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COMMISSION LMD-UL

Domaine : LLA (Langues, Littérature et Art)


Parcours : Licence
Etablissement : COUL
Code et Intitulé de l’UE : Art 120 (Art Sacré Traditionnel Africain)
Crédits : 2
Public cible : Etudiants en général et tout apprenant
Semestre : Harmattan /Mousson
Prérequis : Aucun
Enseignant Responsable de l’UE :
AGBATI Koffigan (Dr-Ing)
Spécialités : Génie Energétique et Tourisme Culturel
Cel : (00228)90268642
E-mail : agbatic@yahoo.co.uk

Disponibilité : Lundi11h30 à 13h 30, Mercredi 9h15 à 11 h 15

2. DESCRIPTION DE L’UNITE D’ENSEIGNEMENT


2.1 OBJECTIFS DE L’UNTE D’ENSEIGNEMENT
Objectif général :
Amener l’apprenant à comprendre et à apprécier l’art sacré traditionnel africain.

Objectifs spécifiques : Les apprenants seront capables de :


- Tenter de comprendre les croyances de l’Africain au travers de l’art sacré ;
- décoder et interpréter les divers messages incarnés ou véhiculés par les œuvres
artistiques traditionnels dans leur dimension sacrée ;
- s’amener à comprendre les relations entre les croyances et pratiques africaines en
relation avec les croyances et pratiques de grandes civilisations antiques ;
- éveiller l’attention sur le présent et le devenir du riche patrimoine culturel africain.

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2.2 CONTENU DE L’UNITE D’ENSEIGNEMENT
Bref descriptif de l’UE :

L’art sacré traditionnel africain, très complexe, révèle des connaissances ou des savoirs
endogènes cachés qui peuvent être utilisés dans d’autres domaines du savoir et qui
s’inscrivent dans la sauvegarde du patrimoine matériel et immatériel des peuples
africains. Son étude débouche sur plusieurs intérêts : u t i l i t a i r e , religieux,
esthétique, artistique, patrimonial et culturel montrant qu’il fait partie intégrante du
développement dans ses aspects qu’on pourrait appeler « Survivances Traditionnelles ».

Cet enseignement se propose de mettre en exergue les différents types d’arts de


terminologie
Plan du contenu traditionnelle en général
d’enseignement et plus
(parties, spécifiquement,
chapitres mettre en valeur les
et sous-chapitres)
très remarquables qualités de l’art sacré africain en rapport avec les croyances et les rites.
Il sera question d’analyser, de montrer et de présenter cet art spirituel à travers ses diverses
incarnations telles que : les masques, la statuaire représentant les divinités, les figures, les
signes et symboles, les chants et danses, etc.

Ce cours, théorique et pratique, prend en compte la dimension sacrée de l’art traditionnel


africain axé sur les croyances religieuses d’où son intitulé. Le support en est la théorie. La
pratique consistera en des visites de terrain et autres exercices de décodage et
d’interprétation de divers messages incarnés ou véhiculés par des œuvres artistiques
africaines.

Séance n° Rappel des objectifs Titres des parties/ chapitres / sous-chapitres


spécifiques
1 - Tenter de comprendre les L’Art Sacré traditionnel africain :
croyances de l’Africain au ➢ Introduction
travers de l’art sacré ;
- décoder et interpréter les ➢ Définitions de l’art
divers messages incarnés a) L'art
ou véhiculés par les b) L'Art et le sacré
œuvres artistiques
traditionnels dans leur ➢ La notion d’art sacré
dimension sacrée ;
2 - s’amener à comprendre Croyances religieuses et art sacré traditionnel
les relations entre les africain
3 croyances et pratiques La notion de l’Anonymat et les questions de
africaines en relation avec Styles :
les croyances et pratiques de ➢ Les artistes
grandes civilisations
antiques ; ➢ Les styles

4 Sculptures figuratives
5 Masques, divinités, chants et danses
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6 - éveiller l’attention sur le Architecture, poterie, peinture, textile
7 présent et le devenir du riche Drame rituel
8 patrimoine culturel africain. Signes et symboles
9 Réflexion critique et scientifique sur l’art
sacré traditionnel africain : utilité et
esthétique

10 Sauvegarde et valorisation de l’art


traditionnel africain
11 Conclusion
12 Nécessité d’une culture artistique africaine :
Analyse, Interprétation et décodage

Modalités d’évaluation :
Devoir sur table ou exposé + examen semestriel écrit

Bibliographie
1 BACQUART (Jean-Baptiste), L'art tribal d'Afrique noire, Thames et Hudson, Paris, 2010.
2 BASTIDE (Roger), Art et Société, Paris, Payot 1977.
3 BARGNA (Ivan), Chefs-d'œuvre de l'art africain, Place des Victoires, Paris, 2011.
4 BOYER (Alain-Michel), Les arts d'Afrique, Hazan, Paris, 2009 (rééd.), 383 p.
5 BUSCAT (Joëlle), L’art contemporain africain contemporain. Du colonialisme au post
colonialisme, Paris, L’Harmattan, 2000.
6 CAILLOIS (René), L’homme et le sacré, Gallimard, Paris, 1950.
7 DIAKONOFF (Serge) et al., L'âme de l'Afrique, masques et sculptures, Éd. de l'Amateur, Paris
; G. Naef, Genève, 2008 (rééd.), 374 p.
8 DIOP (Babacar Mbaye), Critique de la notion d'art africain : approches historiques, ethno-
esthétiques et philosophiques, Connaissances et savoirs, Paris, 2011, 292 p. (texte remanié d'une
thèse de Philosophie de l'art).
9 FAIK-NZUJI (Clémentine M.) , Arts africains : signes et symboles, Bruxelles : De Boeck
Université, 2000.
10 FAIK-NZUJI (Clémentine Madiya ), La Puissance du sacré : L'Homme, la Nature et l'Art en
Afrique noire, Ed. Renaissance du Livre, 2003.
11 FANIEL (Stéphane), Les merveilles du Louvre, Hachette, Paris, 1960.
12 GAUDIBERT Pierre, Art africain contemporain, Paris, Ed. Diagonale, 2ème édition, 1994.
13 JEWSIEWCKI (Bogumil), De l'art africain et de l'esthétique : valeur d'usage, valeur d'échange,
Cahiers d'études africaines 1996, Volume 36, Numéro 141-142, pp. 257-
269.
14 KERCHACHE (Jacques), PAUDRAT (Jean-Louis) et STEPHAN (Lucien), L'art africain,

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Paris, Citadelles & Mazenod, 2008 (nouvelle édition révisée et augmentée), 595 p.
15 L’Atelier d’Esthétique, Esthétique et philosophie de l’art, Repères historiques et thématiques.
Ed. de Boeck Université Bruxelles, 2002.
16 LAGOUTTE (Daniel), Introduction à l’histoire de l’art. Paris, Hachette, 2ème édit. 2004.
17 LEHUARD (Raoul), dir., De l'art nègre à l'art africain : l'évolution de la connaissance de l'art
africain des années trente à aujourd'hui (1er Colloque européen sur les arts d'Afrique noire,
Paris, les 10 et 11 mars 1990 au Musée des arts africains et océaniens), Arts d'Afrique noire,
Arnouville, 1990, 158 p.
18 MURPHY (Maureen), De l'imaginaire au musée : les arts d'Afrique à Paris et à New York,
1931-2006, Presses du Réel, Saint-Étienne, 2009, 395 p. (texte remanié d'une thèse d'Histoire
de l'art)
19 NDIAYE DIADJI Iba, L’impossible art africain. Dakar, Ed. Dëkkando, 2002.
20 PAYOT (Daniel), L’art africain entre silence et promesse, Circé, Belval, 155 p., 2009.
21 PIERRAT (Emmanuel), Comprendre l'art africain, Chêne, Paris, 2008, 310 p.
22 SCHAEDLER (Karl-Ferdinand), Encyclopedia of African art and culture, Panterra, Munich,
2009.
23 SOME (R.), Art africain et esthétique occidentale. Paris, L’Harmattan, 1998.

3. DEVELOPPEMENT DU CONTENU ET ACTIVITES D’APPRENTISSAGE

SEANCE N° 1
Objectif : Comprendre la notion d’art sacré et surtout dans le contexte des traditions africaines
Contenu :

L’Art Sacré traditionnel africain


Introduction

L’art africain traditionnel est fortement lié au sacré. Les objets d’art, qu’ils soient des
masques, des statuettes ou toute autre chose sont traités avec respect et adoration, intégrés
harmonieusement à des cultes, cérémonies, rites ou rituels. Ces objets considérés aujourd’hui
de façon esthétique, avaient d’autres significations dans le passé. C’étaient des objets à
pouvoir magique très respectés, craints et vénérés. La plupart du temps, ils appartenaient à un
clan, un village, un empire…

L’art africain traditionnel ne se résume pas seulement aux objets de culte et aux amulettes ;
des objets usuels en faisaient partie : des poulies, des serrures de grenier, des échelles, des

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calebasses pyrogravées, des armes, des objets personnels tout comme des objets liés à des
clans, tribus, empires, royaumes et chefferies. Aujourd’hui trouver en Afrique ces objets d’art
ancien est rarissime. Ils étaient tombés dans certaines mains qui étaient incapables d’en
prendre soin. Beaucoup ont été pillés, volés et revendus aux collectionneurs privés ou aux
musées occidentaux ou américains. Ceux qui les avaient bradés n’étaient pas conscients de leurs
valeurs, notamment esthétiques et marchands. Les objets anciens et sacrés volés ont été la
cause de la disparition de plusieurs clans et de plusieurs pratiques en Afrique.

A la mobilité de l'art correspond la mobilité des instances religieuses. Les puissances


surnaturelles, toujours proches, se préoccupent sans cesse des êtres humains qu'elles entourent
de leur présence tantôt menaçante, tantôt protectrice. Elles existent dans le voisinage
immédiat des hommes, dans un arbre, le rocher tout proche, les eaux, dans les mânes des
ancêtres et souvent aussi dans les effigies de bois que l'on sculpte pour eux. Chaque membre
de l'ethnie, chaque villageois se trouve directement à la portée de ces forces. Le caractère
immédiat et direct des relations que l'on entretient avec celles-ci, leur quotidienneté et la
constance de leur présence apparaissent d'une manière décisive dans l'art qui permet de
communiquer avec elles.

