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d’apprentissage
Un cadre de référence socioconstructiviste
pour une formation didactique des enseignants
Philippe Jonnaert
Cécile Vander Borght
Avec la collaboration de
Rosette Defise |
Godelieve Debeurme
Stephan Sinotte
| De Boeck *
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in 2022 with funding from
Kahle/Austin Foundation
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Créer des conditions
d’apprentissage
Un cadre de référence socioconstructiviste
pour une formation didactique des enseignants
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perspectives
enF éducation
Collection dirigée par
Philippe JONNAERT, Sherbrooke
Animée par Philippe Jonnaert (Université de Sherbrooke), voici une collection en sciences de l’édu-
cation créée pour soumettre à la critique des praticiens les réflexions théoriques et les résultats de
recherches et de travaux actuels et pour offrir aux enseignants et aux professionnels de l'éducation
des outils pour leur pratique quotidienne et une réflexion sur ces derniers.
Créer des conditions
d’apprentissage
Un cadre de référence socioconstructiviste
pour une formation didactique des enseignants
Philippe Jonnaert
Cécile Vander Borght
Avec la collaboration de
Rosette Defise
Godelieve Debeurme a
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De Boeck
Université en éducation
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PRÉFACE NN Ai enne slee 1e >, SUNIDPRM CAPTOR NRENCE me CaR RS 9
CHAPITRE 1
Mise en perspective socioconstructiviste .......................... 17
CBTECTIRS DÉNCELCHAPITRE nt.
EAN TS AC). 19
ISALUNÉE MISESEN SITUATION RUN PRE ACER LIRE, NT 19
2. LES FONDEMENTS D'UNE RÉFLEXION SOCIOCONSTRUCTIVISTE .................... 25
DOCUMENTS Re re 34
AREA MATIEREPALDÉEBATU re RENDU a UT Ne. 36
CHAPITRE 2
… À propos du concept de didactique! ........................... 39
OBJECTIFS D EICEAGHAPITR ER ReOr nl CEE | 41
1. LE CADRE GÉNÉRAL D'UNE RÉFLEXION DIDACTIQUE ........................... 42
2. LE CADRE SPÉCIFIQUE D'UNE RÉFLEXION DIDACTIQUE .......................... 54
SV OUSAVEZIDITDIDAGTIQU ER RER ne En ne 59
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OMAVERSIUNIPARADIGME POURIIESIDIDACTIQUES PP PRET CR CR RE 125
1 D'MDOCUMENTS ER ReOU eme mie 129
8 Créer des conditions d'apprentissage
annee cnrs
CHAPITRE 3
Lorsqu'il est question d'environnement scolaire ................. 131
OBJEGTIES DE CE CHAPITRE BE en 153
CHAPITRE 4
Vous avez dit contrat didactique ? ............................... 163
OBIECIIES DEXCE CHAPITRE et ee I EC EE 165
TLINTRODUCTION DR RE AO CE D EEE DE CE 166
DAALE CONCEPTUDE CONTRAT RE 167
3 RUN AUTRELTYPEIDÉ CONTRAT SERRE
OP RE 176
APN LES FONCTIONS DUICONTRATIDIDAGTIQUE RP ER 192
D'LA DYNAMIQUEDUICONTRATIDIDAGTIQUE AE PERRET 205
GE ENIGUISE DEICONCLUSION SR TE 214
CHAPITRE 5
Le concept d'apprentissage scolaire... 217
OBJECTIFS DE CE CHAPITRE... soon UD CON ONIIURE 219
1. INTRODUCTION Luce nine re cts ee OI A CEE 0 219
2. UN MODÈLE SOCIOCONSTRUCTIVISTE ET INTERACTIF
DE L'APPRENTISSAGE SCOLAIRE : LE MODÈLE SCI ............................ 221
3. DES DÉFINITIONS DU CONCEPT D'APPRENTISSAGE ............................ 238
ARLEDÉBATINIESTPASICLOSS 267
CHAPITRE 6
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 269
OBIECTIFS.DE:CŒ CHAPITRE nee in De ee DE ON NE ER RRES 271
12: INTRODUCTION. 2e ee 274
2. LE PROCESSUS D'ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE . ........................... 272
3. CE QU'ILS EN DISENT. LT OT ON 286
4. LES CONDITIONS DE L'APPRENTISSAGE EN CONTEXTE SCOLAIRE . ................. 294
CONCLUSION
Quelques lignes pour conclure... .................. 397
INDEX 2 musuee e 401
BIBLIOGRAPHIE .. :....,,,4, 0,00 ONE à 407
PRÉFACE
Le contexte, quant à lui, est plus large que la situation didactique dans
ses dimensions physique et artefactuelle. Bien entendu, il l'inclut. Mais il intè-
gre aussi le rôle fondamental du langage qui la façonne. À la suite des travaux
d'une part de Vygotsky et de l’école soviétique et d'autre part des interaction-
nistes américains nous savons comment les interactions verbales contribuent
au partage des significations. Apprendre c'est pour l’apprenant partager des
significations nouvelles avec celui qui sait, mais aussi coopérer avec lui et ses
pairs. Comme le disent Weil-Barais et Dumas-Carré : «Apprendre pour l'élève,
c'est entrer dans un jeu de reformulation-interprétation, c’est se positionner
par rapport aux connaissances, juger de leur pertinence, confronter différen-
tes sortes de solution, etc.°». Dans cette perspective, la médiation devient
fondamentale. L'étude du contexte prend alors en compte les interactions ver-
bales entre élèves et médiateur, et entre élèves eux-mêmes. C’est avec cette
approche du contexte où on ne peut plus séparer artificiellement la situation
Michel CAILLOT
Professeur à l’Université
René Descartes, Paris 5
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Cet ouvrage rassemble les propos, les réflexions, les suggestions, les
questionnements issus de l’expérience de deux didacticiens : un didacticien
des mathématiques, Ph. Jonnaert et une didacticienne des sciences, C. Van-
der Borght. Les lignes qui suivent sont le reflet d’un long débat qu'ils ont mené
durant plusieurs années autant à propos de leurs travaux universitaires de
chercheurs en didactique et d'enseignants, qu’à propos de leurs pratiques de
formateurs d'enseignants. Leur expérience de didacticien correspond prati-
quement à cette période qui, depuis les années soixante-dix, voit s’éclore les
didactiques des disciplines. Ils ne poseront plus la sempiternelle question de
la pertinence des didactiques. Elles existent. Elles se développent. Un corpus
scientifique se construit progressivement pour chacune des didactiques des
disciplines, certes de façon inégale, parfois peu coordonnée, anarchique
même à quelques occasions! Mais des chercheurs, des praticiens et des théo-
riciens se donnent aujourd’hui pour objectif de créer un vocabulaire non com-
promettant pour les didactiques. Ils échafaudent ainsi une théorie des
didactiques, certains s’y sont déjà essayés avec plus ou moins de bonheur dans
leur discipline, ... ce ne sont plus des balbutiements!
Le dynamisme des didacticiens n’est donc plus à démontrer. Leurs re-
cherches sont reconnues par les grands organismes subventionnaires qui les
financent. Leurs enseignements sont inscrits dans la plupart des curricula uni-
versitaires de formation des enseignants. Des revues spécifiques ont vu le
jour, quinze années plus tard elles sont toujours plus largement diffusées. Des
congrès, des colloques ou symposiums se tiennent très régulièrement au qua-
tre coins de la planète, d’un Océan à l’autre. Déjà, de premiers bilans sont faits,
[par CI. Gaulin (Montréal, 1995) pour les 25 ans de didactique des mathéma-
tiques au Québec, par Artigue, Gras, Laborde et Tavignot (Paris, 1993) pour
les 20 ans de didactique des mathématiques en France], .… Des doctorats, des
doctorands et des docteurs existent dans la plupart des didactiques des
14 Créer des conditions d'apprentissage
pe]
Pour répondre tant bien que mal à ces questions, nous avons d’abord
dû admettre que, d’une manière générale, les questions d'apprentissage sont
centrales pour les didactiques des disciplines. Force est de constater, à l’exa-
men de leurs écrits, que les travaux de nombreux didacticiens traitent de
questions relatives à l'apprentissage de leur discipline. Les didactiques des
disciplines s'intéressent par là aux problématiques de construction des con-
naissances.
Ce n'est qu'alors
que nouspouvons
entrer dans levifdu sujet!
Si le cheminement que nous lui proposons est viable pour lui, le lec-
teur pourra enfin entrer dans nos réflexions.
didacticiens et celles des pédagogues, pour finir par constater qu'il n’est nul
besoin de les mettre dos à dos, ils sont tellement complémentaires!
Le troisième chapitre contextualise la réflexion des didacticiens dans
l'environnement scolaire. Décrivant rapidement les différents niveaux organi-
sationnels du système scolaire, les pressions qu'y subit la relation didactique
apparaissent de façon évidente. Naturellement, une réflexion didactique ne
peut se faire sans poser d’abord la question des finalités de l’objet d’apprentis-
sage. Finalement, l'inscription d’un contenu dans un programme scolaire n’est
pas suffisante pour justifier en soi son apprentissage par des élèves.
Et puis, quel est le rôle de chacun, l'enseignant, les élèves et le
«savoir » ? Le quatrième chapitre clarifie le concept de contrat didactique qui
présente toutes les allures d’un anti-contrat. Partant des différents types de
contrats véhiculés à travers les courants pédagogiques, ce chapitre définit le
contrat didactique et en analyse les fonctions. Pour conclure que ce dernier
sert avant toute chose à créer des espaces de dialogues entre les partenaires
en présence. À défaut, nous nous retrouvons, tels des chiens de faiëénce, con-
frontés à des dialogues de sourds isolant chacun dans sa bulle.
à à et les apprentissages ?
… en avant-goût!
«(..) Une fois cela tout à fait compris, il deviendra évident qu’on ne doit pas considé-
rer le constructivisme radical comme un moyen d'établir une image ou description
d'une réalité absolue, mais seulement comme modèle possible de connaissance éla-
boré par des organismes cognitifs capables de construire pour eux-mêmes, à partir
de leur propre expérience, un monde plus ou moins fiable».
Von Glasersfeld (1988 : 42)
Mise en perspective
socioconstructiviste
POUR OUVRIR LE DÉBAT...
«LE POSTULAT
RÉSUMÉ
Partant d’un exemple extrait d’une situation de classe, ce premier texte pré-
sente la posture épistémologique des auteurs de cet ouvrage. L'ensemble de
la réflexion développée dans le livre est inscrit à l'intérieur d’un paradigme
socioconstructiviste et interactif.
SOMMAIRE
Objectifs de ce chapitre
1.1 Une mise en situation
1.2 Une mise en paradigme de notre réflexion
1.3 Le débat n'est pas clos
1.4 Il y a matière à débat
Ce chapitre développe une réflexion que nous avons proposée dans diffé-
rents articles antérieurs :
— Jonnaert, Ph. (1996). Les apprentissages mathématiques en situation :
une perspective constructiviste. Revue des Sciences de l'Éducation,
22(2), 233-252:
— Jonnaert, Ph. (1996). Le dialogue entre chercheurs et praticiens : uto-
pie ou réalité ? Cahiers de la Recherche en Éducation, 3(2), 271-294.
— Fourez, G. et de Bueger-Vander Borght, C. (1995). Introduction à la so-
cio-épistémologie, in A. Giordan, J.-L. Martinand et D. Raichvarg (dir.)
Que savons-nous des savoirs scientifiques et techniques ? Actes des
XVII Journées Internationales sur la communication, l'éducation et la
culture scientifiques et industrielles, Centre Jean Franco, Chamonix,
mars 1995, 185-196.
Mise en perspective socioconstructiviste 19
TORRES PE CPL ARGENT
OBJECTIFS DE CE CHAPITRE -
Ce chapitre poursuit l'objectif général de clarifier le paradigme épisté-
mologique qui détermine la réflexion développée dans cet ouvrage. Ce para-
digme épistémologique constitue en quelque sorte la «clé» pour comprendre
les réflexions, les idées et les propositions formulées par les deux auteurs à
travers tout l'ouvrage. Par la lecture de ce premier chapitre, le lecteur se cons-
truira ainsi une grille lui permettant de décoder les intentions des auteurs.
Préalablement, les principaux concepts utilisés («paradigme » et
«paradigme épistémologique») sont définis. Ces définitions ne sont pas im-
portantes pour elles-mêmes (l'ouvrage n’est pas un manuel d’épistémologie
mais bien un manuel de formation didactique); cependant ces concepts sont
des outils que le lecteur devra utiliser à différents endroits de l'ouvrage. En ce
sens, la clarification conceptuelle proposée a pour objectif de fournir au lec-
teur des outils indispensables à la compréhension des propos de l'ouvrage.
Enfin, la position des auteurs se situant à l’intérieur d’un paradigme
socioconstructiviste, ce chapitre présente également les composantes fonda-
mentales que les auteurs ont retenues pour définir le paradigme sociocons-
tructiviste. De cette définition découle la cohérence de l’ensemble de
l'ouvrage puisque ce paradigme socioconstructiviste en est la clé de voûte. En
ce sens, cette clarification permet au lecteur de découvrir, dès le premier cha-
pitre, le fil conducteur de la réflexion didactique proposée dans cet ouvrage.
1.2 Un exemple...
EXEMPLE
2. Howard Gardner (1983) retrace de façon magistrale l'historique des courants de pensée qui
se sont succédés à travers les siècles pour apporter des réponses (aujourd’hui célèbres) à la
question de la construction et du développement des connaissances de l'être humain.
3 Extrait d'une observation réalisée dans une classe de première primaire dans la Province du
Hainaut en Belgique francophone; il s'agit de la transcription d’une séquence magnétoscopée.
Mise en perspective socioconstructiviste 2
CARRE SONTER ESPN
11 prénoms
12 prénoms de filles
de garçons
Des représentations
différentes
Représentation Représentation
de Nicolas de Fabienne
22 prénoms d'élèves
12 prénoms| | 10 prénoms
de garçons de filles
FIGURE 1
de l’enseignante ne peut être prise en considération (elle vaut donc 0), alors _
que pour Fabienne, au contraire, cette même étiquette vaut le double de la va-
leur de toute autre étiquette. On imagine derrière ces propos d’autres débats,
d’autres rivalités. Retenons simplement pour nos propos du moment que ces
deux élèves de première primaire se sont construit des représentations diffé-
rentes d’une même réalité. Ils en arrivent même à des dénombrements diver-
gents des objets auxquels ils sont confrontés.
de la situation à laquelle ils sont confrontés ne soit pas une reproduction stric-
te de cette dernière. Sans cesse, chaque individu cherche à construire le mon-
de en se construisant lui-même de manière à pouvoir s’y insérer et à y adopter
une position viable (Pépin, 1994). Dans cette perspective, les connaissances
sont construites par le sujet lui-même à travers les expériences qu'il vit dans
son environnement, mais aussi au départ de celles qu'il a déjà vécues :
«(...) la notion de savoir-reflet ou de savoir-lecture, qui colporte un sens d'empreinte
ou d'image du réel dans notre connaissance, semble tout à fait illusoire, voire utopi-
que. La connaissance entendue comme une copie plus ou moins achevée de la
réalité n’a plus de sens puisque nous n'avons accès à la réalité que par nos
représentations ».
Ruel (1994 : 39)
2. LES FONDEMENTS
D'UNE RÉFLEXION SOCIOCONSTRUCTIVISTE
œ
.… Où la mise en paradigme de notre réflexion!
De l'Antiquité à nos jours, l’histoire des sciences est marquée par des
hypothèses fondamentales et des idées abstraites (Ouellet, 1994). Les para-
digmes épistémologiques sont ces grandes hypothèses : ils servent à assurer
la cohérence des rapports que l’homme entretient avec ses objets de connais-
sance. Nous l'avons écrit, le choix d’un paradigme détermine tant la réflexion
que l’action du chercheur. Le paradigme épistémologique auquel il adhère
devient alors, non seulement son cadre de référence, mais également le princi-
pe organisateur de sa pensée et de ses gestes de chercheur lorsqu'il pense en
terme de construction, d'acquisition ou de développement des connaissances.
Le paradigme épistémologique assure la cohérence d’une communauté
scientifique dans les rapports qu’elle entretient avec les objets de connaissance.
Un paradigme épistémologique est donc un cadre général de réfé-
rence articulant entre eux les concepts et les catégories qui guident la pensée
et l’action du chercheur lorsqu'il s'intéresse aux questions relatives à la
construction, à l'acquisition ou au développement des connaissances.
Galilée, par exemple, était conscient du paradigme qu'il utilisait. «Dès que je conçois,
une substance matérielle ou un corps, je perçois en même temps la nécessité de con-
cevoir qu'il a les limites d'une certaine forme; que, relativement à d'autres corps, il est
grand ou petit; qu'il touche ou ne touche pas d'autres objets; qu'il est à telle ou telle
place, en tel ou tel temps; qu'il est en mouvement ou au repos; qu'il est unique, rare
ou commun. Je ne puis, par aucun effort d'imagination, le séparer de ces qualités.
Mais je ne me sens pas forcé absolument de le voir de manière qu'il soit blanc ou rou-
ge, doux ou amer, bruyant ou silencieux, d'une odeur plaisante ou désagréable; si les
gens ne me signifiaient pas ces qualités, le langage et l'imagination seuls ne pour-
raient jamais les concevoir. C'est pourquoi je crois que les sensations, les odeurs, les
couleurs, etc. ne sont pour les objets dans lesquels elles apparaissent que de simples
noms. Elles existent uniquement dans les corps sensibles, car quand les créatures
vivantes sont éloignées, toutes ces qualités sont emportées ou annihilées. Je ne crois
pas qu'il y ait dans les corps extérieurs quelque chose comme des goûts, des odeurs,
et des sons, etc. mais des tailles, des formes, des quantités et du mouvement».
cité par Fourez (1974 : 68)
rs
idéalistes, lapensée est laseule réalité.
- Le rationalisme postule que l'esprit présente un pouvoir de raison-
nement qu'il impose dans le domaine de l'expérience sensorielle. Pour des ra-
tionalistes comme Platon ou Descartes, la réflexion philosophique est la
recherche fondamentale, les travaux des empiristes sont, à leurs yeux, moins
importants. Pour un rationaliste comme Descartes, les idées sont dues à des
causes innées plutôt qu'aux expériences.
XVII siècle avec la publication par Lavoisier (1789) de son Traité élémen-
taire de chimie. Les écrits de Lavoisier provoquent querelles et divisions
autour de paradigmes qui changent radicalement les conceptions de la chimie
véhiculées depuis l'Ancien Régime jusqu’à l'aube de la Révolution française.
Les historiens contemporains des sciences attribuent l’avènement de la chi-
mie scientifique contemporaine au changement de paradigme provoqué par
Lavoisier (Bensaude-Vincent, 1991 : 363). L'histoire de la pensée humaine est
parsemée de révolutions de ce type. Kuhn (1983) parle de révolutions para-
digmatiques pour évoquer ces changements de paradigme.
e LA DIMENSION CONSTRUCTIVISTE
6 Pour Piaget, l'intelligence est une des formes d'adaptation qu'a prise la vie dans son
évolution :
«(...) la vie est une création continue de formes de plus en plus complexes et une mise en équilibre
progressive entre ces formes et le milieu. Dire que l'intelligence est un cas particulier de l'adapta-
tion biologique, c'est donc supposer qu'elle est essentiellement une organisation et que sa fonction
est de structurer l'univers comme l'organisme structure le milieu immédiat».
Piaget (1963 : 10)
LA
Pour permettre à cette adaptation de se réaliser, l'individu humain dispose d'outils efficaces que
sont l'assimilation et l'accommodation. Il y a assimilation lorsque l'individu humain, en inte-
raction avec son milieu, intègre des données du milieu sans les détruire mais les coordonne aux
informations dont il dispose déjà dans son répertoire cognitif à propos de ce milieu. Il y a accom-
modation lorsqu'il y a transformation des données du milieu avant de les coordonner à celles
déjà existantes.
À propos des processus d’assimilation et d'accommodation, voir Dolle (1974).
30 Créer des conditions d'apprentissage
L'élève construit ses connaissances à partir de ce qu'il sait déjà dans une dia-
_ lectique qui s'établit entre les anciennes et les nouvelles connaissances.
Pour que ces interactions puissent avoir lieu, une zone de dialogue
doit exister. Dans cette dernière, élèves et enseignant se rencontrent effecti-
vement. La première fonction du contrat didactique (défini dans un chapitre
ultérieur de l'ouvrage) est de créer ces zones et ces espaces de dialogue :
«(...) ces zones d'échange deviennent les endroits privilégiés des interactions entre
enseignant, élèves et savoir».
«(...) C'est en «situation» que le sujet donne sens à ce qu'il fait, dit ou pense, en fonc-
tion de la nature et du niveau des moyens d'enregistrements et de traitements cons-
titués. Ce qui veut dire que, théoriquement, il assimile en faisant entrer le nouveau
dans l'ancien, alors que concrètement, chaque «situation» présentant un caractère
Mise en perspective socioconstructiviste 31
particulier, unique et original, il lui faut moduler les significations antérieures dans une
activité donatrice de sens «ici et maintenant».
Mais au-delà des propos classiques de Dolle et Bellano (1989), les tra-
vaux actuels sur la cognition humaine ne permettent plus de considérer cette
dernière comme une entité isolée de l’environnement physique dans lequel le
sujet humain fonctionne. Tout individu humain évolue dans un environne-
ment physique qui détermine très largement ses diverses formes de dévelop-
pement (Gardner, 1996, parle des intelligences multiples). Misès, Perron et
Salbreux (1994 : 23) évoquent un nombre élevé d’études montrant l’importan-
ce des facteurs environnementaux sur le développement intellectuel. Déjà en
1968, les premières publications de Spitz montrent qu’une carence précoce et
grave des apports du milieu constitue un handicap sévère pour le dévelop-
pement intellectuel de l'enfant. Le concept d'intelligence distribuée («distri-
buted intelligence» : Salomon, Perkins et Globerson, 1990; Pea, 1993; Per-
kins, 1995) engage les spécialistes de la cognition humaine à envisager cette
dernière en la répartissant de plusieurs manières au-delà des limites de l’orga-
nisme humain : dans l'interaction avec d’autres personnes certes, mais aussi
en utilisant l’environnement physique.
qui guide toute la réflexion dans cet ouvrage. Dans ce cadre, apprendre prend
une orientation particulière bien résumée dans la formule de Fourez (1992 :
28) :
… Constructivisme
Activité réflexive sur
Ases propres connaissances.
ÿ
ve) Æ,
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de régulation
? Par [> Ze ré _ + res
$S Situations et par \eS 2°
FIGURE 2
champ de l'écologie que de celui des apprentissages scolaires. Dans ces pers-
pectives, le grand absent est souvent le contenu même de l'apprentissage
scolaire, le savoir tel qu'il est véhiculé dans les programmes et les manuels
scolaires : le savoir socialement codifié.
sk DOCUMENTS
… ce qu'ils en disent!
VON GLASERSFELD
«(...) Le constructivisme radical est alors «radical» parce qu'il rompt avec la conven-
tion, et développe une théorie de la connaissance dans laquelle la connaissance ne
reflète pas une réalité ontologique «objective », mais concerne exclusivement la mise
en ordre et l’organisation d’un monde constitué par notre expérience. Le constructi-
visme radical a abandonné une fois pour toutes le «réalisme métaphysique», et se
trouve en parfait accord avec Piaget quand il dit : «L'intelligence (...) organise le mon-
de en s'organisant elle-même».
Von Glasersfeld (1988 : 27)
DÉSAUTELS ET LAROCHELLE
«(...) Au sujet des interactions entre le sujet et l'objet, nous avons vu que l'interpré-
tation des résultats de la physique moderne indique que l'objet de connaissance n'est
pas divulgué mais construit. Dans le même ordre d'idée, cette fois en psychologie co-
gnitive, les études piagétiennes relatives à la genèse des instruments intellectuels
permettent de comprendre comment, à toutes les étapes de son développement, le
sujet construit à la fois ces instruments et les objets de connaissance. || suffit ici de
rappeler les désormais célèbres expériences portant sur le concept de conservation
(matière, volume) qui illustrent bien que ce dernier ne peut être acquis qu’en procé-
dant à des opérations intellectuelles (inverse, réciproque, etc.) qui permettent au sujet
d'agir virtuellement sur une représentation et, ainsi, la transformer. L'objet de con-
naissance, qui est dans ce cas le concept de conservation, est donc construit par le
sujet et ne peut être réduit à un simple constat perceptif. De même, une recherche
récente de Piaget et de ses collaborateurs, portant sur la compréhension graduelle
Mise en perspective socioconstructiviste 35
ESRI RES RE TRE
MorF
«Le constructivisme épistémologique remanie pour la didactique le rapport objet-con-
naissance en éliminant de la théorie le recours à l’objet extérieur. Puisque les con-
naissances ne sont pas réductibles à une lecture du réel même élargi et abstrait, leur
établissement chez l'élève ne peut se réduire à une transmission de vérités
constatées; le contenu étant le produit d'une construction, sa communication corres-
pond à une,reconstruction chez l'interlocuteur ou l'élève.
L'effet majeur du constructivisme sur la pédagogie est un effet d'ouverture : il justifie
l'entrée en scène de pédagogies et de didactiques qui fondent l'acquisition du savoir
sur l'élaboration des connaissances par l'élève lui-même ».
Morf (1994 : 31)
Créer des conditions d'apprentissage
4. IL Y A MATIÈRE À DÉBAT!
Le socioconstructivisme ne fait pas l'unanimité!
Mais, faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain et évacuer de l’école toute
approche qui ne correspondrait pas au paradigme constructiviste ? Si le cons-
tructivisme permet de comprendre les processus de construction des connais-
sances par celui qui apprend, il n’explique cependant pas tout ce qui se fait en
classe. L'élève n’y réalise pas que des démarches d'apprentissage. Mille autres
activités le sollicitent tout au long de sa journée de classe. Des références
multiples sont nécessaires pour s'y adapter. Peu de modèles peuvent
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… À propos du concept
de didactique!
Certains ont borné leur recherche à l'apprentissage de telle ou telle langue. D'autres
se sont consacrés à des domaines particuliers du savoir, essayant des procédés ra-
pides d'enseignement. D'autres encore dans d’autres directions. Presque tous ont
suivi la voie facile qui consiste à collecter des observations empiriques, suivant une
méthode qu'ils appellent «a posteriori».
RÉSUMÉ
SOMMAIRE
Objectifs de ce chapitre
2.1 Le cadre général d'une réflexion didactique
2.2 Le cadre spécifique d'une réflexion didactique
2.3 Vous avez dit didactique ?
2.4 Didactique et pédagogie
2.5 Des définitions à analyser
2.6 Notre approche du concept de didactique
2.7 La relation didactique
2.8 Des rapports au savoir
2.9 Vers un paradigme pour les didactiques
… À propos du concept de didactique ! 41
CR
CE
Ce chapitre développe une réflexion que nous avons proposée dans diffé-
rents textes antérieurs :
— Jonnaert, Ph., (rédacteur invité), (1997). Questions de didactique. Ca-
hiers de la Recherche en Education, numéro thématique, volume (à
paraître).
— Jonnaert, Ph., (éd.), (1991). Les didactiques, similitudes et spécifici-
tés. Bruxelles : Plantyn.
— Jonnaert, Ph. (1991). Didactique. Évolution d’un concept, naissance
d'une discipline, Pédagogies, (1), 97-111.
— de Bueger-Vander Borght, C. (1996). La reformulation, ses procédures
et ses niveaux. Outils d'analyse de discours didactiques pour la forma-
tion des enseignants en sciences expérimentales, in CI. Raisky et M.
Caillot (éds.), Au-delà des didactiques, le didactique. Débats autour
de concepts fédérateurs, (254-272), Bruxelles : De Boeck-Université.
— de Bueger-Vander Borght, C. (1997). Za formation didactique des en-
seignants du secondaire : approches disciplinaires ou inter-
disciplinaires ? Développer la compétence didactique interdisci-
plinaire en formation initiale d'enseignants en sciences. Communi-
cation au symposium Cirid-Laridd, Université des sciences humaines de
Strasbourg, 28,29 et 30 mai 1997.
OBJECTIFS DE CE CHAPITRE
Ce chapitre poursuit l’objectif général d'apporter un double éclairage
sur le concept de didactique.
D'une part, une analyse des définitions proposées par différents
auteurs francophones permet de dégager une approche théorique du con-
cept de didactique et d’en préciser les différentes composantes.
D'autre part, une approche exploratoire de données recueillies auprès
d’universitaires intervenant dans la formation des enseignants et de prati-
ciens, titulaires de classes, permet de relativiser toute approche théorique
et de montrer sous quels angles, universitaires et praticiens abordent le con-
cept de didactique.
Au-delà de ce double éclairage, les lignes qui suivent établissent une
distinction entre didactique et pédagogie. Sans les opposer ni les hiérarchiser,
la complémentarité entre les deux approches est démontrée.
Deux grilles sont proposées pour aider le lecteur à analyser les défini-
tions proposées dans la littérature.
Enfin, même si une proposition de définition du concept de didactique
est suggérée en guise de synthèse, ce texte se veut ouvert au dialogue et à la cri-
tique, il est donc fondamentalement non prescriptif et encore moins normatif.
Créer des conditions d'apprentissage
1. LE CADRE GÉNÉRAL
ERA
2 Les écrits de Coménius datent du XVIF siècle. D’actualité, ils intéressent toujours les péda-
gogues et les didacticiens. Plusieurs ouvrages sortent de presse depuis le début des années
soixante-dix, en voici quelques-uns.
- Coménius, J. À. (1992). La grande didactique. [Traduction : M.-F Bosquet-Frigout, D.
Saguet et B. Jolibert], Paris : Klincksiek.
Denis, M. (1994). Coménius. Paris : PUF.
Denis, M. (1992). Coménius, une pédagogie à l'échelle de l'Europe. Berne : Peter Lang.
3 Louvrage de Crahay et Lafontaine [(1986) : voir bibliographie] rassemble une série de textes
qui traitent de façon pertinente de la question posée. La nouvelle revue L'année de la recher-
che en éducation propose dans des numéros de 1994 et de 1995 des articles traitant de façon
très critique de la question du statut des sciences de l'éducation notamment :
-_ Sensévy, G. (1994). La scientificité des sciences de l'éducation. L'année de la recherche
en sciences de l'éducation, 1994, 53-69.
- Ollivier, B. (1994). La posture du chercheur. L'année de la recherche en sciences de
l'éducation, 1994, 89-99.
-_ Ardoino, J. et Berger, G. (1994). Les sciences de l'éducation : analyseurs paradoxaux des
autres sciences. L'année de la recherche en sciences de l'éducation, 1994, 29-51.
… À propos du concept de didactique ! 43
«Les sciences de l'éducation sont constituées par l'ensemble des disciplines qui étu-
dient les conditions d'existence et d'évolution des situations et des faits d'éducation ».
l'éducation des enfants ? Cette impureté (Ardoino, 1994 : 46) donne aux fonc-
tions de l’enseignement un côté asservi, voire subalterne.
La question mise en évidence par V. De Landsheeere (1992) nous rap-
pelle que de nombreuses disciplines très différentes quant à leurs méthodes,
leurs objets de recherche et leurs finalités s'intéressent aussi aux domaines de
l'éducation : sociologues, ethnologues, psychologues, médecins, anthropolo-
gues, thérapeutes, politicologues, administrateurs et économistes de l’éduca-
tion, philosophes, historiens, démographes, etc., tous posent un regard plus
ou moins scientifique sur les domaines de l'éducation et plus particulièrement
sur l’enseignement.
La multiplicité des optiques qui en rendent compte donne à l’ensei-
gnement une image de bricolage, de tâtonnement, d’hésitation.… C’est proba-
blement ce que V. De Landsheere (1992) cherche à éviter lorsqu'elle parle de
«science» de l'éducation au singulier en excluant du champ de «la» science
de l'éducation une série de disciplines scientifiques. Van der Maren (1995)
abonde en ce sens lorsqu'il distingue la recherche «pour l'éducation» de la re-
cherche «sur l'éducation» et qu’il ne considère pas les disciplines contributi-
ves comme appartenant aux champs des sciences de l'éducation.
Mais à nouveau, aucune réponse claire n'apparaît et les positions
adoptées par V. De Landsheere et Van der Maren ne font pas nécessairement
l'unanimité. Elles ne permettent pas de trancher la question.
Dans un tel contexte relativement flou, l’activité d'enseignement est
perçue comme approximative. Ses démarches, ses méthodes, ses outils se
trouvent au cœur de débats difficiles. Elle est qualifiée de bricolage, d'activité
subalterne, de bâtarde, .. Sa multiréférentialité écarte d'elle toute possibilité
d'identité voire de définition claire de son champ.
Dans le même ordre d'idée, Altet (1996 : 31) définit l'enseignant com-
me un «professionnel en situation» :
«(...) L'enseignant-professionnel est avant tout un professionnel de l'articulation du
processus enseignement-apprentissage en situation, un professionnel de l'interac-
tion des significations partagées ».
