et de développement des connaissances est constructiviste. Dans cette perspective, les
connaissances de l’apprenant priment sur le savoir à apprendre.

5 «(...) L'étude historique minutieuse d'une spécialité scientifique donnée, à un moment


donné, révèle un ensemble d'illustrations répétées et presque standardisées de différentes théo-
ries, dans leurs applications conceptuelles, instrumentales et dans celles qui relèvent de l’obser-
vation. Ce sont les paradigmes du groupe, exposés dans ses manuels, son enseignement et ses
exercices de laboratoire. En les étudiant et en les mettant en pratique, les membres du groupe
apprennent leur spécialité». Kuhn (1983 : 71)
Par paradigme nous évoquons «l’ensemble des présupposés théoriques, pratiques et idéologi-
ques qu'a adopté, dans son histoire, une discipline scientifique. En d’autres termes, c’est la grille
de lecture à travers laquelle une discipline étudie le monde et grâce à laquelle, elle sélectionne
ce qui intéresse». Fourez et al. (1997 : 74)
Mise en perspective socioconstructiviste 25
Om AANRIES

1.5 Quelques références pour aller plus loin… ee


— Astolfi, J.-P. (1997). L'erreur, un outil pour enseigner. Paris : ESF.
— Astolfi, J.-P., Cauzinille-Marmèche, E., Giordan, A., Henriquès-Chris-
tofidès, A., Mathieu, J., Weil-Barais, A. (1984). Expérimenter, sur les
chemins de l'explication scientifique. Toulouse : Privat.
— Jonnaert, Ph. (1988). Conflits de savoirs et didactique. Bruxelles :
De Boeck.
— Kuhn,T. (1983). La structure des révolutions scientifiques. Paris :
Flammarion.
— AstolfiJ.P., Darot, E., Ginsburger-Vogel,Y., Toussaint, J. (1997). Mots-
clefs de la didactique des sciences. Repères, définitions, bibliogra-
phies. Bruxelles : De Boeck.

1.6 Concepts-clés du paragraphe


paradigme - épistémologie - paradigme épistémologique - posture
épistémologique

2. LES FONDEMENTS
D'UNE RÉFLEXION SOCIOCONSTRUCTIVISTE
œ
.… Où la mise en paradigme de notre réflexion!

2.1 Vous avez dit «paradigme». ?


Un paradigme définit le cadre de référence d’une communauté de
chercheurs pour un temps indéterminé. À l'intérieur de ce cadre de référence,
ces chercheurs trouvent la manière de définir les problèmes auxquels ils sont
confrontés et des réponses fournies par d’autres chercheurs à des problèmes
similaires. Un paradigme fournit donc en quelque sorte une conception du
monde largement reconnue. Quel que soit le champ disciplinaire auquel il ap-
partient, un chercheur fonctionne toujours en référence à un paradigme :
«(..) tout chercheur connaît, pense, analyse avec les outils, concepts, catégories
inscrits dans un paradigme. Il est impossible de se situer à l'extérieur d’un paradigme,
quel qu'il soit, pour examiner, analyser une réalité, une situation, un phénomène. Si
on ne peut analyser qu'à l'intérieur d’un paradigme, celui-ci impose une sélection, une
détermination et un contrôle de la conceptualisation et de la catégorisation».
Laflamme (1994 :6)

Pour Morin (1991 : 213), un paradigme contient, pour tout discours


s’effectuant sous son empire, les concepts fondamentaux, les catégories maî-
tresses de l’entendement et le type de relations qui existent entre ces con-
cepts et ces catégories.
Créer des conditions d'apprentissage
az .

De l'Antiquité à nos jours, l’histoire des sciences est marquée par des
hypothèses fondamentales et des idées abstraites (Ouellet, 1994). Les para-
digmes épistémologiques sont ces grandes hypothèses : ils servent à assurer
la cohérence des rapports que l’homme entretient avec ses objets de connais-
sance. Nous l'avons écrit, le choix d’un paradigme détermine tant la réflexion
que l’action du chercheur. Le paradigme épistémologique auquel il adhère
devient alors, non seulement son cadre de référence, mais également le princi-
pe organisateur de sa pensée et de ses gestes de chercheur lorsqu'il pense en
terme de construction, d'acquisition ou de développement des connaissances.
Le paradigme épistémologique assure la cohérence d’une communauté
scientifique dans les rapports qu’elle entretient avec les objets de connaissance.
Un paradigme épistémologique est donc un cadre général de réfé-
rence articulant entre eux les concepts et les catégories qui guident la pensée
et l’action du chercheur lorsqu'il s'intéresse aux questions relatives à la
construction, à l'acquisition ou au développement des connaissances.
Galilée, par exemple, était conscient du paradigme qu'il utilisait. «Dès que je conçois,
une substance matérielle ou un corps, je perçois en même temps la nécessité de con-
cevoir qu'il a les limites d'une certaine forme; que, relativement à d'autres corps, il est
grand ou petit; qu'il touche ou ne touche pas d'autres objets; qu'il est à telle ou telle
place, en tel ou tel temps; qu'il est en mouvement ou au repos; qu'il est unique, rare
ou commun. Je ne puis, par aucun effort d'imagination, le séparer de ces qualités.
Mais je ne me sens pas forcé absolument de le voir de manière qu'il soit blanc ou rou-
ge, doux ou amer, bruyant ou silencieux, d'une odeur plaisante ou désagréable; si les
gens ne me signifiaient pas ces qualités, le langage et l'imagination seuls ne pour-
raient jamais les concevoir. C'est pourquoi je crois que les sensations, les odeurs, les
couleurs, etc. ne sont pour les objets dans lesquels elles apparaissent que de simples
noms. Elles existent uniquement dans les corps sensibles, car quand les créatures
vivantes sont éloignées, toutes ces qualités sont emportées ou annihilées. Je ne crois
pas qu'il y ait dans les corps extérieurs quelque chose comme des goûts, des odeurs,
et des sons, etc. mais des tailles, des formes, des quantités et du mouvement».
cité par Fourez (1974 : 68)

2.2 Une multitude de paradigmes


Aussitôt que l’on évoque les théories de la connaissance, une variété
de courants épistémologiques apparaît : apriorisme, associationnisme, car-
lésianisme, constructivisme, dialectique, empirisme, fonctionnalisme,
innéisme, matérialisme, naturalisme, positivisme, pragmatisme, ratio-
nalisme, réalisme, sensualisme, …… et bien d’autres encore!
«(...) la variété des appellations de ces théories, allant du réalisme le plus pur et le
plus concret en passant par l'empirisme le plus sincère et le plus objectif à l'idéalisme
le plus noble et le plus spéculatif n'illustre que des étiquettes souvent néfastes à la
compréhension des phénomènes de connaissance. Dans leur forme pure, l'idéalisme
s'oppose au réalisme et, l'empirisme au rationalisme, l'innéisme et l’apriorisme à
l'empirisme, le sensualisme au psychologisme, le cartésianisme au pragmatisme, le
matérialisme au spiritualisme, etc. Il serait difficile d'étudier en profondeur toutes ces
épistémologies ».

Deshaies (1992 : 44)


Mise en perspective socioconstructiviste 27
ESA CRD EE PER TSPAE

L'analyse des théories de la connaissance est complexe. Elles cher-


chent cependant toutes à comprendre comment le réel nous est accessible, s’il
nous est vraiment accessible et à quelles conditions il l’est. Plutôt que de faire
le tour d’un grand nombre de ces théories, nous retenons trois courants : l’'em-
pirisme, l'idéalisme et le rationalisme. Pour Deshaies (1992 :45), pris sépa-
rément, chacun de ces trois termes recouvre de nombreuses variantes des
théories de la connaissance. Même si elle est réductrice, notre approche per-
met au lecteur de disposer d’un panorama suffisant pour comprendre le con-
tenu des lignes qui suivent. Mais que recouvre chacun de ces trois termes ?

L’empirisme défend une approche fondée sur l'observation et l’infé-


rence systématique. L'objet est au centre de ses préoccupations. Les empiris-
tes souhaitent une science basée sur les faits au lieu de déduire les faits du
simple raisonnement ou de les soumettre aux opinions et aux dogmes. Les em-
piristes estiment que les processus mentaux reposent sur les impressions
sensorielles.

_… Pourles empiristes,l'expérience sensorielle estlaseule source fiable en matière


‘de connaissance. RE ES enr e
L’idéalisme s'oppose à l’empirisme. Ce courant de la pensée consa-
cre la domination de l’idée sur la réalité. Pour l’idéaliste, la raison pure s’affir-
me contre l’objet ou le monde extérieur. À la limite, écrit Deshaies (1992 : 47)
pour un idéaliste, le réel est ce qui est conçu arbitrairement.

rs
idéalistes, lapensée est laseule réalité.
- Le rationalisme postule que l'esprit présente un pouvoir de raison-
nement qu'il impose dans le domaine de l'expérience sensorielle. Pour des ra-
tionalistes comme Platon ou Descartes, la réflexion philosophique est la
recherche fondamentale, les travaux des empiristes sont, à leurs yeux, moins
importants. Pour un rationaliste comme Descartes, les idées sont dues à des
causes innées plutôt qu'aux expériences.

Retenons, pour les propos du moment, ces trois grandes tendances


des réflexions épistémologiques : l’'empirisme, l’idéalisme et le rationalis-
me. Différents paradigmes épistémologiques se distribuent cependant à tra-
vers ces trois grands courants en leur apportant de nombreuses nuances. Ces
courants ne sont toutefois pas immuables, l’histoire des idées est le reflet de
multiples changements de paradigmes.

2.3 Des changements de paradigme


Lorsqu'une communauté de chercheurs inspire un changement de pa-
radigme elle provoque une révolution scientifique. Par exemple, la révolu-
tion scientifique qui a agité la communauté des chimistes culmine au
28 Créer des conditions d'apprentissage
LEPSE EEE

XVII siècle avec la publication par Lavoisier (1789) de son Traité élémen-
taire de chimie. Les écrits de Lavoisier provoquent querelles et divisions
autour de paradigmes qui changent radicalement les conceptions de la chimie
véhiculées depuis l'Ancien Régime jusqu’à l'aube de la Révolution française.
Les historiens contemporains des sciences attribuent l’avènement de la chi-
mie scientifique contemporaine au changement de paradigme provoqué par
Lavoisier (Bensaude-Vincent, 1991 : 363). L'histoire de la pensée humaine est
parsemée de révolutions de ce type. Kuhn (1983) parle de révolutions para-
digmatiques pour évoquer ces changements de paradigme.

En matière d'enseignement et d'apprentissage, tout semble indiquer que nous


vivons actuellement un important changement de paradigme.

Traditionnellement orientée vers une approche empiriste, l’école con-


sidère que le critère de connaissance est la réalité telle qu’elle est décrite dans
les programmes scolaires :

_ Une réalité extérieure à celui qui apprend...

Dans ce contexte, les contenus des savoirs à apprendre sont organisés


indépendamment de celui qui apprend, l'enseignant les découvre dans les pro-
grammes, les référentiels de compétences, les manuels scolaires, ..., mais pas
dans l'élève lui-même.
Le paradigme qui dirige notre réflexion à travers tout ce texte parti-
cipe sans doute activement à une forme de révolution paradigmatique dans
l'univers de l’enseignement et de l'apprentissage scolaire. En effet, plus pro-
che du rationalisme que de l’empirisme, le constructivisme postule que les
connaissances sont construites par le sujet à travers les expériences qu'il vit
dans son environnement. Dans ce cas, l’unique référence aux programmes
scolaires semble insuffisante. En ce sens, le constructivisme remet en cause la
traditionnelle approche par objectifs pédagogiques qui définit, ndépendam-
ment de celui qui apprend, les contenus d'apprentissage à maîtriser.
Aujourd’hui, les chercheurs en didactique se situent à un carrefour de la ré-
flexion sur l’enseignement et l'apprentissage scolaire qui ressemble fort à une
révolution scientifique au sens de Kuhn (1983). Beaucoup d’entre eux adop-
tent un paradigme constructiviste en porte-à-faux avec les approches en vi-
gueur dans les écoles. Même si le discours des théoriciens de l'apprentissage
scolaire est de plus en plus constructiviste, les pratiques pédagogiques quoti-
diennes des enseignants restent encore très empreintes du modèle empiriste
de la pédagogie par objectif (Larochelle et Bednarz, 1994). Dans la perspecti-
ve constructiviste, la référence n’est plus le contenu des programmes scolai-
res, réalité extérieure à celui qui apprend, mais bien les connaissances de
l'élève lui-même.
Retenons des lignes qui précèdent qu'un paradigme empiriste a domi-
né l'univers des écoles pendant des années. Il se heurte aujourd’hui de plus en
plus à un autre paradigme, le constructivisme. Ce dernier adopte une position
opposée à celle prise jusqu’à ce jour par les enseignants.
Mise en perspective socioconstructiviste 29
CS ST

Mais quelles sont les principales composantes d’un paradigme épisté-


mologique constructiviste :
CRE quoi le constructivisme provoque-t-il une révolu
tion paradigmatique dans les
Ur

2.4 Les assises de notre réflexion socioconstructiviste


et interactive

Les propos que nous tenons en ces lignes sont socioconstructivistes


et interactifs.

Lorsque nous évoquons la perspective «socioconstructive et inter-


active» nous adoptons une position à trois volets : (1) un volet lié à la dimen-
sion constructiviste, (2) un volet lié aux interactions sociales et (3) un volet
lié aux interactions avec le milieu. Ces trois volets constituent les assises de
nos propos socioconstructivistes et interactifs. Ils définissent en quelque sorte
notre paradigme épistémologique. En effet, ces trois dimensions, articulées
entre elles, orientent l’ensemble de la réflexion développée dans cet ouvrage.
Clarifions ce triptyque!

e LA DIMENSION CONSTRUCTIVISTE

Déjà largement précisée à travers l'exemple et les propos des lignes


qui précèdent, la dimension constructiviste postule que la connaissance n’est
pas le résultat d’une réception passive, mais constitue le fruit de l’activité du
sujet. Cependant cette activité ne porte pas sur n'importe quel objet, elle ma-
nipule essentiellement les idées, les connaissances, les conceptions que le su-
jet possède déjà. Le sujet apprend en organisant son monde en même temps
qu'il s'organise lui-même par les processus d'adaptation, d’assimilation et d’ac-
commodation définis par Piaget 5.
La perspective constructiviste s’appuie sur le double postulat suivant :
— le sujet construit ses connaissances à travers sa propre activité;

6 Pour Piaget, l'intelligence est une des formes d'adaptation qu'a prise la vie dans son
évolution :
«(...) la vie est une création continue de formes de plus en plus complexes et une mise en équilibre
progressive entre ces formes et le milieu. Dire que l'intelligence est un cas particulier de l'adapta-
tion biologique, c'est donc supposer qu'elle est essentiellement une organisation et que sa fonction
est de structurer l'univers comme l'organisme structure le milieu immédiat».
Piaget (1963 : 10)
LA

Pour permettre à cette adaptation de se réaliser, l'individu humain dispose d'outils efficaces que
sont l'assimilation et l'accommodation. Il y a assimilation lorsque l'individu humain, en inte-
raction avec son milieu, intègre des données du milieu sans les détruire mais les coordonne aux
informations dont il dispose déjà dans son répertoire cognitif à propos de ce milieu. Il y a accom-
modation lorsqu'il y a transformation des données du milieu avant de les coordonner à celles
déjà existantes.
À propos des processus d’assimilation et d'accommodation, voir Dolle (1974).
30 Créer des conditions d'apprentissage

l'objet manipulé au cours de cette activité n'est autre que sa propre


connaissance.
Ce double postulat suppose donc de la part du sujet qui construit ses
connaissances, une activité réflexive sur ses propres connaissances. Cette
activité réflexive a pour fonction l'adaptation des connaissances du sujet aux
exigences de la situation à laquelle il est confronté.
Ce double postulat peut alors se résumer dans la formule suivante :

L'élève construit ses connaissances à partir de ce qu'il sait déjà dans une dia-
_ lectique qui s'établit entre les anciennes et les nouvelles connaissances.

e LA DIMENSION &«SOCIO » LIÉE AUX INTERACTIONS SOCIALES

Dans un contexte scolaire, les interactions sociales constituent une


composante essentielle de l'apprentissage. Il s’agit sans doute là d’un des pa-
radoxes du processus d'apprentissage scolaire, puisque l'apprentissage est un
processus individuel (de construction ou d'adaptation de connaissances) qui
se vit en classe, donc à travers les interactions avec les autres. Ces interactions
sociales ont également une double dimension :
— il s’agit d'une part de la dynamique des échanges avec les autres ap-
prenants, les interactions entre pairs;
— il s’agit d'autre part des interactions entre l’apprenant et l’en-
seignant ;

Pour que ces interactions puissent avoir lieu, une zone de dialogue
doit exister. Dans cette dernière, élèves et enseignant se rencontrent effecti-
vement. La première fonction du contrat didactique (défini dans un chapitre
ultérieur de l'ouvrage) est de créer ces zones et ces espaces de dialogue :

«(...) ces zones d'échange deviennent les endroits privilégiés des interactions entre
enseignant, élèves et savoir».

Jonnaert (1994 : 217)

L'élève construit personnellement ses connaissances dans les interac-


tions avec les autres.

e LA DIMENSION &INTERACTIVE », LIÉE AUX INTERACTIONS


AVEC LE MILIEU

Les apprentissages sont certes des processus individuels qui se déve-


loppent grâce aux interactions avec les autres mais aussi grâce aux échanges
que le sujet établit avec le milieu. Cela signifie que les apprentissages scolaires
ne peuvent se vivre qu’en situation :

«(...) C'est en «situation» que le sujet donne sens à ce qu'il fait, dit ou pense, en fonc-
tion de la nature et du niveau des moyens d'enregistrements et de traitements cons-
titués. Ce qui veut dire que, théoriquement, il assimile en faisant entrer le nouveau
dans l'ancien, alors que concrètement, chaque «situation» présentant un caractère
Mise en perspective socioconstructiviste 31

particulier, unique et original, il lui faut moduler les significations antérieures dans une
activité donatrice de sens «ici et maintenant».

Dolle et Bellano (1989 : 24)

Les «situations» auxquelles le sujet est confronté sont «sources»


d'apprentissage, car elles confrontent les connaissances du sujet aux exigen-
ces de la situation. Elles en sont aussi «critère» car c’est parce que le sujet
peut être efficace dans cette situation que ses connaissances sont pertinentes.

Mais au-delà des propos classiques de Dolle et Bellano (1989), les tra-
vaux actuels sur la cognition humaine ne permettent plus de considérer cette
dernière comme une entité isolée de l’environnement physique dans lequel le
sujet humain fonctionne. Tout individu humain évolue dans un environne-
ment physique qui détermine très largement ses diverses formes de dévelop-
pement (Gardner, 1996, parle des intelligences multiples). Misès, Perron et
Salbreux (1994 : 23) évoquent un nombre élevé d’études montrant l’importan-
ce des facteurs environnementaux sur le développement intellectuel. Déjà en
1968, les premières publications de Spitz montrent qu’une carence précoce et
grave des apports du milieu constitue un handicap sévère pour le dévelop-
pement intellectuel de l'enfant. Le concept d'intelligence distribuée («distri-
buted intelligence» : Salomon, Perkins et Globerson, 1990; Pea, 1993; Per-
kins, 1995) engage les spécialistes de la cognition humaine à envisager cette
dernière en la répartissant de plusieurs manières au-delà des limites de l’orga-
nisme humain : dans l'interaction avec d’autres personnes certes, mais aussi
en utilisant l’environnement physique.

L'environnement physique et les interactions que l'individu établit


avec celui-ci occupent donc une place importante dans le développement des
processus d'apprentissage scolaire. Cette dimension «interactive» est une des
trois composantes de base du paradigme qui dirige notre réflexion. Dans l’or-
ganisation des apprentissages scolaires elle se traduit essentiellement par la
création de situations spécifiques.
Enfin, les situations proposées par l'enseignant ont essentiellement
pour fonction de permettre à l'élève d'y découvrir, avec ses propres grilles de
lecture certes, les savoirs codifiés que l'institution scolaire envisage qu'il ap-
prenne. Ces savoirs codifiés sont décrits dans les programmes et les manuels
scolaires, ils correspondent aux matières scolaires. Ces savoirs codifiés sont
donc mis en interaction avec les dimensions constructivistes et socio à travers
des situations proposées à l’apprenant.

fi ages scolaires !nepeuvent se vivre qu‘en «situation: »,, ces derniè


à lafois source et critère des connaissances.

e TROIS DIMENSIONS SOLIDAIRES

Dans une perspective socioconstructiviste et interactive, ces trois


dimensions, avec leurs caractéristiques respectives, sont fonctionnellement
solidaires. Elles définissent les dimensions du paradigme socioconstructiviste
72 Créer des conditions d'apprentissage

qui guide toute la réflexion dans cet ouvrage. Dans ce cadre, apprendre prend
une orientation particulière bien résumée dans la formule de Fourez (1992 :
28) :

‘Apprendre c'est abandonner une représentation


pour
ur en adopterrune plus pr
KMBHQUSGNS; NÉE DS ANTON MT SM NS

… Constructivisme
Activité réflexive sur
Ases propres connaissances.

(en interaction avec le milieu \


Les situations sont la source et le
critère des connaissances.

_ …eninteraction avec les autres


Les ELLE avec les pairs et avec
l'enseignant agissent sur le processus
de construction des connaissances.

ÿ
ve) Æ,

4 eesus
de régulation
? Par [> Ze ré _ + res
$S Situations et par \eS 2°

FIGURE 2

Le triptyque du paradigme socioconstructiviste et interactif

2.5 Quelle est la pertinence de ce paradigme ?

Le constructictivisme prend des connotations très différentes, allant


du constructivisme radical de von Glasersfeld (1985) au constructivisme so-
cial de Gergen (1985) en passant par le constructivisme écologique de Steier
(1995). Ces approches ne définissent jamais qu’une dimension, la dimension
constructiviste, elle est parfois articulée à la dimension socio ou à d’autres
aspects tels ceux développés par Steier et qui sont plutôt à rapprocher du
Mise en perspective socioconstructiviste 23
sARmnnunensaueRes

champ de l'écologie que de celui des apprentissages scolaires. Dans ces pers-
pectives, le grand absent est souvent le contenu même de l'apprentissage
scolaire, le savoir tel qu'il est véhiculé dans les programmes et les manuels
scolaires : le savoir socialement codifié.

La richesse du modèle que nous proposons permet d'intégrer les sa-


voirs codifiés et des les articuler aux dimensions constructivistes et socio à
travers la dimension interactive. En ce sens, le modèle que nous proposons est
adapté aux réalités de l’école et à ses contraintes liées aux programmes sco-
laires et aux matières à apprendre. En effet, les savoirs codifiés font la spéci-
ficité des apprentissages scolaires. Ce sont ces derniers que l'élève apprend à
l’école. Ils sont nécessairement pris en considération dans notre approche qui
les intègre dans la dimension interactive pour les placer dans des situations
telles que les deux autres dimensions, socio et constructivistes, puissent les
rencontrer et donc exister. C’est par cette triple dimension que le modèle pro-
posé est pertinent lorsqu'il s’agit d'apprentissage scolaire. À défaut, les propo-
sitions constructivistes laissent les connaissances des apprenants fonctionner
sur elles-mêmes en une boucle fermée. Notre modèle, au contraire, place les
connaissances de l’apprenant en interaction avec les savoirs codifiés, sans né-
gliger les interactions sociales qui se vivent dans une salle de classe. Ce sont
ces trois dimensions, solidaires et en interaction, qui permettent de définir un
paradigme intéressant pour l'apprentissage. Le modèle socioconstructiviste et
interactif propose une approche de l’apprentissage scolaire tout en restant
fondamentalement constructiviste. Nous détaillons cette approche dans le
chapitre consacré à l'apprentissage et à ses conditions.

2.6 Que retenir ?

Quel paradigme épistémologique dirige nos propos ?


Notre réflexion est dirigée par un paradigme socioconstructiviste et interactif.
(1) Un paradigme épistémologique est un cadre général de référence qui articule entre eux les
concepts et les catégories qui guident la pensée et l’action du chercheur lorsqu'il s'intéresse
aux questions relatives à la construction, à l'acquisition ou au développement des connais-
sances.
(2) Le paradigme épistémologique qui guide notre réflexion à travers cet ouvrage est socio-
constructiviste et interactif.
(3) Ce paradigme socioconstructiviste et interactif est essentiellement constitué de trois dimen-
sions solidaires :
— une dimension constructiviste : le sujet développe une activité réflexive sur ses propres
connaissances;
— une dimension liée aux interactions sociales : le sujet apprend avec ses pairs et avec
l'enseignant;
— une dimension liée aux interactions avec le milieu : le sujet apprend un contenu dans des
situations qui sont à la fois source et critère des connaissances.
(4) Dans ce contexte socioconstructiviste et interactif, l'apprentissage est un processus dyna-
mique et adaptatif de construction, d'adaptation, de questionnement ou de remise en cause
et de développement des connaissances.
Créer des conditions d'apprentissage

271 Quelques références pour aller plus loin.


Désautels, J., Larochelle, M. (1989). Qu'est-ce que Le savoir
scientifique ? Points de vue d'adolescents et d’adolescentes. Sainte
Foy : Les Presses de l'Université Laval.
Larochelle, M. et Bednarz, N. (1994). Constructivisme et éducation.
Revue des Sciences de l'Éducation, numéro thématique, 20(1).
Fourez, G., Englebert-Lecomte, V., Mathy, Ph., (1997). Nos savoirs
sur nos savoirs. Un lexique d’épistémologie pour l’enseignement.
Bruxelles : De Boeck.
Von Glasersfeld, E. (1995). Radical Constructivism. London : The
Falmer Press.
Wazlawick, P., (1988). L'Invention de la réalité. Contributions au
constructivisme. Paris : Seuil.

2.8 Concepts-clés du paragraphe


paradigme épistémologique - empirisme - idéalisme - rationalisme -
constructivisme - socio-constructivisme interactif

sk DOCUMENTS
… ce qu'ils en disent!
VON GLASERSFELD
«(...) Le constructivisme radical est alors «radical» parce qu'il rompt avec la conven-
tion, et développe une théorie de la connaissance dans laquelle la connaissance ne
reflète pas une réalité ontologique «objective », mais concerne exclusivement la mise
en ordre et l’organisation d’un monde constitué par notre expérience. Le constructi-
visme radical a abandonné une fois pour toutes le «réalisme métaphysique», et se
trouve en parfait accord avec Piaget quand il dit : «L'intelligence (...) organise le mon-
de en s'organisant elle-même».
Von Glasersfeld (1988 : 27)

DÉSAUTELS ET LAROCHELLE

«(...) Au sujet des interactions entre le sujet et l'objet, nous avons vu que l'interpré-
tation des résultats de la physique moderne indique que l'objet de connaissance n'est
pas divulgué mais construit. Dans le même ordre d'idée, cette fois en psychologie co-
gnitive, les études piagétiennes relatives à la genèse des instruments intellectuels
permettent de comprendre comment, à toutes les étapes de son développement, le
sujet construit à la fois ces instruments et les objets de connaissance. || suffit ici de
rappeler les désormais célèbres expériences portant sur le concept de conservation
(matière, volume) qui illustrent bien que ce dernier ne peut être acquis qu’en procé-
dant à des opérations intellectuelles (inverse, réciproque, etc.) qui permettent au sujet
d'agir virtuellement sur une représentation et, ainsi, la transformer. L'objet de con-
naissance, qui est dans ce cas le concept de conservation, est donc construit par le
sujet et ne peut être réduit à un simple constat perceptif. De même, une recherche
récente de Piaget et de ses collaborateurs, portant sur la compréhension graduelle
Mise en perspective socioconstructiviste 35
ESRI RES RE TRE

des enfants à l'égard de l'indéformabilité d'un solide au cours de ses déplacements È


souligne une fois de plus que le concept ne dérive pas de la perception visuelle: il est
plutôt construit en s'appuyant sur des arguments métriques et sur le postulat de
l'invariance des relations particulières au cours de déplacement (dans ce cas-ci un
triangle).
En ce qui a trait à la validité du savoir ainsi produit, la problématique du constructivis-
me se démarque radicalement des problématiques traditionnelles. Rappelons que
celles-ci prétendent que le savoir est la représentation d’un monde extérieur, de sa
Structure et de son fonctionnement, qui est plus ou moins perfectible selon son degré
de correspondance avec la réalité. Or, comme le souligne von Glasersfeld, cette idée
de correspondance est illusoire et logiquement peu commode. Car, pour apprécier la
justesse de cette correspondance et s'assurer que ce qui est connu est vrai, on doit
comparer ce que l’on connaît à la réalité inconnue que cette connaissance est censée
représenter; nous devons reconnaître que cette situation est paradoxale. De plus, on
doit pouvoir accéder à la réalité postulée par une autre voie que celle de la représen-
tation, avoir un accès direct en quelque sorte. Or, ceci est logiquement impossible et,
par définition, ce nouveau savoir sur cette correspondance ne serait qu’une autre re-
présentation qui repose sur l’activité de compartaison et donc de construction (simi-
larités, liens, etc.) ».
Désautels et Larochelle (1989 : 70 et 71)
FOUREZ, ENGLEBERT-LECOMTE et MATHY
«La notion de vérité pour le constructivisme classique.
Pour le constructivisme, les modèles sont contingents, c'est-à-dire qu'ils procèdent
d'une logique non nécessaire. Il n’y a donc pas une seule vérité scientifique néces-
saire. Ainsi, pour Von Glasersfeld (1989, p. 369), tout comme pour Piaget d’ailleurs,
la connaissance «est une fonction adaptative dans le sens biologique. Cela signifie
que les produits de l’activité cognitive ne sont jamais des représentations (dans le
sens iconique) d’une «réalité » extérieure, mais toujours des structures conceptuelles
avec lesquelles l'organisme opère pour atteindre ses buts». || adopte ainsi une posi-
tion «qui renvoie à la contingence du modèle et qui conduit à évaluer celui-ci selon
les buts pour lesquels il a été construit». C’est pourquoi certains estiment que le cons-
tructivisme classique adopte une position relativiste, même s’il est clair que, dans cet-
te perspective, les connaissances ne sont pas équivalentes dès qu'on s'est fixé un
but. Cependant, pour le constructivisme classique, ce sont les individus qui construi-
sent leurs connaissances et les critères de viabilité de celles-ci. Pour Von Glasersfled
(1989, p. 371), la science n’a pas pour but de chercher des vérités absolues par
ailleurs introuvables».
Fourez, Englebert-Lecomte et Mathy (1997 : 13)

MorF
«Le constructivisme épistémologique remanie pour la didactique le rapport objet-con-
naissance en éliminant de la théorie le recours à l’objet extérieur. Puisque les con-
naissances ne sont pas réductibles à une lecture du réel même élargi et abstrait, leur
établissement chez l'élève ne peut se réduire à une transmission de vérités
constatées; le contenu étant le produit d'une construction, sa communication corres-
pond à une,reconstruction chez l'interlocuteur ou l'élève.
L'effet majeur du constructivisme sur la pédagogie est un effet d'ouverture : il justifie
l'entrée en scène de pédagogies et de didactiques qui fondent l'acquisition du savoir
sur l'élaboration des connaissances par l'élève lui-même ».
Morf (1994 : 31)
Créer des conditions d'apprentissage

4. IL Y A MATIÈRE À DÉBAT!
Le socioconstructivisme ne fait pas l'unanimité!

Le paradigme socioconstructiviste et interactif ne fait certes pas l’una-


nimité, ni du côté des chercheurs en didactique, ni du côté des enseignants.
D'une part, même si le discours socioconstructiviste est à la mode, il n'a pas
nécessairement beaucoup d’effets sur les pratiques quotidiennes des ensei-
gnants en fonction. D'autre part, plusieurs approches du constructivisme sont
présentes dans la littérature destinée aux enseignants. Ces approches ne sont
pas nécessairement compatibles. Cela signifie donc que l'argumentation cons-
tructiviste ne s'adapte que progressivementà l’enseignement et à l'apprentis-
sage. Elle est cependant aujourd’hui incontournable.

Depuis l'exposé de Lashley” en septembre 1948 au symposium de la


fondation Hixon sur le campus du California Institute of Technology, nous
savons que la réponse du behaviorisme aux questions sur l'esprit humain n’en
est pas une. Cependant, à la même époque, le monde de l'éducation est pris
d'engouement pour les approches pédagogiques par objectifs, pour les taxo-
nomies, pour la programmation pédagogique, pour les évaluations critériées,
etc. Les futurs enseignants sont formés à préparer des objectifs opérationnels
décrivant des comportements observables. Ils évaluent les performances de
leurs élèves en fonction de critères précis qui permettent de vérifier, chez ces
derniers, l'apparition de comportements qui doivent être conformes à ceux
décrits par les objectifs opérationnels. Plusieurs milliers de taxonomies jalon-
nent la littérature pédagogique de ces quarante dernières années. Ce vaste
courant, héritier direct du behaviorisme, est encore très présent aujourd'hui.
Il retrouve même un nouveau souffle sous d’autres étiquettes, il en est ainsi de
l'approche par compétences prônée par les programmes scolaires au Québec.
Cet héritage est lourd, il a teinté toute une génération d'enseignants. Ces der-
niers n’acceptent pas d'emblée de partager un nouveau paradigme souvent en
contradiction avec leurs propres convictions et avec leur pratique quotidien-
ne. Souvent aussi, ce n’est qu'après de longues heures de formation, durant
lesquelles ils ont analysé une série de démarches d'élèves réalisant des ap-
prentissages, que certains d’entre eux, certes ébranlés dans un premier
temps, acceptent une approche constructiviste des apprentissages scolaires.

Mais, faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain et évacuer de l’école toute
approche qui ne correspondrait pas au paradigme constructiviste ? Si le cons-
tructivisme permet de comprendre les processus de construction des connais-
sances par celui qui apprend, il n’explique cependant pas tout ce qui se fait en
classe. L'élève n’y réalise pas que des démarches d'apprentissage. Mille autres
activités le sollicitent tout au long de sa journée de classe. Des références
multiples sont nécessaires pour s'y adapter. Peu de modèles peuvent

7 Nous évoquons plus loin dans l'ouvrage les propos de Lashley.


Mise en perspective socioconstructiviste 37

aujourd’hui prétendre approcher de façon complète et exclusive la vie d’une é


classe.
Il y a là matière à débat! Dans quelle mesure un paradigme épistémo-
logique peut-il être exclusif lorsque nous analysons la complexité de la réalité
scolaire ? Une approche constructiviste peut-elle exclure de sa sphère toute
autre approche, tout comme le behaviorisme pouvait-il garder à distance des
classes toute conception de l’apprentissage scolaire qui n'entre pas dans le
traditionnel schéma stimulus-réponse ?

Face à cette complexité, quelles complémentarités sont possibles ë


ROCCO
LL D

1) LDC EEE SL,


PURE Pad
an halles 187 11 ii /euiqun PPRECIPE CET LEE
Atitreddui: Po: à ce Mint enenil tietlsroe wifi Si Log SO
“a me ox 20: cdot € Ga Dong healeeut rt
mm Àtane Lge
Tr
Leg té: (PPT nb patte Age pi bé ) cit ir À, 04 ef pe ARTELÉ
D'OR LEE tte un Abu V0 aq
A niél \Y ER

»e o udemeaiutte sent ane

EL PR
) cum LE

— coga

ais * Qi

- Û Er

| |

AL :

ee

# u &
eu

de ER

Û on ci
arr: en
v ad:

CRE:© |
| 1 cat) cg Ai 6
on be 6: CR
… À propos du concept
de didactique!

POUR OUVRIR LE DÉBAT


««Didactique» signifie : art d'enseigner. C'est ce que depuis peu, certains hommes
éminents, pris de pitié pour les écoliers condamnés comme Sisyphe à rouler sans
succès le rocher du savoir, ont entrepris d'explorer différemment avec plus ou moins
de succès.

Certains ont borné leur recherche à l'apprentissage de telle ou telle langue. D'autres
se sont consacrés à des domaines particuliers du savoir, essayant des procédés ra-
pides d'enseignement. D'autres encore dans d’autres directions. Presque tous ont
suivi la voie facile qui consiste à collecter des observations empiriques, suivant une
méthode qu'ils appellent «a posteriori».

Pour moi, je prends le risque de promettre une Grande Didactique, ! c'est-à-dire un


art universel de tout enseigner à tous, sûr, rapide, solide, c'est-à-dire certain quant au
résultat, assez plaisant pour éviter l'ennui des élèves et des maîtres, durable quant à
l'acquisition des vraies lettres, des bonnes mœurs et de la piété sincère. Tout le con-
traire d'un savoir superficiel ».
Coménius (1992 : 29)

1 Souligné par l’auteur.


40 Créer des conditions d'apprentissage
EE EU EST 1975

RÉSUMÉ

Après avoir contextualisé la réflexion dans le champ des sciences de l’éduca-


tion et dans l’environnement d’une classe, ce second chapitre tente de cerner
le concept de didactique. Au départ de données relevées dans la littérature et
d'une approche exploratoire réalisée auprès d'universitaires et de praticiens,
les principaux éléments intervenant dans le concept de didactique sont mis en
évidence dans une grille d'analyse. Plusieurs définitions sont ensuite propo-
sées au lecteur : il lui est suggéré de porter un regard critique sur ces derniè-
res à l’aide de deux outils qui lui sont fournis.
La relation didactique et ses composantes sont ensuite identifiées comme le
lieu où se trouvent les objets principaux de toute didactique. Cette relation di-
dactique est alors décrite ainsi que sa spécificité par rapport à la relation pé-
dagogique. Le concept de rapport au savoir est considéré comme l'élément
identitaire des didactiques des disciplines, il est analysé sous ses diverses fa-
cettes et permet l'introduction du concept de transposition didactique. L’en-
semble des éléments qui donnent aux didactiques leur spécificité ayant été
décryptés, le texte se termine alors par notre définition du concept de didac-
tique des disciplines.

SOMMAIRE

Objectifs de ce chapitre
2.1 Le cadre général d'une réflexion didactique
2.2 Le cadre spécifique d'une réflexion didactique
2.3 Vous avez dit didactique ?
2.4 Didactique et pédagogie
2.5 Des définitions à analyser
2.6 Notre approche du concept de didactique
2.7 La relation didactique
2.8 Des rapports au savoir
2.9 Vers un paradigme pour les didactiques
… À propos du concept de didactique ! 41
CR

CE

Ce chapitre développe une réflexion que nous avons proposée dans diffé-
rents textes antérieurs :
— Jonnaert, Ph., (rédacteur invité), (1997). Questions de didactique. Ca-
hiers de la Recherche en Education, numéro thématique, volume (à
paraître).
— Jonnaert, Ph., (éd.), (1991). Les didactiques, similitudes et spécifici-
tés. Bruxelles : Plantyn.
— Jonnaert, Ph. (1991). Didactique. Évolution d’un concept, naissance
d'une discipline, Pédagogies, (1), 97-111.
— de Bueger-Vander Borght, C. (1996). La reformulation, ses procédures
et ses niveaux. Outils d'analyse de discours didactiques pour la forma-
tion des enseignants en sciences expérimentales, in CI. Raisky et M.
Caillot (éds.), Au-delà des didactiques, le didactique. Débats autour
de concepts fédérateurs, (254-272), Bruxelles : De Boeck-Université.
— de Bueger-Vander Borght, C. (1997). Za formation didactique des en-
seignants du secondaire : approches disciplinaires ou inter-
disciplinaires ? Développer la compétence didactique interdisci-
plinaire en formation initiale d'enseignants en sciences. Communi-
cation au symposium Cirid-Laridd, Université des sciences humaines de
Strasbourg, 28,29 et 30 mai 1997.

OBJECTIFS DE CE CHAPITRE
Ce chapitre poursuit l’objectif général d'apporter un double éclairage
sur le concept de didactique.
D'une part, une analyse des définitions proposées par différents
auteurs francophones permet de dégager une approche théorique du con-
cept de didactique et d’en préciser les différentes composantes.
D'autre part, une approche exploratoire de données recueillies auprès
d’universitaires intervenant dans la formation des enseignants et de prati-
ciens, titulaires de classes, permet de relativiser toute approche théorique
et de montrer sous quels angles, universitaires et praticiens abordent le con-
cept de didactique.
Au-delà de ce double éclairage, les lignes qui suivent établissent une
distinction entre didactique et pédagogie. Sans les opposer ni les hiérarchiser,
la complémentarité entre les deux approches est démontrée.
Deux grilles sont proposées pour aider le lecteur à analyser les défini-
tions proposées dans la littérature.
Enfin, même si une proposition de définition du concept de didactique
est suggérée en guise de synthèse, ce texte se veut ouvert au dialogue et à la cri-
tique, il est donc fondamentalement non prescriptif et encore moins normatif.
Créer des conditions d'apprentissage

1. LE CADRE GÉNÉRAL
ERA

D'UNE RÉFLEXION DIDACTIQUE


… où l'on contextualise la réflexion didactique
dans le champ des sciences de l'éducation!

1.1 Premières questions.


Lorsqu'un auteur parle de didactique, dans quel champ disciplinaire
ou scientifique se situe-t-il ? À première vue, ses propos intéressent l'univers
de l’enseignement. Mais, l’enseignement n'est-il pas au cœur de polémiques
diverses et multiples ? Deux d’entre elles animent la réflexion proposée dans
Cerexie
La première débute avec les propos de Comenius ?, cet auteur termine
le texte de La Grande Didactique en 1633. L'ouvrage est publié en 1638.
Deux siècles et demi plus tard, le débat n’est pas clos :

ES L'enseignement est-il «science» ou «art» ?

Des prises de position? les plus diverses abondent dans la littérature


à propos de cette question. Les deux positions qui suivent sont très opposées.
(1) Pour Higuet (1954) l’activité d'enseignement est comparable à la peinture
d'une toile, à la composition d’une œuvre musicale, voire au jardinage. Pour
cet auteur, la perspective d’une science de l’enseignement est inadéquate tant
que les enseignants et les élèves sont des êtres humains. L'activité d’enseigne-
ment ne peut être réduite à une réaction chimique qui, elle, permet l’appli-
cation de méthodes scientifiques. (2) Pour Gage(1978) cependant, il est
approprié d'appliquer des méthodes scientifiques à l’enseignement. Dans le
même ordre d'idées, Tardif et Ouellet (1995 : 60) présentent l’enseignement
comme une science appliquée qui s'appuie sur des fondements scientifiques :

2 Les écrits de Coménius datent du XVIF siècle. D’actualité, ils intéressent toujours les péda-
gogues et les didacticiens. Plusieurs ouvrages sortent de presse depuis le début des années
soixante-dix, en voici quelques-uns.
- Coménius, J. À. (1992). La grande didactique. [Traduction : M.-F Bosquet-Frigout, D.
Saguet et B. Jolibert], Paris : Klincksiek.
Denis, M. (1994). Coménius. Paris : PUF.
Denis, M. (1992). Coménius, une pédagogie à l'échelle de l'Europe. Berne : Peter Lang.
3 Louvrage de Crahay et Lafontaine [(1986) : voir bibliographie] rassemble une série de textes
qui traitent de façon pertinente de la question posée. La nouvelle revue L'année de la recher-
che en éducation propose dans des numéros de 1994 et de 1995 des articles traitant de façon
très critique de la question du statut des sciences de l'éducation notamment :
-_ Sensévy, G. (1994). La scientificité des sciences de l'éducation. L'année de la recherche
en sciences de l'éducation, 1994, 53-69.
- Ollivier, B. (1994). La posture du chercheur. L'année de la recherche en sciences de
l'éducation, 1994, 89-99.
-_ Ardoino, J. et Berger, G. (1994). Les sciences de l'éducation : analyseurs paradoxaux des
autres sciences. L'année de la recherche en sciences de l'éducation, 1994, 29-51.
… À propos du concept de didactique ! 43

«Cette science appliquée permet de comprendre les mécanismes de la construction e


du savoir et les conditions à mettre en place pour garantir que des individus, peu im- és
porte leur âge, puissent construire le savoir d’une façon efficace et significative ».

De Corte, Geerligs, Lagerwij, Peeters et Vandenberghe (1979 : 19)


évoquent pour leur part l’idée d’une science de l’enseignement avec une struc-
ture interdisciplinaire. Mais, actuellement, aucune réponse tranchée ne per-
met de clore cette question toujours d'actualité. L'enseignement est un des
domaines du vaste champ des sciences de l'éducation. Ces dernières rencon-
trent, à ce jour encore, un problème d'identité. La polémique rapidement
brossée dans les lignes qui précèdent n’est qu’une des multiples facettes de ce
malaise. Peut-être qu’une définition des sciences de l'éducation aussi large
que celle proposée par Mialaret (1976 : 32) permet un certain consensus :

«Les sciences de l'éducation sont constituées par l'ensemble des disciplines qui étu-
dient les conditions d'existence et d'évolution des situations et des faits d'éducation ».

Mais cette définition n’est pas sans poser problème, essentiellement


celui de l'identification de ces disciplines. Et c’est ici qu’apparaît la seconde
question qui retient toute notre attention en ces lignes. Pour De Landsheere
(1992), les disciplines qui trouvent dans l'éducation un objet d'étude parmi
d’autres ne sont pas nécessairement considérées comme un constituant direct
de la science de l'éducation. Et voilà, en outre, le singulier apparaître pour ne
plus parler que de «science de l'éducation»!

_ «Sciences» ou «science» de l'éducation ?

Laissons à V. De Landsheere le soin de préciser sa position (1992 : 2


et 3) :

«L'emploi du singulier adopté dans l'expression «science de l'éducation» procède


d’une volonté de clarification épistémologique et de clarification tout court. Elle n’im-
plique en rien une résurgence de l'ambition scientiste du début du XX° siècle : décou-
vrir, pour l'éducation et pour la formation aussi, un corps de connaissances univoques
et une «didactique», la meilleure, universellement valide.
Même si l’on pose que science signifie simplement connaissance approfondie ou ef-
fort tendant à ramener une branche de connaissances ou d’activité humaine à un petit
nombre de principes généraux, il reste en particulier difficilement acceptable de clas-
ser la philosophie de l'éducation parmi les sciences.
(...) Plus généralement, il ne paraît pas justifié d’ériger en science de l'éducation tou-
te discipline qui prend celle-ci pour objet de son étude. Qui songerait à faire de l'his-
toire de la médecine une science médicale ?»

Les «sciences» ou la «science» de l'éducation {dont font partie les di-


dactiques (Bronckart, 1989)] sont donc éternellement à la recherche d’une
identité. Mais, au-delà de ce problème d'identité, elles n’ont pas toujours la re-
connaissance scientifique qu’elles recherchent. Ardoino (1994) ne les quali-
fie-t-il pas de «quelque peu bâtardes» ? Plus grave encore, les petits mondes
de la pédagogie, de la didactique, de la formation des enseignants et de l’école
ont souvent un statut «domestique». Socialement, ils sont perçus comme
utilitaires. Dans l'Antiquité, le pédagogue n'’était-il pas l’esclave chargé de
44 Créer des conditions d'apprentissage

l'éducation des enfants ? Cette impureté (Ardoino, 1994 : 46) donne aux fonc-
tions de l’enseignement un côté asservi, voire subalterne.
La question mise en évidence par V. De Landsheeere (1992) nous rap-
pelle que de nombreuses disciplines très différentes quant à leurs méthodes,
leurs objets de recherche et leurs finalités s'intéressent aussi aux domaines de
l'éducation : sociologues, ethnologues, psychologues, médecins, anthropolo-
gues, thérapeutes, politicologues, administrateurs et économistes de l’éduca-
tion, philosophes, historiens, démographes, etc., tous posent un regard plus
ou moins scientifique sur les domaines de l'éducation et plus particulièrement
sur l’enseignement.
La multiplicité des optiques qui en rendent compte donne à l’ensei-
gnement une image de bricolage, de tâtonnement, d’hésitation.… C’est proba-
blement ce que V. De Landsheere (1992) cherche à éviter lorsqu'elle parle de
«science» de l'éducation au singulier en excluant du champ de «la» science
de l'éducation une série de disciplines scientifiques. Van der Maren (1995)
abonde en ce sens lorsqu'il distingue la recherche «pour l'éducation» de la re-
cherche «sur l'éducation» et qu’il ne considère pas les disciplines contributi-
ves comme appartenant aux champs des sciences de l'éducation.
Mais à nouveau, aucune réponse claire n'apparaît et les positions
adoptées par V. De Landsheere et Van der Maren ne font pas nécessairement
l'unanimité. Elles ne permettent pas de trancher la question.
Dans un tel contexte relativement flou, l’activité d'enseignement est
perçue comme approximative. Ses démarches, ses méthodes, ses outils se
trouvent au cœur de débats difficiles. Elle est qualifiée de bricolage, d'activité
subalterne, de bâtarde, .. Sa multiréférentialité écarte d'elle toute possibilité
d'identité voire de définition claire de son champ.

… Est-il possible qu'il en soitautrement


? CE

1.2 Bricolage et tâtonnement!


Paraphrasant Halté (1982), Yerles (1991) rappelle utilement que le
travail expérimental neutralise toutes sortes de paramètres qui pourraient in-
terférer avec ce que l’on veut observer dans les situations d'enseignement et
d'apprentissage :
«rien de tel ici où le caractère indéfiniment ouvert de la situation, dans l'espace, dans
le temps, dans les éléments concernés où imbriqués condamne au « bricolage ». ||
n'est pas possible, dans une telle situation, de lister les apprentissages, ni d'en véri-
fier exactement l’effectivité, d'en imputer la réalisation à des facteurs limités en
nombre ».

Verles (1991 : 111)


AA propos du concept de didactique ! 45

… Ce caractère de bricolage est-il péjoratif ?


Ne fait-il pas partie de tout travail de terrain ? C. Lévis-Strauss (1962),
M. Serres (1991), G. Lapassade (1991) et, dans leur lignée, J. Ardoino (1994)
et M. Develay (1994) n'ont-ils pas montré qu’il ne pouvait en être autrement
lorsqu'il s’agit d’une discipline orientée vers l’action ? C. Lévis-Strauss (1962)
parle du bricolage comme d’une «science première» et non comme d’une
«science primitive». Et puis, Develay (1994 : 80) ne considère-t-il pas le bri-
coleur apte à exécuter un grand nombre de tâches diversifiées ? Ce même
auteur précise qu'à la différence de l'ingénieur, le bricoleur ne subordonne pas
chacune d’entre elles à l'obtention de matières premières et d'outils conçus à
la mesure de son projet. Le bricoleur doit s'arranger avec les moyens du bord
qui existent en fonction de leur instrumentalité. N'est-ce pas la situation de
l'enseignant ?
Et puis, ce statut de bâtard, n'est-il pas, maladroitement formulé
certes, un indicateur de la nécessité d’une réflexion interdisciplinaire sur
l'éducation ?
Le second chapitre de cet ouvrage est à peine entamé. Déjà une série
de controverses et de polémiques apparaissent. Parler d'enseignement et
d'apprentissage n’est guère aisé. C’est surtout ouvrir les portes sur une série
de débats amorcés, rarement achevés, souvent polémiques.
De Coménius à aujourd’hui, la question reste entière : bricoleur ou ar-
tiste, scientifique ou non dans ses démarches, que réalise l'enseignant pour
que ses élèves apprennent, quel est l’objet de recherche du chercheur en
éducation ?
Une tendance se dégage cependant des lignes qui précèdent. Il ne
s'agit plus tellement de se situer sur l’axe opposant «art» et «science», que
d'envisager l'articulation entre théorie et pratique. Lorsque l’on parle d’éduca-
tion on s'inscrit dans un discours lié à la pratique de l'éducation elle-même :

«n'appartient en propre au domaine de l'éducation que ce qui est lié à sa pratique,


qu'il s'agisse des interactions éducateurs-éduqués ou des études ou dispositions qui
préparent ou rendent possibles leur apparition ou leurs processus, et les évaluent».
De Landsheere (1992 : 4)

Dans le même ordre d'idée, Altet (1996 : 31) définit l'enseignant com-
me un «professionnel en situation» :
«(...) L'enseignant-professionnel est avant tout un professionnel de l'articulation du
processus enseignement-apprentissage en situation, un professionnel de l'interac-
tion des significations partagées ».
L'enseignement se définit en lien étroit avec l’action sur le terrain. Une
vision qui réduirait l’enseignement à une science de la construction de sa-
voirs et de leurs conditions d'apparition est par trop réductrice et risque
de masquer toute cette dimension interactive évoquée par la définition de Al-
tet (1996). Les gestes professionnels de l'enseignant dépassent largement le
cadre strict de l’enseignement et de l'apprentissage d’une discipline scolaire,
46 Créer des conditions d'apprentissage

ils trouvent leur signification dans l’action et la pratique quotidienne. Définis-


sant ainsi l'enseignant, Altet permet une localisation de l'objet de recherche
du chercheur en éducation essentiellement dans les milieux d'éducation et en
lien étroit avec les actions et les pratiques éducatives.

Ensemble des
milieux d'éducation
et de formation Actions et pratiques
éducatives

FIGURE 3
TREMMPENEETE

L'action et la pratique éducatives constituent les champs des disciplines


de l'éducation

Les propos qui suivent ne s'inscrivent pas dans ces polémiques :


«sciences » ou «science», «art» ou «science», .… Lorsque des disciplines sont
qualifiées de «sciences de l'éducation», il s’agit essentiellement de sciences
qui s'inscrivent dans les champs de l'éducation. Leurs objets de recherche,
de réflexion, de questionnement et de théorisation sont alors envisagés com-
me des objets d'éducation. Ces derniers, pour être considérés comme tels sont
inscrits dans les pratiques d'éducation. Ces objets se situent donc dans l’ac-
tion même qui caractérise les situations d'éducation. Ces situations sont tou-
jours des situations particulières. Les sciences de l'éducation (Sensévy, 1996 :
67) doivent penser les «rapports» aux pratiques à propos desquelles elles ten-
tent de produire des connaissances. Les disciplines des sciences de l’éduca-
tion cherchent sans cesse à articuler leurs théories à la réalité concrète et
contingente de la pratique. Le caractère particulier et contingent des situa-
tions éducatives ne permet pas d'attribuer une dimension universelle et géné-
ralisable aux théories que développent les sciences de l'éducation.

Les principes théoriques qui se dégagent des sciences qui s'inscrivent


dans les champs de l'éducation ont essentiellement pour fonction d'aider le
praticien dans son action et ses prises de décision. Mais ces principes ne sont
ni normatifs, ni prescriptifs, ni rigides. Ils s'adaptent aux contraintes de la si-
tuation vécue concrètement hic et nunc par les praticiens. Ces principes
théoriques ne peuvent en aucun cas inhiber l’action. Au contraire, par un pro-
cessus constant de va-et-vient entre la théorie et l’action, la mouvance des si-
tuations modifie sans cesse les principes théoriques des sciences dans les
champs de l'éducation. Ces disciplines sont donc, par essence, mouvantes,
dynamiques et en éternelle mutation.
… À propos du concept de didactique !

Une situation éducative)

myCSA
Des
A
AT
\
on caractèrè \
_>-particulie \

\ Praïque > (SRE


faits /
\ (SRE ee
\ /
N 71
K 4
K De
1

+des théories
de l'éducation par rapport à la
réalité des situations éducatives

FIGURE 4
SERUERCERSS

Théories et pratiques

Sans doute est-ce cela la caractéristique du bricolage!


Même si l’on parle de sciences de l'éducation, les propos de cet ouvra-
ge s'inscrivent dans un courant qui considère ces dernières comme des scien-
ces approximatives. En ce sens, si l’enseignement ne peut se limiter à du
bricolage, il est ambitieux de le considérer comme une science au sens de De-
velay (1995 : 18) :
«(....) le mot science désigne tout corps de savoirs ayant un degré suffisant d'unité et
de généralité, et susceptible de consensus au sein d’une communauté qui s'y consa-
cre. Consensus qui ne résulte pas de conventions arbitraires, mais de relations ob-
jectives que l'on confirme par des méthodes de vérification définies ».
Cette définition du mot «science» est largement acceptée par diffé-
rentes communautés scientifiques. Peut-elle s'appliquer aux sciences de
l'éducation ? De nombreux chercheurs en éducation en font le rêve, par exem-
ple De Landsheere (1986 : 351) conclut un ouvrage sur la recherche en édu-
cation dans le monde en formulant le souhait d’un développement majeur
d'une pédagogie expérimentale fondée sur les modèles positivistes. Pour cet
auteur le concept «expérimental» connote un type de démarche qui corres-
pond à :
«une intervention délibérée dans une situation ou un phénomène pour les faire varier
selon un dessein déterminé>.
De Landsheere (1986 : 13)
48 Créer des conditions d'apprentissage

Certains chercheurs font tout pour arriver à une forme de positivisme


en éducation. Mais des contraintes de différents ordres les écartent sans cesse
d’une image positiviste de leur science ou de leur discipline. En éducation
(Van der Maren, 1995 : 33) le projet positiviste paraît une utopie. La perspec-
tive d’une unité méthodologique en recherche en sciences de l'éducation sem-
ble illusoire (Chevrier, 1994; Hensler, 1993; Van der Maren, 1995; ...). Mais,
plus fondamentalement, existe-t-il réellement un «consensus» à propos d'un
corps de savoirs en éducation ? La réponse à cette dernière question est diffi-
cile. En 1983, Travers constate et regrette le caractère disparate des recher-
ches en éducation. Il ne fait que réitérer les propos tenus par Bloom en 1966
qui lui-même renforçait ceux de Lamke en 1955. Aujourd’hui, la situation n’a
pas changé. Sciences approximatives plus proches du bricolage que d’une dé-
marche expérimentale, les sciences de l'éducation se construisent sur des mo-
dèles variés qui ne rencontrent pas l'unanimité de la communauté des
chercheurs en éducation.

_ Les didactiques sont de ces disciplines!

La réflexion didactique suggérée dans cet ouvrage propose des pistes


d'action pour les enseignants et les futurs enseignants dans l'objectif de faci-
liter et d'optimiser, dans leurs classes et avec leurs élèves, les démarches d’en-
seignement et d'apprentissage à propos de disciplines scolaires.

Professionnaliser les enseignants c’est leur permettre de poser des


gestes et de réaliser des actes d'enseignement qui ne soient plus simplement
du bricolage mais bien des indicateurs de compétences professionnelles. La
formation didactique des enseignants participe à leur professionnalisation en
leur permettant de développer des compétences didactiques. À elle seule ce-
pendant la formation didactique d’un enseignant n’est qu’une pierre à l'édifice
beaucoup plus large et plus complexe de la préparation à la pratique quoti-
dienne de l’enseignement. Au-delà du bricolage c’est à la complexité de tâches
multiréférenciées qu'il faut préparer un futur enseignant. Les didactiques des
disciplines sont une de ces références, elles n'auraient pas de sens si elles ne
permettaient pas le développement de compétences didactiques. Évoquer les
didactiques des disciplines ne peut donc se faire sans évoquer le concept de
compétence didactique.

1.3 Du bricolage aux compétences

«(...) Une compétence présuppose l'existence des ressources mobilisables, mais ne


se confond pas avec elles, puisqu’au contraire elle y ajoute en prenant en charge leur
mise en synergie en vue d'une action efficace en situation complexe. Elle accroît la
valeur d'usage des ressources mobilisées, de même qu'une recette de cuisine ma-
gnifie ses ingrédients, parce qu'elle les ordonne, les met en relation, les fond en une
totalité plus riche que leur simple réunion additive ».

Perrenoud (1997 : 35 et 36)


… À propos du concept de didactique ! 49

D'une façon générale, il est admis qu’une compétence réside dans la ue


capacité à mobiliser et à organiser les ressources cognitives et affectives né-
cessaires pour faire face à une situations (Rey, 1996). Elle ne se réduit cepen-
dant certainement pas à ces activités de mobilisation et d'organisation, elle est
beaucoup plus que cela. Selon Legendre (1988 : 109), une compétence est
une habileté acquise, grâce à l'assimilation de connaissances pertinentes et à
l'expérience, et qui consiste à circonscrire et à résoudre des problèmes Spéci-
fiques. Pour Perrenoud (1996 : 16), la compétence est la capacité d’un sujet à
mobiliser tout ou partie de ses ressources cognitives et affectives pour faire
face à une famille de situations complexes. Toute compétence suppose donc
que ces ressources existent préalablement et qu’elles sont accessibles et mo-
bilisables d’une manière ou d’une autre par le sujet qui traite la situation. Bien
plus, la situation une fois traitée grâce à la compétence mise en œuvre, ces
ressources sont renforcées et reconnues pertinentes par rapport à cette situa-
tion et à la classe des situations à laquelle cette dernière appartient.

Pour nos propos, la compétence réside essentiellement dans la capa-


cité du sujet à mobiliser les ressources pertinentes (cognitives, affectives et
contextuelles) pour traiter avec succès une situation, qu’elle soit complexe ou
non. Par ressources contextuelles, nous désignons les moyens que le sujet qui
traite la situation peut trouver dans son environnement immédiat (il s’agit des
ressources humaines et sociales, mais il peut également s’agir de supports in-
formatiques, comme du cadre spatial ou temporel dans lequel s'inscrit la situa-
tion ou plus simplement de l'accès à un dictionnaire ou à d’autres références).

: Il ne suffit pas de mobiliser des ressources, encore faut-il mobiliser les


bonnes ressources, les articuler efficacement entre elles, traiter la situation et
réussir le traitement de la situation. Une compétence fait référence à l’en-
semble de ces opérations. Un indicateur de compétence est le succès du trai-
tement d’une situation.

Une compétence ne peut donc être décrite qu’à posteriori, lorsque la


situation est traitée avec succès. Il est difficile de définir à priori une compé-
tence qu’un sujet devrait utiliser pour traiter une situation, d'autant plus que
ce sujet (quel qu'il soit) travaille toujours au départ de sa propre conception
de la situation. Le concept de compétence est souvent évoqué en formation
initiale des enseignants. Parallèlement aux curricula établissant des listes dé-
contextualisées de compétences à développer en formation initiale des ensei-
gnants, nous devrions aussi disposer de nombreuses monographies décrivant
des situations traitées avec succès par des enseignants. La compétence de ces
enseignants ne peut être décrite que lorsqu'ils ont terminé de traiter effecti-
vement la situation à laquelle ils ont été confrontés, et non l'inverse. En effet,
la compétence est toujours fonction de la situation qu’elle a permis de résou-
dre avec succès, compétence et situation sont indissociables. De telles mono-
graphies doivent donc décrire autant la situation que le contexte (avec les
moyens auxquels l'enseignant a accès) et que la démarche utilisée par l'ensei-
gnant pour réussir son action.
50 Créer des conditions d'apprentissage

%
AP
Mt
Les curricula décrivent des «compétences virtuelles», ce sont de bon-
nes balises pour préparer ou concevoir un programme de formation, ce ne
sont toutefois pas des outils de formation. Ces listes ne sont pas opérationnel-
les en matière de formation et d'apprentissage. Par ailleurs, l'accès direct à
une «compétence effective» (celle qui a permis le traitement avec succès
d’une situation) est impossible. Cependant, nous pouvons observer une série
d'indicateurs qui permettent de décrire à posteriori la compétence. Par exem-
ple, ces indicateurs peuvent être dégagés au départ d'analyses d'interviews
d'enseignants commentant un enregistrement magnétoscopé d'activités qu'ils
ont particulièrement bien réussies avec leurs élèves. Lorsqu'ils décrivent les
ressources qu'ils ont utilisées pour traiter ces situations, comment ils les ont
agencées entre elles et où ils ont pu les mobiliser, ces enseignants évoquent la
compétence qu'ils ont effectivement mise en œuvre pour traiter la situation
analysée. De tels enregistrements sont de bons outils de formation, ils permet-
tent à de futurs enseignants de découvrir les compétences dans les situations
traitées elles-mêmes.
Cela revient-il à dire que nous ne prenons en considération que les
compétences effectives (celles qui ont réellement permis la réussite d’une ac-
tion sur le terrain) et non les compétences virtuelles (celles qui sont énon-
cées dans les programmes et les curricula de formation) ?
Non, bien sûr. Nous l'avons déjà écrit ailleurs (Jonnaert, 1997a), l’en-
seignant est un ajusteur de programmes. Sans cesse, il adapte les contenus
des programmes à l'unique réalité qui est la sienne : ses élèves et leurs connais-
sances. Les programmes sont rédigés pour un élève abstrait qui correspond à
un standard que nous ne rencontrons que rarement dans nos classes. Les
compétences virtuelles, définies dans les programmes constituent un matériau
de base que l'enseignant adapte et modifie en fonction de la réalité de sa classe
tout en conservant les orientations, les grands axes et la direction fournis par
ces programmes. Il ne peut en faire abstraction. Ces programmes balisent le
parcours qu'il a à réaliser avec ses élèves à propos des savoirs codifiés.

Et les compétences didactiques ?

Dans les lignes qui suivent nous évoquerons essentiellement les


«compétences didactiques» des enseignants. Les compétences didactiques
permettent à l'enseignant de mobiliser les ressources cognitives, affectives ou
contextuelles * pertinentes pour traiter efficacement une situation d’enseigne-
ment et d'apprentissage à propos d'un contenu appartenant à une discipline
scolaire donnée. Ces ressources sont diverses, elles sont autant liées à la dis-
cipline scolaire à laquelle appartient le contenu «à apprendre», qu’à une série
d'autres disciplines (de la psychologie à la sociologie, de l’ethnologie à

4 Par ressources contextuelles nous entendons les éléments que l'enseignant peut trouver
tant dans son environnement social (un collègue, une bibliothécaire, un assistant, ...) que dans
son environnement physique (toute forme de matériel, du manuel au logiciel, mais aussi l’organi-
sation matérielle de l'environnement dans lequel se déroule l’activité) pour traiter la situation à
laquelle il est confronté, voir Perkins (1995).
… À propos du concept de didactique ! 51

l'épistémologie, de l'éthique à la docimologie, .….) qui permettent le traitement


pertinent et efficace de la situation d'enseignement et d'apprentissage à la-
quelle l'enseignant est confronté dans un contexte scolaire particulier, à un
moment donné.

Rey (1996) démontre toute la polysémie du concept de compétence.


L'approche peut-être très générale, décontextualisée ou au contraire stricte-
ment inscrite dans une catégorie de situations bien délimitées. Pour notre pro-
pos, le concept de compétence est étroitement relié aux situations à traiter.
Dans la perspective de Perkins (1995), nous ne dissocions pas l’activité de mo-
bilisation des ressources (cognitives, affectives et contextuelles) pour traiter
une situation de la situation elle-même. Nous l'avons écrit dans le paragraphe
précédent, une compétence est fonction de la situation traitée et un puissant
indicateur de compétence réside dans la réussite du traitement d’une situa-
tion donnée.

La compétence didactique est strictement inscrite dans la situation di-


dactique traitée. Paraphrasant Vergnaud, nous dirons alors que la situation di-
dactique est «source et critère» de la compétence didactique. Dans ce cas
précis le critère est la réussite du traitement de la situation. La situation est
«source» de la compétence parce que c’est elle qui déclenche le processus de
«mobilisation des ressources»; elle est «critère» de la compétence car c’est
elle qui permet de préciser si le traitement effectué est réussi ou non.

Dès lors, la compétence didactique est caractérisée par les signes dis-
tinctifs de la situation didactique. Cette dernière a pour particularité de solida-
riser un enseignant et des élèves dans un projet d'enseignement et
d'apprentissage d’un contenu scolaire. L'ensemble des caractéristiques des élè-
ves, celles de l'enseignant et celles du contenu scolaire (peu importe la discipli-
ne scolaire envisagée) fournissent les propriétés de la situation didactique. Une
compétence didactique mobilise des ressources qui permettent de prendre en
considération les spécificités de chacune des composantes de la situation didac-
tique. Elle fait référence à la fois aux caractéristiques du contenu scolaire (la
discipline scolaire), aux caractéristiques des élèves et à celles de l'enseignant.
Une compétence didactique va donc puiser ses ressources dans des champs très
diversifiés, elle est pluriréférenciée. Il ne saurait en être autrement, les didacti-
ques des disciplines font elles-mêmes référence à différents champs.
Les didactiques des disciplines sont partiellement incluses dans le vas-
te champ des sciences de l'éducation. Elle sont aussi partiellement incluses
dans celui de la discipline scolaire pour laquelle elles développent un projet
d'enseignement et d'apprentissage. Ainsi, la didactique des mathématiques est
autant concernée par le champ des sciences de l'éducation que par celui des
mathématiques. Enfin, elles empruntent une série d'éléments à des disciplines-
outils telles la psychologie, la sociologie, l’épistémologie, la pédagogie, …
Disciplines carrefours, les didactiques des disciplines, lorsqu'elles
s'intéressent aux problématiques d'enseignement et d'apprentissage d'une
discipline scolaire, articulent efficacement des apports d'origines diverses
52 Créer des conditions d'apprentissage
po Ce 2

pour permettre aux enseignants de développer des compétences très spé-


cifiques : les compétences didactiques. À terme, le meilleur indicateur de la
compétence didactique de l'enseignant est la réussite des apprentissages des
élèves à propos d’un contenu scolaire clairement défini.
L'échec scolaire est toujours un indicateur d’incompétence. Cette in-
compétence est nécessairement partagée par les différents acteurs en présen-
ce dans la situation didactique concernée par cet apprentissage échoué :
l'élève ou les élèves, l'enseignant et le contenu d'apprentissage. Le scandale
de l'évaluation scolaire est de ne condamner qu’un seul des partenaires en cas
d'échec de l'apprentissage : l'élève. Les travaux de Bastin et Roosen (1990)
nous démontrent clairement qu'une approche de l'échec scolaire doit être
multidimensionnelle :
«L'initiative ponctuelle, engagée vers un seul paramètre de la problématique, s'enlise
rapidement dans un réductionnisme inefficace. Si elle veut être pertinente, l'approche
de l'échec scolaire ne peut être que globale, impliquant à la fois tous les partenaires
de la communauté éducative, épuisant aussi bien les données psychologiques que le
contexte pédagogique et social».
Bastin et Roosen (1990 : 77)

Les curricula de formation des enseignants présentent des référen-


tiels de compétences didactiques que les futurs enseignants doivent dévelop-
per en formation initiale ou en formation continue. Nous n’en ferons pas une
analyse détaillée en ces lignes. Il s’agit de «compétences virtuelles». Le travail
du didacticien porte essentiellement sur l’axe qui va de la compétence vir-
tuelle à la compétence effective.

Compétences Compétences
virtuelles effectives
décrites dans validées par des
les curricula actions réussies
de formation en situation

is é

FIGURE 5
RAP CEA
FERESLEE

Le passage du virtuel à l'effectif


… À propos du concept de didactique ! 53

Le didacticien ne peut se limiter à travailler sur des compétences vir-


tuelles, il réduirait l'apprentissage à une transmission de contenu de program-
mes. De même, il ne peut se contenter d’agir sur des compétences effectives,
indépendamment des contenus des programmes, il travaillerait dans le vide,
sans référence. En réalité, s'intéressant à ce passage du virtuel à l'effectif, il va
sans cesse de l’un à l’autre, adaptant tantôt l’un, tantôt l'autre. Ses forces se
concentrent sur cet axe bien qu’il voyage nécessairement d’un pôle à l’autre
de cet axe.

1.4 Que retenir ?

Quel est le contexte général d’une réflexion didactique ?


Répondons en précisant un cadre général et, à l’intérieur de ce cadre,
le concept qui nous intéresse : celui des compétences didactiques
(1) Un cadre général : les didactiques des disciplines ont partiellement pour cadre général les
sciences de l'éducation et partiellement celui de la discipline scolaire dont elles portent le
projet d'enseignement et d'apprentissage. À l'intérieur des sciences de l'éducation, l'ensei-
gnement a une image de science approximative et de bricolage. Dans ce cadre général une
formation didactique a pour objectif de permettre à de futurs enseignants de développer des
compétences didactiques.
(2) Une compétence effective est la mobilisation pertinente par un sujet des ressources (cogni-
tives, affectives et contextuelles), leur articulation entre elles et leur utilisation pour traiter
avec succès une situation. Une compétence est toujours fonction de la situation qu'elle a
permis de traiter, elle ne peut donc être décrite qu’à posteriori. Le principal indicateur de la
compétence effective est le succès du traitement de la situation.
-(3) Une compétence virtuelle est la description à priori et décontextualisée d’habiletés qu’un
sujet devrait maîtriser au terme d’une formation. Les compétences virtuelles sont listées
dans des curricula ou des référentiels abstraits de compétences. Bien que déconnectées des
situations réelles, il s’agit de balises qui peuvent être intéressantes pour organiser la forma-
tion à propos de savoirs codifiés.
(4) Une compétence didactique, lorsqu'elle est une compétence virtuelle, est la description à
priori et décontextualisée d’habiletés qu’un enseignant ou un futur enseignant devrait maf-
triser au terme d’une formation pour traiter avec succès des situations didactiques. Ces
compétences didactiques sont listées dans des référentiels de compétences annexés aux
programmes de formation initiale ou continuée des enseignants et des futurs enseignants.
(5) Une compétence didactique, lorsqu'elle est une compétence effective, est la capacité d'un
sujet à mobiliser des ressources (cognitives, affectives et contextuelles) et à les utiliser pour
traiter avec succès une situation didactique. Les caractéristiques de la situation didactique
déterminent la compétence didactique. La compétence didactique mobilise des ressources
(cognitives, affectives et contextuelles) à propos du contenu scolaire [un ou plusieurs élé-
ment(s) relatif(s) à une discipline scolaire], à propos des élèves et à propos de l'enseignant.
La compétence didactique articule ces ressources pour traiter avec succès la situation
didactique.
54 Créer des conditions d'apprentissage

19 Quelques références pour aller plus loin.


Altet, M. (1994). La formation professionnelle des enseignants.
Paris : PUF.
Altet, M. (1996). Les compétences de l’enseignant-professionnel : en-
tre savoirs, schèmes d'action et adaptation, le savoir analyser, in L. Pa-
quay, M. Altet, E. Charlier et Ph. Perrenoud, (dir.), (1996). Former
des enseignants professionnels. Quelles stratégies, quelles
compétences ?, (pages 27-40). Bruxelles : De Boeck.
Bentolila, A. (dir.), (1995). Savoirs et savoir-faire. Paris : Nathan.
De Tersac, G. (1996). Savoirs, compétences et travail, in Barbier, J.-
M., (dir.), Savoirs théoriques et savoirs d'action, (pages 223-247).
Paris : ESF.
_ Le Boterf, G. (1994). De la compétence. Essai sur un attracteur
étrange. Paris : Les Éditions d'Organisation.
Perrenoud, Ph. (1997). Construire des compétences à l’école. Paris :
ESF.
Perrenoud, Ph. (1995). Des savoirs aux compétences : de quoi parle-
t-on en parlant de compétence ? Pédagogie collégiale, 9(1), 20-24.
Perrenoud, Ph. (1995). Des savoirs aux compétences : les incidences
sur le métier d'enseignant et sur le métier d'élève. Pédagogie collé-
giale, 9(2), 6-10.
Rey, B. (1996). Les compétences transversales en question. Paris :
ESF.

1.6 Concepts-clés du paragraphe


science - sciences de l'éducation - bricolage - compétence - compéten-
ce didactique - compétence virtuelle - compétence effective

LE CADRE SPÉCIFIQUE
D'UNE RÉFLEXION DIDACTIQUE
… Où l'on contextualise les didactiques
des disciplines dans le milieu scolaire!

DA Une nécessaire contextualisation


Dans une perspective d'enseignement et d'apprentissage, les didacti-
ques des disciplines sont contextualisées dans l’environnement scolaire. Dans
ce contexte, elles s'intéressent particulièrement à l'harmonisation des démar-
ches d'enseignement et des processus d'apprentissage des disciplines
… À propos du concept de didactique ! 55

scolaires dans l'objectif d'optimiser l'apprentissage des contenus de ces disci- M


plines par les élèves. Chaque didactique s'intéresse à une seule discipline sco-
laire. Une perspective interdisciplinaire peut permettre d'établir un dialogue
entre différentes didactiques. Une perspective interdisciplinaire n’est cepen-
dant possible que dans la mesure où les disciplines scolaires ont de réelles
possibilités de dialogue entre elles.

Pourquoi dès lors ne pas se limiter à évoquer, stricto sensu, les pro-
cessus d'apprentissage scolaire ?
Actuellement, il n’est plus possible de considérer l'apprentissage sco-
laire comme un processus autonome, indépendant du contexte dans lequel il
se développe. Pea (1993) définit le concept d'intelligence distribuée
(«distributed intelligence») selon lequel la cognition humaine dépasse les li-
mites de l'organisme lui-même. L'apprentissage humain se réalise autant dans
l'interaction avec les autres (environnement social) qu’à travers une série de
médias et un cadre physique (environnement physique). Perkins (1995 :
58) reprend cette approche et adopte le point de vue selon lequel :
l’environnement — à savoir les ressources sociales et physiques si-
tuées dans l’environnement immédiat en dehors de l'individu — fait
partie de la cognition, non pas seulement comme source ou récepteur
d'informations, mais également comme un véhicule de la pensée;
la trace laissée par la pensée — ce qui est appris — se retrouve non
seulement dans l’esprit même de l'individu qui apprend, mais égale-
ment dans l’organisation de l’environnement, et constitue tout autant
: un apprentissage de bon aloi.
Les propos de Perkins (1995) sont cognitivistes et évoquent essentiel-
lement les processus de traitement de l'information”. Une série de travaux
confirment ce point de vue tant dans l'interaction des apprenants avec l’envi-
ronnement physique qu'avec l’environnement social. Les uns (Pressley, Wood
et Woloshyn, 1990; Salomon, Perkins et Globerson, 1990; Pea, 1993; Perkins,
1995; ...) montrent l'importance des outils strictement matériels dans le pro-
cessus d'apprentissage scolaire; les autres, dans la lignée de Mugny (1991) ou
de Perret-Clermont, A.N., Brun, J., Conne, F., El Hadi, S. et Schubauer, M. L.
(1982) mettent l’accent sur les interactions sociales dans l'apprentissage
scolaire.
L'apprentissage scolaire est donc nécessairement contextualisé dans un
environnement physique et social particulier : l'environnement scolaire. Les
didactiques des disciplines s'intéressent à l’optimalisation de ces apprentissages
et travaillent essentiellement sur les conditions des apprentissages des conte-
nus des disciplines scolaires. Elles s'inscrivent donc, au moins pour une bonne
part de leurs travaux, dans le contexte particulier de l'environnement scolaire.

5 Les propos de Perkins (1995) évoquent l’idée de l’individu-plus basée sur l'hypothèse d’un
accès équivalent («equivalent acces hypothesis »). Selon cette hypothèse, la pensée et
l'apprentissage dépendent dés caractéristiques d'accès de la connaissance envisagée par
l'apprentissage.
56 Créer des conditions d'apprentissage
EEE
TS RARE Et

Mais quelles sont les composantes essentielles de cet environnement


particulier ?

2.2 Une classe et un enseignant


Les premières lignes de ce texte évoquent l’enseignement et l’appren-
tissage. Développer une réflexion didactique c’est surtout parler d’enseigne-
ment et d'apprentissage, donc de ce qui se passe dans une classe, ... mais pas
n'importe comment! Il est alors urgent de contextualiser les propos d’un di-
dacticien pour tenter de répondre ensuite à la question :

Mais de quoi s'agit-il lorsqu'on parle de didactique ?

Les propos de cet ouvrage sont didactiques, ils s'inscrivent donc dans
un contexte scolaire. Toutefois, leur cadre particulier est essentiellement
(mais pas exclusivement) le vécu quotidien d’une classe. Une classe du secon-
daire ou du primaire, ou toute autre classe avec des élèves, un enseignant, des
contenus d'apprentissage, un local, un horaire, un calendrier, des manuels,
des programmes, un tableau, ... et mille petites contraintes (les faits contin-
gents) que seul le hasard du déroulement d’une journée scolaire permet de
révéler.

Pour entrer dans les contenus didactiques des textes qui suivent, le
lecteur doit d’abord évoquer les classes qu'il a lui-même connues en tant
qu'élève, étudiant, stagiaire ou enseignant et en conserver, tout au long de sa
lecture et de ses réflexions, les images qu'elles suscitent. Il s’agit de ces clas-
ses-là! Les pages à venir traitent de ce qui s’y passe, des gestes de l'enseignant
comme de ceux de l'élève, de leurs activités respectives d'enseignement et
d'apprentissage, des disciplines scolaires qui y sont travaillées.

Quelle est cette classe ?

La classe est un univers étonnant, peu prévisible. Il s'y passe de nom-


breux événements que l'enseignant ne contrôle pas nécessairement. Monde
déroutant, inattendu, capricieux, parfois mystérieux, souvent difficile, mais
toujours passionnant, une classe est d’abord un regroupement d'individus dif-
férents.
La première caractéristique d’une classe est de rassembler, presque
aléatoirement, un nombre limité de personnes (des élèves et des enseignants)
dans un même espace (local de classe, auditoire, laboratoire, gymnase, ..)
pour une même durée (trimestre, semestre, année académique, heure de
cours, .…) pour y réaliser une série d'expériences communes (de formation,
d'apprentissage, d'éducation, d'instruction, ...). Toutes ces personnes n’ont
pas nécessairement souhaité être là, toutes ne se connaissent pas, toutes ne
poursuivent pas les mêmes objectifs. Plusieurs n'ont pas envie d’être là,
d’autres au contraire nourrissent de grands espoirs quant aux résultats de leur
scolarité.
… À propos du concept de didactique ! 57

Mais elles sont toutes là...

«Je ne veux voir qu'une tête!


Jacques est lent dans son travail, il a besoin de prendre du temps, de relire plusieurs
fois les énoncés et de faire de nombreux exercices. Françoise va tout de suite à l’es-
sentiel mais il lui faut un schéma, tandis qu'Hélène doit rédiger l'explication pour en
percevoir la cohérence. Michel est à l'aise dans une relation personnelle avec le mafî-
tre et José a plutôt besoin de la sécurité que procure le groupe. Chez Pascal, on a
l'habitude de lire et l’on n’allume la télévision qu’au début de l'émission choisie; chez
Béatrice, au contraire, aucun livre ne traîne jamais dans la salle à manger où le poste
reste allumé en permanence. Sarah veut devenir infirmière et Sandrine ne rêve que
de Rock... Certains n’ont pas compris la leçon de la semaine dernière, quelques-uns
bloqués par de stupides questions de vocabulaire, d’autres handicapés par de vieux
«manques de base ». Deux ou trois n’ont assimilé que la deuxième partie de l'exposé,
un petit groupe aurait intérêt à faire des exercices systématiques et quelques autres
gagneraient à écouter l'explication d'un camarade.
Et ils sont tous là, sur les bancs de la même classe, dans la même école, à faire la
même chose en même temps.»
Meirieu (1985 : 2)

Plantant ainsi le décor, Meirieu (1985) fournit une image réaliste de


ce regroupement hétérogène d'élèves.

Une classe

Un regroupement quasi
aléatoire d'individus
hétérogènes dans un
espace et pour un temps
déterminés

FIGURE 6
FRERES

Une classe

Et puis, dans le même cadre, il y a l'enseignant!


«… alors que l'enseignant se demande comment répondre au mieux à une question
qu’un élève vient de poser, trois autres élèves lèvent la main. Alors qu'il se penche
pour examiner le travail qu'un élève est en train de faire, cela s’agite de l'autre côté
de la salle. Au milieu de l’histoire qu'il lit à la classe, il se rappelle que l'élève qu'il a
envoyé chercher quelque chose il y a un quart d'heure n'est toujours pas de retour».
Jackson (1968 : 35-36)

Dans cette classe, groupe particulier et personnalisé, un nombre élevé


d'événements se succèdent très rapidement. Plusieurs chercheurs [dont Jack-
son (1968), Dupont (1982) ou Charlier (1989)] ont analysé la dynamique de
cette classe. Jackson (1968) note que des enseignants peuvent avoir jusqu'à
200 échanges par heure de cours avec leurs élèves. Ils prennent des centaines
de micro décisions chaque heure passée en classe avec les élèves : écrire ou
non une phrase au tableau, interroger ou non tel élève, corriger ou non la
58 Créer des conditions d'apprentissage
ea

réponse formulée par un élève, faire ou non une digression, demander ou non
à tel autre élève de se taire,.

Élèves et enseignants interagissent Lefaçon diverseetsouvent prevu sa


!
. mais dans quel objectifRe | PS MUR

2.3 Une action finalisée


L'enseignant vit ainsi une pression continue du groupe classe. Il doit
agir de façon rapide, décisive. Il gère un groupe d'élèves, mais pas dans n’im-
porte quelle finalité.
L'enseignant n’est pas animateur d’une plaine de jeux, d’une troupe de
scouts, d’une compagnie de guides, ou encore d’un club de joueurs de pétan-
que. La plupart des activités qu'il organise pour ses élèves sont finalisées. La
réalisation d’apprentissages scolaires par ces élèves est une de ces finalités.
Les actions des uns et des autres, élèves et enseignant, sont ainsi finalisées :
— l'enseignant est animé de projets d'enseignement et d'apprentissage
d'un certain contenu souvent inclus dans une discipline scolaire et dé-
fini dans les programmes scolaires;
— les élèves fréquentent les classes dans une perspective d'instruction
et de formation socialement reconnues.

Le décor est ainsi planté, plusieurs partenaires y vivent des expérien-


ces diverses dans un cadre bien défini. Les objectifs des uns rencontrent les
finalités des autres.
C’est dans ce cadre très particulier que se développe la réflexion di-
dactique suggérée en ces lignes. Pour en comprendre toute la complexité, le
lecteur doit réactiver les images qu'il a conservées de ses propres expériences,
multiples et variées, de la vie quotidienne d’une classe.

2.4 Que retenir ?

Quel cadre spécifique adoptons-nous pour une réflexion didactique ?


Les réflexions didactiques sont toujours contextualisées dans le milieu scolaire
(1) Trois partenaires sont rassemblés dans un cadre particulier : a) des élèves (dans une pers-
pective d'instruction et de formation) et b) un enseignant (dans une perspective d'enseigne-
ment et d'apprentissage) se rencontrent quotidiennement autour d'activités variées à
propos c) d'un contenu d'apprentissage (institué dans des programmes scolaires et défini
par les matières scolaires) dans un espace clairement identifié (un local de classe) et pour
un temps limité (le calendrier scolaire).
=Le]— Des actions finalisées : les expériences qui s'y vivent sont finalisées, elles poursuivent

essentiellement des objectifs d'enseignement et d'apprentissage. Ces expériences, ces acti-


vités, ces démarches d'enseignement et d'apprentissage ne sont donc ni gratuites, ni
improvisées. Elles sont finalisées et socialement reconnues. Elles s'inscrivent dans la dou-
ble perspective d'instruction et de formation de différentes catégories d'élèves, des classes
maternelles à l'enseignement supérieur.
… À propos du concept de didactique ! 59

2.5 Quelques références pour aller plus loin Le


— Altet, M. (1994). Comment interagissent enseignant et élèves en
classe ? Revue Française de Pédagogie, 107, 123-139.
— Donnay, J. et Charlier, E. (1990). Comprendre des situations de Jor-
mation. Bruxelles : De Boeck.
— Dupont, P. (1982). La dynamique de la classe. Paris : PUF.
— Jonnaert, Ph. (1991). Didactique : évolution d’un concept, naissance
d'une discipline. Pédagogie, 97-111.
— Postic, M. et De Ketele, J.-M. (1988). Observer les situations éduca-
tives. Paris : PUF.

2.6 Concepts-clés du paragraphe


contexte - classe - enseignant - action finalisée

3. VOUS AVEZ DIT DIDACTIQUE ?


… OÙ l'on clarifie un concept

3.1 ... au commencement, il y avait un triangle!


Il n’est pas possible de parler «didactique » sans évoquer une des plus
anciennes descriptions de la relation triangulaire qui s'établit entre (1) un en-
seignant, (2) un élève et (3) un contenu d'apprentissage. Le dialogue qui suit
illustre cette relation triangulaire entre un maître (Socrate), un élève (Me-
non) et un contenu d'apprentissage (la réminiscence f) :
EXTRAIT

Le «Menon» de Platon.

«Socrate : appelle-moi quelqu'un de ces nombreux esclaves qui sont à ta suite, celui que tu
voudras, afin que je te fasse voir sur lui ce que tu souhaites.
Menon: volontiers, viens ici!
Socrate: est-il grec ?
Menon: fort bien; il est né dans ma maison.
Socrate: sois attentif à examiner s'il te paraîtra se ressouvenir de lui-même ou apprendre de
moi.
Menon: jy ferai attention.
Socrate: dis-moi, mon enfant, sais-tu que ceci est un espace carré ?
L'esclave : oui...»

6 La réminiscence est une théorie platonicienne selon laquelle notre connaissance est le sou-
venir d’un état ancien où, avant d’être incarnée dans un corps, notre âme était en contact immé-
diat avec des «Idées» pures.
60 Créer des conditions d'apprentissage
ES ee 57

D'emblée le lecteur peut identifier les trois partenaires en présence


dans la situation décrite. Socrate est animé d’une intention d'enseignement à
Menon, son élève. Le contenu de leurs interactions porte sur le principe de la
réminiscence. L’esclave sert en quelque sorte de «matériel didactique» que
Menon doit observer.
S'agit-il d’une situation didactique ?

«(...) il nous suffit, pour parler de situation didactique au sens large, de nous trouver
dans un contexte où il y a intention d'enseigner quelque chose à quelqu'un (...). Au
sens restreint, la situation didactique sera définie par l'échange organisé localement
entre le maître, les élèves et un contenu précis d'enseignement ».
Perret-Clermont et al. (1982 : 16 et 17)

Ces trois dimensions (1) des élèves, (2) un enseignant et (3) un con-
tenu d'apprentissage peuvent être représentés symboliquement par les trois
sommets d’un triangle.

Des élèves

Un contenu

R
nes P
FIGURE 7
Lo |

Un triangle symbolique

Chacun des sommets de ce triangle représente un des pôles sur les-


quels peut se développer une réflexion didactique.
Ces trois pôles s'inscrivent en réalité dans le cadre d’une action finali-
sée (Socrate a clairement l'intention d'enseigner quelque chose à Menon). Ils
sont réunis pour vivre ensemble une expérience qui leur sera spécifique : celle
de réaliser un apprentissage scolaire (ou toute autre activité scolaire) à propos
d'un contenu spécifique : souvent, un savoir codifié. Ce contenu est inscrit
dans une discipline scolaire particulière, il peut s'agir de contenus mathémati-
ques, biologiques, historiques, physiques, … Les deux autres partenaires, l’en-
seignant et les élèves entretiennent des rapports particuliers avec ce contenu.
L'identification de ces trois pôles est-elle suffisante pour parler de
didactique ?

3.2 ... au-delà du triangle!


L'image du triangle suggère la visualisation de trois partenaires en
présence. Mais une réflexion didactique exige plus que cela. Une réflexion
… À propos du concept de didactique ! 61

didactique intègre le contenu d’une discipline scolaire dans les rapports


qu'établissent entre eux un enseignant et des élèves. Il n’est pas possible de
parler de didactique, écrit Martinand (1987 : 24), sans l'exercice de ce que l’on
peut appeler une «responsabilité» par rapport au contenu de la discipline. Ce
rapport à une discipline scolaire est incontournable lorsque l’on parle de di-
dactique.

. Cela signifie-t-il que le sommet du triangle symbolisant l'objet de l'apprentissage


… et de l'enseignement est un pôle majeur ?

Si ces trois pôles définissent un triangle, une approche didactique s’in-


téresse bien plus aux rapports qu'ils entretiennent entre eux qu’à l’un ou
l’autre d’entre eux considéré indépendamment des deux autres :

«aborder les questions d'enseignement et d'apprentissage en termes de didactique,


cela voulait dire que la transmission de connaissances était un phénomène comple-
xe, admettant de nombreuses médiations et qu'il fallait toujours tenir ensemble les
trois pôles, du maître, du savoir et de l'élève, mais sans réduire l'analyse à l’un ou à
l’autre ».
Cornu et Vernioux (1992 : 43)

Finalement, ce triangle symbolise une surface d'interactions entre


trois catégories de variables plutôt que trois sommets d’un triangle. Ces caté-
gories de variables sont :
(1) celles relatives au savoir ou à l’objet de la rencontre entre les élè-
ves et l'enseignant;
s (2) celles relatives à l'enseignant;
(3) celles relatives aux élèves.

Aucune de ces catégories de variables n’a de prédominance sur les


autres. Une approche didactique n’est réductible à aucune de ces catégories
prises isolément. Ce qui caractérise avant tout une situation didactique, c’est
la solidarité fonctionnelle de ces trois familles de variables. Aussitôt que l’une
d’entre elles est négligée, la dimension didactique disparaît.

… Als’agit d'un triplet solidaire plutôt que de trois sommets d'un triangle.

Ce triplet présente-t-il réellement trois familles de variables


solidaires ? En réalité, (Jonnaert, 1991c : 100) plusieurs tentations mettent ce
triplet en danger, il risque souvent d’éclater!
Le mathématicien, le physicien, le biologiste ou le linguiste ne pensent qu'à leur dis-
cipline.
Le psychologue ne s'intéresse qu'au sujet qui apprend et à ses caractéristiques.
Le pédagogue est essentiellement préoccupé par les conditions qu'il met en place
pour optimiser les relations entre élèves et enseignants.

Cette inquiétude quant à un éventuel éclatement du triplet didactique


est ancienne déjà. Même si cet auteur ne parlait pas de didactique, plus inté-
ressée qu’elle était par les difficultés d'apprentissage et la façon de les traiter,
62 Créer des conditions d'apprentissage

Meljac (1973 : 43) tenait déjà des propos semblables il y a plus de trente
années :
«(..…) pour nous le processus qui se met en place, fond en un tout trois facteurs en
interactions permanentes :
— la nature du concept;
— les informations ou stimulations apportées par le monde extérieur;
— la nature du sujet.
(...) Les psychanalystes et assimilés ne parlent que du sujet; les mathématiciens et
les logiciens ne parlent que du concept, omettant la personne qui le manipule; les pé-
dagogues ont souvent l'illusion que seul importe le type d'expériences qu'ils propo-
sent pour l'apprentissage ».

Aujourd’hui, cette tentation d’éclatement est toujours présente. En


témoignent les travaux actuels des didacticiens qui prennent diverses orien-
tations en fonction du pôle du triangle qui est pris en considération.
Mais, au-delà du triangle, pour que des interactions existent entre les
trois pôles, un processus de médiation doit s'établir. Il ne s’agit certes pas d’un
pôle supplémentaire qui transformerait le triangle en quadrilatère! Il s’agit es-
sentiellement de moyens mis en œuvre pour que des interactions, des échan-
ges, un dialogue réel se créent entre les différents pôles. Le moteur de cette
médiation est l'enseignant.
Sommairement, nous retiendrons que des canaux de communication
doivent exister entre les trois pôles. À défaut, chacun des pôles du triplet s’iso-
le en un ilôt. Si la communication est importante, le plus important reste
cependant le fait que chacun des trois pôles soit mis en interaction avec
chacun des deux autres. Nous ne plaçons donc pas la médiation à l’intérieur
d’un schéma représentant le système didactique, par exemple en le fixant sur
un quatrième pôle, ce serait la considérer à un niveau équivalent de celui de
chacun des pôles, alors qu'il ne s’agit là que d’un moyen. Souvent même, la mé-
diation se confond avec un des trois pôles du triplet, le pôle qui assure à un
moment donné la fonction de médiation entre les trois partenaires, ce peut
être l'enseignant, l'élève, voire le contenu lui-même.
En l'absence de médiation entre ces trois pôles, la réflexion didactique
est éclatée, voire dispersée. En fonction de leurs intérêts disciplinaires res-
pectifs, les chercheurs en didactique privilégient souvent un seul des pôles du
triplet didactique.

3.3 Trois orientations


Dans cette perspective, Halté (1992 : 16 et 17) identifie trois direc-
tions données aux travaux des didacticiens :
a) Une réflexion sur les objets d'enseignement
Dans cette optique, le didacticien s'intéresse à la nature de ces
savoirs; à leur statut épistémologique; à la méthodologie de leur
construction, à leur organisation; à leur histoire. Le travail du
… À propos du concept de didactique !

didacticien, sur ce pôle, est alors essentiellement épistémologique : il re


tente de répondre à la question de la nature de l’objet d'enseignement.
b) Une réflexion sur les conditions d'appropriation des savoirs;
Dans cette optique, le didacticien s'intéresse à la construction des sa-
voirs par celui qui apprend et les différentes transformations que ces
savoirs vivent durant le processus d'apprentissage. Le travail du di-
dacticien, sur ce pôle, est alors essentiellement psychologique. Iltente
de répondre à la question de la nature des processus mis en place par
l'élève pour apprendre le savoir”. En d’autres termes, il analyse les
transformations que l’élève fait subir à l’objet d'apprentissage.
c) Une réflexion sur les interventions de l'enseignant
Dans cette optique, le didacticien s'intéresse à l’organisation des sé-
quences didactiques par l'enseignant pour permettre à l'élève de réa-
liser des apprentissages à propos de l'objet d'enseignement. Le travail
du didacticien, sur ce pôle, est essentiellement praxéologique.

Chacune de ces dimensions est cependant indissociable des deux


autres. Halté (1992 :17) précise sa position en disant que «la didactique est
une discipline théorico-pratique : son objectif essentiel est de produire
des argumentations savantes étayées et cohérentes, susceptibles d’orien-
ter efficacement les pratiques d'enseignement».
Cornu et Vergnioux (1992 : 43-45) partagent ce point de vue. D’une
part, une réflexion didactique est déterminée par différents rapports au sa-
voir, d'autre part elle a une triple orientation, enfin elle est dirigée vers l’action
de l'enseignant.
Une démarche didactique s'inscrit dans la solidarité entre ces dif-
férents rapports au savoir. Chaque tentation de repli disciplinaire sur un des
pôles anéantit la perspective didactique.

7 Qu'il s'agisse de savoir, de savoir-faire ou de savoir-être, ce savoir s'inscrit dans une disci-
pline scolaire ou dans une pratique professionnelle de référence. L'analyse faite à ce niveau par
le didacticien a pour objet les transformations que subit ce savoir par celui qui apprend. Lorsque
nous parlons de savoir, nous évoquons les contenus des programmes, des manuels scolaires, des
curricula ou autres répartitions de matière. Il s’agit des contenus d'apprentissage institués par le
système scolaire et la société, ces savoirs sont parfois désignés par l'expression «savoirs
codifiés». Par contre, lorsque nous parlons de connaissance, nous évoquons le patrimoine cogni-
tif de l’apprenant. Cette distinction est importante, nous y reviendrons ultérieurement.
64 Créer des conditions d'apprentissage

3.4 Que retenir ?

Est-il possible de clarifier le concept de didactique ?


Répondons en réalisant une première synthèse des éléments
mis en évidence dans les lignes qui précèdent.
(1) La didactique d’une discipline est elle-même une discipline théorico-pratique qui articule
entre elles trois familles de variables : celles relatives à la discipline scolaire, celles relatives
à l’apprenant et celles relatives à l'enseignant. Chacune de ces familles de variables déter-
mine une des trois orientations de la réflexion didactique.
=N — Ces trois dimensions du système didactique sont indissociables. Elles sont articulées entre
elles par de multiples processus de médiation. Ce sont ces processus de médiation qui met-
tent les dimensions du système didactique en interaction. Les processus de médiation ne
font pas partie de la charpente du système didactique, ils sont considérés comme des
moyens assimilés à des canaux de communication entre les parties du système didactique.
Le) La didactique d’une discipline s'inscrit nécessairement dans des rapports au savoir; ces
derniers sont partiellement définis par la discipline scolaire concernée par les projets
d'enseignement et d'apprentissage de la didactique en question. Ces rapports au savoir sont
essentiellement fonction des connaissances de l'apprenant lui-même. En ce sens, l’objet
premier d’une didactique d’une discipline se situe fondamentalement sur les rapports entre
« savoir à apprendre» et «connaissances de l’apprenant».
= Les résultats de la recherche en didactique, même s'ils sont théoriques, sont orientés vers
l’action de l'enseignant.

3.5 Quelques références pour aller plus loin


— Cornu, L. et Vergnioux, A. (1992). La didactique en questions.
Paris : Hachette.
— Jonnaert, Ph., (Éd.), (1991). Les didactiques. Similitudes et spéci-
Jficités. Bruxelles : Plantyn.
— Johsua, $S. et Dupin, J.-J. (1993). Introduction à la didactique des
sciences et des mathématiques. Paris : PUF.
— Raisky, CL. et Caillot, M. (Éds.), (1996). Au-delà des didactiques, le
didactique. Débats autour de concepts fédérateurs. Bruxelles : De
Boeck.

3.6 Concepts-clés du paragraphe


triplet du système didactique - solidarité fonctionnelle des variables -
médiation
… À propos du concept de didactique ! 65

4. DIDACTIQUE ET PÉDAGOGIE
rer

Antagonismes ou complémentarités ?

4.1 Peut-on différencier les deux concepts ?


Le contenu de ce paragraphe tente de différencier ce qui est de l’ordre
des didactiques et ce qui est de l’ordre de la pédagogie. Le mot «pédagogie»,
écrit Legendre (1988 : 447), s'applique à l’enseignement aux enfants, par op-
position à «andragogie» pour les adultes. Dans un sens plus étroit, Legendre
(1988) donne à «pédagogie» le sens de «méthode d'enseignement», de
«méthode éducative». Déjà en 1963, Laffont établit une distinction
importante : «la pédagogie s'applique à l'éducation générale, à l’instruc-
tion ainsi qu'à l'éducation donnée par des moyens précis et qui ne se
rapportent pas aux disciplines d'enseignement» Laffont (1963 : 455).

Ce qui différencie le plus les didactiques de la pédagogie (Audigier,


1990), c’est la prise en compte systématique des savoirs par les didactiques,
ce que ne fait pas la pédagogie. Il est cependant indéniable que ces deux dis-
ciplines ne sont ni exclusives, ni incompatibles. Que du contraire, il s’agit
beaucoup plus d'évoquer leurs complémentarités que de les opposer.

Pour Altet (1996 : 32), ce qui fait la spécificité des tâches d’enseigne-
ment «c’est qu’elles couvrent deux champs de pratiques différentes mais
interdépendantes : d’une part celui de la gestion de l’information, de la
structuration du savoir par l'enseignant et de leur appropriation par
l'élève, domaine de la Didactique et d'autre part le champ du traitement
et de la transformation de l'information transmise en Savoir chez l'élève
par la pratique relationnelle et les actions de l'enseignant pour mettre en
œuvre des conditions d'apprentissage adaptées, domaine de la
Pédagogie ?».

Mais les terrains, ou les champs, des didactiques et de la pédagogie


sont-ils aussi clairement délimités ?

Les résultats d’une enquête exploratoire menée par Spallanzani et


Jonnaert (1997) montrent que les universitaires chargés de l’enseignement et
de la recherche à propos des didactiques des disciplines ont des conceptions
non équivoques du concept de didactique. Les conceptions de praticiens en-
seignant dans des classes d'écoles primaires, témoignent par contre d'une cer-
taine confusion entre les concepts de didactique et de pédagogie. Le
document suivant présente un tableau comparatif issu de cette recherche. Il
décrit une série d’hypothèses quant à la perception que des universitaires ont
des concepts de didactique et de pédagogie par rapport à celle de praticiens.

8 Souligné par l’auteur.


9 Souligné par l’auteur.
66 Créer des conditions d'apprentissage

La recherche a été menée auprès d’universitaires enseignant une di-


dactique des disciplines et développant des recherches à son propos à l’Uni-
versité de Sherbrooke (Québec) et auprès d'enseignants de classes d'écoles
primaires de la Province du Québec. Sans présenter les résultats de la recher-
che, ce document est suffisamment parlant pour montrer les écarts entre les
deux niveaux de conception.

4.2 Document
Document extrait de Spallanzani et Jonnaert (1997 : 21)
Description de la recherche : il s'agit d’une recherche exploratoire
menée auprès d'enseignants universitaires des didactiques des disciplines et
d'enseignants du primaire. Un échantillon occasionnel de 32 sujets répartis
entre les deux catégories a été retenu, une entrevue a été passée avec ces der-
niers, les différentes questions de l’entrevue portaient sur les concepts de di-
dactique et de pédagogie et sur les distinctions entre ceux-ci. Ce travail
préliminaire à une recherche plus importante avait pour fonction de détermi-
ner les conceptions des uns et des autres afin d'élaborer un questionnaire à
propos des concepts de didactique et de pédagogie.

Comparaison des perceptions des enseignants de l’ordre du primaire


à celles des didacticiens universitaires
TE ù Hypothèses quantà la perception
du concept de didactique

pour les enseignants universitaires : Pour les enseignants à l’ordre du primaire :


— les didactiques prennent en considération le | — les didactiques sont associées aux straté-
rapport aux savoirs, l'organisation de gies d'enseignement;
l'enseignement et de l'apprentissage du — ne prennent pas en considération la gestion
point de vue de l'enseignant; des interactions sociales.
— ne prennent pas en considération la gestion
des interactions sociales.

Hypothèses quant à la perception des différences entre didactique et pédagogie

pour les universitaires : pour les enseignants à l’ordre du primaire :


— reconnaissance d’une complémentarité — l'ambiguïté des propositions laisse suppo-
entre didactique et pédagogie, par ailleurs la ser l'existence d’une confusion entre didac-
pédagogie incluerait les didactiques. tique et pédagogie.

Hypothèses quant à la perception de différences entre la didactique


etlesdidactiques
pour les universitaires : pour les enseignants à l'ordre du primaire :
— Non-reconnaissance d’une didactique géné- | — reconnaissance des didactiques des disci-
rale et reconnaissance exclusive des didacti- plines et moins de reconnaissance pour une
ques des disciplines. didactique générale.
… À propos du concept de didactique ! 67

| èses quant àlaperception du concept de pédagogie :


pour les universitaires : pour les enseignants à l’ordre du primaire :
— le concept de pédagogie est associé à — le concept de pédagogie est associé aux
l’organisation de l’enseignement et de stratégies d'enseignement:
l'apprentissage du point de vue de l'élève: — les interactions sociales ne sont pas prises
— les interactions sociales sont associées à ce en considération.
concept.

D'une façon générale, si les universitaires établissent une distinction


claire entre didactique et pédagogie, les enseignants du primaire semblent
confondre les deux concepts. La frontière entre les deux concepts n’est donc
pas si évidente, si frontière il y a!

4.3 Une séquence de classe


Un regard sur la pratique permettra peut-être de dénouer cet éche-
veau.
La compréhension d’une séquence d’enseignement requiert autant
l'utilisation de théories pédagogiques que d’apports didactiques. Par exemple,
lorsqu'un petit groupe d'élèves travaille à la résolution d’un problème arithmé-
tique, l'analyse de cette séquence ne serait que pédagogique si seules les inte-
ractions entre les élèves étaient analysées.

Cette analyse devient didactique à partir du moment où, au cours de


ces interactions, une attention particulière est portée aux propos de ces élè-
ves sur le contenu mathématique du problème arithmétique et sur ce qu’ils
réalisent pour le résoudre. Partons d’un exemple et recherchons les questions
que didacticiens et pédagogues pourront se poser à propos de la séquence de
classe suivante.
EXEMPLE

extrait de Jonnaert, (1980 : 106).


(a) Description de la situation de classe : chaque élève dispose d'un bocal rempli d'eau, nous
y avons chaque fois disposé plusieurs tétardés.
Nous avons demandé aux élèves d'observer les têtards et de noter sur une feuille :
— les résultats de l'observation;
— ce qu'ils connaissent déjà du têtard avant l'observation;
— les questions auxquelles ils souhaitent obtenir une réponse.
Cette activité est réalisée avec 32 élèves de quatrième primaire (élèves de 10 à 11 ans) dans
une classe du Brabant wallon en Belgique francophone.
(b) Extraits d'une série d'échanges enregistrés auprès d'un groupe de 4 élèves discutant de
ce qu'ils ont respectivement noté lors de leurs observations des têtards.
Créer des conditions d'apprentissage

«(M. = Marc; J. = Jacques; D. = David; S. = Sabine)


- M.: Où t'as vu une ventouse toi ?
= JE PITUIVOIS EE
(les élèves regardent un têtard dans le bocal de J.)
— J.: regardez son ventre, la ventouse c'est là, c'est plus clair!
(J. montre aux autres élèves de son groupe un têtard qui est venu se coller contre la paroi de
verre du bocal)
- S.: et oui, on la voit bien, c'est quand il se colle contre le bocal, regardez!
— J.: oui, d’ailleurs, c’est la ventouse qui le fait s'attacher contre la vitre du bocal;
- M.: d’ailleurs, s'il avait pas de ventouse, il tiendrait pas, il glisserait, je vais aussi l'écrire sur
ma fiche;
D.: moi je dis que c'est pas une ventouse;
— M.: c'est parce que tu l'as pas vue en premier que tu dis ça;
D.: non, c'est parce quand il est plus contre le verre du bocal on la voit plus;
(D. montre les autres têtards qui nagent au centre du bocal et ne se collent pas à la paroi de
verre)
— J.: c'est normal, parce qu'alors il doit plus se retenir pour pas glisser contre le verre, alors
il en a pas besoin et il la rentre;
— M.: c'est ça, c'est juste pour pas glisser contre le verre du bocal;
— S.: mais regarde, là tu vois bien, si c'est pas une ventouse c'est quoi alors ?
— D.: c'est comme quand on colle sa bouche contre une vitre pour faire une grimace; c'est
pas pour ça que ta bouche est une ventouse;
(quitte sa place et va coller son visage contre la vitre de la porte à l’extérieur de la classe, son
visage est déformé par la grimace : éclat de rire général dans la classe; D. rejoint son groupe
Sous le regard désapprobateur de l'enseignant et des élèves de son équipe)
— M.: à cause de toi on va perdre des points, tu fais toujours le fou;
— S.: c'est pas la même chose; et puis tu fais toujours le fou;
— M.: /e prof est pas content à cause de toi;
— J.: moije dis que c'est une bonne observation, il faut tous noter qu'il a une petite ventouse
Sur Son ventre.
be
Er

Le regard du pédagogue permet de comprendre la dynamique des in-


teractions entre ces élèves, le rôle que David joue dans cette équipe, les pro-
pos normatifs de Marc qui a peur de perdre des points ou de déplaire à son
enseignant, le regard désapprobateur de l'enseignant.
Le didacticien essaye plutôt de comprendre les connaissances qui
sont véhiculées dans ce dialogue. Comment ces élèves parviennent-il à se con-
vaincre qu'ils voient une ventouse sur le ventre du têtard ? Que pourra faire
l'enseignant de l'hypothèse formulée par Jacques selon laquelle cette ventou-
se est en quelque sorte rétractile (il la «rentre» quand elle n’est plus utile) ?
Et puis, comment exploiter la démonstration de David qui n’est perçue que
comme une pitrerie par les autres, alors que... ?
Mais c’est bien plus par l'articulation de ces deux regards, pédagogi-
que et didactique, qu'une analyse fine de ces échanges peut avoir lieu. C’est
aussi ce double regard qui permet la formulation de suggestions adéquates à
… À propos du concept de didactique ! 69
ESS RE ER E S ERNE

l'enseignant pour qu'il puisse organiser une activité pertinente avec ses élèves e
au départ de leurs observations sur les têtards.
Cet exemple établit la distinction entre le regard pédagogique et le re-
gard didactique sur une séquence de classe. Il montre aussi la complémenta-
rité entre ces deux visions d’un même phénomène.
Les questions que l’un et l’autre se posent sont peu dissociables. !

Questions de pédagogue Questions de didacticien

— Pourquoi les élèves du groupe acceptent-ils — Quelle importance cette «ventouse» a-t-
sans critique les propositions de Jacques ? elle dans la conception ‘© que ces élèves se
— Pourquoi David est-il perçu comme un construisent d’un têtard ?
perturbateur ? — Quelle activité proposer à ces élèves pour
— Pourquoi les propositions pourtant perti- qu'ils puissent critiquer cette ventouse
nentes de David ne sont pas prises au qu'ils attribuent au têtard ?
sérieux ? — Comment exploiter la démonstration de
— Quelle relation Marc établit-il avec l’ensei- David qui met en cause cette ventouse ?
gnant dont il craint les sanctions ? - Quels sont les autres éléments retenus
— Comment mieux organiser les échanges par ces élèves à propos du têtard ?
entre les élèves à l’intérieur de ce groupe ?

Les questions que se pose le didacticien prennent systématiquement


en considération le savoir et les connaissances qui sont l’enjeu des interac-
tions entre ces élèves. Le pédagogue s'intéresse aussi à ces interactions, mais
les rapports entre le savoir et les connaissances ne sont pas sa préoccupation
première.
Le didacticien s'intéresse à chacun des trois pôles évoqués [(1) l’en-
seignant, (2) les élèves et (3) l’objet de l’enseignement et de l'apprentissage]
dans leurs rapports au savoir et aux connaissances. Sa spécificité se situe
dans la place qu’il accorde au savoir.
Par contre, le pédagogue accordera plus d'importance à la gestion des
interactions entre les élèves et l'enseignant.
Il n’en reste pas moins vrai que de nombreuses intersections existent
entre les deux champs. Si la pédagogie et son champ sont définis de longue

10 À la suite de Giordan et de Vecchi (1987), les auteurs ont adopté le terme de «conception»
plutôt que celui de «représentation» pour évoquer les connaissances que l’élève mobilise dans
son propre répertoire cognitif lorsqu'il est confronté à une tâche à réaliser. Ce point est clarifié
plus loin dans le texte. Retenons, en une première approche de ce concept, la définition
suivante :
«Par conception, nous entendons un processus personnel, par lequel un apprenant structure au
fur et à mesure les connaissances qu'il intègre. Ce savoir s’élabore, dans la grande majorité des
cas, sur une période assez longue de sa vie, à partir de son archéologie, c’est-à-dire de l'action
culturelle parentale, de sa pratique sociale d’enfant à l’école, de l'influence des divers médias et,
plus tard, de son activité professionnelle et sociale d’adulte (club, famille, associations, etc.) ».
Giordan et de Vecchi (1987 : 85)
Créer des conditions d'apprentissage

date, qu’en est-il des didactiques ? Le temps est venu de clarifier le concept
central de notre réflexion : Le concept de didactique, ce sera, sous forme
d'exercice, l’objet du prochain paragraphe.

4.4 Quelles frontières entre pédagogie,


sciences de l'éducation et didactique ?
Si la question des frontières entre didactique et pédagogie est souvent
posée, la pédagogie elle-même est souvent au centre de polémiques :

«(..) Le rapport des sciences de l'éducation et de la pédagogie n'est pas simple et


la réflexion sur ces rapports est, plus que jamais, d'actualité. Seule cette réflexion
bien conduite peut nous permettre, en effet, d'espérer dépasser les polémiques sté-
riles qui se sont développées depuis quelques décennies autour de cette question et
qui, tout en absorbant une énergie considérable, contribuent très largement à
brouiller les cartes dans le champ éducatif».
Meirieu (1994 : 5)

N'est-il pas nécessaire, aujourd’hui, de clarifier les rapports que les


différentes disciplines du champ des sciences de l'éducation entretiennent en-
tre elles, y compris les didactiques, plutôt que de figer la question dans des dé-
bats stériles, méprisant souvent les didactiques au point de les réduire à des
techniques d'enseignement ?
Des auteurs comme Raynal et Rieunier (1997) participent certaine-
ment à la clarification conceptuelle recherchée en distinguant, dans la défini-
tion même qu'ils proposent du concept de pédagogie, celui de sciences de
l'éducation et celui de didactique. Pour préciser le sens du terme pédagogie,
disent ces deux auteurs, il est important de différencier pédagogie, sciences
de l'éducation et didactique. Voici en quels termes ils distinguent ces trois
concepts :
— «Le pédagogue"! cherche à répondre à des questions intéressant directement
son action éducative : que savons-nous de l'apprentissage humain qui nous per-
mette de construire des stratégies d'enseignement efficaces ? Quelle serait la mé-
thode d'enseignement la plus efficace pour tel type d'apprentissage ? Ou encore
comment favoriser l'apprentissage de la lecture par un petit journal en classe
primaire ? Le pédagogue apparaît donc comme un praticien qui se préoccupe
d’abord de l'efficacité de son action. C'est un homme de terrain, et à ce titre il ré-
sout en permanence des problèmes concrets d'enseignement/apprentissage. La
source principale de son «intuition pédagogique» reste l'action et l'expérimenta-
tion, dont il tire validation et encouragement.
— Le chercheur en sciences de l'éducation, de son côté, se préoccupe de répondre
à une autre catégorie d'interrogations, sans doute moins liées à la pratique de l'en-
seignement, mais importantes pour le pédagogue : quelles sont les causes de
l'échec scolaire ? Quels rapports y at-il entre l'apprentissage et les théories du trai-
tement de l'information ? Pour apprendre, l'apprenant doit-il faire des erreurs ? Sa
préoccupation première est donc d'améliorer la connaissance que l'on peut avoir
des phénomènes qui influencent plus ou moins directement l’action éducative.

11 Souligné par nous dans le texte.

CL IBLIU If IEQUE
\? j au Y CL
JniIvers {| hiéhon À Dimmnu nl!
… À propos du concept de didactique ! 71
DRE
PER EN SOINS

— Le didacticien, quant à lui, est avant tout un spécialiste de l’enseignement de sa


discipline. Il s'interroge surtout sur les notions, les concepts et les principes qui
dans sa discipline devront se transformer en contenus à enseigner. Il apprécie
également le niveau de ses élèves (difficultés individuelles, représentations per-
sonnelles, …) pour identifier les obstacles de nature épistémologique ou psycho-
logique qu'il lui faudra surmonter pour «faire apprendre ». Le travail du didacticien
est donc essentiellement un travail de traitement de l'information : identifier et
transformer le «savoir savant» (le savoir de référence) en «savoir à enseigner».

Raynal et Rieunier (1997 : 263 et 264)

Chacune de ces définitions devrait certes être discutée, et nous le ver-


rons dans le paragraphe suivant, le travail du didacticien ne se réduit pas à la
transposition didactique. Il réalise plus que cela! Toutefois, une telle approche
a le mérite de poser des balises qui évitent confusion et superposition de con-
cepts. De même, cette clarification conceptuelle, où l’on voit le terrain de dif-
férents champs disciplinaires se démarquer les uns des autres, permet un
travail en complémentarité plutôt qu’une approche conflictuelle. Il est plus fa-
cile pour un pédagogue et un didacticien de travailler de concert à un projet
commun lorsque chacun a pu identifier ce qu'il est en droit d'attendre de
l'autre, comme ce qu'il est en mesure de lui apporter à son tour. Les conflits
apparaissent là où le flou subsiste.

Mais avant de rentrer à proprement parler dans le concept de didacti-


que lui-même, élargissons la définition que nous en proposent Raynal et Rieu-
nier (1997) en lisant celle suggérée par Astolfi, Darot, Ginsburger-Vogel et
Toussaint (1997 : 5 et 6), à propos de la didactique d’une discipline :

«La didactique des sciences se définit par une centration nouvelle sur les contenus de
l'enseignement scientifique. Celle-ci ne doit pas s’interpréter comme un intérêt exclusif
pour les savoirs, au détriment des aspects méthodologiques qui s’en trouveraient
écartés, voire déniés. Ce qui la fonde plutôt, c'est la prise de conscience qu’existent
des difficultés d'appropriation qui sont intrinsèques aux savoirs, difficultés qu'il faut
diagnostiquer et analyser avec une grande précision pour faire réussir les élèves ».

4.5 Que retenir ?

Quelles frontières entre didactique et pédagogie ?


Répondons en mettant en évidence leurs différences et leur complémentarité
(1) Les didactiques des disciplines sont nécessairement inscrites dans le champ d'une disci-
pline scolaire dont elles portent le projet d'enseignement et d'apprentissage. Les rapports
entre savoir codifié et connaissances des apprenants à propos de cette discipline sont
au centre des intérêts de la didactique de cette discipline.
(2) La pédagogie ne porte pas un regard prioritaire sur les rapports au savoir. Elle s'intéresse
plutôt aux conditions mises en place par l'enseignant pour faciliter les démarches d’ensei-
gnement et d'apprentissage. Elle porte un regard particulier sur les interactions entre les dif-
férents acteurs des séquences d'enseignement et d'apprentissage.
(3) La pédagogie, comme les didactiques des disciplines, s'intéresse à la pratique de l’ensei-
gnement et de l'apprentissage, en ce sens leurs réflexions, leurs théories et les résultats de
leurs recherches en font des disciplines théorico-pratiques.
(4) Les didactiques et la pédagogie sont complémentaires dans l'étude des séquences d’ensei-
gnement et d'apprentissage.
72 Créer des conditions d'apprentissage
amer
ra arr

4.6 Quelques références pour aller plus loin


— Astolfi, J.-P. Darot, É., Ginsburger-Vogel, Ÿ. et Toussaint, (1997):
Mots-clés de la didactique des sciences. Repères, définitions, bi-
bliographies. Bruxelles : De Boeck-Université.
__ De Corte, E., Geerligs, C.T., Lagerweij, N. A. J., Peters, J.J. et Vanden-
berghe, R. (1979). Les fondements de l’action didactique.
Bruxelles : De Boeck.
— Maudet, C. (1987). Approche didactique des apprentissages. Lyon :
Éditions Robert.
— Plaisance, E. et Vergnaud, G. (1993). Les sciences de l'éducation.
Paris : Éditions de la Découverte.
— Raynal, F., Rieunier, À. (1997). Pédagogie : dictionnaire des con-
cepts-clés. Apprentissage, formation et psychologie cognitive.
Paris : ESF.
— Sachot, M. (1996). La didactique des disciplines au milieu du gué.
Strasbourg : Les Cahiers du CIRID.
— Spalanzani, C. et Jonnaert, Ph. (1997). Le concept de didactique : ce
qu’en pensent des enseignants. Sherbrooke : Document du Laridd.

4.7 Concepts-clés du paragraphe


didactique - pédagogie - complémentarité

5, DES DÉFINITIONS À ANALYSER!


Peut-on définir les didactiques ?
Partant de deux exemples d'analyse de définitions à l’aide d’une grille,
le lecteur sera amené à dégager lui-même les principales composantes d’une
série d'approches du concept de didactique relevées dans la littérature fran-
cophone contemporaine des didacticiens des disciplines. Deux outils sont
suggérés au lecteur pour réaliser cet exercice.