➢ Définitions de l’art

a) Art
Le mot art vient du latin ars (habileté, métier, connaissance technique). Le terme grec
équivalent, techne (τεχνη), a évolué en sens contraire, ne conservant que le sens de technique.
On retrouve ici la classique évolution littéraire des racines latines et scientifique des racines
grecques.

b) L'Art et le Sacré
Une des premières formes de représentation, l'art rupestre (époque préhistorique) était, pense-
t-on, à la fois la représentation iconique d'animaux, mais possédait aussi, une dimension
magique, voire sacrée, censée aider l'homme à prendre un pouvoir qui le dépasse. Dès lors,
l'art transcende la réalité, et détruit la monotonie du quotidien. L'art semble donc apparaître
dès l'aube de l'humanité : il dépose la représentation sur les parois des cavernes, il sacralise les
événements, et aide l'homme à survivre, en transcendant la pensée.

Le sacré est un ordre de choses séparé du monde courant, profanes (pro-fanum, qui se trouve
à l’extérieur du lieu interdit, ce qui est accessible à tous). Est sacré ce qui appartient à un
mode d’existence supérieur, respecté comme ayant une valeur absolue, et possédant une
puissance supranormale. On n’entre donc en contact avec le sacré qu’avec révérence et selon
des rites spéciaux. Des hommes, des choses, des actes, des lieux et des temps peuvent être
sacrés; on n’en approche, on n’y touche, on n’y participe que sous certaines conditions et
certaines observances. Des livres sacrés sont ceux qui pour les adeptes d’une religion
contiennent des révélations d’origine divine, des prescriptions fonda mentales (Bible,
Coran...).

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➢ La notion d’art sacré

L’art sacré est celui qui s’intègre à l’exercice d’un culte. Il ne vise pas en premier lieu à satisfaire
des besoins esthétiques, à charmer ou émouvoir ; son but premier est sa fonction liturgique,
ou la contribution à un mode de vie consacré. Il ne se confond donc pas avec l’art religieux,
concept bien plus large, couvrant tout ce qui s’inspire, dans son contenu ou son esprit, des
croyances d’une religion.

Chaque peuple, chaque religion possède son expression spécifique du sacré, et constitue ainsi
un immense et irremplaçable domaine esthétique. Si l’art sacré tend à la perfection, c’est
parce que ce qui contribue au service de la divinité doit en refléter la splendeur ; l’art sacré
peut atteindre ainsi le niveau esthétique le plus élevé.

➢ L’art, valeur sacrée ?

Dans un sens tout différent de ce qui précède, on a parfois qualifié l’art de sacré, surtout au XIXe
siècle, pour dire qu’il possède une telle valeur, est digne d’un tel respect, est capable de faire
accéder l’homme à une telle communion avec un niveau transcendant, qu’on peut le tenir
pour une chose sacrée. Il ne s’agit plus alors de déterminer dans l’ensemble de l’art une forme
spéciale, « l’art sacré », définie par son rapport avec une religion ; c’est l’art en général qui
devient objet d’une religion. M S. / C in Etienne Souriau, Vocabulaire d’Esthétique.

SEANCE N° 2
Objectif : Montrer le rapport (quel rapport et comment ça se présente)qui existe entre les
croyances africaines et l’art en Afrique .
Contenu :

Croyances religieuses et art sacré traditionnel africain

L’art sacré traditionnel africain comme son nom l’indique est en rapport avec les croyances
africaines. Ses œuvres sont, à la fois, moins bien finies et plus puissantes que celles de l’art
destiné uniquement à la cour ou au commun des mortels. C’est un art « spirituel » difficile à
saisir pour le non avisé.
Pour tenter de comprendre les croyances de l’homme africain du vieux monde - et nous
devons le faire pour pouvoir apprécier son art, il nous faut d’abord faire abstraction de notre
conception selon laquelle chaque individu est une personnalité unique enfermée dans
l’enveloppe de son corps et ainsi très peu influencé par la communication avec d’autres êtres.
Nous devons la remplacer par l’idée d’une individualité qui « dépasse le cadre de la
perception corporelle pour faire écho aux autres e g o s grâce à une interpénétration dans
laquelle le sujet ne peut plus être distingué de l’objet ». (J. V. Taylor : The Primal Vision,
Londres 1963, page 45).
Ce sentiment de force spirituelle traversant l’humanité comme un fluide n’était, chez l’Africain,
limité que par sa connaissance du monde extérieur. Là où les déplacements et les
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communications étaient difficiles, cet univers était pratiquement représenté par sa famille, son
clan, sa tribu, ou même par les tribus voisines ennemies dont il devait particulièrement
redouter les esprits. Cela pourrait expliquer les liens extrêmement solides de loyauté qui
unissaient les membres de la même famille, du même clan et de la même tribu. Ils ne
formaient littéralement qu’un seul peuple, l’individu n’étant qu’un petit élément de la vie
fluctuante du groupe.
Ce sentiment d’unité et d’association spirituelle franchissait les limites de l’humain. Il supposait
une participation à l’ensemble du monde visible et invisible ; les morts continuaient à faire partie
intrinsèque de la famille. Leurs esprits étaient plus puissants que les vivants eux- mêmes. Outre
ceux-ci et les morts, d’autres formes d’existence, telles les rochers et les pierres et, en fait, tout
le cosmos, s’intégraient à la conception d’un ensemble unifié auquel l’Africain cherchait à
participer et qu’il s’efforçait de saisir. Le visible et l’invisible, l’humain et le divin, le présent et le
passé formaient un tout harmonieux auquel l’homme devait s’adapter. Les tabous ne pouvaient
être violés, les rites de « passage » et autres cérémonies devaient être observés ; les esprits
devaient être apaisés et, par-dessus tout, la puissance suprême ou « mana » (force motrice
de toute existence), devrait être attirée, domptée et utilisée pour le bien-être de la tribu ou
des petits groupes qui la constituaient.
Les Africains reconnaissaient l’existence d’un créateur - très lointain et assez peu intéressé par
sa création. Aussi avaient-ils imaginé un panthéon de dieux et d’esprits inférieurs : dieux du
tonnerre ou de la pluie ; déesses de la terre, esprits des fléaux, du feu et de l’eau ; ancêtres
mythiques des tribus et d’autres (ancêtres) moins éloignés dont on conservait le souvenir. Il
existe encore de nos jours des sociétés et des cultes chargés d’assurer, au moyen d’actes
rituels, la prospérité de la tribu, de ses troupeaux et de ses récoltes. Leurs membres organisent,
dans ce but, des danses et des cérémonies en temps voulu. La plus grande partie de la
sculpture africaine s’inspire de cette nécessité.
En Afrique, le sens de l'art, sa finalité n'est donc pas de représenter l'univers des dieux ni de
faire allusion au pouvoir des prêtres - pas plus qu'à celui des chefs temporels. Son rôle est
d'assurer la sécurité de la vie de façon immédiate. Une telle exigence suppose que l'art soit
efficace dans son essence même : il faut qu'il recèle une parcelle de cette force dont l'univers
est imprégné. C'est pourquoi il ne suffit pas de dire qu'une statue donnée représente tel ou tel
être surnaturel, comme une sculpture médiévale représente tel ou tel saint. L'efficacité ne
saurait dépendre des traits distinctifs qui identifient l'être représenté, ni d'ailleurs des
caractérisations générales indiquant l'autorité, la dignité ou la noblesse qu'on voit dans de
nombreuses statues. Elle résulte plutôt de la présence, plus ou moins concrètement perçue, de
ces forces que l'on attribue aux sculptures. Il en va de même pour les masques et pour ceux
qui les portent: eux non plus ne sont pas la simple représentation de tel ou tel être; ils "sont"
cet être. Au moment de la danse, ils le personnifient réellement ou, du moins, ils recueillent
un peu de son essence : la vitalité qui les anime alors est différente de celle de l'homme caché
sous le masque. Peu importe la fonction concrète des masques et des statues : il semble bien
que le trait essentiel de la sculpture de l'Afrique noire, celui par lequel elle se distingue
fondamentalement ou, si l'on veut, par définition, de l'art des cultures dites "supérieures",
réside dans la présence et l'efficacité réelle des forces et des êtres surnaturels. En
conséquence, cet art se situe toujours dans un champ de tension compris entre représentation
et " incarnation ". S'il est difficile de tracer nettement la frontière entre l'une et l'autre, il est
tout aussi impossible de la franchir en privilégiant l'une au détriment de l'autre.

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SEANCE N° 3
Objectif: Montrer d’abord comment l’anonymat au lieu d’être une faiblesse pour l’art africain en
est plutôt une force car étant un art orienté vers le sacré et effaçant la notion de l’individu parce
que collectif et ensuite savoir que quelques soient l’étendu et la diversité de la production
artistique africaine, la notion de zones artistico-culturelles permet d’en relever les styles.
Contenu :
La notion de l’Anonymat et les questions de Styles :

➢ Les artistes
Pendant longtemps, il a été admis sans discussion que l'art africain était un art anonyme, un
art dont les productions, régies par des préoccupations ethniques, religieuses et rituelles
dominaient complètement l'individualité créatrice. Il était admis comme une évidence que les
objets relevaient tous de préoccupations rituelles ou mystiques et ne concernaient guère
l'esthétique. S'il est vrai que les objets d'art n'avaient pas de valeur marchande dans les
sociétés africaines traditionnelles et que les œuvres n'étaient bien sûr pas signées dans le
contexte de sociétés sans écriture, il n'est pas moins vrai que les artistes marquaient parfois
leurs œuvres par des signes distinctifs que les Européens ne reconnaissaient pas et ignoraient.
L'idéologie de l'anonymat a donc participé d'une dépréciation générale des Européens vis-à-
vis de l'art africain. Pourtant, les recherches en ethnologie de l'art commencent à déconstruire
ces préjugés. Selon l'ethnologue Patrick Bouju, « l'ethnologie de l'art, en se développant,
découvre la création individuelle et abandonne l'idéologie de l'anonymat ». Les qualités
esthétiques des objets ne sont pas seulement soulignées, il est maintenant admis que l'artiste
africain apprend son métier, parfois dans des ateliers dont le fonctionnement a été comparé
avec les ateliers médiévaux ou de la Renaissance, selon des règles précises sur le plan
esthétique et social, et qu'il travaille le plus souvent sur commande . Ce processus crée une
émulation entre les artistes qui sont distingués au sein de leurs sociétés respectives. Ainsi, à
eux seuls, les Yoruba du Nigeria distinguent au moins une trentaine de maîtres sculpteurs
jouissant d'une considération particulière. Les Fân du Woleu-Ntem reconnaissent une
quarantaine d'artistes dont le nom se transmet de génération en génération. La transmission
des connaissances de père en fils produit parfois des familles de sculpteurs. Désormais, les
œuvres sont de plus en plus souvent attribuées à des ateliers ou à des artistes. Il apparaît donc
que la persistance de l'anonymat résulte largement de la manière dont les œuvres étaient
récoltées, sans égard pour leur créateur, particulièrement pendant la période coloniale,
manifestant ainsi le désintérêt des fonctionnaires coloniaux au moment où ils effectuaient ces
prélèvements.
Les progrès dans les techniques de datation permettent aussi de restituer la profondeur
historique de cet art. Des objets en bois que l'on croyait du XIXe siècle, à cause de la fragilité du
support, peuvent remonter au Xe siècle. Des tests de thermoluminescence effectués sur les
noyaux d'argile des bronzes d'Ife, qu'on croyait soumis à des influences européennes à cause
de leur classicisme, remontent en fait au XIVe siècle, avant l'arrivée des Portugais au Bénin en
1485.
D'autres ethnologues portent leur recherche sur les esthétiques africaines. Suzanne Vogel insiste
sur le classicisme et la sérénité des arts africains, établissant des liens entre les catégories
éthiques et esthétiques au sein même des sociétés africaines. La sortie de l'anonymat de
l'art africain, son historicité et son rattachement à des valeurs esthétiques universelles sont liés
à la découverte de fortes personnalités artistiques au sein même des sociétés traditionnelles.
Si Olowe d'Ise bénéficie d'une reconnaissance internationale déjà ancienne, d'autres, comme
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Bamgboye (1893-1978), Areogun (1880-1954) et son fils George Bandele, Esubyi (mort v. 1900),
Fagbite Asamu, son fils Faloda Edun (né en 1900), Osei Bonsu (sculpteur ghanéen, 1900-1977)
ou Ologunde (d'Efon Alaye) commencent à bénéficier d'une reconnaissance dépassant de loin
leur insertion dans un contexte traditionnel. Cette reconnaissance permet aussi de mieux
comprendre la continuité qui lie l'art africain traditionnel et l'art contemporain africain ainsi
que les relations complexes que les artistes contemporains africains ont à l'égard de leurs
propres traditions.

