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Chapitre II.

La troisième République du Sénégal

Section I. Le présidentialisme à outrance libéraliste


L’alternance survenue le 19 mars 2000 va donner naissance à la 3ème République du Sénégal,
avec la nouvelle constitution est adoptée par référendum le 7 janvier 2001.
Cette nouvelle constitution maintient la prééminence du président de la République. Ce dernier
voit d’ailleurs ses prérogatives renforcées. Avec la nouvelle constitution, le Sénégal est
demeuré un État unitaire doté d’un régime politique dont la nature est fortement controversée.
Alors que pour certains il s’agit d’un régime présidentiel, d’autres soutiennent qu’il s’agit d’un
régime parlementaire rationalisé, alors que d’autres encore pensent qu’il s’agit d’un régime à
aspiration parlementaire mais à inclinaison présidentielle. Cette controverse n’est pas fortuite.
Elle résulte du fait que dans le régime sénégalais, on retrouve à la fois des éléments du régime
parlementaire et du régime présidentiel.
Le souci de simplifier la présentation du régime politique sénégalais a conduit certains à parler
de régime mixte.

Paragraphe I. L’aménagement des pouvoirs


A. Le maintien d’un exécutif bicéphale
1. L’hypertrophie des pouvoirs du président de la République
Le Président de la République est élu au suffrage universel direct et au scrutin majoritaire à
deux tours. La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans. Le mandat est
renouvelable une seule fois.
Le Président de la République est installé dans ses fonctions après avoir prêté serment devant
le Conseil constitutionnel en séance publique.
Le Président de la République est le gardien de la Constitution. Il est le premier Protecteur des
Arts et des Lettres du Sénégal. Il incarne l’unité nationale. Il est le garant du fonctionnement
régulier des institutions, de l’indépendance nationale et de l’intégrité du territoire. Il détermine
la politique de la Nation. Il préside le Conseil des Ministres.
Le Président de la République nomme aux emplois civils. Le Président de la République est
responsable de la Défense nationale. Il préside le Conseil supérieur de la Défense nationale et
le Conseil national de Sécurité. Il est le Chef suprême des armées : il nomme à tous les emplois
militaires et dispose de la force armée. Le Président de la République nomme le Premier
ministre et met fin à ses fonctions. Sur proposition du Premier ministre, le Président de la
République nomme les Ministres, fixe leurs attributions et met fin à leurs fonctions.

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2. Un gouvernement docile
Le Gouvernement comprend le Premier ministre, chef du Gouvernement, et les Ministres. Le
Gouvernement conduit et coordonne la politique de la Nation sous la direction du Premier
ministre qui est responsable devant le Président de la République et devant l’Assemblée
nationale.
Le Premier ministre joue un rôle très secondaire par rapport au Président de la République. Il
procède davantage d’une logique de déconcentration des prérogatives du Président de la
République que d’un partage des pouvoirs au sein de l’exécutif. Le Premier ministre exerce
ainsi la plupart de ses prérogatives en rapport avec le Président de la République.

