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Rkpublique Togolaise Republique Française

Ministère de la Communication Centre ORSTOM


et de la Culture de Lomé
Radio-Lom6

Yves MARGUERAT et Tchitchékou PELE1

a SI LOME M’ETAIT CONTEE... n

Dialogues avec les vieux Loméens

Tome I

PRESSES DE L’UNIVERSITE DU BENIN (LOME)


INTRODUCTION

Début juin 1987, Radio-Lomé commençait la d@usion quotidienne -par


tranches de 10 à 15 minutes- de l’émission «Si Lomé m’était contée...»

Les responsables de la Radio et l’un de ses journaliste les plus enthousias-


tes, Tchitchékou Péli; m’avaient contactépeu avantpour me demander d’exposer au
grand public 1histoire de la ville, que je distillais jusque-là sous forme de conférences
annuelle.~ au Centre Culturel Français. NOUS enregi.wîEmcs donc, dans le calme de
mon bureau, le récit de l’histoire de Lomé, du moins ce que j’en savais à l’époque.

Le succès dépassa très vite les espoirs de la Radio, où afluaient les coups
de téléphone d%ncouragement, venus de toutes les couches de la société : les Lo-
méens, d’abord un peu interloqués qu ‘un étranger paraisse connaître leur ville mieux
qu %ux, SErévélaient passionnés par leur propre histoire.

Au bout de quelques semaines, nous avions parcouru le fil de la vie


-complexe mais relativement brève- de la cité (1). Radio-Lomé insista pour que 1‘on
continue. Nous partimes donc en voiture, M. Péléi; son %agra” (2) et moi, à la
découverte des quartiers de Lomé: «Ici, il s’est passé tel événement; là, on peut voit tel
bûtiment...», ce qui nous occupa encore un mois.

Radio-Lomé, en la personne de son dynamique directeur, M. Pitang


Tchalla, insista : il fallait absolument trouver autre chose pour continuer cette émis-
sion, qui devenait l’une des vedettes de la station.

Grûce surtout aux nombreuses connaissances de M. Pelé& lui-même


vieux Loméen, et à certains de mes umis, nous partîmes donc à la découverte des
anciens de la cité, pour une longue promenade de plus d’un an dans les souvenirs de
nos interlocuteurs.

(1) Ce qui fera l’objet d’ autres publications.


(2) Le mugrt&ophone portatif des profmiotmetk

3
Nous n ‘avions guére, au début, de plans preparés : les rencontres se fai-
saient au hasard des occasions, selon les possibilités des uns et des autres. On passait
donc d’un instituteur à une sage-femme, d’un chef aé quartier h un cheminot, d’un syn-
dicaliste h un groupe d’anciens ékves... Du coq à l’ane, mais comme la vie, comme la
ville, ou 1‘on est sans cesse happé par la nouveauté, par l’inattendu. Nous garderons,
dans cette publication, cet aléatoire sautillant : au nom de quoi y introduùe un ordre
qui n ‘existaitpas ?Et comment sélectionner ? Ce qui n ‘intéresse guère l’unpassionne-
ra tel autre. Ce foisonnement est bien celui du citadin qui s’égare dans la forêt des
souvenirs, les siens, les nôtres...

près de soixante-dix entretiens durent diffusés, pour une durée d’environ


cinquante-cinq heures. Beaucoup d ‘émissions firent d’ailleurs 1‘objet de redifisions :
«Si Lomé m’était contée...» se prolongea jusqu’en avril 1991.

Pour laisser une trace écrite -c’est-à-dire durable- & ces émissions que les
Loméens ont tant aimées, nous avons donc entrepris de publier ces dialogues. Il a
fallu, après trancription, les réécrire largement : la forme orale a ses caractères propres,
avec d’innombrables redites et digressions. Les textes ainsi remaniés(parfïois profon-
dément) ont été soumis h nos interlocuteurs, afin de n’écrire sous leur nom que des
phrases qu’il approuvent effectivement.

Le lecteur retrouvera ici la vie qui palpite dans ces récits, imiividuels ou
collectifs, sincères ou -Par$ois- quelque peu masqués, distanciés ou très personnels.
Cette plongée en zig-zag dans la mémoire collective de Lomé est aussi une passion-
nante galerie de portraits : ceux de ces hommes et de ces femmes, célebres ou
modestes, qui ont fait la ville, et qui nous la font ici revivre. Qu’ils en soient ici tous
chaleureusement remerciés.