5.1 Une série de critères

La littérature propose actuellement de nombreuses définitions, les


unes plus complètes que les autres. Comment les analyser ? Laquelle choisir ?
Et si l’une d’entre elles se dégage du lot et semble cerner clairement le con-
cept de didactique, sur la base de quels critères un lecteur averti peut-il la sé-
lectionner plutôt qu'une autre ?
Les propos qui précèdent permettent de disposer de suffisamment
d'éléments pour identifier une série de critères. Ces derniers, clairement
définis, permettent ensuite l'élaboration d’une grille. À l’aide de celle-ci, le
… À propos du concept de didactique ! +

cer
lecteur peut alors analyser les tendances des différentes définitions du con-
cept de didactique proposées dans la littérature. Elles sont légion et un lecteur
attentif ne peut les accepter sans en avoir dégagé, analysé et critiqué le con-
tenu. Sur base des paragraphes qui précèdent, cinq critères semblent incon-
tournables pour analyser ces définitions :
(1) les trois partenaires (élèves, enseignant, savoir) sont évoqués (ou
non) dans la définition;
(2) l'interaction entre ces trois pôles est privilégiée (ou non) dans la
définition;

(3) l'orientation vers l’action est précisée (ou non) dans la définition;
(4) le savoir codifié, inscrit dans une discipline scolaire, est systéma-
tiquement pris en compte (ou non) dans la définition;
(5) une intention d'enseignement et d'apprentissage est exprimée
(ou non) dans la définition.

Par ailleurs, chaque définition peut s'inscrire dans au moins une des
trois orientations classiquement retenues pour classer les travaux des cher-
cheurs en didactique (Halté, 1992; Lemoyne, 1996) :
(1) la réflexion porte prioritairement sur les objets d'enseignement; la
dominante est épistémologique;
(2) la réflexion porte prioritairement sur les conditions d’appropria-
tion du savoir, la dominante est psychologique;
(3) la réflexion porte prioritairement sur l'intervention didactique, la
dominante est praxéologique.

L'ensemble de ces huit éléments permet la construction d’une grille


d'analyse des définitions proposées dans la littérature. Dans les lignes qui sui-
vent, deux exemples d'analyse sont suggérés au lecteur à qui il sera ensuite
conseillé d'analyser, à l’aide de la même grille, une série de définitions relevées
dans les textes des didacticiens.

5,2 Premier exemple : analyse de la définition


de Plaisance et Vergnaud (1993 : 56)
«La didactique peut être définie comme l'étude des processus d'apprentissage et
d'enseignement relatifs à un domaine de connaissance particulier : d'une discipline
ou d’un métier, par exemple. Elle s'appuie sur la pédagogie, la psychologie et, bien
entendu, les corps de savoir dont l'apprentissage est visé. Mais elle ne s'y réduit
pas >.
Créer des conditions d'apprentissage

cire | Éléments correspondants


aux critères dans la définition |
| à

Quels sont les partenai-


res évoqués dans la défi-
nition analysée ?

Les élèves sont-ils pris en évoquant l'apprentissage,


considération ? l'élève est implicitement
pris en considération

L'enseignant est-il pris en évoquant l'enseignement,


considération ? l'enseignant est implicite-
ment pris en considération

L'objet d'enseignement et un domaine de connaissance


d'apprentissage est-il pris particulier, une discipline ou un
en considération ? métier

La définition précise-
t-elle la solidarité entre
ces trois partenaires ?

Des interactions entre les la définition articule ensei-


trois partenaires sont-elles gnement et apprentissage
précisées de manière à ce à un domaine de connais-
qu'aucun d’entre eux ne sance, la solidarité entre
soit négligé ? ces trois partenaires est
donc implicite

La définition est-elle vers l'enseignement les processus d’enseigne-


orientée vers l’action ? et l'apprentissage ment et d'apprentissage
sont présentés comme des
objets d'étude

Le savoir est-il systéma-


tiquement pris en
compte ?

Une intention d’enseigne-


ment et d'apprentissage
est-elle évoquée ?

La définition présente-
t-elle une dominante
épistémologique ? (prio-
rité accordée aux savoirs
et à leur analyse)
… À propos du concept de didactique ! 75

éments correspondants |
‘tauxcritèresdans la dénition
: Commentaires
La définition présente- la des présente une FE auteurs précisent
t-elle une dominante nante psychologique parce cependant que la didactique
psychologique ? (priorité qu’elle est orientée vers l'étude ne se réduit pas à la psy-
accordée aux processus des processus d'enseignement chologie (ni à la pédagogie,
d'apprentissage) et d'apprentissage ni aux autres corps de
savoir dont l'apprentissage
est visé)

La définition présente-
Fe)
t-elle une dominante
praxéologique ?
(priorité accordée à
l'intervention didactique)

Chacun des éléments de la définition de Plaisance et Vergnaud (1993 :


56) est ainsi dégagé. La dominante psychologique de cette approche apparaît
nettement puisque ces auteurs développent une approche orientée vers l’étu-
de des processus d'enseignement et d'apprentissage. Le regard sur les proces-
sus d'enseignement pourrait laisser croire à une dominante praxéologique,
cependant il ne s’agit là que d'objets d'étude.

5.3 Second exemple :


analyse de la définition de Bronckart (1989 : 54)
«La première caractéristique (..) est le souci d'efficacité, sur le terrain même de l’en-
seignement, dans les institutions de formation telles qu'elles sont (...); elle constitue
donc une discipline d'action, ou une technologie au sens général du terme. La secon-
de caractéristique de la didactique est son souci d'intégrer, dans cette recherche d'ef-
ficacité, les acquis de plusieurs disciplines de référence et, singulièrement, des
disciplines ayant trait aux processus d'enseignement, d'apprentissage et/ou d'acqui-
sition. Toute didactique constitue de la sorte une démarche charnière, située à l’inte-
raction de deux domaines, ou de deux états de faits : l’état de l’enseignement d'une
matière scolaire, et l’état des différentes disciplines scientifiques de référence ».

re | : Éléments correspondants
Commentaires
| aux critères dans la définition

Quels sont les partenaires


évoqués dans la définition
analysée ?

Les élèves sont-ils pris en évoquant l'apprentissage,


considération ? l'élève est implicitement
évoqué
Créer des conditions d'apprentissage

Éléments correspondants
Critères
aux critères dans la définition Commentaires
L'enseignant est-il pris en évoquant l'enseignement,
considération ? l'enseignant est implicite-
ment pris en considération

|L'objetd'enseignement et la seconde caractéristique de la


d'apprentissage est-il pris didactique est son souci d’inté-
en considération ? grer les acquis de plusieurs disci-
plines de référence dont les
disciplines ayant trait au contenu
de l’enseignement
=
La définition précise-t-elle
la solidarité entre ces trois
partenaires ?

Des interactions entre les cette dimension est peu


trois partenaires sont-elles explicite
précisées de manière à ce
qu'aucun d’entre eux ne soit
négligé

La définition est-elle la première caractéristique de la


orientée vers l’action ? didactique est le souci d'efficacité
Sur le terrain; elle constitue une
discipline d'action

Le savoir est-il systémati- oui


quement pris en compte ?

Une intention d’enseigne-


ment et d'apprentissage
est-elle évoquée ?

La définition présente-
t-elle une dominante
épistémologique ?
(priorité accordée aux
savoirs
et à leur analyse)

La définition présente-
telle une dominante
psychologique ?
(priorité accordée aux pro-
cessus d'apprentissage)

La définition présente- la didactique est présentée


t-elle une dominante comme une discipline d'action
praxéologique ? (priorité
accordée à l'intervention
didactique)
… À propos du concept de didactique ! 77

La principale caractéristique de la définition de Bronckart (1989 : 54)


est de présenter la didactique comme une discipline d’action, la dominante est
praxéologique. Par rapport à la définition de Plaisance et Vergnaud (1993),
Bronckart oriente sa démarche vers l’action alors que Plaisance et Vergnaud
considèrent les processus d'enseignement et d'apprentissage comme des
objets d'étude.

° UN EXERCICE D'ANALYSE DE DÉFINITIONS


Objectif
analyser les définitions du concept de didactique à l’aide du tableau de
classification proposé (outil n° 1).

Consignes
Pour réaliser cet exercice, le lecteur peut appliquer les consignes
suivantes :
— Une série de définitions sont relevées dans la littérature francophone
à propos du concept de didactique. Après avoir lu attentivement cha-
cune d’entre elles, il est suggéré de leur appliquer la grille de critères
utilisée pour les deux définitions analysées antérieurement.
— Après avoir analysé chacune de ces définitions, le lecteur peut en éta-
blir une classification en reprenant les trois dominantes évoquées
dans la grille d'analyse. Cette classification peut se concrétiser à l’aide
de l’outil n° 1 (dans lequel les 2 définitions analysées sont déjà
placées). ,
Outils »
Deux outils sont proposés pour réaliser cette analyse :
— outil n° 1 : un tableau de classification.
— outil n°2 : un tableau des critères;

Tableau de classification

Épistémologique
(la définition accorde la priorité à l'étude des
contenus d'enseignement et d'apprentissage)

Psychologique Plaisance et Vergnaud (1993 : 56);


(la définition accorde la priorité à l'étude des
processus d'apprentissage)

Praxéologique Bronckart (1989 : 54).


(la définition accorde la priorité à l'action)
78 Créer des conditions d'apprentissage

Tableau des critères

| Éléments correspondants | HR Rere


Critères aux critères dans la définition | «omta |

Quels sont les partenaires évoqués


dans la définition analysée ?

Les élèves sont ils pris en


considération ?

L'enseignant est-il pris en


considération ?

L'objet d'enseignement et d’apprentis-


sage est-il pris en considération ?

La définition précise-t-elle la soli-


darité entre ces trois partenaires ?

Des interactions entre les trois parte-


naires sont-elles précisées de manière
à ce qu'aucun d’entre eux ne soit
négligé ?

La définition est-elle orientée


vers l’action ?

Le savoir est-il systématiquement


pris en compte ?

Une intention d'enseignement et


d'apprentissage est-elle évoquée ?

La définition présente-t-elle une


dominante épistémologique ?
(priorité accordée aux savoirs
et à leur analyse)

La définition présente-t-elle une


dominante psychologique ?
(priorité accordée aux processus
d'apprentissage)

La définition précente-t-elle une


dominante praxéologique ?
(priorité accordée à l'intervention
didactique)
… À propos du concept de didactique !

Définitions à lire, à analyser, à critiquer et à classer


Un échantillon de dix définitions à propos du concept de didactique
couvrant une décennie (1985 à 1995) est proposé au lecteur. À l’aide des deux
outils qui précèdent, une lecture critique peut en être faite. Une revue de la
littérature à propos du concept de didactique (Gagnon, 1993) couvre plu-
sieurs centaines d’écrits et pratiquement autant de définitions. Un échantillon
de ces définitions a été analysé à l’aide de méthodes lexicométriques (Larose,
Jonnaert et Lenoir, 1996). Plusieurs constantes s’en dégagent, les définitions
qui suivent ont été sélectionnées afin de fournir un échantillon suffisamment
représentatif des tendances dégagées de ces analyses. Les critères retenus
pour concevoir la grille d'analyse des définitions des didactiques par les didac-
ticiens sont issus de ces analyses.
Les définitions sont disposées selon un ordre chronologique, en com-
mençant par la moins récente.
GLASER (1985)
«(.…) les situations didactiques sont des systèmes régulés tels que :
elles mettent en jeu trois types d’actants : un domaine d’étude, des étudiants avec
l'intervention d'agents extérieurs ;
ces actants soient impliqués dans un projet commun relevant de la finalité commune
de la situation didactique. Une tâche leur est proposée avec des consignes précises.
En outre, chacun des actants poursuive ses finalités propres. Ainsi apparaissent des
conflits de finalité se résolvant parfois par des compromis et obéissant à des principes
d'optimisation ».
Glaser (1985 : 55)
MEIRIEU (1986)
«Entrer dans la didactique impose donc d'abandonner la polémique et d'assumer la
complexité : ne pas se laisser aspirer par l’un des pôles du triangle; ne pas, non plus,
se laisser enfermer dans des rapports binaires — formateur/apprenant, formateur/sa-
voir, savoir/apprenant — mais introduire toujours cette tierce réalité qui brise, selon
les cas, les velléités séductrices du grand frère qui n’a, «au fond rien de bien impor-
tant à vous apprendre», les complaisances narcissiques de qui n’expose son savoir
que pour se savoir savant et les démissions tranquilles de celui qui croit qu'il faut lais-
ser toujours l'élève se débrouiller tout seul. Au premier la didactique impose de
prendre en compte la dimension du savoir et de ses exigences, au second de se cen-
trer sur l’apprenant, au troisième de ne pas abandonner son rôle de médiateur. Pour
tous les trois, une tierce réalité permet de se dégager de la captation et d'accéder à
la lucidité, de renoncer au fantasme de la toute puissance pour avoir enfin prise sur
le réel».
Meirieu (1986 : 33)

MaAUDET (1987)
«La didactique, dans la mouvance du courant français de didactique des mathémati-
ques et des sciences, sera définie comme un projet de faire approprier à un sujet un
savoir. Le champ de la didactique comporte donc un recours à toutes les sources sus-
ceptibles d'expliquer les processus de formation intellectuelle : psychologie, biologie,
épistémologie, linguistique, … La didactique étudie l’évolution des interactions entre
un savoir en voie de construction, un système éducatif et des élèves; cette étude a
pour but d’optimiser les modes d'appropriation par le sujet de ce savoir. Il n'est de di-
dactique — pour l’école française — qu’appliquée à une discipline ».
Maudet (1987 : 5 et 6)
80 Créer des conditions d'apprentissage

TocHon (1989)

«Cet article présente la didactique sous l'angle de son fondement épistémologique


qui est l'organisation du sens dans le temps. (...)
Je définirai dans ce contexte la didactique comme l'organisation des matières scolai-
res dans le temps sous la forme d’une anticipation préactive ou postactive (avant ou
après l'interaction avec les élèves), alors que la pédagogie relève de la gestion inte-
ractive du temps imparti aux matières scolaires. (...)
La didactique dans son rôle planificateur à moyen et à long terme, concerne de nom-
breux théoriciens depuis des décennies dans la tentative de codifier le temps accordé
aux contenus scolaires.
Elle opère une généralisation des situations d'enseignement et élabore un efficace
préalable dont les desseins peuvent être couchés par écrit».
Tochon (1989 : 31 et 32)
GioRDAN (1989)
«La D.S. (didactique des sciences) n'est ni l'organisation de la matière, ni une simple
substitution aux sciences de l'éducation, c'est une nouvelle démarche qui s’apparen-
te «par analogie aux recherches médicales ou aux sciences de l'ingénieur» (Giordan
et Martinand, 1984). Elle se situe dans une optique intégratrice : le développement de
l'apprenant, envisagé dans un rapport nouveau (souvent difficile) entre savoir scien-
tifique et contexte éducatif. Son but n’est pas de produire des recettes pédagogiques
mais de développer une palette d'outils diversifiés, nécessaires soit au praticien, pour
aider les apprenants dans la construction des savoirs, soit aux décideurs afin de per-
mettre des décisions justifiées et pesées aux divers plans du processus éducatif ou
culturel (programme, emploi du temps, formation etc.)».

Giordan (1989 : 17 et 18)

CHEVALLARD ET JOHSUA (1991)

«Le didacticien des mathématiques s'intéresse au jeu qui se mène — tel qu'il peut
l'observer, puis le reconstruire en nos classes concrètes — entre un enseignant, des
élèves et un savoir mathématique. Trois places donc : c'est le système didactique.
Une relation ternaire : c'est la relation didactique. Voilà la base du schéma par lequel
la didactique des mathématiques peut donc entreprendre de penser son objet. Sché-
matisme fruste, sans doute, mais dont la vertu première est de mettre à distance les
perspectives partielles où l’on a trop longtemps, et vainement, cherché une élucida-
tion satisfaisante des faits les mieux attestés : telle la trop fameuse «relation ensei-
gnant-enseigné », qui a obscurci, pendant deux décennies au moins, l’abord des faits
didactiques les plus immédiatement transparents. Schéma polémique, fonctionnant
en rectification d'une erreur trop longtemps maintenue. Mais cela posé, c'est-à-dire
dès lors qu'il devient possible de parler de ce troisième terme, si curieusement
oublié : le savoir, une question peut se formuler, qui donne à la polémique son véri-
table tranchant : ce qui, dans le système didactique vient à paraître à l'enseigne du
Savoir, qu'est-ce donc ? Le «savoir enseigné » que, concrètement, l'observateur ren-
contre, quel rapport entretient-il à ce qui de lui alentour se proclame ? Et quel rapport
encore avec le «savoir savant», celui des mathématiciens ? Des uns et des autres,
quels écarts ?»

Chevallard et Johsua (1991 :13 et 14)

Bru (1991)
« (-..) lllustrons notre propos et représentons le champ principal d'investigation par ce
qu'il est convenu d'appeler le triangle didactique. Ses trois sommets marquent la
spécificité des réflexions respectivement sur :
… À propos du concept de didactique ! 81

— les savoirs (S)


— l'apprentissage (A)
— l’enseignement (E)
La recherche en didactique ne peut être réduite à l’un ou l’autre des trois pôles. Con-
Sidérées séparément, l'épistémologie et l'analyse des savoirs, la psychologie de l'ap-
prentissage ou la méthodologie de l’enseignement ne sont que des composantes du
champ didactique. La prise en compte des trois pôles et surtout de leurs relations per-
met de dépasser la seule juxtaposition. || sera par exemple intéressant de se deman-
der quelles sont les représentations initiales des savoirs chez l'élève (relation S-A);
ou de poser les problèmes de transposition didactique (relation S-E); ou bien encore
de chercher à savoir comment, en fonction de leurs profils, les élèves réagissent dif-
féremment à un activité proposée par l'enseignant (relation E-A)...
Ainsi la complémentarité des approches devient évidente; il n’est pas difficile de se
persuader que la didactique dépasse dorénavant les seules questions d'organisation
des savoirs en vue de leur transmission comme elle dépasse d’ailleurs aussi les seu-
les questions de psychologie cognitive ».

Bru (1991 : 28 et 29)

BROUSSEAU (1994)
«La didactique des mathématiques serait donc la science des conditions spécifiques
de la diffusion des connaissances mathématiques.
Cette définition devrait encore être élargie car il est établi que la diffusion entraîne et
requiert des transformations des savoirs, et qu’elle ne se produit qu’en fonction de
l’activité cognitive propre des systèmes en interaction. La didactique devrait donc
aussi inclure (ou être incluse dans) l'étude des conditions et de l'existence (et donc
aussi de l'apparition voire de la création) des connaissances mathématiques. Cette
extension engloberait l’'épistémologie classique tout entière à laquelle elle adjoindrait
un volet expérimental et qu'elle ouvrirait à des approches nouvelles comme l’appro-
che anthropologique,
La didactique des mathématiques se place ainsi dans le cadre des sciences cogniti-
ves comme la science des conditions spécifiques de la diffusion des connaissances
mathématiques utiles au fonctionnement des institutions humaines ».
Brousseau (1994 : 52)

DEVELAY (1994)
«Les didactiques des disciplines enseignées empruntent à l'épistémologie du savoir
dont elles ont la responsabilité, aux psychologies et aux sciences pédagogiques pour
observer, analyser, comprendre, en situation scolaire le plus souvent (de la maternel-
le… jusqu'à l'Université plus rarement), en situation extra-scolaire parfois (création et
évaluation d'expositions, de documents de vulgarisation, ….), les interactions entre
l'enseignement et l'apprentissage. (...)
Les concepts de la didactique permettent d'interroger trois champs de réflexion : les
savoirs en jeu (...), les structures cognitives des apprenants en tant que sujets épis-
témiques (...), les pratiques pédagogiques incluant les méthodes d'apprentissage mi-
ses en œuvre (...).
Ces trois domaines en interaction peuvent alors donner naissance à une approche
systémique de l’enseignement et suggérer une réponse à des questions aujourd'hui
centrales telles que la prise en compte de l’hétérogénéité des élèves.
(..) La didactique est à ranger alors du côté de la praxéologie de l'éducation cognitive
qui se réclame d'une approche multiréférentielle au plan méthodologique, intégrant
entre autres des approches historico-génétiques, empiriques, comparatives et
philosophiques ».
Develay (1994 : 79 et 81)
82 Créer des conditions d'apprentissage
LE
ECSSE EEE CE]

RAVENSTEIN (1995)
«La didactique est une discipline récente. Elle tient sa spécificité de sa volonté clai-
rement annoncée de vouloir se constituer comme une science à part entière dans un
cadre plutôt poppérien, se distinguant de la pédagogie, essentiellement en évitant de
s'orienter à partir de visées prescriptives. L'originalité la plus grande de l'approche di-
dactique est qu’elle s'intéresse à l'intention d'enseigner et d'apprendre des savoirs
particuliers, se déprenant de ce qu'elle désigne comme une illusion et qu'on pourrait
énoncer ainsi : seul importe le type d'expérience qu'on propose pour l'apprentissage,
l'heuristique faisant le reste ».
Ravenstein (1995 : 119)

5.4 Que retenir ?

Peut-on définir les didactiques des disciplines ?


Un premier constat : la grande variété des approches
(1) L'analyse de chacune de ces définitions permet de dégager une série de constantes qui cor-
respondent aux cinq premiers critères de la grille d'analyse : (critère n° 1) l'évocation des
trois partenaires en interaction dans la relation didactique; (critère n° 2) la prise en compte
de la solidarité fonctionnelle des trois familles de variables; (critère n° 3) l'orientation de la
définition vers la praxis; (critère n° 4) la prise en compte systématique du savoir; (critère
n° 5) la formulation d’une intention d'enseignement et d'apprentissage.
La grande diversité des approches apparaît également à la lecture de ces définitions. Ces
différentes orientations correspondent aux trois derniers critères de la grille : (critère n° 6)
une dominante épistémologique; (critère n° 7) une dominante psychologique; (critère n° 8)
une dominante praxéologique.

5.5 Quelques références pour aller plus loin


— Astolfi, J.-P., Darot, E., Ginsburger-Vogel, Y. et Toussaint, J. (1997).
Pratiques de formation en didactique des sciences. Bruxelles : De
Boeck.
— Cornu, L. et Vergnioux, A. (1992). Les didactiques en questions.
Paris : Hachette.
— Jonnaert, Ph. (1991c). Didactique : évolution d'un concept, naissance
d'une discipline. Pédagogie, (1), 97-111.

5.6 Concepts-clés du paragraphe


didactique - critères - définitions - diversité
.
… À propos du concept de didactique !

6. NOTRE APPROCHE DU CONCEPT DE DIDACTIQUE


À la recherche d'un paradigme
pour les didactiques!

6.1 Introduction

Sur base des analyses des définitions du concept de didactique nous


pouvons aujourd’hui en dégager les constituants essentiels. Ce concept reste
cependant au centre de discussions et ne rencontre, à ce jour, aucun consen-
SUS.
Partant d’une approche générale du concept de didactique (Caillot,
1992), nous en proposons ensuite une conception qui reprend les éléments is-
sus de l'analyse de la littérature francophone contemporaine à propos des di-
dactiques. Pour ce faire, nous sommes partis d’une banque regroupant
plusieurs centaines de définitions du concept de didactique (Gagnon, 1993).
Nous les avons analysées, par ce travail nous avons identifié les éléments les
plus récurrents présents dans les définitions. Enfin, nous proposons une orga-
nisation de ceux-ci en une définition opérationnelle du concept de didactique.

6.2 Une approche générale du concept


Caillot (1992 : 273) suggère une définition générale du concept de di-
dactique. Pour ce dernier, la «Didactique» est un champ de recherches dans
_le domaine de l’éducation qui se réfère à une discipline particulière
d'enseignement : «(...) son propos est l'étude de l'appropriation d’un con-
tenu disciplinaire précis (...) en situation scolaire ou de formation. Qui
dit appropriation renvoie immédiatement à la question de l’apprentissa-
ge et de ses conditions (...)».
Caillot inscrit la didactique dans le champ des sciences de l'éducation
et place la question de l’apprentissage au cœur de son approche. Cette pers-
pective est corroborée par Vergnaud (1994 : 5) lorsqu'il précise que les tra-
vaux actuels des didacticiens des disciplines s'intéressent particulièrement à
l'apprentissage scolaire. Les didacticiens apportent un regard neuf sur l’ap-
prentissage scolaire et leur contribution en ce domaine est aujourd’hui incon-
testable.
La définition de Caillot (1992) se centre essentiellement sur un des
objets de la recherche en didactique : les processus d'apprentissage d’une dis-
cipline scolaire. Elle présente l'avantage d’être universelle et transférable à de
nombreuses didactiques des disciplines. Elle reste cependant très large.
Develay (1994 : 79-81), dans la définition que nous avons citée dans
le paragraphe précédent, utilise le mot «didactique» en l’écrivant au pluriel.
Cette définition laisse transparaître le caractère hybride des didactiques. Ces
dernières empruntent à différentes disciplines des éléments plus ou moins
84 Créer des conditions d'apprentissage
LS DESSERT

importants pour constituer leurs propres corpus théorique et méthodologi-


que. Mais, pour Develay (1994), comme pour Caillot (1992), l'objet essentiel
des didactiques des disciplines reste l'étude des interactions entre l’enseigne-
ment et l'apprentissage dans un contexte de diffusion et d'acquisition des sa-
voirs (en milieu scolaire ou non; Develay intègre les processus de vulgarisa-
tion parmi les objets des didactiques).
La définition la plus citée dans la littérature des didacticiens est cer-
tainement celle de Brousseau (1986). Une analyse de cette dernière permet
de retenir quelques composantes essentielles du concept de didactique, à
condition de toujours relier ce terme au nom de la discipline scolaire pour la-
quelle elle développe un projet particulier d'enseignement et d'apprentissage.
Partant de l’ensemble des éléments ainsi dégagés, nous pouvons écri-
re une première approche générale du concept de didactique.
D'une façon générale, la didactique d’une discipline scolaire étudie les
processus de transmission et d'acquisition des connaissances relatives à cette
discipline. Actuellement, les didactiques des disciplines [essentiellement la di-
dactique des mathématiques, (Margolinas, 1993)] se caractérisent par un ef-
fort de théorisation de type scientifique. Pour certains (Houdement et
Kuzniak, 1996), sa fonction première ne serait pas de donner des modèles à
l'enseignant. Cette perspective n'exclut cependant pas la formulation, par les
didacticiens, de pistes d'action pour l’enseignement et l'apprentissage de la
discipline scolaire concernée.
Cette définition de la didactique d’une discipline scolaire peut être
transposée à de nombreuses didactiques, à condition de préciser chaque fois
la discipline scolaire concernée.
Par ailleurs, toute didactique d’une discipline est toujoursà replacer
dans son contexte social et institutionnel particulier, celui de l’école qui déve-
loppe, pour cette discipline scolaire, des projets particuliers d'enseignement
et d'apprentissage. Brun et Conne (1990 : 262) replacent clairement le con-
cept de didactique dans cette perspective : «(...) à nos yeux, ce que la di-
dactique prend explicitement en charge dans sa problématique et dans
sa théorisation de l'acquisition des savoirs, c’est la volonté d'enseigner,
projet de nature sociale, inscrit dans des institutions. (.….)».
Cette volonté d'enseigner (Brun et Conne, 1990) entraîne nécessaire-
ment différents effets :
(1) elle provoque un processus de construction de connaissances
chez les apprenants;
(2) elle définit les fonctions que doit jouer l'enseignant;
(3) elle définit le rôle que doit jouer l’apprenant;
(4) elle modifie les savoirs reliés aux disciplines pour lesquelles il ya
cette volonté d'enseigner.
… À propos du concept de didactique ! 85

«(...) Cette volonté d'enseigner entraîne une intervention sur un processus de forma-
tion des connaissances, processus que nous présupposons chez les enfants en —-
référence aux études de psychologie et d'épistémologie génétique: elle transforme
en élèves et en maîtres des sujets sur lesquels les psychologies (génétique, sociale,
cognitive, clinique, etc.) nous fournissent des résultats importants; on aimerait parfois
se satisfaire de ces résultats importants et de ces problématiques pour en déduire
des interventions ou pour chercher à les éviter. Cette volonté d'enseigner modifie
également les mathématiques elles-mêmes (voir le processus de transposition
didactique, Chevallard, 1980; Conne, 1981; ..), mathématiques dont l'histoire et
l'épistémologie constituent des ressources indispensables pour penser l'en-
seignement».
Brun et Conne (1990 : 262)

6.3 Une définition du concept de didactique


De l’ensemble de ces éléments, nous pouvons répondre à une série de
questions à propos des didactiques des disciplines et cerner ainsi une défini-
tion spécifique d’une didactique d’une discipline particulière.

6.3.1 Une série de questions...


1. Une didactique d’une discipline est-elle une discipline autonome ?
Les didactiques des disciplines s'inscrivent toujours dans un rapport
étroit avec la discipline scolaire pour laquelle elles développent un
projet social et institutionnel d'enseignement et d'apprentissage. Cha-
que didactique est tributaire d’une discipline scolaire. Ainsi, la didac-
tique des mathématiques ne peut se développer indépendamment des
mathématiques à propos desquelles elle étudie les processus de trans-
mission et d'acquisition. Enfin, la didactique d’une discipline ne peut
jamais se définir indépendamment des finalités de l’enseignement
même de cette discipline, ni du type de personnes que la société sou-
haite que l’école forme.
Par ailleurs, les didactiques des disciplines élaborent leurs théories et
valident leur méthodologie en réalisant de nombreux emprunts à
d’autres disciplines (psychologie cognitive, psychologie sociale, psy-
chologie du développement, pédagogie, sociologie, philosophie, épis-
témologie, ….).
Les didactiques des disciplines sont en émergence, elles n’ont pas en-
core assuré leur réelle autonomie, bien que certaines didactiques
(comme la didactique des mathématiques et la didactique des scien-
ces) aient développé un corpus théorique qui permet d'envisager pro-
gressivement leur développement propre.
2. Où sont localisées les didactiques des disciplines ?
Certains auteurs (Develay, 1994) élargissent le champ des didacti-
ques à tout processus de formation et aux processus de vulgarisation
scientifique. Dans cet ouvrage, nous contextualisons essentiellement
Créer des conditions d'apprentissage

les didactiques dans l’environnement social et institutionnel de


l'école À.
La plupart du temps, les didactiques des disciplines sont localisées
dans les lieux de formation initiale et continue des enseignants. La di-
dactique d’une discipline se présente comme une composante gran-
dissante de la formation initiale et continue des enseignants (Astolfi
et al., 1997 : 5) et de celle des personnes chargées de la communica-
tion en général. Les centres de recherche en didactique des discipli-
nes se retrouvent le plus souvent aux endroits où sont formés les
enseignants : départements universitaires de formation des ensei-
gnants, Écoles Normales, IUFM, centres de formation continue des
enseignants. Les didactiques des disciplines font de plus en plus
souvent l’objet d'un enseignement spécifique pour les futurs ensei-
gnants. Une formation à l’enseignement qui ferait l'économie de l’en-
seignement des didactiques des disciplines envisagées par la
formation (par exemple didactique du «Français langue maternelle »
pour de futurs enseignants du Français dans des régions francopho-
nes) serait nécessairement incomplète.

3. Peut-on envisager une didactique générale ?


Les didacticiens des disciplines réfutent pratiquement tous l’idée
d'une didactique générale. Toute didactique est reliée à une discipline
particulière. Une didactique peut difficilement être rattachée à plu-
sieurs disciplines. Il serait malaisé pour un seul didacticien de maî-
triser à fond plusieurs disciplines scolaires afin d’en étudier les
processus de transmission et d'acquisition.
Nous ne pouvons toutefois pas faire abstraction des travaux actuels
qui permettent d'établir des liens fédérateurs entre les didactiques par
les méthodes et les concepts qu'elles utilisent. Même si les didactiques
se conjuguent au pluriel, des efforts existent pour dégager un certain
ordonnancement de ces perspectives (Jonnaert, 1991; Halté, 1992;
Jonnaert et Lenoir, 1993; Desvé, 1994; Raisky et Caillot, 1996; ...).
Enfin, même si les didactiques sont systématiquement reliées à une
discipline, il n’est plus possible aujourd’hui de faire l'impasse sur
linterdisciplinarité. De plus en plus, les enseignants sont amenés à

12 Les auteurs de cet ouvrage fonctionnent essentiellement dans le cadre de la formation uni-
versitaire des enseignants et des enseignantes. Ils limitent donc volontairement le contenu de ce
livre à leur propre expérience de formateur, tant en formation initiale qu’en formation continue
des enseignantes et des enseignants. S'ils n'évoquent pas l'élargissement des didactiques comme
le souhaite Develay, ils ne le rejettent pas pour autant. Les didacticiens ont un important travail
à réaliser dans le domaine très vaste de la vulgarisation scientifique. Ils ont un rôle à jouer dans la
divulgation des savoirs scientifiques à travers différents média tels les musées, les revues et les
ouvrages de vulgarisation, la publicité, les émissions scientifiques diffusées à la télévsion, etc.
Toute forme de diffusion d’un savoir scientifique nécessite l'expertise d’un didacticien de cette
discipline.
… À propos du concept de didactique ! 87

participer à des projets interdisciplinaires. Au minimum, un dialogue


doit être établi entre les didactiques des disciplines. LS
S'il n'existe pas de didactique générale, des liens et des dialogues sont
de plus en plus recherchés entre les didactiques des disciplines.
4. À quoi s'intéressent les didactiques des disciplines ?
Les didactiques des disciplines s'intéressent aux processus de trans-
mission et d'acquisition des savoirs relatifs aux disciplines scolaires
dont elles portent un projet d'enseignement et d'apprentissage. En ce
sens, elles se préoccupent des interactions entre les processus d’en-
seignement et d'apprentissage à propos d’une discipline scolaire en
particulier.
Elles portent également un intérêt particulier aux diverses transfor-
mations que subit le savoir pour devenir un objet d'enseignement et
ensuite un objet de connaissance.
Mais le principal objet d'étude des didactiques des disciplines est le
rapport qui s'établit entre le savoir institutionnalisé et les connaissan-
ces de l’apprenant.

5. Quelles sont les finalités des didactiques des disciplines ?


Pour certains auteurs (Margolinas, 1993) la fonction première des di-
dactiques est de développer une théorisation de type scientifique. Ac-
tuellement, certaines didactiques des disciplines réalisent un effort
particulier pour constituer un corpus théorique suffisant et non com-
promettant à propos des didactiques des disciplines. Plusieurs essais
existent en ce sens, particulièrement en didactique des sciences (As-
tolfi et al., 1997; Johsua et Dupin, 1993; ...) et en didactique des ma-
thématiques (Margolinas, 1993; Brun, 1997; ...).
Cependant, les didactiques ont aussi une responsabilité à l'égard de la
discipline dont elles portent le projet d'enseignement et d’apprentis-
sage, voire de diffusion et de vulgarisation. En ce sens, la finalité de
toute didactique est d’abord de permettre à des apprenants de réaliser
avec succès des apprentissages scolaires à propos des savoirs relatifs
à une discipline scolaire : «La didactique des sciences est un champ
de recherches à la croissance rapide, qui s'inscrit dans la lignée
des travaux visant à préciser les objectifs de l’enseignement
scientifique, à en renouveler les méthodologies, à en améliorer
les conditions d’apprentissages >». Astolfi et al. (1997 : 5). Dès
lors, les didactiques des disciplines doivent fournir aux enseignants
des pistes d’action validées d'enseignement et d'apprentissage au dé-
part des résultats des recherches en didactique.
La finalité d’une didactique d’une discipline est d'améliorer les condi-
tions d'enseignement et d'apprentissage de cette discipline.

13 Souligné par nous.


88 Créer des conditions d'apprentissage

6. Existe-t-il des questions de recherche en didactique ?


Pour que des recherches puissent être menées dans une discipline, il
faut nécessairement qu’il y ait des questions auxquelles ces recher-
ches tentent de répondre. On peut donc actuellement caractériser
deux grandes catégories de questions de recherche en didactique des
disciplines : les questions «de» didactique et les questions «sur»
les didactiques.
Les questions «de» didactique sont celles dont les réponses per-
mettent d’une manière ou d’une autre d'améliorer les apprentissa-
ges d’une discipline scolaire donnée. Ces réponses peuvent
apporter un éclairage particulier aux processus d'apprentissage
eux-mêmes ou aux conditions d'apprentissage (dont font partie
les processus d'enseignement).
Les chercheurs en didactique accordent la priorité aux questions
«de» didactique. À leur tour, les questions de didactique peuvent
prendre trois orientations (Halté, 1992; Lemoyne, 1996) : (1) une
orientation épistémologique, (2) une orientation psychologique
ou (3) une orientation praxéologique (ces trois orientations ont
été définies au point 2.5.1).
EXEMPLE
Les recherches menées en didactiques des mathématiques pour valider une série de si-
tuations didactiques à propos des apprentissages numériques de base répondent à une
série de «questions de didactique » et ce dans les trois orientations proposées par Halté
ou par Lemoyne :
— des questions épistémologiques à propos du savoir mathématique en relation avec les
concepts numériques de base;
— des questions psychologiques à propos des processus cognitifs mis en place par l'élève
pour construire des connaissances mathématiques;
— des questions praxéologiques relatives à la manière de traiter les situations didacti-
ques en classe.
Les réponses à l'ensemble de ces questions devraient permettre d'améliorer l'enseigne-
ment et l'apprentissage des concepts numériques de base.
Les questions «sur» les didactiques sont celles dont les répon-
ses apportent un éclairage particulier sur les didactiques elles-
mêmes ou sur les concepts utilisés par les didactiques des disci-
plines. Les approches sont sociologiques, épistémologiques, com-
paratives, historiques, ..…., elles ne sont pas didactiques. Elles
permettent par exemple de dégager des liens pertinents entre les
différentes didactiques des disciplines ou de retracer les fonde-
ments épistémologiques des concepts utilisés par les didacticiens.
Les questions «sur» les didactiques ne sont pas nécessairement
posées par des didacticiens, elles intéressent les sociologues, les
épistémologues, les historiens, … Leurs réponses n’apportent pas
nécessairement des éléments qui permettent d'améliorer les
apprentissages d’une discipline donnée.
… À propos du concept de didactique ! 89

EXEMPLE
Les premiers travaux d'histoire qui permettent de retracer l'évolution des didactiques ré- ELÉé
pondent à des questions «sur» les didactiques.
Il existe donc actuellement deux grandes catégories de questions de
recherches en didactique : les questions «de» didactique et les questions
«sur» les didactiques.

6.3.2 Une définition.

Les didactiques sont des disciplines en émergence dont les corpus


théoriques et méthodologiques sont en cours de construction et de validation.

Elles sont traditionnellement localisées dans les lieux de formation


initiale et continue des enseignants.

Elles s'intéressent aux processus de transmission et d'acquisition des


savoirs relatifs à une discipline scolaire particulière. Toute didactique est tri-
butaire d’une discipline scolaire de référence pour laquelle elle développe des
projets sociaux et institutionnels d'enseignement et d'apprentissage.

Lorsqu'elles répondent à des questions «de» didactique, la finalité des


recherches en didactique des disciplines est de permettre à des apprenants de
réaliser avec succès des apprentissages à propos de savoirs relatifs à une dis-
cipline scolaire. Dans ce cas, l’objet premier de ces recherches est le rapport
que l’apprenant établit entre ses connaissances et le savoir institutionnalisé.

Lorsqu'elles répondent à des questions «sur» les didactiques, leur fi-


nalité est de développer un «méta-savoir» théorique sur les didactiques (ap-
proches comparatives; approches épistémologiques; approches historiques;
..) ou un savoir théorique sur une didactique (développement d’un corpus
théorique à propos d’une didactique d’une discipline).

6.4 Que retenir ?

A la recherche d’un paradigme pour les didactiques


Second constat : des éléments récurrents à travers les définitions analysées.
(1) Les didactiques des disciplines s'inscrivent dans un rapport étroit avec la discipline scolaire
pour laquelle elles développent un projet social et institutionnel d'enseignement et d'appren-
tissage.
(2) Les didactiques des disciplines sont contextualisées dans l'environnement social et institu-
tionnel de l’école et plus particulièrement celui de la formation initiale et continue des maf-
tres. Cette localisation stricte ne peut cependant être limitative et n'exclut pas la place que
doivent prendre les didacticiens dans tout processus de diffusion et de vulgarisation des
savoirs.
(3) D'une façon quasi unanime, les didacticiens réfutent l'idée d'une didactique générale, indé-
pendante d’une discipline scolaire; nous ne pouvons toutefois pas nier les travaux qui per-
mettent d'établir des liens fédérateurs entre les didactiques à travers les concepts et les
méthodes qu’elles utilisent.
90 Créer des conditions d'apprentissage
rer

(4) L'analyse des travaux de recherche des didacticiens permet de dégager essentiellement
deux catégories de questions de recherche :
— a) les questions «de» didactique dont les réponses permettent d'améliorer d'une
manière ou d’une autre les processus d'enseignement et d'apprentissage d’une disci-
pline scolaire;
— b) les questions «sur» les didactiques dont les réponses permettent de mieux compren-
dre les concepts didactiques et les didactiques elles-mêmes.
OoES
ns
Lorsqu'’elles répondent à des questions «de» didactique, la finalité des didactiques est de
permettre à un apprenant de réussir des apprentissages à propos d'une discipline scolaire;
en ce sens, les didactiques des disciplines s'intéressent aux interactions entre les processus
d'enseignement et les processus d'apprentissage; dans cette perspective, les didactiques
des disciplines étudient également les transformations que subit le savoir pour devenir un
objet d'enseignement, ensuite un objet de connaissance.
(6Sr L'objet premier des recherches répondant à des questions «de» didactique est le rapport
que les apprenants établissent entre leurs propres connaissances et le savoir institutionna-
lisé.
(?) Lorsqu'elles répondent à des questions «sur» les didactiques, la finalité des didactiques est
de développer un savoir théorique sur une ou sur plusieurs didactiques des disciplines.
(8) Les didactiques des disciplines élaborent leur corpus théorique, méthodologique et scienti-
fique en effectuant de nombreux empruntsà d’autres disciplines.
(9) Les didactiques des disciplines fournissent, au départ des résultats de leurs recherches, des
pistes d'action validées d'enseignement et d'apprentissage aux enseignants.

6.5 Quelques références pour aller plus loin.


— Altet, M. (1994). La formation professionnelle des enseignants.
Paris : PUF.
— Astolfi, J.-P., Darot, E., Ginsburger-Vogel, Y. et Toussaint, J. (1997).
Le guide du formateur en didactique des sciences. Bruxelles : De
Boeck.
— Astolfi, J.-P., Darot, E., Ginsburger-Vogel, Y. et Toussaint, J. (1997).
Mots-clés de la didactique des sciences. Repères, définitions, bi-
bliographie. Bruxelles : De Boeck-Université.
— Caravolas, J. A. (1994). La didactique des langues. Précis d’histoi-
re. Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal.
— Halté, F. (1992). La didactique du français. Paris : PUF.
— Johsua, $. et Dupin, J.-J. (1993). Introduction à la didactique des
sciences et des mathématiques. Paris : PUF.
— Puren, Ch. (1994). La didactique des langues étrangères à la croi-
sée des chemins. Paris : Didier - CREDIF.

6.6 Concepts-clés du paragraphe


didactique - didactique des disciplines - questions de didactique -
questions sur les didactiques - définition
… À propos du concept de didactique ! 91

7. LA RELATION DIDACTIQUE
… OÙ le lieu de convergence des questions
de didactique!

7.1 Introduction
Les principaux objets d'étude des didactiques des disciplines s’articu-
lent le plus souvent autour de la relation didactique ou d’une (ou de plu-
sieurs) de ses composantes en interaction avec les autres.
Le point de départ de toute relation didactique est l'intention nourrie
par quelqu'un (souvent un enseignant) de mettre en place les conditions pour
qu’une ou plusieurs autre(s) personne(s) (souvent des élèves) apprennent
avec succès un contenu d'apprentissage (souvent des contenus, qu'il s'agisse
ou non de savoirs, relatifs à une discipline scolaire).
Dès que cette intention est clarifiée d’abord, opérationnalisée ensuite,
mise en œuvre enfin, nous pouvons dire qu’une relation didactique se met en
place.
Ainsi, une relation didactique existe à partir du moment où des élèves
(ou tout autre type d’apprenants) se réunissent avec un enseignant (ou tout
autre médiateur) pour réaliser des activités (essentiellement des activités
d'apprentissage, mais pas exclusivement) à propos d’un contenu (il peut s’agir
de savoirs appartenant à des disciplines scolaires, des savoirs professionnels,
des savoir-faire, des savoir-être, ...) dans un cadre spatial déterminé (souvent
un local de classe) et pour une durée limitée (souvent un horaire scolaire).
La relation didactique est donc le lieu principal des travaux, des ques-
tionnements, des recherches, ..., des réflexions, des propos des didacticiens.
Il est donc important de clarifier ce concept dans un ouvrage de didactique.
Cette relation didactique est complexe car animée par une série de
composantes en interaction.

Mais quels sont ces éléments


quiconstituent larelation didactique ?
Après en avoir suggéré une approche générale, nous énumérons une
série de composantes de la relation didactique pour terminer par en proposer
une définition.

7.2 Les composantes de la relation didactique


Dans les lignes qui suivent, nous présentons de façon non hiérarchi-
que les composantes essentielles de la relation didactique. Chacune d’entre
elles est illustrée par un exemple concret :
(1) un ou des élèves (ou tout autre apprenant);
[par exemple, les élèves de la classe de 4 e primaire de l’école
communale de Rosseignies]
Créer des conditions d'apprentissage

(2) un ou des enseignants (ou tout autre médiateur) ;


[par exemple, le titulaire de la classe de 4 e primaire de ROS-
seignies, monsieur Jules Dardenne]
(3) la définition des intentions de la rencontre;
[par exemple, l'intention de mettre de l’ordre dans les don-
nées pluviométriques recueillies lors des observations réali-
sées par les élèves de cette classe de 4 e durant les mois
d'octobre et de novembre; ll peut s'agir également de trouver
une signification à ces données]
(4) un contenu, ou «objet» de la relation didactique (souvent identi-
fié comme étant un «savoir», mais le «savoir» n’est pas l’objet-
type de la relation didactique, il peut être autre);
[par exemple, une procédure mathématique pour calculer
des moyennes arithmétiques afin d'organiser les données du
relevé pluviométrique réalisé par ces élèves durant deux
mois de l’année scolaire]
(5) des interactions entre les élèves et le contenu;
[par exemple, une série d’interrogations et de conceptions de
ces élèves à propos du concept de «moyenne» et du «procédé
de calcul de la moyenne arithmétique »]
(6) des interactions entre l'enseignant et le contenu;
[par exemple, la mise en forme par l'enseignant de situations
qui permettent aux élèves, avec leurs conceptions, d'aborder
effectivement le concept de moyenne et la procédure de calcul
de la moyenne arithmétique]
(7) des interactions entre l'enseignant et les élèves indépendamment
du contenu;
[par exemple, des consignes pour l’organisation du travail en
équipes de manière à ce que chaque élève ait au moins une
tâche à réaliser au sein de l’équipe]
(8) des interactions directes entre l'enseignant et les élèves à propos
du contenu;
[par exemple, des échanges verbaux entre l'enseignant et
deux élèves à propos des procédures qu'ils utilisent pour trai-
ler la situation à laquelle ils sont confrontés]
(9) des interactions médiatisées entre l'enseignant, les élèves et le
contenu;
[par exemple, l’utilisation par les élèves de fiches de manipu-
lation préparées par l'enseignant pour effectuer les calculs de
moyenne]
(10) du matériel didactique;
[par exemple, un fichier réalisé par des élèves et contenant
une série de formules arithmétiques et des exemples de situa-
tions dans lesquelles ces formules sont utilisées]
… À propos du concept de didactique ! 93

(11) un temps;
[par exemple, l'horaire scolaire à l’intérieur duquel l’ensei-
gnant et les élèves ont fixé la durée de l’activité]
(12) un espace;
[par exemple, un local de classe]
(13) un contrat didactique;
[par exemple, le partage des responsabilités entre les élèves et
l'enseignant à propos des tâches à réaliser à propos de la dé-
couverte d’une procédure pour calculer une moyenne arith-
métique, mais aussi les attentes qu'enseignant et élèves ont
chacun les uns des autres à propos de cette tâche]
(14) le hasard;
[par exemple, l'absence de l'élève qui détient le relevé pluvio-
métrique des cinq premiers jours la dernière semaine
d'observation; cela nécessitera de calculer la moyenne sur
une base journalière plutôt que sur une base hebdomadaire]

Un contrat
Un matériel DE didactique
D (10 Le Nr B (13

FIGURE 8
É ps ]

La relation didactique
94 Créer des conditions d'apprentissage

Chaque nombre figurant entre parenthèses à côté d'une lettre correspond


au numéro d’une des composantes de la relation énumérées dans le
paragraphe précédent :

A (1) : un ou des élèves E-S (6) : des interactions entre


E (2) : un ou des enseignants l'enseignant et l'objet de la
S (4) : l'objet de la relation relation didactique
didactique B (13) : /e contrat qui régit la
E - À (7) : des interactions entre relation didactique
l'enseignant et les élèves C (12) : l’espace dans lequel se vit
indépendamment du contenu la relation didactique
A-S (5) : des interactions entre les D (10) : /e matériel didactique
élèves et l’objet de la relation utilisé
didactique H (14) : le hasard ou les faits
T (11) : le temps à l'intérieur contingents
duquel se déroule la relation
didactique

7.3 Une forte détermination.


Par les exemples évoqués et à travers le schéma de la figure 8, le lec-
teur constatera que la relation didactique est déterminée :
— par chacune des composantes prises individuellement;
— par les interactions que chacune d’entre elles entretient avec chaque
autre composante;
— parles interactions que plusieurs composantes entretiennent entre el-
les et avec d’autres composantes.

Par ailleurs, l’ensemble du déroulement de la relation didactique est


dynamisé de l’intérieur (1) par l'intention de l’enseignant de réaliser une acti-
vité bien particulière à propos d’un contenu ou d’un objet d'enseignement et
d'apprentissage; (2) par les règles que les uns et les autres s'imposent dans la
définition du contrat didactique; (3) par la volonté de chacun des partenaires
de jouer leur rôle dont, pour certains d’entre eux, celui d'élève; (4) par le ha-
sard ou les faits contingents.
De l'extérieur, la relation didactique s'inscrit nécessairement dans des
finalités éducatives qui déterminent la forme et le contenu des activités pro-
posées par l'enseignant à l’intérieur de l'institution scolaire (voir à ce propos
le chapitre suivant consacré à l’environnement scolaire).

7.4 Des composantes solidaires entre elles.


La première caractéristique d’une relation didactique est le nombre
important des interactions qui s'y passent et qui la déterminent. La seconde
est la solidarité fonctionnelle qui lie entre elles ces composantes. Une compo-
sante de la relation didactique peut être analysée pour elle-même et le cher-
cheur peut l’isoler pour l’étudier. De nombreux travaux de didacticiens ont,
… À propos du concept de didactique ! 95

par exemple, porté sur les conceptions des élèves à propos de concepts liés
aux disciplines scolaires 4. Mais le chercheur ne découvrira la signification de
la composante qu'il a isolée qu’à travers l'analyse des interactions qu’elle en-
tretient avec les autres dimensions de la relation didactique dont elle est ex-
traite. Par exemple, le lecteur peut retourner à l'illustration relative aux
«têtards» (point 2.4.3) et analyser les interactions entre les élèves et le con-
tenu dans cette relation didactique {il s’agit des conceptions de ces élèves à
propos du têtard] :

_ Quelle signification peut-il donner à la conception que cesélèves se fontduté.


tard affublé d'une «ventouse sur leventre» ? :

Seule l'analyse des échanges que les élèves ont entre eux à propos des
têtards qu'ils observent dans le bocal permettra de découvrir la signification
de cette conception. Dans l'analyse de ces conceptions, le matériel didactique
utilisé par l'enseignant, le bocal de verre, est probablement déterminant.
Le chercheur formulera sans doute différentes hypothèses qui met-
tent en interaction les conceptions des élèves et le matériel didactique. Il est
en effet peu probable que ces élèves se soient construit une telle conception
(«les têtards ont une ventouse sur le ventre») lors d’une observation de té-
tards au cours d’une activité dans un marais. Une analyse fine de cette con-
ception permettra sans doute au didacticien de dégager l'importance de
l'interaction avec l’environnement physique du phénomène observé (des té-
tards dans un bocal) lors de la construction par les élèves de cette conception.
Une analyse en surface permet, quant à elle, de ne dégager que quelques élé-
ments relatifs aux interactions sociales entre les élèves. Bref, une compréhen-
sion d’un des éléments de la relation didactique ne peut se faire qu’en
retraçant les liens qu'il établit avec les autres éléments de la relation didac-
tique.

Siles composantes de la relation didactique :sont très solidaires les unes avec
les autres, une composante est-elle plus importante que les autres 72

Deux composantes sont déterminantes dans toute relation didac-


tique : (1) le contenu de la relation didactique (souvent nommé le «savoir»),
(2) et le contrat didactique.

14 À ce propos, il est intéressant d'analyser les contenus des actes des journées pour l’ensei-
gnement scientifique tenues annuellement à Chamonix. Ces documents suivent l’évolution des
travaux en didactique des sciences depuis plus de quinze ans. Les premiers actes remontent à
1979 et témoignent d’un engouement particulier des chercheurs pour la problématique des con-
ceptions des élèves. Ils peuvent être obtenus à l'INRP : 29 rue d'Ulm, F. 75230 Paris Cedex 05.
Les Actes de l'Atelier International de Didactique de la Physique (La Lande les Maures,
1983) constituent un autre document intéressant à ce propos, ils peuvent être obtenus à
L.LR.E.S.PT, Université de Paris 7, 2 place Jussieu, F. 75231 Paris Cedex 05. Deux autres docu-
ments sont également intéressants car ils montrent bien le souci de l’époque de comprendre les
conceptions des élèves, préoccupation nouvelle en éducation : le Bulletin de Psychologie,
vol.32(340), 1979 et la Revue Française de Pédagogie, vol. 68, numéro de juillet, août et sep-
tembre 1983. Enfin, dès ses premiers numéros, la revue Recherche en Didactique des Mathé-
matiques présente des textes et des études sur les conceptions des élèves.
96 Créer des conditions d'apprentissage
PORT
AE TR SANDER

Le contenu ne peut être absent d’une relation didactique, c’est lui qui
en définit l'identité. Si le contenu est biologique, il est question de didactique
de la biologie; si le contenu est mathématique, il est question de didactique
des mathématiques, … et ainsi de suite. Même si une perspective interdisci-
plinaire est envisagée, il ne peut être question d’interdisciplinarité qu’en pré-
sence de deux disciplines au moins et de l'interaction entre les contenus de
ces dernières. À défaut, toute interdisciplinarité est illusoire. Le savoir est in-
contournable. Les rapports que chaque composante de la relation didactique
entretient avec ce savoir déterminent non seulement l'identité de la relation
didactique mais aussi tout le déroulement de cette dernière. Les mots clés de
la relation didactique sont «savoir» et «rapports entre les connaissances des
élèves et ce savoir». Sans «savoir», il n’y a pas de relation didactique.
Le contrat didactique quant à lui, définit la dynamique de la relation
didactique, il établit les règles du jeu et clarifie ce que chacun est en droit d’at-
tendre des autres. Il est incontournable. (Un chapitre ultérieur est consacré
entièrement à cette dimension très importante).
Mais même si ces deux composantes (un contenu et un contrat di-
dactique) ont un rôle majeur et déterminent la relation didactique, c’est dans
leurs interactions avec les autres composantes qu'elles acquièrent toute leur
signification.
Est-il possible de prendre en considération toutes les composantes et
toutes les interactions à l’intérieur d’une relation didactique ? Cela nous sem-
ble illusoire. Un tableau à double entrée reprenant uniquement les composan-
tes énumérées (il en est d’autres) et les croisant entre elles comprendrait déjà
144 cellules. Chacune de ces cellules peut à son tour être recombinée avec les
composantes de la relation didactique et ainsi de suite. La complexité de la re-
lation didactique explique, au moins partiellement, la complexité de la tâche
d'enseignement.

7.5 Quelques exemples d'interactions.

e INTERACTIONS ENTRE LES CONNAISSANCES DE L'ENSEIGNANT


ET L'OBJET DE L'APPRENTISSAGE
Cette interaction est souvent considérée comme évidente. Le mathé-
maticien estime que ses connaissances mathématiques sont suffisantes pour
enseigner les mathématiques. Mais, confronté à la relation didactique, ses pro-
pres connaissances sont souvent remises en question. Chaque relation didac-
tique, en fonction de l'objet d'apprentissage, exige de la part de l'enseignant
un travail sur ses propres connaissances. Aucun biologiste n’accepterait la
conception que ces élèves se font du têtard avec sa «ventouse». L'enseignant
de la biologie devra cependant composer avec cette dimension particulière
pour construire une situation didactique qui prenne en compte cette concep-
tion des élèves. C’est à ce niveau que se trouve souvent cette interaction. Il ne
s’agit nullement de construire un «super» savoir qui serait didactique, il s'agit
… À propos du concept de didactique ! 97

plutôt d'accepter, modestement, de remettre sans cesse en cause ses propres


connaissances d'enseignant (souvent très spécialisé dans une discipline) pour
l'adapter à la réalité des rapports au savoir en jeu dans la relation didactique.

° INTERACTIONS ENTRE LE TEMPS DIDACTIQUE ET LES CONNAISSANCES


DE L'ENSEIGNANT
Habituellement, l'enseignant organise et analyse les situations didac-
tiques au COUrs de phases «pré» et «post» actives par rapport à la relation di-
dactique. À nouveau, ces interactions sont peu prises en considération. Elles
sont cependant déterminantes pour la relation didactique. La première, la
phase pré-active, consiste en la préparation par l'enseignant des activités et
des situations qu’il proposera ensuite à ses élèves. La phase post-active con-
siste essentiellement en une période d'analyse par l'enseignant des résultats
de la relation didactique qu'il a vécue avec ses élèves. Mais entre ces deux pha-
ses, l'enseignant doit gérer le temps de la relation didactique elle-même, ce
sont d’autres interactions qui se déroulent à ce moment avec le temps didac-
tique. Mais il peut aussi, en cours de relation didactique, y avoir des interac-
tions entre le temps didactique et les connaissances de l'enseignant. Chaque
enseignant vit au quotidien des situations qui font que l'horaire de cours, les
questions des élèves, un évènement imprévu, une incompréhension du conte-
nu par certains élèves, ..…. nécessitent, in situ, un ajustement de l’organisation
temporelle du «contenu» prévu par l'enseignant lui-même.

e INTERACTIONS ENTRE L'ÉLÈVE (OU PLUSIEURS ÉLÈVES),


L'ENSEIGNANT ET LE CONTRAT DIDACTIQUE
Il peut s'agir de moments de négociation des règles du jeu de la rela-
tion didactique qui se déroule, ou la remise en cause de règles admises jus-
qu'alors mais qui actuellement ne fonctionnent plus, .… De telles interactions
sont très fréquentes, car le contrat didactique est nécessairement mouvant, il
change, les règles évoluent et nécessitent régulièrement des moments de re-
négociation. Ces interactions sont vitales pour la relation didactique.

7.6 Le triple ancrage de la relation didactique


Les lignes qui précèdent montrent toute la complexité de la relation
didactique. Il serait vain de vouloir la réduire à quelques composantes seu-
lement. Ce serait appliquer la politique de l’autruche et fermer les yeux sur
d’autres composantes cependant déterminantes.

_ La relation didactique peut alors être considérée comme l'ensemble des interac-
tions qu'‘entretiennent entre eux des élèves et un enseignant dans la réalisation
d'une action finalisée à propos d'un contenu d'enseignement et d apprentissage
dans un cadre spatio- temporel déterminé, en général le cadre scolaire.

Chaque composante de la relation didactique peut être analysée pour


elle-même ou en interaction avec les autres composantes. Les interactions
98 Créer des conditions d'apprentissage

entre les composantes de la relation didactique constituent aussi des objets


d'étude de toute didactique. Chaque élément extrait de la relation didactique
n’est didactique que s’il reste en rapport avec le savoir, principal enjeu de la
relation didactique, et que s’il est inscrit dans la dynamique du contrat didac-
tique.
La spécificité de la relation didactique se trouve dans ce triple
ancrage :
(1) son ancrage dans un contenu;
(2) son ancrage dans un contrat didactique ;
(3) la prise en considération de la solidarité entre ses compo-
santes

Cet ancrage dans le contenu est probablement ce qui différencie le


plus la «relation didactique» de la «relation pédagogique» qui, elle, par con-
tre, réduit l'importance des rapports au savoir :
«(...) limiter l’action pédagogique à l’acquisition des contenus nouveaux est par trop
restrictif. En effet, à côté de l’aide pédagogique nécessaire, l'éducateur sait qu'il
s'adresse également à un être humain, spontané et qu'il doit dans la mesure du pos-
sible, développer tous les noyaux qui confèrent à l'individu sa structure originale».
Dupont (1982 : 109)

7.7 Une définition du concept de relation didactique

e TROIS ÉLÉMENTS ESSENTIELS...


Trois éléments essentiels caractérisent la relation didactique :
(1) la relation est didactique (et non pédagogique) à partir du mo-
ment où le «savoir» détermine systématiquement les composan-
tes prises en considération dans la relation analysée;
(2) au-delà du «savoir» pris en considération, une relation est didac-
tique si elle fait partie intégrante d’un contrat didactique;
(3) enfin, la solidarité fonctionnelle entre l’ensemble des composan-
tes en présence constitue le troisième élément de la spécificité de
la relation didactique.

e UNE DÉFINITION...
Une relation didactique est constituée d’un ensemble de rapports s0-
ciaux qui s’établissent entre des élèves et un enseignant (ou plusieurs ensei-
gnants) dans la perspective de réaliser une action finalisée dans un cadre
spatio-temporel scolaire déterminé. Les composantes de la relation didactique
sont déterminées par le rapport que chacune d’entre elles entretient avec
l'objet de la relation didactique (qu'il s'agisse ou non d’un objet de savoir) ;
ces Composantes entretiennent également des liens de solidarité entre elles.
… À propos du concept de didactique ! 99
CSL
PRETTEE PRIE

Toute relation didactique fait partie d’un contrat didactique spécifique. Ce


contrat définit les rapports que les partenaires de la relation didactique entre-
tiennent entre eux.

7.8 Que retenir ?

La relation didactique : le lieu de convergence des réflexions didactiques.


Un ensemble de rapports sociaux surdéterminés caractérisent la relation didactique
(1) Le point de départ d’une relation didactique est une intention d'enseignement et d’appren-
tissage à propos d’un contenu spécifique inscrite dans un projet social et institutionnel.
(2) Une relation didactique est constituée par un ensemble de composantes en interaction les
unes avec les autres et solidaires les unes des autres.
(3) Une relation didactique est constituée d’un ensemble de rapports sociaux qui s’établissent
entre un enseignant et des élèves à propos d’un objet d'enseignement et d'apprentissage.
(4) Une relation didactique est en général contextualisée dans l'environnement socio-temporel
et le cadre institutionnel scolaire.
(5) Une relation didactique est caractérisée par un triple ancrage :
— (a) un ancrage dans un contenu d'enseignement et d'apprentissage; ce contenu est en
général inscrit dans une discipline scolaire;
— (b)un ancrage dans un contrat didactique qui définit les rôles de chacun des partenaires
de la relation didactique;
— (c) un ancrage dans la solidarité entre elles des différentes composantes de la relation
didactique.

7.9 Quelques références pour aller plus loin.


— Brousseau, G. (1998). Théorie des situations didactiques. Gre-
noble : La Pensée sauvage.
— Bru, M. (1990). Les variations didactiques dans l’organisation des
conditions d'apprentissage. Toulouse : Éditions Universitaires du
Sud.
— Margolinas, CI, (dir.), (1995). Les débats de didactique des mathé-
matiques. Grenoble : La Pensée Sauvage.
— Maudet, C. (1987). Approche didactique des apprentissages. Lyon :
Éd. Robert.
— Perret-Clermont, A.-N., et Nicolet, M.,, (dir.), (1988). Interagir et
connaître. Enjeux et régulations sociales dans le développement
cognitif. Cousset : Delval.

7.10 Concepts-clés du paragraphe


relation didactique - composantes - solidarité - triple ancrage
100 Créer des conditions d'apprentissage

8. DES RAPPORTS AU SAVOIR


… ou l'importance des rapports au savoir
dans une réflexion didactique

8.1 Introduction

Une relation didactique n’est «didactique» que parce qu’elle s'inscrit


dans une série de rapports au savoir. Ces rapports sont dynamiques et mou-
vants. L'élève qui apprend, par différents processus certes, transforme ses
connaissances durant la relation didactique. L'ensemble des évènements qui
se vivent durant la relation didactique sont déterminés par ces modifications.
Le travail du didacticien prend nécessairement en considération cette mou-
vance et ce dynamisme des rapports au savoir. Chacune des composantes de
la relation didactique analysée doit être replacée dans la mouvance des rap-
ports au savoir.

Cette caractéristique de l'approche didactique est fondamentale et


constitue certainement sa spécificité. La norme n’est pas le savoir de référen-
ce, le savoir codifié, ou le savoir savant ou encore celui de l'enseignant, mais
bien celui qui évolue et progresse dans la relation didactique.

Ce paragraphe clarifie le concept de rapport au savoir tout en mon-


trant la grande mouvance de ces rapports à l’intérieur d’une relation didacti-
que. Après avoir illustré et commenté nos propos à partir d’un exemple vécu
dans une classe, nous présentons le concept de transposition didactique et
clarifions notre approche des rapports au savoir en présence dans une relation
didactique.

8.2 Uneillustration

À travers l'exemple suivant, le lecteur peut découvrir le discours que


tiennent deux élèves de troisième primaire à propos d’une opération arithmé-
tique.

EXEMPLE

extrait de Jonnaert et al. (1992 : 37).


(1) Description de la situation de classe : une série d'items arithmétiques sont proposés à des
élèves d’une classe de 3e primaire dans une école de la Province du Hainaut en Belgique fran-
cophone. Ces items sont inscrits dans de petits énoncés de problèmes. Parmi eux, les élèves
ont à résoudre l'opération suivante : «.. -1 = 9».
… À propos du concept de didactique ! 101

(2) Extraits de l'entretien que le chercheur a eu avec deux de ces élèves :

(Exp. = le chercheur; El. = l’élève)


Élève m 1 : cet élève a écrit «0 - 1 = 9»
— EXp.: pourquoi as-tu écrit un zéro là ?
(Pexpérimentateur montre à l'élève l'opération telle qu'il l'a écrite : «0 - 1 = 9»)
— El.: parce que ça Va pas!
— EXp.: pourquoi ça va pas ?
— El: on sait pas faire moins comme ça;
— Exp.: que faut-il alors pour faire moins ?
— El.: il faut quelque chose devant, sinon on sait pas retirer;
— Exp.: montre-moi où il faut quelque chose;
LEE. devant
(El. montre la lacune de l'opération, c'est-à-dire la place du 1er terme de la soustraction)

Élève n° 2 : cet élève a écrit «8 - 1 = 9»


— Exp.: d’où vient le «8» que tu as écrit là ?
(l’expérimentateur montre à l’élève l’opération telle qu’il l’a écrite : «8 - 1 = 9»)
— El.: on sait pas de combien on est parti;
— Exp.: mais tu écris «8», …., pourquoi ?
— El.: Jà y fait écrit «9», là «moins» et là «1»;
— Exp.: oui mais comment trouves-tu «8» ?
— El.: eh bien, je fais moins; je fais «9» moins «1»;
— Exp.: pourquoi ?
— El.: c’estle maître qui l'a dit;
= Exp.: qu'a-t-il dit ?
— El.: sion sait pas d’où on part, alors on fait à l'envers;

D ph tunes aff mir <14 14)

Ce double extrait d’une interaction entre un chercheur en didactique


des mathématiques et deux élèves illustre la particularité des rapports que
chacun d’entre eux entretient à la soustraction, à ses propriétés et aux nom-
bres qui y sont traités. L'ensemble du travail didactique se fait en articulant à
la fois :
(1) le rapport que l'enseignant entretient à la soustraction (que signi-
fie pour ce dernier «faire une opération à l'envers» ? et à propos
de quelle opération a-t-il tenu ces propos retenus par son élève ?);

(2) le rapport que chacun de ces élèves entretient à cette opération


arithmétique et aux nombres travaillés dans les soustractions
(quel statut le premier élève donne-t-il au «zéro» ? Quelles pro-
priétés le second retient-il de la soustraction ?);

(3) les propriétés de la soustraction de deux nombres entiers naturels


entre eux (aucun de ces deux élèves ne semble maîtriser les
102 Créer des conditions d'apprentissage

propriétés de la soustraction sur des entiers naturels; que signifie


pour ces élèves «réaliser une soustraction» ?).

Les savoirs en jeu dans la relation didactique et les rapports que cha-
cun entretient à ces savoirs sont systématiquement pris en compte dans une
approche didactique. C’est la première caractéristique d’une démarche de di-
dacticien ou de toute analyse didactique.
Mais que comprendre par «rapport au savoir», et puis qu'est-ce qu'un
«Savoir» ou une «connaissance » ?

8.3 Savoirs et connaissances.


Dans les lignes qui suivent, nous décrivons sommairement la dialecti-
que qui existe entre «savoir» et «connaissance» dès que l’on entre dans la re-
lation didactique. Le lecteur à la recherche de plus d'informations à ce propos
lira utilement les textes de Conne (1992) ou de Rouchier (1991).

Vous avez dit savoir. ?

D'une façon classique, par savoir, nous désignons les savoirs consti-
tués (Brun, 1994; Conne, 1992), ceux qui sont décrits dans les programmes.
C’est à leur propos que se développe un projet d'enseignement et d’apprentis-
sage autour duquel se réunissent élèves et enseignant.
La transposition didactique s'intéresse aux transformations des sa-
voirs. Il s’agit donc, dans sa version originelle, de processus externes au sujet
qui apprend.
Les savoirs scolaires sont décrits dans les programmes et les curricula
de formation. Ils le sont dans la perspective de devenir un jour des connais-
sances d'élèves.
La logique des savoirs respecte l’organisation des matières scolaires,
elle s'inscrit dans des progressions, des structurations de contenus et une in-
tentionalité d'action.

Vous avez dit connaissances. ?

Par connaissance, nous désignons ce qui relève du sujet à la suite de


processus de développement où d'apprentissage. L'édification des connais-
sances, dans un contexte scolaire, passe par la transformation de savoirs en
connaissances.
L'apprentissage s'intéresse aux processus de construction des con-
naissances alors que la transposition didactique traite des transformations de
savoirs. L'apprentissage est un processus interne au sujet et individuel, même
s'il est facilité par des conditions externes comme les interactions avec l’envi-
ronnement social où physique. La transposition didactique est un processus
externe au sujet qui apprend.
… À propos du concept de didactique ! 103

Les connaissances des élèves ne sont jamais accessibles directement,


elles ne le sont que par des intermédiaires tels des productions langagières, écri-
tes ou orales, des démarches de résolution de problèmes ou de traitement de tâ-
ches. Elles ne sont donc accessibles qu’en situation et à un second degré. Pour
observer une connaissance en situation, le didacticien a besoin d'indicateurs de
connaissances. Le plus souvent il formule des hypothèses (des «hypothèses de
représentation» ou des «hypothèses de conception» #5). Depuis plusieurs an-
nées, les chercheurs en didactique des disciplines mettent au point des techni-
ques d’émergence des connaissances des élèves. Nous disposons aujourd’hui
d'outils et de démarches simples, susceptibles d’être facilement mis en œuvre
dans le cadre d'activités d'enseignement et d'apprentissage !£.
La logique des connaissances est spécifique à chaque individu. Elle
n'est pas universelle et est fonction des conceptions du sujet, de ses propres
théories dans la tête et de son «déjà-là».
C’est entre ces deux logiques (une logique de «savoirs» et une logique
de «connaissances») que s’établissent une multitude de rapports complexes
dans la relation didactique.

_… Quels sont ces rapports au savoir ?

8.4 Une série de rapports au savoir


La question des «rapports au savoir» dans la relation didactique porte
essentiellement sur les dialectiques qui s’établissent entre «savoir» et
«connaissance». Ces dialectiques sont complexes (Rouchier, 1991). Elles ne
sont pas automatiques, il ne suffit pas de présenter aux élèves des «savoirs »
pour qu'ils les apprennent de facto et les transforment automatiquement en
«connaissances ».
Plusieurs dynamiques s'installent nécessairement entre «connais-
sance» et «savoir» pour qu'il y ait apprentissage :
1) chez l'enseignant lui-même à propos de ses propres connaissan-
ces sur le savoir à enseigner;
2) chez l'élève en particulier, à propos de ses conceptions sur le sa-
voir et de sa propre «théorie dans la tête»;
3) chez les élèves, à propos des échanges qu'ils développent sur le
savoir au départ de leurs conceptions et de leurs théories dans la
tête;
4) à propos du savoir lui-même, sa transposition et sa logique
interne; ses modifications et ses modes de présentation.

15 Voir à ce propos Jonnaert, 1988.


16 Voir à ce propos la typologie des techniques d'émergence des connaissances préalables des
élèves mise au point par Jonnaert, Duquesne et Tourneur (1989) au départ de l'analyse des
méthodologies utilisées par les chercheurs en didactique des disciplines.
104 Créer des conditions d'apprentissage
RER SRE APRES

Les rapports au «savoir» vont se bousculer à ces différents niveaux.


Des tensions vont se créer et provoquer des conflits de savoirs et des conflits
de connaissances. Dans les lignes qui suivent, nous passons en revue ces dif-
férents rapports au Savoir.

8.5 L'enseignant et ses rapports au savoir :


de nécessaires ruptures épistémologiques!
Bachelard (1938) souhaitait que l’on développe une psychologie de
l'erreur et il s’'étonnait que les professeurs ne comprennent pas que leurs élè-
ves ne comprennent pas. Durant des décennies, les professeurs ont souri des
erreurs de leurs élèves. Plusieurs d’entre eux ont rédigé des «sottisiers», col-
lectionnant les «perles» de leurs élèves, ces erreurs qui font rire tant par leur
naïveté que par le fait que nous ne les comprenions pas. Quelques travaux de
recherche et plusieurs ouvrages ont mis un terme à ces regards étonnés, amu-
sés ou courroucés sur l'erreur de l'élève [Cauzinille-Marmèche, Mathieu et
Weil-Barais (1983); Astolfi, Cauzinille-Marmêche, Giordan, Henriques-Chris-
tofidès, Mathieu et Weil-Barais (1984); Giordan et de Vecchi (1987); Jon-
naert, (1988), Astolfi (1997); ...]
En une véritable révolution copernicienne, il est aujourd’hui admis
que les erreurs de l'élève ne sont autres que les connaissances dont il dispose
et qu'il utilise pour s'approprier le savoir proposé par l'enseignant dans la re-
lation didactique.

L'enseignant qui organise le savoir à apprendre ne peut donc plus


prendre pour unique référence la discipline scolaire telle qu'elle est décrite
dans les manuels scolaires et les programmes, dans ses cours universitaires ou
dans les ouvrages scientifiques qui en traitent. Spécialiste de sa discipline, il
ne deviendra enseignant qu’à partir du moment où il sera capable de prendre
en considération les connaissances de ses élèves pour adapter le savoir spé-
cialisé, le savoir codifié, qu’il souhaite enseigner.

Est-ce à dire qu'il y aurait, par exemple, un théorème de Pythagore


scientifique et un théorème de Pythagore pour l’enseignement ? Pas du tout!
L'enseignant doit vivre une rupture épistémologique par rapport au savoir
de référence, et par rapport à ses propres connaissances sur ce savoir, pour
être capable de prendre en considération les conceptions des élèves et leurs
théories dans la tête à propos de ce même savoir. L'objectif n’est pas d'affirmer
que les conceptions des élèves ont un statut de savoir scientifique, par contre,
ces erreurs, Ces conceptions, ces théories dans la tête de l'élève sont des mo-
ments particuliers dans le processus de construction des connaissances. Il
s’agit de leur grille de lecture du monde. C’est donc au départ de ces concep-
tions, et de ces théories dans la tête, que l'élève devra mettre en route un pro-
cessus de construction de connaissances. L'enseignant ne peut donc en faire
abstraction. Les conceptions que des élèves se font du théorème de Pythagore
sont des moments particuliers dans leur processus de construction de
… À propos du concept de didactique ! 105.
CRPRUTE
RITES RENNES RSONENRENT

connaissances à propos du savoir scientifique sur le théorème de Pythagore.


Ces conceptions sont donc incontournables et l'enseignant ne peut les ignorer.

Le rapport que l'enseignant entretient au savoir est donc critique sur


le savoir de référence lui-même. Pour que ce savoir devienne un objet d’ap-
prentissage pour l'élève, l'enseignant doit l'adapter et prendre en considéra-
tion les conceptions et les théories dans la tête de l'élève. Il doit aussi critiquer
ses propres connaissances par rapport à ce savoir.
En réalité, le rapport de l'enseignant au savoir se fait en une triple ex-
ploration (Jonnaert, 1988 : 49-50) :

1) exploration du savoir codifié, objet futur de la relation didacti-


que (analyse de la matière, étude épistémologique de certains
concepts, analyse des finalités, ...);

2) exploration des connaissances des élèves à propos de ce savoir


(leurs conceptions et leurs théories dans la tête à propos de ce
savoir);
3) exploration par l'enseignant de ses propres connaissances à
propos de ce savoir (introspection pour mettre en évidence ses
propres conceptions et ses propres théories dans la tête).

À partir de cette triple exploration, l'enseignant pourra définir les che-


mins possibles sur lesquels il placera ses élèves afin qu'ils développent des
processus d'apprentissage à propos de la notion envisagée (cette approche est
décrite dans le chapitre consacré aux conditions d'apprentissage).
Il ne s’agit donc plus, dans une perspective socioconstructiviste et in-
teractive, de définir des objectifs opérationnels prescriptifs et normatifs !?,
mais bien de formuler des hypothèses au départ desquelles des apprentissa-
ges sont envisageables.
Le rapport que l'enseignant entretient au savoir est donc humble car
il prend en considération une série d'éléments qui sont externes au savoir de
référence décrit dans les programmes et les manuels. Son approche est ouver-
te et non normative car il intègre dans sa démarche autant une réflexion sur
les connaissances de l’élève que sur ses propres conceptions à lui. Il n’a pas
non plus une approche prescriptive des savoirs codifiés puisqu'il définit des
«chemins possibles» et ne prescrit pas un objectif que tous doivent atteindre
au risque d’être en échec.

17 Les objectifs opérationnels sont prescriptifs car ils définissent un comportement que chacun
doit atteindre au terme de l'apprentissage, ils ne prennent pas en considération les comporte-
ments différents de ceux qu'ils prescrivent; ils sont normatifs, car ces comportements sont défi-
nis en termes de critères de manière à pouvoir être évalués. Un comportement qui ne
correspond pas aux critères définis dans l'objectif est sanctionné par un échec. Les objectifs opé-
rationnels permettent ainsi de situer la cause de l’échec de l’apprentissage sur l'élève qui n'est
pas parvenu à maîtriser le comportement attendu, défini pour lui.
106 Créer des conditions d'apprentissage
Éa

Pour arriver à un tel rapport au savoir, l'enseignant doit vivre, en cours


de formation initiale, une véritable rupture épistémologique. Futur diplômé
dans une discipline scolaire qu'il a choisie, c’est lui, étudiant, qui a fait le choix
de réaliser de telles études parce qu'il aime cette discipline, qu'il s'agisse des
mathématiques, de la biologie, de l’histoire ou encore de la physique, .. Dans
sa formation d'enseignant, son projet n’est plus seulement l'étude des savoirs
scientifiques relatifs à sa discipline scolaire, mais aussi de les enseigner pour
que d’autres les apprennent. Dans un premier temps, il s’imagine qu'il lui suffit
de connaître ces savoirs pour les enseigner. Mais rapidement, cette conviction
se heurte à la réalité des connaissances des élèves. Le futur enseignant doit
alors changer son rapport au savoir. L'exemple décrit dans les lignes qui sui-
vent montre comment une stagiaire, future enseignante, est passée d’une lo-
gique de «savoir» à une logique de «connaissances». Par ce passage du
«Savoir» aux «connaissances», cet extrait illustre clairement une «rupture
épistémologique ».
EXEMPLE

extrait de Jonnaert (1988 : 51 et 52):

(1) Description de la situation Ÿ : une stagiaire a enseigné à 22 élè-


ves de seconde année primaire le procédé suivant pour leur per-
mettre d'effectuer des additions sur des entiers naturels avec
«passage par la dizaine» :

+3 +2

20 dat me dr
1745 æ M7 1 ‘» 22
De r

+5

FIGURE9
LA 7 se ue)

Un procédé pour le passage par la dizaine

(2) Description de cet enseignement : la stagiaire enseigne aux élè-


ves une seule procédure systématisée sous forme de graphe, elle
ne prend pas en considération les conceptions ou les théories
dans la tête des élèves à propos de cette procédure arithmétique.
La stagiaire enseigne aux élèves comment décomposer un des ter-
mes de l'addition pour trouver le complément de l’autre terme
pour arriver à la dizaine supérieure [DU1 + U2 = (DU1 + U2a) +
U2b; U2a + U2b = U2; DU1 + U2a permet d'atteindre la dizaine

18 Cette situation de classe a été observée lors de la supervision d’une stagiaire, future ensei-
gnante, suivant les cours à l'École Normale de Braine-le-Comte (Belgique francophone).
… À propos du concept de didactique ! 107

supérieure] !°. La stagiaire a décomposé son enseignement de ma-


nière systématique et progressive pour que les élèves découvrent
toutes les dimensions de la procédure. Après un enseignement
magistral progressif, cohérent par rapport à son objectif d’ensei-
gnement, la stagiaire donne aux élèves une série d'exercices sys-
tématiques relatifs à la procédure enseignée.
(3) Description des résultats de cet enseignement : la stagiaire ter-
mine son activité par un test. Ce test comporte 5 items du type
«DUT + U2 avec U1 + U2 = DU».
sur les 22 élèves :
— 18 élèves réussissent sans erreur les 5 items;
— deux élèves font des erreurs dans la décomposition de UZ et ne
trouvent pas le complément à U1 pour arriver à la dizaine
supérieure;
— deux élèves font plus de trois erreurs tant d’addition que de dé-
composition de U2.

La stagiaire se montre satisfaite des résultats de son enseignement.


(4) Prolongements : le lendemain de cette activité, les élèves rencon-
trent une situation-problème contenant une addition. Cette opé-
ration arithmétique devait provoquer l’utilisation par les élèves du
procédé enseigné la veille. Les enfants devaient résoudre
CAE ER
Les élèves devaient rechercher librement une solution au problè-
me. Nous leur avons cependant demandé, au cours de l’observa-
tion de l’activité, de nous décrire ce qu'ils ont fait pour arriver à la
solution. Voici le relevé de leurs procédures :

. Procédure utilisée librement | Nombre d'enfants ayant utilisé |


AE OR ET D AU PAT SAT 5 _ la procédure décrite?

10 +4=14+7=01
14+6=20+1=21
(+ 1=14=#7=021
10+10=20+1-=21
14+6-20+1-=-21=14+7
AT
=PB les 21
(7 +7) +(7+
0) =21

14+10-24-3=21;10-3-7

19 D = un chiffre représentant les dizaines et U = un chiffre représentant des unités, Brun


nombre composé de dizaines et d'unités, par exemple : le nombre 17 dont le chiffre 1 peut être
représenté par D et le chiffre 7 par U.
20 Deux élèves sont absents lors de la réalisation de ce prolongement à l'activité.
108 Créer des conditions d'apprentissage

(5) Le travail avec la stagiaire : une démarche de rupture épisté-


mologique.
Lors de l'analyse de cette séquence d'enseignement et de son pro-
longement avec la stagiaire, nous constatons que cette dernière
analyse les procédures des élèves en référence à la procédure en-
seignée. Pour chacune des procédures décrites, elle retrouve des
éléments plus ou moins proches de la procédure qu'elle a ensei-
gnée et qu’elle estime être la seule «bonne référence».
Par un dialogue avec elle, nous la faisons progressivement chan-
ger de référence. Au terme de cet échange, la stagiaire décide de
préparer une nouvelle activité en ne prenant plus pour unique ré-
férence son savoir mathématique à elle mais aussi les «idées» de
ses élèves qu’elle aura recueillies avant de réaliser la leçon.
(6) Extraits du dialogue avec la stagiaire :
(Remarque : il s’agit de la retranscription du dialogue magnétos-
copé entre le superviseur de stage et la stagiaire)

(S = la stagiaire; Obs. = l'observateur)


Pour moi, c'est la procédure «2» qui ressemble le plus à celle que j'ai enseignée.
: Quels sont les éléments qui te permettent de dire cela ?
Bien sûr, ils n'utilisent pas les graphes sagittaux, mais je retrouve la bonne séquence
des opérations.
Je vois bien qu'ils ont recherché le complément pour arriverà la dizaine supérieure et
puis ils ont ajouté le reste au résultat.
C'est une bonne démarche.
J'aurais voulu qu'il y en ait plus qui utilisent cette démarche.
— Obs.: Pourquoi ?
= $.: Parce que c'est la bonne, les autres sont moins bonnes.
— Obs.: Pourquoi dis-tu «moins bonnes » ?
— S.: Parce qu'on ne retrouve plus la procédure enseignée.
On retrouve des morceaux de cette procédure mélangés avec d'autres choses.
(silence, la stagiaire reprend les copies des élèves qui ont décrit les procédures «3» et «7»)
Je vois bien, par exemple, qu'aux procédures «3» et «7» ce sont les tables des multi-
ples qu'ils ont utilisées.
— Obs.: Penses-tu que ce soit moins bon, pour reprendre ton expression, d'utiliser les tables
des multiples ?
0 Je ne pense pas, je trouve ça bien qu'ils aient utilisé ça, … Mais c'est pas ça que j'ai
enseigné.
(Silence)
+ Obs: Regarde bien chaque procédure décrite par tes élèves et dis-moi au moins un concept
que tu devrais travailler avec eux avant de revenir à un procédé de calcul sur les
entiers naturels.
IS Je ne Vois pas.
Se.
Je vois que le concept d'égalité ne fonctionne pas.
Oui, c'est ça, ils écrivent tous des inégalités.
Bon Dieu, c'est pas possible!
IIS ne maîtrisent pas le concept d'égalité, …!
… À propos du concept de didactique ! 109

Qu'est-ce que je vais faire ? es


Justement, dis-moi plutôt ce que tu aurais dû faire avant de travailler ta procédure
arithmétique avec tes élèves, et je dis bien «ta» procédure arithmétique, car tu as bien
vu tes élèves en ont utilisé bien d'autres ?
Je pense que je vais reprendre tout cela en travaillant d'abord avec eux le concept
d'égalité.
(Silence, la stagiaire jette un coup d'œil sur toutes les procédures utilisées spontanément par
ses élèves)
Je trouve aussi qu'ils ont des procédures intéressantes, je vais les reprendre, les ana-
lyser avec eux.
Comme ça, au lieu d'avoir une seule procédure, ils en auront plusieurs et ils pourront
choisir.
Penses-tu que ce soit utile de prendre en considération les procédures des élèves ?
Oui, bien sûr.
Je trouve ça très bien. Moi, je n'avais pas pensé à ça.
Mais eux, ils ont trouvé d’autres approches.
Il y a plus d'idées dans plusieurs têtes que dans une seule.
Qu'est-ce que ça veut dire ?
Tu penses donc que les idées de tes élèves sont intéressantes ?
Oui, je trouve.
Si elles sont intéressantes, pourquoi ne les as-tu pas prises en considération pour
préparer ton activité ?
Je ne sais pas,
De toute façon c'est pas possible, car je ne les connaissais pas lorsque j'ai préparé ma
leçon.
On voit ça après, pas avant!
Que pourrais-tu faire pour découvrir ce que tu appelles les «idées» de tes élèves
avant de préparer ta leçon ?
C'est bon ça, … mais que pourrais-je faire ?
Un petit problème avec une opération du même type et je leur demanderais de décrire
leur procédure.
Mais c'est avant!
Je leur dirais alors que ça compte pas pour des points, … c'est juste pour vérifier ce
qu'ils savent déjà, … pour m'aider à préparer la prochaine leçon.
Je pense que ce serait super!
Alors je pourrais commencer par analyser avec eux leur propre procédure.
Cela veut dire que tu penses que tu pourrais construire une activité sur la base des
«idées » de tes élèves et non plus seulement sur la base de ta procédure ?
Bien sûr. C’est super!
C'est ça que je vais faire!

Par ce long dialogue, nous pouvons constater que cette stagiaire chan-
ge progressivement de référence. Ce n’est plus le «savoir» mathématique, tel
que sans doute décrit dans son cours de mathématiques, qui compte à la fin
du dialogue. Elle prend en considération, à partir de ce moment, les concep-
tions et les théories dans la tête de ses élèves. D'une démarche de jeune sta-
giaire, forte de ses connaissances sur les savoirs mathématiques, elle est
passée à une démarche d’enseignante, intégrant dans son propre rapport au
savoir des éléments neufs telles les conceptions de ses élèves.
110 Créer des conditions d'apprentissage
ANSE ASS PRESENT

Le rapport que l'enseignant entretient au savoir à propos duquel ses


élèves doivent mettre en place des procédures d'apprentissage est donc com-
plexe et ne peut certes pas se réduire à l’unique processus de transposition
didactique (nous décrivons ce processus dans un paragraphe ultérieur). Ac-
tuellement, un travail comme celui de Gauthier (1997) nous permet de dispo-
ser d’un inventaire des recherches actuelles sur les connaissances des
enseignants. Ce champ de recherche est récent, il est cependant indispensa-
ble si nous voulons connaître les processus qui se mettent en place dans la re-
lation didactique.
Retenons de ce paragraphe que le savoir décrit dans les manuels sco-
laires, dans les programmes et dans les cours universitaires de l'enseignant, ne
suffit pas pour permettre à ce dernier de créer des conditions d'apprentissage
pour ses élèves. Il doit rechercher d’autres références, notamment au niveau
des connaissances préalables de ses élèves, pour définir les chemins possibles
pour les apprentissages par ces derniers. Mais ce travail ne peut aboutir que
si lui-même en a compris la pertinence par une véritable rupture épistémo-
logique quant à ses propres rapports au savoir à propos duquel il porte des
projets d'enseignement et d'apprentissage : sa discipline scolaire.

8.6 L'élève et ses rapports au savoir


Les rapports que les élèves entretiennent avec le savoir sont comple-
xes et l'enseignant y a difficilement accès. Pourtant ils sont vitaux car c’est sur
la base de ces rapports au savoir que peut se construire un processus d’ap-
prentissage. Nous l'avons déjà évoqué (et nous y reviendrons encore dans le
chapitre consacré à l'apprentissage scolaire), l'élève apprend à partir de ses
propres connaissances.
Notre perspective est socioconstructiviste et interactive, les rapports
que l'élève entretient au savoir sont donc fondamentaux :

«(...) La thèse constructiviste en épistémologie des sciences s'oppose de manière


radicale à celle notamment du réalisme naïf pour laquelle la connaissance est comme
une description fidèle d'une réalité ontologique, préorganisée et, cela va de soi, indé-
pendante de l'observateur, ou est idoine à une divulgation des lois déterministes
d'une nature qui préexisterait à toute tentative d'explication de la part des êtres
humains ».

Désautels et Larochelle (1989 : 70)

Notre stagiaire, évoquée dans le paragraphe précédent, s'imaginait


qu'il suffisait de préorganiser le «savoir» pour que ses élèves l’apprennent. Ce
sont les conceptions et les théories déjà présentes dans la tête de ses élèves
qui ont bouleversé sont projet d'enseignement. De façon assez spectaculaire
d’ailleurs, aucun d’entre eux n’est réellement entré dans la procédure propo-
sée par cette stagiaire. Un peu comme si, inconsciemment, ils refusaient tout
savoir construit a priori, indépendamment de leurs propres connaissances.
… À propos du concept de didactique ! 111
PET

e UN RAPPORT ENTRE «CONNAISSANCES PRÉALABLES » DE L'ÉLÈVE


ET (SAVOIR À ENSEIGNER »…

Le premier rapport au savoir chez les élèves est d’abord un rapport


«connaissance/savoir». C’est avec leurs propres connaissances (des conceptions
et des théories dans la tête qui constituent leur déjà-là) que les élèves vont en-
trer en contact avec le savoir, objet de la relation didactique. Quelles que soient
ces connaissances préalables, ce sont elles qui, en premier lieu, vont questionner
le savoir proposé par l’enseignant dans la relation didactique. C’est à l’aide de ces
connaissances antérieures qu'ils vont le décoder, le mettre en relation avec
d’autres connaissances dont ils disposent déjà, essayer de le comprendre, …

er QE)
ee ce

A7 Fe ÈS

a re + & & N
% N
Connaissances * \
antérieures de \ AR \
léBve Savoir proposé \
par l'enseignant \
UE
|
[
l
: /
/
/
+
CONNATSANCER> OS VOIRS,
7

FIGURE 10
DRASS

Le premier rapport est un rapport de connaissances à savoir

Pourrait-il en être autrement ?

Nous ne le pensons pas! Les connaissances de l’élève sont définies par


une structure dynamique, elles sont toujours prêtes à se modifier, à s'adapter,
à intégrer de nouvelles informations selon les principes piagétiens d’assimila-
tion et d’'accommodation. Par contre, les savoirs introduits par l'enseignant
dans la relation didactique sont momentanément statiques. Et c’est justement
parce qu'ils font temporairement l’objet d’un consensus et d’une standardisa-
tion que les responsables de la formation décident d’en faire un objet d'ensei-
gnement et d'apprentissage. Par exemple, toutes les règles de grammaire que
l'enseignant introduit dans son cours de français sont admises et reconnues par
112 Créer des conditions d'apprentissage
ER PE
RENE

la communauté scientifique des grammairiens. Même si en dehors de la sphère


de l'enseignement ces savoirs sont dynamiques, changent, évoluent, recher-
chent de nouvelles règles pour s'adapter à la langue parlée et à l'usage, même
si les grammairiens ne sont pas moins divisés que les autres communautés sa-
vantes, la grammaire apprise à l’école est temporairement statique. Le dyna-
misme étant du côté des connaissances préalables des élèves, ce sont elles qui
vont interpeller le savoir codifié introduit par l'enseignant et non le contraire.

De nombreux travaux des didacticiens ont mis en évidence ces con-


naissances des élèves, préalables à l’enseignement et à l'apprentissage d’un
savoir scolaire. Ces travaux ont fortement marqué les deux dernières décen-
nies et les exemples de ces connaissances préalables sont nombreux. Parcou-
rons très rapidement quelques résultats bien connus de ces travaux sur les
connaissances préalables des élèves en didactique des mathématiques et en
didactique des sciences.

En didactique des mathématiques.

Dans le cas, par exemple, de simples procédures arithmétiques, Con-


ne (1985), Peltier (1991) ou Baffrey-Dumont (1996) montrent clairement que
les connaissances des élèves sont diverses et les conceptions qu'ils mettent en
place pour résoudre ces opérations arithmétiques sont parfois très éloignées
de l'opération arithmétique proposée par l'enseignant. Sur les démarches mi-
ses en place par 13 élèves pour résoudre une même opération arithmétique,
Baffrey-Dumont (1996) met en évidence sept reconstructions différentes, par
ces élèves, de la structure arithmétique proposée ?!. De nombreux travaux en
didactique des mathématiques ont mis en évidence les connaissances préala-
bles des élèves à propos de notions mathématiques.

Ainsi, Sierpinska, (1985) attire notre attention sur les connaissances


antérieures des élèves à propos de la notion de limite. Brousseau (1983) dé-
veloppe des recherches, aujourd’hui bien connues, sur les conceptions des
élèves à propos des nombres décimaux. Vergnaud (1983) dirige la publication
d'un numéro thématique de la revue Recherches en Didactique des Mathé-
matiques entièrement consacré aux connaissances antérieures des élèves à
propos du concept de volume... Depuis les recherches de ces pionniers, de
nombreux autres travaux se sont développés sur les conceptions des élèves à
propos de savoirs mathématiques. Progressivement, un corpus scientifique
important s’est ainsi mis en place pour nous permettre de mieux comprendre
ces connaissances antérieures des élèves à propos de savoirs mathématiques.

21 Dumont (1996) a construit une série de problèmes arithmétiques en respectant les éléments
décrits dans les typologies de Riley, Greeno et Heller (1983) ainsi que ceux de la typologie de
Vergnaud (1983). Maîtrisant ainsi la structure arithmétique des problèmes proposés aux élèves,
elle a pu comparer les conceptions des élèves à propos de ces problèmes et la structure arithmé-
tique organisée dans le problème lui-même. Les résultats de cette recherche montrent claire-
ment que les élèves reconstruisent un énoncé de problème en fonction de leurs propres
conceptions et théories dans la tête et non en fonction de la structure arithmétique proposée
dans l'énoncé suggéré par l'enseignant.
… À propos du concept de didactique ! 113

En didactique des sciences.

Si en didactique des mathématiques, d'importants travaux se sont dé-


veloppés sur les connaissances préalables des élèves à propos de savoirs ma-
thématiques, nous retrouvons autant, si pas plus, de travaux similaires chez
les didacticiens des sciences à propos des connaissances préalables des élèves
sur des savoirs scientifiques.

Giordan et Aponte (1979) et Giordan et Bazan (1980) nous apportent


à travers leurs comptes-rendus de recherches des informations intéressantes
sur les connaissances préalables des élèves à propos du concept de reproduc-
tion. À la même époque, les travaux de Viennot (1979, 1983a, 1983b) sur les
conceptions des élèves en dynamique élémentaire et ceux de Tiberghien
(1983) sur les notions de température et de chaleur vont générer un engoue-
ment chez les didacticiens des sciences pour ce genre de recherches. Des
méthodes d'investigation se mettent en place, [Osborne et Gilbert (1980);
Hewson (1985); ], des travaux sur l’organisation des connaissances des élè-
ves apparaissent [Astolfi, (1980) ; Giordan, (1983); ...] et les premières thèses
de doctorat en didactique des sciences voient le jour, [Closset (1983); de
Bueger-Vander Borght, (1976)... ]

Les connaissances préalables des élèves font l’objet d’une quantité de


travaux de recherche qui dépasse toutes les attentes. Les chercheurs en di-
dactique des sciences disposent ainsi d’un répertoire des connaissances des
élèves qui leur ont permis progressivement d'établir des classifications de ces
dernières [Giordan et de Vecchi (1987); Jonnaert (1988); Astolfi (1997); ...].

Au début de ces travaux une multitude de termes différents dési-


gnaient les connaissances préalables des élèves. Le terme «représentation»,
emprunté à la psychologie sociale ** était utilisé au même niveau que celui de
«conception» ou encore que l'expression «obstacle épistémologique», cette
dernière étant empruntée à l’épistémologie des sciences. Bien plus, une clas-
sification des obstacles épistémologiques, reprise à Bachelard (1938) et à
l'épistémologie des sciences, était utilisée pour classer et catégoriser certaines
connaissances préalables des élèves. Les termes «savoir» et «Connaissance »
étaient utilisés indifféremment. Bref, beaucoup de confusions sont nées de la
non-clarification des termes utilisés.

Aujourd’hui, il est communément admis de parler de «connaissances »


lorsque nous nous référons à ce qui relève de l'élève quant au contenu de ses
démarches cognitives. Nous parlerons de «connaissances préalables » lorsque

22 Dans cet ouvrage, nous n’entendons pas traiter de la problématique des «représentations
sociales». Mannoni (1998 : 74) et Jodelet (1989 : 36) proposent l’un et l’autre une approche de
ce concept à laquelle nous nous référons lorsque nous en parlons. Pour ces auteurs, la représen-
tation sociale est une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée. Une représenta-
tion sociale est donc un savoir qui sert aux individus d’un même groupe, elle est donc un
véhicule de contenus mis en circulation au cours d'échanges sociaux. La représentation sociale
est donc différente des conceptions évoquées dans cet ouvrage.
114 Créer des conditions d'apprentissage

ces dernières sont antérieures à l’enseignement à propos d’un savoir. C’est le


contenu de ces connaissances préalables qui va, de différentes façons, inter-
peller le «savoir codifié» proposé par l'enseignant dans la relation didactique.
IL est cependant très difficile, et hasardeux nous semble-t-il, de dissocier net-
tement les différentes composantes des connaissances préalables des élèves.
Ces connaissances sont faites de diverses composantes que nous évoquons
dans le paragraphe consacré aux connaissances de l'élève dans le chapitre
traitant des conditions de l'apprentissage.

Mais la relation didactique n’est pas faite que de rapports de


«connaissances » à «savoir »!

e UN RAPPORT DE & CONNAISSANCES » À & CONNAISSANCES »..

Aussitôt que des échanges apparaissent dans la classe à propos du sa-


voir, chacun est confronté aux connaissances des autres à propos de ce savoir.
Les rapports s'établissent dès lors entre les connaissances respectives des élè-
ves à propos du savoir. De ces échanges peuvent naître des conflits socioco-
gnitifs qui permettront éventuellement des modifications au niveau des
connaissances de l’un ou l’autre des élèves. Si l’objet des interactions est le sa-
voir codifié apporté par l'enseignant dans la relation didactique, les échanges
entre les élèves se font au départ de ce qu'ils disent, de ce qu'ils pensent, de
ce qu'ils écrivent ou encore dessinent à propos de ce savoir.
EXEMPLE

extrait de Astolfi, Cauzinille-Marmèche, Giordan,


Henriquès-Christofidés, Mathieu et Weil-Barais (1984 : 97-99) :
(1)Description de la situation de classe : l'activité se déroule dans une classe de sixième pri-
maire. Les élèves sont confrontés à des problèmes de cultures de plantes. Quatre élèves (P.,
J., B. et S.) travaillent à leur table. Ils font germer des graines en faisant varier trois
conditions : la lumière, l'arrosage et l'obscurité. Ils se proposent également d'ouvrir des grai-
nes. Le professeur (M.) passe entre les tables des élèves, P., J., B. et S. lui racontent l'état
d'avancement de leurs travaux.
(2)Extraits de l'entretien entre ces quatre élèves et l'enseignant :

(P., J., B.etS. = les élèves; M. = le maître)


— P: On a fait pousser dans les pots des moitiés de lentilles et des lentilles entières.
—J.: Dans le même pot. C'était mélangé les petites et les grandes.
— P: Ce que je sais, c'est que les moitiés de lentilles, il y a moins de tiges qui ont poussé.
Ce que je sais c'est que celles qui ont poussé, ont poussé deux fois plus vite.
- M.: Est-ce qu'elles ont poussé plus vite ou germé plus vite ?
— S.: Elles ont germé plus vite. C'est pas qu'elles ont poussé plus vite, c'est qu'elles ont
germé plus vite parce que poussées, ce doit être de la façon forte. Peut-être les
autres, on les a aidées peut-être à se défaire de leur peau.
— P: C'est possible, mais on affirme rien.
— J.: On n'a pas pu regarder au binoculaire.
… À propos du concept de didactique !

— M: Tuas dit, il me semble, en les coupant ça favorise la germination, en les coupant ça


fait craquer la peau. Si vraiment tu voulais vérifier.
— S.: Recommencer en mettant moins de lentilles, je crois qu’on a fait une erreur. On en a
mis quelques-unes. on ne sait pas. On ne peut pas affirmer. I! faudrait mettre dans
deux bacs la moitié de chaque.
RE Comme on n'a pas coupé exactement au milieu, il y en avait une petite partie qui res-
tait dans Son coin sans rien faire et une assez grosse partie qui était dégagée de sa
peau et qui était bien coupée, qui faisait je pense sortir le germe plus facilement.
M Donc en coupant la peau vous pensez que cela a facilité la germination ?
Jo Oui.
— B.: Un petit peu.
M.: Qu'est-ce que vous pourriez faire pour vérifier que c'est la peau craquée qui a facilité
la germination ?
BA Une course.
— M.: Comment ?
B On met d'un côté des lentilles coupées, de l’autre des lentilles entières, et on regarde
de chaque côté tous les jours celles qui germent le plus vite. On pourrait à la fin de
cette expérience voir celles qui poussent le plus vite. Et si une pousse plus vite que
l’autre. Il faudrait mettre au départ un décalage pour voir celle qui pousse le plus vite.

Par ce dialogue, le lecteur constatera que les propos des élèves relè-
vent de leurs «connaissances » à propos de la germination de plantes. Le maî-
tre n'interfère pas en imposant le «savoir» de référence à propos du concept
de germination, il relance le débat et laisse les élèves exprimer leurs connais-
sances préalables à propos de ce concept. Le débat entre eux se situe donc
bien dans le cadre d’un rapport de connaissances à connaissances.

” Mais si les élèves en restent là, quels savoirs pourront-ils acquérir ?

e UN RAPPORT DE &SAVOIR » À & CONNAISSANCES ».…

Dans une perspective d'apprentissage scolaire, ce sont les évolutions


de rapports aux connaissances vers des rapports au savoir qui intéressent le
didacticien. L'enseignant ne va pas laisser ses élèves évoluer dans leurs seuls
rapports aux connaissances tels que décrits dans le paragraphe qui précède.
Ce serait les placer dans l'illusion du «savoir». En réalité, ces connaissances
sont pertinentes tant qu'elles sont viables pour le sujet qui les utilise. Mais,
qu'est-ce à dire ? À travers l'exemple qui suit, nous découvrirons comment
l'enseignant est parvenu à déstabiliser la conception qu'un élève de première
primaire a du nombre 20.
EXEMPLE

extrait de Jonnaert (1996a : 239-240) :


Le statut du nombre «20»

(1) Description de la situation de classe : Un jeu ordinal* est pro-


posé aux élèves d'une classe de première primaire. Ce jeu répond

23 Le jeu présenté est décrit dans un recueil de 111 activités expérimentées dans des classes de
prémière primaire à propos des apprentissages de base en mathématique : Jonnaert (1996e).
116 Créer des conditions d'apprentissage

à la règle : «compte à partir de...» (la borne inférieure étant


fournie).
Il s’agit d’ordonner une série de 5 nombres (inférieurs ou égaux à
20) présentés dans le désordre sur des cartons et de les disposer
en ordre croissant, dans un calibre de 10 cases vides. La suite des
5 nombres n’est pas complète. Pour représenter les nombres man-
quants entre deux nombres donnés, l'élève doit laisser autant de
cases vides qu'il y a de nombres manquants entre ces deux nom-
bres.
(2) Description du jeu proposé aux élèves :
— Jeu de cinq cartons distribués à l'élève.

6] C9 © C9
— Grille de 10 cases sur laquelle l'enfant doit placer ses cartons en
commençant par placer le plus petit nombre dans la première
case à sa gauche.

ROME
— Consigne : «Place les cartons dans l’ordre croissant. Tu pla-
ces le plus petit nombre dans la première case. »

(3) Résultat obtenu avec l'élève interviewé :

14 15 16 17 20

(4) Premiers commentaires :


Lors de la réalisation de ce jeu, certains élèves placent systémati-
quement le nombre 20 dans la dernière case à droite du calibre.
Lorsque l’expérimentateur analyse la vidéo de l’activité de ces élè-
ves, il observe que ces derniers placent en premier lieu le carton
du nombre 20 dans la dernière case à droite du calibre. Ils placent
ensuite le plus petit nombre dans la première case à gauche du ca-
libre. Ils disposent ensuite les autres nombres en tenant compte
uniquement de la borne inférieure (le plus petit nombre placé
dans la première case à gauche). Ils négligent le nombre 20 qu'ils
ont cependant placé en premier lieu.

(5) Extraits du dialogue avec un de ces élèves :

|
Expérimentateur : Pourquoi as-tu placé le «20» à cet endroit ?
— Élève : Parce que c'est sa place.
Expérimentateur : Tu en es certain ?
— Élève : Oui.
Expérimentateur : Pourquoi ?
— Élève : C'est comme ça, … c'est là la place de tous les «20»!
… À propos du concept de didactique ! 117

— Expérimentateur : Pourquoi est-ce que tu penses que c’est là la place de tous les «20» ?
— Élève : C'est le plus grand qu'on apprend en première.
— Expérimentateur : En es-tu certain ?
— Élève : Oui, le maître a dit qu'on irait pas plus loin cette année.
(L'élève montre la ligne orientée des vingt premiers nombres affichée dans la classe).
— Elève : Regarde là, tu vois bien c'est le dernier.
(L'élève montre la place du nombre «20»)

(6) Seconds commentaires :


Lorsque l’'expérimentateur demande à ce même élève jusqu’à com-
bien il peut compter, il récite la suite des mots nombres bien au-
delà de «20». À la question : «après «20» penses-tu qu’il y a en-
core des nombres» l'élève répond d'emblée qu'il y en a encore
beaucoup.
Dans la situation de jeu proposée, pour l'élève interviewé, le nom-
bre «20» est nécessairement le plus grand. De même, dans la vie
de la classe de première primaire, pour cet élève, il n’y a pas de
nombre au-delà de «20». Par contre, dès qu'il quitte cette situation,
le nombre 20 change de statut et n’est plus le plus grand nombre.
La conception que cet élève se fait du nombre 20 est directement
fonction de la situation (un jeu numérique dans le cadre des ap-
prentissages mathématiques de base en première primaire), dans
laquelle il l'utilise, mais aussi du contexte global dans lequel ce jeu
trouve sa légitimité (une première primaire et un programme sCo-
laire à propos des apprentissages mathématiques : «cette année,
nous étudierons les nombres jusque «20»>» .…. aurait dit le
maître!). Bien plus le statut de «plus grand nombre» n’est viable,
pour le nombre «20», que dans ce contexte. Temporairement,
l'élève accepte un compromis. Dès qu'il quitte le cadre scolaire, le
nombre «20» change de valeur ordinale. Dans un contexte non
scolaire, le nombre «20» ne peut plus jouer le rôle de plus grand
nombre : cette position ordinale de «20» n’est plus viable.
Retenons cependant que ce nombre 20 a deux statuts, un statut
pour l'élève, celui lié aux connaissances qu'il accepte de mobiliser
pour traiter la situation proposée par l'enseignant et un statut de
savoir mathématique non encore perçu par l'élève interviewé :

Conception de l'élève (ses connaissances préalables à propos du nombre 20) :


«20 est le plus grand nombre appris en première primaire ».

Savoir mathématique sur la situation ordinale du nombre 20 :


le nombre 20 est compris entre 19 et 21; il est plus grand que tous les entiers naturels compris
entre 0 et 19 inclus, il est plus petit que tous les entiers naturels qui lui sont supérieurs à partir
de 21 inclus: il y a une infinité de nombres entiers naturels supérieurs à 20; 20 n'est pas le plus
grand entier naturel.
118 Créer des conditions d'apprentissage

Mais que faire avec cette conception ? PR Tate sa Fe

La viabilité des connaissances de l'élève


dans le rapport «savoir» à «connaissances» :
Cet exemple 2 (à la limite trivial) montre combien la connaissance de
l'élève est primordiale dans le traitement, par ce dernier, de la situation ana-
lysée. Mais comment réagissent ces connaissances à partir du moment où elles
sont mises en relation avec le savoir mathématique à apprendre ? C’est à ce
niveau que l'enseignant doit jouer son rôle de médiateur * (Lenoir, 1996). Il
doit mettre en interaction trois réseaux :
(1) celui du savoir objet d'enseignement dont il est l'interprète
(dans l'exemple : la dimension ordinale des nombres entiers
naturels);
(2) celui des connaissances de l'élève (sa connaissance de la suite
numérique à l’école et hors de l’école, et plus particulièrement sa
conception de la dimension ordinale du nombre 20 dans la situa-
tion proposée);
(3) celui des exigences de la situation (les règles du jeu proposé à
l'élève).
Dans la situation décrite, l'enseignant, à la suite du dialogue décrit,
modifie une des règles du jeu proposé. La règle changée, la viabilité de la con-
ception de l'élève à propos de la dimension ordinale de «20» est ébranlée.
L'enseignant propose à cet élève des cartons présentant des nombres immé-
diatement inférieurs à «20» («18» et «19») et immédiatement supérieurs à
«20» («21» et «22»). Il place l'élève dans une situation telle que sa concep-
tion de la dimension ordinale du nombre 20 n'est plus viable. Il ne pourra pla-
cer «20» qu'entre «19» et «21», et «21» sera encore suivi de «22». Dans ce
cas, «22» devient le dernier et le plus grand nombre de la série alignée dans
le calibre. Le nombre 20 perd, temporairement sans doute, le statut que lui
avait attribué l'élève interviewé : cette conception n’est plus viable.
La modification * que l'enseignant apporte à la situation (le change-
ment d’une règle du jeu dans l'exemple proposé) a pour fonction de permettre

24 L'exemple cité rappelle celui décrit par Brousseau (1983, p. 176) : «un enfant de six ans
sait distinguer des nombres jusqu'à 4 ou 5 à l’aide de procédés basés sur la perception. Ces
procédés demiennent «coûteux» et peu fiables dès que le nombre d'objets passe à 6 ou 7. Is
échouent au-delà. Si l’on essaye d'enseigner dans l’ordre les nombres 6, puis 7, puis 8, on
se heurte à des difficultés nombreuses et croissantes et une période de désarroi apparaît.
Au contraire, si l’on propose de comparer des collections de l'ordre de 10 à 15 objets, le
modèle perceptif est si évidemment désavantageux, que l'enfant y renonce tout de suite et
met en place de nouvelles stratégies (correspondance terme à terme)».
25 À propos du concept de médiation en didactique, le lecteur intéressé peut se référer à
l'étude de Lenoir (1996).
26 Lorsque l'enseignant modifie une règle du jeu dans la situation proposée à l'élève, il oblige
l'élève de changer de conception. Ce travail n'est pertinent que si l'enseignant effectue avec
l'élève un retour à la fois sur la situation initiale et sur la conception que l'élève s’en faisait au
départ. Cette démarche est appelée «Gestion du Déplacement des Situations Problèmes »
(GDSP) car elle nécessite sans cesse une reformulation de la situation, (Jonnaert, 1986, 1988).
… À propos du concept de didactique ! 119

à l'élève de tester la viabilité des connaissances qu’il mobilise pour traiter la


situation. Jouant sur la viabilité des connaissances de l'élève, l'enseignant
remplit sa fonction de médiateur entre connaissances et savoirs. C’est dans
ce rapport du savoir aux connaissances que s’est mis en route, pour cet élève,
un processus de changement de conception et de modification de connaissan-
ces, .… en d’autres termes, une démarche d'apprentissage.

Retenons de ce paragraphe que l'élève rencontre le savoir proposé par


l'enseignant dans la relation didactique à travers ses propres connaissances,
par l'intermédiaire des échanges avec les autres élèves et par le travail de mé-
diation de l'enseignant. Enfin, c’est par le jeu sur la viabilité des connaissances
de l'élève, que s’enclenche véritablement un processus d'apprentissage.

Savoir proposé par


l'enseignant et mis
en situation

Connaissances
préalables de
chacun des élèves
a : Conceptions
d'autres élèves à
propos du savoir

Conceptions d'un
élève à propos du
Connaissances
non viables

diation par
nseignant

Savoir dans une


situation modifiée

FIGURE 11
RARSSSNERSGRNT

Les dialectiques «connaissances »/«savoir »


120 Créer des conditions d'apprentissage
RNA
TARAARRET LÉ PERS

Les rapports entre connaissances et savoir sont donc variés, multiples,


complexes. Ils sont au cœur de la réflexion et des travaux des didacticiens
car ils déterminent tout processus d'apprentissage.
Au-delà des trois niveaux de rapports [(1) connaissances/savoir; (2)
connaissances/connaissances; (3) savoir/connaissances], une série de con-
traintes pèsent lourdement sur cette dialectique connaissances/savoir. Ces
contraintes sont dues aux situations elles-mêmes, aux caractéristiques du Ca-
dre spatio-temporel de la classe, au hasard et aux faits contingents. En outre,
cette dialectique est ouverte, dynamique et se modifie régulièrement au fil du
temps. Inscrite dans le temps et l’espace, cette dialectique ne peut qu'intera-
gir avec ces dimensions spatiales et temporelles, l'apprentissage se faisant en
interaction avec le milieu. Le danger d’une représentation graphique est de fi-
ger un processus dynamique : la dialectique «connaissance »/«savoir» est fon-
damentalement dynamique et le schéma de la figure 11 est sans cesse à
renouveler.

Mais quel est ce savoir à la rencontre duquel évoluent les connaissances des
élèves ?

8.7 Un rapport de «savoir» à «savoir».


La relation didactique s'organise donc autour d’un «contenu d’ensei-
gnement» : le savoir. Ce savoir, pour arriver dans la relation didactique, a
subi une série de modifications avant d'être, à proprement parler, un «objet
d'enseignement». Ce travail qui, d’un objet de savoir à enseigner, fait un objet
d'enseignement, est appelé la transposition didactique (Chevallard, 1991).
Ce processus de transposition didactique explique les différentes transforma-
tions que subit un«savoir» avant de devenir un «objet d'enseignement».
Pour comprendre ce processus de transposition didactique, partons
d’un document.
DOCUMENT

extrait de Chevallard (1991 : 39):

«Tout projet social d'enseignement et d'apprentissage se constitue dialectiquement avec l’iden-


tification et la désignation de contenus de savoirs comme contenus à enseigner.
Les contenus de savoirs désignés comme étant à enseigner (explicitement : dans les
programmes, implicitement : par le truchement de la tradition, évolutive, de l'interprétation des
programmes), en général préexistent au mouvement qui les marque comme tels. Quelquefois
cependant (et du moins plus souvent qu'on pourrait le croire), ce sont de véritables «créations
didactiques»,suscitées par les «besoins de l'enseignement». (Il en fut ainsi par exemple, dans
l'enseignement secondaire français, du «grand cosinus» et du «grand sinus ».)
Un contenu de savoir ayant été désigné comme savoir à enseigner subit dès lors un ensemble
de transformations adaptatives qui vont le rendre apte à prendre place parmi les «objets
d'enseignement». Le «travail» qui d’un objet de savoir à enseigner fait un objet d'enseignement
est appelé la «transposition didactique».
… À propos du concept de didactique ! 121

Le passage d'un contenu de savoir précis à une version didactique de cet objet de savoir peut
être appelé plus justement «transposition didactique stricto sensu».Mais l'étude scientifique du
processus de transposition didactique (qui est une dimension fondamentale de la didactique des
Mathématiques) suppose la prise en compte de la transposition didactique «sensu lato», repré-
sentée par le schéma :
— objet de savoir— objetà enseigner— objet d'enseignement
dans lequel le premier chaînon marque le passage de l'implicite à l’explicite, de la pratique à la
théorie, du «préconstruit» au «construit» ».

Astolfi (1997) nous rappelle que le processus de transposition didac-


tique, décrit par Chevallard, est repris aux travaux du sociologue Verret
(1975). Astolfi (1997) voit deux niveaux à ce processus : un niveau externe
qui permet le passage du savoir savant au savoir à enseigner et un niveau in-
terne qui permet le passage du savoir à enseigner au savoir enseigné. La trans-
position didactique décrit, selon Astolfi (1997 : 131), le parcours et les étapes
du savoir entre le moment de son introduction dans le «savoir savant» et celui
de son insertion dans un programme scolaire.
Le schéma de la transposition didactique est de longue date remis en
cause et utilement complété par le concept de pratique sociale de référence.
Mais laissons à Raisky le soin de poser le problème :
«(...) Jadis, mais il y a somme toute peu de temps, à peine une génération, l’agricul-
ture était considérée en France comme une activité dont l'apprentissage, pour l'es-
sentiel, ne relevait pas du système scolaire. Les rares écoles existantes formaient
plutôt des «techniciens» ou des «conseillers» que de véritables producteurs. Bien
plus, l'échec scolaire n’était aucunement considéré comme un obstacle à l'exercice
du métier d’agriculteur. Nombre d'agriculteurs, mais aussi nombre de décideurs, pen-
saient que le métier ne peut s'apprendre que «sur le tas», par un long exercice des
activités qui le composent, une longue fréquentation des choses et des gens qui en
font la substance, un apprentissage «par le faire», le plus précoce possible de préfé-
rence. C'est dire que le modèle dominant de formation est resté jusqu’à une date ré-
cente celui d’une imprégnation professionnelle des agriculteurs au sein des familles ».
Raisky (1993 : 102)

Le concept de pratique sociale de référence (Martinand, 1986, 1989)


permet de compléter le schéma de la transposition didactique par le rapport que
l'on peut établir entre un contenu de formation et ce qui se passe dans le monde
du travail. Ainsi, plutôt que d'évoquer un savoir savant de référence pour la for-
mation de futurs agriculteurs, il est pertinent de parler également de pratiques
sociales de référence du monde agricole. Ce concept peut être utilisé pour toute
formation technologique ou professionnelle. En formation initiale des ensei-
gnants, les spécialistes de la formation pratique construisent leurs contenus de
formation sur les pratiques sociales de référence des enseignants eux-mêmes.
Ce concept de pratique sociale de référence est donc pertinent car
il élargit les sources des savoirs à enseigner. Mais ce n’est pas suffisant, que se
passe-t-il aussitôt que la transposition didactique franchit le seuil de la classe
et que le savoir entre dans la relation didactique ? La transposition didactique
n'explique plus l'ensemble des interactions que vit un «objet d'enseignement »
aussitôt qu'il est pris par les jeux des interactions à l’intérieur de la relation
didactique.
122 Créer des conditions d'apprentissage
Dr EEE TE

Les paragraphes précédents ont montré toute la dynamique des rap-


ports entre les connaissances et le savoir, que ce soit du côté de l'élève ou du
côté de l'enseignant. Une perspective linéaire de la transposition didactique
n'a que peu d'intérêt pour le processus d'apprentissage. C’est cependant à tra-
vers ce concept de transposition didactique que les didacticiens ont coutume
de traiter les rapports de «savoir à savoir». Pourtant, c’est dans ses multiples
interactions avec les autres composantes de la relation didactique et par la so-
lidarité que ces composantes entretiennent entre elles que l’objet d’enseigne-
ment pourra être compris. Aussitôt qu'il entre dans la relation didactique, le
savoir explose et entre en interactions avec les connaissances des élèves com-
me avec celles de l'enseignant. Ces échanges le dénaturent, le transforment et
le reconstruisent pour en faire un objet de connaissance pour les élèves.

La figure 12 montre qu’un objet d'enseignement n’est plus seulement


un objet de savoir. Un objet de savoir prend de multiples facettes aussitôt qu'il
s'intègre à la relation didactique, il se débat en un véritable tourbillon de con-
naissances et de savoirs.