B. D’un parlement monocaméral (Constitution de 2001) à un parlement bicaméral


(Révision de 2007)
Le titre VI de la constitution est consacré à l’Assemblée nationale. Mais la révision de 2007 a
réintroduit le bicaméralisme.
1. Le parlement monocaméral : L’Assemblée nationale
L’Assemblée représentative de la République du Sénégal porte le nom d’Assemblée nationale.
Ses membres portent le titre de député à l’Assemblée nationale.
Les députés à l’Assemblée nationale sont élus au suffrage universel direct. Leur mandat est de
cinq ans. Il ne peut être abrégé que par dissolution de l’Assemblée nationale. Leur nombre est
réduit à 120 (d’abord de 120 à 140 par l’amendement Niadiar SENE). La nouveauté est que
Tout député qui démissionne de son parti en cours de législature est automatiquement déchu de
son mandat.
Toujours dans un souci de discipliner l’Assemblée nationale, Les propositions et amendements
formulés par les députés ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence,
soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge
publique, à moins que ces propositions ou amendements ne soient assortis de propositions de
recettes compensatrices. Le sénat qui était créé par la loi no98-11 du 2 mars 1998 portant
révision de la Constitution a été supprimé dans la nouvelle constitution de 2001. L’Assemblée
nationale vote seule la loi.
2. Le bicaméralisme (Révision 2007)
Le bicaméralisme est réintroduit par la loi constitutionnelle no 2007-06 du 12 février 2007
créant un sénat. L’Assemblé nationale et le sénat deviennent les assemblées représentatives de
la République du Sénégal.
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a. L’Assemblée nationale
Les pouvoirs de l’Assemblée nationale ne changent pas. Cependant, certains de ses pouvoirs
constitutionnels sont étendus au Sénat. Il en est ainsi de la consultation du Président de
l’Assemblée nationale en matière de référendum, de son rôle dans la mise en œuvre des
pouvoirs exceptionnels, du pouvoir de ses membres de saisir le Conseil constitutionnel d’un
recours visant à faire déclarer une loi inconstitutionnelle, de la possibilité d’être destinataire des
messages du Président de la République, de la participation de ses membres à la Haute Cour de
Justice, de sa participation à la révision de la Constitution.
b. Le sénat

Le Sénat est mis en place une première fois le 24 janvier 1999, sous le régime du président
Abdou Diouf, dans le cadre de sa politique de décentralisation. Sa création était officiellement
liée au prolongement de la régionalisation en assurant la représentation des collectivités locales.
Il comprend 60 sénateurs, dont 45 sont élus par des membres de l'Assemblée nationale et des
représentants des collectivités locales. 12 sont désignés par le président de la République et les
3 autres sont élus par les Sénégalais résidant à l'étranger. La majorité des partis d'opposition
n'approuvent pas cette création et lancent un mot d'ordre de boycott. Pour l'opposition d'alors
le Sénat n'avait pas sa raison d'être, elle n'y voyait qu'un moyen pour le parti au pouvoir d'asseoir
sa clientèle politique.

C'est la raison pour laquelle le constituant de 2001 ne l'avait pas repris parmi les institutions
républicaines. En effet, en 2001, le sénat est supprimé pour des raisons d'économies, à la suite
d'un référendum constitutionnel organisé le 7 janvier 2001, sous la présidence d'Abdoulaye
Wade.

Cependant cette vision du constituant va changer quelques années plus tard car une révision
constitutionnelle relative au retour du Sénat sera effectuée en mai 2007, il sera rétablit par la loi
constitutionnelle n° 2007-06 du 12 février 2007 que le Sénat réintègre les institutions
républicaines du Sénégal. Son retour est justifié par les mêmes motifs qui avaient présidés à
son instauration en 1998 : renforcer la décentralisation par la représentation des collectivités
locales au Sénat mais également de représenter les sénégalais de l'extérieur. Ainsi, le parlement
devient bicaméral.

Fin août 2012, le nouveau président de la République, Macky Sall annonce son intention de
supprimer le Sénat, tenu par l'ancien parti au pouvoir, le Parti démocratique sénégalais, pour

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allouer le budget de la chambre à lutter contre les inondations qui sévissent alors dans le pays.
Rejeté par le Sénat le 14 septembre, le projet est approuvé par le Parlement réuni le 19
septembre avec effet immédiat.

C. Les rapports entre les pouvoirs entre l’exécutif et le législatif : le maintien de la


collaboration
Ils sont caractérisés par leur déséquilibre en faveur de l’exécutif. L’assemblée ne peut renverser
le gouvernement qu’après un vote à la majorité absolue, alors que le régime de dissolution de
l’Assemblée par le président de la république n’est plus lié au vote d’une motion de censure.
Le président peut le faire à tous moment.
En outre, Le Président de la République et le gouvernement bénéficie du droit d’amendement.
Les amendements du Président de la République sont présentés par le Premier ministre et les
autres membres du Gouvernement.
1. La responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale
L’Assemblée nationale peut renverser le gouvernement soit par le rejet d’une question de
confiance soit par le dépôt d’une motion de censure.
En effet, lorsque le Gouvernement pose une question de confiance sur son programme ou une
déclaration de politique générale, en cas de réponse négative à la majorité absolue des suffrages
exprimés, le Gouvernement doit démissionner. Aussi par le dépôt d’une motion de censure par
un dixième des députés adoptée à la majorité absolue des membres de l’Assemblée : le
Gouvernement est alors renversé.