Yves MABGUERA T

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no 1

LE DOYEN DES PRETRES CATHOLIQUES

Mgr Andr6 ANATE

(NC en 1899à Aneho)

- Je suisvenu à Lame pour la première fois en 1905.C’etait l’époque où Iles


Allemandsavaientintroduit lespremierstrainsau Togo (1). Jesuisvenu voir mon p&e,
qui travaillait dejjàici, à Lame. J’ai passéquelques semainesaveclui, et puis je suis
retourne a Aného. Jesuisrevenu à Lame en 1915,pendant la grande guerre, pour y
continuer mes etudes Lon& était d’abordun tout petit village : c’estAneho qui Ctaitla
capitale,la oh lesAllemandsu%idaient.@estaprès(2) qu’ilssontvenusà Lom& (Qn (dit
que le nom de«Lomé»vient du nom d’un arbrisseau(3) ; c’estcequ’on nous aappris
quandnousCtionsàl’&ole,encetempslà).

Quand je suisrevenu àLome, en 1915,les Allemands avaient quitté le Togo,


sauflesmissionnaires(4). Les Françaiset lesAnglaisoccupaientle pays.Le Togo etait
divise en deux : lesFrançais occupaient Aneho, Atakpamé et le Nord, alors que Iles
Anglais occupaient toutes les parties du Togo qui sont du côté de la Gold Coast I(le
Ghanad’aujourd’hui), de sorte queLomCappartenaitalors auxAnglais,avecKpalime
et Ho.

- Question - Quad vous t%s venu d Lomé pour la première fois, en 1905,
que fW vobl? pih? ? où habil4&il ?

- Bien avant l’occupation allemande, mon père avait pratiqué le metier de


tonnelier (5). Du tempsdesAllemands, il avait cessecetteprofession, et il tenait une
boutique (je ne saispaspour quelle maisonde commerœ).Cetteboutique btait installée
là où estaujourd’hui la banqueUTB. Notre maisonCtaitassezeloign&zde la boutique;
mon p&e payaitle loyer à la famille de Souza,rue de l’Egl.ise,qui en était proprietaire.

(1) La lipe L.om&Ant%o a 6tk consmite en 1904-05.


(2) En 1897.
(3) vbir chapibe 7,
(4) Cour-ci sont restés jusqu’d leur qnhion, au début de 1918. (Voir chapim 10).
(S) L.es tonwwux ttaimt rrts ntbwim, en particulùr pour les eqmtations d’hui.lc a?
@ne, alots la pnaniàe tzqmath du Togo

5
- Q - Qu’est-ce qui vous a frapN le plus, en arrivant d L.ortlé comme petit
garçon ?

- En arrivant à Lomé ? Bien sur, c’etait l’Q$se (6), qui venait d’etre construite :
elle a Cte consacr#e le 2 septembre 1902 C’est bien ça qui m’a le plus frappe, et aussi le
marché : Ià où il y a aujourd’hui Ilabanque UTB, c’etait le marché (7). Bien sûr, il y avait
aussi le chemin de fer, le premier du pays.

- Q - Votre premier voyage d’Mného d Lomé; vous l’avez donc fait en


chemin de fer ?

- Oui, bien sûr. Le ticket devait coûter peut-être cinquante centimes du mark
allemand ; ce n’était pas beaucoup.

- Q - Est-ce qu’il y avait beaucoup de passagers ?

-Oh, oui, assez...

- Q - Quand vous revenez d Lomé en 1915, quel& est la différence qui vous
a Le plus frappé ?

- J’ai vu que la ville s’était beaucoup transformee, avec des ecoles, des bouti-
ques, la banque (S)... Elle s’étendait de la plage jusqu’au Champ de course (9) : les
Allemands aimaient faire des compétitions avec leurs chevaux. On allait aussi chercher
de l’eau potable là-bas. C’est là que s’arrêtait Lame...

