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Si Lomé M'était Conté
Si Lomé M'était Conté
Tome I
Le succès dépassa très vite les espoirs de la Radio, où afluaient les coups
de téléphone d%ncouragement, venus de toutes les couches de la société : les Lo-
méens, d’abord un peu interloqués qu ‘un étranger paraisse connaître leur ville mieux
qu %ux, SErévélaient passionnés par leur propre histoire.
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Nous n ‘avions guére, au début, de plans preparés : les rencontres se fai-
saient au hasard des occasions, selon les possibilités des uns et des autres. On passait
donc d’un instituteur à une sage-femme, d’un chef aé quartier h un cheminot, d’un syn-
dicaliste h un groupe d’anciens ékves... Du coq à l’ane, mais comme la vie, comme la
ville, ou 1‘on est sans cesse happé par la nouveauté, par l’inattendu. Nous garderons,
dans cette publication, cet aléatoire sautillant : au nom de quoi y introduùe un ordre
qui n ‘existaitpas ?Et comment sélectionner ? Ce qui n ‘intéresse guère l’unpassionne-
ra tel autre. Ce foisonnement est bien celui du citadin qui s’égare dans la forêt des
souvenirs, les siens, les nôtres...
Pour laisser une trace écrite -c’est-à-dire durable- & ces émissions que les
Loméens ont tant aimées, nous avons donc entrepris de publier ces dialogues. Il a
fallu, après trancription, les réécrire largement : la forme orale a ses caractères propres,
avec d’innombrables redites et digressions. Les textes ainsi remaniés(parfïois profon-
dément) ont été soumis h nos interlocuteurs, afin de n’écrire sous leur nom que des
phrases qu’il approuvent effectivement.
Le lecteur retrouvera ici la vie qui palpite dans ces récits, imiividuels ou
collectifs, sincères ou -Par$ois- quelque peu masqués, distanciés ou très personnels.
Cette plongée en zig-zag dans la mémoire collective de Lomé est aussi une passion-
nante galerie de portraits : ceux de ces hommes et de ces femmes, célebres ou
modestes, qui ont fait la ville, et qui nous la font ici revivre. Qu’ils en soient ici tous
chaleureusement remerciés.
Yves MABGUERA T
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no 1
- Question - Quad vous t%s venu d Lomé pour la première fois, en 1905,
que fW vobl? pih? ? où habil4&il ?
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- Q - Qu’est-ce qui vous a frapN le plus, en arrivant d L.ortlé comme petit
garçon ?
- En arrivant à Lomé ? Bien sur, c’etait l’Q$se (6), qui venait d’etre construite :
elle a Cte consacr#e le 2 septembre 1902 C’est bien ça qui m’a le plus frappe, et aussi le
marché : Ià où il y a aujourd’hui Ilabanque UTB, c’etait le marché (7). Bien sûr, il y avait
aussi le chemin de fer, le premier du pays.
- Oui, bien sûr. Le ticket devait coûter peut-être cinquante centimes du mark
allemand ; ce n’était pas beaucoup.
- Q - Quand vous revenez d Lomé en 1915, quel& est la différence qui vous
a Le plus frappé ?
- J’ai vu que la ville s’était beaucoup transformee, avec des ecoles, des bouti-
ques, la banque (S)... Elle s’étendait de la plage jusqu’au Champ de course (9) : les
Allemands aimaient faire des compétitions avec leurs chevaux. On allait aussi chercher
de l’eau potable là-bas. C’est là que s’arrêtait Lame...
- Q - Dans une ville en guerw, occupée par l’ennemi, les affaires devaient
quand même être bien rakènties. Lomé ea 1915 ne devait pas être une ville
très gaie...
- Oh, si : les Anglais avaient amené avec eux pas mal de maisons de commerce :
Svanzy (lO), Millets, Ollivant.. Au moins six ou sept boutiques, qui fonctionnaient bien.
Et dans l’interieur du pays aussi (11).
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- Q - Pendant ces atuuh de IQ première guerre mondiale, est-ce que les
gens pensaient que les Allemands reviendraient ?
- Oh oui, les gensle pensaient ! Ils n’ont pas cru à la defaite de l’Allemagne,
memelongtempsapr&. On pensaitquelesAllemandsetaient tr& forts, t.r& disciplinés.
On avait une certaineaffection pour lesAllemands.Quand ils étaient ici, au Togo, ils
étaient humains.Au debut, celaavait eté dur, maisàpartir de 1909-1910,ils avaient
modifie leur façon de gouverner, d’administrer le pays.Mais mêmeavant, ils etaient
bien avecla population Il n’y avait aucunediffkuld (sauf dansl’intkieur, où il y avait
eu quelquescombats,parœ que lesgensn’avaient pasacceptela colonisation). Ici, au
Togo, il n’y avait pasd’armke ; il n’y avait que desgardes-cercle,quelques tirailleurs
pour garder lesédifices publics et pour la skcurite.En œ temps, lesbiens publics et
prives etaient assezbien sauvegardes: il Ctait difficile aux malfaiteurs de perpetrer
leurs mauvaisesactions; aussiy avait-il bien moins devoleurs qu’aujourd’hui.
(12) L.es fameux 25 coups de bdton (le 25the appliqut plus dur : «one for Kaiser~).
(13) Qui avaient toldrt (tant bien que mal) qu WC pamk de I’ensei~ fat ahde en
anglais.
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queje suisvenu à LomC,pour continuer l’tkole en allemand.En 1920,lesFrançaisont
occuti tout le Togo actuel,avecLomé et Kpalimé. C’est-à-direque le Togo etait divise
en deux : on disait le Togo français et le Togo anglais, où je suis aile continuer mes
Ctudes,à Gbi Bla (aujourd’hui Hohok, au Ghana).
(14) Ne en 1884 en Bretagne, kvt?que (plus exactement : prdfet apostolique) de Lomd de 1921
d sa mong en 1945.
(15) En 1940, de même que lo façaak aé l’archevéchb
(16) Evéque catholique de Gobi Coast
(17) Avenue Maman-Ndanidu @-rue de la Mission), à Béniglato. (Voir chapitre 18).
n’avait pascomprisl’utilite de cetteformation.Ce n’estquelentementquela population
a compris que les filles aussidevaient être instruites, savoir lire et t!crire. Gela avait
repris avecdessoeursvenuesde la Gold Coast(18), aprèsl’expulsiondesAllemandes,
qui avaient recommeno?petit àpetit àfaire l’ecole. Quand lessoeursfrançaisessont
venues,l’&olea et6 trb bien organisee,et lesfilles arrivaient àobtenir leur certificat
d’etudesprimaires.
- Le seminaire de Ouidah, qui avait été cree en 1912ou 1913,avait eté ferme
pendant la guerre : les prCtres avaient et6 mobilises.Je suis donc resté enseigner à
Agou ; puis j’ai enseignél’anglais à LomCau début de 1919.En 1920,on a rouvert. le
seminaire de Ouidah, quand lesPeressont revenus.J’y suisallé en 1921,jusqu’a mlon
ordination, en 1931.J’etais le deuxiemeprêtre togolais (21). L’autre estmort depuis
longtemps.Tous mescondisciplesaussid’ailleurs,et mesprofesseurs: je suisle seul à
survivre decette époque, pour le moment.
(18) Deux Irlanaizks et une Française, 4” ar&ent en murs 1918. Elles seront relay& en
1920.
(19) Au carrefour de la rue Foch et de l’avenue de la Libération
(20) Actuel Bdnin Grand séminaire interdioc&ain, toujours en activitk
(21) Aprés le RP Kwahwd, né d AkCpC (Zio) en 1894 orabnd en 1928, &CCC&+en 1960.
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encore deux ansavecle père français,avant d’aller à Ad&.a,entre Kpalim6 et Atalcpa-
mé.J’ai fait 17ansà Adéta,avant deme rendre à AnCho,au quartier Adjido.
- Oui, il a fait l’histoire: des Ew6. Il a été à Gbi Bla dans le temps, avec les
Allemands, mais paslongtemps.Il aété en Gold Coast,puis en C&e-d’ivoire, avant
d’aller en France pour devenir prêtre. J’ai et6 le premier seminariste ; j’étais encore
jeune. Nous n’Ctionsdoncquertrois prêtres togolais. Le plus âgédenous trois etait le
père KwakumC. Il estmort en 1960,à I’$ge de 68ans.Plusvieux encore etait le père
AnastaseDogli, quivenait du Togo anglais,aujourd’hui au Ghana. Lui et moi, nous
6tionslespremiersSéminaristes, d& avantle rapatriementdesmissionnairesallemands.
L.epère Kwakum6 était donc Xepremier prêtre du Togo français. Nous avons fait
ensemblele séminaireà Ouidah,au Dahomey.Commeil &ait plus figequenous,il a &6
ordonn6 en 1928,et moi en 1931,avecle père GeorgesKpoda (24), qui estd&%dCdb
1949.Le quatrièmeà être ordonne, en 1934,a éte le pèreG&ard Fini (25), qui estmort
maintenant.Alors, il a fallu attendrejusqu’en 1942pour enavoir un cinquiCme,le père
Gbikpi (26), ordonnéà Rome.
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Mgr Cessou,de sonvivant, avait demandeau Saint-Sièged’eriger le Nord du Togo en
prefecture apostolique : c’estMgr Strebler qui a été nommé prefet apostolique du
Nord-Togo, avec résidencea Sokodé.A la mort de Mgr Cessou,le pape l’a désigné
pour lui succederàLome.
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no 2
- Q - Petit garçon d Lomé, quel sont les souvenirs qui vous ont marqué lè
plus ?
- Q - Il faut p&ker qu>d l’époque les quartier n’avaient que des nunu?-
ros. C’était, d’ouest en est,
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en bord dè mer : et à Pintérieur :
- Oui, c’est l’administration française qui avait num&ote les quartiers. Certains
notables de la ville avaient t% nomm& chefs de quartiers : Timothy Agbetsiafa
Anthonyavait le $5. Je ne me souviens plus des autres.
- Oui, elle existe encore, mais elle a et6 rebâtie. La première &ait en tôles et les
barribres en bambous et en sekos. C’est en 1926 que l’administration a d&ide que
toutes les barrières en bambous de Lomé seraient enlevees et refaites en dur. Ceux
qui n’en etaient pas capables devaient les faire en tbles et les badigeonner. C’est au
même moment qu’on a axnmencb à d&ruire les bâtiments en chaume. L’agent sanitaire
était venu pour ça (je ne sais plus son nom, mais nous l’avions surnomme ~<Aufeu»,
parce qu’il disait : «Cassez, brisez tout, et finalement : au feu !»).
- Non, pas tous, bien sûr ! Mais il y a des quartiers qui ont garde les chaumes
pendant longtemps.
- Oui, c’&ait en dur, mais elle a éte cassc5e.Nous l’avons faite en tôles et une
partie en branches. C’est là que j’ai habite pendant longtemps, avec ma grand-mère.
- Q - Et pour l’eau courante, il faut attendre les années 1940, n’est ce pas?
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qui avaient l’eau courante chez eux. Ils avaient un forage -sans toutefois bâtir un
ch&eaud’eau- maisqui leur suffisait.C’esten 1940qu’on s’estrendu compte quel’eau
nesuffisait plus ; alors on a bâti un châteaud’eau.De là, l’eau courante venait partout.
-Q- Vous quittiez donc Assivimt! pour aller jusqu’à Nyt%oru&pot! cher-
cher as? I’euu ?
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- Q - Tout d I%~IE, vous avez tfvoqcré la TSF. Est-ce qu’elle e&tait avant
1940 ?
- Q - Quand vous 6th~~ souffrant et que vous avia un problème que vous
ne vouliez pas traiter par h médecine indigène, qui allia-vous consu&er,
et 03 ?
- Il n’y avait pas de grandes rues, surtout pas de grands boulevards. La plus
grande de l’époque, c’&ait l’avenue desAlliks, qui est aujourd’hui l’avenue du 24-
Janvier. Les ruesetaient très étroites.Les Allemandssont à l’origine du traçagede ces
rues,juste pour leurs besoinsimm&liats.La guerrea fait qu’il n’y a plus eude continuitC
et d’amélioration. Quand lesFrançaissont venus,lesruessont rest6estelles quelles,
toujours Ctroites.Il n’y avait pasde goudron.
(2) En face de l’actuelle phurmacie de l’Avenir. Station cr&e en 192627 (pour les tt%?com-
municadons ei non la di@sion “près du puHic).
(3) Plut& l’ancien immeuble des Travaux publics (aujourd’hui de la Statistique s~olain$.
Lkmbassade de France 6M le logement du médecin-chef (avec au.& un d&pensaùe ou
rer-de-chausste).
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- Q - Les rues du quartier adminkt@f nWuient donc pas gvudro~ ~ullt
plus ?
- Gomme vient de dire mon cousin, il y avait une penurie de tout ce qu’on
importait de l’ext&ieur : le sucre, les boissons, les vêtements surtout. Mais ce qui etait
trés etonnant c’est que, en Gold Coast, on pouvait tout avoir, depuis la paire de
chaussures en daim jusqu’aux manteaux, de très beaux tissus,..., alors que nous autres,
ici, on n’avait rien. Ceci a engendré beaucoup de trafics de marché noir. C’était
l’époque où il fallait avoir un bon d’achat pour acheter le tissu, le sucre, le vin... Ce qui
etait etonnant aussi, c’est qu’il y avait des privilegies. Ces privilegies, c’etaient les
citoyens français, de France ou bien Togolais et Dahoméens (Beninois).
- Elle etait restée ouverte, mais vous ne pouviez pas passer à cause de la
divergence qu’il y avait entre de Gaulle et P&ain.
- Bien sûr, les gens passaient par la brousse, sinon on n’aurait pas pu avoir de
marchandises ici...
- La frontière etait fermee, comme a dit mon cousin, à cause du conflit entre de
Gaulle et Pétain. C’etait ferme à certains individus, mais les autochtones pouvaient
passer. C’etait plutôt à la tête du client ! Quand un Togolais ou un Dahomken disons
plutôt un Noir de la cote du Benin- passait pour aller acheter de quoi s’habiller, se
moderniser, on le laissait passer. Quand un Blanc, ou un citoyen français, ou un
sympathisant gaulliste passait... Il y avait un rkseau de secmite très fort ici, des commis-
saires de police qui avaient organise des filtrages, des surveillances très efficaces. Mais
c’etait,commejel’aidit plus haut,àlatêtedu client,seloncequ’ilallait faireenGold
Toast. Plusieurs Blancs, plusieurs citoyens français ont pu traverser la frontière pour
se rendre dans le camp de de Gaulle, à Accra. Il y avait les fils Gordonville, par
exemple, les deux enfants de Gordonville, qui ont rtksi avec la complicité de certains
pêcheurs à passer au-delà de la frontière pour rejoindre de Gaulle. Quand il y a eu
l’abolition du régime P&ain, la frontière a éte ouverte à tout le monde.
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- Q - Pour rester encore un instant sur la pérhie de Popposition franco-
angkàise, quand a-t-on construit lès ubhckhuus~ de la côte ? (il y a encore
un qui subskte en face de 1%6tel L+e Bknin). Est-ce que vous ks avez vus
construire ?
On souhaitait vivement que les Français s’en aillent et que les Allemands
reviennent, parce qu’on etait mal eduqué. Les jeunes portaient des cravates, des
chaussures,alors qu’à l’epoque, lesAllemands nele permettaient passi vous n’êtiez
pasun lettré, si vous n’aviez pasun certificat qui attestaitque vous êtiezquelqu’un de
la grandesociete.Alors, à Lomé, personnene s’inquietait; la vie suivait son train, si ce
n’estque ceshistoires debons d’achat,depenurie desucre,depain, ou dececi,ou de
cela...Tout le mondevivait bien.
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-Q- Vous-mêmes, les jeunes de hpoque, partagiez-vous compl.&ement
cessentime~devosprrrentsetg7ands-parenls?
- Moi, particulibrement, je vous dis que j’aurais été content du retour des
Allemands, maisje ne savaispas dansquellescirconstancesils allaient revenir. J?%ais
oblige de suivre mon vieux A l’epoque,quel Agepouvais-je avoir ? En 1940,j’avais 11
ans.A 11ans,qu’est-cequ’on peut comprendre de la guerre, dece que lesAllemands
vont nousapporter, ou deceque lesFrançaisnous ont Edit?A l’ecole,on nousa dit que
la France nous avait trace de grandes routes ; on nous avait envoye a l’kole en
b&Hciant de toutessortesdegratuit&. Tout œlaavait aussiet6fait par lesAllemands.
Nos grands-parents ont connu lesAllemands et ils ont pris certaines habitudes avec
eux, parce qu’ils avaient et6 les premiers colonisateurs. De même nous, nous avons
connu lesFrançaiset nousnoussommeshabituesà eux Aujourd’hui j’ai 58ans.Si c’était
à refaire, moi aussi,je nevoudrais pastravailler souslesordres desAllemands, alors
queje parle français.
- Les gens de l’interieur venaient à Lame surtout parce qu’ils etaient plus
tranquilles ici qu’a l’interieur. Les Françaisexigeaientdesquantit& de noix pahnistes,
de maïs,etc. pour aider la guerre. Ce qui a fait que beaucoupont dkerté leurs villages
pour aller en Gold Coast,et d’autres sont venus s’installer à Lomé, auprks de leurs
parents.
- Q - Donc Lomé aurait éti le reficge des ruraux qui fuyaient lkffoort dè
guerre.
- C’estbien ça !
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Beaucoupsont partisà gaucheadroite, surtout en Gold Coast,pour gagnerde l’argent.
LomCs’arr&ait àAhanoukop6,sinon mêmeau quartier desEtoiles,qu’on appelleaussi
W&ivikondji. D8s lesam&s 1950-52,touscesgensqui sont partis chercherfortune à
l’etranger sont rentreset ont commenceà acheterdesterrains ; et d’un seul coup,on a
vu deslotissements,desmaisonsqui montaient, et c’etait envahi partout, si bien que
aujourd’hui, mêmejusqu’aAdidogome là-bas,c’esttoujours Lomé...
*
* *
(7) 1860-1937.
(8) A une dizaine de km b l’ouest de Lomk, wr la route de Keta (Voir chapitre 17).
(9) Ou Adjama
(10) Apptlk alors Antonio.
(11) Impomnte m&sbn tvan@ique SUT la rive nord de la lagune de Keta (Voir chapitm 15).
(12) Lb mvitons de l’tcole de IQ Poudr&e juqu ‘au chdteau d’eau de B&
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Une anecdoteque I’on raconte sur Edjame : danssajeunesse,on I’avait envoyé
en Angleterre faire sesétudes.Au retour, pendant ledebarquement, sagrossemalle
(danslaquelleil avaitmis toute safortune) tombaà l’eau.Quelquestempsplustard, à sa
premiere sortie depêcheenmer, sonpremier coup defilet a rament! àterre sagrande
malle...Tous seseffets étaient intacts@ce au li&gequi la garnissait!
*
* *
22
Papa,avec tout ce qu’il y a sur la table ?».11dit : «Ah non, mêmesi je ne peux pas le
manger,je veux avoir mon adémèsur la table !».
- Q - Quand vous étiez jeunes d Lomé, quelle était l’école lu plus renom-
mée?
- Je crois que toutes les ecolessevalaient. Moi, j’ai fait toutes les Ccolesde
LomC.Je ne peux pasvous preciser la date exacteoù je suisallé à l’école parce que,
dansla communauteAnthony,on acommenceà la missionprotestante,à la plage (16).
Dans chaque classe,il y avait environ 85 % d’Anthony... En grandissant un peu plus
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tard,on m’a changed’&ole -je ne saispaspour quelle raison.Ensuitej’&ais à la mission
catholique pendant un certain temps,et aprésje suisalle à l’&ole r&ionale, c’estàdire
àl’&ole officielle dela route d’AnCho.
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no 3
UN ARTISAN MAÇON
M. Gabriel EKLU-NATEY
(né à Lomé en 1901)
-Q- Monsiiw Ekkù-Natey, vous êtes sans doute l’un des pih anciens
habita& & Lomé. Quel @e avez-vous ?
(1) Lcr Adangbt!, or@nah du littoral aujourd’hui gtwnten mix Accra et l’estuaire dk la
Volta, ont mi@ dam le sud du Togo F, mm?-dtbut XWIIL sicclcs. Ils ont abandonnt leur
langue pour l’twd
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- Q - Dans les antuks 1920, combien étiez-vous de maçons d Lomé ? Etiez-
vous nombreux à faire ce rvu!tier ?
-Q- Est-ce que vous connaksez les vieux qui ont donné le nom d ce
quartier ?
- C’est moi-même qui lui ai donné ce nom. Ici, tout le monde me considere
comme le plus vieux.
(2) Autrement dit : seuls ceux qui m’aiment vraiment feront l’effort de venir jusqu’ici
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manoeuvre avec les maçons et apres, on m’a donne des outils pour commencer a
construire, à poser desbriques pour les fondations.
- Oui, nous habitions danssa maison,et nous travaillions avec lui comme de
jeunes garçonspour leur père.
(3) Alcool de distillation (illkgale) du vin de palme, d@m! au Sud-Togo hns les ann&s
1930.
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- Q - Après, est-ce qu’il y avait un uretnerciement~, c’est-à-dire que, une
foi% libéré, l’apprenti doit rester avec son Pa&on encore quelques moLF ou
quelques années ?
- Q - Quand vous-même étiez patron, dans lès annt%s 1930, 1940, 1950,
comment est-ce que cela se passait ? A quel moment est-ce qu’on a vu
apparaître ce système où l’on paie au patron moitit! au début, moitié à la
libération ?
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Suit une série de signatures et, ajouté d la main, : u.Tecertifie que
le travail de maçonnerie qui nous a étéprésenté fait honneur h l’entrepreneur Gabriel
ElUA
Signé L.KM.
Commandant la subdivihn de Lom&+
- Q - Est-ce que vos fils ou vos petits-fils ne sont pas mkontents de vous
voù tenù encore la truelle ?
- Non ! Ils sont plutôt joyeuxde mevoir travailler encore, parœ que mon âge,
c’est87ansdéjà, et queje travaille toujours. J’ai beaucouptravaillé dans le passe.Et
vous pouvezvoir l’intérieur de l’egliseSt-Augustind’Amoutiv6 (5). C’estmoi qui ai fait
tous les arcs: lesarcs,c’estmon oeuvre !
- Q - Il paraît que c’est Mgr Cessou qui a dùig6 en personne les travaux
de cette église.
(4) Ecole sifude pr& de la CICA-Toyota qui doit s’appeler «Herzog von Mecklenburga.
Projet gennuno-togolais avec des vieux du Togo alkmanrl, qui ont dema& que l’Allemagne
les aide b construire cette kole (restke inachede).
(5) consnuite en 1933-34.
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- Q - En quel matkiaux ext-elk construite ? Est-ce qu’elle est en briques
cuites ou en ciment ?
- Q - Est-ce que vous savez d%ù venait le patron qui a formé votre futur
pafron ?
-Q- Cette construction des ann&s 1920, dans laquelle vous êtes maître
maçon, qu’est-ce que cVtait ? Surtout de la brique cuite, dè hz brique crue?
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-Q-Jereviensa~x~~~&w~~~ndansler~1930;os~-
ce qm cVhait les riches qui wnstrukaieut en briques cuites et les gens plus
modestes qui construisaient en adobe, ou bien est-ce que les gens
choisissaient ind@remment l’une ou l’autre ?
- Il y a des gens qui construisaient avec des briques crues et d’autres, plus
riches,avecdesbriques cuites.Mais si quelqu’un voit qu’il peut construire plus riche,
plus cher, il casseet reconstruit avecles blocsdeciment
-Q-lhscesannth193O,enquoitWentfaitshkoi&?Est+equVlpavait
vraiment dtjd beaucoup de tdkès ?
- Q - Il nJ, avait donc déjd plus de toits de pailie à Lomé daus ces auu&
1920-1930 ?
- Q - Tr& peu...
- Q - Quand donc sont apparus d Lomé les murs pour clôturer kès parcelk~,
si cardristîques de la vil& ?
-Je peux dire àpartir de 1920; c’est-à-dire que, au debut, les maisonsCtaient
toutes entourées d’une cl6ture de paille. Je crois que c’estdans lesannées1925 que
l’administration a exigéqu’on metteà la placedesmurs pour entourer lesmaisons.
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- Q - Vous pourriez encotx? revenir aux briques cuites ?
-Q-Queue4SChmérhodehplusmpidepourconstruire:lesblocsou~
briques cuites ?
- Cesmodesviennent d’Europe.
- Oui, nous nous copions toujours lesuns lesautres. Sivous avezvu quelque
chosedetypique quelque part et queœlavous plaît,vous pouvezle faire ; œ n’est pas
obligatoire, maisvolontaire.
-Q- Et, par txempk, mettre des plaques dè quartz&? pour décorer lës
maisons, ça aussi, c’est relativement récent. Est-ce que vous l’avez fait
quand vous &iez en pleine activit4 ?
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- Q - On peu penser que le ph&omène dè mode est très important : &s
cüents veulent h maison qui est d hz pointe de la mode, pour faire wmme
lès metim maisons riches, même si ckst phts cher et pas forcement plus
solide.
- Q - Mizçm, ckst un beau mktier. Est-ce que vous y avez pou& certuins
de vos enfants ? Si un jeune démandait conseih vous l’onentera vers hz
maçonnerie ?
- Oui, fier, parce que mon grand fils aussia appris le metier de maçon,parce
qu’on veut garder le travail de notre maisoncommenotre signe.
*
* *
- C’est M. Agboka qui a crée le Togo-Bund à Accra. Moi, j’aime toutes les
nations. Je suis un sujet qui ai appris un metier européen. J’ai commence avec les
(10) Bund der Deutschen Togoliinder : Aigue des Togolais alkman&~, installke en Gold
Caast (Voir au.& chapitre mivant), d’oti elle multiplie les pétitions pour akmamkr le retour
des Allemank (Les archives de la S.D.N., d Gem%, en conservent 17, reçues d’aoat 1928
b a%xmbre 1934, mues C+a sans suite...).
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Allemands, et il faut qu’un fils aime son père. J’aime le Togo-Z&&, parce que c’est
l’allemand quej’ai appris premierement; et j’aime l’anglaisparœ que c’estla deuxieme
languede mes etudes; et j’aime le françaisparœ que c’estau moment.desFrançaisque
j’ai appris mon metier pour vivre. Jeparle avecvous aujourd’hui en français, maisje
repète que je n’ai jamaisfr6quenté l’&ole française.J’ai fréquenté l’&ole allemande :
Zchbin ein uiw%ZwS&&T = <<je suisun &olier allemand».J’aime l’anglaisparœ que,
aprts l’allemand, c’estl’anglais que nous avons appris :In thattime, Zwusan engZi.sZr
boy. Il&e Germany atad England A présent, je parle français, et il y a des gens qui
disent : voilà, il parle trois langueseurop&nnes. Moi j’aime tout. Je suisné Allemand,
j’ai grandi Anglais et j’ai V&X Français.
- Q - Tout à l’heure vous wez dit que le Togo-Bund avait des relations avec
Accra ?
- Parœ que M. Agboka, qui avait quitté Lomé pour Accra, avait toujours de
l’amour pour l’Allemand ; c’estpourquoi il a cr& le Togo-Bund, pour que tousceuxqui
ont émigré commelui en Gold Toast puissentseretrouver dans un cercled’amitié.