➢ Les styles
La question des styles africains, de leur historicité, de leur répartition géographique, des
échanges et des influences est complexe et ne peut être que brièvement évoquée ici. La
première observation impose de constater la multiplicité des arts africains. Il n'existe pas un seul
art monolithique, mais une multiplicité de styles et de traditions coïncidant plus ou moins avec
les ethnies et les royaumes.
La manière la plus commune d'aborder les différents styles consiste à considérer l'origine
ethnique des objets. Aux yeux du grand public, ce sont ces traditions qui incarnent le plus
immédiatement l'art africain. Elles sont principalement constituées de statuettes et de masques
dont les déformations expressives et la géométrisation ont fasciné les artistes modernes
comme Picasso. Cette forme d'art ne prend tout son sens que lorsqu'elle est remise dans le
contexte des croyances et des cérémonies au service desquelles elle se met.
Une autre manière d'aborder la question consiste à étudier les œuvres à partir de leur origine
géographique. Certains chercheurs comme Engelbert Mveng distinguent trois zones
principales. « L'Afrique de l'Ouest compte les styles du Bénin et les styles que nous englobons
sous le nom d'ensemble soudanien. Les styles du Bénin s'étendent depuis l'ouest du Cameroun
jusqu'au Ghana ». « Si l'art Bamiléké et Bamoun, l'un des plus riches d'Afrique, se rattache à la
zone du Bénin par certains aspect, l'art Fang-Béti et Batéké, célèbre par ses miniatures, ou par
ses masques et ses reliquaires d'ancêtres à plaques métalliques, annonce celui du Congo. Le
Bassin du Congo est l'un des foyers les plus dynamiques de la sculpture nègre ». La seconde
zone correspond à l'Afrique méridionale. « C'est surtout le tissage et la décoration murale qui
fleurissent chez les Matabele, les Xhosas, les Lesuto. La sculpture en bois est pratiquée
également chez les Zoulous ; le mobilier et la vaisselle en bois, en Zambie, au Mozambique,
révèlent un sens esthétique exceptionnel » « L'Afrique de l'Est dans les régions influencées par
le monde arabe, a créé un art de synthèse qui ne manque pas d'originalité. L'artisanat et
l'architecture de Kilwa, de Bagamoyo, de Zanzibar, l'illustrent clairement. Plus à l'intérieur, les
Makondés, à la frontière du Mozambique, sont célèbres pour leurs masques authentiquement
africains... Plus à l'Est, l'art de Madagascar, est un trait d'union entre l'Afrique, l'Asie et
l'Océanie. »
On peut aussi analyser les œuvres du point de vue de leur succession historique (la succession
Nok-Ifé-Bénin est souvent prise en exemple), de leur matérialité (bois, pierre, terre cuite,
métal, tissu, perle) ou d'autres critères.

SEANCE N° 4
Objectif : Savoir et comprendre les rôles de capteur et de réceptacle de force (énergie vitale) ou
encore de substitut que jouent les œuvres d’art africain orientées vers le sacré.

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Contenu :

Sculptures figuratives
Ce n’est pas seulement lors des cérémonies spécifiques que les efforts des vivants et des morts
sont conjugués pour assurer le bien-être de la communauté ; c’est là un souci quotidien que
tout le monde partage. Aussi les sculptures sont-elles conservées dans les huttes et sur les
autels des maisons. On invite ces figures, par des libations et des dons alimentaires, à
participer à la vie familiale. Nous les appelons figures d’ancêtre lorsqu’elles sont faites pour
recevoir les esprits des défunts et qu’elles s’incorporent de cette manière à la tribu ; elles
paraissent avoir un rapport quelconque avec les activités de certains cultes ou sociétés.
La sculpture, sur bois ou sur des matériaux plus résistants comme la pierre, l’ivoire ou l’os,
est l’un des piliers de l’art africain, en même temps que le moyen qui l’a fait le plus largement
connaître à l’étranger. Bien que de nombreuses sculptures soient exécutées à des fins
exclusivement ornementales - appuis-tête, calebasses, poteaux - les sculptures sur bois les
plus frappantes sont les masques portés au cours des cérémonies masquées ; la sculpture
vodou (Mami Wata et autres). Les statues en pierre, exécutées le plus souvent en stéatite,
possèdent un style très proche des statues de bois, ce qui tient sans doute à des similitudes
entre les matériaux utilisés, du point de vue des procédés employés par le sculpteur.
Un exemple frappant nous en est donné par les poupées jumelles (ibeji) que l’on sculpte chez les
Yorouba du Nigeria en l’honneur des jumeaux, et par les poupées akua ba des Ashanti du
Ghana. Les poupées ibeji des Yorouba ou Vénavi des Ewé sont utilisées comme des sortes de
substituts de jumeaux réels et vivants, nés dans une famille. Elles servent à « fixer » l’esprit
des jumeaux à un niveau spirituel et si l’un d’eux vient à mourir lorsqu’il est encore enfant, la
poupée qui le représente est « élevée » avec le jumeau survivant et reçoit de la nourriture et
des vêtements à la place du mort. Les poupées ibeji ou vénavi sont employées dans les rites
consacrés à la divinité qui préside à la naissance des jumeaux et jouent également un rôle
purement socio-psychologique qui consiste à fournir un « substitut » aux jumeaux. C’est le
cas aussi des Vénavidjodjo qui remplacent le jumeau défunt et qui nécessitent les mêmes
soins que les vivants chez les Ewés du Togo, Bénin et Ghana.
Ces statuettes sont sculptées de façon tout à fait caractéristique, sans aucune ressemblance
avec les jumeaux réels, puisque le sculpteur ne cherche jamais à prendre ceux-ci comme
modèles. En revanche, il s’efforce de rester fidèle aux formes traditionnelles données par
exemple aux statuettes ibeji, qui sont elles-mêmes l’aboutissement d’un processus qui a
conduit la collectivité à admettre une représentation idéale d’enfants jumeaux. Par
conséquent, dans tout le pays des Yorouba, ces caractéristiques permettent de reconnaître
immédiatement une statuette ibeji, et pourtant l’artiste dispose d’une certaine liberté pour
exprimer à la fois son art et sa personnalité par la diversité des ornements ainsi que par le
degré de perfection qu’il atteint par rapport au modèle traditionnel.
Les poupées akua ba des Ashanti, dont la fonction rituelle est encore plus mince que celle des
poupées ibeji, traduisent la même fidélité par rapport au modèle conventionnel. Elles se
présentent sous la forme d’une tête constituée par un disque plat, surmontant un corps en
forme de cylindre étroit, traversé horizontalement par des bras en saillie. Toutes les poupées
akua ba, qui sont faites pour servir de jouet aux petites filles, sont des variations de ce modèle
et elles sont censées incarner l’idée que se font les Ashanti de la beauté idéale. Là encore, le
contexte stylistique fondamental dans lequel travaille l’artiste provient d’un héritage
socioculturel dont il lui est impossible de se séparer arbitrairement.

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Les sculptures sur de la pierre dure, comme le quartz ou le granit, présentent beaucoup plus de
différences, du point de vue du style et de la technique, avec la sculpture sur bois. C’est peut-
être à Ifé-Ifé, au Nigeria, qu’on en trouve les exemples les plus remarquables. C’est là, dans la
capitale spirituelle des Yoruba, que l’on a découvert dans plusieurs tombes sacrées des objets
rituels richement décorés ainsi que des représentations d’hommes et d’animaux d’une
étonnante sensibilité. Par leur style et leur exécution, ces sculptures manifestent une
remarquable maîtrise artistique, étant donné la difficulté que comporte le travail du matériau
choisi.
La terre cuite, le bois et le fer sont des matériaux couramment utilisés par les sculpteurs africains.
Contrairement au bois, les sculptures en terre cuite se sont bien conservées à travers les âges.
On en a découvert des spécimens datant de plus de deux mille ans, notamment ceux qui
proviennent de la civilisation Sao, dans la région du lac Tchad, et ceux qui appartiennent à la
culture Nok, dans le Nigéria central. Les terres cuites Nok, qui témoignent d’une grande maîtrise
technique, sont parmi les sculptures en terre cuite les plus délicates qui existent en Afrique.
Peut-être faut-il faire remarquer ici que la nature même des techniques auxquelles fait appel
la sculpture en terre cuite influence le style du sculpteur et le conduit à être différent,
par exemple, du style de la sculpture sur bois.
Il serait imprudent d’affirmer qu’il existe, entre les sculptures en fer, en bronze et en or, une
relation directe. Cependant, on remarque néanmoins que les sculptures originaires de la région
d’Idah, au Nigéria, du pays Yoruba, au Royaume du Bénin, ainsi que des régions habitées par les
Ashanti, dans le Ghana d’aujourd’hui, ou par les Baoulé de la Côte d’Ivoire, présentent toutes
des similitudes si frappantes qu’on a parfois l’impression qu’il s’est produit des échanges de
styles au cours des transferts de techniques qui se sont effectués d’une région à l’autre. On
trouve, par exemple, des ressemblances étonnantes de forme et de style entre les ornements
d’or fabriqués au Bénin et ceux des Ashanti et des Baoulé (ces derniers descendant d’ailleurs
des Ashanti).
C’est peut-être au Dahomey (actuel Bénin) que la sculpture sur métaux a atteint sa plus
grande perfection avec certains emblèmes funéraires (asen) des rois d’Abomey, sur lesquels
les symboles attribués au souverain défunt sont représentés avec vigueur sur une plaque de
métal. Un remarquable exemple de sculpture sur fer, au Dahomey (Fon), est l’étonnante statue
du dieu Goun que l’on peut voir au Musée de l’Homme à Paris. En pays Yoruba, les supports de
lampes rituelles offrent d’intéressants exemples d’une belle sculpture sur fer.
Dans l’art de cour du Dahomey, les symboles attributifs inspirés d’adages allégoriques sont
une remarquable illustration du traitement des symboles comme véhicules d’idées. C’est ainsi
que le règne du roi Ghézo est symbolisé par une calebasse percée de trous, en souvenir de la
phrase qu’il avait coutume de dire : « Si tous les enfants du pays s’efforçaient, chacun avec un
doigt, d’empêcher la calebasse de fuir, le pays serait sauvé. » De son côté, le roi Béhanzin est
représenté par un requin, pour immortaliser son opposition à la conquête coloniale du Dahomey,
qui lui avait fait dire de façon allégorique, au moment de son couronnement, qu’il serait « le
requin qui répand la terreur le long des côtes du pays ».
Par ailleurs le siège ancestral (le Togbuizikpui) chez les Ewés, les « Atikplo » et les cannes
sacrées constitue des représentations symboliques auxquelles la société est liée et voue respect.

