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INFOSAMAK EXPERT CONSULTATION ON INTERNATIONAL FISH TRADE AND

FOOD SECURITY
In cooperation with The Fish Utilization and Marketing Service (FIIU), FAO
Rome
Casablanca, Morocco, 27–30 January 2003

Présentation et analyse de la situation marocaine

L'IMPACT DU COMMERCE INTERNATIONAL DES PRODUITS DE LA


PECHE SUR LA SECURITE ALIMENTAIRE AU MAROC

Préparé par

Mohamed NAJI

Janvier 2003
SOMMAIRE
INTRODUCTION 3

1. SECURITE ALIMENTAIRE AU MAROC 4

1.1. Un concept à plusieurs facettes 4


1.2. Quel est l'état de la sécurité alimentaire au Maroc? 4
1.2.1. De l'autosuffisance alimentaire à la sécurité alimentaire 4
1.2.2. Réalisations en matière de sécurité alimentaire 5
1.2.2.1. Une politique volontariste pour la stabilité des approvisionnements 5
en denrées de base
1.2.2.2. Une alimentation satisfaisante en calories mais déséquilibrée 5

2. CONTRIBUTION DU SECTEUR DES PECHES A LA SECURITE


ALIMENTAIRE 9

2.1. Un secteur important pour l'économie du pays 9


2.2. Une production élevée mais peu disponible 10
2.3. Les produits de la pêche sont-ils accessibles? 13
2.3.1. La distribution défaillante réduit l'accès physique 13
2.3.2. L'accès économique est handicapé par un faible pouvoir d'achat 13

3. COMMERCE DES RODUITS DE LA PECHE 17

3.1. Aperçu sur le marché national des produits de la pêche 17


3.1.1. Les agents de la commercialisation 17
3.1.2. Les circuits de distribution 18
3.1.3. Fonctionnement du marché 18
3.2. Commerce international des produits de la pêche 18

4. ANALYSE DE L'IMPACT DU COMMERCE INTERNATIONAL DES


PRODUITS DE LA PECHE SUR LA SECURITE ALIMENTAIRE 20

4.1. Des avantages au conditionnel 20


4.2. Impact du commerce international sur la sécurité alimentaire 21
4.2.1. A l'échelle nationale 21
4.2.2. A l'échelle sectorielle 22
4.2.3. A l'échelle des ménages 22
4.3. Que faire? 23
4.3.1. Au niveau du pays 23
4.3.2. A l'échelle du secteur des pêches 24
4.3.3. A l'échelle des ménages 25

5. CONCLUSION 26

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 27

2
L'IMPACT DU COMMERCE INTERNATIONAL DES PRODUITS DE
LA PECHE SUR LA SECURITE ALIMENTAIRE AU MAROC

Mohamed NAJI1

INTRODUCTION

Avec une croissance économique qui avoisine quatre pourcent par an, le Maroc s’urbanise
de plus en plus. On observe une amélioration particulièrement sensible des transports, de
l’assainissement et de l’éducation dans les grandes villes.

Le Maroc profite d’une croissance économique régulière qui a fait reculer la sous
alimentation jusqu’à un niveau peu élevé. Entre 1980 et 1996, la ration alimentaire
quotidienne est passée de 2 723 à 3 186 calories, quantité comparable à celle observée
dans certains pays industrialisés. Cette augmentation est imputable à l’accroissement de
la production alimentaire et au développement des échanges commerciaux (FAO, 1999a).

Toutefois, près de la moitié de la population demeure dans les zones rurales, où la


pauvreté et la vulnérabilité persistent, notamment parmi ceux qui pratiquent l’agriculture
traditionnelle à petite échelle et parmi les bergers. La moitié à peine des Marocains ont
accès à de l’eau salubre et 56 pour cent d’entre eux demeurent analphabètes. Les
problèmes environnementaux constituent une menace à court terme: Il y a pénurie d’eau
destinée à l’agriculture et aux pâturages, et 61 pour cent des terres sont sévèrement
dégradées (FAO, 1999a).

Au Maroc, la garantie de la sécurité alimentaire a été toujours hissée parmi les priorités en
matière de développement économique et social. Ainsi, des efforts importants ont été
consentis pour la stabilité de l'approvisionnement des populations en produits alimentaires
et l'amélioration des conditions de vie et du pouvoir d'achat des ménages (Guedira, A.;
Tber, A. et Berrada M. 2000).

Il n'en demeure pas moins que des défis importants restent à relever, notamment en ce
qui concerne la lutte contre la pauvreté et la stabilité de la production agricole nationale
(Guedira, A.; Tber, A. et Berrada M. 2000).

En dépit de sa production relativement élevée, la participation du secteur des pêches à


l'économie marocaine a bénéficié plus au commerce extérieur qu'à la consommation
nationale des produits de la pêche. Environ deux millions de personnes souffrent de
malnutrition et les nivaux de consommation de poisson sont restés relativement bas (7,5
Kg per capita d'après les sources officielles et 9,7 Kg d'après les résultats d'une étude
menée par l'Institut Agronomique de Rabat). Dans un tel contexte, on est en droit de se
demander si le renforcement de la libéralisation du commerce international, entamée de
longue date, est en faveur de la sécurité alimentaire à l'échelle nationale.

Dans une première partie, ce rapport expose la situation de la sécurité alimentaire au


Maroc, la contribution du secteur des pêches à l'économie nationale et le commerce des
produits de la pêche. Ensuite, dans une deuxième partie, il s'efforce d'analyser l'impact du
commerce international des produits de la pêche sur la sécurité alimentaire nationale.

1
Professeur, Département Halieutique, Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II. B.P. 6202,
Madinat Al Irfane, 10101 Rabat, Maroc. m.naji@iav.ac.ma - www.iav.ac.ma/agro/fhal/naji.htm

3
1. SECURITE ALIMENTAIRE AU MAROC

1.1. Un concept à plusieurs facettes

La sécurité alimentaire est un concept qui peut être abordé sous des angles différents.
L'amélioration de la production alimentaire en est certes un aspect essentiel mais il existe
des liens beaucoup plus étroits avec des problèmes tels que la pauvreté, la marginalisation
sociale et l'activité économique du pays (Guedira, A.; Tber, A. et Berrada M. 2000).

Selon le Sommet mondial sur l'alimentation tenu en 1996, la sécurité alimentaire est une
situation telle que chacun peut à tout moment avoir matériellement et économiquement
accès à une alimentation sûre, nutritive et suffisante pour satisfaire ses préférences et
besoins alimentaires et ainsi mener une vie active et saine (FAO, 2001a).

Ainsi présentée, la garantie de la sécurité alimentaire repose sur quatre composantes


essentielles:

- la disponibilité des produits alimentaires;


- la stabilité de l'approvisionnement;
- l'accès aux produits alimentaires, sur les plans physique et économique; et
- la préférence des consommateurs et la qualité des produits.

1.2. Quel est l'état de la sécurité alimentaire au Maroc?

1.2.1. De l'autosuffisance alimentaire à la sécurité alimentaire

Le Maroc figure parmi les 19 pays retenus par le Comité sur l'agriculture de l'OMC dans la
catégorie des pays en voie de développement importateurs nets d'aliments (PVDINA) (Diaz-
Bonilla et al., 2000). Ce groupe de pays possède une population de 380 millions de personnes
et un PIB moyen de 1 127 $EU per capita (1997). Ces pays se sont transformés en
importateurs nets à partir des années 70, sans que cette situation ne subisse de
changement jusqu'à nos jours (Diaz-Bonilla et al., 2000).

La politique économique et sociale que le Maroc a connue depuis l'indépendance a été


caractérisée par la priorité accordée à l'agriculture et aux aménagements hydro agricoles
(politique des barrages) pour assurer la sécurité alimentaire du pays, en particulier en
produits alimentaires dits de base (céréales, sucre, huiles, viandes, lait et produits dérivés).
D'importants efforts et moyens ont été consentis par l'Etat pour le développement de leur
production. En effet, jusqu'au début des années 90, le concept de sécurité alimentaire a été
conçu comme étant la réalisation de l'autosuffisance en denrées alimentaires de base et
donc, l'approvisionnement du pays en totalité à partir de la production nationale (Guedira, A.;
Tber, A. et Berrada M. 2000).