Le tourbillon
du savoir à l'intérieur
de la relation didactique
— =

… Objet de savoir = Objet de savoir


F savant _ àenseigner d'enseignement »
de l'élève
art 2e €

Axe de la À
transposition \
didactique Ÿ

En interaction
avec le maître

de la relation
NE 27 didactique

FIGURE 12
NB TERRA

Les multiples facettes du «savoir» dans une relation didactique


… À propos du concept de didactique ! 123

Dès qu’il pénètre dans la relation didactique, le savoir est pris dans un
véritable tourbillon. Les questions à son propos sont différentes en fonction de PES
la facette à partir de laquelle il est questionné :
— s'agit-il de l'enseignant seul qui traite de ce savoir ?
(par exemple lors de sa préparation de l’activité) ;
— S'agit-il de l'enseignant qui, lors d'une interaction avec ses élèves, trai-
te de ce savoir ?
(par exemple en proposant à ses élèves une situation évoquant ce
savoir) ;
— s'agit-il de l'élève seul qui traite de ce savoir ?
(par exemple lorsqu'il lit individuellement un énoncé de
problème) ;
— s'agit-il des élèves qui, entre eux, ont un échange à propos de ce
savoir ?
(par exemple lors d'une activité en équipe à propos de ce savoir );
— s'agit-il de l'élève seul qui organise ce savoir ?
(par exemple lorsqu'il réalise une synthèse des résultats d’un
travail de laboratoire réalisé à propos de ce savoir);
— s'agit-il de plusieurs enseignants qui, entre eux, traitent de ce savoir ?
(par exemple lors d’une réunion de professeurs à propos du pro-
gramme scolaire relatifà ce savoir);
— s'agit-il de parents d'élèves qui parlent de ce savoir ?
(par exemple lors d’une réunion de parents);

Pour comprendre la dynamique du savoir dans la relation didactique,


c’est dans son interaction avec les différentes composantes en présence qu'il
faut la considérer. À défaut, le risque est grand de n’en percevoir qu’une vision
partielle. En ce sens, toute dimension de la relation didactique ne peut trouver
sa signification qu’à travers les interactions qu'elle entretient avec les autres
composantes de la relation didactique.
Une des spécificités d'une démarche didactique est de travailler sur
les composantes de la relation didactique en ne perdant jamais de vue les in-
teractions que ces dernières ont entre elles. Les différentes composantes de
la relation didactique sont fonctionnellement solidaires. Dès que l’on appro-
che l’une d’entre elles, son analyse ne peut se faire sans traiter des interac-
tions multiples qu’elle entretient avec les autres composantes de la relation
didactique.
124 Créer des conditions d'apprentissage

8.8 Que retenir ?

L'importance des rapports au savoir dans une réflexion didactique!


Une multitude de rapports aux savoirs et aux connaissances
sont à prendre en considération.
(1) Les savoirs font référence aux contenus officiels décrits dans les programmes, ils sont ins-
titués, et s'inscrivent dans des logiques et des progressions structurées.
(2) Les connaissances relèvent du sujet qui apprend, elles sont individuelles.
(3) La relation didactique est constituée d’une multitude de rapports au savoir et aux connais-
sances.
(4) La transposition didactique permet de comprendre le passage des savoirs savants et des
pratiques sociales de référence aux savoirs à enseigner et aux savoirs enseignés.

8.9 Quelques références pour aller plus loin.


Chevallard, Y. (1985, 1991). La transposition didactique. Du savoir
savant au savoir enseigné. Grenoble : La Pensée Sauvage.
de Bueger-Vander Borght, C., Servranckx-Giot, A.M., Remacle-Pour-
baix, M.F. et Torres Carasco, M., (1991). Conceptions en écologie
d'étudiants. Impact sur l’enseignement. Probio-Revue, (14)4, 299-
O1],
Martinand, J.-L. (1986). Connaître et transformer la matière.
Berne : Peter Lang.
Numéro thématique de la revue Spirale - Revue de Recherches en
Education, volume 16, 1995.
Raisky, C. (1993). Problème du sens des savoirs professionnels agri-
coles, préalable à une didactique. In Ph., Jonnaert et Y., Lenoir (dir.)
Sens des didactiques et didactique du sens, (p. 101-121).
Sherbrooke : CRP.

8.10 Concepts-clés de ce paragraphe


connaissances - Savoirs - rapports aux Connaissances - rapports au sa-
voir - transposition didactique - pratiques sociales de référence

8.11 Texte à méditer.


«(...) Les dieux ne nous ont pas révélé d'emblée
toutes choses; mais avec le temps, en cherchant,
nous pouvons apprendre et avoir une meilleure
connaissance des choses.

Quant à la vérité certaine, nul homme ne l'a


connue ni ne la connaîtra; ni celle des dieux,
… À propos du concept de didactique ! 125

ni même celle de toutes les choses dont je parle.


Et même s’il se trouvait par hasard proférer l'ultime vérité, TT
il ne le saurait pas lui-même:
car tout n'est qu’un entrelacs de suppositions».

Xénophane, (VE siècle av. J.-C.;


extrait de Jonnaert, 1994 : 195).

9. VERS UN PARADIGME POUR LES DIDACTIQUES

9.1 Introduction

L'ensemble des éléments apportés dans les paragraphes précédents


sont suffisants pour envisager la description d’un véritable paradigme pour les
didactiques.

Une première restriction s'impose : il n'existe pas, à ce jour, de défini-


tion à proprement parler d’une didactique générale qui disposerait d’un cor-
pus théorique suffisant pour exister par elle-même, indépendamment des
didactiques des disciplines. Les didactiques des disciplines, par contre, ont
une existence réelle. Elles sont associées à chaque discipline enseignée. Une
didactique s'inscrit donc, actuellement, dans le contexte de l’enseignement
d’une discipline, scolaire ou non. Cependant, les didactiques des disciplines
utilisent de plus en plus de concepts communs. Ces concepts sont en général
admis par la communauté des chercheurs en didactique, quel que soit leur dis-
cipline d'appartenance. Par ailleurs, les didactiques des disciplines manifes-
tent de plus en plus d'ouverture à l’interdisciplinarité?7. Enfin, acquérant
progressivement un statut de disciplines universitaires, qui font l’objet d’en-
seignements, de recherches, de congrès, de publications dans des revues
spécifiques et de subventions officielles de recherche, les didactiques des dis-
ciplines quittent progressivement le repli sur soi, auto-défensif, qu’elles
avaient adopté.

Ces conditions réunies permettent aujourd’hui de parler des didacti-


ques des disciplines sans évoquer nécessairement la discipline de référence.
Les didactiques des disciplines adoptent progressivement des positions,
créent des concepts, disposent de références théoriques et de thématiques de
recherches communs.

La définition qui suit s'applique donc aux didactiques des disciplines


et ne constitue pas l’'ébauche de la définition d’une didactique générale. Elle
reprend les principaux éléments reconnus par les didacticiens des disciplines.
C’est en ce sens que nous pouvons affirmer, qu'aujourd'hui, un véritable
paradigme pour les didactiques voit le jour.

27 À propos de l'interdisciplinarité, se référer à Lenoir et Sauvé (1998).


126 Créer des conditions d'apprentissage

Et le concept de didactique... ?

9.2 Cinq propositions en guise de synthèse du chapitre 2


L'ensemble des propos tenus dans ce second chapitre sont synthéti-
sés et s’articulent autour de cinq propositions pour former un véritable para-
digme pour les didactiques.

e TOUTE DIDACTIQUE S'INSCRIT NÉCESSAIREMENT DANS UNE SÉRIE DE


RAPPORTS AU SAVOIR

Toute didactique s'inscrit nécessairement dans un rapport étroit


qu’elle entretient avec une discipline qui définit le savoir dont elle porte le pro-
jet social et institutionnel d'enseignement, d'apprentissage et de diffusion. La
didactique d'une discipline ne s'inféode cependant pas à cette discipline.
La didactique d’une discipline s'intéresse autant aux transformations
que le savoir dit savant ou les pratiques sociales de référence ont subies pour
devenir un objet d'enseignement qu'aux transformations que l’apprenant fait
subir de son côté au même savoir à travers ses conceptions, ses résistances,
ses erreurs et ses reconstructions de ce savoir. La didactique d’une discipline
s'intéresse aussi aux transformations que l'enseignant, quant à lui, fait subir à
ce savoir dans son organisation des situations didactiques. La didactique d’une
discipline s'intéresse enfin aux transformations subies par ce savoir à travers
les media utilisés pour sa diffusion et sa vulgarisation (manuels scolaires, livres
scientifiques, vidéogrammes, expositions, revues, ...).
Dans ce contexte, les rapports qui s’établissent entre les connaissan-
ces des élèves et les savoirs institutionnalisés sont au cœur des préoccupa-
tions des didacticiens. Ces rapports sont incontournables.
Finalement, la didactique d’une discipline porte, par définition, la res-
ponsabilité du projet de l’enseignement, de l'apprentissage et de la diffusion
de cette discipline. Il importe donc que les didacticiens réalisent des analyses
critiques des projets sociétaux relatifs à cette discipline.

e LES OBJETS D'ÉTUDE D'UNE DIDACTIQUE SONT LOCALISÉS


DANS LA RELATION DIDACTIQUE
Les objets d'étude de la didactique d’une discipline sont localisés dans
la relation didactique et ses composantes. La première caractéristique d’une
relation didactique est le rapport que chacune de ses composantes entretient
au savoir. Elle se caractérise également par la solidarité de toutes ses com-
posantes. Enfin, une relation didactique est inscrite dans la dynamique d’un
contrat didactique.
… À propos du concept de didactique ! 127

e UNE RELATION DIDACTIQUE EST DÉTERMINÉE


PAR UNE ACTION FINALISÉE

Les principaux acteurs d’une relation didactique, le plus souvent des


enseignants et des élèves, sont réunis dans l'objectif de réaliser une activité à
propos d’un contenu identifié. Cette activité est préalablement définie et pré-
parée. Elle est finalisée et détermine le déroulement de l’ensemble de la rela-
tion didactique.

+ LA DIDACTIQUE D'UNE DISCIPLINE EST ORIENTÉE VERS L'ACTION

La didactique d’une discipline est orientée vers l’action qui se vit sur
le terrain à propos de la discipline dont elle porte le projet social et institution-
nel d'enseignement, d'apprentissage et de diffusion. Cette action, essentielle-
ment des activités d'enseignement et d'apprentissage, est soumise aux aléas
de l’imprévu, du hasard et des faits contingents qui déterminent la vie quoti-
dienne d’une classe. La didactique d’une discipline prend ces faits contingents
en considération parmi les composantes de la relation didactique qu’elle étu-
die.
Cette action est toujours inscrite dans un cadre spatio-temporel clai-
rement circonscrit et limité, le plus souvent scolaire.

e LA DIDACTIQUE D'UNE DISCIPLINE PEUT ADOPTER DES APPROCHES


VARIÉES DES COMPOSANTES DE LA RELATION DIDACTIQUE

Si elle privilégie l'étude des contenus, son approche sera épistémolo-


gique.
Si elle privilégie les processus d'apprentissage, son approche sera psy-
chologique.
Si elle privilégie les processus d’enseignement, son approche sera
praxéologique.
Toutefois, la didactique d’une discipline poursuit l'objectif d’articuler
ces trois approches en étroite synergie en vue d'optimiser les processus d’en-
seignement, d'apprentissage et de diffusion du savoir dont elle est porteuse.
Dans ses méthodes d'observation, d'analyse, de recherche et de con-
ception d'activités d'enseignement et d'apprentissage, la didactique d’une dis-
cipline prend systématiquement en considération le savoir. Même si elle isole
une des composantes de la relation didactique pour en faire l'étude, elle la
prend en considération dans les rapports qu'elle entretient avec les autres
composantes de la relation didactique.
128 Créer des conditions d'apprentissage

SL) Que retenir ?

Vers un paradigme pour les didactiques des disciplines


(1) Les didactiques des disciplines s'inscrivent dans un rapport étroit avec la discipline scolaire
pour laquelle elles développent un projet social et institutionnel d'enseignement, d’appren-
tissage et de diffusion.
Les didactiques des disciplines sont contextualisées dans l’environnement social et institu-
tionnel de l'école: elles sont en général localisées dans les lieux de formation initiale et con-
tinue des enseignants.
Les didactiques des disciplines s'intéressent particulièrement aux processus de transmis-
sion et d'acquisition des savoirs codifiés relatifs à une discipline scolaire; elles peuvent éga-
lement porter un intérêt particulier aux processus de vulgarisation scientifique (exposition,
musée, ouvrages de vulgarisation, .…) des savoirs relatifs à la discipline scolaire qui les
concerne.
Les didactiques des disciplines élaborent leur corpus théorique et valident leur méthodolo-
gie en faisant de nombreux emprunts à d’autres disciplines. Un effort de théorisation de
type scientifique est actuellement réalisé par les chercheurs en didactique des disciplines.
(5) Les didactiques des disciplines fournissent, au départ des résultats de leur recherche, des
pistes d'action validées d'enseignement et d'apprentissage de la discipline scolaire étudiée.
(6) Toute didactique est toujours rattachée à une discipline scolaire, il y a autant de didactiques
qu’il y a de disciplines scolaires, quel que soit l’ordre d'enseignement (maternel, primaire,
secondaire, technique, professionnel, supérieur universitaire, ….).
(7) Plusieurs travaux permettent cependant d'établir des /iens fédérateurs entre les différentes
didactiques par les concepts qu’elles utilisent (transposition didactique, contrat didactique,
situation didactique, médiation didactique, .….).

9.4 Quelques références pour aller plus loin


— Astolfi, J.-P., Darot, E., Ginsbuerger-Vogel, Y. et Toussaint, J. (1997).
Mots clés de la didactique des sciences. Bruxelles : De Boeck.
— Astolfi, J.-P. et Develay, M. (1989). La didactique des sciences.
Paris : PUF.
— Brousseau, G. (1998). Théorie des situations didactiques. Gre-
noble : La Pensée sauvage.
— Develay, M. (dir.), (1995). Savoirs scolaires et didactiques des dis-
ciplines. Paris : ESF.
— Johsua, S. et Dupin, J.-J. (1993). Introduction à la didactique des
sciences et des mathématiques. Paris : PUF.

9.5 Les concepts-clés de ce paragraphe


didactique - définition - didactique des disciplines
… À propos du concept de didactique ! 129

10. DOCUMENTS
… ce qu'ils en disent!
TOULMIN

«(...) Il n'y a pas si longtemps, on opposait le jazz, avant qu'il ne devint intellectuel-
lement respectable, à la «bonne musique».
Les critiques reconnaissaient que, bien sûr, tout n'y était pas mauvais : il pouvait ÿ
avoir du jazz plus ou moins bon. D'ailleurs, la «bonne musique » n’était pas toute bon-
ne, pas même «bonne» de la même façon : Grieg par exemple était à sa façon ex-
cellent compositeur, mais il restait suspect de n'être pas entièrement «bon». Mais on
puvait présumer que, pour juger en matière de musique, il fallait se demander si le
morceau ou le compositeur était un bon exemple d’un type particulier et si ce type
était «bon».
Ainsi différents genres musicaux étaient classés selon une hiérarchie, certains étant
jugés inférieurs aux autres».

Toulmin (1973 : 71)


SACHOT

«Selon la vulgate bachelardienne, on le sait, «ruptures épistémologiques»,


«refontes » et «obstacles épistémologiques » sont le lot de toute science. Si l'on suit
Bachelard lui-même dans un ouvrage, il est vrai, moins fréquenté que «La formation
de l'esprit scientifique», à savoir «La philosophie du non», paru deux ans plus tard,
il s'avère que les difficultés que rencontre une science pour se constituer et se main-
tenir ne proviennent pas seulement de son environnement, même immédiat. Elles
s'inscrivent au cœur même de la démarche scientifique : «L'esprit scientifique ne
peut se constituer qu’en détruisant l'esprit scientifique »(Bachelard : 1940). Que la di-
dactique, entendue ici comme discipline savante («didactologie » dans le vocabulaire
de Robert Galisson) et non comme gestion des pratiques d'enseignement et d’ap-
prentissage (pédagogie), fasse l’objet de turbulences épistémologiques, idéologiques
ou institutionnelles, il n'y a rien là que de très normal et de très sain, à la condition
cependant — bien qu'il ne soit jamais possible d'atteindre et d'en rester à un niveau
purement épistémologique — de ne pas investir et interdire un débat intellectuel pour
protéger des intérêts ou conquérir des avantages personnels. Si, par ailleurs, on con-
sidère que la didactique est une discipline récente, il apparaîtra tout à fait normal
qu'elle soit encore, malgré des avancées remarquables, confrontée à des «obstacles
épistémologiques» qui l’'empêchent, sinon d'achever les «ruptures» initiales, du
moins de procéder à de premières «refontes». Serions-nous justement parvenus à
un moment favorable pour effectuer quelque avancée significative ? La question est
soulevée par un bon nombre de didacticiens de diverses disciplines. Elle apparaît
dans l'énoncé de bien des titres (...). L'image qui revient le plus souvent est celle
d'être «à la croisée des chemins».
Sachot (1996 : 3 et 4)

DEVELAY
«Certes, pédagogie et didactique s'intéressent toutes deux aux processus d’acquisi-
tion (en se centrant alors sur l'élève) et de transmission (en se centrant alors sur l'en-
seignement) des connaissances. Mais la didactique fait l'hypothèse que la spécificité
des contenus est déterminante dans l'appropriation des connaissances, tandis que la
pédagogie porte son attention sur les relations entre l'enseignant et les élèves, et
entre les élèves eux-mêmes. On pourrait encore dire que la didactique est d’abord
centrée sur le rapport au savoir, alors que la pédagogie éclaire le rapport à la loi
en classe. Cette démarcation théorique entre didactique et pédagogie s'avère
130 Créer des conditions d'apprentissage
RTS STD RNETPASSA

problématique dans la situation concrète d’une classe. Faire classe, c'est en effet être
simultanément attentif aux deux dimensions pédagogique et didactique ».
Develay (1996 : 58)
Lorsqu'il est question
d'environnement scolaire

POUR OUVRIR LE DÉBAT..…


«Les banlieues misère ont supplanté les cités dortoirs. Là, sur une toile de fond sou-
vent dépeinte — HLM, parkings et terrains vagues — l'école reste parfois la dernière
lueur. D'abord parce qu’elle est la seule institution présente partout. Ensuite parce
que l'éducation nationale a pris sur ce terrain une longueur d'avance sur les autres
administrations : depuis dix ans, la politique des zones d'éducation prioritaires a per-
mis d'accorder plus de moyens là où les besoins étaient les plus criants. Enfin, parce
qu'elle représente encore le principal espoir d'intégration sociale pour les enfants
d'immigrés mais aussi pour tous ceux dont l’origine familiale ne les prédispose pas à
rejoindre l'élite des grandes écoles.

L'école, phare irréprochable des banlieues ? Ce serait idyllique. Le bilan de son ac-
tion s'y révèle positif, mais non triomphal. Certains enseignants se consacrent depuis
longtemps à ces terres de mission et s’y plaisent, d’autres y vivent en pénitence. Et
puis si l'école — la communale — a su se nicher au cœur des grands ensembles, les
lycées, eux, se concentrent toujours dans les centres-villes. Bac C ne rime toujours
pas avec cité ».
Valo (1991 : 18)
132 Créer des conditions d'apprentissage
Loc7.

RÉSUMÉ

Le chapitre précédent a précisé le concept de didactique. Au centre de la ré-


flexion des didacticiens se trouve la relation didactique, principal objet d’étu-
de de ces derniers. Le présent chapitre précise le cadre général dans lequel
fonctionne cette relation didactique : il s’agit du système scolaire. Après une
clarification de la notion de système, les différents niveaux organisationnels
d’un système éducatif sont présentés. La relation didactique est localisée sur
un de ces niveaux.
L'importance des finalités de l'éducation à l’intérieur d’un système éducatif est
ensuite démontrée, ce sont ces dernières qui permettent la construction du
sens des apprentissages scolaires mais aussi qui assurent la cohérence de tout
un système éducatif.

Ce chapitre se termine en redéfinissant les rôles de chacun des partenaires de


la relation didactique dans ce contexte de système scolaire.

SOMMAIRE

Objectifs de ce chapitre
3.1 Milieu scolaire et système
3.2 Niveaux organisationnels d'un système scolaire et rela-
tion didactique
3.3 Finalités, buts et action
3.4 Un environnement plus large!
3.5 Le débat n'est pas clos

Ce chapitre développe une réflexion que nous avons proposée dans trois
textes antérieurs :
— Jonnaert, Ph. (1996). De l'intention au projet. Bruxelles : De Boeck,
(seconde édition remaniée, première édition : 1993).
— Jonnaert, Ph. (1991). Introduction aux problèmes d'éducation. Lou-
vain-la-Neuve : DUC/CIACO.
— Jonnaert, Ph., Lauwaers, A. (1990). Quelles questions poser pour rédi-
ger un programme ? Bulletin de Psychologie Scolaire et d'Orienta-
tion, 90 (2), 103-124.
Lorsqu'il est question d'environnement scolaire 133
CSP
CENTRES
SSD

OBJECTIFS DE CE CHAPITRE Év
Ce chapitre poursuit l’objectif général de préciser le cadre général de
toute réflexion didactique. Il s’agit essentiellement de l’environnement sco-
laire.

De façon plus spécifique, ce chapitre poursuit l'objectif de permettre


au lecteur d’avoir une compréhension critique des structures organisationnel-
les des systèmes éducatifs. Ce chapitre en trace les grandes orientations sans
entrer dans le détail de l’analyse fine de différents systèmes éducatifs.

Les systèmes scolaires sont subdivisés en différentes strates organisa-


tionnelles. Le présent chapitre définit ces strates, leurs fonctions et leurs pro-
duits. Les concepts de système, de macro, méso et microstructure sont
clarifiés. Les liens hiérarchiques qui s’établissent entre les niveaux organisa-
tionnels des systèmes éducatifs sont ensuite analysés afin de permettre au
lecteur d’en avoir une approche critique.

À chacun de ces niveaux organisationnels correspondent des produits


spécifiques. Le présent chapitre poursuit l'objectif de clarifier ces produits en
les présentant et les illustrant. Les liens qui unissent ces produits sont ensuite
analysés.

Enfin, la structure des systèmes scolaires définit les rôles de ses ac-
teurs. Le présent chapitre poursuit l'objectif de montrer comment la structure
d’un système éducatif permet aux différents acteurs de la relation didactique
d'y jouer leurs rôles respectifs.

1. MILIEU SCOLAIRE ET SYSTÈME


Une approche du milieu naturel de la relation didactique...

1.1 Introduction
Le lecteur sera sans doute un peu surpris du contenu de ce troisième
chapitre. Les auteurs de l’ouvrage avaient décidé, après un débat sur la
question, de le supprimer. Son apport ne semblait pas en prise directe avec la
problématique générale de l'ouvrage : la formation didactique des ensei-
gnants. D'autres ouvrages traitent des systèmes scolaires, de nombreuses
études (notamment celles publiées par l'OCDE) décrivent minutieusement les
systèmes scolaires en vigueur dans des pays très différents, il y a donc une in-
formation abondante à ce propos et il serait vain de vouloir en réaliser une syn-
thèse. Toutefois, ce chapitre à peine retiré de l'ouvrage, la relation didactique
ressemble aussitôt à une abstraction, hors de son milieu naturel, un peu com-
me un bel animal exotique enfermé dans une grande cage du zoo d’Anvers ou
de Granby. Décontextualisée, la relation didactique perd toute sa significa-
tion. Nous avons donc décidé de laisser ce chapitre après l'avoir simplifié pour
134 Créer des conditions d'apprentissage

ne plus ne livrer que l'essentiel de notre réflexion à propos du milieu naturel


de la relation didactique : le milieu scolaire.

Le cœur de notre réflexion est la relation didactique. Elle constitue


l'élément de base de la dynamique d’une classe. Cette dernière ne s’isole pas
dans une bulle. Au contraire, elle est inscrite dans un système complexe,
structuré en plusieurs niveaux organisationnels, dynamique, mouvant, ouvert
sur son environnement : le système scolaire. Extraire la relation didactique
de ce cadre général est une erreur et n’en permet guère une compréhension
en profondeur. Il est alors nécessaire de préciser le contexte du fonctionne-
ment d’une relation didactique :

Une organisation et un système scolaire.

Pour comprendre le fonctionnement de la relation didactique et les di-


verses influences qu’elle subit, nous devons donc faire un détour par la des-
cription de l’organisation scolaire. L'approche que nous suggérons en ces
lignes est systémique. Nous décrivons dans un premier temps quelques carac-
téristiques de l’organisation scolaire, nous reprenons ensuite les composantes
essentielles d'un système, enfin nous articulons entre elles les deux dimen-
sions :

«Organisation scolaire» et «système».

1.2 Deux caractéristiques et une double logique


de l'organisation scolaire
Dans les lignes qui suivent nous décrivons quelques aspects de l’orga-
nisation scolaire. Nous en retenons seulement deux dont l'influence sur le
fonctionnement quotidien de la relation didactique nous semble importante :
— La double caractérisation de l’organisation scolaire : (1) stabilité et
(2) autorégulation ;
— La double logique de l’organisation scolaire : (1) une logique bureau-
cratique et (2) une logique professionnelle.

+ UNE DOUBLE CARACTÉRISATION...

Deux caractéristiques de l’organisation scolaire semblent intéres-


santes : (1) sa stabilité et (2) son auto régulation. À la lumière des travaux
de la sociologie des organisations éducatives (Bidwell, 1965; Etzioni, 1971:
Weick, 1976; Hoyau et Miskell, 1982; 1; Maroy, 1992; ..) et dans la lignée des
thèses de Mintzberg (1982), Bonami (1996 : 186) formule l'hypothèse que
l'organisation scolaire est stable et auto régulée. Cette double caractéristique
lui a permis de se répandre et de s'intégrer depuis plusieurs siècles avec un
Lorsqu'il est question d'environnement scolaire 135
minimum d'adaptation à des contextes nationaux et régionaux très diversifiés. ss)
Mais si cette stabilité est intéressante pour pouvoir assurer une mission
éducative, Bonami (1996) la considère également comme une limite impor-
tante à la capacité de faire face au changement et de l'intégrer.

Dans les lignes qui suivent deux exemples illustrent le revers de la mé-
daille de cette double caractérisation. La stabilité peut générer une forte ré-
sistance au changement. La capacité d’autorégulation devient, dans ce cas,
plutôt une caractéristique qui permet le maintien du statu quo qu’un facteur
d'évolution ou de progression du système éducatif.

Par exemple, aujourd’hui encore le paradigme dominant le fonction-


nement de l’enseignement et des apprentissages scolaires est empiriste. Les
enseignants se réfèrent toujours à la pédagogie par objectifs (ou à des adap-
tations de cette dernière, comme l'approche par compétences). Alors que
depuis l'exposé de Lashley au symposium Hixon !en septembre 1948, la com-
munauté scientifique internationale a la conviction que les réponses du beha-
viorisme aux questions sur l'esprit humain n’en sont pas! (Jeffres, 1951).
Depuis, de nombreux travaux ont mis à mal les thèses behavioristes, les didac-
ticiens ont particulièrement réfuté cette approche pour privilégier une appro-
che constructiviste. Larochelle et Bednarz (1994) dénoncent cependant les
difficultés qu'éprouvent les thèses constructivistes à pénétrer l’univers des
écoles tant les approches behavioristes y sont encore dominantes. La stabilité
du système scolaire et de son organisation empêchent souvent son ouverture
à d’autres approches que celles traditionnellement véhiculées. Parfois, nous
observons de réels blocages. Le document qui suit présente sommairement
l'aventure de la théorie de la relativité avant son inscription dans un programme
scolaire officiel.

DOCUMENT

extrait de Jonnaert (1988 : 107 et 108).

Biezunski (1981), montre la difficulté rencontrée par la théorie de la


relativité pour être reconnue en France. Les blocages auxquels se heurte cette
théorie sont de différents ordres, ils montrent cependant qu’au-delà de son ca-
ractère de stabilité, l’école peut présenter une farouche résistance au change-
ment. Biezunski (1982) décrit comment la théorie de la relativité fut accueillie
en France.

1 En septembre 1948, un groupe de scientifiques s’est réuni sur le campus du California Ins-
titute of Technology pour un colloque financé par la fondation Hixon autour du thème : «Les
mécanismes cérébraux dans le comportement». Plusieurs intervenants à cette rencontre
firent des exposés qui, par la suite, furent considérés comme les fondements des courants
actuels en psychologie cognitive. Un de ces exposés, celui de Karl Lashley, contesta les théories
behavioristes en vigueur jusqu'alors. Depuis cette époque, les approches behavioristes ont ren-
contré d’autres réquisitoires et d’autres résultats de recherche qui font qu'aujourd'hui cette doc-
trine est de plus en plus contestée.
Lire à ce propos l'ouvrage déjà cité d'Howard Gardner (1985).
136 Créer des conditions d'apprentissage
RAA
SEEN SIDE

Retraçons quelques moments de ce lent cheminement!


Paris 1922. L'année choisie étonnera le lecteur! En effet, la théorie de la relativité restreinte date
de 1905 et la relativité générale de 1916. En 1922, Einstein n’est donc plus un inconnu. En Alle-
magne, il est même considéré comme le plus grand physicien de son temps. Et pourtant, en
France la presse reste muette à son propos, alors que la presse internationale s’est depuis long-
temps déjà, emparée des résultats des travaux d'Enstein. Dès 1919 les savants s'opposent en
discussions contradictoires sur la relativité lors de séances à l’Académie des Sciences de Paris.
La presse, quant à elle, attend 1922 (année de la venue d’Einstein à Paris) pour en faire écho. Et
pourtant, un professeur du Collège de France, P. Langevin, perçoit l'intérêt de la théorie de la
relativité et l'enseigne depuis 1906. Cet enseignement provoque de multiples polémiques. Pour
dissiper tout malentendu et éviter les controverses, Langevin invite Einstein pour une série de
conférences à Paris. Une date est fixée en 1914, la déclaration de guerre réduit ce projet à néant
et le voyage d’Einstein à Paris est annulé. || faudra attendre 1922, soit 17 ans après ses premiè-
res découvertes pour qu'Einstein vienne expliquer sa théorie à Paris. Jusqu'alors, hormis des
débats entre quelques physiciens de l’Académie des Sciences de Paris et Langevin, la théorie de
la relativité reste lettre morte en France : «{...) le contexte politique est alors très défavorable à
Enstein : la guerre est encore proche et tout ce qui vient d'Allemagne est boycotté. Les savants
participent de tout cœurà cette exclusion. L'invitation d'Einstein fait scandale, une polémique
sur sa nationalité s'engage. ». Biezunski (1981 : 51). Cependant, la venue d’Einstein à Paris en
1922 soulève les passions. La presse est unanime, souvent réticente avant qu'Einstein n'arrive,
elle ne tarit pas de louanges à son propos après sa venue. Cet engouement inattendu fait que
soudain tout le monde parle d’Einstein. Les savants sont divisés, la plupart d’entre eux refusent
de s'intéresser à la théorie d’Einstein. Certains s'efforcent cependant de diffuser la théorie de la
relativité.

Et dans l'enseignement ?

De 1920 à 1921, la théorie de la relativité fait une timide apparition dans un cours à l’École Poly-
technique de Paris. Après la visite d'Einstein à Paris en 1922, la même École Polytechnique
décide de consacrer un certain nombre d'heures de cours à l'étude de la relativité. En 1924, pré-
textant la surcharge des programmes, la théorie de la relativité disparaît de tout programme
d'enseignement en France. Tombant dans l'oubli le plus profond, elle refait surface en 1936 à
l’École Polytechnique de Paris.
Trente et un ans après les premières découvertes d’Einstein, la théorie de la relativité est finale-
ment timidement acceptée dans un programme d'enseignement!

Mollo (1970) synthétise bien les effets pervers de cette double carac-
térisation de l’école (stabilité et autorégulation). Cet auteur montre en effet
que l’école a souvent tendance à s’isoler dans ses propres modèles d'éducation
avec sa propre représentation de ce que la société et l'individu attendent d'’el-
le. La théorie de la relativité fut-elle intéressante pour la formation des ingé-
nieurs français, socialement et culturellement elle ne correspondait pas à la
représentation que le système scolaire se faisait, à ce moment-là, des attentes
de la société française à son égard. Paradoxalement, l’école s’auto régule par-
ce qu'elle cherche à maintenir sa propre stabilité. Le caractère de stabilité
peut être considéré comme l'effet d'une auto régulation de l’école que certains
appellent «résistance au changement». La critique de Mollo (1970) est inté-
ressante. Elle montre en effet, que, souvent, l’école tend à répondre à sa
Lorsqu'il est question d'environnement scolaire 137

propre représentation des attentes des individus, elle ressemble alors bien ss
plus à un musée des valeurs perdues qu’à un lieu résolument orienté vers le
futur. Caricaturalement, chacun peut se reconnaître dans des propos du type :
«(....) de mon temps on faisait une dictée par jour, et nous étions tous ca-
pables d’orthographier un texte correctement» ou encore « «(...) de mon
temps, nous avions une dissertation à rédiger chaque semaine et, ….» …

Les contenus des curricula et des programmes scolaires sont remplis


d’anachronismes, de contenus qui n’ont d'existence que par ce qu'ils sont en-
seignés. Nous nous souvenons avoir visité une école professionnelle qui pro-
pose un programme de techniques de bureau à des jeunes filles destinées à
devenir secrétaires. Aucune d’entre elles n'avait encore reçu un cours de trai-
tement de texte et ces jeunes apprenaient la dactylographie sur des claviers
en bois. Nous étions en 1994, … dans un pays occidental! Nous pourrions citer
d’autres exemples de programmes obsolètes. Que nous soyons au niveau uni-
versitaire, primaire, secondaire, technique, professionnel ou autre encore, …
la critique que fait le monde des employeurs est récurrente : «L'école est en
retard, et la formation que les jeunes y reçoivent est décalée par rapport
aux exigences contemporaines des professions».
Stabilité et auto régulation ont donc un impact certain sur le fonc-
tionnement de la relation didactique et plus particulièrement sur les contenus
d'enseignement et d'apprentissage véhiculés à travers les programmes et les
manuels scolaires. Une formation didactique pertinente doit permettre au fu-
tur enseignant de développer des compétences critiques par rapport aux con-
tenus et au fonctionnement même de l’école.

e UNE DOUBLE LOGIQUE...


Bonami (1996) postule que les établissements et les systèmes scolai-
res sont sous-tendus par une double logique organisationnelle, à la fois con-
tradictoire et complexe. (1) D'une part, le système scolaire d’une région
donnée (pays, province, zone, ..) est régi par une logique bureaucratique;
(2) d'autre part, les établissements scolaires sont pilotés par une logique pro-
fessionnelle. La logique bureaucratique d’un système scolaire est établie sur
une base de réglementations nombreuses, strictes et hiérarchisées. La logique
professionnelle des établissements scolaires doit, quant à elle, rendre possible
la réalisation de nombreuses tâches complexes liées, entre autres, aux proces-
sus d'enseignement et d'apprentissage.
Ces deux logiques différentes, «organisationnelle » pour le système et
«professionnelle» pour l'établissement scolaire, ont des effets directs sur la
relation didactique.

Par exemple, lorsque l'enseignant prépare une activité d'enseigne-


ment et d'apprentissage, il doit se conformer aux programmes scolaires. Ces
derniers participent à une logique bureaucratique (ils ont notamment pour
fonction d'assurer une formation équivalente pour les citoyens d’une région,
quel que soit l'établissement scolaire fréquenté). Mais dès que l'enseignant
138 Créer des conditions d'apprentissage

franchit le seuil de sa classe pour permettre à ses élèves d'apprendre ce con-


tenu préparé la veille, il entre dans une logique professionnelle. Ces deux lo-
giques ne sont pas toujours compatibles, cependant, l’une et l’autre auront
une incidence sur le fonctionnement de la relation que l'enseignant vivra avec
ses élèves à propos du contenu en question.
Ces deux caractéristiques (stabilité et auto régulation) et cette dou-
ble logique (bureaucratique et professionnelle) définissent certes l’organi-
sation scolaire, elles ont en outre une influence sur le fonctionnement de la
relation didactique.
L'organisation scolaire peut, au-delà de cette première caractérisation
être analysée à travers les lunettes de l'approche systémique. Encore faut-il
comprendre ce qu'est un système! Sommairement, le paragraphe suivant dé-
crit les grandes composantes d’un système afin de nous permettre par la suite
de mieux comprendre l’organisation scolaire.

Mais que comprendre par système ?

1.3 Un système et ses propres composantes


Plusieurs ouvrages majeurs traitent de l'approche systémique et de la
théorie des systèmes. Berbaum (1982) en offre une synthèse intéressante. Les
approches les plus souvent citées sont celle de von Bertalanffy (1975) et celle
de Morin (1977).
Dans la perspective de chacun de ces auteurs, un système peut être
considéré comme un ensemble d'éléments. Ces éléments sont définis, (Ber-
baum, 1982 : 40 et 41), à la fois à partir de leurs caractéristiques spécifiques
et originales, de leurs interrelations, de l’organisation à laquelle ils participent
et du tout auquel ils s'intègrent. Un système est caractérisé par son organisa-
tion interne, il prend en considération les complémentarités et les différences
des éléments qui le constituent. Au-delà de son organisation interne, un sys-
tème est conçu dans sa relation à son environnement, dans sa relation au
temps et dans sa relation à l'observateur. Cette dernière relation évoque le fait
qu'un système n’est pas une donnée en soi, il est toujours le résultat d’un dé-
coupage arbitraire par celui qui veut la comprendre?. Un système scolaire est
de cet ordre.

2 «Désormais le système ou unité complexe organisée, nous apparaît comme un concept


pilote résultant des interactions entre un observateur-concepteur et l'univers
phénoménal; il permet de représenter et concevoir des unités complexes, constituées
d’interrelations organisationnelles entre des éléments, des actions ou d’autres unités
complexes; l’organisation qui lie, maintient, forme et transforme le système, comporte ses
principes, règles, contraintes et effets propres; l'effet le plus remarquable est la constitu-
tion d'une forme globale rétroagissant sur les parties, et la production de qualités émer-
gentes, lant au niveau global qu'à celui des parties». Morin (1977 : 148)
Lorsqu'il est question d'environnement scolaire 139

| Quelles sont les composantes d'un système ? RES

L'essentiel d’une approche systémique se structure autour de quatre


termes (Berbaum, 1982) :
(1) le tout
(2) l'organisation
(3) la relation au temps
(4) la relation à l’environnement

e LE TOUT
Il s’agit en réalité de l’ensemble des éléments du système, (par exem-
ple, l'ensemble des établissements scolaires appartenant à un système éduca-
tif donné). Mais, un système ne possède pas de limites fixées une fois pour
toutes. Les limites d’un système dépendent des fonctions qui lui sont ou non
attribuées (par exemple, un système scolaire a-t-il ou non une fonction d’édu-
cation permanente ? S’il en a une, le système scolaire devient très large). Ces
limites sont également définies à travers les problèmes que le système est sus-
ceptible de traiter ou non (par exemple un système scolaire d’une région don-
née est-il ou non à même de traiter le problèmes de toxicomanie qui s’y
développe ?). Enfin, si le système est un ensemble d'éléments en interaction,
le «tout» envisagé peut prendre la forme d’une série de sous-ensembles plus
ou mois articulés entre eux (par exemple un système scolaire peut réunir un
sous-ensemble avec les écoles primaires des zones urbaines, un autre sous-en-
semble pourrait rassembler les écoles secondaires présentant un programme
de formation générale: ….).

e UNE ORGANISATION
Pour Berbaum (1982 : 50), c’est l’organisation qui est à l’origine de
l'unité complexe d’un système. Cette organisation se décrit par les liaisons qui
existent entre les éléments du système et entre le système et son environne-
ment. Ces liaisons assurent la cohérence du système (par exemple, les écoles
secondaires d’une région sont reliées entre elles par des programmes scolaires
communs, des ratios élèves/enseignant identiques, un même calendrier scolai-
re, les mêmes organes de contrôle, ..….). Ces liaisons assurent la continuité du
système à travers le temps. Par ces liaisons enfin, le système s'adapte à l’envi-
ronnement dans lequel il fonctionne.

e LA RELATION AU TEMPS
Un système évolue dans le temps, il s'inscrit dans une histoire. Une sé-
rie d'événements internes ou externes le perturbent à certains moments et en
modifient l’organisation (par exemple, un système scolaire peut vivre des ré-
formes après des événements majeurs de son histoire, ce fut le cas de l’ensei-
gnement supérieur après les mouvements de révolte des étudiants en Europe
en mai 1968).
140 Créer des conditions d'apprentissage
Lo ESS PRET

e LA RELATION À L'ENVIRONNEMENT

Un système existe dans un environnement qui le détermine. Les ca-


ractéristiques sociologiques, économiques et culturelles d'une région (par
exemple, les caractéristiques de certaines régions socialement et économi-
quement défavorisées ont nécessité de modifier l'organisation des écoles et la
création de zones d'éducation prioritaires). Mais le système est également
ouvert sur cet environnement avec lequel il interagit. Parfois, un système se
donne les moyens pour agir sur cet environnement.

1.4 Que retenir ?

IE EDR
Une approche du milieu naturel de la relation didactique!
Système, établissements scolaires et relation didactique
(1) Un système est donc un ensemble organisé d'éléments en interaction. Il se structure en
fonctionnant dans un environnement. Il se caractérise par son évolution dans le temps. || se
définit par l'intermédiaire de quatre termes : un tout, une organisation, la relation au temps
et la relation à l'environnement.
N—
es Un établissement scolaire est un élément du système scolaire d’une région donnée. Il est
donc inclus dans ce système avec lequel il entretient de multiples interactions. Il est relié
aux autres établissements scolaires appartenant au même système scolaire par une série de
liens organisationnels très divers : une législation scolaire commune, des programmes, un
calendrier, des mécanismes de contrôle, … Par ailleurs, un établissement scolaire est à son
tour composé d’une série d'éléments reliés entre eux par une organisation, c’est par exem-
ple le cas des classes. Il est lui-même inscrit dans un environnement plus étroit, plus spéci-
fique que celui du système éducatif. Une classe dans laquelle se vivent des relations
didactiques est un des éléments constitutifs essentiels de cet établissement scolaire.
(3) Le système scolaire est défini par une double caractérisation (sa stabilité et sa capacité
d'auto régulation); si cette double caractérisation a permis aux systèmes scolaires de rem-
plir leur fonction à travers les siècles dans nos sociétés occidentales, plusieurs auteurs y
décèlent des effets pervers telle la grande résistance au changement qui caractérise l'école.
(4) Le système scolaire est défini par une double logique (une logique bureaucratique et une
logique professionnelle). La logique bureaucratique est établie sur une base de réglementa-
tions strictes et hiérarchisées. La logique professionnelle rend possible les tâches diverses
dont celles reliées aux processus d'enseignement et d'apprentissage.
(5) La relation didactique est localisée dans un établissement scolaire, lui-même inclus dans un
système plus vaste et plus complexe. Elle interagit donc avec une série d'éléments d'un éta-
blissement scolaire et d’autres d'un système scolaire. L'établissement scolaire et le système
auquel il appartient influencent d'une manière ou d’une autre la relation didactique, l’un à
travers sa logique professionnelle (l'établissement), l'autre à travers sa logique organisa-
tionnelle (le système scolaire).

1.5 Quelques références pour aller plus loin


— Bonami, M. et Garant, M. (Éds.), (1996). Systèmes scolaires et pilo-
tage de l’innovation. Émergence et implantation du changement.
Bruxelles : De Boeck-Université.
Lorsqu'il est question d'environnement scolaire 141:
Cross

— Mintzberg, H. (1982). Structure et dynamique des organisations.


Paris : Ed. d’Organisation.
— Lemoigne, J.-L. (1990). La théorie du système général. Paris : PUF.

1.6 Les concepts-clés de ce paragraphe


système - système scolaire - relation didactique

2. NIVEAUX ORGANISATIONNELS D'UN SYSTÈME


SCOLAIRE ET RELATION DIDACTIQUE
Quels liens entre système scolaire
et relation didactique ?

2.1 Trois niveaux organisationnels


Classiquement, un système scolaire est structuré en trois grandes
strates décisionnelles (Kiviet, 1970) :
— la macrostructure du système, ou le lieu de son organisation
générale;
— la mésostructure du système, ou le lieu de son organisation interne
ou locale;
. — la microstructure du système, ou le lieu de la relation didactique.

Ces strates décisionnelles d’un système éducatif font l’objet de nom-


breuses analyses, recherches et développements théoriques en sciences de
l'éducation. Le modèle de Kiviet (1970) n’est ni unique ni exhaustif. Il est ce-
pendant simple et a l'avantage de proposer au lecteur une vision schématique,
certes, cependant claire, non complexe et efficace d’un système éducatif. Le
modèle de Tyler (1950, 1967) est probablement plus répandu que celui de Ki-
viet. D’autres modèles sont présents dans la littérature et articulent les propos
des pédagogues : Krathwohl (1965), De Corte (1973, 1979), De Landsheere
(1975), D'Hainaut (1977, 1988), Dunkin et Biddle (1974), pour ne citer que
certains d’entre eux°. Les propos de cet ouvrage ne sont pas d'analyser ces

3 De très nombreux modèles à propos des systèmes éducatifs existent dans la littérature. Par
exemple Géminard (1973 : 122) propose un modèle relativement complet du système éducatif
français. Les éléments qu’il organise dans ce modèle peuvent être transposés à d’autres systèmes
éducatifs sans trop d’amendements. D’Hainaut (1981 : 21) propose quant à lui un modèle plus
général, mais en même temps plus ambitieux puisqu'il prétend couvrir tous les systèmes éduca-
tifs. De Corte, Geerligs, Lagerweij, Peters et Vandenberghe (1979) proposent, quant à eux,
d'intéressantes analyses de différents modèles de systèmes éducatifs dont celui de Kiwiet. Dans
un texte plus récent, Crahay et Lafontaine (1986) ont rassemblé des textes d'auteurs différents,
notamment la traduction d’un article de Dunkin (1981) sur les modèles dans l’analyse des pro-
cessus d'enseignement.
142 Créer des conditions d'apprentissage
RQ
VU a 9 Pat UE ES

modèles mais bien de clarifier le cadre général de la relation didactique, son


environnement naturel. Les strates décisionnelles définies par Kiviet permet-
tent de localiser les lieux et les agents de décision qui ont une influence plus
ou moins directe sur la relation didactique ou sur une de ses composantes :

Strate décisionnelle

Macrostructure Ministères, administration Décideurs politiques,


centrale, fonctionnaires, inspecteurs,

Mésostructure Établissements scolaires et Conseil d'administration et pou-


leur environnement immédiat | voirs organisateurs des écoles,
direction,

Microstructure Classe, laboratoire, atelier, Enseignant, élèves, parents, …


auditoire, …

Chacune de ces trois strates vit des interactions multiples à la fois


avec les autres strates, mais aussi avec l’environnement plus global dans le-
quel le système éducatif s'inscrit. La microstrucutre du système éducatif est
le lieu même de la relation didactique.

Environnement global

Macrostructure (M)

Mésostructure (m)

Microstructure (lu)

Lieu de la relation
didactique

|un

FIGURE 13
Luler
ts 77)

Localisation de la relation didactique


Lorsqu'il est question d'environnement scolaire 143

2.2 Des pressions sur la relation didactique


La relation didactique ainsi localisée endure une série de pressions,
passe par des filtres successifs, subit une série d'influences (filtres des
programmes, des répartitions de matière, des projets d'établissement, de la
transposition didactique, ..….). La relation didactique n’a cependant pas néces-
sairement de possibilités de rétroaction vers les autres niveaux décisionnels.

e DES PRESSIONS DE LA MACROSTRUCTURE


(l'organisation générale et le cadre légal du système scolaire, le finan-
cement du système scolaire, les grands axes de la politique de l'éducation, des
réformes imposées, des restrictions budgétaires, des projets de restructura-
tion du système scolaire, des projets de rationalisation, ...)

e DES PRESSIONS DE LA MÉSOSTRUCTURE


(l’organisation spécifique d’un établissement scolaire, le calendrier et
l'horaire scolaire, l'enveloppe budgétaire de l'établissement, la gestion du tra-
vail en équipe des enseignants, les programmes et les répartitions de matières,
les projets d'école, les pressions des familles, ...)

e DES PRESSIONS DE LA MICROSTRUCTURE


(le nombre d'élèves dans la classe, l'horaire des activités de la classe,
le matériel disponible dans la classe, les dimensions du local, ...)

Environnement
global
Espace
de la relation
didactique Pressions de la) _ |
microstructure à
Des élèves (l
l

Y _

Ses > (Pressions de la


<————{mésostructure
Un enseignant 4 Un contenu
Q ARE

RE AE | Y
Has cie (Pressions de la
macrostructure

Temps
———+> Pression ou rétroaction forte
----> Rétroaction faible

FIGURE 14
SERRE

Des pressions multiples sur la relation didactique


144 Créer des conditions d'apprentissage
|DEEE
DURE LS LUE U

Par ailleurs, Chevallard et Johsua (1991) évoquent la sphère où « l'on


pense» le fonctionnement didactique : la noosphère. Il s'agit d'une sorte de
zone tampon entre la mésostrucure et la macrostructure où des débats peu-
vent avoir lieu. Des échanges, des rencontres entre des représentants des dif-
férents niveaux décisionnels s’y déroulent pour déterminer ce qui doit se vivre
au sein de la relation didactique.

«(...) on est ici dans la sphère où l'on pense — selon des modalités parfois fort
différentes — le fonctionnement didactique. Pour cela, j'ai avancé pour elle le nom
parodique de noosphère. Dans la noosphère, donc, les représentants du système
d'enseignement, mandatés ou non (du président d'une association d'enseignants au
simple professeur militant) rencontrent directement ou non (par le libelle dénoncia-
teur, la requête comminatoire, le projet transactionnel, ou les débats assourdis d'une
commission ministérielle), les représentants de la société (les parents d'élèves, les
spécialistes d'une discipline qui militent autour de son enseignement, les émissaires
de l'organe politique) ».

Chevallard et Johsua (1991 : 25)

L'environnement de la classe dans laquelle se vit la relation didactique


se caractérise essentiellement par la complexité d’un système scolaire. Les
propos de cet ouvrage ne se situent pas dans l'analyse des antagonismes et des
paradoxes du dédale des systèmes scolaires. L'objet central de ces propos se
situe dans la relation didactique elle-même et son fonctionnement. Sans négli-
ger les multiples pressions dont elle est l’objet, les interactions et les influen-
ces qu’elle subit, la relation didactique se localise essentiellement dans la
microstructure du système éducatif. Depuis le premier chapitre de cet ouvra-
ge, la classe et ce qui s’y vit sont au centre des discussions et des réflexions
suggérées au lecteur. Il est donc important de comprendre l’environnement
de cette relation didactique. Extraire la relation didactique de cet environne-
ment complexe est réducteur, et n’en permet qu’une approche partielle. Le
risque est grand alors de faire tourner la relation didactique sur elle-même,
comme une toupie. Elle serait dénuée de signification. Elle ne produirait que
du «non-sens ».

Mais ce système complexe ne peut construire le «sens» de la relation


didactique que s’il lui permet une compréhension des finalités auxquelles elle
participe. Évoquer le «sens» de la relation didactique ne peut donc se faire
qu'en référence aux finalités de l'éducation. L'enseignant ne peut donner de
signification aux gestes qu’il pose avec ses élèves qu’en référence aux finalités
dans lesquelles son action s'inscrit. L'élève ne peut comprendre la signification
des apprentissages qu'il réalise que parce que ces derniers sont inscrits dans
des projets plus vastes, cohérents par rapport à des finalités de l'éducation clai-
rement élucidées par son enseignant. À défaut d’une compréhension des fina-
lités de l'éducation, l'enseignant et l'élève, l’un et l’autre, frisent l’incohérence.

Cela signifie que si la réflexion proposée en ces lignes se centre essen-


tiellement sur la relation didactique, elle ne peut toutefois se développer qu’en
référence aux finalités dans lesquelles elle s'inscrit. La prochaine section
traite plus spécifiquement de la problématique des finalités.
Lorsqu'il est question d'environnement scolaire 145

2.3 Que retenir ?

Quels liens entre système éducatif et relation didactique ?


Les strates organisationnelles, les finalités et les buts de l'éducation
permettent d'assurer ces liens
(1) Le système scolaire est structuré en trois grandes strates organisationnelles : la macros-
tructure du système (ou le lieu de son organisation générale), la mésostrucure du système
(ou le lieu de son organisation interne) et la microstructure (ou le lieu de la relation didacti-
que). Le relation didactique est au cœur de ce système, elle subit de nombreuses pressions
qui la déterminent.
(2) Pour donner du sens à ce qui se vit au cœur de la relation didactique, il est indispensable de
comprendre les finalités du système éducatif.
(3) La relation didactique est reliée au système éducatif par les finalités et les buts de l'éducation.

2.4 Quelques références pour aller plus loin.


— Avanzini, G. (1991). L'école, d'hier à demain. Des illusions d’une
politique à la politique des illusions. Toulouse : ÉRÈS.
— Bonami, M. et Garant, M. (éds). (1996). Systèmes scolaires et pilota-
ge de l’innovation. Emergence et implantation du changement.
Bruxelles : De Boeck.
— Coombs, Ph. H. (1989). La crise mondiale de l'éducation.
Bruxelles : De Boeck.
— Crahay, M. et Lafontaine, D. (éd.), (1986). L'art et la science de l’en-
seignement. Hommage à Gitbert De Landsheere. Bruxelles : Labor.
— De Perreti, A. (1987). Pour une école plurielle. Paris : Larousse.

2.5 Les concepts-clés de ce paragraphe


macro, méso et microstructure - localisation de la relation didactique

3. FINALITÉS, BUTS ET ACTION


Mais à quoi servent ces différentes strates ?

3.1 Un système hiérarchisé


Les activités au niveau des strates décisionnelles d’un système éduca-
tif génèrent des produits spécifiques :
_ La macrostrucure définit les grandes orientations que doit prendre
un système éducatif donné en définissant des politiques éducatives;
c’est le niveau des finalités de l'éducation;
_ la mésostructure définit l'organisation de l'éducation en précisant,
notamment, les contenus des programmes scolaires; c’est le niveau
146 Créer des conditions d'apprentissage

des objectifs généraux de l'éducation; les buts de l'éducation subis-


sent directement l'influence des finalités de l'éducation;

_ Ja microstructure définit l’action éducative; c’est le niveau de l’ac-


tion éducative; l'action éducative est déterminée à la fois par les buts
et par les finalités de l'éducation.

Les résultats du travail à chacun de ces niveaux décisionnels sont dé-


finis en des termes qui reflètent la spécificité de leur production. Ces produits
s'organisent sur un axe qui part du plus général au plus particulier. Mais cet
axe, n’est pas un axe horizontal. Il s’agit plutôt d’un axe vertical très hiérarchi-
sé. Chaque strate est déterminée par une strate supérieure qui de surcroît l’in-
clut. En réalité, il s’agit là d’une critique majeure“ faite actuellement aux
systèmes éducatifs. Descendant des strates supérieures, les décisions et les
contraintes arrivent à la base, la microstructure, alors que ce niveau a peu de
possibilités de rétroaction vers les strates supérieures.

Pen
____—_—— Ps x
2 | pee .
Contrôles , Décisions au niveau $ à. à
de la macrostructure - Rétroactions “\
] Dm = _—"
l >
trot o |" x 4 Ù
Oo [EU
= É | ! À S u |
i = S ] l 1 LE \ |
Fa QE A HE tueen l
l VOA 1
(l 8 J { = \ ]
| 2 | Décisions au niveau RAR SES
Fr Es EL) de la mésostructure ( GE
AS S| 1» 18,
BREST ES GA 1e |
UE ‘En ras Œ |
I
REC 1 Ji 1Sat ! Ü
| RAR ETS
Û LENO FRS
l
Û RSS DE |l
i 1 ir ER
D ES Le 4 ’ l
S / ! ; / # 1
L dé Actions au niveau 1
Séates” de la microstructure LUS RU
7

FIGURE 15
ADO STD

Un système hiérarchisé

4 Dans la mouvance des réformes que subissent les systèmes scolaires occidentaux plusieurs
travaux s'intéressent tant aux processus d'implantation de ces innovations qu'à leurs effets. Par
exemple Crahay (1994) rassemble une série de textes décrivant des démarches d'analyse de
réformes vécues dans divers pays occidentaux. Bonami et Garant (1996) s'intéressent, quant à
eux, plutôt au pilotage des changements dans les systèmes scolaires. Jonnaert (1994b et 1995)
critique la mise en place de «réformes imposées» au système éducatif belge francophone et en
montre toute la fragilité.
Lorsqu'il est question d'environnement scolaire 147.

Un système éducatif sain bénéficie d’un équilibre entre les mécanis-


mes de contrôle de l’action (inspecteurs, comités de déontologie, services de
contrôle interne, ...) et les mécanismes de rétroaction (comités d’ensei-
gnants, groupes de travail, syndicats, ...). Cependant, des déséquilibres pro-
voquent nécessairement des dérèglements du système. Lorsqu'un des deux
axes, «contrôle» ou «rétroaction», acquiert plus d'importance que l’autre il y
a nécessairement déséquilibre et un risque de crise apparaît.

L'équilibre entre les trois niveaux décisionnels est difficile!

Par exemple, si les mécanismes de rétroaction sont trop peu dévelop-


pés pour permettre aux décideurs de prendre conscience de la réalité quoti-
dienne de l’action éducative, les risques de crise entre le monde des
enseignants et celui des décideurs politiques sont élevés. Une réforme au ni-
veau de la réalisation de l’action (la microstructure) qui prend uniquement la
«voie descendante» sans qu'il y ait eu suffisamment de concertation avec le
monde des enseignants ne peut que provoquer une situation de crise. Les
mouvements de grèves des enseignants entre 1993 et 1996 dans les écoles bel-
ges et françaises sont une illustration des crises que provoquent des réformes
imposées par la «méso» ou la «macrostructure» d’un système éducatif à mi-
crostrucure (par exemple, réorganisation de la structure des écoles en années
scolaires pour passer à une organisation en cycles; réorganisation des moda-
lités d'évaluation des élèves pour permettre la suppression des échecs
scolaires; modification de la durée des études; modification des normes
d'encadrement; ...).
Lorsqu'il y a équilibre entre les mécanismes de contrôle et les méca-
nismes de rétroaction, les différentes strates s’articulent efficacement entre
elles et permettent la cohérence du système éducatif à l’intérieur duquel se
développe l’action quotidienne des enseignants.
Retenons, dès à présent, que les systèmes éducatifs sont hiérarchi-
sés. Un équilibre entre les mécanismes de régulation et ceux de contrôle est
indispensable, à défaut, le système engendre lui-même des crises qu'il éprou-
ve ensuite du mal à juguler.

3.2 Les productions des différentes strates


Chaque strate (macro, méso et microstructure) remplit des fonc-
tions qui lui sont spécifiques et élabore des productions particulières. Nous les
avons déjà sommairement évoquées dans le paragraphe précédent.
148 Créer des conditions d'apprentissage

Une politique éducative les finalités


qui définit. de l'éducation

Une administration de les buts généraux


l'éducation qui définit. et les programmes

Des acteurs de l'éducation les conditions pour


qui définissent... concrétiser l'action

FIGURE 16
BRENT

Finalités, buts et action

e LES FINALITÉS DE L'ÉDUCATION :


PRODUITS DE LA MACROSTRUCTURE

D'une manière générale. Au niveau de la macrostructure, la politi-


que éducative d’un pays ou d’une région définit les finalités de l'éducation,
c'est-à-dire les grandes orientations philosophiques, morales, éthiques, idéo-
logiques. que doit prendre tout un système éducatif. Les finalités de l’éduca-
tion sont d’une grande importance, elles donnent du sens à l’action et assurent
la cohérence de l’ensemble d’un système éducatif. Pour Hameline (1979 : 97),
les finalités sont des affirmations de principe à travers lesquelles une société
identifie et véhicule ses valeurs. Elles fournissent ainsi des lignes directrices
à un système éducatif. Pour Raynal et Rieunier (1997 : 145), elles définissent
les «directionnels » autour desquels devrait s'organiser l'action éducative. Les
finalités de l'éducation sont en général inscrites dans des textes ou des dis-
cours d'intention qui définissent la politique éducative d’un gouvernement.
D'Hainaut (1988 : 43 et 44) précise cependant qu’une politique éducative ne
naît pas du néant. Elle s'inscrit dans un cadre plus large d’une philosophie de
l'éducation et :

«(..) est le résultat de multiples influences en interaction provenant des systèmes so-
ciaux qui agissent sur le système éducatif et qui sont eux-mêmes sous l'influence du
Lorsqu'il est question d'environnement scolaire 149
RENE
RSR AN LRNES

cadre philosophique, éthique et religieux, du cadre historique, du cadre géographique


et physique ainsi que du cadre socio culturel où se situe le système éducatif
envisagé».

Ces propos de D’Hainaut (1988) sont synthétisés dans le schéma sui-


vant qui illustre les influences que subit une politique éducative.

Cadre philosophique, éthique et religieux

Système Système
politique économique
ne A

[POLITIQUE |”
historique |<«- 1 EDUCATIVE }, <«- À socioculturel
F1 \
x
Système Système
démographique administratif

Cadre physique et géographique

FIGURE 17
CRSORRSRRERES

Influences que subit une politique éducative

L'ensemble de ces influences détermine de façon plus ou moins forte


les différents niveaux organisationnels d’un système éducatif. Certains cadres
peuvent avoir beaucoup plus d'importance que d’autres. Par exemple, les dis-
tances qui existent entre les établissements scolaires peuvent expliquer l’uti-
lisation de la technologie pour développer l’enseignement à distance et la
création de structures comme les «télé universités» dans certains pays. Dans
ce cas, le cadre physique et géographique a été déterminant. Dans certains
pays, le contexte démographique explique le maintien ou le développement
de plusieurs réseaux d'enseignement. Par exemple, la création des écoles co-
raniques dans certains pays non musulmans s'explique par l’arrivée, dans ces
régions, de populations immigrées de religion musulmane. Dans ce cas, c’est
le cadre démographique qui est déterminant. Il s’agit donc d'analyser les pro-
ductions des différentes strates d’un système éducatif en les replaçant au mi-
lieu des multiples interactions qu’elles y vivent. La vision linéaire et
hiérarchique des schémas qui précèdent est insuffisante pour comprendre ce
qui se passe dans un système éducatif.
150 Créer des conditions d'apprentissage

EXEMPLE

Finalités extraites des États généraux de l'éducation au Québec

«(.….) Nous croyons néanmoins qu'un effort de clarification des finalités éducati-
ves s'impose et nous proposons de les regrouper autour des trois axes suivants :
l'instruction, la socialisation, la qualification.

Instruire est une tâche essentielle de l'instruction scolaire. L'école, le collège,


l'université sont le lieu — et le temps — d'un apprentissage guidé qui permet à
l'élève, par le contact avec les grands domaines de la culture et son cheminement
dans diverses disciplines, d'acquérir les connaissances, les habiletés et les attitu-
des nécessaires pour comprendre et pour transformer le monde ainsi que pour
continuer à apprendre tout au long de sa vie. L'accroissement exponentiel des
connaissances, leur renouvellement rapide, l'exigence de connaissances de plus
en plus élevées et de plus en plus abstraites pour bien s'intégrer dans une société
où le savoir occupe une place centrale militent en faveur d'un renforcement des
compétences de type cognitif. (...)
Socialiser est une autre finalité de l'institution scolaire. Celle-ci doit transmettre
les valeurs qui fondent notre société démocratique (l'égalité, les libertés fonda-
mentales, le respect de l’autre, la justice, la coopération, la solidarité) et le respect
des institutions communes tout en demeurant un lieu d'exploration des valeurs.
Elle prépare les individus à l'exercice de la citoyenneté en leur apprenant leurs de-
voirs, le respect des règles communes et l'ouverture à la diversité. L'école est aus-
si le creuset d’une société démocratique par sa fonction d'égalisation des chances
et sa contribution à la cohésion sociale. (...)

Qualifier fait aussi partie de la mission de l'institution éducative. Elle doit, en te-
nant compte des besoins du marché du travail ainsi que des champs d'intérêts et
des aptitudes des élèves, jeunes ou adultes, assurer la formation et le perfection-
nement nécessaires à l'exercice d'une activité professionnelle telle qu'elle permet-
te à la société un développement durable et aux individus une intégration réussie
au marché du travail de même qu'une adaptation permanente aux changements
qui ne manqueront pas de se produire dans la nature et les exigences des
emplois».

États généraux sur l'Éducation au Québec (1996 :4et5)

Retenons donc que les finalités définissent de grandes intentions, el-


les fournissent un cadre très général ainsi que les grands axes qui orientent
l’action éducative. Les finalités sont cependant loin de la pratique quotidien-
ne, elle ne permettent pas une approche opérationnelle de l’action de l’ensei-
gnant dans sa classe, avant d'atteindre le niveau de l’action éducative il faut
d'abord en préciser les objectifs généraux.

LES OBJECTIFS GÉNÉRAUX : PRODUITS DE LA MÉSOSTRUCTURE

Au niveau de la mésostructure, l'administration de l'éducation définit,


à travers les programmes et les instructions officielles, les objectifs généraux
de l'action éducative. Il s’agit du cadre plus particulier dans lequel s'inscrivent
l’enseignement et l'apprentissage des contenus et des disciplines scolaires.
C'est le champ des programmes scolaires et celui des curricula de formation.
Lorsqu'il est question d'environnement scolaire 151
UE

Ce niveau structure donc l’action en lui donnant le cadre spécifique à l’inté-


rieur duquel elle doit s'organiser.

Deux exemples pour illustrer le concept d'objectif


général

(1) Exemple d'objectifs généraux au niveau de l'enseignement des mathématiques. Dans une
réflexion à propos de l’enseignement des mathématiques, Charnay (1996 : 16) propose les
finalités suivantes : «(...) Le plus important, à l'école obligatoire au moins, ne se situerait-il
pas plutôt dans l’accès à une forme de culture qu'on nommera ici la culture mathématique,
dont l’enjeu est d'apprendre à penser mathématiquement, de s'intéresser aux mathémati-
ques pour elles-mêmes et pour soi-même ? Pour elles-mêmes, c’est-à-dire pour compren-
dre véritablement de quels objets s'occupent les mathématiques (et avec quelles
méthodes), objets idéaux et immatériels (et pourtant bien réels dès que notre esprit les a
conçus) qui peuvent être étudiés, disséqués, mis en relation entre eux et donc connus pour
eux-mêmes et en même temps capables de s’enraciner dans le réel. Pour soi-même, c’est-
à-dire pour, à travers leur pratique, enrichir sa pensée, son intelligence. Par ce que les
mathématiques sont une manière de penser, parmi d’autres, avec leur histoire, leur langage,
leurs méthodes pour traiter du vrai et du faux, et parce que le type de questions (finalement
souvent gratuites, au départ) qu’on s’y pose, le rôle qu'y joue (ou que devrait y jouer) la
résolution de problèmes en font un lieu privilégié de l'exercice de l'intelligence humaine».
(2) Exemple d'objectifs généraux au niveau de l’enseignement des sciences. Désautels et Laro-
chelle (1989 : 9) citent le Conseil des Sciences du Canada lorsqu'ils évoquent les finalités de
l’enseignement des sciences : «(...) C’est donc au nom d’un certain idéal démocratique,
celui de la participation des personnes aux prises de décision qui touchent leur vie quoti-
dienne, que l’on souhaite que le savoir soit de mieux en mieux partagé. C’est aussi l'avis du
Conseil des sciences du Canada lorsqu'il s'interroge sur la formation scientifique du citoyen
éclairé. «En effet, dit-il, si les membres de la collectivité ne connaissent pas bien les interac-
tions entre les sciences, la technologie et la société, ils remettent à une élite technocratique
le pouvoir de façonner le monde qui les entoure». Dans cette perspective, ajoute le Con-
seil, «il faut que cette éducation embrasse non seulement les matières de base traditionnel-
les des langues et des mathématiques, mais aussi les assises nouvelles de la culture
contemporaine : les sciences et la technologie »6. Voilà donc par quel raisonnement on légi-
time la nécessité d’une culture scientifique pour le plus de gens possible et ce, sur la base
de valeurs contradictoires : préoccupations démocratiques et déterminisme
technologique».

Une définition. «(..) Un objectif général désigne les grandes orientations d’une for-
mation sous la forme de performances complexes, c'est-à-dire résultant de la combi-
naison et de l'intégration de performances simples qu'il peut être malaisé d'isoler ou
d'identifier en tant que telles;(.…) [un objectif général] s’atteint à la suite d'une période
d'apprentissage relativement longue, au terme d’une formation où d'une partie de cel-
le-ci, correspondant à un cycle ou à un degré ».f
Strauven (1992 : 31)7

5 Conseil des Sciences du Canada, (1984 : 15).


6 Ibid. p.12.
7 La définition proposée par Strauven recouvre bien celles d'auteurs comme De Landsheere
(1979), Hameline (1978) ou encore Vandevelde (1982). Par contre, D'Haïinaut (1988) parle de
«buts» plutôt que d'objectifs généraux.
152 Créer des conditions d'apprentissage

Strauven (1992) compare différents textes présentant des objectifs


généraux dans des programmes scolaires de pays et de cultures différents.
L'auteur (Strauven, 1992 : 41) constate combien peuvent diverger les concep-
tions formulées explicitement et/ou implicitement, même lorsqu'il s'agit de
disciplines semblables et enseignées à un même niveau. L'auteur constate que
là où certains accordent de l'importance à l'information de l'apprenant,
d’autres priorisent sa formation.

L'enseignant : un ajusteur de programmes

Il est évident que les objectifs généraux reflètent, d’une manière ou


d’une autre, les finalités éducatives. Ces dernières ne permettent cependant pas
de déterminer avec précision l’action éducative, elles en donnent toutefois des
balises importantes. C’est à ce titre que l'enseignant doit les prendre en consi-
dération. À défaut, les objectifs généraux risquent de devenir des contraintes à
l'apprentissage. Pour Jonnaert (1997), l'enseignant est un ajusteur de pro-
grammes. C’est lui qui doit, sans cesse, adapter les programmes scolaires aux
multiples réalités qui sont les siennes et aux nombreuses contraintes et pres-
sions qu'il subit de différents horizons. Les programmes sont certes importants,
ils ne peuvent cependant pas entraver les apprentissages scolaires. Au contrai-
re, ils doivent les servir, en ce sens, l'enseignant doit les ajuster.

e L'ACTION ÉDUCATIVE : PRODUIT DE LA MICROSTRUCTURE

Au niveau de la microstructure, les acteurs de l'éducation définissent


l'action quotidienne. Ces actions doivent être cohérentes, tant par rapport
aux buts généraux, que par rapport aux finalités de l'éducation. L'action édu-
cative doit aussi être en conformité avec le paradigme épistémologique de
l'enseignant. L'action quotidienne de l'enseignant s'inscrit nécessairement
dans la relation didactique. La microstructure est donc le lieu par excellence
de la relation didactique.

La signification de la relation didactique, le sens de ce qui s'y vit, est


donc à rechercher à la fois dans les finalités et les objectifs généraux de l’édu-
cation et dans le paradigme épistémologique adopté par l'enseignant. Ces pre-
miers chapitres ont donc permis de clarifier la triple cohérence de la relation
didactique : par les finalités, par les objectifs généraux et par la clarification
de la posture épistémologique de l'enseignant.
Mais il serait simpliste de se construire une image strictement linéaire
des liens qui existent entre les trois strates, macro, méso et microstructure.
Certes, chacun de ces trois niveaux développe des produits très complémen-
taires. En réalité, tout système éducatif subit des influences très variées. Elles
ont déjà été évoquées dans la section consacrée aux finalités de l'éducation.
L'action éducative, liée aux processus d'enseignement et d’apprentis-
sage d’une discipline scolaire, est au cœur des préoccupations de cet ouvrage
car elle est au cœur de la relation didactique. Il en sera question, particulière-
ment, au Cours du chapitre consacré à l'apprentissage scolaire.
Lorsqu'il est question d'environnement scolaire 153

3.3 Que retenir ?

Mais à quoi servent ces différentes strates ?


Un tableau en guise de synthèse.

Strates Niveaux Agent Types | |


du système éducatif de décision de la décision de production

Macrostructure Niveau politique — Femmes et hom- — Finalités


(niveau des finalités mes politiques; de l'éducation;
de l'éducation) — Groupes — Politique
de pression; éducative;
— Citoyens; — Projets de société;
Projets de loi;

Mésostructure Niveau de gestion — Administrateurs Objectifs


(niveau des objectifs de l'éducation; généraux;
généraux de l'éduca- — inspecteurs; — Programmes
tion) — Fonctionnaires; Scolaires;
— Décisions
administratives ;
— Calendriers
Scolaires;
— Homologation
des diplômes;
— Gestion de la for-
mation continue
des enseignants;

Microstructure Niveau de l’action — Enseignants; — Situations


(niveau de la relation — Acteurs didactiques;
éducative) de l'éducation; — Plan d'activité;
— — Documents desti-
nés aux élèves;
— Journal de bord;

es

Quelques références pour aller plus loin.


Bonami, M. et Garant, M., (dir.), (1996). Systèmes scolaires et pilo-
tage de l’innovation. Émergence et implantation du changement.
Bruxelles : De Boeck-Université.

D'Hainaut, L. (1988). Des fins aux objectifs de l'éducation. Un ca-


dre conceptuel et une méthode générale pour établir les résultats
attendus d’une formation. Bruxelles : Labor.
154 Créer des conditions d'apprentissage

— Strauven, Ch. (1992). Construire une formation. Définition des ob-


jectifs pédagogiques et exercices d'application. Bruxelles : De
Boeck-Université.

3.5 Les concepts-clés de ce paragraphe


macro, méso et microstructure - finalités - objectifs généraux - action
éducative et relation didactique

4. UN ENVIRONNEMENT PLUS LARGE!


… ou la nécessité d'élargir le strict cadre scolaire!

4.1 Introduction
L'école ne vit pas dans une bulle à l'abri de tout contexte!

Évoquant les rapports aux savoirs et aux connaissances dans les cha-
pitres précédents, le lecteur peut avoir l'illusion que tout se passe dans une
sphère aseptisée qui serait par exemple un local de classe coupé du monde.
L'école vit cependant une série de pressions de la part de son environnement,
indépendamment du système scolaire dans lequel elle vit. Cette section pré-
cise sommairement ces influences. Cette partie de l’ouvrage poursuit l'objectif
de relativiser l’autonomie des écoles et d’en montrer la dépendance par rap-
port à certains éléments de son environnement dont le cadre familial des élè-
ves. Cette partie de l'ouvrage propose donc, sommairement certes, quelques
réflexions afin de permettre au lecteur de recontextualiser l’école dans son
environnement.

4.2 Texte à méditer avant d'entrer dans le débat.


L'école n'est pas toute l'éducation!

«(..) L'éducation. n'est rien d'autre que la socialisation progressive de l'individu.


Faut-il y voir avec Durkheim, une action méthodique ? Cela n'est vrai qu'en partie. La
socialisation est méthodique si l’on fait allusion à l'action exercée consciemment:
c'est le cas par exemple de l'éducation scolaire et de certains aspects de l'éducation
familiale. Mais l'éducation c'est beaucoup plus que cela. Au-delà des institutions spé-
cialement habilitées à éduquer, c'est la collectivité tout entière (et spécialement la
classe sociale) qui exerce de manière diffuse une action éducative.

D'un point de vue sociologique, l'éducation sous toutes ses formes se confond avec
la réaction de la société au phénomène de survenance. La survenance est la condi-
tion de l'individu qui devient membre d'un groupe social. Ce nouveau membre est
l'objet d'un processus d'assimilation, tout au long de sa vie, l'homme entre ainsi dans
des groupes nouveaux. Alors jouent les règles de l'assimilation des survenances. Le
nouveau-né, lui, est survenant dans la société globale. Il est soumis au processus de
l'éducation qui se confond partiellement avec la pression sociale sous ses diverses
modalités et qui partiellement la systématise ».

Jane (1960 : 15 et 16)


Lorsqu'il est question d'environnement scolaire 155

4.3 L'école n'a donc pas le monopole de l'éducation!


Des paragraphes qui précèdent, le lecteur pourrait avoir l'illusion que
l'école vit repliée sur elle-même, en quelque sorte en vase clos. Iln’en est rien.
Bien plus, il n’est guère possible d'en comprendre le fonctionnement si elle
n'est pas systématiquement contextualisée dans son environnement. Ce der-
nier a en effet une influence déterminante sur ce qui s’y vit, notamment sur la
relation didactique.

Le système scolaire n’est pas l'unique environnement de la relation di-


dactique. L'école vit dans un environnement plus large, déterminant tant pour
elle que pour ce qui se passe dans les classes. L'OCDE (1994) considère la for-
me des rapports qu'un établissement scolaire établit avec le contexte extras-
colaire comme une des conditions$ de la qualité de l’enseignement. Des
travaux comme ceux de Grisay (1987) montrent l'importance du rôle de l’en-
vironnement socio-économique d’une école sur les performances des élèves.
D'un établissement scolaire à l’autre, les performances des élèves sont très dif-
férentes. Les recherches de Dethier (1994) traduisent la nécessité de la prise
en compte de cet environnement. Il est difficile à l'heure actuelle, de dévelop-
per une réflexion sur l’école en l’isolant de son contexte. Une véritable socio-
logie de l’école se développe actuellement, définissant ses objets et ses
méthodes (Van Haecht, 1990). Un numéro thématique de la Revue Française
de Pédagogie ? s'est récemment consacré à cette dimension particulière dans
le champ des disciplines qui s'intéressent aux phénomèmes d'éducation.

Le lecteur doit conserver à l'esprit que l’école n’est pas un îlot qui vit
dans l'absolu. Les élèves et les enseignants qui la fréquentent n’y passent
qu’une partie de leur temps. Ils sont, les uns et les autres, déterminés par des
facteurs extrascolaires. L'environnement socio-économique de l’école déter-

8 Le rapport de l'OCDE (1994) sur la qualité de l’enseignement retient essentiellement trois


fondements de la qualité.
(1) L'enseignant est le premier de ces fondements; des travaux comme ceux de White et
Roesh (1993) montrent clairement que les enseignants doués engendrent l’excellence
sans se soucier pratiquement de ce qui les entoure.
(2) L'établissement scolaire est le second fondement, Me Rae (1993) démontre combien il
est important que les écoles réunissent toutes les conditions pour favoriser l’enseigne-
ment et l'acquisition du savoir. La qualité de l’enseignement est plus élevée dans les éta-
blissements scolaires qui rassemblent ces conditions (infrastructures, organisation,
répartition des responsabilités, communication entre les enseignants, ..) que dans cel-
les qui ne les rassemblent pas.
(3) L'environnement extrascolaire est le troisième fondement; le rapport de l'OCDE
insiste surtout sur l’environnement politique et la nécessité de la définition de politiques
éducatives cohérentes.
Dans la lignée des travaux de Bloom (1977) nous insistons également sur l'importance de l'envi-
ronnement familial.
9 Voir le numéro 95 (juin 1991) de la Revue Française de Pédagogie. Plusieurs textes sont
intéressants sur le thème de la sociologie de l'éducation, une excellente note de synthèse y est
rédigée par Henriot-Van Zantem. Par ailleurs, la revue Éducation et Sociétés propose une série
de textes animant le débat en sociologie de l'éducation.
156 Créer des conditions d'apprentissage
EEE
EE

mine de façon majeure ce qui se déroule dans les classes au niveau de l’ensei-
gnement et de l'apprentissage.

De longue date déjà, Bloom précise la part importante que prennent


l'environnement extra scolaire et les familles dans l'explication des résultats
et des performances scolaires des élèves. Lorsqu'il parle des différences de
performance scolaire observées chez les élèves, Bloom écrit :

«(....) en dépit de toutes les preuves de l'existence et de la stabilité de ces différences


dans l'apprentissage scolaire, je suis convaincu qu'une grande partie de la variation
est due aux conditions de l'environnement familial et scolaire et que la majorité des
différences individuelles dans l'apprentissage scolaire sont fabriquées de mains
d'homme plutôt que fixées pour l'individu au moment de la conception».
Bloom (1979 : 20)

Mais, plus que l’environnement socio-économique, la préparation que


les familles offrent à leurs enfants détermine de façon majeure les résultats
des apprentissages scolaires de ces derniers. De nombreuses recherches [Da-
ve (1963); Anastasi (1966) ; Husén (1967); Hanson (1972) ; Comber et Keeves
(1973) ; Marjoribanks (1974) ;Tochon (1997); ...] montrent depuis longtemps
déjà que ce que les adultes font avec leurs enfants pour les préparer ou non à
l'école revêt une importance capitale. Bloom (1979 : 14) précise que la famille
est un facteur «puissant» (Bloom stipule «en bien ou en mal») du développe-
ment de certaines caractéristiques fondamentales de l'enfant essentielles au
développement des apprentissages scolaires. Dans cette perspective, les tra-
vaux actuels de Pourtois (1979, 1989, 1991), Pourtois et Desmet (1989, 1991),
Allès-Jardel M. (1995), Chauveau et Rogovas-Chauveau (1992), Prêteur et
Léonardis (1995) sont d’une très grande importance !, Ils replacent la famille
au centre de leur préoccupation.

Les propos de Pourtois et Desmet synthétisent bien cette influence


des milieux familiaux sur la perception que les élèves ont de l’école :

«(...) les parents de milieux défavorisés perçoivent le parcours scolaire de leur(s) en-
fant(s) comme inévitablement semé d'embüûches. Ils laissent affleurer des sentiments
d'impuissance, de marginalisation, une certaine détresse à l'égard de l’école. L'échec
est banalisé. La fatalité conduit au défaitisme. On observe ici combien les milieux dé-
favorisés ont tendance à intérioriser leur infériorité, particulièrement en matière sco-
laire. IIS ne se sentent pas en mesure d'intervenir efficacement dans le jeu scolaire.
Leur propre passé d'élève les marque et leurs rapports avec l'institution scolaire sont
empreints de méfiance et de désarroi.

10 Plusieurs travaux de Pourtois sur le thème de l'éducation des familles revêtent aujourd’hui
une importance capitale pour quiconque s'intéresse aux processus d'éducation, d'instruction et
de formation : Pourtois, J.P. (éds), (1989). Les thématiques de l'éducation Jamiliale.
Bruxelles : De Boeck; Pourtois, J.P. (éds), (1991). Innovation en éducation familiale.
Bruxelles : De Boeck. De même, un numéro thématique et une intéressante note de synthèse
rédigée par Pourtois et Desmet apparaît dans le numéro 96 (juillet 1991) de la Revue Française
de Pédagogie. Cette thématique n'est pas abordée dans le présent ouvrage, le lecteur à la
recherche de plus d'informations sur cette thématique peut utilement se référer aux travaux de
Pourtois et de ses collaborateurs (Université de Mons, Hainaut, Belgique francophone).
Lorsqu'il est question d'environnement scolaire 157
CRE LS EN PURES PNR TESTS

(...) L'optique des parents de milieux favorisés à l'égard de l’école est beaucoup plus
sereine. Ils manifestent de l'assurance quant à la réussite scolaire de leur progénitu-
re. La confiance en soi et aux capacités de l'enfant est partout présente. Il n'existe
pas de hiatus entre leur vécu et le style scolaire. L'enfant issu d'un tel milieu évolue
dans un contexte d'emblée signifiant pour lui. La collaboration avec l'école est perçue
comme positive et envisagée sous l'angle d'une relation au moins égalitaire ».
Pourtois et Desmet (1991 : 11)

Sans entrer dans le détail de ces travaux, nous retiendrons surtout


l'importance de l'impact de l'environnement familial sur les résultats des ap-
prentissages scolaires des élèves. L'environnement de la relation didactique
est donc multiple. Il serait vain de vouloir en comprendre toutes les compo-
santes. Trois faisceaux d’influences apparaissent :
(1) les effets des interactions des différentes strates du système
éducatif;
(2) les effets de l’environnement socio- économique et culturel de
l'école elle-même;
(3) les effets des actions des familles.

Cet environnement n’est pas exclusivement le système éducatif. Il est


beaucoup plus large que cela, il inclut d’autres acteurs dont les adultes qui en-
cadrent les enfants dans leur milieu familial.

Mais, dans un tel environnement, complexe, multiple, ….


quel rôle joue chacun des acteurs de la relation didactique ?

4.4 Enfants ou élèves ?


Entré à l’école, l'enfant change de statut : il devient «élève». Quels
sont les enjeux de cette nouvelle identité pour lui ?

Des élèves ou des enfants, quelle est la nuance ?

«(....) l'enfant, dès sa naissance a son projet intellectuel : comprendre le monde qui
l'entoure. Ses connaissances se construisent petit à petit, en amas très organisés. En
arrivant à l’école, il devient élève et doit apprendre. Après les cinq ou six premières
années de sa vie durant lesquelles il a mené de manière quasi autonome son travail
«explorateur» — les interventions didactiques de l'adulte ne sont pas encore très
systématiques — l'enfant devient élève. Cela signifie qu’il subira des pressions sa-
vamment orchestrées — sciences de l'éducation obligent! — pour entreprendre un
nouveau projet de construction de connaissances dites scolaires ».
Henriques (1989 : 53)

L'école oblige l'enfant de changer de projet. Jusqu’alors, en explora-


teur autonome, il découvre le monde à sa guise, construisant progressivement
des grilles de lecture pour comprendre ce qui se passe autour de lui. Ses con-
naissances s’élaborent de la sorte : l'enfant se bricole des outils pour compren-
dre le monde. Il échafaude des «théories dans sa tête» qu'il expérimente
librement dans son environnement.
1 58 Créer des conditions d'apprentissage

Le projet de l’école n’est pas celui de l'enfant. Ayant franchi les en-
ceintes scolaires, il est désormais contraint d'apprendre ce que d’autres ont
décidé qu'il apprendra. D’enfant, libre explorateur et inventeur de théories
pour comprendre le monde, il devient un élève impliqué dans le projet de
l'école qui a défini, pour lui comme pour tous les autres enfants de son âge, les
contenus des apprentissages scolaires. Cette distinction est lourde de consé-
quences. La différence qui peut exister entre la logique (souvent liée à celle
d’une discipline) des programmes scolaires et celle de l'enfant qui apprend a
déjà été mise en évidence dans les paragraphes précédents. Une logique de sa-
voirs n’est pas nécessairement une logique de connaissances. L'enfant s’est
construit des connaissances pour comprendre ce qui se passe autour de lui et
l'école veut qu’il apprenne de nouveaux outils pour fonctionner plus efficace-
ment dans son environnement. Il y a un conflit de savoirs entre les théories de
l'enfant et celles de l’école. Pour qu'il passe de l’état d’enfant à celui d'élève,
l'enfant doit souvent renoncer à ses propres conceptions du monde pour ac-
cepter celles qui feront de lui un bon élève : celles que l’école lui enseigne.

Les deux logiques ne sont pas en harmonie. Largement démontrée par


les chercheurs (Giordan et De Vecchi 1990; Jonnaert 1988), la présence des
conceptions des élèves, à propos des différents contenus des apprentissages
scolaires, est une des difficultés majeures parmi celles auxquelles les ensei-
gnants sont confrontés. Le projet de l'élève n’est pas celui de l'enfant et les
théories dans la tête de ce dernier sont souvent tenaces; bien plus, elles font
obstacle à l'apprentissage scolaire et si de nombreux enseignants ne compren-
nent pas que l'élève ne puisse pas apprendre, c’est qu'ils ont oublié que l'élève
était d’abord un enfant :

«(...) tous les élèves doivent donner du sens à ce qu'ils font pour avoir la moindre
chance d'apprendre, et ils ne peuvent le faire qu'en établissant un lien entre la situa-
tion dans laquelle ils se trouvent et leurs connaissances premières. Tout ce qu'ils ne
pourraient pas relier à ce qu'ils savent déjà n'aurait pas de sens, serait même un non-
sens. Les enseignants devraient d'abord se préoccuper de ce que les enfants savent
déjà, ne serait-ce que pour éviter de leur demander des choses qui, parce qu'elles
n'ont pas de sens pour eux, leur sont impossibles ».

Smith (1979 : 10)


Les projets de l'école, quels que soient les finalités et les buts géné-
raux dans lesquels ils s'inscrivent, ne peuvent oublier que les élèves sont aussi
des enfants. Et cet élève n’apprendra que si, enfant, il accepte de jouer le rôle
d'élève qu'on attend de lui. Et puis, si l'école a développé des projets d’appren-
tissage pour les élèves, il ne faut pas oublier, qu’à l’école, l'élève ne fait pas
qu'apprendre! L'apprentissage occupe même une place infime à côté de l’en-
semble des autres activités qui se vivent en classe!
Formellement et informellement, l'élève redevient souvent «enfant»
en classe, et c’est sans doute ce qui lui permet, à l’école, d'accepter (au moins
partiellement) les projets que d’autres nourrissent pour lui! Peut-on l’'empêé-
cher de rêver, de bavarder avec d’autres, de rire, … alors qu’au même moment
l'enseignant attend de lui qu’il soit sérieux, qu’il écoute, qu'il se taise, .::.1?
Lorsqu'il est question d'environnement scolaire 159
REA
GS RMS

C'est sans doute l'enfant qui, sans cesse, donne l'oxygène nécessaire à l'élève
pour qu'il réalise ce que l’école attend de lui. Mais ce nouveau métier, ce mé-
tier d'élève que lui assigne l’école, il doit l’apprendre. C’est en relation avec un
autre acteur, l'enseignant, qu’il découvrira les facettes de sa nouvelle fonction.

4.5 Et l'enseignant. ?
Les chapitres et les paragraphes qui précèdent risquent de laisser l’il-
lusion que l'enseignant ne s'inscrit que dans des démarches rationnelles, orga-
nisées au sein d'institutions qui fonctionnent comme des machines infernales.
De plus en plus d’'écrits existent et circulent sur la professionnalisation de l’en-
seignant, sur leurs compétences et leurs savoirs, sur leurs stratégies, …
Mais entrant en classe, l'enseignant ne quitte pas sa nature humaine
en laissant son manteau au vestiaire pour subitement devenir une machine à
enseigner, mobilisant routines et stratégies, faisant preuve de compétences et
gérant efficacement son enseignement qui devient stratégique!
Si, comme nous l’avons mis en évidence dans les chapitres précé-
dents, les didacticiens recherchent les «rapports aux savoirs et aux
connaissances», nous ne pouvons cependant perdre de vue qu’une relation di-
dactique se vit avant tout parce que des personnes, des êtres humains, des
adultes et des enfants, se rencontrent.
«(.…..) il importe de rappeler que l’enseignement est un «métier de l'humain», un mé-
tier paradoxal, impossible. Métier de l'humain parce qu'il passe par une rencontre en-
tre des sujets : l’autre, même s’il est là d’abord pour enseigner ou apprendre, est
d’abord un autre, que nous abordons avec des espoirs et des peurs qui viennent de
loin, de notre culture, de notre enfance. «Métier complexe » qui est condamné à vivre
avec des contradictions indépassables (...). «Métier paradoxal» : l'intention d’instrui-
re, de changer l’autre ne peut aboutir que s’il adhère à cette intention et en fait en par-
tie son projet. C'est ce qui fait que l'éducation est une praxis, qui ne peut s'accomplir
en mettant l’autre en mouvement. Paradoxe encore, souvent décrit, que de fonder sur
une forte dépendance la conquête progressive de l'autonomie, que de travailler en
tant que maître à se rendre inutile. Paradoxe aussi qui fait d’un agent de l'Etat un ar-
tisan indépendant et une sorte de monarque régnant dans sa petite classe. «Métier
impossible», enfin, selon Freud (...), parce que les conditions de son exercice, con-
juguées aux résistances des apprenants le condamnent régulièrement à ne pas at-
teindre son but».
Perrenoud (1996 : 83)

C’est donc avec toute sa sensibilité humaine que l’enseignant joue sa


fonction de médiateur entre des élèves et un savoir, entre des connaissances
d'élèves et un savoir.
160 Créer des conditions d'apprentissage

4.6 Que retenir ?


eu
Nécessité d'envisager un environnement plus large!
La relation didactique est aussi une relation sociale
où se rencontrent des personnalités humaines
(1) L'école n’a pas le monopole de l'éducation. Non seulement elle s'inscrit dans un environne-
ment socio-économique et culturel, mais les élèves qu'elle accueille vivent d'importantes
influences de leur milieu familial.
(2) L'élève accepte de pratiquer son métier d'élève parce que l'enseignant respecte la personna-
lité de l'individu qui est derrière cet élève, souvent encore un enfant.
(3) L'enseignant n’est pas qu'un technocrate, froid et distant. Il entre également dans la relation
didactique avec l'ensemble de ses qualités humaines et ce sont ces dernières qui lui per-
mettront d'exercer avec finesse ses différentes fonctions de médiateur. rss)

4.7 Quelques références pour aller plus loin.


— Astolfi, J.-P. (1992). L'école pour apprendre. Paris : ESF.
— Meirieu, Ph. (1989). Enseigner, scénario pour un métier nouveau.
Paris : ESF.
— Perrenoud, Ph. (1997). Enseigner : agir dans l'urgence, décider
dans l'incertitude. Paris : ESF.
— Sirota, R. (1993). Le métier d'élève. Revue Française de Pédagogie,
104, 85-108.

4.8 Les concepts-clés de ce paragraphe


élève - enfant - métier d'élève - enseignant
Lorsqu'il est question d'environnement scolaire

5, LE DÉBAT N'EST PAS CLOS...


DOCUMENT

extrait de Jonnaert (1991b : 23):

Le cas Rogers
Rogers reste cohérent de son discours à son action.
Refusant de déformer sa propre pratique en la «racontant dans un exposé», Rogers lut un petit
texte dont le contenu fit l'effet d’une bombe :

«(...) mon expérience m'a conduit à penser que je ne puis enseigner à quelqu'un
à enseigner. Et d'essayer m'a toujours paru vain (...).
Il me semble que tout ce qui peut être enseigné à quelqu'un est relativement sans
intérêt et n’a que peu ou pas du tout d'influence sur son comportement. J'ai fina-
lement l'impression que les seules connaissances découvertes par l'individu, vé-
rifiées personnellement, appropriées et assimilées au cours d’une expérience
vécue ne peuvent être directement communiquées à d’autres (...)».
Le ton est donné. Mais l'émotion est à son comble (imaginez cet aréopage de «Masters of..., de
Ph.D. et de docteurs » réunis dans le grand auditoire académique de Harvard, il y a plus de 35
ans!) lorsque Rogers faisant part de sa propre expérience déclara :

«(...) la conséquence de ce qui précède, c’est que mon métier d'enseignant n’a
plus pour moi aucun intérêt.
J’ai fini par considérer que les résultats de l’enseignement sont ou insignifiants ou
nuisibles.
Je ne m'intéresse qu’à apprendre et de préférence des choses qui ont une influen-
ce sur mon comportement. Je retire beaucoup de profits à apprendre, que ce soit
en groupe, en relations individuelles, comme en thérapie ou tout seul.
(...) une des meilleures façons d'apprendre, bien que la plus difficile consiste à
abandonner mon attitude défensive, au moins provisoirement, pour essayer de
comprendre comment une autre personne perçoit sa propre expérience (...).
(...) une autre façon d'apprendre, bien que la plus difficile, est d'exprimer mes in-
certitudes, d'essayer de clarifier mes problèmes afin de mieux comprendre la si-
gnification de mon expérience (...)».
Rogers prononçait ces paroles il y a plus de 35 ans! Et la question reste entière : comment
transformer un témoignage expérientiel en données prescriptives sur l’enseignement, sans
devenir normatif, techniciste et rationaliste ? Provocation ? Conception naïve de
l'apprentissage ? Les propos de Rogers ne laissent certes pas indifférent.
(Remarque : les parties du discours de Rogers sont extraites de Rogers, 1977, p. 196-199). 2
L

sd | HG 2ATTTMTARICA ‘K
: PTE c}
.… : _-— -
M." diBe) Lars + ARE u
_ | - . _ . q mn CET
0e

Tu et) | _
:
d'a dre à CTI ei su Ga TON

Du Abe dar écPéunr ANT ou € A0 P4D qui Na esamt


| " TER MS ti net

Fabee; un ue taf an | à LL
ES en uw
ONEN 2 Te
| Adam nat e VA04EAMENUÉ
| OP ASTET EPL CT |
@az /i rés da Ms mal PU
t Contes
als te 49 née * 0° © à TÈCN àa MR UC LR LT NE
vibrer RS a ah+ Tres
ve COR UE éhues tar _ Be + Agora s EAU
1 entré MAAG EU où LAN Mie 14t ON DURE

+’ aient 22e Te ét Ne 11 OA [LPS A sons 1 some Col tre #1

| 2atqaert tva a tiers (apahioDos de Ua


es Dhantrre pis cel) liral Dre ar

| doi Pos
tant mn au sd Su bé: 48? ET nie!
(rer rem
| dés got PRET TAILLE . > we" eine VRAIS

æ or D Qi AE var En là darts file


me; ci Ptéeind up Qui med mn RO ES
4 HE ANR » iior
roi: M ge àUr
M yat LOG Cruletiurté Met té) met ED QE
… Canconaee bc re (Leserpent
ss tie
EU eee de RENTE LU eur eût IMC
à © 6 tit iprele Lee, € UN ati ue esù LU 4

| menatirr en AUér Le Li 0 enr & rar AE.


se oovmogiaNT ne iiaiLsanT Len te roiqi
60 pont Aube un * dinde rélaine ÉbE
| DANS PEUPSRTE ZEUTESRTUS"?]
era: TU dog où cie A dépnilen Cursai Di
Vous avez dit
contrat didactique ?

POUR OUVRIR LE DÉBAT...


«(....) Il n'y a pas d'enseignement possible sans que se construise un espace com-
mun de significations (Amigues, 1991) entre le professeur et les élèves, au regard
d’une situation qui forme le contexte où se manifestent les rapports au savoir en jeu.
Mais cet espace ne peut justement jamais être vraiment «commun». Le pense-t-on
tel, on s’apercevra de son erreur dès qu'on sera sorti où on croit l'avoir bâti. Ce para-
doxe doit être considéré comme le moteur même de la relation didactique. Il désigne
une tension, non un état. Et il fixe un horizon aux recherches didactiques : quels sont
les outils à notre disposition pour en faire une tension productive, et ne pas se laisser
détruire par elle ?»
Johsua (1996 : 156)
164 Créer des conditions d'apprentissage
EEE

RÉSUMÉ

Après avoir clarifié les concepts de contrat au sens strict du terme et de con-
trat pédagogique, ce quatrième chapitre propose une réflexion à propos du
contrat didactique. Définissant d'emblée le contrat didactique comme un anti-
contrat, ce texte décrit les caractéristiques du contrat didactique, ses fonc-
tions et son dynamisme à l’intérieur de la relation didactique.
Le lecteur découvrira à travers ce texte la place centrale du contrat didactique
dans le fonctionnement de la relation didactique. Il en est le moteur principal,
la «turbine» dirait Guy Brousseau dans son langage métaphorique.

SOMMAIRE

Objectifs de ce chapitre
4.1 Introduction
4.2 Le concept de contrat
4.3 Un autre type de contrat
4.4 Les fonctions du contrat didactique
4.5 Le dynamisme du contrat didactique
4.6 Le débat n'est pas clos

Ce chapitre développe une réflexion que nous avons proposée dans trois
textes antérieurs :
— Jonnaert, Ph. (1988). Conflits de savoirs et didactique. Bruxelles : De
Boeck.
— Jonnaert, Ph. (1994). À propos du contrat didactique. Cahiers de la Re-
cherche en Education, 1(2), 195-234.
— Jonnaert, Ph. (1996). Dévolution versus contre-dévolution! Un tandem
incontournable pour le contrat didactique. In CL, Raisky et M. , Caillot,
(Éds.), (1996). Au-delà des didactiques, le didactique. ne
autour de concepts fédérateurs. (p. 115-144), Bruxelles :De Boeck.
Vous avez dit contrat didactique ? 165
LE
EeeRS ee]

OBJECTIFS DE CE CHAPITRE
Ce chapitre poursuit l'objectif général de clarifier le concept de con-
trat didactique d’une part en le différenciant de concepts très proches comme
celui de contrat au sens strict du terme ou de celui de contrat pédagogique,
d'autre part en le présentant comme un anti-contrat. Ce chapitre doit permet-
tre au lecteur de développer une réflexion critique sur le contrat didactique
tout en le considérant comme le principal moteur de la relation didactique.
Préalablement, les concepts de contrat au sens strict du terme et de
contrat pédagogique sont définis afin de fournir au lecteur une grille d'analyse
du concept de contrat didactique. Comparant le contrat didactique aux con-
cepts de contrat au sens strict du terme et de contrat pédagogique, le lecteur
dégagera les différences qui séparent nettement le contrat didactique des
deux autres concepts proches.
Enfin ce chapitre poursuit l'objectif plus spécifique de clarifier
— les composantes et les caractéristiques essentielles du contrat didac-
tique, en répondant à la question :
quelles sont les caractéristiques du contrat didactique ?
— les fonctions du contrat didactique, en répondant à la question :
à quoi sert le contrat didactique ?
— le dynamisme du contrat didactique, en répondant à la question :
comment le contrat didactique peut-il assurer le dynamisme de
la relation didactique ?

Des réponses à ces questions posées au contrat didactique, naît né-


cessairement un débat autour du concept même de contrat didactique qui a
plutôt toutes les caractéristiques d’un non-contrat, voire d’un anti-contrat.
Peut-on définir un concept par ce qu'il n’est pas ? Ce chapitre poursuit l’objec-
tif de lancer le débat... sans nécessairement y apporter de réponse définitive.
166 Créer des conditions d'apprentissage

1. INTRODUCTION
Les chapitres précédents ont défini les contextes dans lesquels s’ins-
crit toute réflexion didactique. Au sens large, il s’agit de situer notre débat
dans le champ des sciences de l'éducation, au sens restreint, il s'agit de loca-
liser nos propos dans le cadre de la relation didactique, elle-même inscrite
dans un environnement scolaire précis.
Mais, que se passe-t-il dans cette relation didactique ? Comment les
différents acteurs en présence (un enseignant, des élèves et un savoir) inte-
ragissent-ils entre eux ? Quelle dynamique permet aux rapports aux Savoirs,
et aux connaissances, d'évoluer d’une manière telle que des apprentissages
scolaires puissent avoir lieu ? Et puis, quelles sont les conditions pour que ces
échanges entre ces différents partenaires existent réellement ?
Pour répondre à ces questions, nous proposons, dans les lignes qui
suivent, une réflexion sur le contrat didactique.
Après avoir situé le cadre théorique qui permet aujourd’hui de définir
le contrat didactique, nous proposons une analyse des composantes du con-
trat didactique. Ces dernières donnent cependant à ce contrat toutes les
caractéristiques d’un «non-Contrat».
Plutôt que de parler de règles figées, nous évoquerons des ruptures.
Plutôt que d'affirmer que les rôles de chacun sont clarifiés une fois pour tou-
tes, nous évoquerons les dévolutions et les contre-dévolutions. Plutôt que
d'évoquer un savoir stable, clairement précisé dans des manuels scolaires,
nous parlerons de rapports asymétriques au savoir …

Bref, si nous commençons ce chapitre par préciser ce que peut être


un contrat, dès que nous parlerons de contrat didactique, le lecteur se ren-
dra compte que les caractéristiques et les propriétés de ce concept ne sont pas
du tout celles d’un contrat stricto sensu. Sans doute ce terme est-il mal choisi,
Car si un contrat au sens légal et commun du terme fige des règles pour assu-
rer leur stabilité, le contrat didactique aura plutôt pour fonction de dynamiser
les règles, justement pour que des choses se passent.
C’est à travers le contrat didactique que nous découvrirons le dyna-
misme de la relation didactique. Ce dynamisme s'explique par les multiples
changements de rapports aux savoirs et aux connaissances, et, ‘en.ce.sens,ll
fait des travaux des didacticiens une science vivante, une science qui s'inté-
resse à des processus en constante évolution, ceux reliés à la construction des
connaissances des élèves à propos d'un savoir scolaire.
Ce dynamisme de la relation didactique permet de mieux compren-
dre, au-delà des multiples rapports aux savoirs et aux connaissances en
présence, le long processus qu’un élève met en place lorsqu'il a accepté
d'apprendre, autrement dit de jouer son rôle d'élève.
Mais avant d'entrer dans le contrat didactique à proprement parler,
nous clarifierons d’abord le concept de contrat stricto sensu.
Vous avez dit contrat didactique ? 167
ES ES

Nous situerons ensuite le contrat didactique par rapport au contrat


au sens légal du terme et au contrat pédagogique: nous en définirons enfin
toutes les composantes.

2. LE CONCEPT DE CONTRAT
Mais, au sens propre du terme,
qu'est-ce qu'un contrat ?

2.1 Un document
Convention signée par le maître d'école de Braine-le-Comite !, le 2
juillet 1705;
DOCUMENT

extrait de Jonnaert (1988 : 26 et 27)

«Un ecclésiastique éminent, natif de Braine-le-Comte et issu d’une famille noble, Nicaise Par-
mentier s’offrit, en 1705, pour remplir avec grand désintéressement les fonctions en apparence
si humbles de maître d'école. C’est qu'il comprenait l'importance vitale pour sa ville natale de
posséder une école convenablement dirigée. Sa généreuse proposition fut acceptée et le 28
juillet 1705, entre lui et Messieurs les Pasteur, Châtelain, Mayeur, Jurés et Échevins de Braine-
le-Comte fut signée la convention suivante :
1° Que le sieur Parmentier aura la direction de l’école et prendra pour adjoint le sieur Questinier,
aussi prêtre.
2° Que les enfants seront conduits à la messe et surveillés à l’église.
3° Chaque matin, classe à 8h. jusqu’à la messe de 10h à laquelle les enfants assisteront.
4° l'après-midi, classe de 1h1/2 jusqu’à 3h1/2 en été, 3h. en hiver.
5° Mardi et jeudi, congé. Samedi, une heure de catéchisme.
6° Le sieur Parmentier sera exempté du logement ordinaire des soldats.
7° Le sieur Questinier aura à décharger les messes fondées; il recevra 24 livres de la massarde-
rie et 24 livres de l’aumône.
8° Les enfants apprenant à lire paieront trois patards par mois, ceux qui apprennent à écrire
quatre, à la réserve des choraux et des pauvres qui seront enseignés gratuitement.
9 Le sieur Parmentier aura la recette de la confrérie de Saint-Géry avec profits et émoluments
accoutumés ».
Matthieu (1885 : 30)

2.2 Du contrat «stricto sensu» au «contrat social »


Le concept de contrat revêt diverses significations. Parlant du contrat
didactique, nous évoquerons un contrat non conventionnel plus proche du
contrat social de J.-J. Rousseau que du concept de contrat au sens strict du
terme.

1 Braine-le-Comte est une ville de la Province du Hainaut en Belgique francophone.


168 Créer des conditions d'apprentissage
pr
re 1]

Mais qu'est-ce qu'un contrat au sens strict du terme et qu est-ce que le contrat
social? |

Dans ce paragraphe, nous posons les assises de notre réflexion. Après


avoir clarifié le concept de contrat au sens strict du terme, nous évoquons
les propos de J.J. Rousseau pour préciser ainsi le concept de contrat social. Le
lecteur pourra alors mieux mesurer l'écart qui existe entre ces deux concepts.

e LE CONCEPT DE CONTRAT

Du côté de l’étymologie
«Contrat : n. m.: d'abord contract (1370), est emprunté au bas latin juridique
«contractus» (convention, pacte, accord), dérivé de contrahere (prendre engage-
ment). La forme savante a évincé la forme plus populaire «contraut» (1254), encore
relevée au XVIe siècle. Le mot qui désigne l'accord de deux ou de plusieurs volontés
en vue de créer une obligation, est souvent accompagné d’un adjectif ou d'un com-
plément de détermination précisant la nature du contrat (contrat de mariage, 1877).
Employé par métonymie pour désigner l'acte écrit enregistrant le contrat, il entre dans
la locution figurée« donner des coups de canif dans le contrat» (1877). Par analogie,
l'expression «contrat social» qui semble créée par J.-J. Rousseau (1762), sert à dé-
signer la convention (implicite) entre gouvernants et gouvernés, membres d'une
même société; très employée au XVIII siècle, elle fait aujourd'hui allusion à
Rousseau ».
Rey (1992 : 487)
Il est intéressant de noter que le verbe «contracter» est dérivé du mot
latin (1370) «contractus» : resserrement. Lui-même est dérivé du participe
passé de «contrahere», (de cum et trahere, littéralement «tirer ensemble»).
Plus largement, ce verbe évoque le fait d’avoir des liens «serrés» avec quel-
qu'un.

Le concept de contrat stricto sensu


Un contrat n'est rien d'autre qu’une «convention» par laquelle une ou
plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à poser ou pas
un acte, à dire ou pas quelque chose, à donner ou pas un bien, .…, et vice-ver-
sa. Mais, le contrat est aussi l’acte qui enregistre officiellement les termes de
cette convention.

«Contrat» — Convention conclue entre deux ou plusieurs personnes à l'issue de né-


gociations. Le contrat implique une adhésion des différents partenaires au projet. Il
suppose une obligation du respect de ses règles durant le déroulement de celui-ci et
par conséquent la mise en place de procédures de contrôle du suivi».

Danvers (1992 : 61)

Il s’agit donc essentiellement d’un engagement par lequel les parties


en présence s’obligent réciproquement. La négociation préalable, qui a permis
la constitution du contrat, a nécessairement débouché sur un accord entre les
partenaires en présence. Sans accord entre les parties en présence, il n'y a
pas de contrat possible. Chaque partenaire, par ailleurs, adhère entièrement à
Vous avez dit contrat didactique ? 169
USSR ERA ÉORMENEEIEIRR

chacune des clauses du contrat et s'engage à les respecter. Si le sieur Parmen-


tier attend un salaire et d’autres avantages de la commune de Braine-le-Com-
te, les autorités communales de cette ville ont clairement précisé une série
d’attentes à l'égard du futur maître d'école. Et si le contrat fut signé entre les
parties, c’est que chacune d’entre elles était d'accord quant aux conditions de
ce contrat et au projet dans lequel elles s'inscrivent. Enfin, des procédures de
contrôle et d'évaluation du contrat sont souvent définies. Bien plus, en cas de
non-respect d’une ou de plusieurs clauses du contrat, des sanctions sont en
général prévues.
Dans un tel contexte, la qualité d’un contrat est d’être très explicite.
Chacune des parties doit en faire une lecture identique. Les conflits naissent
souvent d'interprétations différentes d’une même clause d’un contrat par les
signataires de ce contrat eux-mêmes. Dès lors, et au sens strict du terme, un
contrat organise et régit des engagements que des individus (ou des groupes
d'individus, ou des sociétés, ..) ont pris entre eux, il les précise, en organise
l’application, le contrôle et les sanctions. Il s’agit d’un système fermé et
immuable : les règles ne peuvent pas être modifiées en cours d'exécution du
contrat.

Le contrat est donc aussi le document, un texte écrit, qui reprend de


façon explicite les clauses, c’est-à-dire les engagements mutuels des parties
concernées. Ces clauses doivent être rédigées très clairement et présenter le
moins d’ambiguïté possible, de manière à ne pas prêter à interprétation. Un
contrat au sens strict du terme, lie donc des parties de façon claire et explicite.

e LE CONTRAT SOCIAL
Au-delà de cette perspective rigide, fermée, le contrat peut adopter
d’autres connotations. Le contrat social proposé par Rousseau sort certaine-
ment du carcan défini dans les lignes qui précèdent et nous place déjà dans la
perspective du contrat didactique. Au même titre que ce dernier, il s’agit sans
doute d’un contrat paradoxal. Dans l’encadré qui suit, Gagnebin (1992) nous
propose une rapide synthèse de la perspective rousseauiste.
DOCUMENT

le contrat social de Rousseau.


Extrait de Gagnebin (1992 : 319-320)

«(...) Fonder le droit politique, telle est l'ambition de Rousseau. C'est pourquoi,
loin de décrire le droit tel qu'il est, Rousseau se propose de rechercher ce qu'il de-
vrait être; autrement dit, il décide d'établir des conditions de possibilité d’une so-
ciété — et par conséquent d'une autorité — légitime. À ses yeux, le fait ne fait pas
droit.
(...) Son problème s'énonce de la façon suivante : trouver un type d'association
qui assurerait à chaque individu la «sécurité» — forme que revêt dans la vie so-
ciale la notion particulière de bonheur, qui est le mobile du passage de l'état de
nature à l’état de civilisé — tout en lui permettant de conserver sa «liberté», c'est-
à-dire de ne pas trahir son essence ».
170 Créer des conditions d'apprentissage
sera rArnE caRE a)

Et le contrat social ?

(...) Rousseau rejette toute autorité reposant sur les privilèges de nature ou sur le
droit du plus fort. Pour lui, la seule autorité légitime naît d'un accord réciproque
des parties contractantes, d'une convention. Pacte d'association donc, qui n’est
suivi d'aucun pacte de sujétion. Non seulement le peuple est la source de la sou-
veraineté, mais encore, il apparaît comme celui qui exerce cette souveraineté.
Celle-ci demeure — pour reprendre les expressions percutantes de Rousseau —
«inaliénables » et «indivisibles ». Ainsi, le souverain et le peuple appartiennent à
la même humanité considérée sous différents rapports. C'est dire, en quelque sor-
te, que tout individu pactise avec lui-même comme membre du corps social.
«L'Obéissance à la loi qu’on s'est prescrite est liberté » affirme Rousseau : tout in-
dividu est aussi citoyen, ce que l'on exprime encore en disant qu’à tout droit cor-
respond un devoir.

(..) Deux phares ne cessent de guider sa quête et d'illuminer sa doctrine : liberté


d’une part, sécurité («ordre public», «bonheur public») de l’autre; deux impératifs
dont l'existence simultanée n'est rendue possible que par l'introduction d'un con-
cept clé : celui d'égalité. La démocratie est là, tout entière ».

Appliqués à la relation didactique, les propos de Rousseau anticipent


l’idée d’un contrat non conventionnel entre l'enseignant et les élèves : pré-
misses du contrat didactique. Le contrat social est basé sur l’idée d’une as-
sociation, d'un pacte établi de commun accord d’une manière telle qu'aucune
des deux parties ne puisse inféoder l’autre. Un autre extrait repris dans
l'Émile de Rousseau permet de mieux cerner l'impact du contrat social sur
notre réflexion didactique. Parlant de l’apprenant, Rousseau nous dit :

«Si jamais vous substituez dans son esprit l'autorité à la raison, il ne raisonnera plus;
il ne sera plus que le jouet de l'opinion des autres ».

Rousseau (1966 : 215).

Précurseur d’un type de relation qui doit s'établir entre l'enseignant et


l'élève, Rousseau propose en filigrane les assises du contrat didactique.

Mais, l'école est-elle prête à accueillir ce discours ?


Et puis, ces propos ne seront-ils pas d'abord récupérés pour un autre type
de contrat, le contrat pédagogique ?

Avant de traiter du contrat didactique, il est utile de rappeler que


l’école est un milieu régi par de nombreux contrats, ce contexte n’est pas né-
cessairement propice à l'installation de contrats non conventionnels. Plus
conventionnels et plus proches du contrat au sens strict du terme, le concept
de contrat pédagogique est déjà fort présent dans le milieu scolaire. Il ne
s’agit pas de confondre ce dernier avec le contrat didactique.
Les lignes qui suivent, précisent ces deux aspects que nous identifions
comme des contraintes pesant sur la viabilité du contrat didactique.
Vous avez dit contrat didactique ? 171
SHARE
PENSRAE ARE ESS

+ L'ÉCOLE : UN MILIEU RÉGI PAR DE NOMBREUX CONTRATS

Le contexte scolaire au sens large (il s’agit plutôt de la mésostructure


du système éducatif) est organisé par une multitude de contrats, à un point
tel qu’une législation particulière («la législation scolaire») en régit très stric-
tement les modalités de fonctionnement. Plus largement, nous pouvons dire
qu'il y a entre l’école et la société des contrats d'éducation, de formation et de
certification. Bien plus, chaque institution scolaire en particulier, par le type
de certification qu’elle offre, s'engage à former des élèves dans tel ou tel sec-
teur, et propose une organisation (grilles horaires, programmes, enseigne-
ments, infrastructures, ..….) qui permet aux élèves (s’engageant à respecter les
contraintes imposées par l’école) à obtenir le diplôme offert par cette derniè-
re. En outre, la société qui reçoit les nouveaux diplômés sur le marché de l’em-
ploi, est en droit d'attendre de ces derniers une série de compétences qu'ils
auront dû acquérir dans cette école.

Des contrats très précis, liant école et société, école et familles, école
et élèves, école et monde du travail, école et enseignants, .…. sont traduits en
termes de règlement d'établissement, de programmes scolaires, de diplômes
de fins d’études (homologués et donc socialement reconnus), de contrat de
travail, de législation spécifique, …

Ces multiples contrats que l’école a établis avec une série de partenai-
res sont très clairs. Un élève s’engageant dans des études est informé non seu-
lement du type d'enseignement qu'il pourra y suivre, mais aussi du type de
certification et de diplôme qu'il pourra obtenir au terme de ses études et enfin,
du secteur professionnel dans lequel il pourra rentabiliser les compétences
qu'il aura acquises. À ce niveau contractuel, classiquement, et dans l'intérêt
de chacun des partenaires (école, élèves, société, familles, enseignants, mon-
de du travail) les termes des différents contrats évoqués sont donc explicites
et clairs.
Un milieu habitué à des contrats clairs, explicites, rédigés en des ter-
mes non équivoques n’est pas nécessairement ouvert à l'apparition en son sein
de contrats d’un autre ordre qui eux seraient non conventionnels, ne se-
raient pas complètement explicites, qui seraient souples plutôt que rigides.

L'environnement scolaire, sa mésostructure, est souvent réfractaire à


un type de contrat qui, comme le contrat social de Rousseau, cherche le déve-
loppement de rapports équitables entre différents partenaires (des élèves, un
enseignant et un savoir), surtout si les composantes de ce contrat ne sont pas
nécessairement explicites. Cette mésostructure, avec ses règlements, sa légis-
lation, ses programmes, ses horaires, ses engagements sociaux, est certaine-
ment une contrainte forte qui pèse lourdement sur le contrat didactique, qui,
nous l'avons déjà dit, est, par définition, non conventionnel.

Cependant, depuis de nombreuses années déjà, l’école s’est habituée


au concept de contrat pédagogique, et, souvent, confond les finalités du con-
trat pédagogique avec celles du contrat didactique.
172 Créer des conditions d'apprentissage

Et pourtant, il ne s'agit pas du même concept.

e LE CONTRAT PÉDAGOGIQUE

Les expériences de Parkhurst


Raynal et Rieunier (1997 : 267 et 268) nous rappellent utilement que
le concept de «contrat pédagogique » est inspiré des expériences de
Parkhurst (1923) à Dalton (Massachussetts) et que l’on retrouve aujourd'hui
dans les manuels de pédagogie sous l'intitulé de «plan Dalton». De Land-
sheere (1992) nous en fait une description et une critique présentées dans le
prochain encadré. Le contrat pédagogique est alors considéré comme une
«technique d’enseignement/apprentissage» qui permet à un enseignant de
négocier avec un apprenant un travail personnel correspondant à un objectif
déterminé. Par rapport à cet objectif, l'élève choisit lui-même la nature et la
difficulté de la tâche qu'il souhaite accomplir. Il s'engage ensuite, par contrat
avec l'enseignant, à réaliser la tâche choisie et à développer les compétences
utiles au traitement de cette tâche.
Pour que l'élève puisse réaliser ce choix, cela suppose que le maître
propose une série de situations différenciées face à un objectif précis. Il doit
également mettre à la disposition de l'élève une structure d'encadrement :
fichiers divers, fiches de manipulation, carnet de bord, documents, ... mais
aussi assurer l'élève de son soutien et de sa disponibilité.

DOCUMENT

extrait de V. De Lansheere (1992 : 163):


Le Plan Dalton

«C'est dans une école primaire rurale de Dalton (Géorgie, États-Unis) où elle en-
seignait seule à 40 élèves, que Helen Parkhurst conduisit à maturité des essais
d'individualisation qui s'étaient ébauchés dès la fin du XIX® siècle. À la classe pas-
sive, elle substitue des «laboratoires d'apprentissage», conçus initialement pour
le groupe d'âges de huit à douze ans et étendus ensuite à l'enseignement secon-
daire.

Au début de l'année scolaire, le travail à accomplir est présenté, puis réparti en


dix tranches que les élèves s'engagent par contrat à maîtriser en utilisant libre-
ment et sans horaire fixe les ressources (manuels, fiches de travail, recueils
d'exercices, matériel intuitif) disponibles dans chacun des «laboratoires» consa-
crés à une branche particulière et où se trouve le professeur chargé de l'ensei-
gner. Le travail en petits groupes est encouragé.

Des travaux écrits, dont le thème est cerné lors d'entretiens avec le professeur,
constituent une partie importante de la tâche. En effet, toutes les prestations et les
productions des élèves — compositions, rapports, exercices — sont rigoureuse-
ment évalués. Les résultats sont consignés sur des fiches et la progression de
l'élève, dans chacune des branches, est représentée graphiquement.
Vous avez dit contrat didactique ? 173
ed

La journée se déroule selon un plan fixe. La matinée est consacrée au travail in-
dividuel, portant sur les branches estimées prioritaires (langue maternelle, mathé-
matiques, sciences, histoire, géographie), et se termine par une évaiuation du
travail accompli et par une rencontre collective avec les professeurs. L'après-midi
est dévolu à des apprentissages pratiques et à des activités récréatives qui réu-
nissent la classe entière.

La flexibilité permise par ce système a conduit des élèves fortement motivés à


d’indéniables succès, mais a beaucoup moins bien réussi aux élèves lents ou
moins persévérants dans l'effort.

On a aussi reproché à Parkhurst de n’avoir supprimé ni les programmes tradition-


nels, ni les manuels scolaires correspondants, et de proposer simplement une
méthode de travail qui rend plus actif que l'enseignement magistral. Malheureu-
sement, cette participation consiste surtout à rédiger des notes, à répondre à des
questionnaires et à faire des exercices à la correction desquels l'enseignant con-
sacre la majeure partie de son temps au lieu d'interagir avec les élèves ».