L'enseignement se définit en lien étroit avec l’action sur le terrain. Une
vision qui réduirait l’enseignement à une science de la construction de sa-
voirs et de leurs conditions d'apparition est par trop réductrice et risque
de masquer toute cette dimension interactive évoquée par la définition de Al-
tet (1996). Les gestes professionnels de l'enseignant dépassent largement le
cadre strict de l’enseignement et de l'apprentissage d’une discipline scolaire,
46 Créer des conditions d'apprentissage
Ensemble des
milieux d'éducation
et de formation Actions et pratiques
éducatives
FIGURE 3
TREMMPENEETE
myCSA
Des
A
AT
\
on caractèrè \
_>-particulie \
+des théories
de l'éducation par rapport à la
réalité des situations éducatives
FIGURE 4
SERUERCERSS
Théories et pratiques
%
AP
Mt
Les curricula décrivent des «compétences virtuelles», ce sont de bon-
nes balises pour préparer ou concevoir un programme de formation, ce ne
sont toutefois pas des outils de formation. Ces listes ne sont pas opérationnel-
les en matière de formation et d'apprentissage. Par ailleurs, l'accès direct à
une «compétence effective» (celle qui a permis le traitement avec succès
d’une situation) est impossible. Cependant, nous pouvons observer une série
d'indicateurs qui permettent de décrire à posteriori la compétence. Par exem-
ple, ces indicateurs peuvent être dégagés au départ d'analyses d'interviews
d'enseignants commentant un enregistrement magnétoscopé d'activités qu'ils
ont particulièrement bien réussies avec leurs élèves. Lorsqu'ils décrivent les
ressources qu'ils ont utilisées pour traiter ces situations, comment ils les ont
agencées entre elles et où ils ont pu les mobiliser, ces enseignants évoquent la
compétence qu'ils ont effectivement mise en œuvre pour traiter la situation
analysée. De tels enregistrements sont de bons outils de formation, ils permet-
tent à de futurs enseignants de découvrir les compétences dans les situations
traitées elles-mêmes.
Cela revient-il à dire que nous ne prenons en considération que les
compétences effectives (celles qui ont réellement permis la réussite d’une ac-
tion sur le terrain) et non les compétences virtuelles (celles qui sont énon-
cées dans les programmes et les curricula de formation) ?
Non, bien sûr. Nous l'avons déjà écrit ailleurs (Jonnaert, 1997a), l’en-
seignant est un ajusteur de programmes. Sans cesse, il adapte les contenus
des programmes à l'unique réalité qui est la sienne : ses élèves et leurs connais-
sances. Les programmes sont rédigés pour un élève abstrait qui correspond à
un standard que nous ne rencontrons que rarement dans nos classes. Les
compétences virtuelles, définies dans les programmes constituent un matériau
de base que l'enseignant adapte et modifie en fonction de la réalité de sa classe
tout en conservant les orientations, les grands axes et la direction fournis par
ces programmes. Il ne peut en faire abstraction. Ces programmes balisent le
parcours qu'il a à réaliser avec ses élèves à propos des savoirs codifiés.
4 Par ressources contextuelles nous entendons les éléments que l'enseignant peut trouver
tant dans son environnement social (un collègue, une bibliothécaire, un assistant, ...) que dans
son environnement physique (toute forme de matériel, du manuel au logiciel, mais aussi l’organi-
sation matérielle de l'environnement dans lequel se déroule l’activité) pour traiter la situation à
laquelle il est confronté, voir Perkins (1995).
… À propos du concept de didactique ! 51
Dès lors, la compétence didactique est caractérisée par les signes dis-
tinctifs de la situation didactique. Cette dernière a pour particularité de solida-
riser un enseignant et des élèves dans un projet d'enseignement et
d'apprentissage d’un contenu scolaire. L'ensemble des caractéristiques des élè-
ves, celles de l'enseignant et celles du contenu scolaire (peu importe la discipli-
ne scolaire envisagée) fournissent les propriétés de la situation didactique. Une
compétence didactique mobilise des ressources qui permettent de prendre en
considération les spécificités de chacune des composantes de la situation didac-
tique. Elle fait référence à la fois aux caractéristiques du contenu scolaire (la
discipline scolaire), aux caractéristiques des élèves et à celles de l'enseignant.
Une compétence didactique va donc puiser ses ressources dans des champs très
diversifiés, elle est pluriréférenciée. Il ne saurait en être autrement, les didacti-
ques des disciplines font elles-mêmes référence à différents champs.
Les didactiques des disciplines sont partiellement incluses dans le vas-
te champ des sciences de l'éducation. Elle sont aussi partiellement incluses
dans celui de la discipline scolaire pour laquelle elles développent un projet
d'enseignement et d'apprentissage. Ainsi, la didactique des mathématiques est
autant concernée par le champ des sciences de l'éducation que par celui des
mathématiques. Enfin, elles empruntent une série d'éléments à des disciplines-
outils telles la psychologie, la sociologie, l’épistémologie, la pédagogie, …
Disciplines carrefours, les didactiques des disciplines, lorsqu'elles
s'intéressent aux problématiques d'enseignement et d'apprentissage d'une
discipline scolaire, articulent efficacement des apports d'origines diverses
52 Créer des conditions d'apprentissage
po Ce 2
Compétences Compétences
virtuelles effectives
décrites dans validées par des
les curricula actions réussies
de formation en situation
is é
FIGURE 5
RAP CEA
FERESLEE
LE CADRE SPÉCIFIQUE
D'UNE RÉFLEXION DIDACTIQUE
… Où l'on contextualise les didactiques
des disciplines dans le milieu scolaire!
Pourquoi dès lors ne pas se limiter à évoquer, stricto sensu, les pro-
cessus d'apprentissage scolaire ?
Actuellement, il n’est plus possible de considérer l'apprentissage sco-
laire comme un processus autonome, indépendant du contexte dans lequel il
se développe. Pea (1993) définit le concept d'intelligence distribuée
(«distributed intelligence») selon lequel la cognition humaine dépasse les li-
mites de l'organisme lui-même. L'apprentissage humain se réalise autant dans
l'interaction avec les autres (environnement social) qu’à travers une série de
médias et un cadre physique (environnement physique). Perkins (1995 :
58) reprend cette approche et adopte le point de vue selon lequel :
l’environnement — à savoir les ressources sociales et physiques si-
tuées dans l’environnement immédiat en dehors de l'individu — fait
partie de la cognition, non pas seulement comme source ou récepteur
d'informations, mais également comme un véhicule de la pensée;
la trace laissée par la pensée — ce qui est appris — se retrouve non
seulement dans l’esprit même de l'individu qui apprend, mais égale-
ment dans l’organisation de l’environnement, et constitue tout autant
: un apprentissage de bon aloi.
Les propos de Perkins (1995) sont cognitivistes et évoquent essentiel-
lement les processus de traitement de l'information”. Une série de travaux
confirment ce point de vue tant dans l'interaction des apprenants avec l’envi-
ronnement physique qu'avec l’environnement social. Les uns (Pressley, Wood
et Woloshyn, 1990; Salomon, Perkins et Globerson, 1990; Pea, 1993; Perkins,
1995; ...) montrent l'importance des outils strictement matériels dans le pro-
cessus d'apprentissage scolaire; les autres, dans la lignée de Mugny (1991) ou
de Perret-Clermont, A.N., Brun, J., Conne, F., El Hadi, S. et Schubauer, M. L.
(1982) mettent l’accent sur les interactions sociales dans l'apprentissage
scolaire.
L'apprentissage scolaire est donc nécessairement contextualisé dans un
environnement physique et social particulier : l'environnement scolaire. Les
didactiques des disciplines s'intéressent à l’optimalisation de ces apprentissages
et travaillent essentiellement sur les conditions des apprentissages des conte-
nus des disciplines scolaires. Elles s'inscrivent donc, au moins pour une bonne
part de leurs travaux, dans le contexte particulier de l'environnement scolaire.
5 Les propos de Perkins (1995) évoquent l’idée de l’individu-plus basée sur l'hypothèse d’un
accès équivalent («equivalent acces hypothesis »). Selon cette hypothèse, la pensée et
l'apprentissage dépendent dés caractéristiques d'accès de la connaissance envisagée par
l'apprentissage.
56 Créer des conditions d'apprentissage
EEE
TS RARE Et
Les propos de cet ouvrage sont didactiques, ils s'inscrivent donc dans
un contexte scolaire. Toutefois, leur cadre particulier est essentiellement
(mais pas exclusivement) le vécu quotidien d’une classe. Une classe du secon-
daire ou du primaire, ou toute autre classe avec des élèves, un enseignant, des
contenus d'apprentissage, un local, un horaire, un calendrier, des manuels,
des programmes, un tableau, ... et mille petites contraintes (les faits contin-
gents) que seul le hasard du déroulement d’une journée scolaire permet de
révéler.
Pour entrer dans les contenus didactiques des textes qui suivent, le
lecteur doit d’abord évoquer les classes qu'il a lui-même connues en tant
qu'élève, étudiant, stagiaire ou enseignant et en conserver, tout au long de sa
lecture et de ses réflexions, les images qu'elles suscitent. Il s’agit de ces clas-
ses-là! Les pages à venir traitent de ce qui s’y passe, des gestes de l'enseignant
comme de ceux de l'élève, de leurs activités respectives d'enseignement et
d'apprentissage, des disciplines scolaires qui y sont travaillées.
Une classe
Un regroupement quasi
aléatoire d'individus
hétérogènes dans un
espace et pour un temps
déterminés
FIGURE 6
FRERES
Une classe
réponse formulée par un élève, faire ou non une digression, demander ou non
à tel autre élève de se taire,.
Le «Menon» de Platon.
«Socrate : appelle-moi quelqu'un de ces nombreux esclaves qui sont à ta suite, celui que tu
voudras, afin que je te fasse voir sur lui ce que tu souhaites.
Menon: volontiers, viens ici!
Socrate: est-il grec ?
Menon: fort bien; il est né dans ma maison.
Socrate: sois attentif à examiner s'il te paraîtra se ressouvenir de lui-même ou apprendre de
moi.
Menon: jy ferai attention.
Socrate: dis-moi, mon enfant, sais-tu que ceci est un espace carré ?
L'esclave : oui...»
6 La réminiscence est une théorie platonicienne selon laquelle notre connaissance est le sou-
venir d’un état ancien où, avant d’être incarnée dans un corps, notre âme était en contact immé-
diat avec des «Idées» pures.
60 Créer des conditions d'apprentissage
ES ee 57
«(...) il nous suffit, pour parler de situation didactique au sens large, de nous trouver
dans un contexte où il y a intention d'enseigner quelque chose à quelqu'un (...). Au
sens restreint, la situation didactique sera définie par l'échange organisé localement
entre le maître, les élèves et un contenu précis d'enseignement ».
Perret-Clermont et al. (1982 : 16 et 17)
Ces trois dimensions (1) des élèves, (2) un enseignant et (3) un con-
tenu d'apprentissage peuvent être représentés symboliquement par les trois
sommets d’un triangle.
Des élèves
Un contenu
R
nes P
FIGURE 7
Lo |
Un triangle symbolique
… Als’agit d'un triplet solidaire plutôt que de trois sommets d'un triangle.
Meljac (1973 : 43) tenait déjà des propos semblables il y a plus de trente
années :
«(..…) pour nous le processus qui se met en place, fond en un tout trois facteurs en
interactions permanentes :
— la nature du concept;
— les informations ou stimulations apportées par le monde extérieur;
— la nature du sujet.
(...) Les psychanalystes et assimilés ne parlent que du sujet; les mathématiciens et
les logiciens ne parlent que du concept, omettant la personne qui le manipule; les pé-
dagogues ont souvent l'illusion que seul importe le type d'expériences qu'ils propo-
sent pour l'apprentissage ».
7 Qu'il s'agisse de savoir, de savoir-faire ou de savoir-être, ce savoir s'inscrit dans une disci-
pline scolaire ou dans une pratique professionnelle de référence. L'analyse faite à ce niveau par
le didacticien a pour objet les transformations que subit ce savoir par celui qui apprend. Lorsque
nous parlons de savoir, nous évoquons les contenus des programmes, des manuels scolaires, des
curricula ou autres répartitions de matière. Il s’agit des contenus d'apprentissage institués par le
système scolaire et la société, ces savoirs sont parfois désignés par l'expression «savoirs
codifiés». Par contre, lorsque nous parlons de connaissance, nous évoquons le patrimoine cogni-
tif de l’apprenant. Cette distinction est importante, nous y reviendrons ultérieurement.
64 Créer des conditions d'apprentissage
4. DIDACTIQUE ET PÉDAGOGIE
rer
Antagonismes ou complémentarités ?
Pour Altet (1996 : 32), ce qui fait la spécificité des tâches d’enseigne-
ment «c’est qu’elles couvrent deux champs de pratiques différentes mais
interdépendantes : d’une part celui de la gestion de l’information, de la
structuration du savoir par l'enseignant et de leur appropriation par
l'élève, domaine de la Didactique et d'autre part le champ du traitement
et de la transformation de l'information transmise en Savoir chez l'élève
par la pratique relationnelle et les actions de l'enseignant pour mettre en
œuvre des conditions d'apprentissage adaptées, domaine de la
Pédagogie ?».
4.2 Document
Document extrait de Spallanzani et Jonnaert (1997 : 21)
Description de la recherche : il s'agit d’une recherche exploratoire
menée auprès d'enseignants universitaires des didactiques des disciplines et
d'enseignants du primaire. Un échantillon occasionnel de 32 sujets répartis
entre les deux catégories a été retenu, une entrevue a été passée avec ces der-
niers, les différentes questions de l’entrevue portaient sur les concepts de di-
dactique et de pédagogie et sur les distinctions entre ceux-ci. Ce travail
préliminaire à une recherche plus importante avait pour fonction de détermi-
ner les conceptions des uns et des autres afin d'élaborer un questionnaire à
propos des concepts de didactique et de pédagogie.
l'enseignant pour qu'il puisse organiser une activité pertinente avec ses élèves e
au départ de leurs observations sur les têtards.
Cet exemple établit la distinction entre le regard pédagogique et le re-
gard didactique sur une séquence de classe. Il montre aussi la complémenta-
rité entre ces deux visions d’un même phénomène.
Les questions que l’un et l’autre se posent sont peu dissociables. !
— Pourquoi les élèves du groupe acceptent-ils — Quelle importance cette «ventouse» a-t-
sans critique les propositions de Jacques ? elle dans la conception ‘© que ces élèves se
— Pourquoi David est-il perçu comme un construisent d’un têtard ?
perturbateur ? — Quelle activité proposer à ces élèves pour
— Pourquoi les propositions pourtant perti- qu'ils puissent critiquer cette ventouse
nentes de David ne sont pas prises au qu'ils attribuent au têtard ?
sérieux ? — Comment exploiter la démonstration de
— Quelle relation Marc établit-il avec l’ensei- David qui met en cause cette ventouse ?
gnant dont il craint les sanctions ? - Quels sont les autres éléments retenus
— Comment mieux organiser les échanges par ces élèves à propos du têtard ?
entre les élèves à l’intérieur de ce groupe ?
10 À la suite de Giordan et de Vecchi (1987), les auteurs ont adopté le terme de «conception»
plutôt que celui de «représentation» pour évoquer les connaissances que l’élève mobilise dans
son propre répertoire cognitif lorsqu'il est confronté à une tâche à réaliser. Ce point est clarifié
plus loin dans le texte. Retenons, en une première approche de ce concept, la définition
suivante :
«Par conception, nous entendons un processus personnel, par lequel un apprenant structure au
fur et à mesure les connaissances qu'il intègre. Ce savoir s’élabore, dans la grande majorité des
cas, sur une période assez longue de sa vie, à partir de son archéologie, c’est-à-dire de l'action
culturelle parentale, de sa pratique sociale d’enfant à l’école, de l'influence des divers médias et,
plus tard, de son activité professionnelle et sociale d’adulte (club, famille, associations, etc.) ».
Giordan et de Vecchi (1987 : 85)
Créer des conditions d'apprentissage
date, qu’en est-il des didactiques ? Le temps est venu de clarifier le concept
central de notre réflexion : Le concept de didactique, ce sera, sous forme
d'exercice, l’objet du prochain paragraphe.
CL IBLIU If IEQUE
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JniIvers {| hiéhon À Dimmnu nl!
… À propos du concept de didactique ! 71
DRE
PER EN SOINS
«La didactique des sciences se définit par une centration nouvelle sur les contenus de
l'enseignement scientifique. Celle-ci ne doit pas s’interpréter comme un intérêt exclusif
pour les savoirs, au détriment des aspects méthodologiques qui s’en trouveraient
écartés, voire déniés. Ce qui la fonde plutôt, c'est la prise de conscience qu’existent
des difficultés d'appropriation qui sont intrinsèques aux savoirs, difficultés qu'il faut
diagnostiquer et analyser avec une grande précision pour faire réussir les élèves ».
cer
lecteur peut alors analyser les tendances des différentes définitions du con-
cept de didactique proposées dans la littérature. Elles sont légion et un lecteur
attentif ne peut les accepter sans en avoir dégagé, analysé et critiqué le con-
tenu. Sur base des paragraphes qui précèdent, cinq critères semblent incon-
tournables pour analyser ces définitions :
(1) les trois partenaires (élèves, enseignant, savoir) sont évoqués (ou
non) dans la définition;
(2) l'interaction entre ces trois pôles est privilégiée (ou non) dans la
définition;
(3) l'orientation vers l’action est précisée (ou non) dans la définition;
(4) le savoir codifié, inscrit dans une discipline scolaire, est systéma-
tiquement pris en compte (ou non) dans la définition;
(5) une intention d'enseignement et d'apprentissage est exprimée
(ou non) dans la définition.
Par ailleurs, chaque définition peut s'inscrire dans au moins une des
trois orientations classiquement retenues pour classer les travaux des cher-
cheurs en didactique (Halté, 1992; Lemoyne, 1996) :
(1) la réflexion porte prioritairement sur les objets d'enseignement; la
dominante est épistémologique;
(2) la réflexion porte prioritairement sur les conditions d’appropria-
tion du savoir, la dominante est psychologique;
(3) la réflexion porte prioritairement sur l'intervention didactique, la
dominante est praxéologique.
La définition précise-
t-elle la solidarité entre
ces trois partenaires ?
La définition présente-
t-elle une dominante
épistémologique ? (prio-
rité accordée aux savoirs
et à leur analyse)
… À propos du concept de didactique ! 75
éments correspondants |
‘tauxcritèresdans la dénition
: Commentaires
La définition présente- la des présente une FE auteurs précisent
t-elle une dominante nante psychologique parce cependant que la didactique
psychologique ? (priorité qu’elle est orientée vers l'étude ne se réduit pas à la psy-
accordée aux processus des processus d'enseignement chologie (ni à la pédagogie,
d'apprentissage) et d'apprentissage ni aux autres corps de
savoir dont l'apprentissage
est visé)
La définition présente-
Fe)
t-elle une dominante
praxéologique ?
(priorité accordée à
l'intervention didactique)
re | : Éléments correspondants
Commentaires
| aux critères dans la définition
Éléments correspondants
Critères
aux critères dans la définition Commentaires
L'enseignant est-il pris en évoquant l'enseignement,
considération ? l'enseignant est implicite-
ment pris en considération
La définition présente-
t-elle une dominante
épistémologique ?
(priorité accordée aux
savoirs
et à leur analyse)
La définition présente-
telle une dominante
psychologique ?
(priorité accordée aux pro-
cessus d'apprentissage)
Consignes
Pour réaliser cet exercice, le lecteur peut appliquer les consignes
suivantes :
— Une série de définitions sont relevées dans la littérature francophone
à propos du concept de didactique. Après avoir lu attentivement cha-
cune d’entre elles, il est suggéré de leur appliquer la grille de critères
utilisée pour les deux définitions analysées antérieurement.
— Après avoir analysé chacune de ces définitions, le lecteur peut en éta-
blir une classification en reprenant les trois dominantes évoquées
dans la grille d'analyse. Cette classification peut se concrétiser à l’aide
de l’outil n° 1 (dans lequel les 2 définitions analysées sont déjà
placées). ,
Outils »
Deux outils sont proposés pour réaliser cette analyse :
— outil n° 1 : un tableau de classification.
— outil n°2 : un tableau des critères;
Tableau de classification
Épistémologique
(la définition accorde la priorité à l'étude des
contenus d'enseignement et d'apprentissage)
MaAUDET (1987)
«La didactique, dans la mouvance du courant français de didactique des mathémati-
ques et des sciences, sera définie comme un projet de faire approprier à un sujet un
savoir. Le champ de la didactique comporte donc un recours à toutes les sources sus-
ceptibles d'expliquer les processus de formation intellectuelle : psychologie, biologie,
épistémologie, linguistique, … La didactique étudie l’évolution des interactions entre
un savoir en voie de construction, un système éducatif et des élèves; cette étude a
pour but d’optimiser les modes d'appropriation par le sujet de ce savoir. Il n'est de di-
dactique — pour l’école française — qu’appliquée à une discipline ».
Maudet (1987 : 5 et 6)
80 Créer des conditions d'apprentissage
TocHon (1989)
«Le didacticien des mathématiques s'intéresse au jeu qui se mène — tel qu'il peut
l'observer, puis le reconstruire en nos classes concrètes — entre un enseignant, des
élèves et un savoir mathématique. Trois places donc : c'est le système didactique.
Une relation ternaire : c'est la relation didactique. Voilà la base du schéma par lequel
la didactique des mathématiques peut donc entreprendre de penser son objet. Sché-
matisme fruste, sans doute, mais dont la vertu première est de mettre à distance les
perspectives partielles où l’on a trop longtemps, et vainement, cherché une élucida-
tion satisfaisante des faits les mieux attestés : telle la trop fameuse «relation ensei-
gnant-enseigné », qui a obscurci, pendant deux décennies au moins, l’abord des faits
didactiques les plus immédiatement transparents. Schéma polémique, fonctionnant
en rectification d'une erreur trop longtemps maintenue. Mais cela posé, c'est-à-dire
dès lors qu'il devient possible de parler de ce troisième terme, si curieusement
oublié : le savoir, une question peut se formuler, qui donne à la polémique son véri-
table tranchant : ce qui, dans le système didactique vient à paraître à l'enseigne du
Savoir, qu'est-ce donc ? Le «savoir enseigné » que, concrètement, l'observateur ren-
contre, quel rapport entretient-il à ce qui de lui alentour se proclame ? Et quel rapport
encore avec le «savoir savant», celui des mathématiciens ? Des uns et des autres,
quels écarts ?»
Bru (1991)
« (-..) lllustrons notre propos et représentons le champ principal d'investigation par ce
qu'il est convenu d'appeler le triangle didactique. Ses trois sommets marquent la
spécificité des réflexions respectivement sur :
… À propos du concept de didactique ! 81
BROUSSEAU (1994)
«La didactique des mathématiques serait donc la science des conditions spécifiques
de la diffusion des connaissances mathématiques.
Cette définition devrait encore être élargie car il est établi que la diffusion entraîne et
requiert des transformations des savoirs, et qu’elle ne se produit qu’en fonction de
l’activité cognitive propre des systèmes en interaction. La didactique devrait donc
aussi inclure (ou être incluse dans) l'étude des conditions et de l'existence (et donc
aussi de l'apparition voire de la création) des connaissances mathématiques. Cette
extension engloberait l’'épistémologie classique tout entière à laquelle elle adjoindrait
un volet expérimental et qu'elle ouvrirait à des approches nouvelles comme l’appro-
che anthropologique,
La didactique des mathématiques se place ainsi dans le cadre des sciences cogniti-
ves comme la science des conditions spécifiques de la diffusion des connaissances
mathématiques utiles au fonctionnement des institutions humaines ».
Brousseau (1994 : 52)
DEVELAY (1994)
«Les didactiques des disciplines enseignées empruntent à l'épistémologie du savoir
dont elles ont la responsabilité, aux psychologies et aux sciences pédagogiques pour
observer, analyser, comprendre, en situation scolaire le plus souvent (de la maternel-
le… jusqu'à l'Université plus rarement), en situation extra-scolaire parfois (création et
évaluation d'expositions, de documents de vulgarisation, ….), les interactions entre
l'enseignement et l'apprentissage. (...)
Les concepts de la didactique permettent d'interroger trois champs de réflexion : les
savoirs en jeu (...), les structures cognitives des apprenants en tant que sujets épis-
témiques (...), les pratiques pédagogiques incluant les méthodes d'apprentissage mi-
ses en œuvre (...).
Ces trois domaines en interaction peuvent alors donner naissance à une approche
systémique de l’enseignement et suggérer une réponse à des questions aujourd'hui
centrales telles que la prise en compte de l’hétérogénéité des élèves.
(..) La didactique est à ranger alors du côté de la praxéologie de l'éducation cognitive
qui se réclame d'une approche multiréférentielle au plan méthodologique, intégrant
entre autres des approches historico-génétiques, empiriques, comparatives et
philosophiques ».
Develay (1994 : 79 et 81)
82 Créer des conditions d'apprentissage
LE
ECSSE EEE CE]
RAVENSTEIN (1995)
«La didactique est une discipline récente. Elle tient sa spécificité de sa volonté clai-
rement annoncée de vouloir se constituer comme une science à part entière dans un
cadre plutôt poppérien, se distinguant de la pédagogie, essentiellement en évitant de
s'orienter à partir de visées prescriptives. L'originalité la plus grande de l'approche di-
dactique est qu’elle s'intéresse à l'intention d'enseigner et d'apprendre des savoirs
particuliers, se déprenant de ce qu'elle désigne comme une illusion et qu'on pourrait
énoncer ainsi : seul importe le type d'expérience qu'on propose pour l'apprentissage,
l'heuristique faisant le reste ».
Ravenstein (1995 : 119)
6.1 Introduction
«(...) Cette volonté d'enseigner entraîne une intervention sur un processus de forma-
tion des connaissances, processus que nous présupposons chez les enfants en —-
référence aux études de psychologie et d'épistémologie génétique: elle transforme
en élèves et en maîtres des sujets sur lesquels les psychologies (génétique, sociale,
cognitive, clinique, etc.) nous fournissent des résultats importants; on aimerait parfois
se satisfaire de ces résultats importants et de ces problématiques pour en déduire
des interventions ou pour chercher à les éviter. Cette volonté d'enseigner modifie
également les mathématiques elles-mêmes (voir le processus de transposition
didactique, Chevallard, 1980; Conne, 1981; ..), mathématiques dont l'histoire et
l'épistémologie constituent des ressources indispensables pour penser l'en-
seignement».
Brun et Conne (1990 : 262)
12 Les auteurs de cet ouvrage fonctionnent essentiellement dans le cadre de la formation uni-
versitaire des enseignants et des enseignantes. Ils limitent donc volontairement le contenu de ce
livre à leur propre expérience de formateur, tant en formation initiale qu’en formation continue
des enseignantes et des enseignants. S'ils n'évoquent pas l'élargissement des didactiques comme
le souhaite Develay, ils ne le rejettent pas pour autant. Les didacticiens ont un important travail
à réaliser dans le domaine très vaste de la vulgarisation scientifique. Ils ont un rôle à jouer dans la
divulgation des savoirs scientifiques à travers différents média tels les musées, les revues et les
ouvrages de vulgarisation, la publicité, les émissions scientifiques diffusées à la télévsion, etc.
Toute forme de diffusion d’un savoir scientifique nécessite l'expertise d’un didacticien de cette
discipline.
… À propos du concept de didactique ! 87
EXEMPLE
Les premiers travaux d'histoire qui permettent de retracer l'évolution des didactiques ré- ELÉé
pondent à des questions «sur» les didactiques.
Il existe donc actuellement deux grandes catégories de questions de
recherches en didactique : les questions «de» didactique et les questions
«sur» les didactiques.
(4) L'analyse des travaux de recherche des didacticiens permet de dégager essentiellement
deux catégories de questions de recherche :
— a) les questions «de» didactique dont les réponses permettent d'améliorer d'une
manière ou d’une autre les processus d'enseignement et d'apprentissage d’une disci-
pline scolaire;
— b) les questions «sur» les didactiques dont les réponses permettent de mieux compren-
dre les concepts didactiques et les didactiques elles-mêmes.
OoES
ns
Lorsqu'’elles répondent à des questions «de» didactique, la finalité des didactiques est de
permettre à un apprenant de réussir des apprentissages à propos d'une discipline scolaire;
en ce sens, les didactiques des disciplines s'intéressent aux interactions entre les processus
d'enseignement et les processus d'apprentissage; dans cette perspective, les didactiques
des disciplines étudient également les transformations que subit le savoir pour devenir un
objet d'enseignement, ensuite un objet de connaissance.
(6Sr L'objet premier des recherches répondant à des questions «de» didactique est le rapport
que les apprenants établissent entre leurs propres connaissances et le savoir institutionna-
lisé.
(?) Lorsqu'elles répondent à des questions «sur» les didactiques, la finalité des didactiques est
de développer un savoir théorique sur une ou sur plusieurs didactiques des disciplines.
(8) Les didactiques des disciplines élaborent leur corpus théorique, méthodologique et scienti-
fique en effectuant de nombreux empruntsà d’autres disciplines.
(9) Les didactiques des disciplines fournissent, au départ des résultats de leurs recherches, des
pistes d'action validées d'enseignement et d'apprentissage aux enseignants.
7. LA RELATION DIDACTIQUE
… OÙ le lieu de convergence des questions
de didactique!
7.1 Introduction
Les principaux objets d'étude des didactiques des disciplines s’articu-
lent le plus souvent autour de la relation didactique ou d’une (ou de plu-
sieurs) de ses composantes en interaction avec les autres.
Le point de départ de toute relation didactique est l'intention nourrie
par quelqu'un (souvent un enseignant) de mettre en place les conditions pour
qu’une ou plusieurs autre(s) personne(s) (souvent des élèves) apprennent
avec succès un contenu d'apprentissage (souvent des contenus, qu'il s'agisse
ou non de savoirs, relatifs à une discipline scolaire).
Dès que cette intention est clarifiée d’abord, opérationnalisée ensuite,
mise en œuvre enfin, nous pouvons dire qu’une relation didactique se met en
place.
Ainsi, une relation didactique existe à partir du moment où des élèves
(ou tout autre type d’apprenants) se réunissent avec un enseignant (ou tout
autre médiateur) pour réaliser des activités (essentiellement des activités
d'apprentissage, mais pas exclusivement) à propos d’un contenu (il peut s’agir
de savoirs appartenant à des disciplines scolaires, des savoirs professionnels,
des savoir-faire, des savoir-être, ...) dans un cadre spatial déterminé (souvent
un local de classe) et pour une durée limitée (souvent un horaire scolaire).
La relation didactique est donc le lieu principal des travaux, des ques-
tionnements, des recherches, ..., des réflexions, des propos des didacticiens.
Il est donc important de clarifier ce concept dans un ouvrage de didactique.
Cette relation didactique est complexe car animée par une série de
composantes en interaction.
(11) un temps;
[par exemple, l'horaire scolaire à l’intérieur duquel l’ensei-
gnant et les élèves ont fixé la durée de l’activité]
(12) un espace;
[par exemple, un local de classe]
(13) un contrat didactique;
[par exemple, le partage des responsabilités entre les élèves et
l'enseignant à propos des tâches à réaliser à propos de la dé-
couverte d’une procédure pour calculer une moyenne arith-
métique, mais aussi les attentes qu'enseignant et élèves ont
chacun les uns des autres à propos de cette tâche]
(14) le hasard;
[par exemple, l'absence de l'élève qui détient le relevé pluvio-
métrique des cinq premiers jours la dernière semaine
d'observation; cela nécessitera de calculer la moyenne sur
une base journalière plutôt que sur une base hebdomadaire]
Un contrat
Un matériel DE didactique
D (10 Le Nr B (13
FIGURE 8
É ps ]
La relation didactique
94 Créer des conditions d'apprentissage
par exemple, porté sur les conceptions des élèves à propos de concepts liés
aux disciplines scolaires 4. Mais le chercheur ne découvrira la signification de
la composante qu'il a isolée qu’à travers l'analyse des interactions qu’elle en-
tretient avec les autres dimensions de la relation didactique dont elle est ex-
traite. Par exemple, le lecteur peut retourner à l'illustration relative aux
«têtards» (point 2.4.3) et analyser les interactions entre les élèves et le con-
tenu dans cette relation didactique {il s’agit des conceptions de ces élèves à
propos du têtard] :
Seule l'analyse des échanges que les élèves ont entre eux à propos des
têtards qu'ils observent dans le bocal permettra de découvrir la signification
de cette conception. Dans l'analyse de ces conceptions, le matériel didactique
utilisé par l'enseignant, le bocal de verre, est probablement déterminant.
Le chercheur formulera sans doute différentes hypothèses qui met-
tent en interaction les conceptions des élèves et le matériel didactique. Il est
en effet peu probable que ces élèves se soient construit une telle conception
(«les têtards ont une ventouse sur le ventre») lors d’une observation de té-
tards au cours d’une activité dans un marais. Une analyse fine de cette con-
ception permettra sans doute au didacticien de dégager l'importance de
l'interaction avec l’environnement physique du phénomène observé (des té-
tards dans un bocal) lors de la construction par les élèves de cette conception.