Le secteur agricole jouait donc un rôle primordial dans la réalisation de la sécurité


alimentaire. Cette perception a, cependant, montré ses limites, car l'Etat n'a pas pu, à lui
seul, supporter les surcoûts nécessaires à la réalisation de l'autosuffisance, objectif qui s'est
avéré très ambitieux et onéreux pour certains produits, dont la capacité de production est
très limitée et demeure conditionnée par des aléas climatiques (Guedira, A.; Tber, A. et
Berrada M. 2000).

4
L'arbitrage entre la garantie de prix rémunérateurs aux producteurs et la sauvegarde du
pouvoir d'achat des consommateurs se sont souvent soldés par une prise en charge par
l'Etat des surcoûts s'y rapportant et ce, à travers la mise en place de subventions directes
des prix à la consommation; tel est le cas de la farine nationale du blé tendre, du sucre et
des huiles des graines oléagineuses (Guedira, A.; Tber, A. et Berrada M. 2000).

Depuis le milieu des années 80, l'avènement d'un nouveau contexte international a rendu la
fonction de l'agriculture, non plus régie par la réalisation de l'autosuffisance en produits
alimentaires de base, mais par la garantie de la sécurité alimentaire, qui prend en compte
les opportunités qu'offre le commerce international. Ainsi, la notion de sécurité alimentaire
correspond à la réalisation de taux stratégiques d'approvisionnement en denrées
alimentaires à partir de la production nationale. Le commerce international en comblant les
écarts entre la production et la consommation, devant permettre d'exploiter d'une manière
plus efficace les potentialités agricoles nationales et tirer un meilleur profit de ses avantages
comparatifs (Guedira, A.; Tber, A. et Berrada M. 2000).

1.2.2. Réalisations en matière de sécurité alimentaire

1.2.2.1. Une politique volontariste pour la stabilité des approvisionnements en


denrées de base

La sécurité alimentaire au Maroc est conditionnée, essentiellement, par l'accès économique


aux aliments et la stabilité des niveaux de disponibilités à partir de la production nationale.

L'accès économique est lié au pouvoir d'achat des consommateurs. Or la pauvreté


concerne une frange importante de la population estimée à 5,3 millions de personnes
(enquête 1998/99) soit près de 19% de la population totale. Cette pauvreté affecte 1,9
millions de personnes en milieu urbain et 3,4 millions en milieu rural (Guedira, A.; Tber, A. et
Berrada M. 2000).

Sur le plan de la stabilité de l'approvisionnement à partir de la production nationale, le


Maroc, grâce à une politique volontariste de l'Etat, est parvenu à assurer la régularité de
l'approvisionnement du marché local en denrées de base, en particulier le sucre, les
viandes, le lait, les fruits et les légumes (Guedira, A.; Tber, A. et Berrada M. 2000).

1.2.2.2. Une alimentation satisfaisante en calories mais déséquilibrée

 Le régime alimentaire est à base de céréales

L'analyse quantitative et qualitative des bilans de disponibilité alimentaire et des enquêtes


de consommation a révélé la persistance de certains déséquilibres qui caractérisent le
régime alimentaire marocain, sans tendances significatives au changement (Tableau 1). Si
pour certains aliments, le niveau des disponibilités dépendant de la production intérieure et
du commerce international est le principal frein à la consommation, pour d'autres, le pouvoir
d'achat est l'élément le plus déterminant (Rachidi, 2002).

La persistance d'une consommation très importante de céréales détermine l'allure de la


consommation totale sur le plan quantitatif et qualitatif. Environ 78.2 % de l'alimentation
totale de la population est assurée par les céréales, les légumes et les fruits. Les produits
d'origine animale ont une contribution faible: 5.2 % pour tout type de viande, incluant les
produits halieutiques qui ne participent qu'à hauteur de 1.33% dans l'alimentation totale.
Pour les vitamines et les minéraux, la ration alimentaire moyenne est déficitaire en Calcium
et en Vitamine B2 (Rachidi, 2002).

5
Tableau 1: Contribution des groupes de produits de base dans le Disponible Total et
Taux de couverture de la demande alimentaire solvable (moyenne 1990–1999)
Pourcentage du Disponible Taux de couverture des
Produits
Total besoins
Céréales 46 64
Légumineuses 0,94 92
Huiles 2,53 36
Sucres 5,93 46
Viandes rouges 1,97 97
Poissons 1,33 134
Produits maraîchers et
32,03 120
fruits
Produits laitiers 6,79 84
Total 100 -

Le taux de couverture de la demande exprime la capacité d'un pays à satisfaire ses besoins
alimentaires à partir de la production nationale. Il s'agit du rapport de la production au
disponible intérieur: TCB = P/DI x 100. (Thiombiano et Padilla, 1992) in (Rachidi, 2002).

Il est important de souligner que les quantités disponibles à la consommation humaine sont
celles qui atteignent le consommateur et ne sont que des moyennes nationales supposant
une répartition équilibrée des ressources alimentaires entre les différents groupes de la
population. La quantité réellement consommée pour un aliment peut être inférieure ou
supérieure à cette moyenne selon les catégories socioéconomiques, écologiques et
géographiques (Rachidi, 2002).

Environ 6% de la population marocaine souffre de malnutrition. Les indicateurs comparatifs


de la situation alimentaire, nutritionnelle et sanitaire montrent que la situation du Maroc est
moyenne au sein des pays du Proche Orient et de l'Afrique du Nord, mais que celle–ci
accuse un retard net au niveau de la région de l'Afrique du Nord (Tableau 2).

6
Tableau 2: Indicateurs de la situation alimentaire, nutritionnelle et sanitaire au Proche Orient et en Afrique du Nord

Proportion de Nombre de Apport Insuffisance Espérance de vie Taux de mortalité


personnes sous– personnes sous– énergétique pondérale chez à la naissance des enfants de
alimentées alimentées alimentaire par les enfants de moins de cinq
personne moins de ans
cinq ans
(modérée ou
sévère)
(%) (millions) (kcal/jour) (%) (années) (%)
Pays en 17 777,2 2 680 28
développement
Proche Orient et 9 32,5 3 010 49
Afrique du Nord
Afrique du Nord 4 6,1 3 180
Algérie 6 1,7 2 930 6 70 50
Égypte 4 2,4 3 320 12 67 37
Libye — 0,0 3 290 5 70 17
Maroc 6 1,8 3 030 9 68 41
Tunisie — 0,0 3 340 4 70 22
Mauritanie 11 0,3 2 690 23 51 120
Source: FAO, 2002a

7
 Structure énergétique: prédominance des produits végétaux

D'après (Rachidi, 2002), de 1990 à 1999, le disponible journalier en énergie par personne
s'est situé à 3 135 Kcal/p/j. Les principales sources de ces calories sont les céréales
(64,13%), le sucre (11,06 %) et les huiles (11,10 %) ce qui représente pour ces trois
groupes de produits de base 86,78 % de l'apport total en énergie (Tableau 3). Si l'apport est
satisfaisant en terme de valeur, la prédominance de produits végétaux est préoccupante car
les produits d'origine animale ne contribuent que de 6.32 %; la valeur de référence étant
généralement de 10 % (Giacchoti & al., 1992) in (Rachidi, 2002).