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- Q - Este que vous avez arsisté d lkrriv& des troupes angles, kè 12
août 1914, d Lomé ? Est-ce que vous vous en rappelez ?
-Q- Est-ce que vous vow rappelèz ces premiers temps de l’occupation
anglaise ? ces troupes angliaist?s, qui Ment noires t’étaient des Sierra-
Monais-, est-ce que vous lks ressentiez comme des ennemis ?
- Q - Vers la fur de’ la guet, vem 1917.1918, est-ce que vous, vous pensez
que les gens espéraient que les AL%ma.ndk revrendrarent, ou est-ce qu’ils
espéraient que les Anglais resteraient ?
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- Q - Et pendant la saconde guerre mondiah, &-ce que vous pensez que
les gens de L.omk attendaient le retour des Allemands ou est-ce qu’ils
prbf&aient que les Françat restent ?
- Les gensde Lame n’avaient aucune pr6f6rence. Nous etions dkjà habit&
aveclesEuropéens. Ceux qui viennent cheznous, rester avecnous,sont nos amis,et
je suisun ami desAllemands,un ami desAnglais,un ami desFrançais...
36
no 4
- Q - Oui, mais, h Lomé, 1920, c’est kè moment OLI les Anglais pussent la main
aux Français ; les écoles frwaise n)r ont commencé qu’à ce moment-h.
Vous avez donc fait partie dè cette @at+&on qui a débuté l’école à partir
& 1920 ?
37
- Q - Quel &ge aviez-vous en ce tkwnps-ii3 ?
- Q - En arrivant d’Qn&o, qui était quand même une vrai& vi&, pas un
V&S, qukst-ce qui vous a fmpp& en voyant Lomt! ?
- Ah ! Lomt, bien que petite, était quand même remarquable par rapport ii
Aneho. Ce n’etait pasquelque chosed’extraordinaire, maistout de méme,on remar-
quaitqu’ilyavaitbienplusdegensàLom6qu’àAnCho; ilyavait les&oles,la foule...
- Q - A onze ans, on ne vous proposait tout & même pas encore d’entrer
dàns l’administmtion ?
- Oui, c’estœt immeuble-la (3). A l’origine, œ n’était pas œla. J’ai fait ma
deuxieme la-bas. La Premiere ann&, nous Ctions dans une école... Comment ça
s’appellemaintenant,la Direction prèsde la CFA0 ?
-Q-La SNI?
- Oh.., ils sont morts, pour la plupart. Mais je peux encore parler de cette
epoque: Hans Grüner, Ernest Krüger, Louis Kokou Hunkpati, Huedako Ambroise...
- Q - Est-ce que vous avez le sentiment qu’ils s’adaptaient à ce pays qui etait
nouveau pour eux, qui avait connu une scolarisation dans une tangue
différente ? Est-ce qu’il y avait un effort pour avoir une qualité particulière
d’enseignement au Togo, ou est-ce qu’on y faisait la même chose que
partout ailleurs ?
- Oh, je crois qu’on faisait la même chose que partout. Il n’y avait pas de
conditions particulièresauxquellesils auraient dû s’adapter.A mon avis,c’etait facile
pour eux.
-Q-03?
- Q - Quel gouverneur ?
- E3onnecarrère
lui-même (4) !
(4) Au Togo de janvier 1922 d a%xmbre 1931 ; il a fortement marqué le Togo fiançais.
39 u
- Q - Od bit votre svvice ? Dans l’actuel palais des gouverneus ?
-Q-Al’époqueallemande,,yavaitunpetittrainquireüaitlepalaishla
ville. En 1930, wmment est-ce qu’on se rendait au palais des gouverneurs?
- Q - Est-ce l’avenue des Nems, qui passe sur kà petite phce ronde et qui
va d L’OPAT ?
- Q - Vous &es donc S(U~S doute l’une des rares personnes encore vivan-
tes à avoir approché le gouverneur Bonnec~re, au moins de loin. Avez-
vous gardt! des souvenirs dè lui ?
(5) Actuelle avenue de la p*Rsuienue. Albert Sarraut était minhre des Colonies dans les
ondes 1920.
40
- Q - Il faut rappekèr ici d nos auditeum que le gouverneur Botmecamh
est md dix ans mphentant & kà France au Togo : ckst cehi qui a
v&itablèment fait lïmplantahn de h colonisat~n française et qui a me114
cette politique -d l’époque tout d fait originale- d’association, avec le
«Conseil des notables» qu’il avait cr& dès son arrivt!e, quelque chose
qu’on ne tmuvait nulle part ailkrs.
-Q- Est-ce que vous pouvez vous souvenir des personnalités les plus
marquantes a% ce Conseil des notables, lès gens qui prenaient le plus ià
parole et disaient lm choses les plus i.n&mantes ?
41
- Q - Pouvez-vous rappeler aux auditeurs quel était le contexte qui a
amen4 cette heute ?
- Q - La principal& victimes, sur le moment, ont &! kès fleurs des parterm
du gouverneur que la foule a pi&n&s, hst-ce pas ?
- Q - Quehphn nous a dit que les heutiem avaient une certaine chanson
qu’ils chantuht. Est-ce que vous vous souveuez de cette chanson ?
42
- Q - Vous vous y rendis aussi ?
- Q - Est-ce que vous avei! kè sentiment que ces journks ont marqué les
gens, c’est-à-dire dans leur attitude vis-à-vis des nouveaux colonisateurs
français ? Est-ce qu’on peut dire que jusque-ld, grke d la politique habile
de Boruaecarrère, ça se passait bien, tandis que Ià, ilh rencontrent une crise
économique extrêmement violente. Les gens, brusquement, ne vont-ils
pas dire : ça ne va plus, ces nouveaux colonisateurs ne sont pas bons ?
- Q - Est-ce que vous pouvez nous développer ua peu plus vos idées sur
le Togo-Bund ?
- Q - Nous voici maùhmnt dans d& ~JZ&TS qui ont dû être un peu ternes,
03 Lomé a perdu ks fonctions de la haute administration et 012 l*hnomk
est trés atone, très affaisscoe, jusqu’aux ann&es 1937-38, où il y a une
certaine reprise.
- Q - Et vous ?
- Q - Et wmment était Kara dans ces atut& 1935 ? Ça devait être un bien
petit bourg...
-Q-CWait10mtecmtmk.9
- Q - On peut dire que c’est k pont qui a fait la ville, n&-ce pas ?
- Exactement : c’estle pont qui a fait la ville. Les gensqui venaient du sud ne
pouvaient pasaller plus loin sansemprunter une pirogue ou sanspasserà gué,Ià où le
fleuve estplus etroit. Cest le pont qui a permislesvoitures,lescamions...A œ moment-
hi, l’activid tkonomique ademarre.
44
- Q - Vous ng &iez sans doute quiur tout petit nombre dè fonctionnaires,
et tous originaires du Sud, parue qu’if y avait h l&oque peu dê gens du
Nord qui étaient alphab&i&
- Q - Vous avez donc V&U d ses cscés cette passe t& djarcile qu>a été la
deuxihe guerm nmdiak, avec la p&iode oi2 k Togo suit MOF &ns hz
France de Vichy, et ensuite, en 1943, bascule du côté de la France libre.
- EXactement!
-Je crois quel’espoir que lesAllemands reviennent n’était nourri quepar les
vieux, ceuxqui etaient deja murs du tempsdesAllemands, qui avaient travaille avec
eux. Il faut dire que œ sentiment germanophile etait très fort chezceux-là,mais la
jeunessen’attendait rien du tout de semblable.
45
- Q - En décembre 1939, il y avait eu Bnauguration en gran& pompe de
la statue de Clemenceau (qui est aujourd’hui dfugï& dans le jardin de
l’ambassade de France). Est-ce que les gens croyaient d la victoire de la
France, ou bien faisaient-ils semblant parce qu’ils avaient quelque chose
(2 craindre ?
- A l’entrée du stadeactuel.
- Q - L%ffort & guerre avait-il été le même dans ht p&iode gaulliste et dans
la période vichyste ?
46
- Q - D’autre part le commet maritime ktait d peu pr& a~&& On n’avait
plus qukne dizaine de batww par an, au lieu de 400 d l’époque de hz
prosphittf : donc k @aires devaient aller assez mal ; les gens ne devaient
pas être dans une situation konomique bien jlom, à Lomé ?
-Q- CWzient bien stI.r lès produits dY.mportution qui manquaient. L.es
produits alimentaires t%aient-iLF suffiamment abondants ?
47
- Q - Ceux qui baient citoyens frangais avaient-ils ces privilèges ?
(10) Wus ingukrissable qui a ravagi la cocoteraie togolaise (du nom du village aujourd’hui
quamèr- de Kagnikop!, denit?re le port).
48
nous ne l’avons pasvraiment subie. Même si nous avons souffert desrestrictions, ce
n’etait pasuneaventure dangereuse.
- Q - Dans les andes 1930, il y avait eu, pour les fonctionnaires, la crdutibn
du quartier d’Hanoukopé. N’aviez-vous pas été tenté de vous faire
attribuer un terrain Ià-bas ?
- Non, parœ qu’il fallait ttre marie, p&rede famille, œ queje n’etaispasencore
aumoment du lotissementd’Hanoukop4(11).
- Q - En v& ou en voiture ?
- En voiture.
- Q - Quel modèkè?
-Une Peugeot203.
49
-Q-EtkgouwneurMontagn4 ?hnmentse&pkça&il?envohux?ou,
comme Bonnecarrére hors des heures de service, b bicycktte ?
-Q-OnaditCoutdl’lre~c;ombien&foLsla~&la~av<rit
&tf d@iiik pour ks gens dè Lomé! ah que, h c&t&, il y avait l%xempk
de h: Gobi Ckast. Bstee que cette comparaiwn n’a pas é9é un &ment
d&erminant dans la prise de conscience d’une jeune nation togolaise,
comme une entitt qui revendique très tôt sa spécificité!, puis son
autonomie ? comment avez-vous V~%U cela ?
- Eh bien, nous avons tous vécu dans l’attente d’un progr&s de l’institution
politique que nous avions. Tr& t&, nousavons eu un gouvernement autonome, qui
n’existaitnulle part ; c’&ait uneCtapeimkrsible pour nous.Nous nous attendionsà œ
qu’on franchisse les&apes. Le gCnCra1de Gaulle estvenu, et il a octroyk l’IndCpen-
danœ, mais nous avions d6jjà le gouvernement autonome, et nous en Btions très
contents.Nous savionsque la France n’&ait paspour l’Indépendance,car la Rbpubli-
que estindivisible ; c’Ctaitsimplementl’autonomie interne.
- Q - Qu’ixt-ce qrre l’on avait fait des services des Chemins-de-fer qui
occupaient autrefois ces bdtiments ?
50
- Q - De même, après la guerre, il y a eu les crédits FIDES (131, qui ont permis
beaucoup d?nvestissements au Togo.
- Q - Vous avez vu donc Lomé entre 1926 e.t 1986 : cela fait soixunte ans.
En dehors de h croissance simplement spatiale, qukst-ce qui vous paraît
le plus diffknt dans ha manière de vivre des gens ?
- Q - Est-ce que, durant cette p&iode dè votre carrière, vous vous êtps
spécialement attachk aux travaux de Lomé, ou est-ce que vos fonctions
ktaient toujours nationales.
- Q - Vous disiez que, quand vous étiez très jeune et que vous voyiez de
vos fenêtres kè train qui partait vers An.&, vous en aviez la nostalgie. A
partir de quel moment est-ce que vous vous êtes senti dkfinitivement
Loméen ?
51
no5
UN ENSEIGNANT
M. Jean Ayikoé SI’ITI
(né à Aného en 1907)
-Je suisvenu tout jeune a Lame, en 1917.Lame etait alors une petiteville sur la
côte du Benin, formée dequelquesquartiers :Adawlato, Anagokomé, Aguiarkomé,
Assivito,Amoutive, Hanoukop6, Zongo et Yovokomé (la résidencedesBlancs).
- Q - Quel @e aviez-vous ?
- Cest mon oncle qui m’avait sollicité.Il était employéde commerceà LomC,et
il avait voulu quejevienne rester chezlui pour aller à l’ecole,et en mémetempspour
le se&.
53
- Q - Et vous-&me, que portiez-vous ?
- Q - Quand les d&ieu.~ alhnanh ont été expulsés du Togo, fur 1917 et
début 1918, qui a pris en ce moment-& le relak de l’école ?
- Q - A 10-11 ans, vous &ez bien jeune pour avoir une opinion politique,
mais peut-ih vous est-ii arrivé dkntendre votre oncle en parler. Est-ce
qu>d ce moment-12 ks gens de Lomé espéraient le retour des Akwwuïs ou
est-ce qu’ils lk craignaient ?
-Q- Vous y avez alors suivi le wlè complèt, et vous avez contiru&
ensuite au cours compkhentaire de Lomtf.
54
l’tkole de Zkbevi et termine mascolaritéélémentaire à Aneho-Kpota, avecle maître
Léopold Bandolph. C’estawc lui quej’ai obtenu le certificatd’études.Avant il n’yavait
pasbeaucoupd’tkoles ; le certificat d’etudesse faisaitseulementà Lomé : nous Ctions
venu d’Aneh passeravecceuxde Lomé. Quelquesrares el&vesvenaient de Kpalime
et d’Atakpame.En œ temps,il ny avait pasque lesmaîtresqui faisaientpartie du jury
des examens,il y avait aussi des militaires. Je me rappelle un grade, le capitaine
Sergent,qui nous a fait la dictéependant mon examendu certificat d’etudes.
- En 1929ou 1930.
-Q- Est+e qu’il y avait déjd des maisons autour du col&&, d’autres
b&iments, ou est-ce qu’il y avait beaucoup d’espaces vules ?
- Q - Od habitiez-vous ?
- Q - Vous venez de dire qu’il y avait des femmes qui vendaient des tissus.
D’apks vous, d quel moment est devenu importunt ce commerce
56
féminin ? Parce que, h lbrigine, k wmmexe tbil en& les mains dès
hommes, n%st-ce pas ?
(8) wPetit prix% alors que les wm: (surtout irqorth des Pays--Bar) mnt &s tisus les plus
chers.
57
anciennesrues de Lomé. Nous avonsune rue qui va du grand-marchéjusqu’au palais
desgouverneurs, celle qui passedevant la cathédrale, devant l’église évangelique et
qui va jusqu’au fond de LomC,d’oh vous voyeztrèsbien le gouvernement (9). Je crois
que lesAllemandsont pris certainespr&autions, car touteslesrues convergentversle
gouvernement.Il n’y enavait pasbeaucoup,maisil y en a unequi passaitpar Kokétimé,
d’où vous voyiezl’hôpital, et, plus loin, le palais(10). Il y a une troisième rue, «Sunger~
Sww~e»,devenue aujourd’hui l’avenue du 24-Janvier. Du bout de cette rue, vous
pouviezapercevoir, tr&sloin danslesarbres, le palais dugouvernement; et puis, il ya
la rue du Chemin-de-fer, qu’on appelait «Gakpodziu : c’etait une rue sablonneuse,
maislesrails passaientpar œ chemin-lapour aller de Lomé àAného. C’estpourquoi on
lui a gardé le nom derue du Chemin-de-fer.
-Q- IL faut préciser que nous sommes ici tout prés de la poste de
Nyékonakpot!, dans un quartier qu’on appelait autrefolF «TSF» ou «Sans-
Fil». Aviez-vous, d l’époque, visité la station de radio (instauée pr& de
l’actuelle Direction générak des Postes) ?
(17) Actuelle avenue Nicolas-Grunitdy, qui marque la limite entre le quartier administratif
et l’ancienne cocoteraie OrVmpio.
60
Vous voyez,auparavant,depuis chezmoi, ici, vous aperceviezle petit-marche
(18), et c’estnous-m&mesles habitantsde cequartier, qui avion trace la pistejusqu’au
terrain defootball, lUas (19).
*
* *
61
gouverneur Bonnecarr&e est revenu de sescongksen France. Il a demandé après
moi, chezmon oncle. On lui a dit que je me trouvais à Kpalimé, et il a envoyt5me
chercher. Le commandant de cercle de Kpalimé est venu me prendre de force, me
mettre dansunevoiture pour aller à Lomé. Aniv~ à Lomé, on m’a remis une décision
d’engagement: j’&ais engagéen qualité de «moniteur auxiliaire».J’ai été, ici au Togo,
le premier moniteur auxiliaire qu’on a engag& Si vous voyez le Journal officiel de
1931,vousverrezquej’étaisle toutpremier moniteurauxiliaire,payk 1OOFparmois
(pendantlescong&,onnemepayaitque50Fparmois).
62
m’occupaisde la propreté de l’école, et je devrais sonner la rentrke). Brusquement,
l’adjudant arrive et demandeà mon directeur :
- «oIl est-il ? Où est-il ?D
et le directeur lui disait :
-«Quiça?Quiça?»
Il fonce sur moi, lui qui &ait citoyenliançais :
- «Qui c’est?Qui a misunecroix sur le front de mon enfant ?»
- C’est son père qui avait voulu la rendre paresseuse! Parœ que moi, vous
savez,jeveux travailler ;j’ai l’amour du travail.
- Ça m’a arrange parœ que, arrivé àLomk, le chef deservice m’a d’abord mis
dans son bureau. Quelques temps plus tard, il m’a affecté aux cours de pédagogie.
J’&ais le seul qui avais eu deux ans de cours de formation en pédagogie, et ça m’a
rendu grand service.
63
- Q - Après ces deux ann&s dè formation p~fes.Gmnelk wmphentaiy
d quelle école êtes-vous @ectté ?
- J’ai été d’abord àl’&rle regionale dela route d’AnCho. La, j’ai fait deuxans.
Ensuiteà l’&ole dite Marius-Moutet (22), ou &ole dela petite-vitesse.J’ai enseigneIà-
baspendant un certain temps,et puis on m’a envoyédansune autre, l’école Sanoussi,
où j’ai et6 directeur.
- Plus tard ! l’&ole Bohn estvenue plus tard. Une fois l’ancien cours complé-
mentaire abandonne pour cr4er le nouveau (celui quej’ai frequente), l’etage de cet
ancien cours complementaire aservi delogement pour le directeur de l’&ole mena-
gère,qui en occupaitle bas.L’6cole Bohn a éte crééeplus tard, car c’étaitnotre jardin
quand nous etions aucours complementaire. C’est plus tard qu’on y aconstruit une
dcole à trois classes; moi-mCme,j’ai dirige cette école pendant longtemps. Il y avait
deuxcours moyensII. J’ai dirige Il’&ole avecun adjoint qui faisait le coursmoyen II B.
(22) Du nom d’un minhre des Colonies des anntes 1934 puis 1945. Le bkhent est
oucmand (1901).
(23) En 1903. (Voir chapitre suimt)
(24) Du nom d’un fmdateurde la (CFAO.
64
- Q - Et l%cok Sanoussi, qu’est-elle devenue ?
- Au début de 1%2
- Q - Ce qui ne veut pas dire que vous êtes resttfs d la maison d vous
reposer...
65
-Q- Avez-vous Se. de combien d’enfants, au cours de votre longue
carrike, vous avez pu amener jusqu’au niveau du certifkzal ? Est-ce que
vous pouvez en faire le compte ?
- Q - Est-ce que beaucoup de vos anciens h%ws sont devenus ensuite des
personnalith importantes ?
66
no 6
L’ECOLEDELAROUTED’ANEHO,
PREMIERE ECOLE PUBLIQUE DE LOME.
M. Nassirou GERALD0
(Né en 1922 à Lomé)
assisté de
Mme Baï Faustine de SOUZA
(née en 1943 à Savalou, au Bénin)
- L’ecole de la route d’Aneh a été creee en 1904, soit sept ans après l’arrivée
des Allemands à Lame. Elle a été fermee pendant la première guerre mondiale et reOu-
verte le 13 mars 1926 par l’administration française, sous la denomination de «l’école
regionale de la route d’Aného». J’ai appris qu’elle aurait ete destinee à devenir le
dispensaire de la ville, quand elle avait éte fermée. Il ressort de ces informations que
1’ecoledelarouted’Aného est laplusancienneinstitution scolairedenotreville(1).
Pendant la période coloniale, l’École a éte dirigee par des Français, dont plusieurs se
sont singularisés parleur dévouement envers les premières generations scolaires de
notre pays.
- Non, les vieux temoins de la vie de cette &ole ont tous disparu, et les quelques
informations que nous avons aujourd’hui ont éte glanées un peu partout ; personne n’a
pu me donner le nom des premiers directeurs de cette Ccole. Après les Français, les
directeurs étaient des instituteurs d’AOF,sortis de Victor-Ballot de Porto-Novo, de
Dabou et Bingetvilleen Côte-d’Ivoire, de William-Ponty ou Sebicotane au Senegal.
Au nombre de ces prestigieux pionniers, figurent les regrettes Boubacar N’Diaye,
Tokou Michel, Atayi Salomon, Henri Ajavon, Randolph, Marna Fouss&i et, parmi ceux
qui sont encore vivants, Atayi Ayayi et Ap&lo-Amah Moorhouse (2)... C’est grâce à œ
dernier que nous avons eu des informations sur la genèse de notre école.
(1) En fait cette prendre kole officielle a occupé de 1902 b 1904 l’actuelle tkole Marius-
Moutet, prb de la voie fede. Il y avait une tkole catholique a% les andes 1895.
(2) Tous deux d&&&% aèpuis cet entretien.
67
- Q - M. Geraldo, vous avez dirigé un moment cette école, n’est-ce pas ?
68
d’Aného,jusqu’au CMl. Par la suite,c’està l’tkole Bohn (Bohn, sij’ai bonnememoire,
c’estle nom dela rue qui passaità ci%&decetteecolelà) (4) quej’ai tait le COUTS
moyen
II et qu’on m’a pressenteau certificat de fin d’etudes primaires. Toutes cesécoles
avaient un seul directeur,qui passaitregulièrementdanschacunepour lesvisiter. A la
tête de chaque école,il y avait un «chef de groupe».
- Q - Et ensuite ?
- Q - Vous étiez donc venu dans cette école au CE2 et au CM. Est-ce que
l’école a gardé les mêmes bâtiments, ceux que nous voyons aujourd’hui ?
- Q - Quand vous @tes arrivb ici, en 1948, est-ce que la cocoteraie avait
encore sa vigueur ?
69
abattus,parce que devenustrop vieux : ils tombaientà chaquegrand coup devent. J’ai
dû demander au service de la voirie qu’on lesabatte.
- Oui, elle a gardé son prestige. C’est avec plaisir que je revois cette école,
surtout parce quej’y ai ete commeCIève,et que j’y suisretourne comme enseignant,
puis directeur d’école. Chaque fois que je passepar là, je fais un tour pour voir les
enseignantset leselevesqui s’ytrouvent.
70
Toutes les&oles deLomé, commeje l’ai dit plushaut,formaient un seulsecteur.
Al’&ole Bohn il y avait une forge et un grand jardin. Il y avait un calendrier établi, si
bien que toutes lesécolesdeLomé envoyaient leurs enfants àdesjours donnes soit à
la forge, soit à la menuiserie, et on leur apprenait à travailler le fer ou le bois, ou à
travailler au jardin. Il y avait aussiun grandchampscolaireà l’emplacementde l’&ole
deTokoin-Ouest.On y cultivait le maniocpour le comptedetoutesles&oles de Lomé,
qui avaientune mutuellecommune Deux instituteurs,MM. Sinzogaet Barriga,etaient
chargesde la forge et dujardin scolaire.Quant au chefde secteur,c’etait d’abord un
Européen,M. Soboua,puis,après,Monsieur Aquerebutu Par la suite,chaqueÉcolea
eu sadirection.
(7) Archevtfchl.
71
admis».Notons qu’apr&r l’ecrit, il y avait desadmissiblesqui passaientles epreuves
orales (lecture, r&itation, lpns, histo-geo,l’education physiqueoù il fallait lancer,
sauter,grimper, em).
(8) Pour raison &conomiq le cours compkmentaùe de Lomé? avait &t? f& I 1934 b .1937
et ses tltves transftrts b celui de Porto-Novo.
(9) voù chapitre 16
72
no 7
LESARBRESALOME
-Vous savez,je nel’ai pasfait longtemps :j’ai placeune équipe qui acontinué
l’oeuvre, et je la visitaisde tempsen tempspour voir si le projet que j’avais laisse.avec
plan à l’appui- Ctaitbien suivi. A cetteepoque,nousavionscommesoucid’embellir un
peulesgarestout au long du Chemin-de-fer, pour donner un peu plus d’agrement en
reboisant,et puis pour permettre à ceuxqui attendaientle train d’être à l’ombre.
-Q- Pour ht gare de Lomé et son environnement, quelles ont été vos
realkations ? Qu’est-ce qu’il y avait avant vous, qu’est-ce qu’il y avait
après ?
73
juste en face du ministere desAffaires etrangeres,qui etait l’ancienne direction des
Chemins-de- fer (c’était M. Garnier qui Ctait le directeur géneral à l’époque). Tous
ceuxqui ont connu cetespaceentre lesrails et la route qui passedevant le ministère se
rappellent que c’etait vide. Et j’ai pris sur moi de cr6er une parcelle d’espacevert là.
C’est comme çaque, le ler dkembre 1943,j’ai eu à terminer la mise en place de ces
Cussiusiameaque l’on voit aujourd’hui encore et qui font paisiblementleurs presque
cinquanteans...
74
l’arbre-à-la-pluie, dont vous avez un certain nombre encore dans la concessionde
roRsToM,lepithé COlb6ium suma,dit l’«arbre-&la- pluie»,qui donne beaucoupd’om-
brage.
- Non, je n’ai pasagi là, parce que, entre temps,j’etais parti dansI’armke de la
Francelibre. Quandje suisrevenu,en 1945,j’ai et6 immédiatementaffecteàAtakpamé,
commeagent d’extensionagricole.
- C’est le Sterculia foetida qu’on appelle en 6~6 le kokéti et qu’on trouve là,
derrière la prison, tout à c&e de l’ambassadede France, puis à côté du PNUD. Cet
arbre était là et garnissaitl’espacevide. C’estune plante d’origine asiatique.Je crois
savoir qu’elle estintroduite ici depuisle tempsdesAllemands,commeles eucalyptus.
En cequi concerneceux-ci,il y avait desterrains markcageuxau quartier administratif.
Commeles eucalyptusassèchentlesetangs(un pied adulte évapore 8OOà1000litres
d’eau en 24 heures),lesAllemandss’enetaientservispour lutter contre cesmarkages.
Mais leSterculiafoetida, qui estappelekokéti, estCgalementune plante médicinale.
C’est une plante d’avenue, une plante qui par son port plaît beaucoup, et que l’on
pourrait mêmemettre en placeà cotedesteckaies(car on ne dit plus uteckeraieu, nous
disonsmaintenant deckah). C’estunebonne plante, que les Eaux-et-Foretsont pris
pour faire desreboisements.
- Non, on n’en avait pasfait l’inventaire botanique,ou bien son nom botanique
existaitquelquepart dansles archives,maispersonnene le connaissait...
75
- Q - Il vous a fi aUer jusqu’à Taiwan pour en mtmuvet lh@ine...