Les propositions de Filloux (1974) :


Dans la littérature pédagogique française, il semble que ce soit Filloux
(1974) qui ait instauré le concept de contrat pédagogique. Son travail est ori-
ginal, il porte sur les représentations qu’enseignants et élèves se font de la re-
lation pédagogique et de ce qu'ils y vivent. L’auteur met en évidence une série
de contradictions et de paradoxes au départ de l’analyse qu'elle fait des dis-
cours des enseignants et des élèves. L'auteur identifie un double contrat :

(1) un contrat institutionnel qui définit le rôle du professeur et celui


de l'élève; le statut de l’un et l’autre est ainsi défini par rapport à
l'institution;

(2) un contrat pédagogique qui vise à régler les échanges entre l’en-
seignant et les élèves pour une durée limitée, définissant les droits
et devoirs réciproques.

Filloux s’écarte du concept de contrat au sens strict du terme. Elle


prend en considération l’idée de la nécessité d’un consentement mutuel en-
tre maître et élèves à propos des règles du jeu au sein duquel ils se trouvent
dans la relation pédagogique. En ce sens, ses propositions sont sans doute
plus proches du concept de contrat social.

Le contrat pédagogique, au sens de Filloux (1974), règle les échan-


ges entre l'enseignant et ses élèves en définissant les droits et les devoirs de
chacun. Ce contrat est basé sur un consentement mutuel à propos de règles
auxquelles chacun doit délibérément se soumettre. Ce type de contrat se fon-
de donc sur des énoncés de règles qui permettent le bon déroulement des re-
lations entre l'enseignant et ses élèves alors que dans le plan Dalton le
contrat pédagogique porte essentiellement sur l'engagement pris par l'élève
d'accomplir une tâche qu'il a choisie.
174 Créer des conditions d'apprentissage
D een euoma Es

Du côté de la pédagogie différenciée


Meirieu (1992 : 156) estime, de son côté, qu’à partir du moment où,
en pédagogie différenciée, on accepte qu'il y a plusieurs voies d'accès possi-
bles au savoir, il devient indispensable de substituer au contrat unique et im-
plicite qui lie le maître à toute sa classe, des contrats individuels et
diversifiés. Ces contrats engagent chaque élève et précisent les soutiens sur
lesquels chacun d’entre eux peut compter. Par ses propositions, Meirieu dé-
veloppe l’idée de l'engagement individuel de l'élève à l’aide d’un contrat.
Parkhurst fondait son approche sur le même principe. La différence essentiel-
le entre les deux approches réside dans le fait que si Parkhurst recherchait la
maîtrise d’un même objectif par tous ses élèves, Meirieu recherche des voies
différenciées à l'accès au savoir.
Raynal et Rieunier (1997) précisent encore que la pédagogie du con-
trat peut apparaître comme une des composantes de la pédagogie différen-
ciée. Il s’agit donc d’un dispositif d’enseignement/apprentissage qui permet de
répondre à l’hétérogénéité des élèves.
«(...) En résumé, le contrat pédagogique représente la différenciation en actes; il en-
gage l'élève et l'éducateur autour d'un projet commun, nouant les exigences du sa-
voir, la personnalité de l'apprenant et l'intervention du formateur. || est à la fois un
précieux analyseur, un moyen de finaliser le temps scolaire, une occasion de préciser
les objectifs et de se mettre en quête des moyens pour les atteindre, un outil enfin
pour donner du sens à l'évaluation».
Meirieu (1992 : 156)

De ces différentes approches, il ressort que le contrat pédagogique est


un engagement pris par l'élève de réaliser une tâche, et un engagement pris
par l'enseignant de lui fournir toutes les ressources dont il a besoin pour réa-
liser cette tâche. Dans une perspective de pédagogie différenciée, les contrats
individuels permettent de varier l'accès des élèves au savoir.
Le contrat didactique intègre une partie des composantes du contrat
pédagogique, mais les organise d'une manière non conventionnelle et de façon
très différente en y apportant des éléments neufs. Pour le comprendre il était
cependant utile de clarifier les concepts de contrat au sens strict du terme
et de contrat pédagogique.
Le contrat didactique va naître du brassage de ces différentes appro-
ches, de leur remise en cause et de leur articulation à la relation didactique.
Vous avez dit contrat didactique ? 175

'surler
|Strict
de règle:

nr” 7UUE
Centration 1!
to Mean 1°LS Barares

NAS PAR \ idéed'enga ement


_Centration 11 personnel dans la
J\ surles 1 tâche !

{idée de clarification des,


>, droits et des devoirs de
chacun à propos d'une 1
tâche à réaliser 2 à
remise

FIGURE 18
CRDSEPESS

Un long cheminement vers le contrat didactique

2.3 Que retenir ?

Mais, au sens propre du terme, qu'est-ce qu’un contrat ?


Il y a «contrat» et «contrat»!
(1) UN CONTRAT AU SENS STRICT DU TERME
(1.1) Un contrat au sens strict du terme est une convention conclue entre plusieurs partenaires
à l'issue de négociations.
(1.2) Ce type de contrat suppose que ces derniers (les partenaires en question) adhèrent au
projet régi par le contrat.
(1.3) Le contrat au sens strict du terme suppose l'obligation du respect de ses règles pour toute
la durée du contrat par chacune des parties concernées par le contrat.
(1.4) Un contrat au sens strict du terme définit les procédures de contrôle de son application et
le cas échéant, il prévoit les sanctions lorsqu'il n’est pas respecté.
176 Créer des conditions d'apprentissage

(2) UN CONTRAT PÉDAGOGIQUE


(2.1) Le contrat pédagogique s'inscrit dans la foulée du plan Dalton, des propositions de Filloux
(1974) et dans la perspective de la pédagogie différenciée.
(2.2) Il est en général considéré comme une technique d'enseignement et d'apprentissage.
(2.3) Il s'agit essentiellement d’un engagement mutuel entre enseignant et élèves à propos des
droits et devoirs respectifs relatifs à la tâche à accomplir.
(2.4) Par le contrat pédagogique, l'élève choisit la nature et la difficulté de la tâche à accomplir.
(2.5) Par le contrat pédagogique, l'élève s'engage à réaliser la tâche qu'il a choisie et à y déve-
lopper les compétences que cette dernière requiert.
(2.6) Par le contrat pédagogique, l'enseignant s'engage à fournir à l'élève les supports dont il a
besoin; ces supports peuvent être matériels (fichiers, documentations, matériel informati-
que, …) et sont liés à la disponibilité de l’enseignant lui-même.

2.4 Quelques références pour aller plus loin.


Burguiere, E., Chambon, A., Chauveau, G., Derouet, J.-L., Derouet-
Besson, M.-C., Gautherin, J., Proux, M. et Rogovas-Chauveau, E.
(1987). Contrat et éducation. La pédagogie du contrat, le contrat
en éducation. Paris : L'Harmattan.
Filloux, J. (1974). Du contrat pédagogique ou comment faire
aimer les mathématiques à une jeune fille qui aime l'ail. Paris :
Dunod.
Meirieu, Ph. (1991). L'école mode d'emploi. Paris : ESF.
Przemicki, H. (1994). La pédagogie du contrat. Paris : Hachette.
Rousseau, J.-J. (1966). Émile ou de l'Éducation. Paris : Garnier-
Flammarion.

27 Concepts-clés de ce paragraphe
contrat - contrat au sens strict - contrat social - contrat pédagogique

5} UN AUTRE TYPE DE CONTRAT...


Le contrat didactique est-il un anti-contrat ?

3.1 Des questions autour d'un concept!


Qu'en est-il lorsque nous entrons dans la sphère de la relation
didactique ? Ouvrons la porte de la salle de classe, et observons les interac-
tions entre un enseignant et ses élèves à propos d’un objet d'enseignement.
Les choses peuvent-elles encore être aussi claires ? La nature même de ces in-
teractions permet-elle de parler en termes de contrat ?
«(...) quand on considère les interactions, on entre dans un palais des glaces où
l'image se reflète à l'infini. (...) même si nous poursuivons notre analyse jusqu'au
Vous avez dit contrat didactique ? 177

troisième, cinquième ordre, voire plus loin encore, on peut toujours imaginer des
interactions négligées d’un ordre encore supérieur».

Cronbach (1974 : 7)

Mais alors, une relation didactique peut-elle effectivement être orga-


nisée sous le modèle d’un contrat au sens premier du terme (tel que décrit
dans les lignes qui précèdent) ?
En effet, aussitôt que nous pénétrons dans la sphère de la classe, les
choses ne sont certes plus aussi simples, aussi limpides, aussi transparentes.
Le contrat didactique, celui qui nous intéresse en ce texte, serait-il d’un autre
ordre ? Peut-être même, le mot «contrat» est-il malheureux pour nommer un
concept qui ressemble si peu à ce concept de contrat auquel on souhaiterait
l’apparenter : il a toutes les caractéristiques d’un «anti-contrat», voire d’un
«non-contrat». Les propos que nous tiendrons dans les lignes qui suivent s’ap-
parentent à une définition de l’antonyme du contrat stricto sensu. Il y a là un
débat conceptuel à développer :

.…. peut-on définir un concept par ce qu'il n'est pas ?


Alors, qu'en est-il à propos de ce concept de contrat didactique ?

3.2 Document : un retour aux sources,


les propos du père fondateur
DOCUMENT

extrait de Brousseau (1988) :

«(..…) Les rapports de l'enseignant et de l’élève sont conditionnés par un projet so-
cial extérieur qui s'impose à l’un comme à l’autre. Les paradoxes de la relation di-
dactique montrent que le modèle mécaniste exposé jusqu'ici est inadéquat sauf
pour les séquences non didactiques : un jeu où l’un des joueurs agit ouvertement
sur ses partenaires afin de les modifier en cours de partie, est évidemment de na-
ture toute différente des jeux évoqués plus haut où les règles restent fixes au
cours d’une partie.

Ces paradoxes entraînent deux conséquences : nécessité d’une résolution tem-


porelle, et afin de permettre l'avancement de la relation, nécessité d'un blocage
temporaire de certaines conditions de la situation par des conventions provisoires,
implicites ou explicites. Ces conventions deviennent l'objet et l'enjeu de la relation
didactique. La forme générale de ces conditions est le contrat didactique.

(...) Le contrat est spécifique des connaissances en jeu et donc nécessairement


périssable : les connaissances et le savoir évoluent et se transforment, tandis que
le contrat pédagogique a tendance à être stable. Les moments de rupture permet-
tent la mise en évidence expérimentale du contrat didactique».
Brousseau (1988 : 322)

3.3 Une réflexion sur le contrat didactique


La réflexion développée dans les lignes qui suivent à propos du
contrat didactique prend trois directions :
178 Créer des conditions d'apprentissage

1) la recherche d’une série de caractéristiques du contrat didac-


tique;

2) la recherche des fonctions du contrat didactique;


3) la recherche de la dynamique du contrat didactique.

Chacune de ces directions fait l’objet d’une sous-section spécifique. La


présente sous-section se limite aux caractéristiques du contrat didactique et
tente de la sorte de répondre à la question posée en sous-titre de ce para-
graphe :

le contrat didactique est-il un anti-contrat ?

La réflexion que nous développons en ces lignes se réfère aux écrits


classiques des didacticiens sur la problématique du «contrat didactique»
[Balacheff (1988), Brousseau (1986, 1988), Chevallard (1983), Margolinas
(1993), Schubauer-Leoni (1986, 1988, 1992), ...]. Ces auteurs posent les assi-
ses du concept qui nous intéresse. Leurs apports sont essentiels dans l’élabo-
ration du cadre théorique sur le contrat didactique.

3.4 Caractérisation du contrat didactique


Nous caractérisons en cinq points le contrat didactique :
— sa localisation dans la relation didactique;
— son action sur des changements de rapports aux savoirs;
— son inscription dans le temps;
— son influence sur la zone proximale de développement;
— Soninfluence sur la dynamique des situations didactiques.

e PREMIÈRE CARACTÉRISATION DU CONTRAT DIDACTIQUE :


SA LOCALISATION AU SEIN DE LA RELATION DIDACTIQUE !

Tout contrat didactique ne peut avoir d'existence que dans le contex-


te d’une relation didactique. La relation didactique est constituée d’une série
de rapports sociaux, organisés par le contrat didactique dans un cadre spatio-
temporel déterminé, entre un enseignant, des élèves et un objet précis d’en-
seignement et d'apprentissage. La relation didactique est constituée de l’en-
semble des échanges entre les élèves, le savoir et le professeur. Il s’agit d’une
relation ternaire. La métaphore du triangle permet cependant de visualiser
une surface d'interactions entre trois pôles solidaires. La solidarité fonction-
nelle des trois familles de variables en interaction (celles liées aux élèves, cel-
les liées au savoir et celles liées à l'enseignant) constitue toute la complexité
de la relation didactique. Dans ce contexte, une approche simplifiée des règles
qui organisent ces relations semble illusoire : aucun des trois pôles du triangle
ne peut être isolé des deux autres dans une analyse pertinente du fonctionne-
ment de la relation didactique.
Vous avez dit contrat didactique ? 179
RDS RERO PAENEARES

pe AS Fe
4 N
NC
/Lecontrat \ CON AE Pire
| didactique gère \ - ,ve50? à.
| lesSinteractions | 72 Tee N
\ de VS / £ Variables & \
\ éléments , reliées \
Le aux élèves |

Une
Variables surface Variables
reliées d'interactions reliées
à l'enseignant au savoir

FIGURE 19
TENGERNIELR

Une surface d'interactions complexes gérées par le contrat didactique

Le contrat didactique gère ces relations sociales particulières, non pas


en les figeant dans des règles définies une fois pour toutes, mais au contraire
en les mettant sous tension par une série de ruptures. Ces ruptures sont né-
cessaires pour permettre à chacun des partenaires, enseignant et élèves, de
modifier sans cesse leurs rapports au savoir et aux connaissances. L’appren-
tissage scolaire est toujours tributaire de ces ruptures! Le dynamisme de la re-
lation didactique est essentiellement dû aux rapports asymétriques au savoir.
Loin de condamner cette asymétrie, le contrat didactique la gère, la fait pro-
gresser, la fait évoluer. Nous l'avons déjà largement précisé, le savoir, et plus
particulièrement le rapport spécifique que chacun des deux autres partenai-
res de la relation didactique (élèves et enseignant) entretient avec lui, est le
véritable moteur de la relation didactique. Bien plus, ce sont ces rapports au
savoir, les changements de rapports au savoir et les ruptures de rapports au
savoir, qui sans cesse, dynamisent la dialectique maître, élèves et savoir. En
l'absence de rapport au savoir, il n’y a pas de relation didactique. et donc pas
de contrat didactique.
180 Créer des conditions d'apprentissage
SERRE
ERNST TA

… Vous avez dit «rapports asymétriques au savoir» ?

e SECONDE CARACTÉRISATION DU CONTRAT DIDACTIQUE :


SON ACTION SUR DES CHANGEMENTS DE RAPPORT AU SAVOIR |

À l'intérieur de la relation didactique, l'élève et le maître n'occupent


certainement pas des positions symétriques dans leurs rapports respectifs au
savoir (ou à tout autre objet d'enseignement et d'apprentissage, enjeu de la re-
lation didactique). Et c’est bien là tout l'intérêt de la relation didactique! Par-
lant de l'élève et du maître, c’est certainement un truisme que d'affirmer que :

«Le second non seulement en «sait» plus que le premier, mais a la responsabilité
d'organiser des situations d'enseignement réputées favorables aux apprentissages
du premier».
Johsua et Dupin (1993 : 249)

La relation didactique est caractérisée par des rapports asymétriques


au savoir. Et c’est parce que cette asymétrie existe que la relation didactique
trouve sa raison d’être.
Par ailleurs, si le rapport de l'élève au savoir est d’un certain type au
début de la relation didactique, il doit avoir changé au terme de cette dernière,
sinon, pourquoi organiser ces échanges entre un professeur, des élèves et un
savoir ? Nous dirions même plus :

_ la fonction première d'une relation didactique est de permettreà l'élève


_ de changer Son rapport initial au savoir.

FIGURE 20
Lu er 7x}

Des rapports asymétriques au savoir

Si en début d'activité, l'enseignant détient les clés du savoir, l'élève,


quant à lui, se pose beaucoup de questions à propos de ce savoir. À la fin
de
Vous avez dit contrat didactique ? 181
ARR)
SPA SRB SERIE

l'apprentissage cependant, l'élève doit avoir modifié ce rapport au savoir, à dé-


faut, il ne laura pas appris. Le contrat didactique a pour principale fonction de
rendre optimaux ces changements de rapports au savoir. Bien plus, ce sont
ces rapports au savoir qui permettent de différencier le contrat didactique
d'un quelconque autre engagement, à l'intérieur duquel le rapport au savoir
n'a pas d'objet. Le jeu des rapports établis par l'enseignant et l'élève autour du
savoir détermine les ruptures et les changements de rôles successifs à l’inté-
rieur de la relation didactique :

«(...) comment en particulier sont organisées les responsabilités réciproques de l’élè-


ve et du professeur dans la gestion des savoirs ? Comment évoluent-elles au cours
d'un enseignement ? Un contrat didactique, très souvent implicite, mais bien présent,
fournit aux acteurs de la situation les repères essentiels pour répondre à ces
questions».

Johsua et Dupin (1993 : 251)

Si le contrat didactique dynamise la relation didactique, il le fait en gé-


rant ces changements de rapports au savoir, c'est probablement sa principale
caractéristique. Mais, si, en cours de relation didactique les rapports au savoir
changent, se modifient, le contrat didactique lui-même change, se modifie jus-
qu’au point, à un moment donné de devenir inutile. Lorsque l'élève a inversé
son rapport au savoir et a développé de nouvelles connaissances, le contrat di-
dactique devient précaire, il n’a plus d'utilité et est donc condamné à dispa-
raître.

Un bon contrat didactique est en général celui qui est le plus vite frappé
d'obsolescence. ee | |

e TROISIÈME CARACTÉRISATION DU CONTRAT DIDACTIQUE :


SON INSCRIPTION DANS LE TEMPS

| Quel rapport le contrat didactique peut-il entretenir avec le temps ?

La relation didactique évolue dans le temps. Toute relation didactique


s'achève avec la fin du cours. Le processus de construction des connaissances
mis en place par l'élève continue, quant à lui, son long cheminement bien au-
delà de l'heure de cours. La relation didactique vit ainsi une double dimension
temporelle : une échelle temporelle courte (celle qui correspond en général
à l'heure de cours) et une échelle temporelle longue (celle qui correspond en
général au processus de construction des connaissances enclenché par l'élè-
ve). La connaissance de l'élève se développe nécessairement dans le temps en
une série d'interactions adaptatives avec les situations préparées pour lui par
l'enseignant. Dans un premier temps, l'élève maîtrise peu, voire pas du tout,
ces situations; dans un second temps, ces dernières entrent sous son contrôle.
182 Créer des conditions d'apprentissage

ER

Temps court de la Temps long de la psychogenèse


relation didactique de l'acquisition des connaissances

FIGURE 21
pomper
La double dimension temporelle de la relation didactique

Une double échelle temporelle apparaît dès que nous analysons les
processus d'acquisition des connaissances chez un élève qui apprend (Ver-
gnaud, 1983 : 23-24) : une échelle temporelle courte et une échelle tempo-
relle longue.
L'échelle temporelle courte concerne l’évolution des pratiques et des
conceptions d’un élève confronté à une nouvelle situation. Nous pouvons con-
sidérer que c'est le temps de la relation didactique, moment durant lequel
l'élève n’a encore qu'un rapport faible au savoir (celui qui fera l’objet d’un ap-
prentissage). C’est le moment de tous les risques, celui d’une évolution plus
ou moins rapide des pratiques et des conceptions des élèves ou, au contraire
celui des blocages plus ou moins durables. L’échelle temporelle courte corres-
pond en général au temps de la relation didactique et est gérée par le contrat
didactique.
L’échelle temporelle longue correspond au temps long de la psycho-
genèse de la connaissance. Ce processus s'étale sur des années, et se dévelop-
pe bien au-delà de la relation didactique : c'est Le temps du développement
des connaissances chez l'individu. Est-il seulement jamais achevé ? Par dé-
finition, dans une perspective constructiviste, les connaissances ne sont que
précaires et ne subsistent que face aux situations qui confirment leur viabilité.
Loin de s'opposer, ces deux échelles temporelles sont complémentai-
res. Une relation didactique qui, au niveau des rapports au savoir de l'élève, ne
dépasse pas le temps court ne permet pas à l’élève d'enclencher le long pro-
cessus de la psychogenèse de ses connaissances. Une telle relation didactique
n'a que peu d'utilité pour le développement des connaissances des élèves.
«(...) la recherche en didactique doit tenir compte de ces deux aspects complémen-
taires. Sans une connaissance claire du temps long de l'acquisition des connaissan-
ces, l'enseignant peut tomber dans de graves mécomptes. Sans une connaissance
Vous avez dit contrat didactique ? 183.

pratique et théorique du temps court de l'acquisition des connaissances en situation,


il risque d’être singulièrement démuni pour proposer aux élèves des situations sus-
ceptibles de faire évoluer leurs conceptions».
Vergnaud (1983 : 24)

Le contrat didactique, inscrit dans la relation didactique, gère néces-


sairement l'échelle temporelle courte. Il détermine cependant aussi le temps
long de la psychogenèse des connaissances car c’est durant la relation didac-
tique que ce long processus de construction des connaissances est enclenché.

e _QUATRIÈME CARACTÉRISATION DU CONTRAT DIDACTIQUE :


SON INFLUENCE SUR LA &ZONE PROXIMALE DE DÉVELOPPEMENT»
Cette approche de la double dimension temporelle dans l'acquisition
des connaissances peut être étroitement associée au concept de «zone proxi-
male de développement» tel qu'il a été proposé par Vygotsky.

Clarification du concept de zone proximale


de développement
Pour Vygotsky (1985 : 112), l'apprentissage scolaire donne naissance,
réveille, anime une série de processus de développement internes qui, à un
moment donné, ne sont accessibles à l’élève que dans le cadre de la commu-
nication avec l’adulte, avec les pairs, ... (nous pouvons associer cette première
phase de l’acquisition d’une connaissance au temps court). Une fois intériori-
sées, ces acquisitions deviennent une conquête de l'élève (ce temps d’intério-
risation peut être associé au temps long). Il y a donc un temps d'apprentissage
- qui se passe sous le contrôle de l'adulte (l'enseignant dans le cadre d’une re-
lation didactique) et un moment à partir duquel l'élève peut fonctionner seul
avec ses acquisitions. La zone proximale de développement est la différence
entre le niveau de résolution de problèmes sous la direction et avec l’aide de
l'adulte et le niveau de résolution de problèmes atteint seul. Il s’agit donc d’un
important potentiel de développement qui permet de comprendre comment
l'élève passe d’un niveau de connaissance à un autre grâce à la collaboration
avec quelqu'un :
«(..) Ainsi l'élément central pour toute la psychologie de l’apprentissage est la pos-
sibilité de s'élever dans la collaboration avec quelqu'un à un niveau intellectuel supé-
rieur, la possibilité de passer, à l'aide de limitation, de ce que l'enfant sait faire à ce
qu'il ne sait pas faire. C’est là ce qui fait toute l'importance de l'apprentissage pour le
développement et c’est là aussi précisément le contenu du concept de zone proximal
de développement. L'imitation, si on l'entend dans son sens large, est la forme prin-
cipale sous laquelle s'exerce l'influence de l'apprentissage sur le développement».
Vygotski, traduction de Sève (1985 : 272 et 273)

La zone proximale de développement clarifie en partie la dimension


«socio» du modèle socioconstructif et interactif proposé dans cet ouvrage.
Elle clarifie particulièrement la relation qui s'établit entre l’adulte et l'enfant,
entre l'enseignant et l’apprenant lorsqu'il s’agit de permettre à l’apprenant de
changer progressivement son rapport au savoir.
184 Créer des conditions d'apprentissage

Vous avez dit …


… une "zone proximale
de développement" !?

ne ee = = 4 #3 À CAE
ll
De la dépendance
Dépendance 1:
vis-à-vis de l'adulte …
totale vis-à-vis |
de l'enseignant [| 7
0 LA
Ur ne

Li RE /
/ Acquisition \
progressive 1
| d'autonomie , 4
durant la relation: \
\| SAdidactique
Fais ,' ;|
À

E d Temps court
CPAS Me ; | de la relation
Indépendance \ didactique
acquise \ A
au terme de ! L à
Àeo

——
l'apprentissage À ! NS
/ fl l
AVre di \ ; ù N
. / aies

$ \ ns :
& … à l'autonomie >
+ « /
® PET
D. ”

% 7
tumummmmm})-
Temps long de la
psychogenèse des connaissances

FIGURE 22
Lo 7 CT 2)

La zone proximale de développement ou le passage de la dépendance


à l'autonomie

Zone proximale de développement et contrat didactique


Les relations entre «maître» et «élèves» sont asymétriques puiqu’au
début, tout se passe comme si l'apprentissage scolaire était d’abord sous
Vous avez dit contrat didactique ? 185
BASSES
ARESRE NET E PES

l'unique contrôle du maître, et progressivement l'élève prend son envol. La re-


lation didactique trouve, à travers la zone proximale de développement, sa
vraie dimension et sa véritable fonction. Elle ne peut plus se justifier par elle-
même et pour elle-même, simplement parce qu'il y a des «matières scolaires »
à enseigner et des enseignants qui les enseignent. Placée dans une telle pers-
pective, elle se comprend fondamentalement par les rapports que des indivi-
dus entretiennent avec un savoir en construction et un enseignant qui les aide
dans ce processus dynamique d'élaboration des connaissances.
Cette dialectique entre un maître et des élèves, à propos d’un savoir
et à travers la zone proximale de développement, est gérée par le contrat di-
dactique. C’est par une série de règles du jeu, mises en place par le contrat
didactique, que l'élève fait le cheminement de la dépendance vis-à-vis du mafî-
tre jusqu’à son autonomie par rapport au savoir. C’est le contrat didactique qui
gère ce cheminement en jouant sur les règles du jeu établies entre l’ensei-
gnant et les élèves.
Ce passage de la dépendance à l'autonomie, l'élève le concrétise à tra-
vers les situations qu'il rencontre dans la relation didactique.

Quelles sont ces situations ?

e CINQUIÈME CARACTÉRISATION DU CONTRAT :


SON INFLUENCE SUR LA DYNAMIQUE DES SITUATIONS DIDACTIQUES
; Évidemment, la perspective développée dans les lignes qui précèdent
ne peut plus se contenter de la situation didactique stricto sensu. L'approche
vygotskienne nous oblige à repenser le classique triplet de la relation didacti-
que et à lui rechercher le dynamisme qui est le sien. Rester au niveau de la re-
lation didactique stricto sensu (cette relation qui se passe entre un maître, des
élèves et un savoir, à un moment donné et dans un espace donné) ne permet
que de cloîtrer cette dernière dans le carcan de l'échelle temporelle courte.
Dans ce cas, le processus d'apprentissage scolaire resterait enfermé dans le
temps et dans l’espace scolaire. Perspective (voire absence de perspective)
absolument insoutenable!
Cette évolution temporelle de la relation didactique (d’une échelle
temporelle courte vers une échelle temporelle longue), nous la retrouvons
dans la description des trois niveaux de situation définis dans la théorie des
situations de Brousseau (1986) : (1) partant de la situation didactique, V'élè-
ve, le maître et le savoir évoluent vers la (2) situation a-didactique et en ar-
rivent, in fine, (3) à des situations non didactiques.

De quoi s'agit-il ?

Reprenons successivement ces trois concepts, montrons ensuite COmM-


ment ils sont reliés, articulés à une dimension temporelle longue, à travers le
contrat didactique.
186 Créer des conditions d'apprentissage
RRRER 2BitEDS ER LOS) SE

Une situation didactique


Une situation didactique se déroule entre un maître, un savoir et des
élèves, dans le cadre spatio-temporel de la classe. Les intentions d'enseigner du
maître y sont affichées clairement. Les activités qu'il a mises en place poursui-
vent l'objectif de «faire apprendre» par l'élève ce qu'il a l'intention de lui ensei-
gner. De son côté, l'élève n'est pas dupe, il se doute bien que ce que l'enseignant
a mis en place a été déterminé pour lui faire découvrir un savoir nouveau.
«(...) dans l'état didactique initial, le maître entretient une relation privilégiée au sa-
voir. Du point de vue de la relation au savoir, il y a une dissymétrie qui est constitutive
du système didactique. Nous ne disons pas que l'élève n'entretient aucune relation
au savoir avant l'enseignement, mais simplement que dans l'état initial, cette relation
est peu ou pas adéquate. Sans l'hypothèse de cette dissymétrie, le système didact-
que n’a pas lieu d'être. Nous qualifions d'état didactique un état dans lequel la relation
de l'élève au savoir est inexistante, où bien inadéquate, au regard de la relation privi-
légiée du maître au savoir».
Margolinas (1993 :228)

Par exemple, un enseignant de cinquième primaire a proposé à ses


élèves une série d'activités relatives à la recherche d’une moyenne arithméti-
que. Les élèves se sont répartis en petits groupes et réalisent ces tâches. Une
de ces équipes doit relever le nombre d'élèves par classe dans l’école. L'ensei-
gnant leur a demandé de rechercher, à partir de ces données, comment ils
pourraient présenter à l’ensemble de la classe le nombre moyen des élèves par
classe dans leur école. L'enseignant leur demande de ne fournir qu’un seul
nombre qui serait valable pour toutes les classes et qui résumerait bien la si-
tuation.
L'enseignant a organisé cette situation dans une perspective précise :
permettre à ses élèves de découvrir des situations dans lesquelles le calcul de
la moyenne arithmétique est pertinent. À ce stade, les élèves se doutent bien
que l'enseignant a une attente très précise à leur égard, et que la règle du jeu
est qu’ils découvrent quelle est cette attente.

Une situation a-didactique


Une situation est a-didactique lorsque l'élève est capable d'utiliser ses
acquis pour la traiter en dehors de toute intention d'enseignement de la part
de l’enseignant. Cependant, l'élève a conscience que les connaissances qu'il
utilise pour traiter cette situation sont pertinentes et surtout sont celles atten-
dues par l'enseignant. En d’autres termes, l'élève a reconnu une situation dans
laquelle il peut utiliser ses acquis malgré l'absence d'indications de l’ensei-
gnant. Par ailleurs, les acquis qu'il utilise sont ceux de la discipline enseignée.

«(...) l'état a-didactique constitue un état intermédiaire où le maître est présent, mais
dans lequel l'élève agit de son propre mouvement».

Margolinas (1993 : 229)


Cette situation est proche de la situation de transfert du premier
niveau, c'est-à-dire celle dans laquelle l'élève utilise, au sein d’une même
Vous avez dit contrat didactique ? 182
Ces RCE STE

discipline, les acquis d’un apprentissage antérieur pour traiter une situation
nouvelle (toujours dans la même discipline) :
«(...) un premier niveau de transfert a lieu lorsqu'un apprenant utilise un apprentissa-
ge pour réaliser un autre apprentissage à l’intérieur d'un contenu disciplinaire
donné».

Côté (1986 : 180)


Par exemple, ces mêmes élèves, qui avaient dû rechercher le nombre
moyen d'élèves par classe dans leur école, sont confrontés à résumer les don-
nées des relevés pluviométriques réalisés durant un mois dans différents coins
de la cour et du jardin de l’école. Depuis plusieurs activités, ils maîtrisent les
procédures pour calculer une moyenne arithmétique. Sans que leur ensei-
gnant ne le leur demande (et sans que ce dernier ne sache que ces élèves se
posent la question de la moyenne arithmétique de ces données), ces derniers
utilisent spontanément un algorithme appris antérieurement pour calculer
différentes moyennes arithmétiques à propos de ces données pluviométri-
ques. Leur initiative est libre et indépendante de toute intervention de l’ensei-
gnant.

Une situation non didactique


Dans une situation non didactique, la relation de l'élève au savoir est
indépendante de la relation du maître au savoir. Ce type de situation n’est pas
organisé pour permettre l'apprentissage. La situation non didactique n’est pas
sans évoquer les transferts des second et troisième niveaux, Côté (1986 :
180). Au second niveau, le transfert a lieu lorsque les acquisitions réalisées
“dans une discipline (ou dans un domaine de connaissances) facilitent la réali-
sation d’un apprentissage dans une autre discipline ou permet de répondre à
certaines exigences de la vie quotidienne. Par exemple si l'élève, ayant appris
à construire des graphiques au cours de mathématiques utilise ses compéten-
ces pour construire des graphiques en biologie, en histoire. Il y aura un trans-
fert pleinement réalisé lorsque l’apprenant utilise des connaissances pour
solutionner des problèmes complexes; dans ce cas, il y aura transfert d’ap-
prentissage si la solution trouvée est nouvelle pour le sujet. C’est le troisième
niveau de transfert. Par exemple lorsque, après avoir appris à modéliser dans
les cours de sciences, l'élève est capable de modéliser un appareil électromé-
nager de manière à être capable de l'utiliser. La situation non didactique pour-
rait donc connaître différents niveaux de réalisation correspondant aux
niveaux de transfert deux et trois.
Par exemple, lorsqu'un des élèves évoqués dans les paragraphes pré-
cédents reçoit son bulletin avec ses notes scolaires, spontanément et sans que
qui que ce soit attende cette démarche de sa part, il calcule à l’aide d’une pro-
cédure apprise en classe, la moyenne arithmétique qui résume ses scores du-
rant la période.
Dans le cadre des activités réalisées en classe, en fonction du degré
de contrôle exercé par l'enseignant, l'élève vit des situations didactiques et
188 Créer des conditions d'apprentissage
CRDI APR Le LE

de Sa pro-
adidactiques. Toutefois, toute relation didactique contient le projet
. de fonction. Tant
pre extinction : à un moment donné, elle ne peut plus
ou n'est pas GHGUE ter-
qu’elle persiste, l'apprentissage n’a pas encore eu lieu
miné. L'objectif des situations didactiques et a-didact iques est de s’effacer
pour permettre à l'élève d'utiliser ses acquis dans de nouveaux contextes : des
situations non didactiques.

Le processus est-il pour autant clos ? Nous ne le pensons pas, une connaissan-
ce acquise ne l'est jamais définitivement.

Situation
didactique Situation
a-didactique

Échelle temporelle courte

FIGURE 23
RSA TS

Vers les situations non didactiques

Ce schéma linéaire (partant des situations didactiques vers les situa-


tions non didactiques) est simpliste : il ne suffit certes pas pour expliquer ou
comprendre la construction d’une connaissance, il n'en montre qu’un chemin
possible... et encore!
Les lignes qui précèdent, ont montré le dynamisme d’une relation di-
dactique qui accepte de sortir du strict temps court de la construction des
connaissances et qui se place définitivement dans une perspective temporelle
longue : celle de la situation non didactique.
Les concepts évoqués rendent bien compte de cette perspective à
long terme dont la relation didactique n’est que le point de départ, voire sim-
plement un moment d'activation dans la psychogenèse des connaissances
d'un individu. Le contrat didactique gère ce dynamisme et permet la mise en
perspective des connaissances qu'un élève construit au cours de la relation di-
dactique. Une relation didactique est réussie lorsqu'elle a permis aux élèves
de placer leurs connaissances en construction, au-delà de l'échelle temporelle
courte, sur l'échelle temporelle longue.
Vous avez dit contrat didactique ? 189

_…. et le contrat didactique ?


Ce travail de mise en perspective des connaissances de l'élève, de
l'échelle temporelle courte vers l'échelle temporelle longue, des situations di-
dactiques vers les situations non-didactiques n’est possible que par l’intermé-
diaire du contrat didactique. Comment y arrive-t-on ? Dans les paragraphes
suivants, nous précisons les fonctions du contrat didactique et sa dyna-
mique.

3.5 Un document et une réflexion


DOCUMENT

le retour sur un passé d'erreurs.


Extrait de Bachelard (1938).
——)

«(...) quand on recherche les conditions psychologiques des progrès de la scien-


ce, on arrive bientôt à cette conviction que c’est en termes d'obstacle qu'il faut po-
ser le problème de la connaissance scientifique. Et il ne s'agit pas de considérer
des obstacles externes, comme la complexité ou la fugacité des phénomènes, ni
d’incriminer la faiblesse des sens et de l'esprit humain : c'est dans l'acte même de
connaître intimement, qu’apparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle,
des lenteurs et des troubles. C'est là que nous montrerons des causes de stagna-
tion et même de régression, c’est là que nous décèlerons des causes d'inertie que
nous appellerons des obstacles épistémologiques. La connaissance du réel est
une lumière qui projette toujours quelque part des ombres. Elle n’est jamais im-
médiate et pleine. Les révélations du réel sont toujours récurrentes. Le réel n'est
jamais «ce qu'on pourrait croire» mais il est toujours ce qu'on aurait dû penser.
La pensée empirique est claire, après coup, quand l'appareil des raisons a été mis
au point. En revenant sur un passé d'erreurs, on trouve la vérité en un véritable
repentir intellectuel. En fait, on connaît contre une connaissance antérieure, en
détruisant des connaissances mal faites, en détruisant ce qui, dans l'esprit même,
fait obstacle à la spiritualisation. L'idée de partir de zéro pour fonder et accroître
son bien ne peut venir que de cultures de simple juxtaposition où un fait connu est
immédiatement une richesse. Mais devant le mystère du réel, l'âme ne peut se fai-
re, par décret, ingénue. Il est alors impossible de faire d’un seul coup table rase
des connaissances usuelles. Face au réel, ce qu'on croit savoir clairement offus-
que ce qu'on devrait savoir. Quand il se présente à la culture scientifique, l'esprit
n’est jamais jeune. Il est même très vieux, car il a l’âge de ses préjugés. Accéder
à la science, c’est spirituellement, rajeunir, c'est accepter une mutation brusque
qui doit contredire un passé (...)».
Bachelard (1938 : 14-16)

e QUELQUES COMMENTAIRES

Cet extrait d’un des ouvrages princeps de Bachelard (La formation de


l'esprit scientifique) nous contraint à beaucoup de modestie, particulièrement
lorsque nous sommes confrontés à la définition des finalités d’une relation di-
dactique. Jamais nous n'oserions prétendre qu’au terme d’une relation didacti-
que, un élève a définitivement terminé un apprentissage et réellement
construit les connaissances relatives au savoir qui en était l'enjeu. En effet, si
190 Créer des conditions d'apprentissage

nous plaçons le rapport au savoir au cœur de la relation didactique, nous ne


pouvons négliger que c’est dans l’acte même de connaître que le sujet qui ap-
prend rencontre des obstacles, est confronté à des lenteurs et à des résistances.
L'imposture d’une définition a priori de la maîtrise de savoirs par un élève au ter-
me d’une relation didactique apparaît déjà dans cette réflexion de Bachelard.
Si le moment de la relation didactique correspond souvent à l'échelle
temporelle courte, elle n’est qu’un moment, qu’une étape dans ce long proces-
sus de la construction des connaissances par l'élève. Jamais le didacticien ne
pourra oublier que le sujet qui apprend revient sans cesse, bien au-delà de
la relation didactique, sur un «passé d’erreurs,…, en un véritable repentir
intellectuel».
La contrat didactique, à travers les situations didactiques et a-didac-
tiques, a enclenché ce cheminement de l'élève, mais il ne l’a pas clôturé. Et
c’est bien en ce sens que le didacticien, travaillant ces changements de rap-
ports au savoir, ne peut analyser les résultats d’une relation didactique
qu'avec beaucoup de modestie. Le problème de l'évaluation scolaire se pose
ici avec acuité! Comment évaluer avec une appréciation finale (dans le cas
d'évaluation somative) le résultat d’un long processus qui vient seulement de
s'enclencher ? Ce type d'évaluation ne risque-t-il pas d’anéantir le travail du
contrat didactique en figeant son action sur des résultats non achevés ? Com-
ment un évaluateur peut-il imaginer que ce qu'il mesure au terme d’une rela-
tion didactique est significatif par rapport au processus long que l'élève a mis
en route pour développer ses connaissances ?

Qui n’a vécu cette expérience que nous relate Astolfi à propos de son
vécu d'élève ?
«(...) Une année, j'ai récolté de médiocres résultats en physique tout le premier tri-
mestre sur des problèmes de vases communicants auxquels je ne comprenais rien,
jusqu'au jour où j'ai réalisé qu'il suffisait, bêtement et mécaniquement, de considérer
un niveau de base horizontal quelconque et d'égaliser ce qui se passe dans les deux
branches du tube. À la composition du second trimestre, j'ai ainsi pu avoir un 20/20
et j'en suis resté tout ébahi, avec le sentiment étrange de n'avoir pas vraiment
progressé ».

Astolfi (1997 : 8)
Les propos de Bachelard, nous invitent, à juste titre, à revenir sans
cesse sur nos propres erreurs de didacticien, sur nos prétentions aussi de vou-
loir qu'un élève quitte la classe en ayant effectivement, et définitivement, ap-
pris ce que nous aurions voulu qu'il apprenne. Mais surtout sur notre illusion
d’évaluateur.
Nous ne pouvons faire abstraction du temps long de l'apprentissage si
bien rendu par le «jusqu'au jour où j'ai réalisé...» de Jean-Pierre Astolfi.
Mais ainsi caractérisé, le contrat didactique peut-il être autre chose
qu'un «anti-contrat» ? Les caractéristiques évoquées laissent entendre que
le contrat dynamise une relation didactique plutôt qu’il ne la fige. Par ailleurs,
le temps dans lequel s'inscrit le contrat didactique est illusoire, la relation
Vous avez dit contrat didactique ? 191.

didactique n'étant qu'un moment d’un long processus de construction de con-


naissances. Les résultats d’une relation didactique, gérée par un contrat
didactique, sont donc toujours aléatoires, incertains, difficilement mesu-
rables.… Alors que le contrat pédagogique tel que défini par Parkhurst permet
d'identifier des objectifs que l'élève s'engage à atteindre, le contrat didactique
permet seulement d'affirmer que des élèves ont enclenché un processus, cer-
tes très long, de construction des connaissances.

Aux résultats aléatoires et incertains, inscrit dans une dynamique


ouverte, souple, le contrat didactique ne correspond en rien aux caractéristi-
ques décrites d’un contrat au sens strict du terme.

_ Le contrat didactique est caractérisé comme un anti-contrat.

3.6 Que retenir ?

Un contrat didactique est-il un anti-contrat ?


Répondons en décrivant les caractéristiques du contrat didactique!
(1) Tout contrat didactique est localisé dans une relation didactique. La complexité d’une rela-
tion didactique et la multitude des interactions en présence rendent difficile la tâche du con-
trat didactique qui doit gérer ces interactions.
Le contrat didactique gère, au sein de la relation didactique, une multitude de rapports au
savoir. Ces rapports au savoir sont asymétriques. Si en début de relation didactique l’élève
entretient un rapport faible au savoir, au terme de la relation didactique (si son apprentis-
sage est réussi) il devrait entretenir un rapport fort au savoir.
La relation didactique est inscrite dans le temps. Le temps de la relation didactique corres-
pond au temps court du processus de construction des connaissances. Ce processus est
aussi inscrit dans un temps long qui dépasse le temps de la relation didactique. Le contrat
didactique gère ces différents temps et permet le passage du temps court au temps long du
processus de construction des connaissances.
(4) Le contrat didactique agit directement sur la zone proximale de développement dans
laquelle se situe l’élève en train de se construire ses connaissances.
(5) Le contrat didactique permet le passage des situations didactiques vers les situations a-
didactiques et vers les situations non didactiques.
(6) Par ces cinq caractéristiques, le contrat didactique a tout d’un anti-contrat.

3.7 Quelques références pour aller plus loin.


— Brousseau, G. (1988). Le contrat didactique : le milieu. Recherches
en Didactique des Mathématiques, 9(3), 309-336.

— Jonnaert, Ph. (1988). Conflits de savoirs et didactique. Bruxelles :


De Boeck.

_ Jonnaert, Ph. (1994). À propos du contrat didactique. Cahiers de la


Recherche en Éducation, 1(2), 195-234.
192 Créer des conditions d'apprentissage

_ Schneuwly, B. et Bronckart, J.-P., (dir.), (1985). Vygotsky aujour-


d’hui. Collection : Textes de base en psychologie. Neuchâtel : Dela-
chaux et Niestlé.
— Vergnaud, G. (1990). La théorie des champs conceptuels. Recherches
en didactique des mathématiques, 10(2/3), 133-170.

3.8 Concepts-clés de ce paragraphe


contrat didactique - relation didactique - rapports asymétriques au
savoir - zone proximale de développement - temps long et temps court du
processus de construction des connaissances - situations didactiques, a-
didactiques et non-didactiques

4. LES FONCTIONS DU CONTRAT DIDACTIQUE


Pourquoi un contrat didactique ?

4.1 Introduction
Le concept de «contrat didactique» est d’abord apparu dans la ré-
flexion des didacticiens des mathématiques. Pour ces derniers, il s’agit d'une
«relation qui détermine, explicitement pour une petite part, mais sur-
tout implicitement, ce que chaque partenaire, l'enseignant et l’enseigné,
a la responsabilité de gérer et dont il sera responsable, d'une manière ou
d’une autre devant l’autre. Ce système d'obligations réciproques ressem-
ble à un contrat. Ce qui nous intéresse est le contrat didactique, c’est-à-
dire la part de ce contrat qui est spécifique au contenu». Brousseau
(1986 : 51)
Il y a dans cette approche du concept qui nous intéresse plusieurs élé-
ments importants, nous en retiendrons essentiellement trois :

(1) l’idée du partage des responsabilités : la relation didactique n’est


pas sous le contrôle exclusif de l'enseignant, la responsabilité de
l'apprenant est prise en considération : il devra accepter de faire
son métier d'élève;
(2) la prise en compte de l’implicite : la relation didactique fonction-
ne autant, si pas plus, sur des «non-dits» que sur des règles for-
mulées explicitement; le contrat didactique s'inquiète de ces
«non-dits», bien plus il leur donne une valeur aussi importante
que les règles formulées explicitement et par lesquelles l’ensei-
gnant et les élèves sont liés;
(3) le rapport au savoir : ce qui est spécifique au contrat didactique,
c'est la prise en considération du rapport que chacun des parte-
naires entretient avec le savoir; le contrat didactique tient compte
Vous avez dit contrat didactique ? 193
SEP SE CERN TRES

de l’asymétrie des rapports au savoir en jeu dans la relation didac-


tique.

Dans cette optique (limitation et partage des responsabilités; prise en


considération de l’implicite; rapports asymétriques au savoir) l'idée de contrat
didactique est un paradoxe. La place de l'implicite, du non-dit, du hasard, …
est trop importante dans une relation didactique pour parler de «convention
entre partenaires» comme on serait en droit de l'entendre lorsqu'on évoque
un contrat au sens juridique du terme ou encore un contrat pédagogique.

Mais, c’est bien là tout l'intérêt du concept de contrat didactique :


jouer sur les paradoxes de la relation didactique.

Les paradoxes de la relation didactique, Filloux (1974 : 313-318), per-


mettent tant à l'enseignant qu’à l'élève de jouer sur des oppositions (ëmplicite
versus explicite; unilatéral versus négocié; interne à la classe versus ex-
terne à la classe; spontané versus imposé ou pré-existant au groupe classe)
afin de rendre sans cesse optimal le rapport au savoir de chacun des partenai-
res de la relation didactique. Contrairement à un contrat au sens strict, le con-
trat didactique doit son dynamisme à des fonctionnements contradictoires à
certains moments de la relation didactique, essentiellement parce que l'élève
change progressivement de rapport au savoir. Le contrat didactique remplit
différentes fonctions qui permettent à ce dynamisme d'exister. Dans les lignes
qui suivent, nous allons en clarifier trois :
— la première fonction du contrat didactique est de créer ou d'élargir
des espaces de dialogue entre les partenaires en présence;
— la seconde fonction du contrat didactique est d'établir un lien entre
la coutume de la classe et l'enseignant;
— Ja troisième fonction du contrat didactique est de gérer un système
de règles.

La seconde et la troisième fonctions sont cependant très imbriquées


l'une dans l’autre car la coutume de la classe permet de comprendre une série
de règles implicites du groupe que le contrat doit gérer. Nous précisons ces
deux fonctions en un seul point tout en montrant leur complémentarité. Par
ces trois fonctions, le contrat didactique travaille sur les changements de rap-
port au savoir et maintient le dynamisme de la relation didactique par diffé-
rents moyens.

4.2 Créer ou élargir des espaces de dialogue.


Une des fonctions du contrat didactique est de créer des plages de
dialogue entre les trois familles de variables de la relation didactique (les va-
riables reliées à l'élève, celles reliées à l'enseignant et celles reliées au savoir).
194 Créer des conditions d'apprentissage

Enseignant 9)

lages
Espace de à risque
dialogue

Savoir(s)

FIGURE 24
Le
ES)

Une des fonctions du contrat didactique :


élargir l’espace de dialogue - réduire les plages à risques

Dans la figure 24, les plages strictement spécifiques à chacun des trois
partenaires (les plages 1, 3 et 6) sont celles à l’intérieur desquelles ces der-
niers sont seuls, confrontés à eux-mêmes, isolés des autres familles de varia-
bles. Une interaction didactique ne peut pas se limiter à ces dernières, il
s'agirait d’un dialogue de sourds ou plutôt de trois monologues qui ne se ren-
contrent en aucun cas.

La fonction d’un contrat didactique est notamment d'élargir la plage


7, celle à l’intérieur de laquelle les trois familles de variables se rencontrent.
Ce travail de mise en interaction des familles de variables en présence doit se
faire tout en respectant les spécificités de chacune d’entre elles. Élargissant
cet espace de dialogue entre les trois partenaires (un enseignant, des élèves
et un savoir), le contrat didactique permet de réduire les plages à risque,
c'est-à-dire celles à l'intérieur desquelles un des trois partenaires risque de
s'isoler en un monologue peu fertile. Tant que cet espace de dialogue n’est pas
défini, aucune interaction ne peut s'établir entre les partenaires et donc le
contrat didactique est inexistant. Un contrat didactique ne se définit donc pas
a priori, en une analyse simpliste et externe des variables didactiques. Au con-
traire, il exige de chacun des partenaires l'élaboration d’une zone de rencon-
tre entre eux. Il exige aussi que chacun se conserve des espaces «privés», et
Vous avez dit contrat didactique ? 195

qu'il les protège. En d’autres termes, un contrat didactique n’est pas une mise
à nu des partenaires : il crée simplement un espace de dialogue entre ces der-
niers tout en respectant chacun d’entre eux.

La fonction d’un contrat didactique n’est pas de transformer tout l’im-


plicite en explicite, mais bien d’équilibrer les deux afin de créer une zone
d'échanges entre les partenaires : un espace de dialogue. En ce sens, le con-
trat didactique ne peut se vivre qu’au sein même d’une relation didactique, à
l'intérieur même de la classe. En ce sens aussi, il ne peut y avoir deux contrats
didactiques identiques, il n'existe pas un «standard» du contrat didactique. Si
le concept de contrat didactique permet de comprendre le dynamisme de la
relation didactique, inversement, c’est le fonctionnement même de la classe
qui permet le décodage du contrat didactique. Or, la classe, cette «personne
plurielle», ne se gêne pas pour manifester clairement tant ses spécificités que
ses caractéristiques et sa «coutume», voire son caractère ou encore son hu-
meur. Il n’y a donc pas deux classes identiques, pas plus qu'il ne peut y avoir
deux contrats strictement identiques. Bien plus, le contrat didactique évolue,
change, s’adapte sans cesse aux caprices de la personnalité, souvent instable
et imprévisible, de la classe.

La première fonction du contrat didactique est donc de définir cet


espace de dialogue entre les différents partenaires. Ces zones d'échanges de-
viendront d’ailleurs les endroits privilégiés des interactions entre enseignant,
élèves et savoir. Au cœur de la relation didactique se trouvent les rapports que
les élèves et l'enseignant entretiennent au savoir. Ces rapports sont asymétri-
ques, ils changent, ils évoluent. L'espace de dialogue entre les trois partenai-
‘res de la relation didactique évolue aussi au gré des changements de rapport
au savoir. À défaut d’un tel espace de dialogue, rien ne peut se passer. Chacun
s’isole dans sa propre sphère, dans sa bulle, dans sa tour d'ivoire et chacun at-
tribue à l’autre la place du mort. La première fonction du contrat didactique
est donc d’abord et avant tout de créer le dialogue là où il existe si peu : le dia-
logue entre l'enseignant, l'élève et le savoir.

4.3 Gérer un système de règles


et comprendre la coutume de classe
Cet espace de dialogue une fois créé, le contrat didactique a d’autres
fonctions. Il doit, notamment, permettre aux interactions entre les trois par-
tenaires de la relation didactique de se réaliser concrètement et efficacement
dans cette zone de dialogue.

Une seconde fonction du contrat didactique apparaît alors, il s’agit


de la gestion du système des règles qui assurent le fonctionnement de la rela-
tion didactique. Ces règles sont diverses et complexes.
196 Créer des conditions d'apprentissage
ES

Quelles sont-elles ?

e UN EXEMPLE...
Examinant une interaction entre trois partenaires d’une relation di-
dactique, nous pouvons découvrir la structure même de l'organisation de ces
règles. Reprenons, dans cette perspective, l'exemple déjà cité : le dialogue en-
tre Socrate et l’esclave de Menon.
EXTRAIT

le «Menon» de Platon.

— Socrate: appelle-moi quelqu'un de ces nombreux esclaves qui sont à ta suite,


celui que tu voudras, afin que je te fasse voir sur lui ce que tu souhaites.
— Menon: volontiers, viens ici!
— Socrate: est-il grec ?
— Menon: fort bien; il est né dans ma maison.
— Socrate: sois attentif à examiner s'il te paraîtra se ressouvenir de lui-même ou
apprendre de moi.
— Menon: jy feraiattention.
— Socrate: dis-moi, mon enfant, sais-tu que ceci est un espace carré ?
— L’esclave : oui...»

Quel contrat régit ce dialogue ? Apparemment il s’agit d’une relation


didactique qui se déroule entre Socrate et l’esclave de Menon. Qu'en est-il
réellement ?
Explicitement, nous observons un contrat formulé clairement entre
Socrate et Menon :
— Menon doit «faire attention à ce qui va se passer entre Socrate et
l’esclave » ;
— Socrate a, quant à lui, mandat de «démontrer à Menon un exemple
de la réminiscence.»

Le contrat entre Socrate et Menon est clair : chacun est informé de ce


que l’autre est en droit d'attendre de lui et réciproquement. Le contrat est
donc un engagement entre Socrate (il doit démontrer) et Menon (il doit ob-
server).
Et l’esclave dans tout cela ? Rien ne lui est demandé avant le dialogue,
rien n'est négocié avec lui, aucune règle ne lui est précisée. Tacitement, il s’en-
gage à répondre aux questions de Socrate. sans plus. Sorte de matériel di-
dactique vivant, il accepte implicitement de jouer le jeu!
Nous observons un double contrat dans ce dialogue :
— explicite entre Menon et Socrate:
— implicite entre Socrate, l’esclave et Menon.
Ce dialogue est donc organisé autour d’un système de règles qui vont
de l’implicite à l’explicite.
Vous avez dit contrat didactique ? 197
ÉRRELR
AE GO TRRSS EEE

.… au-delà de ce dialogue, que se passe-t-il dans une classe ?

Dans un contexte scolaire, ces règles vivent dans un environnement


particulier, celui de la classe. Deux dimensions ont alors une influence sur ce
système de règles :
— la conception que l'enseignant se fait de la gestion de la classe :
jusqu’à quel point accepte-t-il que son mode de fonctionnement, ses
propres règles, soient transparentes ?
— lacoutume de classe : jusqu’à quel point, les élèves de la classe accep-
tent-ils que leur mode de fonctionnement, leurs propres règles soient
transparentes ?

La conception de la
gestion de la classe
par l'enseignant

Une coutume
de classe

FIGURE 25
TE ,
De règles implicites et des règles explicites

Le système de règles de la classe passe nécessairement par la bonne


compréhension par l’enseignant de la coutume de la classe. Avant d'aller plus
loin dans la description des règles, comprenons bien le concept de coutume.
de classe.
198 Créer des conditions d'apprentissage
sos es

|. vous avez dit «coutume de classe» ?


e UNE COUTUME DE CLASSE
Ces règles s'organisent-elles de la même façon d’une classe à l’autre o
Ce qui est explicite dans une classe, doit-il nécessairement l'être aussi dans les
autres classes ?
La troisième fonction du contrat didactique est de comprendre la
coutume de classe.

_ Mais que comprendre par coutume de classe ?

Face à l'enseignant et au savoir (et ce, dès les premiers moments de


l'interaction avec l'enseignant) les élèves formulent des réponses, manifestent
des comportements, expriment des attitudes conformes (ou non) aux atten-
tes du groupe. Toute activité de classe implique l'existence de comportements
attendus par le groupe, vis-à-vis desquels les élèves ne manifestent habituel-
lement que peu d’écarts. Ce comportement de conformisme (Watzlawick,
1978) est renforcé par un désir de l'élève d’être en accord avec le groupe. Mais
quelles sont ces attentes du groupe, sont-elles organisées, voire formulées ? Si
elles le sont, sous quelle forme cette organisation existe-t-elle ? Balacheff
(1988) définit la classe comme une société coutumière. Il considère (dans la
lignée de Carbonnier, 1971) que la coutume est un ensemble de pratiques et
de façons d'agir établies par l'usage. La coutume règle les rapports sociaux en-
tre les membres du groupe selon les normes jugées pertinentes par le groupe
lui-même et surtout attendues par ce dernier. C’est donc la coutume de cha-
que classe qui détermine une série de règles (souvent implicites) du fonction-
nement du groupe. La coutume de classe peut être considérée comme le
produit des pratiques sociales spécifiques au groupe (groupe classe, en ce qui
concerne nos propos) dont elle définit les règles implicites. La coutume d’une
classe est la chape sous laquelle se réfugie l’implicite. L'enseignant peut-il
pour autant lever le voile, même partiellement, de cet implicite d’un groupe
d'élèves ? Le danger de vouloir mettre à nu les règles implicites qui définissent
et caractérisent la coutume d’une classe est d’anéantir cette coutume et donc
de dépersonnaliser complètement une classe.

De la société coutumière à la société de droit


Dans ce contexte, l'explicitation d’une règle conduit certes à la prise
de conscience de cette dernière par le groupe, mais aussi à sa formulation et
donc (à la limite) à sa promulgation. La tentative de l’explicitation de toutes
les règles implicites d'un groupe fait progressivement passer ce dernier (le
groupe) d'une société coutumière à une société de droit : ce processus vide
la «coutume» de sa substance : les règles implicites du groupe.

La société de droit
Alors que la société coutumière est organisée autour de la coutume
qui est spontanée et peu consciente, la société de droit est, quant à elle,
Vous avez dit contrat didactique ? 199
= <-

organisée autour de la loi qui est explicite parce qu’elle a été promulguée (Le-
vy-Bruhl, 1964 : 55). Expliciter, donc formuler, toutes les règles implicites qui
régissent la coutume d’une classe, c’est faire passer la classe d’une société
coutumière à une société de droit. Un tel processus dépersonnalise la coutu-
me et donc la classe. Entrer dans la relation didactique, c’est entrer dans un
certain type de rapports entre des individus regroupés en classes scolaires et
un savoir. Cela ne peut se concrétiser sans qu’un regard attentif ne soit porté
sur la coutume de chacune de ces classes. C’est une des fonctions du contrat
didactique, car à travers cette analyse, il permet une gestion pertinente des
règles. Mais cela signifie-t-il que l’implicite doive nécessairement être
explicité ? Lorsque Chevallard (1983) parle de «droits et devoirs» des parte-
naires au-tour d’une «référence partagée», nous pensons que cette référence
(a classe et sa coutume) n’est jamais que «partiellement» partagée. Bien
plus, pour que la réalité de la classe existe, nous pensons que cette dernière
ne peut se définir que comme une société coutumière. Elle ne peut que par-
tiellement tendre vers une société de droit.
L'enseignant doit accepter qu'il ne peut expliciter et ne comprendre
qu'une partie de l’implicite (de la coutume de la classe) pour gérer le contrat
didactique qui le lie à une classe. Il doit agréer qu’une partie des règles impli-
cites du groupe lui resteront inaccessibles. La coutume de la classe, cet état
de fait, l'enseignant doit l’admettre, il reconnaît ainsi à chaque classe son droit
d'existence en tant que «personnalité plurielle». Refuser cet état de fait
consiste plutôt à rechercher un modèle standard de classe (une classe type)
qui d’une part deviendrait rapidement normatif (une bonne classe serait une
classe sans implicite!) et qui d'autre part n'existe de toute évidence pas : cha-
- que classe a sa coutume. Mais de leur côté, les élèves, la classe et leur cou-
tume, doivent admettre qu'ils ne connaîtront jamais qu'une partie des règles
qui font fonctionner l'enseignant en face d’eux, ils doivent respecter «son jar-
din secret», ses non-dits, ..… qui font qu'il se présente à eux avec la personna-
lité qui est la sienne. L'enseignant doit donc être respecté en tant que
personne (personnalité singulière) face à cette personnalité plurielle, son
partenaire, qu'est la classe.
Cette acceptation mutuelle d’une partie de l’implicite des uns et des
autres permet au contrat didactique de gérer les différentes règles en présen-
ce. Ces règles fonctionnent dans cette dialectique des implicites (ceux de l’en-
seignant et ceux de la classe) et confirment ainsi le contrat didactique dans
son statut d’anti-contrat. Le contrat didactique ne sera donc jamais «une
mise à plat de l’implicite» entre les partenaires de la relation didactique, au
contraire, il devra être géré en prenant en considération le poids de l’implicite
auquel il n’a pas accès.
Enfin, et pour conclure cette section, nous dirons que la coutume
d'une classe est la réalité contraignante d’un contrat didactique, réalité qui
l'oblige à refuser de rechercher une norme, celle qui voudrait que toutes les
classes soient identiques mais aussi, et corollairement, que tous les ensei-
gnants soient standardisés. Standardisation que nous ne pouvons que rejeter!
Le contrat didactique permet donc la mise en interaction d’une personnalité
00 Créer des conditions d'apprentissage

singulière (un enseignant) avec une personnalité plurielle (la classe et sa


en
coutume) à propos d’un objet d'enseignement el d'apprentissage, tout
respectant les particularités de chacun des partenaire s.

Mise en
relation par
le contrat
didactique dans le
respect de chacun

Contraintes
liées au temps

FIGURE 26
RSR PERRET

La mise en interaction d'une personnalité plurielle (une classe) avec une


personnalité singulière (un enseignant) à propos d’un savoir à travers le
contrat didactique

_ Mais cette mise en interaction se faitaussi à travers une sériederègles spécifi-


_ ques. Quelles sont cesrègles? ED Dell NO Most

e UN SYSTÈME DE RÈGLES
Le contrat didactique organise certes «la limitation et le partage des
responsabilités du professeur et de l’élève»,(Chevallard, 1982 : 214) mais
cela ne peut se faire qu’autour d’une série de règles qui régissent le fonction-
nement même de la classe. En voici une série pour lesquelles nous présentons
à chaque fois des exemples :
— des règles explicites et formulées : ces règles sont claires, elles sont
exprimées sans ambiguïté par les parties en présence;
par exemple, l'enseignant prévient ses élèves en début d'année sco-
laire : «chaque dernier mercredi du mois, je ferai un test sur la
matière vue depuis le début de l'année»; de leur côté, les élèves
Vous avez dit contrat didactique ? 201
VE ASRB ASE ACBDFR POUR AT

précisent qu’ils aiment bien que l'enseignant arrive 5 minutes avant le


cours afin de leur permettre de poser des questions à propos de points
de matière non compris;
— des règles tacites mais convenues : ces règles ne sont pas formulées,
mais elles sont évidentes et acceptées par tous;
par exemple, l'enseignant s'engage à corriger les travaux que lui re-
mettent ses élèves; les élèves s'engagent à cesser de jouer aux cartes
une fois que le cours a commencé;
— des règles tacites et non convenues : des règles, pour lesquelles, en
principe aucune des deux parties ne marque son accord, s'installent
et gèrent implicitement une partie des interactions de la relation
didactique;
par exemple, des élèves de première primaire constatent qu’un sta-
giaire ne vérifie jamais l’exécution de la consigne qu'il vient de leur
formuler; progressivement, les élèves n’exécutent plus les consignes
que ce dernier leur formule; la non-exécution des consignes est deve-
nue une règle implicite du contrat didactique entre ces élèves et ce
stagiaire;
— des règles implicites et inconscientes : des modes de fonctionnement
individuels, des caractéristiques de la personnalité des uns et des
autres, font, qu'inconsciemment un des partenaires de la relation didac-
tique adopte une attitude qui est implicite et souvent inconsciente;
par exemple, l'enseignant a développé un préjugé défavorable à l'égard
d’un élève; d'office et sans s’en rendre compte, il évalue négativement
toute production de ce dernier.
Par ailleurs, ces règles ont fait l’objet de décisions avant de faire partie
du système de règles qui régit la relation didactique d’une classe.

e UN SYSTÈME DE DÉCISION
Ces décisions peuvent prendre différentes formes. Le système de dé-
cisions dépend autant de la coutume de classe que de la personnalité de l’en-
seignant ou encore de l’organisation scolaire dans laquelle se trouve la classe
(la mésostructure). Nous pouvons placer ces décisions sur trois axes :
— unilatérales versus négociées;
— externes Versus 2nNLETnES ;
— spontanées versus préexistantes.
Clarifions chacune de ces catégories de décisions et présentons un
exemple pour chaque cas :
_ des décisions unilatérales : elles sont décidées par un seul partenaire;
par exemple, l'enseignant décide de la programmation de la matière
sur l’ensemble de l’année scolaire;
_ des décisions négociées entre les partenaires : ces décisions font
l'objet d’une négociation explicite entre les partenaires;
Créer des conditions d'apprentissage

par exemple, l'enseignant décide de déplacer la date d’un cours à la


suite d’une négociation avec les élèves à propos d’une activité concur-
rente à Ce Cours;
— des décisions externes à la stricte relation didactique : ces déci-
sions sont prises indépendamment du fonctionnement de la relation
didactique ;
par exemple, un règlement d'école imposé par une hiérarchie externe
à la relation didactique;
— des décisions internes à la relation didactique et strictement spé-
cifiques à cette dernière : il s'agit de différentes décisions qui ont été
prises à propos du fonctionnement même de la relation didactique;
par exemple, pour le déroulement de la relation didactique il a été dé-
cidé de modifier la disposition des tables de travail dans la classe;
— des décisions spontanées : il s’agit de décisions qui se sont dévelop-
pées spontanément en cours de relation didactique;
par exemple, au terme de la relation didactique, les élèves ont pris
l'habitude d'évaluer le travail réalisé en décrivant et en commentant
dans un portfolio ce qui a été accompli;
— des décisions préexistantes à la relation didactique : il s’agit de dé-
cisions qui existent avant la relation didactique;
par exemple, l'enseignant a l'habitude de terminer son activité en énu-
mérant quelques mots clés qui synthétisent la démarche réalisée du-
rant la relation didactique.
Le bon fonctionnement du contrat didactique naît d’un équilibre entre
ces règles et ces décisions.

unilatérales externes spontanées ou


ou négociées ou internes préexistantes

explicites
et formulées

tacites mais
convenues

| tacites mais
| non convenues

implicites et
inconscientes

FIGURE 27
GER PRES

Le contrat didactique équilibre les règles et les décisions


Vous avez dit contrat didactique ?
203
Le contrat didactique joue avec ces différentes règles, il ne peut tou-
tefois en permettre une compréhension suffisante et pertinente que s’il prend
en considération le contexte de ces règles : La coutume de la classe. De nom-
breuses combinaisons sont possibles, articulant règles et décisions. Dans une
même situation didactique, nous pouvons souvent observer une diversité de
règles se côtoyant, les unes implicites, les autres explicites. Certaines règles
sont explicites et formulées, elles définissent clairement, entre autres, le tra-
vail que l'élève doit réaliser. D’autres par contre sont implicites et le resteront
durant toute la relation didactique. Cela signifie qu’à de nombreuses occa-
sions, l'élève recherche le sens de l'intervention de l'enseignant. Ainsi, lorsque
l'enseignant pose une question, l'élève répond souvent pour satisfaire sa pro-
pre perception de l'attente du maître, bien plus que pour formuler une propo-
sition exacte ou pour faire avancer ses connaissances. Cette perception des
attentes du maître peut avoir une visée exacte et correspondre réellement aux
attentes de l’enseignant, ce n’est pas toujours le cas.

Une bonne partie des règles gérées par le contrat didactique est impli-
cite. Sans cesse, élèves et enseignant décodent ces règles, cherchent à com-
prendre leurs attentes respectives, essayent d’agir dans le sens de leur
perception de l’attente de l’autre. Le contrat didactique va permettre à chacun
de mieux comprendre ce qu'il est droit d'attendre de l’autre dans ses rapports
au savoir. Le contrat didactique va clarifier les droits et les devoirs des uns et
des autres. Mais ces règles changent, évoluent, progressent et s'adaptent à la
situation didactique, à ses contraintes, aux faits du hasard. Un enseignant qui
est confronté pour la première fois à une classe est testé par ses nouveaux élè-
1] ves. Non pour déceler «ses limites de résistance au chahut», mais bien pour
élaborer le contrat didactique avec ce dernier. Une série de règles tacites s’ins-
talleront pour les cours à venir après ce premier contact avec les élèves. Et,
c'est par ces règles tacites (résultant de la perception par les élèves des atten-
tes du nouveau professeur) qu'une série de règles convenues feront qu'avec
ce professeur les élèves agiront de telle ou de telle manière. C’est le contrat
didactique qui se met en place.
Ce contrat didactique est donc dynamique, susceptible de changer, de
se modifier, de s'adapter, de rompre les règles du jeu...

Alors, ne reprenons. notre question en Sr de ce DATI


| pourquoi un contrat didactique ?

Pourquoi le contrat didactique ?


Le contrat didactique est indispensable au fonctionnement de la relation didactique.
En effet, c’est lui qui permet la mise en interaction d’une personnalité singulière (un enseignant
et son implicite) avec une personnalité plurielle (une classe avec sa coutume) à propos d’un
objet d'enseignement et d'apprentissage, tout en respectant les particularités de chacun des
partenaires.
204 Créer des conditions d'apprentissage
PAGES DSP ANA NEA

4.4 Que retenir ?


——

Pourquoi un contrat didactique ?


Répondons en nommant les fonctions du contrat didactique.
(1) Fonction 1 : créer un espace de dialogue.
Le contrat didactique permet la création d'un espace de dialogue entre les différentes
familles de variables en présence dans la relation didactique : les variables liées aux élèves,
celles liées à l'enseignant et celles liées au savoir.
(2) Fonction 2 : prendre en considération la coutume de classe.
Le contrat didactique permet la prise en considération de la coutume de classe.
(3) Fonction 3 : gérer des règles et des décisions.
Le contrat didactique permet la gestion des régles qui régissent la relation didactique en
établissant un équilibre entre les règles et les décisions et entre l’implicite et l'explicite.
(4) Fonction 4 : mettre en interaction.
Le contrat didactique permet la mise en interaction d'une personnalité singulière (un ensei-
gnant et son implicite) avec une personnalité plurielle (une classe avec sa coutume) à pro-
pos d’un objet d'enseignement et d'apprentissage, tout en respectant les particularités de
chacun des partenaires.

4.5 Quelques références pour aller plus loin.


— Balacheff, N. (1988). Le contrat et la coutume, deux registres des in-
teractions didactiques. In C. Laborde, (dir.), Actes du premier collo-
que Franco-Allemand de didactique des mathématiques et
d'informatique. (p. 15-26), Grenoble : La Pensée Sauvage.
— Jonnaert, Ph. (1996). Analyse des besoins et projet de formation. li-
bres propos d’un formateur. Le Relais, 6(1), 2-7.
— Jonnaert, Ph. (1988). Conflits de savoirs et didactique. Bruxelles :
De Boeck.
— Jonnaert, Ph. (1994). À propos du contrat didactique. Cahiers de la
Recherche en Éducation, 1(2), 195-234.

4.6 Concepts-clés de ce paragraphe


contrat didactique - coutume de classe - espace de dialogue - fonc-
tions du contrat didactique
Vous avez dit contrat didactique ?

5. LA DYNAMIQUE DU CONTRAT DIDACTIQUE


Mais, .. comment fonctionne un contrat
didactique ?

5.1 Pour ouvrir le débat.


«Deux hommes, s'ils veulent s'entendre vraiment, ont dû d'abord se contredire. La
vérité est fille de la discussion, non pas fille de la sympathie».
Bachelard(1940 : 134)

5.2 Des ruptures didactiques de contrat


Les caractéristiques des règles qui régissent un contrat didactique
supposent qu’un certain nombre d’entre elles restent implicites. Régulière-
ment cependant, ces règles implicites surgissent et entrent en conflit avec les
règles explicites du contrat. Elles risquent alors de provoquer des conflits. El-
les apparaissent quand un des partenaires de la relation didactique s'exprime
en ces termes (alors qu’un autre partenaire le sollicite) : «nous n'avons pas
l'habitude de...», ou encore «nous serions plutôt en droit d'attendre de
vous que.…..». Ces expressions traduisent une contradiction que peut vivre,
à un moment donné, un des partenaires de la relation didactique lorsqu'il est
confronté à la coutume de l’autre et que cette dernière entre en conflit avec
son propre fonctionnement implicite.

EXEMPLE DE RUPTURE DIDACTIQUE

Extrait d'enregistrements de séquences de classe dans une cinquième primaire, Liège, 1994.

— Pour multiplier un entier naturel par «0,25», les élèves d’une cinquième primaire
ont l'habitude de diviser cet entier naturel par «4». Par exemple pour réaliser «480
x 0,25», les élèves divisent «480» par «4» et obtiennent «120».
— Dans les situations proposées par l'enseignant aux élèves (en 5e primaire) l’ensei-
gnant a toujours placé des entiers naturels multiples de 4 à multiplier par «0,25».
La tâche est donc facile pour les élèves.
— … jusqu’au jour où l'enseignant change la nature des nombres et ne présente plus
aux élèves que des situations avec des entiers naturels qui ne sont pas des multi-
ples de «4». Il leur propose par exemple de multiplier «733» par «0,25».
— Ce changement d’une des caractéristiques de la situation («nous travaillons désor-
mais sur des entiers naturels qui ne sont plus nécessairement des multiples de 4»)
provoque le désarroi des élèves qui disent à l'enseignant : «avec ces nombres là,
ça ne marche plus!». Ces élèves demandent alors à l'enseignant soit de changer
les nombres à traiter, soit de leur expliquer la procédure pour réaliser cette opéra-
tion arithmétique qui les désempare.
— La rupture didactique apparaît lorsque l'enseignant refuse à la fois de changer la
nature des nombres à traiter et d'expliquer aux élèves une nouvelle procédure à
appliquer.
Créer des conditions d'apprentissage

Tout ce que formule l'enseignant est une question qu'il renvoie aux élèves : «si Je
nombre à multiplier par «0,25» n'est pas un multiple de «4», existe-t-il un moyen de
le rendre multiple de «4», mais attention, il faut que l'opération arithmétique reste
équivalente à celle que vous avez à réaliser !.»

La rupture est évidente. Là où les élèves attendaient, avec certitude,


une réponse de l'enseignant, ce dernier leur renvoie une question qui ne fait
qu'augmenter leur doute, leur hésitation, leur incertitude.

Il y a rupture didactique par ce que le type de rupture porte sur des


rapports au savoir.
Les ruptures évoquées ne sont donc didactiques que si elles intègrent
un certain rapport à un savoir à enseigner dans leur dialectique :

«(...). À l'intérieur des interactions sociales au sens large, je caractérise de


«didactique» celles où l'un des partenaires enseigne (ou a l'intention d'enseigner)
quelque chose à son (ses) interlocuteur(s). Un tel projet interactif prend forme dans
la mesure où celui qui enseigne, élabore des stratégies devant permettre à autrui de
s'approprier un savoir qu'il ne possédait pas auparavant».
Schubauer-Leoni (1986 : 142)

Mais, .… pouvons-nous préciser la nature de ces ruptures de contrat ?

e LA RUPTURE DIDACTIQUE DU CONTRAT...

La rupture didactique du contrat a lieu à partir du moment où un des


partenaires est confronté (dans son propre rapport au savoir) à une situa-
tion paradoxale. C’est particulièrement le cas dans des situations de résolu-
tion de problème. En effet, confronté à un problème à résoudre, l'élève se
heurte à une entrave, une inconnue, un obstacle, dans sa démarche. Ce même
élève est conscient du fait que, dans le problème, cette entrave (placée sur
son propre cheminement vers le savoir) est nécessaire, voire indispensable, à
la construction de ses propres connaissances. Il n’ignore pas non plus que l’en-
seignant l’a volontairement confronté à cette entrave. L'élève sait, en outre,
que ce dernier (l'enseignant) est le détenteur d'au moins une clé pour résou-
dre ce problème. Cette situation est confortable, puisque l'enseignant est en
quelque sorte la bouée de secours de l'élève. L'élève est informé, qu’en dernier
recours, il pourra toujours demander à l'enseignant un supplément d’informa-
tions qui l’aideront à lever un peu de l’inconnue à laquelle il est confronté.
Il y a ruplure didactique du contrat quand l'élève n’est plus certain
que l'enseignant puisse jouer ce rôle de garant de la bonne démarche de ses
apprentissages scolaires.
Vous avez dit contrat didactique ? 207

Pourquoi l'enseignant place-t-il ses élèves dans des situations de ruptures


_ didactiques de contrat?

e LA DÉVOLUTION DIDACTIQUE...
La métaphore de la dévolution didactique [décrite par Brousseau
(1983, 1985, 1986, ...) ] est un exemple type de rupture didactique de
contrat :

«(...). La dévolution était un acte par lequel le roi — de droit divin — se départissait
du pouvoir pour le remettre à une chambre. La «dévolution» signifie :»ce n’est pas
moi qui veux, c’est vous qui devez vouloir, mais je vous donne ce droit parce que vous
ne pouvez pas le prendre tout seul».
Brousseau (1987 : 43)

Margolinas (1993) fait remarquer que la dévolution implique d'une


part la volonté de l'enseignant de dévoluer, et d’autre part l'acceptation par
l'élève de la dévolution de l'enseignant. Par la dévolution didactique, l’ensei-
gnant, volontairement, refuse de poser des actes d'enseignement (que l'élève
serait en droit d'attendre de lui) pour que l'élève pose effectivement des ges-
tes d'apprentissage. Dans un contexte de dévolution, l'enseignant signifie à
l'élève : «7e refuse de faire mon métier d'enseignant pour que tu fasses ton
métier d'élève. »
Pour décrire ce passage du «devoir d'enseigner» au «devoir d’appren-
dre», Brousseau reprend un vieux terme juridique : La dévolution. La dévolu-
tion est une expression spécifique au droit des successions qui désigne le pas-
“sage de droits héréditaires au «degré subséquent par renonciation du
degré précédent, ou à une ligne par extinction de l’autre».
[Dictionnaire «Robert», (1978 : 532]

La dévolution didactique est une cession volontaire. Volontairement,


l'enseignant refuse l'acte d'enseigner et place, de ce fait, l'élève dans une si-
tuation telle qu’il doive prendre en charge lui-même son propre apprentissage.
Mais la dévolution n’a de sens qui si l'élève l’accepte et que si, à son tour, en
une sorte de contre-dévolution, l'élève peut demander à l'enseignant de re-
prendre son métier d'enseignant.
Pour fonctionner, la dévolution doit être une règle explicite du contrat
didactique. Sans en connaître le moment, l'élève doit s'attendre à devoir jouer
le jeu de la dévolution à l’intérieur de la relation didactique engagée. Il doit
aussi en avoir accepté le principe.
208 Créer des conditions d'apprentissage
nr nnete AE Es

EXEMPLE DE RUPTURE DIDACTIQUE

Extrait d'enregistrements de séquences de classe dans une cinquième


primaire, Liège, 1994.

— Une série d'élèves de première année du secondaire élèvent des nombres décimaux
au carré en recherchant une réponse plus grande. Ainsi, lorsqu'ils élèvent «0,2» au
carré, ils se contentent de la réponse «0,4» au lieu de «0,04», en affirmant que
c'est exact car «0,4» est bien plus grand que «0,2».
— L'enseignant leur demande ensuite de préciser leur procédure. Ces élèves spécifient
qu'ils ont fait [(0,2) x (0,2)] pour trouver une réponse plus grande, comme
lorsqu'ils font «2 x 2» pour trouver le carré de «2». Le carré de «2» étant «4», ils
considèrent que le carré de tout nombre est nécessairement un nombre plus grand.
— Reprenant cette procédure, l'enseignant leur demande de remplacer chaque fois
«0,2» par son expression équivalente sous forme de fraction («2/10») et ensuite
d'effectuer l'opération (2/10 x 2/10). La plupart des élèves obtiennent «4/100 »
comme réponse.
— L'enseignant leur demande alors d'exprimer «4/100» sous forme de nombre déci-
mal soit «0,04» et leur demande de comparer les deux réponses.
— Plusieurs élèves sont étonnés et demandent à l'enseignant : «comment ça se fait,
on a fait deux fois la même chose et on obtient des réponses différentes. Quelle est
la bonne réponse ?»
— L'enseignant ne fournit pas la bonne réponse et demande aux élèves de représenter
par un dessin sur des bandelettes de papier ce qu'ils ont réalisé comme opération
avec les fractions et de rechercher à travers ce graphe la bonne réponse à l’opéra-
tion. | leur pose une nouvelle question : «est-ce que vous pouvez représenter
«0,2» de la même façon que «2/10» ? Cherchez un moyen de représenter «0,2»

La dévolution didactique est un mécanisme de transfert de responsa-


bilité du maître à l'élève dans le processus de construction d’une connaissance
par l'élève lui-même. La dévolution didactique responsabilise l'élève dans sa
propre démarche de construction des connaissances.

Ce transfert se fait-il exclusivement sous le contrôle de l'enseignant ?

+ L'ACCEPTATION PAR L'ÉLÈVE DE LA DÉVOLUTION DIDACTIQUE...

Pour qu'il y ait dévolution, avec effet sur l'apprentissage, il faut que
l'élève en ait préalablement accepté le principe lors de la négociation du con-
trat didactique : La dévolution est une des règles explicites du contrat.
Même si c’est l'enseignant qui décide du moment de la dévolution didactique,
celle-ci ne pourra exister que si l'élève l'a acceptée comme principe de fonc-
tionnement de la relation didactique et comme règle du contrat didactique. La
dévolution didactique n’est donc jamais sous l'unique contrôle de l'enseignant.
Les ruptures didactiques provoquées par la dévolution didactique sont tou-
jours en quelque sorte attendues par l'élève, puisqu'elles sont considérées
comme règles explicites du contrat. L'élève ignore toutefois les moments choi-
sis par l'enseignant pour provoquer ces dévolutions.
Vous avez dit contrat didactique ? 209
ns ccm

D 2
2 ou Ko!

(0,2 x 0,2) ou

Premier point Réponse


Er découverte ’ par *
ae 0e l'élève FER procédé qui devait cu
\_une solution équivalente...

FIGURE 28
SRSESESEMFON

Ruptures de contrat, dévolution et contre-dévolution,


règles et mise en projet : les vecteurs du dynamisme du contrat

e LA CONTRE-DÉVOLUTION DIDACTIQUE...

Il y a effectivement rupture lorsque les situations et les stratégies (y


compris la «dévolution didactique») ne sont plus suffisantes pour permettre
à l'élève de résoudre les problèmes auxquels il est confronté. Malgré les
210 Créer des conditions d'apprentissage
PNR AURETURES

stratégies développées par l'enseignant, l'élève ne parvient plus, dans ce cas,


à surmonter les difficultés relatives au savoir (ce savoir est la seule raison va-
lable de la relation didactique) et placées dans les problèmes proposés par
l'enseignant. Ces ruptures sont alors, et alors seulement, intéressantes. En ef-
fet, en une espèce de «contre-dévolution», l'élève n’est plus en mesure de ré-
pondre aux attentes de l'enseignant. Bien plus, il doit, à ce moment précis de
la relation didactique, demander à l’enseignant de renoncer à la dévolution di-
dactique. Parallèlement, à travers ces ruptures didactiques du contrat, l’ensei-
gnant doit découvrir les limites de la dévolution et accepter les «contre-
dévolutions» de l'élève qui lui demande de changer de stratégie.

e UNE DIALECTIQUE DÉVOLUTION/CONTRE-DÉVOLUTION....

Ce n’est qu’à partir de ce moment que le contrat didactique devient


pertinent pour la démarche d'apprentissage de l'élève. L'élève, comme l’ensel-
gnant, en fonction de leurs positions respectives par rapport au Savoir,
peuvent provoquer des changements dans l’organisation des règles attendues
de la relation didactique. Si l'enseignant peut demander (à un moment donné)
de jouer la «dévolution didactique», l'élève de son côté peut souhaiter (à un
autre moment) la «contre-dévolution». Ainsi, le contrat didactique, en un jeu
de ruptures («dévolution» versus «contre-dévolution»), fait évoluer les
rapports au savoir de l'élève. Par cette dialectique dévolution/contre-dévolu-
tion, élèves et enseignant créent la dynamique du contrat didactique.

e DYNAMISME DE LA RELATION DIDACTIQUE ET RUPTURES...

Les ruptures de contrat évoquées dans ce paragraphe sont les pre-


miers moteurs du dynamisme interne d’une relation didactique. Si le contrat
didactique est la turbine de la relation didactique (pour reprendre l’expres-
sion de Brousseau) cette turbine est essentiellement alimentée par des ruptu-
res de contrat. Ces ruptures sont l'expression du dynamisme des interactions
qui se passent entre l'enseignant et les élèves à propos d’un objet de savoir,
quelle que soit la nature de cet objet.

Ces ruptures sont les indicateurs du bon fonctionnement de la dia-


lectique «dévolution» versus «contre-dévolution». Tant que la dévolution res-
te sous l’unique contrôle de l'enseignant, il n'y a pas de partage de pouvoir
dans la relation didactique, le jeu reste sous la tutelle de l'enseignant. Dans ce
cas, il y a une quasi-absence d'apprentissage chez l'élève. Un véritable partage
du pouvoir suppose que l'élève puisse, de son côté, souhaiter une contre-
dévolution, voire refuser la dévolution proposée par l'enseignant à un moment
donné.
Mais, pour qu'il y ait dévolution (versus contre-dévolution), ruptures
didactiques et partage du pouvoir, il faut que le projet de l'enseignant (celui
d'enseigner quelque chose aux élèves) trouve son corollaire chez l'élève : à
savoir «accepter d'apprendre» ce que l'enseignant enseigne. Sans ce projet de
l'élève, celui de l'enseignant n’a pas de sens. Cela signifie, que tout contrat
Vous avez dit contrat didactique ? 211
SPEARS TE

didactique ne peut exister que s’il y a un «projet d'apprendre» chez l'élève


et que ce projet correspond à celui d'enseigner chez l'enseignant, il en est le
corollaire. Bien plus, ce projet naît de cette dialectique «dévolution» versus
«contre-dévolution». C’est dans cette dialectique que se construit le sens des
apprentissages pour l'élève.

Ainsi, un véritable contrat didactique est composé de règles (implici-


tes et explicites); parmi ces règles, l’une d’entre elles concerne la dévolution
(versus la «contre-dévolution»). La dévolution, comme la contre-dévolution,
sont donc des règles du contrat didactique, elles sont essentielles. Si l'élève at-
tend la dévolution, l'enseignant attend, pour sa part, la contre-dévolution. Par
ailleurs, le contrat fonctionne parce que l'élève a le projet d'apprendre ce que
l'enseignant souhaite lui faire apprendre. Cette réciprocité des projets de l’un
et de l’autre est indispensable et fait également partie du contrat didactique.

Le véritable moteur de la relation didactique est alimenté des ruptures de contrat


autour d'un projet d'enseigner et d'un projet d'apprendre

Ruptures Mise en projet


de l'élève

Contrat didactique

Contre-dévolution Dévolution
didactique didactique

Règles
inconscientes négociées
——————————————————+
implicites explicites

FIGURE 29
RAIN RES

Composantes du contrat didactique

5.3 Exemples
La question est alors de savoir si ces ruptures de contrat permettent
effectivement à l'apprentissage de se développer. Et puis, l'enseignant peut-il
prévoir, voire préparer ces moments de rupture ? Le contrat didactique est
mouvant; au cours d’une situation didactique, de nombreuses règles peuvent
changer, évoluer, voire disparaître, de nouvelles règles peuvent apparaître! Il
n’est dès lors pas possible d'élaborer un contrat didactique qui soit antérieur
à la relation didactique. La préparation d’une situation didactique n’est jamais
212 Créer des conditions d'apprentissage

qu'une hypothèse d'action. Tout au plus, préparer une séquence didactique


c’est prévoir les règles explicites du jeu qui se déroulera tout en laissant suffi-
samment d'espace pour permettre à l'élève de découvrir les autres règles du
jeu, implicites celles-là. Lorsque l'élève recherche les règles implicites de la si-
tuation dans laquelle il se trouve, il ne fait rien d’autre que de rechercher le
sens de sa propre action. Cette recherche de «sens», ou encore ce processus
de recherche d’un contrat hypothétique (Brousseau, 1987 : 53), ne se fait pas
sans heurts. Pourtant, c’est ce processus qui, de ruptures en ruptures, fait
évoluer la situation didactique. Analysons deux situations extraites de Jon-
naert (1988 : 31 à 33). Les situations a et b ont été observées dans des classes
de 4e primaire. Elles sont apparemment parallèles.

Situation (à) :
— l'enseignant, (4e primaire), a préparé pour chacun de ses élèves
une planchette en bois, de forme carrée et ayant 20 cm de côté;
— à chacun de ses élèves, il a donné 400 petites pièces de mosaïque
ayant une forme carrée de 1 cm*° d’aire, elles sont de couleurs
différentes;
— il formule aux élèves la consigne suivante : «recouvrez la plan-
chette avec toutes les pièces de mosaique pour en faire un SOUS-
plat».

Situation (b) :
— l'enseignant (4e primaire) a fourni à chacun des élèves une plan-
chette en bois de forme carrée, mais de dimensions différentes cha-
cune, aucune de ces planches n’a les mêmes dimensions que les
autres;
— à chacun des élèves il a fourni un nombre de carrés de mosaïque
(de 1 cm° de mesure d’aire) inférieur au nombre nécessaire pour
recouvrir toute la surface de la planche;
— il donne pour consigne aux élèves : «recouvrez la totalité de la
surface de votre planchette avec les carrés de mosaïque dont
vous disposez, aucun vide ne peut exister entre les carrés».
Ces deux activités ne sont que des portions de séquences plus impor-
tantes, elles précèdent toutes les deux une découverte de la notion
d’aire des quadrilatères. Elles se ressemblent, elles sont pourtant tel-
lement différentes.
MER &. 2 aus ae ju
Pourquoi ?

Dans Ja situation (a) :


l'explicite domine, il y a peu d’incertitudes. La consigne est claire et le
matériel évident. Tous les élèves recouvrent en même temps une
planchette identique. La règle formulée dans la consigne ne laisse
aucun champ à l'incertitude. Une «règle explicite» domine toute
Vous avez dit contrat didactique ? 213
RESORT
EEE EE DRE

l'activité et laisse peu de place à la recherche et à la création de sens


par l'élève. Peu ou pas d'incertitude, done peu ou pas de conflits, et
même absence de rupture. Les élèves, à la fin de la séquence, auront
recouvert la planchette avec leurs carrés de mosaïque, comme le sou-
haitait l'enseignant. Après cette manipulation, l'enseignant propose
aux élèves une procédure de comptage des carrés de mosaïque posés
sur les planchettes et en déduit une formule du calcul de l'aire d’un
carré.
L'activité n'ira pas plus loin.

Dans Ja situation (b) :


rapidement, les élèves sont dans une impasse :
«le maître nous a donné trop peu de mosaïques pour réaliser ce qu'il nous demande!
que veut-il qu'on fasse, ça marche pas!
que cherche-t-il à nous faire faire ? »

Pour aller plus loin dans l’activité, rapidement, les élèves devront lever
une incertitude, comprendre la règle implicite de l’enseignant à la-
quelle ils n’ont pas accès pour le moment. Cette règle implicite est la
cause de la rupture qu'ils vivent pour le moment dans cette situation :
«le maître ne fait pas ce qu'il doit, il a mal préparé le matériel, il demande des choses
impossibles. pourquoi ?»

Face à cette rupture manifeste de contrat (un des deux partenaires,


en l'occurrence l'enseignant, ne respecte apparemment plus ses enga-
gements) la richesse de la situation dépendra de ce que tant les élèves
que l'enseignant accepteront d’injecter dans la situation. C’est en effet
à ce moment précis que peut se jouer la dévolution. Par la consigne
suivante, le maître, loin de rassurer les élèves, les responsabilise face
à la démarche à adopter :
«.… pour que je vous donne des carrés de mosaïque qui vous manquent, vous devez
me donner le nombre exact de mosaïques manquantes.»

D’emblée, cette consigne place les élèves devant de nouvelles incerti-


tudes, de nouvelles ruptures de contrat. ils vivent une dévolution
didactique. Is doivent lever les incertitudes de la situation, recher-
cher le sens des paradoxes du maître qui n’enseigne pas, qui jalonne
leurs cheminements d'embüûches, ... surmonter les conflits sous-
jacents aux ruptures de contrat! Alors seulement, ils mettront en rou-
te des procédures pour fournir au maître le nombre demandé et pou-
voir enfin recouvrir ces planchettes! Ce sont ces ruptures de contrat
qui, paradoxalement, mettront l'élève dans une démarche de recher-
che de signification, de découverte de sens et donc dans une démar-
che d'apprentissage :
«Les spectateurs n'ont de sens que s'ils cessent d'être des voyeurs passifs pour
devenir des acteurs transformateurs de leur propre histoire ».
(Formule souvent employée par B. Brecht).
214 Créer des conditions d'apprentissage

Finalement, le premier artisan du dynamisme de la relation didactique


r'est autre que l'élève lui-même, acceptant ou refusant de jouer la dé-
volution didactique!

5.4 Que retenir ?

Comment fonctionne un contrat didactique ?


(1) Contrairement au contrat au sens strict du terme qui a pour fonction de permettre l'applica-
tion de règles explicites, le contrat didactique s'organise autour de ruptures de contrat. Ces
ruptures de contrat constituent le véritable moteur du contrat didactique.
(2) La dévolution didactique est une de ces ruptures par lesquelles l'enseignant, refusant l'acte
d'enseigner, place l'élève dans une situation d'apprendre. Le corollaire de la dévolution
didactique est la contre-dévolution didactique par laquelle l’élève refuse la dévolution de
l'enseignant et lui demande de reprendre sa fonction d'enseignement.
(3) Le contrat didactique fonctionne dans une dialectique «dévolution» versus «contre-
dévolution». C'est par cette dialectique que se crée le dynamisme du contrat, au cœur de
cette dialectique se trouve l'élève, principal artisan du dynamisme du contrat didactique.
(4) Ce dynamisme du contrat didactique s'inscrit nécessairement dans un double projet :un
projet d'enseignement chez l'enseignant auquel correspond nécessairement un projet
d'apprentissage chez l'élève. Cette réciprocité des projets d'enseignement et d’apprentis-
sage est indispensable pour que se créent le sens et le dynamisme du contrat didactique.

5.5 Quelques références pour aller plus loin.


— Brousseau, G. (1986). Fondements et méthodes de la didactique des
mathématiques, Recherches en Didactique des Mathématiques,
7(2), 33-116.
— Brousseau, G. (1988). Le contrat didactique : le milieu. Recherches
en Didactique des mathématiques, 9(3), 309-336.
— Jonnaert, Ph. (1988). Conflits de savoirs et didactique. Bruxelles :
De Boeck.

3.6 Concepts-clés de ce paragraphe.


contrat didactique - rupture de contrat - dévolution - contre-dévolu-
tion - dynamisme du contrat didactique

6. EN GUISE DE CONCLUSION...
… et pour laisser le débat ouvert!
La réflexion que nous avons développée tout au long de ce chapitre
trouve son argumentation tant dans la littérature classique sur le concept de
contrat didactique, que dans nos propres travaux de chercheurs en didactique
Vous avez dit contrat didactique ? 215

des mathématiques et en didactique des sciences. Notre volonté, par ce type


de réflexion, n’est certes pas de reformuler, voire de redéfinir, le concept de
contrat didactique alors que d’autres l'ont déjà fait avec clarté.
Décortiquant le concept de contrat didactique, nous avons plutôt
cherché à proposer au lecteur une analyse qui devrait lui permettre d'utiliser
en Connaissance de cause, mais avec prudence, un concept galvaudé parce
qu'ambigu dans le choix du mot qui le nomme. Nous n'avons pas la prétention
d’avoir vidé la question... Mais, à travers les lignes qui précèdent, le lecteur
attentif aura découvert que le concept analysé dévoile en réalité une philoso-
phie de l'apprentissage qui à ce jour nous semble dès plus importantes! À
travers cette approche du contrat didactique, très inspirée des travaux de
Brousseau, ne retrouve-t-on pas, en filigrane certes, les perspectives du con-
trat social de Jean-Jacques Rousseau, mais surtout les fondements d’une ap-
proche socioconstructiviste des apprentissages scolaires ?

_ Et puis, dites-moi quel type SÉREURAAUE VOUS proposez à vos élèves etde
vous dirai qui vous êtes!

Le contrat didactique propose bien plus qu’une simple analyse des rè-
gles qui régissent la relation didactique. Par la dialectique «dévolution»> ver-
sus «contre-dévolution», le contrat didactique propose une philosophie de
l’apprentissage qui ne place pas l'élève naïvement au centre d’un processus
qu'il ne contrôle pas. Il le place dans une dialectique de projets d'enseigne-
ment et d'apprentissage qui montre que le second est le corollaire du pre-
mier pour autant qu'élèves et enseignant aient accepté de jouer le jeu. Cette
“dialectique replace au cœur du processus d'apprentissage scolaire le tandem
incontournable «enseignement-apprentissage », l’un définissant le rôle de
l'enseignant, l’autre celui de l'élève. Mais, au-delà de ce tandem, par la dialec-
tique «dévolution/contre-dévolution», le contrat didactique s'inscrit nécessai-
rement dans une perspective socio-constructiviste, renvoyant chaque fois à
l’'apprenant sa propre responsabilité dans les démarches qu'il entreprend pour
construire des connaissances.
Mais, le débat n’est pas clos, et la discussion reste ouverte.
«(...). Si, effectivement, nous ne savons pas comment tester telle théorie, nous pou-
vons douter qu'il y ait une quelconque réalité de l'ordre (ou du niveau) que décrit cette
théorie ;et si nous savons de manière positive qu’elle ne peut être testée, nos réser-
ves seront plus importantes encore et nous la soupçonnerons éventuellement de
n'être qu’un simple mythe ou encore un conte (...).

Mais si une théorie est susceptible d’être testée, elle implique alors que des événe-
ments d’un certain type ne peuvent se produire, et elle affirme donc quelque chose à
propos de la réalité (...).

Nous inventons nos théories, elles sont faites de nos idées; elles ne nous sont pas
imposées, mais ces instruments de pensée sont forgés par nous (...). Toutefois, cer-
taines de ces théories peuvent être en conflit avec la réalité, et lorsqu'une telle con-
tradiction apparaît, cela nous fait connaître qu'il existe une réalité, qu'il existe quelque
chose pour nous rappeler que nous pouvons avoir des idées erronées ».
Popper (1985 :178)
+ au rm LS TEAM = s

PR TE ET UE REC OU LE"
ai te co core tihnt étre luitriniée diet sub sr 0e
Mode tré del hit Sun Gr ele evaimehlh ethien
dAtulq agir an Aupirontah Mirruos ir 140300 of # pr
ru CR RAR farpeahs Gap net Que mastaenl We verquig àéfrrittss
y dunes famous co moniberhy ni don dtilun 7 MOTESERANOSES
Nécmedvey ail 27 AA PA ET T AU | ui ton ah gite SJ and: nn
toi 2 A vug Vie ta anal eomfirst € su . (TAREENTE .
gen Aer jhs ne oiue à CRALTEE CRT) ra
rte oo pme Dis Goma ir MCne d MirAbient sb çoù s
te Asa eat mnt eu cuir Br Maine qi sdouyætt HIS
cour dal mal ponte Mert qure cr sem Paso erde OR EUIO TER
Je PT Ds DUR SET on udobameit enr ete ue ELLE
Fete bent PU Te anse nivo

LE ne LC "
x |
DEAN
dr éd
axe dite ta alles EATITT aupusb DEL ELITE lu L-
“tye sethelt Gui i amidéleah tnt Sarpés sdisis craltiéot sddrrseglo in dMn-xati
D sun impr Su en LUE DRRRSLREE COCITONETUAMEREC TU ENT
PTE ro Cr Lois ae foin crétilaran@lhit-
at Hp RP
ea CUITE SE NEA de dati er, Je al st eg oo or L'Hp
Led so Ste ÉTAT Gr pagina
DAS un) 47 Dear Ab) Mrimige Arte Sn CETTE |
DR LETTET :| n ue Te PRÉ Asa" A aisC4
al ol VO PATES » géstihéraqt , :
sut af fiétiien ve ct dau M vi st tlataretut porter] |
ges caf} Pete datiatLt entré) Rertttries
defAR,
1 AipédVe Pac'autiré RATE Ro TU HAVYOR ei era
Moy sub ut bier et aber
aol ait éd
ones È
errors ae roles ei Eee 5
tete. TEE na 5 SALONAR finimmetonte 6 :
> rune bear dati) erbeg"t deb Sfr pan te 1 ui He A

Doha id

CONS D ap #0 Per +}
ph AE
D MO: EUR AU en
4 METTETE "one M FePen
ANS
etc
U
Dec dr) MELUN wrut
«rs fes seu gui 1 AM avr ra A
up Sn UT 2 vf
ape 0e, Cette6 PQ she le pr DSC CPE

nnnrrte latin
PORT
Le concept
d'apprentissage scolaire

POUR OUVRIR LE DÉBAT...


«(..) apprendre est un processus mystérieux par lequel un sujet se transforme et gé-
néralement s'enrichit psychiquement en prélevant de l'information dans son milieu de
vie. Pourtant, l’apprenant ne se comporte pas comme un prédateur. || ne consomme
pas, mieux même, il se crée en faisant exister le réel. Le sujet apprend non parce que
le réel existe et qu'il cherche à le comprendre, mais c’est parce que l’homme cherche
à le comprendre qu'il fait exister le réel. On retrouve la vieille idée constructiviste : le
sujet se construit en construisant le monde ».
Develay (1992 : 161)
218 Créer des conditions d'apprentissage

RÉSUMÉ

Après avoir analysé une série de conceptions de l’apprentissage, les compo-


santes du modèle socioconstructiviste et interactif de l’apprentissage sont
précisées.
Le modèle développé en ces lignes est particulièrement cohérent avec une ap-
proche didactique de l'apprentissage. Le lecteur découvrira, au fil des para-
graphes qui suivent, la pertinence d’une réponse constructiviste aux
questions de didactique.

SOMMAIRE

Objectifs de ce chapitre
5.1 Introduction
5.2 Un modèle socioconstructif et interactif de l'apprentis-
sage scolaire : le modèle SCI
5.3 Des définitions du concept d'apprentissage
5.4 Le débat n’est pas clos

Ce chapitre propose une réflexion que nous avons développée dans


différents textes antérieurs :
— Jonnaert, Ph., Lauwaers, A. et Peltier, E. (1995). Facettes d'un
apprentissage scolaire. Bruxelles : SEGEC, (2° édition).
Jonnaert, Ph. (1994). Un nouveau cadre pour les apprentissa-
ges scolaires. Sherbrooke : Université de Sherbrooke, (document
ronéotypé).
Jonnaert, Ph. (1995). Entrer dans l'apprentissage scolaire. In
G. Forges, (éds.). Enfants issus de l'immigration et apprentis-
sage du français langue seconde, (pages 15 à 52), Paris : Didier
Érudition.
Jonnaert, Ph. (1987). Théories actuelles de l'apprentissage et si-
tuations d’enseignement-apprentissage. La Revue des Écoles,
93(102/1), 32-46.
Le concept d'apprentissage scolaire 219
ERA
CERNSULE

OBJECTIFS DE CE CHAPITRE
Ce chapitre poursuit l'objectif général de clarifier le concept d’appren-
tissage en contexte scolaire. L'approche de l'apprentissage proposée en ces li-
gnes s'inscrit nécessairement dans le paradigme constructiviste tel qu’il a été
précisé en début d'ouvrage. Ce chapitre permet au lecteur de développer une
réflexion critique sur les différentes conceptions de l'apprentissage en con-
texte scolaire. Il découvrira ensuite toute la pertinence d’une approche socio-
constructiviste et interactive (le modèle SCI) de l'apprentissage dans une
perspective didactique. Dans un premier temps, le lecteur découvrira les com-
posantes, les caractéristiques et le fonctionnement du modèle socioconstruc-
tiviste et interactif (le modèle SCT). Une série d’approches de l'apprentissage
sont ensuite analysées à l’aide d’une grille proposée au lecteur. Comparant ces
courants entre eux, le lecteur pourra en dégager les caractéristiques essen-
tielles. Fort de cette analyse, le lecteur pourra enfin porter un regard critique
sur notre définition socioconstructiviste et interactive de l'apprentissage en
contexte scolaire.

1. INTRODUCTION
Dans ce chapitre, le lecteur découvrira les composantes du modèle s0-
cioconstructiviste et interactif de construction des connaissances (le modè-
le SCT) et leur articulation interne. Dans cette partie de l'ouvrage, le modèle
est décrit dans une optique d'apprentissage en contexte scolaire. Partant de
la cohérence interne de ce modèle appliqué à l'apprentissage en contexte sco-
laire, les fonctions respectives du contrat et de la transposition didactiques
sont explicitées. Ces deux composantes jouent un rôle majeur dans le fonc-
tionnement du modèle SC]; elles l’inscrivent dans une perspective didactique
telle qu’elle a été explicitée dans un chapitre antérieur. Cette partie du chapi-
tre permet au lecteur de décortiquer le modèle SC]. Une série de critères peu-
vent en être dégagés pour analyser les propositions de définition de
l'apprentissage véhiculées dans la littérature didactique et pédagogique. Une
grille d'analyse de ces définitions est proposée au lecteur. Cette grille est cons-
truite sur base des critères socioconstructivistes et interactifs dégagés anté-
rieurement. Elle est donc largement connotée par notre modèle SCI. Une
série de définitions de l'apprentissage sont ensuite proposées au lecteur. Elles
sont extraites d'ouvrages de pédagogie, de didactique d’une discipline, de dic-
tionnaires de l’éducation ou de psychologie, de manuels de psychologie de
l'apprentissage. Elles sont également issues de courants de pensée très diffé-
rents les uns des autres. Cet échantillonnage de définitions contrastées est
présenté au lecteur en catégories. Nous avons regroupé ces définitions par
courant. Chacun des courants retenus est représenté par trois ou quatre défi-
nitions. Par courant, nous avons sélectionné une définition et lui avons appli-
qué notre grille d'analyse. Notre grille est constructiviste. C’est donc un regard
220 Créer des conditions d'apprentissage
LPS
EE RES LS

non naïf et clairement orienté que nous posons sur ces définitions. L'écart de
ces dernières avec une approche constructiviste devient alors évident, les am-
biguïtés de certaines approches s’affirmant malgré tout constructivistes sont
enfin levées. Ce travail d'analyse des définitions de l'apprentissage terminé,
nous pouvons enfin poser la question suivante :

quels éléments contient une définition socioconstructiviste et interactive


de l'apprentissage en contexte scolaire ?

C'est ainsi, en réponse à cette question, que ce chapitre se termine par


notre suggestion de définition de l'apprentissage en contexte scolaire. Cette
définition est naturellement socioconstructiviste et interactive, elle répond
point par point aux critères de la grille d'analyse des définitions utilisée dans
les lignes qui précèdent. Elle est strictement cohérente avec les composantes
du modèle SCI. Cependant, comme cette définition doit elle-même répondre
aux caractéristiques du constructivisme, elle est donc provisoire. Elle fonc-
tionne jusqu’au moment où les contraintes des situations didactiques met-
tront en cause sa viabilité. Nous devrons alors l’ajuster, l'adapter à ces
contraintes, et peut-être... en inventer une nouvelle. Une définition est
toujours un artefact. Elle fige dans le temps et dans des mots un phénomène
qui, à peine momifié par la définition, évolue déjà. Une définition n’a d'intérêt
que si le lecteur la considère précaire, viable pour un temps et condamnée
plus ou moins vite à l’obsolescence. Notre définition n'échappe pas à cette
règle :

dans une perspective constructiviste, le concept d'apprentissage évolue sans


cesse et sa définition est nécessairement labile.
Le concept d'apprentissage scolaire 221
DEN Er pe OROREESNSERES

2. UN MODÈLE SOCIOCONSTRUCTIVISTE ET
INTERACTIF DE L'APPRENTISSAGE SCOLAIRE :
LE MODÈLE SCI!
Un modèle à trois dimensions localisé
dans la relation didactique

2.1 Quelques préalables au modèle proposé

e TROIS DIMENSIONS
Une approche socioconstructiviste et interactive suggère, par défi-
nition, une perspective tridimensionnelle de l'apprentissage.

De quoi s'agit-il ?

Le premier chapitre de cet ouvrage a proposé le cadre général de la


réflexion didactique présentée au lecteur, ce cinquième chapitre s’y réfère
strictement pour définir l'apprentissage en contexte scolaire. Le modèle dé-
veloppé est particulièrement intéressant dans une perspective didactique. En
effet, il articule entre elles les différentes composantes en présence dans la re-
lation didactique elle-même :
— la dimension constructiviste fait référence au sujet qui apprend :
l'élève;
— la dimension socio fait référence aux partenaires en présence : Les
autres élèves et l'enseignant;
— la dimension interactive fait référence au milieu : les situations et
l’objet d'apprentissage organisé à l’intérieur de ces situations.

Toutefois, ces trois dimensions ne fonctionnent pas isolément, elles


sont en interaction, elles sont même très solidaires, voire indissociables. C’est

1 Le modèle SCI de Ph. Jonnaert a déjà fait l’objet de plusieurs communications auprès de la
communauté des chercheurs en didactique des mathématiques. Il fut au centre de la conférence
prononcée en séance plénière par Ph. Jonnaert le 6 mai 1997 au colloque annuel du GDM
(Groupe des Didacticiens des Mathématiques) à Sherbrooke. Il fut également présenté lors
d’une conférence plénière prononcée par Ph. Jonnaert à l’école d'été organisée par l'association
tunisienne des études didactiques en juillet 1997 à Sousse (Tunisie). Ce modèle est issu des tra-
vaux développés par Ph. Jonnaert et ses différentes équipes de recherche [à Louvain-la-Neuve :
DIES (unité de recherche en didactique et évaluation des apprentissages scolaires) et à
Sherbrooke : LARIDD (laboratoire interdisciplinaire de recherches en didactique des discipli-
nes) et CIRDAS (centre d'interventions et de recherches sur les difficultés d'apprentissage et
d'adaptation en contexte scolaire)] sur les apprentissages mathématiques et les processus de
compréhension des mathématiques en contexte scolaire. À l'issue de ces travaux, Ph. Jonnaert
et ces équipes de chercheurs arrivent actuellement à la conclusion que les trois dimensions du
modèle SCI sont indissociables. D’autres travaux sont actuellement en cours à ce propos, dont
une recherche longitudinale avec des élèves d’une école de Montréal à propos de la construction
de connaissances mathématiques.
222 Créer des conditions d'apprentissage

à travers les interactions que ces trois dimensions développent entre elles,
qu'un apprentissage scolaire peut effectivement se construire. Le modèle dé-
veloppé dans les lignes qui suivent est donc à replacer à l'intérieur de la rela-
tion didactique et plus particulièrement au cœur des espaces de dialogue en
dehors desquels l'apprentissage scolaire est peu probable. Maïs ce processus
n'est que l’initiateur d'une démarche beaucoup plus importante et plus lon-
gue, celle de l'apprentissage en tant que tel (et non plus seulement l'ap-
prentissage scolaire). Celui-ci est un processus continu de mises à l'épreuve,
d’ajustements voire de réfutations des connaissances, en fonction des con-
traintes des situations scolaires ou non. Les lignes qui suivent précisent cette
localisation stricte de l'apprentissage en contexte scolaire dans le cadre très
précis de la relation didactique.

Mais où peut se dérouler un apprentissage scolaire ?

e UNE LOCALISATION DANS LES ESPACES DE DIALOGUE


DE LA RELATION DIDACTIQUE

Il est, à nos yeux, impossible de parler d'apprentissage scolaire sans


le localiser. Son cadre spatiotemporel est certes constitué de l’espace et du
temps scolaires : l’école, ses locaux et ses horaires. Mais cette localisation de
l'apprentissage scolaire n’est guère suffisante. Tous les élèves fréquentent les
locaux des écoles et se plient à leurs horaires et leurs rythmes, ils ne réalisent
cependant pas tous des apprentissages!

Une définition plus précise de l'espace réel des apprentissages scolaires se ré-
vêle donc indispensable!

À notre sens, l'apprentissage scolaire ne peut se situer ailleurs qu’à


l'intérieur de la zone de dialogue créée par le contrat didactique ?. Pour qu'un
apprentissage se déroule en contexte scolaire, il est indispensable qu’un dia-
logue étroit s’établisse de façon positive entre l'enseignant, ses élèves et l’ob-
jet d'apprentissage. Ces échanges ne peuvent avoir lieu que si une zone de
dialogue à préalablement été définie entre ces trois partenaires de la relation
didactique.

La définition d'une zone de dialogue est une condition sine qua non de l’appren-
tissage en contexte scolaire. FUTE

2 Cette «zone de dialogue» est définie dans le chapitre consacré au contrat didactique.
Le concept d'apprentissage scolaire

Espace de dialogue
où se situe l'apprentissage
scolaire

Espace scolaire
PTE
SE f
s
RAM
LI \
D s
L LE j

Élève ESKES
ee Enseignant
+

D © CN ue

D ;
Savoir “2

FIGURE 30
SCENE

Localisation de l'apprentissage scolaire

Toutefois, cette localisation de l'apprentissage scolaire ne correspond


qu’à la dimension temporelle courte de la psychogenèse des connaissances.
Une telle représentation risque de ne livrer au lecteur qu’une vision étroite et
restrictive de l'apprentissage limité par cette échelle temporelle courte. Ce
processus est cependant, par essence, dynamique et ouvert. Limité dans le
temps, l'apprentissage laisse l'illusion qu’une fois l’activité scolaire terminée,
le processus d'apprentissage s'achève avec elle. Il n’en n’est rien, l’apprentis-
sage est un processus continu, qui dépasse largement le cadre scolaire. Les
connaissances construites dans l’espace très limité de l’école ne sont sans
doute jamais achevées, elles sont toujours susceptibles de ne plus être appro-
priées aux nouvelles situations que rencontre l’apprenant dans son milieu.
224 Créer des conditions d'apprentissage
pr ET PE |

L'apprentissage est toujours un processus inachevé.

Soyons clairs, pour qu'il y ait apprentissage, il faut que l'élève quitte
progressivement cette relation didactique, qu'il se dégage du carcan scolaire,
qu'il s'approprie les objets d'apprentissage hors de toutes contraintes exter-
nes. Pour ce faire, il doit rapidement s'inscrire dans un processus de plus en
plus personnel de construction de ses connaissances, c’est le temps long de la
construction des connaissances. Ce temps long se développe, lui, hors de la re-
lation didactique, hors des enceintes de l’école. Amorcé au sein de la relation
didactique, l'apprentissage se poursuit donc bien au-delà de cette dernière! Et
c'est là que nous retrouvons toute la pertinence de la zone proximale de dé-
veloppement, elle permet à l'apprentissage de se dégager du strict cadre sco-
laire pour devenir un processus personnel de construction, de
développement, d'ajustement ou encore de renoncement des connaissances
en fonction des représentations que le sujet se fait des contraintes des situa-
tions auxquelles il est confronté. L'apprentissage scolaire n’est certainement
pas tout l'apprentissage! S'il est localisé dans la relation didactique, il doit ra-
pidement céder la place à l'apprentissage au sens large du terme (lapprentis-
sage sensu lato). L'apprentissage scolaire est donc dynamique parce qu'il est
inscrit dans le temps.

Le dynamisme de l'apprentissage est fonction de son inscription dans le temps.

À défaut de cette inscription dans le temps, l'apprentissage scolaire ne


peut être mis en perspective, il reste une chose d'école, stérile, obsolète.

e APPRENTISSAGE SCOLAIRE ET APPRENTISSAGE AU SENS LARGE

Localisé dans la relation didactique, l'apprentissage scolaire est le dé-


but d’un long processus. Aussitôt qu'il quitte la sphère de la relation didacti-
que, l'apprentissage scolaire s'éteint et donne naissance au processus
d'apprentissage au sens large du terme, qui lui n’est pas nécessairement ins-
crit dans la relation didactique. En d’autres termes, la finalité de l’apprentis-
sage scolaire est de susciter l’'éclosion d’un processus plus vaste, plus long,
sans doute rarement achevé et sans doute plus important, celui de l'appren-
tissage tout court!
L'apprentissage scolaire est ainsi, par définition, condamné à s’étein-
dre, à s’effacer pour donner naissance au processus d'apprentissage au sens
large. C'est par ce dernier que l'individu s'adapte sans cesse aux représenta-
tions qu'il se fait des contraintes de son environnement.

3 Par une telle approche de l'apprentissage scolaire, le lecteur peut facilement se rendre
compte de limpertinence des processus d'évaluation qui, finalement, n'évaluent que les résultats
supposés d'un processus qui n’est même pas achevé et qui a peu de chances de l'être. Qu’éva-
luent l'école et les enseignants ? Nous reposerons cette question dans une section ultérieure.
Le concept d'apprentissage scolaire 225

Zone de dialogue
dans la relation didactique

Apprentissage
scolaire=
processus limité
dans le temps

Apprentissage
au sens large=
processus
d'adaptation

FIGURE 31
PESTE

. Le dynamisme de l'apprentissage par son inscription dans le temps

La distinction entre «apprentissage scolaire» et «apprentissage au


sens large» n'est-elle qu’un jeu de mots, un artefact, une vue de l'esprit ? Nous
ne le pensons pas, elle permet de définir les finalités de l’apprentissage scolai-
re et surtout d'en montrer toute l’étroitesse, toute la précarité.
226 Créer des conditions d'apprentissage

Apprentissage scolaire Apprentissage au sens large

— (1) processus inscrit dans une perspective — (1) processus inscrit dans une perspective
temporelle courte; temporelle longue;
— (2) processus limité dans le temps; — (2) processus quasi continu, rarement
achevé, pouvant sans cesse être
réactivé;
— (3) processus enclencheur de l'apprentis- — (3) processus qui est, ou non, amorcé
sage au sens large; par les apprentissages scolaires;
— (4) processus d'adaptation des connaissan- — (4) processus d'adaptation des connaissan-
ces de l'élève aux objets scolaires ces du sujet aux représentations que le
d'apprentissage. sujet se fait des exigences des situa-
tions auxquelles il est confronté.

Qu'il s'agisse d'apprentissage scolaire ou d'apprentissage au sens lar-


ge, nous évoquons nécessairement un processus. Un processus est constitué
d'une série de phases (ou d'étapes) organisées dans le temps. Pour compren-
dre le processus d'apprentissage scolaire, il faut d’abord décrire les phases (ou
les étapes) qui le constituent. Ces phases sont définies à travers les fonctions
spécifiques de chacune des trois dimensions décrites, socio, constructive et
interactive. Nous les définissons en tant que facettes de chacune des dimen-
sions de l'apprentissage scolaire. Le processus d'apprentissage est ainsi défini
en fonction des dimensions et des facettes qui le caractérisent dans le modèle
SCT.

Quel est le processus d'apprentissage et comment pouvons-nous le définir ?

Retenons que, dans cet ouvrage, nous nous intéressons prioritaire-


ment au processus d'apprentissage en contexte scolaire. Pour arriver à une
définition opérationnelle du processus d'apprentissage en contexte scolaire,
nous devons donc d’abord bien comprendre l'architecture du modèle SCI. Les
lignes qui suivent en proposent une description, puis, nous suggérons une dé-
finition du concept d'apprentissage en contexte scolaire.

2.2 Le modèle SCI

e UNE PRÉSENTATION STATIQUE DU MODÈLE SCI


Le modèle suggéré est tridimensionnel. Il peut donc être présenté
sous forme de prisme régulier. Dans un solide de ce type, chaque dimension
est solidaire des deux autres. C’est sans doute là que réside l’intérêt d’une telle
image du modèle SCI.
Les trois dimensions du modèle SCI présentes dans un prisme régulier
sont les suivantes :
— la dimension S : la dimension socio représente les fonctions liées
aux interactions sociales que l’apprenant entretient avec l'enseignant
et les autres élèves, ses pairs;
Le concept d'apprentissage scolaire 227
D

— la dimension C : la dimension constructiviste représente les fonc-


tions liées à l’apprenant lui-même:
— la dimension I: la dimension interactive représente les fonctions
reliées au milieu, essentiellement la situation d'apprentissage et son
contenu.

LA

L'TAAME MEL À Î
GILET
MS MIE

S Dimension socio

Fonctions liées aux autres:


l'enseignant et les pairs

FIGURE 32
RSR ET

Une représentation statique du modèle

À chacune de ces dimensions (S, C et I) correspond une série de fonc-


tions qui permettent de définir les conditions de l'apprentissage scolaire. Tou-
tefois, même si ces dimensions sont nécessairement en interaction, chacune
d’entre elles est sous la responsabilité d’un des partenaires de la relation
didactique :
— la dimension socio ($S) est sous le contrôle majeur de l'enseignant;
— Ja dimension constructiviste (C) est sous le contrôle majeur de
l’apprenant,;
— Ja dimension interactive (1) est sous le contrôle majeur de l’objet
d'apprentissage.
Ces trois dimensions et leurs acteurs correspondent strictement aux
variables en présence dans la relation didactique. Chacune d’entre elles déter-
mine une série de fonctions que nous avons pris l'habitude de nommer facet-
tes de l'apprentissage en contexte scolaire (Jonnaert, Lauwaers et Peltier,
1995). Ces facettes permettent de préciser, à travers le modèle SCT, les con-
ditions de l'apprentissage en contexte scolaire. Elles sont représentées par le
prisme de la figure précédente. Il est évident qu’une telle image du modèle SC
est inconfortable. Elle n’en reflète qu’une vision statique. Or, le processus
d'apprentissage en contexte scolaire est fondamentalement dynamique. Ce
228 Créer des conditions d'apprentissage
pe
ESSCEE ETS CE

dynamisme peut être retrouvé à travers les facettes de l'apprentissage en con-


texte scolaire.