- Q - Dans une ville en guerw, occupée par l’ennemi, les affaires devaient
quand même être bien rakènties. Lomé ea 1915 ne devait pas être une ville
très gaie...

- Oh, si : les Anglais avaient amené avec eux pas mal de maisons de commerce :
Svanzy (lO), Millets, Ollivant.. Au moins six ou sept boutiques, qui fonctionnaient bien.
Et dans l’interieur du pays aussi (11).

- Q - Quel12 était lu monnaie qdon utilhait d ce moment ld ?

- C’Ctait le shilling anglais, une division de la livre sterling.

(6) La cath&Vale, construite en 1901-1902


(7) Le long de l’actuelle me du Grand-marcM.
(8) La Westafrikanische Bank, b lkmplacement du parking h l’actuelle BUO, rue du
Commerce, construite en 1911, d&uîte en 1980. Occupt!e pendant la guerre par la Bank of
British West Africa.
(9) Actuel quartier Hanoukopk, au-d& du Boulevard circulaire.
(10) Lu Swanzy (aujourd’hui UAC) &ait d Lomk depub 1882
(11) En fait, les Britanniques ont vite relancé!, b leur profit, l’konomie du Togo : le wharf &
Lomé? txpone d& 1916 autant qu’en 1913.

6
- Q - Pendant ces atuuh de IQ première guerre mondiale, est-ce que les
gens pensaient que les Allemands reviendraient ?

- Oh oui, les gensle pensaient ! Ils n’ont pas cru à la defaite de l’Allemagne,
memelongtempsapr&. On pensaitquelesAllemandsetaient tr& forts, t.r& disciplinés.
On avait une certaineaffection pour lesAllemands.Quand ils étaient ici, au Togo, ils
étaient humains.Au debut, celaavait eté dur, maisàpartir de 1909-1910,ils avaient
modifie leur façon de gouverner, d’administrer le pays.Mais mêmeavant, ils etaient
bien avecla population Il n’y avait aucunediffkuld (sauf dansl’intkieur, où il y avait
eu quelquescombats,parœ que lesgensn’avaient pasacceptela colonisation). Ici, au
Togo, il n’y avait pasd’armke ; il n’y avait que desgardes-cercle,quelques tirailleurs
pour garder lesédifices publics et pour la skcurite.En œ temps, lesbiens publics et
prives etaient assezbien sauvegardes: il Ctait difficile aux malfaiteurs de perpetrer
leurs mauvaisesactions; aussiy avait-il bien moins devoleurs qu’aujourd’hui.

Mais œ qu’il y avait de plus malheureuxdansle pays,œ qu’on reprochait le plus


vivement au gouvernementallemand au Togo, c’était leschatimentscorporels exces-
sifs,et mêmetri?sdangereuxpour la santedu delinquant (12). C’etait le côté honteux,
voire odieux de cetteadministration allemande.

Les relations entre lesNoirs et lesBlancsn’etaient pasmauvaises.Les Blancs


étaient lesBlancs,lesNoirs étaientlesNoirs, maisœ n’etait pasl’apartheidde l’Afrique
du Sud.Les Allemandsrespectaientl’autorité indigène ; ils apprkiaient certainsche&
du pays,qui participaient auxtribunauxcommeassesseurs.C’estcomme ça: lesgens
CtaientattachesauxAllemands,qui Ctaientdisciplinéset humains,durs seulementpour
les malfaiteurs. Alors, lesgensne croyaientpas à la défaite del’Allemagne; il a fallu
longtempsavant qu’on admettequ’ils avaient perdu la guerre.

- Q - Combien de temps les gens ont-ils wntinué à espérer le retour des


Allemands ?

- TreSlongtemps ! Il y en aqui ont attendu jusqu’a l’Indépendance... Apres la


secondeguerre mondiale,beaucoupdisaientqu’Hitler s’etaitsauvédansune lie, qu’il
vivait encore la-bas,avecson état-major...Si vous disiezà cesgens-làque l’Allemagne
avait perdu la guerre, ils vous repondaient que œ n’etait pasvrai, que c’etait une
invention. Beaucoup ont cru que lesAllemands allaient revenir, mêmeapr&s 1945,
après la secondeguerre mondiale,qu’ils allaient revenir avecHitler,... Les Allemands
ont eu une infIuenœ extraordinairesur lesgensau Togo.