- Ça a et6 une rencontre un peu fortuite, parce que je n’y étais pas parti
spkitïquement pour œtte plante.Mais c’estau touts d’une missionofficielle la-basque
j’ai constate,au cours de mespdregrinations, qu’il y avait de très vastesBtenduesde
Sterculiafuezkia,et qu’on lui attachaitbeaucoupd’importance : on I’exploitait ample
ment
- Q - Autre arbre qu’on trouve beaucoup d Lmnt! : k neem (3) ; d’o3 vknt-
il?
76
d’eau dans les creux des branchesde cet arbre, et on a pensequ’il fallait limiter sa
propagation pour emp&cherla proliferation desmoustiques.Mais maintenant je crois
quecetteconsiderationne peut plusnousempêcherdemultiplier les flamboyants.Tout
le mondesait que le long desavenues,surtout sur la route d’Ago&nyive,le flamboyant
embellit notre ville en debut desaisondespluies.
-Ilyalavégetationanthropique,dueàl’homme,quiest cequ’elleest.Maisce
que je regrette, c’estdevoir regresserà une allure inquiétante la superficie de cette
belle forêt deBè. Et le nom deLame même?Ne nousdit-on pasque Lame setrouvait
77
dans une foret : .~Alotirn&+ou uAfomé» (4), qui estdevenuLomt?aujourd’hui ?C’est
dommagequel’hommeen soitvenu ii détruire ce quela naturea misà sadispositiond&s
sanaissancepour le rendre heureux.Les couchesdu terreau ont leur importance dans
la protection du sol et desespecesvegetalesenplace.Vous avezbeaucoupdeplantes
qui sont m&licinales et qu’on pouvait avoir à la pot%%de la main autrefois, mais
aujourd’hui, h&s !, œt environnement estcompletementdegm& au nom de l’urbani-
sation,de maniere inconsciente...
- Q - Ces baobabs &aient d la fois nalurels e.c anthropiques : ils &Gent utiles
aux agriculteurs. L.e plateau de terre de barre était humanisé, cukk!,
depuis longtemps, tandis que sur le cordon littoral, apparemment, hz
eocdwaie s’est mise en pkce entre 1890 et 1920-1930 ; c’est b ce moment
Ih qu’a dû se faire cet& dewuction de la for&. Vers 1940, il y avait-il
encore des lambeaux de forêts qui pouvaient se voir aux alentours de
LmIlê ?
(4) En but : SXZU mil& &.v arbumî ala, (Sorindeïa wameckei Engi.).
78
*
* *
- Q - Je crois quïl r(9 a pas que les touristes d être conceruh, il y a aussi
ks jeunes, tous ceux qui ont véku dans le morade iudifférencié des villes,
qui ont d counaîcre leur propre identit6 par la pr&erv&on du pas.& Je
crois que ce nht pas &re un conservafeur forcené que de prétendre 484%
fau$ maintenir ce qw. fait l’orighüté du pays, et pas seulement pour les
étrangers...
-Jepartageentièrementvotrepointdevue,etc’estœquej’ai toujoursditaux
jeunes, car je suis en contact avec beaucoup de jeunes. Ces jeunes genérations
m’intéressent parœ qu’ils perdent tout et neveulent pass’interesseràœ qui estchez
eux.Je leur rappelle souventqu’il faudrait faire un effort pour être d’abord soi-meme,
être de chez soi, avant de vouloir paraître de chezles autres. J’ai souvent posé la
questionauxjeunesde savoir quelle estla longueur du Mono (7). Ils ne la connaissent
pas,maisils connaissentla longueur du Nil, la longueur du RhBne et la longueur du
Rhin... Et même,des fois, quand je leur pose un piege : «Quelle est la longueur du
chemin de fer qui va de Blitta à Dapaong ?», il y en a toujours qui me trouvent une
longueur...,alorsquelechemin de fers’arrêteàBlitta !
- Q - Pour en revenir et@ d Lom4, quel sont les arbres les plus vies que
l’on puisse voir actuelhue.nt ? Est-ce que ce sont ceux de Béniglato, le
vieux ucimet2re de la plàgw ?
80
exemple les Termi~&iu, les badamiers de Malabar... Tout ça fait partie des plus
anciennes plantes qu’on a misesen place Ià ; le Sterculia fmtida dont on a parle, le
kokéti, fait partie de cesplantes, ainsi que l’arbre-à-la-pluie. Aux temps coloniaux
allemandset français,on a misen placecesplantes,et aussileseucalyptus,qui sont non
seulementdesplantespour assécherlessolshydromorphes,les emplacementstnaré
cageux,maisaussiuneplante degrandevaleur m&iicinale : l’essenced’eucalyptusse
vend dans les pharmacies.Les gensont reconnu cette valeur thérapeutique et s’en
servent dans les rhums, les toux, et puis dans les grippes, en infusion, ou bien en
decoction,en boisson,ou en fumigation, en bain devapeur... Et le badamier, dont j’ai
dejjaparlé, c’estune grande plante médicinale, qui intervient dans lesdiarrh&s, les
dysenteries,et dansbeaucoupd’autresmaladies.Mais à Lom6, les genssecontentent
desfeuilles,qu’ils ramassentpour leursjardins potagers,et puis lesenfantssont friands
desamandes.L’ecorœ decette plante esthautement antidiarrhetique, parœ qu’elle
contient beaucoupde tanin. De plus,la racinedecetteplante lutte contre la blennorra-
gie.Tout ça,il faudrait l’enseignerà la population, qui passesousœt arbre et ne serend
pas compte, et ne s’en sert pas comme il faut. Il y a beaucoup d’autres, comme le
caïlu5drat(Mtaya senegulensfil,plante le long de l’avenue du General-de-Gaulle, qui
passedevant I’ORSTOM. Vous voyezdesgensqui viennent mêmede Kpalimé, des
villages environnants, pour &orœr cesarbres. Quand j’etais haut-commissaire au
Tourisme, j’ai du intervenir pour que l’on protège cesplantes, qui sont maintenant
entoureesdegrillage, maisDieu seul sait s’ilsn’ont pasenvie de détruire cesgrillages
pour prélever lesécorces...Il y a rarement une plante qui soit ornementale sansen être
en mêmetemps médicinale, ou bien une plante qui soit fruitière et qui ne soit pasen
m&metempsmédicinale.
- Q - Est-ce que vous avez en tête d’autres cas concreh d’arbres particu-
lièrement anciens dans la ville ?
81
no 8
M. Etienne DEKPO
(né à Glidji en 1911)
83
- II Ctaitmaître ajusteur auxChemins-de-feret on lesavait tousappelesici.
-En ce moment-là,il n’y avait pasd’argent. Quand j’ai été libere, je gagnais62
francspar mois ; ceuxqui sont partis ne recevaientque6 francs.C’estpourquoi tout le
mondepartait.
- Q - La criw hwwmique des annth 1930 avait donc amen& une forte
dhction de l’actàviti! des chemins dè fer ?
84
- Q - Mais jusqu’en 1934, là construction de la ligne nouvelle AUpam&
Sokodé (qui SI~% alors d Blitla) a dt2 quand mhe vous apporter une
actîvitd ti impoltante ?
- Ça n’a pas eté confi aux Chemins-de-fer. C’étaient le role des «Travaux-
neufs».
-Q- Donc hrrêt dès Travaux-m@, en 1934, n’a pas reprhenté une
baisse d’activité pour vous ?
- Q - Que& était, dans les annkks 1930, la proportion du matkiel qui étair
encore allemand ?
(2) Pour desservir les compagnies commerciale-s sifwks rue de Commerce, que parcourait
une petite voie fmf!e.
85
- Q - Est-ce que ceh ne posait pas un problthe quand ces locomotives
alkmandes Ment en panne ? 03 trouver les pièces de rechunge ?
-Q- Y avait-if encore avec vous des cheminots >?s qui avaient ét6
ouvriers sur 153 chemins & fer allemank ?
- Ils ne recherchaient que le retour des Allemands. Même mon patron (il se
nommait Athanase Messan; c’estlui qui m’a appris mon metier), il voulait que les
Allemandsreviennent.Tout le temps,il parlait desAllemands,que lesAllemandssont
bonset qu’il faut qu’ils rwiennent. Et il croyaitque,demain,lesAllemandsallaient &re
la. On semoquai&delui...
- Q - Pourquoi I
86
*
* *
- C’est à partir de cet avion-là que nous sommes alles voir : les gens ont trouve
que ces lieuxvides, couverts de forêts, etaient habitables.
- Une grande forêt ! Si vous êtes dans le train, vous n’allez pas demander à
descendre ici avant Lame...
I Le 7 aoQt 1939.
- ;P&ais le premier ici, tout Pri?s de la lagune. Il n’y avait personne d’ici jusqu’aux
rails, personne aussi jusqu’à la route là-bas. J’etais seul...
87
- Q - Vous êtes donc le premier occupant de cette partie du quartier. Quand
a-t-il wmmenc6 h se peupler ?
- 25 mètressur 25
- Je suistoujours locataire.
- Quandje suisvenu ici, il n’y avait pasde route ii partir d’Ahanoukop6 jusqu’à
notre prolongement,lUas. Cest à œ momentqu’un commandantde cercleavaitvoulu
organiser une fête pour lesjardiniers à Ahanoukopé. A œ moment-la dejjà,Gbadago
etait a Tokoin, et il était en mêmetempschef,parœ quec’estlui qui reoevaitlesimpôts.
Quand le commandantetait venu Wxis, à Ahanoukopé, il demanda:
(7)Alcooldcdidationduvinde,palme.
88
- «Où estle chef?
- Le chef n’a pasderoute pour venir», lui a-t-on repondu.
- On passaittant& par lesrails, tantôt par un petit sentier, 18où on afait la rue
maintenant. Il n’y avait pasde route pour aller àTokoin. Vous pouvezle demander A
n’importe qui : quandvous sortiezle jour et quevous nerentriez pasvite avant la nuit,
vous étiez embêtéspour passer(8).
-Q- C’était sans doute, une des raisons pour lesquelles les gens ne
voukàbt pas venir de ce côté de la lagune pour wtstruim leurs maisons.
Par eumplè-, wmment fuim pour amener des sacs de ciment ?
- Q - En effet, il y avait une grande mrriè~~ en& les rails e& la mute de
Kpaümé, qu>on a wmbl& il y a dèux ans.
-C’estlàqu’Ctaientlechantieretlabriquete~ed’Octa~anoOl~pio;c’estlà
qu’on allait prendre desbriques cuitespour travailler danslesquartiers du centre. Il y
avait desouvriers qui fabriquaient lesbriques.
- Q - Cktte briquemè est déjd indiquk sur un ph dè 1891. El& kit donc
encore ld, sous le rebord du phteau, 03 il y avait la carrith pour la
transformation de l’argile en briques.
- C’étaitbien la-bas.
89
- Q - De l’autre c6tt! du chemin de fer, cW&dire d quelques dizaines de
mètres d?ci, c’était un terrain qui appartenait d Octaviano Olympia, avant
d’êrre loti. Est+e que c’était aussi une phntation de cocotiers, comme au
SUddï?larlagune?
- Non, non ! 11n’y en avait pasici ! Au moment où moi j’étais venu ici, on ne
pouvait pasmettre le pied là-bas: il n’yavait qu’unegrande for&.
-Ou& tout4-fit.
-Oui,oui,çasevoit.
*
* *
90
- Personne ne m’avait demandéde faire ça.J’btais responsable des fondeurs
aux Chemins-de-fer. On a amen6 une plaquette de bronze à découper et à fondre.
Mais quandj’ai vu la qualite du brome et l’effigie,j’ai emballela plaqueet je l’ai ca&
dans un magasin. Même le chef de service ne le savait pas, jusqu’a l’arriv6e des
Allemands qui sesont occupesdu chemin defer. Personnene le savait, pasmemele
magasinierqui estsur la photo avecmoi.
- Peut-bre bien.
92
no 9
LEWHARFDELOME
M. Joseph Amouzou KPODAR
(né à Anfoin en 1928)
- Q - Est-ce que ‘la construction de ces wha&z en pleine mer, au milieu des
vagues, avait présenté des difficultés techniques particulières dont on
avait gardé le souvenir ?
- Q - On dit que c’est le seul whatf de la côte ouest-qfricaine qui était équipe
pour travailler la nuit et qu’il ne s’arrêtait jamais, même les week-ends...
Est-ce que c’était te cas ?
(1) En fair, il avait &I! allong! en 1908-09, pu13 emportk par les vagues dkrte tempête le 17
mai 1911. Il rouvrit en novembre 1912 avec une pwerelle provisoire, qtd durera jusqu’d l’ou-
ver-are du wharf français.
(2) Èn 1954.
93
- Au debut, on travaillait de 6 heures à 18 heures. Mais, aprés 1950, avec
l’augmentationde la cadence,on commençaà travailler vingtet-une heuressur vingt-
quatre, douze heuresles dimancheset lesjours fëriés.
- Nous, nous travaillions avec les grues. Les agentsdes chemins de fer nous
envoyaient leswagonsavecdesproduits locaux4 décharger,ou bien desvoitures, des
fers, du ciment, du sel...,à charger sur les plates-formes que nous employions pour
travailler. Nous avionsune locomotiveà notre dispositiondu matin jusqu’ala fermeture
du wharf, le soir.
Pour les produits, les commerçantsles chargent dans les wagonset nous les
amènentsur le quai. Les grueslesdéposentdanslesboats qui lesacheminent,avecdes
chaloupesqui lestirent pour aller le long desnavires.
94
- Q - Quelles étaient les nwdtandb qui arrivaknt k plus 7
- Le ciment.
- Q - On peut citer ici un &t des anta& 1930, fort pittoresque dans sa
dwription du wh& C’est estrait du livre «Les bfitisseurs de royaumes»,
de l’écrivain Jean Martet (5) qui a visité k Togo en 1933.
uLomé appanrt : des maisons, une petite ville bâtie sur cette côte basse d’or2
s’avance perpendiculairement une chose noire, qui est le wharf: A Lomé, il y a même
deux wha#s - l’ancien et le nouveau, l’allemand et le fiançais. L’allemand tombe en
ruines et le fiançais se hérisse de six grues, magnifiques.
On me montre une petùe barque blanche que traîne une chaloupe à vapeur et
qui se dùige vers notre bateau (...), Elle accoste (...). Le supplice du upaniem com-
mence.
Je suis donc monté la dedans. Je me suis assis sur lune des a’eux banquettes
dont la balancelle estgarnie, legrand Bernard est montéh son tour; s’est assissur l’autre
banquette, enface de moi et, sur un commandement du capitaine, les gars qui la-haut,
font marcher les treuils et les mats & charge, ont «envoy&
C’est-a-dùe que le grand Bernard et moi, nous avons été enlevés dans les aùs,
arrachés du pont, balancés au-dessus des flots, nous avons tourné trois ou quatre fois
surnous-mêmesetqu’aprèsavoùheurtédeuxou troisfoisla coquedu Hoggar,- boum
! boum ! boum ! - nous nous sommes retrouvés en bas, tout en bas, au fond de la petite
barque blanche aux six matelots noùs, vêtus de bleu.
Sur quoi le gros crochet de fer qui nous suspendait au mât de charge s’est
décroché ; il est tombé sur le criine de Bernard, a’e tout le poids de ses quarante kilos.
Bernard a un peu crie, agitéses grands bras, et, la petite chaloupe à vapeur nous ayant
jeté une cor&, nous avons gagné le whar$ h la traîne. Arrivés au wharf la même
comédie a recommencé, une des grues est venue nous pêcher au fond de notre petite
barque, nous a promenés par les espaces, déposés doucement - boum ! - sur le tablier
du wha$ nous sommes sortis de notre panier.
,
Bernard et moi, nous sommes montés sur un petit wagon que deux messieurs
togolais se sont mis à pousser, joyeusement, d’un bout à 1‘autre du wharf et, bientôt,
nousprenionspied sur une terre rouge où un autre monsieur togolais m ‘invitait h payer
quelquesj?ancspour couvrir en partie les frais d’établissement du wharfk
96
Voüd donc comment l’on débarquait à Lomé en 1933 (hz sï%ne devait
d’ailleurs être pratiquement la même en 1953...). Mais revenons aux
souvenirs de M. Kpodar.
*
* *
-Q- Est-ce que les tfquipages des chaloupes fdnt partie du person-
nel ? Est-ce que vous alliez dè temps en temps sur les chaloupes ou &ùt-
ce des groupes de travailleurs très diffkrents ?
-Oui, àla fin dela guerre 1939-45,j’avais vu deskrumen qui étaient installes à
Lomé, logesdansl’ancienmagasinallemand.C’esteuxqui travaillaient. Ils quittaient le
wharf pour aller auxnavireset rentraient à Lomé unefois le servicetermine.Vers la tïn
de 1945,ils ont Btéévacu6sversleur paysd’origine et remplacespar les autochtones,
pris sur place.
(6) L.cs krumen -en &n&al dkthnù Km, d’o3 le jeu de mot mr liangiaîs wxewm (+ipa@-
> ontcontinuctrLslott~~banbarquerwIcs navira comme équipas d’appoint.
97
hiais menons au personnel du ww. Il dépendait des Chemins-de-
fer, mais il était autmwme ?
-Q- Est-ce quel &it plus prestigiew d’être au wha@ que d’être un
cheminot ordinaire ?
98
- Q - Vous parlez hi dtuxidèm surtout mai&& : une voiture qui tombe
d l’eau, l’assurance peut la remplacer... Est-ce qu’il y avait aussi des
accidents de personne ? Est-ce que vous avez tks collègue qui son2 morts
en faiwnl çe travail ?
-Q- Est-ce que vous aviez uue organihon pour défendre vos intérêts,
votre salaire vis-d-vis de l’administration ? Est-ce qu’il y a eu des bav
diflïiles, des httes qu’il a fallu mener ? Est-ce que ça s’est toujours bien
passé ?
(7) Wuuf pour kporîation des phosphates, d 35 km d l’est aè Lo&, construit b kxtr&e
jIn de la pkriode coloniale.
(8) En 1964.
(9) Carri& b 60 km au nord de Lomé, 03 l’on a extrait les blocs de gneiss pour la construction
des digues ai4 porL
99
- En 194930, on avait supprime lesprimes d’heuressupplementairesaux fonc
tionnaires,c’est-à-direaux agentsdu cadre,pendant dix mois.En novembre 1950,on a
fait une gr&veavecsuc&. Et puis en 1954aussi,une autre grêve, qui dura sixjours.
C’estàcemoment qu’on aaffecte le camaradeDekpo au ServicedesTravaux publics
et M. Banza au Service du TrQor. Le gouvernement fut obligé de faire appel aux
piroguiers de la prefecture des Lacs (que nous appelions alors le cercle d’Anecho)
pour remplacer les grevistes.Ils venaient desrivieres d’Agbanakin et d’Avt?ve(10). La
gr&veprit fin au sixièmejour ; le gouvernement avait accordé aux grevistes ce qu’ils
r&zlamaient.Le camaradeDekpo revint aux Chemins-de-fer,mais pasM. Alomenou
Banza,age, qui etait sur le point de partir en retraite. Les camarades piroguiers
r&up&és d’Aneh pour nous remplacer,delaisses,s’agitèrenteux aussi,et le gouver-
nementdécidade lesreprendre.C’està œ moment qu’on instaurala troisi&mevacation
de21 heures sur 24 heures,en 1954.
100
- Q - Nous avons ici un monument historique, une carte qui a presque
quarante ans...
Pour Compt%%erle whatf il y avait bien siJr la gare, les atelier dès
Chemins-de-fer, etc. Il y avait aussi un phare pour guider les bateaux. 03
était-il ? A quoi ~embkzi.6il ?
- Q - Alors, est-ce que lè travail était beaucoup plus facile au port qu’il
n’était autrqfok au wha$ ?
- C’est très facile au port, parce que lesbateaux accostentle long du quai. Les
marins du navire prennent les marchandiseset lesjettent àquai, et leschariots et les
grues viennent les chercher.
*
* *
- Q - Ici, nous sommes d Souza Nètimt?, tout près de la seconde forêt sacrée
de Bè et dè la «Savonnerie & Bè». Quand vous vous êtes instaué ici, en
1953, y avait-il déjd des maisons autour, ou est-ce que vous étiez l%r des
pmmiem d venù wnstruire ?
101
- Q-Et lafort%sacde ? Comment étnit-ellè en ce temps& ? Etait-elle plus
grande qu’aujourd’hui ?
- Elle Ctait plus grande. Avec le nombre de gensqui s’accroît,la foret sacke a
recule de 50 m environ, puisqu’on jette lesordures aux abords de la foret, qu’on lesy
brftle... Cequifaitque laforêtserétrécit.
- Si vous vouliez qu’ils deviennent votre propriété, vous deviez payer 1OOO
francs.
(13) Aujourd’hui poste de police, en face du marché de Bk. Souza NMmd &ir la plus vaste
cocoteraü des alentours de Lomk, progressivement lotie par Augustino de Souza et ses
alfmts cnlrc 1950 et 1970.
102
- Q - combien la wnstmction a% la maison vous a-t-elle coûté ?
-Plus cher que le terrain ! 24000 briques à 1200 Fet les frais de transport :
l2OOFpourles~OCObriques.Ilavait falluaussi20000fBncspour lemaçon,maisœlui-
cia pris le large...Il afallu chercher un autre maçonpour terminer le travail !
- Q - Vous êtes donc chez vous depuis 1953. A quel moment est-ce que le
quartier s’est peuplt! autour de vous ?
- Vers 1956.
103
no 10
- Q - Père Gbikpi, nous voudrùms aborder avec vous l’hktoire des écoles
catholiques, qui ont fond une parti& importante des gens de Lomé, de
leurs tS!itex Quel&?s ont 412 les premières ~CO~S, dans quels b&nents et
avec quels responsables ?
105
les noms de ces deux petits. A la fin de 1893, on avait dejjà 150enfants dans les écoles.
L,‘importanœ de l’apostolat par Mcole provoquera des 1894 la mefiance des féticheurs.
Nous lisons en effet que les centres de fétichisme de Grand-B& (5) et de Togoville
relevaient la tête. A Grand-Bè, on chercha à se debarrasser du missionnaire quand il
entreprit de construire une école. A Togoville, écrit le Père Dier, la population est
mefiante, entièrement vouée au fetichisme et ne veut pas entendre parler de la mission.
Les enfants sont nombreux, mais aucun nevient à l’école. Les féticheurs sesont bien
rendus compte que l’apostolat par l’instruction des enfants cloignait ces enfants d’eux et
les amenait à la nouvelle religion.
Dans les statistiques de cette annee 1895, on mentionne que 485 enfants fré-
quentaient les &oles catholiques. En 1899, ils sont SO3kcoliers. Enfin, dans le rapport
officiel du gouvernement au parlement allemand, le «livre blanc» de 1909, on men-
tionne l’heureux developpement de l’enseignement du Togo. A Lomé, on vient de
construire un bâtiment de 30 mètres de longueur, à deux etages ; c’est l’école profes-
sionnelle, dirigée par six freres allemands. Un grand nombre de Togolais se forment
dans les neuf ateliers : des menuisiers, des charpentiers, des maçons, des serruriers,
des cordonniers, des tailleurs, des peintres, des sculpteurs sur bois, des couvreurs, des
imprimeurs... C’est une belle oeuvre, non seulement pour la mission du Togo, mais
pour le pays tout entier.
- Q - Vous rwus uvez parlé des effectifs des écoles, mais on ne sail pas dans
quel3 endroits ces écoles se trouvaient.
106
- Q - On a cr& par la suite une deuxième école catholique dans kà partie
nord du quartier d’Ynagokom4, nk+ce pas ?
Le 8 janvier 1896,il Ccrit au Père Bücking : «J’ai déjà quatre soeurs pour le
Togo, et j’en aurai bientôt six,cequi permettra d’occuper deux postes».Ceci àcause
de la divergence qu’il y avait danslesopinions : certainsvoulaient tout pour Adjido,
tandisque d’autresvoyaient l’évolution future de Lomé et voulaient avoir tout de suite
dessoeurs pour Lame. Donc il dit qu’il a dessoeurs pour deux postes,mais il Ctait
n&essaire que toutes les soeurs restent d’abord un mois ensemble. Sur le plan
eccl&iastique,l’ensembledela questionrelevera du pi?reDier, administrateur aposto-
lique. Une fois encore,les chosestraînèrent plus d’une année.Les quatre premières
religieuses,lesSoeursBernarda,Fratuisca,Vicentia et Margareta arriverent le 6 mars
1897. Elles furent accueillies avec l’enthousiasme qu’on devine, et elles se mirent
immediatement a la tache où elles sont irremplaçables : la formation humaine des
chretiensde la jeunessefeminine. La première supérieure,Soeur Bernarda, etait une
religieusetout a fait remarquable.Elle reussitadmirablementauprèsdesjeunesfilles et
desfemmes africaines, ce qui explique l’affluence des enfants à l’Écoledes les pre-
miersjours.
107
Les Cpreuvesn’allaient pourtant pastarder. Au mois de mai, la mort emporta
Soeur Ekrnardaet le PèreHoffmann. Celui-ci avait beaucouptravaillé pour la mission.
Particulièrement doué pour les langues,il avait écrit plusieurs ouvrages en éwé :
catechisme,histoiresbibliques,livres depriére, grammaire,dictionnaire...L’arriv&e de
quelquesmissionnairesput heureusementcombler cesvideset la situations’améliorera
sensiblement.
108
Quant auxécoles,le Père Riebstein écrit :
«Le lendemain de notre arrivée, nous fûmes présentés au gouverneur
anglais(9) et auxautoritesadministratives.Le fonctionnaire chargede l’enseignement
me dit alors : «Père, je veux que les Ccolesallemandes de la mission deviennent
anglaises.Débrouillez-vous». A Lomé, il y avait alors 600elèvesavec16moniteurs ;
Mgr Hummel leur ajoignit un maître d’ecole dela Gold Coast.Je mesuisdonc mis à
l’oeuvre. La sortie de l’école ayant lieu à 16heures, je prenais les moniteurs de 16
heures à 18 heures pour leur enseigner les leçons qu’ils devraient donner à leurs
elevesle lendemain.Deux autresinstituteursde la Gold Coastfurent envoyésà Lame
un peu plus tard, pour les autres classes,si bien qu’à la fin de l’annee scolaire, nous
reçumeslesfelicitations du gouverneur anglaiset une subvention de300 livres ster-
ling, sommequi fut doubleel’an& suivante.Les soeursdeNotre-Dame-des-Ap&res
n’arriverent que deux mois plus tard, le 4 mars 1918.En attendant des moniteurs
allemands assuraientl’enseignementdesfilles qui, d’ailleurs, nefrequentaient alors
queles petites classes».
Pour comprendre l’opération desmissionnaires,faisonsun rappel historique
pour voir le Togo aupoint devue politique.Des lesdcbutsdeshostilit&, aumois d’août
1914,Anglais et Françaisavaient partage le Togo en deuxzonesd’influente. La plus
grande partie de la colonie allemande,cote ouest(avecLome, la capitale) fut retenue
par lesAnglais et l’est avoisinant le Dahomey fut laisse,avecAneho, Atakpame et le
Nord, àla France.
109
«Revenons à Lame, où le gouvernement français s’est etabli apres le partage
definitif du territoire. D&s que les Anglais eurent quitté Lame, le ler octobre 1920, le
directeur de l’enseignement vint faire unevisite rapide à l’ecole de la mission et me
donner ses instructions : «Mon PCre, me dit-il, votre école anglaise va devenir une
6cole fran@se ; débrouillez-vous». Je lui objectais : «Ce serait une fausse manoeuvre,
mal vue par la population, que de supprimer brutalement l’enseignement de l’anglais.