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SEANCE N° 5
Objectif : Comprendre le paradoxe du masque qui est au lieu que le masque cache les choses
comme son nom l’indique il est plutôt ce qui révèle les aspects cachés liés aux rites qui ensemble
avec la danse et le chant constituent le fondement dynamique des divinités et leurs rôles pour la
cité.
Contenu :

Masques, divinités, chants et danses


Les idéologies africaines se manifestent en grande partie par des cultes qui visent à augmenter
la force vitale de la communauté en même temps que celle des récoltes, des troupeaux et du
gibier, dont elle dépend. La danse rituelle est le moyen le plus utilisé pour atteindre ce but, et
le masque est son attribut principal. Les danses ont lieu pendant les rites funèbres
commémorant le souvenir des membres des sociétés tribales, et à l’occasion des cérémonies
annuelles pour les défunts. On les trouve également à d’autres époques et saisons, notamment
au cours des divers rites de passage, alors que les forces spirituelles sont particulièrement
puissantes et réclament des actes propitiatoires. Elles sont aussi au centre des fêtes agricoles.
Dans ces manifestions, on emploie les masques à forme animale et les actions mimées qui les
accompagnent évoquent toute la saga de la recherche primitive du contrôle des forces de la
nature liées à la chasse, la culture et l’élevage, dont dépend l’existence de la peuplade. On
considère que la danse augmente la puissance des exécutants ; plus encore, elle est
l’expression de l’attachement profond que l’Africain porte au monde spirituel. Les ancêtres sont
censés participer à la cérémonie et agir comme des intermédiaires puissants qui transmettent la
force vitale. Les chants et la danse sont liés et font partie intégrante de la musique sacrée. La
musique rituelle représente en Afrique un domaine élaboré, strictement organisé, un des plus
riches de l'ensemble des manifestations musicales. A la musique rituelle se rattachent les
musiques de cour développées notamment dans les grands royaumes (Dahomey, Ghana, Mossi,
Mali, Congo). L'initiation des garçons ou des filles donne lieu à d'importantes manifestations
musicales représentant souvent les aspects les plus remarquables, les plus élaborés et les
plus fidèlement transmis du répertoire musical de chaque société africaine. La naissance des
jumeaux est accompagnée par des musiques spécifiques. De nombreuses manifestations
musicales et chorégraphiques ont lieu au cours des funérailles. Chez les Babinga de la République
Centrafricaine, on jouait une certaine musique avant la chasse à l'éléphant, et une autre après
que l'éléphant ait été tué.

Les sociétés secrètes masculines ou féminines ont aussi leurs musiques rituelles. Au Tchad, chez
les Toupouri, les jeunes hommes boivent du lait de vache destiné en principe à rendre fort et
à embellir. Formant une véritable société provisoire au sein même de la société à laquelle ils
appartiennent, les buveurs de lait mènent une vie particulière et ont droit à certaines
libertés qui leur seraient refusées en temps normal. Ils se manifestent lors des fêtes villageoises
(en chantant et en dansant), leurs chants, appris et mis au point lors des veillées sont
accompagnés par d'énormes tambours.

Les récoltes, les semailles, la pêche, la chasse donnent souvent lieu à des manifestations
musicales importantes. La musique semble alors jouer un rôle de médiateur entre les hommeset
les dieux ; elle détient le pouvoir d'attirer les premières pluies, de conjurer le mauvais sort,
d'introniser un chef, de transformer les enfants en hommes adultes.

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Quand un homme porte un masque en l’honneur d’un esprit particulier, il perd sa personnalité
et s’identifie temporairement à lui. Les cérémonies masquées procèdent généralement d’un
rituel destiné à invoquer les dieux ou a établir une communication entre eux et le groupe, et en
même temps à rappeler à ses membres les liens qui les unissent aux forces non humaines de
l’univers. La cérémonie masquée est donc considérée comme la manifestation matérielle
d’une force inaccessible, comme une incarnation temporaire de ce qui est au-delà de
l’humain. Mais c’est une manifestation dont la réalisation exige la participation des hommes,
tant sous la forme d’un système de croyances partagées qui ne la rend plausible que par la
présence d’un exécutant (souvent le porteur du masque) qui joue le rôle de véhicule. Cet
exécutant doit se distinguer des autres êtres humains par un signe ou un ensemble de signes
qui, en même temps, montrent que, pour la durée de la cérémonie, il a cessé d’être un homme
pour devenir un avatar de la divinité ou de l’ancêtre dont la présence est invoquée. Ces signes,
dont l’ensemble de la communauté doit admettre qu’ils Signent qu’un tel changement s’est
produit, vont du mode de comportement (le porteur de masque se comporte comme le dieu et
non pas comme un homme ordinaire) au discours et aux cris (le porteur de masque émet souvent
des sons étranges qui, pense-t-on, s’apparentent au langage des dieux, ou bien il s’exprime
comme un être surnaturel).

Toutefois, c’est dans le domaine du costume qu’apparaissent les signes les plus importants et les
plus facilement reconnaissables. Le costume suggère et impose la présence du dieu, même au
plus insensible des spectateurs. Souvent le costume recouvre le porteur de masque de la tête
aux pieds, mais il peut aussi bien consister en quelques traits de peinture sur le corps ou le visage.
Ce costume a pour fonction essentielle de suggérer, de désigner une réalité au-delà de la
présence physique de l’être humain qui en est revêtu. Avant tout, c’est un signe, comme on
peut, au cours d’une représentation théâtrale, poser quelques branches d’arbre sur la scène
pour représenter une forêt. Le costume, comme le décor du théâtre, procède pour une part
d’une convention, c’est-à-dire qu’il revêt une signification admise et codifiée par l’usage.
Mais cela peut aller de la suggestion la plus subtile, évoquée par une ligne blanche peinte sur
le corps, jusqu’aux costumes et aux masques les plus élaborés qui cherchent à reproduire
l’aspect d’un animal particulier ou celui, imaginaire, d’un être surnaturel.
Mais le port de ce masque n’a rien d’obligatoire puisqu’il est possible de dissimuler l’apparence
humaine et de suggérer une autre présence en cachant le visage sous une étoffe ou un voile
épais, ou encore en l’enduisant de peinture. Dans certains cas, et c’est notamment ce qui se
produit pour le fidèle en qui l’on reconnaît un avatar du dieu parce qu’il en est possédé, la
présence de la divinité est surtout prouvée par son comportement, et il n’a donc pas à porter de
masque ni de déguisement. Il est impossible à cet égard de formuler en quelques mots une règle
qui soit valable pour toutes les sociétés africaines. Disons seulement qu’en général, le
déguisement sert à suggérer une présence surnaturelle et qu’un de ses éléments les plus
importants est souvent le masque porté devant le visage ou sur la tête.

SEANCE N° 6
Objectif : Montrer que dans l’art africain le sacré est omniprésent dans les œuvres quelques
soient leurs formes et ainsi sa lecture se fait dans tous les domaines de la production artistique
humaine où l’architecture, poterie, peinture, textile en constituent les supports forts.
Contenu :

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Architecture, poterie, peinture, textile

Le sacré se lit aussi à travers l’architecture, la poterie, la peinture, le textile.la poterie produit des
objets destinés aux usages cérémoniels de même que l’architecture qui gère la construction
des sanctuaires telles les cases rondes des couvents. Paradoxalement, on peut dire que c’est
dans l’art de la poterie que le talent architectural africain a atteint son apogée en réalisant une
sorte de mélange parfait entre cette technique et la maîtrise innée de la forme sculpturale, qui
est une des constantes de l’art africain. La poterie est un art répandu qui allie une conception
des volumes et une structure des formes procédant de techniques architecturales et
décoratives à des réminiscences ornementales associées à la peinture et à la sculpture.

En Afrique, il est rare que la peinture soit séparée des autres arts : le plus souvent, elle vient
s’ajouter à l’architecture. Les peintures rupestres du Tassili, au Sahara, et celles du désert de
Kalahari nous apportent les témoignages d’un art pictural détaché de l’architecture, dans
lequel la peinture peut être considérée comme un art en soi. Les peintures Vodou (Mami Wata
et autres) d’Haîti, du Bénin, du Togo et du Ghana qui s’allient à la sculpture vodou et forment
l’Art Vodou. On trouve dans ces peintures des éléments variés qui vont de dessins grossièrement
figuratifs à des compositions extrêmement complexes et stylisées. Elles représentent le plus
souvent des bergers et leurs troupeaux, des chasseurs, des danseurs, de mystérieux personnages
à moitié humains et des animaux sauvages.

Les tribus africaines décorent leurs textiles de nombreux motifs ou symboles. Ces tissus sur le
plan du sacré contiennent des signes et symboles ou encore sont utilisés dans des buts
initiatiques ou cérémoniels. Le tissage et le dessin de tissus pour la fabrication de vêtements
ouvrent aussi un très large champ à la création plastique normalement associée à la peinture,
tandis que d’autres arts domestiques, comme la coiffure, témoignent également d’une grande
habileté plastique et d’un remarquable talent.

