Revue française d’allergologie 60 (2020) 452–453
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Éditorial
Allergologie de l’enfant et de l’adolescent : présent et perspectives
Allergies in children and teenagers: Today and tomorrow
Il y eut des allergiques célèbres : le pharaon Ménès, Britannicus,
Marcel Proust ; des tentatives de désensibilisation (ou accou-
tumance) : Mithridate. Plus près de nous des grands cliniciens,
fins observateurs : Charles Harrisson Blackley (1820–1909), Richet
(1850–1935) et Paul Portier (1866–1962), John Bostock, et d’autres.
À notre connaissance, c’est Jerome Glaser qui écrivit en 1956 le
premier ouvrage sur l’allergie chez l’enfant [1].
Déjà avant la 1re guerre mondiale on connaissait l’anaphylaxie
avec les études et découvertes de Charles Richet (1850–1935) et
de Paul Portier (1866–1962), et celle de Nicolas Mayurice d’Arthus
en 1903. Le mot allergie naît en 1906 avec Clemens von Pir-
quet (1874–1929) et Béla Schick (1874–1929). Le premier essai de
désensibilisation (aux pollens) est effectué en 1911 par Leonard
Noon et John Fremann. La première clinique d’allergie est créée à
New York en 1919 Robert Cooke et Arthur A. Coca.
Cependant, le mot allergie reste sous-employé, particulière-
ment en pédiatrie. En 1922, dans la troisième édition de son ouvrage
destiné aux médecins, L’Enfant et son Médecin, le pédiatre Albert
B. Ball (Maloine et fils éditeurs), le mot allergie n’existe pas. On
décrit l’asthme, le rhume (associé à l’asthme) des foins, l’eczéma
et certains de ses liens avec l’alimentation, une anaphylaxie à
l’œuf à peine cuit, une intolérance pour le lait maternel et ani-
mal pour laquelle sont proposées des injections sous-cutanées
de lait humain aseptique, de lait de vache stérilisé ou chauffé à
110 ◦ C pendant 10 min. On évoque quelques liens entre le nez et
les bronches et entre le nez et les conjonctives oculaires. L’auteur
insiste sur la nécessité de suivre l’enfant jusqu’à l’âge adulte, car
il existe une possibilité d’évolution vers « l’emphysème et ses
suites ». Ce sont là des pistes, certes, mais encore imprécises, juste
évoquées.
Après la deuxième guerre mondiale sont découverts l’histamine,
les autres médiateurs des réactions allergiques immédiates et
retardées, les premiers antihistaminiques. Depuis cette époque
s’enchaînent et ne cesseront de progresser les découvertes fon-
damentales que sont les immunoglobulines E (IgE), les réactions
immunitaires locales et systémiques où se renforcent en un
cercle vicieux l’immunité acquise et l’immunité innée. On analyse,
dissèque les messages plus ou moins nocifs (plus rarement pro-
tecteurs) envoyés par les lymphocytes et leurs sous-populations
et, plus généralement, par les cellules de l’inflammation. Paral-
lèlement se développent les études de cohortes qui prennent
leur début dès la conception de l’enfant — et même avant celle-
ci — jusqu’à l’âge adulte. On insiste sur les liens entre génétique,
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épigénétique et environnement. L’exposome (pollutions exté-
rieures, intérieures, respiratoires, digestives, cutanées, infectieuses,
médicamenteuses). Le(s) microbiome(s) deviennent des sujets
de préoccupations universels. Bien évidemment l’allergologie
pédiatrique est directement impliquée, d’autant que dès sa
conception l’enfant est soumis aux changements climatiques, aux
modifications de la société et des modes de vie (urbanisation,
industrialisation). On estime que dans le monde un milliard d’êtres
humains sont allergiques ; ils pourraient être 4 milliards en 2050.
On estime encore que 4,5 % des adultes et 11 % des enfants sont
asthmatiques. Dans certains pays occidentaux l’allergie alimentaire
— avec son risque d’anaphylaxie — frappe 10 % de la population et
surtout les enfants ; la Chine et l’Afrique se rapprochent de ces
chiffres.
Pour prendre en charge les patients allergiques il faut et il faudra
des structures, des laboratoires, des scientifiques, des cliniciens, des
allergologues. La Société française d’allergologie (SFA) ne sera créée
qu’en 1947 à l’instigation de Louis Pasteur-Valléry-Radot, Réné
Wolfrom, Paul Blamoutier, Bernard Halpern et Jacques Charpin.
