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Objet d’étude : le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle

Œuvre : Marivaux, L’Île des esclaves

Explication linéaire 2
Scène VI

Introduction.
a) L’Île des esclaves : première représentation en 1725. Dans cette pièce, Iphicrate et son esclave
Arlequin ainsi qu’Euphrosine et son esclave Cléantis ont fait naufrage ; ces Athéniens se retrouvent sur une île
où se sont réfugiés des esclaves fugitifs qui ont fondé leur propre république. Leur coutume est d’obliger les
maîtres à devenir esclaves afin de comprendre à quel point ils se comportaient mal.
b) Ce passage est extrait de la scène VI ; Arlequin et Cléantis sont devenus les maîtres de leurs
anciens maîtres dont ils ont reçu les vêtements et les noms, et Arlequin souhaite se divertir en parlant
d’amour à Cléantis. Cléantis accepte, à condition qu’il lui fasse la cour comme un maître et non comme un
esclave.
c) 2mouvements : I) Cléantis organise le jeu de séduction (l. 1-18). II) Arlequin commence sa cour (19-
27).
d) Problématique : en quoi ce passage comique met-il en relief l’aspect artificiel de la séduction
galante ?

I. Premier mouvement (l. 1-18) : les instructions de Cléantis.


1) Cléantis et Arlequin aiment leur nouveau statut.
a) Cléantis et Arlequin font les maîtres.
→ Que nous disions qu’on nous apporte des sièges (1). Son nouveau statut de maîtresse est
bien intégré, son premier réflexe est de se faire servir.
→ Arlequin, vite des sièges pour moi et des fauteuils pour Madame (4-5). Arlequin adopte la
même attitude et interpelle son ancien maître en l’appelant Arlequin ; de plus, il demande plusieurs sièges et
fauteuils !
→ Votre volonté vaut une ordonnance (4), pour Madame (5) : Arlequin adopte déjà l’attitude
de l’homme qui fait sa cour. Il se soumet à Cléantis (une ordonnance est une loi) et il l’appelle Madame.
→ La république le veut (7). ……………………………… de la république : Arlequin montre à Iphicrate que
la situation n’est plus la même.
b) Le confort attaché au statut de maître plaît énormément à Cléantis.
→ Prendre l’air, jouir, goûter, plaisir (1-3) : ……………………………… ……………………………… du plaisir.
c) Cléantis n’est en fait pas très différente de son ancienne maîtresse.
→ Tenez, tenez, promenons-nous plutôt (8) : brusque changement d’avis souligné par
l’……………………………… tenez, tenez et l’……………………………… plutôt. Elle devient aussi capricieuse que l’était sa maîtresse
Euphrosine.

2) Cléantis dit à Arlequin de se comporter comme un maître.


a) Cléantis veut qu’Arlequin lui fasse la cour.
→ Les discours galants que vous m’allez tenir (2) : l’……………………………… galants annonce tout de
suite la couleur. Arlequin va devoir faire sa cour comme un homme du monde. Procédons noblement (11) :
l’……………………………… noblement va dans le même sens.
→ Vous m’allez tenir (2), vous ferez tomber l’entretien (9) : comme le veut la galanterie, c’est à
Arlequin de parler, de faire ses compliments à Cléantis.
→ Le penchant que mes yeux vous ont inspiré pour moi (9) : comique car c’est Cléantis qui
donne à Arlequin des idées de compliments à lui faire. Ceci montre bien le côté artificiel, codifié de la
galanterie : complimenter les yeux de la femme est un passage obligé.
b) Bien plus, Cléantis semble désormais mépriser la façon de faire des esclaves.
Objet d’étude : le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle
Œuvre : Marivaux, L’Île des esclaves

→ Nous sommes d’honnêtes gens à cette heure (10) : adopte le point de vue des maîtres, leur
vision de la société. Les esclaves ne sont pas d’honnêtes gens.
→ Il n’est plus question de familiarité domestique (10-11) : Cléantis méprise désormais la façon
dont les petites gens se parlent d’amour.
c) En même temps, Arlequin et Cléantis se moquent de la façon de faire de leurs maîtres.
→ N’épargnez ni compliments ni révérences (11), Et vous, n’épargnez point les mines (12).
Courage ! (12) : ce jeu de séduction est vu comme un effort, comme un travail. L’homme doit s’efforcer de faire
des compliments, la femme doit s’efforcer de montrer un certain visage.
→ Quand ce ne serait que pour nous moquer de nos patrons (12-13) : Arlequin dit explicitement
que tout ceci est une bonne plaisanterie qu’ils jouent à leurs anciens maîtres en les imitant.