SEANCE N° 7
Objectif : Démontrer et comprendre la dimension sacrée de la fête entant qu’un domaine
intéressant de l’art de communiquer vis-à-vis des concepts religieux et rituels de l’art africain axée
sur l’action dramatique et orientée vers plusieurs rôles de cet art notamment cathartique et
thérapeutique par exemple la musicothérapie .
Contenu :

Drame rituel
L’un des domaines les plus intéressants de l’art de communiquer, chez les Africains, est la
représentation ou la fête, lorsque l’accent est mis sur une action dramatique et sur une
mimique liée toutes deux à des concepts religieux ou rituels. Les représentations en costumes
et masques que donnent presque tous les Africains offrent un bon exemple de cette forme
d’art de communication. En général, comme nous l’avons déjà vu, la cérémonie consiste à
incarner physiquement une entité spirituelle (divinité, esprit ou ancêtre) qui est rendue
présente aux spectateurs de la fête grâce à l’apparition, aux gestes et aux danses d’un acteur
déguisé et masqué. C’est le drame rituel qui constitue l’essentiel de ces représentations, puisque
l’acteur ou les acteurs qui le jouent participent à une représentation dramatique collective qui a
pour objet d’évoquer les liens unissant les hommes et les dieux. En dernière analyse, le masque

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et le costume sont, dans un sens, des accessoires de théâtre qui permettent à l’acteur de jouer
le rôle de l’être divin ou de l’esprit dont la cérémonie cherche à évoquer la présence.
Le masque et le costume sont donc les accessoires d’un drame rituel qui consiste à représenter
l’apparition parmi les hommes d’un être divin, dont le rôle est joué par le porteur du masque,
exactement comme la couronne et les habits royaux portés par l’acteur qui joue le rôle du roi
Lear sont les accessoires d’une représentation dramatique. Dans les deux cas, il s’agit de donner
à l’acteur les moyens d’assumer la personnalité du personnage dans la pièce, de la divinité dans
la cérémonie. On retrouve la même similitude dans le fait que l’acteur doit prononcer les mots
dont on imagine qu’ils seraient dits par le personnage de la pièce et acquiert un
comportement qui en traduise la personnalité et les actes, cependant que, dans la cérémonie
africaine, le porteur de masque doit aussi marcher, se comporter et danser d’une manière que
l’on croit propre au dieu ou à l’esprit qu’il représente. De même, il doit prononcer des
sons ou chanter des paroles qui sont censés être proférés par l’être divin ou l’ancêtre disparu.
C’est pourquoi, ainsi représentés, un esprit sauvage se jettera agressivement sur les spectateurs,
un esprit féminin dansera des pas gracieux évoquant la féminité, et l’esprit d’un animal
reproduira généralement le comportement de celui-ci en utilisant des mimiques
symboliques.Dans les deux cas également, il est demandé aux spectateurs de faire taire un
instant leur esprit critique car, pour que la pièce ou la cérémonie obtienne son plein effet, il faut
qu’ils admettent, de façon active, la réalité des personnages qui peuplent la scène ou qui
apparaissent au cours de la cérémonie. Toutefois, la ressemblance s’arrête au niveau de la
motivation psychologique de l’acteur et de sa participation intérieure à l’action, car le comédien
est seulement conscient de son jeu, tandis que le célébrant de la cérémonie africaine, tout
en sachant dans une certaine mesure qu’il doit jouer son rôle d’une manière clairement définie,
est avant tout motivé par la conscience magico-psychique d’être investi par la personnalité
de la divinité ou de l’esprit dont il assume le rôle. Il devient cette divinité dont la personnalité
s’empare provisoirement de la sienne plus qu’il ne cherche à tenir le rôle d’un être qu’il se
représenterait comme extérieur à lui-même. C’est là en vérité un facteur essentiel et qui explique
pourquoi la plupart de ces cérémonies ne peuvent être exécutées hors de leur contexte, c’est-
à-dire sans être intégrées à un rituel approprié dans lequel les sacrifices, les invocations,
etc., tiennent une place importante. En fin de compte, le célébrant ne fait que « prêter» son
corps à l’esprit qui l’habite et les cérémonies rituelles qui précèdent la représentation sont les
moyens indispensables à ce transfert. Ce qui signifie que, faute de cette dimension magico-
spirituelle, la représentation perd sa véritable signification et se trouve coupée de ce qui est
à la source d’une partie de son efficacité.

La cérémonie où il est fait usage de masques et de costumes peut donc être exactement définie
comme un ensemble diversifié auquel contribuent la musique, la danse, le drame rituel et des
symboles magico-rituels (le masque, par exemple, qui est à la fois un accessoire de théâtre et un
objet doté de pouvoirs magiques) qui sont significatifs sur le plan de l’art et, en même temps,
servent d’accessoires et de véhicules à un rite religieux. Cette signification religieuse de la
cérémonie masquée peut toutefois être plus ou moins nette, et l’on sait que certaines
représentations de ce genre ont considérablement changé, passant d’une fonction sacrée à
l’origine à un stade où le divertissement théâtral tend à prendre le pas sur le contenu religieux.
C’est le cas de certaines pièces, du nom d’Ekine, jouées par les Kalabari, population du delta du
Niger, dont un exemple intéressant est celle qui a pour sujet l’lkaki, ou la fête de la tortue. Cette
cérémonie doit son origine à un aspect magico-religieux de la vie sociale des Kalabari ; la preuve
en est qu’ils sont convaincus que cette danse a été exécutée pour la première fois par un
mystérieux esprit qui se présentait sous la forme d’une tortue, sorte d’incarnation divine de la
tortue. Après que le mythique kaki se fut retiré de la vue des hommes, les villageois qui l’avaient
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regardé danser décidèrent d’imiter ses mouvements, ce dont ils furent capables après avoir
célébré certains rites religieux destinés à protéger les danseurs et à amener la tortue divine et
mythique à participer à la cérémonie. Bien que n’étant pas complètement coupée de son
contenu religieux originel (il faut encore procéder à des sacrifices, et l’élément religieux est
encore présent, dans une certaine mesure), la danse de l’lkaki est progressivement devenue
surtout une occasion de se distraire et de danser.

La fête s’ouvre avec l’apparition d’lkaki, qui se présente sous un déguisement coloré,
complété par une carapace bossue et un masque sculpté symbolisant une tortue et que l’acteur
porte sur le sommet de la tête. Ikaki est accompagné de ses deux enfants : Nimite Poku (Sait-
Tout) et Nimiaa Poku (Ne-Sait-Rien). Le trio se dirige vers la plage en se livrant à des
pitreries sous les yeux des villageois en liesse qui échangent avec les masques des sarcasmes
et des avertissements, au rythme du tambour et de la danse. Arrivés sur la grève, les trois
masques embarquent dans une pirogue et tentent de s’éloigner à la rame; la tortue, confiante,
est assise à la proue, tandis que « Sait-Tout » pagaie vers le large et que le lourdaud « Ne-Sait-
Rien » se met à remplir d’eau la pirogue avec son écope, au lieu de faire le contraire. Le voyage
se termine presque par un naufrage avant que la pirogue ne soit repoussée vers la côte. Cet
épisode particulièrement comique est suivi de danses et de jeux acrobatiques exécutés par
l’inimitable trio auquel se joignent parfois les villageois pour danser et chanter.

On peut considérer la mascarade de l’lkaki comme un exemple de représentation dans laquelle


le divertissement et le jeu théâtral tendent à prendre la première place, comme c’est le cas de
la mascarade Yoruba de l’lrin ajo. Celle-ci, qui est une sorte de spectacle destiné à distraire les
spectateurs, se distingue nettement de la mascarade de l’Egungun, plus répandue, dont
l’élément principal est l’évocation magique de l’ancêtre ou des esprits, atmosphère qui
pourtant n’est pas complètement absente de l’lrin ajo. La différence essentielle est que
l’Egungun a un but religieux, tandis que l’Irin ajo, comme son nom l’indique, est en fait un théâtre
ambulant conçu seulement pour divertir. Comme le drame rituel est un élément dominant de la
danse masquée, certains rites de possession, faisant partie de la vie ou des cérémonies
religieuses de différents peuples d’Afrique, ont une part importante de spectacle.

On peut classer ces rites en deux catégories, bien qu’ils mettent en jeu les mêmes
mécanismes. Il s’agit, d’une part, des rites observés pour soigner un individu atteint de
troubles mentaux ou physiques en assumant temporairement la personnalité possédée d’une
divinité ou d’un esprit associé à la maladie et, d’autre part, des rites consacrés au culte d’une
divinité ou d’un esprit qui se présentent sous la forme d’un processus analogue comportant la
possession temporaire par la divinité d’un fidèle ou d’un prêtre. On peut citer comme exemple
du premier type de possession le rite des Wolof du Sénégal qui porte le nom de ndoep, ou le
bori des populations Haoussa et Peuls du nord du Cameroun, du Tchad, du Nigeria et de la
République du Niger. Dans le pays des Haoussa par exemple, le culte du bori a pour origine celui
des divinités indigènes de la période pré-islamique, mais, en se développant, il a fini par absorber
le culte d’autres esprits, hérités de toutes les influences, islamiques et parfois même coloniales,
qu’il a subies. Les esprits islamiques sont connus sous le nom de Yun Riga (d’après la
forme des robes portées par les musulmans), et ont pour chef Dan Alhaji ; les esprits de la
brousse sont appelés Yan Dowa (littéralement : enfants de la brousse) et les esprits d’origine
préislamique et spécifiquement indigènes sont appelés Babakou et leur chef est Mai-Ju-Ciki. Les
esprits guerriers sont les Yan Garki, leur chef est Garki Baba, et il en existe encore d’autres
sortes, chacune associée à une maladie particulière, comme les Yapnzanzanna qui sont les esprits
de la variole.
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Les esprits, croit-on, vivent dans des communautés organisées, comme les êtres humains, et
chacun d’eux est associé à une forme particulière de comportement social, d’état psychique
ou de maladie. Au cours de la danse du bori à laquelle participent surtout des femmes, celles-
ci dansent sur une musique de tam-tam et d’instruments à cordes et assument la personnalité
de l’esprit avec lequel elles sont personnellement liées. On dit de la femme possédée qu’elle sert
de monture, de « cheval » à l’esprit qui la possède, et elle se comporte, en dansant en état de
transe, d’une manière qui reflète les attributs et les caractères connus de l’esprit. La danse du
bori, comme celle du ndoep, permet de diagnostiquer et de traiter certains troubles psychiques,
par référence à l’esprit qui possède la malade. Si elle est possédée par un esprit particulier, on
sait qu’elle souffre de la maladie ou du des ordre(s) psychique(s) au(x)quel(s) cet esprit est
associé, et l’on s’efforce alors de la guérir en provoquant un état de catharsis par une simulation
délibérée, durant l’état de transe, du désordre diagnostiqué.

