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53 | 2020
180 ans d'histoires ferroviaires
180 years of rail history
Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/rhcf/2385
DOI : 10.4000/rhcf.2385
Éditeur
Rails & histoire
Édition imprimée
Date de publication : 1 février 2020
ISSN : 0996-9403
Référence électronique
Revue d’histoire des chemins de fer, 53 | 2020, « 180 ans d'histoires ferroviaires » [En ligne], mis en ligne
le 01 avril 2022, consulté le 24 avril 2022. URL : https://journals.openedition.org/rhcf/2385 ; DOI :
https://doi.org/10.4000/rhcf.2385
180ans
d’histoires
ferroviaires
Carolyn DOUGHERTY
1•
180ans
d’histoires
ferroviaires
180 years
of rail history
LA REVUE D’HISTOIRE Émile QUINET, économiste, professeur émérite
DES CHEMINS DE FER à l’École nationale des ponts et chaussées
9, rue du Château-Landon, 75010 Paris Georges RIBEILL, sociologue, directeur
ISSN : 0996-9403 de recherche honoraire à l’École nationale
des ponts et chaussées (LATTS)
www.ahicf.com
Paul SMITH, historien, direction générale
des Patrimoines, ministère de la Culture
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et de la Communication
Sébastien BARBE
Laurent TISSOT, historien, professeur
à l’université de Neuchâtel
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Jean-Pierre WILLIOT, historien, professeur
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à Sorbonne Université
Francis BEAUCIRE, géographe,
Pierre ZEMBRI, géographe, professeur
professeur émérite à l’université Paris I -
à l’université de Paris-Est, directeur
Panthéon-Sorbonne
du laboratoire Ville Mobilité Transport
Emmanuel BELLANGER, historien,
Henri ZUBER, conservateur général
chargé de recherche au CNRS,
du patrimoine, adjoint au chef de service,
Centre d’histoire sociale du XXe siècle
Service historique de la Défense
Christophe BOUNEAU, historien, professeur
à l’université Bordeaux-Montaigne
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Cécile HOCHARD, responsable
à l’École nationale supérieure d’architecture
du pôle scientifique de Rails & histoire
de Paris-La Villette
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Jacques CHARLIER, géographe, professeur
Relecteur/Correcteur
émérite à l’université catholique de Louvain
Christian CHEVANDIER, historien, professeur
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du département de l’accueil des publics
SNCF, Centre édition - La Chapelle,
de Pierrefitte-sur-Seine, Archives nationales
75018 Paris - Février 2020
Xavier DESJARDINS, géographe, professeur
à l’université de Paris-Sorbonne
Imprimé sur papier certifié PEFC (Program of Endorsement
Andrea GIUNTINI, historien, professeur for Forest Certification), issu de bois provenant de forêts
à l’université de Modène-Reggio Emilia gérées durablement, exempt d’acide, de métaux lourds et
Anne HECKER, géographe, maître entièrement recyclable.
de conférences, université de Nancy II La Revue d’histoire des chemins de fer est éditée par
l’Association pour l’histoire des chemins de fer (Rails &
Thomas JOINDOT, ingénieur des Mines,
histoire), 9, rue du Château-Landon, 75010 Paris. Tous
chef du département des Ouvrages d’art, droits de reproduction, de traduction et d’adaptation par
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pas responsable des textes et illustrations qui lui ont
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Nicolas PIERROT, conservateur en chef n’engagent qu’eux-mêmes.
du patrimoine, région Île-de-France, direction
5•
AVANT-PROPOS • 9
INTRODUCTION • 10/19
Francis BEAUCIRE
ARTICLES • 20/147
The cross-channel rail link, a new border for the North of France.
I
Laurent BONNAUD
A
RUBRIQUES • 148/164
164 • Il était une voie… L’histoire ferroviaire que l’on écoute et que
nous allons écrire ensemble.
SOMMAIRE
7•
Carolyn DOUGHERTY S
8• OPO
AVA N T- P R
AVANT-PROPOS
FOREWORD
AVANT-PROPOS
9•
Photo 1. TER Le Train jaune (le Canari) sur la ligne de Cerdagne (de Villefranche/
Vernet-les-Bains à Latour-de-Carol), à proximité de Mont-Louis dans les Pyrénées-
Orientales (source : SNCF-Médiathèque - Michel Henri).
INTRODUCTION
VUES DU RÉSEAU FERRÉ DEPUIS LE TERRITOIRE,
UN REGARD GÉOGRAPHIQUE
’est au corps d’ingénieurs des Ponts et Chaussées que l’on doit la mise
en œuvre des réseaux de communication qui précédèrent le chemin
de fer : les réseaux des routes et des canaux. Leur réalisation répondait
à la nécessité de faciliter les échanges de marchandises et la circulation
des hommes. Des possibilités de mise en mouvement de l’économie et de
la société dépendait la croissance économique, c’est-à-dire la production
de richesses échangeables au sein du territoire national entre régions et
exportables vers l’étranger. François Caron cite ainsi l’article de François
de Pommereuil publié dans l’Encyclopédie méthodique de Charles-Joseph
Panckoucke en 1785 : « Sans grands chemins, point de grand commerce.
(…) Les chemins doublent la richesse » (Caron, 1997).
Durant les années qui précèdent la loi de 1865 et qui la justifie en quelque
sorte, parmi les nombreux projets de lignes locales ou régionales qui
voient le jour, le cas du projet d’une ligne directe d’Orléans à Rouen conçu
par les départements de l’Eure, de l’Eure-et-Loir et du Loiret en 1860 est
relaté par François Caron. Ce projet illustre le processus qui conduit au
maillage du réseau étoilé. Cette ligne de 170 km est présentée par ses
promoteurs comme « la voie la plus directe entre la Méditerranée et les
villes de l’Océan ». Tracée entre les lignes radiales de Paris à Rouen et
de Paris à Orléans, passant par Chartres, desservie par la ligne radiale
de Paris au Mans dès 1857, par Dreux, qui sera desservie par la ligne
de Paris à Granville en 1864 et par Évreux, cette transversale, qui sera
ouverte par tronçons durant les années 1870, fait partie des lignes qui
vont dessiner progressivement la toile d’araignée.
1852 1870
1884
Francis BEAUCIRE
14 •
La plus grande partie des campagnes et de leurs bourgs est desservie
de près. Les chefs-lieux de département, préfectures et sous-préfectures,
sont alors entièrement reliés par le chemin de fer (à l’exception de deux
sous-préfectures, Barcelonnette et Castellane) (Schnetzler, 1967). Maurice
Wolkowitsch a ainsi résumé l’effet économique des lignes d’intérêt local,
soit près de 20 000 km en 1927, qui complètent le réseau principal :
« Les “tacots” des voies ferrées d’intérêt local ont porté les amendements
au cœur des terres acides, permis la diffusion des engrais et produits
industriels dans les campagnes, ouvert les marchés urbains aux fruits,
primeurs, lait, marée, ils ont favorisé la formation d’un marché national
et l’intégration des campagnes à l’économie de marché. (…) L’extension
des réseaux de VFIL a été parfaitement justifiée par un contemporain,
P. Vidal de la Blache, lorsqu’il écrivait : “à mesure que se sont déroulées
les conséquences du chemin de fer, la différence s’est accentuée entre les
contrées qui en étaient pourvues et celles qui ne l’étaient pas et a créé
pour ces dernières une telle infériorité qu’à tout prix il a fallu la combattre”
(Vidal de la Blache, 1922). » (Wolkowitsch, 2002)
BIBLIOGRAPHIE
ésumé
Cet article interroge les conflictualités à l’œuvre dans la gouvernance
des transports collectifs de la région parisienne depuis les origines de
l’omnibus jusqu’au projet actuel du Grand Paris Express. Il propose
d’interroger les liens entre les modalités successives de gouvernance des
mobilités et les types de systèmes de transport qui sont alors développés.
Il identifie la succession de quatre périodes, qui présentent chacune leur
logique d’acteurs : les temps du libéral, du local, du national et du global.
Abstract
This paper examines the conflicts at work in the governance of public
transport in the Paris region from the origins of the omnibus to the current
project of the Grand Paris Express. It proposes to question the links
Arnaud PASSALACQUA
On peut s’interroger sur le caractère inédit de cette situation ainsi que sur
ses origines. Un regard de temps long invite effectivement à considérer
que d’autres modèles de gouvernance des transports parisiens ont été
à l’œuvre dans des conditions différentes. Le simple fait que les services
d’omnibus soient nés d’initiatives privées en dehors de toute régulation
Arnaud PASSALACQUA
par les pouvoirs publics suffit à marquer un point de départ très éloigné
de la situation actuelle, ce qui suppose donc un cheminement historique.
La vision que nous proposons ici se veut à la fois plus synthétique que ces
différents travaux, qui portent chacun sur des périodes plus étroites, et
simultanément plus étendue, puisque nous traitons de près de deux siècles
en essayant d’identifier des logiques de temps long. Il nous semble possible
Arnaud PASSALACQUA
1
Pour une vision synthétique, voir Marcou (2012, p. 121-133) ; pour plus de détails sur la période
la plus ancienne, voir Lagarrigue (1956).
Le temps du libéral (années 1820-1900)
Bien que stable en elle-même, cette situation n’est pas jugée satisfaisante
par le Second Empire qui, pour être libéral, n’en est pas moins
interventionniste et autoritaire dans plusieurs domaines, dont l’organisation
urbaine. C’est ainsi que pour l’accueil des nombreux visiteurs de la
première Exposition universelle que Paris organise en 1855, les préfets de
la Seine, Eugène Haussmann, et de police, Pierre-Marie Pietri, imposent à
la dizaine de compagnies d’omnibus de fusionner en une seule entité, à
Arnaud PASSALACQUA
2
Loi relative à l’établissement des grandes lignes de chemin de fer en France.
Sur le temps long, cette première étape d’interventionnisme public ne se
traduit pourtant pas par une capacité des pouvoirs publics à disposer du
réseau d’omnibus à leur guise, bien que le cadre de la concession soit
très pointilleux sur de très nombreux points (tarifs, itinéraires...). Si la mise
en place de la CGO est l’occasion de la définition d’un premier véritable
réseau, la compagnie s’avère au fil des décennies être une institution très
autonome, qui dispose de relais puissants au sein du monde politique,
comme l’illustre la figure d’Eugène Étienne, patron du parti colonial,
parlementaire puis ministre et président du conseil d’administration de la
CGO. Elle mène ainsi son exploitation selon ses propres dynamiques. Elle
préfère voir les files de voyageurs se former dans les rues pour attendre
de voir passer un omnibus qui ne soit pas complet, ce qui lui garantit des
revenus, plutôt que de se lancer dans une politique de l’offre bien plus
risquée. La régulation du système se fonde donc sur la limite énergétique
des chevaux, dont la puissance ne permet pas d’accroître la capacité des
véhicules.
Au milieu du XIXe siècle, Paris vit donc une forme de rationalisation de son
offre de transport, qui suit la même logique que les autres transformations
du cycle haussmannien : l’intervention autoritaire et centralisatrice permet
la poursuite voire le renforcement des intérêts privés. En contraste,
les acteurs londoniens demeurent fidèles au long du XIXe siècle à la
configuration entièrement libérale du marché de l’omnibus, voyant, au
fil de la conjoncture économique, s’accroître ou se réduire le nombre
d’opérateurs. Alors que la capitale britannique est plus étendue et peuplée
que Paris, il semble bien que le fonctionnement de ses omnibus ne soit pas
moins satisfaisant que ce que la CGO offre aux Parisiens.
Arnaud PASSALACQUA
L’échec récurrent rencontré par les projets de métro depuis le milieu du XIXe
siècle vient confirmer, par contraste, cet ancrage libéral de la conception
des transports urbains. Les pouvoirs publics, tant locaux que nationaux,
s’avérant incapables de se décider sur un projet de métro consensuel, ils
laissent aux autres systèmes, plus libéraux, la charge d’assurer les flux
de transport de la région parisienne, portés par les omnibus et tramways
(figure 1). Ces derniers sont d’abord concédés à partir de 1873 par le
26 •
département, non sans dédommagement accordé à la CGO en raison
de son monopole. Le tramway offre aussi une sortie du tête-à-tête avec
la CGO, qui n’est ainsi plus la seule compagnie à exploiter un réseau de
transport en région parisienne.