Laissez-nous continuer avec les hautes classes afin de conduire ces élèves jusqu’au
standard seven, la classe terminale des écoles anglaises. Les petits se remettront tout de
suiteau français». Ces objections furent jugées raisonnables et l’écolecontinua pour
un temps, mi-anglaise, mi-fran@se».
- Vous qui savez tout, vous ne connaissez pas Gordon ? C’etait un génie ! C’est
l’un des rares ékves qui ont profité de l’enseignement de l’allemand, mais si simple que,
instituteur bien apprécié, il a continué l’enseignement de l’allemand, puis, rapidement,
il s’est fait instituteur anglais, à l’arriveedu Père Riebstein, comme ce dernier l’avait
raconté. Il est devenu ensuite instituteur français. Il maniait aisement l’allemand, l’an-
glais et le français : un genie polyvalent, qui avait une belle kriture gothique et dressait
de belles calligraphies ; il décorait les choses. C’est le plus grand musicien que le Togo
ait connu, je crois. Il avait l’oreille fine ! C’est lui qui jouait dans les grandes circonstan-
ces ; c’est le grand organiste que les pères allemands ont laissé ici, au Togo. Monsei-
gneur Cessou,àson arrivée, a été subjugue par cet homme-là. Il l’adorait et voulait à
tout prixen faireun prêtre. Il l’envoya àStey1 pour parfairesesétudes. Malheureuse-
ment sa sante etait deficiente : le pauvre homme n’a pas pu suivre. Il paraît que, la-bas,
le froid trop vif lui a fait du mal. 11 est revenu mourir ici, au Togo. C’etait une
personnalité don? les anciens de Lame parlent toujours avec beaucoup d’admiration.
Le Pere Riebstein nous a dit qu’il avait dû se remettre à l’ouvrage, avec ses
moniteurs, avec la même methode employee pour l’introduction de l’anglais trois
annees auparavant. Mais les progrès furent moins rapides, d’abord parce que le
français est bien plus difficile que l’anglais, et puis les maîtres etaient las, fatigués de ce
continuel changement de langues. Ils en etaient alors à la troisième langue euro-
péenne, sans parler de leur propre langue... En 1923-24, on raconte que l’anglais fut
brusquement supprime, avec le resultat que les hautes classes sevidèrent complete-
ment : durant les vacances, les élèves s’etaient fait inscrire dans les Ccoles anglaises de
la Gold Coast toute proche, à Denu. Ici, on continuait avec le français seul.
110
«Ici, raconte encore le Pere Riebstein,en 1935,si messouvenirs sont exacts,je
fus heureux d’accueillir à l’école de LomC, les deux fils, Alex et Robert Dosseh,
enfants du brave catechisteCasimir, deVogan. Jene medoutais pasalors que 27 ans
plus tard, en 1%2, le petit Robert allait devenir le premier archevêquetogolais,et son
frere, Alex, le grand maître de musique de la cathédrale et du lycée français de
Lomé» (11).
-Q- Père Gbikpi, pouvez-vous rwus parler des activitks des missionnui-
t-es, et ausi des kvénements qui ont marqué la vie d la cath&drale de Lomé.
111
Mgr Cessouparcourut fkquemment son vicariat, encourageant les fidéles à
revenir à la pratique dessacrements.Ça a Ctedifficile. Il s’efforça de développer les
oeuvres existanteset d’en accueillir de nouvelles. Mais il s’estsurtout devoué aux
écoles. Vous voyez donc, c’est l’ekole qui a Cte la Premiere preoccupation des
missionnairesà cette@quel&
112
Quelques-unes de leurs anciennes C&es m’ont aide à trouver des anecdotes de l’&lu-
cation sous leur apostolat.
Je peux vous donner la liste rapide des premieres soeurs qui ont laisse un
souvenir assez bien imprimé dans les memoires de leurs plus anciennes elèves. La
première, c’est la M&e Galhcan (12), qui était la mère supérieure de l’unique institution
religieuse à LomC, appek dksormais Notre-Dame-des-Ap&res, à «laPlage», à
Adawlato, presque enclave par legrand-marcheactuellement. Sousson autorité, il y
avait une douzaine de religieuses. Citons, entre autres, la Soeur Ischyrion (13), la plus
âgée aprks la M&e Gallican. Elle était alors la surveillante générale de l’internat,
chargee des problemes de l’economie domestique : entretien des internes, alimenta-
tion, cuisine des soeurs et des internes, lessive et repassage, linge de l’eglise et habits
des prêtres, des freres et des soeurs, mise en place et entretien des jardins potagers.
- J’ai connu d’anciennes filles des soeurs qui, durant toute leur vie, sont fières
d’avoir rq cette kiucation des religieuses. Je connais par exemple Madame Isabelle
Amedzogbé, d&&l6e il n’y a pas longtemps, Mme Pablo, qui très petite etait déjà
enfant des soeurs, Il y a Mme Laura Onissa, connue sous le nom de Mme Doe-Bruce,
une qui fait veritablement honneur aux soeurs. Elle a conserve sa foi, sa pratique
religieuse, une foi Ch&ienne gkante, comme sa propre personne d’ailleurs (elle sort
d’une famille de g6ants...). C’est elle qui a donne le bel exemple d’avoir cr&de toute
piece une paroisse ici, a LomC, sur un terrain immense qu’elle a acquis de ses deniers.
113
Ellea eu l’audacede demanderde faire une église,et elle aconstruit une belle eglise
sur le terrain, un presbytbre à côté et elle a même installé des orgues dans l’eglise :
toute une paroisse, creée et donnee à l’evéche, qui a installe un prêtre : un bel
exemple, rbultat de l’éducation des religieuses. D’ailleurs son papa était un des
premiers de cesgensqui ont éte deschretiensdegrandetenue, d’une grande int@rite
Ch&ienne à Lomé. Il y a Véronique d’Almeida, devenue Mme Bandeira, Locke
Brenner-von Doering (son papa aetele dernier gouverneur du Togo), Mme Nicolas
Agb&iafa, originaire de la famille Aklassoude Lame, Mme Marie-Marthe Adjangba,
nt?eAmegan,la soeurdu ministre Amegan.Leur papaetait un grand maître catéchiste
à Lomé, qui a fait de la traduction pendantplusieursannees.Il a éte d’abord catkclriste
avec les pères allemands et anglais, puis, à l’arrivée de Mgr Cessou,il a ete un des
soutiensde la mission,et le grand interprête dessermonsde Mgr Cessouà la cathe-
drale de Lomé, du françaisen eWe,un petit bout d’homme...Moi, je l’ai connu comme
interprête à la cathedralede Lame. Citons encore Mme Marguerite Adjoavi Tr&ou,
nkeThompson, et sagrandesoeur,Mme Kodjo, excellenteepouseet mère de famille,
aussisoigneusede satoilette debelle dameque scrupuleusementfidèle à sespratiques
de dévotion Ch&ienne... JCnepeux paslesciter toutes...
Oui, il faut dire quecessoeurslà ont fait un travail magnifique, dont j’ai
pu connaître lesfruits. Aujourd’hui, beaucoupdeleurs anaenneselevessont fières de
parler d’elles (16).
114
no 11
UN INFIRMIER D’ETAT
-Q- Donc cet échis, ckst-à-dire une sorte de vipère, était, rS l@oque,
inconnu ou du moins rare au Togo. L’échk est un petit serpent, mais l’un
des plus venimeux. Au téEphone, vous nous avez dit que vous en aviez
déjà vu chez vous.
- Oui, on ne le connaissait pas ici, mais chez moi, à Atakparne, j’en avais dejà vu
dans les ann&s 1940, quand j’étais encore enfant. Nous en avions tu6 un dans le jardin
scolaire. Ce qui m’a marque, c’est qu’au moment où on allait le tuer, il n’&ait pas 3g6 : il
n’a pas file comme les autres serpents ; au contraire, il s’est laisse tuer. J’ai alors
remarque que son ventre était tacheté de points noirs. Quand j’ai vu le spécimen qui
(1) Nom scientifique : Echis carinatus (PrononcC ékis). Setpent qui vit surtout en zone de
savane ; sort au crépuscule; 1~2s agressif et venimeux ; 85 cm aé longueur au maximum ; beige
avec aks taches noires.
115
avait mordu le docteur,le serpentquenous avionstue danslesanntks 1940(et que les
gensde chezmoi appellent a@um&%)m’estrevenu à l’esprit. (K&maZéveut dire qu’il
vous abat quand ilvous mord : il estcertain quevous enmourrez).
- Q - Quand vous l’avez vu, vous, pour la première fois, c’était sam doute
avec votre instituteur. Est-ce qu’il connahxait d@ ce setpen& ou bien est-
ce qu’il le daCouvrait en même temps que vous ?
116
hémolysé ; alors, si vous avezune cicatrice -qu’elle soit accidentelle, esthétique ou
ethnique-, tout ças’ouvred’un seulcoup.Alors on lui faisait desanti-hémorragiques,
maiscelanes’arr&ait pas,durant quinzejours ; il en estmort.
117
venins d’autres serpents dangereux, tels que les bitis et les dendroaspis, réputés les
plus dangereux. On préfere le serum polyvalent parce que, quand les gens arrivent
aux centres medicaux, ils ne peuvent pas determiner par quel serpent ils ont et6
mordus. Et le traitant qui est là se trouve embarrassé, ne pouvant pas savoir de quel
serum il peut seservir : gros problème ! D’où maintenant ceserum mixte, polyvalent
pour tous les serpents, que ce soit echis ou vipère, ou autres serpents venimeux.
- On n’a pas fait précisement des recherches. C’était une trouvaille fortuite ; on
ne s’y attendait pas... C’est quand l’accident du docteur est survenu qu’on s’est dit qu’il
fallait maintenant trouver quelque chose pour les casà venir. Lui, il Ctait dejà mort, mais
il fallait essayerde trouverquelquechosepourlesvictimesfutures.
*
* *
- Q - Vous êtes vous-même infirmier depuis 1945, et vous nous avez dti que
vous êtes à Lomé depuis 1949. Vous êtes donc venu ici au moment où l’on
a commencé les travaux du nouvel hôpital, l’actuel CHU-Tokoin.
- Ah oui, j’étais arrive tout juste au moment où on avait commence les travaux.
J’avais commence a travailler dans l’ancien hopital, qui est actuellement le service des
TP (4). Nous avons même assisté a la pose de la première pierre de cet hôpital. Nous
etions encore jeunes en ce temps-là...
- Oui, en effet, les gens pensaient que c’etait très loin, et ils n’aimaient pas venir
ici, à Tokoin. Ils disaient que c’était trop loin : comment les malades pourraient-ils faire
pour venir jusqu’ici, puisqu’en œ temps-là, il n’y avait pas de moyen de transport ? Il n’y
avait pas de taxi : on allait à pied. Je me rappelle que le premier moyen de transport
urbain qui est arrivé était un omnibus d’occasion, qu’un Européen avait amené ; il faisait
Lame-Tokoin à 10 francs,et les gens se plaignaient :
- «Comment depenser pour aller à Tokoin ?
- A pied, je ne depe,nserai pas 5 Favant d’arriver...»
Et les gens allaient à pied. Meme si on hospitalisait les malades ici, la plupart du
temps, les parents venaient la nuit les emporter : c’etait trop loin, et donc iLs n’auraient
pas de soins : les gens allaient mourir...
118
- Q - Est-il vrai que, comme b d&ait kà rumeur publique en ce temps-là, les
@ns mouraient en masse d l’hôpital ?
- Q - C’est comme cela que vous y êtes venu pour là première fois...
119
*
* *
- Q - Dans CRT débuts des an&s 1950, quand vous commenciez h venir h
l%&piM de Tokoin, qu%st-ce qu’il y avait autour ? Ou tftaient les maisons
les plus proches ?
- Ce n’etait pas une foret, mais plutôt une brousse,avec de grandes herbes
qu’on ne pouvait traverser parce que les lieux etaient marecageux.Les quelques
grandsarbresqui etaientla y sont encore : ils nesont paspartis.Il y avait une pépinière
pour le Service de l’Agriculture en descendantà droite (5). C’était aussi le jardin
d’essai; les arbresqui sont là-basy etaient depuis longtemps.
- Q - Vous veniez d l’hôpital par h route de kpalime, qui, bien sûr, n’etait
pas goudronnée à l’époque. Comment veniez-vous, à pied, à bicyclette ?
- On venait d’abord à pied, puis à V~O.Il n’y avait pas de vélomoteurs et les
voitures etaient rares; seulel’ambulancecirculait entre l’hôpital et la ville.
(5) Ancien jardin botanique b l’époque allemande ; aujourd’hui encore Dùection a& Parcs et
Jardins.
(6) De 1931 d 1944-45.
120
lendemain, en rentrant, parce qu’on est à proximite du Ghana, d’où venaient ces
voleurs. Je merappelle qu’un de mescamarades,qui habitait derriere la lagune,hi-bas,
a et6 assassin6froidement par un voleur qui avait pknetre chezlui. Il S’&aitréveille en
sursautpour le poursuivre et quand il l’a pris, les bras le long du corps,levoleur en a
profite pour lui ouvrir le ventre, et il en estmort.
- Q - Etewous venu ici pour dès raisons dè commodité, pour être près &
votre lieu de travaii ?
- On a fait une bonne affaire, quoi que, au debut, on aît cru que t’en était une
mauvaise.Les gensnousdisaient: «Mon cher,sivous achetezun lopin de terrain, vous
n’allez pas dépenser la moitié de cc que vous avez investi ici, et vous serezmieux
logé».Aujourd’hui, comparativementauxcamaradesqui ont construit eux-mêmesleur
maison,nous ne nous estimonspas l&&, parce que nous avons Peaucourante ; les
eauxus&s sont évacuéespour certainsd’entre nous.Et puis le quartier estbien situé,
enUvation : il n’y a pasd’inondation quandil pleut, pasd’eaustagnante; lesrues sont
dCbarass&sdes ordures...
- Q - 100 mensualith, donc huit ans environ, c’était donc quand même tràr
lourd. Mais si vous aviez dtl construire vous+n.he, quelle pourcentage de
votre salaire auriez-vous dû y mettre 7
- Q - Ces gens qui ont ucqub fes maisons en même temps que vous, autour
d’ici, est-ce qu’il sont toujours Id ?
Au début, c’ktait pour une dur6e d’un an ; à la fin, vous passiezun examende
sortie. Ceuxqui nerkussissaientpascontinuaient encore sixmois, mêmeun an pour
ceuxqu’on voulait retarder. Alors ils passaientl’examendesortie avecla nouvelle pro-
IllOtiOtL
- Q - A l’hôpital de Lomé et dans tous les services qu’il y avait auto&, est-
ce que la totaLté des infirmiers était togolais, ou est-ce qu’il y avait encore
des étrangers ?
- Avant que je ne vienne ici, en 1949, il y avait déjà des médecins que nous
appelions les «médecinsafricains».Ils Ctaienttous togolais.Parmi eux le Dr Hospice
Coco,M. Johnson Samuel,et puis les Dr Trenou et Fiadjoe...
122
-Q- Les médecins africains étaient formh dans une école spéciale de
Dakar en quutre ou cinq ans, nkst-ce pas ?
- Si j’ai bonne mémoire, ils sont arrives entre 1956 et 1960. Les premiers Ctaient
le Dr Kpotsra, et puis Kekeh, Vovor...
- Oui, ils sont venus exercer à l’hôpital. Ils ont tous éte fonctionnaires de l’Etat.
Ils ne se sont pas installes à leurs frais.
- Q - D’après vous, quelles ont été les réactions des malades à voir arriver
des médecins togolais, qui se présentaient comme les égaux des médecins
militaires français qu’il y avait avant ? Est-ce que les gens ~III été plutôt
contents ou plutôt m&hnts ?
- Ces premiers medecins togolais ne sont pas arrivés aussitôt apres leur sortie
des facultés. Ils sont restes en Europe, où ils ont travaillé quelque temps ; alors leur
écho nous parvenait : on entendait dejà parler d’eux. «Voilà, il y a tel docteur togolais
qui travaille dans un tel hôpital, et qui va arriver...» Alors les gens étaient contents
d’avoir quelqu’un des leurs, qui comprendra mieux leurs problèmes parce qu’ils
pourront s’exprimer dans leur langue : ils n’auront plus besoin d’interprète. Les
interprètes disent souvent le contraire dece quevous leur avez dit...
- Q - Et est-ce que les infirmiers ont eu aussi les mêmes réactions favora-
bles, ou est-ce qu’ils n’étaient pas un peu jaloux de ces médecins qui
étaient leurs compatriotes ?
123
- Q - Est-ce que les gens -comme, d vrai dh, enwte wjourd%ui- Conti-
nuaient d pratiquer simultanément deux m6decines, c’est-d-dire, conti-
nuaient à se soigner à la mhnle traditionnelle tout en allant d I’luSpital et
en prenant les médicaments modernes ? Est-ce que vous avez vu une
évolution importante dans ce domaine ?
124
no 12
LA FONCTION PUBLIQUE ET
LA NAISSANCE DU SYNDICALISME
- Je suis arrive tout jeune à Lame, en 1930, et j’ai commence mes études
primaires à l’ecole publique de la petite-vitesse, qu’on appelle aujourd’hui Marius-
Moutet. J’étais avec mon grand-frère, qui a et6 fonctionnaire ici jusqu’en 1933, avant
d’être affecte à Kpalimé, où j’ai termine mes études, en 1937. Ensuite je fus admis au
cours supérieur d’Atakpamé, pour un an, avant d’entrer à l’école Victor-Ballot, puis au
college protestant au Dahomey. Je suis revenu à Lame en 1945, et j’ai commence à
travailler.
- Q - Où était ce bureau ?
125
états étaient régularisés à L.omk en émettant des manda& pour régulariser la situation
avec les agences.
- Le ajmmis stagiaire avait 650 F, plus les allocations familiales. Cela lui faisait -A
peu près- quelquechosecomme 850à 9OOF.
- Q - Est-ce que c’était un bon sahire, avec lequel on pouvait bien vivre-?
- Ah non ! Cela ne suffisait pas, parce que, après la deuxième guerre mondiale,
le coût de la vie a sensihlemcnt augmenté, immedialement. Mais avant p suffisait : les
fonctionnaires qui gagnaient 500,600 Fou 1000 F etaient des «gros bonnets».
- Q - Vous, vous aviez le salaire d’un agent d’Etat tituluire. Combien gagnail
un agent dit permanent, dans les années 1945 ?
- Les salaires des agents permanents n’étaient pas harmonisés. Ça variait entre
6 F, 8 F et 10 F par jour. Comme le salaire n’était p”s hiérarchk? ni harmonisé, chaque
chef de serwe engageait les gens au taux qu’il voulait. On n’ktait pas classe en
catkgories, comme aujourd’hui.
126
- Q - Quand a-t-on organisd le cadre des agents permunents ?
- C’est a partir de 1948 qu’on a commence à organiser les agents journaliers, tem-
poraires ou permanents, puis à intégrer certains agents permanents ou auxiliaires dans
les cadres des fonctionnaires.
- Ils devaient d’abord compter au moins cinq ans de service et remplir certaines
conditions, des fonctions qui sont devolues a des agents des cadres... Ceux qui
n’avaient pas cinq ans de service pouvaient passer un concours professionnel, s’ils
avaient au moins deux ans de service.
-En principe aux Finances, nous etions tous des agents d’exécution, doncdes
Togolais, ou du moins des Africains. On comptait qaratrc ou cinq Européens qui nous
encadraient, qui ttaient les chefs de section.
- Si, il y en avait.
127
- Q - Quelles étaient les conditions de travail, les horaires, le mat&ieL ?
-Les conditions de travail étaient pénibles parce qu’il n’y avait aucune
machine : toutsefaisaità la main Il fallait faire travailler le cerveaupour pouvoir arrêter
la comptabilité...C’etaittrèsdifficile.
(1) En 1981.
128
- Q - Quand, tout jeune, vous aviez intt.!&r~ le bâtiment, comment LSez-
vous trou& ? Est-ce qu’il &-tait beau ?
- Oui, c’était tr&s beau, et j’etais très content de me trouver dans ce grand
bâtiment,parmi lesvieux cadresfonctionnaires.
- Q - 03 habitiez-vous h ce mïment-ld ?
-Q-AAdoboukomt!?
-Apartirde 1956.
- (Rire). Je croisbien...
129
- Q - Mais, à Hpoque, il y avait beaucoup moins de circulation devaN votre
véranda (2) ?
- Q - A combien ?
- Q - Mais c’était bien une vraie vente : pas une location à 500 F et deru:
bouteilles de schnapps par an...
- (Rire). Non, parce qu’à l’epoque,mon salaireetait dejà un peu plus eleve.
130
- Q - C’était une pKnie & forte in$àtion, oii la monnaie perdait très vite
sa valeur.
-@tNça!
- Oui oui !
- Q - Vous aviez donc besoin d’au moins 500 F par jour pour vous nourrir.
Le loyer était d combien ?
- Q - Donc votre salaire vous permettait de vous acheter cinq ou six vélos
par mois...
131
maïs. Ce n’est qu’apr&s que les gens y ont pris go&, et ont commence à manger
beaucoup de riz.
-Q-Apartir&que&unn&dpeuprès?
- Oui, ce n’était pascher, mais perçu comme étranger. Ce n’etait que dansde
raresoccasions,lesfêtes,lesmariagesou autresc&monies, qu’on préparait du riz Ce
n’estpascommeaujourd’hui, où lesenfantsveulent en mangertout le temps,où le riz
est devenu un aliment de basepour certainesfamilles.
*
* *
- Q - Elle avait donc dékgut! des syndicalistes français pour organiser lès
travailleurs togolais ?
- C’est ça ! Ils etaient d’abord venus pour sensibiliser les gens, pour faire
connaître le mouvement syndical.Evidemment, nous l’avions appris dansla presseet
par la radio : on connaissaitdejà œ quec’étaitque le syndicalisme,
maison nesavait pas
exactementcomment ça fonctionnait, parœ que les syndicatsn’etaient pas encore
autorisesen Afrique francophone.On savaitqu’au Ghana(la Gold Coastà l%poque),il
y avait dessyndicats,mais,au Togo, celan’existait pasencore.
-Tout le monde!
- Par branchesprofessionnelles ?
133
- Q - Comment s’appelait-il ?
- Non ! Mais je peux dire que c’estl’enthousiasme qui emportait tous les tra-
vailleurs : à l’époque,pratiquement touslestravailleurs cotisaient.Au début, la cotisa-
tion etaitfïx6eà 10F : cen’étaitpascher.Elle a etéensuiteportee à25 F, et ainsidesuite
- Tous lestravailleurs !
- Oui, parœ qu’en 1949, la CFTC (7), le syndicat des Ch&iens, &ait venu
installer une sectionau Togo (8). Mais FO n’a pastrowe de terrain ici La CFTC avait
pris les enseignantscatholiques et protestants. La presque totalite de la branche
chrkienne et quelquescheminotss’etaientegalementaffili& à œ syndicat.
-Q- Quelks étaient les relations ente les cheminots des deux
syndicats 2
(6) Force Guwi&, syndicat ami-comwniste qui s’est skpan! de la C.G.T. en 1948.
(7) Conftddration F~(UI~& des Travaillem Chrbtiens.
(8) Lu ConfMmtion syndicale des TravaiKeurs du Togo, branche togolaise de la Conft!d&a-
tion Ajkicaine des TravaiUeurs crqvants
(9) C& ci-akuq chapim 9.
135
d’hui : tout passaitpar le wharf, tout le trafic, mCmelespassagersdébarquaient par le
wharf. Alors, de temps en temps,quand il y avait gr&ve,cela sefaisait sentir, surtout
quand il y avait beaucoupde bateauxen rade...
- Q - Est-ce qu’il vous est arrivé de mener des actions communes d 1’tMeUe
de l%OF plus le Togo ?
- Oui, à Dakar. Cette grève avait abouti à l’adoption du codedu travail d’outre-
mer. L..agr&ve a eu lieu en novembre, et le 15décembre,dkja, la loi a été votée.
136
- Q - Que d&mentuit çe CO& du travail ; les horaùw ? Les gril de
sahire?La~~sociakè?
137
mentalit& Et s’il y a desprobl&mes,ils vont le voir... Ils ignorent qu’on ne lesa engag&
que pour un travail, et que c’està eux-mêmesdes’organiser.
138
- Q - 03 vous avez fmi votre carrière 7
- Q - A quel poste ?
- Q - Ce qui faisait une carrière bien remplie... Comment est née la bourse
du travail, à Lmd ?
(11) 1957.
(12) En 1974
(13) En face dc I’Ccolc r&ionale de la route d’Atu!ho~
139
dancing,où l’on s’entraînait aux dansesclassiqueset modernes (hotte, quirt, blues...).
Beaucoupdejeunes S’&aientinscritsdansdescerclesd’etudcs: il y avait beaucoupde
cerclesd’etudes organisespar desEuropeens, surtout par desenseignants.
- 11pouvait contenir jusqu’a 5000 personnes ! C’etait trés grand : une grande
cour et un bâtiment où lesmusicienspouvaient s’installer.
- Q - Vous t%iez descendu de Kpakünt! tout jeune, dans les années 1930.
-J’avais 7 ans.
140
- Q - Venant donc de R&+ieur, comment aviez-vous trouvé Lomé ?
- J+%aistr& emetveille le premier jour, très content d’etre à Lomé parce qu’au
village, quandmongrand-frère m’aannoncéqu’il voulait m’emmenerà Lomé, j’ai sauté
dejoie, j’etais tellement content ! Quand je suisarrivé, la première choseque j’avais
demandeà mon grand-frere, c’etait dem’amener àla plage :je voulais voir la mer ! Et
mon grand-frère medemandaitsij’étaisvenu pour voir la mer ou pour resteraveclui...
Le lendemain,il m’amenaà la plage: j’ai vu la mer,j’étaist.& satisfait...
- La ville n’était pas tellement grande, mais c’etait vraiment pour moi mer-
veilleux, parcequec’etait la première fois quej’avais pris contact avecune cite où il y
avait beaucoupdecirculation, desvélos,desvoitures...
- Vous savez,à notre époque, le mariage ne sefaisait pas comme ça,au petit
bonheur, ou au petit hasard...Il fallait se preparer, avoir beaucoup d’assisesavant
d’avoir une partenaire. J’avaistrente ansavant deme marier. On a c&bré le mariage
mpalink
141
- Q - Vous avez donc u?&b& votre murîuge d XCpali& avant de revenir h
Lomé. Est-ce que votre femme s’est vite in@& d Ia soci& ihn&enne ?
- Q - Revenons aux a.nn&s 1945, qui marquent votre en&& dans la vie
pratique, au lendemain de la guerre mondiale. Est-ce que vous pouvez
nous dire les restrictions qui étaient encore imposées d la ville de Lomé au
cours de ca années 1945-46 ?
- Q - Est-ce que vous aviez aussi une de ces cartes ? Qu’est-ce qui était écrit
dessus ?
-Q- Est-ce qu’il falluif déposer un fonds avant d’avoir une carte de
ravitaillement ?
- Non ! non ! 11n’y avait pas de depot de fonds. Vous aviez à faire tout
simplement la liste de la famille, quevous présentiez,et onvous livrait les cartesen
conséquence.