La danse du bori remplit aussi une fonction d’ordre plus général, qui est de régulariser certaines
activités et certaines relations sociales et de fournir une compensation permettant une
meilleure adaptation à la société, dans le cas où l’inadaptation est la conséquence fonctionnelle
de toute l’organisation socio-culturelle. La danseuse du bori devient l’incarnation de l’esprit qui
est censé l’avoir prise pour monture pendant la sorte de transe provoquée par la possession.
Ici encore, nous constatons que les éléments relevant du domaine de l’art (musique,
danse, drame, etc.), s’inscrivent dans le contexte d’un rite socioculturel dont la réussite
artistique n’est pas le but, mais qui aboutit néanmoins à un divertissement et à une perfection
plastique. Sans aucun doute, le spectateur éprouve du plaisir, et son plaisir vient du spectacle
auquel il assiste, mais l’élément artistique réside dans le rôle que joue ce spectacle en tant que
moyen mis au service d’un objectif qui n’est pas artistique. Il existe un autre type de rite de
possession, au cours duquel la possession d’un prêtre ou d’un fidèle fait partie du rituel religieux.
Le culte yoruba de Shango, la divinité du tonnerre, est un exemple frappant de ce genre de
phénomène.
Au cours de la fête annuelle donnée en l’honneur de Shango à Édé, une des cités yoruba dans
lesquelles le culte du dieu est encore vivant, on peut voir, pendant une partie de la fête, les
fidèles accomplir des prouesses magiques et danser au moment où ils sont censés devenir les
« Chevaux » de Shango. On peut dire que cet aspect de la fête est à la fois une représentation
théâtrale rituelle et un divertissement populaire, ce qui en fait l’élément de loin le plus
spectaculaire. Le fidèle possédé par Shango se comporte comme un archétype du dieu et, en
réalité, il est censé en être devenu l’avatar vivant. On peut dire que le possédé « joue » le rôle
de Shango, non comme un acteur qui joue consciemment un rôle, mais plutôt dans le sens où
celui dont nous parlons est investi par la personnalité de Shango.
Nous assistons en réalité à une cérémonie religieuse et le jeu de celui qui est possédé par
Shango est un symbole de la communication établie avec le dieu par la société tout entière.

SEANCE N° 8

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Objectif : Comprendre les principes d’émetteur et de condensateur d’énergie vitale(concept
primordiale du sacré en Afrique) et cerner comment les signes et symboles en constituent les
principaux outils.
Contenu :

Signes et Symboles

Dans ce domaine, nous sommes en face des signes et symboles qui sont de véritables
contenants, condensateurs et déclencheurs d'énergies dans le domaine voilé et non voilé, qui
deviennent lisibles pour l’initié ou l’avisé. L’exemple des signes de Ifa ou Fa (système de
divination) des peuples Yoruba, Fon, Adja et Ewé et l’exemple des symboles Adinkra chez les
peuples Akan du Ghana l’illustrent. La divination, moyen de déterminer la nature des problèmes
et leurs solutions potentielles a joué un rôle très important dans la production des œuvres d'art.
Les devins ifas, chez les Yorubas (Nigeria) ou les Fons du Dahomey utilisaient des plateaux de
divination en bois et des coupes, éléments essentiels de leurs équipements rituels.
SEANCE N° 9
Objectif : Relever tout montrant la complémentarité qui existe entre elles, les dimensions utilitaire
et esthétique de l’art africain à travers une réflexion critique menant l’apprenant à s’interroger sur
l’état actuel et le devenir de ce riche patrimoine qu’est l’art africain.
Contenu :

Réflexion critique et scientifique sur l’art sacré traditionnel africain : utilité et


esthétique
« En entrant dans l’univers de l’art nègre, le voyageur ne découvre pas un monde nouveau qui
pourrait seulement rapetisser son univers mais y découvre un nouveau domaine merveilleux
dont un homme semblable à lui, un frère noir, lui remet la clé. Cette clé, c’est l’esthétique de
l’Afrique noire : la conception noire de l’Univers. » Léopold Sédar Senghor

Léopold Sédar Senghor a été le premier à théoriser ce qu’il a nommé « L’Esthétique négro
africaine » et dans laquelle il distingue sept caractéristiques principales :
1- L’art négro-africain est indissociable du travail humain. À l’égal du travail, il est considéré
comme « l’activité générique de l’homme ».
2- C’est un art engagé dans la vie quotidienne. Ni ornementation, ni agrément, ni art pour
l’art, « il n’est esthétique qu’à la mesure de son utilité, de son caractère fonctionnel »
sur le plan des activités vivrières, magiques ou religieuses.
3- C’est un art fondé sur des pratiques collectives. L’art « n’est pas seulement l’affaire de
quelques professionnels, mais l’affaire de tous parce que fait par et pour tous ».
4- Les différentes formes d’art sont corrélées. La sculpture est indissociable de la danse,
du chant et de l’activité : « Car les chants, voire les danses rythment le travail en
l’accompagnant : ils aident à l’accomplissement de l’œuvre de l’Homme. »
5- Le schématisme et la stylisation de l’art passe par l’image et le rythme. Senghor parle de
« l’image symbole » et de « l’image analogie » en tant que moyen d’accéder à la

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« sensation du signifié ». L’intuition permet d’atteindre l’invisible, le « symbole d’une
sous-réalité » qui serait constitutive de « la véritable signification du signe qui nous est
d’abord livré ». Cette conception s’applique aussi dans la poésie et l’expression orale :
« Le mot y est plus qu’image, il est image analogique sans même le secours de la
métaphore ou de la comparaison. Il suffit de nommer la chose pour qu’apparaisse le
sens sous le signe. Car tout est signe et sens en même temps pour les Négro- Africains :
chaque être, chaque chose, mais aussi la matière la forme, la couleur, l’odeur et le
geste et le rythme et le ton et le timbre, la couleur du pagne, la forme de la kôra, le
dessin des sandales de la mariée, les pas et les gestes du danseur, et le masque, que
sais-je ? »

Mais l’élément primordial de l’art africain est le rythme : « Véritablement, c’est le


rythme qui exprime la force vitale, l’énergie créatrice. » Le rythme est à la fois âme et
moteur de l’image : « Le rythme est l’architecture de l’être, la dynamique interne qui
lui donne forme, le système d’ondes qu’il émet à l’adresse des autres. […] Il
s’exprime par les moyens les plus matériels : lignes, surfaces, couleurs, volumes en
architecture, sculpture et peinture ; accents en poésie et musique ; mouvements dans la
danse. Mais, ce faisant, il ordonne tout ce concret vers la lumière de l’esprit. [avec]
des procédés divers combinant le parallélisme et l’asymétrie, l’accentuation et
l’atonalité, les temps forts et les temps faibles, introduisant la variété, voire la rupture
dans la répétition. [En résumé] le pouvoir de l’image analogique ne se libère que sous
l’effet du rythme. Seul le rythme provoque le court-circuit poétique et transmue le cuivre
en or, la parole en verbe. »

6- L’art africain n’est pas descriptif, il est explicatif ainsi que le précise Tumba Shango
Lokoho lorsqu’il explicite la pensée de Senghor : « Il est concret et vise à la clarté des
différents liens qui corrèlent l’ontologique, le métaphysique, l’esthétique, l’éthique et
l’anthropologique dans l’objet ou l’œuvre d’art ; il vise à la compréhension de la
complexité du réel telle qu’elle est enfouie dans l’objet ou l’œuvre d’art. » En d’autres
termes, « l’art nègre tourne le dos au réel. Plus exactement, il le pénètre de son
intuition, comme de rayons invisibles, pour, par-delà les apparences éphémères,
exprimer sa sous ou sur-réalité : en tous cas sa vie, palpitante et permanente. »

7- Dernière caractéristique de l’art africain : c’est un art engagé et toujours d’actualité. Il


participe à l’épanouissement de l’homme dans son existence quotidienne, dans sa
volonté de réaliser les aspirations de la communauté. Par conséquent, « L’œuvre d’art
est régulièrement désacralisée ou détruite quand elle a cessé de servir. D’où à côté de
la permanence d’un style négro-africain, la variété et le choix des thèmes et de la qualité
du travail artistique selon les époques, selon les tempéraments. »

Tumba Shango Lokoho confronte les fondements élaborés par Senghor à trois autres analyses
esthétiques de l’art africain. D’une part celle du père jésuite camerounais Engelberg Mveng,
pour qui « dans l’univers spirituel et culturel négro-africain, la liturgie de l’art africain est
intriquée à la liturgie religieuse » et qui développe le rôle du rythme dans l’art africain en
relevant une construction dialectique autour de deux mouvements en apparence antagonistes:

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« Primo, Monade vs Dyade ; secundo Dyade vs Triade. En d’autres termes, le rythme est
structuré dialectiquement par un double mouvement qui consiste en réalité en unités
rythmiques simples et unités rythmiques complexes. Dans le premier cas, le jeu rythmique
consiste en mouvements alternés simples entre les deux mains : si l’une joue un coup, l’autre
redouble le coup ; dans l’autre cas, si l’une joue deux coups, l’autre en joue trois et ainsi de
suite. Le rythme africain en réalité repose sur la combinatoire de ces deux mouvements qui
reviennent ad infinitum. » D’après E. Meng, l’ontologie du rythme négro-africain est à la fois
immanente, c’est sa pratique dans les contingences de la vie quotidienne, et transcendante
dans la mesure où il met en relation les hommes avec leur cosmologie et leurs systèmes
religieux. D’autre part, l’art africain transmet la connaissance traditionnelle, agissant en tant qu’
« une vaste encyclopédie populaire où se lisaient la sagesse d’autrefois, les connaissances
scientifiques, la conception du monde et de l’homme, la religion, la société, les travaux de
tous les jours et les métiers, les jeux et les loisirs, et par dessus tout l’histoire du peuple, créant
sa pérennité à travers le temps. »

Dans une autre perspective théorique, Tumba Shango Lokoho évoque les travaux de Jean-
Godefroy Bidima qui a forgé le concept de traversée : « Ici le mouvement se déplace des
traditions africaines (le passé) vers la translation de ces traditions. Il s’agit de ne plus étudier l’art
africain des "bien-pensants" des sociétés africaines (traditionnelles et contemporaines) mais de
focaliser l’attention sur ce qui a été refoulé dans la (re)présentation de ces arts africains, à savoir
les "bricolages" (Lévi-Strauss) de ceux qui, dans les sociétés africaines constituent les "sans
espoirs". Quel est l’art des marginalisés des sociétés africaines traditionnelles ? Quelle fut
l’expression artistique de bannis, des "pervers" et autres marginaux ? »

Bidima cherche à rendre compte d’une modernité artistique africaine qu’il place sous le signe de
la marginalité, de l’utopie, de la déconstruction post-moderne, finalement proche de la
modernité occidentale.