3
Loi du 11 juin 1880 relative aux chemins de fer d’intérêt local et aux tramways.
domanialité particulière des voiries de la capitale, ce qui marginalise le
Conseil général (Rasmussen, 1990). Le tramway vient ainsi brouiller les
cartes en multipliant les acteurs, mais ce mouvement demeure cantonné
à la surface. En souterrain, le choix d’un projet d’intérêt local sous la
pression de l’Exposition universelle de 1900, en tranchant en faveur de
l’échelle municipale, marque un basculement vers une nouvelle période,
dominée par une échelle locale, qui finit par s’imposer aussi en surface.
par les mouvements socialiste puis communiste, qui n’ont pas accès aux
échelons nationaux (Chamouard, 2007). La gestion des réseaux urbains
(eau, énergie, transport…) est l’une des activités par lesquelles s’exprime
ce socialisme municipal. En région parisienne, cet ancrage local se traduit
par l’affirmation du conseil général de la Seine et par la convergence entre
l’émergence de l’urbanisme comme pratique, qui s’instaure alors en tant
28 •
4
Loi du 5 avril 1884 relative à l’organisation municipale.
que discipline, et sa mise en œuvre dans différents domaines, notamment
le logement et les transports. Au cours de la période, l’effacement des
intérêts privés est toutefois très progressif, puisqu’ils demeurent encore vifs
au cours des années 1920-1930.
Le contexte est aussi marqué par les conditions spécifiques du conflit qui
viennent déséquilibrer les relations entre STCRP et CMP (Compagnie du
Métropolitain de Paris). Alors que la première voit ses autobus mobilisés
30 •
5
Décret-loi du 12 novembre 1938 relatif à la coordination des transports et au statut des bateliers.
puis dispersés et difficilement rassemblés, avant que des solutions de
motorisation alternatives aux hydrocarbures soient développées, la
seconde voit son métro devenir l’un des supports essentiels de la mobilité
parisienne et l’un des refuges possibles lors des bombardements aériens.
La différence de structure capitalistique entre les deux types de réseau
joue alors en faveur du ferroviaire, qui en outre maintient son exploitation
bien plus aisément que celle du routier, plus fragile.
6
Loi du 21 mars 1948 relative à la réorganisation et à la coordination des transports de voyageurs
dans la région parisienne.
marquer une politique anticapitaliste. Elle est bien plus proche d’un esprit
d’économie mixte.
7
Société Nationale des Chemins de Fer français.
d’ingénieurs des Ponts et Chaussées, joue ici un rôle qui renforce la
synergie due aux positions qu’ils occupent dans l’administration ou à la
tête de la RATP et de la SNCF.
Cet épisode fait écho à la mystique aménageuse qui caractérise les actions
conduites par l’État en région parisienne, incarnées en particulier par les
villes nouvelles et leur fameuse formule forgée a posteriori : « Mettez-moi
de l’ordre dans ce b. ! » (Vadelorge, 2005). Le RER n’est finalement que
la traduction dans le domaine des transports collectifs de ces modalités
d’action pensées par opposition contre les élus locaux, en particulier
dans un contexte où le communisme est perçu comme une menace par le
pouvoir gaulliste (Bellanger, 2010). La gouvernance des transports, revue
en 1959, a ainsi devancé la loi de 1964 de réorganisation administrative
de la région parisienne 8 (figure 2).
Arnaud PASSALACQUA
33 •
8
Loi du 10 juillet 1964 portant réorganisation de la région parisienne.
Si le temps du national se traduit par des projets massifs, le réseau de
surface devient également un sujet de préoccupation de l’État. Face à
l’enlisement des autobus parisiens, la préfecture de police finit par suivre
la demande de la RATP d’ouvrir des couloirs réservés à ses véhicules,
le premier étant installé, en 1964, le long de la Seine (Passalacqua,
2008). Ambivalence supplémentaire de la politique nationale qui promeut
l’automobile par de multiples infrastructures, mais sait aussi la canaliser
lorsqu’il en va de la survie de services devenus presque marginaux. Ce
sont donc deux incarnations de l’État qui négocient autour d’un objet dont
on peut penser qu’une gouvernance plus locale n’aurait peut-être pas
permis une naissance plus précoce, en raison de la pression des intérêts
commerçants soucieux de préserver la possibilité que les automobilistes
s’arrêtent devant leurs boutiques.
telle entité existe, l’État n’est plus le décideur majoritaire dans le domaine
des transports de sa capitale. La région, qui joue pleinement sur ce
rôle pour assurer sa communication, comme le font celles de province
avec leurs TER, prend le relais, l’alternance de 2014, qui voit la droite
l’emporter, marquant une étape nouvelle dans cette affirmation, du fait
35 •
9
Loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
des divergences, dès lors acceptables et explicites puisque partisanes,
avec la ville de Paris, tenue par la gauche depuis 2001.
Dans ce contexte, l’État lui-même trouve une place nouvelle. S’il n’a pas
véritablement quitté le jeu, en particulier via ses opérateurs SNCF et RATP,
du moins en a-t-il laissé le leadership à la région. Mais l’émergence du
projet de Grand Paris le replace au centre du jeu. L’idée d’une rocade
en banlieue remonte au SDRIF (Schéma Directeur de la Région Île-de-
France) de 1994, document porté par l’État, avant d’avoir été réintroduite
Arnaud PASSALACQUA
Conclusion
Si l’on considère les transports parisiens sur le temps très long, la tendance
la plus marquante est celle de la montée en hiérarchie et en puissance des
pouvoirs politiques dans un champ où la dynamique est d’abord portée
par les acteurs privés. Les raisons de cette évolution ne paraissent qu’assez
peu idéologiques. Les circonstances socio-économiques, notamment les
deux conflits mondiaux, ont tenu un rôle autrement plus décisif dans cette
histoire, qui voit les transports de la capitale entrer dans le ressort presque
exclusif de l’État dans la deuxième partie du XXe siècle. La dernière
évolution, qui passe de cet âge national à une période de superposition
des logiques d’actions et des typologies d’acteurs, est peut-être celle qui
semble la plus marquée d’une volonté idéologique. Elle se caractérise
Arnaud PASSALACQUA
par un État qui s’est positionné en retrait et qui n’est plus désormais que
l’un des acteurs parmi d’autres, même si son implication dans le GPE
témoigne d’une forme de survivance de sa volonté interventionniste ; mais
aussi par une forme de décentralisation qui positionne la région comme
acteur puissant, tout en s’ouvrant à des intérêts privés qui n’ont été aussi
peu contrôlés qu’aux débuts des omnibus, il y a près de deux siècles.
Ce processus de temps long a contribué à forger une exceptionnalité
37 •
parisienne, non pas uniquement pour les solutions de transport proposées
ou les quantités de voyageurs transportées, mais aussi en matière de
gouvernance. Nulle part l’État n’a tenu un tel rôle, tandis que la ville s’est
retrouvée assez vite marginalisée.
Quels effets sur les réseaux et finalement sur l’offre de transport ces
évolutions institutionnelles ont-elles eus ? Beaucoup d’exemples viennent
alimenter l’idée d’une cohérence entre l’échelle de gouvernance et le
type de projet de transport déployé. Le plus évident est le métro, entré
en symbiose avec sa ville, mais d’autres jalonnent l’histoire parisienne
jusqu’au projet de GPE porté par l’État. Le niveau hiérarchique serait donc
une variable décisive de l’ampleur des projets mis en œuvre, et notamment
Arnaud PASSALACQUA
BIBLIOGRAPHIE
des transports” dans la France des années 1970 », Vingtième Siècle. Revue d’histoire,
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parisiens au XX e siècle, Paris, Éditions de la Sorbonne, p. 105-114.
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•Suzor C. (2016). Le Groupe Empain en France. Une saga industrielle et familiale,
Arnaud PASSALACQUA
ésumé
L’histoire du Nord de la France est façonnée par sa frontière maritime
avec l’Angleterre et, depuis 1994, par l’entrée en service de l’Eurotunnel,
infrastructure ferroviaire unique en son genre, où cohabitent navettes
ferroviaires, grande vitesse et trains de marchandises. Ce système de
transport novateur a créé la première frontière terrestre entre la France
et le Royaume-Uni. Nous évoquons la genèse de cette frontière, les textes
fondateurs qui la définissent et les changements intervenus dans sa gestion
depuis 25 ans, dans le contexte de l’afflux de migrants dans le Calaisis.
Il apparaît que la gestion frontalière résulte de compromis permanents
entre technologies, environnement juridique et institutionnel, et demande
sociale. En conclusion, nous verrons pourquoi, depuis 2016, le Brexit
remet en cause la plupart de ces équilibres.
Abstract
The history of Northern France is shaped by its maritime border with
Laurent BONNAUD
England and, since 1994, by the entry into service of the Eurotunnel, a
unique railway infrastructure, where rail shuttles, high speed and freight
trains coexist. This innovative transport system created the first land
border between France and the United Kingdom. We discuss the origins
of this border, the founding texts that define it and the changes that have
41 •
taken place in its management over the past 25 years, in the context
of the migrants inflow into Calaisis. It appears that border management
is the result of permanent compromises between technologies, legal and
institutional environment and social demand. In conclusion, we will see
why, since 2016, Brexit has been challenging most of these balances.
Introduction
1
Les deux traités de Westphalie mettent fin à la guerre de Trente Ans, en 1648.
2
Hugo de Groot, dit Grotius (1583-1645), conseiller de la Compagnie hollandaise des Indes
42 •
Laurent BONNAUD
4
Traduction de l’auteur.
5
Traduction de l’auteur.
6
Bellin, Jacques-Nicolas (1703-1772). Observations sur la carte de la Manche dressée au Dépôt
des cartes, plans et journaux de la Marine, pour le service des vaisseaux du Roy... en 1749. (s.d.).
43 •
7
Bonnaud, Laurent, « Tunnel sous la Manche », Encyclopædia Universalis. : http://www.
universalis.fr/encyclopedie/tunnel-sous-la-manche/, consulté le 15 novembre 2019.
Figure 1. Nouvelle carte de la Manche pour servir aux vaisseaux du roi,
par Jacques-Nicolas Bellin (1749) (source : © P. Burgdorf).
8
En anglais, English Channel et Straits of Dover pour le pas de Calais.
d’art et de son chemin de fer. La question de la frontière est posée. Un projet
de convention, daté du 30 mai de cette année, la situe « au milieu de la
distance séparant la ligne des basses eaux. » Elle ne s’applique toutefois
qu’au futur tunnel et à son chemin de fer, pas à la navigation, qui obéit
aux règles du droit maritime, ni à la pêche, aux ancrages et aux questions
de nationalité 9 : le texte déconstruit le concept de frontière en fonction
de la diversité de ses usages. Elle représente davantage qu’un tracé, réel
ou figuré : un concept qui prend en compte à la fois la géographie, la
technologie et le droit.
Thatcher Archive.
11
« Island no more ». Margaret Thatcher Archive, 860121 PD Westland THCR 3-5-52ii f3.
influencera les attitudes des Britanniques par rapport à l’Europe » 12.
Insularité, libre circulation, attitudes face à l’Europe constituent donc les
enjeux du nouvel ouvrage ferroviaire et de sa frontière invisible.
12
« In particular, I believe that the completion of the Channel Tunnel will be an event of enormous
46 •
significance in the history of both countries and in shaping attitudes in Britain towards Europe. »
Margaret Thatcher Archive, 901124 MT to Mitterrand THKS Prem 19-3213 f93.
En 2014, vingt ans après l’inauguration de la Liaison fixe, l’association
Rails & histoire a souhaité dresser un état des changements que le « projet
du siècle » a suscités. Sous la supervision d’un conseil scientifique ad
hoc, le projet « Vingt années sous la Manche, et au-delà ? » a réuni
une centaine d’experts et de décideurs à l’occasion de quatre rencontres
scientifiques, à Lille (2015), Londres (2015 et 2016) et Bruxelles (2018).
Il a permis de questionner les notions de frontière transmanche, de
financement et gouvernance, et les impacts socio-économiques. Le présent
article s’inspire directement de ses travaux 13.
la convention n’est pas le tracé des frontières, mais les droits des États
à explorer et exploiter les ressources adjacentes à leurs côtes. La France
13
Ces travaux ont été publiés dans : Barbe, Beaucire et Bonnaud (2018) ; Auphan (2019).