142
- Q - Quelques exemples de difficultés d’approvisionnement ?
- Avant la deuxieme guerre mondiale, les choses coûtaient moins chers. Par
exemple, le kaki coûtait 50centimes leyurd. Il y avait beaucoup de facilite ; on vivait
bien. Mais très rapidement, il y a eu pénurie de ces articles, car il n’y avait plus de
bateaux qui venaient ici. Alors, tout Ctait rationne, même le carburant. Les voitures ne
circulaient plus avec de l’essence, sauf les grandes personnes : le gouverneur ou les
autres personnes qui pouvaient avoir ac&?s à l’essence. Tous les autres vehicules
Ctaient condamnes à rouler au charbon, ce qu’on appelait à l’epoque les gazogènes :
on utilisait le charbon pour chauffer les moteurs. Moi, j’avais voyage pour la Premiere
fois en gazogene de Cotonou à Lomé en 1942, et c’etait difficile à l’epoque ! J’avais
aussi voyagé en gazogène pour aller à Kpalimé aussi bien qu’à Sokode ; j’avais mes
habits complètement brûles avant d’arriver à Sokode... C’était moins cher pour un tel
voyage. D’abord on prenait le train jusqu’à Blitta et c’etait de la gare de Blitta qu’on
prenait un vehicule pour l’interieur du pays. Il y avait des camions gazogènes qui
partaient de Lomé pour l’intérieur, mals c’etait trop lent, aussi, les gens preferaient le
chemin de fer. Les gazogènes ont étesupprimes à partir de 1945-46, au moment où le
ravitaillement d’essence était redevenu abondant sur le marché.
-J’ai connu beaucoup degouverneurs, mais le plus celèbre, pour moi, s’appe-
lait M. Noutary (14). Il y avait aussi les gouverneurs Digo (15), C&lile (16)... Celui que
j’ai aborde pour la première fois, c’était le gouverneur Digo. Nous l’avions saisi pour
les augmentations de salaires. Je vous ai deja parlé d’un inspecteur de travail qu’on
avait rapatrié parce qu’il avait demandé l’augmentation des salaires, après avoir reuni la
commission paritaire pour la révision de ces salaires. Cette commission avait travaillé et
nous étions allés voir le gouverneur avec les resultats. Il nous a tenu un langage, ce
jour-la, qui m’a fait peur. Il a tape sur la table et dit :
- «Ma décision est imperative, catégorique ! Non ! Je ne sors pas un franc du
coffre ! ».
144
no 13
- Q - Dr Mikem, vous êtes I%n des doyens des médecins togolais, mais tout
de même pas l’un des premiers. A quelle génération appartenez-vous ?
(1) Nous saluons ici la mlmoire de ce grand homme de coeur. Ceux qui l’ont connu rewouve-
ront ici sa voix avec émotion.
(T&e revu par Mme Mikem).
(2) A 500 km au nord de Lomé, pr& de Kara
(3) Ancien hôpital allemand («Reine-Charlotte de Württemberg»), construit en 1908-09,
puis agrandi jusqu’en 1914.
145
service de la p&iiatrie se trouvait Al’emplacement actuel du service d’hygiene de la
ville de Lame, tel qu’il existede nos jours. La maternité occupait leslocauxactuelsde
la gendarmerie nationale, en facedesbureaux de l’ambassadede France.
- C’était ouvert à tous vents ; il n’y avait pas de clôture, aucune protection.
Souvent, les maladesavaient leurs parents avec eux, pour leur préparer à manger.
Cependantil y avait unecuisinecentrale de l’hôpital, qui s’abritait sousdesbaraques,
entre le servicede la pediatrie d’alors et la matemite.
146
- Q - Dans ces annh 1948-50, est-ce que l’hôpital était très saturé ou est-
ce qu’il tipondait encore aux besoins de la population de ce moment Ià ?
- Q - Si vous aviez mal aux dents, où est-ce que vous alliez vous faire
soigner ?
147
Johnson et moi : on etait à la chirurgie. En médecine g&érale, il y avait des agents
techniques qui secondaient les médecins. Les m&kcins togolais étaient surtout affectés
dans le nord du pays ; ils venaient à tour de rôle faire un moment à l’hôpital de Lomé,
puis ils repartaient. Le docteur Edorh a travaillé aussi un moment à PMpital de J-orne. Il
y avait également un mCdecin qui s’occupait des services de la polyclinique, qui est
rest6 à son emplacement actuel.
- Le docteur Olympio travaillait wmme médecin privé. Chaque fois qu’il y avait
des cas graves, il pouvait les &acuer sur l’hôpital. Mais il y avait dkjà, à la clinique du
docteur Olympio, un service de radiologie bien klabork et qui servait à beaucoup de
malades : nous pouvions envoyer des malades là-bas pour faire un dépistage néces-
saire. Le service de radiologie de l’hôpital aussi faisait son travail : alternativement, le
docteur Chavenon de la chirurgie pouvait faire ses dépistages, aussi bien que le
docteur Leponcin de la médecine gérkrale.
- Je vous ai déjà signalé que les malades etaient considtkés comme indigents et
donc traités, soignks et nourris, gratuitement.
148
-J---Ce b&iment, qui a une architecture très curieuse (6), porte une
plaque avec la dute de 1924. Qu’est~ que cVtait aqnuwant ?
- En effet cet hôpital n’a pas Cte acceptede bon coeur tout de suite par la
population, qui atrouve quec’etaitun peutrop loin de la ville, alorsque l’ancienhôpital
était presqu’aucentre,ou danslesenvirons immédiats; l’ac& en etait t& facile : on y
entrait à tout moment,dejour et denuit...Et il y avait unetelle facilite quebeaucoapdc
parents de maladespouvaient coucherà l’hôpital avecleur malade.Tandis qu’avecle
nouvel hôpital, il a Ctedécidequ’il y aurait desheuresdevisite pr&ises. Et lesf&lités
que les maladesavaient -la gratuite dessoinset de l’alimentation- ont et&vraiment
compl&ementmodifi&s. Ainsi, d’une part le nouvel hôpital était trop éloignedela viIle,
et d’autre part on y avait etabli un certain nombre de contraintes qui ne leur conve-
naient pas.Alors, au début les maladesnevenaient pas !
Et la route de Kpalime, qui menedela ville au nouvel hbpital, etait peu sure :
c’était un chemin souvent frequenté, la nuit, par lesvoleurs, les brigands, les malfai-
teurs... Il y a eu, dans les premiers mois d’activite du nouvel hûpital, une tentative
d’assassinat,et le type a réussi à s’échapper ; et même un membre du personnel
d’entretiende l’hôpital a eteassassiné par desvoleurs. Il habitait non loin de l’hhôpital,au
bord de la lagune,sur la route deKpalimé (8). Il faut reconnaître queles gensavaient
raison,parcequ’ils etaienthabituesavenir voir leurs maladesmêmela nuit. Par ailleurs,
il n’y avaitpasun seultaxi dansla ville : c’estavecl’h6pital quelestaxissont n&sà Lame.
Avant, les genssedéplaçaient à pied ou àvelo (il y en avait beaucoup en ce moment
là) ; les gensne pouvaient pas,aveccesmoyens,se deplacer aussi loin de la ville. Si
bien qu’au debut il n’y avait presque pasdemalades...
150
un outil technique dkne qualité qui justifkxit les d&agn$neuts du
transfert ?
- Bien sur,evidemment...
151
- Q - Combien de temps aura-t-il fallu, d peu près, pour qu’il tourne en plein
régime ?
- Au moins un an.
- Q - Il y a des services qui vous ont rejoint plus tard, comme la maternité,
n’est-ce pas ?
Le medecin résident est attache à un hôpital pour y accueillir les malades qui
arrivent soit en urgence, soit pour se faire consulter parce qu’ayant une maladie grave.
Il réside toujours non loin de la ported’entree,où il y a du personnel qui reçoit,et qui
appelle le médecin pour qu’il vienne examiner le malade et indiquer le service où il
doit être hospitalise.
- Pour moi, jusqu’à mon départ pour Aného. Après mon départ, il y a eu encore
des medecins residents, parexemple le docteur Fiadjoe et ledocteur Ohin...
- Il y avait un service de garde la nuit dans les services, pour les malades
hospitalises ; tandis que le médecin r&ident doit recevoir surtout les nouveaux malades
qui entrent, s’assurer de ce qu’ils ont et établir un diagnostic sommaire, pour pouvoir
l’admettre dans un service déterminé. Le lendemain, le malade est pris en charge par le
medecin-chefduservice,qui,alors,établit undiagnosticdefinitifetprescrit lessoins
qu’il lui làut
- Oui, construit en meme temps que l’hôpital, pour le medecin résident, dans
l’enceinte même du CHU.
152
- Q - Pour revenir d l’hôpital de l’époque, dont on avait doublb la capacitt!
d’accu& est-ce que l’on avail accru autant le nombre de médecins ? Y
avait-il des Togolais dans ces nouveaux médecins ?
-Q- Vous, les jeunes médecins togolais, comment aviez-vous été accueillis
par les jeunes infirmiers, quand vous étiez revenus de Dakar ?
- En tout cas, nous les avons bien accueillis, tout au moins pour moi ! J’ai trouve
là la possibilite d’avoir encore du personnel médical ; ce qui permettait de partager la
tâche, car, quand j’etais medecin rksident, il y avait un seul mklecin pour la chirurgie,
le docteur Brimbusson, qui, avec le docteur Moran, assumaient les taches dans tout le
service chirurgical. J’etais littéralement sollicite à chaque instant, pour les urgences
médicales comme pour les urgences chirurgicales ! La tâche etait enorme... Donc c’&ait
un plaisir pour moi de pouvoir partager ces tâches avec des confrères nouvellement
arrives. Cks nouveaux etant d’ailleurs plus ou moins de la famille, parce que la plupart
des medecins avaient envoyé leurs enfants pour la relève...
153
Au début, avecle nombre très faible desmalades,on pouvait suffire à la tâche.
Mais au fur et à mesureque le nombre desmaladesacommenceà augmenter,nous ne
pouvions plus assumerseulsla tache.Il m’arrivait, quandj’étaisappelé en urgencepar
exemple à 4 heures du matin, de ne finir les operations que 24 heures après ! Les
urgences se succèdaienttellement qu’une fois qu’on en finissait une, il fallait en
reprendre une autre. Pour m’alimenter, j’étais parfois oblige de sortir un petit quart
d’heure,pour mefaire passerde la bouillie dansla bouche,parceque, m’etant pmparé
pour faire une intervention, je ne pouvaisplus rien toucher...C’estune autre personne
qui me passaitla bouillie ! Si bien que,quand de nouveaux confrères sont arrives, de
France et d’ailleurs, j’en etaistrès heureux,parce quej’ai au moins despersonnesqui
pouvaient partager cestâchesavecmoi. Alors l’accueil decesnouveaux venus a éte,
de mon u%e,très cordial...
*
* *
- Q - Cet hôpital, à l’époque, était situé au milieu d’un désert, n’est-ce pas?
-Ahoui! Cestça!
154
- Q - En 1964, y avait-il déjd beaucoup de maisons autour de l’hôpital-?
155
- Q - Est-ce que, comme vous étiez instaués dans la brousse, ça ne pouvait
pas poser quelques problèmes, par exemple des serpents qui risquaient de
s’introduire dans la maison ?
- Oh, il y en avait beaucoup les premiers temps ! II n’était pas rare, en sortant le
matin, de rencontrer un serpent dans le jardin. Et jevous dirai qu’à l’hôpital même,
quand j’étais médecin résident, en allant de mon domicile au service des entrees, je
rencontrais souvent des serpents, qui passaient à l’interieur même dc la maison. Le
python etait très repandu.
*
* *
-Non. C’etait là aussi une tâche harassante, mais passionnante quand même,
parce que, à l’epoque, il n’avait de formations sanitaires que dans quelques points
précis à travers le Togo. Il fallait rapprocher les structures sanitaires des béné-
ficiaires : c’est ce que nous avons entrepris à ce moment-là. Si bien que ça a ete une
tache passionnante. Nous avons vu combien la population souffrait du manque de
formations sanitaires.
156
- C’etait une autre carrière, sanitaire elle aussi, mais qui demandait des volontai-
res, du moins la volonte d’un médecin qui doit penser à la nkcessité de mettre aux côtés
des malades une formation sanitaire qui puisse leur permettre de continuer à rester
près de leur habitation.
- Q - Au lieu de faire venir les gens d Lomé... C’est-à-dire que, après avoir
aidé au développement du CHU, vous avez tout fait pour en limiter la
clientèle...
- Q - Dr Mikem, vous étiez tout jeune quand vous êtes parti en formation
à Dakar. L’établissement que vous aviez quitté s’appelait le «Petit-Dakar».
Est-ce que vous pouvez nous rappeler comment vous êtes en&-é au «Petit-
Dakarn, avant de partir au grand ?
- Cest apreS l’obtention du CEPE que j’ai Cte admis, sur concours, au cours com-
plémentaire, le «Petit-Dakar» de Lame. Par la suite, certains services du Togo ayant
été transférés au Bénin (le Dahomey d’alors) ; en 1935, le cours complementaire et
même la Direction de la Santé ont et6 aussi transférés là-bas. Nous avons et6 donc
formes à l’école Victor-Ballot de Porto-Novo. De là, nous avons passe un concours qui
nous a permis d’etre admis d’abord à l’école normale supérieure de Sébicotane, puis,
parlasuite,grâceàunautreconcours, nousavonseteadmisàl’ecoledemedecinede
Dakar.
157
- Q - Combien y avait-il de Togolak dans le groupe ?
-A Dakar, mais à distance ! Nous avons surtout V&U cette époque, ainsi que
nous l’appelions, comme une epoque de pénuries.
- Q - A l’époque, vous étiez très jeune, donc vous aviez certainement des
sentiments politiques ewcerbés. A quel camp allait l’espoir des jeunes de
William-Ponty de Sébicotane, de l’école de médecine de Dakar ? De qui
espéraient-ils la victoire ?
- Oh non ! Mais après, oui ! Ce que nous appelions le camp de la Liberté, c’était
les alliés.
- Nous, nous nous sommes considérés comme les autres, à égalite. II faut dire
que cette école a permis de brasser l’elite en formation de I’AOF. Ça a Cte une très
bonnechose,en cesens que, jusqu’à nos jours, nous nous connaissons à travers toute
I’AOF. Nous avons tisse entre nous des liens qui sont rest& durables.
- Q - Quand vous revenez d Lomé en 1945, cela fakait dk ans que vous
aviez quitle IA ville. Qu’est-ce qui vous a frappk comme changement ?
158
nous l’avonsvécuequandnousquittions Lame pour venir nous installer dansle nouvel
hôpital deTokoin, il n’y avait que la cocoteraie tout le long, depuis cequ’on appelle
aujourd’hui le Boulevard circulaire,jusqu’aubord dela lagune.Pasde maisons! On ne
trouvait, de tempsen temps,quequelquesrarespaillotesau fond dela cocoteraie.Et la
lagune etait tout à fait marécageuse,avecdes arbres, de hautes herbes infesteesde
moustiques,si bien que, quand on a commenceà travailler à l’hôpital, chaque soir,
quand on allumait l’électricitele long desgaleries,on voyait beaucoupde moustiques
nousenvahir, et lesmaladesenétaient derang& Heureusementqu’au debut, on avait
mis desgrillages aux ouvertures... Et, en quelques annees,toute cette brousse est
devenue la ville !
159
no 14
LES SAGES-FEMMES
- Je dois d’abord vous dire que les premières sages-femmes du Togo ont été
formees à Dakar. (Vous savez que Dakar etait la capitale fédérale de l’ancienne AOF).
La toute première promotion en est sortie en 1923. A l’epoque, leur nombre etait tr&s
limite. (Une soeur cadette de mon père faisait partie de cette première promotion). fl y
a eu ensuite unesuccession d’autres promotions. Je crois qu’elles etaient choisies, à
l’epoque, en fonction de leur niveau d’instruction. Par la suite, on les recrutait sur
concours. Nous avons actuellement à LomC une de ces anciennes, en la personne de
Mme Wilson, née Olympio, très avancée en âge et qui ne sort presque plus. Nous
avons d’autres anciennes, mesdames Beker, Kponton -les plus anciennes-, Fumey,
Klocuh,et puis tant d’autres... J’ai eulachancede travailleraveccesaînéesen 1949.
163
travers& de tout le Togo,on arrivait en HauteVolta (amune on dit alors),et deIà on
continuait sur le Mali (le Soudanà l’époque), si bien que nous connaissionstout cet
itineraire pour l’avoir fait plusieursfois. On était soulagéà Bamako,caron savait que,
de Bamako, on prendrait le train pendant trois jours, pour être le troisième jour a
Dakar. On a traversebeaucoupd’épreuveset, pour nous qui en sommessorties,et qui
avonseu la chancedeconnaître la vie active,je crois qu’il faut vraiment rendre grâce
à Dieu...
162
-Q- Vous n’avia pas toujours des cas dramatiques comme ça : vous
assuriez aussi le tout venant des accouchements & la villè. Est-ce que,
dans ces années 1949-50, les femmes avaht souvent recours à la mater-
nité, ou est-ce que, en @éral, elles se débrouillaient toutec~ seules ?
- Q - Vous formiez donc équipe avec une injùmière qui travaillait toujours
avec vous ?
-Q- Est-ce que toutes les femmes pouvaient solliciter ainsi le concours
d’une sage-femme d domicile ?
-Q- Est-ce que c’était uniquement -disons- les femmes 4iévolut%w, qui
avaient compris l’importance de l’accouchement. d la nm$ern&?, ou e&ce
que, rapidement, toutes les couches de hz société ont comprk cet intérêt ?
163
de Dakar, on lesconsidéraitcommel’élite féminine. Ellesétaient lestoutespremièresà
faire de la bicyclette: comme,en ce temps-la,il n’y avait pasdemoyensde transport,ces
sages-femmessortiesde Dakar allaient àbicyclette.Pour le public, c’etait un événe-
ment : on lesapplaudissait,evidemment.Par la suite,partout dans lescampagnes,on a
vu lesgensaller à~210,maisc’étaitbien lestoutes premieressages-femmes qui avaient
donne l’exemple...
-Q- En quelle année cette ancienne maternité a-t-elle été fermée et ses
services transfrt% au CHU actuel ?
- On vous a déja dit que le nouvel hûpital aété ouvert en août 1954.Le sort a
voulu queje soisnomm& à cemoment-làsage-femmerésidante.La nouvelle maternid
164
n’étant pas encore construite, mais il y avait aussi beaucoup de femmes blanches qui
venaient accoucher à l’hôpital, et j’etais à leur service. En plus, comme le blocopéra-
toire avait ete transfere à Tokoin, tout ce qu’il y avait comme cas difficiles, césariennes,
interventions chirurgicales à faire..., les collègues d’en bas les évacuaient sur Tokoin,
et je m’en occupais. Je faisais appel aux médecins, si bien que je m’occupais à la fois des
accouchements des épouses des expatriés et des soins des opérées, avec une aînée,
Madame Adjangba. Elle venait assurer le travail du jour, s’occupait des soins des
accouchees et des enfants qu’on hospitalisait au service des petits contagieux, la salle
d’accouchement étant en face du bloc opératoire, avec le service de gynecologie.
Apres, quand la clinique a éte construite, on y a amenagé une salle d’accouchement.
Mais il a fallu attendre deux ans, jusqu’en 1956, pour avoir le batiment de la vraie
maternité, et tout le groupe des sages-femmes a ete alors transfere à Tokoin.
- Oh oui, forcement, parce que, quand on etait en bas (jevous ai signale tout à
l’heure le problème des cas d’infection), il n’y avait pas de gants; on travaillait avec les
mains nues, si bien qu’à chaque accouchement, surtout quand il s’agissait des cas
d’infection, nous avions du mal;ce n’etait pas agréable... Mais àTokoin, il y avait des
gants et, jusqu’à maintenant, les jeunes soeurs travaillent dans des conditions que je
dirais faciles, et qui n’existaient pas avant. Il faut dire qu’un grand pas a été fait : elles
sont beaucoup plus à l’aise pour travailler. Maintenant, il y a un autre aspect : il y a plus
de monde, plus d’accouchements ; les salles sont toujours remplies. Aussi le sejour des
accouchees est-il maintenant d’à peine 24 heures : il y en a d’autres qui attendent, et il
faut faire sortir celles qui sont déjà délivrees.
- Q - C’est parce qu’elles ont mal évalué le temps et le distance, mats elles
auraient voulu accoucher d l’hôpital.
- Voilà ! Et elles accouchent dans le taxi... C’est des cas qui se produisent
regulierement. Ce sont des femmes -je dirais- insouciantes...
-Q- Vous nous avez dit que, jeune sage-femme, vous aviez pris conseil
auprès de vos aînées. Mak quelles étaient vos relations avec les matrones
traditionnelles, qui s’occupaient autrefois des accouchements. Est-ce que
vous en avez connues ? Est-ce que vous avez pu tester leur expérience,
leurs compétences, et éventuellement en tirer profit ?
- Q - Est-ce que vous avez une organisation entre vous, les anciennes
sages-femmes, et avec les nouvelles ?
166
et l’on fait un cadeauà la partante. Je crois que c’estun bon prockdé, qui contribue
certainementà consolidernos relations fraternelles.
-Q- Voyez-vous souvent des jeunes -et des moins jeunes- qui vous
tetrouvent et vous disent que c’est vous qui les avez mis au monde ?
-Q- Vous avez efl&tivement exerc4 un très beau métier Merci, Mme
Mikem.
167
c
no 15
L’EGLISE EVANGELIQUE
-Le travail missionnaire a commenc6 dans l’ancienne Gold Coast, à Peki (2),
puis sur la côte. C’est à partir de là que les missionnaires ont travaillé dans divers
villages, et qu’ils sont arrivés dans ce que nous appelons aujourd’hui notre Togo. Ils se
sont installésainsi en 1893 à Mission-Tove (c’est pour cela d’ailleurs, que levillage
s’appelle Mission-Tove, et non plus simplement Tové).
- Q - Peut-être que vous pouvez nous retracer cette hktoire depuis encore
plus haut, depuis l’installation de la Mission de Brême d Keta, en 1853.
- C’est ce que je vous disais tout à l’heure en vous parlant de Peki. Ça a &é le
début : c’est là, en 1847, que les premiers missionnaires sont venus dans le pays 6~6
annoncerI’évangile (3).
- Q - C’était des misssionnaires de la Miwion de Bûle, je crok ?
(1) En 189X
(2) A l’est de la Volta, non loin de l’actuel barrage d!4kosombo, au Ghana.
(3) Cette premi8re implantation n’a pas dut! à cause du ai%% rapide des premiers mksion-
naires allemands. La Mission ak Br&ne sy réinstallera en 1877.
169
- Q - 03 iLF vont se mettre d transcrire l’éwé ?
- En effet, ils vont transcrire l’ewe, en particulier à Anyako, près de Keta (4).
-Q- Ce qui est toujours la base de l’éwé littéraire que nous uhïsons
actuellement.
- Ils avaient déjà une partie de ces textes 6crits en ewe ; mais c’est seulement en
1913 qu’ils ont fait sortir la toute première Bible traduite dans son ensemble.
-Oui!
- Non ! C’était un seul pasteur togolais qui est venu s’installer là-bas. Autrefois ils
plaçaient soit un missionnaire, soit un catechiste ou un pasteur togolais quelque part, qui
travaillait seul dans la région. C’est le catechiste togolais Albert Binder, futur pasteur,
qui a été le premier à y travailler, certainement avec des missionnaires qui l’ont laisse la-
bas.
- Le pasteur Andreas Aku (5), alors catechiste. Les missionnaires allemands s’y
installeront l’ann& suivante, en 18%.
(4) Sur la rive nord de la @me a2 Keta Leptwnie~peti Jyllabave CM et le premier recueil de candques (aik au
mkionnak L. Wolf) remon.!ent d 1848-49. J. B. Schle& n!aI&ra hpmm2nzgrammuire ch2 en 1857, à Anyako.
(5) 1863-1931. LegouvemeurBormecarrère,tVe,sonam~ feradsamonunélogefûn2brevibranr:«hrsquevotre
peuple aum plusieurs hommes d’un tel caractère, M-JUS n’aumm plus le. droit maai de vous gouvemenk Sonj7& le
Dr Martin Aku (1913-1970), zzra lepremier dtpuh!du Togo b lXswnbléenadonalefkan+se (de 1946 d 1951).
170
- Q - Quelles sont alors leurs implantations à Lomé ? Est-ce que c’est déjà
l’endroit 03 se trouve kè bloc synodal ?
- Oui ! Et elle tient beaucoup à ce que lesgens Ccoutentla Parole dans leur
propre langue, et puissent aussila lire et l’écrire. C’està causede ce grand souci de
pouvoir faire lire l’Evangile et lesEcrituresaux gensqu’on a vite travaillé l’&ve, qu’on
a tout fait pour le repandre...
171
littérature ewé : nous n’avons jamais appris que le gouvernement allemand l’ait haï ou
poursuivi...
- Vous le savez, de tous temps, l’Eglise n’accepte pas des choses comme ça aussi
facilement, surtout lorsqu’elle travaille dans le sens de l’evangelisation. Pour nous, ce
qui compte, c’est l’Evangile d’abord, et c’est ça qui fait que nous acceptons facilement
les persecutions. Les Eglises protestantes, d& le debut, ont ete pers&ut&s à cause de
l’expansion de la parole de Dieu. Donc, si les Allemands ont demande qu’on enseigne
l’allemand dans les écoles primaires, ce qu’a fait I’Eglise, c’est qu’elle avait à enseigner
à la fois et l’allemand et l’ewe. Par exemple, de mon temps (je ne suis pas né pendant la
colonisation allemande), j’ai du faire quatre ann&s à l’école primaire pour étudier rien
que l’éwe, et après entrer à l’ecole primaire française, où l’on m’enseignait le
français ; on continuait à m’apprendre les deux langues parallèlement. Donc on
apprenait et l’allemand et Wwe, comme de notre temps nous apprenions et le français et
l’kW6.
- Eh bien, on nous a dit -et vous lirez œla sur une plaque qui est poske sur le mur
de la façade- : Le temple a été construit grâce aux dons des enfants aIlema&&, donc
des enfants des écoles du dimanche. Il a eu’5construit de f&rier 1906 à août 1907. On l’a
inaugure le Ier septembre 1907.
--C’est bien vrai que le clocher était plus haut. Mais malheureusement, il
a eu.2coupe à cause des cloches, qui pesaient beaucoup sur lui et provoquaient des
fissures. Alors on a été obliged’enleverles cloches et de casser une partie du clocher,
ce qui a diminué sensiblement sa hauteur. Le seecond malheur, après, est que la
communauté d’Apégamé (9) a envisage d’elargir la maison, parce qu’il y avait beau-
coup de fidèles qui ne trouvaient plus de places dans le temple. C’est vrai qu’on avait
besoin de places pour les fidèles, mais, à vrai dire, les travaux d’élargissement ont
quand même faussé quelque chose de l’image première du temple. Ce n’est plus beau
comme avant
(8) En 1977-78.
(9) NLa Grande maisort» (de Dieu).
172
- Q - Ah non ! Je trouve, moi, que cela a été une adjonction remarquabh+
ment discrète, qui se fond très bien dans l’architecture ancienne. Evidem-
ment, je n’ai pas les souvenirs personnels que vous pouvez avoir de ce
temple...