Enfin, Georges Ngal conceptualise différentes phases de rupture esthétique avec la tradition
dans la littérature africaine : la Négritude en rupture avec la littérature d’assimilation,
l’anticolonialisme dans les années 1950 ; la période des indépendances dans les années 1960 ;
ce qu’il nomme « le devoir de violence » à l’orée des années 1970 ; puis dans les années
1990, une esthétique du baroque et du grotesque. Si tant est que ces mouvements peuvent être
caractéristiques de l’art africain, et si un style négro-africain devait être défini en dehors des
spécificités individuelles, pour cet auteur elle « réside essentiellement dans la répétition des
énoncés qui elle-même a un fondement ontologique ». Ce qui apparaît, c’est que pour l’art
africain contemporain, l’univers tribal ou ethnique n’est plus un modèle référentiel ; en outre,
par-delà la littérature, l’art d’aujourd’hui « oscille entre présentisme et archaïsme. »

Evoquer une généalogie de l’art sacré traditionnel en Afrique ressemble à un leurre


perspectiviste ou à une impasse théorique. Non pas que cet art soit moins riche qu’ailleurs ou
que la problématique de la représentation du sacré ou du spirituel soit moins importante
qu’ailleurs : c’est peut-être au contraire ce qui le caractérise le mieux. On connaît le rôle
considérable de l’art africain dans les mouvements d’avant-garde avec notamment le
surréalisme (Apollinaire, Picasso ou Matisse) et on observe l’engouement actuel du marché pour
les « arts premiers » en général et l’art africain en particulier. Kandinsky l’explique en ces
termes : « C’est ainsi que sont nées, du moins en partie, notre sympathie et notre
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compréhension pour les Primitifs, et nos affinités spirituelles avec eux. Tout comme nous, ces
artistes purs ont essayé de ne représenter dans leurs œuvres que l’Essentiel Intérieur, par
élimination de toute contingence extérieure. »
Rappelons quelques points essentiels à propos de l’art africain en général. D’abord la très grande
diversité des ordres d’objets : statues, masques, meubles, instruments de toutes sortes, si l’on
s’en tient à la sculpture. D’autre part, comme le note Michel Leiris : « C’est le morcellement
des styles - morcellement extrême que l’animisme, au caractère foncièrement parcellaire, ne
pouvait guère qu’accentuer - qui restera ici la note dominante. »

À propos de la sculpture, qui reste la forme dominante des représentations, il apparaît dans le
vaste inventaire stylistique et géographique dressé par Jacqueline Delange en 1967 que :
« Dans la production artistique de nombreuses sociétés africaines, l’art de sculpter le bois joue
un rôle si important que d’autres talents, ceux de céramiste ou de peintre, d’architecte ou
d’orfèvre, de vannier ou de tisserand, paraissent n’occuper la scène que comme des éléments
accessoires. En réalité, tous ces arts sont intimement liés, interférant souvent les uns avec les
autres, et la musique, la danse, la poésie (dont nous n’avions pas à traiter) ne cessent d’ailleurs
pas de fournir un support ou un stimulant aux arts plastiques. »

Le concept d’art africain lui-même donne lieu de façon récurrente à un débat pour savoir si
ces représentations doivent être considérées comme des œuvres d’art ou comme des objets
d’ethnologie.

Avec l’anthropologue et linguiste Clémentine Faïk-Nzuji, on peut néanmoins signaler les


deux fonctions principales de l’art en Afrique. D’une part, sa présence avec des objets de la
vie quotidienne. Cet auteur étudie par exemple une série de « couvercles à proverbes » chez
les Bawoyo et des calebasses pyrogravées chez les Fon. Ces objets usuels en bois ou en pelure
séchée sont conçus comme des pictogrammes donnant à voir des « recueils de pensée », ou
des « manuels de savoir vivre » qui sont offerts lors d’occasions exceptionnelles. D’autre part,
les objets de culte proprement dit, par exemple chez les Luba où des planchettes de bois
décorées sont utilisées en tant que « traités de plénitude » transmettant les enseignements des
ancêtres, ou le « tapis de la vigilance » des Ohento. Ces objets sont réservés à des usages
spécifiques lors de rituels ou de cérémonies codifiés.

Les objets d’art traditionnel africain dans leur dimension sacrée, si humbles soient-ils,
supportent en général un élément décoratif destiné à les enjoliver, mais aussi à signifier quelque
chose, leur appartenance à quelqu’un, leur fonction ou leur importance. Il existe une identité
fonctionnelle entre l’art africain et l’art de la Grèce antique ; dans les deux cas, l’utilisation de la
statue comme simulacre du dieu, est exclusive. Un parallèle peut être également fait de façon
encore plus évidente entre l’art africain et l’art tantrique indien, où les signes sont la
matérialisation d’un concept. Les objets conservent une fonction symbolique, même lorsqu’ils
relèvent de l’artisanat. Les notions de plaisir esthétique, voire de bien économique, propres à
l’art occidental moderne, étaient étrangères à l’art que nous considérons comme l’art africain
authentique. Très présent dans la musique afro-américaine et antillaise, le rythme est
caractéristique de la culture nègre et s’exprime dans de nombreuses sculptures africaines. Ce
qui surprend en elles, c’est la simplicité de la forme représentée, comme si elles étaient
davantage l’expression d’un rythme musical que la reproduction d’une réalité.

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Le masque est conçu comme un intermédiaire entre la réalité et le surnaturel et doit être à ce
titre considéré dans un contexte global. Par exemple, chaque membre des sociétés secrètes
possède un masque symbole qu’il porte lors de réunions ésotériques et parfois en public à la
fin de cérémonies particulières à caractères religieux. Ces sociétés secrètes d’Afrique noire
sont généralement chargées de maintenir l’ordre, de faire respecter les lois et d’exercer le
contrôle social et politique au sein de la collectivité. Au nombre des activités essentielles de
ces sociétés secrètes, l’initiation des adolescents. Le passage à l’âge adulte implique la
connaissance des valeurs religieuses et sociales. Des informations sur les mythes
cosmogoniques, sur la fertilité et sur les obligations ethniques, complétaient parfois cette
formation. Les masques sont donc l’apanage des hommes, des initiés des classes d’âges et des
sociétés secrètes. Dépositaires d’une force dont ils sont à la fois la représentation symbolique
et le réceptacle, surtout au moment des danses rituelles, ils ne doivent être touchés ni par les
femmes ni par les enfants. Les masques figurent la plupart du temps des êtres surnaturels,
zoomorphes ou anthropomorphes, dont il convient de se protéger et de s’attirer les bonnes
grâces. Ils relèvent directement des conceptions « animistes » où l’homme et le milieu dans
lequel il évolue sont conduits par des forces invisibles qui les transcendent. L’essence même
du masque, moyen de contrôle du monde magico-religieux de chaque société, explique la
multiplicité de ses formes, chaque modèle correspondant à une circonstance particulière de la
vie du groupe. L’Afrique noire, plus qu’aucune autre partie du monde, est en contact direct avec
la nature et avec ses forces. L’irrationnel possède une valeur inaliénable et la sculpture par les
statues, les totems, et les masques, soulignent la corrélation entre la matière et l’idéalisation de
ses forces, entre le vécu quotidien et le mystère qui régit les vicissitudes de l’existence. Un même
masque peut servir indifféremment aux rites de fertilité, de la récolte, des funérailles et
éventuellement à d’autres rituels propres à la vie sociale.
Le masque fournit un visage imaginaire aux esprits anonymes. Il émerge du monde invisible
pour retrouver un contact avec la vie. Il est un symbole. Son domaine offre un champ de
variations subtiles. Chez les Dogons du Mali, le masque est le support de l’esprit, le lieu
géométrique où les forces vitales libérées par la mort gravitent autour de la vie. Il
est représenté par un totem sous la forme d’un grand serpent de bois. Il fixe l’âme du
premier ancêtre. En pays dogon, le grand masque est tiré de son abri à la mort d’un
individu. Un rituel lui est rendu. Chez les Kotas du Gabon, le masque Mungala est redouté
par les femmes et les enfants. Gardien de la tradition, il joue le rôle d’un père fouettard.
Le peuple baynuk est le plus ancien connu de la Basse-Casamance. Il est en voie de
disparition, submergé par l’arrivée massive au cours de siècles de populations étrangères
dans lesquelles il s’est intégré. Les Baynuks croient en Dino, un dieu créateur qui
imprègne toute chose. Toute parcelle de matière est le support de sa présence. Selon
la tradition, Dino s’est manifesté aux hommes sous l’apparence d’un masque, le kumpo,
qui vit dans le bois sacré. Les rapports d’allégeance des Baynuks à Dino sont régis par la
loi du masque. Les caractères du kumpo sont les suivants :

 Sociétés et religions
– principe d’ordre et de lumière, il permet la vie et son renouvellement. Il dispense prospérité et
abondance de nourriture ;
– âme collective du clan, l’esprit des ancêtres et celui des vivants fusionnent en lui. Il protège
le groupe, révèle par divination ses ennemis à la société ;
– principe fécondant, il est virilité. Celle-ci de caractère céleste est attribuée comme un
privilège aux hommes initiés à son secret par la circoncision ;

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– principe de vie, il est le maître, l’éducateur de la jeunesse, le protecteur des malades et des
faibles. Le kumpo apparaît sous la forme d’un danseur dissimulé complètement par un
costume fabriqué par des feuilles de palmier-rônier tombant à terre, fixées les unes aux autres,
par des fibres de lianes tressées. Le porteur du masque tient sur sa tête un couvre-chef feuillu
formé d’un long et solide bâton de deux mètres de long environ dont l’extrémité inférieure est
fendue en trois segments qui s’écartent de façon à pouvoir emboîter la tête de l’homme. Ainsi
costumé, le kumpo se présente comme une énorme masse feuillue surmontée d’un bâton
vertical. Il ne parle pas mais s’exprime par le moyen d’un mirliton. Seuls les initiés sont
censés comprendre son langage bizarre. Les femmes sont maintenues dans le secret. Il donne
ses instructions et danse au cours de diverses fêtes. Ce masque s’est aujourd’hui répandu chez
les Diolas de la rive nord du fleuve Casamance.