47 •
14
Press Digest, Channel Tunnel, 21 January 1986, Margaret Thatcher Archive.
ayant émis plusieurs réserves à ce texte, les négociations entre les deux
pays sont relancées en 1964.
construction.
Ce point confirme l’asymétrie entre les deux visions. D’ailleurs, selon les
négociateurs britanniques, « les limites de ce territoire (...) ne sont pas le
produit de l’histoire naturelle mais de l’histoire politique » (ibid., p. 220).
Le plateau continental prolonge leur territoire, même s’il est plus proche du
territoire voisin, et l’importance des Îles Anglo-normandes dans l’histoire
anglaise justifie de déroger aux principes usuels de délimitation. Londres
considère également la défense de la zone située entre ses côtes et ses
possessions normandes comme l’une de ses responsabilités. Enfin, les
négociateurs considèrent les dispositions internationales prises en matière
de lutte contre la pollution, de sauvetage en mer et de circulation aérienne
comme purement administratives : elles ne remettent aucunement en cause
la souveraineté britannique sur cette zone.
transmanche.
Une frontière terrestre sous la Manche, « des problèmes
juridiques inédits »
d’une liaison fixe transmanche, signé à Cantorbéry le 12 février 1986. Article 3, « Frontière et
juridiction » et article 4, « Police et contrôles frontaliers ».
tunnelier français dépasse le point kilométrique 19.3, frontière théorique,
et pénètre en territoire britannique sur quelques centaines de mètres avant
de stopper. « On m’a demandé d’arrêter », rapporte simplement Pierre
Matheron, directeur de la construction France (Fressoz, 2009, p. 145-
146). Même invisible, une frontière reste une limite chargée de symboles.
Une fois les galeries achevées, des plaques métalliques sont apposées sur
leurs parois (Marcou, 1993) : juridiquement, le tunnel est binational, et le
territoire des deux pays a été augmenté des trois tronçons de galerie, qui
leur reviendront au terme de la concession, en 2086.
16
Irish Republican Army (IRA), organisation paramilitaire créée en 1919 afin de mettre fin à la
souveraineté britannique sur l’Irlande du Nord, créer une république et restaurer l’unité irlandaise.
17
Cf. infra les déclarations du député Alan Williams sur la nécessité de « prévenir la contrebande
aux frontières terrestres ».
51 •
18
Les contrôles sanitaires, phytosanitaires et vétérinaires prennent une importance croissante dans
les années 1990, suite à l’épizootie dite de la vache folle.
19
France et Royaume-Uni / France-Manche / Channel Tunnel Group. Liaison fixe transmanche.
Concession quadripartite, article 15.2.
Ces solutions, appliquées de longue date pour les tunnels transalpins
– Mont-Blanc et Fréjus – et aux frontières de la France avec la Suisse,
l’Allemagne et l’Espagne, « constituent une véritable révolution pour
les autorités britanniques » (Marcon, 1993, p. 837). Les législateurs
prévoient, en outre, que « la construction et l’entretien des bâtiments et
installations nécessaires aux contrôles frontaliers seront à la charge des
concessionnaires », tandis que « chaque gouvernement est responsable
du paiement ou du recouvrement des frais afférents aux contrôles qui lui
incombent » 20.
« L’une des conséquences du tunnel sous la Manche est d’établir une frontière
terrestre entre la France et la Grande-Bretagne, écrit Gérard Marcou en 1993 ; mais
cette frontière, bien loin de séparer, liera l’Angleterre au continent plus sûrement que
n’importe quel accord international. Elle pose pourtant au Royaume-Uni et à ses
voisins des problèmes juridiques inédits, au moment où la suppression des contrôles
frontaliers à l’intérieur de la Communauté est donnée comme l’un des objectifs de
l’Union européenne » (Marcou, 1993, p. 833).
20
Traité de Cantorbéry, article 4, « Police et contrôles frontaliers ».
le Kent et le Nord de la France. Calais et Douvres sont les premiers ports
européens pour le trafic de ferries ; il est prévu que la Liaison fixe captera
une majorité de ces trafics. Site et situation conditionnent également, de
longue date, les flux de migrants qui tentent de rejoindre l’Angleterre. « La
géographie continue d’imposer la localisation des zones de regroupement
et les itinéraires de passage. Ainsi, le Calaisis reste la région empruntée
préférentiellement pour tenter de se rendre en Angleterre, à bord des
camions qui traversent la Manche par les ferries ou par Eurotunnel »
(Migreurop, 2009).
21
La longueur totale du tunnel du Seikan, au Japon, est légèrement supérieure (53,8 km), mais sa
partie immergée n’est que de 23,3 km.
Figure 3. La liaison ferroviaire transmanche (source : © Getlink).
Sur le plan juridique enfin, quelles sont les caractéristiques de cet espace
transmanche ? Lors de la signature du traité de Cantorbéry, le Royaume-
Uni et la France sont tous deux membres de l’Union européenne. En
1986 et jusqu’à l’entrée en vigueur de l’Acte Unique, le 1er janvier 1993,
des contrôles frontaliers sont encore réalisés entre pays membres de
l’UE. À partir de 1995, la France intègre l’espace Schengen 22, ce qui
n’est pas le cas du Royaume-Uni. « Tout au long de la période qui s’est
écoulée depuis la signature de l’accord de Schengen initial en 1985, les
gouvernements britanniques ont toujours eu pour politique de maintenir
le Royaume-Uni en dehors de la zone sans frontières » (Ryan, 2016). Les
acquis de Schengen définissent notamment les règles de franchissement
des frontières internes et externes, les visas et les contrôles d’immigration.
Ils prévoient l’abolition des contrôles aux frontières internes, quels que
soient le point de franchissement et le moyen de transport utilisé. Ces
dispositions peuvent être levées temporairement, comme on l’a vu entre
la France et l’Italie pour limiter l’afflux de ressortissants tunisiens après
Laurent BONNAUD
22
Le principe des frontières ouvertes entre pays signataires remonte à un accord entre le
Luxembourg, l’Allemagne, la Belgique, la France et les Pays-Bas, signé à Schengen, Luxembourg,
54 •
le 14 avril 1985. Progressivement élargi, il est entré en vigueur le 26 mars 1995. 26 pays étaient
membres des acquis de Schengen en 2016. Sur le cadre juridique européen, cf. Ryan (2016).
législation européenne à la suite des traités d’Amsterdam et de Lisbonne 23,
mais le Royaume-Uni bénéficie d’importantes exemptions : sans être
soumis aux acquis, il participe aux dispositions concernant la coopération
policière et judiciaire, et bénéficie d’un accès limité aux données du
Système d’Information Schengen (SIS). Ce statut a été pleinement validé
par l’UE en 2016 24 (figure 4).
23
Entrés respectivement en vigueur les 1er mai 1999 et 1er novembre 2009.
55 •
24
Decision concerning a new settlement for the UK within the EU, European Council meeting of
18-19 February 2016. Ryan, ibid.
A contrario, les citoyens de pays tiers font l’objet de contrôles systématiques
d’entrée et de sortie (passeport et, le cas échéant, visa).
Dès le début des années 1980, les débats sur la liaison ferroviaire
transmanche rappellent que la tradition britannique en matière de contrôle
d’identité et d’immigration se caractérise par la préférence donnée aux
contrôles aux postes frontières – ports et aéroports – sur les contrôles à
l’intérieur du territoire, préférences explicables par le caractère insulaire
du royaume. Le député travailliste Sydney Bidwell 25, ancien cheminot du
Great Western Railway, témoigne en 1981 : « Nous avons actuellement
les contrôles portuaires les plus stricts et les contrôles intérieurs les plus
laxistes de tous les pays du Continent » 26. Dès lors, trois solutions s’offrent
aux promoteurs et législateurs : contrôles à la sortie du territoire français,
à l’entrée du territoire britanniques, ou contrôles embarqués.
Mais les futurs trains à grande vitesse du tunnel sont bien différents des
trains de nuit, où le contrôleur relève les passeports des voyageurs pour
ne pas les réveiller aux postes-frontières, ou les liaisons Trans Europ
Express (TEE) qui peuvent marquer un arrêt en cas de besoin. Si l’on veut
Laurent BONNAUD
25
56 •
1917-1997.
26
House of Commons, Transport Committee, 2 nd Rep (II), Session 1980-1981, p. 357.
27
Ibid.
reprendre les termes du député travailliste Alan Williams. L’administration
britannique des Customs & Excise est alors opposée à des contrôles
embarqués, peu efficaces, mal tolérés et qui demandent davantage de
fonctionnaires que les contrôles en terminal par une sélection rouge/verte,
comme dans les aéroports.
« Nous savons, bien sûr, que dans de nombreux pays continentaux, des contrôles
sont effectués sur les trains, mais nous pensons que leurs administrations sont
probablement moins préoccupées par l’efficacité de ces contrôles parce qu’elles
sont déjà confrontées à une tâche insurmontable pour prévenir la contrebande aux
frontières terrestres (sic). Nous ne voudrions pas renoncer aux avantages dont nous
jouissons actuellement en matière de contrôle » 28.
28
House of Commons, Transport Committee, 2nd Rep (II), session juin 1980, p. 85.
29
House of Commons, Transport Committee, Session 1980-1981 et Brooke, Hansard, 94,
19 mars 1986.
30
Ibid. par. 903.
31
Brooke, Hansard, 94, 15 mai 1986.
57 •
32
Brooke, Hansard, 109, 5 février 1987.
« Lorsque les gouvernements ont signé les accords en ce qui concerne les contrôles
frontaliers, ce qui était dans les têtes, c’était d’offrir aux passagers une continuité,
une fluidité du trafic optimale. L’une des préoccupations des autorités françaises était
alors de favoriser l’exécution des contrôles frontaliers à bord des trains comme cela
s’était pratiqué longtemps sur le Continent. Faute d’y parvenir, la notion retenue fut
celle des contrôles juxtaposés, soit en Gare du Nord et symétriquement à Waterloo
International pour les trains et à Calais pour les navettes, le lieu ayant été choisi
en fonction de la disponibilité de l’espace moins contrainte que ce qu’imposait
la topographie du terminal de Folkestone. Ceci a eu pratiquement pour effet de
déplacer la frontière britannique à Calais (et d’une certaine manière à la gare du
Nord), ce qui a entraîné des conséquences considérables à tous égards, y compris
sur les charges d’exploitation d’Eurotunnel » (Ghuysen, 2018).
À ces peurs, ancrées dans un passé très lointain 34, s’oppose ce que
Gérard Marcou nomme « la logique du système de transport ». C’est elle
qui « s’impose, détermine le contenu des accords et révèle l’importance
de la coopération entre les parties contractantes. Ce n’est pas la frontière
Laurent BONNAUD
33
Hansard, 94, 5 juin 1986.
58 •
34
Cf. le toujours actuel chapitre 18, « Problèmes de la communication » dans Crouzet (1986).
prioritaires, auxquels sont subordonnées les modalités des contrôles et les
formes de la coopération entre les parties contractantes » (Marcou, 1993,
p. 836). Ces objectifs se déclinent en fonction du triptyque géographie,
technologie et droit applicable.
Ces subtilités pénales ont inspiré plus récemment la série Tunnel (2013)
(figure 6) : dans le tunnel sous la Manche, à la frontière exacte entre
l’Angleterre et la France, est retrouvé le corps d’une femme politique
Laurent BONNAUD
35
: https://www.kent.police.uk/about-us/information-about-us/partner-organisations/cross-
channel-intelligence-community/, consulté le 24 septembre 2018.
qui se déroule sur le pont de l’Øresund, entre le Danemark et la Suède,
autre grande infrastructure binationale. La deuxième saison s’en est
largement émancipée : elle met en scène l’enlèvement d’un couple de
Français dans l’Eurotunnel et traite de sujets sensibles relatifs aux migrants
et au terrorisme. La troisième saison va encore plus loin, évoquant le Brexit
(Dezeraud, 2017). Le tunnel – le vrai – est un miroir de son époque.