173
fait pas longtemps -disons trois ou quatre ans- toutes les Eglises de dénomination
protestante au Togo se sont &Unies dans ce que nous appelons le «Conseil chrétien»,
donc nos relations sont très bonnes, très fraternelles.
*
* *
- Q - Qu’est-ce qui s’est passé pendant la guerre de 1914 ? Fin 1917 et début
1918, les Franco-Anglais décident l’expulsion complète du Togo de tous
les missionnaires allemands. Pour les catholiques, le père Gbikpi nmts a
raconté qu’on a fuir venir d toute vitesse de Gohi Coast un petit nombre dè
religieuses et de prêtres qui parlaient quehue peu l’allemand, mais en fait
surtout des gens formés en milieu anglais. Qu’est-ce qui s’est passé pour
lit7glise évangélique 7
-Oui!
-Ehoui!
- Q - C’est donc l’originalité majeure de cette Eghse : eUe avait déjd formé
suffiamment de cadres, en un demi-siècle, pour pouvoir affronter l’indé-
pendance pratiquement dès lu première guerre mondiale.
174
- Oui, c’estceque nousadmironsbeaucoup.Vous demandiezcequi s’estpas&
apr&sla guerre, et jevous parlais du pasteur Bürgi et du pasteur Aku : c’estvrai qu’en
1922, Aku a pris la direction de YEglise,mais, un peu plus tard, le gouvernement
français ademandéaussiqu’il y ait desmissionnairesfrançais,pour que lesrelations
puissentsefaire comme il faut. Et nous-memesaussi,on avait desdifficultés ici,dans
1’Eglise.Aussi s’est-on adresséà la Mission de Paris, qui a envoy6 son premier
missionnaireen 1929.C’estle pasteurCharlesMaître,dont j’ai par16tout à l’heure (14).
- Je peux dire que, pendant les toutes premières annees de l’absence des
Allemands, l’Eglisea fait beaucoupd’efforts : elle sesoutenait elle-même financière-
ment,maispassuffimment. Jecroisaussiquec’estl’une desraisonsqui ont pou& nos
préd&esseurs de s’adresserà la Mission de Paris,mais la Mission de Paris n’a pas
toujours tout payé à elle seule : ]*Eglisea fait un effort, et elle continue à faire des
efforts.
(14) II seru secondé par le pasteur Jean Faure cf partir de 1933 (auteur d’une petite histoire de
IlEglise &ar@lique au Togo).
(15) Aujourd’hui en Volta Region, prt?s de Ho.
175
suffisaient plus pour l’exerciceefficace du ministere pastoral. En 1946-47,et pour la
première fois depuis nos relations effectives avecla Mission de Paris,depuis 1929(et
maigre la reticencede certains responsablesde I’Eglise, et de certains missionnaires
français),l’instituteur Eilfried Kpotsraa éte envoyeen Francepour son baccalauréatet
sa formation en theologie. A partir de 1948,il y a eu formation dans les ecoles de
thkologie de Ndoungué(au Cameroun)et de Porto-Novo (au Dahomey),et à la faculte
de theologie deYaounde. Cesétudespouvaient être poursuivies en France.
-Oui!
- Oui ! II semble.
- Le pasteurQuist (16).
176
- Il était du Ghana, de l’ancienne Gold Coast, mais il avait de la famille dans
1’Agou.
- Q - Dans iès temps allemand& &ait toujours le Togo, mais on voit que
le gros e$ort de l’t5wn&isation avait eu lieu dans L+u%&?e Gohi Coast.
- Oui, mais il ne faut pas parler de Gold Coast, mais de l’autre cote du Togo
allemand. Effectivement l’autre côté, l’ancien Togo Britannique, fait partie aujourd’hui
du Ghana (c’est la Volta Region). Mais spirituellement nous sommes restr3 fortement
attachés les uns aux autres.
- Vous savez, nous continuons à avoir chaque trois ans un synode, que nous
appelons le «Grand synode», et là nous d6cidons de l’avancement de 1’Eglise dans son
ensemble ; nous refléchissons théologiquement à ce que 1’Eglise doit faire en ce
moment, comme temoin à notre Cpoque. Donc, dans ce synode, nous donnons un
rapport genéral, mais surtout nous prenons des d&isions th6ologiques concernant la
vie et le temoignage de 1’Eglise.
- Q - Aussi bien pour le nombre des écoles que pour le recrutement des
pasteurs, Lomé était un peu wginale...
- En effet !
- Non, dans le bâtiment à etage à oSte, dont on a parlé tout à l’heure Ils logeaient
la-bas. Mais il paraît que Quist est reste à Kpalimé, et je peux dire qu’à leur époque, le
modérateur n’etait pas obligé d’etre à Lomé. Par exemple, le pasteur Godlieb Kpotsra
(17) Ctait à Atakpame quand il a et6 nommé moderateur. II n’a pas quitte tout de suite
Atakpamé. C’est plus tard qu’il est venu ici. Ça a ete un peu la même chose avec le
pasteur Ataklo. C’est pour vous dire que, auparavant, le modérateur n’était pas neces-
sairement à Iome.
177
- Q - A quel momerrt va se développer 1’EglLFe à Lomé, notamment par la
création de nouvelles paroisses ?
- Q - Et la troisihne ?
- C’est la paroissede Nyekonakpoè, qui est maintenant aussi une grande pa-
roisse.Elle estcréeeen 1954.
-Q- Est-ce que cette Eglise de Lomé progresse surtout pur des conver-
sions ou surtout par des immigrations de protestants de l’itiérieur.
- Q - Et l’amalgame se fait bien entre ceux qui arrivent et ceux qui étaient
déjd Id ?
178
- Q - Atakpamé, cVtait essentiellement une École de catr?chistes et une
éwk? normukè des instituteurs. ce n’était pas un wll&e A8Twdah ?
- Non, ce n’était pas encore un college secondaire, mais dejja ce que nous
apprenions la-basallait un peu dansle sensdu secondaire,sansqu’on lui en donne le
nom.
- oui.
- Q - Ou était-il instalh! d l?w&itze ?
- En octobre 1955.
-Oui!
-Q- Aussi bien pour la population urbaine elle-même que pour ses
environs ?
-Oui!
- Q - Est-ce que ta jeunesse en milieu urbain ne vous pose quand même pas
de trt?s gros problèmes ?
179
- Mais bien sur ! Et c’est là aussi que nous pouvons penser à vous parler du r6le
que joue le college protestant. Je crois qu’il a Cte longtemps, meme jusqu’à maintenant,
un endroit sur lequel nous pouvons compter pour la formation des jeunes de la ville.
Mais je ne voudrais pas dire qu’avec le college, tous les problemes des enfanta ou de la
jeunesse soient rksolus, pas du tout ! Lecollege protestant nous aidedans cesens. En
dehors de cette Ccole, je peuxvous dire qu’il y a un fort mouvement de jeunesse, qui
a beaucoup travaille, et qui travaille encore. Il avait été cree en 1903 par le pasteur
allemand Emil Funke (18). Apres lui, je ne sais pas qui a pris la relève, mais à partir de
1929, c’est le pasteur Maître, de la Mission de Paris, qui a continué le travail.
- Oui ! Disons qu’à partir du moment où nous sommes entrés en relations avec la
Mission de Paris, il etait cet homme-ch& celui dont nous avons garde beaucoup de
souvenirs... A un moment donne, vu la position du gouvernement togolais, on ne parlait
plus de ces mouvements de jeunesse. Maintenant ils ont repris le travail dans le
domaine qui leur est permis. Ils travaillent beaucoup, et puis je peux dire aussi qu’à
cause de ces mouvements de jeunesse, plusieurs paroisses ont tenu, et tiennent bon
jusqu’à maintenant
- Oui ! Je peux dire qu’en rbalite la colonne vivifiante de nos paroisses, ce sont
les chorales, et ceci est bien vrai. 11fut un temps où les vieux pasteurs pensaient qu’il
fallait chanter seulement les airs européens. Mais il y a eu une personne, M. Amou, du
Ghana (de l’ancien Togo britannique), qui a et6 le premier à composer des chants dans
unrythmeéwé,avectoutcequecelacomporteenmusique...
- Q - A quelle époque ?
- Dans les ann6c.s 19-30,ou même un peu plus Ut. Au début, on ne l’a par accepte
facilement ; c’est-à-dire que les dirigeants de 1’Eglise n’ont pas accepte facilement. Mais
après, eh bien, ils ont compris que ce n’etait pas un reniement de I’Evangile qui nous est
apporte, mais que c’etait plutôt l’expression de sa foi en Atikain. Ccst ainsi qu’aujour-
d’hui, vous avez partout des paroisses avec leurs chants sur des rythmes africains et
même,denosjours,vouspouvezentendredes tam-tamsaucultedansletemple...Ce
qui ne pouvait pas se passer avant, et maintenant cela se fait ! Et c’est la vie même de
1’Eglise. C’est en cela que le Togolais africain exprime sa foi en Africain, réellement.
180
-Q- Est-ce que ça se pratique aussi chez vos frères du Bénin, par
exemple ?
- Q - Par contre, avec lè Ghana, vous avez toute une tradition commune.
Avez-vous aussi des échanges de musiques ?
- Q - Je crois que cette animation musicale des paroisses est quelque chose
de tout d fait remarquable, et de très particulier en Afrique de L’Ouest. A
ma connaissance, il n) a guère qu’au Togo et au Ghana qu’on trouve cette
intense vie musicale, cette créativité dans les Eglises. Est-ce que vous
pouvez nous parler des premiers animateurs des chorales à Lomé ?
-Q- Vous nous avez beaucoup parlé du pasteur Aku, alors que, dans
l’hktoire du Togo, on par& plus souvent du pasteur Baeta. Quel était son
r&è dans L’Eglhe ?
-Eh,oui!
181
- Q - L&UIS les wmptes rendus de ces wnseih, on voit que, jusqu’d Ia fur,
eelùi qui &fend le plus lès in&& & la popuhtion, des petites gens, ckst
toujours le pasteur Baeta.
182
no 16
DU “PETIT-DAKAR” A LA
MAIRIE DE LOME
-Q- Ce soir, nous sommes avec madame Sivomey. Nous avons encore
rencontrk peu de femmes dans cette émission, et pourtant Dieu sait si les
femmes sont importantes dans la vie de Lomé! dans sa vie économique,
sociale, spirituelle... L.a plupart des femmes sont commerçantes, mais Mme
Sivomey a eu une carriére tout d fait différente, puisqu’elle a été haut
fonctionnaire -l’une des premières femmes à accéder à ces responsabili-
tés- et qu’elle a été maire de la ville de Lomé; donc un itinéraire assez
exceptionnel...
- C’est à partir de 1938 quej’ai commenceà resider à Lome. J’avais fait mes
etudes primaires à Anèho et commencemes etudes secondaires,celles que nous
appelions E.P.S.(«étudesprimaires supérieures») àl’ecole Victor-Ballot de Porto-
NOV~,au Dahomey.A la reouverture du cours complementaire de Lame (qui était
restéfermdpendantquelquesannees),lesélèves togolaissont revenusauTogopour
y continuer leurs études. Si, en deuxième annee, je me suis retrouvee toute seule
parmi les garçons,c’estque mescompagnes,quelquessemainesauparavant,S’&aient
embarquéespour constituerla première promotion de l’école normale dejeunesfilles
de Ruhsque,au Sénegal.J’ai eu quandmêmela joie de trouver deux nouvellescompa-
gnes,qui entraient en Premiereannke,et, I’annkesuivante,encore une autre, qui etait
elle aussila seule de sapromotion : ainsi nous nous sommesretrouvees, à I’E.P.S.,
quatre filles parmi une trentaine de garçons.
- Sur concours.
183
coumcomplémentaire,j’étaisplat& major dema promotion. Celam’a stimul& : ainsi,
au lieu de rejoindre mescompagnesà Rufisque,je suisrestéesur place pour travailler
dans l’administration g&tSrale. C’etait un casassezrare, parce que, dans le temps,
apr4s lesetudesprimaires,soit lesjeunesfilles etaient monitricesou institutrices,soit
ellesallaient à l’6oAedessages-lkmmes, à Dakar. Le fait time quedesfilles restentsur
place, dans la plus grande école du Togo, a fait beaucoup de bien, et ça a un peu
influence la scolarisation des jeunes filles : de mevoir seule dans l’administration
generale, c’était un stimulant pour lesautres, et mêmepour les parents quivoyaient
qu’on pouvait quandmêmeorienter lesfilles vers l’administrationsanspour autant être
obligé deles envoyer àI’exterieur. Car lesparents auraient aimé avoir leurs filles sur
placepour continuer desétudessupérieures,maisce n’était pasle cas.Maintenant,j’en
etaisle premier exemple.Entrer dansl’administration génCrale,ce n’était passi facile.
Il fallait passerun concours,et il y aeu uneforte oppositionde la part de la Direction du
personnel : on n’avait jamaisprévu qu’une femmesoit fonctionnaire dansl’administra-
tion genérale. On a donc rejet6 mademandede candidature ! Vousvoulez peut-être
me demanderpourquoi ?
- Q - Exactement !
- Q - D’or) sont venues les intervenfions qui ont débloqu4 ces oppositions?
184
siegedesgrandesécolesde l’AOF), Donc ce n’etait pasdela jalousie ; c’était plutôt un
stimulant pour lesautresjeunesfilles.
- Q - Pourquoi ?
Nous n’étionsque quatre filles,je vous l’ai dit, et nous avions toutesune bonne
conduite. J’Ctaisla seule fille dans mapromotion, en deuxième année.En première
annee,il yavait MadameLawson, néeBerthe Mensah, et Louise deMedeiros, future
épouseVanlare, et puis Mme Behanzin,alors Lkontine Pietri...
-Q- Est-ce que vous vous retrouviez entre vous les week-ends, ou
pendant les vacances ?
(1) Bdniglato.
185
- Q - Pourquoi n’aviez-vous pas été tentée d’aller comme les autres d
l’école de Ruflque ?
- J’ai eu le désir de suivre mes compagnes, parce que c’etait le premier recrute-
ment dans toute I’AOF, et c’est parmi les elèves de 1’E.P.S. qu’on avait recrute les
premières candidates. Yavais donc bien le desir de me présenter au concours, mais ma
famille s’y etait opposfk : j’étais à I’epoque assezfragile, alors on ne voulait pas que je
m’eloigne trop loin de la famille,. Mais ça a et6 une scène poignante pour moi le jour où
mes compagnes se sont embarquees pour aller au Sénégal, à cette école de Rufisque
qui venait d’être cr&e (c’etait la toute Premiere promotion). Mais elles m’ont garde une
grande fidélite : nous avons maiiitenu une correspondance très regulière entre nous et
quand mes lettres leur arrivaient, la directrice, Mme Le Goff, leur posait souvent cette
question : «Mais pourquoi n’est-elle pasvenueavecvous ?»Ainsi, sans m’avoirvue,
elle me connaissait... Aussi, bien plus tard, a-t-elle tenu, au cours d’un voyage à Lomé,
à venir me saluer à la mairie. Je la connaissais de loin et eIIe également. Oui, p a éte un
grand regret pour moi de n’avoir pas et6 du nombre des premières institutrices de
I’AOF. Mais c’est comme ça que j’ai fait carrière dans l’administration génerale.
- Q - Vous avez sans douhe ouvert ainsi plus de portes aux femmes que si
vous étiez restée simplement une bonne institutrice.
- Oui, je crois. Dans mon discours d’investiture à la mairie, j’ai dit que, si je
reussissais cette mission, eh bien, de nouvelles portes seraient ouvertes à d’autres
filles : mon succi serait le sutxks de toutes les femmes. Je crois que cette idée m’a
guidke tout au long de mon mandat.
- Q - A l’époque, que faisaieti les filles de votre âg?, je veux dire toutes
celles qui n’aL&ient pas d Pécok ? De nos jours, elks sont commerçantes
ou couturières. Dans ces années 1930-1940, que faisait une fille de Lomé
entre 15 et 18 ans ?
- Elle aidait la maman à la maison, notamment dans les soins aux plus jeunes ; et
puis elle l’aidait dans sa profession, si elleétait revendeuse au détail :elle apprenait ;
elle la remplaçait. On pouvait même l’envoyer s’approvisionner dans les marches à l’in-
térieur. Si la maman fabriquait des galettes ou des beignets, très tot elle l’apprenait... et
puis, à la maison, elle devait faire le ménage, faire la cuisine, la corvée d’eau, aller
chercher du bois... Tri% tot, e.lle se preparait pour son r61e de future maîtresse de
maison, de ménagere et de commerçante. Elle commençait tr& vite à vendre de petites
choses, des allumettes -quelques fois même quelques brins d’allumettes, attachés en
petits fagots-, des boîtes de conserves, des fruits et des bonbons, et elle se promenait
avec, de maison en maison... Après, elle pouvait stationner devant l’etalage à la
devanture de la maison ou aller s’asseoir dans un marche. C’est ainsi qu’elle pouvait
acqukir cette habilete que l’on reconnaît aux femmes togolaises.
186
- Q - Cbt dire que déjà, d l’époque, toutes les femmes avaient une activité
tfconomîque en plus de leur a42ivitk ménagère ?
- Q - C’est donc tout d fait normal que vous ayez effié de votre mémoire
son ancien nom... (Rires).
187
- Q - Mais il y avait quand même déjà un camp militaire à cet endroit ? Dès
L%$oque allemande, et pendant l’occupation anglaise, c%tait déjd un camp
militaire. L’avait-on rendu aux civils d Npoque frangake ?
-Je neme rappelle plus. En tout cas,lorsque j’etais elève, nous avions décou-
vert là une pépinière; l’accèsnous Ctaitpermis et nous la fréquentions souvent. Plus
loin, il y avait la ferme Piquelin.
- Q - Vous habitiez donc toul près de la &une. Est-ce qu’il y avait déjd des
problèmes d Gwruiation, au moment des pluies ?
- Q - CWait donc Hatwulkop4, Amoutiv6 et Bt? qui étaieti les pieds dans
l’eau ?
(2) Bourse du Travail, si& G!C la CortfWration Nationale de.~ Travailleurs du Togo.
188
*
* *
- Je suis restée à Lomé pendant huit ans, de 1938 à 1946. Après mon mariage, j’ai
dti quitter Lomé pour la ]Haute-Volta (le Burkina-Faso d’aujourd’hui), où j’ai vécu
pendant douze ans.
- Q - Vous aviez donc quand même trouvé un poste qui ne vous obligeait
pas à courir la brousse vingt jours par mok..
I C’est ça. Quand je suis rentrée au Togo, je me suis fait réintégrer dans
l’administration togolaise, et j’ai accu@ un poste d’inspecteur des ImpGts. Ironie du
sort, j’ai dû un jour me rendre à Ganavé (3) pour faire le recensement de tout le matériel
de la feculerie. Jesuis partieavecun chauffeur, à bord d’unevoiturede I’Administra-
tion, et je me suis rappelee les difficult& que j’avais dQ affronter pour passer mon
examen. Ce n’était pas, disait-on, un travail pour une femme. Et voilà qu’une femme,
vingt ans plus tard, se rendait toute seule en tournée en brousse, pour recenser une
usine ! Ça m’a fait quelque chose...
- Q - Dans cette fin des années 1950, y avait-il désormais un nombre tout
de mhe important de femmes fonctionnaires, ou est-ce que vous restiez
toujours à peu près unique ?
- Non ! Entre temps, un secteur avait recrute très t6t des jeunes filles : c’&ait les
Postes et TUcommunications, qui avaient attire beaucoup de filles.
- Si, cela avait commencé. On avait envoyé quelques stagiaires en France. Elles
etaient devenues les premiers cadres feminins de l’administration des PTT. Il y avait
aussi des secrétaires, mais pas d’un niveau assez élevé pour en faire des secrétaires de
direction. C’est par la suite, dans les ann&s 1960, que les premières sont apparues.
J’étais revenue au Togo avec le grade de contrôleur des impôts, mais on m’a
affecte à un poste d’inspecteur : j’avais donc à m’occuper du BIC (l’impôt sur les
b&&ices industriels et commerciaux), les patentes, la taxe sur les transactions... Là
189
encore, on trouvait curieux devoir une femme faire ce travail. Et, de fait, c’etait dur
pour une femme, et j’ai eu beaucoup d’ennuis. Imaginez que j’ai eu la témérité
d’imposer lesfemmes,pour la toute première fois, de lessoumettre àl’impôt sur les
bénéfices...
190
- Q - Lequel ?
- Q - Par rapport aux Affaires sociales, c’était sans doute une promotion,
ma&, s’occuper ainsi de r&uhwiser des comptes, ça devait être beaucoup
moins passionnant que de créer des centres d’activité par quartier ou d2s
villages-pilotes...
- Oui, c’estça...(Rires).
191
«VOUSsavez,nous avonsparmi nous deuxmédecinset un enseignantretraité.
11setrouve donc quevous paraissezêtre toute indiquke pour remplir les fonctions du
maire, parce que vous y avez et6 preparée par les différents postes que vous avez
occupes,des Imp6ts aux Affaires sociales,puis aux Finances...»
J’étais effrayee. Je n’avais jamais vu cela : une femme maire d’une capitale,
surtout au momentoù l’on parl,aitde Renouveau...N’oubliezpasquec’étaiten 1%7,le
g&t&al Eyademavenait de prendre le pouvoir, et partout c’était lesgrandstravaux qui
commençaientdansla capitale.
Elles ont cru quec’etaitle principal travail du maire ; et, en fait, j’y ai beaucoup
travaille... J’ai commencémon mandat de maire avecdesactivites intensespour ce
marché : organiser lesfemmes,lesgrouper par nature de marchandises(les marchan-
desde tomatesensemble,lesmarchandesde tissusensemble,etc.).Les emplacements
étaientbien indiquessur lesmurs,maisçaaete n-63diflïcile de maintenir la discipline,et
il fallaityaller doucement,notamment avecles revendeusesde tissus,qui trouvaient
qu’ellesn’avaient pasassezde placepour exposertousleurs pagnes.Alors on a fait un
compromis ; on leur a donne encore un peu plus deplace : on a rogné un peu sur les
all&s ; et nous avonscommeno à travailler ensemble...Ellessesont erigeesen vraies
policièresdu marche,memequand il fallait ramasserlesepluchurcsdebananes...Elles
m’aidaient vraiment àa.dministrerle marche et, de fait, elles etaient mesmeilleures
conseillères.J’ai comprir qu’on ne pouvait passigner une reglementationmunicipale -
du moins de cellesqui doivent @itreappliquéesdanslesmarchesou danslesquartiers-
sansdemanderconseilaux femmes.
192
Mais je vous assure que ma première experience m’avait servi de leçon. Il fallait
gagner leur confiance, donc j’allais les consulter : «Est-ce qu’on ne pourrait pas faire
ceci, est-ce qu’on peut faire cela ? Que pensez-vous de telle mesure, est-cequ’elle ne
serait pas trop impopulaire ?»...
Avez-vous entendu parler de la réglementation des convois funèbres ? Vous
savez, autrefois, on allait à pied de la maison mortuaire à l’église, puis de l’église au
cimetière. C’etait long de traîner ainsi un convoi funèbre qui embarrassait toute la
circulation... Il fallait trouver un remède, et nous avons eu la ternerite, à la suite d’une
delibération du conseil municipal, de prendre une loi municipale pour interdire les
cortèges à pied ; les gens etaient très mécontents, mais finalement, aujourd’hui, ils nous
rendent cet hommage. Au même moment, nous avons pris une loi non moins impopu-
!aire : la réglementation des veillées funèbres. Les funcraillcs donnaient lieu à des tam-
tam : toute la nuit, il fallait faire du bruit ! On ne quittait la maison mortuaire qu’après une
veillée qui avait duré toute la nuit, qui finissait vers cinq heures du matin, et on avait
juste le tcmpsde rentrer à la maison se prcparer pour aller à la messederequicm à six
heures, après une nuit de tam-tam, et ensuite il fallait se rendre à son service... Car, en
ce temps-là, on n’attendait pas le week-end pour faire les cCr6monies funèbres : la
veillée et la messe avaient lieu huit jours après le deces, donc souvent en pleine
semaine. Il fallait quand même protéger le repos des paisibles citoyens, et aussi, de
même, contre les bruits dans les bars, les instruments sonores, les bruits à midi aussi : les
charpentiers qui réparaient les toits et qui faisaient beaucoup de tapage, les moulins à
maïs qui travaillaient entre midi et deux heures...
- Q - Et les taxis ? Est-ce que, à l’époque, ils étaient déjà organisés avec les
lignes ,fuces, comme mainlenant ?
- Justement, les taxis étaient de terribles concurrents pour les bus de la munici-
palité. Nous avions aménagé des emplacements pour les stations des bus. Mais, tandis
que nos clients attendaient, eh bien, t’étaient les taxis qui venaient les ramasser. C’etait
inévitable : imaginez que, pour se rendre cn bus depuis Bè jusqu’à Kodjoviakopé, le
trajet durait une demi-heure, avec de nombreux arrêts ! C’était bien plus rapide pour
unpassagerdeprendreun taxiqui,dixminutcsaprès,était rcnduàdestination.C’est
ainsi que, petit à petit, nous avons perdu nos clients : on les ramassait à nos stations parœ
qu’il fallait y attendre trop longtemps. Pour être rentables, les transports urbains
devraient tout faire pour etrc rapides. On attend volontiers un bus quand on sait que,
quand on a raté le precedcnt, un autre suivra dix minutes après. Dix minutes ou un
quart d’heure, oui, on pouvait attendre ; mais plus, œ n%tait pas possible. Petit à petit les
taxis ont pris le dessus et c’est ainsi que lc transport municipal, finalcmcnt, s’est arrête.
(5) Pcria chariots b quatre roues, poussés par des jeunes (les «kékévitm), qui vt?hiculaienr
les marchnndises b la detnandc.
193
parition de cet arrêté; municipal. Mais, par contre, ça a permis aux transporteurs
d’introduire l’usage des taxis-bagages.
Pendant que nous parlons des transports et des taxis-bagages, cela me fait
penser à la question de l’identification des taxis. 11est apparu que, parmi les transpor-
teurs, il y avait de nombreux fonctionnaires qui, après les heures de service, faisaient
le taxi avec leur voiture perscmnelle. Par ailleurs, il a éte prouve? qu’on avait parfois
utilise des taxis pour commettre des meurtres, ou bien des tawUnen avaient &k impli-
ques dans des vols à mains armees. Donc la police pensait qu’il était nécessaire
d’identifier les véhicules qui faisaient le transport en commun en leur donnant un
numéro d’immatriculation de taxi, et aussi en les identifiant par la couleur. Mais ils s’y
sont purement et simplement opposés, aussi bien les proprikaires devkhicules que les
tuximen. Il a fallu arrêter : nous avons laissé tomber. Et puis, quelques années après,
quand le chef de 1’Etat a bien Imûri la question, il dit un jour au ministre des Travaux
publics : Allez-y !B. En moins de deux semaines, la peinture jaune est apparue sur tous
les vbhicules utilisés pour les transports en commun. Et, du coup, on a pu identifier les
vehicules qui faisaient le taxi. C’était dur au début, mais, ensuite, ça a étk accepté
comme une très bonne chose. Notre exemple a et6 suivi par la ville de Cotonou, et par
d’autresvilles encore.,.. C’ktait en 1971-72, où on a beaucoup embelli laville pour la
réunion de I’OCAM (6). Jusq,ue là, Lomé ressemblait encore beaucoup à un grand
village...