Quelles sont ces facettes et à quelles dimensions de l'apprentissage font-elles


référence ?

e DES FACETTES DE L'APPRENTISSAGE SCOLAIRE

Ces facettes représentent différentes dimensions (celles sous la res-


ponsabilité de l'enseignant, celles dépendant de l'apprenant et celles tribu-
taires des situations) qui organisent le processus d'apprentissage en
contexte scolaire. Ces facettes sont étroitement reliées.

Dimension constructiviste L Dimension interactive

Facettes définissant l’organi- Facettes définissant l’organi- Facette définissant l’organi-


sation des interactions sation de l'apprentissage. sation des situations.
sociales.

Ces facettes sont essentielle- Ces facettes sont essentielle- Ces facettes sont détermi-
ment sous le contrôle de ment sous le contrôle de nées par les caractéristiques
l'enseignant; elles permet- l’apprenant; elles permet- de l’objet d'apprentissage;
tent, entre autres, l’organisa- tent, entre autres, l’organisa- elles permettent, entre
tion des démarches tion des démarches autres, l’organisation des
d'enseignement. d'apprentissage. situations didactiques.

Ces facettes ont été définies dans Jonnaert, Lauwaers et Peltier


(1995) et ont fait l’objet de plusieurs travaux [Jonnaert, (1987); Jonnaert,
Lauwaers et Pesenti (1990); Jonnaert, Lauwaers, Peltier, Pesenti et Lebrun
(1991); Jonnaert et Laveault (1994); Jonnaert (1995); ...]. De nouvelles
recherches sont actuellement en cours à ce propos. Elles permettent
aujourd’hui de définir un modèle dynamique de l'apprentissage en contexte
scolaire, articulant les dimensions socio, constructive et interactive du mo-
dèle SCI aux facettes de l'apprentissage.

Remarques à propos de la dimension socio du modèle SCI


Les interactions ne sont certes pas les uniques et exclusives compo-
santes sociales en présence lorsque nous évoquons les apprentissages scolai-
res. Les composantes sociales sont multiples et se distribuent de différentes
façons sur chacune des dimensions de la relation didactique et sur l’ensemble
du cadre institutionnel de l’école. Tout un courant actuel de réflexions sur
l’école et la société est aujourd’hui au cœur de débats dont nous ne faisons que
très peu écho dans cet ouvrage.

Ces propos sur l’école sont pourtant d'importance et nous ne pouvons


que répéter les mises en garde de Grisay (1988 : 237) qui prêtent à l’école une
Le concept d'apprentissage scolaire 229

rationalité anti-égalitaire. Selon cet auteur, l’école est à l’image de la société


inégalitaire. Elle véhicule l'idéologie des classes dominantes. Elle favorise la
reproduction, d’une part, des élites appelées à commander, d'autre part, d’une
main d'œuvre docile destinée à obéir. L’indifférence aux différences, écrit
Bourdieu (1966), permet seulement aux différences de s'accentuer. Les élè-
ves favorisés apprennent plus vite et mieux que les autres. Pour Perrenoud
(1997 : 106), cette indifférence aux différences transforme les inégalités
initiales devant la culture en inégalités de réussite scolaire et, plus tard, les
inégalités de capital scolaire déjà accumulées en nouvelles inégalités d’ap-
prentissage, les écarts tendant à s'aggraver. Cela participe à la fabrication de
l'échec scolaire et des hiérarchies d'excellence. L'enseignant dans sa classe ne
peut ignorer ces différences. C’est par des démarches de différenciation de
son enseignement, comme celles que nous proposons, qu’il peut progressive-
ment transformer, ou espérer transformer, ces inégalités à travers ce que Per-
renoud (1997) nomme une «discrimination positive». C’est donc en gérant de
différentes manières les interactions sociales dans sa propre classe qu’il peut
espérer y arriver. Centrant nos propos strictement sur ce qui passe dans la
classe, nous accordons dès lors une grande importance aux interactions socia-
les de différents ordres qui s’y déroulent. Ces interactions sont détaillées dans
le chapitre suivant. Nous ne minimisons pas pour autant les autres aspects
«socio». Nous les traitons à travers leurs effets sur les différentes facettes de
l'apprentissage.

Nous ne pouvons donc pas donner l'illusion au lecteur que la dimen-


_sion «socio» peut se réduire à ces seules interactions. Elle les dépasse, elle va
au-delà de la prise en considération des inégalités initiales des élèves. Elle
analyse les déterminismes des savoirs scolaires : pourquoi la société privilégie-
t-elle les savoirs véhiculés dans les programmes scolaires plutôt que d’autres ?
Cette question va certes au-delà des analyses proposées à travers les proces-
sus de transposition didactique décrits dans cet ouvrage et suggère aux didac-
ticiens de prendre sérieusement en considération les finalités des savoirs
scolaires. La dimension «socio» s'intéresse aussi aux déterminismes de l’ins-
titution scolaire elle-même en questionnant non seulement ses fonctionne-
ments et dysfonctionnements mais aussi ses propres finalités, sa fonction-
nalité comme gare de triage (Grisay, 1988) entre élites et exclus.

Nous renvoyons le lecteur à une série d’écrits de Perrenoud (1993,


1995, 1996, 1997), de Meirieu (1990), mais aussi de Van Haecht (1990, 1998)
ou encore à la revue Éducation et Sociétés # afin de lui permettre d’approfon-
dir ces questions qui, si elles ont une importance majeure, dépassent cepen-
dant nos propos de didacticiens.

4 Revue internationale de sociologie de l'éducation patronnée par le groupe d’études sociologi-


ques de l'INRP (Paris).
230 Créer des conditions d'apprentissage

Dimensions et facettes du modèle SCI

Quelles sont les facettes qui


Quelles dimensions de || L'apprentissage scolaire
: À : organisent l'apprentissage
pp g
l'apprentissage scolaire? ||se construit comment? g
scolaire?

Facettes liées
T Fe à l'organisation des
vec les au interactions sociales
— 1 Socio| et des activités
Avec l'enseignant d'enseignement,

… en plaçant l'apprenant
dans les conditions:
de construire lui-même ses fAgees Ness
SEP ER à l'organisation de
— [le |Constructiviste l'apprentissage
de fonctionner sur la base de ses Is
|
… en permettant à l'apprenant
d'interagir avec le milieu
Facettes liées
à l'organisation de
l'objet d'apprentissage

d'apprentissage

FIGURE 33

Dimensions et facettes de l'apprentissage scolaire dans le modèle SCI

Les différentes facettes s’articulent non seulement aux dimensions du


modèle SCI, elles définissent en outre les fonctions que remplit chacun des
partenaires de la relation didactique : l'enseignant, l'apprenant et le savoir.
Présenté comme tel, le modèle SC] n’a que peu d'intérêt car il ne manifeste
aucun dynamisme. Or, le processus d'apprentissage est fondamentalement
dynamique, nous avons déjà insisté sur ce point : il est essentiel.

Où se situe ce dynamisme et comment se manifeste-t-il ?

e UNE PRÉSENTATION DYNAMIQUE DU MODÈLE SCI


Les apprentissages en contexte scolaire n’ont de pertinence que s'ils
permettent aux apprenants de quitter l’école avec de nouvelles compétences
et de nouvelles connaissances. Par ailleurs, les apprenants doivent être
Le concept d'apprentissage scolaire 231
PC a EE ER SRE

capables de réinvestir ces acquis dans de nouvelles situations, non scolaires


cette fois. À défaut, les processus d'apprentissage scolaire tournent, de façon
parfois schizophrénique, sur eux-mêmes et n’ont aucune espèce d'utilité!

Certes, cette dimension de l'apprentissage en contexte scolaire n'est


pas sans évoquer la problématique du transfert. Pour notre propos, le trans-
Jert des apprentissages est indissociable de toute réflexion sur les apprentis-
sages. Il s’agit d’une de ses composantes essentielles. Nous y reviendrons
ultérieurement.

De quoi s'agit-il, et pouvons-nous parler simplement du concept de transfert ?

Pour le moment, retenons que la pertinence des apprentissages sco-


laires dépend essentiellement de l’utilisation que l’apprenant fait, hors de
l’école, de ce qu'il a appris à l’école. Ce point de vue est décrit à travers le
cheminement que l’apprenant réalise depuis les situations didactiques
jusqu'aux situations non didactiques en passant par les situations a-didac-
tiques.

on indépendant e parr.
de plus en plus ind
grilisation ire des connaissances et des #Pport 2
contexte Compétey,

L'apprenant utilise ses


nouvelles connaissances ou
ses connaissances modifiées
dans des situations
organisées par l'enseignant
mais non prévues à cet effet.

définis par l'utilisa


tion que l'&ppr.
* en fait hors du cad
re scolajse

FIGURE 34
RES ;
Le sens et la pertinence des apprentissages scolaires
232 Créer des conditions d'apprentissage
D ]

Le concept de transfert est étroitement associé à cette recherche de


la pertinence et du sens des apprentissages scolaires. Il est particulièrement
spectaculaire chez des élèves débutant leurs apprentissages scolaires en pre-
mière primaire. Ainsi, il est fréquent d'observer un élève de première primaire
identifiant avec joie, sur les panneaux routiers ou les enseignes publicitaires
des magasins, les premières lettres et les premiers mots qu'il vient d’appren-
dre à l’école. Ses nouvelles connaissances quittent progressivement l’école et
il recherche des contextes nouveaux dans lesquels il peut enfin les utiliser! Le
transfert est donc, d'emblée, une des composantes de l'apprentissage en con-
texte scolaire et fait ainsi partie intégrante du modèle SC]. En d’autres termes,
le dynamisme de l'apprentissage scolaire n’est possible que si le processus
d'apprentissage s'inscrit dans le temps et passe d’une échelle temporelle cour-
te à une échelle temporelle longue. Le processus de transfert permet ce chan-
gement d'échelle. Il en est l'agent. L'inscription de l'apprentissage scolaire
dans le temps, et plus particulièrement son passage d’une échelle temporelle
à une autre, lui confère tout son dynamisme. De son côté, le processus de
transfert dynamise l’apprentissage puisqu'il le fait sortir du strict cadre scolai-
re. De plus, il lui confère toute sa pertinence puisqu'il permet l’utilisation des
résultats de l'apprentissage hors du cadre des apprentissages scolaires, voire
du contexte scolaire lui-même. L'inscription du processus d'apprentissage
dans le temps et son articulation au processus de transfert permettent enfin
de fournir une vision dynamique du modèle SCI.

Zone de dialogue
à l'intérieur de la
relation didactique

L'enseignant L'objet
et les pairs d'apprentissage
en situation

L'apprenant et
ses connaissances

FIGURE 35
Lune,
2; ]

Une approche dynamique du modèle SCI

5 Le concept de transfert est important. Il est au cœur même du processus d'apprentiss


age. Il
s'applique aux cas où une référence aux connaissances antérieures est effectuée (Bracke,
1998).
Il est cependant difficile à observer, difficile à réaliser, difficile à enseigner nous
dit cet auteur.
Le concept d'apprentissage scolaire 233
BRON
SPASAEENNISESSNEA
SR. AISNE

Le dynamisme du modèle SCT, ainsi inscrit dans le temps, montre tou-


te l’absurdité des savoirs scolaires qui ne se justifient que parce qu'ils sont
enseignés. Ces «choses» d’école sont frappées d’obsolescence aussitôt que
cesse le temps court de la relation didactique. Elles n’ont pas d'existence au-
delà du temps scolaire. À ce niveau, la transposition didactique a un rôle im-
portant à jouer. La transposition didactique doit non seulement se poser la
question du cheminement du «savoir savant» vers le «savoir enseigné», mais
aussi celui de sa pertinence et de ce que l'élève peut en faire une fois qu'il a
appris ce savoir. L'analyse des savoirs par la transposition didactique doit
donc déboucher sur l'étude de l’utilisation de ses nouvelles connaissances par
l’apprenant, au-delà des situations scolaires qui lui en ont permis l’apprentis-
sage. Par cette fonction, la transposition didactique joue un rôle d'évaluation
puisqu'elle répond à la question : que font les élèves de ce qu’ils ont appris
à l’école ?

e LES RÔLES DE LA TRANSPOSITION ET DU CONTRAT DIDACTIQUES


DANS LE MODÈLE SCI

La transposition didactique
Articulée à la dimension interactive du modèle SCI, la transposition
didactique s'intéresse particulièrement à l’objet d'apprentissage. Elle en étu-
die le cheminement jusqu’à ce qu'il devienne un objet d'enseignement et d’ap-
prentissage. Pour en vérifier la pertinence, il est utile que la transposition
-didactique développe son action, aussi, au-delà de la relation didactique et
vérifie dans quelle mesure l’apprenant peut ou non utiliser ses nouvelles con-
naissances et compétences dans des situations non-didactiques.
L'utilisation des nouvelles connaissances et compétences, par l’appre-
nant, dans des situations non didactiques est le critère de pertinence des sa-
voirs scolaires. Ce critère ne peut se vérifier que si l'apprentissage scolaire est
d'emblée placé dans une perspective temporelle longue et que si l'objectif pre-
mier de ces apprentissages est le transfert, hors du cadre scolaire, des nouvel-
les compétences et des nouvelles connaissances acquises par les situations
didactiques. Pour ce faire, l'enseignant doit, dès les premières minutes de l’ap-
prentissage scolaire, mettre les nouvelles connaissances de l'élève en perspec-
tive, en lui montrant les situations dans lesquelles il pourra les utiliser. Par un
travail sur les savoirs scolaires, la transposition didactique permet l’identifica-
tion de ces situations. À défaut, l'apprentissage scolaire fonctionne avec des
œillères, sans perspective aucune.
La transposition didactique exerce ainsi un rôle de validation des sa-
voirs… à condition de ne pas se limiter à une analyse des savoirs scolaires ex-
clusivement avant leur entrée dans la relation didactique! Au-delà de cette
fonction de validation des savoirs, la transposition didactique exerce aussi un
rôle d'évaluation puisqu'elle vérifie si ce qui est appris est utilisable, voire réel-
lement utilisé! La transposition didactique contrôle ainsi l’existence du trans-
fert. En situation de formation initiale des enseignants, la vérification de
234 Créer des conditions d'apprentissage
1 - fi

l'existence ou non du transfert peut se réaliser utilement à travers la supervi-


sion des stages. La transposition didactique exerce ainsi au sem du modèle
SCI une série de fonctions spécifiques :
(1) une fonction de validation des savoirs;

(2) une fonction d'identification des situations pertinentes pour


l'apprentissage de ces savoirs;
(3) une fonction d'identification des situations dans lesquelles les
connaissances apprises pourront être réinvesties et utilisées;
(4) une fonction d'évaluation par la vérification de l'existence ou non
de transfert.

Le contrat didactique
Nous serons plus brefs à propos de ce concept, largement développé
dans un précédent chapitre. Le contrat didactique, quant à lui, permet de dé-
finir les zones de dialogue à l’intérieur même de la relation didactique. Il exer-
ce ainsi la fonction essentielle de mise en interaction des partenaires de la
relation didactique. Il régule également sans cesse les rapports que les élèves
et l'enseignant entretiennent à l’objet de savoir, par les jeux de dévolution et
de contre-dévolution. Son rôle est donc essentiel dans le développement des
apprentissages scolaires, car non seulement il en permet l'existence par la dé-
finition d'espaces de dialogue entre les différents partenaires en présence, en
outre il régule les rapports que les uns et les autres entretiennent au savoir.
Outre l’ensemble des fonctions qui ont été définies dans le chapitre
précédent, le contrat didactique exerce essentiellement deux fonctions ma-
jeures au sein du modèle SCI :
(1) une fonction de création d'espaces de dialogue entre les parte-
naires de la relation didactique;
(2) une fonction de régulation des rapports à l’objet de savoir.

Transposition et contrat didactiques


Transposition et contrat didactiques ont des rôles respectifs et
complémentaires dans le fonctionnement des apprentissages scolaires. Si la
première permet une validation de l'objet d'apprentissage, le second permet
une régulation des rapports au savoir. Ces deux dimensions (contrat et trans-
position didactiques) doivent donc également être intégrées au modèle SCI.
Elles participent à sa dynamique.

e L'ARTICULATION DES DIFFÉRENTES COMPOSANTES DU MODÈLE SC/


Outre les trois dimensions (socio, constructive et interactive), le
modèle SCT intègre le contrat et la transposition didactiques, le transfert et le
temps.
Le concept d'apprentissage scolaire 235
Er

L'apprentissage scolaire est nécessairement localisé dans une zone de


dialogue créée par le contrat didactique. Toutes les composantes du modèle
SCI sont en interaction et s'inscrivent dans une dimension temporelle qui les
dynamise.
Le schéma suivant permet de synthétiser le modèle SCT.

\ENEy
ÉTAIT Zone de dialogue
=

Fonctions de la
Apprentissage D! transposition
:scolaire V4 V]_didactique

Fonctions dul
contrat
didactique

= FIGURE 36

Les différentes composantes en interaction dans le modèle SCI

Le modèle SCI est un modèle dynamique de l’apprentissage en con-


texte scolaire. Les finalités de l'apprentissage scolaire sont cependant hors de
ce contexte, puisque l'apprentissage poursuit l'objectif majeur de permettre à
l'apprenant d'utiliser ses acquis dans de nouvelles situations et hors du strict
cadre scolaire.
écision d'u 1edéfinitionopérationnel de
à fapprens: |

La section suivante eee de confronter notre modèle à d’autres ap-


proches de l'apprentissage. Une définition cohérente avec notre modèle y est
recherchée tout au long de la réflexion suggérée.
236 Créer des conditions d'apprentissage

2.3 En guise de conclusion de ce paragraphe


Le paradigme constructiviste est latent dans toute notre réflexion, le
lecteur doit l'avoir à l'esprit au fil de sa lecture. La clé de ce paradigme cons-
tructiviste nous est donnée par Von Foerster (1988) lorsqu'il dit :

… nous construisons ou inventons la réalité plutôt que nous ne la découvrons.

Segal (1990 : 38) synthétise le point de vue constructiviste en écri-


vant :

«(...) Les constructivistes affirment que nous ne devons pas supposer l'existence
d'un monde extérieur indépendant pour rendre compte de l’activité de celui qui
observe ».

2.4 Que retenir ?

Un modèle socioconstructiviste et interactif


de l'apprentissage en contexte scolaire : le modèle SCI
(1) Le modèle SC/ est un processus dynamique de construction des connaissances.
(2) Le modèle SC/ suggère une approche tridimensionnelle de l'apprentissage en contexte
Scolaire :
— la dimension constructiviste fait référence au sujet qui apprend; cette dimension définit
l’organisation de l’apprentissage par l’apprenant lui-même;
— la dimension socio fait référence aux partenaires en présence; cette dimension définit
l’organisation des interactions sociales;
— la dimension interactive fait référence au milieu : les situations et l’objet d'apprentissage
organisé à l'intérieur de ces situations; cette dimension définit l’organisation des situa-
tions en contexte.
(3) Les trois dimensions du modèle SC/ sont étroitement articulées entre elles par un proces-
sus interactif et dialectique.
(4) En contexte scolaire, le modèle SCI est localisé à l’intérieur des espaces de dialogue de la
relation didactique.
(5) En contexte scolaire, la transposition didactique exerce quatre fonctions à l’intérieur du
modèle SC!/:
— une fonction de va/idation des savoirs;
une fonction d'identification des situations pertinentes pour l'apprentissage de ces
Savoirs;
— Une fonction d'identification des situations dans lesquelles les connaissances apprises
pourront être réinvesties et utilisées;
— une fonction d'évaluation par la vérification de l'existence ou non de transfert.
En contexte scolaire, le contrat didactique exerce une double fonction à l’intérieur du
modèle SC/:
— une fonction de création d'espaces de dialogue entre les partenaires de la relation
didactique;
— une fonction de régulation des rapports à l'objet de savoir.
Le concept d'apprentissage scolaire 237

2.5 Quelques références pour aller plus loin


Fourez, G. et de Bueger, C. (1995). Introduction à la socio-épistémo-
logie, in À. Giordan, J.-L. Martinand et D. Raichvarg, (dir.), Que sa-
vons-nous de nos savoirs scientifiques et techniques ? Actes des
XVIIe Journées Internationales sur la communication, l'éducation et la
culture scientifiques et industrielles, Centre Jean Franco, 27-31 mars
1995, pp. 185-196.
Jonnaert, Ph., Lauwaers, A. et Peltier, E. (1995). Facettes d’un ap-
prentissage scolaire. Bruxelles : SEGEC (2e édition).
Jonnaert, Ph. (1996b). Les apprentissages mathématiques en
situation : une perspective constructiviste. Revue des Sciences de
l'Education, 22(2), 233-252.
Segal, L. (1990). Le rêve de la réalité. Paris : Seuil.
von Glasersfeld, E. (1988). Introduction à un constructivisme radical,
in P. Watzlawick, (dir.), L'invention de la réalité. Contibutions au
constructivisme, (p. 19-43). Paris : Seuil.
Watzlawick, P. (dir.), (1988). L'invention de la réalité, comment
savons-nous ce que nous croyons savoir ? Contributions au cons-
tructivisme. Paris : Seuil.

2.6 Les concepts-clés de ce paragraphe


socioconstructivisme - modèle socioconstructiviste et interactif

2.7 Le débat n'est pas clos.


«(..) Le constructivisme fait l'hypothèse que l'organisme vivant survit et s'adapte à
son existence en donnant au flux de l'expérience des formes qu'il est en mesure de
manipuler. Le monde tel qu'il est n'aurait pas de forme préétablie et ainsi, il ne pourrait
pas être perçu ni connu directement. Pour le percevoir ou le connaître, il nous faut lui
donner une forme qui lui convienne, un peu comme le monde visible qui n'existe pas
en tant que tel mais qui est la forme que le monde prend quand l'œil le construit, un
peu comme pour le monde sonore qui n'existe pas en tant que tel mais qui est la for-
me que le monde prend quand l'oreille le connaît. Nous ne pouvons donc survivre et
nous adapter que dans la mesure où nous réussissons à donner «une forme viable»
à notre expérience, que dans la mesure où nous pouvons contenir et harnacher cette
expérience en des structures de connaissance que nous lui imposons».
Pépin (1994 : 65)
238 Créer des conditions d'apprentissage
ren an oAa

3. DES DÉFINITIONS DU CONCEPT D'APPRENTISSAGE


.… ou le miroir aux alouettes des conceptions
de l'apprentissage!

3.1 Introduction
Avant de proposer une définition opérationnelle du concept d’appren-
tissage cohérente avec le modèle SCI, nous proposons au lecteur un parcours
à travers 6 catégories de définitions du concept d'apprentissage : (1) des dé-
finitions qui évoquent l’entendement commun à propos du concept
d'apprentissage; (2) une approche étymologique du concept; (3) les défini-
tions relevées dans des dictionnaires de psychologie ou d'éducation, (4) ce
qu’en disent les béhavioristes; (4) ce qu’en pensent les cognitivistes issus du
traitement de l'information; (6) ce que proposent les constructivistes.
Afin de permettre au lecteur de porter un regard critique sur ces ap-
proches, des critères et une grille sont proposés. Après cette démarche, nous
serons enfin en mesure de proposer une définition spécifique de l’apprentis-
sage en contexte scolaire.

Le lecteur, au fil de sa lecture, ne doit jamais perdre de vue le paradig-


me constructiviste rappelé par Segal et Pépin dans le paragraphe précédent.

Des critères, une grille et des définitions à analyser...

3.2 Des critères

Chacune des composantes du modèle SC/ permet la formulation de


questions à propos des définitions de l'apprentissage en contexte scolaire ha-
bituellement rencontrées dans la littérature sur la question.
Avant de formuler notre propre définition de l'apprentissage en con-
texte scolaire, nous avons construit, sur base des composantes du modèle SCI
une grille d'analyse des définitions de l'apprentissage scolaire. Nous propo-
sons au lecteur cette grille d'analyse, il peut l'utiliser pour analyser des défini-
tions contrastées du concept d'apprentissage et les comparer aux
composantes du modèle SCI. Nous fournissons quelques analyses réalisées à
l’aide de cette grille.
Le concept d'apprentissage scolaire 239
ER

Voici une série de critères dégagés du modèle SCI :

(1) Dimension constructiviste (1.1) Qui est l'acteur de l'apprentissage ?


(qui apprend et sur quelle base apprend-il ?) | (1.2) L'apprenant, réalise-t-il ses apprentis-
sages sur la base de ses propres
connaissances ?
(1.3) Quelle signification l’apprenant peut-il
donner à l’apprentissage ? (L'appren-
tissage a-t-il du sens pour lui ?)
(2) Dimension socio (2.1) L'apprenant réalise-t-il ses apprentissa-
(avec qui l'apprentissage se réalise-t-il ?) ges en interaction avec ses pairs ?
(2.2) L'apprentissage se réalise-t-il en inter-
action avec l'enseignant ?
(2.3) Des zones de dialogue sont-elles défi-
nies pour permettre les interactions
entre les élèves, l'enseignant et l’objet
d'apprentissage ?

(3) Dimension interactive (3.1) L'apprentissage est-il réalisé au départ


(quel est l’objet de l'apprentissage et dans de situations ?
quelles situations est-il présenté à (3.2) Dans quelle mesure l’apprenant est-il
l’apprenant ?) lui-même placé dans ces situations
pour y découvrir l'objet
d'apprentissage ?
(3.3) Dans quelle mesure, l’apprenant déve-
loppe-t-il de réels échanges et de réel-
les interactions avec ces situations ?
(3.4) L'objet de l'apprentissage est-il
identifié ?

(4) Transfert (4.1) L'objectif premier de l'apprentissage


(dans quelle mesure les acquis pourront-ils scolaire est-il le transfert des acquis
être utilisés hors du contexte didactique ?) dans de nouvelles situations non
didactiques ?
(4.2) L’apprenant a-t-il l'occasion de décou-
vrir, dès le début de son apprentissage,
des situations dans lesquelles il pourra
utiliser ses acquis ?
(4.3) Dès le début de l'apprentissage le pro-
cessus de transfert est-il enclenché ?
(4.4) Existe-t-il une perspective à l’appren-
tissage au-delà de la relation
didactique ?

(5) Contrat didactique (5.1) Existe-t-il des mécanismes qui permet-


(dans quelle mesure existe-t-il des mécanis- tent la création d'espaces de dialogue
mes de régulation des rapports au savoir ?) entre les partenaires de la relation
didactique ?
(5.2) Existe-t-il des mécanismes de régula-
tion des rapports de chacun des parte-
naires de la relation didactique à l’objet
d'apprentissage ?
240 Créer des conditions d'apprentissage

(6) Transposition didactique (6.1) Existe-t-il des mécanismes de UE


(dans quelle mesure existe-t-il des mécanis- tion des objets d'apprentissage
mes de validation des objets (6.2) Existe-t-il des mécanismes qui permet-
d'apprentissage ?) tent l'identification de situations perti-
nentes pour l'apprentissage et pour
l’utilisation ultérieure des acquis de
l'apprentissage ?
(6.3) Des mécanismes permettent-ils la véri-
fication de l'existence ou non de
transfert ?

(7) Temps (7.4) L'apprentissage est-il inscrit dans une


(dans quelle mesure le temps est-il pris en perspective temporelle longue ?
considération dans l'organisation de
l'apprentissage ?)

(8) Espace (8.1) L'organisation de l’espace est-elle prise


(où se déroule l'apprentissage ?) en considération ?

3.3 Une grille d'analyse.


À ces huit catégories de critères issus du modèle SCI, d'autres critères
sont à ajouter pour permettre une analyse rigoureuse des définitions du con-
cept d'apprentissage :
— l'apprentissage est-il considéré comme un «état» ou comme un
«processus » ?
(Par exemple, lorsque l'apprentissage est assimilé à une accumu-
lation de connaissances ou au résultat de cette accumulation, il
s’agit d’un «état». Par contre s'il est assimilé à une suite d’activi-
tés réalisées par l’apprenant pour acquérir des connaissances, il
s’agit d’un processus).
— les «moyens» pour réaliser l'apprentissage sont-ils précisés ?
(Comment l'apprentissage sera-t-il réalisé et avec quels moyens
matériels ?)
— les résultats attendus de l'apprentissage sont-ils précisés ?
(Pourquoi l'apprentissage doit-il avoir lieu et au terme de l’ap-
prentissage qu'est-il attendu de l’apprenant ?)

La grille suivante reprend l'ensemble de ces critères. Au départ de cet-


te grille, le lecteur peut analyser les définitions de l'apprentissage relevées
dans la littérature relative aux apprentissages scolaires.
Le concept d'apprentissage scolaire 241

Dimensions Critères Définition |Commentaires


analysée

Qui est l’acteur


de l'apprentissage ?

(1.2) L’apprenant réalise-t-il ses appren-


tissages sur base de ses propres
connaissances ?

L'apprentissage a-t-il du sens


pour l’apprenant ?

(2)Socio L’apprenant réalise-t-il ses appren-


tissages en interaction avec ses
pairs ?

(2.2) L'apprenant réalise-t-il ses appren-


tissages en interaction avec
l'enseignant ?

(2.3) Des zones de dialogue sont-elles


définies pour permettre les interac-
tions entre les élèves, l'enseignant
et l’objet d'apprentissage ?
A —
(3)Interactive (3.1) L'apprentissage est-il réalisé au
départ de situations ?

(3.2) L'apprenant doit-il découvrir


l’objet d'apprentissage dans ces
situations ?
a

(3.3) L'apprenant doit-il interagir avec


ces situations et l'objet
d'apprentissage ?

(3.4) La définition permet-elle d'établir


une distinction entre l’objet
d'apprentissage et les connaissan-
ces de l’apprenant ?

Existe-t-il des interactions entre


l’objet d'apprentissage et les con-
naissances de l'élève ?

(4)Transtet | (41) Le transfert des acquis dans de


nouvelles situations est-il
PACE
envisagé ?

(5)Contrat 61 Existe-t-il des mécanismes de


| didactique k régulation des rapports au savoir
de chacun des partenaires de la
relation didactique ?
242 Créer des conditions d'apprentissage
RE
PLU PSS ARS EEE

Dimensions Définition |Commentaires


analysée

(6)Transposition |(6.1) Existe-t-il des mécanismes de vali-


didactique dation des objets
d'apprentissage ?

4) Dans quelle mesure le temps est


pris en considération dans l'orga-
nisation de l'apprentissage ?

4) L'organisation de l’espace est-elle


prise en considération ?

L'apprentissage est-il un proces-


sus ou un état ?

(10.1) Les moyens pour réaliser l'appren-


tissage sont-ils précisés ?

(11.1) Les résultats attendus de


l'apprentissage sont-ils précisés ?

(12) Évaluation (12.1) Les modalités d'évaluation de


l'apprentissage sont-elles
précisées ?

3.4 Des définitions à analyser.


DES DÉFINITIONS QUI REFLÈTENT LE SENS COMMUN DU CONCEPT
D'APPRENTISSAGE TEL QU'IL EST VÉHICULÉ À TRAVERS LES DICTION-
NAIRES HABITUELS DE LA LANGUE FRANÇAISE :
Apprendre c’est
(1.1) «(...) acquérir de la connaissance; être rendu capable de connaître, de savoir:
être avisé de; être informé de quelque chose; acquérir un ensemble de connaissan-
ces par le travail intellectuel ou par l'expérience.».

Robert (1978 : 87)


(1.2) «(...) acquérir une connaissance, retenir dans sa mémoire, apprendre par
cœur, …, être informé, …».

Petit Littré (1959 : 86)


(1.3) «(...) acquérir un ensemble de connaissances, étudier, ….».

Larousse (1978 : 50)

Une rapide analyse de ces définitions :


Confrontées à notre grille d'analyse, ces définitions ne répondent qua-
siment à aucun des critères énoncés. Seul le critère «9.1» de la grille permet
Le concept d'apprentissage scolaire 243
PRESENT SSSR

de qualifier quelque peu ces définitions (l'apprentissage est-il un état ou un


processus ?). L'apprentissage y est plus considéré comme un «état» que
comme un «processus», en ce sens qu'il y est assimilé à une accumulation
de connaissances. Ces définitions n’apportent que peu de clarification con-
ceptuelle. Elles nous fournissent cependant une bonne idée de ce que peut
être l’entendement commun à propos du concept d'apprentissage.

Un point de vue comparable :


Au cours d’une recherche exploratoire réalisée auprès de 128 étu-
diants inscrits en première année d’un programme universitaire de formation
des maîtres à l’université de Sherbrooke, Jonnaert, Hébert, Ponton et Richard
(1997) se sont intéressés aux représentations de ces étudiants à propos du
concept d'apprentissage à leur entrée dans le programme. Au cours de cette
investigation, les étudiants devaient, notamment, compléter la phrase
suivante : «Pour moi, l'apprentissage c’est... ». Les chercheurs ont relevé
290 propositions formulées par ces 128 étudiants et ont dégagé 11 catégories
pour classer ces définitions. Parmi ces catégories, celle qui a obtenu la plus
haute fréquence (24%) définit l'apprentissage comme une accumulation de
connaissances. Il est intéressant de noter que, la conception de l’apprentis-
sage de ces futurs enseignants est proche de l’entendement commun mis en
évidence dans les définitions évoquées dans ce paragraphe.
Cette vision de apprentissage est évidemment réductrice. Il est utile,
pour notre bonne compréhension du concept, de poursuivre notre recherche,
bien au-delà des dictionnaires de la langue française.

= Continuons notre voyage au pays des définitions.

e ET DU CÔTÉ DE L'ÉTYMOLOGIE ?
Apprendre c’est
«(....) le verbe signifie dès l’ancien français «saisir par l'esprit» et «acquérir pour soi
des connaissances» (v.950), valeurs parallèles à celles de comprehendere, com-
prendere (comprendre). Il se dit aussi (v. 1140) pour «donner à autrui (des
connaissances)» : apprendre à quelqu'un à, aussi apprendre quelqu'un à (v. 1190),
ainsi que pour «instruire» (qqn), (mil. XII s.), sens disparu mais qui a donné «bien
appris» et «mal appris », (...)

La valeur concrète de «apprehendere » existe aussi en ancien français (v.1120) ainsi


que le sens d’«allumer» (XIE s.) qui correspond à «faire prendre le feu». Le sens
subjectif du verbe, construit avec à (1080), correspond à «contracter une habitude »
et à «devenir capable de (qqch) par l'expérience ». Quant aux opérations intellectuel-
les d'acquisition des connaissances, elles sont assez précisément senties pour qu'un
emploi absolu (le désir d'apprendre, etc.) se dégage très tôt (v.1175). Les principaux
emplois actuels sont donc acquis au XII® s., mais des constructions ont disparu (ap-
prendre qan de, XVIE s.) et d'autres semblent avoir été abandonnées puis reprises
(apprendre à qqn à faire, au XVIIE s.)...».
Rey (1992 : 95-96)
244 Créer des conditions d'apprentissage

Une rapide analyse de cette approche :


Cette approche ne dissocie pas «apprendre» et «enseigner » et s'écar-
te peu des définitions extraites des dictionnaires de la langue française. Cette
conception de l'apprentissage ne nous apporte guère plus d'éléments. Rete-
nons surtout l’idée de «saisir par l'esprit» et de «saisir pour soi une
connaissance». Très peu de critères de notre grille sont applicables à cette
définition si peu opérationnelle de l'apprentissage. Le critère «9.1» (l’ap-
prentissage est-il un état ou un processus ?) nous permet de constater que,
dans cette perspective, l'apprentissage est surtout assimilé à un «état» qui se
traduit par une accumulation de connaissances.

Un point de vue comparable :


L'approche étymologique laisse entrevoir une proximité entre les con-
cept d'apprentissage et d'enseignement.
À titre d'illustration, voici quelques éléments d’une enquête réalisée
auprès d'enseignants, formateurs dans une école normale en Belgique franco-
phone (Jonnaert, 1995c : 33 et 34). Les participants à cette enquête devaient,
entre autres, compléter l’item lacunaire à propos du concept d'enseignement.
Voici quelques extraits, à l’état brut, de cette enquête.
«Pour vous enseigner c’est .….»
Un professeur de sciences humaines :
«.. être une sorte d'initiateur, ouvrir des portes, même celles qui sont rarement
ouvertes».

Un professeur de religion :
«.. transmettre des connaissances (cadres de réflexion, vocabulaire), des métho-
des, des sources; permettre à l'élève de se former en autonomie le reste de sa vie:
ouvrir au maximum les cadres de la réflexion, pour entrer dans la dynamique de la
pensée humaine en devenir».

Un professeur de français :
«.. enseigner pour moi c'est communiquer avec des jeunes, essayer de susciter leur
curiosité, puis répondre à leurs interrogations. Il faut pour cela établir un climat de
confiance réciproque, de netteté, de transparence, à la fois dans ce que je dis et dans
ce que je suis et exiger la même congruence de la part des jeunes. Cela me demande
beaucoup d'énergie et beaucoup de rigueur scientifique et morale parce qu'il faut
sans cesse supporter le doute, l'incertitude, il faut se remettre en question tous les
jours. Rien n'est jamais acquis dans notre beau métier».

Un professeur de mathématiques :
«.. eSSayer de trouver la meilleure orientation possible pour l'élève; le contact avec
le jeune, l'enrichissement mutuel».

Un professeur de langue :
«.. paradoxalement, c'est vouloir se rendre inutile, … c'est-à-dire amener l'enseigné
à une véritable autonomie».
Le concept d'apprentissage scolaire 245
+]

Bien sûr, il ne s’agit pas du concept d'apprentissage. Mais comme dans 5


l'approche étymologique évoquée, enseignement et apprentissage ne sont
pas nécessairement dissociés dans les propos de ces enseignants. Il est inté-
ressant de noter que la perception du concept d'enseignement chez ces ensei-
gnants, formateurs d’enseignants, est proche de la perspective étymologique
du concept d'apprentissage alors qu’ils évoquent le concept d'enseignement.

e CE QU'EN DISENT DES DICTIONNAIRES D'ÉDUCATION


ET DE PSYCHOLOGIE !
Les dictionnaires actuels d'éducation ou de psychologie nous appor-
tent-ils une approche plus opérationnelle du concept qui nous intéresse ?
Apprendre c’est...

(3.1) «Mettre ou se mettre au courant d’une information; intégrer, assimiler, incorpo-


rer des données nouvelles à une structure cognitive interne déjà existante; acquérir
et développer des connaissances et des habiletés; intégrer une information à une
structure qui existe en mémoire et utiliser cette information chaque fois que la situa-
tion l'exige
».
Legendre (1988 :35)

(3.2) «(...) l'apprentissage a pour but : l'acquisition d'habitudes (principalement dans


le domaine moteur et tend alors à la création d’automatismes), et l'acquisition de
connaissances.

Selon le but à atteindre, les procédés seront différents. Ils font appel à l'attention, à la
: perception, à laquelle l'imagination peut suppléer, aux associations, ils impliquent l'in-
tervention de la mémoire (sans faire appel pour cela à la mémorisation
systématique) ;enfin, toute acquisition systématique de notion fait intervenir une opé-
ration mentale».
Lafon (1963 : 47)

(3.3) «En général : chez un individu, modification de sa capacité de réaliser une tâche
sous l'effet des interactions avec son environnement. Selon le contexte, le terme dé-
signe le processus ou le résultat du processus. Il est généralement entendu que la
modification consiste en un progrès.
Dans les sciences de l'éducation, modalité d'acquisition des connaissances, des
compétences ou des aptitudes ».
Grand dictionnaire de la psychologie (1991 : 58)

Analyse d'une de ces définitions :


Appliquons notre grille et ses critères à la définition (3.1), celle de
Legendre (1988), largement répandue dans les milieux de formation des
enseignants.
246 Créer des conditions d'apprentissage

RAPPEL DE LA DÉFINITION ANALYSÉE :

«Mettre où se mettre au courant d’une information; intégrer, assimiler, incorporer des don-
nées nouvelles à une structure cognitive interne déjà existante; acquérir et développer des
connaissances et des habiletés ;intégrer une information à une structure qui existe en mé-
moire et utiliser cette information chaque fois que la situation l'exige».
Legendre (1988 :35)

Définition
analysée

(1) Constructiviste (1.1) Qui est l’acteur de L'apprenant Cet aspect est
l'apprentissage ? implicite dans la
définition de
Legendre (1988),
il apparaît à tra-
vers les verbes
utilisés dans la
définition pour
préciser la
démarche de
l'apprenant.

(1.2) L'apprenant réalise-t-il ses i Cet aspect est


apprentissages sur base de ses explicite :
propres connaissances ? «/Nncorporer des
données nouvel-
les à une struc-
ture cognitive
déjà existante».

L'apprentissage a-t-il du sens non précisé


pour l’apprenant ?

(2)Socio L'apprenant réalise-t-il ses non précisé


apprentissages en interaction
avec ses pairs ?

L'apprenant réalise-t-il ses non précisé


apprentissages en interaction
avec l'enseignant ?

Des zones de dialogue sont- non précisé


elles définies pour permettre
les interactions entre les élè-
ves, l'enseignant et l'objet
d'apprentissage ?

(3)Interactive 4) L'apprentissage est-il réalisé non précisé


au départ de situations ?
Le concept d'apprentissage scolaire 247

Dimensions Critères Définition


analysée
Commentaires

| (32 L'apprenant doit-il découvrir non précisé


l’objet d'apprentissage dans
ces situations ?
[es
L’apprenant doit-il interagir non précisé
avec ces situations et l’objet
d'apprentissage ?
L
La définition permet-elle d'éta- | Oui L'auteur parle
blir une distinction entre l’objet d’information ou
d'apprentissage et les connais- de données nou-
sances de l’apprenant ? velles lorsqu'il
évoque l’objet
d'apprentissage
alors qu'il parle
de connaissan-
ces, d’habiletés
ou de structure
cognitive
lorsqu'il évoque
ce qui est propre
à l’apprenant.
S de
Existe-t-il des interactions non précisé
entre l’objet d'apprentissage et
les connaissances de l'élève ?

(4) Transfert (4.1) Le transfert des acquis dans de | Oui L'auteur évoque
nouvelles situations est-il l’utilisation des
envisagé ? acquis de
l'apprentissage
«chaque fois que
la situation
l'exige».

(5)Contrat (5.1) Existe-t-il des mécanismes de | non précisé


didactique régulation des rapports au
| savoir de chacun des partenai-
res de la relation didactique ?
RE | EN
| (6.1) Existe-t-il des mécanismes de | non précisé
|
(6)Transposition
didactique validation des objets
| | d'apprentissage 7?©

_(7)Temps Dans quelle mesure le temps | non précisé


est pris en considération dans
l’organisation de
l'apprentissage ?
248 Créer des conditions d'apprentissage

Définition | Commentaires
analysée

(8)Espace (8.1) L'organisation de l'espace est- | non précisé


elle prise en considération ?

(9)Processus (9.1) L'apprentissage est-il un pro- | L'apprentis- Plusieurs verbes


cessus ou un état ? sage estun | évoquent l’activité
processus de l’apprenant
tout en ne préci-
sant pas le pro-
cessus en tant
que tel.

(10.1) Les moyens pour réaliser non précisé


l'apprentissage sont-ils
précisés ?

(11) Résultats (11.1) Les résultats attendus de i Il s'agit d’acquisi-


l'apprentissage sont-ils tion ou de déve-
précisés ? loppement de
connaissances
ou d’habiletés.

(12) Évaluation (12.1) Les modalités d'évaluation de | non précisé


l'apprentissage sont-elles
précisées ?

Que dégager de cette analyse ?


Cette définition répond à deux critères sur trois à propos de la dimen-
sion «constructiviste », la tendance générale de cette approche est, à notre
sens, «constructiviste ». Elle ne répond cependant à aucun critères évoquant
les interactions sociales ou les interactions avec l’objet d'apprentissage. L’ap-
proche n’est donc ni socio ni interactive.
Il est intéressant de noter que l’objet d'apprentissage y est dissocié
des connaissances de l’apprenant.
L'apprentissage y est considéré comme un processus et non comme
un état, ce qui différencie nettement cette approche de l’entendement com-
mun mis en évidence à travers les approches précédentes. Le transfert est
évoqué. Il n’est pas précisé s’il fait partie intégrante du processus d’apprentis-
sage.
Retenons de cette analyse, que l'approche de Legendre (1988) est
constructiviste, mais qu'elle est générale. Elle ne permet pas de définir l’ap-
prentissage en contexte scolaire, trop de critères relatifs à cette dimension
(contexte scolaire) restent sans réponse à travers cette définition. L'approche
proposée par Legendre reste donc très vaste et traite du processus d’appren-
tissage comme d’un processus universel, qu'il soit ou non contextualisé dans
un environnement scolaire.
Le concept d'apprentissage scolaire 249
ÉTEINTESRI

e DU CÔTÉ DES BEHAVIORISTES|!

D'une manière générale :


Raynal et Rieunier (1977 : 33) nous rappellent utilement qu’appren-
dre, selon la conception behavioriste, c’est (1) modifier son comportement et
(2) fournir une nouvelle réponse à un stimulus ou à un ensemble de stimuli
qui ne la provoquaient pas auparavant. Les behavioristes affirment qu’ils n’ont
pas accès directement aux processus cognitifs «invisibles», tout en ne niant
pas leur existence ils ne font pas d'hypothèses à leur propos. Dès lors, ils dé-
crivent ce qu'ils peuvent observer «de l'extérieur». Pour ces derniers, il suffit
d'organiser les «conditions extérieures» de renforcement pour qu’un appren-
tissage existe.

Parcourons quelques définitions behavioristes


de l'apprentissage :
Apprendre c’est...

(4.1) «(...) l'apprentissage est une modification plus ou moins permanente d’un
comportement en puissance qui est le résultat d’un exercice répété ».
Kimble (1961 :2)

(4.2) «(...) l'apprentissage est un processus exclusif à certains organismes vivants,


comme plusieurs animaux, incluant l'être humain, exception faite des plantes. C'est
un processus qui permet à ces organismes de modifier leur comportement de façon
assez rapide et plus ou moins permanente, de telle sorte que la modification ne doive
pas se produire chaque fois que se présente une nouvelle situation».
“ Gagné (1977, & édit. : 5)

(4.3) «(...) l'apprentissage réfère à la modification du comportement ou du compor-


tement potentiel d’un sujet dans une situation donnée produite par les expériences
répétées du sujet dans cette situation, pourvu que la modification du comportement
ne puisse s'expliquer par des tendances innées à répondre, par la maturation, ou par
des états temporaires (tels que la fatigue, l'ivresse, etc.)».
Hilgard et Bower (1981, 5° édit. : 11)

(4.4) «(....) l'apprentissage peut être défini comme la modification ou le maintien d'une
relation comportementale entre un animal et son environnement par la suite de son
expérience individuelle».
Johnston (1985 :6)

Analyse d’une de ces définitions :


Appliquons notre grille et ses critères à la définition (4.2), celle de
Gagné (1977), cette approche a fortement influencé le courant contemporain
de pédagogie par objectifs.
250 Créer des conditions d'apprentissage
LUE SE EE RE |

RAPPEL DE LA DÉFINITION ANALYSÉE :

«(.…) l'apprentissage est un processus exclusif à certains organismes vivants, comme plu-
sieurs animaux, incluant l'être humain, exception faite des plantes. C'est un processus qui
permet à ces organismes de modifier leur comportement de façon assez rapide et plus ou
moins permanente, de telle sorte que la modification ne doive pas se produire chaque fois
que se présente une nouvelle situation ».
Gagné (1977, & édit. : 5)

Dimensions Définition | Commentaires


analysée

(1) Constructiviste (1.1) Qui est l'acteur de Certains Le processus


l'apprentissage ? organismes d'apprentissage
vivants à est attribué à ces
l'exclusion organismes
des plantes vivants, la défini-
tion ne précise
pas de façon
claire si ces der-
niers sont les
réels acteurs de
l'apprentissage.

(1.2) L'apprenant réalise-t-il ses non précisé


apprentissages sur base de ses
propres connaissances ?

(1.3) L'apprentissage a-t-il du sens non précisé


pour l’apprenant ?

(2)Socio (2.1) L'apprenant réalise-t-il ses non précisé


apprentissages en interaction
avec ses pairs ?

(2.2) L'apprenant réalise-t-il ses non précisé


apprentissages en interaction
avec l'enseignant ?

(2.3) Des zones de dialogue sont- non précisé


elles définies pour permettre
les interactions entre les élè-
ves, l'enseignant et l’objet
d'apprentissage ?

(3)Interactive (3.1) L'apprentissage est-il réalisé Oui Le concept de


au départ de situations ? situation est évo-
qué dans la défi-
nition.
Le concept d'apprentissage scolaire

Dimensions _ Critères | Définition Commentaires


_ analysée

L'apprenant doit-il découvrir non précisé


l’objet d'apprentissage dans
ces situations ?

L’apprenant doit-il interagir non précisé


avec ces situations et l’objet
d'apprentissage ?

(3.4) La définition permet-elle d’éta- | non précisé |


blir une distinction entre l’objet
d'apprentissage et les connais-
sances de l’apprenant ?

(3.5) Existe-t-il des interactions non précisé


entre l’objet d'apprentissage et
les connaissances de l'élève ?
. : ils IÎLe
| (4) Transfert (4.1) Le transfert des acquis dans de | Oui La définition évo-
nouvelles situations est-il que la manifesta-
envisagé ? tion du nouveau
comportement
dans de nouvelles
Situations.

(5) Contrat (5.1) Existe-t-il des mécanismes de | non précisé


didactique régulation des rapports au
savoir de chacun des partenai-
res de la relation didactique ?

L(6)Transposition | (6.1) Existe-t-il des mécanismes de | non précisé


didactique validation des objets
| d'apprentissage ?

(7)Temps Dans quelle mesure le temps | Qui L'idée de temps


est pris en considération dans est évoquée dans
l’organisation de la définition, puis-
l'apprentissage ? que la modifica-
tion observée doit
être «plus ou
moins
permanente » et
«rapide».

(8)Espace (8.1) L'organisation de l’espace est- | non précisé


RARES ee elle prise en considération ?

(9) Processus … |(94) L'apprentissageest-ilunpro- | L'apprentis- | Le terme


RÉ RU ER cessus ou un état ? sage estun | «processus» est
processus explicite dans la
définition propo-
sée.
252 Créer des conditions d'apprentissage

Dimensions Définition | Commentaires


analysée

(10) Moyens (10.1) Les moyens pour réaliser non précisé


l'apprentissage sont-ils
précisés ?

(11) Résultats (11.1) Les résultats attendus de i Il s'agit de com-


l'apprentissage sont-ils portements modi-
précisés ? fiés de façon
durable.

(12) Évaluation (12.1) Les modalités d'évaluation de | non précisé


l'apprentissage sont-elles
précisées ?

Que dégager de cette analyse ?


Cette définition répond partiellement à un seul des trois critères à
propos de la dimension «constructiviste ». Il n’est cependant pas dit, explici-
tement, que le sujet de l'apprentissage en soit le réel acteur. Cette définition
ne répond à aucun critère évoquant les interactions sociales ou les interac-
tions avec les objets d'apprentissage. Cette définition n’est donc ni construc-
tiviste, ni socio, ni interactive. La définition analysée n'entre pas dans le
paradigme constructiviste.
Cependant, le concept de situation est évoqué. Il permet, à travers la
définition analysée, d'évoquer le transfert. Cette allusion ne permet pas de
préciser si l'apprentissage se réalise ou non en situation.
Au-delà des situations, cette définition de l'apprentissage prend en
considération la dimension temporelle, puisqu'elle évoque l’idée selon laquelle
la modification doit se réaliser rapidement et être permanente. La permanen-
ce de la modification est aussi une des caractéristiques du résultat de l’ap-
prentissage qui, selon cette définition, ne devrait pas s’éteindre.
L'apprentissage est considéré comme un processus de modification de
comportement. Le résultat en est un comportement modifié de façon durable.
Retenons de cette analyse que l'apprentissage, selon l'approche de Ga-
gné (1977), est un processus universel qui concerne tous les apprentissages,
scolaires ou non. L'idée majeure de cette définition est celle d'une modifica-
tion durable du comportement. On retrouve dans cette définition l’idée-force
des objectifs opérationnels définis en terme de comportements observables.
Trop de critères restent cependant sans réponse, notamment tous
ceux relatifs aux interactions sociales. L'apprentissage peut donc être perçu,
à travers cette définition, comme un processus strictement individuel. Cette
perspective est très réductrice, et, bien qu'ayant eu son heure de gloire dans
l'enseignement, elle n’est pas appropriée aux réalités, aux forces et aux con-
traintes du contexte scolaire et de ses interactions sociales.
Le concept d'apprentissage scolaire 253
CR À

e ET DU CÔTÉ DES COGNITIVISTES ISSUS DU TRAITEMENT


DE L'INFORMATION ?

D'une manière générale :


Gardner (1993 : 18 et 19) définit la science cognitive comme une ten-
tative contemporaine de réponse aux questions relatives à la nature des con-
naissances, leurs composantes, leurs sources, leur développement et leur
essor. Les courants actuels de psychologie cognitive sont largement influen-
cés par les théories du traitement de l'information. Les représentations men-
tales sont au cœur de leurs travaux. Les cognitivistes postulent en effet que
les activités cognitives se réalisent à travers la manipulation de représenta-
tions mentales ou de symboles.
Houdé (1998 : 11) se demande si la psychologie cognitive n’est pas
une erreur quand elle nous décrit un «esprit froid», c’est-à-dire rationnel, sans
émotion, sans corps. Cette critique vaut certainement pour «l’esprit-
ordinateur» du cognitivisme princeps. Aujourd’hui, la psychologie cognitive
ébauche le portrait d’un «esprit-cerveau-corps» où les émotions jouent un
rôle essentiel.
Plusieurs travaux reprennent les résultats des recherches réalisées en
psychologie cognitive et les appliquent à l’enseignement et à l'apprentissage
[Jones, Palincsar, Ogle et Carr (1987); Lesgold et Glaser, ((1989); Jones et
Idol, (1991); Tardif, (1992); Tochon, (1992); ...]. Ces auteurs définissent une
approche stratégique de l’enseignement et de l’apprentissage :
«(...) la psychologie cognitive de l'éducation est, d'une part, préoccupée par la com-
# préhension des stratégies d'apprentissage de l'élève, des mécanismes de construc-
tion graduelle de la connaissance en mémoire et des conditions de réutilisation de
ces connaissances. D'autre part, elle est préoccupée par la compréhension des stra-
tégies d'enseignement qui sont les plus susceptibles de favoriser la construction gra-
duelle de la connaissance de l'élève selon ses composantes affectives, cognitives et
métacognitives, et selon la logique inhérente au contenu d'enseignement».
Tardif (1992 : 28)

Au départ d’une telle approche, de nombreuses définitions de l’ap-


prentissage sont proposées dans la littérature des cognitivistes.

Parcourons quelques définitions cognitivistes


de l'apprentissage :
Apprendre c’est.
(5.1) «(...) constituer des représentations d'ordre élevé et modifier les relations qui
les unissent. L'apprentissage dépend du niveau cognitif dans la mesure où celui-ci
conditionne les savoirs et savoir-faire «activables > dans chaque situation. Et, récipro-
quement, l'apprentissage se construit à partir des savoirs et savoir-faire mobilisés par
la situation.
(.…) traiter de l'information…, par conséquent, le système cognitif est essentiellement
un système de traitement de l'information».
Villepontoux (1996 : 13 et 14)
254 Créer des conditions d'apprentissage

(5.2) «En tout état de cause, on peut proposer le cadre très général suivant pour tout
phénomène d'acquisition dans une situation d'apprentissage où il y a une interaction
entre le sujet et l'environnement externe :
1. En abordant l'apprentissage, le sujet doit posséder déjà des connaissances initia-
les, des capacités prérequises :
a. pour percevoir l’environnement externe, c'est-à-dire segmenter et agréger les
stimuli sensoriels de façon à identifier les objets qui constituent les informations
qu'il manipulera (capacité de perception);
b. pour construire une représentation interne de la situation, c'est-à-dire construi-
re un ensemble d'objets et un réseau de relations entre eux (capables de
compréhension);
c. pour déduire, à partir des informations venant de l'environnement externe et in-
terne, de nouvelles connaissances (capacité de raisonnement).
2. Le résultat de l'apprentissage pourrait être de deux types :
— une augmentation du degré d'expertise dans le domaine de connaissance sur
lequel porte l’apprentissage;
— une augmentation des connaissances initiales, ou capacités prérequises, ci-
tées ci-dessus».
Crépault et Nguen- Xuan (1990 : 197)

(5.3) «Il y a deux formes de base d'acquisition des connaissances : l'apprentissage


par découverte à partir de l’action et l'apprentissage par l'instruction qui consiste à
communiquer une connaissance en la formulant dans un texte. L'enseignement com-
bine les deux formes d'acquisition en définissant des séquences d'apprentissage qui
comportent à la fois des exposés de ces connaissances et des mises en œuvre de
celles-ci dans des exercices ou des probièmes. Les activités qui interviennent dans
ces apprentissages sont, d’une part, des activités de compréhension, notamment
sous la forme de construction de structures conceptuelles, d'autre part, des activités
de mémorisation et d'inférence.
(...) Le point de vue cognitiviste sur l'apprentissage insiste sur l'importance des con-
naissances antérieures : une connaissance ne se construit pas à partir de rien, cette
construction suppose une connaissance existante.
(...) L'importance qu'ont les connaissances existantes pour les nouvelles acquisitions
découle du rôle fondamental qu'elles ont dans la construction des représentations et
de l’idée que l'acquisition passe nécessairement par ces représentations».

Richard (1990 : 159 et 160)


(5.4) «L'apprentissage est une modification de la capacité à réaliser une tâche sous
l'effet d'une interaction avec l'environnement. || se distingue des changements com-
portementaux survenant à la suite de la maturation (...). Le concept d'apprentissage
est invoqué tant au niveau vivant le plus élémentaire, la plasticité comportementale
de certains animaux unicellulaires, qu'au niveau des systèmes artificiels sophistiqués
(...). I l'est aussi, c'est évident, dans l'étude du développement et du fonctionnement
cognitifs chez l'homme. On distingue en général deux grandes classes d'apprentis-
sages selon le niveau d'intégration de l'activité psychologique : les apprentissages
élémentaires relatifs au contrôle par les stimulus de l'environnement (...), les appren-
tissages complexes médiatisés par des représentations symboliques ».

Houdé (1998 : 43)


(5.5) D'une façon générale, selon Ouellet (1997 : 4 et 5), six principes résument la
conception de l'apprentissage dans une perspective cognitiviste
(1) L'apprentissage est un processus actif et constructif.
Le concept d'apprentissage scolaire 255

(2) L'apprentissage est essentiellement l'établissement de liens entre de nouvelles


données et des connaissances antérieures.
(3)L'apprentissage concerne autant les connaissances procédurales et conditionnel-
les que les connaissances déclaratives.
(4)L'apprentissage exige l’organisation constante des connaissances.
(5)L'apprentissage concerne autant les stratégies cognitives et métacognitives que
les connaissances théoriques.
(6)La motivation scolaire détermine le degré d'engagement, de participation et de
persistance de l'élève dans ses apprentissages.

À ces six points il faut ajouter le fait que «ce qui caractérise en premier lieu la psy-
chologie cognitive, c'est qu'elle considère la connaissance comme un système de
traitement de l'information».
Goanac'h et Passereau (1995 : 50)

Analyse d'une de ces définitions :


RAPPEL DE LA DÉFINITION ANALYSÉE :

«(1) L'apprentissage est un processus actif et constructif; (2) il est essentiellement l'établis-
sement de liens entre de nouvelles données et des connaissances anté-rieures; (3) il con-
cerne autant les connaissances procédurales et déclaratives que les connaissances
conditionnelles ; (4) il exige l’organisation constante de connais-sances; (5) il concerne
autant les stratégies et métacognitives que les connaissances théoriques; (6) la motivation
scolaire détermine le degré d'engagement, de participation et de persistance de l'élève
dans ses apprentissages ».
Ouellet (1997 : 4 et 5)

FDimensions Définition | Commentaires


analysée

(1)Constructiviste | (1.1) Qui est l'acteur de L’apprenant | Il est utile d'ana-


l'apprentissage ? lyser ce que les
cognitivistes pla-
cent Sous le cou-
vert du terme
«activité».

(1.2) L'apprenant réalise-t-il ses Oui Cette seconde


apprentissages sur base de ses dimension est
propres connaissances ? explicite dans le
second principe
évoqué.

(1.3) L'apprentissage a-t-il du sens | Oui Le principe relié


pour l’apprenant ? à la motivation
permet de déga-
ger l’idée que les
contenus des
apprentissages
doivent avoir du
sens pour
l’apprenant.
256 Créer des conditions d'apprentissage

Définition | Commentaires
analysée

) L'apprenant réalise-t-il ses non précisé


apprentissages en interaction
avec ses pairs ?
ste
(2.2) L'apprenant réalise-t-il ses non précisé
apprentissages en interaction
avec l'enseignant ?

(2.3) Des zones de dialogue sont- non précisé


elles définies pour permettre
les interactions entre les élè-
ves, l'enseignant et l'objet
d'apprentissage ?

(3)Interactive (3.1) L'apprentissage est-il réalisé « (…) les ensei-


au départ de situations ? gnants doivent
prendre cons-
cience du fait que
leurs élèves cons-
truisent leur
savoir d'une
façon person-
nelle et progres-
sive. Il leur
revient non seule-
ment de créer des
situations et des
environnements
propices à cette
construction,
mais également
d'exercer cons-
tamment des
rôles de média-
teur et d'entrai-
neur dans ce
processus de
construction ».
Ouellet, (1997 :
4).

(3.2) L'apprenant doit-il découvrir non précisé


l'objet d'apprentissage dans
ces situations ?

(3.3) L'apprenant doit-il interagir L'extrait de Ouel-


avec ces situations et l’objet let (au point 3.1)
d'apprentissage ? témoigne du
souci de dévelop-
per les apprentis-
sages en
situation.
Le concept d'apprentissage scolaire 257
CE © |

Dimensions Définition | Commentaires


analysée

(3.4) La définition permet-elle d'éta- Le cinquième


blir une distinction entre l’objet principe évoque
d'apprentissage et les connais- clairement diffé-
sances de l’apprenant ? rents types de
connaissances
concernant les
apprentissages.

Existe-t-il des interactions Le second prin-


entre l’objet d'apprentissage et cipe fait explicite-
les connaissances de l'élève ? ment référence à
de tels liens.

(4) Transfert Le transfert des acquis dans de non précisé


nouvelles situations est-il
envisagé ?

(5) Contrat | (5.1) Existe-t-il des mécanismes de | non précisé


didactique régulation des rapports au
: Savoir de chacun des partenai-
res de la relation didactique ?

| (6)Transposition | (6.1) Existe-t-il des mécanismes de | non précisé


didactique validation des objets
d'apprentissage ?

(7)Temps (7.1) Dans quelle mesure le temps non précisé


est pris en considération dans
l’organisation de
l'apprentissage ?

_(8)Espace (8.1) L'organisation de l’espace est- | non précisé


elle prise en considération ?

(9)Processus (9.1) L'apprentissage est-il un pro- | Oui L'apprentissage


cessus ou un état ? est défini comme
joinprocessus.

(10) Moyens (10.1) Les moyens pour réaliser non précisé


l'apprentissage sont-ils
précisés ?

(11) Résultats (11.1) Les résultats attendus de non précisé


l'apprentissage sont-ils
précisés ?

(12) Évaluation | (12.1) Les modalités d'évaluation de | non précisé


l'apprentissage sont-elles
précisées ?
58 Créer des conditions d'apprentissage

Que dégager de cette analyse ?


De prime abord, l'approche cognitiviste peut être qualifiée de
constructiviste : elle répond positivement aux trois critères constructivistes
(critères 1.1 à 1.3). Cependant, pour mieux cerner la position des cognitivistes
issus du traitement de l'information, il est utile d'analyser ce qu'ils placent
sous le concept d'activité.

Le concept d'activité utilisé dans une perspective cognitiviste n’a pas


la même connotation que celle donnée par les constructivistes.

«La personne qui apprend ne reste pas passive devant ce qui lui est présenté. Au
contraire, en recevant les informations qui lui parviennent de l'extérieur‘, peu importe
le capteur sensoriel qui capte ces informations, elle en fait une sélection ».
Tardif (1992 : 34)

Il est intéressant de noter que, dans la perspective cognitiviste, l’ap-


prenant reçoit des informations venant de l'extérieur, qu'il les capte et les
traite ensuite. Le concept d'activité recouvre donc la réception, la sélection et
le traitement d'informations externes au sujet. Nous pouvons dire que dans
cette perspective, l’apprenant est un récepteur actif d'informations.
Cette approche du concept d'activité ne rejoint pas le point de vue
constructiviste développé dans le premier chapitre de cet ouvrage. Dans la
perspective constructiviste, le processus de construction des connaissances
n'est pas le fait d’une réception d'informations externes, mais est plutôt le
fruit du travail que l’apprenant réalise d'emblée sur ses propres connaissances
mises en interaction avec de nouvelles informations. L'activité de l’apprenant
porte autant sur ses connaissances antérieures que sur les nouvelles informa-
tions. L'activité de l’apprenant ne porte donc pas prioritairement sur les infor-
mations venant de l'extérieur ou prioritairement sur ses connaissances
antérieures. Elle porte essentiellement sur l'interaction entre les deux (con-
naissances antérieures et nouvelles informations) qui génère les processus
d’assimilation et d’accommodation. Dans la perspective constructiviste, l’acti-
vité est nécessairement un processus créateur et non un processus récep-
teur comme c’est le cas dans la perspective cognitiviste.
On ne peut certes réduire le constructivisme à la seule activité du su-
jet. Encore faut-il préciser le type d'activité qu'il réalise et le matériau avec le-
quel il construit ses connaissances. Dans une perspective cognitiviste issue du
traitement de l'information, l’apprenant travaille au départ d'informations ve-
nant de l'extérieur, alors que dans une perspective constructiviste, il travaille
d'emblée au départ de ses propres connaissances. Mais sans doute, s’agit-il
plutôt de rechercher les complémentarités entre cognitivisme et constructi-
visme et de comprendre pourquoi bien des cognitivistes se disent aujourd'hui
constructivistes. Le constructivisme ne se définit certes pas par la seule acti-
vité du sujet, nous l'avons déjà écrit. Il accorde une grande importance à la

6 Souligné par nous dans le texte.


Le concept d'apprentissage scolaire

dialectique entre les connaissances anciennes de l’apprenant et les informa-


tions nouvelles. Aujourd’hui, les cognitivistes, qui ont toujours accordé de
l'importance aux représentations, ne se contentent plus de parler de traite-
ment d'informations externes au sujet. Et si certains d’entre eux continuent
d'appliquer à la «machine humaine» ? les modèles cybenétiques, d’autres, en
se plaçant cependant dans une perspective cognitiviste, se sont fortement
rapprochés du paradigme constructiviste. Pour Houdé (1998 : 110) la théorie
(constructiviste) de Piaget est l’une des sources essentielles d'inspiration du
Courant constructiviste interdisciplinaire actuel en sciences cognitives.
La dimension «socio» est absente de la définition cognitiviste analy-
sée. Cette dernière se centre essentiellement sur le traitement et la transfor-
mation des connaissances. L'apprentissage est alors décrit comme un
processus universel et individuel, il n’est pas nécessairement contextualisé
dans un environnement scolaire. Par contre, il est intéressant de noter que les
cognitivistes développent une approche des apprentissages en situation et
s'intéressent aux problématiques motivationnelles des apprenants. L'interac-
tion avec l’objet d'apprentissage semble donc un élément important pour ces
derniers.
Retenons de cette analyse que l'approche cognitiviste n’est pas socio-
constructiviste, certaines de ses dimensions peuvent cependant la rapprocher
fortement du constructivisme. Elle se centre essentiellement sur la dynami-
que du traitement d'informations venant de l’extérieur. L'objet d’apprentissa-
ge est en général présenté en situation et mis en interaction avec les
connaissances antérieures de l’apprenant.

e ET DU CÔTÉ DES CONSTRUCTIVISTES ?

D'une manière générale :


Nous avons déjà développé un chapitre entier sur le constructivisme
(voir chapitre 1). Rappelons simplement le postulat constructiviste selon le-
quel l’apprenant développe une activité réflexive sur ses propres con-
naissances pour en construire de nouvelles. Pour le contructivisme, la
connaissance n’est ni le reflet du monde extérieur, ni la projection sur la réa-
lité extérieure de connaissances innées du sujet (Houdé, 1998 : 110). Le mon-
de physique n’est reconnu par le sujet qu’en vertu des actions et des
opérations qu’il exerce à son encontre. Il construit ses connaissances à travers
une activité en situation. L'action en situation est le facteur principal du
développement et de l’acquisition de connaissances. Mais il ne s’agit pas de
n'importe quelle activité! La connaissance dérive de l'adaptation des connais-
sances de l’apprenant aux situations auxquelles il est confronté dans son mi-
lieu. Cette adaptation se réalise grâce aux emboîtements des processus
d’assimilation et d’accommodation par lesquels l’apprenant réfute d'anciennes
connaissances, les adapte ou les reconstruit en intégrant les contraintes de la

7 Selon leur propre expression.


260 Créer des conditions d'apprentissage

nouvelle situation à laquelle il est confronté. Il s’agit d'activités d'adaptation


d'anciennes connaissances aux nouvelles contraintes des situations, mais aus-
si d'adaptation des nouvelles connaissances aux connaissances anciennes.
L'apprenant n’est donc pas simplement un récepteur, même actif, d'informa-
tions venant de l'extérieur, il est plutôt un créateur de connaissances et c’est
en ce sens que la perspective constructiviste est intéressante lorsque l’on par-
le d'apprentissage.

Parcourons quelques définitions constructivistes


de l'apprentissage :
(6.1) «(...) les enfants apprennent en modifiant de vieilles idées, selon le constructi-
visme, plutôt qu'en accumulant simplement des parcelles supplémentaires
d'informations».
Kamii (1990 : 84)

(6.2) «(...) ce que la psychologie génétique instaure de façon définitive pour la ré-
flexion contemporaine, c'est que le sujet de la connaissance construit lui-même l’objet
du savoir en même temps qu'il assure ses modes de pensée. Ce qui théoriquement
alors devient le principe organisateur de la connaissance, c'est l'ensemble des attitu-
des mentales et des activités concrètes par lesquelles le sujet découvre et organise
son savoir et ses activités ».
Vergnioux (1991 : 11)

(6.3) «Apprendre, c’est construire des connaissances. Dans la perspective du cons-


tructivisme piagétien, l'apprentissage s'inscrit au cœur d'une recherche constante
d'un équilibre dynamique entre le sujet et son milieu. Ce processus présente deux as-
pects distincts mais indissociables : l'assimilation et l'accommodation. Le sujet en in-
teraction avec son environnement mobilise des structures de connaissances
stockées en mémoire. Sur la base de ces structures, il sélectionne et organise les in-
formations auxquelles il est confronté afin de leur donner un sens et, le cas échéant,
de déterminer sa conduite dans cette situation. C'est le mécanisme d'assimilation.
Par cette activité cognitive, le sujet cherche en quelque sorte à «adapter» son envi-
ronnement à ses propres structures. Ce mécanisme peut cependant déboucher sur
une perturbation de la structure d'accueil mobilisée : soit que l'information assimilée
vienne contredire la structure d'accueil, soit que celle-ci s'avère insuffisante pour ren-
dre compte de l'information. La régulation de cette perturbation peut alors conduire à
l’'accommodation de la structure d'accueil, c'est-à-dire, la transformation de cette
Structure de son état initial vers un état nouveau, lui permettant de rendre compte de
l'information nouvelle. Par ce mécanisme, le sujet adapte ainsi ses structures dispo-
nibles à son environnement ».

Bourgeois et Nizet (1997 : 62 et 63)

Analyse d'une définition :


Appliquons la grille d'analyse à une définition relevée dans un texte de
Jonnaert (1995b). Cette démarche permettra, par la suite, de réaliser les ajus-
tements utiles afin de proposer aux lecteurs une définition opérationnelle du
concept d'apprentissage dans une perspective socioconstructiviste et inter-
active cohérente avec le modèle SCI suggéré.
Le concept d'apprentissage scolaire 261
SE AMRRE SEE TONENSEENN

RAPPEL DE LA DÉFINITION ANALYSÉE :

«(...) L'apprentissage est un processus; la modification d’acquis antérieurs fait partie inté-
grante de ce processus; c’est l’apprenant qui est le principal acteur de l'apprentissage; un
apprentissage scolaire doit s'inscrire dans un contexte porteur de significations pour celui
qui apprend; la logique de celui qui apprend prime sur celle de la matière à enseigner.

(...) L'apprentissage se réalise essentiellement à travers les conduites, les opérations ou


les interventions de l’apprenant lui-même; l'élève réalise personnellement un certain nom-
bre de démarches pour s'approprier de nouvelles conduites et des représentations d'objet,
où pour en changer; l'apprentissage se construit sur et avec les connaissances antérieures
de l'élève; le processus d'apprentissage évoqué est strictement sous la responsabilité de
l'élève qui apprend; l'enseignant ne contrôle que partiellement la «situation» dans laquelle
il place l'élève; l'enseignant n’est pas maître de l'apprentissage d'un autre, il contrôle sim-
plement certaines conditions dans lesquelles il place l'élève ».
Jonnaert (1995b : 39)

| Dimensions Critères Définition Commentaires


analysée

| (1) Constructiviste (1.1) Qui est l'acteur de L'apprenant L’apprenant est


l'apprentissage ? le principal
acteur, par
ailleurs, c’est lui
qui contrôle le
processus
d'apprentissage.

L'apprenant réalise-t-il ses Cette dimension


apprentissages sur base de ses est explicite dans
propres connaissances ? la définition.
nr
(1.3) L'apprentissage a-t-il du sens Cette dimension
pour l’apprenant ? est explicite dans
la définition.

| (2) Socio (2.1) L'apprenant réalise-t-il ses non évoqué


apprentissages en interaction
avec ses pairs ?

L'apprenant réalise-t-il ses implicite L'enseignant con-


apprentissages en interaction trôle certaines
avec l'enseignant ? conditions dans
lesquelles ilplace
l'élève.
+— Jess
Des zones de dialogue sont- non évoqué
elles définies pour permettre
les interactions entre les élè-
ves, l’enseignant et l’objet
d'apprentissage ?
Créer des conditions d'apprentissage

L'apprentissage est-il réalisé L'apprentissage


au départ de situations ? doit se faire en
contexte signifiant
pour l’apprenant.

L'apprenant doit-il découvrir non évoqué


l’objet d'apprentissage dans
ces situations ?

L'apprenant doit-il interagir non évoqué


avec ces situations et l’objet
d'apprentissage ?

La définition permet-elle d’éta- La logique de


blir une distinction entre l’objet l’apprenant est
d'apprentissage et les connais- dissociée de celle
sances de l'apprenant ? de l’objet
d'apprentissage.

Existe-t-il des interactions non évoqué


entre l’objet d'apprentissage et
les connaissances de l’élève ?

Le transfert des acquis dans de | non évoqué


nouvelles situations est-il
envisagé ?

Existe-t-il des mécanismes de | non évoqué


régulation des rapports au
savoir de chacun des partenai-
res de la relation didactique ?

Existe-t-il des mécanismes de | non évoqué


validation des objets
d'apprentissage ?

Dans quelle mesure le temps non évoqué


est pris en considération dans
l'organisation de
l'apprentissage ?

L'organisation de l’espace est- | non évoqué


elle prise en considération ?

L'apprentissage est-il un pro- | L'apprentis-


cessus ou un état ? sage est un
processus.

(10.1) Les moyens pour réaliser non évoqué


l'apprentissage sont-ils
précisés ?
+ (11.1) Les résultats attendus d non évoqué
l'apprentissage sont-ils
précisés ?

| (12.1) Les modalités d'évaluation de non évoqué


l'apprentissage sont-elles
précisées ?

Que dégager de cette analyse ?


Cette définition est constructiviste, elle répond effectivement aux dif-
férents critères (1.1 à 1.3) et insiste à plusieurs reprises sur le fait que l’appre-
nant travaille sur ses propres connaissances. La dimension interactive est
également évoquée, partiellement seulement, et la définition ne précise pas si
l’'apprenant entre en interaction avec l’objet d'apprentissage et si, plus parti-
culièrement, un échange s'établit entre ses connaissances antérieures et les
caractéristiques de la situation à laquelle il est confronté. La dimension
«socio» est totalement absente de cette définition au départ de laquelle tout
se passe comme si l’apprenant ne développait aucun échange avec d’autres,
ses pairs et l'enseignant, durant l'apprentissage. L'ensemble des contraintes
liées au contexte scolaire n’est pas pris en considération, la définition évoque
donc une sorte d'apprentissage universel, scolaire ou pas.
Cette approche, bien que constructiviste, présente des lacunes à plus
d’un égard et nécessite une reformulation complète pour permettre une ap-
proche socioconstructiviste et interactive opérationnelle de l'apprentissage
en contexte scolaire.
Retenons cependant, que, dans une perspective constructiviste, il est
nécessaire de rendre l’apprenant acteur de son propre apprentissage. Cette
activité n’est pas n'importe laquelle. Elle se concrétise à travers un travail ré-
flexif de l’apprenant sur ses propres connaissances mises en interaction avec
le contenu d’une situation.

3.5 Que dégager de cette démarche d'analyse


de définitions ?
Évidemment, une foule d'éléments se dégage de l’analyse de ces défi-
nitions contrastées.
Ne reprenons que la première question («Qui est l’acteur de
l'apprentissage ?>) et tentons de vérifier comment les différents courants
évoqués la traitent :
— pour l’entendement commun, l'apprenant accumule des connais-
sances : il est un accumulateur de connaissances;
264 Créer des conditions d'apprentissage

— pour les behavioristes, l'apprenant modifie durablement une ou plu-


sieurs conduites : il est un transformateur de comportements;
— pour les cognitivistes issus du traitement de l'information, l'ap-
prenant reçoit de l'extérieur des informations qu'il traite activement :
il est un récepteur actif d'informations externes;
— pour les constructivistes, l'apprenant construit ses connaissances en
ayant une activité réflexive sur ses propres connaissances en interac-
tion avec le milieu : il est un créateur de connaissances.
Ce rapide tour d'horizon d’une seule question permet d'observer la di-
versité des points de vue à propos de l'apprentissage. Les conceptions de l’ap-
prentissage vont de l'accumulation passive à la création de connaissances. De
même, l’objet d'apprentissage est tantôt un comportement, tantôt une infor-
mation extérieure, tantôt la connaissance de l’apprenant lui-même. La figure
37 présente un axe, un continuum, qui propose plus une complémentarité des
différentes approches décrites dans les lignes qui précèdent que des mises en
opposition.

Que fait l'apprenant?


Qui est-il?
Sur quoi travaille-t-il?

« pour
l'entendement |. pou Late
les cognitivistes
commun les behavioristes … pour
(issus des théories du
L'apprenant traitement de l'information) Ro ble 8
accumule L'apprenant L'apprenant
passivement modifie réceptionne L'apprenant
des connaissances | | durablement un ou des informations développe une
qui font référence plusieurs externes qu'il activité réflexive
à des savoirs et comportements traite activement Sur ses propres
des objets externes sa <Y connaissances
àd il est un il est un Ÿ7
il est un transformateur de récepteur actif il est un
accumulateur passif] | comportements d'informations créateur de
de savoirs externes observables externes connaissances

De l'accumulation passive... .… à la création de connaissances |

FIGURE 37
D
Er |

Différentes conceptions de l'apprentissage


Le concept d'apprentissage scolaire 265
CE |

Mais, ces définitions sont-elles pour autant opérationnelles en contex-


te scolaire et permettent-elles une organisation efficace des activités d’ap-
prentissage pour les élèves ? Nous ne le pensons pas et c’est sans doute là
toute l'utilité de la démarche d'analyse que nous avons effectuée.
La grille et les critères proposés pour réaliser cette analyse correspon-
dent certes au modèle SCI (socioconstructiviste et interactif) de l’apprentis-
sage. Il est donc normal que les définitions issues de courants qui s’écartent
de ce modèle n’en rencontrent pas les critères.
Ce modèle est spécifique et complexe. Il a cependant l'avantage de re-
tenir trois catégories de dimensions qui correspondent bien à une approche
didactique de l’apprentissage scolaire :
(1) la dimension socio permet la prise en considération des différents
acteurs en présence;
(2) la dimension interactive montre clairement que l'apprentissage
se réalise en mettant les connaissances de l’apprenant en interac-
tion avec l’objet d'apprentissage mis en situation; en contexte sco-
laire, cet objet d'apprentissage est souvent un savoir codifié;
(3) la dimension constructiviste met l'accent sur le caractère incon-
tournable des connaissances de l’apprenant lui-même.

Ces trois dimensions nous permettent de retrouver celles que nous


avons mises en évidence au sein de la relation didactique (un ou des ensei-
gnant(s), un ou des apprenant(s) et un objet de savoir). Plus que des dimen-
sions isolées, il s’agit d'éléments très dynamiques, en interaction très forte
entre eux et inscrits dans un processus qui évolue dans le temps.
Au départ de ces analyses, et en respectant le modèle SCI, il pourrait
donc apparaître utile de proposer une définition «complète» du processus
d'apprentissage. Les trois dimensions majeures (constructivisme, socio, in-
teractive) doivent apparaître dans cette définition et une série de composan-
tes doivent être présentes pour mettre en évidence le dynamisme du
processus d'apprentissage et sa spécificité en tant que processus inscrit dans
un contexte scolaire.
En guise de synthèse de ce paragraphe, nous proposons au lecteur
une définition du processus d'apprentissage en contexte scolaire prenant en
compte les différentes composantes de notre modèle.
Nous rappelons cependant au lecteur la remarque formulée en intro-
duction de ce chapitre :

“one définition est nécessairement labile et risque d'être frappée d'obsoles-


| cence aussitôt sue. contraintes ges situations cRecIques ne feSeneront pIuE
_viable. RP NA MER |
6 Créer des conditions d'apprentissage

3.6 Que retenir ?

Une définition de l’apprentissage en contexte scolaire!


(1) Dans une perspective socioconstructiviste et interactive, l'apprentissage scolaire est un pro-
cessus qui se vit dans le cadre spatiotemporel de l'école avec ses contraintes et ses res-
SOUrCes.
(2) 1! porte sur des objets spécifiques : les contenus des programmes scolaires; ces objets
peuvent prendre des formes différentes (savoir codifié, savoir-faire, savoir-être, …), ils sont
cependant désignés par le nom générique de « savoirs».
(3) L'objectif d’un apprentissage scolaire est l’appropriation parl'apprenant d'un savoir claire-
ment identifié et validé par un processus de transposition didactique.
(4— Les savoirs, pour être appris, doivent être mis en situation d'une manière telle que les con-
naissances de l'apprenant puissent entrer en interaction avec eux.
(Dimension interactive de l'apprentissage : il s’agit d’une interaction entre «savoirs » et
«connaissances »).
oo— Un apprentissage scolaire est localisé dans une zone de dialogue créée entre l'enseignant et
ns
les pairs, l’apprenant et le savoir; cette zone de dialogue est définie grâce au travail du con-
trat didactique; dans cet espace de dialogue, l'apprentissage scolaire se réalise à travers les
interactions sociales de l’apprenant avec l'enseignant et avec ses pairs à propos de l’objet
d'apprentissage. (Dimension socio de l'apprentissage scolaire : il s'agit d'interactions Socia-
les entre l’apprenant, son enseignant et ses pairs à propos de l'objet d'apprentissage).
a CE L'apprentissage scolaire se réalise à travers l’activité de l'apprenant; cette activité se concré-
tise par un travail réflexif de l'apprenant sur ses propres connaissances en interaction avec
le savoir mis en situation.
(Dimension constructiviste, corollaire de la dimension interactive : il s’agit des processus
d'adaptation des savoirs et des connaissances au terme desquels l’apprenant aura créé de
nouvelles connaissances qui lui seront spécifiques).
(7) Pour que l'apprentissage scolaire s’enclenche, il doit avoir du sens et être motivant pour
l'apprenant.
(8) L'enseignant met en œuvre des moyens qui permettent la mise en situation des savoirs por-
teuse de signification pour l’apprenant et établissant des interactions entre «savoir» et
«Connaissances».
(9) Un apprentissage scolaire est réussi lorsque l’apprenant utilise spontanément ses nouvelles
connaissances dans des situations non didactiques; l'évaluation des résultats d'un appren-
tissage scolaire est donc rarement pertinente si elle ne s'effectue qu’en contexte scolaire.
(10)En bref! Un apprentissage scolaire est un processus dynamique par lequel un apprenant, à
travers une série d'échanges avec ses pairs et l'enseignant, met en interaction ses connais-
sances avec des savoirs dans l'objectif de créer de nouvelles connaissances adaptées aux
contraintes et aux ressources de la situation à laquelle il est actuellement confronté dans
l'objectif d'utiliser ses nouvelles connaissances dans des situations non didactiques.

3.7 Quelques références pour aller plus loin.


— Astolfi, J.-P. (1992). L'école pour apprendre. Paris : ESF.
— Bourgeois, E. et Nizet, J. (1997). Aprentissage et formation des
adultes. Paris : PUF.
— Barth, B.-M. (1993). Le savoir en construction. Paris : Retz.
Le concept d'apprentissage scolaire

— Désautels, J., Larochelle, M. (1989). Qu'est-ce que le savoir


scientifique ? Points de vue d'adolescents et d’adolescentes.
Québec : Les Presses de l'Université Laval.
— Jonnaert, Ph., Lauwaers, A. et Peltier, E. (1995). Facettes d’un ap-
prentissage scolaire. Bruxelles : SEGEC, (2e édition).

3.8 Concepts-clés de ce paragraphe


apprentissage en contexte scolaire - définitions - perspective socio-
constructiviste et interactive

4. LE DÉBAT N'EST PAS CLOS...


Le premier chapitre présente la posture épistémologique des auteurs.
Les paragraphes précédents clarifient le concept d'apprentissage en contexte
scolaire et développent une approche cohérente avec les fondements épisté-
-mologiques évoqués au début de l'ouvrage.
De nombreuses questions restent en suspens, notamment celles de
l'origine des connaissances. Ce questionnement est lancinant et alimente la
réflexion des philosophes, des épistémologues, des psychologues, ... depuis la
nuit des temps.
Nous avons adopté une position et clarifié l'orientation donnée à cet
ouvrage. Nous n’apportons pas pour autant de réponses claires à cette ques-
tion fondamentale.
Sans doute, la clé de l'énigme se trouve-t-elle dans le rapport «savoir/
connaissances» que l’apprenant construit en mettant en interaction ses pro-
pres connaissances avec le savoir qu'il est censé apprendre. Sans doute aussi,
ses connaissances se construiront-elles à travers cette dialectique «savoir/
connaissances ».

_ L'important ne se situe-t-il pas dans cette dialectique «savoir/connaissances» ?


Dans une perspective constructiviste, nous formulons l'hypothèse que
c’est à l’intérieur même de cette dialectique que se trouve la source des con-
naissances de l’apprenant. Adaptant ses connaissances au savoir et modifiant
le savoir en fonction de ses connaissances, l’apprenant crée de nouvelles con-
naissances. Les résultats de cette création de l’apprenant ne correspondent ni
au savoir que son enseignant lui demande d'apprendre, ni aux connaissances
qu'il possédait déjà. Ce qu’il produit est nécessairement nouveau.

Ils'agit d'une véritable création!


Vous avez dit création.…..! Bien sûr car il s’agit d’un acte original et uni-
que à plus d’un titre. C’est l’apprenant lui-même (et personne d'autre!) qui a
mis en relation le savoir à apprendre avec ses propres connaissances. Cette
mise en relation est tout à fait originale, elle n’existait pas auparavant. Elle est
268 Créer des conditions d'apprentissage
ERES
SR TPNEE
CRRPRR

également spécifique à l’apprenant car les connaissances d’un individu ne cor-


respondent à celles d'aucune autre personne. Cette mise en relation est donc
chaque fois un acte unique.
C'est également l’apprenant lui-même qui réalise une double adapta-
tion, adaptation du savoir à ses propres connaissances et adaptation de ses
connaissances à ce savoir. Cette double adaptation (que Piaget nomme pro-
cessus d’assimilation/accommodation) est le moteur de l'apprentissage.
Toutes les connaissances issues de cette dialectique «savoir/connais-
sance» sont des créations, elles sont originales et ne correspondent à aucune
autre création de connaissances.
Dès lors, la dialectique «savoir/connaissances » permet le fonctionne-
ment d’un processus original et créateur de connaissances. Ainsi, plus qu'un
acteur, l’'apprenant est l'artisan de ses propres connaissances. Sa production
est unique, en ce sens, plus qu'un artisan il est un artiste car ses créations, ses
nouvelles connaissances, sont toujours originales.

LE Selon l'hypothèse constructiviste, l’apprenant est un créateur de


connaissances! :

Répondons-nous aux deux conditions posées par Albert Morf pour dé-
velopper une véritable réflexion constructiviste sur l'apprentissage en contex-
te scolaire ?
«(..) Le constructivisme épistémologique remanie pour la didactique le rapport objet-
connaissance en éliminant de la théorie le recours à l'objet extérieur. Puisque les con-
naisances ne sont pas réductibles à une lecture du réel même élargi et abstrait, leur
établissement chez l'élève ne peut se réduire à une transmission de vérités
constatées; le connu étant le produit d'une construction, sa communication corres-
pond à une reconstruction chez l'interlocuteur ou l'élève.

L'effet majeur du constructivisme sur la pédagogie est un effet d'ouverture : il justifie


l'entrée en scène de pédagogies et de didactiques qui fondent l'acquisition du savoir
sur l'élaboration des connaissances par l'élève lui-même. La richesse de ces didacti-
ques dépend de deux conditions : premièrement l'épistémologie de l'enseignant doit
être adéquate, c'est-à-dire que sa propre image du savoir doit se prêter à une didac-
tique de reconstruction et deuxièmement, la lecture de l'activité cognitive de l'élève
doit être pertinente pour ses stratégies didactiques ».
Mort (1994 : 31)
Évidemment, nous ne pouvons répondre à la place des enseignants.
C’est cependant dans cette double perspective que cet ouvrage est écrit :
— proposer aux enseignants des didactiques des disciplines axées sur les
processus de construction des connaissances ;
— proposer aux enseignants de poser un regard positif sur les connais-
sances de leurs élèves.
Mais une telle approche ne peut se développer sans que le travail de
l'enseignant ne soit clairement balisé. C'est en ce sens que le chapitre suivant
pose enfin les conditions de l’apprentissage en contexte scolaire dans une
perspective socioconstructiviste et interactive.
Les conditions de l'apprentissage
en contexte scolaire

POUR OUVRIR LE DÉBAT...


«Le dessin n’est pas la forme, il est la manière de voir la forme».
Degas, cité par Le Guillou (1997 : 129)

«(..) Les constructivistes affirment qu'il n’y a pas d'observations, c’est-à-dire ni don-
nées, ni lois de la nature, ni objets extérieurs indépendants des observateurs qui les
font. La scientificité et la vérité de tous les phénomènes naturels sont des propriétés
de celui qui les décrit, non pas de ce qui est décrit.
La logique du monde est celle de la description du monde ».
Segal (1990 : 22)
270 Créer des conditions d'apprentissage

RÉSUMÉ

Ce chapitre décrit le processus enseignement/apprentissage, précisant ainsi


le rôle de chacun, celui de l'enseignant et celui de l'élève. Les résultats d’un
travail réalisé, avec des enseignants en fonction, à propos de notre conception
socioconstructiviste et interactive de l'apprentissage sont ensuite présentés.
Enfin, les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire sont détaillées à
chacune des phases de la démarche de l'enseignant.
Ce chapitre opérationnalise donc la définition de l’apprentissage proposée au
lecteur dans le chapitre précédent.

SOMMAIRE

Objectifs de ce chapitre
6.1 Introduction
6.2 Le processus enseignement/apprentissage
6.3 Ce qu'ils en disent
6.4 Les conditions de l'apprentissage
6.5 Le débat n'est pas clos

Ce chapitre développe une réflexion que nous avons proposée dans plu-
sieurs textes antérieurs :
— de Bueger-Vander Borght, C., Remacle-Pourbaix, A.-M. et Servranckx,
A.-M. (1996c). Apprendre à chercher. Chercher pour apprendre. Vi-
déogramme 1996. Louvain-la-Neuve : Laboratoire de pédagogie des
sciences.
— Jonnaert, Ph. (1995). Entrer dans l'apprentissage scolaire. In G. Forges,
(dir.), Enfants issus de l’immigration et apprentissage du français
langue seconde, (pages 15 à 53), Paris : Didier-Érudition.
— Jonnaert, Ph., Lauwaers, A. et Peltier, E. (1995). Facettes d'un ap-
prentissage scolaire. Bruxelles : SEGEC, (2e édition).

BIBLIOTHEQUE
” |
| Iniversité du Québec à Rimot JSK
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire

OBJECTIFS DE CE CHAPITRE
Ce chapitre permet au lecteur de clarifier le rôle et les fonctions de
chacun des acteurs en présence, enseignant et élève, à l'intérieur même du
processus enseignement/apprentissage, processus présenté dans une pers-
pective socioconstructiviste et interactive, fidèle à notre modèle SCI. Le lec-
teur pourra ainsi différencier l'approche cognitiviste, issue du traitement de
l'information, de l'approche socioconstructiviste, qui est la nôtre, à propos du
processus dont il est question.

Le lecteur découvrira, également dans ce chapitre, les questions que


se sont posées des enseignants en formation à l'égard de notre définition de
l'apprentissage en contexte scolaire. Ce questionnement permettra au lecteur
de poser un regard critique sur nos propos et plus particulièrement sur la con-
ception socioconstructiviste et interactive de l'apprentissage qui est la nô-
(RE

Enfin, le lecteur découvrira dans ce chapitre les conditions que nous


proposons pour qu’un apprentissage se réalise effectivement. Étape après éta-
pe, une série de démarches sont proposées, elles sont cohérentes avec le pa-
radigme épistémologique qui guide l'ouvrage. Le lecteur pourra en analyser la
logique et dégager de cette démarche les fondements d’une approche socio-
constructiviste et interactive de l'apprentissage en contexte scolaire.

Ces propos sont non normatifs, ils sont présentés et illustrés, comme
peut l'être un témoignage. C’est en ce sens, et en ce sens seulement, qu’il faut
comprendre ce chapitre. Nous décrivons donc des réalisations éprouvées à la
réalité concrète de la classe. Le lecteur peut adopter, adapter ou réfuter ces
suggestions. Elles sont là pour être remises en cause, questionnées, confron-
tées à la pratique des uns et des autres, amendées ou encore reconstruites.

1. INTRODUCTION
Dans cette partie de l'ouvrage, nous abordons enfin les conditions de
l'apprentissage en contexte scolaire.
Encore faut-il que le rôle de chacun soit clairement identifié! Nous
précisons d’abord la signification du processus enseignement/apprentissage
dans la perspective socioconstructiviste et interactive qui est la nôtre.
Nous présentons ensuite les réactions d’une série d'enseignants en
formation auxquels nous avons proposé notre approche du concept d’appren-
tissage. Cette définition de l'apprentissage suscite bon nombre de questionne-
ments chez ces derniers, praticiens au quotidien de l’apprentissage en
contexte scolaire. Leurs questions à notre définition sont décrites dans les li-
gnes qui suivent. Elles alimentent la critique par rapport au modèle SCT, mais
surtout elles permettent au lecteur de questionner à son tour le modèle et de
prendre du recul par rapport à nos propos.
272 Créer des conditions d'apprentissage

Nous répondons enfin, au moins partiellement, à ces questionnements


en proposant une série de conditions à mettre en place pour qu’un apprentis-
sage scolaire existe réellement.
Ces conditions sont importantes et montrent clairement qu’une ap-
proche socioconstructiviste et interactive de l'apprentissage n'est pas une œu-
vre hasardeuse. L'approche est stricte, rigoureuse, complexe. Et ce n’est pas
parce que le processus d'apprentissage, en tant que tel, est sous l'unique res-
ponsabilité de l’apprenant, que la tâche de l'enseignant est simplifiée. Que du
contraire, pour qu’un apprentissage se réalise réellement en classe, le rôle de
l'enseignant est majeur. Ses tâches sont multiples, diversifiées. Il traite le sa-
voir pour le placer dans des situations telles que des interactions existent en-
tre ce savoir et les connaissances des élèves. Il place également ses élèves
dans des conditions telles que des interactions sociales s’établissent entre ses
élèves et entre ses élèves et lui. Il gère le contrat didactique. Il contrôle la
transposition didactique. Ses fonctions sont complexes, difficiles, mais il est
une chose qu'il ne fait pas :

$ l'enseignant n'apprend pas à la place de l'élève!

Ce chapitre, définissant les conditions de l’apprentissage, précise les


tâches de l’un et l’autre : celles de l'enseignant et celles de ses élèves. Si ces
tâches respectives, celles de l’un et celles des autres, sont décrites séparé-
ment, elles sont cependant solidaires. Elles s'inscrivent dans une véritable dia-
lectique de l’enseignement et de l’apprentissage :

c'est parce que l'enseignant enseigne que les élèves apprennent,


_… mais c'est aussi parce que les élèves apprennent que l'enseignant doit
enseigner! |

La dynamique du processus «enseignement/apprentissage» est ins-


crite dans l'articulation des dévolutions et des contre-dévolutions didactiques.
Ces ruptures didactiques de contrat contraignent sans cesse chacun, ensei-
gnant et élève, de jouer le rôle qui est le sien, respectivement.

.… enseigner et apprendre!

2. LE PROCESSUS D'ENSEIGNEMENT/
APPRENTISSAGE
.…… OÙ la définition du rôle de chacun!

2.1 Introduction
Après avoir clarifié les rôles respectifs des élèves et de l'enseignant à
l'intérieur du tandem «enseignement/apprentissage», ce paragraphe reprend
différentes dimensions du modèle SCI de l'apprentissage. Le modèle SCI pose
des contraintes importantes sur le processus enseignement/apprentissage. Il
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 273

ne le réduit certainement pas à une simple reproduction des savoirs scolaires


par l'apprenant, refusant de considérer ce dernier comme un vulgaire psitta-
cidé.

Le processus enseignement/apprentissage est complexe! Les ensei-


gnants le savent bien. Un savoir qui est enseigné n’est pas nécessairement
appris. Bien plus, jamais les enseignants ne s’attendent à ce que tous leurs élè-
ves leur renvoient une copie conforme du savoir qu'ils leur ont enseigné. Ce
savoir est transformé, malmené, déformé, ... et finalement recréé par les
apprenants! C’est bien sûr cette création qui nous intéresse! À quelles condi-
tions risque-t-elle d’apparaître ?

2 etpuis, peut-on gérer ce processus complexe ?

Difficilement si l'enseignant veut tout contrôler, partiellement s’il ac-


cepte d’en partager la responsabilité avec l’apprenant! C’est en ce sens que
nous parlerons dans les lignes qui suivent.

Mais, … avant d'aller plus loin, répondons à la question : qui fait quoi ?

2.2 Les composantes du processus d'enseignement/


apprentissage.
Lorsque nous parlons d'apprentissage en contexte scolaire, pouvons-
u nous passer sous silence le concept d'enseignement ? Certainement pas! Le
modèle SCI permet une définition du rêle de chacun, enseignant et élèves,
dans un processus qui articule les activités d'enseignement à celles d’'ap-
prentissage.

2.2.1 Le rôle de l'enseignant...


L'enseignant joue un rôle majeur à l’intérieur du modèle SCI. Le bon
fonctionnement des dimensions interactives et socio dépendent directement
des activités de l'enseignant.
D'une part, l'enseignant organise la dimension interactive en plaçant
le savoir à apprendre dans des situations. Ces dernières ne sont pas n'importe
lesquelles! Dans une perspective d'apprentissage, ces situations permettent à
l'apprenant de construire des interactions entre ses propres connaissances et
le savoir à apprendre. L'organisation du savoir dans une perspective interacti-
ve exige donc une série de tâches de la part de l’enseignant. Elles se concré-
tisent par la triple exploration du savoir et par la mise en situation de ce
dernier. Nous y reviendrons dans les lignes qui suivent.

D'autre part, l'enseignant est le garant du bon fonctionnement des èn-


teractions sociales à l'intérieur de la relation didactique. Il doit les gérer effi-
cacement à travers le contrat didactique dont il partage la responsabilité avec
Créer des conditions d'apprentissage

ses élèves. Enfin, l'enseignant organise l’espace et le temps des apprentissages


scolaires.
Nous pouvons, avec Lansman et Tourneur (1985 : 93 et 94), considé-
rer les activités d'enseignement comme étant l’ensemble des opérations et des
conditions mises en place par l'enseignant pour faciliter les apprentissages des
élèves. Ces démarches sont variées : baliser le parcours, lever les embûches
inutiles, placer des panneaux indicateurs, ..., aider à l’organisation des acquis.
L'enseignant intervient aux différents moments de l'apprentissage, de sa pré-
paration (phase pré-active), à sa réalisation (phase interactive) et à son
évaluation (phase post-active). L'enseignement couvre donc autant les con-
ditions prévues a priori par l'enseignant, que ses démarches in situ, régulatri-
ces et facilitatrices des activités de l'élève, ou encore que ses démarches
d'évaluation au terme de l’ensemble du processus.

FIGURE 38

Différentes phases de l'action de l'enseignant

Durant la phase pré-active, il s'agira essentiellement pour l’ensei-


gnant de créer et de préparer les conditions de l'apprentissage. Durant la pha-
se interactive, il devra mettre l'élève en situation d'apprendre, gérer et
réguler les démarches d'apprentissage des élèves. Lors de la phase post-acti-
ve, il devra évaluer les résultats du processus d'apprentissage et sans doute
effectuer les ajustements nécessaires.
- mettre l'élève en situation d'apprendre
- Organiser le contrat didactique
- gérer et réguler les interactions sociales
- gérer et réguler les démarches d'apprentissage

- évaluer les résultats de l'apprentissage


- ajuster la démarche
- vérifier le transfert

FIGURE 39
DAS RNERES

Les fonctions de l'enseignant

Même si nos propos, en cet ouvrage, accordent beaucoup d'importan-


ce à la fonction d'apprentissage, la fonction d'enseignement ne peut être né-
gligée. En contexte scolaire, l'apprentissage n'existe pas indépendamment de
l'enseignement.

2.2.2 Le rôle de l'élève...

Le rôle de l'élève est d'apprendre. Ses deux principales fonctions sont


(1) de mettre ses propres connaissances en interaction avec le savoir et, au
départ de ces interactions, (2) de créer de nouvelles connaissances. L'appren-
tissage définit donc les actions de l’apprenant à l’intérieur des interactions
«connaissance/savoir». Le concept d'apprentissage en milieu scolaire précise
la part du chemin parcourue par l'élève pour créer ses connaissances à propos
d’un savoir scolaire. Même si l'enseignant prépare les conditions de lappren-
tissage, le processus d'apprentissage en tant que tel reste sous l’unique res-
ponsabilité de celui qui apprend. Lorsque nous parlons d'apprentissage, nous
évoquons en ces lignes les conduites, les opérations, les interventions ou les
interrogations de l’apprenant lui-même. L'enseignant ne contrôle que partiel-
lement la «situation» dans laquelle il place l'élève pour que cet apprentissage
se réalise. Il n’est pas «maître» de l'apprentissage d’un autre. L'enseignant
crée un contexte et des situations propices à l'apprentissage, il gère la mise en
situation du savoir et participe au contrat didactique mais le processus d’ap-
prentissage stricto sensu est sous la seule responsabilité de celui qui apprend,
… même si c'est un autre qui en gère le contexte.
276 Créer des conditions d'apprentissage

Dans un processus d'apprentissage, les conduites de l’apprenant sont


essentiellement de quatre ordres :

1) la mise en interaction de ses propres connaissances avec le savoir


à apprendre;
2) l'adaptation de ses connaissances au savoir à apprendre;

3) l'adaptation du savoir à apprendre à ses connaissances;


4) la création de nouvelles connaissances en coordonnant le résultat
de cette double adaptation pour répondre aux contraintes actuel-
les de la situation à laquelle il est confronté.
L'apprenant réalise ces quatre conduites en prenant en considération,
toute la durée du processus, les effets des interactions avec les pairs, avec
l'enseignant et aussi les effets de celles qui se passent entre l'enseignant et les
autres élèves. Pour réaliser son apprentissage, l’apprenant doit aussi gérer son
temps d'apprentissage et participer au contrat didactique. Enfin, cet appren-
tissage se déroule dans un contexte, un environnement physique : le cadre

mise en
interaction

adaptation
des savoirs à
apprendre aux

interactions
des
avecl'environnement
physique

les
à: 4
ati

FIGURE 40
Le
ve,7

Les actions fondamentales de l'apprenant


Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 274

Spatiotemporel de la classe. L’apprenant doit exploiter les ressources de cet


environnement physique et en neutraliser les contraintes. Il interagit néces-
sairement avec son environnement physique.
En contexte scolaire, l’apprenant pose donc une série de gestes fon-
damentaux pour créer des connaissances. Il le fait certes en interaction avec
ses pairs et avec son enseignant, il est cependant le seul pilote de cette opé-
ration complexe. Personne ne peut mettre les connaissances d’un autre en in-
teraction avec le savoir à apprendre.
Le résultat d’un apprentissage est toujours une réponse provisoire
aux contraintes actuelles d’une situation. Cette réponse sera pertinente tant
et aussi longtemps qu’elle sera viable dans les situations que rencontre l’ap-
prenant.

L'apprentissage est donc toujours sous l’unique contrôle de l’appre-


nant :

.. l'apprenant crée de nouvelles connaissances.

2.2.3 Le processus d'enseignement/apprentissage


en tant que tel...
Le processus d’enseignement/apprentissage articule les activités de
l'enseignant à celles des apprenants et vice-versa dans l'objectif de permettre
à ces derniers d'accomplir des tâches finalisées.
Le tandem enseignement/apprentissage a également pour fonction de
. créer la dynamique du contrat didactique. Dans cette dernière, l'enseignant et
les élèves partagent la responsabilité des interactions à propos du savoir au
sein de tâches proposées par l'enseignant. Certaines de ces tâches doivent
permettre à l’apprenant de créer de nouvelles connaissances à propos d’un
savoir à apprendre. À ce niveau, des clarifications s'imposent!

La création de connaissances est-elle construction de représentations.

… et puis, quelle est la signification du concept de représentation ?


Par ailleurs, la responsabilité de chacun par rapport au savoir est-elle
la même dans une perspective constructiviste que, par exemple, dans une
perspective cognitiviste issue du traitement de l'information ? Avant d'aller
plus loin dans la description du processus enseignement/apprentissage, ré-
pondons à cette double question.

e AVANT D'ALLER AU-DELÀ DANS NOS PROPOS,


LEVONS CERTAINES AMBIGUÏTÉS :

Le processus d’enseignement/apprentissage a-t-il pour finalité de per-


mettre la construction de «représentations» au sens cognitif du terme ?
En effet, une représentation se réfère, selon Varela (1989 : 99), à tout
ce qui peut être compris «comme étant à propos de quelque chose». Rappe-
Le

278 Créer des conditions d'apprentissage

lons cependant, que pour les cognitivistes issus des théories du traitement de
l'information, le monde est prédéfini, c'est-à-dire que ses propriétés sont éta-
blies préalablement à toute activité cognitive. Par ailleurs, le sujet se construit
des représentations à propos de ce monde. Le concept de représentation est
au cœur de leurs approches. Mais, ce concept est-il clair ?

D'une part, il n’est pas certain qu'une représentation soit dissociée de


ce qu’elle représente. Pour Piaget (1963), plutôt que de parler de dichotomie
entre «représentation» et «réalité représentée», il s’agit plutôt d'évoquer la
réunion d'un signifiant, qui permet l'évocation, avec un signifié fourni par la
pensée :

«On parle de représentation quand l'objet sur lequel portent les conduites n'est pas
celui qui leur donne leur sens, mais un substitut de cet objet. Pour parler de représen-
tation il est nécessaire qu'il y ait une relation entre deux systèmes d'objets (réels ou
mentaux) : l'un étant représentant de l’autre, le représenté. Cette relation est, en gé-
néral, non-symétrique. Il est en outre nécessaire qu'il existe une autre (ou des) rela-
tion(s) entre les comportements, actions, ou opérations effectués, ou plus
généralement effectuables, sur le représentant et celles effectuées ou effectuables
sur le représenté. Il s'agit d'un système complexe que l'on ne saurait réduire à un cou-
ple d'objets (ou d'événements) dont l’un serait considéré comme représentant de
l’autre ».

Bresson (1987 : 935)

Dans cette perspective, il ne peut y avoir de représentation que par les


conduites, les actions et les opérations qui les établissent et les font fonction-
ner. Une représentation n’est alors ni un fac-simile d’une réalité ontologique,
ni une structure mentale qui correspondrait point par point à un objet exté-
rieur à la personne. Il s’agit plutôt d’une structure mentale complexe, faite de
différents niveaux de relations, unissant le signifiant et le signifié en une nou-
velle composante cognitive, unique, spécifique au sujet qui l’a construite. Cet-
te nouvelle structure cognitive fond en une seule composante le signifiant et
le signifié, reconstruits et adaptés l’un à l’autre :

la représentation est nécessairement une création du sujet, elle est toujours


unique ! DER NET ANT MR RE

En effet, dans une optique constructiviste, le sujet construit ses con-


naissances tout en construisant le monde dans lequel il est plongé. Sans nier
l'évidence de l'existence de la réalité ontologique indépendamment du sujet
connaissant, cette réalité ontologique n’a cependant d'existence pour un sujet
qu'à partir du moment où il l’a construite pour lui, intégrée et adaptée à ses
propres connaissances et, réciproquement, qu'il aura adapté ses connaissan-
ces à ce monde. C’est donc chaque fois une construction personnelle, indivi-
duelle. Ce n'est que lorsque cette construction est momentanément achevée
que le sujet peut «connaître» cette réalité qui l'entoure, . mais qui, aussitôt
qu'il se l'est appropriée n’est plus du tout ontologique! Elle est sienne et per-
sonne d'autre que lui ne portera un regard identique au sien sur ce monde :
c'est impossible!
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 279
Bien plus, ce monde, qui est le sien, n’est jamais que provisoire. Il le
reconstruit sans cesse! Le sujet le modifie régulièrement, au gré de la cons-
truction de ses connaissances. Un sujet ne peut donc comprendre le monde
qu’à partir du moment où il s’est construit des connaissances, momentané-
ment pertinentes et momentanément viables, pour agir sur ce monde. L'inver-
se est difficile, comment entrer en contact avec une réalité ontologique à
propos de laquelle on ne dispose d'aucune grille de lecture, d'aucune connais-
sance, d'aucune entrée ? Que de fois n’entendons-nous pas l'expression com-
mune à propos d’un phénomène ou d’une réalité ontologique : «je ne peux
pas me l’imaginer!>

e UN EXEMPLE DE CONSTRUCTION DE CONNAISSANCES :


PROPOS D'UN BELGE AU QUÉBEC...

A da

«(..) Certes, l'embouchure du fleuve Saint-Laurent existait avant que je ne puisse moi-
même l’observer, la regarder, me construire des connaissances à son propos. Mais ma
grille de lecture de ce fleuve était fonction de mes connaissances des fleuves qui m'étaient
plus familiers, de tout petits fleuves comme la Meuse, l’Yser ou l’Escaut, … fleuves à la di-
mension de la Belgique. Aujourd’hui, non seulement je me suis construit des connaissances
à propos du Saint-Laurent parce que j'ai vécu plusieurs expériences à son propos, mais j'ai
aussi modifié mon regard à propos des fleuves qui m'étaient familiers. S'ils ne se jetaient
pas dans la Mer du Nord, je les comparerais plutôt à des rivières. Mais mes connaissances
actuelles à propos du Saint-Laurent ne sont certes pas celles des riverains de ce fleuve qui
portent sans doute sur lui un tout autre regard que le mien, pas plus que les riverains de la
Meuse, de l’Yser ou de l’'Escaut ne parviennent à comprendre mes propos sur le Saint-Lau-
rent lorsque j'en parle alors qu'ils ne l’ont jamais vu! Ils me disent qu'ils ne peuvent s'ima-
giner ce fleuve, il faudrait qu'ils viennent le voir! Ils y pensent en se référant à leurs
connaissances de fleuves : la Meuse, l'Escaut ou l’Yser!»

Bien sûr, ce fleuve existait bien avant que ce narrateur ne construise


des connaissances à son propos... ! Mais, avant qu'il ne soit lui-même confron-
té à ce fleuve, ce dernier n'existait pas réellement pour lui si ce n’est en
référence à ses propres connaissances d’autres fleuves. Il ne pouvait pas «se
limaginer!»
Après qu'il se soit construit des connaissances à propos de ce fleuve,
non seulement le Saint-Laurent qu'il connaît est le sien, mais en plus il ne por-
te plus du tout le même regard sur les fleuves qu'il connaissait déjà. Il s’est
construit des connaissances sur le Saint-Laurent et a modifié ses connaissan-
ces à propos d’autres fleuves.

e «REPRÉSENTATION» OÙ & CONNAISSANCES» ?

Dans cet ouvrage, nous n’utilisons pas, ou très peu, le terme


«représentation». La polysémie de ce mot renvoie à d’autres courants de pen-
sée, à d’autres épistémologies, à d’autres idéologies avec lesquelles nous ne
280 Créer des conditions d'apprentissage
RERO
ve MS

souhaitons guère créer de confusion. Nous préférons utiliser le mot «connais-


sance» pour évoquer tout ce qui relève du répertoire cognitif de l’apprenant
et conserver les termes «savoir» ou «information» pour évoquer ce qui est
placé en interaction avec les connaissances de l’apprenant.
Nous ne parlerons donc pas de la représentation que ce narrateur s’est
construite à propos du Saint-Laurent, mais plutôt de ses connaissances.
Mais pourquoi introduire ce débat dans ce paragraphe consacré au tandem en-
seignement/apprentissage ?

Afin d'éviter tout glissement conceptuel ou toute interprétation de


nos propos, il est important, à ce niveau, de repréciser les différences entre
une approche constructiviste et d’autres courants, particulièrement ceux, Co-
gnitivistes issus des théories du traitement de l'information, d'enseignement
stratégique, lorsque nous parlons du tandem «enseignement/apprentissage ».
Ce tandem est finalisé dans des tâches pour permettre, notamment, à l’appre-
nant de construire des connaissances. Un constructiviste ne porte certes pas
le même regard sur le processus de construction des connaissances que, par
exemple, un cognitiviste issu des théories du traitement de l'information.

À ce niveauau moins, une clarification s'impose !

e LE TANDEM ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE DANS UNE PERSPECTIVE


COGNITIVISTE

Parler du tandem «enseignement/apprentissage» évoque sans doute


les courants connexionnistes (Feldman et Ballard, 1982), ou plus récemment
ceux des néo-connexionnistes (McClelland et Rummelhart, 1986; John J. Ho-
pfield, 1987; ...) qui ont largement influencé les modèles cognitivistes d’ensei-
gnement stratégique issus des théories du traitement de l'information (Jones,
Palincsar, Ogle et Carr, 1987; Jones et Idol, 1990 et 1991; Tardif, 1992; ...).
Cette approche permet une gestion des contenus d'apprentissage et des dé-
marches d'enseignement en joignant l’acte d'apprendre à celui d'enseigner
(Langevin, 1992 : 43). Dans cette perspective, un statut est donné aux savoirs
à apprendre en les qualifiant de procéduraux, déclaratifs ou conditionnels.
En fonction de cette qualification des savoirs, leur présentation est organisée
dans des démarches d'enseignement afin de permettre des activités d’appren-
tissage. Des connaissances correspondantes (procédurales, déclaratives ou
conditionnelles) peuvent alors se construire chez l’apprenant. Dans ce con-
texte, le concept de représentation est important, car des liens sont recher-
chés entre les représentations des apprenants à propos du savoir à apprendre
et ce savoir lui-même, afin d'établir des correspondances entre eux.
Tout se passe comme s’il suffisait d'organiser l’enseignement et
d'apprêter les savoirs pour que l'élève apprenne! Les cognitivistes issus des
théories du traitement de l'information véhiculent une vision technique et ins-
trumentale de l’enseignement. Le vocabulaire de ce courant est très proche de
celui des sciences administratives et de l'informatique : efficacité, expertise,
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 281
RARES ARRET PERTE

rentabilité, mesure, excellence, contrôle, performance, rendement. Peu de


place y est laissée à l’imprévisible, aux connaissances pratiques, à l’improvisa-
tion, .. La pratique de l’enseignement est considérée comme une science ap-
pliquée, dans l’action de l'enseignant toute forme de contingence est éliminée
afin d'arriver à une gestion la plus efficace possible des informations, (Gau-
thier et al., 1997 : 112 et 113) !. Le tandem «enseignement/apprentissage »,
dans cette perspective, a pour fonction d'établir une correspondance, la plus
étroite possible, entre le savoir à apprendre et les nouvelles connaissances de
l'élève : ses représentations de ce savoir.

Nous nous écartons résolument de cette tendance, le tandem ensei-


gnement/apprentissage évoqué dans nos propos n’est donc pas à comprendre
dans le sens cognitiviste du concept.

° ET DANS UNE PERSPECTIVE CONSTRUCTIVISTE ?

Dans une perspective constructiviste, le tandem «enseignement/


apprentissage » est évidemment très important, il ne recherche cependant pas
une correspondance entre «savoirs» et «connaissances». Par contre, l’ensei-
gnant prépare des situations à l’intérieur desquelles l’apprenant est supposé
mettre ses propres connaissances en relation avec le savoir à apprendre. Sans
doute, dans les deux cas, constructivisme et cognitivisme issu des théories du
traitement de l'information, présentent-ils de grandes similarités!
Certes, l’un et l’autre des deux courants insiste sur la nécessité de
mettre «savoirs» et «connaissances» en interaction.

Mais, la ressemblance s'arrête là!

Dans l'optique constructiviste, cette mise en relation entre «savoirs »


et «connaissances» est sous la seule responsabilité de l’apprenant. Ses con-
naissances priment sur le savoir à apprendre, peu importent les caractéristi-
ques de ce dernier. C’est l’apprenant qui module lui-même le savoir et l’adapte
à ses propres connaissances. Corollairement, il adapte ses connaissances à ce
savoir. Ce n’est pas l'enseignant qui décide, a priori, quelles caractéristiques
auront les connaissances de l'élève! C’est l'élève lui-même qui les organise en
fonction de son propre patrimoine de connaissances. Dans l'optique, socio-
constructiviste et interactive qui est la nôtre, le tandem enseignement/ap-
prentissage a d’abord pour fonction de créer la dynamique du contrat
didactique, dans laquelle l'enseignant et les élèves partagent la responsabilité
des interactions à propos du savoir. Ce n’est pas l'enseignant seul qui décide
de ce qui se passera au sein de la relation didactique, l'élève a le droit à la
«contre-dévolution», aux «ruptures didactiques». De même, l'enseignant
n’exerce aucun contrôle sur les connaissances de l'élève. C’est l'élève seul qui

1 Gauthier et al. (1997) tout en reconnaissant les apports de la psychologie cognitive font une
critique de ce courant, particulièrement quant à sa ligne dure. Maurice Tardif et al. (1994) analy-
sent, dans une intéressante recension, les limites de l'apport de la psychologie cognitive à l’ensei-
gnement et à l'apprentissage.
Créer des conditions d'apprentissage

(bien sûr à travers les interactions sociales de la classe) décide d'investir dans
la situation qui lui est proposée, telle ou telle partie de son patrimoine de con-
naissances.

Dans une perspective socioconstructiviste et interactive, le tandem


enseignement/apprentissage est donc incontournable. Il a cependant une con-
notation très différente de celle, connectioniste, développée par les cognitivis-
tes issus des théories du traitement de l'information. Ce tandem devient le lieu
des interactions entre savoirs scolaires et connaissances des élèves, autant à
travers la situation proposée par l'enseignant (dimension interactive), à tra-
vers les échanges avec l'enseignant et les pairs (dimension socio), qu’à tra-
vers la réflexion que l'élève, seul cette fois, développe sur ses propres
connaissances (dimension constructiviste). Par définition donc, le tandem
enseignement/apprentissage correspond à l’espace de la mise en œuvre soli-
daire des trois dimensions du modèle SCI. Cet espace est défini par le contrat
didactique et est isomorphe (ou quasi isomorphe) à la zone de dialogue pré-
cisée dans les lignes qui précèdent. La perspective socioconstructiviste et in-
teractive sur le tandem enseignement/apprentissage signifie essentiellement,
qu'en aucun cas, ce tandem ne peut être dominé par un seul des trois parte-
naires, l'enseignant par exemple.

e RETENONS ESSENTIELLEMENT DE CES DEUX APPROCHES

Dans une perspective cognitiviste, issue des théories du traitement


de l'information, le tandem «enseignement/apprentissage » a pour fonction de
permettre à l'élève d'apprendre des savoirs en les reproduisant jusque dans
les caractéristiques que leur a données l'enseignant. Si le savoir est déclaratif,
les connaissances de l’apprenant devront l'être également. Les connaissances
de l'élève doivent correspondre aux savoirs proposés par l'enseignant. Ce tan-
dem est dominé par l’organisation que lui donne l'enseignant qui conçoit des
stratégies d'enseignement en fonction des caractéristiques qu'il attribue au
savoir. L'approche est instrumentale et connectioniste, elle poursuit l'objectif
de permettre à l'élève de construire des connaissances qui soient la réplique
ou le reflet des savoirs.

Ge quiprimedans une perspective cognitviste, c'est lesavoir à reproc


Dans une perspective constructiviste, le tandem «enseignement/
apprentissage» a pour fonction de permettre à l'élève de construire (sur base
de ses connaissances actuelles et à travers les interactions avec les pairs et
l'enseignant et celles que ses connaissances développent dans la situation
avec le savoir) de nouvelles connaissances provisoirement pertinentes et via-
bles par rapport à la situation à laquelle il est confronté. Les connaissances
que l'élève aura construites dans ces situations ne sont pas nécessairement
celles auxquelles l'enseignant peut s'attendre. Le tandem enseignement/ap-
prentissage n'est pas sous l'unique responsabilité de l'enseignant. Il est, par
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 283

excellence, le lieu de la mise en œuvre des trois dimensions du modèle SC].


Les nouvelles connaissances sont une création de l’apprenant, elles ne corres-
pondent pas nécessairement au savoir, objet de l'apprentissage, il s'agit tou-
jours d’une œuvre personnelle et provisoire!

nstructiviste, cesont les connaissances


Mais ces connaissances sont rarement définitives, acquises une fois
pour toutes, indexées à jamais dans un répertoire cognitif! Au contraire, elles
sont labiles, fragiles, et peuvent, à tout moment, être frappées d’obsolescence,
condamnées par une situation à l’intérieur de laquelle elles ne sont plus via-
bles.