Laurent BONNAUD
Dans ce cas précis, il s’agit bien, pour sécuriser une infrastructure sensible,
de ne pas entraver la tâche des pouvoirs publics et d’éviter que la rapidité
de passage de part et d’autre de la frontière ne facilite les infractions et
protège leurs auteurs. Les emprises du concessionnaire et les zones de
contrôle dans les gares sont donc placées sous une juridiction spécifique
Laurent BONNAUD
36
Un accord tripartite sur les mêmes bases est également signé à Bruxelles le 15 décembre 1993
entre la Belgique, le Royaume-Uni et la France. Il concerne les liaisons directes Bruxelles-Londres.
« Alors que l’article 7A du traité CEE, issu de l’Acte unique, prévoit la libre circulation
des marchandises, des personnes, des services et des capitaux dans “un espace
sans frontières intérieures”, et que le traité de Schengen prévoit la suppression des
contrôles sur les personnes aux frontières intérieures entre les États signataires,
les accords de Sangatte et de Bruxelles organisent les contrôles frontaliers sur les
personnes et les marchandises, notamment dans des buts de police, de contrôle
de l’immigration, de santé publique et de douane à la frontière entre la Grande-
Bretagne et la France. La conciliation entre ces différents textes n’est pas aisée car
ils n’ont ni le même objet, ni le même champ d’application, ni les mêmes dates
d’effet. », analyse Marcou (1993, p. 841).
37
Commission intergouvernementale au Tunnel sous la Manche (CIG), Sûreté dans le tunnel sous
la Manche. Séminaire des parties prenantes, 9 octobre 2014, 8 p.
En réponse à cette situation, les deux pays ont conclu plusieurs traités 38 et
accords administratifs bilatéraux, dont la conséquence la plus visible est
de délocaliser et renforcer les contrôles frontaliers britanniques dans les
ports du Pas-de-Calais et sur le terminal français d’Eurotunnel (CNCDH,
2015) :
- le protocole de Sangatte de 1991 est complété par un protocole addi-
tionnel, signé à Bruxelles le 29 mai 2000, relatif à la création de bureaux
chargés du contrôle des personnes empruntant la liaison ferroviaire pour
pallier ce qui était perçu comme une lacune de sûreté (Zhang, 2019,
p. 733). Ce texte a « étendu le protocole précédent à la surveillance des
exilés par des contrôles communs à Paris (gare du Nord), Calais et Lille
en France, et au Royaume-Uni, à Londres (gares de Waterloo et de Saint-
Pancras) ainsi qu’à Ashford » ;
- le 4 février 2003, les gouvernements signent au Touquet un important
traité relatif à la mise en œuvre de contrôles frontaliers dans les ports
maritimes de la Manche et de la mer du Nord. C’est « en quelque sorte
le corollaire du protocole de Sangatte concernant les ports maritimes, les
questions juridiques et pratiques relatives au contrôle apparaissant assez
similaires dans les deux domaines […] » 39. Le traité du Touquet « a ouvert
les possibilités de contrôles frontaliers bilatéraux à l’ensemble des “ports
maritimes de la Manche et de la mer du Nord situés sur le territoire de
l’autre partie” » (Migreurop, 2009, p. 66). Il élargit également le rôle
de la CCIC, validant ainsi le niveau de coopération régional. Ainsi, les
dispositions ad hoc adoptées pour une technologie donnée – la liaison
ferroviaire – s’étendent aux liaisons flexibles des ferries, comme le rapporte
le sénateur André Boyer au sujet du traité du Touquet : « La mise en place
de BCNJ (Bureaux de Contrôles Nationaux Juxtaposés, (N.D.L.R)) sur les
ports de la Manche et de la mer du Nord est une étape supplémentaire
dans la lutte contre l’immigration clandestine qui parachève le dispositif
déjà mis en place avec nos partenaires britanniques pour éviter notamment
Laurent BONNAUD
38
La base en ligne des Traités et Accords de la France peut être consulté à l’adresse suivante :
: https://basedoc.diplomatie.gouv.fr/exl-php/recherche/mae_internet___traites
64 •
39
Guédon, Louis, Assemblée nationale, 18 décembre 2003 ; Migreurop (2009, p. 69).
Ces textes de référence sont complétés par une vingtaine d’arrangements
administratifs spécifiques à la liaison ferroviaire transmanche et aux
installations portuaires 40, et par six déclarations politiques conjointes,
notamment à l’occasion des sommets franco-britanniques 41. L’accord
administratif d’Évian (2009) prévoit « la mobilité des personnels de
l’Agence des frontières du Royaume-Uni (UK Border Agency), afin qu’ils
s’installent dans le Nord de la France, et d’améliorer l’efficacité des
contrôles à la frontière commune » (Guérin, 2018). Dans le port de Calais,
un centre de coordination opérationnel conjoint regroupe désormais la
Police Aux Frontières (PAF) et les douanes françaises, d’une part, l’Agence
frontalière du Royaume-Uni, d’autre part. De nouveaux équipements de
sûreté, financés par le Royaume-Uni, sont déployés. À Folkestone, un
centre franco-britannique de mutualisation du renseignement est mis en
place pour démanteler les filières d’immigration irrégulière, qui permet
de multiplier les opérations coordonnées de police de part et d’autre de
la Manche. Les franchissements illégaux diminuent de 75 % entre 2009
et 2010 42. Un nouveau pic dans l’afflux des migrants est atteint en 2015
et 2016 avec la guerre en Syrie. Plusieurs pays membres de Schengen
réinstaurent alors des contrôles temporaires aux frontières internes à
la suite de la vague d’attentats qui les frappe. Enfin, un traité relatif au
renforcement de la coopération pour la gestion coordonnée de la frontière
40
Notamment : arrangement franco-britannique pour l’application du protocole du 25 novembre
1991 relatif aux contrôles frontaliers et à la police, à la coopération judiciaire en matière
pénale, à la sécurité civile et à l’assistance mutuelle, en ce qui concerne les contrôles
frontaliers dans les trains directs empruntant la liaison fixe transmanche, signé le 29 juin 1994 ;
arrangement franco-britannique pour l’application du protocole additionnel au protocole de
Sangatte relatif à la création de bureaux chargés du contrôle des personnes empruntant la liaison
ferroviaire reliant la France et le Royaume-Uni, signé le 6 juin 2001 ; arrangement pour la mise en
place de zones de contrôle en application du traité signé au Touquet le 4 février 2003 relatif à
la mise en œuvre de contrôles frontaliers dans les ports maritimes de la Manche et de la mer
du Nord des deux pays, signé le 16 octobre 2003 ; arrangement administratif entre le ministre
de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire de la
Laurent BONNAUD
42
Déclaration politique... 2010.
franco-britannique, signé à Sandhurst le 18 janvier 2018, est entré en
vigueur dès le 1er février suivant (Guérin, 2018, p. 1).
43
La sécurité (safety) concerne principalement la gestion des risques techniques, la sûreté (security),
celle des risques humains.
44
Les règlements de Dublin, instaurés en 1990 et revus à plusieurs reprises depuis, prévoient
66 •
Perspectives post-Brexit
navette Eurotunnel, tous les passagers font l’objet d’un contrôle d’identité
dans un terminal dédié. Leur cas s’apparente à celui de toute personne
franchissant une frontière Schengen, par quelque moyen de transport que
ce soit.
67 •
Pour éviter ces inconvénients au petit nombre de voyageurs au départ de
Bruxelles à destination de Lille ou Calais, qui ne sortent pas de l’espace
Schengen, tout en évitant que des voyageurs n’utilisent ces destinations
pour se rendre au Royaume-Uni sans contrôles d’identité préalables
(Zhang 2019, p. 738), les contrôles pour ces derniers ont été limités aux
bagages, contrôles matériels de sûreté distincts des contrôles frontaliers de
personnes. Mais l’enregistrement se fait par un terminal Intra-Schengen
dédié (figure 7), depuis lequel les passagers accèdent directement à la
voiture n°18 des Eurostar Alstom e300 ou n° 16 des nouvelles rames
Siemens e320, réservées aux destinations de Lille et Calais. Cette procédure
n’est évidemment pas d’application pour les voyageurs qui se rendent de
Bruxelles à Lille avec le Thalys ou le TGV, ce qui illustre la complexité des
interactions entre technologie et droit applicable.
Le Brexit, effectif depuis le 1er février 2020, peut remettre en question ces
équilibres patiemment élaborés. Avec la sortie du Royaume-Uni de l’UE, la
frontière sous la Manche sépare désormais un pays membre et signataire
des accords de Schengen, d’un pays non-membre et non-signataire de
Schengen, ce qui implique la mise en place de contrôles douaniers 45 et
frontaliers supplémentaires, théoriquement avec le soutien de Frontex, le
corps européen de gardes-frontières et de gardes-côtes. Dans ce domaine,
les négociations ouvertes pendant la période de transition, jusqu’au
31 décembre 2020, seront déterminantes.
Les impacts sur le trafic maritime et ferroviaire entre les deux pays, tout
aussi difficiles à anticiper, dépendent également des relations futures qui
Laurent BONNAUD
45
Les douanes françaises ont ouvert 700 postes à cette fin en 2017.
Les contrôles entre les pays membres de l’UE et le Royaume-Uni post-
Brexit peuvent ralentir le trafic, comme l’ont démontré une grève du zèle
des douaniers français, au début de l’année 2019, et plusieurs retards
causés par les contrôles aux frontières, comme ceux survenus fin octobre
de la même année. Pour les voyageurs ferroviaires ressortissants d’un pays
membre de l’UE, passagers d’Eurostar et des navettes du concessionnaire,
l’impact du Brexit devrait se traduire par des contrôles d’identité plus
approfondis et systématiques. Pour les marchandises, les conséquences
de contrôles administratifs et douaniers seraient beaucoup plus lourdes
et pourraient affecter l’ensemble des chaînes logistiques, toujours plus
étroitement intégrées depuis 1994, grâce à la prévisibilité permise par
la liaison fixe. De nouvelles technologies, dites « frontière intelligente »,
dont le coût reste toutefois élevé, automatiseront une partie des contrôles
pour en réduire l’impact. Celui-ci sera probablement significatif pour les
contrôles sanitaires, vétérinaires et phytosanitaires (SIVEP), sensibles et plus
complexes à mettre en œuvre : des aires de stockage et de stationnement
supplémentaires ont été prévues, et les reports successifs du Brexit depuis
le 31 mars 2019 ont permis de finaliser ces travaux. Enfin, une partie des
dédouanements pourrait être délocalisée, comme le prévoit une nouvelle
ligne de ferries à Tillbury, sur la Tamise (Maurice, 2019).
Conclusion
« Nous devons nous rappeler que la Manche n’était pas seulement la frontière entre
les deux royaumes, c’était aussi la seule voie d’approvisionnement en Angleterre
Laurent BONNAUD
pour certains aliments essentiels, qui ne pouvaient être produits sur place » (Arnoux,
2014, p. 52).
Le statut de la frontière terrestre entre les deux pays, qui perpétue des
représentations très anciennes, a toujours pris en compte les dérogations
dont bénéficie le Royaume-Uni au sein de l’Union européenne. Il se
caractérise aujourd’hui par les spécificités techniques de la liaison ferroviaire
et par une complexité et une asymétrie héritées de ces représentations de
longue durée. Il résulte également des politiques migratoires des deux
pays riverains et de l’Union européenne.
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Laurent BONNAUD
74 •
Jean-Louis ROHOU
contact@ahicf.com
Vice-président de Rails & histoire
Abstract : This article traces the stages of the construction of the rail
network in Britain until the inauguration of the high-speed line that reaches
Rennes in 2017. This network is made up of national lines but also of
regional interest, the Breton Network which has opened up the centre of
the region, of which there are only two lines remain today.
moyens de l’époque en génie civil. Et certes, au moins sur les côtes, il n’y
a pas de grandes altitudes en Bretagne, mais il y a des franchissements de
vallées ou d’estuaires qui ont nécessité des ouvrages importants, comme le
viaduc du Scorff à Lorient ou le spectaculaire viaduc de Morlaix.
76 •
Figure 2. Le viaduc de Morlaix (source : © Philip Bourret, www.structurae.de).