- Q - Quelles ont été, dans vos années passées d la mairie, les grandes
réalisations urbaines que vous avez impulsées ou inaugurées ?
(6) Organisation Comm~e Africaine et Malgache, qui rkndssait les pays francophones.
(7) A Tokoîn, en face du garage central Ce quartier tient son nom d’un dancing alors c&?bre:
*Forever week-ends.
194
«Elle estlà ! Elle estlà ! Eva do ! Eva do L..»
- Oui. Apres l’ouverture du grand-marché,il fallait faire en sorte que toutes les
vendeusesaient quitte lesrues,car il y avait desmarchesqui setenaient dans lesrues,
notammentprèsde Peglised’Amoutiv6. La ligne du cheminde fer passaitpar Amoutivé
(S),et il y avait une petite gareau niveaude l’egliseSaint-Augustind’Amoutive. Alors
lesrevendeusesde poissonsdescendaientlà du train : c’etait plus court pour elles de
gagnerle marcheà pied.Les menagèresvoulaient du poissontr2s frais, descrevettes...
Elles les forçaient à leur vendre devant cette petite gare. Et petit à petit, un marchC
s’etaitconstitue : à côté desmarchandesde crevettess’etaientinstalleeSles revendeu-
sesde condiments : piments, tomates,oignons... ; c’estainsi que cemarche aoccupe
carrementla devanture desmaisons.Et pendant cetemps,le marché Saint-Michel (9)
195
était abandonné, les hangars vides, inoccupés... II a fallu y deplacer ces vendeuses
d’Amoutivt5, où les lieux ne se prêtaient vraiment pas à un marche.
- Ce n’était pas encore un marché ; c’était un terrain de jeux pour les jeunes. II
était dejà décide que, après l’ouverture du grand-marché, lorsque les femmes se
seraient installees, celles qui n’auraient pas pu trouver de places dans le bâtiment
pourraient être installees sur ce terrain, qui serait donc transforme en annexe du
marché. Dès le lendemain de l’mauguration du grand-marché, l’agent voyer est donc
allé voir les femmes qui n’y avaient pas de place pour leur dire de se presenter sur le
terrain de jeux, pour qu’on leur indique leurs emplacements respect& et ces femmes
ont toutdesuiteretenulesplacesavecdevieuxpaniers... Mais, trèsvite,ils’est avéré
que ce marché ne leur convenait pas : elles ont presque toutes quitte les lieux pour aller
s’installer dans les rues. Nous avons essayed’en faire un marché du soir : on y vendrait
du poisson, les salariées pourraient y aller faire leurs emplettes à la sortie des services...
Mais les femmes n’ont pas VOUA~,sauf deux ou trois qui sont restées, fidèlement. Et
finalement, celles-là ont triomphe. Les marchandes d’emaillés n’avaient pas de place
aux alentours du marche : elles ont demandé à construire elles-mêmes des magasins au
marché du cimetiere,et, peu à peu, cela a amenedu monde...
- Q - Mais les jeunes qui jouaient auparavant sur ce terrain, qu’en pen-
saient-ils ?
- Oh, ils ont été tout à fait furieux, et m’accusaient violemment d’ignorer leurs
besoins ! C’est vrai que, comme.je prenais tout juste mes fonctions, j’étais encore bien
ignorante dans ce domaine. Mais, pour eux, nous avons donc cherche immédiatement
unautreemplacement :nousenlavonstrouvéundel’autrec6teducimetière,quej’ai
fait aménager sur-le-champ avec des camions et des camions de laterite... Et les jeunes
l’ont adopté avec enthousiasme. C’esl ce qu’on appelle aujourd’hui le stade des
AiglOIlS.
196
- Q - Mais il y avait des hangars construits en dur ?
- Oui, un seul niveau. C’etait des hangars rectangulaires construits sur les quatre
côtés, par intervalles, et aussi latéralement ; et puis, à côté, dans les espaces libres, les
femmes qui n’avaient pas trouvé de place sous les hangars construits par la municipalité
se fabriquaient elles-memes des hangars de fortune, avec des pieux plus ou moins
tordus...
- Il n’y avait pas de toilettes, mais il y avait quand même de l’eau potable. On avait
construit unesorted’enclos où les femmes pouvaient verser les dcchets ; ça servait de
voirie parce que chaque jour on vidait cet enclos.
- Q - Merci, Madame le Maire, d’avoir tant fait pour notre vi& et ses
habitants.
197
no 17
- Q - Cette fois-ci, nous n’allons pas faire l’histoire d’une profession, mais
celle d’un quartier de la ville de Lomé : Kodjoviakopé, un grand quartier
qui fait près de 20 000 habitants, entre le centre administratif, l’océan et la
frontière du Ghana. Nous voici donc d ht «maison royale» de Kodjoviako-
pé, avec M. de Souza Zidou, qui est le chef du conseil de régence de la
famille a’e Souza, et M. de Souza Dot&, qui fait fonction de secrétaire, et
qui est le seul des deux à parler su@iiamment le français pour oser se
lancer ,a parler dans le micro : c’est lui qui nous traduira ce que dit son
cousin.
- Oui, sur la route de Keta, après Denu Ils sont venus dans les environs de X379-
1880.
(1) Tous les noms originaires de la zone unglophone sont d prononcer d l’anglaise (en
particulier u = ou).
(2) Autre orthographe d &poque @I XIXs?me sikcle) : Eguagu Dans le vieux Lomk, il a
poss&i.k des terrains entre le grand-marchC et la plage. Togbi : Titre honotifigue pour les
chefs de fam.ille ag& @grand-pérew).
199
- Q - Equagoo; c’est un nom que l’on trouve parmi les fondateurs de lhmé;
autour de 1880 ; il avait des terrains dans kx tout premiers propriétaires de
Lomé.
- Ils étaient p&chcurs. I:I y avait aussi To@i Dogbé Liggie, DotsC Koumani
Apéke...
-Ahoui,ilya unefiliationentrecux...
- Q - Ce qui complique le ,problhe, chez les Anlo (3), c’est qu’on y trouve
aussi des jZi&ions mutrilitu~aires, c’esr-à-dire que l’on hérite de son oncle
maternel.
- Q - Ce qui fait que l’établissement des Jiliations est parfois très diffiib,
parce que ce n’est pas toujours de père en jik que cela se passe, mais aussi
d’oncle en neveu.
- C’étaient bien des cousins. Ce sont eux les premiers à être venus ici. Ils ont
passe par la mer, pour venir faire de la pêche artisanale.
- Vous savez, ce sont les Alicmands (4) qui étaient ici à ce moment-là. Ils ont
demandé au grand-tire Equagoo a cc que ses p&heurs viennent p&hcr ici, pour que
les Allemands aient du poisson.
(3) Ewt man’times, autour de Keta, de Lomd jusqu ‘d l’estuaire de la Volta (On dit aussi, d
tort, Ahoulan).
(4) Sans doute des commerçants allemands, prdwnts rf Lom6 depuis 1881-82
200
- Q - Est-ce que vous savez si, quand vos ancêtres sont venus s’&ablir ici,
ils ont demande la terre h quelqu%r, ou s’ils se sont instant% sans rien
demander à personne ?
- Ils ont demande la terre au vieux Dadji d’Amoutivé. Et ce terrain a été donné
par le canal de Kodjovia, qui est le fondateur de Kodjoviakope.
- Q - Alors qui est ce Kodjovia ? Lui, ce n’est pas un An& puisqu’il s’appelle
de Souza...
- Exactement.
- Son père a epouse une fille de Togbi Aguto, qui est le fils de Tsri Dapensu, le
fondateur d’Adalïanu.
- Q - Donc Kodjovia est par son père afro-brésilien et par sa mère anio ?
-De Some.
- Q - Comme nous sommes chez des gens qui sont matrilin6aires, il est donc
anlo pour les A&.
- Oui ! Mais attention, il y a une différence entre les An10 et les Somb.
-Q- Les Son~?, ce sont Ies gens d>Agbozumé! près dtidqfranu, mais d
quelques kilomètres d l’intérieur des terres.
- Exactement !
- Q - J’ai lu que Ies Semé se sont séparés des Anlo à la firi du KW& sit%,
mais ils sont de t’a même souche et ils parlent d peu près la même langue.
- Exactement !
201
- Q - C’est même l’éwé que l’on parle dans cette région qui est devenu I’éwé
écrit, n’est-ce pas ?
-Q- uKodjoviakop&, cela veut dire «ht ferme du petit Kodjo». Est-ce qu’il
a lui-même vkcu ici ?
- Q - Qui allait d’où d ou, à peu près ? Est-ce que ça partait de la frontière?
202
- Q - Et les pêcheurs d’%blhgamé, près de l’hôtel Sarakawa ? Ce sont, je
crok, vos cousins ?
- Oui
- Q - Donc un peu plus tard que vous. Mais vous vous connaiksez de
parentés ? Savez-vous qui est votre cousin, et comment ?
- Oui ! Nous avons un oncle L%as, qui &ait le chef Wogormebu Agbezudor, qui
nous est apparente.
- Exactement.
- Q - Dans les textes d’il y a juste cent ans, on désignait Kodjoviakopé par
l’expression «New-Sierra Leone». D’après vous, d’o3 cela venait-il ? Est-
ce que cette expression a subsisté ?
203
Williams (resté Woullams dans la tradition orale) qui avait fondé lù un poste
de commerce im~diatement au-de# de la frontière anglaise. On trouve
aussi Little-Sierra-Leone ou NewSierra-Leone sur les premières cartes
du Togo, dressées par tes Allemands dans les années 1885. On voit
d’ailleurs aussi indiqué Da Suza, c’est-à-dire Kodjoviakopé, entre la
fronth et Lomé. Donc té toponyme a complètement disparu ?
-Oui
204
- Q - Plus tard membre du conseil des notables de Lomé.
- Mon pkre était son aîné, de même père et de même mère que le pere de Zidou.
- Vous savez,œ sont les Ashanti et les Fanti qui font ça. Mais chez nous, les Ewe
et les Anlo, cela n’existe pas.
*
* *
- C’est dommage que je ne puisse pas vous donner une repense satisfaisante
parce que j’etais en Guinde à œ moment-là. C’est mon grand-frère qui peut vous
repondre. Le boulevard de la Republique existait dejà ; derrière, il n’y avait que des
pistes et des rues de peu d’importance.
-Oui!
205
- Q - Donc le cimetière Rcait IsoM au milieu des cocotiers ?
-Oui!
-Q- A-t-il parta& le terrain entre ses fils pour que ceux-ci puisseti
vendre ?
-Ah non ! Le titre foncier 31, vous savez, a et6 cree au nom de Kodjovia pour
qu’on puisse nommer un administrateur pour le gérer, mais ce n’etait pas sa propriété.
-Apres la mort de Kodjovia, œ sont sesenfants qui payaient I’irrqxSt foncier pour
le terrain du titre 31; les gens de Kodjoviakope ne payaient pas. Alors nos Peres ont
206
demand6à prendreune partie de leursterrains et ont lai& le resteauxautres.C’estça
qui a 6té tit.
- Vers 1920.
- Dans la maisond’Ahadziesso.
-Non!non!
- Catholique!
207
- Q - Les Anlo t.%aient pourtant plutôt protestants ?
- La paroisse a été creee dans les environs de 1949-50 : chaque dimanche, les
prêtres venaient à tour de r61e pour y chanter la messe (5).
- C’est en 1967 que sont arrives les prêtres comboniens (6). Mais l’eglise Christ-
Roi actuelle a ete terminke en 1982.
- Oui. Mais nous avons encore beaucoup de rues qui ne sont toujours pas
amenagkes, et cette situation perturbe la circulation automobile dans le quartier.
- Ah, si la frontière est fermee (8), le commerce est paralysé, il n’y a plus
d’activitks... Mais quand elle est ouverte, ah là, il y a des activités ; il y a,des marchandi-
SesquiviennentduGhanaet quivontdeLomeauGhana.
208
m Q - Hécas, il np a pas que les man%mdis~ honnêtes qui viennent du
Ghana, mais awsi dès traf@ants de taules sortes.
- On paye des fois la douane, mais les trafiquants sont nombreux. Il y en a qui
passent par la mer, et ailleurs...
*
* *
- Je pense qu’il y a sept kquipes ici, sans compter ceux qui font la pêche à la
ligne, et puis des filets dormants, et les autres.
- Q - En comptant ceux qui partent sur les pirogues et ceux qui restent d
terre d tirer les filets ?
- Ceuxqui partent sur la pirogue pour pagayer et aller jeter le filet dans la mer
sont au nombre de 12 à 13. C’est un mktier kpuisant.
-Ah,jevousaiparlédesept kquipes,n’est-cepas?Vousavezdoncmultiplié?
- Q - Oui.
- Oui ! Les femmes, ce sont elles qui achetent pour aller revendre. Il y en a qui
fument, il y en a qui sèchent les poissons, pour aller les vendre dans les marchés de
Iamf5.
209
il faut qu’llr apprennent trt% tôt la mer, qu’ils sachent se débrouiller, parce
qu’un bon pêcheur -surtout s’il possède son file& peut toujours vivre.
210
no 18
- Q - Comme ~US sommes muitienant au début des fêtes de Noël (11, nous
souhaiterions que vous nous évoquiez la manière dont on pouvait célébrer
Noël à Lomé autrefois, c’est-à-dire avati la seconde guerre mondiale, et
en particulier comment vous, les internes d’une école religieuse, vous
pouviez fêter Noël.
Le24décembre,nousvoici toutaffairéesenpetitsgroupes,parci,parlà,dans
la grande cour, chantant et dansant, courant et tapant des mains aux rythmes des danses
nago (2) : «ballona tchéina...~~.(Rires).
211
- Q - Pourquoi des danses nago ? N’étiez-vous pas pour hz plupart des
Togohî.w du Sud ?
- Q - Pourquoi était-ce alors plutôt des danses nago qui avaient votre
préférence ?
-Q- Est+e qu’elles sont passkes dans le patrimoine loméen ou bien les
gens d’aujourd’hui savent-ils encore que ce sont des danses nugo ?
- Q - Danse qu’on e.w!cute surtout avec les bras en haçant les coudes par
derrière, n’est-ce pas ?
-Q- Hormk lès poupkes, t’étaient plutôt des cadeaux utile.~~ quand
même ?
- Parce qu’en cestemps-là, on nous faisait faire des petites robes pour les
poupées...(Rires).
212
- Oui, ça nous servait à faire de petites robes. Nous assemblions les «ussassan»
(Rires). C’est levrai mot. C’est la soeur européenne qui les nommait «assissan» (5)
(Grands rires). Nous assemblions ces petits 4zhantilIons pour faire de petites robes, des
caracos.
Quand tout le monde avait pris son cadeau, vers 19 heures (déjà il faisait nuit),
alors nous voici affairees au feu d’artifice, qui illuminerait toute la grande cour.
- Oui. Des feux qui illuminaient toute la grande cour, et des pétards qui crépi-
taient de toutes parts. A 21 heures déjà nous nous pressions dans les salles de bain, les
dress-rooms, pour nous parer de jolies robes de soie, de parures, de grands foulards...
Il fallait nous voir avec nos souliers, quelle fierte nous avions ! En ces temps-là, quand
nous etions fières, nous disions : on fait la«grandeuse» (Rires).
A minuit, nous sommes dejà devant l’Eglise. Mgr Jean-Marie Cessou et tout le
clergé Ctaient là, en grande tenue ; toute la chretiente aussi etait là. A la messe, les
chants nous egayaient beaucoup. Et de la grande tribune tonnait le «Minuit, Chréhèns~~
chanté par feu papa Armerding (8) et la voix de basse de papa Télagan, qui secouaient
toute la chrétienté.
- C’est après Gordon qu’est venu M. Lawson Têtevi. Nous etions du temps de
M. Lawson.
213
- Q - L’église d’hutivé a eh? construite d cette t?poque, en 193334. Est-
ce qu’on y disait aussi (a. messe de minuit, ou bien tout le monde se
retrouvait-il d lu cathédrale 1
- Q - Est-ce que vous aviez une chorale qui chuntait aussi d la cathedrale?
214
- Q - Et vous-mêm, les jeunes j5%s des soeurs ?
- Nous partions de l’internat tous les matins avant 6 heures pour aller à la
cathedraleassurerla messederequiem.C’etaitcommeça,autrefois : c’etaitlesfilles des
soeursqui chantaientlesmessesde requiem.C’etait unebonne formation.
-Q-Etksplwgrandes?
Après le réfectoire, nous allions nous coucher. Au petit matin, nous nous
réveillions pour aller à la chapelle. (Nous avions une chapelle à l’internat, où nous
allions prier tous les matins)( Nous allions doncà la chapelle pour continuer la
messe: c’etait l’habitude cheznous.Les soeurs,qui avaient une petite chorale au sein
de l’internat, assuraientcettepetite messe.Il y avait SoeurVincent-Marie, SoeurJulie-
Louise, etc.,qui entonnaient deschantsavecleursvoix angeliques.
Ecoutezceci:
215
(Rires). Jevoudrais ressemblerun peu à SoeurJulie-Louise lors de cesrejouis-
sanws,maisjen’aipasdevoixcetaprès-midi... (ll).Lessoeursavaient préparécette
messepour nous egayer à l’occasion de cette fete de Noël, rien que pour la fete de
No& Nous devionsaussiassisterà la grand-messede9 heures.Apres la chapelle,nous
nous preparions donc pour la grand-messedu25decembreà la cathedrale.
- Non, nous n’avions pas beaucoup de temps pour nous promener. Nous
aimions mieux rester à la maison, en famille. C’était pendant les vacancesque nous
avions ce privilege. Alors, pour cebref lapsde temps,nousprofitions pour rester avec
nos parents,discuter deschosesinteressantesou bien visiter une tante ou un oncle à
côte. Nous devions être àl’internat à 18heures,et dejà à 17h 30 nous y étions, parce
que c’était la regle, autrefois. Alors finissaient à moitié les festivites de Noël, la nais-
sancedu Seigneur. Jedis cela parce que tout n’etait pasfini : les festivites ne s’arrê-
taient pasavecNoël : il y avait aussile jour de l’An, l’autre moitié.
-Oui!
216
patentsne nousdonnaient quede la petite monnaie pour l’argent de poche.Mais pour
la subsistance,c’etaient les soeursqui s’en occupaient. Nous avions le dejeuner, le
repasde midi et le repas du soir.
- Q - L.e père Gbikpi nous a par& de la vie d lWern& suivant les premiers
pères allemands : un btî!timent entourt! d’une haute muraille avec une seule
porte. N%%iez-vous pas gêrufes d’être ainsi cloîtr6es dans cette enceinte?
217
orchestres,avantd’alleràTony&iadjiouàAdjangba, faisaient le tourdelaville (qui
n’était pasgrande), et, au fur et à mesure,lesgenslessuivaient déja.Je ne mesouviens
pas d’avoir jamais regarde par-dessusle mur un cortège qui passait devant notre
maiml.
- Q - Revenons un peu aux périodes des fêtes. Est-ce qu’il arrivait aux
jeunes internes de préparer des saynètes ?
-Q- Cela disait vraiment quelque chose aux jeunes Togokses, cette
vieille hktoire de Jeanne-d’Arc et de guerre de Cent-ans ?
- Q - Comment ça se passait-il ?
-Oh, trèsbien !
- Ça a été une grande fête : il fallait nous voir jouer Jeanne-d’Arc, la «Berg&e
de Donrémyw. Moi-même je l’ai jouee. Vous voulez une chanson de la Bergère de
Donrémy pour terminer ?
- Q - Bien sûr ?
218
On chantait autrefois Jeanne de la Lorraine,
C’est elle qui, sespetits pie& dans ses sabots,
Enfant de la plaine,
Filait en gardant ses troupeaux,
Qui, dans son jupon de laine,
Avec ses sabots dondaines,
Oh!Oh!Oh!
Avec ses sabots,
Sion allait sans émoi, le coeurplein de foi
Pour défendre son roi
Chers enfants de la Lorraine,
Des montagnes à la plaine,
Oh!Oh!Oh!...
- Oui
- Q - Donc en 1918 arrivent des soeurs anglaises, mis les t%?ves restent?
219
- Q - Les noms des pièces sont restés en anglais depuk cette époque Id ?
Nous avions et6 bien formees, à l’internat, et cette formation nous a beaucoup
aidees, jusqu’à maintenant. Et c’est de la meme manière que nous avons eleve nos
enfants.
- C’est surtout à l’obeissance. Quand on vous dit de faire ceci ou cela, il faut
l’exécuter, rester à sa place. Nous n’avions pas le droit de quitter l’internat sans la
permission de nos parents et des soeurs. Si nous etions malades et que cette maladie
devait nous conduire jusqu’à l’hospitalisation, les parents devaient venir demander
l’autorisation. Nous etions à l’internat sous une bonne garde, mais pas très sévère, car
on nous a élevees avecamour : on nous faisait comprendre quec’est pour notre bien
et pournotreavenir.
A l’époque, l’éducation etait telle que nous pouvons encore, sur bien des plans,
nous enorgueillir d’avoir rqu cette education, que, dans l’ensemble, nos filles, aujour-
d’hui, ne reçoivent plus. Elle etait speciale : par exemple, pour l’enseignement de
l’économie domestique, nous faisions de la broderie, et on nous initiait aussi à la cuisine
européenne (car nous devions preparer pour les soeurs). On nous delèguait à tour de
role pour faire la cuisine à nos compagnes, parce que, au début, il n’y avait pas de
cuisinière salariee. Donc les eleves etaient classees en trois groupes, les petites, les
moyennes et les grande,s ; à tour de role, une grande et une moyenne étaient de
service à la cuisine pour les eleves, pendant une semaine, et un autre tour venait
ensuite pour la cuisine des soeurs. Là, chez les soeurs, il y avait une soeur chargee de
la cuisine qui nous initiait, et nous preparions leurs repas. Voyez par exemple, moi,
j’étais sacristine : c’est nous qui fabriquions les hosties, celles de la communion qu’on
distribuait aux gens. On preparait la pâte et on faisait les hosties. Je ne sais pas si
actuellement, c’est fait mkcaniquement, à la machine... Mais à l’epoque, pendant toute
une journée, nous fabriquions les grandes hosties, et les petites. On était heureuse de
220
le faire. Nous lavions les linges,nous savionsapprêter le linge, faire les repassages,
ou
bien passerpour le repassageau rouleau,ou bien le linge apprêté, empesk.C’estnous
qui repassions tous les linges qui servaient pour l’eglise, pour orner l’autel à la
cathédrale,et puis nos chapelles,etç
221
parents n’arrivaient pasa payer,alors lessoeursacceptaientquand memecesfilles-là
jusqu’ala fin de leursktudes; ou bien,souvent,on lesarrêtait aucoursmoyenpremière
annke et on leur demandait de remercier pour le temps passe sans payement à
l’internat. Elles faisaientalors un an ou deuxanscommemonitricesdansl’école.
-Q- Est-ce que vous, les internes, vous décrochiez systématiquement les
meilleures places ?
- Q - Dans les annk 1930, je pense que bien peu de jùmilles parlaient
français chez elles.
- Oui, en effet.
- Q - Donc, dans l’école, vous parliez fraqak bien davantage que duns les
familles de la ville, où, si l’on parlait une langue européenne, c’était
l’allemand ou l’anglais.
222
- Oui, parce que nous étions obligées : les soeurs etaient fiançaises et elles nous
parlaient toujours en français.
- Au début ça s’arretait au CM2. Ensuite elles ont cr& le cours supérieur, qui a
commence avec ma promotion. Nous n’etions que trois ! Il y avait Mme Véronique
Ekué (née d’Almeida), feue Mme Marie John-Ayi et moi. Mais après notre certificat
d’etudes, nous avons prefere passer l’examen au niveau national, comme les autres
eleves de l’École laïque et des ecoles catholiques et protestantes. Comme c’était
nouveau, on avait un peu peur ; on se demandait où cela allait aboutir... Nous avons
préfere continuer à l’école Victor-Ballot. Je dis Victor-Ballot parce que, l’année
precédente, le cours complementaire deLorne avait eté jumelé avec celui du Daho-
mey, à la suite du jumelage des administrations du Togo et du Dahomey. La promotion
precedente avait fait sa première annee à Porto-Novo, et nous aussi nous avons dû y
aller. Peut-être etait-ce aussi par curiosite d’adolescentes qui n’ont jamais vu l’exte-
rieur, n’est-ce pas ? : pour une fois, onva quitter le Togo ! Nous ne nous sommes pas
pose la question du «pourquoi» ni du «comment»... Il s’est trouvé que deux de nous
trois avons souhaité continuer avec les autres Togolais qui allaient au Bénin.
- Q - Quel a été le plus gros chungement pour vous ? Sortir de l’école des
soeurs et arriver dans un collège laïque (en plus du changemeti de pays,
bien stîr) ?
- Premier changement, nous avions été à l’école rien qu’entre filles et,du jour
au lendemain, on se trouvait avec les garçons, d’abord pour passer le concours du
cours superieur. Nous étions deux filles de chez les soeurs, et il y avait deux filles de
l’écolelaïque.Ehbien,ils’est trouvéqu’onavaitfixélenombredefillesetdegarçons
à recevoir. Nous etions donc quatre et on n’en voulait que deux, et il s’est fait que ce
sont les deux filles de chez les soeurs qui ont passe. Vous voyez, on n’avait pas de
complexes du tout... Nous avions elimine les autres, et nous etions dejà fières ! Arrivees
à Ballot, nous avions été également des têtes de promotions : Mme Sivomey &ait @te de
sa promotion, j’etais tête de la mienne. On n’avait aucun complexe : l’enseignement qui
étaitdonnéchezlessoeursétait très, trèssolide.
223
Nous étions donc entrées à Ballot en octobre 1937. L’année suivante, en 1938,
normalement nous devions revenir ici pour continuer, mais, mon amie Veronique Ekué
et moi, nous avions suivi un autre concours : on venait d’ouvrir l’ecole normale de
jeunes filles de Rulisque, au S&tegal. Alors, admises, nous sommes parties. C’est ainsi
que nous, nous n’avons pas terminé avec nos camarades du cours complementaire à
Lomé, où lis étaient revenus en 1938.
- Oh, non 1Ça nous était bien entre dans la peau, jusqu’à présent. Je suis encore
esclave de cette discipline, une discipline joyeuse ! Vous nous voyez ensemble
aujourd’hui : c’est bien assimilé, on est heureuses d’être disciplinks.
- C’est en tête Mère Gallican. Il y avait beaucoup d’autres soeurs comme Soeur
Ischyrion, Germana, les Soeurs Marie, Mélanie, Blanche,... etc.
- Oh, on n’y pensait pas tellement. Nous n’y étions pas forcees, et la mentalite, à
l’epoque, ne s’y prêtait pas. Je crois qu’elles ont dû se plier à cette mentalité. Je me
rappelle que, dans les années 1936-37, les soeurs nous disaient :
- «Les enfants, priez pour qu’on trouve parmi vous des soeurs».
On se lorgnait et on disait :
- «Petit Jésus, pourvu que ce ne soit pas moi ! ».
Nous, on ne s’y int&essait pas, mais on nous aurait bien voulues...
- Q - Est-ce que vous avez envoyé vos propres jZes à cet internat ?