C’est cette dimension, la labilité des connaissances, qui fait non seu-
lement la richesse des apprentissages scolaires, mais qui de surcroît les justi-
fie. Si les connaissances étaient stables, solides, définitivement installées, non
fragilisables, aucun apprentissage scolaire ne serait possible! Les apprentissa-
ges peuvent fonctionner car, justement, ils se fondent sur la fragilité des con-
naissances, toujours provisoires, toujours remises en cause et à reconstruire
aussitôt que les contraintes d’une nouvelle situation l’exigent.
À travers le modèle SCI, le tandem enseignement/apprentissage per-
met la création de connaissances par l’apprenant. Ce tandem permet aussi la
fragilisation des connaissances de l’apprenant en les confrontant à des situa-
tions qui risquent parfois de les remettre en cause.

e AU-DELÀ DES DIFFÉRENCES|


Cette distinction posée, nous pouvons revenir au tandem «enseigne-
ment/apprentissage» et le définir dans la perspective de cet ouvrage.
Ses deux volets, enseignement et apprentissage, sont indissociables,
ils sont solidaires et se justifient mutuellement par leur existence réciproque.
Cependant, en contexte scolaire, si l’enseignement seul a peu de raison d’être,
l'apprentissage peut exister indépendamment de l’enseignement, dans des si-
tuations a-didactiques par exemple. Toutefois, c’est essentiellement à travers
leur fonctionnement en réciprocité que se jouent le contrat didactique, les
ruptures de contrat, les dévolutions et les contre-dévolutions didactiques, ….,
les rapports des connaissances aux savoirs. C’est aussi à l’intérieur de ce tan-
dem que se créent les zones de dialogue indispensables à l'apprentissage. En-
fin, la zone proximale de développement ne peut se développer qu’à l'intérieur
de ce tandem.
Le tandem «enseignement/apprentissage» articule donc étroitement
les activités de l'enseignant, à celles de l’apprenant et réciproquement. Toute-
fois, l'enseignant doit admettre ses limites. Il ne peut se substituer, d’une ma-
nière ou d’une autre, à l'élève lorsqu'il s'agit d'apprendre. L'acte d'apprendre est
sous l'unique responsabilité de l’apprenant. De son côté, l'élève doit admettre
les limites des apprentissages scolaires, les connaissances qu'il développe en
284 Créer des conditions d'apprentissage
SARA NO PRET TEL

contexte scolaire dépendent des contenus de savoirs organisés dans les pro-
grammes, validés par les processus de transposition didactique et proposés par
l'enseignant. L'apprenant doit faire confiance aux finalités de ce savoir que l'en-
seignant a nécessairement analysées. L'apprenant est informé par l'enseignant
du résultat de cette analyse des finalités, il connaît le pourquoi de ce savoir, hic
et nunc, dans son cheminement d'élève. L'apprenant n’est donc pas libre de
choisir les contenus des apprentissages scolaires. Il est cependant libre de les
reconstruire et de créer des connaissances à leur propos... ou pas!

Enfin, revenant à nos premiers chapitres, chacun des deux versants


de la réalité du couple «enseignement/apprentissage » est défini l’un par la pé-
dagogie, l’autre par la didactique. C’est ce tandem qui en montre toute la com-
plémentarité. Didactique et pédagogie permettent, à deux, la compréhension
des pratiques d'enseignement et d'apprentissage (Altet, 1994 : 17; Gauthier et
al., 1997 : 96). La didactique (souvent définie comme étant à peu près l’équi-
valent du concept de theory of instruction, Gauthier, 1997 : 96) s'intéresse
plutôt au versant «construction des connaissances» et au volet «rapports de
l'apprenant au savoir», la didactique se préoccupe donc principalement de
l'apprentissage d’un savoir spécifique à une discipline scolaire. La pédagogie
quant à elle, se centre alors plutôt sur les actions de l’enseignant. Mais ces
frontières ne sont pas étanches, si frontières il y a! De toute évidence, c’est ce
tandem, ancré dans la pratique de la classe, qui montre combien ces deux con-
cepts, didactique et pédagogie, sont solidaires.

Le tandem «enseignement/apprentissage» est donc le lieu de toutes les solida-


rités et de toutes les complémentarités : enseignement/apprentissage, savoirs/
connaissances, didactique/pédagogie, élèves/enseignant, dévolution/contre-
dévolution, ….! ;

DOCUMENT

L'enseignement et l'apprentissage intéressent-ils tous les élèves ?

Extrait d'un texte d'Arthur Rimbaud daté de 1864, écolier, il n'avait que 10 ans, …
(Arthur Rimbaud. Œuvres diverses, Proses et vers de collège, extraits. Paris : Hachette).

«(...) Pourquoi, me disais-je, apprendre du grec, du latin ? Enfin on n'a pas besoin
de cela! Que m'importe à moi que je sois reçu. à quoi cela sert-il d’être reçu, rien,
n'est-ce pas ? Si pourtant on dit qu'on n’a une place que lorsqu'on est reçu. Moi,
je ne veux pas de place, je serai rentier. Quand même on en voudrait une, pour-
quoi apprendre le latin; personne ne parle cette langue. Quelquefois j'en vois sur
les journaux, mais Dieu merci, je ne serai pas journaliste.
Pourquoi apprendre et de l'histoire et de la géographie ? On à, il est vrai, besoin
de savoir que Paris est en France, mais on ne demande pas à quel degré de lati-
tude. De l'histoire, apprendre la vie de Chinaldon, de Nabopolassar, de Darius, de
Cyrus et d'Alexandre et de leurs autres compères remarquables par leurs noms
diaboliques est un supplice.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 285
LEE
EEE SES EE]

Que m'importe, moi qu'Alexandre ait été célèbre ? Que m'importe. Que sait-on
si les latins ont existé ? C'est peut-être quelque langue forgée: et quand même ils
auraient existé, qu'ils me laissent rentier et conservent leur langue pour eux! Quel
mal leur ai-je fait pour qu'ils me flanquent pareil supplice ?(...)».

Le fonctionnement du tandem enseignement/apprentissage n’est


donc pas automatique!
Il ne suffit pas de mettre des acteurs en présence, encore faut-il, par
le contrat didactique, provoquer des interactions et susciter chez l’apprenant
la volonté de mettre ses propres connaissances en interaction avec le savoir à
apprendre...
… à défaut, l’apprenant répétera à l'infini :

«Quel mal leur ai-je fait pour qu'ils me flanquent pareil supplice ?»

Cette question nous amène enfin à traiter la question des conditions


de l'apprentissage en contexte scolaire.

2.3 Que retenir ?

Le processus enseignement/apprentissage
(1) Le processus enseignement/apprentissage articule étroitement les activités de l'enseignant
à celles de l'élève et réciproquement.
(2) Le processus enseignement/apprentissage a pour fonction de permettre à l'élève de cons-
truire de nouvelles connaissances sur base de ses connaissances actuelles, à travers les
interactions avec les pairs et l'enseignant et grâce à la mise en interaction de ses connais-
sances avec le savoir à apprendre
Les nouvelles connaissances de l’élève sont provisoires et leur viabilité peut, à tout
moment, être remise en cause par les caractéristiques d’une nouvelle situation à laquelle
l'élève est confronté.
Même si «enseignement» et «apprentissage » sont solidaires, l'apprentissage reste sous la
seule responsabilité de l'élève. L'enseignant ne peut en aucun cas se substituer à ce dernier.
L'enseignant a pour fonction essentielle de créer les conditions de l'apprentissage.
L'élève a pour fonction essentielle d'apprendre.
Les nouvelles connaissances de l'élève ne correspondent pas nécessairement au savoir que
l'enseignant souhaitait qu’ils apprennent.

2.4 Quelques références pour aller plus loin.


— Gauthier, C. (1997). Pour une théorie de la pédagogie. Recherches
contemporaines sur le savoir des enseignants. Québec : Les Pres-
ses de l'Université Laval.
— Jonnaert, Ph., Lauwaers, A. et Peltier, E. (1995). Facettes d’un ap-
prentissage scolaire. Bruxelles : SEGEC, (2e édition).
286 Créer des conditions d'apprentissage

2.5 Concept-clé de ce paragraphe


le processus enseignement/apprentissage

2.6 Le débat n'est pas clos.


«(….) toute connaissance, tout savoir est inévitablement réinterprété suivant les pos-
tulats, les finalités et les expériences de cognition de celui ou de celle qui s'y intéresse.
Toutefois, l'originalité et les promesses de la thèse constructiviste seraient assez ba-
nales si celle-ci se résumait à ce seul principe. Or tel n'est pas le cas : le constructi-
visme suppose des remises en cause, des ruptures épistémologiques beaucoup
moins tranquilles que celle qui consiste simplement à reconnaître que, s’il y a plu-
sieurs chemins pour aller à Rome, tous les chemins conduisent bien à Rome!»
Larochelle et Bednarz (1994 : 6)

«(..) la chose est regardée comme étant, et étant seulement ce que fait d'elle l'intérêt
dominant ».
Baldwin, cité in Piaget (1978 : 194)

3. CE QU'ILS EN DISENT
.… OÙ le modèle SCI est questionné
par des praticiens!

3.1 Introduction
Dans ce paragraphe, nous reprenons les neuf aspects de notre défini-
tion de l'apprentissage en contexte scolaire et présentons les réactions qu'ils
ont suscitées auprès d'enseignants en fonction. Ces derniers participaient à
une formation durant laquelle ils ont été confrontés à notre approche de l’ap-
prentissage *. Les questions et les réactions de ces enseignants permettent au
lecteur de prendre quelque distance par rapport à notre approche. Ils peu-
vent, de ce fait, poser un regard critique sur le modèle SCI au départ duquel
nous avons construit notre conception de l'apprentissage. Si de nombreux
chercheurs adoptent aujourd’hui, d’une manière ou d’une autre, la thèse cons-
tructiviste, les pratiques quotidiennes des enseignants n’en demeurent pas
moins éloignées. Nous en faisons régulièrement l'observation lors de sessions
de formation continue des enseignants ou lors des visites de nos étudiants,
futurs enseignants, dans leur classe de stage.

«Depuis plusieurs années, les travaux qui ont été conduits dans la perspective du
constructivisme épistémologique ont contribué à la compréhension de la formation
des connaissances par l’apprenant et l'apprenante et à l'élaboration de situations di-
dactiques susceptibles de favoriser leur évolution. Toutefois, malgré ces promesses

2 Se référer à l'expérience de formation décrite dans : Jonnaert, Ph. (1995). Entrer dans
l'apprentissage scolaire. In G. Forges, (dir.), Enfants issus de l’immigration et apprentissage
du français langue seconde. (pages 15 à 53), Paris : Didier-Érudition.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 287
éducatives, l'intégration de la thèse constructiviste au renouvellement des pratiques
pédagogiques quotidiennes demeure marginale. Pourtant, de plus en plus de cher-
cheurs, de chercheuses et de pédagogues se réclament aujourd'hui de cette thèse,
sur la base de principes tel celui de la nécessité d'une participation active à la cons-
truction et à l'apprentissage des savoirs ».

Larochelle et Bednarz (1994 : 5)

Les lignes qui suivent témoignent du questionnement et de la résis-


tance que manifestent des praticiens à notre approche. Il est intéressant de
considérer ce point de vue, il nous permet d’une part de formuler une série de
propositions qui répondent, au moins partiellement, aux inquiétudes des en-
seignants. Cette approche ne peut être abordée superficiellement. Elle exige
de la part de celui qui veut l’adopter une réelle clarification de sa propre pos-
ture épistémologique. L'enseignant qui adopte le paradigme constructiviste
dans son approche des apprentissages scolaires, porte nécessairement un re-
gard particulier sur les processus cognitifs de ses élèves, mais aussi sur la
fonction même des situations qu'il leur propose. Il ne s’agit plus de leur faire
emmagasiner un savoir, mais bien de leur permettre de faire progresser leurs
connaissances tout en respectant les connaissances qu'ils ont déjà. C’est un
véritable bouleversement dans la pratique quotidienne de la classe : l’ensei-
gnant pose un autre regard sur les savoirs, un autre regard sur les processus
cognitifs de construction des connaissances par les élèves, un autre regard sur
les connaissances des élèves, mais aussi un autre regard sur ses propres
connaissances d'enseignant.
Adopter le paradigme constructiviste dans sa pratique pédagogique,
exige de la part de l'enseignant, une véritable rupture avec ses pratiques an-
térieures et sa conception de l'apprentissage, surtout si elles sont teintées de
comportementalisme ou d’autres postures incompatibles avec le nouveau pa-
radigme adopté. Dans la plupart des cas, l'enseignant vit un véritable renver-
sement paradigmatique qui se traduit par un changement radical de posture
épistémologique. Il doit abandonner sa vieille référence comportementaliste
pour adopter une conception socioconstructiviste et interactive des processus
cognitifs de construction des connaissances et de l'apprentissage.
Cela ne se fait pas sans peine, sans remise en cause personnelle! Mais,
nous l’observons de façon récurrente, lorsqu'un enseignant, après quelques
séances de formation, adopte le paradigme constructiviste, il ne comprend pas
comment il a pu si longtemps errer dans d’autres approches. Faut-il pour
autant crier victoire ?
«(…) L'essentiel pour notre propos, c'est que les changements de paradigmes ne dé-
crivent pas si facilement qu'on le croit, la victoire de la vérité sur l'erreur. Chacun
d'eux est un système cohérent, qui a son intérêt comme ses limites, et les comparai-
sons d'un paradigme à l’autre s'avèrent toujours extrêmement délicates, les éléments
n'ayant pas de correspondance terme à terme. La science moderne a rendu plus
modeste.»
Astolfi (1997 : 35)
288 Créer des conditions d'apprentissage

3.2 Un bref rappel...


Rappelons la définition qui guide notre réflexion à propos de l’appren-
tissage scolaire.

«Un apprentissage scolaire est un processus dynamique par lequel un apprenant, à travers
une série d'échanges avec ses pairs et l'enseignant, met en interaction ses connaissances
avec des savoirs codifiés dans l'objectif de créer de nouvelles connaissances, adaptées aux
contraintes et aux ressources de la situation à laquelle il est actuellement confronté, mais
aussi dans l'objectif d'utiliser ses nouvelles connaissances dans des situations non
didactiques ».

Cette définition est une synthèse, en extension elle se définit en 9


points. Nous les avons présentés antérieurement.

3.3 Quelles questions soulève chacun des neuf points


de la définition ?
Reprenant chacun des 9 points de notre définition de l’apprentissage
en contexte scolaire, nous décrivons une série de questions suscitées par la
présentation de cette définition auprès d'enseignants en formation continue.
Dans les lignes qui suivent, nous reprenons chacun des points et formulons à
leur suite les questions qu'ils ont suscitées auprès de ces enseignants.

(1) «Dans une perspective socioconstructiviste et interactive,


l'apprentissage scolaire est un processus qui se vit dans le cadre spatio-
temporel de l’école avec ses contraintes et ses ressources ».
Ce premier point soulève la question de l’organisation et de la gestion
du cadre spatio-temporel de l'apprentissage : un local de classe et un horaire
scolaire.

Questions des enseignants en formation :


— Comment organiser cet environnement physique de l’apprentissa-
ge scolaire pour qu'il soit un lieu où créer des connaissances, un
atelier au sens artisanal du terme, un espace de création ?
— Comment gérer le temps des apprentissages pour que l'horaire de
l'école et ses sonneries ne brisent pas, de façon quasi rituelle, toute
démarche à peine entamée dans la classe ?
— Comment organiser et gérer cet espace et ce temps pour que
l'apprentissage soit un véritable processus de construction de
connaissances ?

(2) et (3) «(2) Il (l'apprentissage) porte sur des objets spéci-


Jiques : les contenus des programmes scolaires; ces objets peuvent prendre
des formes différentes (savoir codifié, savoir-faire, savoir-être, … anis
sont cependant désignés par le nom générique de «savoirs ».
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire

(3) L'objectif d'un apprentissage scolaire est l'appropriation par


l’apprenant d'un savoir clairement identifié et validé par un processus de
transposition didactique».
Ces second et troisième points soulèvent la question de la transposi-
tion didactique et donc de la validation des savoirs codifiés proposés dans la
relation didactique.

Questions des enseignants en formation :


— D'où viennent les savoirs que l’on demande aux élèves d'apprendre
et dans quelle mesure sont-ils validés ?
— Quelle est la pertinence des savoirs scolaires proposés dans les
programmes ?
— Comment ces savoirs sont-ils validés, par quel processus ?
— Les programmes scolaires présentent une contrainte importante,
comment alléger ces programmes et faire en sorte qu'ils ne portent
que sur des contenus essentiels ?

(4) «Les savoirs, pour être appris, doivent être mis en situation
d’une manière telle que les connaissances de l’apprenant puissent entrer en
interaction avec eux».
Ce quatrième point permet d'envisager la dimension interactive de
l'apprentissage; il s’agit des interactions entre «savoirs» et «connaissances ».

Questions des enseignants en formation :


— Comment mettre les savoirs en situation ?
— Quelles situations sont pertinentes pour permettre à ces interac-
tions d'exister ?
— Un enseignant peut-il mettre les savoirs en interaction avec les con-
naissances de ses élèves sans brimer le processus de création mis
en place par l'élève lui-même ?
— Comment un élève peut-il analyser la viabilité de ses connaissances
dans une situation ?

(5) «Un apprentissage scolaire est localisé dans une zone de dia-
logue créée entre l'enseignant et les pairs, l’apprenant et le savoir; cette
zone de dialogue est définie grâce au travail du contrat didactique; dans
cet espace de dialogue, l'apprentissage scolaire se réalise à travers les in-
teractions sociales de l’apprenant avec l'enseignant et avec ses pairs».
Ce cinquième point permet d'envisager la dimension socio de l’ap-
prentissage scolaire; il s’agit des interactions sociales entre l’apprenant, son
enseignant et ses pairs à propos de l’objet d'apprentissage. Cette dimension
socio dépend fondamentalement du contrat didactique.
Créer des conditions d'apprentissage

Questions des enseignants en formation :


Comment mettre en place cette zone de dialogue ?
Comment gérer les interactions sociales en concentrant essentiel-
lement sur les rapports aux savoirs et aux Connaissances ?
Comment organiser le contrat didactique d’une manière telle qu'un
véritable partage des devoirs et des responsabilités respectifs exis-
te entre l'enseignant et les élèves ?

(6) «L'apprentissage scolaire se réalise à travers l'activité de


l'apprenant; cette activité se concrétise par un travail réflexif de l'apprenant
sur ses propres connaissances en interaction avec le savoir mis en situa-
tion».
Ce sixième point évoque la dimension constructiviste, corollaire de la
dimension interactive; il s’agit des différents processus d'adaptation des sa-
voirs et des connaissances au terme desquels l’apprenant aura créé de nouvel-
les connaissances qui lui seront spécifiques.

Questions des enseignants en formation :


Comment mettre l'élève en activité ?
Par quels types d'activité l’apprenant pourra-t-il construire de nou-
velles connaissances ?
Comment organiser ce travail réflexif de l’apprenant sur ses pro-
pres connaissances ?
Comment s'assurer que l'élève travaille bien sur ses propres
connaissances ?

(7) «Pour que l'apprentissage scolaire s’enclenche, il doit avoir


du sens et être motivant pour l’apprenant».
Ce septième point évoque les problématiques de motivation et d’ap-
prentissage signifiant pour l’apprenant.

Questions des enseignants en formation :


Comment motiver nos élèves ?
— Comment créer du sens pour les apprentissages scolaires ?
Comment maintenir la motivation de nos élèves à travers l’ensem-
ble des démarches d'enseignement et d'apprentissage ?

(8) «L'enseignant met en œuvre des moyens qui permettent une


mise en Silualion des savoirs porteuse de signification pour l’apprenant et
établissant des interactions entre «savoir» et «connaissances ».
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 291

Cette huitième dimension évoque les ressources que l'enseignant


mobilise pour organiser ses démarches d'enseignement et d'apprentissage.

Questions des enseignants en formation :


— Quel matériel utiliser ?
— Comment trouver de bons manuels scolaires et est-il est pertinent
d'utiliser des manuels scolaires ?
— Quels sont ces moyens, existent-ils réellement ou sont-ils à créer
par l'enseignant lui-même ?

(9) «Un apprentissage scolaire est réussi lorsque l'apprenant uti-


lise spontanément ses nouvelles connaissances dans des situations non
didactiques; l'évaluation des résultats d’un apprentissage scolaire est donc
rarement pertinente si elle ne s'effectue qu’en contexte scolaire».
Cette neuvième dimension évoque la problématique du transfert et de
son évaluation.

Questions des enseignants en formation :


— Comment créer des situations qui favorisent le transfert ?
— Comment vérifier si le transfert des connaissances existe réel-
lement ?
— Comment préparer l’apprenant à reconnaître dans des situations
non didactiques celles qui nécessitent l’utilisation des connaissan-
ces qu'il vient d'apprendre ?

3.4 Au-delà des questions.


des conditions dans une perspective non normative!
Toutes ces questions formulées par les enseignants sont pertinentes.
Confrontés au modèle SCI, ces derniers le décodent avec un regard de prati-
ciens et se posent les questions du «comment faire dans ma classe ?». Ils
ont raison. Pour être opérationnel, le modèle SC] devrait fournir réponse à
chacune de ces questions. Il ne le fait pourtant pas et laisse bon nombre d’en-
tre elles ouvertes!
Le questionnement est là! Il est sans doute plus important que les re-
cettes instrumentales. Il provoque nécessairement des frustrations. Il ne don-
ne certainement pas l'illusion qu’un modèle de l'apprentissage scolaire a le
pouvoir, dès demain matin, de révolutionner les pratiques dans les classes, de
solutionner tous les problèmes, toutes les difficultés, toutes les souffrances de
l'échec de l’apprentissage.
Créer des conditions d'apprentissage

Notre approche pose, clairement et de façon cohérente, un cadre


théorique pour l'apprentissage scolaire. Nous avons évité, dans le développe-
ment de ce cadre, tout compromis facile, toute ambiguïté, toute concession.
Notre posture épistémologique est claire, sans ambivalence :
STRESS ST

3e Ms MT AA SET AE

Actuellement, avec nos équipes de chercheurs, nous développons des


approches d'enseignement et d'apprentissage au cours de recherches colla-
boratives avec des écoles. Nos propres recherches, comme nos propres ensel-
gnements *, adoptent eux-mêmes des principes socioconstructivistes et inter-
actifs. Un corpus de données, à propos d’apprentissages socioconstructivistes
et interactifs en contexte scolaire, est en voie de constitution. Nous ne vou-
drions pas l’enfermer dans des préceptes, des règles ou des recettes qui, par
définition, videraient notre approche de toute sa substance. Nos propos se-
raient réducteurs.
Les lignes qui suivent sont le résultat d'observations et d'analyses de
pratiques d'enseignants adoptant résolument une approche socioconstructi-
viste et interactive. Il ne s’agit cependant pas de règles généralisables, coulées
dans du béton armé, qui dictent à chacun ce qu'il aurait à faire.

eue RNNNIESS

3 Nous avons mis en place une approche spécifique pour nos enseignements de mathémati-
ques et de didactique des mathématiques à l'Université de Sherbrooke. Pour ces cours, chaque
groupe d'étudiants (environ 120 étudiants) est redistribué en équipe de 8, chaque équipe est
animée par un «étudiant-tuteur». Les «étudiants-tuteurs» sont en dernière année de formation
et ont déjà bénéficié de l’enseignement pour lequel ils sont tuteurs. Pour chaque séance de cours
un concept est identifié, avant la séance les conceptions des étudiants à propos de ce concept
sont relevées. Cinq situations sont ensuite construites par le professeur et les chargés de cours,
elles sont ensuite proposées en atelier aux étudiants. Ces derniers travaillent au traitement de
ces situations, le tuteur fait verbaliser les démarches des étudiants et les confronte entre elles.
Plus que les concepts, ce sont les démarches respectives des étudiants et les contenus des con-
frontations qui sont mis en évidence. Les étudiants, futurs enseignants, réfléchissent, durant ces
cours, sur le concept et sur les interactions de leurs propres connaissances avec ce concept à
travers les interactions avec les autres. Les séquences sont régulièrement magnétoscopées et de
fréquents retours sur les vidéos sont réalisés pour permettre à ces étudiants d'analyser le rap-
port de leurs propres connaissances au savoir.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 293
su

3.5 Que retenir ?

Ce qu’ils en pensent
(1) Adopter une approche socioconstructiviste exige de la part des enseignants un changement
paradigmatique radical, si leurs références sont inscrites dans des paradigmes aussi anta-
gonistes à l'approche constructiviste que l’est l'approche comportementaliste.
(2) Tous les enseignants ne sont pas prêts à effectuer ce changement dans leurs pratiques quo-
tidiennes. Et, même si en formation continue une série d’entre eux adoptent notre concep-
tion de l'apprentissage, cela ne signifie nullement qu’un transfert s'effectue
automatiquement vers leurs pratiques quotidiennes de classe.
(3) Les questions posées par les enseignants sont pragmatiques. Nous n'avons certainement
pas de réponse à chacune d’elles. De toute façon, les réponses que nous apporterons, en
précisant les conditions de l'apprentissage, restent partielles et non normatives.
(4) Le questionnement de ces enseignants est plus important que nos réponses. Par les ques-
tions qu’ils se posent et qu'ils posent, ils ont entamé leur propre démarche de construction
de connaissances à propos de l'apprentissage.

3.6 Quelques références pour aller plus loin.


— Fourez, G. et de Bueger, C. (1995). Introduction à la socio-épistémo-
logie, in A. Giordan, J.-L. Martinand et D. Raichvarg, (dir.), Que sa-
vons-nous de nos savoirs scientifiques et techniques ? Actes des
XVIIe Journées Internationales sur la communication, l'éducation et la
culture scientifiques et industrielles, Centre Jean Franco, 27-31 mars
1995, pp. 185-196.
— Jonnaert, Ph. (1995b). Entrer dans l'apprentissage scolaire, in G. For-
ges, (éd.), Enfants issus de l'immigration et apprentissage du
français langue seconde, (pages 15 à 53). Paris : Didier-Erudition.
— Larochelle, M. et Bednarz, N. (1994). À propos du constructivisme et
de l'éducation. Revue des Sciences de l'Éducation, XX(1), 5-21.

3.7 Concepts-clés de ce paragraphe


changement paradigmatique - socioconstructivisme - questionnement

3.8 Le débat n'est pas clos.


«(..) ce changement de perspective n'est toutefois pas sans douleur lorsqu'on l'im-
porte dans le domaine de l'éducation intentionnelle : le constructivisme est incompa-
tible avec plusieurs croyances qui fondent généralement l'éducation formelle ou
scolaire. Règle générale, ces croyances se présentent comme des «allant-de-soi» et
constituent autant d'affirmations vierges de tout examen critique, sur les différentes
opérations ou visées possibles de l’entreprise éducative, sur les processus en jeu et
sur les façons de bien faire. Parmi ces visées et sur les opérations dont la faisabilité
n'est pour ainsi dire jamais ou rarement questionnée, j'examinerai particulièrement
celles relatives à la transmission des connaissances, à la réduction de l'écart entre
ce que l'élève connaît et ce qu'il devrait connaître et, enfin, à l'accumulation préven-
tive de connaissances qui ne serviraient que plus tard. Sans déclarer ces missions
impossibles, le constructivisme nous oblige à les réviser de façon radicale».
Pépin (1994 : 64)
294 Créer des conditions d'apprentissage
LAS

4. LES CONDITIONS DE L'APPRENTISSAGE


EN CONTEXTE SCOLAIRE
… Où l'on parle enfin d'apprentissage
en contexte scolaire!

4.1 Introduction

Les lignes qui suivent proposent une série d’orientations que l’en-
seignant peut décider ou non de donner à son enseignement. Il peut les ex-
périmenter, les adapter, les amender, les réfuter, ... Il s’agit d'approches
expérimentées (ou en cours d’expérimentation) dans des classes du primaire
ou du secondaire, ou encore dans nos cours universitaires à Sherbrooke ou à
Louvain-la-Neuve. Nous les décrivons comme des témoignages de notre ap-
proche. Celle-ci n’est cependant pas un produit fini, elle continue chaque jour
à se construire ou à se reconstruire.

Nous avons désarticulé notre définition de l'apprentissage pour la


recomposer autour des phases de l’action de l'enseignant : pré-active, inter-
active et post-active. La première partie de ce paragraphe décrit sommaire-
ment ces phases. Les conditions de l’apprentissage sont ensuite détaillées
l'une après l’autre. Des fiches «aide-mémoire» sont proposées au lecteur au
terme de chacune des trois phases de l’activité de l'enseignant.

Ce paragraphe a une visée d'application du modèle SCI. Il est donc


plus concret que les précédents. Il est directement orienté vers la pratique de
l'enseignant.

4.2 Les trois phases de l'activité de l'enseignant


Nous avons réorganisé les conditions de l'apprentissage autour des
trois phases de l’activité de l'enseignant : la phase pré-active, la phase inte-
ractive et la phase post-active.

Ces phases ne sont pas étanches, le processus enseignement/appren-


tissage implique un va-et-vient entre les dimensions pré-actives d’anticipa-
tion, interactives de déroulement de l’action et post-actives de retour sur
l'action (Gauthier et al., 1997 : 127). Ces différentes dimensions sont-désor-
mais classiques, de nombreux auteurs y font référence (Reynolds, 1992). El-
les définissent les fonctions de base de l’action de l'enseignant : la gestion de
la matière et la gestion de la classe (Gauthier et al. 1997). Cette approche
du tandem enseignement/apprentissage laisse à l'élève la responsabilité de ses
propres démarches d'apprentissage tout en attribuant à l'enseignant la
responsabilité de l’organisation et de la gestion du contexte dans lequel cet
apprentissage peut se manifester. Ces trois phases replacent le tandem ensei-
gnement/apprentissage dans sa dimension temporelle tout en précisant les
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire

spécificités de l’action des uns et des autres à chacun des moments de son dé-
roulement.
Sans entrer dans le détail, retenons sommairement de ces trois phases
les éléments suivants :
— durant la phase pré-active d'anticipation, l'enseignant prépare et
anticipe la séquence d’enseignement/apprentissage :
— durant la phase interactive de déroulement de l’action, l'enseignant
place les élèves dans des situations pertinentes par rapport à l’objet
d'apprentissage, il gère les interactions entre les élèves et entre les
élèves et lui;
— durant la phase post-active de retour sur l’action, l'enseignant ana-
lyse les effets de la séquence enseignement/apprentissage autant pour
ses élèves que pour lui-même.
Chacune de ces phases se caractérise par des gestes, des décisions,
des actions spécifiques que pose l'enseignant ou l'élève. Nous les décrivons
systématiquement dans les lignes qui suivent.

|Mais venons en aufait quellessont ces condtions ? |

4.3 Les conditions de l'apprentissage mises en place


au cours de la phase pré-active
, Durant la phase pré-active, l'enseignant exerce essentiellement une
action sur le savoir scolaire. Il définit l’objet de l’apprentissage scolaire et le
met en situation. Il recherche les ressources qui permettront à l'apprentissage
de se dérouler. L'ensemble de ce travail de l’enseignant prépare les condi-
tions relatives à la dimension interactive de l'apprentissage. Il s’agit pour
lui de créer les conditions pour que les connaissances de l'élève et le savoir à
apprendre entrent en interaction.
Actuellement, par rapport à ce travail de préparation de l’objet d’ap-
prentissage, nous avons identifié une série de conditions à mettre en place que
nous avons regroupées en trois grandes étapes :

(1) Connaître sa destination :


la formulation d’une ébauche d’hypothèse d'objectif
[(a) identifier l’objet d'apprentissage; (b) identifier les principales classes de situation qui font
appel à cet objet; (c) formuler une hypothèse d'objectif]

(2) Analyser le savoir et faire émerger les connaissances :


la réalisation d’une triple exploration du savoir codifié et des connaissances de l'élève
[(a) préparer une trame conceptuelle; (b) faire émerger les conceptions des apprenants; (c)
faire réaliser par l'enseignant une mise au point de ses propres connaissances à propos de
l'objet d'apprentissage]
296 Créer des conditions d'apprentissage
RUE

(3) Mettre le savoir en situation :


intégrer les informations précédentes pour créer des situations pertinentes
[(a) ajuster l'hypothèse d'objectif à la réalité des connaissances en présence à propos de ce
savoir codifié; (b) définir des situations pertinentes par rapport à l’objet d'apprentissage et aux
connaissances en présence; (c) identifier les ressources et les contraintes du contexte de
l'apprentissage; (d) communiquer l'hypothèse d'objectif et présenter les situations aux
apprenants]

43.1 Première condition : connaître sa destination.


ou la formulation d'une ébauche d'hypothèse d'objectif

(a) Identifier l'objet d'apprentissage

e LEURS 5
«l'objet d'apprentissage envisagé s'inscrit LR PONT ER RIRES
re officielle de mes élèves ?» à

L'enseignant identifie clairement le contenu et justifie ce qu'il va pro-


poser à ses élèves. Ce travail se fait sur base des programmes ou autres curri-
cula. Les apprentissages scolaires envisagent essentiellement des contenus
qu'une institution attend que des élèves maîtrisent à un moment donné. Ces
contenus sont inscrits dans des programmes. Il est donc opportun que l’en-
seignant vérifie ce que nous nommons la pertinence sociale du savoir codi-
Jfié proposé à ses élèves. La question qu'il se pose est alors la suivante :

«le contenu envisagé s'inscrit-il parmi ceux socialement attendus pour mes étu-.
… diants dans le curriculum d'études dans lequel ilssont actuellement inscrits 2». 1

L'analyse de la pertinence sociale du contenu proposé se fait en


vérifiant l’adéquation de ce contenu à celui du programme des études des
étudiants concernés.

e QUESTION:

«dans quelles finalités s'inscrit cecontenu ?»


Après avoir identifié l'objet d'apprentissage dans les programmes
scolaires, les répartitions de matières, les progressions ou autres curricula,
l'enseignant recherche la signification des finalités de l'apprentissage de
ce savoir codifié pour ses élèves. Il doit pouvoir répondre clairement à la
question :

Si, la première question posée permet à l'enseignant de vérifier la per-


linence sociale du contenu envisagé, cela ne signifie nullement qu'il doive
suivre à la lettre tout programme scolaire, que du contraire! L'enseignant n’est
pas un applicateur, stricto sensu, des programmes scolaires, nous l'avons déjà
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 297
précisé dans un chapitre antérieur. Et les programmes scolaires ne sont pas
des «parapluies» protégeant les enseignants de toute critique quant au con-
tenu d'apprentissage qu’ils proposent à leurs élèves. L'enseignant est un
«ajusteur » de programmes (Jonnaert, 1997). Sans cesse, il les adapte à la seu-
le réalité qui est la sienne : ses élèves avec leurs connaissances. Les pro-
grammes sont conçus pour un élève neutre, abstrait, qui correspondrait à une
sorte de prototype d'élèves d’un âge donné. Ce «pattern» d'élèves ne corres-
pond que rarement à ceux que l'enseignant a, quotidiennement, en face de lui.
Par ailleurs, la plupart des programmes fonctionnent selon une logi-
que de savoirs hiérarchisés et séquentialisés. Cette logique du savoir n’est cer-
tainement pas la logique de la connaissance des élèves bien vivants en face de
l'enseignant. L'apprentissage, dans la perspective socioconstructiviste qui est
la nôtre, se construit sur les connaissances en présence, les connaissances mi-
ses en évidence par les échanges entre les élèves à propos de l’objet d’appren-
tissage. Aucun programme ne peut décrire a priori ces connaissances des
élèves, pas plus que l'enseignant si une investigation n’est pas faite sur ces
dernières. Il faut sans cesse replacer les programmes à leur juste valeur. Ils
proposent, par la description des contenus, les balises que l’enseignant doit
respecter pour que la formation de ses étudiants répondent aux attentes
d’une société par rapport à un certain type d’études.
Après avoir identifié le savoir codifié, l'enseignant en analyse les fina-
lités pour ses élèves dans une société donnée. Il ne s’agit pas de leur faire ava-
ler n'importe quoi, pour n'importe quelle cause! Les contenus des programmes
ne sont jamais gratuits. Il nous semble qu'il est important que l’enseignants soit
“très critique par rapport à ces derniers. L'enseignant ne peut enseigner naï-
vement, pilotant à l’aveugle ses élèves, ignorant les finalités de ce qu'il leur
propose.

DOCUMENT

Moscou, 1930!

«(..) au même moment, mes déboires à l’université se poursuivaient. Faute d'une


faculté de chimie, je résolus de m'inscrire en biologie. Quelle ne fut pas ma décep-
tion quand j'appris que celle-ci avait disparu! Seuls avaient survécu les départe-
ments de botanique et de zoologie. Mais, là encore, je dus déchanter : la biologie,
la physiologie, la zoologie avaient été retirées des programmes. Ces matières
aussi n'étaient jugées d'aucune utilité pour l'édification de l'Etat socialiste. La zoo-
logie, par exemple, fut rebaptisée «science de la chasse», l'entomologie «lutte
contre les parasites», l'ichtyologie «industrie poissonnière», etc. Seul un dépar-
tement trouva finalement grâce à mes yeux : celui de «biologie physique et
chimique». C'était le seul que le Parti n'avait pas encore réussi à déboulonner. Je
résolus de m'y inscrire.

(...) Notre enseignement à l’université consistait d'abord en une instruction militai-


re. Tous les étudiants de notre département, soit trois cents élèves au total, reçu-
rent l’ordre de se rendre dans un camp de la banlieue de Moscou.
Créer des conditions d'apprentissage

(...) Quarante pour cent du programme, cependant, étaient consacrés à l'étude


des disciplines politiques telles que l'histoire du Parti, l'économie politique, l'éco-
nomie du socialisme, le matérialisme économique, le matérialisme dialectique et
la dialectique de la nature. (...)»

Zbarski (1997 : 71-73)

Cet exemple peut sembler caricatural. Il illustre à l'extrême les pres-


sions que subissent les programmes scolaires. Les finalités de chaque élément
d'un programme scolaire doivent être décodées. C’est le travail de l’ensei-
gnant. Bien plus, il est utile qu'il communique à ses élèves le pourquoi de tel
ou tel objet d'apprentissage. Le travail de l'enseignant sur les finalités de l’ob-
jet d'apprentissage est important. Dans certains cas, lorsque ces finalités n’ap-
paraissent pas clairement, l'enseignant peut prévoir un débat avec ses élèves
sur ces dernières. L'un et l’autre, enseignant et élève, ont le droit de refuser
de fonctionner à l’aveuglette, ignorant où cet apprentissage les conduira.

e EXEMPLE :
(Éléments extraits d’un cours universitaire de didactique des
mathématiques destiné à des futurs orthopédagogues).

Description de l’objet d'apprentissage :


Le programme universitaire de formation mathématique des futurs
orthopédagogues prévoit que ces derniers soient familiarisés avec l’utilisation
de différentes typologies des opérations arithmétiques. Il s’agit d’une part de
proposer à ces étudiants des typologies d'erreurs, dans les algorithmes d'opé-
rations réalisés par les élèves, et d'autre part de leur proposer des typologies
permettant l'analyse des opérations et des problèmes, proposés dans les ma-
nuels. Dans cette perspective, nous proposons aux futurs orthopédagogues
fréquentant nos cours de didactique des mathématiques à l’Université de
Sherbrooke une adaptation de la typologie de Riley, Greeno et Heller (1983) 4.
L'objet d'apprentissage, pour une activité au moins, est donc la typo-
logie de Riley et al. Cet objet correspond clairement aux typologies attendues
dans le programme d'étude de ces étudiants.
Ces typologies s'inscrivent dans les finalités de la formation des
orthopédagogues : ces derniers doivent développer des compétences pour
analyser et pour comprendre les procédures et les stratégies utilisées par les
élèves.

4 Cette typologie permet l'analyse des structures additives et soustractives présentes dans les
énoncés de problèmes arithmétiques.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 299

(b) Identifier les classes de situation qui font appel à l'objet


d'apprentissage

e QUESTION :

# «dans quelles situations, didactiques ou non, l'étudiant pourra-t-il utiliser le con- :


.… tenu d'apprentissage
qui luisera proposé ?» rte

Le travail sur la pertinence sociale de l’objet d'apprentissage et sur ses


finalités terminés, l'enseignant clarifie ce qu’il suppose que ses élèves pour-
ront en faire au terme de l'apprentissage scolaire. Il s’agit de préciser les
champs situationnels du savoir codifié envisagé.

Par champ situationnel, nous désignons un ensemble de classes de


situations, didactiques ou non, et les contextes, scolaires ou non, dans les-
quels apprenant pourra utiliser l’objet d'apprentissage. Il est évident que le
champ situationnel n’est jamais exhaustif, il est tributaire des choix de l’ensei-
gnant, il devra être ajusté aux connaissances de l’apprenant.

e EXEMPLE :

Classes de situations qui font appel l’objet d'apprentis-


sage décrit dans le paragraphe précédent : la typologie de
Riley :
classe de situations 1 : des démarches de choix de manuels
scolaires.
Nous simulons avec nos étudiants une démarche de choix de manuels
de mathématiques pour des élèves du second cycle de l’école primaire
et nous leur proposons de rechercher des outils qui leur permettront
d'analyser les problèmes arithmétiques proposés dans ces manuels.
Au terme de cette analyse, ils devront justifier le choix qu'ils feraient
d’un manuel.
classe de situations 2 : des démarches de choix d'énoncés de pro-
blèmes arithmétiques.
Nous proposons à nos étudiants plusieurs structures additives. Nous
leur précisons que ces structures doivent faire l’objet d'apprentissages
par des élèves du second cycle de l’école primaire. Nous leur deman-
dons ensuite de retrouver parmi une série de problèmes arithméti-
ques qui leur sont proposés, les énoncés qui correspondent à ces
structures additives.
classe de situations 3 : des démarches de préparation d’une éva-
luation.
Nous précisons aux étudiants les structures additives ayant fait l'objet
d'un apprentissage auprès d'élèves du second cycle de l’école primai-
re. Nous leur demandons de préparer une évaluation permettant de
300 Créer des conditions d'apprentissage

présenter aux élèves des problèmes arithmétiques correspondant aux


structures additives étudiées.

Chacune de ces trois classes de situations doit être présentée aux étu-
diants en même temps que l'hypothèse d'objectif. Ces situations permettent à
l'étudiant, dès la présentation de l'hypothèse d'objectif, de rencontrer des
contextes dans lesquels, professionnellement, il pourra utiliser le nouveau sa-
voir à propos duquel il lui est proposé de développer une démarche d’appren-
tissage.

(c) Formuler une hypothèse d'objectifs

e QUESTION :

tuations non didactiques dans lesquelles l’apprenant pourra effectivement


utiliser les connaissances qu'il aura construites durant l'apprentissage. Il s’agit
d'une mise en perspective de l’objet d'apprentissage au-delà de l’apprentissa-
ge scolaire. Cette démarche est importante, elle permet à l'enseignant de pré-
parer des situations proches, voire isomorphes, à celles dans lesquelles
l’apprenant pourra utiliser ultérieurement ses connaissances.
Une hypothèse d'objectif est la précision d’un ensemble de situations
pertinentes dans lesquelles l’apprenant pourra utiliser ses connaissances :
l'enseignant suppose que ses élèves pourront utiliser leurs nouvelles connais-
sances dans des situations précises et il les définit.
C’est au départ de la présentation de ces situations que l'enseignant
pourra faire émerger les connaissances des élèves à propos de l’objet d’ap-
prentissage envisagé.

Pour formuler une première ébauche de l'hypothèse d'objectif, l’ensei-


gnant doit réaliser les trois actions suivantes :
a) identifier à travers les programmes scolaires quel sera l’objet de
l'apprentissage;
b) identifier les situations qui font appel à ce savoir:
c) rédiger une première ébauche de l'hypothèse d'objectif.

e EXEMPLE :

Une ébauche de l'hypothèse d'objectif


à propos de la typologie de Riley:
«Les étudiants devraient pouvoir utiliser la typologie des structures
additives et soustractives de Riley et al. (1983) dans des situations d'analyse,
de choix et de conception d'énoncés de problèmes arithmétiques.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire

Il s’agit, par exemple, de situations de :


— Conception d’énoncés de problèmes devant servir à une évaluation;
— choix d’énoncés de problèmes pour la réalisation d'exercices au terme
d'un apprentissage d’une structure additive donnée;
— choix de manuels scolaires de mathématiques présentant des énoncés
de problèmes arithmétiques…».

° COMMENTAIRES À PROPOS DE L'EXEMPLE :

À la lecture de cette ébauche d’une hypothèse d'objectif, le contenu


de l’apprentissage peut être mis en perspective. L'enseignant peut déjà

Pourquoi?

Comment?

Pour arriver à quel résultat?

Une première hypothèse d'objectif est formulée, elle permet l'organisation de


la triple exploration du savoir sur base de deux types de données: (1) l'objet
d'apprentissage est identifié; (2) les classes situationnelles sont identifiées.

FIGURE 41
PESTE
Une ébauche d’hypothèse d'objectif : fiche aide-mémoire n° 1
302 Créer des conditions d'apprentissage
4 .

envisager les situations dans lesquelles le savoir pourra être utilisé. Par cette
mise en perspective de l’objet d'apprentissage, non seulement l'enseignant dé-
finit le type de situations qui seront proposées aux étudiants en cours d'ap-
prentissage mais en plus il prépare le transfert en évoquant les situations non
didactiques dans lesquelles ce savoir pourra être utilisé. Mais il ne s’agit que
d’une première ébauche, à ce stade, aucun lien n'est encore établi avec les
connaissances de l’apprenant. Cette première ébauche est cependant indis-
pensable pour y arriver.
Notons cependant, qu’à ce premier niveau de formulation, l'hypothèse
d'objectif se trouve à l’état brut. L'enseignant devra l’ajuster après le travail
réalisé au cours de la seconde condition : la triple exploration du savoir et des
connaissances de l'élève. (voir figure page précédente)

4.3.2 Seconde condition : analyser le savoir codifié


et faire émerger les conceptions
.… OÙ là réalisation d’une triple exploration du savoir
et des connaissances

(a) Les liens avec la première condition


Après avoir précisé une première hypothèse d'objectif, l'enseignant a
cerné deux catégories d'éléments relatifs à l'apprentissage :
a) l’objet d'apprentissage est présenté;
b) les classes des situations dans lesquelles fonctionne cet objet
sont identifiées.
Cette première approche de l’objet d'apprentissage n’est cependant
guère suffisante. Elle doit être complétée par une analyse qui prendra trois
directions :
a) l'analyse de l’objet en tant que tel, il s’agit de la définition de tra-
mes conceptuelles ;
b) l'analyse des connaissances des apprenants à propos de ce
contenu; il s’agit, selon la terminologie habituelle (Giordan et de
Vecchi, 1987), de faire émerger les conceptions des apprenants à
propos de ce contenu;
c) la mise au point par l'enseignant de ses propres connaissances à
propos de cet objet d'apprentissage.

(b) Définir une trame conceptuelle

e QUESTION :

«Comment les composantes de l'objet d'apprentissage s'organisent-elles entre


elles ?»

La nécessité d’une analyse approfondie de la matière enseignée est


apparue assez vite dans les travaux des didacticiens (Astolfi et al., 1997a : 10h
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 30

Les contenus des programmes sont insuffisants et ne permettent pas un tra-


vail en profondeur sur les contenus des apprentissages. Nous proposons une
rapide approche du concept de trame conceptuelle, qui peut être associé à
celui de carte conceptuelle. Il s'agit, dans les deux cas d’un travail de désarti-
culation de l’objet d'apprentissage. Ces deux concepts sont issus des travaux
de la didactique des sciences. Ils s’écartent fortement des traditionnelles ana-
lyses de contenus véhiculées par les théories des objectifs. Ces dernières ana-
lyses ont pour fonction de séquentialiser l’enseignement en étapes
(D'Hainaut, 1988, parle d'analyse descendante). Par contre, les trames con-
ceptuelles proposent des énoncés opérationnels directement reliés à des clas-
ses de situations, à l’intérieur desquelles le concept analysé fonctionne. Notre
propos, dans une perspective socioconstructiviste et interactive, est de dé-
couvrir les situations dans lesquelles l’apprenant pourra vérifier la viabilité de
ses propres connaissances à propos d’un objet d'apprentissage. Une trame
conceptuelle est alors intéressante, elle permet à l'enseignant d'identifier ces
situations parmi un ensemble plus vaste de situations.

Pr Mais qu’entendre par trame conceptuelle PISRAE

Une trame conceptuelle est le résultat d’une analyse de l’objet d'apprentissage. Toute
analyse de la matière désarticule en quelque sorte l’objet d'apprentissage en ses
composantes et le met en interaction avec les concepts proches. Dans une trame
conceptuelle, les composantes de l’objet de savoir sont présentées sous forme
d'énoncés (des phrases complètes, Astolfi et al., 1997a : 168) et sont organisées en
réseau :

«(...) cette analyse s'effectue largement a priori, sans référence à un niveau d’ensei-
gnement donné. Elle puise ses objets dans l’état du savoir scientifique universitaire,
complété par des approches de type épistémologique et historique. On aboutit ainsi
à des trames conceptuelles (...)».
Astolfi, et al. (1997a : 168)

Une trame conceptuelle est composée d’une série d’énoncés com-


plets. Il s’agit de phrases pouvant être lues indépendamment des autres énon-
cés. Ces énoncés sont reliés à des classes situationnelles. Dans une trame
conceptuelle, ces énoncés ne sont pas nécessairement hiérarchisés. Cepen-
dant, des liens logiques (plutôt que chronologiques) sont établis entre les
composantes de la trame conceptuelle.

Pour construire une trame conceptuelle, nous définissons d’abord une


carte conceptuelle.

e L'ÉLABORATION D'UNE TRAME CONCEPTUELLE PASSE


PAR LES ÉTAPES SUIVANTES :

(1) désigner l’objet d'apprentissage (travail réalisé dans l'étape


précédente);

(2) définir clairement cet objet d'apprentissage en éliminant toutes


les ambiguïtés possibles (travail réalisé dans l'étape précédente);
Créer des conditions d'apprentissage

(3) élaborer une carte conceptuelle dans laquelle les concepts et


leurs interrelations sont présentés schématiquement;
(4) formuler des énoncés qui permettent une compréhension non
équivoque des concepts reliés entre eux et faisant référence à une
classe de situations;
(5) organiser ces énoncés dans une trame conceptuelle.

e EXEMPLE DE CARTE CONCEPTUELLE :

(Présentation des différentes phases de l'élaboration d’une carte con-


ceptuelle à propos du concept de nutrition; éléments extraits d’un cours de
didactique des sciences).
(1) désigner l'objet d'apprentissage : «la nutrition»;
(2) définir l'objet d'apprentissage en évitant les confusions avec les
termes proches : «(...}nutrition et alimentation sont souvent
considérés comme des synonymes. L'alimentation concerne l’in-
gestion des aliments chez les hétérotrophes”, alors que la nutri-
tion concerne l’ingestion et l’utilisation des aliments par tous les
organismes vivants » ;
(3) élaborer une carte conceptuelle.
Cette carte conceptuelle intègre l'alimentation humaine dans le cadre
général de la nutrition des autotrophes et des hétérotrophes. Il semblait im-
portant aux auteurs de cette carte conceptuelle (de Bueger-Vander Borght,
1996b) d'aborder la présence de la fonction de nutrition non seulement chez
les hétérotrophes mais aussi chez les autotrophes. En effet, les élèves du se-
condaire pensent généralement que ces derniers (les autotrophes, comme par
exemple les végétaux) se nourrissent d’eau et de sels minéraux et qu'ils effec-
tuent la photosynthèse pour «nourrir» les hétérotrophes. Cette carte aborde
également l'équilibre alimentaire et les maladies qui peuvent en découler si
l'équilibre n’est pas maintenu.

Cette carte a donc été construite après un travail sur les conceptions
des élèves.

e EXEMPLE DE TRAME CONCEPTUELLE :

(présentation des différentes phases de l'élaboration d’une trame con-


ceptuelle à propos du concept de nutrition; éléments extraits d’un cours de
didactique des sciences).

5 Un organisme hétérotrophe se nourrit de substances organiques, il ne peut lui-même effec-


tuer la synthèse des substances qui le constituent. Par contre, un organisme autotrophe est
capable d'élaborer ses propres substances organiques à partir d'éléments minéraux. Les végé-
taux et de nombreuses bactéries sont autotrophes.
305
Le

Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire

CEGERC
ALLO
Een
Rate
sep
eJejUeLuIjE 81qlInbe

e ej
Senp
ned

00090
OuLO2

D EE
ie |

aUUO9
ue
e/gWesu8 un
pueldu09

con
SN]

yn4ep
8p
SUO/OUO}
81e
Inb
1ned
ed
TE
__

ONE

|
FSau
SeS0dL09

21
ap
dur.

"SAUIUENA

ee
1ned
nejaui!

A
PRET
CRT
ET

FIGURE 42

Carte conceptuelle de la nutrition (de Bueger-Vander Borght, 1996b :


doc.4, p.3)
Créer des conditions d'apprentissage

(4) formuler des énoncés non équivoques qui permettent l’'élabora-


EM tion de la trame conceptuelle; (voir les énoncés repris dans la tra-
me conceptuelle) ;
(5) organiser ces énoncés entre eux sous forme de frame concep-
tuelle.

FE Classe des situations


Classe des situations intégrant les problèmes de
intégrant les problèmes l'assimilation des nutriments
de la digestion et de ses et du fonctionnement des
dysfonctionnements cellules

Au cours de l'assimilation, ces


nutriments sont utilisés par les
cellules pour la croissance, la
rénovation des tissus, l'apport
d'énergie, …

Les aliments absorbés ont iti I Au cours de l'excrétion,


M] été transformés par la ES AL les déchets de la nutrition
| digestion en nutriments désassimilation qui ont lieu dans sont rejetés hors de l'orga-
| comme le glucose, l'acide un organisme vivant, lui per- nisme
.| aminé, … mettant de se maintenir en bon
état et lui fournissant l'énergie
nécessaire.

L'absorption des aliments


composés d'eau, de sels n
minéraux, de vitamines,
de HUE de glucides,
La nutrition comprend
une série de fonctions
de lipides, …, est une de
ces lonctions

Classe des situations É Classe des situations


intégrant les problèmes : intégrant les problèmes de
de l'absorption et de la l'excrétion et ceux écologi-
composition des aliment ques du rejet des déchets

PRET RTENETE
(U 1UONn |
: les a 0
liens avec à Ja FE ain
d'autres
trames

FIGURE 43

Exemple de trame conceptuelle à propos du concept de nutrition


des hétérotrophes
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 307

° COMMENTAIRES À PROPOS DU CONCEPT DE TRAME


CONCEPTUELLE :

Une trame conceptuelle est toujours le reflet des conceptions de la


personne qui l’a construite. Par des énoncés simples, elle permet d’avoir
immédiatement sous les yeux l’organisation de l’objet d'apprentissage et les
classes des situations dans lesquelles cet objet fonctionne. Il n’y a pas de hié-
rarchie entre ces classes de situation. Chacune d’entre elles peut servir d’en-
trée dans l’apprentissage. Ce sont ces classes de situations qui permettront à
l'enseignant de construire des situations à l’intérieur desquelles les appre-
nants pourront faire interagir leurs propres connaissances avec le savoir à ap-
prendre. Cette approche est bien différente des «analyses hiérarchiques» de
Scandura ou autres «analyses descendantes» de D'Hainaut. Ces derniers dé-
tricotent tous les concepts en leurs moindres composantes, les organisent et
les présentent sous forme d’arbres hiérarchiques complexes au départ
desquels les enseignants doivent programmer les apprentissages en micro-
objectifs hiérarchisés.
Dans une perspective socioconstructiviste et interactive, la trame
conceptuelle permet à l'enseignant de disposer de la cartographie des clas-
ses de situations à l’intérieur desquelles l’objet d'apprentissage fonctionne.
Dans un premier temps, cette approche est suffisante. Elle permet à l’ensei-
gnant de constituer une banque de situations à propos de l’objet d’appren-
tissage. C’est au départ de ces situations qu’il pourra faire interagir les
connaissances de ses élèves avec l’objet d'apprentissage. Ce panorama des si-
tuations possibles est indispensable à une approche qui recherche linterac-
tion entre les connaissances de l'élève et le savoir à apprendre.
Au terme de cette analyse de contenu, l'enseignant doit disposer
d’une définition simple et non équivoque de l’objet d'apprentissage. Il doit aus-
si disposer du panorama des classes de situations dans lesquelles cet objet
fonctionne. Cette démarche est élémentaire, elle permet à l'enseignant de dis-
poser en permanence d’une image simple (et non d’une image simpliste) du
concept envisagé associé à des classes de situations.

(c) Faire émerger les conceptions des élèves

e QUESTION :
«quelles sont les connaissances de mes élèves à propos de l'objet
Édaphrenissage 7e ir dus

La trame conceptuelle nous permet de disposer d’une série de situa-


tions que nous pouvons proposer à l'apprenant. L'objectif de cette nouvelle
étape est de faire émerger les connaissances de l’apprenant à propos de l’objet
d'apprentissage envisagé.
Créer des conditions d'apprentissage

e LA NOTION DE CONCEPTION :

Il existe une littérature abondante sur la question des conceptions


des élèves, particulièrement en didactique des sciences et des mathénmati-
ques. Nous ne reviendrons pas sur cet aspect, aujourd’hui évident lorsque
nous parlons de didactique d’une discipline. Nous renvoyons le lecteur à la lit-
térature sur la question et aux textes que nous avons nous-même Commis sur
ce sujet.
Nous retenons simplement le caractère incontournable des concep-
tions des élèves dans l’organisation de l'apprentissage en contexte scolaire. Le
travail d'émergence de ces conceptions constitue une des composantes essen-
tielles de l'analyse du contenu d'apprentissage. Sans doute cette dimension de
l'analyse de contenu fait-elle peur aux enseignants. Elle est cependant simple
et après quelques années de pratique, un enseignant attentif dispose d’une s0-
lide banque de conceptions pour chacun des objets d'apprentissage qu'il tra-
vaille régulièrement avec ses élèves. S'il constate une certaine variabilité
d'une année scolaire à l’autre, il observe surtout une récurrence des grandes
catégories de conceptions d’année en année.

Nous avons choisi le terme «conception». Il est moins ambivalent que


celui de représentation qui évoque beaucoup d’autres choses, depuis les re-
présentations sociales jusqu'aux représentations sémiotiques (Duval, 1995).
Les conceptions d’un individu font évidemment partie de son patrimoine de
connaissances. Le terme «connaissance» serait sans doute suffisant. Nous
n'aimons pas cataloguer les connaissances. Nous donnerions au lecteur l’illu-
sion que le patrimoine des connaissances d’un individu est organisé et struc-
turé comme une bibliothèque nationale où tout est indexé, fiché, classé,
hiérarchisé, empilé, ordonné, .. typologisé, ...! Le terme «conception» est
habituellement utilisé par les chercheurs en didactique pour désigner les con-
naissances antérieures des élèves à propos d’un objet d'apprentissage. Ce ter-
me permet d'éviter les ambiguïtés du terme «représentation», ambiguïté
dénoncée depuis le début de son utilisation par les didacticiens (Giordan et de
Vecchi, 1987).

Par «conception» nous désignons donc un ensemble de connaissan-


ces de l'élève à propos d’un objet d'apprentissage. Ces connaissances sont an-
térieures à l'apprentissage systématique envisagé à propos de cet objet
d'apprentissage. Les conceptions d’un élève sont donc les connaissances que
l'élève accepte d’injecter, à un moment donné, dans une première situation à
laquelle il est confronté à propos de cet objet d'apprentissage. Elles sont

6 Astolfi, J.-P, (1997); Astolfi, J.-P. et al. (1984); Barth, B.-M., (1993); Bednarz, C. et Garnier,
C. (1989); de Bueger-Vander Borght, C. et al. (1989, 1990, 1991, ..); Désautels, J. et Larochelle,
M., (1989); Giordan, A., de Vecchi, G. (1987); Jonnaert, Ph., (1988) ;Jonnaert, Ph. et al. (1989);
Johsua, S. et Dupin, J.-J., (1989); …
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 309

précaires et susceptibles d'évoluer au cours de la démarche d’enseignement/


apprentissage organisée par l'enseignant.
Les conceptions correspondent à la partie visible de l’iceberg des con-
naissances. Elles sont l'indicateur des connaissances d’un individu à propos
d'un objet d'apprentissage. Les conceptions d’un élève ne servent pas à cata-
loguer de façon irréversible les connaissances de l'élève. Elles vont plutôt
permettre d'identifier des situations auxquelles l'élève sera confronté afin de
vérifier la viabilité de ses propres connaissances.
Les conceptions d’un élève sont toujours fonction de la situation dans
laquelle elles sont observées, du moment et de leurs conditions d'émergence :
«(...) une conception est toujours actualisée par la situation vécue, par les questions
posées. Elle peut dépendre de la séquence pédagogique mise en place, du contex-
te dans lequel elle émerge (...). Il s’agit en fait de mobiliser ce que l'on sait et de
l'adapter à la situation que l'on vit».
Giordan et de Vecchi (1987 : 83)

Ces conceptions ne peuvent être assimilées aux connaissances de


l’apprenant, elles n’en sont qu’un indicateur. Il s’agit cependant, pour l’ensei-
gnant, d'un indicateur intéressant pour choisir des situations dans lesquelles
l'élève pourra établir un rapport entre l’objet d'apprentissage et ses propres
connaissances. N'oublions pas que l’apprentissage se construit sur base de ce
rapport particulier :
«(..) le rapport au savoir est l'ensemble des relations qu'un sujet entretient avec un
objet, un «contenu de pensée», une activité, une relation interpersonnelle, un lieu,
une personne, une situation, une occasion, une obligation, etc., liés en quelque façon
à l'apprendre et au savoir — par là même, il est aussi rapport au langage, rapport au
temps, rapport à l’activité dans le monde et sur le monde, rapports aux autres, et rap-
port à soi-même comme plus ou moins capable».
Charlot (1997 : 94)

Nous avons préféré, depuis le début de cet ouvrage évoquer le rapport


«savoir/connaissances» ou encore le rapport «objet d'apprentissage/
connaissances». Cela signifie-t-il que le rapport entre l’objet d'apprentissage
et les connaissances de l’apprenant se fasse de manière automatique et
directe ? Rien n’est moins certain! Ce rapport entre le savoir (ou tout autre ob-
jet d'apprentissage) et les connaissances de l’apprenant n’est pas direct, en-
core moins systématisable. Il se fait par l'intermédiaire des conceptions de
l'apprenant à propos de l’objet d'apprentissage. La métaphore de l’iceberg per-
met de visualiser la dynamique de ce rapport des connaissances du sujet à
l’objet d'apprentissage mis en situation.
310 Créer des conditions d'apprentissage
ET er ER ER RET ET

La _
Pa =]
Ed »
7 Situation proposée par ù
d l'enseignant à propos ù es, Interactions directes
d'un objet d'apprentissag \ AE:
| donné es TS TER } ‘2222!
VE Interactions indirectes
Mu

a
d
È

L
Partie émergée et visible
des connaissances que
LU
È
D : 0
+ 2 nu LE — ee d l'élève accepte d'injecter
Conception de ; dans une situation donnée
“ - . . £

E LA
S 8 Le \l'élève à propos de … : à un moment donné
8 à © Fe

se
s È Partie
Ê Ka) Connaissances de immergée des
e © l'élève à propos de … connaissances
LUE non visibles
de l'élève

FIGURE 44
FORSERENIERELS

L'iceberg des connaissances (Jonnaert, 1988)

(Remarque : l'illustration relative aux conceptions des élèves à pro-


pos du cœur et de son fonctionnement permet d’avoir une approche plus
opératoire de la figure 44).
À travers ses conceptions, l'élève établit donc un rapport entre l’objet
d'apprentissage et ses connaissances. Dans une perspective constructiviste et
interactive, les conceptions des apprenants jouent un rôle majeur dans les
apprentissages scolaires : elles sont le cordon ombilical de la dimension
«interactive» de l'apprentissage. Les conceptions établissent le contact entre
les connaissances d’un sujet et l’objet d'apprentissage. La fonction des con-
ceptions est importante :

mettre l'objet d'apprentissage en interaction avec les connaissances du sujet!

Les «représentations», quant à elles, ont des connotations bien diffé-


rentes du terme de «conception». Nous nous en méfions! Elles sont souvent
interprétées comme la correspondance cognitive d’une réalité externe, sorte
d'image mentale, reflet de la réalité ontologique. Par contre, les conceptions
font référence à des connaissances utilisées par l’apprenant, à un moment
donné, pour fonctionner à l’intérieur même de la situation qui lui est proposée :
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 311
Ro

«(le terme de «conception») met l'accent sur le fait qu’il s'agit, à un premier niveau,
d'un ensemble d'idées coordonnées et d'images cohérentes, explicatives, utilisées
par les apprenants pour raisonner face à des situations-problèmes, mais surtout il
met en évidence l’idée que cet ensemble traduit une structure mentale sous-jacente
responsable de ces manifestations contextuelles ».
Giordan et de Vecchi (1987 : 79)

DOCUMENT

Extrait de Jonnaert, Duquesne et Tourneur (1989 : 42-43) :

Vous avez dit représentation. ?


«(...) De nombreux travaux en sciences de l'éducation portent sur les connaissan-
ces que les apprenants possèdent au moment où ils amorcent un nouvel appren-
tissage. Ce courant de recherches a pris une réelle ampleur au cours des deux
dernières décennies; il s’est particulièrement arrêté au problème des représenta-
tions. Les premiers travaux ont transposé le concept d'obstacle épistémologique
de l’épistémologie des sciences (Bachelard, 1938) vers la didactique des discipli-
nes (Sanner, 1975; Giordan, 1978; Brousseau, 1980; ..). Les précurseurs utili-
saient les expressions «obstacle épistémologique » (Sanner et Brousseau) et
«représentation» (Giordan) pour désigner le même type de connaissance chez
l'élève : une connaissance antérieure à un apprentissage systématique, pouvant
faire obstacle à ce dernier ou au contraire le faciliter. Progressivement, le mot
«représentation» a pris le pas sur celui d’obstacle épistémologique » (il s'était déjà
imposé en psychologie sociale avec Moscovici, dès 1961).

Mais l'évolution de ce courant fut telle que le concept même de représentation est
aujourd'hui galvaudé. Tout le monde en parle sans plus en connaître exactement
le sens. Bien plus, ce concept appartient désormais à des domaines scientifiques
très divers. Il a donc forcément des significations multiples, voire des connotations
antinomiques : il n’a pas le même sens en psychologie sociale, en psychologie gé-
nétique ou encore en didactique des mathématiques.

Par ailleurs, nous rencontrons dans la littérature de nombreuses formulations in-


terchangeables avec le mot «représentation» : «représentation spontanée »,
«représentation initiale», «raisonnement spontané», «déjà-là», «conceptions
premières», «préconceptions», «modèles naïfs», «erreur initiale», «erreur pre-
mière», … et bien d’autres encore! Certes, chaque expression correspond à une
optique spécifique à son utilisateur, mais elle n’est pas toujours clairement définie.

Mais qu'en est-il du concept de «représentation» lui-même ?

Synthétisant un numéro thématique de la «Revue française de psychologie» en-


tièrement consacré aux représentations, Ehrlich (1985 : 229) dira : «.. la repré-
sentation est comme la météorologie. Délicatement éthérée, elle est source
d'espérance inquiète et de quelques satisfactions. Elle rend des services sans
être réellement fiable. On entrevoit vaguement comment elle se construit. On ne
voit pas du tout comment elle fonctionne. Et on est presque certain qu'elle existe
réellement» ».
312 Créer des conditions d'apprentissage
RE EST AR PONS FES

Nous n'utilisons donc pas le concept de «représentation» et lui préfé-


rons celui de «conception» dans l’entendement que nous venons de lui don-
ner. Encore faut-il faire émerger ces conceptions des élèves ?

… de la trame conceptuelle aux conceptions des élèves!

Dans toute analyse de contenu, après avoir défini la trame concep-


tuelle, l'enseignant doit investiguer les conceptions des élèves. À défaut, l’ac-
tivité proposée par l'enseignant provoquera un conflit de «savoirs» et de
«connaissances», au-delà duquel subsisteront les conceptions des élèves, lais-
sant là le savoir, désinvesti, oublié, abandonné au bord du chemin de la cons-
truction des connaissances par l’apprenant!

SX

Objet d'apprentissage
organisé par l'enseignant
en prenant en considération
des savoirs indépendamment Connaissances de l'élève
des conceptions des élèves à propos de ce savoir non
prises en considération par
l'enseignant

Résurgence.. et souvent renforcement des connaissances


de l'élève au terme de la démarche mise en place par
l'enseignant:

Enseignement
Conceptions de |P| de l'objet x
| Réapparition des M
conceptions des
l'élève à propos M indépendamment
de l'objet x | des conceptions élèves à propos
| de l'élève
| de l'objet x...

A PRE LT
Le A Gus ne ant AE f} ROBES CA.
nmsummsuumebuummmmemmmmæmæmdes
Avant Pendant Après
l'enseignement l'enseignement l'enseignement

FIGURE 45
SERA ER

Conflits de savoirs et de connaissances


Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 31

Un enseignement qui ne prend pas en considération les conceptions


des élèves est nécessairement voué à l'échec. Il ne s’agit plus en ce cas de
l'échec de l'apprentissage, dont le responsable serait l'élève, mais bien de
l'échec de l’enseignement dont le responsable est alors le seul enseignant. De
nombreuses recherches corroborent ce point de vue (Porter et Brophy, 1988;
Brophy, 1986; Good, 1983; Reynolds, 1992; ..).

Les conceptions des Tree sont f incontournables,des


ne faitpai
de toute analyse de contenu!fr

La littérature de la recherche en didactique des disciplines fait état de


très nombreux travaux sur les conceptions des apprenants depuis le début
des années ‘soixante-dix. Durant deux décennies, les conceptions des appre-
nants furent sans aucun doute le vecteur principal des recherches en didacti-
que des disciplines. De très nombreuses méthodes ont été utilisées par les
chercheurs et les enseignants pour faire émerger les conceptions des appre-
nants en contexte scolaire.

Nous avons nous-même développé des outils pour faire émerger ces
conceptions (Jonnaert, Duquesne et Tourneur, 1989). Après avoir analysé les
recherches à propos des conceptions des élèves, nous avons décrit les métho-
des utilisées par les chercheurs pour faire émerger les conceptions des élèves.
Nous avons retenu une série de dimensions et de paramètres ? qui permettent
une analyse de ces méthodes. Nous avons ensuite proposé une méthode d’in-
vestigation plurielle qui croise des résultats de plusieurs outils pour permet-
tre une analyse fine des conceptions des élèves. Ces démarches sont
-complexes, lourdes, lentes... En contexte de recherche de telles approches
sont pertinentes, elles sont même indispensables.

Lorsque nous nous retrouvons en contexte scolaire, les perspectives


sont différentes. L'activité d'enseignement, par sa complexité, n'autorise pas
une approche fine, individualisée, systématique des conceptions de chacun
des élèves. Par contre, l'enseignant peut très rapidement obtenir un profil
global des conceptions présentes dans sa classe. S'il est indispensable de
mettre en évidence les classes de conceptions présentes dans le groupe d’élè-
ves à propos d’un objet d'apprentissage, il est inutile (voire pas conseillé du
tout!) de réaliser une analyse fine de ces conceptions. L'enseignant ne ferait
plus que cela! Il consacrerait tout son temps, et celui de ses élèves, à pratiquer
l'émergence et l'analyse des conceptions de ces derniers à propos des objets
d'apprentissage. Il n'y aurait plus de place pour l'apprentissage. Une telle pers-
pective serait ridicule!

7 Nous avons retenu quatre dimensions et deux paramètres. La première dimension analyse le
type d'interactions qui existent entre le sujet et l’expérimentateur; la seconde dimension vérifie
si le sujet est ou non confronté aux conceptions de ses pairs; la troisième dimension analyse le
questionnaire proposé s’il y en a un; la quatrième dimension vérifie l'accessibilité ou non à un
matériel. Les deux paramètres retenus sont le moment choisi par l’expérimentateur pour prati-
quer l'émergence des conceptions des sujets; le second paramètre vérifie la dissociation ou non
de la pratique d'émergence des conceptions et du traitement sur ces mêmes conceptions.
314 Créer des conditions d'apprentissage
pren

Retenons que la pratique de l’enseignement est une discipline ap-


proximative, les approches restent globales, elles permettent le travail avec un
groupe d'individus. Il s’agit donc de relever les classes de conceptions en pré-
sence dans ce groupe afin de tracer un profil global des conceptions des élèves
de la classe.
Dans les lignes qui suivent nous fournissons un exemple de classes de
conceptions relevées auprès d’un échantillon de 188 élèves de cinquième pri-
maire à propos du concept de cœur en Belgique francophone.

e EXEMPLE DE CLASSES DE CONCEPTIONS :

[Classes de conceptions relevées auprès d'un groupe de 188 en-


fants de 5e primaire (Jonnaert, 1988 : 65) à propos du concept de cœur].

| Clasdeconc
seepti
Le ne ne sonseut?
(1.1) les «cœurs-pompes»

(1.2) les «cœur-muscles» 35/188

les «cœurs-moteurs» 29/188

les «cœurs-chauffages» 27/188


[(«il chauffe le sang»; «il chauffe tout le
corps»; |

les «cœurs-entrepôts» 15/188


(le cœur est le lieu où le sang est stocké)

les «cœurs-entreprises de nettoyage» 16/188


[«il nettoye le sang»; «il nettoye
certains organes»; «il nettoye tout le
corps»; ..]

les « cœurs-cerveaux»
(le cœur est considéré le centre de tou-
tes les décisions, comme la conscience
de l'individu, comme le lieu où le bien et
le mal se distinguent)

non-réponses 1,06 %

188/188 100 %

8 Les catégories retenues pour organiser les conceptions de ces élèves ont été définies par une
série de juges (des chercheurs et des enseignants qui participaient à cette vaste recherche dans
la Province de Hainaut en Belgique francophone). Ces derniers ont, de façon indépendante,
défini des catégories pour organiser les conceptions relevées. Ces catégories ont ensuite été con-
frontées entre elles, de cette catégorisation une première dénomination des classes a été rete-
nue. Cette dénomination a fait l’objet d'un accord inter juges (des juges différents des
précédents) pour en arriver finalement aux 8 classes présentées en ces lignes.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 315
annees cures

Il est évident que ces classes de conceptions se situent à un niveau =


très général. Une proposition identique formulée par deux élèves différents
peut faire référence à des connaissances très différentes.

° EXEMPLE DE FORMULATION IDENTIQUE RECOUVRANT DES RÉALITÉS


DE CONNAISSANCES DIFFÉRENTES (JONNAERT, 1988 : 59) :

[Formulation de deux élèves (Je = Jean, 10ans 6 mois; Ma = Martine 11 ans 2 |


mois) à propos du concept de cœur]
«.. le cœur est une pompe qui propulse le sang dans tout le corps ».

Eléments mis en évidence à propos de cette formulation lors d’un entretien avec
l'élève Je. :
«(...) à mon poignet je sens mon cœur qui bat, .…., à ma gorge aussi.
(.) chaque fois qu'on sent toc, comme ça, c'est un jet de sang qui arrive.
(...) c'est chaque fois que le cœur pousse le sang qu'on sent toc. ».

Eléments mis en évidence à propos de cette formulation lors d’un entretien avec
l'élève Ma :
«(..) quand je respire, j'aspire l'air mon cœur gonfle, … alors il aspire le sang.
(..) et puis y se dégonfle, … c'est comme quand un ballon se dégonfle, … y souf-
fle…
(..) c'est quand y se dégonfle qu'il souffle le sang partout... ».

Au-delà de la conception observée chez un élève, il y a une référence


à des connaissances parfois très différentes. Cet exemple en est une illustra-
tion frappante :
«La partie visible de l’iceberg (...) est identique chez les deux sujets, mais elle est
inférée par une organisation structurelle profonde différente; pour un des deux sujets,
c'est le mécanisme de la circulation qui est sous-jacent, pour l’autre ce sera le méca-
nisme de la respiration qui sera déterminant. Cet exemple illustre combien une uni-
que formulation est insuffisante pour comprendre une conception. C'est son
organisation structurelle profonde qui est déterminante ».
Jonnaert (1988 : 60)

Ces propos sont ceux d’un chercheur, un enseignant doit se résoudre


à dégager les classes de conceptions de ses élèves à propos de l’objet d’ap-
prentissage.

_ Mais quefairedeces conceptions ?

e L'ORGANISATION DE CLASSES DE CONCEPTIONS :

Ces conceptions doivent être organisées par l'enseignant et regrou-


pées en différentes classes de conceptions. Ce regroupement se fait en
316 Créer des conditions d'apprentissage

fonction des classes de situations mises en évidence dans la trame concep-


tuelle. Cette approche permet d'identifier les classes de situations qui sont in-
téressantes à travailler avec les élèves en présence. En effet, leurs
conceptions font référence à certaines classes de situations identifiées dans la
trame conceptuelle. Ce sont ces classes de situations qui sont intéressantes
pour démarrer la démarche d'apprentissage. Le travail de l'enseignant consis-
te dès lors, au cours de l'analyse de contenu, à identifier les situations les plus
pertinentes pour les élèves en présence.
Dra A |
b
_ Lesconceptions
C3
des élèves. A Ra classesde
KE ituations pertinentes pour
ses élèves. &

Il peut s’agir des classes de situations mises en évidence dans la trame


conceptuelle mais aussi d’autres classes de situations auxquelles l'enseignant
n'avait pas pensé.

e CETTE FONCTION DES CONCEPTIONS PERMET DEUX CONSTATS :

(1) Chaque classe de situations peut servir d'entrée dans l’apprentis-


sage, il suffit que la situation retenue soit appariée à une classe de
conceptions identifiée parmi les élèves. Il ne peut donc pas y
avoir de hiérarchisation entre ces classes de situations.
(2) La plupart du temps, un même apprentissage exige plusieurs
classes de situations comme entrée dans l'apprentissage. En
effet, la diversité des conceptions des élèves à propos d'un même
objet d'apprentissage, met en évidence plusieurs classes de con-
ceptions. Ces classes de conceptions s’apparient nécessairement
avec des classes de situations différentes. Aussi, plusieurs classes
de situations seront intéressantes et devront être retenues pour
une même activité.

Au terme du relevé des conceptions des élèves, une nouvelle trame


conceptuelle apparaît qui articule les classes de situations retenues aux
classes de conceptions observées parmi les élèves.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire

Liens avec d'autres Liens avec d'autres


connaissances trames conceptuelles

Classes de Classes de
conceptions conceptions

RES

Classe d Classe de | | Cas


situations |" situations | situations

b
d'apprentissage
Classes
de conceptions

Articulation
aux concepts
proches

Classe de
situations

É ce Fe ae RD RP

Classes de
conceptions conceptions
a e
Articulations avec Ouvertures à
les programmes d'autres situations

FIGURE 46
ERP

Structure d’une trame conceptuelle finale intégrant les conceptions


des apprenants

(d) Mise au point par l'enseignant de ses propres connaissances


à propos de l'objet d'apprentissage

e QUESTION :

Il ne s’agit pas d’une étape supplémentaire mais plutôt d’un réflexe


que l'enseignant acquiert progressivement et met en application au cours des
Créer des conditions d'apprentissage

étapes précédentes. Il auto-évalue et, éventuellement, ajuste ses propres con-


naissances par rapport à l’objet d'apprentissage tout au long de la mise au
point de la trame conceptuelle. Chaque composante de la trame conceptuelle
est susceptible de faire l’objet d’une démarche de l'enseignant sur ses propres
connaissances. Si cette attitude est à développer par rapport au savoir codifié,
elle l’est également face aux connaissances et aux conceptions de ses élèves.
Dans une recherche que nous menons actuellement sur les concep-
tions des apprenants et de leurs enseignants à propos des concepts mathéma-
tiques de base dans des écoles montréalaises*, nous constatons que de
nombreuses conceptions des élèves ne sont qu’une réplique de celles de leur
propre enseignant à propos des mêmes concepts. Analysant avec des ensei-
gnants des séquences vidéos sur lesquelles nous observons leurs élèves trai-
tant des situations à contenus mathématiques, nous constatons que ces
enseignants ont du mal à porter un regard critique sur les connaissances de
leurs élèves, mais aussi sur leurs propres connaissances à propos de savoirs
qu'ils leur ont enseignés!

e EXEMPLE :
Sur une séquence vidéo, nous constatons, avec des enseignants, que
leurs élèves identifient facilement un prisme droit uniquement lorsqu'il est
posé sur une certaine face du solide. Aussitôt que le prisme leur est présenté
autrement dans l’espace, ils ne le reconnaissent plus. Nous présentons ensuite
à ces enseignants trois prismes droits identiques, mais suspendus différem-
ment sous forme de mobile. Nous attachons ce mobile au plafond devant les
enseignants et leur demandons de nommer chacun de ces trois solides.

FIGURE 47
D
|

Trois prismes droits identiques

9 , l s’agit d'une recherche menée actuellement par une équipe d'étudiants de second et de
troisième cycles de l’université de Sherbrooke sous la direction de Ph. Jonnaert et
qui a été
rendue possible grâce à une subvention CRSH.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 319.
CERN
RER ETES AR SOS AETENS

Seul le prisme (C) est correctement identifié par tous ces ensei- Der
gnants. Pour une série d’entre eux, les prismes (A) et (B) sont différents entre
eux et sont différents du prisme (C). Un fait troublant nous est apparu dans
cette situation. En effet, nous avons ensuite pairé chacun des enseignants
avec les productions écrites de leurs élèves (que nous avions précédemment
confrontés à la même situation : «écrire le nom des trois prismes du
mobile»). Nous avons constaté que les élèves dont l'enseignant n’a pas été ca-
pable de reconnaître les prismes (A) et (B) ont, pour la plupart, été incapables
de reconnaître à leur tour ces prismes.

e COMMENTAIRES À PROPOS DE L'EXEMPLE :

…. vulgaire truisme ?
.… NON, nous ne le pensons pas! Les enseignants ont transmis à leurs
élèves une vision statique des solides qui correspond à leur conception selon
laquelle ces solides ont une et une seule base.

De telles situations sont fréquentes à propos de concepts très variés.


Aussitôt que nous avons démonté le mobile et posé les prismes droits devant
eux, en les alignant l’un à côté de l’autre (chacun étant posé sur une même
base) les connaissances de ces enseignants, comme celles de leurs élèves, à
propos des solides ne furent plus viables.

_ «Présentés« comme ça, çaares, tout, ce sont des ne


rectangles RER PRET ARERS PR SA URS

. s'exclame un enseignant, exactement comme l'ont fait ses élèves


auparavant!
Mais ces solides changent-ils de nom simplement parce qu'on modifie
leur disposition dans l’espace ? Nous avons réalisé avec ces enseignants le
même travail sur la conservation des solides que celui que nous avions vécu
avec leurs élèves. La conception statique du prisme droit, de ces élèves et de
ces enseignants, est viable tant et aussi longtemps que ce prisme leur est pré-
senté dans la même position.

e NÉCESSITÉ DE DÉVELOPPER UNE ATTITUDE CRITIQUE


SUR SES PROPRES CONNAISSANCES D'ENSEIGNANT :
Les expériences de ce type (vécues lors de sessions de formation con-
tinue des enseignants en didactique des sciences ou en didactique des mathé-
matiques) sont très fréquentes. Elles posent avec acuïté le problème des
connaissances des enseignants.

| S'agit-ilde remettre une fois de es en cause laformation initiale des


enseignants ?Fa É

Nous ne le pensons pas! Il s’agit surtout de permettre aux futurs


enseignants de développer une attitude critique autant par rapport à leurs
320 Créer des conditions d'apprentissage

propres connaissances que par rapport à celles de leurs élèves. Ce n’est pas
facile! Lorsqu'un étudiant entame des études de biologie ou de mathématiques
(.. ou de toute autre discipline), c’est parce qu'il aime ces disciplines. Il déve-
loppe un projet personnel à propos de ces savoirs qu'il souhaite transmettre à
d’autres. Aussitôt qu'il se retrouve en stage, confronté à des élèves du primaire
ou du secondaire, sa référence n’est autre que le «savoir standardisé et codi-
fié» qu'il souhaite que les élèves apprennent. Référence ultime, ce «savoir
codifié» est, pour cet étudiant, la «vérité» à partir de laquelle il juge et évalue
le travail de ses élèves. Il ne comprend pas que ses élèves puissent penser
autrement, avoir d’autres idées que lui, s'écarter de la voie tracée par le

Pourquoi?
- pour préciser l'objet d'apprentissage et les classes de situations dans lesquelles
il fonctionne;
- pour faire émerger les conceptions des apprenants;
- pour que l'enseignant mette au point ses connaissances à propos de l'objet
d'apprentissage.

Comment? En posant quels gestes?


en réalisant une - en désignant l'objet d'apprentissage et en
trame conceptuelle le définissant sans ambiguïté;
- en formulant des énoncés simples;
- en organisant ces énoncés dans une trame
conceptuelle

en faisant émerger les - en proposant aux apprenants des situations


conceptions des dans lesquelles ils devront utiliser leurs
apprenants connaissances à propos de l'objet
d'apprentissage

en proposant à l'enseignant - en suggérant à l'enseignant de vérifier ses


d'auto-évaluer et d'ajuster connaissances à propos de chaque
leurs connaissances composante de la trame conceptuelle

Pour arriver à quel résultat?

l'objet d'apprentissage est décomposé en ses éléments essentiels, les


conceptions des apprenants sont mises en évidence.

FIGURE 48
Le
LEE

La triple exploration du savoir : fiche aide mémoire n° 2


Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 321
ESP
TOR POSTERS

«savoir »! Paraphrasant Bachelard, nous dirons qu’il ne comprend pas que ses
élèves ne le comprennent pas.

Il ne sera vraiment enseignant qu’à partir du moment où, en une véri-


table rupture épistémologique, 1 aura compris que la référence n'est pas ce
beau «savoir» qu’on lui a enseigné et qu’il souhaite transmettre. La référence
n'est autre que ces «connaissances » injectées par ses propres élèves dans les
situations qu'il leur propose. Les conceptions de ses élèves se présentent à lui
comme un moment, une étape de leur longue démarche de construction des
connaissances. (voir figure page précédente)

| Auto-évaluation et attitude critique de l'enseignant par rapport à ses propres


connaissances et par rapport aux connaissances des élèves!

4.3.3 Troisième condition : mettre le savoir en situation.


… intégrer les informations précédentes pour créer
des situations pertinentes!
À ce stade de la démarche, les matériaux sont prêts. Il s’agit simple-
ment pour l'enseignant de réaliser des ajustements et d'effectuer des choix
pertinents. Nous l'avons écrit, dans une perspective socioconstructiviste et in-
teractive, le critère n’est plus le savoir enseigné mais plutôt les connaissances
des apprenants. Sur cette base, l'enseignant doit adapter sa première formu-
lation de l'hypothèse d'objectif et sélectionner des situations.

(a) Ajuster l'hypothèse d'objectif

e QUESTION :
«Quel regard poser sur les connaissances des élèves ?»

Pour mettre l’objet d'apprentissage en situation, il s’agit d’abord de re-


prendre l'hypothèse d'objectif formulée tout au début et de l’ajuster aux con-
naissances des apprenants et à leurs conceptions observées dans la phase
précédente. C’est ici que cartes et trames conceptuelles prennent tout leur
sens. Elles permettent en effet à l'enseignant de repérer d'éventuels obstacles
à l'apprentissage de tel ou tel concept en fonction d’un projet déterminé. Dans
le cas de la nutrition, par exemple, la notion d’assimilation est incontournable.
Ayant repéré ces obstacles, l'enseignant pourra les utiliser comme grille de
lecture des conceptions des élèves. Le résultat de cette analyse lui permettra
de redéfinir l'hypothèse d'objectif en fonction de ce que Martinand (1986) ap-
pelle «objectif-obstacle». Selon ce dernier, l'important courant de recherches
en didactique sur les conceptions des élèves a permis d’accumuler une biblio-
thèque, déjà fournie, sur les obstacles que les élèves devraient franchir pour
accéder à certains niveaux de connaissance scientifique. Au départ de cette
information, il s’agit de formuler des objectifs en terme d'obstacles franchis-
sables. Dès lors, pour Martinand (1986), les objectifs intéressants sont les
«objectifs-obstacles » :
322 Créer des conditions d'apprentissage
PE

«(.…..) le concept d'objectif-obstacle se situe dans une conception constructiviste de


l'apprentissage, par la prise en compte des structures cognitives des apprenants, en
accordant un statut positif à l'erreur, combinée avec une analyse de la structure des
concepts enseignés, et permettant de caractériser autrement les objectifs, au service
d'une pédagogie de la réussite. Dans la formation des enseignants, l'introduction du
concept d'objectif-obstacle implique donc un changement de point de vue sur les er-
reurs des élèves, pour concevoir les obstacles comme des points d'appui dans la fa-
brication de situations didactiques ».
Astolfi (1997 : 128)

Pour Martinand (1986), un objectif-obstacle intègre les informations


relatives aux connaissances des élèves à propos de l’objet d'apprentissage.
L'accent est mis sur les possibilités qu'a l'élève de franchir ou pas l'obstacle. Il
s’agit, à la suite d’une analyse classique de la matière (D'Hainaut, 1988), de sé-
lectionner les objectifs qui peuvent réellement être atteints par les élèves, en
fonction des connaissances effectives des élèves à propos de l’objet d’appren-
tissage. Dans notre approche, nous ne faisons pas d'analyse de la matière dans
le sens de D’Hainaut (1988). Une telle analyse de la matière permet la cons-
truction quasi exhaustive d'objectifs à propos d’un savoir déterminé. Par con-
tre, nous suggérons l'élaboration de trames conceptuelles, plus intéressantes
pour permettre à l'enseignant de sélectionner des classes de situations. À la
suite de l'analyse des conceptions des élèves il s'agira de sélectionner dans la
trame conceptuelle les classes de situations accessibles aux étudiants. Nous
définissons par là une, ou plusieurs, entrée(s) pertinente(s) dans l’apprentis-
sage. Ces entrées «multiples» dans l'apprentissage présentent ainsi une forme
de différenciation pédagogique adaptée aux conceptions des élèves. Ce fai-
sant, nous redéfinissons l'hypothèse d'objectif. Il s’agit d’une réorientation de
l'hypothèse d'objectif, vers les champs situationnels accessibles aux étudiants,
en fonction de leurs conceptions à propos de l’objet d'apprentissage. En fait
cet ajustement affine et précise l'hypothèse d'objectif. La première formula-
tion est globale et orientée directement vers un objet d'apprentissage claire-
ment circonscrit et défini, par exemple la nutrition. Cette formulation est
nécessaire car elle permet de baliser toute la démarche pré-active de l’ensei-
gnant. La seconde formulation permet de définir clairement les entrées, les
voies d'accès à l'apprentissage pertinentes par rapport aux conceptions des
élèves. Cette seconde formulation balisera les activités d'enseignement et
d'apprentissage. Elle est indispensable. Elle ne se fait pas à n'importe quelle
condition. Elle suppose de la part de l'enseignant une certaine attitude envers
les connaissances des apprenants.

L'incontournable regard positif sur les connaissances des apprenants!

Les connaissances des apprenants ne sont jamais considérées comme


des obstacles à l'apprentissage, … fussent-elles éloignées du savoir codifié à
apprendre. I n’y a rien à faire, dans la perspective constructiviste qui est la
nôtre, le patrimoine de connaissances d'un individu est sa grille de lecture
du monde. Nous ne pouvons la considérer négativement, en parler en terme
d'obstacle, chercher à la déstabiliser, à la déstructurer voire à la démolir. Ce
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 323

serait anéantir le premier outil de l’apprenant lorsqu'il est confronté à une


nouvelle situation : sa grille de lecture du monde constituée d'éléments de
son patrimoine de connaissances !°. Un individu, quel qu’il soit, n’apprend pas
«contre» ses connaissances antérieures, il apprend «avec» ces dernières. Si,
dans la situation qui lui est proposée, ses connaissances ne sont plus viables
en tant que telles, il effectuera un travail sur ces dernières dans l'interaction
avec les autres élèves et avec les caractéristiques de la situation. Ce travail
d'ajustement de ses connaissances aboutit soit à une série d’adaptations de
celles-ci, soit à la création de nouvelles connaissances. Le critère est, dans ce
cas, la viabilité des connaissances par rapport à la nouvelle situation. L'appro-
che ne peut être que positive, l'élève, comme tout individu, doit faire confian-
ce à son patrimoine de connaissances pour en construire de nouvelles.
Une approche négative, plaçant d'emblée l’apprenant en face d’obsta-
cles, ne permet que difficilement l'apprentissage. Piaget ne parle pas en termes
d'obstacles mais bien en termes d’ajustements, d'assimilation, d'accommo-
dation, de centration, de décentration. Lorsque les connaissances d’un in-
dividu ne sont pas viables dans une nouvelle situation, il y a un déséquilibre
manifeste qui se crée chez ce dernier. L'apprentissage ne sera possible que si
lapprenant retrouve dans son propre patrimoine de connaissances d’autres
entrées pour la nouvelle situation. Soit il adaptera certaines de ses connais-
sances aux contraintes de la situation, soit il créera de nouvelles connais-
sances. Mais ce travail ne se fait pas au départ de rien, il se construit néces-
sairement sur base des connaissances antérieures. Même si ses connaissances
ne sont pas viables dans la nouvelle situation, l'élève doit les analyser et les
confronter aux contraintes de la nouvelle situation. Il doit comprendre pour-
ù quoi, avec ces connaissances, «ça ne fonctionne plus» alors que, jusqu’à pré-
sent, ces connaissances étaient suffisantes. C’est par ce travail interactif et
dialectique entre les connaissances antérieures et les caractéristiques de la
nouvelle situation que l'apprentissage peut avoir lieu. Il s’agit bien de la dimen-
sion interactive du modèle SCI. Cette dimension pose, par définition, le pos-
tulat selon lequel l'apprentissage se fait, entre autres, par un travail sur les
connaissances antérieures mises en interaction avec les caractéristiques de la
nouvelle situation. Pour ce faire, l’apprenant ne peut pas mépriser ses propres
connaissances, les rejeter, les déstabiliser en les considérant comme un obs-
tacle à son cheminement dans la construction de connaissances. Il en a
besoin! C’est sur la base de ses connaissances plus anciennes qu’il peut en
construire de nouvelles. Piaget définit en ces termes sa position inter-
actionniste :
«(.…) Du point de vue de la construction des connaissances, (..), c'est l'affirmation
d'une interdépendance irréductible entre l'expérience et la raison. Le relativisme bio-
logique se prolonge ainsi en doctrine de l'interdépendance du sujet et de l'objet, de
l'assimilation de l’objet par le sujet et de l’accommodation de celui-ci à celui-là».
Piaget (1963 : 21)

10 Voir à ce propos le modèle de raisonnement utilisé par l’apprenant pour décoder une
nouvelle situation dans Jonnaert (1988 : 84-88).
324 Créer des conditions d'apprentissage
VRAIES RENE PERRNIES

La règle d’or à extraire de cette dimension interactive de notre appro-


che de l’apprentissage est qu’il pose sans cesse...

… un regard positif sur les connaissances de ses élèves.

e EXEMPLE :
Ces élèves qui ont une conception statique des prismes droits doivent
arriver à comprendre que leurs connaissances de ces solides n’est viable que
si les solides leur sont toujours présentés de façon statique, dans la même po-
sition et sur une même base. Lorsque l'enseignant les place dans une situation
où ces solides ne sont plus statiques, chacune des faces de ces solides pourrait
être élue comme base. Les apprenants doivent alors reconsidérer leurs con-
naissances des solides, non pas en les détruisant, mais bien en les ajustant aux
contraintes de la nouvelle situation. Ces élèves réduiront la viabilté de leurs
connaissances antérieures des solides aux seules situations dans lesquelles el-
les sont viables (classe de situations A) et construiront, sur base de ces der-
nières, des connaissances nouvelles qui leur permettront d'aborder ces
solides aussi dans des nouvelles situations (classe de situations B).

Classe de
Connaissances situation A
antérieures avant
l'apprentissage

Des prismes droits


figés dans des Classe de
situations statiques situation B
après
l'apprentissage
Des prismes droits
_ mobiles dans des
Situations
dynamiques

Nouvelles
connaissances

FIGURE 49
LR,
5 5: 0

Adaptation des connaissances antérieures aux contraintes de la nouvelle


situation

Et l'hypothèse d'objectif réajustée ?


Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 325
DAÉDDPÉ
ANR AETREE CRETE

Pour arriver à une hypothèse d'objectif intéressante pour l’apprentis-


sage, l'enseignant doit ajuster la première formulation en prenant en considé-
ration les connaissances de ses élèves à propos de l’objet d'apprentissage. En
ce sens, l'hypothèse d'objectif permet un travail sur la dimension intertactive
de notre modèle SCI de l'apprentissage puisqu'il envisage la mise en interac-
tion des connaissances des apprenants avec les caractéristiques d’une situa-
tion.

Encore faut-il choisir une situation pertinente!

(b) Choisir des situations pertinentes

e QUESTIONS :

«quelles sont les situations intéressantes pour ces élèves avec ces
Connaissances ?»

Parmi les classes de situations nommées dans la trame conceptuelle,


l'enseignant doit opérer un choix. Toutes ne sont pas pertinentes pour tous les
élèves! L'enseignant doit retenir les classes de situations dans lesquelles ses
élèves peuvent entrer sans difficulté avec les connaissances dont ils disposent.
En général, à l’intérieur d’une classe choisie, l'enseignant retient plusieurs si-
tuations pour offrir à ses élèves des voies différenciées vers l’objet d’ap-
prentissage. Ce travail est facilité par l'existence d’une trame conceptuelle à
l'intérieur de laquelle certaines classes de situations sont appariées avec les
classes de conceptions observées parmi les élèves. C’est parmi ces situations
«appariées » que l'enseignant opère le choix des situations à travailler avec ses
élèves. Une classe de situations regroupe un ensemble de situations proches
et les concepts nécessaires pour les traiter.

e EXEMPLE :
Dans la trame conceptuelle relative à la nutrition décrite dans les
lignes qui précèdent, une classe de situations concerne la digestion. Elle
regroupe l’ensemble des situations relatives à la digestion et les concepts per-
tinents pour les traiter. Les classes de conceptions des élèves à propos d’une
ou de plusieurs de ces situations sont appariées à ces classes. C’est ainsi que
les classes de conceptions mises en évidence auprès d'élèves, à propos du
tube digestif, sont appariées aux situations traitant du système digestif parmi
l'ensemble des situations traitant de la digestion.
326 Créer des conditions d'apprentissage
RASESPP SS

FIGURE 50
CORRE

Classes de conceptions relevées auprès d'élèves de 11 et 12 ans dans une


classe de 6e primaire à Sherbrooke!

La figure 50 présente 5 classes de conceptions relevées dans une clas-


se de 6e primaire :
(A) digestion avec évacuation immédiate et parfois présence d’un ou
de plusieurs organes satellites;
(B) digestion sans évacuation avec passage des aliments par un ou
plusieurs organes;
(C) digestion avec évacuation après passage par un organe;
(D) digestion avec évacuation distincte pour les aliments solides ou li-
quides après passage par un organe;
(E) digestion et évacuation distincte pour les aliments solides et les
aliments liquides.

C’est parmi les situations appariées à ces classes de conceptions que


l'enseignant recherchera les situations qu’il proposera à ses élèves.
Ces situations ne sont pas fournies aux élèves dans un contexte asep-
tisé, abstrait, indépendant de tout contexte. Toute situation est inscrite dans

11 Il s’agit d'observations réalisées en 1996 par un de nos étudiants suivant nos cours de maî-
trise à l’Université de Sherbrooke. Cet étudiant a répliqué une démarche décrite dans Giordan et
de Vecchi (1987) et retrouve pratiquement les mêmes classes de conceptions que ces derniers.
Le lecteur intéressé peut se référer à la cassette vidéo de de Bueger-Vander Borght, C., Remacle,
M.-F, Servrancks, A.-M. (1996).
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 327

un contexte plus large qui contient des ressources mais aussi des contraintes
qui vont peser sur les démarches mises en œuvre par apprenant, ou au con-
traire les faciliter. Aussitôt les situations choisies, il s'agira de les opérationna-
liser dans un contexte bien précis.

(c) Identifier les ressources et les contraintes du contexte


de l'apprentissage

e QUESTION :

es «dans cet environnement physique et social, quelles ressources puis-je ER


ter pour faciliter |’apprentissage ?»

Le contexte de l’apprentissage correspond à l’ensemble des


«conditions» dans lesquelles la situation retenue est plongée. Il s’agit autant des
ressources que des contraintes dans lesquelles se trouve l’apprenant à un mo-
ment donné. Le contexte couvre donc une réalité très large. Chacune des con-
ditions peut être soit une ressource, soit être une contrainte que l’apprenant
doit prendre en considération pour traiter la situation à laquelle il est confronté.

Ce sont les conditions liées à l'environnement social, comme ce peut


être celles dépendant de l’environnement physique. Il n’est plus possible
aujourd’hui de faire abstraction de ces composantes environnementales lors-
que nous évoquons l'apprentissage. À défaut, nous nous situons naïvement
dans des processus cognitifs exclusivement abstraits, symboliques et décon-
textualisés :
«(...) en face de la condamnation pure et simple, (...), de tous les cognitivismes an-
térieurs, s’est fait jour un cognitivisme «situé», qui voit dans l'environnement social le
processus dominant qui règle la cognition : ce ne serait donc pas dans la tête des
hommes, dans leur cerveau, dans leurs émotions ou dans leur psyché, qu'il faudrait
chercher les causes dernières de toutes les modifications cognitives et de tous les
bouleversements psychiques. Il faut les chercher non point dans la physiologie du
cerveau, point non plus dans les lois de la psychologie, mais dans les influences que
font peser la société, la culture et le contexte sur la situation où se trouve engagé
l'individu».
Ganascia (1996 : 110)

Le contexte dans lequel se trouve un apprenant est donc très vaste et


comprend de nombreuses variables que l'enseignant peut plus ou moins con-
trôler. Les contraintes et les ressources physiques évoquent essentiellement
le cadre spatiotemporel dans lequel se déroule l’activité d'apprentissage. L'en-
vironnement social de la classe détermine également une série de contraintes
et de ressources.
Ces deux dimensions, environnement social et environnement physi-
que, doivent être gérées par l’enseignant afin de rendre optimales les condi-
tions d'apprentissage. Le maître en la matière fut certes Célestin Freinet, sans
doute oublions-nous trop souvent que bon nombre de contraintes peuvent
être transformées en ressources pour l'apprentissage!
328 Créer des conditions d'apprentissage
PEN ARE

Il s’agit autant d'organiser l’espace géographique de la classe afin que


des interactions puissent se vivre entre les apprenants, que de gérer au mieux
le temps des apprentissages.
En d’autres termes, l'enseignant doit envisager sa classe comme un
atelier au sens artisanal du terme (Jonnaert, 19964), un lieu où apprendre, un
cadre où créer.

e QUESTION :

«comment transformer un maximum de contraintes en ressources pour


l'apprentissage ?»

e EXEMPLE :
Beaucoup d'enseignants évoquent la diversité de leurs élèves comme
une contrainte. L'organisation du travail en ateliers de quatre élèves dont les
conceptions appartiennent à des classes de conceptions différentes permet un
travail sur les conceptions de ces derniers simplement par la création naturel-
le de conflits socio-cognitifs, chacun ayant une grille de lecture du phénomène
analysé différente de celle de chacun des autres. La question qui se pose alors
est de connaître le nombre idéal d'élèves à placer dans chacun des ateliers.
Notre réponse à cette question est simple : chaque groupe est composé
d'autant d'élèves qu'il y a de classes de conceptions à propos de l’objet d’ap-
prentissage. Par exemple, à propos du système digestif, il s’agit idéalement de
constituer des ateliers de cinq élèves, chacun représentant une des cinq
classes de conceptions identifiées à propos du système digestif. Bien sûr, nous
trouvons rarement une classe avec un nombre de classes de conceptions qui
divise exactement le nombre d'élèves. Nous essayons cependant que chacun
des ateliers soit constitué d'élèves dont les conceptions appartiennent à des
classes différentes. La divergence des points de vue permet aux apprenants
de questionner la viabilité de leurs propres connaissances à propos de
l'objet d'apprentissage envisagé.

(d) Communiquer l'hypothèse d'objectif et présenter les situations


aux apprenants

e QUESTION :
«que dire aux élèves ? Faut-il leur présenter l'hypothèse d'objectif ?»

L'enseignant ayant reformulé son hypothèse d'objectif et choisi les si-


tuations auxquelles il va confronter les apprenants, présente ensuite le tout à
ses élèves. Il est évident aujourd’hui [Wang, Haertel et Walberg (1993); Wit-
trock (1986)] qu'un apprenant, clairement informé de ce qui est attendu de
lui, réussit mieux ses apprentissages qu'un élève avançant à l'aveuglette. Par
ailleurs, la mise en perspective des classes des situations concernées par
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 329

l'objet d'apprentissage permet au transfert de trouver son ancrage dès le


début de l'apprentissage. Enfin, cette phase de communication clarifie, dans
le cadre du contrat didactique, la plage spécifique à l’objet de la relation

| Troisièmes étapes de la phase préactive:


Mettre le savoir en situation

Pourquoi?
Pour obtenir des situations qui intègrent les informations obtenues lors des
étapes précédentes

Comment? En posant quels gestes?


en ajustant l'hypothèse en intégrant les informations relatives aux
d'objectif connaissances des élèves dans la
reformulation de la 1ère hypothèse
d'objectif

en choisissant des en reprenant les classes de situations


situations pertinentes appariées avec les classes de conceptions
dans la trame relevées auprès des apprenants
conceptuelle

en définissant les en identifiant les ressources matérielles


ressources matérielles dans l'environnement physique et en
nécessaires à recherchant les moyens de transformer les
l'apprentissage contraintes en ressources

en définissant les en identifiant les moyens de développer


ressources sociales des interactions sociales entre les sujets
nécessaires à
l'apprentissage

en communiquant en organisant une présentation non


l'hypothèse d'objectif équivoque de l'hypothèse d'objectif et les
et les classes de classes de situations envisagées
situations envisagées

Pour arriver à quel résultat?

Les apprenants sont informés de l'hypothèse d'objectif et des classes de


situations envisagées avec eux.

FIGURE 51
REPARER

Le choix de situations pertinentes : fiche aide-mémoire n° 3


330 Créer des conditions d'apprentissage

didactique (se référer au chapitre consacré au contrat didactique). En ce
sens, cette étape, centrée sur la communication, facilite l'élargissement des
plages de dialogue entre les trois partenaires de la relation didactique (l’ensei-
gnant, ses élèves et l’objet de la relation didactique).
La mise en situation de l’objet d'apprentissage se termine par cette
étape de La communication de l'hypothèse d'objectif et des classes de
situations envisagées par les relations didactiques à venir. Cette étape clôtu-
re également la première série des conditions d'apprentissage, celles relatives
à la phase pré-active. Il s’agit sans doute, au niveau de l'enseignant, de l'étape
la plus importante, celle durant laquelle il est lui-même le plus actif. Les autres
étapes seront essentiellement sous le contrôle de l'élève, c’est ce dernier qui
est actif. L'enseignant se place dans des situations telles qu'il ne se substitue
jamais à l'élève dans ses démarches de création de connaissances. (voir figure
page précédente)

4.4 Les conditions d'apprentissage mises en place


durant la phase interactive
Durant la phase pré-active, l'enseignant a créé les conditions pour
qu'un apprentissage ait des chances d’apparaître chez ses élèves. La phase 2n-
teractive fonctionnera essentiellement sur les assises mises en place par la
phase pré-active.
Durant la phase interactive, l'enseignant devra jouer les dévolutions
et accepter les contre-dévolutions. L'essentiel du travail concerne l’apprentis-
sage. Le principal acteur en devient donc l'élève.
L'enseignant doit, avec ses élèves, définir les bases du contrat didac-
tique et créer des espaces de dialogue. Il devra ensuite mettre ses élèves en
situation d'apprendre, leur proposant des situations au sein de projets por-
teurs de significations pour eux. Il devra réguler les démarches de ses élèves
et gérer les interactions sociales dans l'objectif d'optimiser l'apprentissage.
Actuellement, nous dégageons une série de conditions à mettre en
place durant la phase interactive. Nous les avons regroupées en trois grandes
catégories.

(1) Clarifier le rôle de chacun :


l'organisation du contrat didactique
[(a) créer un espace de dialogue; (b) prendre en considération la coutume de classe; (c) gérer
des règles et des décisions; (d) mettre en interaction]

(2) Mettre l’élève en situation d'apprendre :


la définition d'un projet
[(a) mettre les élèves en projet; (b) proposer aux élèves des situations signifiantes]

(3) Réguler les démarches d'apprentissage des élèves :


la régulation de l'apprentissage
[(a) adapter le choix des situations à l'évolution des connaissances des élèves: (b) jouer les jeux
des dévolutions et des contre-dévolutions]
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 331
EE QUERARE PURES

4.4.1 Première condition : clarifier le rôle de chacun...


… OÙ l’organisation du contrat didactique

(a) Créer un espace de dialogue

e QUESTION :

«les acteurs en présence ont-ils la possibilité de s'entendre, de dialoguer et


d'interagir ?»

Durant la phase pré-active, un travail a été réalisé sur les conceptions


des apprenants à propos de l’objet d'apprentissage. De son côté, l'enseignant
a effectué une démarche introspective sur ses propres connaissances à propos
du même objet d'apprentissage. Cette première approche n’est cependant
guère suffisante et ne permet pas d'affirmer qu'un espace de dialogue existe
entre les trois partenaires de la relation didactique (l'enseignant, les élèves,
l'objet d'apprentissage). Il ne suffit pas de faire émerger les conceptions des
apprenants et de demander à l'enseignant de porter un regard critique sur ses
propres connaissances pour qu'un espace de dialogue se mette en place entre
ces trois partenaires! Que du contraire! Chacun peut en effet se replier sur sa
logique à lui, celle observée au niveau de sa catégorie de conceptions, et, tels
des chiens de faïence, ne jamais entrer en contact avec l’autre, lui-même en-
fermé dans son propre système de connaissances. C’est plutôt un dialogue de
sourd qui se met en place, apprenants et enseignant développant des logiques
qui ne se rencontrent pas nécessairement. Dans un tel contexte, une dynami-
- que de l’échec de l'apprentissage se développe, souvent catastrophique, sans
qu'on ne puisse nécessairement en dégager les causes. Une telle situation est
souvent culpabilisatrice autant pour les élèves que pour l'enseignant. Ils ne se
comprennent tout simplement pas, chacun développant une argumentation
que l’autre ne peut admettre.

Mais alors, que suggérer pour que cet indispensable espace de dialogue
existe ?

À ce niveau, les élèves sont, pour la plupart, satisfaits de leurs con-


naissances à propos de l’objet d'apprentissage, du savoir codifié à apprendre.
Il s’agit donc de provoquer une dynamique qui leur permettra de questionner
leurs connaissances et le savoir à apprendre. Il est alors utile de proposer aux
élèves une situation à traiter. Au terme du travail sur cette dernière ils doivent
se questionner :
e «Pourquoi mes connaissances ne sont plus suffisantes pour traiter
cette situation ?»
e «De quoi ai-je besoin pour traiter cette situation et que je n'aurais
pas ?»
e «Qu'est-ce qui ne fonctionne pas, est-ce que ce sont mes connais-
sances ? Est-ce que c’est cette situation ou une partie de cette
332 Créer des conditions d'apprentissage
CR PNA DANONE:

situation ? Est-ce que ce sont les deux, la situation et mes connais-


sances ? »

Par ce questionnement, l'élève interpelle autant l’objet d'apprentissa-


ge que ses propres connaissances, un espace de dialogue entre ses connais-
sances et le savoir à apprendre se développe progressivement.

e EXEMPLE :
Dans un paragraphe précédent, nous avons évoqué les conceptions
d'élèves de 11 et de 12 ans à propos du système digestif. Cinq catégories ont
été retenues pour classer ces conceptions. Notre étudiant, auteur de cette re-
cherche, proposa une activité particulière à la suite de la cueillette de ces con-
ceptions. Une séquence vidéo fut présentée aux élèves. Ces derniers étaient
répartis en petits groupes. Notre étudiant s'était organisé pour que, dans cha-
cun des groupes, les élèves aient des conceptions du système digestif qui ap-
partiennent à des catégories différentes. La vidéo, sous forme de dessin
animé, montre bien le cheminement d'aliments liquides et solides mgurgités
par un être humain. Une seule consigne fut transmise aux élèves :

| «.… parun schéma simple, chaque équipe doit représenter la digestion d'un être
humain. Tous les membres de l'équipe doivent être d'accord avec ce schéma!»

Les élèves furent rapidement au travail, le débat s’anima dans chaque


équipe! Deux équipes parvinrent à présenter un schéma, mais tous les mem-
bres du groupe n'étaient pas nécessairement d'accord avec cette représen-
tation. Les autres équipes étaient arrivées à plusieurs représentations du
système digestif, mais aucune d’entre elles ne parvenait à l'unanimité dans le
groupe.

e COMMENTAIRES À PROPOS DE L'EXEMPLE :

Apparemment, cette activité n'a pas fourni les résultats attendus. La


classe était assez animée et les discussions étaient vives dans la plupart des
groupes.

.… Mais alors, que s'est-il passé ?

Très rapidement, ce sont les conceptions du système digestif de cha-


cun des élèves qui sont reparues à la surface, ... et ce malgré la vidéo! Loin
d'être troublant, ce phénomène est classique. Bien plus, lors de la discussion
en grand groupe, ces conceptions du système digestif ont été mises en éviden-
ce. Plutôt que de les réfuter, la question suivante a été posée aux élèves :

. comment allons-nous Fi NA vosie pr ctaa Mi


An uen Pis PA OR TMERS IR TE RME TE
ÉÉNEE

Le stagiaire, loin de rejeter les conceptions de ses élèves, intègre les


connaissances de ces derniers et les place d'emblée dans une interaction
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 333
ÉSr eure ]

étroite avec le savoir codifié à apprendre. Ce dernier n’a pas un statut différent
de celui des connaissances des élèves.
L'espace de dialogue se crée progressivement. L'activité va pouvoir
commencer. Les élèves n’ignorent plus qu'ils devront travailler sur leurs pro-
pres connaissances à propos du système digestif, tout en développant des in-
teractions avec les autres élèves et avec l'enseignant.

(b) Prendre en considération la coutume de classe

e QUESTION :
«.… comment cette classe a-t-elle l'habitude de fonctionner ?»

Il n'est pas du tout aisé pour un enseignant de dégager la «coutume »


de la classe qu'il a en face de lui. Cette coutume est autant faite de règles im-
plicites que de règles explicites (se référer à ce propos au chapitre consacré
au contrat didactique). Il s’agit moins d’une réflexion ponctuelle, que d’une
question latente durant tout le travail réalisé avec une classe. L'enseignant
doit observer, tout au long des activités qu'il mène avec ses élèves, le fonction-
nement en groupe de ces derniers. Il s’agit pour lui d’apprivoiser la classe,
cette personne plurielle. Par ailleurs, il devra régulièrement ajuster son fonc-
tionnement et le type d'activité à la «coutume» de la classe qu'il a en face de
lui.
Il s’agit moins d’une question à se poser que d’une préoccupation que
l'enseignant doit avoir à l'esprit aussi longtemps qu'il vivra une expérience
avec un groupe d'élèves.
Plusieurs indicateurs permettent d'identifier la coutume d’une classe,
si l'enseignant ne s’en soucie guère. Rapidement nous dégageons, à un taux de
fréquence élevée, les réflexions suivantes de la part des élèves :
— «.. on n’a pas l'habitude de travailler comme ça!»
— «... on nous a jamais dit que c’est ainsi qu'il fallait faire!»
— «... nous, on a toujours fait cela autrement!»

Lorsqu'il ne se soucie guère de la coutume de classe, l'enseignant


s'écarte progressivement de ses élèves.
Par son travail sur la coutume de classe, l'enseignant en approche le
fonctionnement global. Une coutume de classe n’est jamais transparente.
L'enseignant doit la découvrir à travers une série d'indices au cours des acti-
vités réalisées en classe. Il le fait en se posant une série de questions relatives
au travail en commun :
— «.. quelle conception ont-ils du travail en équipe ?»
_ «... comment perçoivent-ils le travail à domicile ?»
334 Créer des conditions d'apprentissage
rm nnesen

_— «.. quelle place accordent-ils à l'enseignant dans leur travail


scolaire ?»

Un questionnaire, avec quelques items simples, peut être appliqué. Il


permet à l'enseignant de dégager les principales règles implicites de la coutu-
me de classe.

e EXEMPLE :
Voici un exemple de questionnaire relatif aux habitudes de travail des
élèves.

Le travail en classe jamais |parois |souvent|toujours

Lorsque vous réalisez une activité individuelle


en classe, acceptez Vous.

(1) que plusieurs élèves discutent tout haut pen-


dant que vous travaillez :

(2) qu'un élève regarde vos productions sans


votre autorisation :

(3) que vous soyez sans cesse interrompu par


des consignes ou des commentaires de 0 0 0 0
l'enseignant :

(4) que vous ne disposiez pas assez de temps


pour terminer votre activité :

(5) que vous ne disposiez pas du matériel suffi-


sant pour réaliser votre activité :

(6) que l'enseignant ne fournisse pas toute


l'information relative à l’activité :

Lorsque vous réalisez une activité individuelle


en classe, avez-vous l'habitude.

(7) d'échanger votre point de vue avec celui


d’autres élèves :

(8) de chercher à terminer absolument votre


travail :

(9) d'attendre qu'un autre élève propose une


solution à l'ensemble de la classe lorsque 0 0 0 0
vous êtes confronté à un problème :

(10) de faire appel à l'enseignant aussitôt que


vous êtes confronté à une difficulté :
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 335
sn7

(11) de communiquer à d’autres élèves vos résul- 0 0


tats aussitôt que vous les avez atteints : ’ g
(12) de chercher par vous-même l'information 0 0
manquante pour terminer votre tâche : : :

FIGURE 52
RSS RE

Exemple de questionnaire relatif aux «habitudes» des élèves

Ce questionnaire porte exclusivement sur les habitudes des élèves


lors de la réalisation d’activités individuelles en classe. Nous disposons d’une
série d’autres questionnaires portant sur le travail en équipe, le travail à domi-
cile, la perception de la place de l'enseignant dans le fonctionnement de la
classe. Tous ces questionnaires sont simples et permettent à l'enseignant
d’avoir très rapidement de l'information sur les habitudes de ses élèves. Il ne
s’agit cependant pas de bombarder les élèves de questionnaires de ce type!
L'enseignant s’en sert occasionnellement pour vérifier une hypothèse qu'il se
fait à propos du fonctionnement de sa classe, pour clarifier un doute qui se
crée en lui à propos de telle ou telle habitude qu’il constate dans sa classe.

Le travail de l'enseignant sur la coutume de classe est certes impor-


tant. Il se fait à la fois sur base des intuitions de ce dernier et des vérifications
qu'il fait occasionnellement à leur propos à l’aide d'outils divers comme les s0-
ciogrammes, les sociomatrices, les questionnaires sur les habitudes de classe,
la technique des incidents critiques. Au-delà des informations qu’il recueille
de la sorte, l'enseignant doit cependant bien se rendre compte qu’une coutu-
” me d’une classe n’est pas nécessairement stable, elle évolue et des incidents
peuvent en bouleverser les règles de fonctionnement élémentaires. L’ensel-
gnant ne peut donc jamais s’enfermer dans des stéréotypes à propos d'une
classe, il doit en conserver une conception dynamique et s'attendre à des
changements réguliers quant à ses membres, les élèves qu'il a quotidienne-
ment en face de lui.

(c) Gérer les règles et les décisions

e QUESTIONS :
«quelles décisions prendre pour gérer le contrat didactique ?»

Lorsque nous avons décrit le contrat didactique, nous avons précisé


qu'il est constitué de règles, ces dernières sont explicites ou implicites. Cha-
que décision que l’enseignant prend fait appel à ces régles. La gestion du con-
trat didactique permet l'équilibre entre l’implicite et l’explicite à travers les
décisions que prend l'enseignant. Ainsi, si l'enseignant décide de jouer la
«dévolution didactique», ses élèves n'ignorent pas qu’à leur tour ils pourront
pratiquer le jeu de la «contre-dévolution didactique». Ils n’en parlent cepen-
dant pas au moment précis où l'enseignant décide la «dévolution didactique ».
336 Créer des conditions d'apprentissage
SR NN ERECONREE ES

À la règle explicte de la «dévolution didactique» par l'enseignant correspond


la règle implicite de la «contre-dévolution didactique» par les élèves. La déci-
sion prise par l'enseignant permet donc l'équilibre entre l’explicite et limpli-
cite. Nous avons proposé plusieurs exemples à ce propos dans le chapitre
consacré au contrat didactique.
Les décisions de l'enseignant pour gérer le contrat didactique pren-
nent en considération la coutume de la classe. Elles ne peuvent aller à l'encon-
tre de cette dernière. À défaut, les décisions de l'enseignant aboutissent à un
conflit ou à un désinvestissement des élèves, simplement parce qu'élèves et
enseignant ne se comprennent pas!
Ces décisions établissent également un équilibre entre les activités
des élèves et celles de l'enseignant, entre apprentissage et enseignement, en-
tre les règles explicites et les règles implicites,

… Mais comment aborder cette coutume, … et puis, sur quelle base asseoir les
décisions de l'enseignant ? ;

Nous avons l'habitude de réaliser fréquemment des instantanés d’une


classe lorsque nous réalisons des observations de stagiaires-enseignants. Ces
clichés répétés à intervalles réguliers permettent de déterminer si ces équili-
bres existent réellement. À défaut, le stagiaire-enseignant doit réajuster ses
décisions pour équilibrer les activités de la classe entre l'enseignant et les élè-
ves, entre les connaissances et le savoir, entre l’explicite et l’implicite, entre
les différents pôles de la relation didactique.
Ces clichés peuvent se réaliser très facilement à l’aide de cribles
d'évaluation appliqués de façon régulière. L'exemple suivant montre un cri-
ble d'évaluation appliqué au fonctionnement d’une relation didactique dans
une classe de cinquième primaire.

e UN OUTIL POUR OBSERVER :

Observant le fonctionnement d’une relation didactique dans une clas-


se donnée, nous posons fréquemment la question suivante :

«durant cette activité, existe-t-il un équilibre réel entre les trois pôles de la rela-
tion didactique : l'enseignant, ses élèves et l'objet de la relation didactique ?»