Après le depart de leur gouverneur, en 1914,les missionnaires-les catholiques


et lesprotestants- etaient restes.Du c&éd’Aneho, lesFrançais avaient tout desuite
impose l’enseignementen français.Du côté anglais,on enseignaitencore l’allemand.
Les Anglaisetaienttrestol&ints, commel’avaientet6 lesAllemands(13). Cest pour ça

(12) L.es fameux 25 coups de bdton (le 25the appliqut plus dur : «one for Kaiser~).
(13) Qui avaient toldrt (tant bien que mal) qu WC pamk de I’ensei~ fat ahde en
anglais.
7
queje suisvenu à LomC,pour continuer l’tkole en allemand.En 1920,lesFrançaisont
occuti tout le Togo actuel,avecLomé et Kpalimé. C’est-à-direque le Togo etait divise
en deux : on disait le Togo français et le Togo anglais, où je suis aile continuer mes
Ctudes,à Gbi Bla (aujourd’hui Hohok, au Ghana).

Les Françaisont cn%des&oles immédiatement,danstous lesgroscentres.Les


missionscatholiqueset protestantesaussi.Il leur fallait la permissiondu gouverneur,
maisc’était une formalite. Grke àMgr Ckssou(14), on acréébeaucoupd’kcoles.Il a
beaucouplutte pour qu’ellesgardent leur identité et qu’ellesrestent independantes.

- Q - Si rwus revenions d la ville de Lad ?

Lame etait uneville mode:me,avectout ce qu’il fallait en ce temps-là: l’hôpital,


bien organisé, les Ccoles,les boutiques des maisons de commerce et celles des
A6icains...

Notre cathedrale etait alors la plus grande eglised’Afrique occidentale,et la


plus belle. C’etait l’église-mèred@missionsdu Togo. Les flèchesd’aujourd’hui n’ont
pasla forme de cellesde l’origine : celles-cis’kcroulaient,et c’estMgr Cessouqui les a
fait reconstruire (15). Toutes lesCglisesqui avaient desflèchescommeçaont dû être
refaites. Le bâtiment de l’archevéché aussia Cte reconstruit par Mgr Cessou; c’est
beaucoupplus beaumaintenant.En cetemps-là,il y avait une dizainede pèresà cette
grandemission.Mgr CessouCtait arrivé en 1921,avecun contingent de quelquesmis-
sionnairesfrançais.Au moment où lesAllemands avaient été chasses,il n’y avait plus
que deuxp&es à la mission.Mgr .Hummel(16),qui s’occupaitdela zoned’occupation
anglaise,avait aussienvoyeà Kpalime un desesmissionnairesde Gold Coast.PuisMgr
Cessou est arrive avec ses missionnaires français -je ne sais pas exactement
combien-, avecaussidesfrères et desreligieuses.

Il fallait aussis’occuper de l’ecole professionnelle que les frbres allemands


avaient creée en 1911ou 1912 (je crois : à ce moment-là, moi, j’etais à Aného). Des
frères françaisont continue le travail desfreres allemands.On y pratiquait la menuise-
rie, I’imprimerie, la couture...,avecdesateliers bien équipk. Il y avait aussiune forge
bien developpée.En cetemps-là,c’etaitvraiment une &ole professionnelleremarqua-
ble, qui a formé presque tous les premiers ouvriers du Togo. C’était la seule Ccole
professionnelle du Togo avec,pour les filles, I’tkole dessoeursde la Plage (17) ; ça
aussi,c’etait une réalisationdesAllemands,avecbeaucoupdesoeurs,qui s’occupaient
à donner aux filles une formation assezcomplète. A l’epoque, l’education des filles
n’etait pas aussidéveloppeeque maintenant ; ce n’était pasla faute dessoeurs; c’etait
celle desgensdu pays: l’educationdesfilles n’était pasacceptéepar la population, qui

(14) Ne en 1884 en Bretagne, kvt?que (plus exactement : prdfet apostolique) de Lomd de 1921
d sa mong en 1945.
(15) En 1940, de même que lo façaak aé l’archevéchb
(16) Evéque catholique de Gobi Coast
(17) Avenue Maman-Ndanidu @-rue de la Mission), à Béniglato. (Voir chapitre 18).
n’avait pascomprisl’utilite de cetteformation.Ce n’estquelentementquela population
a compris que les filles aussidevaient être instruites, savoir lire et t!crire. Gela avait
repris avecdessoeursvenuesde la Gold Coast(18), aprèsl’expulsiondesAllemandes,
qui avaient recommeno?petit àpetit àfaire l’ecole. Quand lessoeursfrançaisessont
venues,l’&olea et6 trb bien organisee,et lesfilles arrivaient àobtenir leur certificat
d’etudesprimaires.