2. La dissolution de l’Assemblée nationale


Le Président de la République peut, après avoir recueilli l’avis du Premier ministre et celui du
Président de l’Assemblée nationale, prononcer, par décret, la dissolution de l’Assemblée
nationale. Toutefois, la dissolution ne peut intervenir durant les deux premières années de
législature.
Mais le droit de dissolution n’est plus subordonné au vote d’une motion de censure. Le décret
de dissolution fixe la date du scrutin pour l’élection des députés. Le scrutin a lieu soixante jours
au moins et quatre-vingt-dix jours au plus après la date de la publication dudit décret.

D. L’intégration du CRAES dans les institutions de la République


Loi n° 2003-15 du 19 juin 2003 a créé un Conseil de la République pour les affaires
économiques et sociales comme institution de la République après le gouvernement.

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Le Conseil de la République pour les Affaires économiques et sociales constitue, auprès des
pouvoirs publics, une assemblée consultative. Il est consulté par les pouvoirs publics et peut,
de sa propre initiative, émettre un avis sur l’ensemble des questions d’ordre social, économique
et culturel intéressant les différents secteurs de la Nation. Le Conseil de la République pour les
Affaires économiques et sociales favorise par son activité, une collaboration harmonieuse entre
les différentes communautés et les différentes catégories sociales et professionnelles du
Sénégal. En cas de conflit social, il peut être saisi pour proposer des solutions.
Paragraphe II. L’évolution partisane et la conquête du pouvoir
A. Le système des coalitions
La constitution de 2001 prévoit que « Toute candidature, pour être recevable, doit être présentée
par un parti politique ou une coalition de partis politiques légalement constitués ou être
accompagnée de la signature d’électeurs représentant au moins dix mille inscrits domiciliés
dans six régions à raison de cinq cents au moins par région.
Le système des coalitions a favorisé la multiplication des partis politiques au Sénégal mais aussi
le phénomène de la transhumance politique. En effet, l’aspect le plus marquant du système
partisan sénégalais est la croissance vertigineuse des partis politiques qui sont contraints d’aller
vers de grandes coalitions pour participer à des élections (coalition Alternance 2000, Cap 21
[convergence des actions autour du Président en perspectives du 21 e siècle et CPC [cadre
permanent de l’opposition démocratique].
B. La reconnaissance d’un statut de l’opposition
La Constitution garantit aux partis politiques qui s’opposent à la politique du Gouvernement le
droit de s’opposer. La loi définit leur statut et fixe leurs droits et devoirs. L’opposition
parlementaire est celle qui est représentée à l’Assemblée nationale par ses députés.

Le statut concerne les droits et devoirs de l’opposition et de son chef. Il s’agit de la


représentation paritaire dans le bureau de l’Assemblée nationale, d’un même temps de parole à
l’opposition et à la majorité à l’Assemblée nationale quel que soit le rapport de force, de l’égal
accès de l’opposition et du pouvoir aux médias publics, etc.

Cependant, quand on parle de statut de l’opposition au Sénégal on pense plus au chef de


l’opposition. Ce qui entraine des confusions et des tiraillements entre partis de l’opposition.
Cela ramène la question du statut de l’opposition à des prétendus privilèges en négociation.