L’allergologie est une discipline transversale tissant des liens
étroits avec les différentes spécialités et surspécialités de la méde-
cine d’adulte et de la pédiatrie. Un aspect de l’allergologie est
essentiel : le caractère déterminant des toutes premières étapes
de la vie Or l’allergologie pédiatrique, n’émerge qu’en 1948 quand
Jacques Sclafer, revenu des États-Unis (Rinkel et Rowe) fonde
la première consultation d’allergie pédiatrique à l’hôpital des
enfants malades de Paris. Puis survient l’étape décisive où entre
les hôpitaux Saint-Vincent de Paul et Necker enfants malades, avec
les professeurs Maurice Lelong, Jacques Vialatte et Jean Paupe,
est fondé le premier service hospitalo-universitaire d’allergologie
infantile. Depuis l’allergologie pédiatrique a fertilisé toute la France
et la Francophonie à laquelle nous tenons et devons tant.
L’allergologie associe de manière indissoluble esprit scientifique
et éthique. Les outils de l’informatique, de l’intelligence artificielle,
acteurs relativement nouveaux devront nous inciter avec encore
plus de force respecter l’individu et en particulier l’enfant, par défi-
nition plus vulnérable. Les allergologues ont un devoir de vigilance
vis-à-vis des changements d’environnement pour mieux protéger
les populations, les individus, et pour mieux cibler les thérapeu-
tiques. À cet égard l’allergologie de précision se dessine grâce à
l’essor de la biologie moléculaire, des biomédecines, des technolo-
gies de l’information, de l’e-médecine, des « Big Data », de l’étude
des « omics ». Le passage des phénotypes aux endotypes se fait sous
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nos yeux et se poursuivra après nous. Les changements de relations
médecins-malades sont en cours [2–5].
L’allergologie pédiatrique intègre cette éruption de connais-
sances pour analyser et tenter d’infléchir des processus patholo-
giques ultra-précoces, pour préserver, restaurer l’équilibre familial,
scolaire, professionnel, social. Pour réduire les facteurs de stress
aussi bien chez l’enfant que chez sa mère. On continue aussi à espé-
rer des progrès dans la prévention primaire. Les prochaines années
seront passionnantes en gardant dans notre esprit qu’il n’est pas de
science sans conscience ni d’efficacité sans éthique.
On doit se féliciter que la spécialité d’allergologue soit
— enfin — reconnue. Mais pourquoi et comment a-t-il fallu attendre
2019 pour « découvrir » le caractère indispensable de l’allergologie
et donc des allergologues ?
Il n’est pas possible de terminer cette revue sans remercier les
rédacteurs de la revue qui ont eu l’idée de composer ces numéros
de la Revue Française d’Allergologie dédiés aux « Allergies de l’enfant
et de l’adolescent ». Les lecteurs trouveront un large panorama des
problèmes actuels que pose cette surspécialité pédiatrique qui offre
bien de points communs avec sa sœur jumelle : la Pneumologie de
l’enfant et de l’adolescent.
Déclaration de liens d’intérêts
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
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Références
[1] Glaser J. Allergy in childhood, 1. Springfield, Illinois, USA: Charles C. Thomas;
1957 [530 pages].
[2] Agache I, Annesi-Maesano I, Bonertz A, Branca F, Cant A, et al. Prioritizing
research challenges and funding for allergy and asthma and the need for trans-
lational research – The European strategic forum on allergic diseases. Allergy
2019;74(11):2064–76.
[3] Cianferoni A, Annesi-Maesano I. Precision medicine in atopic diseases. Curr Opin
Allergy Clin Immunol 2019;19(6):654–64.
[4] Matricardi PM, Dranburg S, Alvarez-Perea A, et al. The role of mobile
health technologies on allergy care: an EAACI position paper. Allergy 2019,
http://dx.doi.org/10.1111/all.13953.
[5] Just J, Deschildre A, Lejeune S, Amat F. New perspectives of childhood asthma
treatment with biologics. Pediatr Allergy Immunol 2019;30:159–71.
P. Scheinmann
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Reçu le 21 janvier 2020
Accepté le 23 janvier 2020
Disponible sur Internet le 20 mars 2020