Paimpol
0 10 20km
Brélidy-
Morlaix Plouëc
Guingamp
Le Fret
Camaret
Carhaix
Port-de- Rostrenen
Châteaulin Carhaix Loudéac La Brohinière
Châteauneuf- Gourin
du-Faou
Jean-Louis ROHOU
Un réseau, lui aussi à voie métrique, a été développé dans les Côtes-du-
Nord (aujourd’hui Côtes-d’Armor), constitué de 19 lignes construites en
deux phases, au début du XXe siècle puis dans les années 1920. Il s’est
agi dans la majeure partie des cas de barreaux assurant le maillage du
territoire et plusieurs points de contact et de correspondance avec les
gares du grand réseau et avec celles du Réseau breton. La dernière de
ces lignes, Saint-Brieuc-Paimpol, a été fermée en 1956.
Jean-Louis ROHOU
81 •
Les étapes de modernisation du réseau
La ligne Paris-Le Mans est électrifiée en 1937. Le réseau de l’État avait hésité
entre ses lignes Paris-Le Havre et Paris-Le Mans, mais c’est cette dernière
qui l’emporta en raison d’un bilan économique plus favorable. Cette
électrification en courant continu 1 500 V est alors innovante par rapport
à celles déjà réalisées par le PO : commande centralisée depuis Paris des
13 sous-stations d’alimentation, esthétique des poteaux caténaires et des
bâtiments. C’est un des éléments de la politique de modernisation menée
par Raoul Dautry à la tête du réseau de l’État depuis 1931.
Pendant longtemps, tous les trains à destination de la Bretagne (et des Pays
de la Loire) vont donc s’arrêter au Mans pour changement de traction.
Mais, en 1966, l’arrivée de puissantes et rapides locomotives diesel
CC 72 000 permet la mise en place de trains rapides « l’Armor » et « le
Goéland » vers la Bretagne, sans arrêt au Mans. Un peu plus tard, ce
même type de trains est créé à destination de Nantes, « le Nantais » et
« le Maine-Océan » (voir, à ce propos, le film de Jacques Rozier Maine-
Océan, 1986, en DVD depuis 2008).
Figure 9. Les temps de parcours pour Paris et les gains de temps (source :
SNCF Réseau).
Jean-Louis ROHOU
83 •
Figure 10. La Bretagne se rapproche de l’ensemble de la France
(source : © SNCF, direction Grands projets et prospective).
Trains touristiques
- La Vapeur du Trieux (Paimpol-Pontrieux), gare de Paimpol, avenue du Général de Gaulle 22500
Paimpol, en saison.
- Chemin de Fer de la baie de Saint-Brieuc (Association des chemins de fer des Côtes-du-Nord),
1 promenade Harel de la Noë, Parc de Boutdeville 22360 Langueux-Les Grèves.
- Chemins de fer du Centre Bretagne (Saint-Brieuc-Loudéac), circulation provisoirement interrompue,
M. Joindot, 8 la Commanderie Brélévenez 22300 Lannion ; dépôt-atelier, rue Pierre Loti 22600
Loudéac.
- « Le Tire-Bouchon » (TER Auray-Quiberon), en saison.
- Association « A Fer et A Flots » (Morlaix-Roscoff et Landerneau-Brest), Maison Penanault,
10 place Charles de Gaulle 29600 Morlaix.
Jean-Louis ROHOU
Musées
- Musée du Rail, gare de Dinan, place du 11 novembre 1918 22100 Dinan.
- Musée de la Gare, Gare de Guiscriff, 117 rue de la Gare 56560 Guiscriff.
Vélorails
- Vélorail de Médréac, 6 rue de la Gare 35360 Medréac.
- Vélorail du Kreiz Breizh et Chemin de fer de Bon Repos, gare de Gouarec 22570 Gouarec.
86 •
Pierre ZEMBRI
pierre.zembri@enpc.fr
UMR LVMT, université Paris Est-Marne-la-Vallée
ésumé
Le Massif central a bénéficié, au XIXe siècle, d’un maillage ferroviaire
conséquent, qui n’a cessé d’être remis en cause par la suite du fait de la
diminution des densités de population, du recul de certaines activités mais
aussi du fait de la remise en cause de dessertes interrégionales voyageurs
et fret transitant auparavant par le massif. Ce dernier se trouve donc
désormais davantage contourné que traversé par les grands courants de
trafic. Parallèlement, l’état des lignes internes au massif s’est dégradé du
fait de son moindre intérêt pour l’exploitant national. La régionalisation,
processus débuté au milieu des années 1980 et renouvelé au début des
années 2000, pouvait être considérée comme un moyen de redynamiser
les dessertes et de maintenir un niveau de maillage correspondant
aux ambitions politiques des exécutifs régionaux. Si les dessertes
régionales ont pu connaître des évolutions globalement positives, les
politiques volontaristes menées par les régions ont été contrecarrées par
l’accélération de la dégradation des infrastructures à partir de 2005 ainsi
Pierre ZEMBRI
Le Massif central est une entité physique qui n’a pas d’équivalent en termes
de territoire institutionnel. Le réseau ferré qui le parcourt a été conçu
au XIXe siècle par des compagnies qui avaient des motivations propres
(Caron, 1997 ; Ribeill, 1985) et pas toujours liées à la desserte du massif
lui-même, mais aussi des politiques de tracé et de desserte originales
(Caralp-Landon, 1959). Le maillage du réseau a été plutôt dense au sein
du massif, avec un kilométrage important et de nombreux nœuds de
tailles diverses, parfois localisés loin de toute agglomération (Lartilleux,
1959). La régionalisation a consisté en un découpage en sous-réseaux
artificiels et a conduit à la remise en cause progressive de liaisons internes
au massif. Cette juxtaposition de réseaux régionaux centrés sur Clermont-
Ferrand (Auvergne), Limoges (Limousin), mais aussi Lyon, Dijon, Toulouse
ou Montpellier a ôté toute unité de gestion à l’échelle du massif. Le déclin
parallèle du trafic fret et des services à longue distance gérés par la SNCF
puis par l’État (Intercités) n’a fait que renforcer ce cloisonnement, au point
que contourner le massif est devenu plus intéressant que le traverser. Enfin,
Pierre ZEMBRI
En 1985, le Massif central est traversé et irrigué par deux axes principaux
nord-sud se subdivisant en plusieurs branches :
- l’axe Paris-Limoges-Toulouse (et ses antennes vers Ussel, Agen, Rodez,
Carmaux, etc.), parcouru par des trains à grand parcours vers le massif
pyrénéen ainsi que vers la Catalogne ;
- l’axe Paris-Clermont-Ferrand et ses prolongements vers Nîmes, Béziers,
Aurillac, Le Mont-Dore, etc.
S’y ajoutent deux transversales Lyon-Bordeaux, en tronc commun à l’Est
de Saint-Germain-des-Fossés (via Montluçon et via Clermont-Ferrand et
Ussel).
L’ensemble de ces axes est parcouru par des trains de jour et de nuit. Le
Pierre ZEMBRI
1
JOB : services circulant au moins les mardis et jeudis non fériés.
Ces autres régions voient le massif comme une périphérie à rattacher
à des centres externes (Montpellier, Toulouse, Lyon). En témoignent
notamment les efforts menés en début de période par le Languedoc-
Roussillon pour rapprocher le haut-pays lozérien du littoral et ceux menés
par Midi-Pyrénées pour en faire autant avec ses marges aveyronnaises,
au profit de la capitale régionale (figure 1). Ces politiques justifiaient des
investissements limités pour obtenir des gains de vitesse ou de capacité :
réouverture (hélas sans réfection de la voie) du tronçon Rodez-Séverac-
le-Château en 1989 pour établir des relations directes entre Toulouse et
Millau, accélération des autorails directs entre Montpellier et Mende pour
descendre sous les trois heures de temps de parcours, etc. Ces efforts
initiaux se sont quelque peu affaiblis au fil du temps et de la dégradation
des infrastructures.
2
Les recettes de l’année de référence étaient réactualisées en tenant compte des évolutions tarifaires
générales intervenues dans l’intervalle.
3
En pratique, l’État, qui versait une subvention d’équilibre importante pour les services régionaux
dans leur ensemble, refusait qu’il y ait un versement effectif de la SNCF aux régions. Les excédents
étaient donc logés dans un compte de tiers au nom de la région dans les écritures comptables de la
93 •
SNCF, et ils ne pouvaient être mobilisés que pour compenser des soldes négatifs ultérieurs ou pour
abonder des investissements (matériel, infrastructures, etc.).
conventions « Limousin » étaient toutes rédigées en des termes identiques,
ce qui en dit long sur le rapport de forces très déséquilibré qui s’était établi
entre l’autorité organisatrice et son prestataire 4.
1 500 000
-1 500 000
-3 000 000
-4 500 000
-6 000 000
1985 1986 1987 1988 1989 1990
CSn
Rn-R0
Solde résultant
Pierre ZEMBRI
94 •
4
Le juriste Denis Broussolle (1989) n’hésitait pas à employer le terme fort de « pacte léonin » pour
désigner cette première génération de conventions SNCF-régions.
Parallèlement, l’Auvergne, qui a signé une convention en des termes
identiques en 1986, se focalise sur le solde dû à la SNCF et procède donc
à des ajustements de sa desserte pour en limiter l’ampleur. Contrairement
au Limousin, la région réduit dès le départ légèrement l’offre (le CSn est
de ce fait positif). Les recettes progressent toutefois dans un premier temps
avant de baisser franchement (1988). En 1990, la région donne un tour de
vis massif pour réduire ses charges, ce qui recrée un excédent (figure 3) 5.
4 000 000
3 000 000
2 000 000
CSn
1 000 000 Rn-R0
Solde résultant
-1 000 000
-2 000 000
1986 1987 1988 1989 1990
pouvant pas assumer les conséquences de la chute des trafics, les soldes
5
Confrontée à deux années successives de déficit pour des sommes relativement faibles (884 000 F
en 1988 et 1 085 433 F en 1989), la région ordonne l’année suivante plus de 3,3 millions de F
95 •
de réductions de service, ce qui permet d’obtenir un solde positif de 1,9 million de F en 1990 sans
résoudre le déficit de recettes par rapport à l’année de référence (1,437 million de F).
négatifs atteignant rapidement, pour les plus importantes d’entre elles,
plusieurs dizaines de millions de francs.
Moulins
Chateauroux
Montluçon Vichy
Guéret
POITIERS
Montluçon
LIMOGES
Angoulême CLERMONT-
FERRAND
Ussel Thiers
Ussel Le Mont-Dore
Bort-les-Orgues
Arvant
Tulle
Neussargues
Périgueux Le Puy
Brive
Aurillac Dunières
Brive
Capdenac
Augmentation de l’offre supérieure ou égale à un aller-retour
Maintien de l’offre de service de référence (- 1 A/R <var.< + 1 A/R)
Diminution de l’offre supérieure ou égale à un aller-retour
6
Aujourd’hui Régions de France. L’audit a été réalisé par KPMG, auditeur international ayant
réalisé auparavant un exercice similaire en Belgique (KPMG Peat Marwick, 1996).
7
Alsace, Centre, Pays de la Loire, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Nord-Pas-de-
Calais.
98 •
8
Soit un tiers du trafic de l’Alsace, plus petite des six régions expérimentatrices, et un septième du
trafic de Rhône-Alpes ou du Nord-Pas-de-Calais.
La seconde régionalisation (depuis 2002) : moder-
nisation de l’offre et développements ciblés
7 000 000
5 250 000
3 500 000
1 750 000
0
2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015
Auvergne Limousin
l’évolution de l’offre.
Figure 6. Évolution de la fréquentation des trains régionaux exprimée
en milliers de voyageurs.km, entre 2003 et 2016 (source : Palmarès annuel des
régions, Ville, Rail et Transport).
280
210
140
70
0
2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015
Auvergne Limousin
Si le TGV évite le Massif central, les trains classiques ne sont pas pour
Pierre ZEMBRI
Tronçon de ligne Desserte 1989 (AR) Desserte 2018 (AR) Évolution (AR)
actuellement en travaux.
Le nouveau découpage régional, source d’espoir ?
A priori, les cloisonnements internes doivent être réduits... Sauf que l’effet
de frontière a joué, et que des investissements lourds sont nécessaires pour
le contrecarrer... Et les nouvelles régions ne sont guère plus riches que
les anciennes lorsque l’on rapporte leurs ressources à l’étendue de leur
territoire. Les processus conduisant à rouvrir des tronçons « suspendus »
sont longs et complexes. Par ailleurs, les régions entrent en conflit avec
SNCF Réseau à propos de devis fluctuants et de prix jugés bien trop élevés.
