Vous êtes sur la page 1sur 4

Introduction :

Beaumarchais écrit Le Mariage de Figaro ou La Folle Journée en 1778, mais


cette pièce ne sera joué que en 1784, après une longue période de censure.
Cette comédie en 5 actes dénonce les privilèges de la noblesse.
Cet extrait est issu de la scène 9 de l'acte III et se situe au cœur de l'intrigue.
Dans cette scène, Suzanne (la femme de chambre), renoue un contact avec le
comte Almaviva, afin de gagner du temps pour faire annuler le procès qui
empêche son mariage avec Figaro.
Problématique : Comment le double jeu comique des personnages est-il mis
au service de la satire sociale ?
Plan :
I) Une ouverture tendue, un rapport de force hiérarchisé au profit du
comte. (De « SUZANNE, essoufflée. – Monseigneur… pardon, monseigneur. » à
« Il ne tardera pas à vous être utile. »)
II) Une scène de badinage : l’entreprise de séduction de Suzanne pour
renverser le rapport de force. (De « SUZANNE. – Est-ce que les femmes de
mon état ont des vapeurs, donc ? » à « SUZANNE. – Dame ! oui, je lui dis
tout… hors ce qu’il faut lui taire. »)
III) La victoire de Suzanne, la conquête du comte. (De « LE COMTE, en
riant. – Ah ! charmante ! » à « SUZANNE. – Allons vite rendre compte à
madame. »)
I) Une ouverture tendue, un rapport de force hiérarchisé au profit du comte
(L 1 à L 7)
L1/L2/L3/L4:
- « Monseigneur » / « Mademoiselle » / « pardon »
► apostrophes respectueuses / formule de politesse
- « Vous êtes en colère ? » / « Vous voulez quelque chose ? »
► vouvoiement réciproque
► La scène s’ouvre sur une relation hiérarchique maître-servante marquée
par une distance entre les deux personnages
L5/L6:
- « SUZANNE, timidement : C’est que ma maîtresse a ses vapeurs. J’accourais
vous prier de nous prêter votre flacon d’éther. Je l’aurais rapporté dans l’instant.
»
► didascalie « timidement » / emploi du conditionnel : « J'accourais »
► déterminants possessifs : « ses » / « votre »
►champ lexical de la vitesse : « dans l'instant »
► Suzanne rappelle bien son statut de domestique.
► Elle insiste sur sa détermination à servir ses maîtres en soulignant sa
rapidité.
► Par sa politesse et ses marques d’attention, elle cherche à apaiser le
comte.
L 7 : «- LE COMTE le lui donne. – Non, non, gardez-le pour vous-même. Il ne
tardera pas à vous être utile. »
- « Non, non » => Répétition de l’adverbe de négation
- « garde le » => impératif
- « Il ne tardera pas à vous être utile. »
► « ne pas » => négation totale menace du comte
► Le comte apparaît comme un personnage agacé, impatienté, fermé.
► Il rappelle à Suzanne son autorité et va jusqu’à la menacer.
II) Une scène de badinage : l’entreprise de séduction de Suzanne pour
renverser le rapport de force. ( L 8 à L 21)
- L 8 : « Suzanne : Est-ce que les femmes de mon état ont des vapeurs ? »
►Question rhétorique / ironie
► Suzanne tente de contrer les menaces du comte. Elle ironise d’abord sur
sa propre condition.

- L 10 et L 11 : « LE COMTE. – Une fiancée bien éprise, et qui perd son


futur… SUZANNE. – En payant Marceline avec la dot que vous m’avez
promise… »
- Stichomythie : Suzanne complète la phrase du comte
- « Le comte : une fiancée bien éprise, et qui perd son futur... »
► « fiancée » / « son futur »
► emploi de périphrases pour désigner les deux valets : Suzanne et Figaro.
- « Suzanne : En payant Marceline avec la dot que vous m’avez promise... »
► Suzanne montre qu'elle sait aussi manier les sous-entendus

- L 18 et L 19 : « Le comte : Tu te rendrais sur la brune au jardin ?


SUZANNE. – Est-ce que je ne m’y promène pas tous les soirs ? »
► question rhétorique / on passe du vouvoiement au tutoiement
► Fascination du comte pour Suzanne qui montre son affection et son espoir de
la conquérir.
►Suzanne fait semblant de se soumettre aux désirs du comte.
► Elle contourne les questions du comte par d'autres questions chargées de
sous-entendus
Conclusion II): Par sa maîtrise du langage et son talent de comédienne,
Suzanne charme le comte et renverse progressivement le rapport de force à
son avantage.
III) La victoire de Suzanne, la conquête du comte
- « Et tu me le promets ? Si tu manquais à ta parole, entendons-nous, mon cœur:
point de rendez-vous, point de dot, point de mariage. » «Mais aussi point de
mariage, point de droit du seigneur, monseigneur. »
► Polyptote (seigneur / monseigneur) et reprise de la structure négative « point
de »
► Le comte réaffirme son autorité et sa menace. Suzanne rappelle, sur un ton
léger, que le droit du seigneur du comte ne pourra s’exercer sur elle que si son
mariage est prononcé.
- « en riant », « veut l’embrasser », « Ah ! charmante ! », « D’honneur, j’en
raffolerai ! », « Délicieuse créature ! » «Où prend-elle ce qu’elle dit ? »
► Didascalies et lexique mélioratif prononcés en aparté.
► Le comte est sous le charme. Il est totalement séduit par Suzanne, fasciné par
son esprit, et désire la posséder.
- « SUZANNE, riant et rendant le flacon. – Aurais-je pu vous parler sans un
prétexte ? » « LE COMTE veut l’embrasser. / SUZANNE s’échappe. » LE
COMTE, à part. – Elle est à moi. [...] SUZANNE. – Allons vite rendre compte à
madame.
► Didascalies. Comique de situation : contradiction entre l’aparté du comte et
la réplique de Suzanne.
► Suzanne se révèle être une habile manipulatrice, capable de ruser et de mentir
au comte.
►Elle échappe au geste du comte et montre ainsi qu’elle ne lui appartient pas.
► Le comte pense dominer Suzanne et tromper la comtesse, alors qu’il est
dominé et joué par elle.

Conclusion :
- Cet extrait illustre un rapport de force entre maître et valet qui s'inscrit dans
théâtre du XVIIe et XVIIIe siècle et contribue ainsi au caractère comique de la
pièce
- Suzanne parvient à manipuler le comte en « jouant la comédie » : elle fait
semblant de se soumettre au comte
- Cette scène témoigne de l’évolution des rapports maître/valet. Le valet n'est
plus soumis à maîtres et devient un personnage à part entière capable de faire
preuve de lucidité et d’esprit critique sur la société qui l’entoure.

Vous aimerez peut-être aussi