04/11/2023 02:04 François Ruffin: «La voix de la France a perdu son indépendance»

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François Ruffin: «La voix de la France a perdu son indépendance»
Par Pierre Lepelletier et Guillaume Tabard
Publié le 25/10/2023 à 20:44,
Mis à jour le 26/10/2023 à 10:40

François Ruffin est député LFI de la Somme. François BOUCHON /François Bouchon / Le Figaro

ENTRETIEN - Le député LFI prend encore ses distances avec Jean-Luc Mélenchon et assume de
vouloir «travailler pour préparer la suite».

LE FIGARO. - Que pensez-vous de la proposition d’Emmanuel Macron d’engager une coalition internationale
contre le Hamas?

François RUFFIN. - Il y a d’abord un point que je partage avec le président de la République: la priorité absolue mise sur
la libération des otages. Cet objectif doit réunir toute la nation. Sur la coalition contre le Hamas, en revanche, c’est de
l’amateurisme, de l’improvisation, une décision faite dans une splendide solitude. De quoi s’agit-il? D’une intervention
militaire de la France dans la bande de Gaza? Avec quels alliés? Qui peut croire que les pays arabes vont s’y rallier? On
est dans un grand flou. Le président devrait être un point d’appui pour notre diplomatie. Il est aujourd’hui un boulet,
derrière le Quai d’Orsay doit ramasser les pots cassés.

Quels sont les intérêts de la France? Libérer les otages, éviter l’embrasement de la région, et aussi retrouver une voix
forte. Or, regardez: au début du siècle, la France était le pays le plus populaire dans les capitales du Sud. Aujourd’hui,
Macron est accueilli par des manifestations, d’autres se déroulent devant nos ambassades, son portrait est brûlé.
Pourquoi? Parce que notre voix a perdu son indépendance, son équilibre. Le chef de l’État devrait évoquer la tragédie en
cours dans la bande de Gaza, comme il a dénoncé les horreurs du Hamas, plaider pour un cessez-le-feu immédiat, en
appeler à la fin des colonies en Cisjordanie.

Considérez-vous, contrairement à beaucoup d’Insoumis, le Hamas comme une organisation terroriste?

C’est une organisation qui pratique le terrorisme, avec un discours islamiste, qui veut la fin de l’État d’Israël et même la
fin des Juifs. Et ses attentats doivent être condamnés avec la plus grande fermeté.

Faut-il tout faire pour éliminer le Hamas?

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C’est l’autre erreur, majeure, du président: opérer une confusion entre Daech et le Hamas. Le Hamas n’est pas né de la
foi religieuse, mais d’un sentiment national écrasé. Or, on ne peut éradiquer un désir de patrie par la force. Le Hamas
commet des atrocités, a tout fait pour miner le processus de paix. C’est aussi un mouvement qui a été aidé, financé par
des gouvernements israéliens, qui s’est présenté à des élections et les a remportées, qui perçoit officiellement des fonds
qatariens. C’est donc une organisation terroriste, et, que ça nous plaise ou non, c’est aussi autre chose.

Comme Jean-Louis Bourlanges à la tribune de l’Assemblée, je demande une clarification des buts de guerre: détruire les
infrastructures militaires du Hamas? Évidemment. Mais s’agit-il d’éliminer ses 30.000 sympathisants? De faire fuir des
millions de Gazaouis? Ça, ce n’est pas possible, ce n’est pas souhaitable. La seule chose qui puisse tuer le Hamas, ce
ne sont pas des bombes: c’est l’espoir. C’est un processus politique. Chacun le sait: la sécurité passera par la paix.

La seule chose qui puisse tuer le Hamas, ce ne sont pas des bombes: c’est l’espoir.
C’est un processus politique. Chacun le sait: la sécurité passera par la paix.
François Ruffin

Jugez-vous que la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, a «encouragé le massacre» en se rendant en

Israël, comme l’a dit Jean-Luc Mélenchon?

Se rendre aujourd’hui en Israël, et ne pas tirer la sonnette d’alarme sur la catastrophe en cours à Gaza, c’est donner un
blanc-seing au gouvernement Netanyahou. La France doit être un garde-fou, une corde de rappel. Être ami d’Israël, c’est
partager la douleur de son peuple, mais c’est aussi retenir ses dirigeants contre une revanche aveugle, contre la
démesure de la puissance, contre des humiliations qui entraîneront d’autres drames. Comme humaniste, les civils pris
pour cibles, qu’ils habitent Réim ou Gaza, c’est inacceptable. Le double standard, le deux poids, deux mesures, nous
rend inaudibles: une vie vaut une vie. Les larmes d’une mère israélienne valent les larmes d’une mère palestinienne.
C’est un principe moral, mais aussi géopolitique.

Après le drame d’Arras, comment lutter efficacement contre les terroristes islamistes?

Il y a encore des points aveugles dans la lutte contre le terrorisme islamiste. Par exemple, sur les prisons où des détenus
non radicalisés à leur entrée le sont à leur sortie. De lieux de prévention, les prisons deviennent des lieux de diffusion du
djihadisme.

J’exprime une voix libre, comme journaliste hier, comme député aujourd’hui, j’y
tiens. Je ne crois pas aux deux gauches irréconciliables, et encore moins au sein de
La France insoumise
François Ruffin

Vous considérez-vous comme un frondeur Insoumis?

J’exprime une voix libre, comme journaliste hier, comme député aujourd’hui, j’y tiens. Je ne crois pas aux deux gauches
irréconciliables, et encore moins au sein de La France insoumise. Un mouvement, qui souhaite être majoritaire,
gouverner un pays comme la France, s’enrichit par la diversité de ses pensées, de ses personnalités, pour épouser les
aspirations des Français.

La Nupes semble au point mort. Croyez-vous encore au rassemblement de la gauche pour 2027?

La situation va se décanter. Et il existe un désir d’union, très profond, dans le peuple de gauche. Je fais le pari que, dans
les moments clés, la gauche saura se rassembler, y compris pour l’élection présidentielle. Il faut garder ce cap, malgré
les bris de vaisselle.

Nombreux à gauche sont ceux qui considèrent que Jean- Luc Mélenchon, par ses prises de position, empêche
l’union. Qu’en pensez-vous?

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Il faut se tourner vers l’avenir et construire. Jean-Luc a dit, répété, que la présidentielle de 2022 était sa dernière
campagne, qu’il souhaitait être remplacé. Il nous dit: «Faites mieux», à nous de travailler pour préparer la suite, avec un
but: gagner.

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