D’une façon générale, les temps de parcours sont dégradés par rapport
aux décennies antérieures. Aller de Clermont-Ferrand à Nîmes prend
désormais 5 h 07 à 5 h 16 (service annuel 2019) à la vitesse moyenne
de 59 km/h, alors que Le Cévenol mettait 4 h 45 en 2006. Pire encore, la
liaison directe Limoges-Lyon s’effectuait en 5 h 16 pour 411 km en 1991.
Il faut désormais entre 6 h 09 et 6 h 40 pour relier les deux villes via
Montluçon et Riom (deux changements).
Pierre ZEMBRI
106 •
Figure 8. État des liaisons ferroviaires internes au Massif central en 2018
(source : horaires officiels SNCF).
Le Massif central est désormais partagé entre trois régions dont le siège
est en plaine (Lyon, Bordeaux, Toulouse). Trois périphéries avant tout à
rattacher au « centre » ? On note en tout cas une absence d’intérêt pour
l’établissement de liaisons interrégionales après l’affaiblissement des
Intercités :
- des négociations difficiles entre Nouvelle-Aquitaine et AURA (Auvergne-
Pierre ZEMBRI
région ;
- des moyens trop limités pour rétablir les liaisons anciennement
transfrontalières comme Thiers-Saint-Étienne ou Ussel-Volvic.
Pierre ZEMBRI
109 •
Le Capitole longeant la Vézère près d’Estivaux.
(source : SARDO – Centre National des Archives Historiques (CNAH) du Groupe SNCF. http://openarchives.sncf.com)
Georges RIBEILL
ribeillgeorges@orange.fr
École nationale des Ponts et Chaussées (LATTS)
électrification, Capitole.
electrification, Capitole.
Paris-Toulouse sera le dernier des grands axes ferroviaires directs, achevé
seulement à la fin du XIXe siècle, en 1893 ! À l’heure d’une floraison de
LGV, assiste-t-on à un remake de cette histoire séculaire, où Toulouse serait
atteinte par une LGV depuis Bordeaux ? Ou devra-t-on plutôt se satisfaire
de l’actuelle « POLT » 1 ? Cette contribution revient sur les grandes étapes
historiques de cette ligne.
1
Paris-Orléans-Limoges-Toulouse
112 •
2
686 km séparent Paris de Toulouse par l’ancienne RN20, 678 km par l’actuelle autoroute,
713 km par le chemin de fer.
de Bourgogne (1830, 27 km), les sieurs Martin et Gimet avaient obtenu
par une ordonnance du 21 août 1831 la concession à perpétuité d’une
voie ferrée reliant Montauban à Toulouse, au canal du Midi précisément :
un chemin de fer de 50 km procurant de nouveaux débouchés textiles et
agricoles dans le Languedoc. Mais concession restée sans effet.
Georges RIBEILL
3
Moniteur universel, 21 juin 1855.
115 •
4
Journal des chemins de fer, 14 avril 1855, p. 299-300.
autrefois par la route impériale n° 20 seront désormais délaissées » 5, et
si, au lieu de suivre la route nationale n° 21 (de Limoges à Lourdes via
Agen), on l’avait suivie, on aurait économisé les 18 millions prévus pour
les embranchements de Cahors et de Tulle « tout en accomplissant la noble
pensée de l’Empereur voulant que tous les chefs-lieux de département
soient reliés avec Paris par un chemin de fer » (Picard, 1884, p. 93-99).
Le maire de Cahors, le comte Joachim Murat, élu du Lot en 1854, regretta
que le chemin de Limoges à Agen par Périgueux ait été concédé sans que
fut étudiée au préalable la ligne de Paris à Toulouse par Tulle, Cahors et
Montauban, qui souffrirait moins de la concurrence de la proche artère de
Paris à Bordeaux, et eût desservi sans embranchements les deux préfectures
de Tulle et de Cahors. Autre fervent bonapartiste, élu du Gers, Granier de
Cassagnac plaida en vain pour des prolongements des lignes de l’autre
côté de la Garonne, irriguant Basses-Pyrénées, Hautes-Pyrénées, Haute-
Garonne, Ariège, Gers.
Manchester… » (ibid.) D’autant plus que l’eau des torrents, force motrice
gratuite, est à préférer à la houille qui n’est pas inépuisable...
5
Moniteur universel, 12 avril 1855.
116 •
6
Sur la constitution et la liquidation du Grand Central, voir Giraud (1952, p. 125-129 et
181-186).
Quant à la Compagnie du Midi, elle faisait de Bordeaux le point de
jonction privilégié avec l’artère d’Orléans, prolongée jusqu’à la frontière
espagnole, et le point d’accès à sa grande transversale jusqu’à Cette,
obtenant la concession des deux canaux parallèles pour relever leurs
tarifs et annihiler tout risque de concurrence (figure 2) ! Récriminations
de la part de notables locaux conscients de l’enclavement ainsi entretenu
par un monopole tout-puissant. Un agronome toulousain pointera ainsi
« un Sud-Ouest victime des grandes compagnies, comme [le sont] les
canaux » (Théron de Montaugé, 1869, p. 597-599 et 642), réclamant
en vain la suppression des tarifs différentiels que pratique abusivement la
Compagnie du Midi.
Figure 2. Carte du réseau des chemins de fer du Midi (source : SARDO – Centre
National des Archives Historiques (CNAH) du Groupe SNCF. http://openarchives.sncf.com).
Georges RIBEILL
117 •
Les étapes de la construction laborieuse de la ligne
directe
« Contrairement aux autres grandes lignes, celle de Paris à Toulouse n’a pas
été l’aboutissement d’un projet d’ensemble, mais de plusieurs réalisations
dont les buts étaient différents », résumait bien un géographe (Duchemin,
1945). Quatre concessionnaires puis exploitants, Orléans, Centre,
Midi et Grand Central (GC), contribueront à la réalisation de la ligne
directe. Rappelons les étapes : Paris-Juvisy : 20 septembre 1840 (PO) ;
Juvisy-Les Aubrais : 5 mai 1843 (PO) ; Les Aubrais-Vierzon : 20 juillet
1847 (Centre) ; Vierzon-Châteauroux : 15 novembre 1847 (Centre) ;
Châteauroux-Argenton : 1er mai 1854 (PO) ; Argenton-Limoges : 10 juin
1856 (PO) ; Agen-Montauban-Toulouse : 30 août 1856 (Midi).
Pas de hasard si les tracés nord-sud ont jusqu’alors évité les roches
Georges RIBEILL
7
Les « chemineaux », ouvriers des chantiers, cheminant d’un chantier à l’autre, ont donné leur
nom aux « cheminots »
8
Ponts et Chaussés, Chemin de fer de Limoges à Brive par Uzerche. Rapport sur l’éxecution des
travaux et les dépenses effectuées. Service de M. Daigremont. Arrondissements de MM.Draux et
Guillaume ; Ponts et Chaussées, Ligne de Montauban à Brive. Section de Cahors à Brive. Rapport
119 •
sur l’exécution des travaux et les dépenses effectuées, Pont et Chaussées, Service de M. Pihier.
Arrondissements de MM. Bleynie et Marchat.
Des trafics agricoles encouragés
En 1893, Toulouse est alors atteint depuis Paris en 713 km, contre les
845 km via Bordeaux et la grande artère rivale du sud-ouest. Avec un
impact sensible sur les trafics : de 33 000 t/km en 1891 entre Montauban
et Brive, le trafic marchandises décuple en moins de cinq ans ; sur
Montauban-Limoges, il progresse de 381 000 t en 1897 à 657 000 t en
1911. Le trafic de voyageurs progresse moins vite : 108 000 voyageurs
par kilomètre en 1891, 176 000 à peine en 1898, 354 000 en 1911.
« En 1912, malgré un gain de l’ordre de 4 h 30 mn par rapport à 1887,
le train le plus rapide mettait encore 11 heures pour effectuer le trajet »,
explique le géographe Robert Marconis (1986, p. 397-399). Ce tracé fait
de Limoges une étoile ferroviaire à six branches, de Brive-la-Gaillarde une
étoile à cinq branches, sous-préfecture de la Corrèze prenant le dessus sur
Tulle, bien consciente de ce qu’elle doit au rail (Dautrement, 1960) !
9
Pour une représentation cartographique de l’importance des trafics marchandises sur les diverses
lignes du réseau national, voir Renouard (1960, cartes des trafics marchandises en 1913 et 1952).
Il convient d’évoquer le rôle militant des services agricoles du PO et du Midi
auprès des populations paysannes qu’elles désenclavent, en les initiant
à des pratiques performantes dans leurs cultures (sélection des variétés,
traitements phytosanitaires, récoltes, conditionnement et expéditions)
(Ribeill, 2009 ; 2013). Le PO aura organisé cinq journées d’information
sur le parcours de la ligne de Paris à Toulouse : « Pomme de terre »
(Limoges, 1924) ; « Châtaigne » (Brive, 1924) ; « Ensilage et fourrages »
(Toulouse, 1927) ; « Élevage et commerce du dindon » (Châteauroux,
1929), et le Midi, une autre : « Production et commerce de la pêche »
(Toulouse, 1935). Divers trafics de niche profiteront bien plus au PO qu’au
Midi en raison de la configuration de leur réseau. La tomate de Marmande
à peau dure, promue dans le Marmandais touché par le phylloxéra, sera
vouée à une grande notoriété (Ribeill, 2012) ; la ligne reliant Moissac à
Cahors, pour transporter en temps et à coût réduits un fameux mais fragile
chasselas, n’aboutira pas, malgré la promesse politique du parlementaire
lotois Anatole de Monzie, les travaux d’infrastructure étant stoppés en
1914, sans reprise après-guerre (Ribeill, 2014). Par contre, de nombreux
sites horticoles bénéficieront de trains saisonniers, aux horaires et tarifs en
Grande Vitesse ajustés pour alimenter le carreau des halles parisiennes,
telles les fraises de la vallée moyenne du Lot, auxquelles quelques wagons
sont affectés chaque été (Ribeill et Miquel, 2015).
10
Il sera écarté en France en raison de ses interférences parasites avec les lignes télégraphiques
et téléphoniques ; le PO adoptera le 3 000 volts continu pour électrifier au Maroc le réseau
dépendant de sa filiale privée, la Compagnie des chemins de fer du Maroc.
11
La 2D2 5516 sera titulaire d’un record de parcours avec plus de 7 millions de km.
123 •
12
Maurice Maillet, Les Pacific PO-Midi et l’œuvre d’André Chapelon au réseau d’Orléans,
Éditions du Cabri, 1983.
À l’heure de la SNCF
13
Deux pages seulement dans la RGCF (juillet-août 1967, p. 432-433) ; Caire (1967, p.120-
127) ; La vie du Rail, n°1117, 29 octobre 1967.
Photo 3. Panneau des horaires pour le train « Le Capitole » reliant Paris
à Toulouse à 200 km/h en gare de Paris-Austerlitz (source : SNCF, médiathèque,
A. Boucher).
française, de juin 1969 à avril 1974, et qu’il demeure toujours très attaché
à sa résidence acquise à Cajarc en 1962, en bordure de son Cantal natal,
une occasion est manquée… Cajarc étant sur la ligne reliant Figeac et
Decazeville à Cahors, Pompidou aurait pu se satisfaire de voyages en train
de nuit, et la qualité de la liaison aurait pu alors bénéficier d’un discret coup
126 •
de pouce élyséen, tant il est vrai que nombre d’élus locaux, parvenus dans
les sommets du pouvoir, ont souvent favorisé les communications avec leur
circonscription sous des modalités variées (modernisation de l’exploitation,
électrification de la traction, opposition aux fermetures, desserte par une
ligne nouvelle, etc.). Seul naîtra de cette situation le petit aérodrome de
Lalbenque, en 1970, sur la commune de Cieurac, qui accueillera aussi
l’avion du prince consort du Danemark Henri de Montpezat et son épouse
Margrethe II. Et si, par temps de brouillard, l’autorail Cajarc-Cahors puis
le train de nuit Toulouse-Paris pourront parfois subvenir à l’impossibilité
de décoller depuis Lalbenque, cela ne justifiera pas une grande attention
à ces palliatifs ferroviaires.