C. Un système électoral non consensuel

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Le code consensuel de 1992 ne va pas résister au régime de 2001. En effet, le régime libéral va
plusieurs fois manipuler le système électoral sénégalais.
La première manipulation était de reporter les élections locales. Alors que les élections locales
devaient se tenir le 24 novembre 2001, il choisit de les repousser pour bien se préparer à
récupérer un pouvoir local entre les mains de la nouvelle opposition depuis le 24 mai 1996 (loi
Moussa SY).
L’autre report portera finalement la proposition de loi n° 08/2008 portant prorogation et
renouvellement du mandat des conseillers régionaux, municipaux et ruraux élus le 12 mai 2002,
aux motifs que l’Assemblée nationale vient d’adopter le projet de loi portant création des
nouvelles régions de Sédhiou, Kaffrine et Kolda pour corriger les «disparités et incohérences
territoriales», ce qui rend impossible l’organisation des élections à date échue si on doit prendre
en compte ces nouvelles circonscriptions (Loi Aminata TALL).
La deuxième était de coupler les élections présidentielles et législatives. L’opposition a saisi le
conseil constitutionnel qui a décidé en sa faveur. Finalement le parti au pouvoir décida de
reporter les législatives au 3 juin 2007 et d’organiser les élections présidentielles le 25 février
2007. Il installation de délégations spéciales dans toutes les collectivités locales jusqu’au 12
mai 2002, mettant fin par conséquent au règne socialiste local. Voici le fameux «Amendement
Moussa Sy ».
La dernière manipulation c’est la révision constitutionnelle de 2008 qui fait revenir le
quinquennat pour la durée du président de la République. Désormais, « la durée du mandat du
président de la République est de sept ans ». Cette révision constitutionnelle est à l’origine du
débat conflictuel sur la candidature pour un troisième mandat de Abdoulaye WADE. Le conseil
constitutionnel ayant finalement tranché en sa faveur.

D. Les crises politiques du système libéral : le Ticket présidentiel et la naissance du


M23

Le 16 juin 2011, un projet de loi adopté en Conseil des ministres ébranle le Sénégal. Ce projet
établit à 25 % le seuil minimum de voix nécessaires pour élire, dès le premier tour, un « ticket
présidentiel » composé d’un président et d’un vice-président. Cette révision constitutionnelle
allait permettrait à Abdoulaye Wade de se maintenir au pouvoir lors de la présidentielle prévue
en février 2012. Mais surtout le projet avait pour but de permettre à Karim, fils de Abdoulaye
WADE de lui succéder, s’il venait à démissionner avant que son mandat n’arrive à terme.

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Les sénégalais hostiles à ce projet se sont mobilisés avec comme mot d’ordre « Touche pas à
ma Constitution ! ». Cette mobilisation populaire a pris une ampleur inédite. En effet, des
manifestations spontanées se sont déroulées un peu partout dans le pays, mais surtout devant
l’Assemblée nationale où le mouvement du groupe « Y en a marre », l’opposition, la société
civile, les imans, les jeunes se sont tous réunis avec un seul slogan à la bouche « non au viol de
la constitution ».

Ce 23 juin 2011, Abdoulaye Wade renonce in extremis à son projet de loi, qui devait être
présenté le jour même devant une Assemblée nationale encerclé par la foule, mais décide tout
de même de briguer un troisième mandat.

Après la journée de répression vécue lors des mobilisations contre le vote du projet de loi relatif
au ticket présidentiel et au quart bloquant, les principaux leaders de l’opposition et de la société
civile jugent nécessaire de maintenir la pression sur le clan des Wade. Sous la direction du
président de la Rencontre Africaine des Droits de l’homme (RADDHO), Alioune Tine, ces
différents leaders d’opinion se réunissent aujourd’hui, 25 juin 2011, et mettent en place le M23 :
Mouvement du 23 juin.

Paragraphe III. La seconde alternance démocratique

Au premier tour des élections présidentielles du 26 février 2012, Macky Sall, arrive en seconde
position, et doit se présenter au second tour avec Abdoulaye WADE arrivé en première position.
Au second tour, tous les candidats de l’opposition ont décidé de soutenir Macky SALL. Fort de
ce soutien et avec la détermination des sénégalais à en finir avec Abdoulaye WADE, Macky
SALL l’emporta finalement avec 65,80% des suffrages contre 34,20% pour le président sortant.
Trois leçons peuvent être tirées de cette seconde alternance démocratique au Sénégal :
- la dévolution monarchique du pouvoir est impossible au Sénégal ;
- le ndigueul, consigne de vote d’un chef religieux à ses disciples, n’est plus décisif ;
- l’émergence d’une société civile forte, vigilante et engagée.
La seconde alternance marque la fin du régime du pape du SOPI et l’accession au pouvoir de
son ancien premier ministre.