Une analyse en surface permet, quant à elle, de ne dégager que quelques élé-
ments relatifs aux interactions sociales entre les élèves. Bref, une compréhen-
sion d’un des éléments de la relation didactique ne peut se faire qu’en
retraçant les liens qu'il établit avec les autres éléments de la relation didac-
tique.
Siles composantes de la relation didactique :sont très solidaires les unes avec
les autres, une composante est-elle plus importante que les autres 72
14 À ce propos, il est intéressant d'analyser les contenus des actes des journées pour l’ensei-
gnement scientifique tenues annuellement à Chamonix. Ces documents suivent l’évolution des
travaux en didactique des sciences depuis plus de quinze ans. Les premiers actes remontent à
1979 et témoignent d’un engouement particulier des chercheurs pour la problématique des con-
ceptions des élèves. Ils peuvent être obtenus à l'INRP : 29 rue d'Ulm, F. 75230 Paris Cedex 05.
Les Actes de l'Atelier International de Didactique de la Physique (La Lande les Maures,
1983) constituent un autre document intéressant à ce propos, ils peuvent être obtenus à
L.LR.E.S.PT, Université de Paris 7, 2 place Jussieu, F. 75231 Paris Cedex 05. Deux autres docu-
ments sont également intéressants car ils montrent bien le souci de l’époque de comprendre les
conceptions des élèves, préoccupation nouvelle en éducation : le Bulletin de Psychologie,
vol.32(340), 1979 et la Revue Française de Pédagogie, vol. 68, numéro de juillet, août et sep-
tembre 1983. Enfin, dès ses premiers numéros, la revue Recherche en Didactique des Mathé-
matiques présente des textes et des études sur les conceptions des élèves.
96 Créer des conditions d'apprentissage
PORT
AE TR SANDER
Le contenu ne peut être absent d’une relation didactique, c’est lui qui
en définit l'identité. Si le contenu est biologique, il est question de didactique
de la biologie; si le contenu est mathématique, il est question de didactique
des mathématiques, … et ainsi de suite. Même si une perspective interdisci-
plinaire est envisagée, il ne peut être question d’interdisciplinarité qu’en pré-
sence de deux disciplines au moins et de l'interaction entre les contenus de
ces dernières. À défaut, toute interdisciplinarité est illusoire. Le savoir est in-
contournable. Les rapports que chaque composante de la relation didactique
entretient avec ce savoir déterminent non seulement l'identité de la relation
didactique mais aussi tout le déroulement de cette dernière. Les mots clés de
la relation didactique sont «savoir» et «rapports entre les connaissances des
élèves et ce savoir». Sans «savoir», il n’y a pas de relation didactique.
Le contrat didactique quant à lui, définit la dynamique de la relation
didactique, il établit les règles du jeu et clarifie ce que chacun est en droit d’at-
tendre des autres. Il est incontournable. (Un chapitre ultérieur est consacré
entièrement à cette dimension très importante).
Mais même si ces deux composantes (un contenu et un contrat di-
dactique) ont un rôle majeur et déterminent la relation didactique, c’est dans
leurs interactions avec les autres composantes qu'elles acquièrent toute leur
signification.
Est-il possible de prendre en considération toutes les composantes et
toutes les interactions à l’intérieur d’une relation didactique ? Cela nous sem-
ble illusoire. Un tableau à double entrée reprenant uniquement les composan-
tes énumérées (il en est d’autres) et les croisant entre elles comprendrait déjà
144 cellules. Chacune de ces cellules peut à son tour être recombinée avec les
composantes de la relation didactique et ainsi de suite. La complexité de la re-
lation didactique explique, au moins partiellement, la complexité de la tâche
d'enseignement.
_ La relation didactique peut alors être considérée comme l'ensemble des interac-
tions qu'‘entretiennent entre eux des élèves et un enseignant dans la réalisation
d'une action finalisée à propos d'un contenu d'enseignement et d apprentissage
dans un cadre spatio- temporel déterminé, en général le cadre scolaire.
e UNE DÉFINITION...
Une relation didactique est constituée d’un ensemble de rapports s0-
ciaux qui s’établissent entre des élèves et un enseignant (ou plusieurs ensei-
gnants) dans la perspective de réaliser une action finalisée dans un cadre
spatio-temporel scolaire déterminé. Les composantes de la relation didactique
sont déterminées par le rapport que chacune d’entre elles entretient avec
l'objet de la relation didactique (qu'il s'agisse ou non d’un objet de savoir) ;
ces Composantes entretiennent également des liens de solidarité entre elles.
… À propos du concept de didactique ! 99
CSL
PRETTEE PRIE
8.1 Introduction
8.2 Uneillustration
EXEMPLE
Les savoirs en jeu dans la relation didactique et les rapports que cha-
cun entretient à ces savoirs sont systématiquement pris en compte dans une
approche didactique. C’est la première caractéristique d’une démarche de di-
dacticien ou de toute analyse didactique.
Mais que comprendre par «rapport au savoir», et puis qu'est-ce qu'un
«Savoir» ou une «connaissance » ?
D'une façon classique, par savoir, nous désignons les savoirs consti-
tués (Brun, 1994; Conne, 1992), ceux qui sont décrits dans les programmes.
C’est à leur propos que se développe un projet d'enseignement et d’apprentis-
sage autour duquel se réunissent élèves et enseignant.
La transposition didactique s'intéresse aux transformations des sa-
voirs. Il s’agit donc, dans sa version originelle, de processus externes au sujet
qui apprend.
Les savoirs scolaires sont décrits dans les programmes et les curricula
de formation. Ils le sont dans la perspective de devenir un jour des connais-
sances d'élèves.
La logique des savoirs respecte l’organisation des matières scolaires,
elle s'inscrit dans des progressions, des structurations de contenus et une in-
tentionalité d'action.
17 Les objectifs opérationnels sont prescriptifs car ils définissent un comportement que chacun
doit atteindre au terme de l'apprentissage, ils ne prennent pas en considération les comporte-
ments différents de ceux qu'ils prescrivent; ils sont normatifs, car ces comportements sont défi-
nis en termes de critères de manière à pouvoir être évalués. Un comportement qui ne
correspond pas aux critères définis dans l'objectif est sanctionné par un échec. Les objectifs opé-
rationnels permettent ainsi de situer la cause de l’échec de l’apprentissage sur l'élève qui n'est
pas parvenu à maîtriser le comportement attendu, défini pour lui.
106 Créer des conditions d'apprentissage
Éa
+3 +2
20 dat me dr
1745 æ M7 1 ‘» 22
De r
+5
FIGURE9
LA 7 se ue)
18 Cette situation de classe a été observée lors de la supervision d’une stagiaire, future ensei-
gnante, suivant les cours à l'École Normale de Braine-le-Comte (Belgique francophone).
… À propos du concept de didactique ! 107
10 +4=14+7=01
14+6=20+1=21
(+ 1=14=#7=021
10+10=20+1-=21
14+6-20+1-=-21=14+7
AT
=PB les 21
(7 +7) +(7+
0) =21
14+10-24-3=21;10-3-7
Par ce long dialogue, nous pouvons constater que cette stagiaire chan-
ge progressivement de référence. Ce n’est plus le «savoir» mathématique, tel
que sans doute décrit dans son cours de mathématiques, qui compte à la fin
du dialogue. Elle prend en considération, à partir de ce moment, les concep-
tions et les théories dans la tête de ses élèves. D'une démarche de jeune sta-
giaire, forte de ses connaissances sur les savoirs mathématiques, elle est
passée à une démarche d’enseignante, intégrant dans son propre rapport au
savoir des éléments neufs telles les conceptions de ses élèves.
110 Créer des conditions d'apprentissage
ANSE ASS PRESENT
er QE)
ee ce
A7 Fe ÈS
a re + & & N
% N
Connaissances * \
antérieures de \ AR \
léBve Savoir proposé \
par l'enseignant \
UE
|
[
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+
CONNATSANCER> OS VOIRS,
7
FIGURE 10
DRASS
21 Dumont (1996) a construit une série de problèmes arithmétiques en respectant les éléments
décrits dans les typologies de Riley, Greeno et Heller (1983) ainsi que ceux de la typologie de
Vergnaud (1983). Maîtrisant ainsi la structure arithmétique des problèmes proposés aux élèves,
elle a pu comparer les conceptions des élèves à propos de ces problèmes et la structure arithmé-
tique organisée dans le problème lui-même. Les résultats de cette recherche montrent claire-
ment que les élèves reconstruisent un énoncé de problème en fonction de leurs propres
conceptions et théories dans la tête et non en fonction de la structure arithmétique proposée
dans l'énoncé suggéré par l'enseignant.
… À propos du concept de didactique ! 113
22 Dans cet ouvrage, nous n’entendons pas traiter de la problématique des «représentations
sociales». Mannoni (1998 : 74) et Jodelet (1989 : 36) proposent l’un et l’autre une approche de
ce concept à laquelle nous nous référons lorsque nous en parlons. Pour ces auteurs, la représen-
tation sociale est une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée. Une représenta-
tion sociale est donc un savoir qui sert aux individus d’un même groupe, elle est donc un
véhicule de contenus mis en circulation au cours d'échanges sociaux. La représentation sociale
est donc différente des conceptions évoquées dans cet ouvrage.
114 Créer des conditions d'apprentissage
Par ce dialogue, le lecteur constatera que les propos des élèves relè-
vent de leurs «connaissances » à propos de la germination de plantes. Le maî-
tre n'interfère pas en imposant le «savoir» de référence à propos du concept
de germination, il relance le débat et laisse les élèves exprimer leurs connais-
sances préalables à propos de ce concept. Le débat entre eux se situe donc
bien dans le cadre d’un rapport de connaissances à connaissances.
23 Le jeu présenté est décrit dans un recueil de 111 activités expérimentées dans des classes de
prémière primaire à propos des apprentissages de base en mathématique : Jonnaert (1996e).
116 Créer des conditions d'apprentissage
6] C9 © C9
— Grille de 10 cases sur laquelle l'enfant doit placer ses cartons en
commençant par placer le plus petit nombre dans la première
case à sa gauche.
ROME
— Consigne : «Place les cartons dans l’ordre croissant. Tu pla-
ces le plus petit nombre dans la première case. »
14 15 16 17 20
|
Expérimentateur : Pourquoi as-tu placé le «20» à cet endroit ?
— Élève : Parce que c'est sa place.
Expérimentateur : Tu en es certain ?
— Élève : Oui.
Expérimentateur : Pourquoi ?
— Élève : C'est comme ça, … c'est là la place de tous les «20»!
… À propos du concept de didactique ! 117
— Expérimentateur : Pourquoi est-ce que tu penses que c’est là la place de tous les «20» ?
— Élève : C'est le plus grand qu'on apprend en première.
— Expérimentateur : En es-tu certain ?
— Élève : Oui, le maître a dit qu'on irait pas plus loin cette année.
(L'élève montre la ligne orientée des vingt premiers nombres affichée dans la classe).
— Elève : Regarde là, tu vois bien c'est le dernier.
(L'élève montre la place du nombre «20»)
24 L'exemple cité rappelle celui décrit par Brousseau (1983, p. 176) : «un enfant de six ans
sait distinguer des nombres jusqu'à 4 ou 5 à l’aide de procédés basés sur la perception. Ces
procédés demiennent «coûteux» et peu fiables dès que le nombre d'objets passe à 6 ou 7. Is
échouent au-delà. Si l’on essaye d'enseigner dans l’ordre les nombres 6, puis 7, puis 8, on
se heurte à des difficultés nombreuses et croissantes et une période de désarroi apparaît.
Au contraire, si l’on propose de comparer des collections de l'ordre de 10 à 15 objets, le
modèle perceptif est si évidemment désavantageux, que l'enfant y renonce tout de suite et
met en place de nouvelles stratégies (correspondance terme à terme)».
25 À propos du concept de médiation en didactique, le lecteur intéressé peut se référer à
l'étude de Lenoir (1996).
26 Lorsque l'enseignant modifie une règle du jeu dans la situation proposée à l'élève, il oblige
l'élève de changer de conception. Ce travail n'est pertinent que si l'enseignant effectue avec
l'élève un retour à la fois sur la situation initiale et sur la conception que l'élève s’en faisait au
départ. Cette démarche est appelée «Gestion du Déplacement des Situations Problèmes »
(GDSP) car elle nécessite sans cesse une reformulation de la situation, (Jonnaert, 1986, 1988).
… À propos du concept de didactique ! 119
Connaissances
préalables de
chacun des élèves
a : Conceptions
d'autres élèves à
propos du savoir
Conceptions d'un
élève à propos du
Connaissances
non viables
diation par
nseignant
FIGURE 11
RARSSSNERSGRNT
Mais quel est ce savoir à la rencontre duquel évoluent les connaissances des
élèves ?
Le passage d'un contenu de savoir précis à une version didactique de cet objet de savoir peut
être appelé plus justement «transposition didactique stricto sensu».Mais l'étude scientifique du
processus de transposition didactique (qui est une dimension fondamentale de la didactique des
Mathématiques) suppose la prise en compte de la transposition didactique «sensu lato», repré-
sentée par le schéma :
— objet de savoir— objetà enseigner— objet d'enseignement
dans lequel le premier chaînon marque le passage de l'implicite à l’explicite, de la pratique à la
théorie, du «préconstruit» au «construit» ».
Le tourbillon
du savoir à l'intérieur
de la relation didactique
— =
Axe de la À
transposition \
didactique Ÿ
En interaction
avec le maître
de la relation
NE 27 didactique
FIGURE 12
NB TERRA
Dès qu’il pénètre dans la relation didactique, le savoir est pris dans un
véritable tourbillon. Les questions à son propos sont différentes en fonction de PES
la facette à partir de laquelle il est questionné :
— s'agit-il de l'enseignant seul qui traite de ce savoir ?
(par exemple lors de sa préparation de l’activité) ;
— S'agit-il de l'enseignant qui, lors d'une interaction avec ses élèves, trai-
te de ce savoir ?
(par exemple en proposant à ses élèves une situation évoquant ce
savoir) ;
— s'agit-il de l'élève seul qui traite de ce savoir ?
(par exemple lorsqu'il lit individuellement un énoncé de
problème) ;
— s'agit-il des élèves qui, entre eux, ont un échange à propos de ce
savoir ?
(par exemple lors d'une activité en équipe à propos de ce savoir );
— s'agit-il de l'élève seul qui organise ce savoir ?
(par exemple lorsqu'il réalise une synthèse des résultats d’un
travail de laboratoire réalisé à propos de ce savoir);
— s'agit-il de plusieurs enseignants qui, entre eux, traitent de ce savoir ?
(par exemple lors d’une réunion de professeurs à propos du pro-
gramme scolaire relatifà ce savoir);
— s'agit-il de parents d'élèves qui parlent de ce savoir ?
(par exemple lors d’une réunion de parents);
9.1 Introduction
Et le concept de didactique... ?
La didactique d’une discipline est orientée vers l’action qui se vit sur
le terrain à propos de la discipline dont elle porte le projet social et institution-
nel d'enseignement, d'apprentissage et de diffusion. Cette action, essentielle-
ment des activités d'enseignement et d'apprentissage, est soumise aux aléas
de l’imprévu, du hasard et des faits contingents qui déterminent la vie quoti-
dienne d’une classe. La didactique d’une discipline prend ces faits contingents
en considération parmi les composantes de la relation didactique qu’elle étu-
die.
Cette action est toujours inscrite dans un cadre spatio-temporel clai-
rement circonscrit et limité, le plus souvent scolaire.
10. DOCUMENTS
… ce qu'ils en disent!
TOULMIN
«(...) Il n'y a pas si longtemps, on opposait le jazz, avant qu'il ne devint intellectuel-
lement respectable, à la «bonne musique».
Les critiques reconnaissaient que, bien sûr, tout n'y était pas mauvais : il pouvait ÿ
avoir du jazz plus ou moins bon. D'ailleurs, la «bonne musique » n’était pas toute bon-
ne, pas même «bonne» de la même façon : Grieg par exemple était à sa façon ex-
cellent compositeur, mais il restait suspect de n'être pas entièrement «bon». Mais on
puvait présumer que, pour juger en matière de musique, il fallait se demander si le
morceau ou le compositeur était un bon exemple d’un type particulier et si ce type
était «bon».
Ainsi différents genres musicaux étaient classés selon une hiérarchie, certains étant
jugés inférieurs aux autres».
DEVELAY
«Certes, pédagogie et didactique s'intéressent toutes deux aux processus d’acquisi-
tion (en se centrant alors sur l'élève) et de transmission (en se centrant alors sur l'en-
seignement) des connaissances. Mais la didactique fait l'hypothèse que la spécificité
des contenus est déterminante dans l'appropriation des connaissances, tandis que la
pédagogie porte son attention sur les relations entre l'enseignant et les élèves, et
entre les élèves eux-mêmes. On pourrait encore dire que la didactique est d’abord
centrée sur le rapport au savoir, alors que la pédagogie éclaire le rapport à la loi
en classe. Cette démarcation théorique entre didactique et pédagogie s'avère
130 Créer des conditions d'apprentissage
RTS STD RNETPASSA
problématique dans la situation concrète d’une classe. Faire classe, c'est en effet être
simultanément attentif aux deux dimensions pédagogique et didactique ».
Develay (1996 : 58)
Lorsqu'il est question
d'environnement scolaire
L'école, phare irréprochable des banlieues ? Ce serait idyllique. Le bilan de son ac-
tion s'y révèle positif, mais non triomphal. Certains enseignants se consacrent depuis
longtemps à ces terres de mission et s’y plaisent, d’autres y vivent en pénitence. Et
puis si l'école — la communale — a su se nicher au cœur des grands ensembles, les
lycées, eux, se concentrent toujours dans les centres-villes. Bac C ne rime toujours
pas avec cité ».
Valo (1991 : 18)
132 Créer des conditions d'apprentissage
Loc7.
RÉSUMÉ
SOMMAIRE
Objectifs de ce chapitre
3.1 Milieu scolaire et système
3.2 Niveaux organisationnels d'un système scolaire et rela-
tion didactique
3.3 Finalités, buts et action
3.4 Un environnement plus large!
3.5 Le débat n'est pas clos
Ce chapitre développe une réflexion que nous avons proposée dans trois
textes antérieurs :
— Jonnaert, Ph. (1996). De l'intention au projet. Bruxelles : De Boeck,
(seconde édition remaniée, première édition : 1993).
— Jonnaert, Ph. (1991). Introduction aux problèmes d'éducation. Lou-
vain-la-Neuve : DUC/CIACO.
— Jonnaert, Ph., Lauwaers, A. (1990). Quelles questions poser pour rédi-
ger un programme ? Bulletin de Psychologie Scolaire et d'Orienta-
tion, 90 (2), 103-124.
Lorsqu'il est question d'environnement scolaire 133
CSP
CENTRES
SSD
OBJECTIFS DE CE CHAPITRE Év
Ce chapitre poursuit l’objectif général de préciser le cadre général de
toute réflexion didactique. Il s’agit essentiellement de l’environnement sco-
laire.
Enfin, la structure des systèmes scolaires définit les rôles de ses ac-
teurs. Le présent chapitre poursuit l'objectif de montrer comment la structure
d’un système éducatif permet aux différents acteurs de la relation didactique
d'y jouer leurs rôles respectifs.
1.1 Introduction
Le lecteur sera sans doute un peu surpris du contenu de ce troisième
chapitre. Les auteurs de l’ouvrage avaient décidé, après un débat sur la
question, de le supprimer. Son apport ne semblait pas en prise directe avec la
problématique générale de l'ouvrage : la formation didactique des ensei-
gnants. D'autres ouvrages traitent des systèmes scolaires, de nombreuses
études (notamment celles publiées par l'OCDE) décrivent minutieusement les
systèmes scolaires en vigueur dans des pays très différents, il y a donc une in-
formation abondante à ce propos et il serait vain de vouloir en réaliser une syn-
thèse. Toutefois, ce chapitre à peine retiré de l'ouvrage, la relation didactique
ressemble aussitôt à une abstraction, hors de son milieu naturel, un peu com-
me un bel animal exotique enfermé dans une grande cage du zoo d’Anvers ou
de Granby. Décontextualisée, la relation didactique perd toute sa significa-
tion. Nous avons donc décidé de laisser ce chapitre après l'avoir simplifié pour
134 Créer des conditions d'apprentissage
Dans les lignes qui suivent deux exemples illustrent le revers de la mé-
daille de cette double caractérisation. La stabilité peut générer une forte ré-
sistance au changement. La capacité d’autorégulation devient, dans ce cas,
plutôt une caractéristique qui permet le maintien du statu quo qu’un facteur
d'évolution ou de progression du système éducatif.
DOCUMENT
1 En septembre 1948, un groupe de scientifiques s’est réuni sur le campus du California Ins-
titute of Technology pour un colloque financé par la fondation Hixon autour du thème : «Les
mécanismes cérébraux dans le comportement». Plusieurs intervenants à cette rencontre
firent des exposés qui, par la suite, furent considérés comme les fondements des courants
actuels en psychologie cognitive. Un de ces exposés, celui de Karl Lashley, contesta les théories
behavioristes en vigueur jusqu'alors. Depuis cette époque, les approches behavioristes ont ren-
contré d’autres réquisitoires et d’autres résultats de recherche qui font qu'aujourd'hui cette doc-
trine est de plus en plus contestée.
Lire à ce propos l'ouvrage déjà cité d'Howard Gardner (1985).
136 Créer des conditions d'apprentissage
RAA
SEEN SIDE
Et dans l'enseignement ?
De 1920 à 1921, la théorie de la relativité fait une timide apparition dans un cours à l’École Poly-
technique de Paris. Après la visite d'Einstein à Paris en 1922, la même École Polytechnique
décide de consacrer un certain nombre d'heures de cours à l'étude de la relativité. En 1924, pré-
textant la surcharge des programmes, la théorie de la relativité disparaît de tout programme
d'enseignement en France. Tombant dans l'oubli le plus profond, elle refait surface en 1936 à
l’École Polytechnique de Paris.
Trente et un ans après les premières découvertes d’Einstein, la théorie de la relativité est finale-
ment timidement acceptée dans un programme d'enseignement!
Mollo (1970) synthétise bien les effets pervers de cette double carac-
térisation de l’école (stabilité et autorégulation). Cet auteur montre en effet
que l’école a souvent tendance à s’isoler dans ses propres modèles d'éducation
avec sa propre représentation de ce que la société et l'individu attendent d'’el-
le. La théorie de la relativité fut-elle intéressante pour la formation des ingé-
nieurs français, socialement et culturellement elle ne correspondait pas à la
représentation que le système scolaire se faisait, à ce moment-là, des attentes
de la société française à son égard. Paradoxalement, l’école s’auto régule par-
ce qu'elle cherche à maintenir sa propre stabilité. Le caractère de stabilité
peut être considéré comme l'effet d'une auto régulation de l’école que certains
appellent «résistance au changement». La critique de Mollo (1970) est inté-
ressante. Elle montre en effet, que, souvent, l’école tend à répondre à sa
Lorsqu'il est question d'environnement scolaire 137
propre représentation des attentes des individus, elle ressemble alors bien ss
plus à un musée des valeurs perdues qu’à un lieu résolument orienté vers le
futur. Caricaturalement, chacun peut se reconnaître dans des propos du type :
«(....) de mon temps on faisait une dictée par jour, et nous étions tous ca-
pables d’orthographier un texte correctement» ou encore « «(...) de mon
temps, nous avions une dissertation à rédiger chaque semaine et, ….» …
e LE TOUT
Il s’agit en réalité de l’ensemble des éléments du système, (par exem-
ple, l'ensemble des établissements scolaires appartenant à un système éduca-
tif donné). Mais, un système ne possède pas de limites fixées une fois pour
toutes. Les limites d’un système dépendent des fonctions qui lui sont ou non
attribuées (par exemple, un système scolaire a-t-il ou non une fonction d’édu-
cation permanente ? S’il en a une, le système scolaire devient très large). Ces
limites sont également définies à travers les problèmes que le système est sus-
ceptible de traiter ou non (par exemple un système scolaire d’une région don-
née est-il ou non à même de traiter le problèmes de toxicomanie qui s’y
développe ?). Enfin, si le système est un ensemble d'éléments en interaction,
le «tout» envisagé peut prendre la forme d’une série de sous-ensembles plus
ou mois articulés entre eux (par exemple un système scolaire peut réunir un
sous-ensemble avec les écoles primaires des zones urbaines, un autre sous-en-
semble pourrait rassembler les écoles secondaires présentant un programme
de formation générale: ….).
e UNE ORGANISATION
Pour Berbaum (1982 : 50), c’est l’organisation qui est à l’origine de
l'unité complexe d’un système. Cette organisation se décrit par les liaisons qui
existent entre les éléments du système et entre le système et son environne-
ment. Ces liaisons assurent la cohérence du système (par exemple, les écoles
secondaires d’une région sont reliées entre elles par des programmes scolaires
communs, des ratios élèves/enseignant identiques, un même calendrier scolai-
re, les mêmes organes de contrôle, ..….). Ces liaisons assurent la continuité du
système à travers le temps. Par ces liaisons enfin, le système s'adapte à l’envi-
ronnement dans lequel il fonctionne.
e LA RELATION AU TEMPS
Un système évolue dans le temps, il s'inscrit dans une histoire. Une sé-
rie d'événements internes ou externes le perturbent à certains moments et en
modifient l’organisation (par exemple, un système scolaire peut vivre des ré-
formes après des événements majeurs de son histoire, ce fut le cas de l’ensei-
gnement supérieur après les mouvements de révolte des étudiants en Europe
en mai 1968).
140 Créer des conditions d'apprentissage
Lo ESS PRET
e LA RELATION À L'ENVIRONNEMENT
IE EDR
Une approche du milieu naturel de la relation didactique!
Système, établissements scolaires et relation didactique
(1) Un système est donc un ensemble organisé d'éléments en interaction. Il se structure en
fonctionnant dans un environnement. Il se caractérise par son évolution dans le temps. || se
définit par l'intermédiaire de quatre termes : un tout, une organisation, la relation au temps
et la relation à l'environnement.
N—
es Un établissement scolaire est un élément du système scolaire d’une région donnée. Il est
donc inclus dans ce système avec lequel il entretient de multiples interactions. Il est relié
aux autres établissements scolaires appartenant au même système scolaire par une série de
liens organisationnels très divers : une législation scolaire commune, des programmes, un
calendrier, des mécanismes de contrôle, … Par ailleurs, un établissement scolaire est à son
tour composé d’une série d'éléments reliés entre eux par une organisation, c’est par exem-
ple le cas des classes. Il est lui-même inscrit dans un environnement plus étroit, plus spéci-
fique que celui du système éducatif. Une classe dans laquelle se vivent des relations
didactiques est un des éléments constitutifs essentiels de cet établissement scolaire.
(3) Le système scolaire est défini par une double caractérisation (sa stabilité et sa capacité
d'auto régulation); si cette double caractérisation a permis aux systèmes scolaires de rem-
plir leur fonction à travers les siècles dans nos sociétés occidentales, plusieurs auteurs y
décèlent des effets pervers telle la grande résistance au changement qui caractérise l'école.
(4) Le système scolaire est défini par une double logique (une logique bureaucratique et une
logique professionnelle). La logique bureaucratique est établie sur une base de réglementa-
tions strictes et hiérarchisées. La logique professionnelle rend possible les tâches diverses
dont celles reliées aux processus d'enseignement et d'apprentissage.
(5) La relation didactique est localisée dans un établissement scolaire, lui-même inclus dans un
système plus vaste et plus complexe. Elle interagit donc avec une série d'éléments d'un éta-
blissement scolaire et d’autres d'un système scolaire. L'établissement scolaire et le système
auquel il appartient influencent d'une manière ou d’une autre la relation didactique, l’un à
travers sa logique professionnelle (l'établissement), l'autre à travers sa logique organisa-
tionnelle (le système scolaire).
3 De très nombreux modèles à propos des systèmes éducatifs existent dans la littérature. Par
exemple Géminard (1973 : 122) propose un modèle relativement complet du système éducatif
français. Les éléments qu’il organise dans ce modèle peuvent être transposés à d’autres systèmes
éducatifs sans trop d’amendements. D’Hainaut (1981 : 21) propose quant à lui un modèle plus
général, mais en même temps plus ambitieux puisqu'il prétend couvrir tous les systèmes éduca-
tifs. De Corte, Geerligs, Lagerweij, Peters et Vandenberghe (1979) proposent, quant à eux,
d'intéressantes analyses de différents modèles de systèmes éducatifs dont celui de Kiwiet. Dans
un texte plus récent, Crahay et Lafontaine (1986) ont rassemblé des textes d'auteurs différents,
notamment la traduction d’un article de Dunkin (1981) sur les modèles dans l’analyse des pro-
cessus d'enseignement.
142 Créer des conditions d'apprentissage
RQ
VU a 9 Pat UE ES
Strate décisionnelle
Environnement global
Macrostructure (M)
Mésostructure (m)
Microstructure (lu)
Lieu de la relation
didactique
|un
FIGURE 13
Luler
ts 77)
Environnement
global
Espace
de la relation
didactique Pressions de la) _ |
microstructure à
Des élèves (l
l
Y _
RE AE | Y
Has cie (Pressions de la
macrostructure
Temps
———+> Pression ou rétroaction forte
----> Rétroaction faible
FIGURE 14
SERRE
«(...) on est ici dans la sphère où l'on pense — selon des modalités parfois fort
différentes — le fonctionnement didactique. Pour cela, j'ai avancé pour elle le nom
parodique de noosphère. Dans la noosphère, donc, les représentants du système
d'enseignement, mandatés ou non (du président d'une association d'enseignants au
simple professeur militant) rencontrent directement ou non (par le libelle dénoncia-
teur, la requête comminatoire, le projet transactionnel, ou les débats assourdis d'une
commission ministérielle), les représentants de la société (les parents d'élèves, les
spécialistes d'une discipline qui militent autour de son enseignement, les émissaires
de l'organe politique) ».
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7
FIGURE 15
ADO STD
Un système hiérarchisé
4 Dans la mouvance des réformes que subissent les systèmes scolaires occidentaux plusieurs
travaux s'intéressent tant aux processus d'implantation de ces innovations qu'à leurs effets. Par
exemple Crahay (1994) rassemble une série de textes décrivant des démarches d'analyse de
réformes vécues dans divers pays occidentaux. Bonami et Garant (1996) s'intéressent, quant à
eux, plutôt au pilotage des changements dans les systèmes scolaires. Jonnaert (1994b et 1995)
critique la mise en place de «réformes imposées» au système éducatif belge francophone et en
montre toute la fragilité.
Lorsqu'il est question d'environnement scolaire 147.
FIGURE 16
BRENT
«(..) est le résultat de multiples influences en interaction provenant des systèmes so-
ciaux qui agissent sur le système éducatif et qui sont eux-mêmes sous l'influence du
Lorsqu'il est question d'environnement scolaire 149
RENE
RSR AN LRNES
Système Système
politique économique
ne A
[POLITIQUE |”
historique |<«- 1 EDUCATIVE }, <«- À socioculturel
F1 \
x
Système Système
démographique administratif
FIGURE 17
CRSORRSRRERES
EXEMPLE
«(.….) Nous croyons néanmoins qu'un effort de clarification des finalités éducati-
ves s'impose et nous proposons de les regrouper autour des trois axes suivants :
l'instruction, la socialisation, la qualification.
Qualifier fait aussi partie de la mission de l'institution éducative. Elle doit, en te-
nant compte des besoins du marché du travail ainsi que des champs d'intérêts et
des aptitudes des élèves, jeunes ou adultes, assurer la formation et le perfection-
nement nécessaires à l'exercice d'une activité professionnelle telle qu'elle permet-
te à la société un développement durable et aux individus une intégration réussie
au marché du travail de même qu'une adaptation permanente aux changements
qui ne manqueront pas de se produire dans la nature et les exigences des
emplois».
(1) Exemple d'objectifs généraux au niveau de l'enseignement des mathématiques. Dans une
réflexion à propos de l’enseignement des mathématiques, Charnay (1996 : 16) propose les
finalités suivantes : «(...) Le plus important, à l'école obligatoire au moins, ne se situerait-il
pas plutôt dans l’accès à une forme de culture qu'on nommera ici la culture mathématique,
dont l’enjeu est d'apprendre à penser mathématiquement, de s'intéresser aux mathémati-
ques pour elles-mêmes et pour soi-même ? Pour elles-mêmes, c’est-à-dire pour compren-
dre véritablement de quels objets s'occupent les mathématiques (et avec quelles
méthodes), objets idéaux et immatériels (et pourtant bien réels dès que notre esprit les a
conçus) qui peuvent être étudiés, disséqués, mis en relation entre eux et donc connus pour
eux-mêmes et en même temps capables de s’enraciner dans le réel. Pour soi-même, c’est-
à-dire pour, à travers leur pratique, enrichir sa pensée, son intelligence. Par ce que les
mathématiques sont une manière de penser, parmi d’autres, avec leur histoire, leur langage,
leurs méthodes pour traiter du vrai et du faux, et parce que le type de questions (finalement
souvent gratuites, au départ) qu’on s’y pose, le rôle qu'y joue (ou que devrait y jouer) la
résolution de problèmes en font un lieu privilégié de l'exercice de l'intelligence humaine».