14
Voir le dossier « 160 ans de trains de nuit », Rail-Passion, hors-série, juin 2017 ; notamment
127 •
Bernard Collardey, « Les trains de nuit intérieurs », détaillant p. 79-80 les récentes péripéties de
ces relations avec Carmaux, Rodez, Albi, Luchon et Latour-de-Carol.
transport de fruits et légumes frais, mais qu’il faut bien remplacer après
40 ans de service, témoigne de cette fragilité.
Il est vrai que les gains attendus d’un train pendulaire seraient plus
substantiels si la ligne n’avait pas été conçue depuis l’origine avec les
forts dévers qu’imposent les nombreuses courbes de 500 m de son tracé
sinueux entre Limoges et Cahors, où le bénéfice de la pendulation est
d’autant moins sensible donc !
15
Tous ensemble dans les gares, Déjà 10 ans de lutte pour la défense du service public ferroviaire
autour des gares de Gourdon et Souillac, 2007-2012, 325 p.
BIBLIOGRAPHIE
•Vergez-Larrouy JP. (1997). Les chemins de fer Paris-Orléans, La Vie du Rail / La Régordane.
•Wolkowitsch M. (1960). L’économie régionale des transports dans le Centre et le Centre-
Ouest de la France, Paris, SEDES, p. 148-153.
•Wolkowitsch M. (1992). « Le chemin de fer et le monde agricole en France », Revue d’histoire
des chemins de fer, hors-série, n° 3, « Les transports par fer et leurs clientèles ».
129 •
Sébastien GARDON
sebastiengardon11@gmail.com
UMR Territoires
ésumé : En France, c’est à partir des années 1970 que les décideurs
nationaux et locaux commencent à mettre en place des politiques
en faveur des transports collectifs, allant jusqu’à envisager la « solution
tramway » avec plus de consistance. Cet article revient sur la manière dont
le tramway a progressivement rallié les suffrages des élus, des experts,
des professionnels du transport. Il présente les acteurs qui, de ville en ville,
ont favorisé son retour en grâce, en revenant sur les atouts des options
techniques choisies. En insistant sur les problématiques d’aménagement
urbain qui ont progressivement pris le pas sur les projets de transport
stricto sensu, il révèle les logiques professionnelles qui sous-tendent la
construction et l’exploitation des réseaux de tramway. Enfin, à partir du
cas de la construction d’un grand réseau de tramway dans une métropole
de province (Lyon), cet article retrace l’histoire tortueuse de ce mode de
transport en soulignant ses impasses et ses perspectives de développement
dans des contextes urbains de plus en plus complexes.
Sébastien GARDON
Abstract: In France, it was in the 1970s that national and local decision-
makers began to implement policies in favour of public transport, going
so far as to consider the «tramway solution» with greater consistency.
This article looks back at how the tramway has gradually won the votes
131 •
C’est en effet au cours de cette période que Paris aménage son RER
(Réseau Express Régional), que Lyon et Marseille construisent leur réseau
Sébastien GARDON
1
Il faut également noter qu’une ligne du réseau de tramway de Bâle (Suisse) pénètre sur un kilomètre
jusqu’à la commune française de Leymen (Haut-Rhin), que le réseau de tram-train de Sarrebruck
(Allemagne) circule jusqu’à Sarreguemines (Moselle) sur un kilomètre en France, et que le tramway
132 •
de Genève (Suisse) vient juste d’être prolongé jusqu’à Annemasse (décembre 2019), avec quatre
stations en France. Les projets d’Amiens, de Lens et de Toulon ont été abandonnés.
projets de tramways sont à nouveau étudiés. Le contexte, marqué par la
crise économique et énergétique, est favorable à la recherche de nouvelles
solutions tant technologiques qu’institutionnelles ou économiques 2.
qui se lance dans l’aventure, avec un projet pour la première fois validé
par un référendum local, qui approuve un tramway beaucoup plus intégré
2
La mise en place progressive du versement transport pour les villes de province, à partir de 1973,
donne de nouveaux moyens aux villes pour développer leur réseau de transports en commun.
133 •
3
L’extension du tramway au sud de la ville de Saint-Étienne, en 1983, marque les premiers
aménagements en faveur du tramway en France depuis la Seconde Guerre mondiale.
au centre-ville (1987), puis Strasbourg, en 1994, qui développe un projet
ambitieux avec, cette fois, un autre constructeur (Bombardier). À partir de
cette période, on observe un véritable basculement. Les élus ont conscience
du fait qu’on peut gagner une élection avec le tramway. Celui-ci gagne
également la région Île-de-France, au nord de Paris, en Seine-Saint-Denis
(ligne T1 ouverte en 1992), même s’il faudra attendre encore quelques
années pour le voir circuler à nouveau dans les rues de Paris (en 2006) 4.
Entre le milieu des années 1970 et le milieu des années 1980, les
controverses sont encore fortement marquées par le désir de mettre
en œuvre des solutions technologiques radicalement nouvelles, et le
« vieux » tramway doit (dé)montrer sa « modernité ». Les débats prennent
nécessairement une tournure politique à travers le positionnement des
élus vis-à-vis du tramway, les enjeux électoraux qu’il représente et les
mobilisations locales. Le rythme des projets est alors fortement dépendant
Sébastien GARDON
4
Voir le numéro spécial de la Revue Générale des Chemins de Fer sur les tramways en Ile-de-
France, n° 287, novembre 2018.
peu maîtrisé par les acteurs publics et les élus, car tout le monde veut
« son tramway », sans forcément étudier ou valoriser d’autres modes de
transports (tableau 1).
Tableau 1. Les réseaux de tramways dans les villes françaises fin 2019
(source : auteur).
Île-de-France 1992 101,4 (et 19 km 10 lignes (plusieurs extensions ou lignes Dont 2 lignes de tram-train.
de tram-train) en projet et 2 lignes de tram-train en projet) Portions en pneumatique
Nancy 2000 11,3 1 ligne (prolongement et remplacement par Pneumatique Système TVR
un tramway sur rail)
Lyon 2001 73 (et 55 km 7 lignes (projets d’extension) Une ligne directe vers l’aéroport
de tram-train) et 3 lignes de tram-train
Caen 2002 16,2 3 lignes (2 autres lignes en projet) Pneumatique Système TVR
(remplacé par tramway sur rail)
Angers 2011 12,3 1 ligne (2 autres lignes en projet) Portions avec système
d’alimentation au sol
Aubagne 2014 2,8 1 ligne (une ligne de tram-train en projet) Réseau de transport gratuit
5
Pour un panorama complet de ce développement, voir Gardon (2018).
à l’étranger ce sont plutôt des projets « clés en main » qui se négocient (où
le matériel roulant ne compte que pour 15 % de la facture totale). Ainsi, ce
tramway « à la française » qui s’exporte est l’emblème du réaménagement
de façade à façade, au-delà du strict projet de transport.
Lyon n’a pas été parmi les premières villes françaises à remettre dans
ses rues des tramways modernes. Depuis les années 1960, les décideurs
lyonnais avaient plutôt fait le choix de développer son réseau de transports
en commun autour du métro (ligne C ouverte en 1974, puis lignes A
et B en 1978, et enfin ligne D en 1991, ligne E en étude). Ce réseau
s’est construit à partir du travail mené à l’échelle intercommunale par la
communauté urbaine de Lyon, le SYTRAL (Syndicat mixte des Transports
de l’Agglomération Lyonnaise et du département du Rhône) et le conseil
Sébastien GARDON
général du Rhône (Gardon, 2011). Alors que des choix politiques forts
ont été faits, de gros efforts financiers ont été réalisés, des orientations
urbanistiques et techniques importantes ont été prises (Waldmann, 1991),
l’agglomération lyonnaise se trouve pourtant, au milieu des années 1990,
138 •
6
Voir sur ce point le n° 119 de Transports urbains sur « Tram-train et territoires », octobre 2011.
dans une impasse. Malgré un réseau en développement depuis 30 ans,
Lyon a la particularité de n’avoir aucune de ses banlieues, ni aucun de ses
campus universitaires desservi par le métro, en dehors de la Manufacture
des Tabacs, récemment réhabilitée à l’entrée du 8e arrondissement,
et où se trouve l’université Lyon 3. Cette période est marquée par une
lente inflexion dans les réflexions concernant les déplacements urbains
lyonnais. En effet, le développement du réseau est sérieusement ralenti.
Les projets de prolongement du métro ne se concrétisent pas, que ce
soit au nord, sur Caluire (ligne B au-delà du parc de la Tête d’Or et
ligne C en empruntant la voie de chemin de fer existante), au sud, sur la
Confluence (ligne A), au nord-ouest, sur La Duchère (ligne D), et au sud-
est, sur Vénissieux (ligne D). Seul le prolongement de la ligne B au sud, sur
Gerland, est réalisé, dans la perspective du développement de ce quartier
et de l’accueil de la coupe du monde de football en 1998, bien qu’il ne fut
inauguré qu’après l’événement.
Les partisans du métro l’emportent mais cette victoire est de courte durée
puisqu’elle conduit au statu quo, étant donné que les prolongements de
ligne ne sont pas réalisés. Raymond Barre (apparenté UDF) succède à
Sébastien GARDON
7
Le projet Hippocampe avait pour objectif de relier Les Minguettes, Gerland et la Cité internationale
par l’avenue de l’Europe, et comprenait deux fourches indépendantes au nord et au sud.
et le projet Hippocampe – trop ambitieux. L’équipe de Christian Philip se
lance donc dans la mise en place d’un PDU nouvelle mouture – selon la
LAURE de 1996 – dont l’axe principal est la création de deux lignes de
tramways. Le document est signé en 1997.
8
La ligne réalise une première boucle pour rejoindre Grange Blanche et la ligne D, puis une
140 •
seconde boucle pour rejoindre le campus de Lyon 2, si bien que la liaison avec ce site n’est pas
très efficace.
Quand le tramway se montre efficace… pour l’est de
l’agglomération
Sébastien GARDON
141 •
Photo 3. Le Rhonexpress et la ligne T3 (source : auteur).
Photo 4. La
ligne T4 : 80 ans après le projet initial de Tony Garnier, un
tramway circule enfin sur le boulevard des États-Unis (source : auteur).
9
La ligne débouche ensuite sur quelques mètres sur le territoire de la commune de Feyzin.
10
Commune aux lignes de tramway T2 et T4.
11
Les lignes de tramway T1 et T2 partagent également depuis 2001 quelques centaines de mètres
de voie entre le centre d’échanges de Perrache et le quai de la rive gauche du Rhône.
12
Si l’on excepte la ligne C reliant l’hôtel de ville de Lyon à Caluire.
13
Proche du modèle de tramway Hippocampe envisagé avant la mise en place des deux premières
143 •
Sébastien GARDON
145 •
BIBLIOGRAPHIE
•Bigey M. (1993). Les élus du tramway. Mémoire d’un technocrate, Paris, Lieu Commun, 250 p.
•Demongeot B. (2011). « «S’adapter à la ville telle qu’elle est». Les initiatives Cavaillé de
1975 ou l’invitation du tramway à l’agenda national », Revue d’Histoire des Chemins de Fer,
n° 45, p. 115-142.
•Emangard PH. (2012). « Les tramways en Europe. Une vision diachronique », Transports
urbains, n° 120, p. 3-8.
•Gardon S. (dir.). (2018). Quarante ans de tramways en France, Lyon, Libel, 508 p.
•Gardon S. (2011). Goût de bouchon. Lyon, les villes françaises et l’équation automobile,
Paris, Descartes et Cie, 154 p.
•Gérondeau C. (1977). Les transports urbains, Paris, PUF, Collection « Que-sais-je ? », 128 p.
•Hamman P. (dir.). (2011). Le tramway dans la ville, Le projet urbain négocié à l’aune des
déplacements, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 290 p.
•Laisney F. (2011). Atlas du tramway dans les villes françaises, Paris, Recherches, 424 p.
•Lefèvre C, Offner JM. (1990). Les transports urbains en question. Usages, décisions,
territoires, Paris, Celse, 221 p.
•Marconis R. (1997). « Métros, VAL, Tramways... La réorganisation des transports collectifs
dans les grandes agglomérations de province en France », Annales de géographie, n° 593-594,
p. 129-154.