Tableau 3: Contribution de l'apport énergétique des trois nutriments essentiels


dans la ration alimentaire
Moyenne 1990–1999 Taux recommandés
(%)
Energie protéique sur énergie totale 10,60 13–15
Energie lipidique sur énergie totale 17,30 20–30

Energie glucidique sur énergie totale 72,10 50–65

Total 100,00
Source: Rachidi, 2002

 Indicateurs de la sécurité alimentaire à l'échelle nationale

La FAO utilise une batterie d'indicateurs qui permettent d'évaluer le niveau de sécurité (ou
d'insécurité) alimentaire à l'échelle d'un pays. Ces indicateurs se rapportent à trois aspects
de la sécurité alimentaire nationale: disponibilité, accès et utilisation (Diaz-Bonilla et al., 2000).

- La Production alimentaire per capita est un indicateur de la capacité d'un pays à assurer
sa propre alimentation. Cet indicateur couvre à la fois les aspects de sécurité et
d'autonomie (Diaz-Bonilla et al., 2000).
- Le Rapport Exportations totales sur importations alimentaires est un indicateur sur
l'aptitude d'un pays à financer ses importations alimentaires (Diaz-Bonilla et al., 2000).

- Calories per capita et Proteines per capita sont deux indicateurs séparés qui sont utilisés
pour évaluer le niveau de consommation alimentaire moyen à l'échelle d'un pays (Diaz-
Bonilla et al., 2000).

- La Population non agricole donne une idée sur les limites et l'ampleur dans lesquelles tout
changement dans les politiques commerciales et agricoles risqueraient d'affecter le pays
(Diaz-Bonilla et al., 2000).

L'examen de ces indicateurs, dans le cas du Maroc (Tableau 4), montre que la population
agricole du Maroc représente 40% de la population totale. La production alimentaire atteint
144,5 $EU constants de 1989–1991. Quant à la facture alimentaire, elle absorbe 12,3% des
recettes en devises.

8
Tableau 4: Indicateurs de la sécurité alimentaire en Afrique du Nord

Pays PopulationExportations Production Protéines per Calories per


non agricoletotales sur alimentaire capita capita
(%) importations per capita
alimentaires ($EU) (Gr/jour) (Cal/jour)
Mauritanie 50 3,7 117,2 76,8 2 598
Maroc 60 8,1 144,5 83,9 3 140
Algérie 80 4,7 90,3 81,6 2 972
Tunisie 70 13,0 182,3 86,1 3 256
Libye 90 8,9 90,0 78,8 3 251
Egypte 60 5,3 145,0 87,6 3 254
Source: FAOSTAT (1999) et WDI (2000) in (Diaz-Bonilla et al., 2000).

Dans la région de l'Afrique du Nord, le taux d'urbanisation du Maroc est relativement bas. Le
poids de la facture alimentaire est médian, en raison notamment de la production
alimentaire per capita qui occupe un rang avancé.

2. CONTRIBUTION DU SECTEUR DES PECHES A LA SECURITE


ALIMENTAIRE

Le secteur des pêches a joué un rôle limité dans la problématique de la sécurité alimentaire
au Maroc. Même si ce secteur a été érigé à l'échelle des priorités nationales depuis les
années 70 et qu'il lui a été assigné les objectifs de promotion de l'emploi, du renforcement
de la balance commerciale et de la contribution à l'autosuffisance alimentaire, la
participation des produits halieutiques dans l'alimentation de la population marocaine
demeure très en deçà du potentiel de production dont dispose le Maroc.

2.1. Un secteur important pour l'économie du pays

Les ressources halieutiques marocaines sont contenues dans une Zone Economique
Exclusive de plus de un million de km². Le potentiel de production durable est estimé à
environ 1,5 millions de tonnes par an. En 1997, la contribution du secteur des pêches à
l’économie nationale, c'est–à–dire la valeur ajoutée générée par la capture, le
conditionnement, la transformation et la commercialisation des produits de la pêche,
s’élevait à 2,41 % du PIB (Ministère des Pêches Maritimes, 1999)

Au titre de l’année 2001, les statistiques officielles du secteur font état d’une production
halieutique totale de l’ordre de 1 100 000 tonnes, soit l’équivalent de 7,8 millions de dollars
EU. Cette production brute est dominée par les espèces pélagiques qui ont représenté 77%
des débarquements. Quant aux emplois générés, le secteur continue de faire travailler,
directement et indirectement, une population dont l'effectif serait situé entre 300 000 et
400 000 personnes (Ministère des Pêches Maritimes, 2002).

La flotte de pêche nationale appartient à trois grandes filières de production: La pêche


hauturière qui est pratiquée par de grandes unités industrielles équipées de systèmes de
congélation à bord; la pêche côtière qui est qualifiée de traditionnelle et qui est faite d'un
ensemble de métiers utilisant, principalement, la senne, le chalut et la palangre; et la pêche
artisanale aux petits métiers qui est pratiquée par une myriade de barques le long des
plages.

9
2.2. Une production élevée mais peu disponible

Au niveau d'un pays, l’on peut dire que les disponibilités alimentaires sont adéquates
lorsqu’il existe en moyenne, grâce à la production nationale et/ou aux importations, des
quantités suffisantes d'aliments pour satisfaire les besoins de consommation de l'ensemble
de la population du pays. De même, comme dans le cas des individus, le pouvoir d'achat au
plan national, c'est–à–dire le montant des devises disponibles pour payer les produits
alimentaires importés, est un élément déterminant de la sécurité alimentaire nationale (FAO,
2001a).

Il faut faire la distinction entre le Disponible Intérieur (DI) et le Disponible pour la


Consommation Humaine (DCH). Le DI est obtenue en faisant la somme de la quantité totale
des denrées alimentaires produites (P) et de l'importation (I) ajustée selon la variation des
stocks (VS) éventuelles et amputée des exportations (E). Le résultat représente le
Disponible Intérieur.

DI= P+I-VS-EXP

Les quantités concernant la Transformation pour l'Alimentation Humaine (TAH), la


Transformation Non Alimentaire (TNA) et les Pertes Totales (PT) sont ensuite retranchés du
Disponible Intérieur. Le reliquat obtenu est le Disponible à la Consommation Humaine:

DCH = (P+I-VS-E) - (TAH+TNA+PT)

Le Maroc importe très peu de poisson. La production de la pêche a connu durant la dernière
décade une croissance soutenue. Mais, le disponible intérieur et le disponible à la
consommation humaine n'ont pas subi une hausse notable en raison de l'augmentation des
quantités destinées à l'exportation (Tableau 5 et Figure 1).

100%
Disponible à
consommation
80%
humaine
Pertes
60%

Transformations
40% non
alimentaires
Transformations
20% alimentation
humaine
Exportations
0%
1996 1997 1998 1999 2000 2001

Figure 1: Evolution de la disponibilité des produits de la pêche (1996–2001)

10
Tableau 5: Evolution de la disponibilités en produits de la pêche (1995-2001)

DCH DCH per


P E DI DI per TAH TNA PT
Années Population Total capita
capita
1995 852164 389631 462533 26386000 17,53 13063 273421 11563 164486 6,23
1996 625195 289322 335873 26848000 12,51 15378 172240 8397 139858 5,21
1997 783190 295940 487250 27310000 17,84 19749 305777 12181 149543 5,48
1998 708481 347112 361369 27775000 13,01 18991 179384 9034 153960 5,54
1999 758059 367111 390948 28238000 13,84 1631 165445 9774 214098 7,58
2000 913339 473709 439630 28705000 15,32 14942 224824 10991 188873 6,58
2001 1114513 743372 371141 29170000 12,72 18974 132032 9279 210856 7,23
P: Production nationale en produits de la pêche (en tonnes);
E: Exportations des produits de la pêche (en tonnes);
DI: Disponible intérieur (en tonnes);
Population: en millions;
DI per capita: Disponible intérieur per capita (en kilogramme);
TAH: Transformations pour l'alimentation humaine (en tonnes);
TNA: Transformations non alimentaires (en tonnes);
PT: Pertes (en tonnes);
DCH: Disponible total pour la consommation humaine (en tonnes);
DCH per capita: Disponible pour la consommation humaine per capita (en kilogramme).