(2) Exemple d'objectifs généraux au niveau de l’enseignement des sciences. Désautels et Laro-
chelle (1989 : 9) citent le Conseil des Sciences du Canada lorsqu'ils évoquent les finalités de
l’enseignement des sciences : «(...) C’est donc au nom d’un certain idéal démocratique,
celui de la participation des personnes aux prises de décision qui touchent leur vie quoti-
dienne, que l’on souhaite que le savoir soit de mieux en mieux partagé. C’est aussi l'avis du
Conseil des sciences du Canada lorsqu'il s'interroge sur la formation scientifique du citoyen
éclairé. «En effet, dit-il, si les membres de la collectivité ne connaissent pas bien les interac-
tions entre les sciences, la technologie et la société, ils remettent à une élite technocratique
le pouvoir de façonner le monde qui les entoure». Dans cette perspective, ajoute le Con-
seil, «il faut que cette éducation embrasse non seulement les matières de base traditionnel-
les des langues et des mathématiques, mais aussi les assises nouvelles de la culture
contemporaine : les sciences et la technologie »6. Voilà donc par quel raisonnement on légi-
time la nécessité d’une culture scientifique pour le plus de gens possible et ce, sur la base
de valeurs contradictoires : préoccupations démocratiques et déterminisme
technologique».
Une définition. «(..) Un objectif général désigne les grandes orientations d’une for-
mation sous la forme de performances complexes, c'est-à-dire résultant de la combi-
naison et de l'intégration de performances simples qu'il peut être malaisé d'isoler ou
d'identifier en tant que telles;(.…) [un objectif général] s’atteint à la suite d'une période
d'apprentissage relativement longue, au terme d’une formation où d'une partie de cel-
le-ci, correspondant à un cycle ou à un degré ».f
Strauven (1992 : 31)7
es
4.1 Introduction
L'école ne vit pas dans une bulle à l'abri de tout contexte!
Évoquant les rapports aux savoirs et aux connaissances dans les cha-
pitres précédents, le lecteur peut avoir l'illusion que tout se passe dans une
sphère aseptisée qui serait par exemple un local de classe coupé du monde.
L'école vit cependant une série de pressions de la part de son environnement,
indépendamment du système scolaire dans lequel elle vit. Cette section pré-
cise sommairement ces influences. Cette partie de l’ouvrage poursuit l'objectif
de relativiser l’autonomie des écoles et d’en montrer la dépendance par rap-
port à certains éléments de son environnement dont le cadre familial des élè-
ves. Cette partie de l'ouvrage propose donc, sommairement certes, quelques
réflexions afin de permettre au lecteur de recontextualiser l’école dans son
environnement.
D'un point de vue sociologique, l'éducation sous toutes ses formes se confond avec
la réaction de la société au phénomène de survenance. La survenance est la condi-
tion de l'individu qui devient membre d'un groupe social. Ce nouveau membre est
l'objet d'un processus d'assimilation, tout au long de sa vie, l'homme entre ainsi dans
des groupes nouveaux. Alors jouent les règles de l'assimilation des survenances. Le
nouveau-né, lui, est survenant dans la société globale. Il est soumis au processus de
l'éducation qui se confond partiellement avec la pression sociale sous ses diverses
modalités et qui partiellement la systématise ».
Le lecteur doit conserver à l'esprit que l’école n’est pas un îlot qui vit
dans l'absolu. Les élèves et les enseignants qui la fréquentent n’y passent
qu’une partie de leur temps. Ils sont, les uns et les autres, déterminés par des
facteurs extrascolaires. L'environnement socio-économique de l’école déter-
mine de façon majeure ce qui se déroule dans les classes au niveau de l’ensei-
gnement et de l'apprentissage.
«(...) les parents de milieux défavorisés perçoivent le parcours scolaire de leur(s) en-
fant(s) comme inévitablement semé d'embüûches. Ils laissent affleurer des sentiments
d'impuissance, de marginalisation, une certaine détresse à l'égard de l’école. L'échec
est banalisé. La fatalité conduit au défaitisme. On observe ici combien les milieux dé-
favorisés ont tendance à intérioriser leur infériorité, particulièrement en matière sco-
laire. IIS ne se sentent pas en mesure d'intervenir efficacement dans le jeu scolaire.
Leur propre passé d'élève les marque et leurs rapports avec l'institution scolaire sont
empreints de méfiance et de désarroi.
10 Plusieurs travaux de Pourtois sur le thème de l'éducation des familles revêtent aujourd’hui
une importance capitale pour quiconque s'intéresse aux processus d'éducation, d'instruction et
de formation : Pourtois, J.P. (éds), (1989). Les thématiques de l'éducation Jamiliale.
Bruxelles : De Boeck; Pourtois, J.P. (éds), (1991). Innovation en éducation familiale.
Bruxelles : De Boeck. De même, un numéro thématique et une intéressante note de synthèse
rédigée par Pourtois et Desmet apparaît dans le numéro 96 (juillet 1991) de la Revue Française
de Pédagogie. Cette thématique n'est pas abordée dans le présent ouvrage, le lecteur à la
recherche de plus d'informations sur cette thématique peut utilement se référer aux travaux de
Pourtois et de ses collaborateurs (Université de Mons, Hainaut, Belgique francophone).
Lorsqu'il est question d'environnement scolaire 157
CRE LS EN PURES PNR TESTS
(...) L'optique des parents de milieux favorisés à l'égard de l’école est beaucoup plus
sereine. Ils manifestent de l'assurance quant à la réussite scolaire de leur progénitu-
re. La confiance en soi et aux capacités de l'enfant est partout présente. Il n'existe
pas de hiatus entre leur vécu et le style scolaire. L'enfant issu d'un tel milieu évolue
dans un contexte d'emblée signifiant pour lui. La collaboration avec l'école est perçue
comme positive et envisagée sous l'angle d'une relation au moins égalitaire ».
Pourtois et Desmet (1991 : 11)
«(....) l'enfant, dès sa naissance a son projet intellectuel : comprendre le monde qui
l'entoure. Ses connaissances se construisent petit à petit, en amas très organisés. En
arrivant à l’école, il devient élève et doit apprendre. Après les cinq ou six premières
années de sa vie durant lesquelles il a mené de manière quasi autonome son travail
«explorateur» — les interventions didactiques de l'adulte ne sont pas encore très
systématiques — l'enfant devient élève. Cela signifie qu’il subira des pressions sa-
vamment orchestrées — sciences de l'éducation obligent! — pour entreprendre un
nouveau projet de construction de connaissances dites scolaires ».
Henriques (1989 : 53)
Le projet de l’école n’est pas celui de l'enfant. Ayant franchi les en-
ceintes scolaires, il est désormais contraint d'apprendre ce que d’autres ont
décidé qu'il apprendra. D’enfant, libre explorateur et inventeur de théories
pour comprendre le monde, il devient un élève impliqué dans le projet de
l'école qui a défini, pour lui comme pour tous les autres enfants de son âge, les
contenus des apprentissages scolaires. Cette distinction est lourde de consé-
quences. La différence qui peut exister entre la logique (souvent liée à celle
d’une discipline) des programmes scolaires et celle de l'enfant qui apprend a
déjà été mise en évidence dans les paragraphes précédents. Une logique de sa-
voirs n’est pas nécessairement une logique de connaissances. L'enfant s’est
construit des connaissances pour comprendre ce qui se passe autour de lui et
l'école veut qu’il apprenne de nouveaux outils pour fonctionner plus efficace-
ment dans son environnement. Il y a un conflit de savoirs entre les théories de
l'enfant et celles de l’école. Pour qu'il passe de l’état d’enfant à celui d'élève,
l'enfant doit souvent renoncer à ses propres conceptions du monde pour ac-
cepter celles qui feront de lui un bon élève : celles que l’école lui enseigne.
«(...) tous les élèves doivent donner du sens à ce qu'ils font pour avoir la moindre
chance d'apprendre, et ils ne peuvent le faire qu'en établissant un lien entre la situa-
tion dans laquelle ils se trouvent et leurs connaissances premières. Tout ce qu'ils ne
pourraient pas relier à ce qu'ils savent déjà n'aurait pas de sens, serait même un non-
sens. Les enseignants devraient d'abord se préoccuper de ce que les enfants savent
déjà, ne serait-ce que pour éviter de leur demander des choses qui, parce qu'elles
n'ont pas de sens pour eux, leur sont impossibles ».
C'est sans doute l'enfant qui, sans cesse, donne l'oxygène nécessaire à l'élève
pour qu'il réalise ce que l’école attend de lui. Mais ce nouveau métier, ce mé-
tier d'élève que lui assigne l’école, il doit l’apprendre. C’est en relation avec un
autre acteur, l'enseignant, qu’il découvrira les facettes de sa nouvelle fonction.
4.5 Et l'enseignant. ?
Les chapitres et les paragraphes qui précèdent risquent de laisser l’il-
lusion que l'enseignant ne s'inscrit que dans des démarches rationnelles, orga-
nisées au sein d'institutions qui fonctionnent comme des machines infernales.
De plus en plus d’'écrits existent et circulent sur la professionnalisation de l’en-
seignant, sur leurs compétences et leurs savoirs, sur leurs stratégies, …
Mais entrant en classe, l'enseignant ne quitte pas sa nature humaine
en laissant son manteau au vestiaire pour subitement devenir une machine à
enseigner, mobilisant routines et stratégies, faisant preuve de compétences et
gérant efficacement son enseignement qui devient stratégique!
Si, comme nous l’avons mis en évidence dans les chapitres précé-
dents, les didacticiens recherchent les «rapports aux savoirs et aux
connaissances», nous ne pouvons cependant perdre de vue qu’une relation di-
dactique se vit avant tout parce que des personnes, des êtres humains, des
adultes et des enfants, se rencontrent.
«(.…..) il importe de rappeler que l’enseignement est un «métier de l'humain», un mé-
tier paradoxal, impossible. Métier de l'humain parce qu'il passe par une rencontre en-
tre des sujets : l’autre, même s’il est là d’abord pour enseigner ou apprendre, est
d’abord un autre, que nous abordons avec des espoirs et des peurs qui viennent de
loin, de notre culture, de notre enfance. «Métier complexe » qui est condamné à vivre
avec des contradictions indépassables (...). «Métier paradoxal» : l'intention d’instrui-
re, de changer l’autre ne peut aboutir que s’il adhère à cette intention et en fait en par-
tie son projet. C'est ce qui fait que l'éducation est une praxis, qui ne peut s'accomplir
en mettant l’autre en mouvement. Paradoxe encore, souvent décrit, que de fonder sur
une forte dépendance la conquête progressive de l'autonomie, que de travailler en
tant que maître à se rendre inutile. Paradoxe aussi qui fait d’un agent de l'Etat un ar-
tisan indépendant et une sorte de monarque régnant dans sa petite classe. «Métier
impossible», enfin, selon Freud (...), parce que les conditions de son exercice, con-
juguées aux résistances des apprenants le condamnent régulièrement à ne pas at-
teindre son but».
Perrenoud (1996 : 83)
Le cas Rogers
Rogers reste cohérent de son discours à son action.
Refusant de déformer sa propre pratique en la «racontant dans un exposé», Rogers lut un petit
texte dont le contenu fit l'effet d’une bombe :
«(...) mon expérience m'a conduit à penser que je ne puis enseigner à quelqu'un
à enseigner. Et d'essayer m'a toujours paru vain (...).
Il me semble que tout ce qui peut être enseigné à quelqu'un est relativement sans
intérêt et n’a que peu ou pas du tout d'influence sur son comportement. J'ai fina-
lement l'impression que les seules connaissances découvertes par l'individu, vé-
rifiées personnellement, appropriées et assimilées au cours d’une expérience
vécue ne peuvent être directement communiquées à d’autres (...)».
Le ton est donné. Mais l'émotion est à son comble (imaginez cet aréopage de «Masters of..., de
Ph.D. et de docteurs » réunis dans le grand auditoire académique de Harvard, il y a plus de 35
ans!) lorsque Rogers faisant part de sa propre expérience déclara :
«(...) la conséquence de ce qui précède, c’est que mon métier d'enseignant n’a
plus pour moi aucun intérêt.
J’ai fini par considérer que les résultats de l’enseignement sont ou insignifiants ou
nuisibles.
Je ne m'intéresse qu’à apprendre et de préférence des choses qui ont une influen-
ce sur mon comportement. Je retire beaucoup de profits à apprendre, que ce soit
en groupe, en relations individuelles, comme en thérapie ou tout seul.
(...) une des meilleures façons d'apprendre, bien que la plus difficile consiste à
abandonner mon attitude défensive, au moins provisoirement, pour essayer de
comprendre comment une autre personne perçoit sa propre expérience (...).
(...) une autre façon d'apprendre, bien que la plus difficile, est d'exprimer mes in-
certitudes, d'essayer de clarifier mes problèmes afin de mieux comprendre la si-
gnification de mon expérience (...)».
Rogers prononçait ces paroles il y a plus de 35 ans! Et la question reste entière : comment
transformer un témoignage expérientiel en données prescriptives sur l’enseignement, sans
devenir normatif, techniciste et rationaliste ? Provocation ? Conception naïve de
l'apprentissage ? Les propos de Rogers ne laissent certes pas indifférent.
(Remarque : les parties du discours de Rogers sont extraites de Rogers, 1977, p. 196-199). 2
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RÉSUMÉ
Après avoir clarifié les concepts de contrat au sens strict du terme et de con-
trat pédagogique, ce quatrième chapitre propose une réflexion à propos du
contrat didactique. Définissant d'emblée le contrat didactique comme un anti-
contrat, ce texte décrit les caractéristiques du contrat didactique, ses fonc-
tions et son dynamisme à l’intérieur de la relation didactique.
Le lecteur découvrira à travers ce texte la place centrale du contrat didactique
dans le fonctionnement de la relation didactique. Il en est le moteur principal,
la «turbine» dirait Guy Brousseau dans son langage métaphorique.
SOMMAIRE
Objectifs de ce chapitre
4.1 Introduction
4.2 Le concept de contrat
4.3 Un autre type de contrat
4.4 Les fonctions du contrat didactique
4.5 Le dynamisme du contrat didactique
4.6 Le débat n'est pas clos
Ce chapitre développe une réflexion que nous avons proposée dans trois
textes antérieurs :
— Jonnaert, Ph. (1988). Conflits de savoirs et didactique. Bruxelles : De
Boeck.
— Jonnaert, Ph. (1994). À propos du contrat didactique. Cahiers de la Re-
cherche en Education, 1(2), 195-234.
— Jonnaert, Ph. (1996). Dévolution versus contre-dévolution! Un tandem
incontournable pour le contrat didactique. In CL, Raisky et M. , Caillot,
(Éds.), (1996). Au-delà des didactiques, le didactique. ne
autour de concepts fédérateurs. (p. 115-144), Bruxelles :De Boeck.
Vous avez dit contrat didactique ? 165
LE
EeeRS ee]
OBJECTIFS DE CE CHAPITRE
Ce chapitre poursuit l'objectif général de clarifier le concept de con-
trat didactique d’une part en le différenciant de concepts très proches comme
celui de contrat au sens strict du terme ou de celui de contrat pédagogique,
d'autre part en le présentant comme un anti-contrat. Ce chapitre doit permet-
tre au lecteur de développer une réflexion critique sur le contrat didactique
tout en le considérant comme le principal moteur de la relation didactique.
Préalablement, les concepts de contrat au sens strict du terme et de
contrat pédagogique sont définis afin de fournir au lecteur une grille d'analyse
du concept de contrat didactique. Comparant le contrat didactique aux con-
cepts de contrat au sens strict du terme et de contrat pédagogique, le lecteur
dégagera les différences qui séparent nettement le contrat didactique des
deux autres concepts proches.
Enfin ce chapitre poursuit l'objectif plus spécifique de clarifier
— les composantes et les caractéristiques essentielles du contrat didac-
tique, en répondant à la question :
quelles sont les caractéristiques du contrat didactique ?
— les fonctions du contrat didactique, en répondant à la question :
à quoi sert le contrat didactique ?
— le dynamisme du contrat didactique, en répondant à la question :
comment le contrat didactique peut-il assurer le dynamisme de
la relation didactique ?
1. INTRODUCTION
Les chapitres précédents ont défini les contextes dans lesquels s’ins-
crit toute réflexion didactique. Au sens large, il s’agit de situer notre débat
dans le champ des sciences de l'éducation, au sens restreint, il s'agit de loca-
liser nos propos dans le cadre de la relation didactique, elle-même inscrite
dans un environnement scolaire précis.
Mais, que se passe-t-il dans cette relation didactique ? Comment les
différents acteurs en présence (un enseignant, des élèves et un savoir) inte-
ragissent-ils entre eux ? Quelle dynamique permet aux rapports aux Savoirs,
et aux connaissances, d'évoluer d’une manière telle que des apprentissages
scolaires puissent avoir lieu ? Et puis, quelles sont les conditions pour que ces
échanges entre ces différents partenaires existent réellement ?
Pour répondre à ces questions, nous proposons, dans les lignes qui
suivent, une réflexion sur le contrat didactique.
Après avoir situé le cadre théorique qui permet aujourd’hui de définir
le contrat didactique, nous proposons une analyse des composantes du con-
trat didactique. Ces dernières donnent cependant à ce contrat toutes les
caractéristiques d’un «non-Contrat».
Plutôt que de parler de règles figées, nous évoquerons des ruptures.
Plutôt que d'affirmer que les rôles de chacun sont clarifiés une fois pour tou-
tes, nous évoquerons les dévolutions et les contre-dévolutions. Plutôt que
d'évoquer un savoir stable, clairement précisé dans des manuels scolaires,
nous parlerons de rapports asymétriques au savoir …
2. LE CONCEPT DE CONTRAT
Mais, au sens propre du terme,
qu'est-ce qu'un contrat ?
2.1 Un document
Convention signée par le maître d'école de Braine-le-Comite !, le 2
juillet 1705;
DOCUMENT
«Un ecclésiastique éminent, natif de Braine-le-Comte et issu d’une famille noble, Nicaise Par-
mentier s’offrit, en 1705, pour remplir avec grand désintéressement les fonctions en apparence
si humbles de maître d'école. C’est qu'il comprenait l'importance vitale pour sa ville natale de
posséder une école convenablement dirigée. Sa généreuse proposition fut acceptée et le 28
juillet 1705, entre lui et Messieurs les Pasteur, Châtelain, Mayeur, Jurés et Échevins de Braine-
le-Comte fut signée la convention suivante :
1° Que le sieur Parmentier aura la direction de l’école et prendra pour adjoint le sieur Questinier,
aussi prêtre.
2° Que les enfants seront conduits à la messe et surveillés à l’église.
3° Chaque matin, classe à 8h. jusqu’à la messe de 10h à laquelle les enfants assisteront.
4° l'après-midi, classe de 1h1/2 jusqu’à 3h1/2 en été, 3h. en hiver.
5° Mardi et jeudi, congé. Samedi, une heure de catéchisme.
6° Le sieur Parmentier sera exempté du logement ordinaire des soldats.
7° Le sieur Questinier aura à décharger les messes fondées; il recevra 24 livres de la massarde-
rie et 24 livres de l’aumône.
8° Les enfants apprenant à lire paieront trois patards par mois, ceux qui apprennent à écrire
quatre, à la réserve des choraux et des pauvres qui seront enseignés gratuitement.
9 Le sieur Parmentier aura la recette de la confrérie de Saint-Géry avec profits et émoluments
accoutumés ».
Matthieu (1885 : 30)
Mais qu'est-ce qu'un contrat au sens strict du terme et qu est-ce que le contrat
social? |
e LE CONCEPT DE CONTRAT
Du côté de l’étymologie
«Contrat : n. m.: d'abord contract (1370), est emprunté au bas latin juridique
«contractus» (convention, pacte, accord), dérivé de contrahere (prendre engage-
ment). La forme savante a évincé la forme plus populaire «contraut» (1254), encore
relevée au XVIe siècle. Le mot qui désigne l'accord de deux ou de plusieurs volontés
en vue de créer une obligation, est souvent accompagné d’un adjectif ou d'un com-
plément de détermination précisant la nature du contrat (contrat de mariage, 1877).
Employé par métonymie pour désigner l'acte écrit enregistrant le contrat, il entre dans
la locution figurée« donner des coups de canif dans le contrat» (1877). Par analogie,
l'expression «contrat social» qui semble créée par J.-J. Rousseau (1762), sert à dé-
signer la convention (implicite) entre gouvernants et gouvernés, membres d'une
même société; très employée au XVIII siècle, elle fait aujourd'hui allusion à
Rousseau ».
Rey (1992 : 487)
Il est intéressant de noter que le verbe «contracter» est dérivé du mot
latin (1370) «contractus» : resserrement. Lui-même est dérivé du participe
passé de «contrahere», (de cum et trahere, littéralement «tirer ensemble»).
Plus largement, ce verbe évoque le fait d’avoir des liens «serrés» avec quel-
qu'un.
e LE CONTRAT SOCIAL
Au-delà de cette perspective rigide, fermée, le contrat peut adopter
d’autres connotations. Le contrat social proposé par Rousseau sort certaine-
ment du carcan défini dans les lignes qui précèdent et nous place déjà dans la
perspective du contrat didactique. Au même titre que ce dernier, il s’agit sans
doute d’un contrat paradoxal. Dans l’encadré qui suit, Gagnebin (1992) nous
propose une rapide synthèse de la perspective rousseauiste.
DOCUMENT
«(...) Fonder le droit politique, telle est l'ambition de Rousseau. C'est pourquoi,
loin de décrire le droit tel qu'il est, Rousseau se propose de rechercher ce qu'il de-
vrait être; autrement dit, il décide d'établir des conditions de possibilité d’une so-
ciété — et par conséquent d'une autorité — légitime. À ses yeux, le fait ne fait pas
droit.
(...) Son problème s'énonce de la façon suivante : trouver un type d'association
qui assurerait à chaque individu la «sécurité» — forme que revêt dans la vie so-
ciale la notion particulière de bonheur, qui est le mobile du passage de l'état de
nature à l’état de civilisé — tout en lui permettant de conserver sa «liberté», c'est-
à-dire de ne pas trahir son essence ».
170 Créer des conditions d'apprentissage
sera rArnE caRE a)
Et le contrat social ?
(...) Rousseau rejette toute autorité reposant sur les privilèges de nature ou sur le
droit du plus fort. Pour lui, la seule autorité légitime naît d'un accord réciproque
des parties contractantes, d'une convention. Pacte d'association donc, qui n’est
suivi d'aucun pacte de sujétion. Non seulement le peuple est la source de la sou-
veraineté, mais encore, il apparaît comme celui qui exerce cette souveraineté.
Celle-ci demeure — pour reprendre les expressions percutantes de Rousseau —
«inaliénables » et «indivisibles ». Ainsi, le souverain et le peuple appartiennent à
la même humanité considérée sous différents rapports. C'est dire, en quelque sor-
te, que tout individu pactise avec lui-même comme membre du corps social.
«L'Obéissance à la loi qu’on s'est prescrite est liberté » affirme Rousseau : tout in-
dividu est aussi citoyen, ce que l'on exprime encore en disant qu’à tout droit cor-
respond un devoir.
«Si jamais vous substituez dans son esprit l'autorité à la raison, il ne raisonnera plus;
il ne sera plus que le jouet de l'opinion des autres ».
Des contrats très précis, liant école et société, école et familles, école
et élèves, école et monde du travail, école et enseignants, .…. sont traduits en
termes de règlement d'établissement, de programmes scolaires, de diplômes
de fins d’études (homologués et donc socialement reconnus), de contrat de
travail, de législation spécifique, …
Ces multiples contrats que l’école a établis avec une série de partenai-
res sont très clairs. Un élève s’engageant dans des études est informé non seu-
lement du type d'enseignement qu'il pourra y suivre, mais aussi du type de
certification et de diplôme qu'il pourra obtenir au terme de ses études et enfin,
du secteur professionnel dans lequel il pourra rentabiliser les compétences
qu'il aura acquises. À ce niveau contractuel, classiquement, et dans l'intérêt
de chacun des partenaires (école, élèves, société, familles, enseignants, mon-
de du travail) les termes des différents contrats évoqués sont donc explicites
et clairs.
Un milieu habitué à des contrats clairs, explicites, rédigés en des ter-
mes non équivoques n’est pas nécessairement ouvert à l'apparition en son sein
de contrats d’un autre ordre qui eux seraient non conventionnels, ne se-
raient pas complètement explicites, qui seraient souples plutôt que rigides.
e LE CONTRAT PÉDAGOGIQUE
DOCUMENT
«C'est dans une école primaire rurale de Dalton (Géorgie, États-Unis) où elle en-
seignait seule à 40 élèves, que Helen Parkhurst conduisit à maturité des essais
d'individualisation qui s'étaient ébauchés dès la fin du XIX® siècle. À la classe pas-
sive, elle substitue des «laboratoires d'apprentissage», conçus initialement pour
le groupe d'âges de huit à douze ans et étendus ensuite à l'enseignement secon-
daire.
Des travaux écrits, dont le thème est cerné lors d'entretiens avec le professeur,
constituent une partie importante de la tâche. En effet, toutes les prestations et les
productions des élèves — compositions, rapports, exercices — sont rigoureuse-
ment évalués. Les résultats sont consignés sur des fiches et la progression de
l'élève, dans chacune des branches, est représentée graphiquement.
Vous avez dit contrat didactique ? 173
ed
La journée se déroule selon un plan fixe. La matinée est consacrée au travail in-
dividuel, portant sur les branches estimées prioritaires (langue maternelle, mathé-
matiques, sciences, histoire, géographie), et se termine par une évaiuation du
travail accompli et par une rencontre collective avec les professeurs. L'après-midi
est dévolu à des apprentissages pratiques et à des activités récréatives qui réu-
nissent la classe entière.
(2) un contrat pédagogique qui vise à régler les échanges entre l’en-
seignant et les élèves pour une durée limitée, définissant les droits
et devoirs réciproques.
'surler
|Strict
de règle:
nr” 7UUE
Centration 1!
to Mean 1°LS Barares
FIGURE 18
CRDSEPESS
27 Concepts-clés de ce paragraphe
contrat - contrat au sens strict - contrat social - contrat pédagogique
troisième, cinquième ordre, voire plus loin encore, on peut toujours imaginer des
interactions négligées d’un ordre encore supérieur».
Cronbach (1974 : 7)
«(..…) Les rapports de l'enseignant et de l’élève sont conditionnés par un projet so-
cial extérieur qui s'impose à l’un comme à l’autre. Les paradoxes de la relation di-
dactique montrent que le modèle mécaniste exposé jusqu'ici est inadéquat sauf
pour les séquences non didactiques : un jeu où l’un des joueurs agit ouvertement
sur ses partenaires afin de les modifier en cours de partie, est évidemment de na-
ture toute différente des jeux évoqués plus haut où les règles restent fixes au
cours d’une partie.
pe AS Fe
4 N
NC
/Lecontrat \ CON AE Pire
| didactique gère \ - ,ve50? à.
| lesSinteractions | 72 Tee N
\ de VS / £ Variables & \
\ éléments , reliées \
Le aux élèves |
Une
Variables surface Variables
reliées d'interactions reliées
à l'enseignant au savoir
FIGURE 19
TENGERNIELR
«Le second non seulement en «sait» plus que le premier, mais a la responsabilité
d'organiser des situations d'enseignement réputées favorables aux apprentissages
du premier».
Johsua et Dupin (1993 : 249)
FIGURE 20
Lu er 7x}
Un bon contrat didactique est en général celui qui est le plus vite frappé
d'obsolescence. ee | |
ER
FIGURE 21
pomper
La double dimension temporelle de la relation didactique
Une double échelle temporelle apparaît dès que nous analysons les
processus d'acquisition des connaissances chez un élève qui apprend (Ver-
gnaud, 1983 : 23-24) : une échelle temporelle courte et une échelle tempo-
relle longue.
L'échelle temporelle courte concerne l’évolution des pratiques et des
conceptions d’un élève confronté à une nouvelle situation. Nous pouvons con-
sidérer que c'est le temps de la relation didactique, moment durant lequel
l'élève n’a encore qu'un rapport faible au savoir (celui qui fera l’objet d’un ap-
prentissage). C’est le moment de tous les risques, celui d’une évolution plus
ou moins rapide des pratiques et des conceptions des élèves ou, au contraire
celui des blocages plus ou moins durables. L’échelle temporelle courte corres-
pond en général au temps de la relation didactique et est gérée par le contrat
didactique.
L’échelle temporelle longue correspond au temps long de la psycho-
genèse de la connaissance. Ce processus s'étale sur des années, et se dévelop-
pe bien au-delà de la relation didactique : c'est Le temps du développement
des connaissances chez l'individu. Est-il seulement jamais achevé ? Par dé-
finition, dans une perspective constructiviste, les connaissances ne sont que
précaires et ne subsistent que face aux situations qui confirment leur viabilité.
Loin de s'opposer, ces deux échelles temporelles sont complémentai-
res. Une relation didactique qui, au niveau des rapports au savoir de l'élève, ne
dépasse pas le temps court ne permet pas à l’élève d'enclencher le long pro-
cessus de la psychogenèse de ses connaissances. Une telle relation didactique
n'a que peu d'utilité pour le développement des connaissances des élèves.
«(...) la recherche en didactique doit tenir compte de ces deux aspects complémen-
taires. Sans une connaissance claire du temps long de l'acquisition des connaissan-
ces, l'enseignant peut tomber dans de graves mécomptes. Sans une connaissance
Vous avez dit contrat didactique ? 183.
ne ee = = 4 #3 À CAE
ll
De la dépendance
Dépendance 1:
vis-à-vis de l'adulte …
totale vis-à-vis |
de l'enseignant [| 7
0 LA
Ur ne
Li RE /
/ Acquisition \
progressive 1
| d'autonomie , 4
durant la relation: \
\| SAdidactique
Fais ,' ;|
À
E d Temps court
CPAS Me ; | de la relation
Indépendance \ didactique
acquise \ A
au terme de ! L à
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——
l'apprentissage À ! NS
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& … à l'autonomie >
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tumummmmm})-
Temps long de la
psychogenèse des connaissances
FIGURE 22
Lo 7 CT 2)
De quoi s'agit-il ?
«(...) l'état a-didactique constitue un état intermédiaire où le maître est présent, mais
dans lequel l'élève agit de son propre mouvement».
discipline, les acquis d’un apprentissage antérieur pour traiter une situation
nouvelle (toujours dans la même discipline) :
«(...) un premier niveau de transfert a lieu lorsqu'un apprenant utilise un apprentissa-
ge pour réaliser un autre apprentissage à l’intérieur d'un contenu disciplinaire
donné».
de Sa pro-
adidactiques. Toutefois, toute relation didactique contient le projet
. de fonction. Tant
pre extinction : à un moment donné, elle ne peut plus
ou n'est pas GHGUE ter-
qu’elle persiste, l'apprentissage n’a pas encore eu lieu
miné. L'objectif des situations didactiques et a-didact iques est de s’effacer
pour permettre à l'élève d'utiliser ses acquis dans de nouveaux contextes : des
situations non didactiques.
Le processus est-il pour autant clos ? Nous ne le pensons pas, une connaissan-
ce acquise ne l'est jamais définitivement.
Situation
didactique Situation
a-didactique
FIGURE 23
RSA TS
e QUELQUES COMMENTAIRES
Qui n’a vécu cette expérience que nous relate Astolfi à propos de son
vécu d'élève ?
«(...) Une année, j'ai récolté de médiocres résultats en physique tout le premier tri-
mestre sur des problèmes de vases communicants auxquels je ne comprenais rien,
jusqu'au jour où j'ai réalisé qu'il suffisait, bêtement et mécaniquement, de considérer
un niveau de base horizontal quelconque et d'égaliser ce qui se passe dans les deux
branches du tube. À la composition du second trimestre, j'ai ainsi pu avoir un 20/20
et j'en suis resté tout ébahi, avec le sentiment étrange de n'avoir pas vraiment
progressé ».
Astolfi (1997 : 8)
Les propos de Bachelard, nous invitent, à juste titre, à revenir sans
cesse sur nos propres erreurs de didacticien, sur nos prétentions aussi de vou-
loir qu'un élève quitte la classe en ayant effectivement, et définitivement, ap-
pris ce que nous aurions voulu qu'il apprenne. Mais surtout sur notre illusion
d’évaluateur.
Nous ne pouvons faire abstraction du temps long de l'apprentissage si
bien rendu par le «jusqu'au jour où j'ai réalisé...» de Jean-Pierre Astolfi.
Mais ainsi caractérisé, le contrat didactique peut-il être autre chose
qu'un «anti-contrat» ? Les caractéristiques évoquées laissent entendre que
le contrat dynamise une relation didactique plutôt qu’il ne la fige. Par ailleurs,
le temps dans lequel s'inscrit le contrat didactique est illusoire, la relation
Vous avez dit contrat didactique ? 191.