La statuaire africaine tout de même ne répond pas à un seul jeu de canons plastiques. Les
statues, généralement de petite taille, ont pour but de servir d’intermédiaires entre les vivants
qui les sculptent et la puissance qu’elles représentent d’une manière tangible. Ainsi, souvent,
seuls quelques détails sont-ils importants pour cette identification et voit-on des figurines
apparemment inachevées. La statue est vouée à des fins tout à la fois symboliques et opératoires
répondants à des conceptions religieuses et magiques. Le mépris des proportions anatomiques
des personnages, présentés seuls ou par couples, est le trait le plus commun de cette statuaire.
L’expression du mouvement, rendue presque superflue par le thème le plus couramment traité,
l’ancêtre du lignage, et la transposition plastique des volumes varient d’une tribu à l’autre:
des figures raides et anguleuses des Dogon ou des Bambara, on passe aux sculptures
hiératiques des Fang ou des Baluba, traitées tout en rondeur, pour aboutir aux formes souples
et presque sinueuses des statues anciennes de Tada (Nigeria) ou de Sherbro (Sierra Leone). La
statuaire africaine est très souvent associée aux rites de fertilité. Cette fertilité qui est en soi une
union : du couple humain ou animal, du travail de l’homme avec la terre, des êtres vivants avec
les défunts, du présent avec le passé. Aussi, de tous les rites, ceux destinés à la femme, à la terre
et aux troupeaux comptent-ils parmi les plus importants. Le besoin de nourriture et d’enfants a
en effet, été à l’origine de figurations apotropaïques (pour chasser le mauvais œil). La statuaire
est souvent un domaine privilégié de représentation de ces rites. Egalement le culte des
ancêtres est un rite intime qui s’appuie sur des statues-totems, habituellement placées dans des
huttes qui leur sont spécialement dédiées.

Au-delà de l’académisme et de l’imitation d’un modèle, l’art sacré traditionnel africain est
ainsi constamment confronté à une recherche de l’absolu, à des formes abritant une pensée
vivante qui descend dans les profondeurs de l’être.

SEANCE N° 10
Objectif : Voir et comprendre pourquoi l’art africain est une grande et réelle richesse à préserver
et comment le préserver.
Contenu :

Sauvegarde et valorisation de l’art sacré traditionnel africain Tout comme


la religion et la langue, l'art reste une des expressions les plus hautes de la culture d'un
peuple. Il exprime la vie du peuple, sa manière d'être, sa vision du monde.

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En Afrique, l'art symbolise la vie concrète de l'univers cosmique. De manière sacrée
traditionnelle, il excelle dans la musique, la danse et la sculpture sous toutes les formes. Il remplit
une fonction symbolique et ne reste pas une simple copie du cosmos. Il est étroitement lié à la
vie. L'art africain traditionnel est vie, langage et ne connaît pas tout ce qu'accorde le monde
moderne à l'art au sujet du goût, de l'esthétique. La question de son esthétique est une question
de vie et non de l'ornement et de la beauté simple ou de divertissement. Il va au-delà des simples
représentations. L'essentiel dans l'art africain est non la forme, mais ce qu'il représente et
transmet comme message aux yeux des Africains.
Cette dimension où s'exprime l'essentiel de l'art africain se trouve aujourd'hui escamotée et a
rendu cet art incompris. Dans l'ancienne Afrique, encore pleine de ses richesses, l'art servait
de lien entre le sacré et le profane, entre les vivants et les ancêtres, entre l'homme et le
Transcendant. Il devient ainsi l'existence générale tant d'ici-bas que de l'au-delà.

Aujourd'hui, considéré comme objet des fétiches, l'art traditionnel tel la sculpture se dénature,
perd sa signification profonde. Il s'en va en lambeau avec la vision du monde africain, la sagesse,
les langues et les religions. On n'y accorde plus d'importance et cela n’intéresse que quelques
amateurs touristes venus de l'autre bout du monde. Au plan sculptural, l'art traditionnel est
rangé en objets de musée et d'ornement. Et combien d'Africains l'utilisent même pour ces
buts ? Or tout ce qui est lié à l'art comme moyens de subsistance le dévalorise davantage
lorsqu'il faut créer une œuvre d'art simplement pour se faire de l’argent. Le phénomène se
remarque dans tout le Tiers-Monde.

Ceci ne signifie pas pour autant que nous ayons constaté un divorce irrémédiable entre le
passé et le présent de l’art africain, même si certains changements se sont produits sous
l’influence de la culture de l’Europe occidentale, à la suite de la colonisation.

En réalité, la dichotomie apparente entre celui qu’on appelle l’artiste traditionnel et l’artiste
africain « moderne », influencé par l’Occident, réside simplement, dans la plupart des cas,
dans le fait que le second a tourné le dos à son propre patrimoine artistique pour en adopter un
autre qui lui est étranger. Cette attitude qui lui fait imiter l’art occidental ne traduit pas une
évolution qui conduirait du « primitif » au « moderne », comme certains voudraient nous le
faire croire. C’est un élément du conflit culturel né de l’occupation coloniale du continent africain
par les puissances d’Europe occidentale. Cet artiste africain, soi-disant « moderne », ne l’est
en aucune manière si on le compare à ses prédécesseurs mais il est, dans la plupart des cas,
simplement influencé par l’Occident. Par une sorte d’ironie, cette influence le conduit souvent à
adopter des formes d’art qui ont cessé, depuis longtemps, d’être considérées comme modernes
dans le monde occidental. Si c’est d’un musicien qu’il s’agit, il s’efforce de composer des
symphonies ou des opéras à une époque où ses homologues occidentaux ont depuis longtemps
abandonné ces formes, et il le fait parce qu’il a été amené à penser que la musique symphonique
est plus « civilisée » que celle qui appartient à son propre patrimoine musical. S’il s’agit d’un
peintre, il éprouve un orgueil sans bornes parce qu’il a appris à maîtriser la perspective, alors
que les peintres occidentaux en sont venus à considérer qu’elle appartient à un passé
définitivement révolu et pratiquent un art « moderne » considérablement influencé par la
sculpture africaine « traditionnelle ».

L’Afrique d’aujourd’hui n’en compte pas moins de nombreux artistes authentiquement créateurs
dont les œuvres se rattachent aux formes artistiques du passé de leur pays, même s’ils vivent
dans un milieu matériel et une ambiance très différents de ceux qu’ont connus leurs
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prédécesseurs. On trouve aussi des œuvres d’art très intéressantes qui apparaissent comme les
aboutissements d’une évolution des arts traditionnels, comme c’est le cas des nouveaux styles
musicaux, influencés par les traditions musicales d’origine africaine qui se sont développées aux
Antilles et en Amérique, et des créations artistiques de troupes de danseurs professionnels
comme le Ballet national guinéen. Ce dernier a réussi à incorporer dans des ballets cohérents et
bien conçus divers éléments des arts de communication, comme les danses et la musique
populaires et rituelles. Une nouvelle littérature et de nouvelles formes d’art du spectacle
montrent combien l’Afrique est capable d’assimiler judicieusement les influences récentes en
les intégrant à l’activité artistique autochtone.

Il n’est pas douteux que, loin d’être « mortes », les formes d’art de l’Afrique ont poursuivi
une évolution intéressante, tant dans le cadre des structures socio-culturelles traditionnelles
qu’au regard d’un art contemporain qui découle, directement ou indirectement, de ses contacts
avec le monde occidental. A condition que des efforts suffisants soient déployés pour que le
patrimoine authentique de l’Afrique soit préservé et maintenu dans le cadre qui lui est propre,
pour encourager les arts contemporains à demeurer fidèles à l’esprit et au dynamisme
intrinsèques de ce patrimoine culturel, nous avons toutes les raisons de penser que l’art
africain se verra bientôt reconnaître la place qu’il mérite depuis longtemps parmi les
principaux courants de l’art universel. Berceau de l’humanité et terre de la diversité culturelle
par excellence, l’Afrique n’a plus le droit d’assister impuissante à la disparation de son
patrimoine artistique. L’Art sacré traditionnel africain doit être valorisé et sauvegardé pour sa
survie.

SEANCE N° 11
Objectif : Construire une synthèse autour de l’art africain dans son contexte sacré et traditionnel
tout en montrant son ouverture aussi enrichissante et contemporaine de son évolution,
dimensions complémentaires à travers l’ensemble de ses formes vers une vision holistique, gages
d’un éveil réel vis-à-vis de cet art qui mérite d’être préservé et promu sans cesse vers une
perfection à la fois utilitaire et esthétique.
Contenu :

Conclusion
L’art africain est l’ensemble des formes d’art qui ont surgi en Afrique noire prises séparément
ou dans leur ensemble. Non seulement les formes d’art que l’on trouve dans les différentes
régions d’Afrique noire et chez différentes tribus présentent souvent des ressemblances de style,
mais on découvre aussi qu’elles possèdent en commun un certain nombre de caractéristiques
générales qui l’emportent sur les différences de styles. On constate par exemple un certain
nombre de similitudes dans les relations entre les formes artistiques et les croyances religieuses,
d’autant plus frappantes que l’on peut attribuer aux pratiques rituelles de la plupart des
sociétés africaines les mêmes origines. En général, les formes de l’art africain s’inscrivent
dans un cadre commun, même si cet arrière-plan conceptuel s’extériorise de différentes
manières.
L’un des principaux traits communs à l’ensemble de l’Afrique noire, dans le domaine de la
sculpture, est que les masques sculptés ne sont pas conçus pour être contemplés comme des
œuvres d’art, mais pour être utilisés à l’occasion de cérémonies rituelles sociales ou
religieuses. Leur caractère esthétique réside ici dans la forme et non dans le but ou le contenu,
qui sont religieux ou rituels. Mais ces deux aspects ne peuvent être séparés, et chaque fois que
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l’on a essayé d’emprunter a l’art africain sa technique de représentation des formes (comme
l’ont fait, pour une part, les cubistes) en la séparant du corps de croyances qui rend ces formes
admissibles dans un certain contexte social, il n’en est résulté qu’un art parfaitement abstrait
et intellectuel, dépourvu en fin de compte de la vitalité et de la continuité qui caractérisent la
sculpture africaine traditionnelle.

SEANCE N° 12 (Séance pratique)


Objectif : mettre en exergue les différents types d’arts de terminologie traditionnelle en général
et plus spécifiquement, mettre en valeur les très remarquables qualités de l’art sacré africain
en rapport avec les croyances et les rites. Il sera question d’analyser, de montrer et de présenter
cet art spirituel à travers ses diverses incarnations telles que : les masques, la statuaire
représentant les divinités, les figures, les signes et symboles, les chants et danses, etc à travers la
vidéo projection.

Contenu :
Nécessité d’une culture artistique africaine : Analyse, Interprétation et décodage

Activités : Recherches sur les arts de quelques ethnies en Afrique.

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