Section II. Le système politique sénégalais aujourd’hui

Le 25 mars 2012, Macky SALL est devenu la quatrième président de la République du Sénégal,
succédant ainsi Abdoulaye. Dès son installation au pouvoir, il entame des réformes politiques
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et administratives considérées par certains comme étant des manœuvres politiques en vue de
garder le pouvoir.

Paragraphe I. L’aménagement des pouvoirs

A. D’un exécutif bicéphale à un exécutif monocéphale

Macky SALL a effectué son premier mandat à la tête de l’Etat conformément au bicéphalisme.

Il est le gardien de la Constitution et le garant du fonctionnement régulier des institutions, de


l’indépendance nationale et de l’intégrité du territoire. Il nomme aux emplois civils. Le
Président de la République est responsable de la Défense nationale. Il préside le Conseil
supérieur de la Défense nationale et le Conseil national de Sécurité. Il est le Chef suprême des
armées : il nomme à tous les emplois militaires et dispose de la force armée. Il nomme le
Premier ministre et met fin à ses fonctions. Sur proposition du Premier ministre, le Président de
la République nomme les Ministres, fixe leurs attributions et met fin à leurs fonctions.
Cependant, c’est le premier ministre qui dirige la politique de la Nation.
Mais après sa réélection, le 24 février 2012, Macky SALL modifie la constitution pour rétablir
le présidentialisme monocéphalisste. Selon la loi constitutionnelle de 2019 « instaure un régime
présidentiel caractérisé par un pouvoir exécutif rationnalisé, avec notamment la suppressiondu
poste de premier ministre. Il en résulte un réaménagement des rapports entre les pouvoirs
exécutif et législatif ».

Pour la troisième dans l’histoire politique du Sénégal, le président de la République est seul
maitre à bord de l’exécutif et n’est responsable que devant la nation. Cependant tous les
ministres et secrétaires sont placés sous l’autorité directe du président de la République. Il les
nomme, les révoque et fixe leurs attributs.

On assiste ainsi à une reconcentration des pouvoirs entre les mains du président de la
République obligé d’une certaine manière de s’appuyer sur le Secrétaire général de la
présidence de la République.

La suppression du poste de premier ministre a pour conséquence la suppression des moyens


d’action réciproques entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif.

B. Du retour au parlement monocaméral

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Réintroduit le 12 février 2007, le sénat est à nouveau supprimé en 2012 et laisser à l’Assemblée
nationale seule la représentation parlementaire et l’exercice du pouvoir législatif.

Le 29 août 2012, Macky Sall annonça son intention de supprimer le Sénat pour redéployer son
budget (8 milliards de F CFA) afin de lutter contre les inondations qui avaient fait de
nombreuses victimes au Sénégal. Cette décision sera exécutée dans la soirée du mercredi 12
septembre 2012, par les députés réunis en assemblée plénière afin de voter des projets de lois
très importants pour l’organisation des pouvoirs de la République. La loi supprimant le sénat
est adoptée à la majorité des présents. Cette mesure a été saluée par de nombreux sénégalais
qui ne voyaient qu’en cette institution un organe budgétivore car très couteux et inutile.

La suppression du sénat emporte deux conséquences. D’abord, la suppléance du président en


cas d’empêchement définitif revient au président de l’Assemblée nationale. Ensuite le droit
reconnu aux sénégalais de l’extérieur d’élire des députés à l’Assemblée nationale (Loi n o 2016-
10 du 5 avril 2016. Enfin la réforme de la Haute cour de justice chargée de juger les éventuels
ministres poursuivis dans le cadre des enquêtes sur les audits et l’enrichissement illicite
présumé appelle une lecture. En effet, après la suppression du Sénat, il s’est avéré nécessaire
d’adapter la composition de cette haute juridiction au monocaméralisme. Désormais, c’est
l’Assemblée nationale qui élit les huit juges titulaires et les huit juges suppléants.

C. L’inauguration de nouvelles institutions

Il s’agit principalement du Conseil économique et environnemental (CESE) et du Haut conseil


des collectivités territoriales (HCCT).