4.1 Introduction
Le concept de «contrat didactique» est d’abord apparu dans la ré-
flexion des didacticiens des mathématiques. Pour ces derniers, il s’agit d'une
«relation qui détermine, explicitement pour une petite part, mais sur-
tout implicitement, ce que chaque partenaire, l'enseignant et l’enseigné,
a la responsabilité de gérer et dont il sera responsable, d'une manière ou
d’une autre devant l’autre. Ce système d'obligations réciproques ressem-
ble à un contrat. Ce qui nous intéresse est le contrat didactique, c’est-à-
dire la part de ce contrat qui est spécifique au contenu». Brousseau
(1986 : 51)
Il y a dans cette approche du concept qui nous intéresse plusieurs élé-
ments importants, nous en retiendrons essentiellement trois :
Enseignant 9)
lages
Espace de à risque
dialogue
Savoir(s)
FIGURE 24
Le
ES)
Dans la figure 24, les plages strictement spécifiques à chacun des trois
partenaires (les plages 1, 3 et 6) sont celles à l’intérieur desquelles ces der-
niers sont seuls, confrontés à eux-mêmes, isolés des autres familles de varia-
bles. Une interaction didactique ne peut pas se limiter à ces dernières, il
s'agirait d’un dialogue de sourds ou plutôt de trois monologues qui ne se ren-
contrent en aucun cas.
qu'il les protège. En d’autres termes, un contrat didactique n’est pas une mise
à nu des partenaires : il crée simplement un espace de dialogue entre ces der-
niers tout en respectant chacun d’entre eux.
Quelles sont-elles ?
e UN EXEMPLE...
Examinant une interaction entre trois partenaires d’une relation di-
dactique, nous pouvons découvrir la structure même de l'organisation de ces
règles. Reprenons, dans cette perspective, l'exemple déjà cité : le dialogue en-
tre Socrate et l’esclave de Menon.
EXTRAIT
le «Menon» de Platon.
La conception de la
gestion de la classe
par l'enseignant
Une coutume
de classe
FIGURE 25
TE ,
De règles implicites et des règles explicites
La société de droit
Alors que la société coutumière est organisée autour de la coutume
qui est spontanée et peu consciente, la société de droit est, quant à elle,
Vous avez dit contrat didactique ? 199
= <-
organisée autour de la loi qui est explicite parce qu’elle a été promulguée (Le-
vy-Bruhl, 1964 : 55). Expliciter, donc formuler, toutes les règles implicites qui
régissent la coutume d’une classe, c’est faire passer la classe d’une société
coutumière à une société de droit. Un tel processus dépersonnalise la coutu-
me et donc la classe. Entrer dans la relation didactique, c’est entrer dans un
certain type de rapports entre des individus regroupés en classes scolaires et
un savoir. Cela ne peut se concrétiser sans qu’un regard attentif ne soit porté
sur la coutume de chacune de ces classes. C’est une des fonctions du contrat
didactique, car à travers cette analyse, il permet une gestion pertinente des
règles. Mais cela signifie-t-il que l’implicite doive nécessairement être
explicité ? Lorsque Chevallard (1983) parle de «droits et devoirs» des parte-
naires au-tour d’une «référence partagée», nous pensons que cette référence
(a classe et sa coutume) n’est jamais que «partiellement» partagée. Bien
plus, pour que la réalité de la classe existe, nous pensons que cette dernière
ne peut se définir que comme une société coutumière. Elle ne peut que par-
tiellement tendre vers une société de droit.
L'enseignant doit accepter qu'il ne peut expliciter et ne comprendre
qu'une partie de l’implicite (de la coutume de la classe) pour gérer le contrat
didactique qui le lie à une classe. Il doit agréer qu’une partie des règles impli-
cites du groupe lui resteront inaccessibles. La coutume de la classe, cet état
de fait, l'enseignant doit l’admettre, il reconnaît ainsi à chaque classe son droit
d'existence en tant que «personnalité plurielle». Refuser cet état de fait
consiste plutôt à rechercher un modèle standard de classe (une classe type)
qui d’une part deviendrait rapidement normatif (une bonne classe serait une
classe sans implicite!) et qui d'autre part n'existe de toute évidence pas : cha-
- que classe a sa coutume. Mais de leur côté, les élèves, la classe et leur cou-
tume, doivent admettre qu'ils ne connaîtront jamais qu'une partie des règles
qui font fonctionner l'enseignant en face d’eux, ils doivent respecter «son jar-
din secret», ses non-dits, ..… qui font qu'il se présente à eux avec la personna-
lité qui est la sienne. L'enseignant doit donc être respecté en tant que
personne (personnalité singulière) face à cette personnalité plurielle, son
partenaire, qu'est la classe.
Cette acceptation mutuelle d’une partie de l’implicite des uns et des
autres permet au contrat didactique de gérer les différentes règles en présen-
ce. Ces règles fonctionnent dans cette dialectique des implicites (ceux de l’en-
seignant et ceux de la classe) et confirment ainsi le contrat didactique dans
son statut d’anti-contrat. Le contrat didactique ne sera donc jamais «une
mise à plat de l’implicite» entre les partenaires de la relation didactique, au
contraire, il devra être géré en prenant en considération le poids de l’implicite
auquel il n’a pas accès.
Enfin, et pour conclure cette section, nous dirons que la coutume
d'une classe est la réalité contraignante d’un contrat didactique, réalité qui
l'oblige à refuser de rechercher une norme, celle qui voudrait que toutes les
classes soient identiques mais aussi, et corollairement, que tous les ensei-
gnants soient standardisés. Standardisation que nous ne pouvons que rejeter!
Le contrat didactique permet donc la mise en interaction d’une personnalité
00 Créer des conditions d'apprentissage
Mise en
relation par
le contrat
didactique dans le
respect de chacun
Contraintes
liées au temps
FIGURE 26
RSR PERRET
e UN SYSTÈME DE RÈGLES
Le contrat didactique organise certes «la limitation et le partage des
responsabilités du professeur et de l’élève»,(Chevallard, 1982 : 214) mais
cela ne peut se faire qu’autour d’une série de règles qui régissent le fonction-
nement même de la classe. En voici une série pour lesquelles nous présentons
à chaque fois des exemples :
— des règles explicites et formulées : ces règles sont claires, elles sont
exprimées sans ambiguïté par les parties en présence;
par exemple, l'enseignant prévient ses élèves en début d'année sco-
laire : «chaque dernier mercredi du mois, je ferai un test sur la
matière vue depuis le début de l'année»; de leur côté, les élèves
Vous avez dit contrat didactique ? 201
VE ASRB ASE ACBDFR POUR AT
e UN SYSTÈME DE DÉCISION
Ces décisions peuvent prendre différentes formes. Le système de dé-
cisions dépend autant de la coutume de classe que de la personnalité de l’en-
seignant ou encore de l’organisation scolaire dans laquelle se trouve la classe
(la mésostructure). Nous pouvons placer ces décisions sur trois axes :
— unilatérales versus négociées;
— externes Versus 2nNLETnES ;
— spontanées versus préexistantes.
Clarifions chacune de ces catégories de décisions et présentons un
exemple pour chaque cas :
_ des décisions unilatérales : elles sont décidées par un seul partenaire;
par exemple, l'enseignant décide de la programmation de la matière
sur l’ensemble de l’année scolaire;
_ des décisions négociées entre les partenaires : ces décisions font
l'objet d’une négociation explicite entre les partenaires;
Créer des conditions d'apprentissage
explicites
et formulées
tacites mais
convenues
| tacites mais
| non convenues
implicites et
inconscientes
FIGURE 27
GER PRES
Une bonne partie des règles gérées par le contrat didactique est impli-
cite. Sans cesse, élèves et enseignant décodent ces règles, cherchent à com-
prendre leurs attentes respectives, essayent d’agir dans le sens de leur
perception de l’attente de l’autre. Le contrat didactique va permettre à chacun
de mieux comprendre ce qu'il est droit d'attendre de l’autre dans ses rapports
au savoir. Le contrat didactique va clarifier les droits et les devoirs des uns et
des autres. Mais ces règles changent, évoluent, progressent et s'adaptent à la
situation didactique, à ses contraintes, aux faits du hasard. Un enseignant qui
est confronté pour la première fois à une classe est testé par ses nouveaux élè-
1] ves. Non pour déceler «ses limites de résistance au chahut», mais bien pour
élaborer le contrat didactique avec ce dernier. Une série de règles tacites s’ins-
talleront pour les cours à venir après ce premier contact avec les élèves. Et,
c'est par ces règles tacites (résultant de la perception par les élèves des atten-
tes du nouveau professeur) qu'une série de règles convenues feront qu'avec
ce professeur les élèves agiront de telle ou de telle manière. C’est le contrat
didactique qui se met en place.
Ce contrat didactique est donc dynamique, susceptible de changer, de
se modifier, de s'adapter, de rompre les règles du jeu...
Extrait d'enregistrements de séquences de classe dans une cinquième primaire, Liège, 1994.
— Pour multiplier un entier naturel par «0,25», les élèves d’une cinquième primaire
ont l'habitude de diviser cet entier naturel par «4». Par exemple pour réaliser «480
x 0,25», les élèves divisent «480» par «4» et obtiennent «120».
— Dans les situations proposées par l'enseignant aux élèves (en 5e primaire) l’ensei-
gnant a toujours placé des entiers naturels multiples de 4 à multiplier par «0,25».
La tâche est donc facile pour les élèves.
— … jusqu’au jour où l'enseignant change la nature des nombres et ne présente plus
aux élèves que des situations avec des entiers naturels qui ne sont pas des multi-
ples de «4». Il leur propose par exemple de multiplier «733» par «0,25».
— Ce changement d’une des caractéristiques de la situation («nous travaillons désor-
mais sur des entiers naturels qui ne sont plus nécessairement des multiples de 4»)
provoque le désarroi des élèves qui disent à l'enseignant : «avec ces nombres là,
ça ne marche plus!». Ces élèves demandent alors à l'enseignant soit de changer
les nombres à traiter, soit de leur expliquer la procédure pour réaliser cette opéra-
tion arithmétique qui les désempare.
— La rupture didactique apparaît lorsque l'enseignant refuse à la fois de changer la
nature des nombres à traiter et d'expliquer aux élèves une nouvelle procédure à
appliquer.
Créer des conditions d'apprentissage
Tout ce que formule l'enseignant est une question qu'il renvoie aux élèves : «si Je
nombre à multiplier par «0,25» n'est pas un multiple de «4», existe-t-il un moyen de
le rendre multiple de «4», mais attention, il faut que l'opération arithmétique reste
équivalente à celle que vous avez à réaliser !.»
e LA DÉVOLUTION DIDACTIQUE...
La métaphore de la dévolution didactique [décrite par Brousseau
(1983, 1985, 1986, ...) ] est un exemple type de rupture didactique de
contrat :
«(...). La dévolution était un acte par lequel le roi — de droit divin — se départissait
du pouvoir pour le remettre à une chambre. La «dévolution» signifie :»ce n’est pas
moi qui veux, c’est vous qui devez vouloir, mais je vous donne ce droit parce que vous
ne pouvez pas le prendre tout seul».
Brousseau (1987 : 43)
— Une série d'élèves de première année du secondaire élèvent des nombres décimaux
au carré en recherchant une réponse plus grande. Ainsi, lorsqu'ils élèvent «0,2» au
carré, ils se contentent de la réponse «0,4» au lieu de «0,04», en affirmant que
c'est exact car «0,4» est bien plus grand que «0,2».
— L'enseignant leur demande ensuite de préciser leur procédure. Ces élèves spécifient
qu'ils ont fait [(0,2) x (0,2)] pour trouver une réponse plus grande, comme
lorsqu'ils font «2 x 2» pour trouver le carré de «2». Le carré de «2» étant «4», ils
considèrent que le carré de tout nombre est nécessairement un nombre plus grand.
— Reprenant cette procédure, l'enseignant leur demande de remplacer chaque fois
«0,2» par son expression équivalente sous forme de fraction («2/10») et ensuite
d'effectuer l'opération (2/10 x 2/10). La plupart des élèves obtiennent «4/100 »
comme réponse.
— L'enseignant leur demande alors d'exprimer «4/100» sous forme de nombre déci-
mal soit «0,04» et leur demande de comparer les deux réponses.
— Plusieurs élèves sont étonnés et demandent à l'enseignant : «comment ça se fait,
on a fait deux fois la même chose et on obtient des réponses différentes. Quelle est
la bonne réponse ?»
— L'enseignant ne fournit pas la bonne réponse et demande aux élèves de représenter
par un dessin sur des bandelettes de papier ce qu'ils ont réalisé comme opération
avec les fractions et de rechercher à travers ce graphe la bonne réponse à l’opéra-
tion. | leur pose une nouvelle question : «est-ce que vous pouvez représenter
«0,2» de la même façon que «2/10» ? Cherchez un moyen de représenter «0,2»
Pour qu'il y ait dévolution, avec effet sur l'apprentissage, il faut que
l'élève en ait préalablement accepté le principe lors de la négociation du con-
trat didactique : La dévolution est une des règles explicites du contrat.
Même si c’est l'enseignant qui décide du moment de la dévolution didactique,
celle-ci ne pourra exister que si l'élève l'a acceptée comme principe de fonc-
tionnement de la relation didactique et comme règle du contrat didactique. La
dévolution didactique n’est donc jamais sous l'unique contrôle de l'enseignant.
Les ruptures didactiques provoquées par la dévolution didactique sont tou-
jours en quelque sorte attendues par l'élève, puisqu'elles sont considérées
comme règles explicites du contrat. L'élève ignore toutefois les moments choi-
sis par l'enseignant pour provoquer ces dévolutions.
Vous avez dit contrat didactique ? 209
ns ccm
D 2
2 ou Ko!
(0,2 x 0,2) ou
FIGURE 28
SRSESESEMFON
e LA CONTRE-DÉVOLUTION DIDACTIQUE...
Contrat didactique
Contre-dévolution Dévolution
didactique didactique
Règles
inconscientes négociées
——————————————————+
implicites explicites
FIGURE 29
RAIN RES
5.3 Exemples
La question est alors de savoir si ces ruptures de contrat permettent
effectivement à l'apprentissage de se développer. Et puis, l'enseignant peut-il
prévoir, voire préparer ces moments de rupture ? Le contrat didactique est
mouvant; au cours d’une situation didactique, de nombreuses règles peuvent
changer, évoluer, voire disparaître, de nouvelles règles peuvent apparaître! Il
n’est dès lors pas possible d'élaborer un contrat didactique qui soit antérieur
à la relation didactique. La préparation d’une situation didactique n’est jamais
212 Créer des conditions d'apprentissage
Situation (à) :
— l'enseignant, (4e primaire), a préparé pour chacun de ses élèves
une planchette en bois, de forme carrée et ayant 20 cm de côté;
— à chacun de ses élèves, il a donné 400 petites pièces de mosaïque
ayant une forme carrée de 1 cm*° d’aire, elles sont de couleurs
différentes;
— il formule aux élèves la consigne suivante : «recouvrez la plan-
chette avec toutes les pièces de mosaique pour en faire un SOUS-
plat».
Situation (b) :
— l'enseignant (4e primaire) a fourni à chacun des élèves une plan-
chette en bois de forme carrée, mais de dimensions différentes cha-
cune, aucune de ces planches n’a les mêmes dimensions que les
autres;
— à chacun des élèves il a fourni un nombre de carrés de mosaïque
(de 1 cm° de mesure d’aire) inférieur au nombre nécessaire pour
recouvrir toute la surface de la planche;
— il donne pour consigne aux élèves : «recouvrez la totalité de la
surface de votre planchette avec les carrés de mosaïque dont
vous disposez, aucun vide ne peut exister entre les carrés».
Ces deux activités ne sont que des portions de séquences plus impor-
tantes, elles précèdent toutes les deux une découverte de la notion
d’aire des quadrilatères. Elles se ressemblent, elles sont pourtant tel-
lement différentes.
MER &. 2 aus ae ju
Pourquoi ?
Pour aller plus loin dans l’activité, rapidement, les élèves devront lever
une incertitude, comprendre la règle implicite de l’enseignant à la-
quelle ils n’ont pas accès pour le moment. Cette règle implicite est la
cause de la rupture qu'ils vivent pour le moment dans cette situation :
«le maître ne fait pas ce qu'il doit, il a mal préparé le matériel, il demande des choses
impossibles. pourquoi ?»
6. EN GUISE DE CONCLUSION...
… et pour laisser le débat ouvert!
La réflexion que nous avons développée tout au long de ce chapitre
trouve son argumentation tant dans la littérature classique sur le concept de
contrat didactique, que dans nos propres travaux de chercheurs en didactique
Vous avez dit contrat didactique ? 215
_ Et puis, dites-moi quel type SÉREURAAUE VOUS proposez à vos élèves etde
vous dirai qui vous êtes!
Le contrat didactique propose bien plus qu’une simple analyse des rè-
gles qui régissent la relation didactique. Par la dialectique «dévolution»> ver-
sus «contre-dévolution», le contrat didactique propose une philosophie de
l’apprentissage qui ne place pas l'élève naïvement au centre d’un processus
qu'il ne contrôle pas. Il le place dans une dialectique de projets d'enseigne-
ment et d'apprentissage qui montre que le second est le corollaire du pre-
mier pour autant qu'élèves et enseignant aient accepté de jouer le jeu. Cette
“dialectique replace au cœur du processus d'apprentissage scolaire le tandem
incontournable «enseignement-apprentissage », l’un définissant le rôle de
l'enseignant, l’autre celui de l'élève. Mais, au-delà de ce tandem, par la dialec-
tique «dévolution/contre-dévolution», le contrat didactique s'inscrit nécessai-
rement dans une perspective socio-constructiviste, renvoyant chaque fois à
l’'apprenant sa propre responsabilité dans les démarches qu'il entreprend pour
construire des connaissances.
Mais, le débat n’est pas clos, et la discussion reste ouverte.
«(...). Si, effectivement, nous ne savons pas comment tester telle théorie, nous pou-
vons douter qu'il y ait une quelconque réalité de l'ordre (ou du niveau) que décrit cette
théorie ;et si nous savons de manière positive qu’elle ne peut être testée, nos réser-
ves seront plus importantes encore et nous la soupçonnerons éventuellement de
n'être qu’un simple mythe ou encore un conte (...).
Mais si une théorie est susceptible d’être testée, elle implique alors que des événe-
ments d’un certain type ne peuvent se produire, et elle affirme donc quelque chose à
propos de la réalité (...).
Nous inventons nos théories, elles sont faites de nos idées; elles ne nous sont pas
imposées, mais ces instruments de pensée sont forgés par nous (...). Toutefois, cer-
taines de ces théories peuvent être en conflit avec la réalité, et lorsqu'une telle con-
tradiction apparaît, cela nous fait connaître qu'il existe une réalité, qu'il existe quelque
chose pour nous rappeler que nous pouvons avoir des idées erronées ».
Popper (1985 :178)
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PORT
Le concept
d'apprentissage scolaire
RÉSUMÉ
SOMMAIRE
Objectifs de ce chapitre
5.1 Introduction
5.2 Un modèle socioconstructif et interactif de l'apprentis-
sage scolaire : le modèle SCI
5.3 Des définitions du concept d'apprentissage
5.4 Le débat n’est pas clos
OBJECTIFS DE CE CHAPITRE
Ce chapitre poursuit l'objectif général de clarifier le concept d’appren-
tissage en contexte scolaire. L'approche de l'apprentissage proposée en ces li-
gnes s'inscrit nécessairement dans le paradigme constructiviste tel qu’il a été
précisé en début d'ouvrage. Ce chapitre permet au lecteur de développer une
réflexion critique sur les différentes conceptions de l'apprentissage en con-
texte scolaire. Il découvrira ensuite toute la pertinence d’une approche socio-
constructiviste et interactive (le modèle SCI) de l'apprentissage dans une
perspective didactique. Dans un premier temps, le lecteur découvrira les com-
posantes, les caractéristiques et le fonctionnement du modèle socioconstruc-
tiviste et interactif (le modèle SCT). Une série d’approches de l'apprentissage
sont ensuite analysées à l’aide d’une grille proposée au lecteur. Comparant ces
courants entre eux, le lecteur pourra en dégager les caractéristiques essen-
tielles. Fort de cette analyse, le lecteur pourra enfin porter un regard critique
sur notre définition socioconstructiviste et interactive de l'apprentissage en
contexte scolaire.
1. INTRODUCTION
Dans ce chapitre, le lecteur découvrira les composantes du modèle s0-
cioconstructiviste et interactif de construction des connaissances (le modè-
le SCT) et leur articulation interne. Dans cette partie de l'ouvrage, le modèle
est décrit dans une optique d'apprentissage en contexte scolaire. Partant de
la cohérence interne de ce modèle appliqué à l'apprentissage en contexte sco-
laire, les fonctions respectives du contrat et de la transposition didactiques
sont explicitées. Ces deux composantes jouent un rôle majeur dans le fonc-
tionnement du modèle SC]; elles l’inscrivent dans une perspective didactique
telle qu’elle a été explicitée dans un chapitre antérieur. Cette partie du chapi-
tre permet au lecteur de décortiquer le modèle SC]. Une série de critères peu-
vent en être dégagés pour analyser les propositions de définition de
l'apprentissage véhiculées dans la littérature didactique et pédagogique. Une
grille d'analyse de ces définitions est proposée au lecteur. Cette grille est cons-
truite sur base des critères socioconstructivistes et interactifs dégagés anté-
rieurement. Elle est donc largement connotée par notre modèle SCI. Une
série de définitions de l'apprentissage sont ensuite proposées au lecteur. Elles
sont extraites d'ouvrages de pédagogie, de didactique d’une discipline, de dic-
tionnaires de l’éducation ou de psychologie, de manuels de psychologie de
l'apprentissage. Elles sont également issues de courants de pensée très diffé-
rents les uns des autres. Cet échantillonnage de définitions contrastées est
présenté au lecteur en catégories. Nous avons regroupé ces définitions par
courant. Chacun des courants retenus est représenté par trois ou quatre défi-
nitions. Par courant, nous avons sélectionné une définition et lui avons appli-
qué notre grille d'analyse. Notre grille est constructiviste. C’est donc un regard
220 Créer des conditions d'apprentissage
LPS
EE RES LS
non naïf et clairement orienté que nous posons sur ces définitions. L'écart de
ces dernières avec une approche constructiviste devient alors évident, les am-
biguïtés de certaines approches s’affirmant malgré tout constructivistes sont
enfin levées. Ce travail d'analyse des définitions de l'apprentissage terminé,
nous pouvons enfin poser la question suivante :
2. UN MODÈLE SOCIOCONSTRUCTIVISTE ET
INTERACTIF DE L'APPRENTISSAGE SCOLAIRE :
LE MODÈLE SCI!
Un modèle à trois dimensions localisé
dans la relation didactique
e TROIS DIMENSIONS
Une approche socioconstructiviste et interactive suggère, par défi-
nition, une perspective tridimensionnelle de l'apprentissage.
De quoi s'agit-il ?
1 Le modèle SCI de Ph. Jonnaert a déjà fait l’objet de plusieurs communications auprès de la
communauté des chercheurs en didactique des mathématiques. Il fut au centre de la conférence
prononcée en séance plénière par Ph. Jonnaert le 6 mai 1997 au colloque annuel du GDM
(Groupe des Didacticiens des Mathématiques) à Sherbrooke. Il fut également présenté lors
d’une conférence plénière prononcée par Ph. Jonnaert à l’école d'été organisée par l'association
tunisienne des études didactiques en juillet 1997 à Sousse (Tunisie). Ce modèle est issu des tra-
vaux développés par Ph. Jonnaert et ses différentes équipes de recherche [à Louvain-la-Neuve :
DIES (unité de recherche en didactique et évaluation des apprentissages scolaires) et à
Sherbrooke : LARIDD (laboratoire interdisciplinaire de recherches en didactique des discipli-
nes) et CIRDAS (centre d'interventions et de recherches sur les difficultés d'apprentissage et
d'adaptation en contexte scolaire)] sur les apprentissages mathématiques et les processus de
compréhension des mathématiques en contexte scolaire. À l'issue de ces travaux, Ph. Jonnaert
et ces équipes de chercheurs arrivent actuellement à la conclusion que les trois dimensions du
modèle SCI sont indissociables. D’autres travaux sont actuellement en cours à ce propos, dont
une recherche longitudinale avec des élèves d’une école de Montréal à propos de la construction
de connaissances mathématiques.
222 Créer des conditions d'apprentissage
à travers les interactions que ces trois dimensions développent entre elles,
qu'un apprentissage scolaire peut effectivement se construire. Le modèle dé-
veloppé dans les lignes qui suivent est donc à replacer à l'intérieur de la rela-
tion didactique et plus particulièrement au cœur des espaces de dialogue en
dehors desquels l'apprentissage scolaire est peu probable. Maïs ce processus
n'est que l’initiateur d'une démarche beaucoup plus importante et plus lon-
gue, celle de l'apprentissage en tant que tel (et non plus seulement l'ap-
prentissage scolaire). Celui-ci est un processus continu de mises à l'épreuve,
d’ajustements voire de réfutations des connaissances, en fonction des con-
traintes des situations scolaires ou non. Les lignes qui suivent précisent cette
localisation stricte de l'apprentissage en contexte scolaire dans le cadre très
précis de la relation didactique.
Une définition plus précise de l'espace réel des apprentissages scolaires se ré-
vêle donc indispensable!
La définition d'une zone de dialogue est une condition sine qua non de l’appren-
tissage en contexte scolaire. FUTE
2 Cette «zone de dialogue» est définie dans le chapitre consacré au contrat didactique.
Le concept d'apprentissage scolaire
Espace de dialogue
où se situe l'apprentissage
scolaire
Espace scolaire
PTE
SE f
s
RAM
LI \
D s
L LE j
Élève ESKES
ee Enseignant
+
D © CN ue
D ;
Savoir “2
FIGURE 30
SCENE
Soyons clairs, pour qu'il y ait apprentissage, il faut que l'élève quitte
progressivement cette relation didactique, qu'il se dégage du carcan scolaire,
qu'il s'approprie les objets d'apprentissage hors de toutes contraintes exter-
nes. Pour ce faire, il doit rapidement s'inscrire dans un processus de plus en
plus personnel de construction de ses connaissances, c’est le temps long de la
construction des connaissances. Ce temps long se développe, lui, hors de la re-
lation didactique, hors des enceintes de l’école. Amorcé au sein de la relation
didactique, l'apprentissage se poursuit donc bien au-delà de cette dernière! Et
c'est là que nous retrouvons toute la pertinence de la zone proximale de dé-
veloppement, elle permet à l'apprentissage de se dégager du strict cadre sco-
laire pour devenir un processus personnel de construction, de
développement, d'ajustement ou encore de renoncement des connaissances
en fonction des représentations que le sujet se fait des contraintes des situa-
tions auxquelles il est confronté. L'apprentissage scolaire n’est certainement
pas tout l'apprentissage! S'il est localisé dans la relation didactique, il doit ra-
pidement céder la place à l'apprentissage au sens large du terme (lapprentis-
sage sensu lato). L'apprentissage scolaire est donc dynamique parce qu'il est
inscrit dans le temps.
3 Par une telle approche de l'apprentissage scolaire, le lecteur peut facilement se rendre
compte de limpertinence des processus d'évaluation qui, finalement, n'évaluent que les résultats
supposés d'un processus qui n’est même pas achevé et qui a peu de chances de l'être. Qu’éva-
luent l'école et les enseignants ? Nous reposerons cette question dans une section ultérieure.
Le concept d'apprentissage scolaire 225
Zone de dialogue
dans la relation didactique
Apprentissage
scolaire=
processus limité
dans le temps
Apprentissage
au sens large=
processus
d'adaptation
FIGURE 31
PESTE
— (1) processus inscrit dans une perspective — (1) processus inscrit dans une perspective
temporelle courte; temporelle longue;
— (2) processus limité dans le temps; — (2) processus quasi continu, rarement
achevé, pouvant sans cesse être
réactivé;
— (3) processus enclencheur de l'apprentis- — (3) processus qui est, ou non, amorcé
sage au sens large; par les apprentissages scolaires;
— (4) processus d'adaptation des connaissan- — (4) processus d'adaptation des connaissan-
ces de l'élève aux objets scolaires ces du sujet aux représentations que le
d'apprentissage. sujet se fait des exigences des situa-
tions auxquelles il est confronté.
LA
L'TAAME MEL À Î
GILET
MS MIE
S Dimension socio
FIGURE 32
RSR ET
Ces facettes sont essentielle- Ces facettes sont essentielle- Ces facettes sont détermi-
ment sous le contrôle de ment sous le contrôle de nées par les caractéristiques
l'enseignant; elles permet- l’apprenant; elles permet- de l’objet d'apprentissage;
tent, entre autres, l’organisa- tent, entre autres, l’organisa- elles permettent, entre
tion des démarches tion des démarches autres, l’organisation des
d'enseignement. d'apprentissage. situations didactiques.
Facettes liées
T Fe à l'organisation des
vec les au interactions sociales
— 1 Socio| et des activités
Avec l'enseignant d'enseignement,
… en plaçant l'apprenant
dans les conditions:
de construire lui-même ses fAgees Ness
SEP ER à l'organisation de
— [le |Constructiviste l'apprentissage
de fonctionner sur la base de ses Is
|
… en permettant à l'apprenant
d'interagir avec le milieu
Facettes liées
à l'organisation de
l'objet d'apprentissage
d'apprentissage
FIGURE 33
on indépendant e parr.
de plus en plus ind
grilisation ire des connaissances et des #Pport 2
contexte Compétey,
FIGURE 34
RES ;
Le sens et la pertinence des apprentissages scolaires
232 Créer des conditions d'apprentissage
D ]
Zone de dialogue
à l'intérieur de la
relation didactique
L'enseignant L'objet
et les pairs d'apprentissage
en situation
L'apprenant et
ses connaissances
FIGURE 35
Lune,
2; ]
La transposition didactique
Articulée à la dimension interactive du modèle SCI, la transposition
didactique s'intéresse particulièrement à l’objet d'apprentissage. Elle en étu-
die le cheminement jusqu’à ce qu'il devienne un objet d'enseignement et d’ap-
prentissage. Pour en vérifier la pertinence, il est utile que la transposition
-didactique développe son action, aussi, au-delà de la relation didactique et
vérifie dans quelle mesure l’apprenant peut ou non utiliser ses nouvelles con-
naissances et compétences dans des situations non-didactiques.
L'utilisation des nouvelles connaissances et compétences, par l’appre-
nant, dans des situations non didactiques est le critère de pertinence des sa-
voirs scolaires. Ce critère ne peut se vérifier que si l'apprentissage scolaire est
d'emblée placé dans une perspective temporelle longue et que si l'objectif pre-
mier de ces apprentissages est le transfert, hors du cadre scolaire, des nouvel-
les compétences et des nouvelles connaissances acquises par les situations
didactiques. Pour ce faire, l'enseignant doit, dès les premières minutes de l’ap-
prentissage scolaire, mettre les nouvelles connaissances de l'élève en perspec-
tive, en lui montrant les situations dans lesquelles il pourra les utiliser. Par un
travail sur les savoirs scolaires, la transposition didactique permet l’identifica-
tion de ces situations. À défaut, l'apprentissage scolaire fonctionne avec des
œillères, sans perspective aucune.
La transposition didactique exerce ainsi un rôle de validation des sa-
voirs… à condition de ne pas se limiter à une analyse des savoirs scolaires ex-
clusivement avant leur entrée dans la relation didactique! Au-delà de cette
fonction de validation des savoirs, la transposition didactique exerce aussi un
rôle d'évaluation puisqu'elle vérifie si ce qui est appris est utilisable, voire réel-
lement utilisé! La transposition didactique contrôle ainsi l’existence du trans-
fert. En situation de formation initiale des enseignants, la vérification de
234 Créer des conditions d'apprentissage
1 - fi
Le contrat didactique
Nous serons plus brefs à propos de ce concept, largement développé
dans un précédent chapitre. Le contrat didactique, quant à lui, permet de dé-
finir les zones de dialogue à l’intérieur même de la relation didactique. Il exer-
ce ainsi la fonction essentielle de mise en interaction des partenaires de la
relation didactique. Il régule également sans cesse les rapports que les élèves
et l'enseignant entretiennent à l’objet de savoir, par les jeux de dévolution et
de contre-dévolution. Son rôle est donc essentiel dans le développement des
apprentissages scolaires, car non seulement il en permet l'existence par la dé-
finition d'espaces de dialogue entre les différents partenaires en présence, en
outre il régule les rapports que les uns et les autres entretiennent au savoir.
Outre l’ensemble des fonctions qui ont été définies dans le chapitre
précédent, le contrat didactique exerce essentiellement deux fonctions ma-
jeures au sein du modèle SCI :
(1) une fonction de création d'espaces de dialogue entre les parte-
naires de la relation didactique;
(2) une fonction de régulation des rapports à l’objet de savoir.
\ENEy
ÉTAIT Zone de dialogue
=
Fonctions de la
Apprentissage D! transposition
:scolaire V4 V]_didactique
Fonctions dul
contrat
didactique
= FIGURE 36
«(...) Les constructivistes affirment que nous ne devons pas supposer l'existence
d'un monde extérieur indépendant pour rendre compte de l’activité de celui qui
observe ».