- Ma fille n’a pas fait l’internat, mais elle a fait l’école des soeurs parce que nous
aimons $a, que nos filles frequentent l’école des soeurs. Car, awrt, il y avait l’enseigne-
ment du catéchisme (mais maintenant le catechisme se fait partout). J’ai une fille et un
garçon qui ont fr6quente l’École laïque. Mon fils a fait le collège St-Joseph, et nous en
avons envoyés à l’école laïque comme dans les ecoles religieuses. J’ai même une fille
224
qui a fait l’école protestante, bien qu’il n’y ait pas de protestants dans ma famille. Mais,
nous, pourvu que l’enfant prenne bien la première communion, qu’il aille à l’école
laïque ou chez les soeurs... Il faut quelavie religieuse ne soit pas négligée, pas du tout
alors ! Mais, indifféremment, on envoie les enfants dans n’importe quelle école.
-Q- Parmi vos condisciples des années 1930, et peut-être surtout des
années suivantes, apr& la guerre, quelles sont celles qui sont afies le plus
loin sur le plan scolaire ?
- Je n’ai pas les noms en tête, mais comme, dès 1937, on a cr& le cours comple-
mentaire, plusieurs eleves y sont allees. Il y en a qui ont fait le cycle complet, sans
chercher à travailler dans la fonction publique. II y en a qui sont devenues de simples
mères de famille et maîtresses de maison.
- J’ai suivi l’école normale de 19-38à 1940. Et comme mes autres collègues Mme
de Camps, Mme Ekue, Ckcile Kpodar et bien d’autres (comme Mme Creppy, qui a et6
longtempsdirectri~del’~coledelaMarina),noussommes trèsnombreusesàyêtre
entrées. Mais moi, j’ai été affectée à 1’Ecole normale, si bien que je n’ai pas commence
à travailler au Togo avec elles. Je suis restee encore pour sept ans au Sénégal, où j’ai
eté chargee de la surveillance generale de 1’Ecole normale de jeunes filles de Rufis-
que, et en même temps comme maîtresse de gymnastique, parœ que j’avais passe mon
brevet sportif.
225
à 1976, à la Chambre de commerce de Lomd, ceci tout en assumant mes charges de
mère de famille et de citoyenne. De 1969 à 1974, j’ai fait mes études de droit, tantôt à
Abidjan, tantôt à Lomtl, et je suis devenue avocat (stagiaire en 1974, titulaire en 1976), la
premi&re femme du Togo. Pour tout cela, il fallait savoir travailler et s’organiser, et c’est
à l’école des soeurs et à 1’Ecole normale de Rufisque que je l’ai appris.
*
* *
-Q- Est-ce que vous avez encore entre vous, les anckw élèves des
soeurs, une structure qui vous réunit, ou est-ce simplement l’amitié, les
souvenirs des années d’enfance passées ensemble ?
- C’est seulement le souvenir des annCes passkes ensemble, mais on est liées
comme si on &ait dans une amicale. On ne se voit pas périodiquement, mais, quand on
se retrouve, c’est tout comme hier. C’est la joie, les chansons anciennes, toutes les
pitreries que nous avions faites... On se rappelle nos fantaisies... On est très gaies, pour
la discipline qu’il y avait ; même nos enfants n’ont pas cette gaité. En plus, nous avons
gardé un ci3te enfant, qui nous est restC malgré l’âge.
- Q - Quand vous étiez jeunes filles, est-ce vous étiez parfois convoitées
par les jeunes gens de votre entourage ?
- Oh, on en parlera plutôt apr& l’émission... Mais si, on ne peut pas nier ça ! Ce
n’était pas comme aujourd’hui : on ne cherchait pas la compagnie des garçons. On n’en
avait pas le besoin : notre vie était très remplie. Peut-être aussi parce que on se mariait
jeune : entre 16,20 et 22 ans pour celles qui ont étk à l’kole. Sinon, en pays mina, le
mariage, c’est entre 28 et 30 ans pour la jeune fille, parce qu’il faut qu’elle apprenne un
mktier : si elle est chez une vendeuse de tissus, il faut qu’elle apprenne à vendre pour
celle-ci, et ensuite à vendre pour elle-même, à aller rkgulièrement travailler au marche.
- Oui. A Lomé, c’était les femmes. Ma mère était dans le marché à côté d’une
dame très renommk, qu’on appelait Afïaviglo, épouse d’Augustino de Souza. Il y avait
226
une grand-mi?requ’on appelait Lissassi,la femme de papa Ayivor, l’un des grands
richards de l’+oque... Elles étaient rares : unevingtaine, pas plus !
- On exigeait queles garçonssoient un peu plus âgesque les filles. Il etait rare
devoir, à Wpoque,qu’un jeune hommede25anssoitd6jà pèrede famille. Il Edllaitqu’il
travaille, qu’il konomise, parce que c’était l’homme qui était responsable de sa
maison; il s’occupaitdesgossesqu’on lui donnait.Il nes’enfuyaitpas,commeon envoit
aujourd’hui... Il était responsable,donc il lui fallait travailler, gagner de l’argent. Il
veillait sur sesparents.L’autorité parentale&ait encoreextraordinaire : à 25-30ans,il
obkissaitencore à son père, n’est-cepas? Comme son père avait obkit à son propre
père... CWait trèslie, un genre depactefamilial. Donc le jeune homme ne hisait pasce
qu’il voulait. Il fallait aller demanderla main dela fille, etc.Jepeuxvous raconter le cas
d’une amie et deson fianck; on l’avait demandéeen mariage,maisle mariagen’était pas
encore fait, et ils ont enfreint lesrègles.Ils n’en ont jamais parlé àpersonne; le fiancé
a gardéle linge nuptial pendant dix ans,et ils sesont mari& ap&, pour aller semettre
àgenouxdevant lestantes pour demanderpardon :
(17) Gros marchb du pays mina-ouatchi, à une cinquantaine a’e km à l’est de Loti
227
Ils ont tenu pour qu’on ne puissepasdire que cettefillelà a Cte6pouskepar un
autre,qu’iiyalongtempsqu’ellefaisaitsavie...Non ! L’hommenevoulaitpasporter
cetteresponsabilitélà
- Q - Est-ce quV y avait encore, chez vous, une d& h l’@icaine, c’est-&
dire que Aè mon dhnuit aé h-gent aux parents de la jeune filh, pas
simplement pour faire une fête, mais une vraie uwmpensadon math-
niab?H ?
- Ils sechoisissaient,
maisla famille avait un poids important. Quand lesparents
n’en voulaient pas,en gent%a& çsne sefaisait pas.Le plus souvent,c’étaittoujours avec
leur b&ddiction.
-Q-Pasdemariagesuruncoupdek%e?
228
- Oh ! Pouviez-vous vivre ainsi ? Vous aviez besoin de l’affection de vos
parents,de leur soutien...Ce n’estpascommeaujourd’hui, où lesjeunes,s’ilsn’ont pas
le soutien de la famille, ont celui de leurs amis,peut-&tre,descopains.Cequi pr&alait
à l’epoque, c’etaitle sentimentdesparents.Maintenant, on vit beaucoupen groupes.
Donc, à supposer que vos familles vous lâchent, vous avezvos copains : vous avez
d’autresfamilles qui ne vous lâchentpas.
- Q - Si l’on prend vos condiwiples -je ne vous dèmandè pas d’établir une
statistique-, est-ce que vous pensez que, dans l’ensemble, votre gt?nt?ra-
tien a fait de bons mariages ?
- Absolument! Tri?smal vu !
- Q - Donc, si des femmes se mariaient tard, vers 26 d 28 ans, cela veut dire
que le nombre d’enfants était plus r&reint qu’aujourd’hui ?
229
- Q - L’&ut civil fonctionnuit4l d4jd ?
- Q - Avançons jusqu’à votre vie dè jeune fil&, apr& l’école des soeuz~
Vous aimiez quund même bien sortir, aller vous amuser ?
- Oui, bien stlr.On allait danser- à pied naturellement: il n’y avait pasde taxisà
Lomé, dans lesann&s 1950.On traversait la ville avecsesbeauxhabits.Les hommes,
pour aller danser,avaient l’habitude deporter leshabitsà queue. Ils s’habillaient avec
toute sorte d’habits, bien plus (quemaintenant, comme des Blancs ! Il y avait des
chapeauxhaute-forme, etc.Ils avaient le chicde toujours mettre leur veste.On allait à
Tony&iadji, àAdjangba, àpied,,et on rentrait aveclesbelles demoiselles...
- Q - Que dànsait-on ?
230
euxplus4g& quemoi qavais alors 17ans).Il ne seraitjamaisvenu à l’idke queœ soient
descamaradesdequelque part quivous y amettent.Pasdu tout !
231
INDEX DES NOMS PROPRES
l/PERSONNAGES
Adigo : 153 Amou:
Adigo (Mme) : 163 Anatey(Mgr) 5-12
Adjalld @mille) :4S@l,130 Anthony @mille) : 13-24
Adjalld (chef Jacob): 12,60,87,88,95 Anthony (Tiithy A) : 14,17,21,41,59
Adjama: voir Edjami? Antonio :21
Adjangba: 153 AptUo-Amah (Georges): 37-51
Adjangba(Mme) : 114,165 Apddo-Amah(Moorhouse): 24,67,68,69,
Ad& : 101 181
Afiaviglo (Mme) : 226 Aquereburu : 71
Agama(famille):59 Armerdiig : 213
Agathonique (SC): 113 Ataklo (pasteur): 177
Agbale : 201 Atayi (Ayayi) : 67
Agbéko : 58 Atayi (Salomon):67
AgMtiafa (Mme) : 114 Awou& (pasteur): 173
Agb&w (E) : 181 Awutey (Fc%x): 125-143
Agbénou (Gerson) : 181 Ayih:185
Agbigbi (Kokou) : 70 Ayivi (pasteur): 169-182
Agboka : 33,34 Ayivor (Charles) : 227
Agboka(Emmanuel): 115-124 Baéta(pasteurRobert) : 41,181,182
Agondzé(Mme) : 57 Banza(Alomenou) : 100
Aguto:201 Barriga : 71
Ahadziesso: 207 Beawin (RP) : 109
Aholu (Andréas): 12 Bedel(RP) : 111
Ahyi (Michel) : 73-81 Behanzin-Pietri(L&ntine) : 185
Ahyi (Paul) : 73 Beker (Mme) : 161
Ajavon (Emmanuel): 1%58 Benoît(Fr) : 111
Ajavon (Henri) : 67 Bernarda(Sr) : 107,108
Aklatxou (faille) : 114 Berton : 28
Akodd (Paulin) : 100,134 Better : 185
Aku (pasteurAndr&s) : 170,173,174,175, Billet (capitaine): 85
176,177,181 Binder (Albert) : 170
Aku(DrhCutin):lM Blanche(Sr) : 224
Akué (Mme) : 57 Bonnecarrère (gouverneur) : 39,40,41,
Almeida (Franciscod’) : 12 43,55,58,62,63,93,170
Almeida-Ekue (Veronique d’) : 114,223, Boubacar(Ndiaye) : 65,67
224,225 Bourgine (gouverneur) : 44
Amkdjogbd (Isabelle) : 113 Bozi : 16
Amegan: 114 Brenner : 48,127
Ameganvl(Louis) : 61 BreMer-von Doering (Louise) : 114
Amegbor : 58 Brimbusson(Dr) : 153
Amegee(Louis) : 110 Broderick (Mgr) : 111
AmEs(Mme):57 Bru (Mme) : 147
Amorin (cesar) : 71 Bücking(RP) : 107
233
Bürgi (pasteur): 174,175 Eyadhna (gthhl) : 192,194
cllmpos(Mmede):225 Faure (pasteur): 175
Mile (gouverneur) : 143 Fïadjoe(Dr) : 122,152
Cessou(Mgr) : s, 14 11,109,110,111,11~ Fnwoo (Gilbert) : 181
114,213,214 Fti (RP Wrard) : 10
ClKlbert(RP):111 Fraruisca(Sr) : 107
Champion: 72 Frdau (Henri) : 42
Chavenon (Dr) : 147,148 Fumey(Mme) : 161
Cl&menœau: 46 Funke (pasteur): 180
Coco (Dr Hospice) : 122,147 Gaba-Amorin(Patricia): 219
Corre : 79 Gallican (h4&re): 113,212,213,215,219,
Couchoro (Ft%x): 228 224
Creppy : 231 Garnier : 74
crepw (Mme) : 225 Gaulle (g&&al de) : 18,46,50,133
DaSylva(Mlle):225 Gbadago: 87
Dadji (chef) : 201 Gbadoe(Paul) : 15,231
Dalaise(capitaine): 84 Gbtklé (Robert) : 127
David (Me) : 24 Gbikpi : 12
De Gaulle : voir Gaulle(de) Gbikpi (RP Jean): 10,105114,174,217
De Souza: voir Souza(de) Géraldo (Nassirou) : 67-72
Decouhlre (commandant): 63 Gérard (Fr) : 111
Dekpo (Estienne): 83-92 G&ard (RP) : 111
Dier (RP) : 107 Germana(Sr) : 213,224
Digo (gouverneur) : 143 Giboum (Dr) : 116
Dingelrietter (Mlle) : 86 Gardon : 110,213
Dionysius(Sr) : 224 Gordonville : 18
Djabakou : 71,149,230 GrWer (Hans) : 39
Djéri (Gbati) : 72 Guise (gouverneur de) : 41,43,44
Djondo (Andti) : 12 Gustave: 16
Doe BruceOnissa @aura) : 113 Hédegbé : 59
Doering (gouverneurvon) : 114 Heissude: 91
Dogbe Liggie :200 Herdieux (Mme) : 69
Dogli (RP Anastase): 10 Hermann (Mgr) : 111
Dosseh(Casimir) : 111 Hervouet (RF’) : 112
Doseh (Alex) : 111 Hitler (Adolf,) : 7
Dosseh(Robert) : 111 Hofhnann (RP) : 108
DotseKoumani:m Honassou: 61
Duveau : 79 Huedako (Ambroise) : 39
Edjami?: 21,22 Hurnmel(Mgr) : 8$X3,109
Edorh (Godfried) : 28 Hunkpati (Louis K.) : 39
Edorh (Dr J&l) : 71,147 Hunt (Mme) :57
Ehodu:2al lmbert (Robert) : 55
Edy: 17 Jschyrion(Sr) : 113,212,213,224
Eklu-Nathey (Gabriel) : 25-36 John-Ayi (Marie) : 223
Ekuk (Martin) : 24,72 Johnson(SamuelK) : 69,122,147
Eqlagoo : 21,199,200,2Ol Judith (Sr) : 113
Essien: 181 Julie-Louise (Sr) : 215,215,216
234
Kekeh (Dr) : 123 Minet0 (Louis) : 30
Bocuh (Mme) : 161 Montagne (gouverneur) : 45,46,50
KIomegan: 88 Moran (Dr) : 153
Kodjo-Thompson(Mme) : 114 Moutet (Marius) :64,68
Kombelota (Pierre) : 101,103 Müller (RP) : 105,111
Kossivi-Benissan(Mme) : 211 Nachtigal(Gustav): 204
Kpade(Robert) : 83 Nomenyo(pasteur) : 173
Kpadenou: 153 Noutary (gouverneur) : 143
y& cymT2Z : 10 Occansey: 139
Qdulphe(Fr) : 111
Kpodai (Josepe&93-103 Ohin (Dr) : 152,158
Kponton (Mme) : 161,166 Ollier (RP) : 111
Kpotsm(Dr) : 123,158 Oloff : 17,21
Kpotsra(pasteurE) : 173,176,177 Olympia (Qctaviano): 12,59,89,90,105
Kpotsra(pasteurG) : 177 Olympio (Pedro) : 122,147
Krüger (Ernest) : 39 Olympio (Sylvanus): 134
Krüger (Mme) : 211 Osseyi: 72
Kutsanu: 200 Pablo(Mme) : 113
Kwakume(RP Henri) : 9,10,111 Pelophie (RP) : 83
Kwami (Laurent) P&ain : 18,46
Lapessonnie(Dr) : 116 Petit (inspecteur): 137
Lavaissiere(Mme de) : 149 Petit(Dr) : 147
Lavwon (famille) : 59 Piquelin : 188
Iawson (Dr Amen) : 153 Politzer(Dr) : 115,116,117
Lawon (Anna) : 163 Quashie: 127
Lawson(Olga) : 211,217 Quist (pasteur): 176,177
Lawson(‘I%%i Denis) : 110,213 Randolph (Léopold) : 55,67
Lawon-Mensah (Berthe) : 185 Rewe(major) : 109
Ledis( 112 Reyman(RP) : 108
Le Goff (Mme) : 185 Riebstein(RP): 105,loS,109,110,111,112
Leponcin (Dr) : 147,148 Rimh(RP): 111
Lescanne: 84 Sanvee(Dr) : 158
Lissassi(Mme) : 227 Schaeffer(RP) : 105
Lit:91 Schlegel(pasteur) : 170
Lot-ne: lq149 Sergent(capitaine): 55
Lot (Dr) : 147 Shalley:58
Louis(Fr):lll Sinzoga: 71
Maillet:28 Sitti (Jean): 53-66
Maître (pasteur): 173,175,1&0 Sivomey(Mme) : 72183197,223
Mama(Fous&) : 67 soboua : 71
Margareta(Sr) : 107 Souza(famille de) : 5,139
Marqueissac(Dr de) : 45 Soum (Antonio de) : 201
Martet (Jean): 86,95 Som (Augustino de) : 12,41,59,102,226
Melanie (Sr) : 113,224 Souza(Dot& de) : 199210
Messan(Athanase): 86 Souza(Mme Faustinede) : 67-72
Mikem (Dr) : 145-159 Souza(Felicio de) : 12,41
Mikem (Mme) : 152,155,161-167 Souza(F. Fehx de, «Chacha»):201
235
Souza(Henri Mensade) : 204,205,206 Tsri Dapensu : 201
Souza (Kodjo Joseph de) : 205 Vande (Mme) : 57
Souza (Kodjovia de) : 201,202,204,206 Van Lare-de Medeiros (Louise) : 185
Souza (Kwaouvi de) : 102 Verne : 68
Souza (Zidou de) : 199-210 Vincent-Marie (Sr) : 113,213,215,224
Steinmetz (Mgr) : 109,111 Vinœntia (Sr) : 107
Strebler (Mgr) : 10, 11,12 Vovor (Dr) : 123
Tavera : 79 Westermann (pasteur) : 171
Telagan : 213 Williams (G.B.) : 203,204
Terrien (Mgr) : 111 Wilson-Ofympio (Mme) : 161
lhompson (Messan) : 230 Wogormebu : 203
Thompson-Trenou (Marguerite) :114, wolf (Dr) : 91
21l-231 Wolf (pasteur) : 170
Tokou (Michel) : 67 Wood (Anna) : 163
Trenou (Dr) : 122,231 Yebovi (Dr) : 90,91,147
Tridji : SS ZiXler (Hugo) : 203
Tsipohor : 200
236
Eglise (rue de 1’): 5 Neems (av. des) : 40
Foch (av.du marechal): 9,16,17,58,170 New-Sierra-Leone: 203,204
Forever : 194 NicoIas-Gnmitzky(av) : 60
France (ruede) : 139 N#konakpoe : 11,15,38,48,59,178,188,
chwni (Ne) : 13 191,2#,231
Gbadago: 87,88,120 Gctaviano-Nétime: 49,60
Gbadoe(chez): 15,231 Pade-Souza: 101
General-de-Gaulle (avenue) : 17,75,81 «Petit-Dakar» : 38,55,72,157,183,184,
George-Mensah(rue) : 187 223
Gouverneurs (palaisdes) : 17,40,42,44, Petit-marche:voir Assivime
45,58,81 Poudr&e (&ole de la) : 19,2l,lClCl
Goyi Score : 16,40 Pr&dence (av. de la) : 17,40,41
Grand-marche: voir Assiganme République (Bd. dela) : 100,205
Grand-marche(rue du) : 6,17 Route-d’AnCho (ecole dela) : 64,67,68,
Habitat (‘Iokoin) : 115,120,121 69,70,139
Hanoukope : 6,11,13,21,49,53,87,88, Saint-Augustin: voir Amoutive (Qise d’)
131,139,173,187,1ss,195 Saint-Joseph(cohege) : 11
Hedzranawoé : 11 Saint-Miche1(marche) : 1%
HoIIando : 10,41,70,106 Sanoussi(école) : 24,65
H6pital (ancien) : 16,80,118,122 Sarakawa(av.de) : 40
145-147,149,150 Soeurs de la Plage (&ole des) : 8,9,11,
Houphouët-Boigny (Bd) 13,107,112 113,211,215-219
Kagnikopé : 48 SGGG: 13,61,149,1%
Kodjoviakope : 11,193,199,201,202,204- SNI:38,61
207 SouzaNetime : 101
Kokéti (rue des): 11,58,75,81 Temple : 172,173,181
Koketime: 11,13,14,58,107,148,173 Thiers (av.) : voir Lib&ation (av. de la)
KpalimC(route de) : 150,155,191 Tokoin : 11,78,86-89,118,120,146,150,
Libération (av.de la) : 9,187 154,159,188,194,1%
Iom-Nava : 2649,178 Tonyeviadji (dancing) : 41,69,139,140,
Maman-Ndanida(av.) :voir Mission(rue 217,230
dela) TSF : 15,16,59,231
Marina :voir Republique (Bd dela) UNELCO:23
Marius-Moutet @ole) : 15,24,64,68,125 Victoire (av.) :voir av. deSarakawa
Maroix (rue du Lt.-col.) : voir rue desKo- Vingtquatre-Janvier (av. du) : 16,58,76
keti Wetrivikondji : 21,59,87
Mission(rue dela) : 811 Wuiti : 195
Mission de Brême (Ccoles): 23,56,171, Yovokome : 17,53,116
173,178 Zongo : 3a,53,129
3/LIEUXHORSLOME
Abidjan (RCI) : 79,95,191,226 Adéta : 10
Abomey(Bénin) : 73,201 Adjido : 10,54,105,106,107,201
Accra(GH) : 18,33,34,43,47,149,202 AtliiO:78,204
AdatIanu(GH) : 21,3O,199,201,2tB Agbanakin: 100
Adangbe : 25,35 Agbelouvé : 99
237
Agbodrafo : 13,145 Kara : 44,45,145,161
Agbozume (GH) : 201 Keta (GI-I) : 21,111,169,170,174,199,200,
Agobnyive : 11,58 204,214,219
Agou : 9,111,125,143,170,177 Kete-Kratcbi (GI-l) : 109
Agou-Nyogbo : 175,177 Kindia (Guinée) : 117
Agoué (Bénin) : 30,83,161,218 Kloto : 131,174,177
Agouegan : 227 Kolokopé : 79
Aképé : 9 Kpalime : 5,8,9,10,13,55,61,62,81,111,
Akossombo (GI-I) : 169 125,140,142,143,176
Akposso : 174 Kpandu (GH) : 109
Amedzopé (GI-I) : 169,175 Kpémé : 99
Alhlll6:72 Lagos (Nigeria) : 53
Aného : 5,6,8,10,37,38,40,53-55,57,58, Lama-Kara : voir Kara
62,63,84,100,105,106,108,109,112,130, Lebe : 87
155 154,156,183,1~ 189,201,230 Libreville (Gabon) : 95
Anfoin : 93,100,189 Mandouri : 138
Anyako (GI-I) : 21,169,170 Mango : 72.,116,137,166
Atakpame : 5,9,10,50,55,64,71,79,85, Mission-Tové : 169
109,115,116,125,174,175,177,179 Nano : 72
Attitogon : 150 Ndoungue (Cameroun) : 176
Avépodzo : 170 Noti : 79,169
Aveve : 100 Ouidah (B&ut) : 9,10,11,30,111,201
Bal20 : 138 Pagouda : 45,138,145,165 165
Baguida : 117,202 Peki (GI-I) : 169
Bamako (Mali) : 162 Pointe-Noire (Congo) : 95
Bingetille (RCI) : 67,79 Port-Gentil (Gabon) : 95
Bismarckburg : 91 Porto-Novo (Bénin) : 30,44,67,72,73,
Blitta : 50,80,85,143,161 125,157,176,183,223
Bobo-Dioulasso (Burkina F.) : 191 Porto-Seguro : voir Agbodrafo
Bouake (RCI) : 79 Rufisque (Sénegal) : 183,184,185,224,
Brazzaville (Congo) : 133,187,225 =%=6
Cotonou (Benin) : 83,95,194,214 Savalou (Bénin) : 67
Dalwu (RCI) : 67 Sébicotane (Sénégal) : 67,157,158
Dakar (S&u$@) : 69,72,79,123,136,153, Sokode : 11,6O, 64,85,143,161
157,158,161,104,184,225 sotouboua : 79
Dapaong : 44,72,80 Tabligbo : 154
Denu (GH) : 47,110,199,2.04 Togoville : 9,83,105,106
Djibouti : 117 Tsévie : 25,35,211,230
Ganave : 189 Vogan : 10,111,154,227
Gbi-Bla (GI-I) : voir Hohoé Vokoutime : 227
GIidji : 83 Voha Region (GI-I) : 174,175,177
Gobé : 175 Waya (GH) : 169,174
Grand-Popo : 30 Yaoundé (Cameroun) : 176
Ho (GH) : 5,109,169 Yendi (GI-I) : 109
Hohoé (GI-I) : 8,9,10,109 Zébe : 55,166
Kambold : 191
238
SI LOME M’ETAIT CONTEE ...
Tome I
Introduction ................................................................................................ 3
7- LesarbresàLome:M.AHYI _.............................................................. 73
239
l3 Les hôpitaux de Lomé et l’un des premiers médecins togolais :
DrMlKEM -......................................................................................... 145
17- Le quartier Kodjoviakopé : MM. de SOUZA - .... ..... ..... .... ... ..... .... .... . 199
Index des noms propres .. .... ..... ..... ..... ... ...... ..... ..... ..... ..... ... ... ..... .... .... ... 233
240
--“-* i-“..- .-
I__
L
9
S
P
E
2
1
31401 3a
3lllA Vl
1: Palais du gouverneur. 2 : Présidence de la République. 3 : Hôte-l Le Bénin. 4 : Ancien palais de Justice. 5 : “Goyi Score”. 6 : Temple Apégamé. 7 : Archevéché. 8 :
Cathédrale. 9 : Grand-marcbé. 10 : Ancien dan&g Tonyeviadji. 11. Ecde de la route d’Ané%a 12 : “Holhudo” (première mission catholique). 13 : Ecole des Soeurs
de la plage. 14 : Ancien danchg Adjangba. 15 : Ecole Boubacar N’diaye. 16 : Eglise Saint-Augustin d’Amvutiv& 17 : Ecole évangélique de Kokéthné. 18 : Ecole
professionnelle catholique. 19 : Centre culturel français. 20 : Poste centrale. 21: Ancien lycée Bonnecarrère (ENA) ; 22 : Ecde Bohu. 23 : S.N.I. 24 : Ancien petit-
marché. 25 : “SGGG”. 26 : Ecde Marius-Moutet 27 : Ancien hôpital Reine-Charlotte. 28 : Direction des Douanes. 29 : Hôtel du 2-Février. 30 : Palais des Congrès
(ex-RPT). 31: Gare. 32 : Hôtel de ville. 33 : Puits Gbadoè. 35 : Wharf allemand. 36 : Whad français.
ANTHONY
NETIME