11
Sur les dix dernières années, la progression annuelle moyenne de la production a été de
5,5% (Ministère des Pêches Maritimes, 1998 et 2002). Selon les campagnes, la production
a dû subir les effets des changements hydro climatiques qui ont entraîné des fluctuations
importantes au niveau des approvisionnements, surtout pour le poisson pélagique. La
variation de la production est surtout influencée par les captures de la pêche côtière. La
contribution de la pêche hauturière et des autres types de pêche sont relativement stables
(Figure 2).

1200

1000
Production X 1000 t

800

600

400

200

0
1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001

Pêche Totale Pêche côtière Pêche hauturière

Figure 2: Evolution de la production nominale de la pêche entre 1991 et 2001


(Ministère des Pêches Maritimes, 1998 et 2002)

2.2.1. Filière de la pêche hauturière: En 2001, la contribution de la pêche hauturière a été


de 11% en poids et de 62% en valeur de la production totale (Ministère des Pêches
Maritimes, 2002). Les espèces débarquées sont essentiellement les céphalopodes (poulpe,
seiche et calmar), les poissons blancs, les crevettes et le thon. Le poulpe est l’espèce
dominante. La pêche hauturière constitue la principale source de devises avec une valeur
de l'ordre de cinq millions $EU. Ses produits sont de grande valeur commerciale. La haute
intensité en capital qui caractérise ce type de pêche en fait l'apanage d'une minorité
d'opérateurs.

2.2.2. Filière de la pêche côtière: La production de l'année 2001 a été de l’ordre de


978 000 tonnes. Cette quantité représente 82% en poids et 37% en valeur de la production
totale. Les ressources pélagiques contribuent à hauteur de 83% dans la production de la
pêche côtière. Elles sont constituées de sardine, de maquereau, de chinchard, d’anchois et
de thonidés. La sardine reste l'espèce dominante en terme de volume avec une proportion
de 69% des captures de la pêche côtière (Ministère des Pêches Maritimes, 2002). La
contribution du poisson benthique est plus importante en valeur qu’en quantité. Inversement,
le poisson pélagique est doté d’une faible valeur commerciale.

2.2.3. Filière de la Pêche artisanale aux petits métiers: Une autre composante du
secteur, non moins importante, est celle de la pêche artisanale aux petits métiers. Cette
activité joue un rôle social considérable en faisant travailler 40% de la population de
pêcheurs, dont la majorité est située en milieu rural. Par manque de sites aménagés, il est

12
difficile de connaître, avec exactitude, la production de ce sous–secteur qui débarque du
poisson blanc et des céphalopodes le long des côtes marocaines. Avec le développement
de la pêche au poulpe au sud du pays, cette activité a connu un essor spectaculaire lors des
dix dernières années. Certaines estimations évaluent la production annuelle de ce sous
secteur à plus de 60 milles tonnes.

2.2.4. Aquaculture: La production de l'aquaculture ne dépasse guère 0,01% de la


production de pêche de capture. Tout compte fait, le Maroc est plus tourné vers la pêche
que vers l’aquaculture, laquelle est une activité très spécialisée (essentiellement loup et
daurade) et vise le marché extérieur.

2.2.5. Autres filières: Le littoral est un milieu où se déploient plusieurs formes d’exploitation
des ressources aquatiques. On citera à ce titre les activités de ramassage des coquillages,
la collecte des algues, la pêche au corail et la pêche aux madragues. En dépit de leur faible
contribution économique, les apports de ces activités sont surtout d’ordre social.

2.3. Les produits de la pêche sont-ils accessibles?


Les questions d'accès doivent être étudiées sous l'angle des stocks de produits et de l'accès
économique. Il est généralement admis que l'accès économique à la nourriture est l’un des
principaux problèmes à résoudre pour éradiquer la faim. Toutefois, la disponibilité et l'accès
ne sont guère que des prés requis à une utilisation adéquate des stocks d'aliments et ne
peuvent suffire à une meilleure compréhension de la situation nutritionnelle à l'échelle des
individus (Smith, 1998 et Smith et Haddad, 2000) in (Diaz-Bonilla et al., 2000).

2.3.1. La distribution défaillante réduit l'accès physique

En dépit de son niveau de production élevé, le poisson reste relativement peu consommé au
Maroc. En moyenne, la consommation nationale absorbe 24% de la production. Les
quantités consommées sont relativement stables et ne semblent pas suivre la tendance de
la production à la hausse. Ceci nous pousse à nous interroger sur les déterminants réels du
faible niveau de la demande et surtout sur son manque d'élasticité.

Jusqu'en 2001, le Maroc n’a pas réussi à résoudre la contradiction qui a fait de lui, en
même temps, un producteur dont le taux de disponibilité intérieure en poisson est assez
élevé (12,72 Kg per capita) et où, à l’inverse, le niveau de disponibilité pour la
consommation humaine est des plus faibles (7,23 Kg per capita).

La disponibilité n'est pas le seul facteur limitant pour la consommation des produits de la
pêche au Maroc. La raison se trouve également du côté de l'incapacité d'accéder à un
produit dont le prix se trouve hors de portée du consommateur moyen. Même lorsque le
poisson est à bon marché, comme il est le cas de la plus grande partie des captures
marocaines qui sont faites essentiellement de poisson pélagique (860 000 tonnes en 2001),
la défaillance des réseaux et des modes de distribution empêche les consommateurs d'avoir
physiquement accès à ces produits (seulement 31% du disponible intérieur sont
consommés). Les programmes de promotion de la consommation nationale de cette
catégorie de poisson à faible prix n’ont pas été, jusqu’à présent, porteurs de succès.

2.3.2. L'accès économique est handicapé par un faible pouvoir d'achat

L'accès économique dépend essentiellement du prix du poisson et du revenu des


consommateurs. Ce denier conditionne leur pouvoir d'achat.

13
2.3.2.1. Revenus et dépenses des ménages

Entre 1991 et 1999, la pauvreté monétaire s’est accrue au Maroc. La part de la population
pauvre aurait augmenté de 13 à 19% (Tableau 6). Les 10% les plus aisés de la population
s'accaparent 30,1% de la consommation totale. Les zones fortement affectées sont les
agglomérations rurales, notamment celles des régions du Sud où les populations vivraient
avec moins de 270 $EU par an.

Tableau 6: Indicateurs de l'accès économique aux produits alimentaires


Revenu Croissance Indice de Population Population
national brut du produit Gini vivant au– vivant au–
par habitant intérieur brut dessous du dessous du
par habitant seuil national seuil
de pauvreté international
de pauvreté
Pays 1999 1998–99 Diverses Diverses Diverses
($EU) (%) années années (%) années (%)
Maroc 1 190 -2,3 39,5 19,0
Algérie 1 550 1,8 35,3 22,6
Tunisie 2 090 4,9 41,7 14,1 2,0
Égypte 1 380 4,1 28,9 22,9 2,0
Libye 3,1

Le consommateur marocain moyen consacre 45% de ses dépenses à l'alimentation, 13% à


l'habitation, 7% à l'habillement et 35% au reste des dépenses (Figure 3).

Alimentation

13% Habillement
5% Habitation
8% 45%
Equipement
ménager
Soins médicaux
5%
5% Transport et
communications
12% 7% Loisirs et cultures

Autres

Figure 3: Structure des dépenses moyennes de la population marocaine

2.3.2.2. Utilisation des produits de la pêche: La consommation locale est


sérieusement concurrencée par le marché étranger et l'industrie de la farine

La concurrence qui émane du marché étranger à fort pouvoir d’achat, rend le poisson blanc
hors de portée de la majorité des consommateurs nationaux. Tel est le cas pour les produits
de la pêche hauturière qui sont presque entièrement destinés au marché extérieur (Tableau

14
7). Le rôle de cette filière dans l'approvisionnement du marché local en produits de la pêche
est négligeable.

La pêche côtière, quand à elle, joue un rôle social primordial en assurant de l'emploi à
environ 50% de la population de pêcheurs. Mais, sa contribution la plus importante réside
dans l'approvisionnement du marché local en quantités élevées de poisson à prix
raisonnable destiné pour l'alimentation humaine et pour le secteur de l'industrie de
transformation.