3.1 Introduction
Avant de proposer une définition opérationnelle du concept d’appren-
tissage cohérente avec le modèle SCI, nous proposons au lecteur un parcours
à travers 6 catégories de définitions du concept d'apprentissage : (1) des dé-
finitions qui évoquent l’entendement commun à propos du concept
d'apprentissage; (2) une approche étymologique du concept; (3) les défini-
tions relevées dans des dictionnaires de psychologie ou d'éducation, (4) ce
qu’en disent les béhavioristes; (4) ce qu’en pensent les cognitivistes issus du
traitement de l'information; (6) ce que proposent les constructivistes.
Afin de permettre au lecteur de porter un regard critique sur ces ap-
proches, des critères et une grille sont proposés. Après cette démarche, nous
serons enfin en mesure de proposer une définition spécifique de l’apprentis-
sage en contexte scolaire.
e ET DU CÔTÉ DE L'ÉTYMOLOGIE ?
Apprendre c’est
«(....) le verbe signifie dès l’ancien français «saisir par l'esprit» et «acquérir pour soi
des connaissances» (v.950), valeurs parallèles à celles de comprehendere, com-
prendere (comprendre). Il se dit aussi (v. 1140) pour «donner à autrui (des
connaissances)» : apprendre à quelqu'un à, aussi apprendre quelqu'un à (v. 1190),
ainsi que pour «instruire» (qqn), (mil. XII s.), sens disparu mais qui a donné «bien
appris» et «mal appris », (...)
Un professeur de religion :
«.. transmettre des connaissances (cadres de réflexion, vocabulaire), des métho-
des, des sources; permettre à l'élève de se former en autonomie le reste de sa vie:
ouvrir au maximum les cadres de la réflexion, pour entrer dans la dynamique de la
pensée humaine en devenir».
Un professeur de français :
«.. enseigner pour moi c'est communiquer avec des jeunes, essayer de susciter leur
curiosité, puis répondre à leurs interrogations. Il faut pour cela établir un climat de
confiance réciproque, de netteté, de transparence, à la fois dans ce que je dis et dans
ce que je suis et exiger la même congruence de la part des jeunes. Cela me demande
beaucoup d'énergie et beaucoup de rigueur scientifique et morale parce qu'il faut
sans cesse supporter le doute, l'incertitude, il faut se remettre en question tous les
jours. Rien n'est jamais acquis dans notre beau métier».
Un professeur de mathématiques :
«.. eSSayer de trouver la meilleure orientation possible pour l'élève; le contact avec
le jeune, l'enrichissement mutuel».
Un professeur de langue :
«.. paradoxalement, c'est vouloir se rendre inutile, … c'est-à-dire amener l'enseigné
à une véritable autonomie».
Le concept d'apprentissage scolaire 245
+]
Selon le but à atteindre, les procédés seront différents. Ils font appel à l'attention, à la
: perception, à laquelle l'imagination peut suppléer, aux associations, ils impliquent l'in-
tervention de la mémoire (sans faire appel pour cela à la mémorisation
systématique) ;enfin, toute acquisition systématique de notion fait intervenir une opé-
ration mentale».
Lafon (1963 : 47)
(3.3) «En général : chez un individu, modification de sa capacité de réaliser une tâche
sous l'effet des interactions avec son environnement. Selon le contexte, le terme dé-
signe le processus ou le résultat du processus. Il est généralement entendu que la
modification consiste en un progrès.
Dans les sciences de l'éducation, modalité d'acquisition des connaissances, des
compétences ou des aptitudes ».
Grand dictionnaire de la psychologie (1991 : 58)
«Mettre où se mettre au courant d’une information; intégrer, assimiler, incorporer des don-
nées nouvelles à une structure cognitive interne déjà existante; acquérir et développer des
connaissances et des habiletés ;intégrer une information à une structure qui existe en mé-
moire et utiliser cette information chaque fois que la situation l'exige».
Legendre (1988 :35)
Définition
analysée
(1) Constructiviste (1.1) Qui est l’acteur de L'apprenant Cet aspect est
l'apprentissage ? implicite dans la
définition de
Legendre (1988),
il apparaît à tra-
vers les verbes
utilisés dans la
définition pour
préciser la
démarche de
l'apprenant.
(4) Transfert (4.1) Le transfert des acquis dans de | Oui L'auteur évoque
nouvelles situations est-il l’utilisation des
envisagé ? acquis de
l'apprentissage
«chaque fois que
la situation
l'exige».
Définition | Commentaires
analysée
(4.1) «(...) l'apprentissage est une modification plus ou moins permanente d’un
comportement en puissance qui est le résultat d’un exercice répété ».
Kimble (1961 :2)
(4.4) «(....) l'apprentissage peut être défini comme la modification ou le maintien d'une
relation comportementale entre un animal et son environnement par la suite de son
expérience individuelle».
Johnston (1985 :6)
«(.…) l'apprentissage est un processus exclusif à certains organismes vivants, comme plu-
sieurs animaux, incluant l'être humain, exception faite des plantes. C'est un processus qui
permet à ces organismes de modifier leur comportement de façon assez rapide et plus ou
moins permanente, de telle sorte que la modification ne doive pas se produire chaque fois
que se présente une nouvelle situation ».
Gagné (1977, & édit. : 5)
(5.2) «En tout état de cause, on peut proposer le cadre très général suivant pour tout
phénomène d'acquisition dans une situation d'apprentissage où il y a une interaction
entre le sujet et l'environnement externe :
1. En abordant l'apprentissage, le sujet doit posséder déjà des connaissances initia-
les, des capacités prérequises :
a. pour percevoir l’environnement externe, c'est-à-dire segmenter et agréger les
stimuli sensoriels de façon à identifier les objets qui constituent les informations
qu'il manipulera (capacité de perception);
b. pour construire une représentation interne de la situation, c'est-à-dire construi-
re un ensemble d'objets et un réseau de relations entre eux (capables de
compréhension);
c. pour déduire, à partir des informations venant de l'environnement externe et in-
terne, de nouvelles connaissances (capacité de raisonnement).
2. Le résultat de l'apprentissage pourrait être de deux types :
— une augmentation du degré d'expertise dans le domaine de connaissance sur
lequel porte l’apprentissage;
— une augmentation des connaissances initiales, ou capacités prérequises, ci-
tées ci-dessus».
Crépault et Nguen- Xuan (1990 : 197)
À ces six points il faut ajouter le fait que «ce qui caractérise en premier lieu la psy-
chologie cognitive, c'est qu'elle considère la connaissance comme un système de
traitement de l'information».
Goanac'h et Passereau (1995 : 50)
«(1) L'apprentissage est un processus actif et constructif; (2) il est essentiellement l'établis-
sement de liens entre de nouvelles données et des connaissances anté-rieures; (3) il con-
cerne autant les connaissances procédurales et déclaratives que les connaissances
conditionnelles ; (4) il exige l’organisation constante de connais-sances; (5) il concerne
autant les stratégies et métacognitives que les connaissances théoriques; (6) la motivation
scolaire détermine le degré d'engagement, de participation et de persistance de l'élève
dans ses apprentissages ».
Ouellet (1997 : 4 et 5)
Définition | Commentaires
analysée
«La personne qui apprend ne reste pas passive devant ce qui lui est présenté. Au
contraire, en recevant les informations qui lui parviennent de l'extérieur‘, peu importe
le capteur sensoriel qui capte ces informations, elle en fait une sélection ».
Tardif (1992 : 34)
(6.2) «(...) ce que la psychologie génétique instaure de façon définitive pour la ré-
flexion contemporaine, c'est que le sujet de la connaissance construit lui-même l’objet
du savoir en même temps qu'il assure ses modes de pensée. Ce qui théoriquement
alors devient le principe organisateur de la connaissance, c'est l'ensemble des attitu-
des mentales et des activités concrètes par lesquelles le sujet découvre et organise
son savoir et ses activités ».
Vergnioux (1991 : 11)
«(...) L'apprentissage est un processus; la modification d’acquis antérieurs fait partie inté-
grante de ce processus; c’est l’apprenant qui est le principal acteur de l'apprentissage; un
apprentissage scolaire doit s'inscrire dans un contexte porteur de significations pour celui
qui apprend; la logique de celui qui apprend prime sur celle de la matière à enseigner.
« pour
l'entendement |. pou Late
les cognitivistes
commun les behavioristes … pour
(issus des théories du
L'apprenant traitement de l'information) Ro ble 8
accumule L'apprenant L'apprenant
passivement modifie réceptionne L'apprenant
des connaissances | | durablement un ou des informations développe une
qui font référence plusieurs externes qu'il activité réflexive
à des savoirs et comportements traite activement Sur ses propres
des objets externes sa <Y connaissances
àd il est un il est un Ÿ7
il est un transformateur de récepteur actif il est un
accumulateur passif] | comportements d'informations créateur de
de savoirs externes observables externes connaissances
FIGURE 37
D
Er |
Répondons-nous aux deux conditions posées par Albert Morf pour dé-
velopper une véritable réflexion constructiviste sur l'apprentissage en contex-
te scolaire ?
«(..) Le constructivisme épistémologique remanie pour la didactique le rapport objet-
connaissance en éliminant de la théorie le recours à l'objet extérieur. Puisque les con-
naisances ne sont pas réductibles à une lecture du réel même élargi et abstrait, leur
établissement chez l'élève ne peut se réduire à une transmission de vérités
constatées; le connu étant le produit d'une construction, sa communication corres-
pond à une reconstruction chez l'interlocuteur ou l'élève.
«(..) Les constructivistes affirment qu'il n’y a pas d'observations, c’est-à-dire ni don-
nées, ni lois de la nature, ni objets extérieurs indépendants des observateurs qui les
font. La scientificité et la vérité de tous les phénomènes naturels sont des propriétés
de celui qui les décrit, non pas de ce qui est décrit.
La logique du monde est celle de la description du monde ».
Segal (1990 : 22)
270 Créer des conditions d'apprentissage
RÉSUMÉ
SOMMAIRE
Objectifs de ce chapitre
6.1 Introduction
6.2 Le processus enseignement/apprentissage
6.3 Ce qu'ils en disent
6.4 Les conditions de l'apprentissage
6.5 Le débat n'est pas clos
Ce chapitre développe une réflexion que nous avons proposée dans plu-
sieurs textes antérieurs :
— de Bueger-Vander Borght, C., Remacle-Pourbaix, A.-M. et Servranckx,
A.-M. (1996c). Apprendre à chercher. Chercher pour apprendre. Vi-
déogramme 1996. Louvain-la-Neuve : Laboratoire de pédagogie des
sciences.
— Jonnaert, Ph. (1995). Entrer dans l'apprentissage scolaire. In G. Forges,
(dir.), Enfants issus de l’immigration et apprentissage du français
langue seconde, (pages 15 à 53), Paris : Didier-Érudition.
— Jonnaert, Ph., Lauwaers, A. et Peltier, E. (1995). Facettes d'un ap-
prentissage scolaire. Bruxelles : SEGEC, (2e édition).
BIBLIOTHEQUE
” |
| Iniversité du Québec à Rimot JSK
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire
OBJECTIFS DE CE CHAPITRE
Ce chapitre permet au lecteur de clarifier le rôle et les fonctions de
chacun des acteurs en présence, enseignant et élève, à l'intérieur même du
processus enseignement/apprentissage, processus présenté dans une pers-
pective socioconstructiviste et interactive, fidèle à notre modèle SCI. Le lec-
teur pourra ainsi différencier l'approche cognitiviste, issue du traitement de
l'information, de l'approche socioconstructiviste, qui est la nôtre, à propos du
processus dont il est question.
Ces propos sont non normatifs, ils sont présentés et illustrés, comme
peut l'être un témoignage. C’est en ce sens, et en ce sens seulement, qu’il faut
comprendre ce chapitre. Nous décrivons donc des réalisations éprouvées à la
réalité concrète de la classe. Le lecteur peut adopter, adapter ou réfuter ces
suggestions. Elles sont là pour être remises en cause, questionnées, confron-
tées à la pratique des uns et des autres, amendées ou encore reconstruites.
1. INTRODUCTION
Dans cette partie de l'ouvrage, nous abordons enfin les conditions de
l'apprentissage en contexte scolaire.
Encore faut-il que le rôle de chacun soit clairement identifié! Nous
précisons d’abord la signification du processus enseignement/apprentissage
dans la perspective socioconstructiviste et interactive qui est la nôtre.
Nous présentons ensuite les réactions d’une série d'enseignants en
formation auxquels nous avons proposé notre approche du concept d’appren-
tissage. Cette définition de l'apprentissage suscite bon nombre de questionne-
ments chez ces derniers, praticiens au quotidien de l’apprentissage en
contexte scolaire. Leurs questions à notre définition sont décrites dans les li-
gnes qui suivent. Elles alimentent la critique par rapport au modèle SCT, mais
surtout elles permettent au lecteur de questionner à son tour le modèle et de
prendre du recul par rapport à nos propos.
272 Créer des conditions d'apprentissage
.… enseigner et apprendre!
2. LE PROCESSUS D'ENSEIGNEMENT/
APPRENTISSAGE
.…… OÙ la définition du rôle de chacun!
2.1 Introduction
Après avoir clarifié les rôles respectifs des élèves et de l'enseignant à
l'intérieur du tandem «enseignement/apprentissage», ce paragraphe reprend
différentes dimensions du modèle SCI de l'apprentissage. Le modèle SCI pose
des contraintes importantes sur le processus enseignement/apprentissage. Il
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 273
Mais, … avant d'aller plus loin, répondons à la question : qui fait quoi ?
FIGURE 38
FIGURE 39
DAS RNERES
mise en
interaction
adaptation
des savoirs à
apprendre aux
interactions
des
avecl'environnement
physique
les
à: 4
ati
FIGURE 40
Le
ve,7
lons cependant, que pour les cognitivistes issus des théories du traitement de
l'information, le monde est prédéfini, c'est-à-dire que ses propriétés sont éta-
blies préalablement à toute activité cognitive. Par ailleurs, le sujet se construit
des représentations à propos de ce monde. Le concept de représentation est
au cœur de leurs approches. Mais, ce concept est-il clair ?
«On parle de représentation quand l'objet sur lequel portent les conduites n'est pas
celui qui leur donne leur sens, mais un substitut de cet objet. Pour parler de représen-
tation il est nécessaire qu'il y ait une relation entre deux systèmes d'objets (réels ou
mentaux) : l'un étant représentant de l’autre, le représenté. Cette relation est, en gé-
néral, non-symétrique. Il est en outre nécessaire qu'il existe une autre (ou des) rela-
tion(s) entre les comportements, actions, ou opérations effectués, ou plus
généralement effectuables, sur le représentant et celles effectuées ou effectuables
sur le représenté. Il s'agit d'un système complexe que l'on ne saurait réduire à un cou-
ple d'objets (ou d'événements) dont l’un serait considéré comme représentant de
l’autre ».
A da
«(..) Certes, l'embouchure du fleuve Saint-Laurent existait avant que je ne puisse moi-
même l’observer, la regarder, me construire des connaissances à son propos. Mais ma
grille de lecture de ce fleuve était fonction de mes connaissances des fleuves qui m'étaient
plus familiers, de tout petits fleuves comme la Meuse, l’Yser ou l’Escaut, … fleuves à la di-
mension de la Belgique. Aujourd’hui, non seulement je me suis construit des connaissances
à propos du Saint-Laurent parce que j'ai vécu plusieurs expériences à son propos, mais j'ai
aussi modifié mon regard à propos des fleuves qui m'étaient familiers. S'ils ne se jetaient
pas dans la Mer du Nord, je les comparerais plutôt à des rivières. Mais mes connaissances
actuelles à propos du Saint-Laurent ne sont certes pas celles des riverains de ce fleuve qui
portent sans doute sur lui un tout autre regard que le mien, pas plus que les riverains de la
Meuse, de l’Yser ou de l’'Escaut ne parviennent à comprendre mes propos sur le Saint-Lau-
rent lorsque j'en parle alors qu'ils ne l’ont jamais vu! Ils me disent qu'ils ne peuvent s'ima-
giner ce fleuve, il faudrait qu'ils viennent le voir! Ils y pensent en se référant à leurs
connaissances de fleuves : la Meuse, l'Escaut ou l’Yser!»
1 Gauthier et al. (1997) tout en reconnaissant les apports de la psychologie cognitive font une
critique de ce courant, particulièrement quant à sa ligne dure. Maurice Tardif et al. (1994) analy-
sent, dans une intéressante recension, les limites de l'apport de la psychologie cognitive à l’ensei-
gnement et à l'apprentissage.
Créer des conditions d'apprentissage
(bien sûr à travers les interactions sociales de la classe) décide d'investir dans
la situation qui lui est proposée, telle ou telle partie de son patrimoine de con-
naissances.
C’est cette dimension, la labilité des connaissances, qui fait non seu-
lement la richesse des apprentissages scolaires, mais qui de surcroît les justi-
fie. Si les connaissances étaient stables, solides, définitivement installées, non
fragilisables, aucun apprentissage scolaire ne serait possible! Les apprentissa-
ges peuvent fonctionner car, justement, ils se fondent sur la fragilité des con-
naissances, toujours provisoires, toujours remises en cause et à reconstruire
aussitôt que les contraintes d’une nouvelle situation l’exigent.
À travers le modèle SCI, le tandem enseignement/apprentissage per-
met la création de connaissances par l’apprenant. Ce tandem permet aussi la
fragilisation des connaissances de l’apprenant en les confrontant à des situa-
tions qui risquent parfois de les remettre en cause.
contexte scolaire dépendent des contenus de savoirs organisés dans les pro-
grammes, validés par les processus de transposition didactique et proposés par
l'enseignant. L'apprenant doit faire confiance aux finalités de ce savoir que l'en-
seignant a nécessairement analysées. L'apprenant est informé par l'enseignant
du résultat de cette analyse des finalités, il connaît le pourquoi de ce savoir, hic
et nunc, dans son cheminement d'élève. L'apprenant n’est donc pas libre de
choisir les contenus des apprentissages scolaires. Il est cependant libre de les
reconstruire et de créer des connaissances à leur propos... ou pas!
DOCUMENT
Extrait d'un texte d'Arthur Rimbaud daté de 1864, écolier, il n'avait que 10 ans, …
(Arthur Rimbaud. Œuvres diverses, Proses et vers de collège, extraits. Paris : Hachette).
«(...) Pourquoi, me disais-je, apprendre du grec, du latin ? Enfin on n'a pas besoin
de cela! Que m'importe à moi que je sois reçu. à quoi cela sert-il d’être reçu, rien,
n'est-ce pas ? Si pourtant on dit qu'on n’a une place que lorsqu'on est reçu. Moi,
je ne veux pas de place, je serai rentier. Quand même on en voudrait une, pour-
quoi apprendre le latin; personne ne parle cette langue. Quelquefois j'en vois sur
les journaux, mais Dieu merci, je ne serai pas journaliste.
Pourquoi apprendre et de l'histoire et de la géographie ? On à, il est vrai, besoin
de savoir que Paris est en France, mais on ne demande pas à quel degré de lati-
tude. De l'histoire, apprendre la vie de Chinaldon, de Nabopolassar, de Darius, de
Cyrus et d'Alexandre et de leurs autres compères remarquables par leurs noms
diaboliques est un supplice.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 285
LEE
EEE SES EE]
Que m'importe, moi qu'Alexandre ait été célèbre ? Que m'importe. Que sait-on
si les latins ont existé ? C'est peut-être quelque langue forgée: et quand même ils
auraient existé, qu'ils me laissent rentier et conservent leur langue pour eux! Quel
mal leur ai-je fait pour qu'ils me flanquent pareil supplice ?(...)».
«Quel mal leur ai-je fait pour qu'ils me flanquent pareil supplice ?»
Le processus enseignement/apprentissage
(1) Le processus enseignement/apprentissage articule étroitement les activités de l'enseignant
à celles de l'élève et réciproquement.
(2) Le processus enseignement/apprentissage a pour fonction de permettre à l'élève de cons-
truire de nouvelles connaissances sur base de ses connaissances actuelles, à travers les
interactions avec les pairs et l'enseignant et grâce à la mise en interaction de ses connais-
sances avec le savoir à apprendre
Les nouvelles connaissances de l’élève sont provisoires et leur viabilité peut, à tout
moment, être remise en cause par les caractéristiques d’une nouvelle situation à laquelle
l'élève est confronté.
Même si «enseignement» et «apprentissage » sont solidaires, l'apprentissage reste sous la
seule responsabilité de l'élève. L'enseignant ne peut en aucun cas se substituer à ce dernier.
L'enseignant a pour fonction essentielle de créer les conditions de l'apprentissage.
L'élève a pour fonction essentielle d'apprendre.
Les nouvelles connaissances de l'élève ne correspondent pas nécessairement au savoir que
l'enseignant souhaitait qu’ils apprennent.
«(..) la chose est regardée comme étant, et étant seulement ce que fait d'elle l'intérêt
dominant ».
Baldwin, cité in Piaget (1978 : 194)
3. CE QU'ILS EN DISENT
.… OÙ le modèle SCI est questionné
par des praticiens!
3.1 Introduction
Dans ce paragraphe, nous reprenons les neuf aspects de notre défini-
tion de l'apprentissage en contexte scolaire et présentons les réactions qu'ils
ont suscitées auprès d'enseignants en fonction. Ces derniers participaient à
une formation durant laquelle ils ont été confrontés à notre approche de l’ap-
prentissage *. Les questions et les réactions de ces enseignants permettent au
lecteur de prendre quelque distance par rapport à notre approche. Ils peu-
vent, de ce fait, poser un regard critique sur le modèle SCI au départ duquel
nous avons construit notre conception de l'apprentissage. Si de nombreux
chercheurs adoptent aujourd’hui, d’une manière ou d’une autre, la thèse cons-
tructiviste, les pratiques quotidiennes des enseignants n’en demeurent pas
moins éloignées. Nous en faisons régulièrement l'observation lors de sessions
de formation continue des enseignants ou lors des visites de nos étudiants,
futurs enseignants, dans leur classe de stage.
«Depuis plusieurs années, les travaux qui ont été conduits dans la perspective du
constructivisme épistémologique ont contribué à la compréhension de la formation
des connaissances par l’apprenant et l'apprenante et à l'élaboration de situations di-
dactiques susceptibles de favoriser leur évolution. Toutefois, malgré ces promesses
2 Se référer à l'expérience de formation décrite dans : Jonnaert, Ph. (1995). Entrer dans
l'apprentissage scolaire. In G. Forges, (dir.), Enfants issus de l’immigration et apprentissage
du français langue seconde. (pages 15 à 53), Paris : Didier-Érudition.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 287
éducatives, l'intégration de la thèse constructiviste au renouvellement des pratiques
pédagogiques quotidiennes demeure marginale. Pourtant, de plus en plus de cher-
cheurs, de chercheuses et de pédagogues se réclament aujourd'hui de cette thèse,
sur la base de principes tel celui de la nécessité d'une participation active à la cons-
truction et à l'apprentissage des savoirs ».
«Un apprentissage scolaire est un processus dynamique par lequel un apprenant, à travers
une série d'échanges avec ses pairs et l'enseignant, met en interaction ses connaissances
avec des savoirs codifiés dans l'objectif de créer de nouvelles connaissances, adaptées aux
contraintes et aux ressources de la situation à laquelle il est actuellement confronté, mais
aussi dans l'objectif d'utiliser ses nouvelles connaissances dans des situations non
didactiques ».
(4) «Les savoirs, pour être appris, doivent être mis en situation
d’une manière telle que les connaissances de l’apprenant puissent entrer en
interaction avec eux».
Ce quatrième point permet d'envisager la dimension interactive de
l'apprentissage; il s’agit des interactions entre «savoirs» et «connaissances ».
(5) «Un apprentissage scolaire est localisé dans une zone de dia-
logue créée entre l'enseignant et les pairs, l’apprenant et le savoir; cette
zone de dialogue est définie grâce au travail du contrat didactique; dans
cet espace de dialogue, l'apprentissage scolaire se réalise à travers les in-
teractions sociales de l’apprenant avec l'enseignant et avec ses pairs».
Ce cinquième point permet d'envisager la dimension socio de l’ap-
prentissage scolaire; il s’agit des interactions sociales entre l’apprenant, son
enseignant et ses pairs à propos de l’objet d'apprentissage. Cette dimension
socio dépend fondamentalement du contrat didactique.
Créer des conditions d'apprentissage
3e Ms MT AA SET AE
eue RNNNIESS
3 Nous avons mis en place une approche spécifique pour nos enseignements de mathémati-
ques et de didactique des mathématiques à l'Université de Sherbrooke. Pour ces cours, chaque
groupe d'étudiants (environ 120 étudiants) est redistribué en équipe de 8, chaque équipe est
animée par un «étudiant-tuteur». Les «étudiants-tuteurs» sont en dernière année de formation
et ont déjà bénéficié de l’enseignement pour lequel ils sont tuteurs. Pour chaque séance de cours
un concept est identifié, avant la séance les conceptions des étudiants à propos de ce concept
sont relevées. Cinq situations sont ensuite construites par le professeur et les chargés de cours,
elles sont ensuite proposées en atelier aux étudiants. Ces derniers travaillent au traitement de
ces situations, le tuteur fait verbaliser les démarches des étudiants et les confronte entre elles.
Plus que les concepts, ce sont les démarches respectives des étudiants et les contenus des con-
frontations qui sont mis en évidence. Les étudiants, futurs enseignants, réfléchissent, durant ces
cours, sur le concept et sur les interactions de leurs propres connaissances avec ce concept à
travers les interactions avec les autres. Les séquences sont régulièrement magnétoscopées et de
fréquents retours sur les vidéos sont réalisés pour permettre à ces étudiants d'analyser le rap-
port de leurs propres connaissances au savoir.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 293
su
Ce qu’ils en pensent
(1) Adopter une approche socioconstructiviste exige de la part des enseignants un changement
paradigmatique radical, si leurs références sont inscrites dans des paradigmes aussi anta-
gonistes à l'approche constructiviste que l’est l'approche comportementaliste.
(2) Tous les enseignants ne sont pas prêts à effectuer ce changement dans leurs pratiques quo-
tidiennes. Et, même si en formation continue une série d’entre eux adoptent notre concep-
tion de l'apprentissage, cela ne signifie nullement qu’un transfert s'effectue
automatiquement vers leurs pratiques quotidiennes de classe.
(3) Les questions posées par les enseignants sont pragmatiques. Nous n'avons certainement
pas de réponse à chacune d’elles. De toute façon, les réponses que nous apporterons, en
précisant les conditions de l'apprentissage, restent partielles et non normatives.
(4) Le questionnement de ces enseignants est plus important que nos réponses. Par les ques-
tions qu’ils se posent et qu'ils posent, ils ont entamé leur propre démarche de construction
de connaissances à propos de l'apprentissage.
4.1 Introduction
Les lignes qui suivent proposent une série d’orientations que l’en-
seignant peut décider ou non de donner à son enseignement. Il peut les ex-
périmenter, les adapter, les amender, les réfuter, ... Il s’agit d'approches
expérimentées (ou en cours d’expérimentation) dans des classes du primaire
ou du secondaire, ou encore dans nos cours universitaires à Sherbrooke ou à
Louvain-la-Neuve. Nous les décrivons comme des témoignages de notre ap-
proche. Celle-ci n’est cependant pas un produit fini, elle continue chaque jour
à se construire ou à se reconstruire.
spécificités de l’action des uns et des autres à chacun des moments de son dé-
roulement.
Sans entrer dans le détail, retenons sommairement de ces trois phases
les éléments suivants :
— durant la phase pré-active d'anticipation, l'enseignant prépare et
anticipe la séquence d’enseignement/apprentissage :
— durant la phase interactive de déroulement de l’action, l'enseignant
place les élèves dans des situations pertinentes par rapport à l’objet
d'apprentissage, il gère les interactions entre les élèves et entre les
élèves et lui;
— durant la phase post-active de retour sur l’action, l'enseignant ana-
lyse les effets de la séquence enseignement/apprentissage autant pour
ses élèves que pour lui-même.
Chacune de ces phases se caractérise par des gestes, des décisions,
des actions spécifiques que pose l'enseignant ou l'élève. Nous les décrivons
systématiquement dans les lignes qui suivent.
e LEURS 5
«l'objet d'apprentissage envisagé s'inscrit LR PONT ER RIRES
re officielle de mes élèves ?» à
«le contenu envisagé s'inscrit-il parmi ceux socialement attendus pour mes étu-.
… diants dans le curriculum d'études dans lequel ilssont actuellement inscrits 2». 1
e QUESTION:
DOCUMENT
Moscou, 1930!
e EXEMPLE :
(Éléments extraits d’un cours universitaire de didactique des
mathématiques destiné à des futurs orthopédagogues).
4 Cette typologie permet l'analyse des structures additives et soustractives présentes dans les
énoncés de problèmes arithmétiques.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 299
e QUESTION :
e EXEMPLE :
Chacune de ces trois classes de situations doit être présentée aux étu-
diants en même temps que l'hypothèse d'objectif. Ces situations permettent à
l'étudiant, dès la présentation de l'hypothèse d'objectif, de rencontrer des
contextes dans lesquels, professionnellement, il pourra utiliser le nouveau sa-
voir à propos duquel il lui est proposé de développer une démarche d’appren-
tissage.
e QUESTION :
e EXEMPLE :
Pourquoi?
Comment?
FIGURE 41
PESTE
Une ébauche d’hypothèse d'objectif : fiche aide-mémoire n° 1
302 Créer des conditions d'apprentissage
4 .
envisager les situations dans lesquelles le savoir pourra être utilisé. Par cette
mise en perspective de l’objet d'apprentissage, non seulement l'enseignant dé-
finit le type de situations qui seront proposées aux étudiants en cours d'ap-
prentissage mais en plus il prépare le transfert en évoquant les situations non
didactiques dans lesquelles ce savoir pourra être utilisé. Mais il ne s’agit que
d’une première ébauche, à ce stade, aucun lien n'est encore établi avec les
connaissances de l’apprenant. Cette première ébauche est cependant indis-
pensable pour y arriver.
Notons cependant, qu’à ce premier niveau de formulation, l'hypothèse
d'objectif se trouve à l’état brut. L'enseignant devra l’ajuster après le travail
réalisé au cours de la seconde condition : la triple exploration du savoir et des
connaissances de l'élève. (voir figure page précédente)
e QUESTION :
Une trame conceptuelle est le résultat d’une analyse de l’objet d'apprentissage. Toute
analyse de la matière désarticule en quelque sorte l’objet d'apprentissage en ses
composantes et le met en interaction avec les concepts proches. Dans une trame
conceptuelle, les composantes de l’objet de savoir sont présentées sous forme
d'énoncés (des phrases complètes, Astolfi et al., 1997a : 168) et sont organisées en
réseau :
«(...) cette analyse s'effectue largement a priori, sans référence à un niveau d’ensei-
gnement donné. Elle puise ses objets dans l’état du savoir scientifique universitaire,
complété par des approches de type épistémologique et historique. On aboutit ainsi
à des trames conceptuelles (...)».
Astolfi, et al. (1997a : 168)
Cette carte a donc été construite après un travail sur les conceptions
des élèves.
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FIGURE 42
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liens avec à Ja FE ain
d'autres
trames
FIGURE 43
e QUESTION :
«quelles sont les connaissances de mes élèves à propos de l'objet
Édaphrenissage 7e ir dus
e LA NOTION DE CONCEPTION :
6 Astolfi, J.-P, (1997); Astolfi, J.-P. et al. (1984); Barth, B.-M., (1993); Bednarz, C. et Garnier,
C. (1989); de Bueger-Vander Borght, C. et al. (1989, 1990, 1991, ..); Désautels, J. et Larochelle,
M., (1989); Giordan, A., de Vecchi, G. (1987); Jonnaert, Ph., (1988) ;Jonnaert, Ph. et al. (1989);
Johsua, S. et Dupin, J.-J., (1989); …
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 309
La _
Pa =]
Ed »
7 Situation proposée par ù
d l'enseignant à propos ù es, Interactions directes
d'un objet d'apprentissag \ AE:
| donné es TS TER } ‘2222!
VE Interactions indirectes
Mu
a
d
È
‘
L
Partie émergée et visible
des connaissances que
LU
È
D : 0
+ 2 nu LE — ee d l'élève accepte d'injecter
Conception de ; dans une situation donnée
“ - . . £
E LA
S 8 Le \l'élève à propos de … : à un moment donné
8 à © Fe
se
s È Partie
Ê Ka) Connaissances de immergée des
e © l'élève à propos de … connaissances
LUE non visibles
de l'élève
FIGURE 44
FORSERENIERELS
«(le terme de «conception») met l'accent sur le fait qu’il s'agit, à un premier niveau,
d'un ensemble d'idées coordonnées et d'images cohérentes, explicatives, utilisées
par les apprenants pour raisonner face à des situations-problèmes, mais surtout il
met en évidence l’idée que cet ensemble traduit une structure mentale sous-jacente
responsable de ces manifestations contextuelles ».