•Waldmann R. (1991). La grande traboule, Lyon, Éditions Lyonnaises d’Art et d’Histoire.
Sébastien GARDON
146 •
Carolyn DOUGHERTY
148 • I Q U E S
RU B R
PORTRAIT DE CHEMINOTS
CATHERINE DE BÉCHILLON (NÉE EN 1925),
OU « L’ART D’AIDER »
•
Laurent THÉVENET
loren.thevenet@gmail.com
Catherine de Béchillon est née le 13 juin Photo 1. Henri Lang vers 1920 (source :
1925 dans le 16e arrondissement de Paris. coll. Catherine de Béchillon).
Son père, Henri Lang, est issu d’une famille
juive ayant quitté l’Alsace en 1870 pour
demeurer française. La famille est implantée
à Rambervilliers dans les Vosges, où Henri
Lang est né en 1895. La famille de sa mère,
Jacqueline Lang, née Hirsch, a émigré de
Belgique en 1789, et ses membres ont
acquis la nationalité française au moment
du décret du 27 septembre 1791 ratifié
par Louis XVI accordant la citoyenneté aux
Juifs de France. La famille maternelle est Henri et Jacqueline Lang, mariés en 1921,
parisienne depuis plusieurs générations. ont eu quatre enfants : Philippe, né en 1924,
est décédé à l’âge de 6 ans ; Catherine,
Tant du côté paternel que maternel, la famille née en 1925 ; Élisabeth, née en 1928,
compte de nombreux notables ou serviteurs est morte trois ans après sa naissance ; et
de l’État, civils ou militaires. Plusieurs Geneviève, née en 1932, qui deviendra
membres de la famille sont ingénieurs, médecin des hôpitaux de Paris. Les décès
d’autres médecins. Malgré une enfance et de son frère et de sa sœur, à la suite de
une adolescence difficiles, marquées par maladies infectieuses, affectent Catherine
le décès de sa mère, Henri Lang se forge et la conduisent à vouloir devenir médecin.
un caractère fort, ouvert et sociable. Il fait Les événements dramatiques vécus par
des études brillantes. Polytechnicien sorti sa famille modifient ses premiers choix
7e de sa promotion, ingénieur des Ponts d’enfant et façonnent à tout jamais la
Laurent THÉVENET
caserne à Compiègne où ils subissent des Le 29 mai 1942, le port de l’étoile jaune
conditions de vie particulièrement sévères. est imposé aux Juifs de plus de six ans.
La Croix-Rouge est interdite d’action, et Catherine Lang la porte le premier jour
aucune correspondance n’est possible du décret, un dimanche en se rendant à la
avec les familles. Il réussit cependant à messe… Elle racontera ensuite : « Le port de
faire passer clandestinement quelques
151 •
secteur de Villeneuve-Saint-Georges et la
formation au BEQS avec des supervisions.
Sa situation « d’assistante de base » et de
formatrice n’était pas sans ambiguïté vis-
à-vis de la hiérarchie sociale. Elle se voit
155 •
l’UNCANSS. Elle travaille également à mi- mentionne que son « éducation bourgeoise
temps pour le conseil général des Pyrénées- ne la préparait pas à prévoir que la vie
Atlantiques et pour l’association béarnaise lui offrirait une si grande diversité ». Elle
de contrôle judiciaire en réalisant des savait que ce métier la confronterait à
enquêtes sociales et de personnalité pour la souffrance et aux manques : « Mon
156 •
Laurent THÉVENET
157 •
ARTICLES / OUVRAGES
DE CATHERINE DE BÉCHILLON
BIBLIOGRAPHIE
REMERCIEMENTS
Pascale Durand, Marilyne Gérard, Monique Guessard et Paola Parravano.
158 •
Du côté des associations
Cette maquette animée a été conçue Cette représentation d’une ligne de métro
pour l’exposition universelle de 1935 à en miniature permettait la formation des
Bruxelles et de 1937 à Paris. Récupérée, métiers suivants : chef de station, chef
agrandie et perfectionnée à partir de… de départ, régulateur ainsi qu’agent de
1941, après une période de désaffection, maîtrise.
elle devient un outil de formation des
agents du réseau ferré de la RATP à partir La maquette du centre d’instruction de
de 1949. En 1953, elle est installée dans Lagny a été utilisée de 1949 à 1987. En
une grande salle de 800 m2 au centre de 1989, elle est démontée car inutilisée du
formation du 92 rue de Lagny, dans le 20e fait de la mise en service des simulateurs.
arrondissement de Paris. Son devenir, très incertain à cette époque,
se traduit par une restauration de la partie
Photo 1. Maquette RATP, vue de la maquette qui reproduisait le fameux
d’ensemble, publiée dans La Vie du viaduc de Passy de la ligne 6, soit une
Rail du 13 octobre 1963 (source : RATP). dizaine de mètres de longueur, exposée
dans les locaux de la RATP jusqu’en 2010.
Le reste de la maquette est stocké dans de
très mauvaises conditions dans une sous-
station désaffectée.
travaux engagés pour la reconstruction d’Auber étonne par ses proportions. Elle
de la gare. Il s’est agi d’envisager les constitue un monde souterrain, à part du
réseau métropolitain classique apparenté politiques (guerre, changements de
à un tramway souterrain. Il s’agissait gouvernement, orientations stratégiques
pour les concepteurs de répondre à un de la SNCF, etc.). Une des raisons de sa
programme novateur pour l’époque, avec persistance se trouve dans la formation
une certaine rupture d’échelle mêlant des intellectuelle des hommes aux commandes.
contraintes d’usages et des considérations Les principales personnalités chargées de
d’aménagement intérieur. Pour cela, des la conception des gares (Raoul Dautry,
principes et théories seront appliqués Urbain Cassan, Paul Peirani, Jean-Marie
pour donner à l’ensemble une dimension Duthilleul et Étienne Tricaud, mais aussi
architecturale utile à l’homme. Dans tous les présidents successifs de la SNCF)
l’optique de cette rupture d’échelle et de sont toutes issues de l’École polytechnique
vitesse, s’est mise en place une esthétique et ont, les unes après les autres, fait évoluer
tout d’abord commune à toutes les gares et perdurer pendant près d’un siècle
puis interprétée par l’équipe d’Auber. Cette ce modèle qui tend, de nos jours, à se
étude permet également de comprendre la libéraliser. Leur pensée, notamment héritée
position des différents acteurs ayant conçu de l’idéologie saint-simonienne, constitue
la gare et d’affiner le rôle de l’architecte et l’essence des gares françaises.
des designers dans la conception d’Auber.
1920 et 1980, et montre que s’il existe chemin de fer en s’appuyant sur l’exemple
aujourd’hui un monopole de maîtrise de la Compagnie des chemins de fer du
d’œuvre plus ou moins détenu par l’État, Nord. À la fois créateur d’images et sujet
c’est parce que les décisions politiques des images, le Chemin de fer du Nord fait
de l’entre-deux guerres ont institué une l’objet d’une riche production depuis le
nouvelle culture relative aux gares. L’esprit milieu du XIXe siècle. L’étude s’intéresse aux
162 •
de cette culture a été transmis et a évolué gravures sur bois présentes dans la presse,
au fil des générations et des événements mais aussi dans les guides touristiques,
aux photographies commandées par le des régions Auvergne-Rhône-Alpes et
président de la compagnie, aux gravures Occitanie et a montré en quoi les lignes
techniques présentes dans les notices interrégionales de dessertes fines du
d’expositions universelles et aux affiches. territoire entre les régions Auvergne-
Ces quatre supports pouvant être très Rhône-Alpes et Occitanie sont révélatrices
souvent étudiés en regard les uns des autres, des enjeux de territoire actuels en matière
ils permettent de mettre en exergue certains de transports gravitant autour d’elles.
aspects du voyage, ses conséquences, sa Ce travail vise à mieux comprendre les
perception et la mise en image de tout cela. interactions entre les différents acteurs
Les matériaux des œuvres constituant le qui composent ce réseau de transport. Il
corpus ainsi que le début de la chronologie s’agit avant tout de mettre en lumière les
permettent d’aborder avec un nouvel angle évolutions subies ou à venir par ces lignes
le phénomène ferroviaire. De nombreuses en termes d’infrastructures et d’offres de
thématiques ont déjà été étudiées pour la dessertes dans des territoires de faible
fin de siècle mais en les transposant dès le densité au prisme de la régionalisation.
milieu du XIXe siècle et en tenant compte Pour cela, l’étude tente d’énumérer quels
d’images issues de l’art dit « mineur », il sont les enjeux qui concernent ces lignes et
s’agit de donner une nouvelle perspective. si des logiques d’investissements émanent
Ainsi, ce sujet offre l’étude d’une multitude de la mise en œuvre des politiques menées
de supports majoritairement issus d’un par ces différents acteurs au plan régional
art qui a été moins étudié, laissant dans et interrégional.
l’ombre une part de l’approche du train
et de son appréhension par le public de Par ailleurs, deux boursiers, soutenus par
l’époque. Ce travail propose également Rails & histoire les années précédentes, ont
deux volumes d’un très riche catalogue récemment soutenus leur thèse de doctorat.
thématique et commenté.
Le 2 juillet 2019, Matthieu SCHORUNG
a présenté ses travaux sur « Le transport
ferroviaire de passagers aux États-Unis
entre conflictualités institutionnelles,
processus de territorialisation et ancrage
métropolitain ». Cette thèse peut être
consultée en ligne. : https://tel.
archives-ouvertes.fr/tel-02197401v1
Pierre SOULIÉ, dans son mémoire de Tous ces travaux sont conservés et peuvent
163 •
Depuis quelques mois, grâce au soutien de notre mécène, SNCF, nous travaillons sur
un projet de podcasts portant sur l’évolution des anciens lieux ferroviaires. En écoutant
ces podcasts, nous embarquons pour un voyage sur d’anciens sites reconvertis et ayant
aujourd’hui une nouvelle activité.
Nous souhaitons développer ce concept et Rails & histoire a fait du son l’une de ses
créer de nouveaux podcasts, et pour cela spécialités depuis le début des années
nous avons besoin de vous. Com- 2000 avec des collectes d’archives orales
ment participer à l’aventure ? C'est très portant sur les métiers du rail, RFF ou en-
simple : core la Seconde Guerre mondiale. Ces
• Si vous avez une âme de chercheur, vous travaux ont notamment débouché sur la
pouvez nous aider en vous déplaçant sur création de corpus très riches et ont permis
les sites et dans les centres où des archives la réalisation de l’exposition Voix chemi-
sont conservées afin de créer un dossier notes. Une histoire orale des années 1930
documentaire nous permettant d’écrire à 1950, présentée aux Archives nationales
l’épisode et de documenter le lieu. en 2015. Il était une voie… s’inscrit dans la
• Si votre plume est aiguisée, vous pou- tradition orale de notre association, tout en
vez nous aider à rédiger le scénario des explorant les médias contemporains.
podcasts.
• Si vous ou quelqu’un de votre entourage : https://www.ahicf.com/post/ecoutez-le-
a travaillé sur l’un des sites envisagés ou premier-episode-de-notre-podcast-il-etait-une-
a une histoire particulière avec l’un de voie
ces sites, participez aux podcasts en nous
confiant votre témoignage.
• Si vous avez en tête ou près de chez
vous, des lieux ayant eu plusieurs vies dont
une en lien avec le chemin de fer, n’hésitez
pas à nous contacter. Plusieurs sites sont
envisagés pour les prochains podcasts :
IL ÉTAIT UNE VOIE...
Ce volume de La Revue d’histoire des chemins de fer, intitulé « 180 ans d’histoires ferroviaires »
permet de retrouver les textes des conférences qui avaient été données à l’occasion du Train de
l’innovation, organisé par la SNCF pour célébrer ses 80 ans, à l’automne 2018, par des membres
du comité scientifique de Rails & histoire et des chercheurs invités. Des transports parisiens au
tramway lyonnais, du Réseau breton à la ligne Paris-Toulouse, de la liaison ferroviaire transmanche
à la régionalisation des transports dans le Massif central, c’est à une (re)découverte des réseaux
ferrés que vous invite ce numéro.
Carolyn DOUGHERTY