Les captures de la pêche artisanale aux petits métiers, quant à elles, sont souvent faites de
poisson noble destiné pour le marché extérieur. Seule une faible proportion bénéficie au
marché local.

Tableau 7: Destination de la production par type de pêche (année 2001)

Type de pêche Mode d'utilisation Marché destinataire Quantité


(en %)
Pêche hauturière Congelé Extérieur 11,5
frais et Congelé Extérieur, 5,5
Pêche artisanale essentiellement
Frais Intérieur 17
Conserves Extérieur, 19
essentiellement
Pêche côtière Congelé Extérieur 0,5
Farine et huile de Intérieur,
poisson essentiellement 45
Autres - 1,5
Sous Total 83
Total 100

2.3.2.3.. Consommation apparente des produits de la pêche

En 2001, la consommation humaine directe a atteint 268 000 tonnes de poisson,


essentiellement sous forme de poisson frais, soit l’équivalent de 24% de la production
totale; au moment où 45% étaient expédiées pour faire des sous produits. Même si l'offre
du poisson pélagique est très abondante au niveau des ports, elle n'en demeure pour autant
pas très accessible au consommateur local. L'insuffisance des réseaux de distribution et la
concurrence exercée par l'industrie de la farine de poisson et l'industrie de transformation
constituent les causes principales.

Durant les 10 dernières années, la consommation de poisson a été, en moyenne, de 6,8 kg


par habitant et par an (Ministère des Pêches Maritimes, 1998 et 2002). Ce chiffre concerne
le poisson consommé à l’état frais. Il et ne tient pas compte des quantités échangées dans
les circuits parallèles ni de la consommation de poisson sous forme de conserves (Naji,
2001). Le niveau de consommation réel serait situé autours de 9,7 Kg per capita (El Basri,
1998).

15
Ces chiffres sur la consommation per capita et les disponibilités totales ne rendent pas
nécessairement compte de l'importance du poisson comme aliment, ni de son rôle dans la
sécurité alimentaire des diverses régions du Maroc. Globalement le poisson ne représente
que 1,33% du disponible alimentaire intérieur total et 29% des produits carnés consommés
(Figure 4).

La consommation des
produits d'origine animale
reste très modérée; et même
si la viande rouge affiche des
prix supérieurs à ceux du
Poisson poisson, les habitudes
29% alimentaires démontrent une
Volaille préférence soutenue pour les
38% viandes rouges et la volaille.

Viande
rouge
33%

Figure4:Consommation des viandes au


Maroc

2.3.2.4. Décomposition de la consommation des ménages par type de produit

L'analyse de la consommation des produits de la pêche à un niveau plus décomposé


indique que les consommateurs accordent une préférence très nette aux produits frais, qui
représentent 97% de la consommation totale (Figure 5). Les poissons bleus constituent 66%
et les poissons blancs 27% (El Basri, 1998).

3% 1%1%2% Poisson
bleu
Poisson
27% blanc
Crustacés

Céphalopo
des
Conserves
66%
Poisson
congelé

Figure 5: Consommation des ménages par type de produit de la pêche

16
2.3.2.5. Facteurs géographiques affectant la distribution et la consommation
des produits de la pêche

La répartition du poisson et des produits de la pêche varie nettement entre les régions et
groupes de revenu, tout comme le rôle du poisson en tant qu'aliment. En effet, si 46% de la
population vit le long des 3 500 Km de côtes et n'a théoriquement pas trop de difficultés
pour accéder au poisson, il n’en est pas de même pour les 54% de marocains qui habitent à
l'intérieur du pays et qui dépendent pour leurs approvisionnements en poisson des circuits
irréguliers de quelques mareyeurs. La consommation de poisson reste plus faible en milieu
rural, avec une moyenne de 6,02 Kg per capita. En milieu urbain, elle atteint une moyenne
de 13,17 Kg (El Basri, 1998). En outre, cette consommation, qui est généralement moyenne
à forte au niveau des régions côtières, diminue rapidement, voire s’annule, à l’intérieur du
pays.

2.3.2.6. Facteurs de la demande des ménages en produits de la pêche

Le niveau de la demande est conditionné par le type de milieu (urbain ou rural), la proximité
ou l’éloignement d’un port de pêche, la taille du ménage, la catégorie socioprofessionnelle et
le niveau d'instruction du chef de ménage (El Basri, 1998).

Parmi les causes du faible niveau de consommation des produits de la pêche, il y lieu de
citer:

- La place marginale qu'occupe le poisson dans le goût et les habitudes alimentaires


marocaines.
- Les structures de production, de transformation, de distribution et de
commercialisation de poisson ne sont pas suffisamment développées.
- Le manque d'approvisionnement en poisson de qualité et à prix abordable,
notamment à l'intérieur du pays, où les circuits de commercialisation et la chaîne de
froid ne sont pas suffisamment développés.
- Le prix du poisson reste inaccessible pour une large population, notamment celle
dont le revenu est faible.

La croissance démographique, le progrès économique, l'augmentation des revenus et du


pouvoir d'achat et des facteurs sociaux tels que le mode de consommation traditionnel de
poisson sont autant d'éléments qui façonneront la demande future de poissons et de
produits de la pêche (Westlund, 2002).

3. COMMERCE DES RODUITS DE LA PECHE

3.1. Aperçu sur le marché national des produits de la pêche

Le marché national est un marché orienté principalement vers les produits frais. La
demande pour le poisson en conserve ne représente que 10% de la production. La
demande du marché national est assez faible (32% de la production nominale, conserves
de poisson comprises). La sardine représente les deux tiers des quantités commercialisées.
Toutefois, compte tenu de la taille de la population et de son rythme d’évolution, des
possibilités de développement de la demande existent si des mesures de promotion sont
entreprises à tous les niveaux du secteur (Naji, 2001).

La filière des produits de la pêche est très influencée par l’activité des intermédiaires de
toute sorte. Entre le pêcheur et le consommateur final, leur nombre est considérable. Ils font
partie essentiellement des collecteurs, des grossistes et des détaillants (Naji, 1996).

17
3.1.1. Les agents de la commercialisation

Les agents de la commercialisation des produits de la pêche ont des fonctions qui sont
globalement complémentaires. Chaque type de mareyeur s’est spécialisé dans un segment
de marché précis auquel il a adapté ses moyens de production et sa stratégie commerciale
(Naji, 1996).

 Les collecteurs sont sous forme d'entreprises familiales. Leurs moyens techniques et
financiers sont limités, ce qui les oblige à opérer sur des circuits assez courts. Ils jouent un rôle
important dans l’équilibre du marché en assurant la concentration de l’offre des pêcheurs,
dispersée dans quelques 170 points de débarquement, au niveau d’une vingtaine de ports.

 Les grossistes font partie des entreprises structurées. Ils sont implantés au niveau des
halles et des marchés de gros. Leurs tailles et leurs moyens leur permettent d’opérer sur des
segments de marchés diversifiés tout en restant dépendants, pour leurs
approvisionnements, de halles aux poissons bien définies.

 Les détaillants assurent la vente directe aux consommateurs aussi bien urbains que
ruraux. Les détaillants disposent de moyens rudimentaires et se spécialisent souvent dans
des marchés précis. Les détaillants qui opèrent au niveau des marchés hebdomadaires ruraux
ont un rôle vital dans l’approvisionnement de la population rurale en poisson frais (Naji, 1996).

La multiplicité des agents de commercialisation et des circuits de distribution contraste avec


le mode de conditionnement qui demeure assez rudimentaire. Les produits commercialisés
ne renferment pas une valeur ajoutée importante, notamment dans les premiers stades de
la filière, du fait qu’ils sont commercialisés tels quels sans subir de préparation préalable.
L’apport spécifique des entreprises de mareyage est faible (Naji, 1996).