Il s’agit alors d'observer l'équilibre de la relation didactique elle-même.


Ce travail se fait à l’aide de cribles d'évaluation hexagonaux subdivisés en 18
plages, chacune des plages du crible correspond au degré de centration de
l'activité par rapport au pôle envisagé.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 337
EG
RSR PR ESPN

FIGURE 53
SERRES

Le crible d'évaluation de la relation didactique

Le crible est chaque fois utilisé à un moment précis de la relation di-


dactique, les plages du crible sont hachurées en fonction de l'observation faite
à ce moment. Il s’agit toujours de clichés ponctuels. Pour cette raison nous dé-
finissons a priori, donc indépendamment de ce qui se passera durant la rela-
tion didactique, les moments d'observation, par exemple toutes les 10 minutes
durant une activité de 60 minutes. Nous disposons de listes de critères ! pour
chacune des plages en fonction du crible d'évaluation utilisé.

12 Nous avons défini cet outil dans le Bulletin de Psychologie Scolaire et d'Orientation,
(2)89, 277-288, (Jonnaert, 1989).
338 Créer des conditions d'apprentissage
SEEAR
RE

e LISTE DE CRITÈRES POUR LE CRIBLE D'ÉVALUATION DE LA RELATION


DIDACTIQUE :

Le crible d'évaluation de la relation didactique subdivise chacune des


six facettes retenues en trois plages. Les six facettes retenues dans le crible
sont évaluées en fonction du degré de centration de l’activité observée sur les
élèves, sur les connaissances des élèves, sur l’objet d'apprentissage, sur les
connaissances de l'enseignant, sur l'enseignant et sur les interactions maître/
élèves. Chacune de ces facettes est subdivisée en trois plages numérotées de
trois à un. La plage numéro trois est la plus éloignée du centre du crible, la pla-
ge numéro un est la plus proche du centre du crible. Plus le degré de centra-
tion d’une facette du crible est proche du centre du crible, plus la séquence de
l'activité observée prend cette dimension en considération. Par exemple, pour
la facette élèves, si la plage numéro 3 est hachurées, cela signifie que l'élève
n'est pas pris en considération durant cette séquence de la relation didacti-
que. Si, au contraire, c'est la plage numéro un qui est hachurée dans la facette
élève, cela signifie que l'élève est pris en considération à un niveau élevé du-
rant la séquence observée de la relation didactique.
Pour chacune des six facettes du crible de la relation didactique
nous avons défini une série de critères, ces derniers se répartissent en 18
catégories, trois pour chacune des six facettes.

Élève (E) E.3 - Les élèves ne réalisent aucune activité;


[par exemple, ils assistent passivement à un exposé de l’ensei-
gnant]
E.2 - Quelques élèves (moins de la moitié) sont sollicités pour réaliser
une activité;
[par exemple, quelques élèves sont envoyés réaliser un exercice
au tableau]
E.1- Tous les élèves sont sollicités pour réaliser une activité:
[par exemple, tous les élèves réalisent une observation sur un
matériel à l’aide de fiches individuelles d'observation]

Connaissances C.3 - Les connaissances des élèves ne sont pas prises en


de l'élève (C) considération;
[par exemple, l'enseignant propose un objet d'apprentissage
sans avoir pris en considération les conceptions des élèves à ce
propos]
C.2 - L'enseignant prend partiellement en considération les connais-
sances de ses élèves;
[par exemple, l'enseignant prend en considération des concep-
tions qu'il observe dans les productions de quelques élèves seu-
lement]
C.1 - Les connaissances de tous les élèves sont au cœur de la
démarche;
[par exemple, l'enseignant a intégré dans sa démarche les con-
ceptions de ses élèves]
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 339

Objet |03 - L'objet d'apprentissage n’est pas pris en considération: ee


d'apprentissage (0) [par exemple, le contenu de la séquence observée n’a pas de
rapport avec l’objet d'apprentissage annoncé]
0.2 - L'objet d'apprentissage est partiellement pris en considération:
[par exemple, la séquence observée est partiellement consacrée
à l'objet d'apprentissage]
0.1 - L'objet d'apprentissage est pris en considération; [par exemple,
la séquence observée est totalement consacrée à l’objet
d'apprentissage]

Connaissances C.M.3 - Les connaissances du maître n'apparaissent pas:


du maître (C.M) {par exemple, l'enseignant laisse les élèves investir leurs pro-
pres connaissances dans la situation sans intervenir]
C.M.2 - Les connaissances du maître apparaissent partiellement
durant la séquence;
[par exemple, l’enseignant intervient auprès de quelques élè-
ves et corrige leur production en imposant ses connaissan-
ces]
C.M.1 - Les connaissances du maître dominent l’activité, ne laissant
aucune place à celles des élèves;
[par exemple, l'enseignant formule des explications magistra-
les à propos de l’objet d'apprentissage sans tenir compte des
connaissances des élèves]

Enseignant (M) M.3 - L'enseignant n'intervient pas du tout dans l’activité des élèves
durant la séquence observée;
[c’est par exemple le cas chaque fois que se joue la dévolution]
M.2 - L'enseignant intervient occasionnellement durant la séquence;
[par exemple, pendant que les autres élèves traitent une situa-
tion, l'enseignant intervient auprès d’un petit groupe d'élèves en
difficulté]
M.1 - L'enseignant intervient seul durant toute la séquence;
[l'enseignant ne laisse aucune place aux interventions des élèves
durant un exposé magistral pendant lequel il exige le silence
absolu]

Interactions M.E.3 - Aucune interaction entre le maître et les élèves n’est observée;
maître/élèves (M.E) [les élèves et l'enseignant fonctionnent indépendamment]
M.E.2 - Quelques interactions entre le maître et les élèves sont
observées;
[l'enseignant interroge occasionnellement quelques élèves]
M.E.1 - De nombreuses interactions sont observées entre l’ensei-
gnant et les élèves et les élèves entre eux;
[la séquence observée est basée sur les interactions entre
tous les individus en présence, l’enseignant a organisé des
équipes de travail et passe dans chacune d'elles, sollicitant les
L "y échanges entre les élèves]

À l’aide de ces critères, différents cribles d'évaluation de la relation di-


dactique peuvent être complétés durant une même séquence d’enseignement/
apprentissage. Ces cribles serviront ensuite à réaliser des ajustements avec
340 Créer des conditions d'apprentissage
PERDRE
PAAMERIQUE ARRETE 7

l'enseignant ou le candidat-enseignant. En effet, sur base de ces observations,


l'enseignant peut réorienter les décisions qu'il doit prendre en fonction de
l'équilibre recherché entre les différentes dimensions du crible.

e EXEMPLE :
La figure 54 fournit un exemple d'observations réalisées à l’aide d’un
crible d'évaluation de la relation didactique durant une heure de cours. L’ac-
tivité observée a duré 50 minutes, quatre observations ont été effectuées de
10 minutes en 10 minutes, fournissant chacune un instantané de cette relation
didactique.

Crible no 1 Crible no 2
après 10 min. après 20 min.
Élèves: E

Connaissances
du maître: C.M

Crible no 3
après 30 min.

FIGURE 54
DETENTE
PEER

Quatre instantanés d’une même activité


Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 341

Ces observations ont été accomplies durant un cours de mathémati-


ques dans une classe de cinquième primaire à Sherbrooke. L'activité était di-
rigée par un stagiaire.

e QUE DÉGAGER DE CES QUATRE HEXAGONES ?


Passons d’abord en revue les quatre cribles, proposons ensuite un
commentaire global.

Le crible n° 1 témoigne d’une activité d'enseignement magistral du-


rant laquelle l'enseignant enseigne un savoir, en faisant passer ses
propres connaissances à propos de ce savoir et en n’accordant aucune
place aux élèves ni à leurs connaissances. Durant cette séquence, l’en-
seignant fait un exposé.

Le crible n° 2 témoigne d’une activité durant laquelle il y a quelques


interactions entre l'enseignant et quelques élèves seulement. Le sa-
voir prime toujours sur les connaissances des élèves durant cette sé-
quence. Plusieurs élèves (moins de la moitié) ont posé des questions
de clarification à l'enseignant à propos de l'exposé qu'il vient de faire.

Le crible n° 3 témoigne d’une activité durant laquelle les élèves réa-


lisent une application individuelle à propos du contenu de l'exposé
magistral de l'enseignant. Durant cette activité, les élèves sont actifs.
L'enseignant fait quelques commentaires durant la séquence obser-
vée.
Le crible n° 4 témoigne d’une activité d'évaluation durant laquelle les
élèves utilisent leurs connaissances à propos de l’objet d’apprentis-
sage. L'enseignant formule quelques remarques durant le travail indi-
viduel des élèves.

Globalement, nous observons une activité classique. Après un exposé


magistral, l'enseignant prévoit une période de questions suivie d'exercices et
d’une évaluation. Le schéma est traditionnel. Ces quatre hexagones mettent
cependant en évidence que le savoir (ou l’objet d'apprentissage, quel qu’il
soit) est dominant tout au long de l’activité observée. L'enseignant occupe une
place majeure dans cette activité, au détriment de l'élève qui n'entre que très
progressivement dans l’activité. Le parent pauvre de cette activité reste les in-
teractions maître/élève et élèves/élèves ainsi que les connaissances des élèves.

e QUELLES DÉCISIONS PRENDRE ?


Ces cribles constituent un outil extraordinaire pour refléter à l’ensei-
gnant les tendances de l’activité observée. Après avoir présenté ces cribles au
stagiaire, nous avons pu, avec lui, constater qu'il n'avait aucun souci des con-
naissances de ses élèves, qu'il établissait très peu d'interactions sociales du-
rant cette activité et que le savoir à apprendre occupait la première place du
début à la fin dans cette activité.
Créer des conditions d'apprentissage

Nous lui avons posé la question suivante :

«Comment pourrais-tu rééquilibrer tonactivité pourque


_ soit plus la vedettedece que tu fais avec tesélèves Po.

Cette question engendre une série de décisions que l’enseignant-sta-


giaire doit prendre pour rééquilibrer ses activités avec ses élèves. Ces déci-
sions ne peuvent cependant pas découler des constats établis lors de ces
seules observations. Il s'agit de découvrir l’origine des comportements obser-
vés chez ces élèves. Sont-ils le résultat de la seule autorité de l'enseignant ou
dépendent-ils de la coutume de classe ? Dans quelle mesure la coutume de
classe a-t-elle ou non déterminé le comportement de ces élèves ? La réponse
à ces questions est vitale pour la suite des activités.

Si les élèves ont l'habitude de fonctionner de la sorte, il sera difficile


d'aller à l'encontre de cette manière de faire du jour au lendemain. Corollaire-
ment, si ce stagiaire a comme unique pattern d'enseignement ce mode de
fonctionnement, il sera difficile de lui faire adopter, sine qua non, d’autres ap-
proches de l’enseignement et de l'apprentissage. Ces quatre instantanés d’une
même activité ont cependant l'avantage de nous permettre de disposer d’une
image que nous pouvons renvoyer à ce stagiaire-enseignant, il devra s’en ser-
vir pour clarifier ce qu’il connaît à propos de la coutume de cette classe mais
aussi, et surtout, à propos de ses propres conceptions de l'enseignement.

Un groupe d'élèves, autrement dit une classe, une cohorte, ..…., n’est
jamais naïf! L'enseignant ou le stagiaire ne peut jamais imposer une formule
pédagogique, aussi bonne soit-elle, sans tenir compte de la coutume de classe.

e EXEMPLE :

Dans une classe d'application de sixième primaire de l'École Normale


de Braine-le Comte l, nous avions, avec nos étudiants, préparé une activité
type de mathématiques sur le rapport «n = 22/7 (ou 3,14...)». Avec les sta-
glaires, nous avions préparé une série d'ateliers dans lesquels les élèves devai-
ent découvrir ce fameux rapport sur des objets dont une des faces au moins
est circulaire (boîte de conserve, crayon, craie, ...). Les élèves disposaient de
fiches avec les consignes de travail pour chacun des ateliers, des espaces
étaient prévus sur la fiche pour réaliser les calculs, écrire des observations et
noter quelques réflexions. Répartis en petits groupes, les élèves devaient pas-
ser d’un atelier à l’autre, en une tournante clairement établie pour chacune
des équipes. Toutes les équipes devaient passer par tous les ateliers. Cette ac-
tivité nous semblait devoir fonctionner sans problème! Aussitôt que les sta-
giaires eurent donné les consignes de travail aux élèves, ces derniers se sont
mis à l'ouvrage dans les ateliers! Après dix minutes de cours, la classe était
transformée en un capharnaüm épouvantable, les élèves circulant dans tous
les sens dans la classe en riant haut et fort, faisant de tout sauf ce qui leur était

13 Province du Hainaut, Belgique francophone, activité magnétoscopée en 1986.


Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 343
Lu: :

demandé dans les ateliers. Ce fut la débandade totale, le chahut complet,


l'échec complet!

Lors de l’analyse de la séquence magnétoscopée avec l'enseignant,


nous nous sommes rendus compte que ces élèves (nous étions en 1986)
étaient habitués depuis le début de leur scolarité à des activités avec un gui-
dage très fort de la part de l'enseignant. Jamais, sauf à quelques exceptions
près, il ne laissait autant d'autonomie à ses élèves.

Réalisant une série d'observations par la suite dans cette classe, les
stagiaires ont pu mettre en évidence une série de ses règles de fonctionne-
ment. Ils ont notamment constaté que le travail en atelier était associé, pour
ces élèves, à des activités plus ludiques durant lesquelles l’enseignant accep-
tait un certain laisser-aller, une certaine détente. Ces observations et le travail
effectué sur la «coutume de classe» de ces élèves, ont ensuite permis aux sta-
glaires d'envisager une série de réajustements à leur activité et de la repropo-
ser, dans cette classe, sous une forme plus adaptée aux habitudes de ces élèves.

e ET EN CONCLUSION DE CE PARAGRAPHE ?
Ce paragraphe est sans doute long et peut paraître confus! En fait,
nous y traitons d’un élément très important dans la gestion de la classe. L’en-
seignant prend, à longueur des heures de cours, des centaines de décisions.
Par ces décisions, il gère le contrat didactique et la dynamique du fonctionne-
ment de sa classe. Ces décisions doivent lui permettre de maintenir une série
d’équilibres entre l’implicite et explicite, entre connaissances et savoir, entre
_le travail d'enseignement du maître et celui d'apprentissage des élèves. Ces
équilibres sont toujours difficiles à établir, ils sont précaires, ils sont très dif-
férents d’une classe à l’autre chacune ayant sa propre coutume. Pour trouver
ces équilibres, l'enseignant doit avoir conscience, dans une certaine mesure,
de la coutume de la classe qu'il a en face de lui. Il ne peut pas, en vertu de la
coutume de classe, lui proposer n'importe quoi, le dernier exemple est édifiant
à ce propos! Mais il doit aussi être conscient de l'effet de ses décisions sur le
fonctionnement même de la classe et du type d'activités qu’elles engendrent,
les cribles d'évaluation nous permettent rapidement de décoder ces activités!

Les décisions de l'enseignant sont pertinentes lorsqu'elles permettent le main-


_ tien des différents équilibres évoqués!

(d) Mettre en interaction


Dans une perspective socioconstructive et interactive, le concept
d'interaction a nécessairement un triple entendement. Il évoque successive-
ment (1) les interactions entre les élèves, (2) les interactions entre les élèves
et l'enseignant et (3) les interactions entre savoir et connaissances. Les deux
premiers entendements évoquent des interactions sociales et font donc
référence à la dimension socio du modèle. Le troisième entendement évoque
344 Créer des conditions d'apprentissage
BRIE R 2TETE RBISRPET US

le fameux rapport «savoir/connaissances » et fait donc référence à la dimen-


sion interactive du modèle. Il s’agit naturellement d'interactions très diffé-
rentes, pourtant toutes aussi importantes les unes que les autres. Le contrat
didactique envisage ces différentes interactions, il permet les mises en inte-
raction de l’enseignant avec ses élèves, des élèves entre eux et du savoir avec
les connaissances des élèves. Nous évoquerons, dans les lignes qui suivent, les
interactions entre l'enseignant et les élèves et celles entre élèves. Nous défi-
nissons ainsi progressivement la dynamique du conflit sociocognitif. Nous
avons déjà évoqué longuement, dans les paragraphes qui précèdent, le pôle in-
teractif, c’est-à-dire celui qui permet la mise en interaction entre connaissan-
ces et savoir. Nous n’abordons plus cette dimension dans le paragraphe qui
suit.

e QUESTION :
«comment l'enseignant peut-il se mettre en interaction avec ses élèves ?»

Deux conditions sont à remplir, dès le départ, pour que des interactions
existent entre l'enseignant et ses élèves. (1) Il est évident que ces interactions
n'existent que si un espace de dialogue a été défini au préalable. (2) De même,
cet espace de dialogue ne peut subsister que si l'enseignant propose à ses élè-
ves des activités compatibles avec leur «coutume »! Ces deux conditions préa-
lables remplies, l'enseignant peut entrer en interaction avec ses élèves. Ce
travail se fait dans la perspective de créer avec les élèves des «zones proxima-
les de développement». Nous avons défini préalablement ces zones, elles four-
nissent clairement l'orientation que l'enseignant peut fournir à ces inter-
actions. À l’intérieur de ces zones proximales de développement, les inter-
actions de l'enseignant suggèrent d’abord un guidage très fort de l'élève pour,
par la suite lui laisser de plus en plus d'autonomie. La réponse à la question
posée situe donc ces interactions dans les espaces de dialogue, dans le respect
de la coutume de la classe. Ces interactions prennent l'orientation que lui don-
nent les zones proximales de développement.

.… Mais, à propos de quoi ont-ils des interactions ?

Les interactions que l'enseignant développe avec ses élèves s’inscri-


vent dans une perspective de construction de connaissances par ces derniers.
Cela suppose qu’à travers les interactions qu'il développe avec ses élèves, l'en-
seignant porte toujours un regard positif sur les connaissances de ces der-
niers. Les connaissances des élèves, leurs conceptions, à propos de l’objet
d'apprentissage, constituent la clef de voûte de l'apprentissage, elles ont une
importance capitale dans toute démarche d'enseignement/apprentissage.

Les interactions sociales que l'enseignant développe, avec ses élèves,


sont rarement gratuites. Elles ont en général pour finalité l'apprentissage, par
l'élève, d'objets de savoir véhiculés par l'institution scolaire. Les relations
qu'élèves et enseignant entretiennent à propos de cet objet de savoir sont
complexes. Souvent c’est l'ambiguïté même de la présentation de cet objet qui
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 345
PARENTS
TER ESSSEENS

rend difficile sa reconstruction par l'élève. En effet, les recherches de Schu-


bauer-Leoni (1986; 1988) et de Perret-Clermont (1988) montrent que cet ob-
jet de savoir est le plus souvent «habillé» par sa présentation à travers les
matériaux didactiques (manuels, fichiers d'exercices, logiciels, ….). Parallèle-
ment, l’objet de savoir est manipulé à travers les pratiques et les habitudes
scolaires de l'enseignant lui-même. L'un et l’autre («habillage» de l’objet de
savoir et «pratiques scolaires» de l’enseignant à son propos) risquent de pa-
rasiter l’objet d'apprentissage tout en étant indispensable à l'échange entre
l'enseignant et ses élèves. C’est sans doute là un des nombreux paradoxes de
l'apprentissage scolaire. Cependant, les interactions sociales entre l’ensei-
gnant et les élèves ne sont intéressantes que si enseignant et élèves parvien-
nent à dégager l’objet d'apprentissage de cette double source de parasitage :

«(..) lorsque l’enfant apprend à effectuer des opérations arithmétiques élémentaires,


il doit «simultanément» apprendre les usages langagiers en vigueur pour désigner
ces opérations (par exemple les modalités de formulation pour lesquelles ont opté les
rédacteurs du programme) et les pratiques idiosyncratiques de son maître en la ma-
tière. Probablement que ces habitudes et conventions sont à la fois nécessaires à la
communication, des points d'appui pour rapprocher la réflexion de l'adulte de celle de
l'enfant et, en même temps, comme des «bruits» parasitant l'accès à la notion ou
l'opération elle-même. Cet «habillage» des concepts est inévitable puisque, juste-
ment, d’abstraits qu'ils sont, ils doivent devenir des «objets partagés » entre deux in-
terlocuteurs. Mais ce partage n’est adéquat que si les deux interlocuteurs parviennent
à faire la même abstraction hors des limites de cet «habillage» ».
Perret-Clermont (1988 : 267)

Dans ses interactions avec l'enseignant, à propos de l’objet d’appren-


tissage, l'élève est confronté à un double langage duquel il doit dégager un
‘concept, une notion, qu'il est supposé apprendre. Ce double langage est celui
de l'habillage de la notion dans des énoncés et celui des pratiques scolaires de
l'enseignant. Cet habillage de l’objet d'apprentissage est d'autant plus ambigu
qu'il n’est présenté que dans une seule situation. Plus l'élève rencontre cet ob-
jet de savoir dans des situations différentes, moins il l’enferme dans des con-
ceptions rigides et stéréotypées. Cet objet d'apprentissage est toujours inscrit
dans la (ou les) situation(s) que l’élève rencontre à son propos. Les connais-
sances que l'élève se construit à propos d’un objet de savoir ne sont jamais dis-
sociées de ces situations. Il est donc important de varier la rencontre de cet
objet de savoir dans des situations différentes.
Lorsque nous évoquons les interactions sociales de l’enseignant avec
ses élèves, nous ne pouvons passer sous silence cette ambiguïté :

… Ce n'est pas parce que l'élève et l'enseignant ont développé des interactions
_ sociales entre eux que l'apprentissage est nécessairement facilité!

e MAIS ALORS, CES INTERACTIONS, SONT-ELLES RÉELLEMENT


POSSIBLES ?
Elles sont non seulement possibles, elles sont indispensables pour
l'apprentissage. Mais pas à n'importe quelles conditions! Nous relevons au
346 Créer des conditions d'apprentissage
EREE ETS NS

moins six conditions que nous jugeons indispensables pour optimiser les inte-
ractions entre l'enseignant et ses élèves :
(1) ces interactions s'inscrivent dans l’espace de dialogue créé entre
l'enseignant, les élèves et l’objet de savoir;
(2) ces interactions se vivent dans le respect de la coutume de la
classe;
(3) ces interactions se construisent dans la perspective donnée par
les zones proximales de développement;
(4) au cours de ces interactions, l'enseignant porte un regard positif
sur les connaissances de ses élèves;
(5) au cours de ces interactions, l'enseignant lève les ambiguités
dues à l'habillage de l’objet d'apprentissage et à sa présentation en
situation,
(6) au cours de ces interactions, l'enseignant évite d'occuper une pla-
ce trop prégnante et accorde un grande importance aux inte-
ractions entre pairs.

e QUESTION :
SR les interactior c entreLu sont-elles pee me Le interactions |
_ élèves/adulte ARR 28 Ep

La sixième condition évoquée dans les lignes qui précèdent est certes
en contradiction avec le principe même de la zone proximale de développe-
ment. Cette contradiction est sans doute évidente depuis le moment où nous
avons fait référence à Vygotsky alors que jusqu'alors notre cadre théorique
était plutôt piagétien. Arrivant à des propositions concrètes et à une opéra-
tionnalisation du modèle SCI, cette contradiction n’est que plus évidente! Le
moment est sans doute venu de clarifier ce débat, non de lever cette ambiguï-
té. Nous emprunterons, pour ce faire, des arguments issus des courants ac-
tuels de psychologie sociale du développement cognitif (Mugny, 1991).
Depuis longtemps déjà, les rapports entre dynamiques sociales et dy-
namiques cognitives sont étudiés par les chercheurs en psychologie. Parmi ces
derniers, Baldwin (1897) apparaît comme un précurseur. Ses nombreuses ob-
servations lui permettent de décrire les formes d’accommodations par lesquel-
les un enfant s'inscrit dans une tradition culturelle, ce sont essentiellement
limitation et la suggestion. Par contre, pour Caetano (1864), limitation et la
suggestion ne sont pas les principales sources de progrès. Pour lui, les nouvel-
les «idées» surgissent du conflit entre plusieurs esprits. L'idée de «conflit so-
cio-cognitif» apparaît donc dès le milieu du siècle dernier! Elle s’inscrira par
la suite dans un débat qui lie le collectif et l’individuel. Une sorte de
«sociogenèse» des structures cognitives (Doise, Mugny et Perret-Clermont :
1974) verra ensuite formellement le jour. plus d’un siècle plus tard.
Ce trop rapide détour historique n'explique pas pour autant les con-
tradictions internes évoquées. Il faudra attendre le débat entre Wallon et
Piaget et les réponses de Piaget à Vygotsky pour en comprendre la teneur.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 347

Pour Wallon (1976), l'enfant est dès le départ immergé dans des inte-
ractions avec son environnement et ce psychologue en montre toute l’impor-
tance pour le développement cognitif. De même, pour Vygotsky (1962) le
développement de la pensée va du social à l’individuel et non le contraire :
«(...) Un processus interpersonnel se transforme en un processus intra-personnel.
Chaque fonction apparaît deux fois dans le développement culturel de l'enfant :
d'abord au niveau social, et ensuite, au niveau individuel; d'abord entre individus (in-
terpsychologique) et, ensuite, dans l'enfant (intra-psychologique) ».
Vygotsky (1978 : 57)
Piaget n’a pas étudié ce type d'intervention causale des interactions
sociales dans le développement de l'individu. Il n'apporte en tout cas aucun
éclairage sur la question que nous reformulons en ces termes :
«… Si le progrès logique va de pair avec celui de la socialisation, sommes-nous pour
autant autorisés à dire que l'enfant devient capable d'opérations rationnelles grâce à
son développement social ou devons-nous, au contraire, prétendre que l'enfant par-
vient à développer des interactions avec les autres grâce à ses acquis cognitifs
préalables ?»

Alors que Wallon ou Vygotsky semblaient y apporter une réponse in-


téressante, cette question reste ouverte dans les écrits de Piaget (1965). Tout
au plus ce dernier voit-il dans les deux dimensions (sociale et individuelle) des
aspects indissociables d’une même réalité. Aujourd’hui, les psychosociologues
du développement cognitif sont sortis de l'ambiguïté dans laquelle nous lais-
sait Piaget :
«(.…) les coordinations cognitives doivent être considérées à la fois comme des coor-
dinations sociales et comme des coordinations individuelles; mais lors de son déve-
loppement l'individu est amené à participer à des coordinations sociales qui lui
préexistent en quelque sorte, qui sont régies par des principes d'organisation et de
structuration qui vont jusqu'à organiser sa propre activité (...)».
Doise (1991 : 47)
C'est dans ce contexte que se développe le concept de conflit socio-
cognitif (Doise et Mugny, 1981; Inhelder, Bovet, Sinclair, 1974; ...). Dans cet-
te perspective, l’idée maîtresse est que des processus interindividuels peuvent
également être constitutifs du développement cognitif individuel. Mais, et
c’est là qu’une réponse apparaît à notre propre questionnement, n'importe
quelle interaction ne produit pas nécessairement un effet positif à n'importe
quel moment du développement cognitif.
Le conflit sociocognitif peut être considéré comme source potentielle
de progrès cognitif. Carugatti et Mugny (1991) considèrent l'interaction socia-
le et conflictuelle comme structurante et génératrice de nouvelles connais-
sances. Les progrès cognitifs relèvent de l'extension de schèmes !* plus

14 Nous définissons un schème comme étant un invariant opératoire pour une classe donnée de
situations. Vergnaud (1996 : 199) définit le schème comme étant «l’organisation invariante de
la conduite pour une classe de situations». Confronté à un même type de situations, le sujet
fournit, de façon invariante, le même type de réponse. Pour Vergnaud (1996), c'est dans les schè-
mes qu'il faut rechercher les connaissances du sujet qui lui permettent d'être opératoire ou non.
348 Créer des conditions d'apprentissage
DE SU

élémentaires à des situations de plus en plus variées et de la confrontation de


ces schèmes à d’autres de nature différente. Mais, pour qu'il y ait progrès, il
est indispensable que les élèves disposent des schèmes qui devront être éten-
dus à de nouvelles situations, c’est là une première condition pour que le con-
flit sociocognitif soit source de progrès cognitifs pour l'élève. Cela signifie que
dans l'organisation des équipes de travail, l'enseignant regroupera des élèves
qui ont des conceptions différentes à propos de l'objet de savoir.
Mais quelle place l'enseignant pourra-t-il lui-même s’octroyer au sein
de ces équipes d'élèves ? Il évitera surtout, dans ces différentes équipes d’élè-
ves, d'imposer son propre point de vue, de proposer ses propres connaissan-
ces comme unique référence.
Dans la conception que l'élève se construit du rapport social qui l’unit
à son enseignant, les propositions de ce dernier font souvent autorité. L'élève
les accepte par imitation, renonçant à ses propres conceptions. Il n’y a pas de
conflit socio-cognitif dans ce cas. La position de l'enseignant dans le groupe
est trop forte.
Par contre, l'enseignant peut intervenir dans le groupe dans le sens de
l'examen critique piagétien ©. Non en proposant son propre point de vue, ses
connaissances, ses certitudes, ... mais dans une véritable attitude critique et
une mise en question systématique des affirmations des différents membres
du groupe d'élèves.
C'est à ce niveau que se situe la réserve que nous formulons quant à
la position de l'enseignant au sein des groupes ou des équipes d'élèves. L’en-
seignant peut être présent, à condition de ne pas inhiber le conflit sociocogni-
tif mis en place par la diversité des conceptions des élèves. Ce travail,
l'enseignant le fait non en référence à ses propres connaissances, mais en évo-
quant des propositions d’autres élèves :

— «j'ai entendu un autre élève de votre âge affirmer que, … ce n'est pas ce que vous
dites!»

— «dans une autre équipe, on pense plutôt que, … c'est différent de ce que vous
proposez!»

L'enseignant peut également mettre en évidence la diversité des


points de vue en présence dans le groupe et les confronter à ceux d'élèves
d’autres groupes. Par cette approche, aucune conception d'élève n’a un statut
différent de celle des autres élèves. Elles sont toutes autant remises en cause
les unes que les autres. Un véritable conflit sociocognitif apparaît alors.
Dans ce contexte de conflit sociocognitif, l'enseignant ne peut certes
plus fonctionner comme dans le cadre des zones proximales de développe-
ment. Les groupes d'élèves constitués, l'enseignant doit rapidement s’effacer
et nintervenir que pour faciliter le conflit sociocognitif. Ces deux approches
sont-elles incompatibles ? Certainement pas, l'enseignant peut très bien

15 Un examen critique de type piagétien met systématiquement en question les affirmations du


sujet en le confrontant aux points de vue de pairs ayant un autre avis que le sien.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 349

assurer un guidage fort de ses élèves comme dans le début des zones proxi-
males de développement pour ensuite provoquer des conflits sociocognitifs. Il
doit cependant bien se rendre compte que dans l’un et l’autre de ces deux cas
de figure, son rôle est très différent. L'enseignant doit être capable de jouer
sur ces différents registres.
Par ailleurs, le conflit sociocognitif est également fonction de la con-
ception que les élèves se font de la tâche. En fonction de l'importance que
l'élève accorde ou non à la tâche et au groupe d'élèves dans lequel il se trouve,
il acceptera ou non de s'engager dans cette tâche. Sans engagement réel de la
part des élèves, il n’y aura pas de conflit sociocognitif. Les élèves doivent être
d'accord de dépasser leurs contradictions pour créer de nouvelles proposi-
tions. Il ne suffit pas de mettre des élèves ensemble autour d’une table, encore
faut-il qu'ils constatent leurs différences de point de vue, qu’ils les compren-
nent et qu’ils aient le projet de les dépasser. Le conflit sociocognitif est
toujours double :
(1) à un niveau intra-individuel les connaissances du sujet ne sont
plus viables dans la nouvelle situation qui lui est proposée;
(2) à un niveau inter-individuel les propositions des autres mem-
bres du groupe sont en contradiction les unes avec les autres; le
groupe ne fournit pas non plus une réponse viable face à la situa-
tion à laquelle il est confronté.

Le déséquilibre est toujours double. Il est interne (intra-individuel)


parce que les réponses des autres sont différentes de celles du sujet, mais il
est aussi inter-individuel parce que le groupe lui-même ne parvient pas à une
réponse.
Pour que le conflit sociocognitif existe, il faut donc que chacun des su-
jets ait d’abord pris conscience de ce double déséquilibre et ait ensuite la vo-
lonté de les surmonter. L'élève devra alors comprendre que c’est par le
dépassement du déséquilibre inter-individuel qu'il pourra résoudre son dé-
séquilibre 2ntra-individuel :
«(...) en raison des divergences entre les sujets, le problème à résoudre n'est pas
réductible à un problème cognitif individuel. Il a une dimension sociale tout à fait es-
sentielle. C'est dans la coordination des points de vue pour parvenir à un accord,
c’est-à-dire dans la recherche du dépassement du déséquilibre cognitif inter-indivi-
duel, que les sujets pourront dépasser leur propre déséquilibre intra-individuel ».
Gilly (1988 : 23)
C’est, selon Mugny et Doise (1983 : 96), par l’intériorisation de
coordinations sociales que se mettront en place de nouvelles coordinations
intra-individuelles.
Pour revenir à notre question du début du paragraphe, il est évident
que les interactions, entre les élèves eux-mêmes, ont une importance capitale.
L'enseignant n’est cependant pas exclu de la dynamique du conflit sociocogni-
tif. Son rôle est important à plusieurs niveaux :
350 Créer des conditions d'apprentissage
STEP SIN GRURRE SRE SET)

(1) constituer des petites équipes d'élèves présentant des concep-


tions suffisamment différentes pour susciter des déséquilibres en-
tre les élèves;
(2) veiller à l'engagement des différents élèves dans la tâche;
(3) par des interventions critiques, enclencher les conflits intra et
inter-individuels.

De leur côté, les élèves s’engageant dans la tâche, doivent rechercher


ensemble les moyens de dépasser le déséquilibre inter-individuel auquel ils
sont confrontés en coordonnant leurs points de vue.

Premières étapes de la phase interactive:


organiser le contrat didactique

Pourquoi?

Pour clarifier le rôle de chacun.

Comment? En posant quels gestes?


en créant un espace de en recherchant les moyens de mettre
dialogue enseignant, élèves et savoir en interaction;

en prenant en en utilisant différents outils pour connaître


considération les habitudes de fonctionnement en
la coutume de classe groupe;

en gérant des règles en établissant l'équilibre entre l'implicite


et des décisions et l'explicite, entre l'enseignant et
l'apprentissage, entre connaissances et
savoir, ….;

en mettant en mettant en place les conditions pour


en interaction que se créent des dynamiques de conflits
sociocognitifs.

Pour arriver à quel résultat?

Les apprenants, l'enseignant et l'objet de savoir sont mis en interaction dans


la perspective de créer des conflits sociocognitifs.

FIGURE 55
RAT
D ne]

L'organisation du contrat didactique : fiche aide-mémoire n° 4


Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 351

A vous avez dit «conflit socio-cognitif» ? Lee se:

Nous pouvons alors enfin arriver à une définition de la dynamique du


conflit sociocognitif!
La dynamique du conflit sociocognitif est caractérisée par une coo-
pération active des élèves confrontés à une même tâche. Chacun, au sein de
cette dynamique, prend en considération le point de vue d'autrui et recher-
che, dans la confrontation cognitive, un dépassement des différences et des
contradictions pour parvenir à une réponse commune.

Retenons donc de ce paragraphe que les interactions entre pairs sont


intéressantes pour autant qu’elles permettent le développement de dynami-
ques de conflits sociocognitifs. C’est à la mise en place d’une telle dynamique
que l'enseignant doit travailler. L'acceptation du conflit sociocognitif est une
des règles du contrat didactique, comme l’est également la place que chacun
doit occuper dans la perspective des zones proximales de développement. La
mise en place du contrat didactique suppose l'acceptation par chacun du rôle
qu'il doit jouer en fonction du contexte dans lequel il se trouve. (voir figure
page précédente)

4.4.2 Seconde condition :


mettre l'élève en situation d'apprendre...
.… OÙ la définition d’un projet

(a) Mettre les élèves en projet

e QUESTION :
«Un projet pour qui ? Pour l'enseignant ? Pourun élève ? Pour tous les
élèves ?»

e DOCUMENT :
«D'une démarche de projet, on attend souvent qu'elle soit le moteur d’une activité,
voire d’un apprentissage parce que, comme l'expression l'indique, le sujet est mobi-
lisé par un but à réaliser et consent donc des efforts, sinon pour apprendre, du moins
pour réussir. Tout l’art est évidemment d'engager les élèves dans des projets dont la
réussite dépend d'un apprentissage. L'engagement dans un projet de moyenne ou
longue portée offre à la fois une occasion d'apprendre à planifier, négocier, coopérer,
réaliser et un cadre intégrateur à des activités plus limitées qui, prises isolément, se-
raient reçues comme des exercices sans grand intérêt, en un mot, «scolaires». Ecrire
une «vraie» lettre pour obtenir des fonds ou une autorisation n’équivaut pas à écrire
une lettre fictive pour s'exercer à la forme épistolaire ».
Perrenoud (1997a : 68)
352 Créer des conditions d'apprentissage
PSP PATENT ÇEDSDES

e LA NOTION DE PROJET'f :
Souvent, dans les pratiques scolaires, les objets d'apprentissage, (qu'il
s'agisse de savoir codifié, de savoir-faire ou encore de savoir-être...) sont dé-
voilés petit à petit, de micro-objectif en micro-objectif et selon des progres-
sions savamment orchestrées. Souvent aussi, la fonction essentielle de
l'apprenant se limite à être réceptif à ces morceaux de savoir, à attendre, d’ac-
tivités en activités, la fin de ce saucissonnage pour découvrir enfin ce que son
enseignant voulait lui faire apprendre. Les tâches essentielles des élèves dans
les activités de ce type peuvent se réduire à quelques verbes, à quelques
expressions : «recevoir passivement des morceaux de savoir», «être à l'écou-
te du maître», «se taire et emmagasiner», «reproduire les propos du maître»,
… mais alors, où se trouve l'apprentissage ? Et surtout, pourquoi pouvons-
nous prétendre qu'il n’y a que très peu d'apprentissage dans ce cas ?
Pour qu'il y ait apprentissage, il faut que le savoir à apprendre, ou tout
autre objet d'apprentissage, soit intégré dans un véritable projet porteur de
nombreuses significations pour l’apprenant. Cela nous amène bien sûr à pré-
ciser dans les lignes qui suivent ce que nous entendons réellement par projet.

… VOUS avez dit projet ?

Le projet personnel de réaliser un apprentissage est la principale sour-


ce énergétique de tout apprentissage. Les objets d'apprentissage n’ont de sens
que dans et par ce projet. Dans notre vie quotidienne, nous ne réagissons pas
autrement. Nous ne recherchons de l'information ou l'acquisition de nouvelles
connaissances et compétences qu'en fonction de projets dont la réalisation
nous tient à cœur.
Par exemple, nous ne consulterons la carte routière de la région d’Ali-
cante en Espagne, pour y identifier la route qui mène de Calpe à Altea, qu’en
fonction d’un projet de séjour dans cette région... et probablement d’une ex-
cursion de Calpe à Altea. De même, nous apprendrons la base du vocabulaire
espagnol touristique en fonction de ce même projet. Beaucoup de nos condui-
tes n'ont de sens que parce qu'elles s'inscrivent, ainsi, dans des projets à court
ou à long terme! Lire le mode d'emploi d’un percolateur n’a pas beaucoup de
sens, sauf si la cafetière est neuve, que nous n’en connaissons pas le mode
d'emploi et que nous avons un désir très fort de café!
Un voyage dans la province d’Alicante, ou une simple tasse de café,
sont des projets en dehors desquels les activités évoquées seraient gratuites,
un peu comme certaines activités scolaires! Il pourrait s’agir d’un exercice de
géographie, au cours duquel l'élève doit s'entraîner à repérer des itinéraires
menant d'un point à à un point b sur une carte routière, le hasard a voulu que
certains élèves aient dû faire cet exercice sur la carte routière de la province

16 Le contenu de ce paragraphe renvoie à deux documents qui traitent du projet : Jonnaert,


Ph., Lauwaers, À., Peltier, E. (1995) et Jonnaert, Ph. (1996e). Le second document est exclusi-
vement consacré à la problématique du projet, de son intention à sa concrétisation en passant
par son évaluation.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 353
CEETRES

d'Alicante. Pourquoi ? Nul ne sait! Ce qui importe dans cette situation, c'est
l'exercice scolaire par lui-même. L'enseignant justifie la valeur de l'exercice
par l'exercice lui-même. Que les élèves n'aient jamais été en Espagne, qu'ils
ignorent tout de la province d’Alicante, peu importe, l'exercice a, selon l’en-
seignant, une valeur intrinsèque. et c’est suffisant! De même, la lecture du
mode d'emploi d’un percolateur aurait pu faire l’objet d’une activité de lecture
en français, même sans percolateur et sans tasse de café! On frôle l'absurde
certes, et c’est ici qu'intervient l'incontournable concept de projet.
Un apprentissage aura du sens parce que, disions-nous, l’apprenant
recherche de l'information, de nouvelles connaissances ou de nouvelles com-
pétences en fonction d’un projet personnel :

«(...) dans cette interaction entre les informations et le projet, les premières ne sont
décelées que grâce au second, et le second n’est rendu possible que grâce aux
premières; l'apprentissage, la compréhension véritable ne surviennent alors que par
cette interaction, c’est-à-dire qu'ils sont création de sens ».
Meirieu (1987 : 55)

Mais que comprendre par projet ? Il n'entre pas dans nos intentions de
détailler et d'analyser en ces lignes toute la fécondité d’une pédagogie du pro-
jet. Nous renvoyons le lecteur à un ouvrage qui traite exclusivement de cette
dimension (Jonnaert, 1996e). Le terme même de projet est souvent idéalisé :
«(...) le projet relève souvent de l'ordre du fantasmatique, de cet espace de liberté
qui est donné à l’homme et qui lui permet de gommer le poids des contingences ».
Broch et Cros (1987 : 16)

2 Dans un premier temps, le projet se présente sous la forme d’un trait


d'espoir, voire d’utopie ou de rêve, c’est le premier niveau du projet : celui de
l'intention.
Dans un second temps, le rêve passé, le projet s'organise, se prépare,
se met en place : c’est le niveau de la programmation.
À ce stade, nous ne sommes pas encore réellement dans le projet en
tant que tel. Il s’agit plutôt d'une mise en projet qui articule deux niveaux :
celui de l'intention et celui de sa programmation.

e LES DEUX &PHASES » DE LA MISE EN PROJET :

— La première phase exprime l'intention de tenter une réalisation dans


un futur plus ou moins lointain ou plus ou moins rapproché. C’est un
désir, un souhait, une intention non encore mis en œuvre («j'ai envie
de faire un voyage dans l'Ouest canadien... »). Nous nommons
cette phase, celle du projet-visée (Jonnaert, 1996e). La formulation
de cette intention inclut ou non les stratégies qui permettent sa réali-
sation. Cette formulation est plus ou moins précise. Le résultat de ce
premier travail se concrétise par une intention exprimée. En géné-
ral, l'enseignant recherche l'adhésion de tout le groupe à cette
intention :
354 Créer des conditions d'apprentissage
sa

«Nous sommes bien tous d'accord ? Ensemble, nous avons formulé le souhait
de faire. »

— La seconde phase exprime le détail ordonné, voire hiérarchisé, de ce


qui sera fait pour atteindre l'intention exprimée. C’est un plan, un ca-
nevas, une synopsis, … C’est la mise en forme de ce qui est anticipé
pour réaliser le projet. Nous nommons cette phase, celle du proÿet-
programmatique (Jonnaert, 1996e). C’est un scénario d'actions pré-
senté sous forme de plan ou de programme. À la lecture de ce scéna-
rio, un élève peut projeter dans le temps ce qu'il fera pour atteindre
l'intention exprimée :

«Concrètement, voici ce que nous allons faire. »

Ces deux dimensions sont indissociables. L'une évoque l’envie, le dé-


sir, l'intention clairement exprimée, l’autre évoque la préparation, l’élabora-
tion de plans, l’organisation de l’action. L'une et l’autre cependant préparent
solidairement la concrétisation d’un projet.

e EXEMPLE :

Une rapide comparaison avec les préparatifs à la construction d’une


maison permet de clarifier simplement cette étape de mise en projet. Le pro-
jet-visée se traduit par l'expression du désir de construire une maison, sans
plus de précision quant à la réalisation du bâtiment. Quelques idées, plus ou
moins précises, sont parfois exprimées quant au type de maison recherchée :
«.…. je voudrais construire une fermette!»

Le projet-programmatique serait, dans le cas de cet exemple, le ca-


hier des charges qui permettrait effectivement d'organiser la construction de
la maison.

À ces deux phases de la «mise en projet» suivent naturellement celles


de la concrétisation du projet.

+ LES DEUX &PHASES » DE LA CONCRÉTISATION DU PROJET :

— La première phase est celle de l'action intégrée au projet. I s’agit des


gestes, des actions, des activités que les élèves posent individuelle-
ment ou en groupe et qui sont reliés à la réalisation du projet. Lorsque
l'élève pose ces gestes, il n'ignore pas qu'il travaille en réalité à la con-
crétisation du projet. Même si l'aboutissement du projet est éloignée
du geste de l'élève, celui-ci donne du sens à ce qu'il fait en fonction de
l'aboutissement du projet auquel il aspire. La lettre qu'il rédige, l’infor-
mation qu'il recherche, l'opération arithmétique qu'il effectue, la dé-
marche qu'il projette pour contacter telle ou telle personne-ressource,
… sont des actions dynamisées et orientées vers l'aboutissement du
projet.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 355

Une série de travaux, d'exercices, de recherches d'informations réali-


sés par l'élève seraient gratuits, purement scolaires, si le projet ne leur
donnait pas leur finalité. Ainsi, un élève pourrait rechercher de l’infor-
mation sur un thème fourni par son enseignant. Cette tâche n'aurait
d'autre raison d'exister que parce qu’elle a été commandée par l’ensei-
gnant. Autre chose est la recherche que fait un élève sur internet par-
ce qu'il doit absolument en savoir plus sur telle ou telle dimension du
projet pour pouvoir mener ce dernier un peu plus loin!
L'action intégrée au projet est finalisée par le projet lui-même. Par
ce fait, si ces actions mènent à la réalisation du projet, c’est le projet
lui-même qui donne du sens à ces actions.
La seconde phase est l'aboutissement du projet. Il s'agit du bouquet
final, ce à quoi les élèves ont travaillé durant une période plus ou
moins longue. C’est la concrétisation du rêve, de l'intention vague de
départ. Souvent, les enseignants veillent à ce que le projet se manifes-
te par une activité qui permet de communiquer à l'extérieur de la clas-
se le résultat du travail effectué, par exemple par la publication d’un
journal ou la réalisation d’une exposition présentant les traces du tra-
vail, le visionnement d’une projection présentant un voyage ou une ac-
tivité extra muros préparés de longue date. La communication des
résultats du travail fait sortir des enceintes de l’école les finalités du
travail scolaire. Le travail scolaire n’est plus alors un geste gratuit que
l'élève accomplit parce que l'enseignant le lui demande. Ce que fait
l'élève acquiert non seulement du sens, il a une dimension sociale non
négligeable.
Le projet en contexte scolaire est un processus qui s'articule en quatre
étapes. Les deux premières correspondent à la mise en projet : le pro-
jet-visée et le projet programmatique. Elles sont suivies par un en-
semble d'actions intégrées au projet pour finir par l'aboutissement
du projet. Le projet demande l'adhésion de tous, il a une dimension
sociale par ce seul fait. L’adhésion d’un groupe à un projet est difficile
et n’est souvent qu'une illusion. C’est pourquoi, un projet scolaire doit
recouvrir une diversité de tâches très variées, chacun doit pouvoir s’y
retrouver. Mais ces tâches n’ont de sens que parce qu'elles sont arti-
culées au projet commun. Même si, pendant un certain temps un élève
s’adonne seul à une tâche, cette dernière n’a de sens pour lui que par
ce qu’à un moment donné il peut la raccrocher au projet. La commu-
nication des traces des réalisations, à l'extérieur du groupe, est la
seconde caractéristique de cette dimension sociale du projet. L'éva-
luation du projet est constante et se fait du début à la fin par une série
d’ajustements et de régulations.
356 Créer des conditions d'apprentissage

Oui mais, un projet pour qui ? Un projet pour tous, collectivement


et individuellement!

Le projet doit intéresser tous les membres du groupe, l'enseignant et


chacun des élèves, à la fois individuellement et collectivement. Cela
ne signifie certainement pas que tous doivent, à chaque instant, réali-
ser collectivement les mêmes tâches. La richesse d’un projet relève de
la diversité des actions qu'il permet de réaliser pour atteindre son
aboutissement. Chacun doit pouvoir y trouver une entrée, mais sur-
tout s’y réaliser pendant un certain temps. Enfin, lors de l’aboutisse-
ment dans la réalisation collective finale, chacun doit retrouver sa
contribution au projet aussi minime soit-elle. C’est le projet de tous et
chacun, un projet à la fois collectif dans son aboutissement et indivi-
duel dans la réalisation de certaines tâches. Il concerne les élèves et
l'enseignant, mais aussi chaque élève individuellement! Un projet
n'échappe pas au fonctionnement traditionnel d’une classe : il doit
être conforme avec la coutume de la classe. Les élèves qui n'ont pas
l'habitude de travailler à des projets doivent apprendre ce mode de
fonctionnement. Ils doivent aussi l’accepter, en faire une règle spéci-
fique qui entrera dans leur contrat didactique. À défaut, le projet est
de l'unique ressort de l'enseignant.
Autrement dit, un projet ne s'impose pas! Certes, il naît des intentions
de quelques-uns, dont parfois l'enseignant lui-même, mais il est aussi-
tôt retravaillé en groupe, contesté, rejeté, repris, reformulé, amendé,
rediscuté, pour renaître sous la forme d’un projet-visée du groupe lui-
même. Ce travail est long, il s'inscrit dans une coutume de classe qui
accepte l'incertitude, le doute, la remise en cause, la «non-toute-
puissance» de l'enseignant et des programmes. Par le projet, la classe
accepte aussi de s'ouvrir sur l'extérieur, au-delà des programmes sco-
laires. Par le projet enfin, la classe s'impose des apprentissages signi-
fiants mais aussi des démarches plus longues que si le savoir était
simplement transmis. Une approche par projet n'est donc pas de tout
repos, ni pour l'enseignant, ni pour les élèves.

(b) Proposer aux élèves des situations signifiantes

QUESTION :

«Suffit-il que les situations proposées à l'élève soient QUE dans un projet
pour qu'elles aient du sens pour lui ?» |

Non, bien sûr! Plusieurs autres dimensions doivent être prises en con-
sidération pour qu'une situation ait réellement du sens pour l'élève. Le projet
permet à l'élève de comprendre le pourquoi de ses actions, il les finalise. Le
projet n’est cependant pas suffisant pour permettre à l'élève d'entrer dans ces
situations. Parmi les situations auxquelles l'élève est confronté, certaines sont
des «situations-problèmes » pour lui, celles qui provoquent chez lui un réel dé-
séquilibre cognitif. Ces situations-problèmes sont évidemment intéressantes
pour les apprentissages!
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 357

Mais qu'entendre par «situations-problèmes» ?

e LE CONCEPT DE SITUATION-PROBLÈME :

Une situation devient une «situation-problème» à partir du moment


où l'élève ne peut accéder directement au traitement de la situation et aux ré-
sultats de ce traitement. Il est confronté à au moins un obstacle au traitement
de la situation. La situation en tant que telle et l’environnement de l'élève
(l'accès à de l'information : matériels et réseaux informatiques, manuels, fi-
chiers, dictionnaires, encyclopédies, personnes-ressources) ne lui permettent
pas de disposer directement des éléments indispensables au traitement de la
situation. Avant de pouvoir traiter la situation qui lui pose problème, l'élève
doit d’abord effectuer des tâches et des opérations qui lèveront l’obstacle
auquel il est confronté. Ce n’est qu'après ces premières démarches qu'il pour-
ra enfin entamer le traitement de la situation qui, les obstacles levés, ne pose
plus problème.
Une des caractéristiques des «situations-problèmes» est que l'élève
ne dispose pas de suffisamment d'éléments pour la traiter et pour accéder aux
résultats de ce traitement. Il est donc bloqué et ne peut avancer dans cette si-
tuation sans faire autre chose avant le traitement sur la situation. Pourquoi ce
blocage face à la situation ? Toute la situation ou une partie de cette dernière,
plusieurs éléments de la situation, parfois même un seul élément, ne sont pas
suffisamment familiers à l'élève pour qu'il puisse directement traiter la situa-
tion. Bien plus, il ne peut accéder directement, cognitivement ou dans son en-
vironnement immédiat, à l'information qui lui permettrait de lever ces
“blocages, ces incertitudes, face à la situation. La démarche que l'élève doit
réaliser, avant de pouvoir entrer dans la situation, peut être une démarche
d'apprentissage, pas nécessairement. Ce peut être une démarche de recher-
che d'informations, pas nécessairement! Ce peut être une démarche de re-
cherche de personne-ressource, pas nécessairement non plus, ..… Ce peut
aussi être plusieurs de ces démarches, voire toutes!
Bref, une situation devient une «situation-problème» si l’élève ne
peut accéder directement à la situation sans faire d’abord une démarche de
recherche d'informations (non présentes dans la situation ni dans l’environne-
ment immédiat de cette situation), ou une démarche d'apprentissage de nou-
velles connaissances ou compétences, ou une démarche de recherche de
personne-ressource, … Tant que le blocage persiste face à la situation, le pro-
blème existe et l'élève ne peut réellement la traiter.

e LA NÉCESSITÉ DE QUESTIONNER LES SITUATIONS :

Pour D’Hainaut (1988) une situation s'articule autour de trois Compo-


santes :
_ une situation initiale (la situation à laquelle le sujet est confronté);
358 Créer des conditions d'apprentissage

— un processus de traitement de la situation (l’ensemble des opéra-


tions que l'élève doit réaliser pour traiter cette situation);
— Je résultat à atteindre (l'effet de l'application du traitement à la situa-
tion ou à une partie de la situation).

Si aucune de ces trois composantes n’est neuve pour le sujet et qu'il


dispose de suffisamment d'éléments et de ressources pour traiter cette situa-
tion, il n’y a pas de problème pour ce dernier. La situation lui est familière et
il peut lui appliquer un processus de traitement qu’il maîtrise où à propos du-
quel il dispose de suffisamment de ressources cognitives et environnementa-
les. Il s’agit donc de déterminer ce dont un sujet dispose pour traiter une
situation. Une série de questions sont à poser à trois niveaux sur chacune de
ces composantes :
— les informations présentes dans la situation à propos de chacune
des trois dimensions sont-elles suffisantes pour traiter la situation ?
— le sujet dispose-t-il des ressources cognitives (connaissances et com-
pétences) suffisantes à propos de chacune des trois dimensions pour
traiter cette situation ?
— le sujet a-t-il accès à suffisamment de ressources matérielles et hu-
maines dans son environnement pour traiter la situation ?

Au-delà des réponses que l’on peut obtenir à ces questions, un autre
élément entre en ligne de compte. Il s’agit de la conception du sujet à propos
de la situation à laquelle il est confronté. Analysant ces conceptions dans plu-
sieurs de nos travaux (Peltier, 1991; Jonnaert et Laveault, 1994; Baffrey-Du-
mont, 1996; Jonnaert, 1997...), nos constats prennent essentiellement deux
directions. D'une part, il existe de nombreux écarts entre les conceptions que
les élèves se font de la situation et la situation telle que l'enseignant se l’imagi-
ne. D'autre part, à propos d’une situation identique, nous observons une gran-
de variété de conceptions parmi les élèves d'une même classe. Chacun,
finalement, se construit sa propre conception de la situation en fonction des
ressources cognitives dont il dispose et des ressources matérielles et humaines
qu'il parvient à identifier dans son environnement. Ainsi, une même situation
peut être un problème pour les uns et une simple activité d'application pour
les autres, tous étant confrontés à une situation identique proposée par le
même enseignant! Il s’agit donc de permettre à chacun de se situer par rapport
aux différentes dimensions de la situation en se posant systématiquement
une série de questions.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire

L'information est | Le sujet dispose ou Le sujet a accès ou


présente ou non non des ressources non à des ressources
dans la situation cognitives dans son
(connaissances ou environnement
compétences)

Situation | Les éléments fournis Le sujet dispose-t-il des Le sujet a-t-il ou non
initiale | dans la situation sont- ressources cognitives accès à des ressources
ils complets pour en (connaissances et com- dans Son environne-
assurer le traitement ? pétences) pour com- ment pour compléter
prendre et organiser les son information à pro-
éléments présents pos de la situation ?
dans la situation et (réseaux informati-
pour comprendre la ques, dictionnaires,
situation dans son fichiers, manuels, con-
ensemble ? tacts avec des person-
nes-ressources, ..)

Processus | Le processus de traite- Le sujet dispose-t-il des Le sujet a-t-il accès ou


de traitement | ment est-il exp/icite ressources cognitives non à des ressources
| dans la situation ? (connaissances et com- dans son environne-
pétences) pour utiliser ment pour compléter
un processus de traite- son information à pro-
ment pertinent pour la pos du processus de
situation ? traitement de la
situation ?
(description du proces-
sus de traitement dans
d’autres situations
similaires, fichiers,
manuels, bandes
vidéos, ..)

Résultat Le résultat à atteindre Le sujet dispose-t-il des Le sujet a-t-il accès ou


| est-il prévisible au ressources cognitives non à des ressources
à atteindre
départ de la situation ? (connaissances et com- dans son environne-
pétences) pour valider ment pour compléter
le résultat auquel il son information à pro-
arrive par rapport aux pos du résultat obtenu
contraintes de la et pour le valider ?
situation ? (description des résul-
tats obtenus dans
d’autres situations
similaires, fichiers,
manuels, bandes
vidéos, ..)

FIGURE 56
Eee

La nécessité de se questionner face à une situation


360 Créer des conditions d'apprentissage
EE
pe ©]

On ne peut pas attribuer de facto le statut de problème à une situation


indépendamment du sujet. Analysant la situation, recensant ses propres res-
sources cognitives et les ressources dont il peut disposer dans son environne-
ment pour traiter la situation, le sujet pourra alors déterminer lui-même s'il est
capable ou non de traiter cette situation.
Enfin, nous avons déjà insisté sur ce point, la situation doit avoir du
sens pour l'élève et s’articuler au projet qui le guide au moment auquel il est
confronté à la situation.
Il est évident que les situations les plus intéressantes pour l’apprentis-
sage sont celles qui provoquent chez l’apprenant un déséquilibre cognitif : les
«situations-problèmes ».

… Mais à quelles conditions ces problèmes existent-ils ?

Nous avons travaillé à plusieurs reprises sur les conditions que doit
remplir une situation pour être un problème pour l'élève. Dans Jonnaert
(1997), nous synthétisons ces travaux en présentant une adaptation des sept
conditions définies par Douady (1983) pour qu'un problème existe. Nous pro-
posons une nouvelle adaptation de ces conditions, sortant du strict cadre de
l'apprentissage et de l’enseignement des mathématiques pour lesquelles elles
ont préalablement été conçues.

1) Le sens :

«quelle est la signification de cette situation par rapport à ce que je fais


actuellement ?»

— la situation et ses composantes doivent avoir du sens dans le


champ des connaissances du sujet;
— la situation doit s’articuler au projet qui guide l’action actuelle du
sujet.

2) Le but:

««pour quoi» cette situation et quels résultats puis-je espérer au terme de son
traitement ?»

— le sujet doit rapidement dégager le «pour quoi» de la situation à la-


quelle il est confronté;
— après une première analyse, il doit rapidement pouvoir s'imaginer
le type de résultat auquel il arrivera après le traitement de la situa-
tion.

3) Le traitement :

«que faire pour traiter efficacement cette situation ?»

— le sujet doit pouvoir engager une stratégie de traitement efficace;


— la stratégie de traitement qu'il choisit doit articuler ses ressources
cognitives (ses connaissances et ses compétences) aux ressources
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 361

qui existent dans son environnement (des ressources humaines et


matérielles) et aux informations présentes dans la situation:
— la stratégie imaginée par le sujet doit être pertinente par rapport à
la situation, au but et au projet dans lequel il est inscrit:
— le sujet doit être capable d'imaginer d’autres situations auxquelles
il peut appliquer cette stratégie.

4) Une situation riche :

«comment organiser ce dont traite la situation ?»

— la situation à laquelle le sujet est confronté doit s'inscrire dans un


réseau de concepts assez important, mais pas trop pour que le su-
jet puisse en gérer la complexité;
— le réseau de concepts s'inscrit dans une frame conceptuelle perti-
nente par rapport au projet dans lequel il est impliqué;
— ses conceptions lui permettent de traiter ces concepts, d’en gérer
la complexité et de les situer dans un réseau conceptuel plus vaste:
— le sujet doit être capable d'identifier d'autres situations qui font
aussi appel à ce réseau conceptuel.

5) Une situation ouverte :

«existe-t-il plusieurs voies pour arriver au but ?»

— le sujet doit pouvoir utiliser plusieurs stratégies différentes pour


traiter la situation, les essayer, les comparer, les valider, et effec-
tuer des choix;
— Ja situation doit admettre une gamme de solutions différentes en
fonction du but et du type de stratégie adoptés.

6) Des cadres différents :

«est-ce que je peux traduire cette situations dans des cadres différents ?»

— l'élève doit pouvoir traduire la situation dans des langages diffé-


rents qui font cependant partie de son registre de connaissances;
— l'élève doit pouvoir choisir le langage qui correspond le mieux à la
situation (un plan, un texte, un schéma, un dessin, une formule,
a)
7) L'apprentissage :

«à quoi sert la démarche d'apprentissage ?»

— l'apprentissage doit permettre la création ou l'adaptation de con-


naissances (ou de compétences) qui vont permettre d'augmenter
les ressources cognitives du sujet par rapport à la situation;
— dans cette perspective, l'apprentissage ne permet pas le traitement
de la situation, il est toujours préalable au traitement : le sujet
362 Créer des conditions d'apprentissage

apprend pour construire les outils dont il ne disposait pas pour trai-
ter une telle situation;
— l'apprentissage réalisé, le sujet peut utiliser et valider ses nouvel-
les ressources cognitives dans la situation;
— lorsque le sujet a acquis ses nouvelles ressources cognitives, sou-
vent, il n'y a plus de problème, il lui suffit d'appliquer ses nouvelles
connaissances ou compétences à la situation;
_ Ja richesse de la situation va permettre au sujet d'établir des liens
avec d’autres situations dans lesquelles il pourra aussi utiliser ses
nouvelles connaissances.

e _... DES SITUATIONS SIGNIFIANTES ? QUE DÉGAGER DES LIGNES QUI


PRÉCÈDENT ?
Les situations signifiantes sont celles qui s'inscrivent dans le projet
actuel de l’apprenant. Ce n’est pas suffisant! Ce dernier doit disposer, dans
son répertoire cognitif, des ressources suffisantes pour pouvoir entrer dans
ces situations. Dans son environnement, il doit pouvoir identifier les ressour-
ces matérielles et humaines qui lui permettront un traitement efficace de la
situation. Enfin, cette situation doit s'inscrire dans un réseau plus vaste de
situations que le sujet reconnaît. Le sujet doit être capable d'identifier les
similitudes entre ces situations.
Une situation est donc signifiante pour un élève parce qu'elle s'inscrit
dans un quadruple ancrage :
— un ancrage dans le projet actuel du sujet;
— un ancrage dans ses ressources cognitives;
— un ancrage dans les ressources matérielles et humaines de son
environnement ;
— un ancrage dans un réseau plus large de situations.

Non seulement le sujet peut ainsi donner du sens à la situation (parce


qu'elle s'articule à son projet actuel, ses ressources cognitives et environne-
mentales) mais en plus il peut transférer ce qu'il découvre dans cette situation
à celles qui lui sont proches ou associées dans un réseau de situations. Une si-
tuation signifiante est donc une situation qui a du sens pour le sujet et au dé-
part de laquelle il peut organiser des transferts vers d’autres situations.
Parfois, ces situations sont des situations-problèmes pour certains élèves, voi-
re pour tous les élèves, d’une même classe. Nous avons évoqué une série de
conditions pour que ces situations soient des problèmes. Nous ne négligeons
pas pour autant les paragraphes qui précèdent et plaçons ces problèmes dans
un contexte social de classe, voire un contexte de conflit socio-cognitif.
Dans un autre document (Jonnaert, 1997) nous présentons d’une part
une technique pour la construction de problèmes, d'autre part nous illustrons,
par des exemples, les différents types de problèmes. Cette approche est
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 363

confinée aux apprentissages mathématiques. Nous y renvoyons le lecteur


intéressé et ne traitons pas de cette dimension en ces lignes.

e MAIS COMMENT TRAITER LES PROBLÈMES ?


Dans les lignes qui précèdent, nous avons traité des situations-problè-
mes. Le sujet se fait des conceptions à la fois de la situation, de son traitement,
de son but et de la classe des situations à laquelle elle appartient! Par ces con-
ceptions, la situation n’est donc jamais indépendante du processus cognitif de
résolution de problème. Elle en est même partie intégrante. Toutefois, on a
l'habitude de dissocier «situation problème» et «processus de résolution de
problème». Ce sont certes deux concepts différents, même si le second ne
peut qu'inclure le premier : la conception que le sujet se fait de la situation-
problème à traiter est nécessairement incluse dans le processus qui va en per-
mettre la résolution. Lorsqu'un sujet traite une «situation-problème », il arti-
cule entre elles des compétences en ce sens qu'il mobilise des ressources
cognitives et affectives et des ressources présentes dans son environnement,
pour arriver à des résultats intermédiaires du traitement de la «situation-
problème». Cette approche est cohérente avec la définition que nous avons
proposée du concept de compétence dans les lignes qui précèdent, nous ins-
pirant pour ce faire des travaux de Perrenoud (1996), de Rey (1996) et de
Legendre (1988). Voici, en bref, les propos que nous développons plus large-
ment dans le chapitre 2 du présent ouvrage :
La compétence du sujet réside essentiellement dans sa capacité à mobiliser les res-
sources cognitives, affectives et contextuelles pertinentes pour traiter avec succès
une situation. Une compétence fait référence à une série d'opérations : mobiliser les
ressources, vérifier la pertinence de ces ressources, les articuler efficacement entre
elles, traiter la situation, réussir le traitement, vérifier la pertinence du résultat, … Une
compétence est toujours fonction de la situation, ou plus exactement de la conception
que le sujet s’est construite de cette situation, dans laquelle elle est mise en œuvre.

À propos du processus cognitif de résolution de problème, nos obser-


vations (Jonnaert, 1997) permettent de dégager quatre niveaux de compéten-
ce qui, chacune à son niveau, articule une série d'opérations spécifiques entre
elles et aboutit nécessairement à un résultat :
— se construire une conception de la situation et des composantes de
la situation; ce niveau de compétence aboutit à l'émergence des con-
ceptions du sujet;
_ se construire une conception du but à atteindre; ce niveau de com-
pétence aboutit à la formulation d’un but par le sujet;
_ se construire une conception de la stratégie à développer pour trai-
ter la situation; ce niveau de compétence aboutit à la formulation
d’une stratégie;
— vérifier; ce niveau de compétence aboutit à une série de vérifications.
364 Créer des conditions d'apprentissage

Niveau Activités spécifiques


des compétences à chacune des compétences

1) Se construire g les connaissances du sujet | à propos de la situation


— faire émerger
globale et à propos de ses composantes;
une conception
de la situation — comprendre globalement la situation;
— circonscrire le champ de la situation; DETTE
et de ses
composantes — établir des liens avec le projet dans lequel le sujet est impliqué;
— établir des liens avec d'autres situations inscrites dans le même
champ, ou appartenant à d’autres champs.

2) Se construire — définir les caractéristiques du résultat attendu, |


une conception — imaginer les modifications qu'aura subies la situation lorsque le but
du but à sera atteint;
atteindre — formuler une ou des hypothèses quant à l'issue du traitement de la
situation;
— vérifier la pertinence d’une telle hypothèse dans le cadre du projet
dans lequel le sujet est impliqué;
— comparer avec les résultats obtenus lors du traitement de situations
similaires.

3) Élaborer une — nommer les opérationsà réaliser pour traiter la situation;


stratégie de — Vérifiersile sujet dispose de données suffisantes pour réaliser ces
traitement opérations au niveau de ses ressources cognitives (connaissances
et compétences) et au niveau des ressources matérielles et humai-
nes mises à sa disposition dans son environnement;
— éventuellement, compléter les données en recherchant l'information
parmi les ressources matérielles et humaines mises à la disposition
du sujet ou rechercher d'autres sources d'information;
— éventuellement, réaliser les apprentissages pour disposer des res-
Sources cognitives nécessaires;
— réaliser un travail d'analyse et de sélection des outils et des données
dont le sujet dispose pour traiter la situation:
— Coordonner en procédures les outils et les données retenues:
— coordonner en stratégie les ensembles de procédures et de
données;
— vérifier si la stratégie est effectivement orientée vers le but;
— comparerla stratégie définie avec celles déjà utilisées antérieure-
ment dans des situations similaires.

4) Vérifier — Vérifier l'adéquation de la situation au projet dans lequel le sujet est


actuellement impliqué;
— Vérifier la pertinence de l'hypothèse formulée par rapport à la situa-
tion elle-même et par rapport au projet actuel du sujet:
— Vérifier la pertinence et la complétude des opérations formulées pour
traiter la situation par rapport au but annoncé;
— Vérifier la complétude des données par rapport aux opérations à
réaliser;
vérifier la pertinence de la réalisation d'un apprentissage par rapport
aux opérations et au but annoncés;
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 365

Niveau ” Hé a _ Activités spécifiques


des compétences He … à chacune des compétences

vérifier la cohérence de l'agencement des opérations en procédure:


vérifier la pertinence des procédures par rapport au but annoncé;
vérifier la cohérence de l'agencement des procédures en stratégie;
vérifier la pertinence de la stratégie élaborée par rapport au but
annoncé ;
vérifier l'adéquation des résultats obtenus par rapport au but et à
l'hypothèse annoncés;
vérifier la pertinence sociale des résultats obtenus;
— vérifier la pertinence des résultats obtenus dans le champ des situa-
tions auquel appartient la situation traitée.

FIGURE 57
SÉRIE

Le processus cognitif de résolution de problème est l‘articulation


de quatre niveaux de compétence

Au-delà des «situations-problèmes» qui sont proposées aux élèves, il


y a un «processus cognitif» de résolution des problèmes. Ces deux dimensions
sont certes très liées, l’une n'ayant d'existence que grâce à l’autre et vice-ver-
sa. Les compétences articulées entre elles dans le processus cognitifs de réso-
lution de problèmes doivent faire l’objet d’apprentissages spécifiques. Comme
pour tout apprentissage, ces derniers doivent s'inscrire dans des situations qui
ont du sens pour l’apprenant et qui sont inscrites dans le projet dans lequel il
est actuellement impliqué.
Aussi, lorsque nous évoquons des situations «signifiantes » pour le su-
jet, nous abordons nécessairement d’autres thèmes :
— celui des «situations-problèmes »;
— celui du processus cognitif de «résolution de problème»;
— celui des connaissances du sujet et de ses «conceptions » à propos de
la situation et des composantes de la situation;
— celui des «compétences »;
— celui des «procédures» et des «stratégies» de traitement de la situa-
tion;
— celui des processus «sociaux d'interactions » au sein de la classe;
— celui des processus des «conflits socio-cognitifs ».

Une situation signifiante articule ces dimensions entre elles. Une telle
situation ne débouche pas nécessairement sur des démarches d’apprentissa-
ge. L'apprentissage est toujours, au sein de ces situations, un moyen pour per-
mettre à l'élève de disposer de ressources cognitives dont il ne dispose pas.
366 Créer des conditions d'apprentissage
PORCARTEEEEEN

Secondes étapes de la phase interactive:


Mettre l'élève en situations d'apprentissage

Pourquoi?
Pour placer l'ensemble des élèves dans un environnement d'apprentissages
signifiants.

Comment? En posant quels gestes?


en mettant les élèves en - en formulant un projet-visée;
projet - en précisant un projet programmatique:;
- en proposant une série d'actions intégrées
au projet;
- en communiquant l'aboutissement du
projet;

en proposant des - en proposant des situations ancrées dans


situations signifiantes le projet actuel des élèves, ancrées dans
les ressources cognitives des élèves,
ancrées dans les ressources environne-
mentales et ancrées dans un réseau plus
vaste de situations;
- en proposant des situations qui peuvent,
pour certains d'entre eux, être des
problèmes et, dans certains cas, source
d'apprentissage.

Pour arriver à quel résultat?

Chaque élève est engagé dans les tâches inscrites dans des situations
signifiantes pour lui.

FIGURE 58
Ds 7

La définition d'un projet; fiche aide-mémoire n° 5


Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 367

44.3 Troisième condition : réguler les démarches de l'élève. se


.… OÙ la régulation de l’apprentissage

Adapter le choix des situations à l'évolution des connaissances


des élèves

e QUESTION :

«Mais, peut-on adapter les situations aux connaissances des élèves ?»

e DU CÔTÉ DE L'ÉVALUATION FORMATIVE :


Nous évoquons peu les problématiques d'évaluation dans cet ouvrage.
Toutefois, nous ne nions pas l'importance des régulations des démarches des
élèves. Posant la question des régulations, nous ouvrons la porte de l’évalua-
tion formative et faisons référence aux travaux de Allal (1991a, 1991b, 1988,
1983). Les régulations des différents types s'inscrivent nécessairement dans
un contexte d'évaluation formative. Mais, de quoi s’agit-il lorsque, subitement,
nous parlons d'évaluation, … et d'évaluation formative de surcroît ?

Vous avez dit évaluation formative ?

Cardinet (1986) décrit avec précision le concept d'évaluation formati-


ve. Pour cet auteur, l'évaluation est dite formative à partir du moment où elle
apporte, à l’intérieur même des séquences d’enseignement/apprentissage,
l'information nécessaire à l'adaptation des situations proposées aux élèves.
- Parmi les buts que cet auteur attribue à l'évaluation, certains orientent
l'évaluation vers une amélioration des conditions d'enseignement :
«(..) La fonction de l'évaluation est dite formative parce qu'elle est un instrument de
formation : elle apporte à l’intérieur du système scolaire une information utile à l’adap-
tation des activités pédagogiques.
(..) Qu'elle se situe au début ou à la fin de la période consacrée à un certain ensei-
gnement, l'essentiel est qu'elle vise à améliorer l'apprentissage pendant qu’il est en-
core temps.
(...) Les décisions qui en découlent sont d'ordre strictement pédagogique. L’ensei-
gnant peut revenir en arrière, apporter des compléments, ou bien modifier sa planifi-
cation, sa méthode, son attitude, ou l'environnement de l'élève. Ce dernier peut
modifier de son côté sa façon d'aborder la tâche, de la comprendre ou de l'exécuter.
En termes techniques, l'évaluation formative vise uniquement à «réguler» les condi-
tions de l’apprentissage».
Cardinet (1986 : 14 et 15)

L'évaluation formative fait partie intégrante du processus enseigne-


ment/apprentissage, puisqu'elle vise à en réguler les conditions, et plus parti-
culièrement les conditions d'apprentissage. Nous avons pris l'habitude de ne
plus dissocier l’évaluation formative de conditions inscrites dans la phase in-
teractive de l'apprentissage. L'évaluation formative est un processus qui s’in-
sère du début à la fin de la séquence d’enseignement/apprentissage et en
permet les adaptations tout au long de son déroulement. L'apprentissage est
368 Créer des conditions d'apprentissage

une de ces adaptations : adaptation des connaissances de l’apprenant aux


contraintes actuelles de la situation.
Enfin, l'évaluation formative, parce qu’elle vise à la régulation de la sé-
quence d’enseignement/apprentissage, permet d’en préciser les différentes
modalités.

Il peut sembler étonnant au lecteur de retrouver dans un ouvrage


d'inspiration constructiviste comme le nôtre, le concept de régulation issu di-
rectement des courants de pédagogie de la maîtrise dans la lignée de Bloom
(1972). Mais, justement, le concept de régulation est particulier dans cette
théorie et des auteurs comme Allal (1991) lui donnent une connotation cons-
tructiviste. Dans cette perspective, un apprentissage suppose un processus
de régulation à deux dimensions.
(1) La première dimension est une information fournie à l’ap-
prenant, où que l’apprenant découvre lui-même. Par cette infor-
mation, l’apprenant se situe lui-même dans la démarche qu'il
réalise, soit par rapport au traitement de la situation, soit par rap-
port à la réalisation du projet dans lequel il est impliqué, soit en-
core par rapport à la possibilité qu'il a d'utiliser ses nouveaux
acquis dans d’autres situations. Dans une perspective de pédago-
gie de la maîtrise, le sujet se situe à ces différents niveaux par rap-
port à des objectifs préalablement définis. Ce n’est certes pas le
cas dans l’optique définie en ces lignes. Dans une perspective
constructiviste, le sujet vérifie sans cesse la viabilité de ses pro-
pres connaissances à ces différents niveaux (situation, projet,
autres situations). Cette dimension est importante, elle permet à
l'élève d'ajuster régulièrement ses propres démarches.
La première dimension d’un processus de régulation se situe donc
au niveau de l’apprenant lui-même lui permettant, par l’informa-
tion qu'il obtient sur sa démarche, de vérifier la viabilité de ses
propres connaissances et, éventuellement, d'ajuster ces dernières
aux contraintes de la situation dans laquelle il se trouve. Ces ajus-
tements débouchent régulièrement sur des démarches d’appren-
tissage. Un tel processus de régulation fait donc partie intégrante
de l'apprentissage, il en est le point de départ. Nous ne pouvons
en faire l'économie.
(2) La seconde dimension est une information fournie à l’ensei-
gnant. Par cette information, l'enseignant adapte son enseigne-
ment. Dans une perspective de pédagogie de la maîtrise, il ajuste
ou ré-oriente son action afin de prendre des voies plus appro-
priées pour atteindre les objectifs fixés. Dans une optique cons-
tructiviste, il s’agit plutôt pour l'enseignant de réajuster sa
démarche aux connaissances de ses élèves.
Cette seconde dimension est tout aussi importante que la précé-
dente. Elle permet une adaptation par l'enseignant de sa propre
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 369
CARRIERE
PU ERNEST

démarche à la principale contrainte des séquences d’enseigne-


ment/apprentissage : les connaissances des élèves.

Le processus de régulation fonctionne donc à travers ces deux dimen-


sions en boucles allant de l'information à l'adaptation de l’action et vice-
versa, qu'il s'agisse de l’action de l’élève ou de celle de l'enseignant.

+ Première dimension de la rétroaction:

Information à l'élève sur la Adaptation de


viabilité de ses connaissances ses connaissances

+ Seconde dimension de la rétroaction:

Information à l'enseignant sur la


pertinence de son enseignement Adaptation de
par rapport aux connaissances son enseignement
de ses élèves

FIGURE 59
SRE RONTS

Les boucles rétroactives à deux dimensions

Il existe plusieurs catégories de régulations (régulation interactive;


régulation différée : proactive et rétroactive), des articulations s’établissent
entre ces différentes catégories. Nous nous intéressons, en ces lignes, aux ré-
gulations interactives. Ce type de régulation est «intégré» à la séquence
d’enseignement/apprentissage tout au long de son déroulement. Allal (1991 :
100 et 101) distingue trois types de régulations interactives selon que l’adap-
tation de l’activité est une conséquence immédiate des interactions entre
pairs, avec l'enseignant ou encore avec un matériel. Dans les propos de Allal
(1991), ces trois types de régulations interactives concernent essentiellement
la première dimension de la régulation, celle destinée à l’apprenant. Nous de-
vons également définir le second niveau des régulations, celui destiné à l’en-
seignant. Le tableau qui suit offre une vue complète des régulations
interactives que nous pouvons rencontrer au sein d’une même séquence d’en-
seignement/apprentissage. Nous avons adapté les propositions de Allal en pre-
nant directement en considération les deux dimensions des régulations, celles
relatives à l'élève et celles relatives à l'enseignant.
370 Créer des conditions d'apprentissage
LT ie UE COTES

e LES NIVEAUX DE RÉGULATION INTERACTIVE :

Types Première dimension Seconde dimension


d'interaction L'information est transmise à. L'information est transmise à
l'élève qui adapte éventuellement l'enseignant qui adapte éventuelle-
ses connaissances à la situation ment son enseignement aux
connaissances de ses élèves

1) Interactions | 1.1 152


élève(s)- + Alors que les élèves travaillent * Lors de la transmission d’infor-
enseignant (en petits groupes, individuelle- mations «critiques » aux élèves à
ment ou collectivement, ...) propos de leurs propres con-
l'enseignant leur fournit des naissances, l'enseignant
informations «critiques » à pro- observe ses élèves et recherche
pos des connaissances qu'ils l'effet de cette information sur
injectent dans la situation; il les connaissances des élèves;
s’agit de contre-exemples par + En fonction de la réaction des
rapport à leurs connaissances élèves aux informations fournies
actuelles; ces contre-exemples par l'enseignant, ce dernier
sont des connaissances attri- adapte ses propres actions.
buées par l'enseignant à d’autres
élèves : «Tiens! Vous pensez
cela ? D’autres élèves dans un
autre groupe pensent plutôt
que...» ;
+ Les élèves réagissent à l'attitude
critique de l'enseignant en ques-
tionnant la pertinence de leurs
propres connaissances comme
de celles apportées par l'ensei-
gnant.

2) Interactions | 2.1 2-2


entre élèves | + Lorsque deux ou plus de deux + L'enseignant utilise l'information
élèves réalisent une activité dont il dispose à propos des
ensemble, leurs échanges sont conceptions des élèves pour
sources de régulation; pour constituer des équipes d'élèves
constituer ces équipes (en dya- susceptibles de voir se dévelop-
des ou en groupes de 4 ou 5 élè- per des conflits socio-cognitifs;
ves) l'enseignant s'organise pour | + En fonction des interactions
que des conceptions appartenant qu'il observe dans les différents
à des classes différentes puis- groupes, et de la présence ou
sent se confronter; non de conflits socio-cognitifs,
* Un conflit socio-cognitif peut l'enseignant intervient soit en
apparaître pour autant que la laissant le conflit socio-cognitif
confrontation des points de vue se développer, soit en agissant
et des conceptions différents de façon critique (en proposant
provoque un déséquilibre intra et une contre-argumentation par
inter individuels. rapport aux conceptions des élè-
ves), soit en modifiant les équi-
pes.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 371

=
3) Interactions 3.1 3.2
entre les + l'interaction entre les connais- Après avoir analysé les concep-
élèves et la sances de l'élève et les caracté- tions de ses élèves et les avoir
situation ristiques de la situation sont fort organisées en différentes clas-
importantes; ces interactions ses, l'enseignant recherche des
constituent en fait la dimension Situations dans lesquelles ces
interactive du modèle SCI à par- dernières risquent de ne plus
tir de laquelle l’apprenant met être viables;
ses propres connaissances en L'enseignant aide les élèves à
interaction avec l’objet de savoir questionner leurs connaissan-
à apprendre; ces et la situation, à comprendre
Lors de cette interaction pourquoi dans cette situation
«connaissances/savoir», l'élève leurs connaissances ne sont plus
s'interroge sur la viabilité de ses viables, à découvrir les caracté-
connaissances par rapport aux ristiques de la situation qui met-
contraintes de la situation à tent leurs connaissances en
laquelle il est confronté. cause, à comparer la situation
actuelle dans laquelle leurs con-
naissances ne sont plus viables
aux situations antérieures dans
lesquelles elles étaient cependant
viables.

FIGURE 60
RRRERSARRAES

Les types de régulation interactive

e AU-DELÀ DES RÉGULATIONS :

Par ces régulations, enseignant et élèves dynamisent les interactions


qu'ils entretiennent entre eux. L'enseignant a également d’autres tâches à ef-
fectuer pour permettre à l'apprentissage de se développer dans cette séquen-
ce enseignement/apprentissage. Nous distinguons essentiellement trois types
de tâches de l'enseignant : (1) l'adaptation du choix des situations aux con-
naissances en présence; (2) la gestion du déplacement des situations
problèmes; (3) le jeu dévolution versus contre-dévolution.
(1) L'adaptation du choix des situations. L'enseignant peut éven-
tuellement adapter les situations aux connaissances qu'il observe
chez ses élèves. Les premières situations que l'enseignant propose
à ses élèves sont le fruit de l'interaction de type «3.2» dans le ta-
bleau qui précède, au départ de laquelle ce dernier a choisi (dans
la trame conceptuelle) des situations pertinentes pour développer
des conflits socio-cognitifs. Par la suite, l'enseignant devra adap-
ter son choix de situations à l'évolution des connaissances des ap-
prenants. Son principal outil est alors la trame conceptuelle qui lui
permet de disposer des différentes classes de situations concer-
nant l’objet d'apprentissage. Il ne peut toutefois s’écarter du
champ dans lequel le projet puise ses thématiques. Par ce travail
d'adaptation du choix des situations, le lecteur se rendra compte
372 Créer des conditions d'apprentissage
ERNEST
SRE NETETS

de toute l'importance de la définition de trames conceptuelles suf-


fisamment élaborées, c’est le principal outil de l'enseignant à ce
niveau.

(2) La gestion du déplacement des situations problèmes (GDSP).


Lors de différentes recherches (Jonnaert 1988) nous avons déve-
loppé un outil (la GDSP) au départ duquel l’enseignant reformule
le problème auquel l'élève est confronté. La GDSP se pratique sur
des énoncés de problèmes (nous l’avons expérimentée sur des
problèmes en arithmétique, en algèbre et en physique) soit en le-
vant des incertitudes (c'est-à-dire en fournissant à l'élève des in-
formations supplémentaires sur le problème), soit en déplaçant
l’inconnue à l'intérieur du même problème (c’est-à-dire en refor-
mulant le problème tout en respectant sa structure initiale mais
en plaçant, cette fois, l'inconnue sur une autre dimension que cel-
le sur laquelle elle était placée initialement). Ces deux techniques
supposent que l'enseignant maîtrise parfaitement la structure
du problème qu'il propose à ses élèves. L'outil «structure de
situation» développé ailleurs (Jonnaert, 1997) est indispensable
pour pratiquer la GDSP. Cette technique est particulière et néces-
site de la part des enseignants qui la pratiquent, un apprentissage
de ces outils : (1) structure de situation, (2) techniques de leva-
ge des incertitudes, (3) techniques de déplacement des incon-
nues. Nous renvoyons le lecteur intéressé à ces techniques à
l'ouvrage dans lequel nous les développons !?.

(3) Les jeux dévolution versus contre-dévolution . Nous avons


déjà largement traité de cette dynamique dans le chapitre consa-
cré au contrat didactique. C’est un autre moyen d'adapter la situa-
tion aux connaissances de l’apprenant en modifiant cette fois, non
le contenu, mais les règles du jeu des interactions «élèves/
enseignant». L'enseignant ne modifie en rien le contenu de la si-
tuation mais provoque des ruptures didactiques en ce sens que,
contrairement aux attentes des élèves, il impose de nouvelles rè-
gles du jeu. La dévolution place l'élève dans la situation d’appren-
dre à un moment auquel il attendait plutôt que l'enseignant lui
«enseigne» le savoir à apprendre.

17 Nous avons élaboré et expérimenté ces techniques lors d’apprentissages de contenus mathé-
matiques par des étudiants au primaire, au secondaire et au premier cycle universitaire. Nous
avons également expérimenté ces techniques lors d'apprentissages de contenus physiques
auprès d'étudiants au terme du secondaire. Un travail de validation de certaines techniques a été
réalisé (Jonnaert et Laveault, 1994), les autres techniques sont en cours de validation. Nous pré-
sentons ces outils dans : Jonnaert (1997). Nous y renvoyons le lecteur souhaitant rechercher de
l'information à propos de ces techniques.
18 Le concept de dévolution et la dynamique des jeux «dévolution versus contre-dévolution»
sont développés et illustrés dans le chapitre du présent ouvrage consacré au contrat didactique.
Dans un autre ouvrage (Jonnaert, Ph. (à paraître). Les contrats didactiques.), nous dévelop-
pons et illustrons très largement le concept de contrat didactique et ses mécanismes.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 373

Par différentes techniques, l'enseignant peut donc adapter les situa-


tions aux connaissances de ses élèves. Dans l’état actuel de nos travaux, nous
pensons que le premier outil dont l'enseignant a besoin pour gérer une dyna-
mique des situations est une trame conceptuelle qui lui permet de disposer
d’un nombre suffisant de classes de situations, dans lesquelles il peut aller pui-
ser les situations les plus pertinentes, tant par rapport au projet dans lequel
ses élèves sont engagés, que par rapport à leurs connaissances. D’année en an-
née, l'enseignant peut enrichir ses trames conceptuelles pour finir par dispo-
ser de banques de situations de plus en plus riches. Quant au jeu des
dévolutions et des contre-dévolutions, s'il intervient en ces lignes, c’est surtout
au niveau du contrat didactique qu'il s’agit d'accepter ces règles particulières
de fonctionnement. Nous l'avons déjà illustré dans les lignes qui précèdent,
toutes les coutumes de classe ne sont pas prêtes à jouer ce jeu. Les techniques
de la GDSP permettent un travail directement sur les situations elles-mêmes.

Troisième étape de la phase interactive: |


Mettre l'élève en situations d'apprentissage

Pourquoi?
Pour adapter les différents niveaux d'interaction à l'évolution des connaissances
des élèves.

Comment? En posant quels gestes?


en intégrant les différents - (se référer à la figure 58 présentant les 6
types de régulation types de régulation interactive)
interactive à la séquence + interactions élèves-enseignant;
d'enseignement/appren- + interactions entre élèves;
tissage tout au long de + interactions entre les élèves et la
son déroulement situation
- en adaptant le choix des situations aux
connaissances en présence;
- en modifiant certaines caractéristiques
des situations;
- en jouant les jeux des dévolutions et des
contre-dévolutions.

Pour arriver à quel résultat?

Au fur et à mesure de l'évolution de la séquence enseignement/apprentissage


les situations sont adaptées à l'évolution des connaissances des élèves.

FIGURE 61
era ; Re
L'adaptation des situations : fiche aide-mémoire n° 6
374 Créer des conditions d'apprentissage

4.5 Les conditions d'apprentissage mises en place


durant la phase post-active
Durant la phase précédente, la phase inter-active, l'enseignant a géré
au mieux les conditions d'apprentissage mises en place durant la phase pré-
active.
La phase post-active se déroule en principe après que le travail, en
prise directe, avec l'élève ait eu lieu. Il s’agit plutôt pour l’enseignant de faire
un «retour sur image» et d'analyser ce qui s'est passé, d'en comprendre les ré-
sultats et, éventuellement de prendre les décisions nécessaires pour envisager
d’autres activités.
Nous retrouvons certes, dans ces propos, les termes mêmes de toute
évaluation : recueil et organisation de l'information, analyse et compréhension
des données, prise de décision et communication des résultats. C’est un peu
en ce sens que fonctionne la phase post-active.

… Mais qui s'agit-il d'évaluer ?

Si au départ il y a une triple exploration des savoirs et des connaissan-


ces, les investigations durant la phase post-active doivent également prendre
plusieurs directions. Il s’agit autant d’investiguer les connaissances des élèves,
que les démarches proposées par l'enseignant, que l’aboutissement éventuel
d’un projet, que la pertinence des situations proposées, que la pertinence et
la disponibilité des ressources environnementales, etc.
Soyons clairs, si nous voulons jouer le jeu de l’évaluation, il n’est plus
possible aujourd’hui de n’évaluer que les seuls acquis des élèves en termes de
connaissances et de compétences. Depuis le début de l'ouvrage, nous mon-
trons la complexité du processus enseignement/apprentissage. Nous n'avons
cessé de parler de solidarité entre les différents partenaires en présence : élè-
ves, enseignant et objet d'apprentissage. Rarement, nous avons donné de l’im-
portance à l'individu pour au contraire insister sur la nécessité de prendre en
considération le groupe, la classe et sa coutume, les conflits socio-cognitifs. Le
moment venu de parler d'évaluation, toutes les solidarités évoquées disparais-
sent et laissent un seul de ces partenaires responsable devant l'évaluation :
l'élève portant l’odieux de l'échec ou la gloire du succès.
C’est pourtant ce qui se passe régulièrement! Que nous racontent
d'autre les précis de docimologie (De Landsheere, 1980) ? Les connaissances
et les compétences de l'élève isolé sont évaluées, il réussit ou il échoue. Il por-
te seul, à travers l'évaluation, la responsabilité de tout ce qu'il a vécu avec ses
pairs et son enseignant lors de tâches accomplies avec plus ou moins de bon-
heur, plus ou moins de chance, plus ou moins d'intérêt, plus ou moins de soli-
darité, plus ou moins de compétence. Mais où sont passés les autres ?
Par ailleurs, trop souvent encore, au moment de l'évaluation, l'élève
est confronté à des tâches éloignées des situations dans lesquelles il a cons-
truit ses nouvelles connaissances et compétences. Nous ne ferons pas en ces
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 375
ED DRE D RER ORNE

lignes le procès de l'évaluation telle qu’elle est pratiquée ou perçue dans les é
classes (Van Nieuwenhoven et Jonnaert, 1992). Laissons l'exemple suivant il-
lustrer nos propos :

«Petite illustration : à Genève, même chez les enseignants primaires qui adhèrent
aux principes de l'enseignement renouvelé du français et qui mettent en pratique des
Situations de découverte et d'analyse des conventions de la langue dans le cadre
d'activités de communication, les exercices lacunaires et les dictées restent les
moyens utilisés de manière prédominante, sinon exclusive, pour l'évaluation de l’or-
thographe. Il n’est pas étonnant, dès lors, que les élèves aient de la peine à atteindre
l'objectif du programme selon lequel il faut «maîtriser l'orthographe de ses produc-
tions personnelles » ».

Allal (1992 : 5)
Durant la phase post-active, s’il y a évaluation, cette dernière doit por-
ter sur l’ensemble du processus enseignement/apprentissage et donc porter
autant sur les activités d'enseignement que sur celles d'apprentissage. À l'in-
térieur de cette démarche globale d'évaluation, l'élève est aussi évalué, il n’est
cependant plus l’unique responsable devant l'évaluation.

… oui, mais comment faire ?

Dans les lignes qui suivent, nous proposons différentes approches de


ce processus global d'évaluation permettant autant un regard sur la démarche
d’enseignement/apprentissage que sur celle de l'élève. Ces propositions re-
cherchent une certaine cohérence avec le modèle SC] développé dans cet
ouvrage. Elles sont balbutiantes, imparfaites, ...! Le chemin est encore long
pour faire sortir l'évaluation des carcans dans lesquels elle est enfoncée. Et
‘puis, peut-il exister une évaluation socioconstructiviste et à quelles
conditions ? Nous ne répondrons certes pas à cette question par des précep-
tes ou par des propos normatifs! Nous refusons tout autant la facilité, faire ré-
férence aux propos traditionnels sur l'évaluation : la mesure des écarts entre
les connaissances des élèves et des objectifs à atteindre. Non, nous trahirions
notre propre paradigme et notre incohérence serait trop évidente! Les lignes
qui suivent n’apportent rien de neuf sur l'évaluation, elles risquent même de
frustrer plus d’un lecteur! La raison en est simple : une véritable évaluation s0-
cioconstructiviste reste à inventer. Le «comment faire» n’a pas de réponse
satisfaisante. Les lignes qui suivent sont le fruit de réflexions et de tentatives
diverses, elles sont incomplètes. Elles ont cependant l'avantage d’être inscri-
tes dans le paradigme socioconstructiviste défini au début de ce livre.
Avant d’aller plus loin dans notre réflexion, faisons un détour par l’éty-
mologie, sans doute pourrons-nous de la sorte retourner aux premières
valeurs de l'évaluation.
376 Créer des conditions d'apprentissage

e DOCUMENT :

… vous avez dit «évaluer» ? Et si nous regardions du côté de l'étymologie ?

«Evaluer.
Ce mot comporte deux racines dont l'une est absolument certaine : valere. Etre en bonne
santé.
Au fil du temps, ce mot s'est nuancé et s'est doublé d'un autre sens : signifier, vouloir dire.
Parmi les dérivés de valere on trouve des termes éloquents comme valeureux, valoriser, va-
lide (on retombe sur le sens original : bien portant).
Le préfixe quant à lui, pose problème à cause de la suppression de la consonne finale pour
des raisons euphoniques. Il laisse le choix entre deux hypothèses.
E-valuer. Ce «e» provient de «eu» qui, comme en grec, veut dire bon, bien. Auquel cas,
évaluer c'est donner encore plus de santé, c'est vouloir dire du bien, signifier le bon.
Ou bien ce «e » trouve son origine dans «ex», particule qui exprime l’idée d'émergence. Et
dans ce cas, évaluer c’est faire ressortir ce qui est sain, ou mettre en évidence le positif la-
tent, voire caché d’une personne.
Deux hypothèses qui ne s'opposent pas si l’on opte pour la polysémie.
Il reste encore une troisième solution : prendre pour origine d'évaluer, evalescere. Evales-
cere c'est prendre la force ou des forces, se fortifier, grandir, acquérir une plus grande va-
leur.
N'est-ce pas le but de la pédagogie ? Au parfait, evalescere change subitement de sens et
se traduit alors par «avoir la force de. », «être capable de. » Évidemment cette significa-
tion-là est justement au parfait (...)».
Guignard (1988 : 16-17)

Ce détour par l’étymologie nous rappelle que le regard que nous por-
tons sur l'élève, sur ses connaissances, ses activités, ses compétences, est né-
cessairement positif :

évaluer, c'est faire sortir ce qui est sain, c'est mettre en évidence le positif latent
de l'élève, c'est chercher à en dire du bien. !

Il s’agit là d’une des entrées dans une évaluation que nous appelons
socioconstructiviste, il en est d’autres, nous les énumérons dans le paragra-
phe suivant.

+ LES CLÉS D'UNE ÉVALUATION SOCIOCONSTRUCTIVISTE :

(1) Le regard positif sur l'élève est sans doute la première clé de
l'évaluation socioconstructiviste. En effet, une évaluation qui dé-
valorise les connaissances de l'élève en les disqualifiant, en les ju-
geant non conformes à une norme préétablie, détruit les grilles de
lecture naturelle que l'élève utilise pour s'approprier le monde
dans lequel il vit et pour se construire des connaissances à son
propos. C’est une condition sine qua non : une évaluation socio-
constructiviste ne détruit pas les connaissances de l'élève, elle lui
fournit cependant des informations utiles pour l'aider dans sa
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 377
PRESSECEE

démarche d'adaptation, de construction et de création de nouvel- F


les connaissances. Certes, cette évaluation n’est pas seulement
«post-active», elle est surtout «interactive». Nous l'avons décrite
dans le paragraphe précédent.

(2) L'évaluation post-active, celle qui nous intéresse dans ce paragra-


phe, aura essentiellement pour fonction de porter un regard
«méta» sur l’ensemble du processus enseignement/apprentissage
qui vient de se dérouler. Pour ce faire, l'enseignant, le groupe et
l'élève individuellement utilisent des informations émanant de
sources diverses. Ils les analysent, les comparent, tirent des con-
clusions à différents niveaux et prennent des décisions quant aux
suites à donner aux activités qui viennent de se terminer. Il s’agit
donc d’un processus complexe dans lequel chacun est impli-
qué. L'évaluation n’est plus, dans ce cas, sous l'unique emprise de
l'enseignant, c’est une démarche collective. Et c’est là, la seconde
clé d’une évaluation socioconstructiviste : tous les acteurs impli-
qués dans le processus enseignement/apprentissage le sont égale-
ment dans son évaluation. L'évaluation socioconstructiviste est
donc fondamentalement une démarche d'analyse globale de
l’ensemble du processus enseignement/apprentissage.

(3) Les objets d'évaluation, ceux sur lesquels les regards s’arrêteront,
sont multiples. Les connaissances et les compétences des élèves
sont de ces objets, elles ne sont pas les seuls objets évalués. La dé-
marche proposée par l'enseignant sera autant évaluée que celle
d'apprentissage des élèves. Ces deux catégories d'activités, les
unes de l'enseignant, les autres de l’élève, ne sont-elles pas, par
définition, solidaires ? Mais, l'élève disposait-il des ressources per-
tinentes dans son environnement ? Les situations proposées
étaient-elles accessibles à ces élèves avec leurs connaissances et
leurs conceptions ? Et puis, chacun a-t-il disposé du temps suffi-
sant pour traiter ces situations ? L'espace était-il organisé de fa-
çon appropriée ? Et le groupe, comment a-t-il réagi ? A-t-il permis
aux apprentissages de se développer ? Les objets d'évaluation
sont multiples, divers et, au cours de la séquence d’enseigne-
ment/apprentissage analysée, ont laissé des traces très variées.
Les connaissances et les compétences des élèves ne sont qu’un
objet d'évaluation parmi tous les autres. Il serait trop injuste de les
isoler pour n’évaluer que cette unique dimension. Dans une pers-
pective socioconstructiviste, l’objet d'évaluation est nécessai-
rement multiple. Pour comprendre le processus enseignement/
apprentissage il est donc indispensable d’analyser des informa-
tions à son propos, issues de sources souvent très différentes qui
répondent cependant toutes à un critère commun : elles reflètent
au moins chacune une des dimensions du processus enseigne-
ment/apprentissage. Cet objet multiple constitue la troisième clé
de l'évaluation socioconstructiviste.
378 Créer des conditions d'apprentissage
ES 7)

(4) Le groupe, la classe, les pairs jouent un rôle important dans les ap-
prentissages que chacun réalise. Par les conflits sociocognitifs,
mais aussi par des attitudes de validation ou de réprobation des
connaissances de chacun, le groupe a été un des moteurs essen-
tiels de l'apprentissage. Alors que l'élève a adapté, construit, créé
de nouvelles connaissances à l’intérieur d’une dynamique de grou-
pe, pourrait-on, en toute décence, le confronter seul à une démar-
che d'évaluation au terme de ce processus enseignement/appren-
tissage ? Nous ne le pensons pas, l'évaluation socioconstructivis-
te est essentiellement une évaluation collective. C’est la quatriè-
me clé de ce type d'évaluation.

(5) L'échec est-il possible dans ce type d'évaluation ? Non, nous ne le


pensons guère! C’est sans doute le corollaire de la première clé de
l'évaluation socioconstructiviste. Lorsqu’au terme d’une série de
séquences d’enseignement/apprentissage, un élève ou plusieurs
élèves, voire toute une classe, n’ont pas réussi à se construire des
connaissances opératoires à propos d’un objet d'apprentissage
(c'est-à-dire que leurs connaissances ne leur permettent pas de
traiter efficacement les situations à propos de cet objet d’appren-
tissage) il n’est pas pensable de clôturer cette démarche simple-
ment en disant aux élèves : «vous avez échoué cet appren-
tissage!» Il s’agit, au-delà du constat selon lequel ces élèves ne
sont pas opératoires dans certaines situations, de rechercher avec
eux de nouvelles stratégies pour, progressivement, les rendre
opératoires dans ces situations. L’échec n'existe donc pas, en
contexte scolaire il est un non-sens. Tout au plus, un
apprentissage est-il reporté, prolongé, une séquence d’ensei-
gnement/apprentissage est-elle analysée, décortiquée pour com-
prendre pourquoi des élèves, à un moment donné, ne sont pas
opératoires. Si nous souhaitons, dans une perspective sociocons-
tructiviste, qu'au-delà de cette lenteur momentanée et de l’attitu-
de erratique des élèves, ces derniers construisent malgré tout des
connaissances à propos de cet objet d'apprentissage plus récalci-
trant, il est impensable de disqualifier d'autorité, à quelque mo-
ment que ce soit, les connaissances des élèves à propos de cet
objet. Une telle attitude empêchera ultérieurement tout appren-
tissage à ce propos puisque le matériau de base, les connaissances
des élèves, sont d'emblée disqualifiées, jugées inapropriées et
inaptes au traitement des situations à propos de cet objet. La dis-
qualification d'autorité, par une évaluation externe et par un dé-
cret d'échec, non seulement déclasse les connaissances d’un élève
à propos d’un objet d'apprentissage mais en outre inhibe toute dé-
marche ultérieure à propos de ce même objet, puisque l'élève ne
pourra plus mobiliser des connaissances que l’on vient de décréter
officiellement impropres à l'utilisation. Voilà donc la cinquième clé
de l'évaluation socioconstructiviste : l'échec est banni.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 379

e DISCUSSION À PROPOS DE L'ÉCHEC =


Maïs, n'est-ce pas une utopie ? Peut-on bannir l'échec d’une structure
de la société qui elle-même met régulièrement une quantité non négligeable
de ses membres en échec ? L'échec ne fait-il pas partie de la vie ? L'échec ne
doit-il pas aussi faire l’objet d’apprentissages ? N’est-il pas souhaitable qu’un
individu soit parfois confronté à des échecs qu'il doit ensuite tenter de
surmonter ? Il y a nécessairement un large débat à avoir à propos de l'échec
de l’apprentissage, à propos de l'apprentissage de l’échec et à propos de
l'échec scolaire. Certes, de nombreux élèves et de nombreux étudiants sont
dans des situations telles (situation socio-économique, situation culturelle,
non-maîtrise de la langue de l’enseignement, démotivation, décrochage, pro-
blèmes de santé, problèmes d’assuétude, mauvaise orientation, ..) qu'ils ne
parviennent pas à réussir les apprentissages scolaires. Bien sûr, des élèves ne
parviennent pas à résoudre une équation du premier degré, à comprendre un
problème de physique, à traiter des intégrales, à orthographier correctement
un texte, à parler la langue seconde enseignée en classe, il s’agit bien d'échecs.
Et ces échecs génèrent d’autres échecs. Le cercle vicieux est enclenché, la re-
production (Bourdieu, 1970) est en route et joue son rôle implacable d’exclu-
sion pour les uns et de confirmation dans un statut social qu'ils avaient déjà
pour les autres. La question que nous posons est cependant simple, voire
triviale : est-ce le rôle de l’école ? À travers les outils de la pédagogie différen-
ciée (Perrenoud, 1997; Meirieu, 1990), par un travail en profondeur sur les
finalités de l'apprentissage des savoirs scolaires, par une réflexion incontour-
nable sur les fonctions de l’école, des pistes sont lancées, souvent trop timide-
ment, pour enrayer le phénomène de l'échec scolaire (Pierrehumbert, 1992).
Sans doute, notre position est-elle radicale. Actuellement, l'échec ne peut que
difficilement être banni de l’école, il en est une des composantes les plus sta-
bles. Mais, est-ce une raison suffisante pour l’institutionnaliser ? L'échec a-t-il
une fonction éducative, ou, au contraire, n’est que symptôme de dysfonction-
nements de l’école ? Notre position est-elle pour autant provocatrice ? Elle
l’est dans le sens où elle oblige les responsables des apprentissages scolaires
à développer une réflexion sur la réussite et l’échec scolaire cohérente avec le
paradigme épistémologique adopté. Il ne s’agit pas, d'autorité de nier l’exis-
tence de l'échec scolaire et de l'échec de l'apprentissage, ce serait adopter une
stratégie d’autruche. Au contraire, confrontés que nous sommes à cette réali-
té, nous devons rechercher des approches cohérentes avec le modèle socio-
constructiviste adopté et qui permettent au plus grand nombre des élèves et
des étudiants de réussir les apprentissages. Cette recherche va de l’orienta-
tion appropriée des élèves dans les différentes filières scolaires, à l’analyse des
strucutres de l’école, de ses méthodes, de son fonctionnement et de ses fina-
lités, en passant par le développement d’approches didactiques orientées vers
les apprentissages réussis. Le travail est encore long, l'échec est toujours une
des réalités les plus criantes de l’école. Perrenoud (1984) a développé avec
force le concept de «fabrication de l'excellence scolaire» (1984). Pour
Thurler (1992 : 104) la pertinence de ce concept consiste dans la description
qu'il fait des mécanismes qui ne réduisent pas la fabrication des inégalités à la
seule classe dominante mais impliquent, aussi, des variables liées au système
scolaire lui-même et à son fonctionnement :
380 Créer des conditions d'apprentissage
a

— ses critères et ses procédures d'évaluation;


__ ses normes d'excellence présentes dans le curriculum et dans la «tête
des gens»;
_ son incapacité à se donner de nouvelles formes d'organisation et de
gestion, tant au niveau des processus d'apprentissage des élèves qu'à
celui de la professionnalisation des enseignants, ou encore de l'inno-
vation des systèmes.

Perrenoud (1984) analyse les interactions entre ces différents aspects


en établissant une relation entre les différences socio-culturelles, les politi-
ques de l'éducation et le fonctionnement du système pour expliquer la réussi-
te ou l'échec scolaire.
Le débat à propos de l’échec existe donc bien, une réflexion en pro-
fondeur se développe à son propos.
Nous avons décrit cinq clés de l'évaluation socioconstructiviste. Elles
sont articulées entre elles et définissent plus une philosophie de l'évaluation
que des techniques et des instruments d'évaluation. Par ailleurs, si nous en
parlons durant la phase post-active, moment de tous les bilans certes, cette
approche de l'évaluation est indissociable des phases précédentes, pré et in-
teractives.
Dans les lignes qui suivent, nous décrirons rapidement le «comment »
d’une telle approche de l’évaluation.

e DOCUMENT :

Supprimer le mot «échec» du vocabulaire scolaire. ?

«Mais avant d'aller au-delà dans notre réflexion sur ce thème, arrêtons-nous quelque peu
à ce mot «échec». Deux origines lui sont attribuées, l'une et l’autre relèvent du jeu d'échecs.
Dans une première hypothèse, ce terme aurait été emprunté, par l'intermédiaire de l'arabe,
au persan «Sâh mat» (le roi est mort). Une seconde hypothèse attribuerait plutôt l’etymon
au francique «Shak», qui aurait quant à lui donné naissance au mot «eshec» (butin, prise
de guerre). Dans ce cas, lors d'un jeu d'échecs, «échec au roi» signifie «prise du roi» et
«échec et mat», «prise et mort». Mais restons-en là pour l'origine de ce mot et retenons
simplement qu'il n'a rien de scolaire. || a une connotation guerrière de destruction de l’ad-
versaire. Par quels errements ce mot est-il devenu courant dans le vocabulaire de
l'éducation ? Une démarche d'apprentissage scolaire serait-elle un jeu sans merci entre un
enseignant et un élève, jeu au cours duquel un des deux partenaires devrait nécessaire-
ment être mis «échec et mat» ?»

Jonnaert (1994b : 24)

e UNE DÉMARCHE D'ÉVALUATION :


Évidemment, une démarche d'enseignement/apprentissage n’est pas
un duel, encore moins une corrida avec mise à mort d’un des partenaires.
Quittons la tauromachie, et recherchons les modalités d’une évaluation qui
respecterait les cinq clés évoquées. Nous ne pouvons toutefois pas parler
«évaluation» en nous écartant des piliers de cette dernière :
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 381

— une prise d'information;


— une analyse des informations recueillies;
— une prise de décision;
— une communication des résultats de l'évaluation.

Nous abordons ces quatre dimensions de l'évaluation en respectant


les cinq clés évoquées et en refusant d'intégrer à notre approche le concept
d'échec.

Par essence, l'évaluation dans une perspective socioconstructiviste


est non seulement positive mais est toujours orientée vers la réussite. Com-
ment y arriver ? Reprenant les quatre dimensions de l'évaluation, nous propo-
sons quelques approches que nous développons actuellement dans une
perspective socioconstructiviste de l'évaluation.

e L'ÉVALUATION EST D'ABORD UNE DÉMARCHE DE PRISE


D'INFORMATION :

ou la conservation des traces.

Par une démarche d’historiens, l'enseignant, les élèves et le groupe


conservent les traces significatives de ce qu'ils ont réalisé durant les séquen-
ces d’enseignement/apprentissage qui font l’objet de l'évaluation. Les sources
sont multiples et se distribuent nécessairement sur chacun des partenaires
impliqués.

(1) Du côté de l'enseignant...


Dès le début des activités, l'enseignant conserve les traces de ce qu’il
a lui-même réalisé et qui ont permis, dans un premier temps, la préparation de
l'activité :
— carte et trame conceptuelles;
— résultats de l’activité d'émergence des conceptions des élèves;
— éléments qui ont justifié la sélection des situations;
— justification de l’ancrage de ces situations dans le projet actuel de la
classe;
— position de l'enseignant quant aux finalités de ce type de contenu;
— position de l'enseignant quant aux questions éthiques que suscite un
tel contenu;
— clarifications quant à la pertinence sociale d’un tel contenu;

Avec l’ensemble des traces de la phase pré-active, l'enseignant cons-


titue un premier dossier que nous nommons «dossier préalable». Ce dossier
n'est pas forcément énorme, il varie fort d’un apprentissage à l’autre, d'un
382 Créer des conditions d'apprentissage
PRET TRIER FR ER CIE)

enseignant à l’autre, d'une classe à l’autre. Il est accessible au groupe, et l'en-


seignant doit admettre qu'il fera l’objet d’une évaluation par le groupe. Si au
terme du processus enseignement/apprentissage les élèves ne sont pas opéra-
toires dans les situations proposées par l'enseignant, les causes sont peut-être
localisées dans cette phase pré-active. Loin des classiques préparations for-
melles de leçon des normaliens, il s’agit d’un dossier «ouvert». Dans ce dernier
l'enseignant collationne les traces qu'il juge pertinentes, les documents qu'il
estime intéressants, … bref tout ce qui peut, à un moment ou un autre, ali-
menter la réflexion et agrémenter les démarches d'enseignement et d’appren-
tissage à propos de l’objet d'apprentissage envisagé. Il n’y a donc pas de règles
précises mais bien la volonté de conserver des traces.
Dans un second temps, l'enseignant conserve la trace des observa-
tions qu'il a faites durant la phase interactive et qui ont justifié les décisions
qu'il a prises :
— observations consignées d'élèves;
— observations consignées de la classe ou de groupes d'élèves;
— évènements critiques apparus à tel ou tel moment du déroulement de
l’activité;
— réalisations d'élèves (textes, problèmes, schémas, ...);
— remarques auto-évaluatives sur sa propre démarche d'enseignement;
— remarques à propos de la dynamique du groupe classe;

L'ensemble de ces traces constitue le «dossier-témoin» des réalisa-


tions consignées par l'enseignant. Ce dossier peut être agrémenté de séquen-
ces vidéos ou d'éléments rassemblés lors de l’activité finale au moment de
l'aboutissement d’un projet. Ce dossier est également «ouvert», l'enseignant
fait en sorte qu'il soit le meilleur reflet possible des réalisations des élèves.
Ces deux dossiers («dossier-témoin» et «dossier-préalable») sont les
pièces maîtresses de la contribution de l'enseignant à l'évaluation de l’activité.

(2) Du côté de chacun des élèves en particulier.


De leur côté, les élèves constituent également un dossier de leurs
réalisations : le portfolio. Ce dossier, puisqu'il est destiné à chaque élève en
particulier, est personnel. Il comporte une série de traces subjectives à pro-
pos des réalisations de l'élève : des réflexions personnelles, des attentes, des
déceptions, des satisfactions, .… Par exemple, en début d'apprentissage, les
élèves peuvent consigner dans leur portfolio leurs attentes et y revenir au ter-
me de l'apprentissage. En une démarche auto-évaluative ils peuvent alors
comparer leurs attentes aux résultats obtenus. Au-delà des traces subjectives,
le portfolio peut conserver les différents travaux réalisés par l'élève et les
appréciations des autres élèves et de son enseignant à ce propos. Des élé-
ments du portfolio peuvent être amenés par des personnes extérieures au
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 383.
CEE
er re

groupe : une information fournie par un parent ou toute autre personne-res-


source à propos de l’objet d'apprentissage. Enfin, le portfolio, à propos d’un
thème, d’un projet voire d’un objet d'apprentissage, peut devenir un dossier
de référence dans lequel l'élève trouvera des traces du type de situations dans
lesquelles cet objet d'apprentissage est utilisé et comment il l'est. Au-delà des
traces de ses propres activités, le portfolio peut contenir une documentation
que l'élève accumule.

L'élève doit structurer son portfolio qui, par les éléments qu’il y appor-
te, sera le témoin privilégié de son évolution et de sa compréhension de l’objet
d'apprentissage envisagé. Par exemple, la documentation complémentaire et
commentée, par l'élève lui-même, permet de vérifier vers quelles situations
autres que celles découvertes en classe l'élève transfère-t-il ce qu'il a appris.
Le portfolio est utilisable autant avec de tous jeunes élèves qu'avec
des étudiants universitaires ou des enseignants en formation. Par exemple,
avec des enfants de première primaire, nous réalisons ce que nous nommons
des «banques de nombres» dans lesquelles les élèves consignent progressive-
ment des traces des différentes situations, dans lesquelles ils utilisent les
nombres. Chaque nombre rencontré fait ainsi l’objet d’un dossier spécifique.
Avec des étudiants universitaires, nous utilisons le portfolio pour leurs ensei-
gnements et leurs apprentissages en didactique des mathématiques ou en di-
dactique des sciences. Ces dossiers sont très complets et contiennent autant
les traces des activités réalisées en stage que celles des travaux ou autres ap-
prentissages réalisés aux cours. Véritable témoin du cheminement et de l’en-
gagement personnel de l'élève dans l’apprentissage, le portfolio est un dossier
des plus précieux pour porter un regard sur le parcours d’un élève.
Le contenu d’un portfolio :
— des traces subjectives : attentes, satisfactions, déceptions personnel-
les par rapport à l'apprentissage;
— des traces des travaux réalisés;
— des documents rassemblés personnellement et joints au portfolio;
— des éléments apportés par des personnes extérieures à la classe et
complétant les informations relatives à l'apprentissage;
— des éléments d’auto-évaluation suivis de résolutions personnelles par
rapport à l'apprentissage;

L'ensemble de ces éléments est organisé selon une structure présen-


tée en sommaire du portfolio, il s’agit donc d'un témoin essentiel des démar-
ches réalisées par l'élève.

(3) Du côté du groupe...


Le groupe conserve également les traces de ses réalisations sous la
forme d’un «journal de bord» dans lequel, quotidiennement les activités
384 Créer des conditions d'apprentissage

réalisées en rapport avec l’objet d'apprentissage sont consignées. Il s’agit de


proposer chaque jour à un élève de consigner les expériences réalisées en
groupe dans ce carnet de bord, nous demandons en général de changer de ré-
dacteur chaque jour de classe, l'enseignant ayant lui-même son tour de rôle
parmi les élèves.

Ce document complète utilement le portfolio par une consignation


systématique des expériences du groupe-classe.

e L'ÉVALUATION EST ENSUITE UNE DÉMARCHE D'ANALYSE


DE L'INFORMATION RECUEILLIE :
Régulièrement, un arrêt sur image est effectué. C’est à l'enseignant de
déterminer ces temps d'arrêt en fonction de l'ampleur du projet, de la durée
dans le temps des séquences d’enseignement/apprentissage réalisées, des dif-
ficultés ou des succès rencontrés, de la nécessité de rendre compte à l’exté-
rieur du groupe des réalisations effectuées, …
La fonction de ces temps d'arrêt est d'analyser les réalisations déjà ef-
fectuées, de porter un regard critique sur ces dernières. À ce stade, chaque
élève doit se situer par rapport aux réalisations de la classe, le groupe doit éga-
lement analyser son évolution. Dans bien des cas, c’est lors de ces «arrêts sur
image» que certains élèves manifestent le désir de changer d'équipe, que des
remaniements divers quant à l’organisation des activités sont effectués, par
exemple en rendant l'accès à certaines ressources plus facile pour les élèves
(modifier l'heure de cours pour permettre un accès plus facile à la biblio-
thèque; organiser des tournantes pour accéder aux ordinateurs en nombre in-
suffisant dans la classe; envisager l'invitation d’une personne extérieure pour
faire une présentation sur la suggestion d’une équipe; rechercher une docu-
mentation plus appropriée aux élèves; ...).

Ces évaluations collectives intermédiaires des activités sont fort


importantes, elles évitent les glissements et une série d'incompréhensions
mutuelles simplement parce qu’on ne s’est pas donné le temps de se parler.

Lors de ces «arrêts sur image», l'ensemble des traces sont à la dispo-
sition de tous. Toutefois, un élève a toujours le droit de ne pas mettre à la dis-
position des autres son portfolio personnel, il doit cependant justifier sa
décision. Il s’agit d’un travail de comparaison et d'analyse des données four-
nies par différentes sources à propos des mêmes événements : dossiers préa-
lables et témoins de l'enseignant, portfolio des élèves, journal de bord du
groupe. Avant de prendre quelque décision que ce soit, par ce travail de com-
paraison des sources, les élèves peuvent ajuster leur propre perception des
activités réalisées. Souvent, des contradictions apparaissent entre les percep-
tions que plusieurs élèves ont d’un même fait. Par l'analyse des informations
fournies à travers les différentes sources ces perceptions peuvent être
ajustées.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 385
ERREUR HER ON PS ROSE

Pour une activité d'évaluation de ce type, l'enseignant prépare un ta-


bleau (souvent présenté sous forme de ligne du temps) sur lequel il présente
les différentes étapes déjà réalisées. Il demande aux élèves, en petites équi-
pes, ou individuellement, à partir des différentes informations dont ils dis-
posent, d'effectuer un bilan de ces réalisations. Pour réaliser ces bilans, les
élèves constituent une fiche reprenant les principales questions ou rubriques
de chacun de ces bilans (attentes, points positifs, points négatifs, ….). Lors de
la mise en commun de ces différents bilans, une discussion en grand groupe
s'engage et permet la réalisation d’un bilan collectif.
Ce travail d'analyse des réalisations antérieures doit précéder toute
décision quant aux suites à donner.