1. Du CES au CRAES en passant par le CESE

En 2012, le Président Macky Sall, par la loi n°2012-16 du 28 septembre 2012 portant révision
de la Constitution, supprime et remplace le Conseil économique et social par le Conseil
économique, social et environnemental.

Le conseil économique et social était d’abord remplacé par le Conseil de la République pour
les Affaires Economiques et Sociales institué en 2004, avant de revenir en 2008, après la
dissolution du CRAES par la loi organique n° 2008-38 du 3 août 2008.

Le Conseil Economique, Social et Environnemental est la deuxième assemblée


constitutionnelle du Sénégal. Il constitue, auprès des pouvoirs publics, une assemblée

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consultative et peut être saisi, par le Président de la République, l’Assemblée nationale ou le
Premier Ministre au nom du Gouvernement, de demandes d’avis ou d’études.

Composé des forces vives de la Nation, le CESE est un lieu de collaboration et de participation
des catégories socioprofessionnelles à la politique économique, sociale et environnementale. Il
en examine les évolutions et suggère les adaptations nécessaires tout en promouvant le dialogue
et la coopération avec les collectivités locales et les organismes similaires étrangers. Il examine
les questions économiques, sociales et financières en entreprenant les études et enquêtes
nécessaires et émet, en conclusion, les avis et suggestions de réformes qui lui paraissent de
nature à favoriser le développement économique, social et environnemental de la Nation.

2. L’installation du HCCT

Le Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) est la dernière-née des institutions de la
République, par l’adoption du référendum du 20 mars 2016. Elle est une assemblée consultative
qui complète l'architecture institutionnelle afin d'accompagner le processus de développement
des territoires. Il intervient, opportunément, dans la formation d’avis qui reflètent les
préoccupations des populations.

Sa mission est de renforcer la participation active des acteurs territoriaux à la définition,


l'instauration et l’évaluation des politiques publiques territoriales. Il élargit les espaces de
dialogue, de consultation et de concertation dans le processus de prise de décisions qui engagent
la vie des collectivités territoriales pour une meilleure inclusion des citoyens dans
l'identification des besoins et des priorités ainsi que dans la conception et la mise en œuvre des
politiques de décentralisation.

Composé de 150 Hauts Conseillers désignés pour un mandat de cinq ans, ses instances et
structures sont l’assemblée plénière, le Bureau, la conférence des Présidents, les commissions
et les services administratifs.

Pour assurer plus d’équilibre, 80 conseillers sont élus au suffrage universel indirect et 70 sont
désignés par le chef de l’Etat parmi les membres de la société civile, les organisations
socioprofessionnelles et diverses catégories de la société.

Telle qu’elle est composée aujourd’hui, le HCCT est majoritairement dominée par la présence
des alliés du chef de l’Etat avec 140 hauts conseillers sur 150. C’est l’une des raisons pour

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lesquelles elle fait toujours l’objet de critiques et d’attaques quant à son importance. Ses
détracteurs la considèrent comme un moyen de recaser une clientèle en quête de postes et
réclament sa suppression.

Paragraphe II. La réforme du système judiciaire

La justice sénégalaise est modernisée depuis 2015. L’objectif de modernisation de la Justice a


amené les pouvoirs publics à réaménager l’organisation du service public de la Justice pour une
meilleure distribution et une plus grande efficacité afin d’accroître ses performances.

Au-delà de cette modernisation, il faut noter la réforme portant sur le conseil constitutionnel
qui voit ses membres passer de 5 à 7 depuis la loi constitutionnelle no 2016-10 du 5 avril 2016,
dont un président, un vice-président et cinq juges. Il faut préciser que deux des membres du
conseil constitutionnel sont nommés par le président de la République sur une liste de quatre
personnalités proposées par le président de l’Assemblée nationale.
Le Conseil constitutionnel a une double compétence : juridictionnelle et consultative. En effet,
il peut connaitre des exceptions d’inconstitutionnalité soulevées non seulement devant la cour
suprême, mais aussi devant la Cour d’appel. Il est juge de la régularité des élections nationales
et des consultations référendaires et en proclament les résultats. Il déclare les lois organiques
conformes à la constitution avant leur promulgation par le président de la République. Le
conseil constitutionnel est en outre saisi par le président de la République pour avis.