Giordan et de Vecchi (1987 : 79)
DOCUMENT
Mais l'évolution de ce courant fut telle que le concept même de représentation est
aujourd'hui galvaudé. Tout le monde en parle sans plus en connaître exactement
le sens. Bien plus, ce concept appartient désormais à des domaines scientifiques
très divers. Il a donc forcément des significations multiples, voire des connotations
antinomiques : il n’a pas le même sens en psychologie sociale, en psychologie gé-
nétique ou encore en didactique des mathématiques.
SX
Objet d'apprentissage
organisé par l'enseignant
en prenant en considération
des savoirs indépendamment Connaissances de l'élève
des conceptions des élèves à propos de ce savoir non
prises en considération par
l'enseignant
Enseignement
Conceptions de |P| de l'objet x
| Réapparition des M
conceptions des
l'élève à propos M indépendamment
de l'objet x | des conceptions élèves à propos
| de l'élève
| de l'objet x...
A PRE LT
Le A Gus ne ant AE f} ROBES CA.
nmsummsuumebuummmmemmmmæmæmdes
Avant Pendant Après
l'enseignement l'enseignement l'enseignement
FIGURE 45
SERA ER
Nous avons nous-même développé des outils pour faire émerger ces
conceptions (Jonnaert, Duquesne et Tourneur, 1989). Après avoir analysé les
recherches à propos des conceptions des élèves, nous avons décrit les métho-
des utilisées par les chercheurs pour faire émerger les conceptions des élèves.
Nous avons retenu une série de dimensions et de paramètres ? qui permettent
une analyse de ces méthodes. Nous avons ensuite proposé une méthode d’in-
vestigation plurielle qui croise des résultats de plusieurs outils pour permet-
tre une analyse fine des conceptions des élèves. Ces démarches sont
-complexes, lourdes, lentes... En contexte de recherche de telles approches
sont pertinentes, elles sont même indispensables.
7 Nous avons retenu quatre dimensions et deux paramètres. La première dimension analyse le
type d'interactions qui existent entre le sujet et l’expérimentateur; la seconde dimension vérifie
si le sujet est ou non confronté aux conceptions de ses pairs; la troisième dimension analyse le
questionnaire proposé s’il y en a un; la quatrième dimension vérifie l'accessibilité ou non à un
matériel. Les deux paramètres retenus sont le moment choisi par l’expérimentateur pour prati-
quer l'émergence des conceptions des sujets; le second paramètre vérifie la dissociation ou non
de la pratique d'émergence des conceptions et du traitement sur ces mêmes conceptions.
314 Créer des conditions d'apprentissage
pren
| Clasdeconc
seepti
Le ne ne sonseut?
(1.1) les «cœurs-pompes»
les « cœurs-cerveaux»
(le cœur est considéré le centre de tou-
tes les décisions, comme la conscience
de l'individu, comme le lieu où le bien et
le mal se distinguent)
non-réponses 1,06 %
188/188 100 %
8 Les catégories retenues pour organiser les conceptions de ces élèves ont été définies par une
série de juges (des chercheurs et des enseignants qui participaient à cette vaste recherche dans
la Province de Hainaut en Belgique francophone). Ces derniers ont, de façon indépendante,
défini des catégories pour organiser les conceptions relevées. Ces catégories ont ensuite été con-
frontées entre elles, de cette catégorisation une première dénomination des classes a été rete-
nue. Cette dénomination a fait l’objet d'un accord inter juges (des juges différents des
précédents) pour en arriver finalement aux 8 classes présentées en ces lignes.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 315
annees cures
Eléments mis en évidence à propos de cette formulation lors d’un entretien avec
l'élève Je. :
«(...) à mon poignet je sens mon cœur qui bat, .…., à ma gorge aussi.
(.) chaque fois qu'on sent toc, comme ça, c'est un jet de sang qui arrive.
(...) c'est chaque fois que le cœur pousse le sang qu'on sent toc. ».
Eléments mis en évidence à propos de cette formulation lors d’un entretien avec
l'élève Ma :
«(..) quand je respire, j'aspire l'air mon cœur gonfle, … alors il aspire le sang.
(..) et puis y se dégonfle, … c'est comme quand un ballon se dégonfle, … y souf-
fle…
(..) c'est quand y se dégonfle qu'il souffle le sang partout... ».
Classes de Classes de
conceptions conceptions
RES
b
d'apprentissage
Classes
de conceptions
Articulation
aux concepts
proches
Classe de
situations
É ce Fe ae RD RP
Classes de
conceptions conceptions
a e
Articulations avec Ouvertures à
les programmes d'autres situations
FIGURE 46
ERP
e QUESTION :
e EXEMPLE :
Sur une séquence vidéo, nous constatons, avec des enseignants, que
leurs élèves identifient facilement un prisme droit uniquement lorsqu'il est
posé sur une certaine face du solide. Aussitôt que le prisme leur est présenté
autrement dans l’espace, ils ne le reconnaissent plus. Nous présentons ensuite
à ces enseignants trois prismes droits identiques, mais suspendus différem-
ment sous forme de mobile. Nous attachons ce mobile au plafond devant les
enseignants et leur demandons de nommer chacun de ces trois solides.
FIGURE 47
D
|
9 , l s’agit d'une recherche menée actuellement par une équipe d'étudiants de second et de
troisième cycles de l’université de Sherbrooke sous la direction de Ph. Jonnaert et
qui a été
rendue possible grâce à une subvention CRSH.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 319.
CERN
RER ETES AR SOS AETENS
Seul le prisme (C) est correctement identifié par tous ces ensei- Der
gnants. Pour une série d’entre eux, les prismes (A) et (B) sont différents entre
eux et sont différents du prisme (C). Un fait troublant nous est apparu dans
cette situation. En effet, nous avons ensuite pairé chacun des enseignants
avec les productions écrites de leurs élèves (que nous avions précédemment
confrontés à la même situation : «écrire le nom des trois prismes du
mobile»). Nous avons constaté que les élèves dont l'enseignant n’a pas été ca-
pable de reconnaître les prismes (A) et (B) ont, pour la plupart, été incapables
de reconnaître à leur tour ces prismes.
…. vulgaire truisme ?
.… NON, nous ne le pensons pas! Les enseignants ont transmis à leurs
élèves une vision statique des solides qui correspond à leur conception selon
laquelle ces solides ont une et une seule base.
propres connaissances que par rapport à celles de leurs élèves. Ce n’est pas
facile! Lorsqu'un étudiant entame des études de biologie ou de mathématiques
(.. ou de toute autre discipline), c’est parce qu'il aime ces disciplines. Il déve-
loppe un projet personnel à propos de ces savoirs qu'il souhaite transmettre à
d’autres. Aussitôt qu'il se retrouve en stage, confronté à des élèves du primaire
ou du secondaire, sa référence n’est autre que le «savoir standardisé et codi-
fié» qu'il souhaite que les élèves apprennent. Référence ultime, ce «savoir
codifié» est, pour cet étudiant, la «vérité» à partir de laquelle il juge et évalue
le travail de ses élèves. Il ne comprend pas que ses élèves puissent penser
autrement, avoir d’autres idées que lui, s'écarter de la voie tracée par le
Pourquoi?
- pour préciser l'objet d'apprentissage et les classes de situations dans lesquelles
il fonctionne;
- pour faire émerger les conceptions des apprenants;
- pour que l'enseignant mette au point ses connaissances à propos de l'objet
d'apprentissage.
FIGURE 48
Le
LEE
«savoir »! Paraphrasant Bachelard, nous dirons qu’il ne comprend pas que ses
élèves ne le comprennent pas.
e QUESTION :
«Quel regard poser sur les connaissances des élèves ?»
10 Voir à ce propos le modèle de raisonnement utilisé par l’apprenant pour décoder une
nouvelle situation dans Jonnaert (1988 : 84-88).
324 Créer des conditions d'apprentissage
VRAIES RENE PERRNIES
e EXEMPLE :
Ces élèves qui ont une conception statique des prismes droits doivent
arriver à comprendre que leurs connaissances de ces solides n’est viable que
si les solides leur sont toujours présentés de façon statique, dans la même po-
sition et sur une même base. Lorsque l'enseignant les place dans une situation
où ces solides ne sont plus statiques, chacune des faces de ces solides pourrait
être élue comme base. Les apprenants doivent alors reconsidérer leurs con-
naissances des solides, non pas en les détruisant, mais bien en les ajustant aux
contraintes de la nouvelle situation. Ces élèves réduiront la viabilté de leurs
connaissances antérieures des solides aux seules situations dans lesquelles el-
les sont viables (classe de situations A) et construiront, sur base de ces der-
nières, des connaissances nouvelles qui leur permettront d'aborder ces
solides aussi dans des nouvelles situations (classe de situations B).
Classe de
Connaissances situation A
antérieures avant
l'apprentissage
Nouvelles
connaissances
FIGURE 49
LR,
5 5: 0
e QUESTIONS :
«quelles sont les situations intéressantes pour ces élèves avec ces
Connaissances ?»
e EXEMPLE :
Dans la trame conceptuelle relative à la nutrition décrite dans les
lignes qui précèdent, une classe de situations concerne la digestion. Elle
regroupe l’ensemble des situations relatives à la digestion et les concepts per-
tinents pour les traiter. Les classes de conceptions des élèves à propos d’une
ou de plusieurs de ces situations sont appariées à ces classes. C’est ainsi que
les classes de conceptions mises en évidence auprès d'élèves, à propos du
tube digestif, sont appariées aux situations traitant du système digestif parmi
l'ensemble des situations traitant de la digestion.
326 Créer des conditions d'apprentissage
RASESPP SS
FIGURE 50
CORRE
11 Il s’agit d'observations réalisées en 1996 par un de nos étudiants suivant nos cours de maî-
trise à l’Université de Sherbrooke. Cet étudiant a répliqué une démarche décrite dans Giordan et
de Vecchi (1987) et retrouve pratiquement les mêmes classes de conceptions que ces derniers.
Le lecteur intéressé peut se référer à la cassette vidéo de de Bueger-Vander Borght, C., Remacle,
M.-F, Servrancks, A.-M. (1996).
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 327
un contexte plus large qui contient des ressources mais aussi des contraintes
qui vont peser sur les démarches mises en œuvre par apprenant, ou au con-
traire les faciliter. Aussitôt les situations choisies, il s'agira de les opérationna-
liser dans un contexte bien précis.
e QUESTION :
e QUESTION :
e EXEMPLE :
Beaucoup d'enseignants évoquent la diversité de leurs élèves comme
une contrainte. L'organisation du travail en ateliers de quatre élèves dont les
conceptions appartiennent à des classes de conceptions différentes permet un
travail sur les conceptions de ces derniers simplement par la création naturel-
le de conflits socio-cognitifs, chacun ayant une grille de lecture du phénomène
analysé différente de celle de chacun des autres. La question qui se pose alors
est de connaître le nombre idéal d'élèves à placer dans chacun des ateliers.
Notre réponse à cette question est simple : chaque groupe est composé
d'autant d'élèves qu'il y a de classes de conceptions à propos de l’objet d’ap-
prentissage. Par exemple, à propos du système digestif, il s’agit idéalement de
constituer des ateliers de cinq élèves, chacun représentant une des cinq
classes de conceptions identifiées à propos du système digestif. Bien sûr, nous
trouvons rarement une classe avec un nombre de classes de conceptions qui
divise exactement le nombre d'élèves. Nous essayons cependant que chacun
des ateliers soit constitué d'élèves dont les conceptions appartiennent à des
classes différentes. La divergence des points de vue permet aux apprenants
de questionner la viabilité de leurs propres connaissances à propos de
l'objet d'apprentissage envisagé.
e QUESTION :
«que dire aux élèves ? Faut-il leur présenter l'hypothèse d'objectif ?»
Pourquoi?
Pour obtenir des situations qui intègrent les informations obtenues lors des
étapes précédentes
FIGURE 51
REPARER
e QUESTION :
Mais alors, que suggérer pour que cet indispensable espace de dialogue
existe ?
e EXEMPLE :
Dans un paragraphe précédent, nous avons évoqué les conceptions
d'élèves de 11 et de 12 ans à propos du système digestif. Cinq catégories ont
été retenues pour classer ces conceptions. Notre étudiant, auteur de cette re-
cherche, proposa une activité particulière à la suite de la cueillette de ces con-
ceptions. Une séquence vidéo fut présentée aux élèves. Ces derniers étaient
répartis en petits groupes. Notre étudiant s'était organisé pour que, dans cha-
cun des groupes, les élèves aient des conceptions du système digestif qui ap-
partiennent à des catégories différentes. La vidéo, sous forme de dessin
animé, montre bien le cheminement d'aliments liquides et solides mgurgités
par un être humain. Une seule consigne fut transmise aux élèves :
| «.… parun schéma simple, chaque équipe doit représenter la digestion d'un être
humain. Tous les membres de l'équipe doivent être d'accord avec ce schéma!»
étroite avec le savoir codifié à apprendre. Ce dernier n’a pas un statut différent
de celui des connaissances des élèves.
L'espace de dialogue se crée progressivement. L'activité va pouvoir
commencer. Les élèves n’ignorent plus qu'ils devront travailler sur leurs pro-
pres connaissances à propos du système digestif, tout en développant des in-
teractions avec les autres élèves et avec l'enseignant.
e QUESTION :
«.… comment cette classe a-t-elle l'habitude de fonctionner ?»
e EXEMPLE :
Voici un exemple de questionnaire relatif aux habitudes de travail des
élèves.
FIGURE 52
RSS RE
e QUESTIONS :
«quelles décisions prendre pour gérer le contrat didactique ?»
… Mais comment aborder cette coutume, … et puis, sur quelle base asseoir les
décisions de l'enseignant ? ;
«durant cette activité, existe-t-il un équilibre réel entre les trois pôles de la rela-
tion didactique : l'enseignant, ses élèves et l'objet de la relation didactique ?»
FIGURE 53
SERRES
12 Nous avons défini cet outil dans le Bulletin de Psychologie Scolaire et d'Orientation,
(2)89, 277-288, (Jonnaert, 1989).
338 Créer des conditions d'apprentissage
SEEAR
RE
Enseignant (M) M.3 - L'enseignant n'intervient pas du tout dans l’activité des élèves
durant la séquence observée;
[c’est par exemple le cas chaque fois que se joue la dévolution]
M.2 - L'enseignant intervient occasionnellement durant la séquence;
[par exemple, pendant que les autres élèves traitent une situa-
tion, l'enseignant intervient auprès d’un petit groupe d'élèves en
difficulté]
M.1 - L'enseignant intervient seul durant toute la séquence;
[l'enseignant ne laisse aucune place aux interventions des élèves
durant un exposé magistral pendant lequel il exige le silence
absolu]
Interactions M.E.3 - Aucune interaction entre le maître et les élèves n’est observée;
maître/élèves (M.E) [les élèves et l'enseignant fonctionnent indépendamment]
M.E.2 - Quelques interactions entre le maître et les élèves sont
observées;
[l'enseignant interroge occasionnellement quelques élèves]
M.E.1 - De nombreuses interactions sont observées entre l’ensei-
gnant et les élèves et les élèves entre eux;
[la séquence observée est basée sur les interactions entre
tous les individus en présence, l’enseignant a organisé des
équipes de travail et passe dans chacune d'elles, sollicitant les
L "y échanges entre les élèves]
e EXEMPLE :
La figure 54 fournit un exemple d'observations réalisées à l’aide d’un
crible d'évaluation de la relation didactique durant une heure de cours. L’ac-
tivité observée a duré 50 minutes, quatre observations ont été effectuées de
10 minutes en 10 minutes, fournissant chacune un instantané de cette relation
didactique.
Crible no 1 Crible no 2
après 10 min. après 20 min.
Élèves: E
Connaissances
du maître: C.M
Crible no 3
après 30 min.
FIGURE 54
DETENTE
PEER
Un groupe d'élèves, autrement dit une classe, une cohorte, ..…., n’est
jamais naïf! L'enseignant ou le stagiaire ne peut jamais imposer une formule
pédagogique, aussi bonne soit-elle, sans tenir compte de la coutume de classe.
e EXEMPLE :
Réalisant une série d'observations par la suite dans cette classe, les
stagiaires ont pu mettre en évidence une série de ses règles de fonctionne-
ment. Ils ont notamment constaté que le travail en atelier était associé, pour
ces élèves, à des activités plus ludiques durant lesquelles l’enseignant accep-
tait un certain laisser-aller, une certaine détente. Ces observations et le travail
effectué sur la «coutume de classe» de ces élèves, ont ensuite permis aux sta-
glaires d'envisager une série de réajustements à leur activité et de la repropo-
ser, dans cette classe, sous une forme plus adaptée aux habitudes de ces élèves.
e ET EN CONCLUSION DE CE PARAGRAPHE ?
Ce paragraphe est sans doute long et peut paraître confus! En fait,
nous y traitons d’un élément très important dans la gestion de la classe. L’en-
seignant prend, à longueur des heures de cours, des centaines de décisions.
Par ces décisions, il gère le contrat didactique et la dynamique du fonctionne-
ment de sa classe. Ces décisions doivent lui permettre de maintenir une série
d’équilibres entre l’implicite et explicite, entre connaissances et savoir, entre
_le travail d'enseignement du maître et celui d'apprentissage des élèves. Ces
équilibres sont toujours difficiles à établir, ils sont précaires, ils sont très dif-
férents d’une classe à l’autre chacune ayant sa propre coutume. Pour trouver
ces équilibres, l'enseignant doit avoir conscience, dans une certaine mesure,
de la coutume de la classe qu'il a en face de lui. Il ne peut pas, en vertu de la
coutume de classe, lui proposer n'importe quoi, le dernier exemple est édifiant
à ce propos! Mais il doit aussi être conscient de l'effet de ses décisions sur le
fonctionnement même de la classe et du type d'activités qu’elles engendrent,
les cribles d'évaluation nous permettent rapidement de décoder ces activités!
e QUESTION :
«comment l'enseignant peut-il se mettre en interaction avec ses élèves ?»
Deux conditions sont à remplir, dès le départ, pour que des interactions
existent entre l'enseignant et ses élèves. (1) Il est évident que ces interactions
n'existent que si un espace de dialogue a été défini au préalable. (2) De même,
cet espace de dialogue ne peut subsister que si l'enseignant propose à ses élè-
ves des activités compatibles avec leur «coutume »! Ces deux conditions préa-
lables remplies, l'enseignant peut entrer en interaction avec ses élèves. Ce
travail se fait dans la perspective de créer avec les élèves des «zones proxima-
les de développement». Nous avons défini préalablement ces zones, elles four-
nissent clairement l'orientation que l'enseignant peut fournir à ces inter-
actions. À l’intérieur de ces zones proximales de développement, les inter-
actions de l'enseignant suggèrent d’abord un guidage très fort de l'élève pour,
par la suite lui laisser de plus en plus d'autonomie. La réponse à la question
posée situe donc ces interactions dans les espaces de dialogue, dans le respect
de la coutume de la classe. Ces interactions prennent l'orientation que lui don-
nent les zones proximales de développement.
… Ce n'est pas parce que l'élève et l'enseignant ont développé des interactions
_ sociales entre eux que l'apprentissage est nécessairement facilité!
moins six conditions que nous jugeons indispensables pour optimiser les inte-
ractions entre l'enseignant et ses élèves :
(1) ces interactions s'inscrivent dans l’espace de dialogue créé entre
l'enseignant, les élèves et l’objet de savoir;
(2) ces interactions se vivent dans le respect de la coutume de la
classe;
(3) ces interactions se construisent dans la perspective donnée par
les zones proximales de développement;
(4) au cours de ces interactions, l'enseignant porte un regard positif
sur les connaissances de ses élèves;
(5) au cours de ces interactions, l'enseignant lève les ambiguités
dues à l'habillage de l’objet d'apprentissage et à sa présentation en
situation,
(6) au cours de ces interactions, l'enseignant évite d'occuper une pla-
ce trop prégnante et accorde un grande importance aux inte-
ractions entre pairs.
e QUESTION :
SR les interactior c entreLu sont-elles pee me Le interactions |
_ élèves/adulte ARR 28 Ep
La sixième condition évoquée dans les lignes qui précèdent est certes
en contradiction avec le principe même de la zone proximale de développe-
ment. Cette contradiction est sans doute évidente depuis le moment où nous
avons fait référence à Vygotsky alors que jusqu'alors notre cadre théorique
était plutôt piagétien. Arrivant à des propositions concrètes et à une opéra-
tionnalisation du modèle SCI, cette contradiction n’est que plus évidente! Le
moment est sans doute venu de clarifier ce débat, non de lever cette ambiguï-
té. Nous emprunterons, pour ce faire, des arguments issus des courants ac-
tuels de psychologie sociale du développement cognitif (Mugny, 1991).
Depuis longtemps déjà, les rapports entre dynamiques sociales et dy-
namiques cognitives sont étudiés par les chercheurs en psychologie. Parmi ces
derniers, Baldwin (1897) apparaît comme un précurseur. Ses nombreuses ob-
servations lui permettent de décrire les formes d’accommodations par lesquel-
les un enfant s'inscrit dans une tradition culturelle, ce sont essentiellement
limitation et la suggestion. Par contre, pour Caetano (1864), limitation et la
suggestion ne sont pas les principales sources de progrès. Pour lui, les nouvel-
les «idées» surgissent du conflit entre plusieurs esprits. L'idée de «conflit so-
cio-cognitif» apparaît donc dès le milieu du siècle dernier! Elle s’inscrira par
la suite dans un débat qui lie le collectif et l’individuel. Une sorte de
«sociogenèse» des structures cognitives (Doise, Mugny et Perret-Clermont :
1974) verra ensuite formellement le jour. plus d’un siècle plus tard.
Ce trop rapide détour historique n'explique pas pour autant les con-
tradictions internes évoquées. Il faudra attendre le débat entre Wallon et
Piaget et les réponses de Piaget à Vygotsky pour en comprendre la teneur.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 347
Pour Wallon (1976), l'enfant est dès le départ immergé dans des inte-
ractions avec son environnement et ce psychologue en montre toute l’impor-
tance pour le développement cognitif. De même, pour Vygotsky (1962) le
développement de la pensée va du social à l’individuel et non le contraire :
«(...) Un processus interpersonnel se transforme en un processus intra-personnel.
Chaque fonction apparaît deux fois dans le développement culturel de l'enfant :
d'abord au niveau social, et ensuite, au niveau individuel; d'abord entre individus (in-
terpsychologique) et, ensuite, dans l'enfant (intra-psychologique) ».
Vygotsky (1978 : 57)
Piaget n’a pas étudié ce type d'intervention causale des interactions
sociales dans le développement de l'individu. Il n'apporte en tout cas aucun
éclairage sur la question que nous reformulons en ces termes :
«… Si le progrès logique va de pair avec celui de la socialisation, sommes-nous pour
autant autorisés à dire que l'enfant devient capable d'opérations rationnelles grâce à
son développement social ou devons-nous, au contraire, prétendre que l'enfant par-
vient à développer des interactions avec les autres grâce à ses acquis cognitifs
préalables ?»
14 Nous définissons un schème comme étant un invariant opératoire pour une classe donnée de
situations. Vergnaud (1996 : 199) définit le schème comme étant «l’organisation invariante de
la conduite pour une classe de situations». Confronté à un même type de situations, le sujet
fournit, de façon invariante, le même type de réponse. Pour Vergnaud (1996), c'est dans les schè-
mes qu'il faut rechercher les connaissances du sujet qui lui permettent d'être opératoire ou non.
348 Créer des conditions d'apprentissage
DE SU
— «j'ai entendu un autre élève de votre âge affirmer que, … ce n'est pas ce que vous
dites!»
— «dans une autre équipe, on pense plutôt que, … c'est différent de ce que vous
proposez!»
assurer un guidage fort de ses élèves comme dans le début des zones proxi-
males de développement pour ensuite provoquer des conflits sociocognitifs. Il
doit cependant bien se rendre compte que dans l’un et l’autre de ces deux cas
de figure, son rôle est très différent. L'enseignant doit être capable de jouer
sur ces différents registres.
Par ailleurs, le conflit sociocognitif est également fonction de la con-
ception que les élèves se font de la tâche. En fonction de l'importance que
l'élève accorde ou non à la tâche et au groupe d'élèves dans lequel il se trouve,
il acceptera ou non de s'engager dans cette tâche. Sans engagement réel de la
part des élèves, il n’y aura pas de conflit sociocognitif. Les élèves doivent être
d'accord de dépasser leurs contradictions pour créer de nouvelles proposi-
tions. Il ne suffit pas de mettre des élèves ensemble autour d’une table, encore
faut-il qu'ils constatent leurs différences de point de vue, qu’ils les compren-
nent et qu’ils aient le projet de les dépasser. Le conflit sociocognitif est
toujours double :
(1) à un niveau intra-individuel les connaissances du sujet ne sont
plus viables dans la nouvelle situation qui lui est proposée;
(2) à un niveau inter-individuel les propositions des autres mem-
bres du groupe sont en contradiction les unes avec les autres; le
groupe ne fournit pas non plus une réponse viable face à la situa-
tion à laquelle il est confronté.
Pourquoi?
FIGURE 55
RAT
D ne]
e QUESTION :
«Un projet pour qui ? Pour l'enseignant ? Pourun élève ? Pour tous les
élèves ?»
e DOCUMENT :
«D'une démarche de projet, on attend souvent qu'elle soit le moteur d’une activité,
voire d’un apprentissage parce que, comme l'expression l'indique, le sujet est mobi-
lisé par un but à réaliser et consent donc des efforts, sinon pour apprendre, du moins
pour réussir. Tout l’art est évidemment d'engager les élèves dans des projets dont la
réussite dépend d'un apprentissage. L'engagement dans un projet de moyenne ou
longue portée offre à la fois une occasion d'apprendre à planifier, négocier, coopérer,
réaliser et un cadre intégrateur à des activités plus limitées qui, prises isolément, se-
raient reçues comme des exercices sans grand intérêt, en un mot, «scolaires». Ecrire
une «vraie» lettre pour obtenir des fonds ou une autorisation n’équivaut pas à écrire
une lettre fictive pour s'exercer à la forme épistolaire ».
Perrenoud (1997a : 68)
352 Créer des conditions d'apprentissage
PSP PATENT ÇEDSDES
e LA NOTION DE PROJET'f :
Souvent, dans les pratiques scolaires, les objets d'apprentissage, (qu'il
s'agisse de savoir codifié, de savoir-faire ou encore de savoir-être...) sont dé-
voilés petit à petit, de micro-objectif en micro-objectif et selon des progres-
sions savamment orchestrées. Souvent aussi, la fonction essentielle de
l'apprenant se limite à être réceptif à ces morceaux de savoir, à attendre, d’ac-
tivités en activités, la fin de ce saucissonnage pour découvrir enfin ce que son
enseignant voulait lui faire apprendre. Les tâches essentielles des élèves dans
les activités de ce type peuvent se réduire à quelques verbes, à quelques
expressions : «recevoir passivement des morceaux de savoir», «être à l'écou-
te du maître», «se taire et emmagasiner», «reproduire les propos du maître»,
… mais alors, où se trouve l'apprentissage ? Et surtout, pourquoi pouvons-
nous prétendre qu'il n’y a que très peu d'apprentissage dans ce cas ?
Pour qu'il y ait apprentissage, il faut que le savoir à apprendre, ou tout
autre objet d'apprentissage, soit intégré dans un véritable projet porteur de
nombreuses significations pour l’apprenant. Cela nous amène bien sûr à pré-
ciser dans les lignes qui suivent ce que nous entendons réellement par projet.
d'Alicante. Pourquoi ? Nul ne sait! Ce qui importe dans cette situation, c'est
l'exercice scolaire par lui-même. L'enseignant justifie la valeur de l'exercice
par l'exercice lui-même. Que les élèves n'aient jamais été en Espagne, qu'ils
ignorent tout de la province d’Alicante, peu importe, l'exercice a, selon l’en-
seignant, une valeur intrinsèque. et c’est suffisant! De même, la lecture du
mode d'emploi d’un percolateur aurait pu faire l’objet d’une activité de lecture
en français, même sans percolateur et sans tasse de café! On frôle l'absurde
certes, et c’est ici qu'intervient l'incontournable concept de projet.
Un apprentissage aura du sens parce que, disions-nous, l’apprenant
recherche de l'information, de nouvelles connaissances ou de nouvelles com-
pétences en fonction d’un projet personnel :
«(...) dans cette interaction entre les informations et le projet, les premières ne sont
décelées que grâce au second, et le second n’est rendu possible que grâce aux
premières; l'apprentissage, la compréhension véritable ne surviennent alors que par
cette interaction, c’est-à-dire qu'ils sont création de sens ».
Meirieu (1987 : 55)
Mais que comprendre par projet ? Il n'entre pas dans nos intentions de
détailler et d'analyser en ces lignes toute la fécondité d’une pédagogie du pro-
jet. Nous renvoyons le lecteur à un ouvrage qui traite exclusivement de cette
dimension (Jonnaert, 1996e). Le terme même de projet est souvent idéalisé :
«(...) le projet relève souvent de l'ordre du fantasmatique, de cet espace de liberté
qui est donné à l’homme et qui lui permet de gommer le poids des contingences ».
Broch et Cros (1987 : 16)
«Nous sommes bien tous d'accord ? Ensemble, nous avons formulé le souhait
de faire. »
e EXEMPLE :
QUESTION :
«Suffit-il que les situations proposées à l'élève soient QUE dans un projet
pour qu'elles aient du sens pour lui ?» |
Non, bien sûr! Plusieurs autres dimensions doivent être prises en con-
sidération pour qu'une situation ait réellement du sens pour l'élève. Le projet
permet à l'élève de comprendre le pourquoi de ses actions, il les finalise. Le
projet n’est cependant pas suffisant pour permettre à l'élève d'entrer dans ces
situations. Parmi les situations auxquelles l'élève est confronté, certaines sont
des «situations-problèmes » pour lui, celles qui provoquent chez lui un réel dé-
séquilibre cognitif. Ces situations-problèmes sont évidemment intéressantes
pour les apprentissages!
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 357
e LE CONCEPT DE SITUATION-PROBLÈME :
Au-delà des réponses que l’on peut obtenir à ces questions, un autre
élément entre en ligne de compte. Il s’agit de la conception du sujet à propos
de la situation à laquelle il est confronté. Analysant ces conceptions dans plu-
sieurs de nos travaux (Peltier, 1991; Jonnaert et Laveault, 1994; Baffrey-Du-
mont, 1996; Jonnaert, 1997...), nos constats prennent essentiellement deux
directions. D'une part, il existe de nombreux écarts entre les conceptions que
les élèves se font de la situation et la situation telle que l'enseignant se l’imagi-
ne. D'autre part, à propos d’une situation identique, nous observons une gran-
de variété de conceptions parmi les élèves d'une même classe. Chacun,
finalement, se construit sa propre conception de la situation en fonction des
ressources cognitives dont il dispose et des ressources matérielles et humaines
qu'il parvient à identifier dans son environnement. Ainsi, une même situation
peut être un problème pour les uns et une simple activité d'application pour
les autres, tous étant confrontés à une situation identique proposée par le
même enseignant! Il s’agit donc de permettre à chacun de se situer par rapport
aux différentes dimensions de la situation en se posant systématiquement
une série de questions.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire
Situation | Les éléments fournis Le sujet dispose-t-il des Le sujet a-t-il ou non
initiale | dans la situation sont- ressources cognitives accès à des ressources
ils complets pour en (connaissances et com- dans Son environne-
assurer le traitement ? pétences) pour com- ment pour compléter
prendre et organiser les son information à pro-
éléments présents pos de la situation ?
dans la situation et (réseaux informati-
pour comprendre la ques, dictionnaires,
situation dans son fichiers, manuels, con-
ensemble ? tacts avec des person-
nes-ressources, ..)
FIGURE 56
Eee
Nous avons travaillé à plusieurs reprises sur les conditions que doit
remplir une situation pour être un problème pour l'élève. Dans Jonnaert
(1997), nous synthétisons ces travaux en présentant une adaptation des sept
conditions définies par Douady (1983) pour qu'un problème existe. Nous pro-
posons une nouvelle adaptation de ces conditions, sortant du strict cadre de
l'apprentissage et de l’enseignement des mathématiques pour lesquelles elles
ont préalablement été conçues.
1) Le sens :
2) Le but:
««pour quoi» cette situation et quels résultats puis-je espérer au terme de son
traitement ?»
3) Le traitement :
«est-ce que je peux traduire cette situations dans des cadres différents ?»
apprend pour construire les outils dont il ne disposait pas pour trai-
ter une telle situation;
— l'apprentissage réalisé, le sujet peut utiliser et valider ses nouvel-
les ressources cognitives dans la situation;
— lorsque le sujet a acquis ses nouvelles ressources cognitives, sou-
vent, il n'y a plus de problème, il lui suffit d'appliquer ses nouvelles
connaissances ou compétences à la situation;
_ Ja richesse de la situation va permettre au sujet d'établir des liens
avec d’autres situations dans lesquelles il pourra aussi utiliser ses
nouvelles connaissances.
FIGURE 57
SÉRIE
Une situation signifiante articule ces dimensions entre elles. Une telle
situation ne débouche pas nécessairement sur des démarches d’apprentissa-
ge. L'apprentissage est toujours, au sein de ces situations, un moyen pour per-
mettre à l'élève de disposer de ressources cognitives dont il ne dispose pas.