3.1.2. Les circuits de distribution

La nature du circuit de distribution est définie par la succession d’intermédiaires,


d’opérations commerciales et de segments de marchés qui séparent le pêcheur du
consommateur final. Les circuits longs partent des grands centres d’approvisionnement
(Agadir, Layoune, Tantan et Casablanca) pour desservir les villes intérieures et celles du
Nord. Les circuits moyens et courts partent des ports d’importance moyenne situés au nord–
ouest atlantique ainsi que des ports de la Méditerranée. Les zones intérieures sont peu
desservies, compte tenu de leur faible demande et de l’absence de chaîne de froid
suffisamment développée. Au niveau de ce dernier marché, les espèces commercialisées
sont surtout les petits pélagiques.

3.1.3. Fonctionnement du marché

Au Maroc, le mécanisme de formation des prix des produits de la pêche est assez
complexe, surtout que la dimension du marché concerne quelques 29 millions de
consommateurs, environ 13 milles embarcations et quelques 3 800 intermédiaires, dont
3 000 détaillants (NAJI, 1996).

Le faible niveau de consommation de poisson, est dû, en partie, au prix relativement élevé.
Cette situation est engendrée par la concurrence de la demande du marché européen pour
les produits marocains, d'une part, et par les activités spéculatives d'une succession
d'intermédiaires, d'autre part. Le secteur de mareyage est caractérisé par une certaine
concentration du capital et des parts de marché, notamment au niveau des halles. Les
marges bénéficiaires dégagées sont parfois trop élevées. (Naji, 1996).

18
3.2. Commerce international des produits de la pêche

Sur la moyenne de la période 1996–2001, la moitié de la production nationale a été destinée


à l’exportation. Sur cette même période, le disponible à la consommation humaine ne
représentait que 21,5% de la production nominale totale. Cette proportion est faite de
poisson frais et de poisson en conserve.

1200

1000

800

600

400

200

0
1996 1997 1998 1999 2000 2001
Production Exportations
Disponible Intérieur Disponible Consommation Huma

Figure 6: Evolution du disponible en produits de la pêche de 1996 à 2001


(en millier de tonnes)

En l'an 2000, les exportations des produits de la pêche ont totalisé 473 000 tonnes en
équivalent poids vif, ce qui représentait 52% de la production nominale. La valeur des
exportations a été de 10,4 millions $EU. Cette performance correspond à 13% des
exportations totales du Maroc et 61% des exportations alimentaires.

Pour la même année, la facture alimentaire se chiffrait à 14,3 Millions $EU. Elle
correspondait à des achats d'environ 6 743 millions de tonnes de denrées alimentaires: blé,
sucre, huile, produits laitiers... Les importations alimentaires ont absorbé 18% des recettes
en devises. Inversement, les exportations des produits de la pêche ont servi à financer 72%
des achats alimentaires.

Le prix moyen du Kg de poisson exporté a été d'environ 2 $EU; celui des aliments importés
a été d'environ 0,5 $EU. Un bilan rapide nous permet de constater que l'exportation d'un Kg
de poisson permet au Maroc d'importer 4 Kg de denrées alimentaires de base.

L’évolution des exportations des produits de la pêche a été marquée par une croissance
soutenue lors des 10 dernières années : 3,6% en volume et 6,62% en valeur.

19
Les marchés destinataires sont dominés par l'UE avec 60% de la valeur des exportations
totales, le Japon avec 29%, l’Afrique avec 7% et, enfin, l’Amérique avec 4%. Ces marchés
présentent des potentialités de développement réelles à condition de déployer un effort
important au niveau des techniques de production, d’emballage et de marketing. (Ministère
des pêches maritimes, 2002)

Les produits exportés constituent une gamme très variée. Cette gamme est dominée par les
céphalopodes congelés (essentiellement le poulpe), avec 63% de la valeur des
exportations totales, les conserves avec 14,56% et les poissons frais avec 11,47%.
(Ministère des pêches maritimes, 2001)

Par type de pêche, les espèces exportées proviennent de la pêche hauturière (à hauteur de
45% des débarquements) et de la pêche côtière (36%). Le reste provient aussi bien de la
pêche côtière et artisanale que de l’aquaculture.

Les produits de l’aquaculture sont entièrement exportés, à l’exception des huîtres qui sont
consommées sur le marché local.

Enfin, les importations de poisson sont très faibles et concernent soit des espèces de
destinées à la consommation en frais tel que le saumon, soit des espèces qui alimentent
certaines industries en période de pénurie en matière première. Dans tous les cas, les
volumes mis en cause sont très minimes.

4. ANALYSE DE L'IMPACT DU COMMERCE INTERNATIONAL DES PRODUITS DE LA


PECHE SUR LA SECURITE ALIMENTAIRE

4.1. Des avantages au conditionnel

Selon L'Organisation internationale des consommateurs, les expériences des pays les
moins avancés en matière de libéralisation des marchés sont très différentes. Pour ces
pays, la facture alimentaire totale demeure élevée (20 %). L'éradication ou la réduction
des obstacles au commerce ne suffisent pas à réduire la pauvreté et la malnutrition, parce
que la libéralisation du commerce n'a pas toujours apporté un bénéfice net aux
consommateurs, surtout pas aux plus pauvres ou à ceux qui vivent dans les zones
rurales.

- La FAO (FAO, 2001a) estime, qu'en général, le commerce international n'aurait qu'une
contribution limitée dans la solution du problème de la sécurité alimentaire. Toutefois, selon
elle, rien ne permet de confirmer que le commerce des produits de la pêche est
préjudiciable à la sécurité alimentaire des pays exportateurs dans la mesure où les produits
exportés sont souvent de nature différente de ceux consommés localement (FAO, 1999b). En
outre, la FAO met en doute l'hypothèse selon laquelle les recettes qui découlent de
l'exportation des produits de la pêche participeront à alléger la pauvreté, car cet aspect est
plus en rapport avec les modalités de distribution des bénéfices de l'échange que du
commerce international lui–même (FAO, 1999b).

L'évaluation des résultats de l'application de l'Accord du Cycle d'Uruguay sur l'agriculture en


1995, montre que les effets positifs présumés de la libéralisation du commerce des produits
agricoles, sur les économies les moins développées, ont été jusqu'à présent limités et que
cette libéralisation a bénéficié davantage aux pays industrialisés. Ceci nous amène à nous
interroger sur les retombées de la libéralisation du commerce des produits de la pêche sur
les pays en développement, qu'ils soient en situation d'exportateurs ou d'importateurs.

20
La problématique de la libéralisation du commerce des produits de la pêche dans les pays
les moins avancés se pose en termes différents de ceux des produits agricoles pour
plusieurs raisons:

- Dans la perspective d'une accentuation de la demande internationale pour le poisson face


à une offre rigide, ces pays jouiraient d'avantages comparatifs naturels que la libéralisation
des échanges ne ferait que confirmer;
- Les subventions accordées au secteur des pêches sont plus fréquemment pratiquées par
les pays industrialisés. La suspension de ces aides publiques pousserait les prix de poisson
à la hausse ce qui améliorerait les recettes des pays exportateurs.
- Puisque la plupart des pays du Sud sont en situation d'exportateurs nets, ce nouveau
contexte bénéficierait aux économies de ces pays sans alourdir davantage la facture
alimentaire. A titre de comparaison, les effets de la libéralisation du commerce des produits
agricoles sont moins évidents en raison de l'existence d'un flux commercial croisé.
- La plupart des pays du Sud exportent davantage les produits à forte valeur marchande tout
en gardant pour la consommation locale les produits à bon marché. Les recettes en devises
peuvent servir à l'achat d'autres denrées alimentaires.

A la lumière de ces considérations, quels sont les effets de la libéralisation du commerce


international sur la sécurité alimentaire au niveau du Maroc?