Paragraphe III. L’évolution du phénomène partisan et du système électoral

A. L’oppression de l’opposition

Après son accession au pouvoir, Macky SALL a relancé la CREI (la Cour de répression de
l’enrichissement illicite), un tribunal spécial de lutte contre la corruption, contre le régime
libéral, mais particulièrement contre Karim, potentiel opposant de Macky SALL. La CREI a
été créée en 1981 par la loi n° 1981/54 du 10 juillet 1981.

Karim Wade sera condamné à six ans de prison pour enrichissement illicite. La procédure a été
vivement critiquée aussi bien au niveau national qu’au niveau international, car en vertu de la
Constitution, en tant qu’ancien ministre, il aurait dû être traduit devant la Haute Cour de justice
du Sénégal. La CREI a été instrumentalisé pour condamné Karim WADE et l’empêcher de se
présenter aux élections présidentielles de 2019. Il est aujourd’hui exilé au Qatar.

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Un autre opposant, Khalifa Sall, en même temps maire de Dakar et autre principal candidat de
l’opposition, a été arrêté en 2017 pour détournement de 3 millions de dollars de fonds publics.
Les critiques ont accusé le président d’avoir fomenté des accusations en vue d’écarter son rival.
Khalifa a été libéré en octobre dernier par une grâce présidentielle.

Le gouvernement de Macky SALL a également poursuivi sa tactique autoritaire en interdisant


systématiquement les manifestations de l’opposition. Les emprisonnements de l'ancien ministre
Karim Wade et du maire Khalifa SALL ne visaient nullement à répondre à la demande sociale,
mais plutôt à régler des comptes personnels politiques.

Toutes les décisions juridiques sénégalaises prononcées contre Karim Wade et Khalifa SALL
ont été contestées par les instances juridiques internationales, du fait qu'elles n'ont pas garanti
un procès juste et équitable pour ces deux leaders candidats à l'élection présidentielle.

B. La manipulation du système électoral

Plusieurs modifications ont été apportées au système électoral par l’actuel régime :

D’abord en vue des élections législatives de 2017, une réforme du code électoral a été introduite
par la loi 2017-12 du 18 janvier 2017 et le décret 2017-170 du 27 janvier 2017. Cette réforme
a pour but de faire face à l’inflation des candidatures pour les élections législatives du 30 juillet
2017. Ainsi, l’article L. 78 du code électoral permet à l’électeur de choisir cinq bulletins au
moins si le nombre de candidats ou de listes en compétition est supérieur ou égal à cinq. Cette
réforme était considérée par l’opposition comme une violation du principe de non-
discrimination entre las candidats et une violation du secret du vote.

Ensuite, dans la perspectives des élections présidentielles, la loi constitutionnelle no 2018-14


du 11 mai 2018 portant révision de la constitution dispose que « Pour être recevable, toute
candidature doit être accompagnée de la signature d’électeurs représentant, au minimum, 0,8%
et , au maximum, 1% du fichier électoral général ». Conformément à cette disposition, l’article
L. 57 du code électoral prévoit que « Toute candidature à une élection, présentée par un parti
politique légalement constitué, par une coalition de partis politiques légalement constitués ou
une entité regroupant des personnes indépendantes est astreinte au parrainage par une liste
d’électeurs ».

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Cette réforme consacrant le parrainage pour tous les candidats à une élection a permis au
président Macky SALL de réduire le nombre de candidats à l’élections présidentielle à cinq (5)
seulement sur plus de 80 candidats.

Aussi, pour la première fois dans une élection présidentielle, l'État sénégalais a modifié, par un
projet de loi du 18 juin 2018, une disposition du code électoral en y introduisant le terme
« électeur », stipulant « ne peut pas être éligible celui qui n'est pas électeur, article L.57 », dans
le but d'empêcher un seul candidat à l'élection présidentielle de briguer les suffrages des
Sénégalais. En effet, des dispositions dans le code électoral sénégalais interdisent de s'inscrire
sur les listes électorales en cas de condamnation à une peine de cinq ans ou plus.

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