3) Que faire des anciens maîtres devenus esclaves ?


a) Arlequin se demande si les esclaves doivent assister à cette scène.
→ Garderons-nous nos gens ? (13) : Arlequin ne sait pas quoi faire de leurs anciens maîtres.
→ Pouvons-nous être sans eux ? (14) : Cléantis répond avec une ………………………………
……………………………… qui montre que la réponse est évidente. Ils ne peuvent pas se passer de leurs esclaves. Cette
idée est confirmée par c’est notre suite (14).
b) Arlequin semble s’amuser de son nouveau rôle.
→ Nos gens (13) : il parle vraiment comme un maître. Comique car il vient de dire nos patrons
juste avant : il n’est pas encore totalement habitué à son nouveau statut.
→ Qu’on se retire à dix pas (16) : ordre donné à la 3e personne + ……………………………… on. Ceci donne
un aspect autoritaire, distant.
→ ……………………………… comique des lignes 17-18 : les anciens maîtres montrent leur indignation de
façon spectaculaire.

II. Deuxième mouvement (l. 19-27) : Arlequin fait sa cour.


1) Un dialogue qui commence bien.
a) Arlequin amorce sa cour comme il se doit.
→ Remarquez-vous, Madame, la clarté du jour ? (19) : il respecte les conventions (et les
instructions de Cléantis) en commençant la conversation de façon banale.
b) La conversation se transforme en cour.
→ On appelle cela un jour tendre (20) : l’……………………………… tendre permet d’introduire le thème
des sentiments. Cléantis semble inviter Arlequin à la séduire.
→ Je ressemble donc au jour, Madame (21) : Arlequin poursuit la conversation en utilisant la
phrase de Cléantis pour commencer sa cour.

2) Mais Arlequin ne prend pas cette conversation au sérieux.


a) Son ton n’est plus convenable.
→ Eh palsembleu ! (23) : ……………………………… populaire.
→ Le moyen de n’être pas tendre, quand on se trouve tête à tête avec vos grâces ? (23-24) : le
style est plus relâché, avec par exemple l’omission du ……………………………… dans la question.
b) Il se vante alors qu’il devrait avant tout complimenter Cléantis.
→ ……………………………… Il saute de joie et ……………………………… Oh ! oh ! oh ! oh ! (24) : Arlequin est très
fier de lui et le montre de façon très expressive.
→ C’est que je m’applaudis (26) : Arlequin se montre narcissique, il se félicite lui-même.

3) Cette attitude dérange profondément Cléantis.


a) Cléantis est choquée par l’attitude d’Arlequin.
Objet d’étude : le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle
Œuvre : Marivaux, L’Île des esclaves

→ Vous défigurez notre conversation (25) : le verbe défigurer est très fort, il montre bien
qu’Arlequin est en train de tout gâcher.
→ Rayez ces applaudissements (27) : utilisation de l’……………………………… pour donner l’ordre
d’arrêter à Arlequin.
b) Cléantis prend son nouveau statut de maîtresse au sérieux.
→ Ils nous dérangent (27) : utilisation du nous de ……………………………… par Cléantis. Elle est toujours
dans son rôle, elle parle comme une dame du monde.

Conclusion.
Ainsi, cette scène est amusante à cause de la parodie de séduction galante à laquelle se livrent
Cléantis et Arlequin. L’attitude d’Arlequin, qui n’arrive pas à jouer son rôle jusqu’au bout (ce qui souligne
l’aspect artificiel de la conversation galante), contraste comiquement avec celle de Cléantis, qui souhaiterait
prolonger la scène afin de profiter de son nouveau statut.
Ouverture : Molière, Le Bourgeois gentilhomme, acte II, scène 4. Le bourgeois (Monsieur Jourdain)
veut écrire une lettre d’amour à une « personne de grande qualité ». Il demande donc à un des professeurs
qu’il a engagés de l’aider à tourner son compliment de façon galante.

Monsieur Jourdain. — Je voudrais donc lui mettre dans un billet : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour ;
mais je voudrais que cela fût mis d’une manière galante, que cela fût tourné gentiment.
Maître de philosophie. — Mettre que les feux de ses yeux réduisent votre cœur en cendres ; que vous souffrez nuit et jour
pour elle les violences d’un…
Monsieur Jourdain. — Non, non, non, je ne veux point tout cela ; je ne veux que ce que je vous ai dit : Belle Marquise, vos
beaux yeux me font mourir d’amour.
Maître de philosophie. — Il faut bien étendre un peu la chose.
Monsieur Jourdain. — Non, vous dis-je, je ne veux que ces seules paroles-là dans le billet ; mais tournées à la mode ; bien
arrangées comme il faut. Je vous prie de me dire un peu, pour voir, les diverses manières dont on les peut mettre.
Maître de philosophie. — On les peut mettre premièrement comme vous avez dit. Belle Marquise, vos beaux yeux me font
mourir d’amour. Ou bien : D’amour mourir me font, belle Marquise, vos beaux yeux. Ou bien : Vos yeux beaux d’amour me
font, belle Marquise, mourir. Ou bien : Mourir vos beaux yeux, belle Marquise, d’amour me font. Ou bien : Me font vos yeux
beaux mourir, belle Marquise, d’amour.
Monsieur Jourdain. — Mais de toutes ces façons-là, laquelle est la meilleure ?
Maître de philosophie. — Celle que vous avez dite : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour.
Monsieur Jourdain. — Cependant je n’ai point étudié, et j’ai fait cela tout du premier coup. Je vous remercie de tout mon
cœur, et vous prie de venir demain de bonne heure.

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