° L'ÉVALUATION EST AUSSI UNE DÉMARCHE DE PRISE DE DÉCISION :

Les analyses des informations recueillies permettent à l'enseignant, à


chaque élève individuellement et au groupe de prendre les décisions qu'ils es-
timent utiles quant à la suite à donner au travail.
Il peut s'agir de résolutions qu’un élève prend individuellement et qu'il
consigne dans son portfolio. Mais de son côté, le groupe peut par exemple dé-
cider de modifier la disposition des bancs pour certains types d'activités, ou
encore, l'enseignant peut décider de revenir sur tel ou tel objet de savoir à pro-
pos duquel une partie importante des élèves ne manifestent pas encore de
connaissances opératoires. Ces décisions permettent aux activités de conti-
nuer leur cheminement tout en collant à la réalité des connaissances présen-
_tes dans la classe.

e L'ÉVALUATION EST ENFIN UNE DÉMARCHE DE COMMUNICATION


DE L'INFORMATION :
L'information et les décisions prises doivent dans une certaine mesure
être communiquées tant à l’intérieur et à l'extérieur du groupe-classe.
La communication interne au groupe concerne chacun individuel-
lement, chacune des équipes, l'enseignant et tout le groupe. À chacun des
niveaux, il faut établir un mode de communication spécifique pour que l’infor-
mation circule, et pas à sens unique. Certes, il y a les classiques babillards ou
autres panneaux d'affichage où le groupe est informé de sa progression. Mais
ce n’est pas suffisant. L'élève, individuellement doit établir différents types de
communication à l’intérieur desquels il ne se sent pas menacé. Entre lui et
l'enseignant, des fiches, des tableaux, des graphiques, .. peuvent faire état de
ses progressions sans que cela ne regarde les autres élèves. Entre les élèves
d'une même équipe des modes de communication doivent également se met-
tre en place, ne fut-ce qu’en organisant strictement le travail entre les élèves
de l'équipe. L'enseignant, de son côté doit aussi être suffisamment informé de
ce qui se passe dans sa classe pour effectuer les ajustements nécessaires. Bref,
il est impératif que l'information circule efficacement d’abord à l’intérieur du
groupe-classe.
386 Créer des conditions d'apprentissage
RE
ERREUR
PA

La communication externe au groupe concerne l'information qui doit


régulièrement être transmise aux parents, aux autres enseignants, aux res-
ponsables de l'établissement scolaire, … éventuellement à des fins de certifi-
cation. Il s’agit essentiellement des bulletins scolaires qui doivent au mieux
refléter les activités réellement réalisées.

e DES BILANS OPÉRATOIRES DE CONNAISSANCES :


Ces bulletins scolaires ne sont cependant pas une compilation de no-
tes chiffrées ou alphabétiques. Ils reflètent simplement les situations, à propos
d'un objet de savoir précis, dans lesquelles l'élève est ou non opératoire soit
individuellement, soit en groupe, soit en travaillant individuellement avec son
enseignant. Le bulletin reprend les différents types de situations traitées et
positionne l'élève par rapport à ces situations. Lorsque l’enfant n’est pas opé-
ratoire, une analyse plus fine est proposée ainsi que les étapes suivantes pré-
vues pour rendre cet élève progressivement opératoire.
Ce tableau correspond aux situations traitées en classe et dont l'élève
a conservé des traces dans son portfolio. Dans les lignes qui suivent, nous sug-
gérons un tableau illustrant ce type de bilan à propos des connaissances opé-
ratoires d’un élève.

e EXEMPLE DE BILAN OPÉRATOIRE DES CONNAISSANCES D'UN ÉLÈVE :

Le bilan opératoire qui suit concerne les structures additives tra-


vaillées avec des élèves de troisième primaire. Il ne s’agit pas du résultat d’un
test «sommatif», mais bien du résultat des observations de l'enseignant com-
binées à celles de l'élève lui-même et de l'équipe avec laquelle il a travaillé ces
situations. Ces observations sont faites tout au long du processus enseigne-
ment/apprentissage. Chaque fois que l’élève se montre effectivement opéra-
toire dans un type de situation, cet état de fait est consigné dans un tableau
qui reprend systématiquement toutes les catégories de situations travaillées.
Le bilan opératoire des connaissances d’un élève est une synthèse de ces ob-
servations, il ne détaille que les situations pour lesquelles l'élève n’a pas mon-
tré de comportement opératoire. En voici un exemple complété pour un élève.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 387

L'élève est-il L'élève est-il


Catégories de | L'élève est-il
opératoire BCE opératoire
situations lors des Ha lors des
d’additionet/ |Définition | activités RUES activités
ou de réalisées netvrIes réalisées
soustraction t? avec hs sa 'individuelle-
l'enseignant ? SIApes ment ?

1) Structures | Une transfor- À apporté dans


de type mation est son portfolio
changement | appliquée à un des exemples
état initial et de situations
permet d'abou- différentes de
tir à un état celles abor-
final (il y a 6 dées en classe
transforma-
tions de ce
type)
2) Structure | Une réunion oui oui oui "IT exemples
de type est opérée apportés dans
combinaison | entre les élé- son portfolio
Ex ments de deux sont identi-
collections (il y ques à ceux
a 2 transforma- abordés en
tions de ce classe
type)
| | +
3) Structure |Une comparai- | oui oui Est opératoire | N’a pas apporté
"| de type son est effec- pour les 5 pre- | dans son port-
comparaison tuée à l’aide miers types folio des exem-
des ples de
quantificateurs situations rela-
: le plus (>), le tifs à ce type de
moins (<) et structure
égal (=) (il y a 6
transforma-
tions de ce
type)
Situations oui oui N'est pas opé- | De nouveaux
dans lesquel- ratoire dans exemples de
les il faut ces situations | situations de ce
retrouver un uniquement type sont
terme de la recherchés; il
comparaison; s'agira de trai-
exemple : Jean ter chacune de
a 3 billes, il a 5 ces situations
billes de plus et de les com-
que Pierre. parer entre
Combien de = elles ainsi
billes Pierre a- qu'aux 5
ne autres types
de situations
||
388 Créer des conditions d'apprentissage

4) Structures | Une transfor- oui oui Û À apporté dans


mation est opé- son portfolio
de type
égalisation rée sur un des des exemples
deux termes de situations
de l’opération identiques à
pour atteindre celles tra-
l’autre terme vaillées en
classe

FIGURE 62
D ii 7)

Exemple de bilan opératoire des connaissances d’un élève


à propos des structures additives

Cet élève n’est pas opératoire pour un type de situations lorsqu'il doit
les traiter seul. Ce type de situation est décrit et dans les remarques l’ensei-
gnant propose des activités à réaliser.
Ces bilans opératoires ne portent aucun jugement sur les connaissan-
ces et les compétences de l'élève, ils permettent seulement de décrire les ty-
pes de situations dans lesquelles l’élève manifeste des connaissances
opératoires lorsqu'il les traite soit avec un adulte, soit avec son équipe, soit
lorsqu'il est seul. Lorsqu'il n’est pas opératoire, ce genre de bilan permet de
déceler les situations pour lesquelles l'élève ne l’est pas et dans quelles condi-
tions il ne l’est pas (seul, en groupe ou avec l'enseignant).
Enfin, ces bilans opératoires ne nécessitent pas la tenue de tests ou
d'examens formels. Les informations relevées lors de la réalisation des activi-
tés sont suffisantes, de plus, l'élève dispose d’un tableau avec le descriptif
complet des situations à traiter et, au fur et à mesure qu’il avance dans sa dé-
marche, il le complète. Un tableau semblable est également tenu par le grou-
pe, ilest complété par les membres du groupe qui y consignent toute une série
de faits significatifs par rapport aux situations traitées (difficultés, succès,
exemples de situations différentes de celles fournies en classe, ...). Le bilan
opératoire est alors complété en compilant les données de l'enseignant, celles
du groupe et celles de l'élève.
Même si le bilan opératoire est toujours un bilan individuel, les don-
nées pour le compléter sont issues de différentes sources qui reflètent la di-
mension collective de ces bilans.

e LA PHASE POST-ACTIVE, UNE ÉTAPE CRUCIALE :

Dans les lignes qui précèdent, nous avons sommairement décrit diffé-
rentes modalités d'évaluation à l’intérieur de la phase post-active. Le lecteur
se rendra compte, que nous n’attendons pas que l’activité soit terminée pour
réaliser «après coup» une évaluation. D'une part, la cueillette des informa-
tions se fait depuis le début des activités, ensuite régulièrement des moments

19 Ce tableau est construit au départ des catégories de situations décrites dans Jonnaert
(1997 : 443-445).
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 389

de bilans intermédiaires sont prévus. Lorsque l’ensemble des activités est ter-
miné, les éléments dont l'enseignant, le groupe et les élèves individuellement
disposent pour effectuer un retour sur l’ensemble de la démarche sont prêts.
L'analyse qui s'ensuit est le résultat de toutes les analyses préalables. C’est à
ce moment crucial que les décisions quant aux activités ultérieures à envisa-
ger sont prises.

e DOCUMENT :

Et pour laisser le débat sur l'évaluation ouvert.

«(.…) Siles maîtres avaient pour unique enjeu de concilier les images provenant de diverses
sources d'observation, il leur suffirait de mettre leurs élèves devant des tâches relativement
semblables dans les moments d'évaluation formelle et dans le travail scolaire quotidien.
Mais cela obligerait à des choix douloureux tous ceux dont la conception du travail scolaire
s'éloigne des tâches les plus faciles à évaluer formellement. C’est ce que savent par exem-
ple les maîtres acquis aux pédagogies nouvelles, aux méthodes actives, à la technique des
situations mathématiques, à la pédagogie du projet ou des activités-cadres : pour ne pas
renoncer complètement à la conception du travail scolaire qui leur tient à cœur, ces maîtres
s'accommoderont tant bien que mal d'une discordance inconfortable entre leur image glo-
bale des élèves et l’image qu'en donne l'évaluation formelle».
Perrenoud (1986 : 26)

Les propos que nous avons tenus durant tout l'ouvrage refusent ces
discordances, ces compromis. Faut-il que l'enseignant adapte ses pratiques
à l'évaluation formelle imposée par l'institution ou, au contraire, n'est-il pas
urgent que l'institution questionne ses propres pratiques, ses habitudes,
ses exigences ?
390 Créer des conditions d'apprentissage
HS CD Sn CE ESS TS

Étapes de la phase post-active:


comprendre le déroulement de l'ensemble de la séquence ESA MA AA TE
enseignement/apprenrissage et ses effets sur l'apprentissage ="

Pourquoi?
Pour comprendre le déroulement de la séquence enseignement/apprentissage ef
ses effets sur l'apprentissage et communiquer les informations à ce propos.

Comment? En posant quels gestes?


en recueillant - en conservant les traces des activités
l'information d'enseignement et d'apprentissage;
- en demandant aux élèves de constituer
un portfolio de leurs réalisations;
- en demandant au groupe de réaliser un
journal de bord;

en analysant les - en comparant les différentes sources


informations recueillies d'information;

en prenant des décisions - en élaborant des choix pour les suites à


donner: pour les élèves individuellement,
pour le groupe et pour l'enseignant;

en diffusant l'information - en recherchant les formules les plus


adéquates pour présenter et diffuser les
informations à propos des décisions
prises;
- en communiquant l'information.

Pour arriver à quel résultat?

Des décisions sont prises et diffusées à propos de la suite à donner à la


séquence enseignement/apprentissage.

FIGURE 63
ASE
TORRENT

La phase post-active : fiche aide mémoire n° 7


Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 391
PÉTRSESTADQC RSR RTNRES

4.6 Que retenir ?

Questions Décisions de l’enseignant

(1) Durant la phase préactive

— Comment préciser l'objet — Vérifier la pertinence sociale de l’objet


d'apprentissage ? d'apprentissage parmi les contenus socia-
lement attendus dans le curriculum d’étu-
des des étudiants;
— Vérifier les finalités dans lesquelles s'inscrit
le contenu envisagé.

— Dans quelles situations ce contenu appa- — Identifier les classes de situations, didacti-
raît-il ? ques ou non didactiques dans lesquelles
les élèves pourront utiliser le contenu
d'apprentissage pendant et après l’appren-
tissage.

— Que présenter aux élèves à propos de Formuler une première hypothèse d'objectif
l’objet d'apprentissage et des situations dans laquelle les élèves découvrent l’objet
dans lesquelles ils pourront l’utiliser ? d'apprentissage et des exemples de situa-
tions dans lesquelles ils pourraient l'utiliser.

— Comment s'articule cet objet d'apprentis- Définir des cartes et des trames concep-
sage avec les classes de situations tuelles.
évoquées ?

— Que faire avec les conceptions des élèves à Organiser les connaissances des élèves en
propos de cet objet de connaissance ? catégories de conceptions;
- articuler ces catégories de conceptions à
la trame conceptuelle.

— Comment l'enseignant se situe-t-il par rap- L'enseignant développe une attitude criti-
port à l’objet d'apprentissage ? que Sur ses propres connaissances ;
- l'enseignant réalise une auto-évaluation
de ses connaissances par rapport à l’objet
d'apprentissage et par rapport aux connais-
sances de l'élève.

— Que faire des informations recueilliesàpro- Ajuster la première ébauche de l'hypothèse


pos de l’objet d'apprentissage, des concep- d'objectif aux conceptions des élèves;
tions des apprenants et des connaissances adapter ses propres connaissances
de l'enseignant ? d'enseignant;
— formuler une nouvelle hypothèse d'objectif
et la communiquer aux élèves.

— Quelles situations sont intéressantes pour — Retenir parmi les classes de situations cel-
ces élèves avec ces connaissances ? les dans lesquelles les élèves peuvent
entrer avec les connaissances dont ils dis-
posent.
392 Créer des conditions d'apprentissage
ARR El

Décisions de l'enseignant

2) Durant la phase interactive

— Quel est le rôle de chacun ? — Organiser le contrat didactique;


— créer un espace de dialogue;
— prendre en considération la coutume
de classe;
mettre les partenaires en interaction.

— Comment créer des conflits socio- — Créer chez les élèves des déséquilibres
cognitifs ? intra et inter individuels.

— Comment mettre les élèves en situation — Mettre les élèves en projet.


d'apprendre ?

— Comment proposer aux élèves des situa- — Créer des situations :


tions signifiantes ? * qui s'inscrivent dans le projet actuel de
l'élève;
+ qui sont ancrées dans ses ressources
cognitives;
*_qui sont ancrées dans les ressources
matérielles et humaines de son
environnement;
+ qui sont ancrées dans un réseau plus
large de situations.

— Comment le sujet traite-t-il des situations- Mettre en place des activités qui permettent
problèmes ? aux élèves de :
* se construire une conception de la situa-
tion et de ses composantes;
* se construire une conception du butà
atteindre:
+ élaborer une stratégie de traitement:
vérifier.

— Comment réguler les démarches des — Mettre en place les différents niveaux de
élèves ? régulation interactive :
* entre les élèves et l'enseignant:
* entre les élèves;
* entre les élèves et la situation.

— Comment adapter le choix des situations Choisir les situations dans la trame concep-
aux connaissances en présence ? tuelle en fonction des connaissances des
élèves:
— gérer le déplacement des situations-
problèmes;
— jouer les dévolutions et les contre-
dévolutions.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 393

Décisions de l’enseignant

3) Durant la phase post-active

— Quelles sont les clés d’une évaluation Porter un regard positif sur les connaissan-
socioconstructiviste ? ces des élèves;
réaliser une analyse globale de l'ensemble
du processus enseignement/
apprentissage;
considérer l’objet d'évaluation comme un
objet multiple;
considérer l'évaluation comme un proces-
sus collectif;
retuser l'échec de l'apprentissage.

— Comment organiser la cueillette des infor- Conserver les traces de ce qui a été réalisé
mations nécessaires à l'évaluation ? par l’enseignant durant les phases préac-
tive et interactive;
organiser la constitution d’un portfolio indi-
viduel par chacun des élèves;
organiser la constitution d’un journal de
bord par l’ensemble du groupe.

— Comment organiser une analyse des infor- Réaliser régulièrement des arrêts «sur
mations recueillies ? image » durant lesquels les différentes
sources d'informations sont comparées et
analysées;
mettre en commun les différents bilans réa-
lisés dans les équipes;
croiser l’ensemble des informations au
terme des activités et les analyser.

— Comment prendre des décisions au terme Susciter chez chaque élève individuelle-
des analyses réalisées ? ment une prise de résolution qu’il consigne
dans son portfolio;
susciter auprès du groupe une prise de
décision quant à la suite à donner aux acti-
vités réalisées;
ajuster les démarches d'enseignement.

— Comment organiser la communication des Organiser des communications internes qui


résultats de l'évaluation ? puissent atteindre le groupe et chacun des
membres du groupe pris individuellement;
réaliser des bilans opératoires qui puissent
être communiqués à l'extérieur du groupe.
394 Créer des conditions d'apprentissage

4.7 Quelques références pour aller plus loin.


Abrecht, R. (1991). L'évaluation formative. Une analyse critique.
Bruxelles : De Boeck.
Astolfi, J.-P. (1993). L'école pour apprendre. Paris : ESF, (2e édi-
tion, première édition : 1992).
de Vecchi, G. (1992). Aider les élèves à apprendre. Paris : Hachette.
Develay, M. (1992). De l'apprentissage à l’enseignement. Paris :
ESF.
Evrard, N. et Vander Borght, C. (à paraître). Le portfolio, un outil sti-
mulant pour la construction de l'identité professionnelle des ensei-
gnants, in Actes des XXe journées internationales sur la communi-
cation, l'éducation et la culture scientifique et industrielle.
Chamonix : Centre Jean Franco, mars 1998.
Jonnaert, Ph., Lauwaers, A., Peltier, E. (1995). Les facettes d’un
apprentissage scolaire. Bruxelles : SEGEC, (2ième édition, premiè-
re édition : 1992).
Meirieu, Ph. (1988). Apprendre... oui, mais comment ? Paris : ESF.

4.8 Concepts-clés de ce paragraphe


apprentissage - conditions d'apprentissage - évaluation formative -
évaluation socioconstructiviste

4.9 Le débat n'est pas clos.


«(..) paradoxalement, donc, ce sont plutôt les acquis antérieurs qui sont ici
déterminants : il faut que le sujet dispose de quelques outils pour qu'il puisse affronter
l'obscurité et c'est cela que le maître doit chercher en priorité : s'appuyer sur ce que
les élèves savent et savent faire, et suggérer à partir de là, ce qu'ils pourraient savoir.
Faire de l'énigme avec du savoir; faire du savoir avec de l'énigme. Entrevoir le futur
en questionnant le déjà-là. Ce n'est rien d'autre, au fond, qu'une situation-problème :
un ensemble de données que l'on maîtrise — ce que l'on sait — et une situation qui
fait pourtant problème — ce que l'on ne maîtrise pas; un jeu de présence/absence,
de connaissance/ignorance, qui crée une aspiration, suscite un désir. Un jeu sans
cesse inachevé, tant il est vrai que plus on sait plus on désire savoir, et que la solu-
tion, contre toute attente, agrandit toujours l'énigme».

Meirieu (1988 : 93)

«(...) le problème traditionnel disparaît dès que l'on ne considère plus la connaissan-
ce comme la recherche de la représentation iconique d'une réalité ontologique, mais
comme la recherche de manières de se comporter et de penser qui conviennent. La
connaissance devient alors quelque chose que l'organisme construit dans le but de
créer un ordre dans le flux de l'expérience — en tant que tel informe — en établissant
des expériences renouvelables, ainsi que des relations relativement fiables entre el-
les. Les possibilités de construire un tel ordre sont déterminées, et sans cesse limi-
tées, par les précédentes étapes de la construction. Cela signifie que le monde
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 395

«réel» se manifeste lui-même uniquement là où nos constructions échouent. Mais


dans la mesure où nous ne pouvons décrire et expliquer ces échecs que par les con-
cepts mêmes dont nous nous sommes servis pour construire des structures défaillan-
tes, ce processus ne fournit jamais l’image d'un monde que nous pourrions tenir
responsable de leur échec.
Une fois cela tout à fait compris, il deviendra évident qu'on ne doit pas considérer le
constructivisme radical comme un moyen d'établir une image ou description d'une
réalité absolue, mais seulement comme un modèle possible de connaissance élaboré
par des organismes cognitifs capables de construire pour eux-mêmes, à partir de leur
propre expérience, un monde plus ou moins fiable».
Von Glasersfeld (1988 : 41 et 42)
ADR UOTE LOL ITR

CRT 10 PROS TR US
nes ent dent 2 hat À ces aqlbihe etai none er Eat data
eNIir EÉEnID |
ÉTOUE TOCIRE RSC L'ONT ETES ESS CETU Reset a
ME NON EN PACA ré ee N dif done, tiGeN NTILUA Bh SAMMNEUTE) 20 LEUR |
vo dou tof os ados
si néLane des Pod Qui eut GAbenasientede Acarane
mnt à71097 MAD MARIE D pe
nr D RON Eve 06 a CDR AU Ben ji MPELMOQ Vebun RENNES
oratsil + ctarne où airbeia] bts ro: Bérenie fratistues aliri mutoacies Alert
und etraneg demembre: ave nu rather sis tone emdiinge DCE EC D fruriæ
Mbits acer ip à niGONQN OMR UASNIR case
(AU he #5 “HMNI : LAstevaaaE
svaV
" | hi 2. | vel'r cet: EN AT

n | I L etre Gré Cr
le DANT/LS
CAVE à, rteds lié

| lvediar UE
à “lot, TES

L | ni (Parti TOP

+ Cerond dit le 6 Sanotbit L


d — CRE

3 LE un ») n o11 [RE re

cekamygen À RE ET
e Qwms4béd nmélsdd Co
1 0 PE ls © ce ls hé@

nv Our LL 7,
en core irevies
0. D © ceGS Ve CÉBlOr ©
n 2 (ur. Ce PS PDO
Em « = Fostpwre tn Né 4 a
le = st ut dbte
| - 4 ie PR que

Ve DEN ANT,

her : © to RÉ PIES Sy
CONCLUSION

Quelques lignes
pour conclure.
Existe-t-il une conclusion à un ouvrage d'inspiration socioconstruc-
tiviste ? Non, bien sûr le livre se termine par ces quelques lignes, mais la ré-
flexion continue, de paradoxes en paradoxes. Le contenu de cet ouvrage est
pertinent tant et aussi longtemps qu'il est viable pour le lecteur. Ce sont les
lecteurs, chacun en particulier, qui déterminent la viabilité de ce qu'ils vien-
nent de découvrir, qui se construisent des conceptions à propos de ce qu'ils
ont lu, qui se créent des nouvelles connaissances en adaptant d'anciennes
connaissances au savoir qu'ils y ont rencontré,

Le pari de l'écriture d’un ouvrage d'inspiration socioconstructiviste


est nécessairement à ce prix :

il n'échappe pas aux principes mêmes de construction et de création des


connaissances qu'il propose.

Cette conclusion ne peut donc que montrer le caractère précaire et


ouvert de toute connaissance. Précaire, une connaissance l’est car, sans ces-
se, elle risque de se retrouver face à une situation qui peut mettre en doute sa
viabilité. Ouverte, une connaissance l’est tout autant, car elle est susceptible
de s'adapter, de s'amander, de s’ajuster aux caractéristiques de nouvelles si-
tuations. Et c’est justement là que se trouve toute la richesse du postulat
constructiviste :

nos cornaissances ne sont jamais figées, définitives, encodées dans un systè-


in é, empilées comme de vieux manuscrits La lescombles d'une biblio-
PER thèque, .……que du contraire! :
398 Créer des conditions d'apprentissage
5 5 os PCESCRCE QUE CS

Les connaissances sont souples, elles sont ouvertes, toujours prêtes à


s'adapter, à évoluer, à se remodeler au gré des situations auxquelles elles sont
confrontées. Ces caractéristiques des connaissances permettent justement
l'apprentissage. Cet ouvrage se termine donc ici, mais il n’enferme certaine-
ment pas son contenu dans les pages qui précèdent. Les connaissances que le
lecteur aura pu créer à la lecture de ce qui précède, répondent également,
comme toute connaissance, à ce caractère d’adaptabilité aux situations. Sans
doute, la véritable aventure de ces nouvelles connaissances commence au Mmo-
ment même où le lecteur referme l'ouvrage!
Mais nos propos ne sont pas exclusivement «constructivistes», ils
sont aussi «socio» constructivistes! Cette dimension implique, qu’au-delà du
dialogue que nous avons établi avec le lecteur, ce dernier devra nécessaire-
ment replacer le débat dans un contexte d'interactions avec d’autres person-
nes. Ces interactions sociales risquent de le mettre en présence d’autres
paradigmes épistémologiques. Ces derniers vont, à leur tour interpeller l’ap-
proche développée dans le présent ouvrage, la déstabiliser, ... parfois provo-
quer des conflits socio-cognitifs|!

… mais alors, les connaissances sont remises en cause à peine créées ?

Nous n'écrivons pas autre chose! Ce paradoxe n’est pas sans évoquer
l'affirmation d'Épiménide le Crétois : «Tous les crétois sont des menteurs».
Mais, Epiménide étant Crétois il devient évident qu'il ment quand il dit la vé-
rité, … ou qu'il dit la vérité lorsqu'il ment ? Dans quel sens prendre cette
boucle réflexive qui affirme sur elle-même quelque chose qu'elle nie en même
temps ?
Une connaissance à peine créée est aussitôt remise en cause! Sans
doute, serait-il plus facile, d'affirmer d'autorité que ce que nous écrivons est
la vérité, peut-être même l'unique vérité! Il n’y aurait plus de paradoxe et la
lecture terminée, le lecteur convaincu pourrait partir en croisade, combattre
en niant toute affirmation qui ne correspondrait pas à notre propos! En quel-
que sorte, notre ouvrage pourrait convaincre le lecteur et engendrer chez lui
une forme d’intolérance aux approches issues de paradigmes non constructi-
vistes.
Ce ne sont pas là les effets du constructivisme! Si le lecteur accepte
que chaque individu se construit en construisant ses connaissances sur le
monde, et construit par là même le monde dans lequel il vit, il doit admettre
que chacun en fait de même :
«(...) Si nous savons que nous ne connaissons jamais la vérité, que notre vision du
monde convient seulement plus ou moins, comment pourrions-nous considérer les vi-
sions des autres comme démentes ou mauvaises (...) ?»

Watzlawick (1988 : 351)

La première conséquence d’un paradigme épistémologique construc-


tiviste est certainement la tolérance de celui qui l’a adopté. L'effet direct en
est le bannissement du concept d'échec de l'apprentissage, négation extrême
Quelques lignes pour conclure... 399
CSA DUREE SRE)

des connaissances d’un autre, du vocabulaire de l'éducation. Le regard positif =


sur les connaissances des autres, et donc sur celles de l'élève, est une attitude
fondamentalement consctructiviste! Cette tolérance est vaste, mais elle se
traduit d’abord par ce respect que les connaissances des autres nous impo-
sent.

Ensuite, accepter le paradigme épistémologique c’est être responsa-


ble de sa propre réalité, puisque chacun, être individuel, invente sa propre
réalité. Comment dans ce cas, rejeter la faute sur d’autres que soi, alors que
l'individu est toujours dans le monde qu'il a créé lui-même ? La seconde con-
séquence du constructivisme est cette éthique au sens que lui donne Varela :
«(...) la conclusion de tout cela est bien intéressante : le monde empirique du vivant,
la logique de la réflexivité et l’histoire naturelle nous disent donc que l'éthique — la
tolérance, le pluralisme, la distance qu'il nous faut prendre à l'égard de nos propres
perceptions et Valeurs pour pouvoir prendre en compte celle des autres — est le fon-
dement même de la connaissance, mais aussi son point final».
Varela (1988 : 344)
Enfin, les constructivistes sont des hérétiques au sens etymologique
du terme, c’est-à-dire des personnes capables de poser des choix (du grec
hairetikos : «qui choisit»). Cette responsabilité de chacun face au monde
qu'il se construit, fait du constructiviste un komme libre, capable de faire des
choix, .… un véritable hérétique!

.… à condition qu'il soit conscient de sa capacité à construire une réalité!

Mais, est-ce possible ? Un individu peut-il inventer une réalité diffé-


rente de lui-même ? N’avons-nous pas écrit qu'un sujet construit le monde en
se construisant lui-même ? Le constructivisme montre qu'il n’y a pas de dis-
tinction entre le sujet et l’objet. Les chapitres qui précèdent indiquent que
la clé de la construction des connaissances se situe dans l'interaction qui se
passe entre l’objet à apprendre et les connaissances du sujet. La connaissance
naît de cette fusion de l’objet et du sujet décrite dans les classiques principes
d’assimilation et d’accommodation de Piaget qui font que, dans la nouvelle
connaissance, nous ne pouvons jamais identifier ce qui relevait de l’objet et ce
qui relevait du sujet :

… ils ne font plus qu'une seule et même connaissance !

Cela signifie, que le constructiviste, cet hérétique, lorsqu'il «connaît»,


connaît non seulement l’objet mais se «connaît» aussi lui-même! Mais sans
doute est-ce là aussi le fondement de la subjectivité, de la relativité de toute
signification, quelle qu’elle soit!
Hérétique, libre, tolérant, responsable, le constructiviste sait qu'attri-
buer un sens, une signification, c’est toujours construire une réalité particu-
lière.
Au terme du premier chapitre, nous posions la question de la complé-
mentarité, voire de la compatibilité du paradigme socioconstructiviste avec
400 Créer des conditions d'apprentissage
REED
PIECE MEPaTPE ER

d’autres paradigmes. La question était ouverte, elle l’est restée tout au long de
l'ouvrage.
Ce sera sans doute un autre paradoxe, mais le constructivisme, même
s’il est tolérant, ne peut accepter de compromis, de compromissions, aussi ré-
duites soient-elles avec d’autres paradigmes épistémologiques, quels qu'ils
soient!
«(..) le constructivisme, au sens pur et radical du terme est incompatible avec le
mode de pensée traditionnel. Bien que la plupart des représentations du monde, phi-
losophiques, scientifiques, sociales, idéologiques ou individuelles, soient très diffé-
rentes les unes des autres, elles ont cependant un point commun : l'hypothèse de
base qu'une réalité externe existe, et que certaines théories, idéologies ou convic-
tions personnelles la reflètent (lui correspondent) plus justement que d'autres.
(...) notre environnement tel que nous le percevons, est notre invention, jusqu'aux
mécanismes neurophysiologiques de ces perceptions, et enfin aux implications éthi-
ques et esthétiques que cela implique (...)»
Watzlawick (1988 : 17)
A Bertalanffy 138
Bidwell 134
Allal 367, 368, 369, 375 Biezunski 136
Allès-Jardel 156 Bloom 48, 156, 368
Altet 54, 65, 59, 90, 284 Bonami 134, 135, 145
Anastasi 156 Bourdieu 229, 379
Ardoino 43, 44, 45 Bourgeois 260
Astolfi 25, 87, 90, 104, 113, 114, 121, 190, Bovet 347
Ê Val ee 627 Bower 249
_ Astolfi et al. 302 Bresson 278
Astolfi, Cauzinille-Marmêche, Giordan, Brewster 19
Henriques-Christofidès, Mathieu et Broch 353
Weil-Barais 104 Bronckart 43, 75, 77, 192
Astolfi, Darot, Ginsburger-Vogel et Tous- Brophy 313
Saint 20, 41,072 Brousseau 81, 84, 112, 177, 178, 185, 191,
Audigier 65 12 20m 210212 2157610
Avanzini 145 Bru 80, 81, 99
Brun 20, 85, 102
B Brun et Conne 84
Brun, Conne, El Hadi et Schubauer 55
Bachelard 104, 113, 190, 205, 311 Burguiere, Chambon, Chauveau, Derouet,
Baffrey-Dumont 112, 358 Derouet-Besson, Gautherin, Proux,
Balacheff 178, 198, 204 Rogovas-Chauveau 176
Baldwin 346
Bastin et Roosen 52 C
Bednarz 34
Bellano 31 Caetano 346
Bensaude-Vincent 28 Caillot 83, 84
Bentolila 54 Caravolas 90
Berbaum 138, 139 Carbonnier 198
Créer des conditions d'apprentissage

Cardinet 367 Desvé 86


Carr 253, 280 Dethier 155
Carugatti 347 Develay 45, 47, 81, 83, 84, 85, 217
Cauzinille-Marmèche 25, 114 Doise 347, 349
Cauzinille-Marmèche, Mathieu et Weil- Doise, Mugny et Perret-Clermont 346
Barais 104 Dolle et Bellano 31
Charlier 57 Donnay et Charlier 59
Charlot 309 Douady 360
Charnay 151 Dunkin et Biddle 141
Chauveau 156 Dupin 90
Chevallard 85, 120, 121, 178, 199, 200 Dupont 57, 59, 98
Chevallard et Joshua 80, 144 Duquesne 311, 313
Chevrier 48 Duval, 308
Closset 113
Comenius 39, 42 E
Conne 85, 102, 112
Conseil des Sciences du Canada 151 Ehrlich 307, 311
Coombs 145 Etzioni 134
Cornu et Vergnioux 61, 63, 64
Côté 187 F
Crahay 145
Feldman et Ballard 280
Crépault et Nguen- Xuan 254
Cronbach 177
Filloux 173, 176, 193
Fourez 26, 32, 237
Cros 353
Fourez, Englebert-Lecomte, Mathy 34,35
D Freinet 327

D'Hainaut 141, 149, 303, 307, 322, 357 G


Danvers 168
Darot 90 Gage 42
Dave 156 Gagné 249, 250, 252
de Bueger-Vander Borght 113, 237, 304, Gagnebin 169
305 Gagnon 79, 83
De Corte 141 Ganascia 327
De Corte, Geerligs, Lagerweij, Peters et Garant 145
Vandenberghe 43, 72 Gardner 19, 31, 253
De Landsheere 43, 44, 45, 47, 141, 172, sauthier 110, 281, 284
374 Gauthier et al. 294
De Perreti 145 Gergen 32
De Tersac 54 Gilly 349
de Vecchi 302, 309, 311 Ginsburger-Vogel 90
Degas 269 Giordan 25, 80, 113, 114, 237, 302, 309,
Désautels 151 1h
Désautels et Larochelle 34, 35, 110 Giordan et Aponte 113
Descartes 27 Giordan et Bazan 113
Deshaies 26, 27 Giordan et de Vecchi 104, 113, 158, 308
Desmet 156 Glaser 79, 253
Index 403
POSER
PERTE ENERTE]

Goanac'h et Passereau 255 Kimble 249


Good 313 Kiviet 141, 142
Grisay 155, 228 Krathwohl 141
Guignard 376
. L

cotes Laborde 204


inau Ï
Halté 44, 62, 63, 73, 86, 88, 90 Lee
Hameline 148 Lafon 245
re _. Lafontaine 145
enriques Lamke 48
be 25 114 Langevin, 280
Lansman 274
Hewson 113 Lapassade 45
e 42 Larochelle 34, 151
Hilgard 249 Larochelle et Bednarz 28, 135, 286, 287
nn re 25 Le Larose, Jonnaert et Lenoir 79
oudement et Kuznia Lashley 36, 135
Hoyau et Miskell 134 Lauwaers 227, 228, 237
Husén 156 Laveault 228, 358
I Lavoisier 28
Le Boterf 54
Le Guillou 269
Idol 253, 280 Lebrun 228
. nhelder 347 Legendre 49, 65, 245, 246, 248, 363
J Lemoyne 73, 88
Lenoir 86, 118
. Léonardis 156

Jane 154
Jetfres 125
Dos
Lévis-Strauss 45

John J. Hopfield 280 Levy ne 1e


Johnston 249 M
Johsua 90, 163
Johsua et Dupin 64, 181 ;
Jones 253, 280 Margolinas 84, 99, 178, 186, 207

net 025 2000 69,01 64 CT 80 UT Ie


OMAN 110 Eee 15e Ertnand ol 121,287, 82e
161, 167, 204, 212, 227, 228, 237,243, Mathieu 25, 114
244, 260, 261, 297, 310,311, 313,314, Matthieu 167
315, 353, 354, 358, 360, 362, 363,372, Maudet 72, 79, 99
375, 380 McClelland et Rummelhart 280
Meirieu 57, 70, 79, 174, 176, 229, 353,
K 379, 394
———— Meljac 62
Kamii 260 Mialaret 43
Khun 23, 25, 28 Mintzberg 134
404 Créer des conditions d'apprentissage
RNCS ONE AS

Misès, Perron et Salbreux 31 Raisky 121


Mollo 136 Raisky et Caillot 64, 86
Morf 35 Ravenstein 82
Morin 25, 138 Raynal 148, 249
Moscovici 311 Raynal et Rieunier 70, 71, 72, 172, 174
Mugny 55, 346, 347, 349 Rey 49, 51, 54, 168, 243, 363
Reynolds 294, 313
N Richard 243, 254
| Rieunier 148, 249
Nicolet 99 Riley 298, 299
Nizet 260 Rimbaud 284
O Rogers 161
nus Rogovas-Chauveau 156
OCDE 155 Rouchier 102, 103
Ogle 253, 280 Rousseau T0 176, 215

Osborne et Gilbert 113 Ruel 24


Ouellet 26, 254, 255
S
P
Sachot 72, 129
Palincsar 253, 280 Salomon, Perkins et Globerson 31, 55
Parkhurst 172, 174, 191 Sanner 311

Pea 31, 55 Scandura 307


Peltier 112, 227, 228, 237, 358 Schneuwly 192
Pépin 24, 237, 238 Schubauer-Leoni 178, 206, 345
Perkins 31, 51, 55 Segal 236, 237, 238, 269
Perrenoud 48, 49, 54, 159, 229, 351, 363, Sensévy 46
379, 380, 389 darree À
Perret-Clermont 55, 60, 99, 345 Sierpinska 112

Pesenti 228 Sinclair 347


Piaget 278, 323, 346, 347 Smith 158

nel 379 Spallanzani, Jonnaert 65, 66, 72


Plaisance et Vergnaud 72, 73, 75, 77 Spitz 31
Platon 27, 59, 196 Ho
Steier 32
SUD res Strauven 151, 152
Popper 215 ;
Porter 313 T
Postic, De Ketele 59
Pourtois 156
Tardif 253, 258, 280
Pressley, Wood et Woloshyn 55
Tardif et Ouellet 42
Prêteur 156
Thurler 379
Przemicki 176
Tiberghien 113
Puren 90
Tochon 80, 156, 253
R Toulmin 129
= Tourneur 274, 311, 313
Raichvarg 237 Toussaint, 90
Index 405

Travers 48 W
Tyler 141
Wallon 346, 347
V Wang, Haertel et Walberg 328
Watzlawick 34, 198, 237, 398, 400
Valo 131
Weick 134
Van der Maren 44, 48
Weil-Baraïs 25, 114
Van Haecht 155, 229 Wittrock 328
Van Nieuwenhoven 375
Varela 277, 399 X
Vergnaud 51, 83, 112, 182, 183, 192
Vergnioux 260 Xénophane 125
Verret 121
Viennot 113 Y
Villepontoux 253
Von Foerster 17, 236 Yerles 44
Von Glaserfeld 14, 16, 32, 34, 237, 395
Vygotsky 183, 346, 347 Z

Zbarski 298
à # l dE « ef
| it
+
: v

£ "8
à EURE
à É EME Li
| sp or TD
MI Ptaedi Ge
D rent SrimiiA nav
f * VTÉ diota
L NTI 7 | TLTU LT
[AS EN ur

LT nenv
, CL ri
ê TRICOT TE .
d à \{ tent AT
| a he A JE TV
à LE 20 El AdnETr
BIBLIOGRAPHIE

Abrecht, R. (1991). L'évaluation formative. Une analyse critique. Bruxelles : De


Boeck.
Allal, L. (1992). Les relations entre pratiques d'évaluation formative et pratiques didac-
tiques. En guise de présentation, in D. Laveault. (dir.), Les pratiques d'évaluation
en éducation, (pages 3 à 5). Montréal : Éditions de l'ADMEE.
_ Allal, L. (1991a). Vers une pratique de l'évaluation formative. Matériel de forma-
| tion des enseignants. Bruxelles : De Boeck.
Allal, L. (1991b). Stratégies d'évaluation formative : conceptions psychopédagogiques
et modalités d'application, in L. Allal, J. Cardinet et Ph. Perrenoud, (dir.), L'éva-
luation formative dans un enseignement différencié, (pages 130 à 156). Berne :
Peter Lang.
Allal, L. (1988). Vers un élargissement de la pédagogie de la maîtrise : processus de ré-
gulation interactive, rétroactive et proactive, in M. Huberman (dir.), Assurer la
réussite des apprentissages ? Les propositions de la pédagogie de la maîtrise,
(pages 86 à 126). Lausanne : Delachaux et Niestlé.
Allal, L. (1983). Évaluation formative : entre l'intuition et l’instrumentation. Mesure et
évaluation en éducation, 6(5), 59-71.
Allal, L., Cardinet, J. et Perrenoud, Ph. (1991). L'évaluation formative dans un en-
seignement différencié. Berne : Peter Lang. (6e édition, première édition : 1979).
Allès-Jardel M. (1995). Des compétences parentales... aux compétences sociales chez
le jeune enfant, in Ÿ. Prêteur et M. de Léonardis, (éds), Éducation familiale, ima-
ge de soi et compétences sociales, (pages 29 à 60). Bruxelles : De Boeck.
Altet, M. (1996). Les compétences de l’enseignant-professionnel : entre savoirs, schè-
mes d'action et adaptation, le savoir analyser, in L. Paquay, M. Altet, E. Charlier et
Ph. Perrenoud, (dir.), (1996). Former des enseignants professionnels. Quelles
strtatégies, quelles compétences ? (pages 27à 40). Bruxelles : De Boeck.
Altet, M. (1994). La formation professionnelle des enseignants. Paris : PUF.
408 Créer des conditions d'apprentissage
RE SMS AGP

Ardoino, J. et Berger G. (1994). Les sciences de l'éducation : analyseurs paradoxaux


des autres sciences ? L'année de la recherche en sciences de l'éducation 1994,
(1), 29-51.
Astolfi, J.-P. Cauzinille-Marmèche, E., Giordan, À., Henriquès-Christofidès, A., Ma-
thieu, J., Weil-Barais, A. (1984). Expérimenter, sur les chemins de l'explication
scientifique. Toulouse : Privat.
Astolfi, J.-P. (1980). Quelques problèmes posés par la structuration des concepts dans
l'enseignement scientifique, in A. Giordan et J.L., Martinand, (dir.), Actes des Cinr-
quièmes journées sur l'enseignement scientifique, Chamonix, (pages 199 à
216). Paris : JES, (Université de Paris VII, T45-46, ler, 2 place Jussieu, F. 75005 Pa-
ris).
Astolfi, J.-P. et Develay, M. (1989). La didactique des sciences. Paris : PUF.
Astolfi, J.-P., (1992). L'école pour apprendre. Paris : ESF.
Astolfi, J.-P. (1997). L'erreur, un outil pour enseigner. Paris : ESF.
Astolfi, J.-P., Darot, E. et Ginsburger-Vogel, Y. et Toussaint, J. (1997a). Le guide du
formateur en didactique des sciences. Bruxelles : De Boeck.
Astolfi, J.-P., Darot, E., Ginsburger-Vogel, Y. et Toussaint, J. (1997b). Mots-clés de la
didactique des sciences. Repères, définitions, bibliographies. Bruxelles : De
Boeck - Université.
Avanzini, G. (1991). L'école, d'hier à demain. Des illusions d'une politique à la po-
litique des illusions. Toulouse : ÉRÈS.
Audigier, F. (1990). Histoire, géographie, éducation civique. Collège Lycée, n° 8,
Paris : CRDP.
Bachelard, G. (1938). La formation de l'esprit scientifique. Contribution à une psy-
chanalyse de la connaissance objective. Paris : Vrin.
Baffrey-Dumont, V. (1996). Résolution de problèmes arithmétiques par des enfants de
huit ans, Revue des sciences de l'éducation, 22(2), 321-344.
Bain, D. (1988). L'évaluation formative fait fausse route : de la nécessité de changer de
cap. Mesure et évaluation en éducation, 10(2), 23-32.
Baldwin, J.M. (1987). Le développement mental chez l'enfant et dans la race. Paris :
Félix Alcan.
Barbier, J.-M., (1996). Savoirs théoriques et savoirs d'action. Paris : PUF.
Barth, B.-M. (1993). Le savoir en construction. Paris : Retz.
Bednarz, N. et Garnier, C. (dir.), (1989). Construction des savoirs : obstacles et con-
Jlits. Montréal : Agence d’Arc.
Bellack, A. (1966). The Langage of the Classroom. New York : Teachers College.
Bennet, S. N., (1975). Teaching Styles : Typological Approach, in G. Chana, S. Dela-
mont, Frontiers of Classroom Research. (pages 63 à 72). Windsor : NFER Pu-
blishing Company.
Bensaude-Vincent, B. (1991). Lavoisier : une révolution scientifique, in M. Serres
(dir.). Eléments d'histoire des sciences, (pages 362 à 385). Paris : Bordas.
Bentolila, A. (dir.), (1995). Savoirs et savoir-faire. Paris : Nathan.
Berbaum, J. (1982). Étude systémique des actions de formation. Paris : PUF.
Bidwell, C. E., (1965). The School as a Formal Organization, in J. G. March (dir.). The
Handbook of Organizations, (23), Chicago : Rand Mc Nally.
Bibliographie 409

Biezunski, M. (1981). Einstein incompréhensible - Paris 1922. Actes des Troisièmes


Journées pour l'Enseignement des Sciences, Chamonix, JES II, 51-59.
Bloom, B. (1966). Twenty-five Years of Educational Research. American Educational
Research Journal, 3(3), 21-221.
Bloom, B. (1972). Apprendre pour maîtriser. Lausanne : Payot.
Bonami, M. (1996). Logiques organisationnelles de l’école, changement et innovation,
in M. Bonami et M. Garant (dir.), Systèmes scolaires et pilotage de l'innovation.
Emergence et implantation du changement, (pages 185 à 216), Paris, Bruxelles :
De Boeck - Université.
Bonami, M. et Garant, M. (dir.), (1996). Systèmes scolaires et pilotage de l’innova-
tion. Emergence et implantation du changement. Paris, Bruxelles : De Boeck -
Université.
Bourdieu, P. (1966). L'inégalité sociale devant l’école et devant la culture, Revue fran-
çaise de sociologie, 3, 325-347.
Bourdieu, P. et Passeron, J.C. (1970). La reproduction. Éléments pour une théorie
du système d'enseignement. Paris : Édition de Minuit.
Bourgeois, E. et Nizet, J. (1997). Aprentissage et formation des adultes. Paris : PUF.
Bracke, D. (1998). Vers un modèle théorique du transfert : les contraintes à respecter.
Revue des sciences de l'éducation, 24(2), 235-266.
Bresson, F. (1987). Les fonctions de représentation et de communication, in J. Piaget,
P. Mounoud, J.-P. Bronckart, (dir.), (1987). Psychologie. Encyclopédie de la
Pléiade, (pages 933 à 982). Paris : Gallimard.
Brewster, D. (1854). North British Review, cité in J. Miller (1983). States of Mind.
New York : Pantheon Books.
_ Broch, M.-H., Cros, F. (1987). Comment faire un projet d'établissement. Lyon :
Chroniques sociales.
Bronckart, J.-P. (1989). Du statut des didactiques des matières scolaires. Langue
française, 82, 53-66.
Bropphy, J. (1986). Research Linking Teaching Behavior to Student Achievment :
Potential Implications for I. U.S. Department of Education.
Brousseau, G. (1980). Problème de l’enseignement des décimaux. Recherches en di-
dactique des mathématiques, 1(1), 11-58.
Brousseau, G. (1983). Les obstacles épistémologiques et les problèmes de mathémati-
ques. Recherches en didactique des mathématiques, 4(2), 164-198.
Brousseau, G. (1986). Fondements et méthodes de la didactique des mathématiques.
Recherches en didactique des mathématiques, 7(2), 33-116.
Brousseau, G. (1994). Perspectives pour la didactique des mathématiques, in M. Arti-
gue, R. Gras, C. Laborde et P. Tavignot, (dir.), Vingt ans de didactique des ma-
thématiques en France. Hommage à Guy Brousseau et Gérard Vergnaud,
(pages 51 à 66). Grenoble : La Pensée Sauvage.
Brousseau, G. (1998). Théorie des situations didactiques. Grenoble : La Pensée Sau-
vage.
Bru, M. (1991). Les variations didactiques dans l’organisation des conditions
d'apprentissage. Toulouse : Editions Universitaires du Sud.
Brun, J. (dir.), (1996). Didactique des mathématiques. Lausanne : Delachaux et
Niestlé.
Créer des conditions d'apprentissage

Brun, J. (1994). Évolution des rapports entre la psychologie du développement cogni-


tif et la didactique des mathématiques, in M. Artigue, R. Gras, C. Laborde et
P. Tavignot (dir.), Vingt ans de didactique des mathématiques en France. Hom-
mage à Guy Brousseau et Gérard Vergnaud, (pages 67 à 83). Grenoble : La Pen-
sée Sauvage.
Brun, J., Conne, F. (1990). Analyses didactiques de protocoles d'observation du dérou-
lement de situations. Éducation et recherche, 12 (3/90), 261-286.
Burguiere, E., Chambon, A., Chauveau, G., Derouet, J.-L., Derouet-Besson, M.-C.,
Gautherin, J., Proux, M., Rogovas-Chauveau, E. (1987). Contrat et éducation. La
pédagogie du contrat, le contrat en éducation. Paris : L'Harmattan.
Caetano, C. (1864). Dell’antitesti come metodo di psicologico sociale. /! Politecnico,
(20), 262-270.
Caillot, M. (1992). Vers une didactique cognitive ? Intellectia, 1/2 (13-14), 273-289.
Caillot, M. (1993). Sens et situations didactiques en sciences expérimentales, in Ph.
Jonnaert et Y. Lenoir (dir.). Sens des didactiques et didactique du sens, (pages
157 à 174). Sherbrooke : Éditions du CRP.
Caillot, M. (1994). Des objectifs aux compétences dans l’enseignement des sciences :
une évolution de vingt ans, in F. Ropé et L. Tanguy (dir.). Savoirs et compétences :
de l'usage de ces notions dans l’école et l’entreprise, (pages 95 à 117). Paris :
L'Harmattan.
Caillot, M. (1996). La théorie de la transposition didactique est-elle transposable ? In
CI. Raïsky et M. Caillot (dir.), Au-delà des didactiques, le didactique. Débats
autour de concepts fédérateurs, (pages 19 à 36). Bruxelles : De Boeck.
Calande, G., de Bueger-Vander Borght, C. (1992). Plaisirs des sciences. Didactique
des sciences et autonomie dans l'apprentissage. Bruxelles : De Boeck.
Caravolas, J. A. (1994). La didactique des langues. Précis d'histoire. Montréal : Les
Presses de l'Université de Montréal.
Cardinet, J. (1986). Pour apprécier le travail des élèves. Bruxelles : De Boeck.
Carugati, F. et Mugny, G. (1991). La théorie du conflit sociocognitif, in G. Mugny (dir.),
Psychologie sociale du développement cognitif, (pages 57 à 70). Berne : Peter
Lang.
Charlier, E. (1989). Planifier un cours. Bruxelles : De Boeck.
Charlot, B. (1997). Du rapport au savoir. Éléments pour une théorie. Paris : An-
thropos.
Charnay, R. (1996). Pourquoi des mathématiques à l’école ? Paris : ESF.
Chauveau, G. et Rogovas-Chauveau, E. (1992). Relations école familles populaires et
réussite au CP. Revue française de pédagogie, 100, 5-18.
Chevallard, Y., Johsua, M.A. (1991). La transposition didactique. Du savoir savant
au savoir enseigné, avec un exemple de la transposition didactique.
Grenoble : la Pensée sauvage.
Chevrier, J. (dir.), (1994). La recherche en éducation comme source de change-
ment. Montréal : Les Éditions Logiques.
Closset, J.L. (1983). Le raisonnement séquentiel en électro-cinétique, in A. Giordan et
J.L., Martinand, (dir.), Actes des cinquièmes journées sur l’enseignement scien-
tifique, Chamonix, (pages 441 à 446). Paris : JES, (Université de Paris VII, T45-46,
1°", 2 place Jussieu, F. 75005 Paris).
Bibliographie 411

Coménius, J. A. (1992). La grande didactique ou l'art universel de tout enseigner


à tous. [Traduction M.-F. Bosquet-Frigout, D. Saguet et B. Jolibert]. Paris : Klinck-
siek.
Conne, F. (1981). La transposition didactique à travers l’enseignement des mathé-
matiques en première et deuxième année de l'école primaire. Genève : Faculté
de Psychologie et des Sciences de l'Éducation.
Conne, F. (1985). Calculs numériques et relationnels dans la résolution de problèmes
arithmétiques. Recherches en didactique des mathématiques, 5(3), 269-332.
Conne, F. (1989). Comptage et écriture en ligne d’égalités numériques. Recherches en
didactique des mathématiques, 9(1), 71-116.
Conne, F. (1992). Savoir et connaissance dans la perspective de la transposition didac-
tique. Recherches en didactique des mathématiques, 12(2/3), 221-270.
Conseil Québécois de l'Enseignement des Mathématiques, (1996). La formation ma-
thématique des jeunes québécois. (2ième avis du CQM : 1er mai 1996). Montréal :
CQEM.
Conseil des sciences du Canada. (1984).À l'école des sciences, la jeunesse canadien-
ne face à son avenir. Ottawa : Conseil des sciences du Canada, rapport n° 36.
Coombs, P. H. (1989). La crise mondiale de l'éducation. Bruxelles : De Boeck.
Cornu, L. et Vergnioux, A. (1992). La didactique en questions. Paris : Hachette.
Crahay, M. et Lafontaine, D. (dir.), (1986). L'art et la science de l’enseignement,
hommage à Gilbert de Landsheere. Bruxelles : Labor.
Crépault, J., Nguyen-Xuan, À. (1990). Le développement cognitif, in J.-F., Richard, C.,
Bonnet et R., Ghiglione, (dir.), Traité de psychologie cognitive. Le traitement de
l'information symbolique, (volume 2), (pages 165 à 206). Paris : Dunod.
de Bueger-Vander Borght, C. (1997). La formation didactique des enseignants du
secondaire : approches disciplinaires ou interdisciplinaires ? Développer la
compétence didactique interdisciplinaire en formation initiale d'enseignants
en sciences ? Communication au symposium Cirid-Laridd, 28-29-30 mai 1997, Uni-
versité des sciences humaines, Strasbourg.
de Bueger-Vander Borght, C. (1996a). La reformulation, ses procédures et ses niveaux.
Outils d'analyse de discours didactiques pour la formation des enseignants en
sciences expérimentales, in CI, Raisky et M., Caillot, (dir.), Au-delà des didacti-
ques, le didactique. Débats autour de concepts fédérateurs, (pages 253 à 272).
Bruxelles : De Boeck.
de Bueger-Vander Borght, C. (1996b). Didactique générale. Document 4. Louvain-la-
Neuve : Laboratoire de pédagogie des sciences.
de Bueger-Vander Borght, C., Remacle-Pourbaix, A.-M. et Servranckx, A.-M., (1996c).
Apprendre à chercher. Chercher pour apprendre. Vidéogramme 1996. Lou-
vain-la-Neuve : Laboratoire de pédagogie des sciences.
de Bueger- Vander-Borght, C., Remacle, M.F. et Servrancks, A.M. (19964). Questions
et conceptions. Vidéogramme 1996. Louvain-la-Neuve : Laboratoire de pédagogie
des sciences.
de Bueger-Vander Borght, C., Servranckx-Giot, A.M., Remacle-Pourbaix, M.F. et Tor-
res Carasco, M., (1991). Conceptions en écologie d'étudiants. Impact sur l’ensei-
gnement. in Probio-Revue, Louvain-la-Neuve vol. 14 n° 4 (pp. 299-311).
412 Créer des conditions d'apprentissage
PU
ner

de Bueger-Vander Borght, C. et Huynen, A.M. (1990). Représentations des futurs en-


seignants en sciences et conception d’un programme de formation. inActes du col-
loque Anthena 89, (pages 199 à 206). Montpellier, 4-7 septembre 1989.
de Bueger-Vander Borght, C., et Mabille, A., (1989). The Evolution in the Meaning
Given by Belgian Secondary Schools Pupils to Terms Used in Biology and Chemis-
try Classes. in {nternational Journal of Science Education. London : Wiley vol
11 n° 3, 347-362.
* de Bueger-Vander Borght, (1976). Enseignement de la biologie et formation à l’es-
prit scientifique. Discussion théorique et expérimentation au niveau du se-
condaire. Thèse de doctorat en sciences. Louvain-la-Neuve.
De Corte, E., Geerligs, C. T., Lagerwij, N. A. J., Peters, J. J. et Vandenberghe, R. (1979).
Les fondements de l’action didactique. Bruxelles : De Boeck.
De Ketele, J.-M. (dir.), (1986). L'évaluation : approche descriptive ou
prescriptive ? Bruxelles : De Boeck.
De Landsheere, V. (1992). L'éducation et la formation. Paris : PUF.
De Landsheere, G. (1980). Évaluation continue et examens. Précis de docimologie.
Paris : Nathan.
De Landsheere, G. et Delchambre, A. (1979). La communication non verbale dans
l’enseignement : comment les maîtres enseignent. Paris : Nathan.
De Landsheere, G., et Bayer, E. (1974). Comment les maîtres enseignent. Analyse
des interactions verbales en classe. Bruxelles : Ministère de l'Éducation nationale
et de la Culture française, Direction générale de l'Organisation des Etudes.
De Landsheere, G. (1986). La recherche en éducation dans le monde. Paris : PUF.
Denis, M. (1992). Coménius. Paris : PUF.
Denis, M. (1992). Coménius, une pédagogie à l'échelle de l'Europe. Berne : Peter
Lang.
De Perreti, À. (1987). Pour une école plurielle. Paris : Larousse.
Désautels, J. et Larochelle, M. (1989). Qu'est-ce que le savoir scientifique ? Point de
vue d'adolescents et d’adolescentes. Sainte Goy : Les Presses de l'Université La-
val.
Desvé, C. (dir.), (1993). Guide bibliographique des didactiques. Des ressources
pour les enseignants et pour les formateurs. Paris : INRP.
De Tersac, G. (1996). Savoirs, compétences et travail, in Barbier, J.-M., (dir.), Savoirs
théoriques et savoirs d'action, (pages 223 à 247). Paris : ESF.
de Vecchi, G. (1992). Aider les élèves à apprendre. Paris : Hachette.
Develay, M. (1996). Didactique et pédagogie. Sciences Humaines, (12), 58-60.
Develay, M. (1995). Le sens d’une réflexion épistémologique, in M. Develay, (dir.), Sa-
voirs scolaires et didactiques des disciplines, (pages 17 à 31). Paris : ESF.
Develay, M. (1994). Pour une didactique différenciée et axiologique, in G. Avanzini
(dir.), Sciences de l'éducation : regards muitiples, (pages 79 à 82). Berne : Peter
Lang.
Develay, M. (1992). De l'apprentissage à l'enseignement. Paris : PUF.
D'Hainaut, L. (1988). Des fins aux objectifs en éducation. Un cadre conceptuel et
une méthode générale pour établir les résultats attendus d’une formation.
Bruxelles : Labor. (5e édition).
Bibliographie 413

Doise, W. (1991). Le développement social de l'intelligence. Aperçu historique, in G.


Mugny (dir.), Psychologie sociale du développement cognitif (pages 57 à 70).
Berne : Peter Lang.
Doise, W. (1982). L'explication en psychologie sociale. Paris : PUF.
Doise, W. et Mugny, G. (1981). Le développement social de l'intelligence. Paris : In-
teréditions.
Doise, W., Deschamps, J.-C., Mugny, G. (1978). Psychologie sociale expérimentale.
Paris : Armand Collin.
Doise, W., Mugny, G. et Perret-Clermont, A.-N. (1974). Ricerche preliminari sulla so-
ciogenesi delle structure cognitive. Lavoro Educativo, (1), 33-50.
Dolle, J.-M. et Bellano, D. (1988). Ces enfants qui n'apprennent pas. Diagnostic et
remédiation. Paris :Centurion.
Dolle, J.-M. (1974). Pour comprendre Piaget. Toulouse : Privat.
Donnay, J. et Charlier, E. (1990). Comprendre des situations de formation.
Bruxelles : De Boeck.
Douady, R. (1983), Rapport enseignement-apprentissage : dialectique outil-objet, jeux
de cadre. Cahiers de didactique des mathématiques, 7(3), (numéro spécial).
Dunkin, M. J. (1986). Concepts et modèles dans l’analyse des processus d’enseigne-
ment, in M. Crahay et D. Lafontaine (dir.), L'art et la science de l’enseignement,
hommage à Gilbert de Landsheere, (pages 39 à 80). Bruxelles : Labor.
Dupont, P. (1982). La dynamique de la classe. Paris : PUF.
Duval, R. (1995). Sémiosis et pensée humaine. Registres sémiotiques et apprentis-
sages intellectuels. Berne : Peter Lang.
Emmer, E. T., Peck, R. F. (1973). Dimensions of Classroom Behavior, Journal of Edu-
cational Psychology, 64 (2), 223-240.
Ehrlich, S. (1985). La notion de représentation : diversité et convergences, Revue
française de psychologie. (30), 226-229.
Etzioni, À. (1971). The Semi-Professions and Their Organizations. Teachers, Nur-
ses, Social Workers. New York : The Free press.
Evrard, N. et Vander Borght, C. (à paraître). Le portfolio, un outil stimulant pour la
construction de l'identité professionnelle des enseignants. In Actes des XXe jour-
nées internationales sur la communication, l'éducation et la culture scienti-
fiques et industrielles. Chamonix : Centre Jean Franco, mars 1998.
Feldman, J. et Ballard, D. (1982). Connectionist Models and their Properies. Cognitive
Science, 6, 205-254.
Flanders, N. A. (1966). Interaction Analysis in The Classroom. University of
Michigan : Ann Arbor.
Flanders, N. A. (1970). Analysing Teaching Behavior. Philippines : Addison- Wesley
Publishing.
Fourez, G., Englebert-Lecomte, V. et Mathy, Ph. (1997). Nos savoirs sur nos savoirs.
Un lexique d’épistémologie pour l'enseignement. Bruxelles : De Boeck.
Fourez, G., (1992). La construction des sciences. Les logiques des inventions scien-
tifiques. Introduction à la philosophie et à l'éthique des sciences. Bruxelles : De
Boeck, (Deuxième édition revue, première édition :1988).
Fourez, G., (1974). La science partisane. Gembloux : Duculot.
414 Créer des conditions d'apprentissage

Fourez, G. et de Bueger, C. (1995). Introduction à la socio-épistémologie, in A. Giordan,


J.-L. Martinand et D. Raichvarg, (dir.), Que savons-nous de nos savoirs scienti-
fiques et techniques ? Actes des XVII: Journées Internationales sur la communica-
tion, l'éducation et la culture scientifiques et industrielles, Centre Jean Franco, 27-
31 mars 1995, pp. 185-196.
Ganascia, J.-G. (1996). Les sciences cognitives. Paris : Flammarion.
Gage, N. L. (1978). The Scientific Basis of the Art of Teaching. New York : Teachers
College Press.
Gagnon, S. (1993). Les concepts de la didactique et des didactiques. Université de
Sherbroke, Faculté d'Éducation : documents du Laridd.
Gardner, H. (1985). Histoire de la révolution cognitive. La nouvelle science de l’es-
prit. Paris : Payot.
Gardner, H. (1996). Les intelligences multiples. Pour changer l'école : la prise en
compte des différentes formes d'intelligence. Paris : Retz.
Garnier, C., Bednarz, N., et Ulanovskaya, I. (dir.), (1991). Après Vygotski et Piaget.
Perspectives sociale et constructiviste. Écoles russe et occidentale. Bruxelles :
De Boeck-Université.
Gauthier, CI., Desbiens, F., Malo, A., Martineau, A., et Simard, D. (1997). Pour une
théorie de la pédagogie. Recherches contemporaines sur le savoir des ensei-
gnanits. Qébec : Les Presses de l’Université Laval.
Gergen, K. (1985). The Social Constructionist Movement in Modern Psychology. Ame-
rican Psychologist, 40(3), 266-275.
Gilly, M. (1988). Interactions entre pairs et constructions cognitives. Modèles explica-
tifs, in A.-N., Perret-Clermont, et M. Nicolet (dir.), /nteragir et connaître. Enjeux
et régulations sociales dans le développement cognitif, (pages 19 à 28).
Cousset : Delval.
Giordan, À. (1978). Une pédagogie pour les sciences expérimentales. Paris : Le Cen-
turion.
Giordan, A., Aponte, M. (1979). Représentation des élèves sur le concept de repro-
duction. Raport interne, Paris : CNRS.
Giordan, A et Bazan, M. (1980). Représentation des élèves sur le concept de repro-
duction (IT). Paris : CNRS, (Rapport interne).
Giordan, A. (1989). Place de la Didactique des Sciences dans l'innovation en matière
d'éducation scientifique, in A. Giordan, À. Henriques et V. Bang, (dir.), Psychologie
génétique el didactique des sciences, (pages 15 à 24). Berne : Peter Lang.
Giordan, A. (1983). L'élève et/ou les connaissances scientifiques. Approche didac-
tique de la construction des concepts scientifiques. Berne : Peter Lang.
Giordan, A. et de Vecchi, G. (1987). Les origines du savoir. Des conceptions des ap-
prenants aux concepts scientifiques. Neuchâtel : Delachaux et Niestlé.
Giordan, À. et Martinand, J.L. (dir.), (1983). Didactique et didactiques aujourd’hui.
Actes des troisièmes journées pour l’enseignement des sciences à Chamonix. Paris :
JES, (Université de Paris VII, T45-46, 1er, 2 place Jussieu, F. 75005 Paris).
Glaser, G. (1985). La didactique expérimentale des mathématiques. Strasbourg :
Les publications de l'IREM.
Goanac’h, D. et Passereault, J.-M. (1995). La psychologie cognitive, l'étude de la con-
naissance, in D., Goanac’h et C., Golder (dir.), Profession enseignant. Manuel de
psychologie pour l’enseignement, (pages 55 à 91). Paris : Hachette.
Bibliographie 415

Good, TL. (1990). Building the Knowledge Base of Teaching. In D.D., Dills (dir.). Wat
Teachers Need to Know. The Knowledge, Skills and Values Essential to Good
Teaching, (p. 17-75). San Francisco : Jossey-Bass.
Gouvernement du Québec, Ministère de l'Éducation, (1996). Les États généraux Sur
l'éducation, 1995-1996. Rénover notre système d'éducation : dix chantiers
prioritaires. Rapport final de la Commission des États Généraux sur l’'Éduca-
tion. Québec : Ministère de l'Éducation.
Grisay, A. (1988). La pédagogie de la maîtrise face aux rationalités inégalitaires des sys-
tèmes d'enseignement. In M., Huberman, (dir.), Assurer la réussite des appren-
tisdsages scolaires ? Les propositions de la pédagogie de la maîtrise, (pages
235-266). Neuchâtel : Delachaux et Niestlé.
Guignard, N. (1988). Si l'erreur m'était contée. Essai critique des évaluations et
étude de quelques rapports entre apprentissage, recherche et évaluation.
Genève : SRP - Département de l’Instruction publique.
Hameline, D. (1979). Les objectifs pédagogiques en formation initiale et en forma-
tion continue. Paris : ESF.
Halté, F. (1982). Apprendre autrement à l’école, Pratiques, 36, 8-17.
Halté, F. (1992). La didactique du français. Paris : PUF, (collection «Que sais-je ?»,
n° 2656).
Hensler, H. (dir.), (1993). La recherche en éducation des maîtres. Détour obligé sur
la voie de la professionnalisation. Sherbrooke : éditions du CRP.
Hewson, P.W. (1985). Epistemological Commitments in the Learning of Science :
Example from Dynamics, European Journal of Science Education, 7(2), 163-
Ie
Highet, G. (1954). The Art of Teaching. New York : Vintage Book.
Hopfield, John J. (1982). Neural Networks and Physical Systems with Emergent Com-
putational Abilities. Proceeding of the National Academy of Sciences, (USA), 79,
2554-2558.
Hoy, W. K. et Miskel, C. G. (1982). Educational Administration. Theory, Research
and Practice. New York : Random House.
Houdement, C. et Kuzniak, A. (1996). Autour des stratégies utilisées pour former les
maîtres du premier degré en mathématiques. Recherches en didactique des ma-
thématiques, 16(3), 289-322.
Huberman, M. (dir.), (1988). Assurer la réussite des apprentissages ? Les proposi-
tions de la pédagogie de la maîtrise. Lausanne : Delachaux et Niestlé.
Inhelder, B., Sinclair, H., Bovet, M. (1974). Apprentissage et structures de la con-
naissance. Paris : PUF.
Janne, H. (1960). Sociologie générale. Bruxelles : Presses de l'ULB.
Jackson, P. (1968). Life in Classrooms. New York : Rinehart et Winston.
Jodelet, D. (1989). Folies et représentations sociales. Paris : PUF.
Jones, B.F., Palincsar A.S., Ogle, D.S. et Carr, E.G. (1987). Strategic Teaching and
Learning : Cognitive Instruction in the Content Areas. Alexandria, VA : ASCD.
Jones, B.F. et Idol, L., (dir.), (1990). Dimensions of Thinking and Cognitive Ins-
truction. Hillsdale, NJ. : Lawrence Erlbaum Associates.
Jones, B.F. et Idol, L. (dir.), (1991). Educational Values and Cognitive Instruction :
Implications for Reform. Hillsdale, NJ. : Lawrence Erlbaum Associates.
416 Créer des conditions d'apprentissage
areas a

Jonnaert, Ph. (1997). L'enfant-géomètre. Un autre regard sur la didactique des


mathématiques. Bruxelles : Plantyn. (Seconde édition remaniée, première
édition : 1994).
Jonnaert, Ph., Hébert, N., Ponton, M. et Richard, M. (1997). Les mathématiques vues
par de futurs bacheliers en adaptation scolaire et sociale : une approche ex-
ploratoire. Sherbrooke : CIRDAS, rapport de recherche.
Jonnaert, Ph. et Pallascio, R. (1996). Les apprentissages mathématiques en situation.
Revue des sciences de l'éducation, 22(2), 227-232.
Jonnaert, Ph. (1996a). Le dialogue entre chercheurs et praticiens de l'éducation : uto-
pie ou réalité ? Cahiers de la Recherche en Éducation, 3(2), 271-294.
Jonnaert, Ph. (1996b). Les apprentissages mathématiques en situation : une perspec-
tive constructiviste. Revue des sciences de l'éducation, 22(2), 233-252.
Jonnaert, Ph. (1996c). Dévolution versus contre-dévolution! Un tandem incontourna-
ble pour le contrat didactique. In CIL., Raisky et M., Caillot, (dir.), Au-delà des di-
dactiques, le didactique. Débats autour de concepts fédérateurs, (pages 115 à
143). Bruxelles : De Boeck-Université.
Jonnaert, Ph. (19964). Construire le nombre. Bruxelles : Plantyn.
Jonnaert, Ph. (1996e). De l'intention au projet. Bruxelles : De Boeck. (Seconde édi-
tion remaniée, première édition : 1993).
Jonnaert, Ph. (1995a). La réforme du système éducatif belge francophone, un cas
d'école! Forum - Pédagogies, septembre 95, 18-24.
Jonnaert, Ph. (1995b). Entrer dans l'apprentissage scolaire. In G. Forges, (éd.), En-
Jfanits issus de l'immigration et apprentissage du français langue seconde, (pa-
ges 15 à 53). Paris : Didier-Érudition.
Jonnaert, Ph., Lauwaers, A. et Peltier, E. (1995). Facettes d'un apprentissage scolai-
re. Bruxelles : SEGEC, (2e édition, première édition : 1992).
Jonnaert, Ph. (1994a). À propos du contrat didactique. Cahiers de la Recherche en
Education, 1(2), 195-234.
Jonnaert, Ph. (1994b). Changer l'école ? Pour qui ? Pour quoi ? Louvain, septembre
94, (61), 21-26.
Jonnaert, Ph. et Laveault, D. (1994). Évaluation de la familiarité de la tâche : quelle
confiance accorder à la perception de l'élève ? Revue des sciences de l'éducation,
20(2), 271-292.
Jonnaert, Ph. et Lenoir, Y. (dir.), (1993). Sens des didactiques et didactique du sens.
Sherbrooke : éd. du CRP.
Jonnaert, Ph. (dir.), (1991a). Les didactiques, similitudes et spécificités. Actes du
colloque organisé pour le 150 ième anniversaire de l'École Normale de Brai-
ne-le-Comte. Bruxelles : Plantyn.
Jonnaert, Ph. (1991b). Introduction aux problèmes d'Éducation. Louvain-la-Neuve :
DUC-CIACO (Doc. : PSP-1171).
Jonnaert, Ph. (1991c). Didactique : évolution d’un concept, naissance d’une discipline.
Pédagogie, (1), 97-111.
Jonnaert, Ph., Lauwaers, À., Peltier, A., Pesenti, M. et Lebrun, M. (1991). Capacités et
compétences des élèves au terme de l’enseignement secondaire général. Lou-
vain-la-Neuve : Faculté de Psychologie et des Sciences de l'Éducation, (Rapport de
recherche : unité DIES).
Bibliographie 417

Jonnaert, Ph., Lauwaers, A. et Pesenti, M. (1990). Capacités, compétences, situa-


tions et fonctionnement cognitif. Louvain-la-Neuve : Faculté de Psychologie et
des sciences de l'éducation. (Rapport de recherche : unité DIES).
Jonnaert, Ph. (1989). Quel regard porter sur la formation des enseignants ? Bulletin
de Psychologie scolaire et d'orientation, (2), 277-288.
Jonnaert, Ph., Duquesne, F. et Tourneur, Y. (1989). Vers une typologie des techniques
d'émergence des pré-acquis cognitifs. Mesure et évaluation en éducation, 12(1),
41-69.
Jonnaert, Ph. (1988). Conflits de savoirs et didactique. Bruxelles : De Boeck-Univer-
Sité.
Jonnaert, Ph. (1987). Théories actuelles de l'apprentissage et situations d’enseigne-
ment-apprentissage. La Revue des écoles, 93(102/1), 32-46.
Jonnaert, Ph. (1984). Didactique de la mathématique. Bruxelles : Plantyn.
Jonnaert, Ph. (1980). La notion d'obstacle épistémologique et son importance dans
l’enseignement. Mémoire de fin de licence non publié, Faculté de psychologie et
des sciences de l'éducation, Mons : Université de l’état.
Johsua, $. (1996a). Le concept de contrat didactique et l'approche vygotskienne, in CI.
Raisky et M., Caillot, (dir.), Au-delà des didactiques, le didactique. Débats
autour de concepts fédérateurs, (pages 145 à 75). Bruxelles : De Boeck.
Johsua, S. (1996b). Le concept de transposition didactique n'est-il propre qu'aux
mathématiques ? in CI., Raisky et M., Caillot, (dir.), Au-delà des didactiques, le di-
dactique. Débats autour de concepts fédérateurs, (pages 61 à 158). Bruxelles :
De Boeck.
Johsua, S. et Dupin, J.-J. (1989). Représentation et modélisations : le «débat
scientifique» dans la classe de physique. Berne : Peter lang.
” Johsua, S. et Dupin, J.-J. (1993). Introduction à la didactique des sciences et des
mathématiques. Paris : PUF.
Kuhn, Th. (1983). La structure des révolutions scientifiques. Paris : Flammarion.
Laflamme, C. (1994). Construction de modèles dans une société et une science en cri-
se. In Textes d’orientations du congrès de l’'AFIRSE, Recherches scientifiques
et praxéologiques dans le champ des pratiques éducatives, (pages 16 à 19). Aïx-
Marseille 1 : Département des Sciences de l'Éducation de l’Université de Provence.
Langevin, L. (1992). Stratégies d'apprentissage : où en est la recherche ? Vie pédago-
gique, 77, 39-43.
Lansman, E., Tourneur, Y. (1985). La conception modulaire au service de l’ensei-
gnement primaire. Bruxelles : Ministère de l'Éducation nationale, Direction géné-
rale des études, Doc 110/30.
Lafon, R. (dir.), (1963). Vocabulaire de psychopédagogie et de psychiatrie de l’en-
fant. Paris : PUF.
Lamke, T.A. (1955). Educational Research, Review of Educational Research, 3, 180-
195.
Lapassade, G. (1991). L’ethnosociologie. Paris : Méridiens-Klincksieck.
Larochelle, M. et Bednarz, N. (1994). À propos du constructivisme et de l'éducation.
Revue des sciences de l'éducation, XX(1), 5-21.
Larochelle, M. et Bednarz, N. (rédactrices invitées), (1994). Constructivisme et éduca-
” tion. Revue des sciences de l'éducation, numéro thématique, 20(1).
8 Créer des conditions d'apprentissage

Larose, F., Jonnaert, Ph. et Lenoir, Y. (1996). Le concept de didactique : une étude
icométriue illustrative d'un corpus de définitions. Éduquer et Former, (6),
28-44.
Le Boterf, G. (1994). De la compétence. Essai sur un attracteur étrange. Paris : Les
Éditions d'organisation.
Le Guillou, Ph. (1997). Les sept noms du peintre. Vies imaginaires d'Erich Sebas-
tian Berg. Paris : Gallimard.
Legendre, R. (1988). Dictionnaire actuel de l'éducation. Paris : Larousse.
Lemoyne, G. (1996). La recherche en didactique des mathématiques au Québec : ré-
trospectives et perspectives. Bulletin AMQ, 36(3), 31-40.
Lenoir, Y. (1996). Médiation cognitive et médiation didactique. In C., Raïsky et M.
Caillot (dir.), Le didactique au-delà des didactiques. Débats autour de concepts
Jédérateurs, (pages 223-251). Bruxelles : De Boeck.
Lenoir, Y. et Sauvé, L. (rédacteurs invités), (1998). Interdisciplinarité et formation à
l'enseignement primaire et secondaire, Revue des sciences de l'éducation, numé-
ro thématique, 20(1).
Lenoir, Y. (1998). Quelle conception de la didactique adopter ? Le Relais, 7(1), 2-18.
Lévi-Strauss, C. (1962). La pensée sauvage. Paris : Plon.
McClelland, J. et Rummelhart, D. (dir.), (1986). Parallel Distributed Processing :
Studies on the Microstructure of Cognition. Cambridge, Mass. : MIT Press.
Mannoni, P. (1998). Les représentations sociales. Paris : PUF.
Margolinas, C. (1993). De l'importance du vrai et du faux dans la classe de mathé-
matiques. Grenoble : La Pensée Sauvage.
Margolinas, CI. (dir.), (1995). Les débats de didactique des mathématiques.
Grenoble : La Pensée Sauvage.
Maroy, C. (1992). L'école à la lumière de la sociologie des organisations. Louvain-
la-Neuve : Études et documents (USOC).
Martinand, J.-L., (1987). Quelques remarques sur les didactiques des disciplines. Les
sciences de l'éducation, 1(2), 23-35.
Martinand, J.-L. (1986). Connaître et transformer la matière. Berne : Peter Lang.
Masterman, M. (1970). The Nature ofa Paradigm in Criticism and Grouth of
Knowledge. Cambridge : University Press.
Maudet, C. (1987). Approche didactique des apprentissages. Lyon : éditions E. Ro-
bert.
Meirieu, Ph. (1994). Histoire et actualité de la pédagogie. Repères théoriques et bi-
biographie. Outils de base pour la recherche en éducation, n° 1. Lyon : Université
Lumière - Lyon 2.
Meirieu, Ph. (1990). L'école mode d'emploi. Des méthodes actives à la pédagogie
différenciée. Paris : ESF.
Meirieu, Ph. (1988). Apprendre... oui, mais comment ? Paris : ESF.
Meirieu, P. (1986). Vers une didactique différenciée, Le Binet Simon, (bulletin de la
société Alfred Binet et Théodore Simon), 606(1), 30-58.
Meirieu, Ph. (1985). Je ne veux voir qu'une tête. Les cahiers pédagogiques, 42(239),
D
Meljac, CI. (1979). Décrire, agir et compter. Paris : PUF.
Bibliographie 419

Mialaret, G. (1994). Les «objets» de la recherche en sciences de l'éducation. L'année


de la recherche en sciences de l'éducation 1994, (1), 5-29.
Mialaret, G. (1976). Les sciences de l'éducation. Paris : PUF.
Mintzberg, H. (1982). Structure et dynamique des organisations. Paris : éditions
d’Organisation.
Misès, R., Perron, R. et Salbreux R. (1994). Retards et troubles de l'intelligence de
l'enfant. Paris : ESF.
Mollo-Bouvier, S., (1984). La sélection implicite à l’école. Paris : PUF.
Mollo, $. (1970). L'école dans la société. Psychosociologie des modèles éducatifs.
Paris : Dunod.
Morf, A. (1994). Une épistémologie pour le didactique : spéculations autour d’un amé-
nagement conceptuel. Revue des sciences de l'éducation, XX(1), 29-40.
Morin, E. (1991). Les idées. Paris : Seuil.
Morin, E. (1976). La méthode. Tome 1 : La nature de la nature. Paris : Seuil.
Mugny, G. (dir.), (1991, 1985). Psychologie sociale du développement cognitif.
Berne : Peter Lang.
Mugny, G., Doise, W. (1983). Le marquage social dans le développement cognitif. Ca-
hiers de psychologie cognitive, 83(3), 89-106.
OCDE (1994). La qualité de l’enseignement. Paris : OCDE.
Ollivier, B. (1994). La posture du chercheur. L'année de la recherche en sciences de
l'éducation, 1994, 89-99.
Osborne, R.J. et J.K. Gilbert (1980). À method for Investigation Concept Understan-
ding in Science, European Journal of Science Education, 2(3), 311-321.
Ouellet, À. (1994). Processus de recherche. Une introduction à la méthodologie de
la recherche. Sainte-Foy : Presses universitaires du Québec.
Ouellet, Y. (1997). Un cadre de référence en enseignement stratégique, Vie pédagogi-
que, 104, 4-11.
Paquay, L., Altet, M. Charlier, E. et Perrenoud, Ph., (dir.), (1996). Former des ensei-
gnants professionnels. Quelles stratégies ? Quelles compétences ? Bruxelles :
De Boeck.
Pea, R. (1993). Practices of Distributed Intelligence and Designs for Education, in G.
Salomon, (éd.), Distributed Cognitions, (pages 134 à 148). New York : Cambridge
University Press.
Peltier, E. (1991). Degré de familiarité et structure de situations didactiques. Mé-
moire inédit, Louvain-la-Neuve : Faculté de psychologie et des sciences de l’éduca-
tion.
Pépin, Ÿ. (1994). Savoirs pratiques et savoirs scolaires : une représentation constructi-
viste de l'éducation. Revue des sciences de l'éducation, 20(1), 63-85.
Perkins, D. N., (1995). L'individu-plus. Une vision distribuée de la pensée et de l’ap-
prentissage. Revue française de pédagogie, 111, 57-71.
Perrenoud, Ph. (1997a). Pédagogie différenciée : des intentions à l’action. Paris :
ESF.
Perrenoud, Ph. (1997b). Construire des compétences à l’école. Paris : ESF.
Perrenoud, Ph. (1996a). Enseigner : agir dans l'urgence, décider dans l’incertitu-
de. Paris : ESF.
Perrenoud, Ph. (1996b). La pédagogie à l’école des différences. Paris : ESF.
420 Créer des conditions d'apprentissage
PAREIL
A PUR NSEE

Perrenoud, Ph. (1995a). Des savoirs aux compétences : de quoi parle-t-on en parlant
de compétence ? Pédagogie collégiale, 9(1), 20-24.
Perrenoud, Ph. (1995b). Des savoirs aux compétences : les incidences sur le métier
d'enseignant et sur le métier d'élève. Pédagogie collégiale, 9(2), 6-10.
Perrenoud, Ph. (1986). L'évaluation codifiée et le jeu avec les règles : aspects d'une s0-
ciologie des pratiques, in J.-M. De Ketele, (éd.), L'évaluation : approche descrip-
tive ou prescriptive ?, (pages 11 à 30). Bruxelles : De Boeck.
Perrenoud, Ph. (1984). La fabrication de l'excellence scolaire : du curriculum aux
pratiques d'évaluation. Genève : Droz.
Perret-Clermont, A.N., Brun, J., Conne, F., El Hadi, S. et Schubauer, M.L., (1982). Pro-
cessus psychologique, niveau opératoire et appropriation des connaissances.
Université de Genève : Interactions Didactiques n° 2.
Perret-Clermont, A.M. et Nicolet, M. (dir.), (1988). Interagir et connaître. Enjeux et
régulations sociales dans le développement cognitif. Cousset (Ch.) : Delval.
Piaget, J. (1963). La naissance de l'intelligence. Neuchâtel : Delachaux et Niestlé.
Piaget, J. (1965). Études sociologiques. Genève : Droz.
Piaget, J. (1978). Le jugement et le raisonnement chez l'enfant. Neuchâtel : Dela-
chaux et Niestlé. (8e édition).
J. Piaget, P. Mounoud, J.-P. Bronckart, (dir.), (1987). Psychologie. Encyclopédie de la
Pléiade. Paris : Gallimard.
Piaget, J. et Inhelder, B. (1991). La genèse des structures logiques élémentaires.
Classifications et sériations. Neuchâtel : Delachaux et Niestlé. (5ième édition).
Pierrehumbert, B. (dir.), (1992). L’échec à l’école : échec de l’école ? Neuchâtel : De-
lachaux et Niestlé.
Pirotte, V. (1994). À l’école pour apprendre... quoi ? … comment ? Bruxelles :
L'Éducateur, 75(6), numéro thématique.
Plaisance, E., Vergnaud, G. (1993). Les sciences de l'éducation. Paris : La Découver-
te.
Porter, A.C. et Brophy, J. (1988). Synthesis of Research on Good Teaching : Insights
from the Work of the Institute for Research on Teaching. Educational Lea-
dership, 45(8), 74-85. |
Portugais, J. (1995), Didactique des mathématiques et formation des enseignants.
Berne : Peter Lang.
Postic, M. et De Ketele, J.-M., (1988). Observer des situations éducatives. Paris :
PUF.
Pourtois, J.P. (éd.), (1991). Innovation en éducation familiale. Bruxelles : De
Boeck.
Pourtois, J.P. (éd.), (1989). Les thématiques en éducation familiale. Bruxelles : De
Boeck.
Pourtois, J.P. (1979). Comment les mères enseignent à leur enfant de cing-six ans.
Paris :PUF.
Pourtois, J.P. et Desmet, H. (1989). L'éducation familiale. Revue française de péda-
gogie, 86, 69-101.
Pourtois, J.P. et Desmet, H. (1991). Quelques déterminants familiaux de la trajectoire
scolaire. Revue française de pédagogie, 96, 5-16.
Bibliographie 421

Pressley, M., Wood, E. et Woloshyn, V. (1990). Elaborative Interrogation and Facilita-


tion of Fact Learning : Why Having a Knowledge Base is One Thing and Using it Qui-
te Another, in W., Shneider et F. W., Weinert, (dir.), Interactions Among
Aptitudes, Strategy and Knowledge in Cognitive Performance, (pages 250 à
271). New York : Spring-Verlag.
Prêteur, Y. et de Léonardis, M. (éds), (1995). Éducation familiale, image de soi et
compétences sociales. Bruxelles : De Boeck.
Puren, Ch. (1994). La didactique des langues étrangères à la croisée des chemins.
Paris : Didier - CREDIF.
Raisky, CL. et Caillot, M. (dir.), (1996). Au-delà des didactiques, le didactique. Dé-
bats autour de concepts fédérateurs. Bruxelles : De Boeck.
Ravenstein, J. (1995). L'élève : un sujet de l’ordre didactique ? Des réponses complé-
mentaires de la didactique et de l’ethnométhodologie. L'Année de la recherche en
sciences de l'éducation, 1995, 119-134.
Raynal, F. et Rieunier, A. (1997). Pédagogie : dictionnaire des concepts clés. Ap-
prentissage, formation et psychologie cognitive. Paris : ESF.
Reynolds, A. (1992). What is Competent Beginning Teaching ? A Review of Litterature.
Review of Educational Research, 62(1), 1-35.
Rey, B. (1996). Les compétences transversales en question. Paris : ESF.
Richard, J.-F. (1990). Les activités mentales. Comprendre, raisonner, trouver des
solutions. Paris : Armand Colin.
Rogers, C. (1977). Le développement de la personne. Paris : Dunod.
Ropé, F. et Tanguy, L. (dir.), (1994). Savoirs et compétences : de l’usage de ces no-
tions dans l’école et l’entreprise. Paris : L'Harmattan.
- Rosenshine, B. (1970). Evaluation of the Classroom Instruction, Review of Educatio-
mal Research, 40(2), 279-300.
Rosenshine, B. et Furst, N. (1973). The Use of Direct Observation to Study Teaching,
in R. M. W. Travers (eds), Second Handbook of Research on Teaching, (pages
122 à 183). Chicago : Rand Mc Nally.
Roth, W.-M. et McGinn, M. K. (1997). Science in Schools and Everywhere Else : what
Science Educators Should Know about Science and Technology Studies. Studies
in Science Education, 29, 1-44.
Roth, W.-M..et Lucas, K. B. (1997). From «Truth» to «Invented Reality» : a Discourse
Analysis of High School Physics Students’ Talk about Scientific Knowledge. Jour-
nal of Research in Science Teaching, 34, 145-179.
Ruel, F. (1994). La complexification conceptuelle des représentations sociales dis-
cursives à l'égard de l'apprentissage et de l’enseignement chez de futurs en-
seignants et enseignantes de sciences. Thèse de doctorat non publiée.
Département de didactique, Faculté d'Éducation, Université Laval, Sainte-Foy.
Sachot, M. (1996a). La didactique des disciplines au milieu du gué. Strasbourg :
Les cahiers du CIRID.
Sachot, M. (1996b). La dimension historique dans l'approche didactique.
Sherbrooke : Université de Sherbroke, Faculté d'Éducation, documents du Laridd.
Salomon, G., Perkins, D.N. et Globerson, T. (1990). Partners in Cognition : Exten-
ding Human Intelligence with Intelligent Technologies. (document non publié).
422 Créer des conditions d'apprentissage

Sanner, M. (1975). Obstacles épistémologiques et inhibition intellectuelle dans le


développement psychologique de l'enfant de cinq à huit ans. Université de Bor-
deaux II, Thèse de doctrat non publiée.
Sanner, M. (1983). Du concept au fantasme. Paris : PUF.
Segal, L. (1990). Le rêve de la réalité. Paris : Seuil.
Sensevy, G. (1998). Institutions didactiques, étude et autonomie à l’école élémen-
taire. Paris : PUF.
Sensevy, G. (1996). Le temps didactique et la durée de l'élève. Une étude de cas au
cours moyen : le journal des fractions. Recherches en didactique des mathémati-
ques, 16(1), 7-46.
Sensevy, G. (1994). La scientificité des sciences de l'éducation. L'année de la recher-
che en sciences de l'éducation, 1994, (1), 53-69.
Serres, M. (1991). Le tiers instruit. Paris : F. Boutin.
Serres, M. (dir.), (1991). Éléments d'histoire des sciences. Paris : Bordas.
Schubauer-Leoni, M.-L. (1996). Étude du contrat didactique pour des élèves en diffi-
culté en mathématiques. In CI., Raisky et M., Caillot (dir.). Au-delà des didacti-
ques, le didactique. Débats autour de concepts fédérateurs, (pages 159 à 192).
Bruxelles : De Boeck.
Schubauer-Leoni, M.-L. (1988). Le contrat didactique dans une approche psycho-
sociale des situations didactiques. /nteractions didactiques, 8, 63-77.
Schubauer-Leoni, M.-L. (1986a). Le contrat didactique : un cadre interprétatif pour
comprendre les savoirs manifestés par les élèves en mathématique. Journal euro-
péen de psychologie de l'éducation, (1)2, 139-153.
Schubauer-Leoni, M.-L. (1986b). Le contrat didactique dans l'élaboration décritu-
res symboliques par les élèves de 8-9 ans. Neuchâtel : Interactions didactiques,
vol. 7.
Sierpinska, À. (1985). Obstacles épistémologiques relatifs à la notion de limite. Recher-
ches en didactique des mathématiques, 6(1), 5-67.
Sierpinska, À. (1995). La compréhension en mathématiques. Montréal : Modulo.
Simon, À. et Boyer, E. G. (dir.), (1970). Mirrors for Behavior : an Anthology of
Classroom Observation Instruments. Philadelphia : Research for Better Schools.
Spalanzani, C., Jonnaert, Ph. (1997). Le concept de didactique : ce qu'en pensent des
enseignants. Sherbrooke : Document du Laridd.
Spitz, R. (1968). De la naissance à la parole. La première année de la vie. Paris :
PUF.
Steffe, F. et Gale, J. (dir.), (1995). Constructivism in Education. Hillsdale, N.J. :
Lawrence Erlbaum Associates.
Steier, F. (1995). From Universing to Conversing : An Ecological Constructionist Ap-
proach to Learning And Multiple Description. In L., Steffe et L., Gale (éd.), Cons-
tructivism in Education, (pages 3 à 17). Hillsdale (N.J.) : Laurence Erlbaum
Associate.
Steier, F. (éd.), (1991). Research and Reflexivity. Hillsdale, NJ : Lawrence Erlbaum
Associates. |
Strauven, C. (1992). Construire une formation. Définition des objectifs pédagogi-
ques et exercices d'application. Bruxelles : De Boeck-Université.
Bibliographie 423

Tardif, J. (1992). Pour un enseignement stratégique. L'apport de la psychologie co-


gnitive. Montréal : Logiques.
Tardif, J. et Ouellet, Y. (1995). Vers un plus haut degré de professionnalisation : un scé-
nario d'interventions avec des enseignants du primaire et du secondaire. Cahiers
de la recherche en éducation, 2(1), 57-88.
Tardif, M. Bélanger, N., Grenier, D. (1994). L'idéologie cognitiviste et éducation. Re-
vue canadienne de l'éducation, 9(3), 316-329.
Tiberghien, A. (1983). Revue critique sur les recherches visant à élucider le sens des
notions de température et de chaleur pour les élèves de 10 à 16 ans; de circuits
électriques pour les élèves de 8 à 20 ans, in Recherche en didactique de la physi-
que, les actes du premier atelier international, La Lande Les Maures, (pages
55 à 136). Paris : INRP.
Tochon, F. (1989). L'Organisation du temps en didactique du français. Les sciences de
l'éducation, (2), 31-32.
Toulmin, S. (1973). L’explication scientifique. Paris : Armand Collin.
Travers, R. M. (1983). How research has Changed the American Schools. À History
from 1840 to the Present. Kalamazo (Mich.) : Mythos press.
Thurler, G. (1992). Commentaire. Quelques stratégies susceptibles de neutraliser les
mécanismes de fabrication de l'échec scolaire. In B., Pierrehumbert, (dir.), L’échec
à l’école : échec de l’école ? (pages 103 à 113). Neuchâtel : Delachaux et Niestlé.
Valo, M. (1991). L'école au secours des banlieues. Le Monde de l'Éducation, décem-
bre 1991, 18-35.
Van der Maren, J.M. (1995). Méthodes de recherche pour l'éducation. Bruxelles :
De Boeck-Université.
_ Van Nieuwenhoven, C. et Jonnaert, Ph. (1980). Approcher les représentations des en-
| seignants du primaire à propos de l'évaluation, in D., Laveault, (dir.), Les pratiques
d'évaluation en éducation, (pages 125 à 138). Montréal : Editions de l'ADMEE.
Van Haecht, A. (1990). L'école à l'épreuve de la sociologie. Questions à la sociologie
de l'éducation. Bruxelles : De Boeck.
Van Haecht, A. (1985). L'enseignement rénové de l’origine à l’éclipse. Bruxelles :
Éditions de l’université libre de Bruxelles.
Varela, F.-J. (1989). Connaître les sciences cognitives : tendances et perspectives.
Paris : Seuil.
Varela, F.-J. (1988). Le cercle créatif. Esquisses pour une histoire naturelle de la circu-
larité, in P., Watzlawick, (dir.), (1988). L'invention de la réalité, comment sa-
vons-nous ce que nous croyons savoir ? Contributions au constructivisme,
(pages 329 à 345). Paris : Seuil.
Vergnaud, G. (1996). La théorie des champs conceptuels, in J. Brun (dir.). Didactique
des mathématiques, (pages 196 à 242). Neuchâtel : Delachaux et Niestlé.
Vergnaud, G. (dir.), (1994). Apprentissages et didactiques, où en est-on ? Paris :
Hachette.
Vergnaud, G. (1983). Didactique et acquisition du concept de volume. Recherches en
didactique des mathématiques, 4(2), 6-25.
Viennot, L. (1983a). L'implicite en physique, in A. Giordan et J.-L. Martinand, (dir),
Actes des cinquièmes journées sur l’enseignement scientifique, (pages 91 à 98).
Paris : INRP.
424 Créer des conditions d'apprentissage

Viennot, L. (1983b). Implicit statements in Physics : Students and Constants, in :


Recherche en didactique de la physique, les actes du premier atelier interna-
tional, La Lande Les Maures, (pages 355 à 362). Paris : INRP.
Viennot, L. (1979). Le raisonnement spontané en dynamique élémentaire. Paris :
Herman.
Villepontoux, L. (1996). Aider les enfants en difficulté à l’école. L'apprentissage du
lire-écrire. Bruxelles : De Boeck.
Von Bertalanffy, L. (1973). Théories générales des systèmes. Paris : Dunod.
Von Foerster, H. (1988). La construction d’une réalité, in P. Watzlawick, (dir.), L'in-
vention de la réalité. Contibutions au constructivisme, (pages 45 à 69). Paris :
Seuil.
Von Foerster, H. (1991). Trough the eyes of the other, in F., Steier, (éd.), Research
and Reflexivity, (pages 1 à 11). Hillsdale, NJ : Lawrence Erlbaum Associates.
Von Glasersfeld, E. (1995a). Radical Constructivism. London : The Falmer Press.
Von Glassersfeld, E. (1994). Pourquoi le constructivisme doit-il être radical ? Revue
des sciences de l'éducation, 20(2), 21-29.
Von Glassersfeld, E. (1989). Préface, in Désautels, J., Larochelle, M. Qu'est-ce que le
savoir scientifique ? Point de vue d'adolescents et d'adolescentes. Sainte Goy :
Les Presses de l’Université Laval.
Von Glasersfeld, E. (1988). Introduction à un constructivisme radical, in P. Watzlawick,
(dir.), L'invention de la réalité. Contibutions au constructivisme, (pages 19 à
43). Paris : Seuil.
Vygotski, L.S., (traduction de F., Sève), (1985). Pensée et langage. Paris : Messidor.
Vygotsky, L.S. (1978). Mind in Society : the Development of Higher Psychological
Processes. Cambridge, Massachussets : Harvard University Press.
Vygotsky, L.S. (1962). Thought and Langage. Cambridge, Massachussets : The MIT
Press.
Wallon, H. (1976). L'étude psychologique et sociologique de l'enfant. Enfance, 76, 105-
116.
Wang, M.C., Haertel, G. D. et Walberg, H.J. (1993). Toward a Knowledge Base for Scho-
ol Learning, Review of Educational Research, 63(3), 295-304.
Watzlawick, P. (dir.), (1988). L'invention de la réalité, comment savons-nous ce
que nous croyons savoir ? Contributions au constructivisme. Paris : Seuil.
Weick, K. E. (1976). Educational Organizations as Loosely Coupoled Systems, Admi-
nistrative Science Quartely, (21), 1-19.
Wittrock, M.C. (dir.), (1986). Handboock of Research on Teaching. À Project of the
American Educational Research Association. New York : McMillan.
Yerles, P. (1991). Opérateurs d’un «art de faire» didactique, in Ph., Jonnaert (dir.), Les
didactiques, similitudes et spécificités, Actes du colloque organisé pour le 150e
anniversaire de l'Ecole Normale Libre de Braine-le-Comte, (pages 108 à 115).
Bruxelles : Plantyn.
Zbarski, I. (1997). À l'ombre du mausolée. Arles : Actes Sud.
TABLE DES MATIERES

DRÉPA CRE
Rd use ee Us à9

INTRODUCTION: ee-250e 0 ON vie ML NOR SENS ANA 25 13


CHAPITRE 1
Mise en perspective socioconstructiviste .................... 17
OBTÉCHP DE CÉCHAPI TRE cure bi un ÉPRUb I EU.) 19
TARUINEMISEIENSSI EU TON eu ce MOMIEEn 7. 19
AT DnENÉCeS Ale nIHCAUONL Ne ananas CUS IX 19
12 UN EXC DIE de eu NS UE NOR RAT RS RARE). CE. Le 20
1-3" Üne première réponse CONStrUCUMISTE MEANS CPR.AE. 2
ITR OUÉTELEN TERRE Ca dede ne MODÉRER TERME AVI. à 24
1.5 Quelques références pour aller plus loin... ........................ DS
PO ECONCONIS-CIÉS GE DArAGIADIEN EEE.
PO Ne. SR... 25
2. LES FONDEMENTS D'UNE RÉFLEXION SOCIOCONSTRUCTIVISTE ............... 25
21 VOTE VÉAOIT Chat adIOme A AREN EE RANNNNEMONE.
Mr... 25
A Tea ide Te Da OMES ee bn cercle
masse set 26
ne DES ChANOEMENIUe DAROIOINE ER RE ETC
ce ro medace 27
2.4 Les assises de notre réflexion socioconstructiviste et interactive ....... 29
2.5 Quelle est la pertinence de ce paradigme ? ........................ 32
2e COMMENTE à croametotie co reddit tutbag ide LR RQ S 33
2.7 Quelques références pour aller plus loin... ........................ 34
PS CONCLUS CU LOAIAUT ADI ER PRENONS
CE TRE TRES, 34
SD CCUMIENTS RER Le un tn 0e 34
AMI IYEANMATIÈRE DÉBATIRERRR ER per Een Eat qAlERE 36
426 Créer des conditions d'apprentissage
msansanarremenntt

CHAPITRE 2
… À propos du concept de didactique! ..................... 39
OBJECTIFS DELCE CHAPITRE 2 a ee C0 ce ce 41

1. LE CADRE GÉNÉRAL D'UNE RÉFLEXION DIDACTIQUE ....................... 42


INRP EMIÈTES QUESTIONS RER EN A OP RE ER PCR EEE MEET 42

1-2MBrIC01a06 ET AIO IEEE AUTRE A eieh ao ec ie DS a De 44


120 ace
DU DIICOlae aUX COMPÉTENCES eee ot 48
IE OM CON ce cac us cor céoc ONE 52
1.5 Quelques références pour aller plus loin... ........................ 54
1.6-Concepts-c'ésioli paragraphe SEE RER ER PREER 54
2. LE CADRE SPÉCIFIQUE D'UNE RÉFLEXION DIDACTIQUE ..................... 54
21MUÜnenecesaeCOnexttTalISAIONRRERNERRRE
EEE NE RER TEE 54
2 PMU necasse ERUNIENSCONANE RE 56
232 UNeACONNINAlISÉE M RE CEA RTC EE CT EE 58
2'AROUETELENT.L PSS ORAN PR EN PS LÉ CRT RCE 58
2.5 Quelques références pour aller plus loin .......................... 59
20 CONCODISECIÉS OÙ DOI ANNE eee
ea RS D 59
34 VOUS AVEZ DIT DIDACTIQUE RSR
D A ER 59
3.1 ... au commencement, il y avait un triangle! ...................... 59
3.2. ... au-delà 'dutrianglel 25,..48540
0080 PM RIRE 60
3,3 \ITOIS ONENAUONS ER NN OI AT COM RARE 62
3.4 QUErELEN PRE nes secs TE EEE 64
3.5 Quelques références pour aller plus loin .......................... 64
3.6 ,Concepts-c'és Qu Darag ane RTE
EN ARR ES 64
À. DIDAGTIQUE.ET PÉDAGOGIE ER TR RAR ee 65
4.1 Peut-on différencier les deux concepts ? .......................... 65
42". DOCUMENT En ren er eue SR EE MA TE 66
4.3. Une Séquence dé d'assentine MEGA AMONT ALL © 67
4.4 Quelles frontières entre pédagogie, sciences de l'éducation
GCOQACTIQUES RTE CS EE 70
4:51 Quéiretenir issue ARS ete ARS 71
4.6 Quelques références pour aller plus loin .......................... 7?)
4.7. ‘Concépts-Ciés du paragraphe ON
COR RE I AR 72
9, DES DÉFINITIONS À CANALYSER DE 72
5. 1: Une sérié-descritères Ress apte Ad TS 12
5.2 Premier exemple : analyse de la définition de Plaisance
et Vergnaug. (1993 SSP RON ER NN 73
5.3 Second exemple :
analyse de la définition de Bronckart (1989 : 54) ................... 75
Table des matières 427

RTC ÉIONe RRR RTe dere NlRASMT


QU |: 82
5.5 Quelques références pour aller plus loin .......................... 82
2-DGONCepCIés OÙ DarorpheeAen Ge de DR RE 82
. NOTRE APPROCHE DU CONCEPT DE DIDACTIQUE ......................... 83
GA UT OO CLION ER ES en ir Aou AVR Al 83
6.2 Une approche générale du concept .............................. 83
6.3 Une définition du concept de didactique ....................... 85
6.31 Une série dé QUESTIONS. L 6e ce 2 NN RO SA NAN. 85
62522 A UMeCÉ MIO a eee ee se son lens cam CS 89
CT ROUCNETEN ER RE RE Ci A OT on 89
6.2. Quelques-références pour allér DIUSIOIN., MR AT. 2. 90
CG RCONGEDE-CIÉS AU DEA TADhE En SU. 90
A ÉAMRECA LION DIDAGDOQUER Le nement
nt A :He 91
PAETITOOUCTION SRE ee dt ile MP Ml nee AN Mo à 91
7.2 Les composantes de la relation didactique ........................ 91
7-5 RÜPÉIONECE ENNINAlOD EE un ds 94
7.4 Des composantes solidaires entre elles... .......................... 94
7-5 QUEUES exEMpIES d'INTÉFACLIONS ALT nt Ro. 96
7.6 Le triple ancrage de la relation didactique ......................... 97
7.7 Une définition du concept de relation didactique ................... 98
ÉCOULÉ TEAM TE CAEN EU Le SA a ee. Ne A ne. 99
7.9 Quelques références pour aller plus loin... ........................ 99
70 CODÉÉDES
= ÉAAU DATE ne 22Done LÉ en Hd CES 99
Re
MDES RAPPORTS AUS AVOIR Re ne de 100
SAR LOC GUONE RE CREER LÉ De eo 0 100
OA TE OIICESUE LION Re en rte ie ee en D Le D tonte tes 100
CS AVONSIECONNAISSANCES PRE EEE EE D de Ce 102
OMR NESÉNEIGElE DONS AUS TO RE RER RER 103
8.5 L'enseignant et ses rapports au savoir :
de nécessaires ruptures épistémologiques! ....................... 104
2 GT Liéléveelses laDDOrS AU SAVOIR LEE L ce 110
AN AERNES.
SrALUNDAADDOTROE SANS A SSAVOI ASTRA TE. 120
8 AOuelreten) 1e MMA IR RIRE EN RES ARR 6 LEE ARR à 124
8.9 Quelques références pour aller plus loin... ....................... 124
BALO COnNCeDtEEcléS 0e Ce Darag ape 206.2. UMRON. 124
STOMIES ee Pi roue A MEVO NE. SUR: SEEN. 124
. VERS UN PARADIGME POUR LES DIDACTIQUES .......................... 125
OAI TOULON ER RENA 2) PSE N.PENEIRENT EU DR, 125
9.2 Cinq propositions en guise de synthèse du chapitre 2 .............. 126
428 Créer des conditions d'apprentissage
PNR

O2 AOUE tenir nn re due TS NME PR NE 128

9.4 Quelques références pour aller plus loin ......................... 128

9.5 Les concepts-clés de ce paragraphe ............................. 128

10: ADOCUMENTS 24 PRONCANONE DOLPPRENNL US ARRET ARE 129

CHAPITRE 3
Lorsqu'il est question d'environnement scolaire ........... 131
OBJECTIFIDE CE CHAPITRE. aude DR OUPIUS DORA OA. ME 133

LAAMIMEUISCOLAIREER SYSTEME AR RE ne a rm re cre 133


ISBN TOQUGIONÉE RE ER TE EC er ECC 133
1.2 Deux caractéristiques et une double logique de l’organisation scolaire 134
MURS YSIeMeeRSESIDIOLIEACOMOOSANNTÉS EPP EE PRET
EE TEE 138
1'AMOUETÉIENIR PER EEE
TU RU RS 140
1.5 Quelques références pour aller plus loin ......................... 140
1.6 Aessconcepts-clés dé Ce Daragra DRE er: 141
2. NIVEAUX ORGANISATIONNELS D'UN SYSTÈME SCOLAIRE
ÉTRELATIONLDIDACTIQUE SSSR PIRE SP RS 141
DR TOISMNINEQUXOIDANISAUONNES PRE NET nn NOT A ee 141
2.2 Des:préssionssuria TélatodiAaCtIQUES Er RP RER NES OUE 143
25 4 QUE TOlENTE E PRRE e e E . 145
2.4 Quelques références pour aller plus loin... ....................... 145
2.5 Les concepts-clés de ce paragraphe ............................ 145
3. FINALITÉS BUTS ER ACTION PR ER RE D ER 145
SAN UNSS TÉMOINS A RE RE 145
3.2 Les productions des différentes strates .......................... 147
5:53 MOUCTETENT ARR RS AR RSRRRR Q 153
3.4 Quelques références pour aller plus loin... ....................... 153
3.5 Les concepts-clés de ce paragraphe ............................. 154
4: "UN ENVIRONNEMENTIPLUS LARGE 154
4,1 ‘Introduction... Re T2 154
4.2 Texte à méditer avant d'entrer dans le débat... ................... 154
4.3 L'école n'a donc pas le monopole de l'éducation! ................. 155
4,4 Enfants où élèves ? 8 48e telle 00 CL DE. 157
4.5 Etl'enseignant... ? 0... Rte ST 159
4,6 Que retenir? 5 2 uen memes OT ST ILE 160
4.7 Quelques références pour aller plus loin. ....................... 160
4,8 Les concepts-clés de ce paragraphe ...........
um 1e. à 160
5. LE DÉBAT N'ESTPASCLOS ON OT En 161
Table des matières 429
amsn em

CHAPITRE 4
Vous avez dit contrat didactique ? .............. 163
CBJECIIPO ID EICE CHARITRER CRE AAC PS ARS PNR PORENMERR NE nn ‘. 165
DE RIN ROD COTON RE de ce oo or 166
LA ÉECONCEMEDECONTRA TRS UE ed 167
A OUT COUDE DRE PR ee nan E Éd canin DS A) 167
2.2 Du contrat «stricto sensu» au «contrat social» ................... 167
PRÉ NOUIS CONTES Mes a Ne D I NET TS 175
2.4 Quelques références pour aller plus loin. ...................... 176
POP CONCÉDISTÉAGCICRIDA AOTANE re AS 176
S LUNPAUTREMNERDECONIRA IA. RE CR ed. 176
D MMDSSOUeSTOoNS AUTOUR UN CONCEDE I 2. AR LL -.- 176
3.2 Document : un retour aux sources, les propos du père fondateur .... 177
323 Une réflexion Sur le contrat didactique d:a802000e
ft DU 2 177
3.4 Caractérisation du contrat didactique ee ereDr 178
3 HU MOOCUMENTÉEUNÉ MÉNÉNIONNL ASS. 20 ra ÉEROr MOOV QUE. 189
3 6YOUBreleN RARE RES Re oulee asp rltée A alé Se 2 191
3.7 Quelques références pour aller plus loin... ....................... 191
3.6 "Concepts clés de Ce DAragraphÉ NT FAN
han al 192
ALES FONCTIONS DUICONTRA HDIDACTIQUE 192
AR NÉ OQUCTIO NÉ OR ER 192
4.2 Créer ou élargir des espaces de dialogue... ....................... 193
4.3 Gérer un système de règles et comprendre la coutume de classe .... 195
AIR OLICTTE EN] RE EU le 204
4.5 Quelques références pour aller plus loin... ....................... 204
416 MCONCEDL CES CÉICE DAlATTADIO ET ee à PS 204
BMLA DYNAMIQUEDUICONTRANDIDACTIQUE M EN NU 205
Et Foro le GCÉER ME R E Ee 205
Se TODIUTES ITACQUes CE CONALE RE 205
BE MEOneEN NE RE ER RE PR ET LL 2h
ÉROUCTCLENIE ERP Enee ae MAT RUE 214
5,5 Quelques références pour aller plus loin. ....................... 214
BG ACoOnNCeDts-clés deiCe Paragraphe, Le. ee ce het por. 214

G'AENICUISADE CONCLUSION RL 2 le monnaie: 214

CHAPITRE 5
Le concept d'apprentissage scolaire ..................... 217
OBIECTIES DELGCELCHAPITRE RS A ONE D er er 219
430 Créer des conditions d'apprentissage
SPEED

1: 2INTRODUCTION ER nome cn ot TOI 219


2. UN MODÈLE SOCIOCONSTRUCTIVISTE ET INTERACTIF
DE L'APPRENTISSAGE SCOLAIRE : LE MODÈLE SCI ........................ 221
2.1 Quelques préalables au modèle proposé ......................... 221
22% Le mouse ssCREER ETES nee ELLE CNIL 226
2.3 En guise de conclusion de ce paragraphe... ............…...."0% 236
DANOUE TELE TER Te de ee ete ET CI 236
2.5 Quelques références pour aller plus loin .....:................... 237
2.6. Les concebtsciés de ce paragraphe ee
ou ete tee 237
27e TÉDAUNIES RDA CIO RER ET ET CR EE 287
3. DES DÉFINITIONS DU CONCEPT D'APPRENTISSAGE ........................ 238
5 MIN UTOAUICIONRRR ER EE LESC PR ES 238
32 ADES CET ENS SEE
VPN RER 238
323 UNE OT ANS ER ER PR RS ER ei 240
3/4 DesidéfintONns a Anal)SE RER NN EREREEERERERRe 242
3.5 Que dégager de cette démarche d'analyse de définitions ? ......... 263
3:6 Que retenir? users cons RO UE TONER Ur LORS 266
3.7 Quelques références pour aller plus loin... ....................... 266
3.8: Concepts-clés.de Ce Drag ae Me RARE. 267
At LE DÉBAT N'EST.PAS CLOS. 4 MP EC RENE en 267

CHAPITRE 6
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire... 269
OBJECTIES DACEICHAPLIRE RS Se ET 271
T5 :INTRODUCTION RE ET Te A EN CR SE RCE 271
2. LE PROCESSUS D'ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE . ....................... 272
221 IMTOQUETON EE UNE AN 272
2.2 Les composantes du processus d'enseignement/apprentissage..…. .... 273
2211 MleTole de FÉNSIONaN ER Re D 273
De 22 le TOITS RÉ AVES EE Te TR TE ES 275
2.2.3 Le processus d'enseignement/apprentissage en tant que tel... ... 277
213 «QUE TORTENE PER REEE ER TR 285
2.4 Quelques références pour aller plus loin... ..,................... 285
2,5 Conceni-Cié 0e Ce Daragrantie ONE 286
2.6 Ledébet n'est pas COS. 417 EE Re ne 286
3: °CE QU'ILS'EN DISENT.. 5... UN 7 NON à 286
3,1 INTOUION ES ER 286
3,2 Un BET TAPDÉL RS 288
3.3 Quelles questions soulève chacun des neuf points
dé la définition. A RON RM ENTER 288
Table des matières 431

3.4 Au-delà des questions.


des conditions dans une perspective non normative !
3.5 Que retenir ?
3.6 Quelques références pour aller plus loin.
3.7 Concepts-clés de ce paragraphe
3.8 Le débat n'est pas clos
LES CONDITIONS DE L'APPRENTISSAGE EN CONTEXTE SCOLAIRE

4.1 Introduction
4.2 Les trois phases de l'activité de l'enseignant
4.3 Les conditions de l'apprentissage mises en place
au cours de la phase pré-active
4.3.1 Première condition : connaître sa destination.
… Ou la formulation d'une ébauche d'hypothèse d'objectif ......
4.3.2 Seconde condition : analyser le savoir codifié et faire émerger
les conceptions. où la réalisation d'une triple exploration
USA VOIReATIesICONNAISSANCeS RE
4.3.3 Troisième condition : mettre le savoir en situation.
… intégrer les informations précédentes pour créer
deSSIATONSIDENINENES IR ER ET PE
4.4 Les conditions d'apprentissage mises en place
durantia DhaseinieraUVeRe AN PERRET IE EU
4.4.1 Première condition : clarifier le rôle de chacun.
FHOUNIONDANSatOonOAUICONTANOITACIQUEM EE
4.4.2 Seconde condition : mettre l'élève en situation d'apprendre.
FHOUlAdéRIIONICUMDIOIE ERP EE CT
4.4.3 Troisième condition : réguler les démarches de l'élève.
. CU ÉMENON CE lEANMEETE MER 2 en
4.5 Les conditions d'apprentissage mises en place
Aa IMObASe DOS LACLUVERER tt CE en
HOMONC SION RAS ANS RS ANS dd de À S pm
4.7 Quelques références pour aller plus loin... .......................
4,8 :Concepis-ciés deiCe DArao ape et
ARR ET se
HOME GéDAd SLA CIDS RD D TR RC TR AN ee ae

CONCLUSION
Quelques lignes pour conclure... ..........................
perspectives
en? éducation
BoNAMI M. et GARANT M. (Éds), Systèmes scolaires et pilotage de l'innovation.
Émergence et implantation du changement.
BOURGEOIS É. (Éd. ), L'adulte en formation. Regards pluriels.
DONNAY J. et ROMAINVILLE M. (Éds), Enseigner à l'Université. Un métier qui s'apprend?
FRANCQ B. et MAROY C. (Éds), Formation et socialisation au travail.
FRENAY M., NOËL B., PARMENTIER P. et ROMAINVILLE M. (Eds),
IE‘étudiant-apprenant [.
GAUTHIER C. (Ed.), Pour une théorie de la pédagogie. Recherches contemporaines
sur le savoir des enseignants.
GRÉGOIRE J. (Éd.), Évaluer les apprentissages. Les apports de la psychologie cognitive.
HÉTU J.-CL., LAVOIE M. ET BAILLAUQUES S. (Éds), Jeunes enseignants et insertion
professionnelle. Un processus de socialisation ? De professionnalisation ? De transformation ?
JONNAERT P. et VANDER BORGHT C., Créer des conditions d'apprentissage. Un cadre de
référence socioconstructiviste pour une formation didactique des enseignants.
LEBRUN M., Des technologies pour enseigner et apprendre.
LEPOT-FROMENT C. (Éd.), Éducation spécialisée. Recherches et pistes d'action.
LETHIERRY H. (Éd.), Savoir(s) en rire 1. Un gai savoir (Vérité et sévérité).
LETHIERRY H. (Éd.), Savoir(s) en rire 2. L'humour maître (Didactique et zygomatique).
LETHIERRY H. (Éd.), Savoir(s) en rire 3. Rire à l’école (Expériences tout terrain).
MATHY C. (Éd.), Enseignement des sciences et des valeurs.
MEURIS G. et DE COCK G. (Éds), Éducation comparée. Essai de bilan et projets d'avenir
MINDER M., Champs d'action pédagogique. Une encyclopédie des domaines de l'éducation.
PAQUAY LÉSALTEr M. CHARLIER E. et PERRENOUD P. (Éds), Former des enseignants
professionnels. Quelles stratégies ? Quelles compétences ? 2° édition
PELLETIER G. (Éd.), Former les dirigeants de l'éducation. Apprentissage dans l'action.
POIRIER PROULX L., La résolution de problèmes en enseignement. Cadre référentiel et
outils de formation. ;
RAISKY C. et CAILLOT M. (Eds), Au-delà des didactiques, le didactique.
Débats autour des concepts Jédérateurs.
RAYMOND D. et LENOIR Y. (Eds), Enseignants de métier et formation initiale.
Des changements dans les rapports de formation à l'enseignement.
SANNER M., Modèles en conflit et stratégies cognitives. Esquisse d'une psychologie de la raison.
TOCHON EF. V. (Ed.), Eduquer avant l’école. L'intervention préscolaire en milieux défavorisés et
multiethniques.
VELZ E., Démocratiser pour réussir. De l'enseignement planifié à l'organisation des apprentissages.

TTUTLE
Bibliofiches — 11-380B
perspectives
en” éducation
Pre d’une approche socioconstructiviste Philippe Jonnaert
et interactive pour expliquer les processus Ph.D. il est professeur titulaire à l'Université de
de construction des connaissances, les auteurs Sherbrooke et chercheur au CIRADE à Montréal,
proposent une réflexion sur les concepts clas- Centre Interdisciplinaire de Recherche sur les
siques des didactiques des disciplines ainsi . Apprentissages et le Développement de l'Enfant.
que sur les conditions d’apprentissage en Ses enseignements et ses recherches portent sur
contexte scolaire. L'ouvrage élabore ainsi une l'apprentissage et les processus de compréhension
synthèse originale des travaux actuels des et de construction des connaissances mathéma-
didacticiens des disciplines. tiques.

La grille de lecture des auteurs, à travers leur Cécile Vander Borght


modèle SCI, nécessite une reformulation en Docteur en sciences, elle est professeur à
profondeur des concepts habituellement utilisés l'Université catholique de Louvain où elle est
par les didacticiens des disciplines. Qu'il responsable du laboratoire de pédagogie des
s’agisse du contrat ou de la transposition sciences et de la formation des enseignants en
didactique, de la relation didactique ou des biologie et en chimie. Ses enseignements et ses
conditions d’apprentissage, des finalités de recherches portent sur la didactique des sciences.
l’éducation ou de l’évaluation des apprentis-
sages, les perspectives suggérées dans cet . Avec la collaboration
de
ouvrage dépassent la simple synthèse et placent Rosette DEFISE (Lic. en psychologie, chargée de
l’ensemble de ces dimensions dans une orien- cours, Université de Sherbrooke)
tation innovante pour les didacticiens. Godelieve DEBEURME (Ph. D. professeur-adjoint,
Université de Sherbrooke)
Plaçant les processus d’apprentissage et de
Stephan SINOTTE (Sherbrooke)
. diffusion des savoirs codifiés au cœur des
préoccupations actuelles des didacticiens des
disciplines, l’ouvrage présente de façon non
normative un cadre théorique sérieusement
argumenté et illustré par les travaux et les
expérimentations des auteurs, réalisés avec
des enseignants ou des stagiaires dans des
classes du primaire ou du secondaire.

Alliant sans cesse théorie et pratique, ques-


tionnements et propositions, illustrations et
modélisations, ce véritable manuel de référence
guidera le futur enseignant tout au long de sa
formation. et bien au-delà.

ISSN : 1373-0258
ISBN : 2-8041-3154-8

(0121010712
MO88 9 QUIL 131548

Vous aimerez peut-être aussi