366 Créer des conditions d'apprentissage
PORCARTEEEEEN
Pourquoi?
Pour placer l'ensemble des élèves dans un environnement d'apprentissages
signifiants.
Chaque élève est engagé dans les tâches inscrites dans des situations
signifiantes pour lui.
FIGURE 58
Ds 7
e QUESTION :
FIGURE 59
SRE RONTS
=
3) Interactions 3.1 3.2
entre les + l'interaction entre les connais- Après avoir analysé les concep-
élèves et la sances de l'élève et les caracté- tions de ses élèves et les avoir
situation ristiques de la situation sont fort organisées en différentes clas-
importantes; ces interactions ses, l'enseignant recherche des
constituent en fait la dimension Situations dans lesquelles ces
interactive du modèle SCI à par- dernières risquent de ne plus
tir de laquelle l’apprenant met être viables;
ses propres connaissances en L'enseignant aide les élèves à
interaction avec l’objet de savoir questionner leurs connaissan-
à apprendre; ces et la situation, à comprendre
Lors de cette interaction pourquoi dans cette situation
«connaissances/savoir», l'élève leurs connaissances ne sont plus
s'interroge sur la viabilité de ses viables, à découvrir les caracté-
connaissances par rapport aux ristiques de la situation qui met-
contraintes de la situation à tent leurs connaissances en
laquelle il est confronté. cause, à comparer la situation
actuelle dans laquelle leurs con-
naissances ne sont plus viables
aux situations antérieures dans
lesquelles elles étaient cependant
viables.
FIGURE 60
RRRERSARRAES
17 Nous avons élaboré et expérimenté ces techniques lors d’apprentissages de contenus mathé-
matiques par des étudiants au primaire, au secondaire et au premier cycle universitaire. Nous
avons également expérimenté ces techniques lors d'apprentissages de contenus physiques
auprès d'étudiants au terme du secondaire. Un travail de validation de certaines techniques a été
réalisé (Jonnaert et Laveault, 1994), les autres techniques sont en cours de validation. Nous pré-
sentons ces outils dans : Jonnaert (1997). Nous y renvoyons le lecteur souhaitant rechercher de
l'information à propos de ces techniques.
18 Le concept de dévolution et la dynamique des jeux «dévolution versus contre-dévolution»
sont développés et illustrés dans le chapitre du présent ouvrage consacré au contrat didactique.
Dans un autre ouvrage (Jonnaert, Ph. (à paraître). Les contrats didactiques.), nous dévelop-
pons et illustrons très largement le concept de contrat didactique et ses mécanismes.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 373
Pourquoi?
Pour adapter les différents niveaux d'interaction à l'évolution des connaissances
des élèves.
FIGURE 61
era ; Re
L'adaptation des situations : fiche aide-mémoire n° 6
374 Créer des conditions d'apprentissage
lignes le procès de l'évaluation telle qu’elle est pratiquée ou perçue dans les é
classes (Van Nieuwenhoven et Jonnaert, 1992). Laissons l'exemple suivant il-
lustrer nos propos :
«Petite illustration : à Genève, même chez les enseignants primaires qui adhèrent
aux principes de l'enseignement renouvelé du français et qui mettent en pratique des
Situations de découverte et d'analyse des conventions de la langue dans le cadre
d'activités de communication, les exercices lacunaires et les dictées restent les
moyens utilisés de manière prédominante, sinon exclusive, pour l'évaluation de l’or-
thographe. Il n’est pas étonnant, dès lors, que les élèves aient de la peine à atteindre
l'objectif du programme selon lequel il faut «maîtriser l'orthographe de ses produc-
tions personnelles » ».
Allal (1992 : 5)
Durant la phase post-active, s’il y a évaluation, cette dernière doit por-
ter sur l’ensemble du processus enseignement/apprentissage et donc porter
autant sur les activités d'enseignement que sur celles d'apprentissage. À l'in-
térieur de cette démarche globale d'évaluation, l'élève est aussi évalué, il n’est
cependant plus l’unique responsable devant l'évaluation.
e DOCUMENT :
«Evaluer.
Ce mot comporte deux racines dont l'une est absolument certaine : valere. Etre en bonne
santé.
Au fil du temps, ce mot s'est nuancé et s'est doublé d'un autre sens : signifier, vouloir dire.
Parmi les dérivés de valere on trouve des termes éloquents comme valeureux, valoriser, va-
lide (on retombe sur le sens original : bien portant).
Le préfixe quant à lui, pose problème à cause de la suppression de la consonne finale pour
des raisons euphoniques. Il laisse le choix entre deux hypothèses.
E-valuer. Ce «e» provient de «eu» qui, comme en grec, veut dire bon, bien. Auquel cas,
évaluer c'est donner encore plus de santé, c'est vouloir dire du bien, signifier le bon.
Ou bien ce «e » trouve son origine dans «ex», particule qui exprime l’idée d'émergence. Et
dans ce cas, évaluer c’est faire ressortir ce qui est sain, ou mettre en évidence le positif la-
tent, voire caché d’une personne.
Deux hypothèses qui ne s'opposent pas si l’on opte pour la polysémie.
Il reste encore une troisième solution : prendre pour origine d'évaluer, evalescere. Evales-
cere c'est prendre la force ou des forces, se fortifier, grandir, acquérir une plus grande va-
leur.
N'est-ce pas le but de la pédagogie ? Au parfait, evalescere change subitement de sens et
se traduit alors par «avoir la force de. », «être capable de. » Évidemment cette significa-
tion-là est justement au parfait (...)».
Guignard (1988 : 16-17)
Ce détour par l’étymologie nous rappelle que le regard que nous por-
tons sur l'élève, sur ses connaissances, ses activités, ses compétences, est né-
cessairement positif :
évaluer, c'est faire sortir ce qui est sain, c'est mettre en évidence le positif latent
de l'élève, c'est chercher à en dire du bien. !
Il s’agit là d’une des entrées dans une évaluation que nous appelons
socioconstructiviste, il en est d’autres, nous les énumérons dans le paragra-
phe suivant.
(1) Le regard positif sur l'élève est sans doute la première clé de
l'évaluation socioconstructiviste. En effet, une évaluation qui dé-
valorise les connaissances de l'élève en les disqualifiant, en les ju-
geant non conformes à une norme préétablie, détruit les grilles de
lecture naturelle que l'élève utilise pour s'approprier le monde
dans lequel il vit et pour se construire des connaissances à son
propos. C’est une condition sine qua non : une évaluation socio-
constructiviste ne détruit pas les connaissances de l'élève, elle lui
fournit cependant des informations utiles pour l'aider dans sa
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 377
PRESSECEE
(3) Les objets d'évaluation, ceux sur lesquels les regards s’arrêteront,
sont multiples. Les connaissances et les compétences des élèves
sont de ces objets, elles ne sont pas les seuls objets évalués. La dé-
marche proposée par l'enseignant sera autant évaluée que celle
d'apprentissage des élèves. Ces deux catégories d'activités, les
unes de l'enseignant, les autres de l’élève, ne sont-elles pas, par
définition, solidaires ? Mais, l'élève disposait-il des ressources per-
tinentes dans son environnement ? Les situations proposées
étaient-elles accessibles à ces élèves avec leurs connaissances et
leurs conceptions ? Et puis, chacun a-t-il disposé du temps suffi-
sant pour traiter ces situations ? L'espace était-il organisé de fa-
çon appropriée ? Et le groupe, comment a-t-il réagi ? A-t-il permis
aux apprentissages de se développer ? Les objets d'évaluation
sont multiples, divers et, au cours de la séquence d’enseigne-
ment/apprentissage analysée, ont laissé des traces très variées.
Les connaissances et les compétences des élèves ne sont qu’un
objet d'évaluation parmi tous les autres. Il serait trop injuste de les
isoler pour n’évaluer que cette unique dimension. Dans une pers-
pective socioconstructiviste, l’objet d'évaluation est nécessai-
rement multiple. Pour comprendre le processus enseignement/
apprentissage il est donc indispensable d’analyser des informa-
tions à son propos, issues de sources souvent très différentes qui
répondent cependant toutes à un critère commun : elles reflètent
au moins chacune une des dimensions du processus enseigne-
ment/apprentissage. Cet objet multiple constitue la troisième clé
de l'évaluation socioconstructiviste.
378 Créer des conditions d'apprentissage
ES 7)
(4) Le groupe, la classe, les pairs jouent un rôle important dans les ap-
prentissages que chacun réalise. Par les conflits sociocognitifs,
mais aussi par des attitudes de validation ou de réprobation des
connaissances de chacun, le groupe a été un des moteurs essen-
tiels de l'apprentissage. Alors que l'élève a adapté, construit, créé
de nouvelles connaissances à l’intérieur d’une dynamique de grou-
pe, pourrait-on, en toute décence, le confronter seul à une démar-
che d'évaluation au terme de ce processus enseignement/appren-
tissage ? Nous ne le pensons pas, l'évaluation socioconstructivis-
te est essentiellement une évaluation collective. C’est la quatriè-
me clé de ce type d'évaluation.
e DOCUMENT :
«Mais avant d'aller au-delà dans notre réflexion sur ce thème, arrêtons-nous quelque peu
à ce mot «échec». Deux origines lui sont attribuées, l'une et l’autre relèvent du jeu d'échecs.
Dans une première hypothèse, ce terme aurait été emprunté, par l'intermédiaire de l'arabe,
au persan «Sâh mat» (le roi est mort). Une seconde hypothèse attribuerait plutôt l’etymon
au francique «Shak», qui aurait quant à lui donné naissance au mot «eshec» (butin, prise
de guerre). Dans ce cas, lors d'un jeu d'échecs, «échec au roi» signifie «prise du roi» et
«échec et mat», «prise et mort». Mais restons-en là pour l'origine de ce mot et retenons
simplement qu'il n'a rien de scolaire. || a une connotation guerrière de destruction de l’ad-
versaire. Par quels errements ce mot est-il devenu courant dans le vocabulaire de
l'éducation ? Une démarche d'apprentissage scolaire serait-elle un jeu sans merci entre un
enseignant et un élève, jeu au cours duquel un des deux partenaires devrait nécessaire-
ment être mis «échec et mat» ?»
L'élève doit structurer son portfolio qui, par les éléments qu’il y appor-
te, sera le témoin privilégié de son évolution et de sa compréhension de l’objet
d'apprentissage envisagé. Par exemple, la documentation complémentaire et
commentée, par l'élève lui-même, permet de vérifier vers quelles situations
autres que celles découvertes en classe l'élève transfère-t-il ce qu'il a appris.
Le portfolio est utilisable autant avec de tous jeunes élèves qu'avec
des étudiants universitaires ou des enseignants en formation. Par exemple,
avec des enfants de première primaire, nous réalisons ce que nous nommons
des «banques de nombres» dans lesquelles les élèves consignent progressive-
ment des traces des différentes situations, dans lesquelles ils utilisent les
nombres. Chaque nombre rencontré fait ainsi l’objet d’un dossier spécifique.
Avec des étudiants universitaires, nous utilisons le portfolio pour leurs ensei-
gnements et leurs apprentissages en didactique des mathématiques ou en di-
dactique des sciences. Ces dossiers sont très complets et contiennent autant
les traces des activités réalisées en stage que celles des travaux ou autres ap-
prentissages réalisés aux cours. Véritable témoin du cheminement et de l’en-
gagement personnel de l'élève dans l’apprentissage, le portfolio est un dossier
des plus précieux pour porter un regard sur le parcours d’un élève.
Le contenu d’un portfolio :
— des traces subjectives : attentes, satisfactions, déceptions personnel-
les par rapport à l'apprentissage;
— des traces des travaux réalisés;
— des documents rassemblés personnellement et joints au portfolio;
— des éléments apportés par des personnes extérieures à la classe et
complétant les informations relatives à l'apprentissage;
— des éléments d’auto-évaluation suivis de résolutions personnelles par
rapport à l'apprentissage;
Lors de ces «arrêts sur image», l'ensemble des traces sont à la dispo-
sition de tous. Toutefois, un élève a toujours le droit de ne pas mettre à la dis-
position des autres son portfolio personnel, il doit cependant justifier sa
décision. Il s’agit d’un travail de comparaison et d'analyse des données four-
nies par différentes sources à propos des mêmes événements : dossiers préa-
lables et témoins de l'enseignant, portfolio des élèves, journal de bord du
groupe. Avant de prendre quelque décision que ce soit, par ce travail de com-
paraison des sources, les élèves peuvent ajuster leur propre perception des
activités réalisées. Souvent, des contradictions apparaissent entre les percep-
tions que plusieurs élèves ont d’un même fait. Par l'analyse des informations
fournies à travers les différentes sources ces perceptions peuvent être
ajustées.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 385
ERREUR HER ON PS ROSE
FIGURE 62
D ii 7)
Cet élève n’est pas opératoire pour un type de situations lorsqu'il doit
les traiter seul. Ce type de situation est décrit et dans les remarques l’ensei-
gnant propose des activités à réaliser.
Ces bilans opératoires ne portent aucun jugement sur les connaissan-
ces et les compétences de l'élève, ils permettent seulement de décrire les ty-
pes de situations dans lesquelles l’élève manifeste des connaissances
opératoires lorsqu'il les traite soit avec un adulte, soit avec son équipe, soit
lorsqu'il est seul. Lorsqu'il n’est pas opératoire, ce genre de bilan permet de
déceler les situations pour lesquelles l'élève ne l’est pas et dans quelles condi-
tions il ne l’est pas (seul, en groupe ou avec l'enseignant).
Enfin, ces bilans opératoires ne nécessitent pas la tenue de tests ou
d'examens formels. Les informations relevées lors de la réalisation des activi-
tés sont suffisantes, de plus, l'élève dispose d’un tableau avec le descriptif
complet des situations à traiter et, au fur et à mesure qu’il avance dans sa dé-
marche, il le complète. Un tableau semblable est également tenu par le grou-
pe, ilest complété par les membres du groupe qui y consignent toute une série
de faits significatifs par rapport aux situations traitées (difficultés, succès,
exemples de situations différentes de celles fournies en classe, ...). Le bilan
opératoire est alors complété en compilant les données de l'enseignant, celles
du groupe et celles de l'élève.
Même si le bilan opératoire est toujours un bilan individuel, les don-
nées pour le compléter sont issues de différentes sources qui reflètent la di-
mension collective de ces bilans.
Dans les lignes qui précèdent, nous avons sommairement décrit diffé-
rentes modalités d'évaluation à l’intérieur de la phase post-active. Le lecteur
se rendra compte, que nous n’attendons pas que l’activité soit terminée pour
réaliser «après coup» une évaluation. D'une part, la cueillette des informa-
tions se fait depuis le début des activités, ensuite régulièrement des moments
19 Ce tableau est construit au départ des catégories de situations décrites dans Jonnaert
(1997 : 443-445).
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 389
de bilans intermédiaires sont prévus. Lorsque l’ensemble des activités est ter-
miné, les éléments dont l'enseignant, le groupe et les élèves individuellement
disposent pour effectuer un retour sur l’ensemble de la démarche sont prêts.
L'analyse qui s'ensuit est le résultat de toutes les analyses préalables. C’est à
ce moment crucial que les décisions quant aux activités ultérieures à envisa-
ger sont prises.
e DOCUMENT :
«(.…) Siles maîtres avaient pour unique enjeu de concilier les images provenant de diverses
sources d'observation, il leur suffirait de mettre leurs élèves devant des tâches relativement
semblables dans les moments d'évaluation formelle et dans le travail scolaire quotidien.
Mais cela obligerait à des choix douloureux tous ceux dont la conception du travail scolaire
s'éloigne des tâches les plus faciles à évaluer formellement. C’est ce que savent par exem-
ple les maîtres acquis aux pédagogies nouvelles, aux méthodes actives, à la technique des
situations mathématiques, à la pédagogie du projet ou des activités-cadres : pour ne pas
renoncer complètement à la conception du travail scolaire qui leur tient à cœur, ces maîtres
s'accommoderont tant bien que mal d'une discordance inconfortable entre leur image glo-
bale des élèves et l’image qu'en donne l'évaluation formelle».
Perrenoud (1986 : 26)
Les propos que nous avons tenus durant tout l'ouvrage refusent ces
discordances, ces compromis. Faut-il que l'enseignant adapte ses pratiques
à l'évaluation formelle imposée par l'institution ou, au contraire, n'est-il pas
urgent que l'institution questionne ses propres pratiques, ses habitudes,
ses exigences ?
390 Créer des conditions d'apprentissage
HS CD Sn CE ESS TS
Pourquoi?
Pour comprendre le déroulement de la séquence enseignement/apprentissage ef
ses effets sur l'apprentissage et communiquer les informations à ce propos.
FIGURE 63
ASE
TORRENT
— Dans quelles situations ce contenu appa- — Identifier les classes de situations, didacti-
raît-il ? ques ou non didactiques dans lesquelles
les élèves pourront utiliser le contenu
d'apprentissage pendant et après l’appren-
tissage.
— Que présenter aux élèves à propos de Formuler une première hypothèse d'objectif
l’objet d'apprentissage et des situations dans laquelle les élèves découvrent l’objet
dans lesquelles ils pourront l’utiliser ? d'apprentissage et des exemples de situa-
tions dans lesquelles ils pourraient l'utiliser.
— Comment s'articule cet objet d'apprentis- Définir des cartes et des trames concep-
sage avec les classes de situations tuelles.
évoquées ?
— Que faire avec les conceptions des élèves à Organiser les connaissances des élèves en
propos de cet objet de connaissance ? catégories de conceptions;
- articuler ces catégories de conceptions à
la trame conceptuelle.
— Comment l'enseignant se situe-t-il par rap- L'enseignant développe une attitude criti-
port à l’objet d'apprentissage ? que Sur ses propres connaissances ;
- l'enseignant réalise une auto-évaluation
de ses connaissances par rapport à l’objet
d'apprentissage et par rapport aux connais-
sances de l'élève.
— Quelles situations sont intéressantes pour — Retenir parmi les classes de situations cel-
ces élèves avec ces connaissances ? les dans lesquelles les élèves peuvent
entrer avec les connaissances dont ils dis-
posent.
392 Créer des conditions d'apprentissage
ARR El
Décisions de l'enseignant
— Comment créer des conflits socio- — Créer chez les élèves des déséquilibres
cognitifs ? intra et inter individuels.
— Comment le sujet traite-t-il des situations- Mettre en place des activités qui permettent
problèmes ? aux élèves de :
* se construire une conception de la situa-
tion et de ses composantes;
* se construire une conception du butà
atteindre:
+ élaborer une stratégie de traitement:
vérifier.
— Comment réguler les démarches des — Mettre en place les différents niveaux de
élèves ? régulation interactive :
* entre les élèves et l'enseignant:
* entre les élèves;
* entre les élèves et la situation.
— Comment adapter le choix des situations Choisir les situations dans la trame concep-
aux connaissances en présence ? tuelle en fonction des connaissances des
élèves:
— gérer le déplacement des situations-
problèmes;
— jouer les dévolutions et les contre-
dévolutions.
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 393
Décisions de l’enseignant
— Quelles sont les clés d’une évaluation Porter un regard positif sur les connaissan-
socioconstructiviste ? ces des élèves;
réaliser une analyse globale de l'ensemble
du processus enseignement/
apprentissage;
considérer l’objet d'évaluation comme un
objet multiple;
considérer l'évaluation comme un proces-
sus collectif;
retuser l'échec de l'apprentissage.
— Comment organiser la cueillette des infor- Conserver les traces de ce qui a été réalisé
mations nécessaires à l'évaluation ? par l’enseignant durant les phases préac-
tive et interactive;
organiser la constitution d’un portfolio indi-
viduel par chacun des élèves;
organiser la constitution d’un journal de
bord par l’ensemble du groupe.
— Comment organiser une analyse des infor- Réaliser régulièrement des arrêts «sur
mations recueillies ? image » durant lesquels les différentes
sources d'informations sont comparées et
analysées;
mettre en commun les différents bilans réa-
lisés dans les équipes;
croiser l’ensemble des informations au
terme des activités et les analyser.
— Comment prendre des décisions au terme Susciter chez chaque élève individuelle-
des analyses réalisées ? ment une prise de résolution qu’il consigne
dans son portfolio;
susciter auprès du groupe une prise de
décision quant à la suite à donner aux acti-
vités réalisées;
ajuster les démarches d'enseignement.
«(...) le problème traditionnel disparaît dès que l'on ne considère plus la connaissan-
ce comme la recherche de la représentation iconique d'une réalité ontologique, mais
comme la recherche de manières de se comporter et de penser qui conviennent. La
connaissance devient alors quelque chose que l'organisme construit dans le but de
créer un ordre dans le flux de l'expérience — en tant que tel informe — en établissant
des expériences renouvelables, ainsi que des relations relativement fiables entre el-
les. Les possibilités de construire un tel ordre sont déterminées, et sans cesse limi-
tées, par les précédentes étapes de la construction. Cela signifie que le monde
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire 395
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CONCLUSION
Quelques lignes
pour conclure.
Existe-t-il une conclusion à un ouvrage d'inspiration socioconstruc-
tiviste ? Non, bien sûr le livre se termine par ces quelques lignes, mais la ré-
flexion continue, de paradoxes en paradoxes. Le contenu de cet ouvrage est
pertinent tant et aussi longtemps qu'il est viable pour le lecteur. Ce sont les
lecteurs, chacun en particulier, qui déterminent la viabilité de ce qu'ils vien-
nent de découvrir, qui se construisent des conceptions à propos de ce qu'ils
ont lu, qui se créent des nouvelles connaissances en adaptant d'anciennes
connaissances au savoir qu'ils y ont rencontré,
Nous n'écrivons pas autre chose! Ce paradoxe n’est pas sans évoquer
l'affirmation d'Épiménide le Crétois : «Tous les crétois sont des menteurs».
Mais, Epiménide étant Crétois il devient évident qu'il ment quand il dit la vé-
rité, … ou qu'il dit la vérité lorsqu'il ment ? Dans quel sens prendre cette
boucle réflexive qui affirme sur elle-même quelque chose qu'elle nie en même
temps ?
Une connaissance à peine créée est aussitôt remise en cause! Sans
doute, serait-il plus facile, d'affirmer d'autorité que ce que nous écrivons est
la vérité, peut-être même l'unique vérité! Il n’y aurait plus de paradoxe et la
lecture terminée, le lecteur convaincu pourrait partir en croisade, combattre
en niant toute affirmation qui ne correspondrait pas à notre propos! En quel-
que sorte, notre ouvrage pourrait convaincre le lecteur et engendrer chez lui
une forme d’intolérance aux approches issues de paradigmes non constructi-
vistes.
Ce ne sont pas là les effets du constructivisme! Si le lecteur accepte
que chaque individu se construit en construisant ses connaissances sur le
monde, et construit par là même le monde dans lequel il vit, il doit admettre
que chacun en fait de même :
«(...) Si nous savons que nous ne connaissons jamais la vérité, que notre vision du
monde convient seulement plus ou moins, comment pourrions-nous considérer les vi-
sions des autres comme démentes ou mauvaises (...) ?»
d’autres paradigmes. La question était ouverte, elle l’est restée tout au long de
l'ouvrage.
Ce sera sans doute un autre paradoxe, mais le constructivisme, même
s’il est tolérant, ne peut accepter de compromis, de compromissions, aussi ré-
duites soient-elles avec d’autres paradigmes épistémologiques, quels qu'ils
soient!
«(..) le constructivisme, au sens pur et radical du terme est incompatible avec le
mode de pensée traditionnel. Bien que la plupart des représentations du monde, phi-
losophiques, scientifiques, sociales, idéologiques ou individuelles, soient très diffé-
rentes les unes des autres, elles ont cependant un point commun : l'hypothèse de
base qu'une réalité externe existe, et que certaines théories, idéologies ou convic-
tions personnelles la reflètent (lui correspondent) plus justement que d'autres.
(...) notre environnement tel que nous le percevons, est notre invention, jusqu'aux
mécanismes neurophysiologiques de ces perceptions, et enfin aux implications éthi-
ques et esthétiques que cela implique (...)»
Watzlawick (1988 : 17)
A Bertalanffy 138
Bidwell 134
Allal 367, 368, 369, 375 Biezunski 136
Allès-Jardel 156 Bloom 48, 156, 368
Altet 54, 65, 59, 90, 284 Bonami 134, 135, 145
Anastasi 156 Bourdieu 229, 379
Ardoino 43, 44, 45 Bourgeois 260
Astolfi 25, 87, 90, 104, 113, 114, 121, 190, Bovet 347
Ê Val ee 627 Bower 249
_ Astolfi et al. 302 Bresson 278
Astolfi, Cauzinille-Marmêche, Giordan, Brewster 19
Henriques-Christofidès, Mathieu et Broch 353
Weil-Barais 104 Bronckart 43, 75, 77, 192
Astolfi, Darot, Ginsburger-Vogel et Tous- Brophy 313
Saint 20, 41,072 Brousseau 81, 84, 112, 177, 178, 185, 191,
Audigier 65 12 20m 210212 2157610
Avanzini 145 Bru 80, 81, 99
Brun 20, 85, 102
B Brun et Conne 84
Brun, Conne, El Hadi et Schubauer 55
Bachelard 104, 113, 190, 205, 311 Burguiere, Chambon, Chauveau, Derouet,
Baffrey-Dumont 112, 358 Derouet-Besson, Gautherin, Proux,
Balacheff 178, 198, 204 Rogovas-Chauveau 176
Baldwin 346
Bastin et Roosen 52 C
Bednarz 34
Bellano 31 Caetano 346
Bensaude-Vincent 28 Caillot 83, 84
Bentolila 54 Caravolas 90
Berbaum 138, 139 Carbonnier 198
Créer des conditions d'apprentissage
Jane 154
Jetfres 125
Dos
Lévis-Strauss 45
Travers 48 W
Tyler 141
Wallon 346, 347
V Wang, Haertel et Walberg 328
Watzlawick 34, 198, 237, 398, 400
Valo 131
Weick 134
Van der Maren 44, 48
Weil-Baraïs 25, 114
Van Haecht 155, 229 Wittrock 328
Van Nieuwenhoven 375
Varela 277, 399 X
Vergnaud 51, 83, 112, 182, 183, 192
Vergnioux 260 Xénophane 125
Verret 121
Viennot 113 Y
Villepontoux 253
Von Foerster 17, 236 Yerles 44
Von Glaserfeld 14, 16, 32, 34, 237, 395
Vygotsky 183, 346, 347 Z
Zbarski 298
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Bibliographie 421
DRÉPA CRE
Rd use ee Us à9
CHAPITRE 2
… À propos du concept de didactique! ..................... 39
OBJECTIFS DELCE CHAPITRE 2 a ee C0 ce ce 41
CHAPITRE 3
Lorsqu'il est question d'environnement scolaire ........... 131
OBJECTIFIDE CE CHAPITRE. aude DR OUPIUS DORA OA. ME 133
CHAPITRE 4
Vous avez dit contrat didactique ? .............. 163
CBJECIIPO ID EICE CHARITRER CRE AAC PS ARS PNR PORENMERR NE nn ‘. 165
DE RIN ROD COTON RE de ce oo or 166
LA ÉECONCEMEDECONTRA TRS UE ed 167
A OUT COUDE DRE PR ee nan E Éd canin DS A) 167
2.2 Du contrat «stricto sensu» au «contrat social» ................... 167
PRÉ NOUIS CONTES Mes a Ne D I NET TS 175
2.4 Quelques références pour aller plus loin. ...................... 176
POP CONCÉDISTÉAGCICRIDA AOTANE re AS 176
S LUNPAUTREMNERDECONIRA IA. RE CR ed. 176
D MMDSSOUeSTOoNS AUTOUR UN CONCEDE I 2. AR LL -.- 176
3.2 Document : un retour aux sources, les propos du père fondateur .... 177
323 Une réflexion Sur le contrat didactique d:a802000e
ft DU 2 177
3.4 Caractérisation du contrat didactique ee ereDr 178
3 HU MOOCUMENTÉEUNÉ MÉNÉNIONNL ASS. 20 ra ÉEROr MOOV QUE. 189
3 6YOUBreleN RARE RES Re oulee asp rltée A alé Se 2 191
3.7 Quelques références pour aller plus loin... ....................... 191
3.6 "Concepts clés de Ce DAragraphÉ NT FAN
han al 192
ALES FONCTIONS DUICONTRA HDIDACTIQUE 192
AR NÉ OQUCTIO NÉ OR ER 192
4.2 Créer ou élargir des espaces de dialogue... ....................... 193
4.3 Gérer un système de règles et comprendre la coutume de classe .... 195
AIR OLICTTE EN] RE EU le 204
4.5 Quelques références pour aller plus loin... ....................... 204
416 MCONCEDL CES CÉICE DAlATTADIO ET ee à PS 204
BMLA DYNAMIQUEDUICONTRANDIDACTIQUE M EN NU 205
Et Foro le GCÉER ME R E Ee 205
Se TODIUTES ITACQUes CE CONALE RE 205
BE MEOneEN NE RE ER RE PR ET LL 2h
ÉROUCTCLENIE ERP Enee ae MAT RUE 214
5,5 Quelques références pour aller plus loin. ....................... 214
BG ACoOnNCeDts-clés deiCe Paragraphe, Le. ee ce het por. 214
CHAPITRE 5
Le concept d'apprentissage scolaire ..................... 217
OBIECTIES DELGCELCHAPITRE RS A ONE D er er 219
430 Créer des conditions d'apprentissage
SPEED
CHAPITRE 6
Les conditions de l'apprentissage en contexte scolaire... 269
OBJECTIES DACEICHAPLIRE RS Se ET 271
T5 :INTRODUCTION RE ET Te A EN CR SE RCE 271
2. LE PROCESSUS D'ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE . ....................... 272
221 IMTOQUETON EE UNE AN 272
2.2 Les composantes du processus d'enseignement/apprentissage..…. .... 273
2211 MleTole de FÉNSIONaN ER Re D 273
De 22 le TOITS RÉ AVES EE Te TR TE ES 275
2.2.3 Le processus d'enseignement/apprentissage en tant que tel... ... 277
213 «QUE TORTENE PER REEE ER TR 285
2.4 Quelques références pour aller plus loin... ..,................... 285
2,5 Conceni-Cié 0e Ce Daragrantie ONE 286
2.6 Ledébet n'est pas COS. 417 EE Re ne 286
3: °CE QU'ILS'EN DISENT.. 5... UN 7 NON à 286
3,1 INTOUION ES ER 286
3,2 Un BET TAPDÉL RS 288
3.3 Quelles questions soulève chacun des neuf points
dé la définition. A RON RM ENTER 288
Table des matières 431
4.1 Introduction
4.2 Les trois phases de l'activité de l'enseignant
4.3 Les conditions de l'apprentissage mises en place
au cours de la phase pré-active
4.3.1 Première condition : connaître sa destination.
… Ou la formulation d'une ébauche d'hypothèse d'objectif ......
4.3.2 Seconde condition : analyser le savoir codifié et faire émerger
les conceptions. où la réalisation d'une triple exploration
USA VOIReATIesICONNAISSANCeS RE
4.3.3 Troisième condition : mettre le savoir en situation.
… intégrer les informations précédentes pour créer
deSSIATONSIDENINENES IR ER ET PE
4.4 Les conditions d'apprentissage mises en place
durantia DhaseinieraUVeRe AN PERRET IE EU
4.4.1 Première condition : clarifier le rôle de chacun.
FHOUNIONDANSatOonOAUICONTANOITACIQUEM EE
4.4.2 Seconde condition : mettre l'élève en situation d'apprendre.
FHOUlAdéRIIONICUMDIOIE ERP EE CT
4.4.3 Troisième condition : réguler les démarches de l'élève.
. CU ÉMENON CE lEANMEETE MER 2 en
4.5 Les conditions d'apprentissage mises en place
Aa IMObASe DOS LACLUVERER tt CE en
HOMONC SION RAS ANS RS ANS dd de À S pm
4.7 Quelques références pour aller plus loin... .......................
4,8 :Concepis-ciés deiCe DArao ape et
ARR ET se
HOME GéDAd SLA CIDS RD D TR RC TR AN ee ae
CONCLUSION
Quelques lignes pour conclure... ..........................
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TTUTLE
Bibliofiches — 11-380B
perspectives
en” éducation
Pre d’une approche socioconstructiviste Philippe Jonnaert
et interactive pour expliquer les processus Ph.D. il est professeur titulaire à l'Université de
de construction des connaissances, les auteurs Sherbrooke et chercheur au CIRADE à Montréal,
proposent une réflexion sur les concepts clas- Centre Interdisciplinaire de Recherche sur les
siques des didactiques des disciplines ainsi . Apprentissages et le Développement de l'Enfant.
que sur les conditions d’apprentissage en Ses enseignements et ses recherches portent sur
contexte scolaire. L'ouvrage élabore ainsi une l'apprentissage et les processus de compréhension
synthèse originale des travaux actuels des et de construction des connaissances mathéma-
didacticiens des disciplines. tiques.
ISSN : 1373-0258
ISBN : 2-8041-3154-8
(0121010712
MO88 9 QUIL 131548