Il est clair que l'impact devrait être recherché à trois niveaux différents:

 National: Quels sont les gains ou les pertes, directs ou indirects, générés par le libre
échange sur la réserve en devises, le stock alimentaire, la croissance économique,
l'environnement, la durabilité économique des activités liées à la pêche, la redistribution des
richesses, le bien être économique et social et le niveau et la qualité de consommation?

 Sectoriel: Quel est l'effet du commerce international sur les différentes filières qui
composent le secteur des pêches. L'analyse doit porter sur l'évolution de l'état des stocks
exploités et sur les indicateurs économiques du secteur: production, prix, revenus des
professionnels, emplois, valeur ajoutée…sans perdre de vue les échanges entre filières.

 Consommateurs: Que ce soit pour l'individu ou pour le ménage, quels sont les
changements qui surviennent dans le niveau et la nature de la consommation des produits
de la pêche et des autres aliments, les dépenses des ménages, l'équilibre nutritionnel…

4.2. Impact du commerce international sur la sécurité alimentaire

4.2.1. A l'échelle nationale

Le Maroc est le premier producteur exportateur de produits de la pêche de l'Afrique et du


monde arabe. Sa contribution dans le commerce international des produits de la pêche est
de plus en plus confirmée. Cela présente des avantages et des inconvénients. Pendant que
les articles d'exportation ramènent des devises précieuses, la vente à l'étranger des produits
de la pêche prive les consommateurs marocains, notamment les enfants, d'une alimentation
très nutritive.

Dans les prochaines années, l'offre des produits à valeur ajoutée se développera et les
innovations se poursuivront tant en matière de produits proprement dits que des techniques
de conditionnement et de présentation. Le poisson est maintenant un produit coûteux et les
pénuries prévues par rapport à la demande mondiale auront pour effet de pousser les prix à

21
la hausse. Les recettes en devises grimperont, ce qui contribuera à réduira le déficit au
niveau de la balance commerciale.

Par ailleurs, l'arrêt de l'accord de pêche avec l'UE a généré un manque à gagner important
en matière première sur le marché européen. La demande pour le poisson marocain est
devenue plus en plus forte. La perspective de meilleurs gains incitera les professionnels à
solliciter davantage de licences de pêche. Les autorités marocaines ne pourront donner
suite à ces requêtes en raison du gel des investissements dans la flotte, décrété depuis
1992. Les professionnels n'ayant d'autre alternative que d'exploiter pleinement leur capacité
de pêche chercheront par tous les moyens à intensifier leur effort de pêche. La menace pour
la durabilité des ressources sera pesante. Les administrations de pêche devraient mettre en
place un système de gestion des pêcheries aussi efficace que rigoureux.

4.2.2. A l'échelle sectorielle

Les différents opérateurs du secteur des pêches ne bénéficieront pas tous de la même
manière de l'amélioration des recettes à l'exportation. Car, selon les filières en question, la
présence d'intermédiaires et de spéculateurs constituera un écran qui absorbera une partie
du surplus provenant de l'amélioration des termes de l'échange.

 Pour la pêche hauturière, principal pourvoyeur en devises, les retombées se traduiront


par une amélioration des revenus des armateurs qui constituent une minorité, sans
bénéficier, dans des proportions raisonnables, aux familles des marins pêcheurs, qui
forment environ 10% de la population des gens de mer. L'impact sur l'affectation de la
matière première sera insignifiant car la quasi–totalité de la production de cette filière,
qualifiée de "consommation de luxe", est déjà exportée à des prix très élevés à
destination du client japonais. Toute modification dans le commerce des produits de
cette filière n'aura d'effet sur la sécurité alimentaire que de façon indirecte par le biais la
baisse du stock en devises.

En définitive, la libéralisation du commerce international des produits de la pêche aura


un impact bénéfique sur les revenus sans pour autant affecter de manière sensible les
réserves protéiques nationales.

 Pour la pêche côtière, principal pourvoyeur du marché local en produits de la mer et


en emplois (53% des gens de mer) l'impact de la libéralisation sera différent selon qu'il
s'agisse de la filière de poisson blanc ou de celle de poisson bleu.

Pour le poisson blanc, le marché extérieur exerce sur le marché local une concurrence
directe par le prix. Par conséquent, l'essentiel du poisson blanc de valeur marchande
moyenne à élevée continuera de quitter le pays à destination de l'Europe. Seules les
espèces peu coûteuses continueront à être commercialisées dans le marché national.
Le consommateur marocain n'aura pas un accès économique suffisant à cet aliment en
dépit de sa disponibilité physique. Seule une amélioration du pouvoir d'achat pourrait
relever les niveaux de consommation de poisson. L'amélioration des revenus pour cette
catégorie de produits touchera probablement toute la profession quoiqu'elle sera plus
profitable aux unités de mareyage à l'export.

Le poisson bleu, quant à lui, constitue l'essentiel de la consommation des ménages


marocains en produits de la pêche (66%) en raison notamment de son abondance et de
son faible prix. Toutefois, même si le disponible intérieur est de l'ordre de 21,5 Kg per
capita, la consommation effective ne dépasse guère 6,4 Kg. Le reste de la production
nominale est soit transformé en conserves destinées à l'étranger soit transformées en
sous produits dont une partie est exportée et l'autre sert pour l'alimentation de la volaille.

22
Le poisson bleu pourrait difficilement constituer un produit à haute valeur ajoutée. Ce
poisson est appelé à jouer un rôle déterminant dans les apports protéiniques surtout que
la ration alimentaire marocaine n'en contient qu'environ les deux tiers des besoins
journaliers et qu'ils sont pour la plupart satisfaits par des aliments d'origine végétale.
Tous les efforts publics doivent œuvrer dans le sens d'une réallocation de la matière
première en faveur du renforcement de la sécurité alimentaire. Ceci pourrait être réalisé
par le biais du renforcement de la consommation du poisson bleu, sous des formes et
des préparations variées.

 Pour la pêche artisanale aux petits métiers: Cette filière joue un rôle social important
car elle permet de faire travailler, moyennant un investissement réduit, environ 43% de
la population des gens de mer. Les intervenants de cette filière verraient leurs revenus
augmenter, ce qui leur permettra d'améliorer leur situation nutritionnelle sans être
obligés de puiser sur leurs propres captures. Ces dernières étant faites de poisson
noble sont quasiment écoulées sur le marché de l'exportation.

 Pour la filière de transformation: L'industrie de transformation a tout à gagner de la


libéralisation du commerce, car elle repose fondamentalement sur la valorisation d'un
poisson abondant et à faible valeur commerciale (poisson pélagique). Le Maroc détient
une position solide en matière d'exportateur de sardines en conserves. Toutefois,
l'industrie locale est appelée à redoubler d'efforts en matière de qualité, de techniques
de préparations et de marketing afin d'accompagner les mutations qui surviennent à
l'échelle du marché international.

L'augmentation de la demande extérieure permettra, par le truchement de l'amélioration


des prix, de pousser l'industrie à se réorienter vers des formes plus valorisantes et de
soustraire une partie de la matière première à l'industrie des sous produits.

4.2.3. A l'échelle des ménages

Globalement, la consommation de poisson au niveau des ménages sera le grand perdant de


la politique de libéralisation du commerce international des produits de la pêche. Toutefois la
récolte de devises permettra d'améliorer le disponible intérieur en produits alimentaires
d'autres origines. La concurrence exercée par la demande extérieure pour les produits de
haute valeur commerciale devra renforcer la tendance à la consommation des produits à
bon marché. Un effort important reste à déployer au niveau de la disponibilité physique de
cette gamme de produits et au niveau des mesures incitatives si l'on veut compenser le
déficit constaté.

4.3. Que faire?

4.3.1. Au niveau du pays

La politique de hausse des revenus des pêcheurs qui améliore ainsi la productivité
halieutique et la production alimentaire et qui permet au pays d'importer des aliments (en
renforçant ses possibilités de gains à l'exportation) est la clé de la lutte contre l'insécurité
alimentaire. Un soutien international est requis afin d'élaborer des politiques ayant pour
but une amélioration de la productivité, une distribution plus équitable des revenus, un
meilleur accès au crédit et la réforme du secteur afin de soutenir de manière adéquate les
petits producteurs.

L'assistance de transition qui doit accompagner une plus grande ouverture de l'économie
halieutique marocaine doit être couplée au processus de renforcement des capacités du

23
marché national axées aussi bien sur les conditions de l'offre que sur le pouvoir d'achat. Il
s’agirait de créer une synergie maximale grâce à la mise en place de filets de protection à
base de produits halieutiques locaux, de façon à développer les débouchés, la production
et l'emploi, tout en fournissant de la nourriture à ceux qui en ont besoin (FAO, 2002a).

Il faudrait pour cela veiller à ce que le commerce du poisson et des produits de la pêche
augmente la sécurité alimentaire, favorise le développement social et économique, ne
conduise pas à la dégradation de l'environnement et des ressources et n'affecte pas
négativement les droits et les besoins nutritionnels des populations pour qui le poisson et les
produits de la pêche sont cruciaux pour leur santé et leur bien–être (Déclaration de la
Conférence de Kyoto).

Selon (Kurien, 1998) Il y a deux manière de renforcer la sécurité alimentaire: directe et


indirecte. La voie directe consiste à rendre les produits de la pêche facilement accessibles
sur les plans à la fois physique et économique, notamment à ceux qui en ont le plus besoin.
L'autre voie, indirecte, consiste sur le plan macroéconomique à utiliser les gains découlant
de la vente de produits à valeur ajoutée pour mettre à la disposition des populations les plus
vulnérables des produits alimentaires appropriés, bon marché et parfois subventionnés. Il
va de soi que si le commerce des produits de la pêche à valeur ajoutée augmente le revenu
des populations sous alimentées, leur sécurité alimentaire sera renforcée.

Il est très pertinent de bien faire la distinction entre les produits de "consommation de luxe"
(selon l'expression de Kurien), lesquels sont généralement destinés à l'exportation, des
produits de "consommation nutritionnelle". Les dynamiques commerciales et le Mix de ces
produits doivent être identifiés en tenant compte de leurs spécificités. Désagréger le
commerce international en terme de ces deux produits permet une meilleure perception des
potentialités et des limites du commerce international dans la solution du problème de la
sécurité alimentaire.

4.3.2. A l'échelle du secteur des pêches

Les prises des pêches de capture ne connaîtront probablement pas un accroissement


notable au cours de la prochaine décennie. Aussi, tout accroissement de l'offre en fonction
de la progression démographique prévue devra t–il provenir de l'aquaculture ou d'une
utilisation plus complète des captures actuelles, notamment d'une réaffectation de la matière
première, au détriment de la production de farine de poisson et au profit de la consommation
humaine sous ses différentes formes (frais, conserve…). Sans doute conviendrait–il à cet
effet de réorienter les ressources consacrées aujourd'hui au soutien des pêches de capture
et de les consacrer à l'aquaculture et aux activités de manutention après capture et de
transformation et de commercialisation du poisson (Howgate, 2002).

Gagner en productivité sur toute la chaîne de production halieutique est indispensable afin
d'assurer la sécurité alimentaire et l'amélioration de la compétitivité du marché des
produits de la pêche et des produits alimentaires transformés, autant au niveau national
qu'international.

L'investissement public et privé pour le renforcement de la capacité halieutique doit être


fortement augmenté. Selon la Déclaration de Doha, l'application effective des programmes
de renforcement des capacités dans les pays en développement est essentielle. Les
investissements devraient par conséquent être dirigés vers:

• L'installation ou le renforcement de technologies et de capacités appropriées


pour la production et le traitement des produits de la pêche.

24
• L'éducation et la formation, en particulier dans les domaines techniques, comme
la pêche durable, le contrôle de qualité et l'emballage.

• Le développement d'infrastructures nécessaires, comme les systèmes de


distribution et de communication.

• Le renforcement institutionnel, en consolidant les centres de recherche et les


organismes de réglementation et de contrôle de la sécurité alimentaire.

Il est possible d'améliorer les revenus engendrés par des produits à valeur ajoutée et de
réduire les pertes quantitatives et qualitatives tout au long de la chaîne alimentaire
(Déclaration de la Conférence de Kyoto). Pour cela, il faut étudier les moyens d'une
utilisation après capture responsable du poisson et des produits de la pêche, compatible
avec les règles de développement durable des pêches et de l'aquaculture (Déclaration de la
Conférence de Kyoto); A condition d'être correctement mises en oeuvre, les techniques
existantes permettraient très aisément de réduire le niveau actuel des pertes et des déchets.
Les mécanismes économiques en présence renforceront la tendance à limiter les déchets
ainsi qu'à mieux employer les espèces sous–exploitées.

Les prises accessoires, surtout celles rejetées à la mer, représentent une précieuse source
potentielle d'approvisionnement en poisson destiné à l'alimentation humaine. Dans le cadre
de l'amélioration de la sécurité alimentaire humaine, il y aurait lieu d'envisager sérieusement
de prévoir des systèmes de manipulation et de manutention adaptés, y compris le transfert
des prises accessoires en mer, et des méthodes de transformation adéquates.

D'autres sources d'approvisionnement alimentaire pourraient également provenir des


captures actuellement destinées à la fabrication de la farine de poisson. En 2001, cette
industrie a consommé 45% de la production nominale qui auraient pu être, en partie,
dirigées à la consommation humaine. En général, la sardine est bien acceptée par les
consommateurs dans maintes régions du Maroc. Toutefois, l'utilisation et la
commercialisation de cette abondante ressource soulèvent des difficultés d'ordre logistique
qu'il est nécessaire de lever. Le développement du marché pour les petits pélagiques est
davantage tributaire des aspects économiques et commerciaux que de l'évolution des
techniques. Cependant, il est techniquement possible d'approvisionner les grands centres
urbains, comme Casablanca, Rabat et Fès en sardines sous glace au lieu de la transformer
en farine de poisson. Egalement, de grandes quantités de produits à bon marché, comme
les sardines salées ou en barquettes peuvent en être fabriquées.

Il faudra engager des investissements considérables pour améliorer la qualité des


opérations de transformation, de distribution et de commercialisation du poisson, compte
tenu, en particulier, de la priorité accordée, actuellement, d'une part aux conditions
d'hygiène et de salubrité lors de la manutention, du stockage et de la transformation des
produits de la pêche et, d'autre part, aux objectifs d'assurance qualité dans les usines de
transformation.

4.3.3. A l'échelle des ménages

Améliorer les revenus des consommateurs pour renforcer leur pouvoir d'achat est une
condition nécessaire pour stimuler la demande pour les produits de la pêche. La
réglementation et la réorganisation des activités de mareyage et des marchés de gros
permettront de maintenir les prix à des niveaux raisonnables; car les intermédiaires sont
généralement les responsables de la flambée des prix à la consommation.

25
Dans un contexte où les produits de la pêche sont généralement moins prisés que la viande
rouge, il est indispensable d'intégrer l'éducation nutritionnelle et sanitaire dans les écoles
ainsi que pour les mères de famille.

5. CONCLUSION

La libéralisation du commerce international des produits de la pêche a un impact positif sur


la sécurité alimentaire au Maroc, non pas de manière directe, puisque le pays est en
situation d'exportateur net, mais par le biais du renforcement de la réserve en devises, ce
qui permet au Maroc de faire face à l'essentiel des dépenses liées aux importations des
produits alimentaires de base.

Toutefois, il est primordial à ce que le Maroc mette en place des filets de protection des
populations locales contre la malnutrition. Un tel système pourrait s'appuyer sur l'offre de
produits halieutiques à bon marché.

L'amélioration des revenus des consommateurs et le développement de la chaîne de


distribution sont, par ailleurs, les préalables indispensables à toute politique visant à
repositionner le rôle du secteur halieutique en tant que réserve nutritionnelle stratégique
pour le Maroc de demain.

26
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