-Q- Vous-&me, dans quel&? bcole de Lomé alliez-vous ?

- Quandje suisvenu à Lome, pendant la guerre,pour l’&ole allemande,c’était


au courssecondaire,justeen faœde l’archeveche(19). Malheureusement,on a détruit
œ bâtiment il y a peu de temps,et on a construit un bâtiment commercial a la place.
C’etait l’&ole sup&ieure, où enseignaientdesfrercs allemands.Il y avait deux classes,
lune d’environ 30Clèves,l’autre environ 25. Cette Ccoledevait former desemployes
pour l’administration et les maisonsde commerce.Moi, j’y ai fait une ann6e.Jevoulais
entrer au seminaire, pour être prêtre. On m’a alors envoye à Gbi Bla -aujourd’hui
Hoho& àl’institut qui formait lesinstituteurscatholiqueset lescat&histes.C’estlà que
j’ai fini mesétudesallemandes,à l’ecole desinstituteurs. De sorte que j’ai enseigne
l’allemand pendant deuxans,aprb le depart despèresallemands.J’enseignaisaussi
l’anglais,puisquelesAnglaisetaientlà. Et j’ai aussienseigneun peu de français,à Agcm
et àLomé : on arrive, commeça,à apprendre beaucoup dechoses...En 1921,je suis
enfin allé au séminaire de Ouidah (20). J’ai donc le certificat d’études primaires
allemand,ainsi que le certificat d’etudessup&ieures,et le dipl6me d’instituteur, et j’ai
enseigneà Agou.

- Q - Quel a été ensuite votre itinéraire, avant de revenir à Lomé ?

- Le seminaire de Ouidah, qui avait été cree en 1912ou 1913,avait eté ferme
pendant la guerre : les prCtres avaient et6 mobilises.Je suis donc resté enseigner à
Agou ; puis j’ai enseignél’anglais à LomCau début de 1919.En 1920,on a rouvert. le
seminaire de Ouidah, quand lesPeressont revenus.J’y suisallé en 1921,jusqu’a mlon
ordination, en 1931.J’etais le deuxiemeprêtre togolais (21). L’autre estmort depuis
longtemps.Tous mescondisciplesaussid’ailleurs,et mesprofesseurs: je suisle seul à
survivre decette époque, pour le moment.

- Q - 03 avez-vous commencé votre mini&re ?

-J’ai commencéàLomCpendant un an et demi, puis àKpalimé pour sixmois,


parœ qu’il n’y avait qu’un seul p&e. J’ai donc fait sixmois aveclui, avant d’être affecte
àTogoville. Jem’occupaisde la paroisseet j’enseignaisaussile catechismeà 1’6cole
normale de Togoville. Apres deux ans,on m’envoya à Atakpamé, où j’ai travaillé

(18) Deux Irlanaizks et une Française, 4” ar&ent en murs 1918. Elles seront relay& en
1920.
(19) Au carrefour de la rue Foch et de l’avenue de la Libération
(20) Actuel Bdnin Grand séminaire interdioc&ain, toujours en activitk
(21) Aprés le RP Kwahwd, né d AkCpC (Zio) en 1894 orabnd en 1928, &CCC&+en 1960.

9
encore deux ansavecle père français,avant d’aller à Ad&.a,entre Kpalim6 et Atalcpa-
mé.J’ai fait 17ansà Adéta,avant deme rendre à AnCho,au quartier Adjido.

Vous savezquelesp&resallemandsavaientcommencéleur missionici,à Lomé,


à la plage,là où il y a le calvaire(22) et à Adjido (à Côt6d’An6ho). Comme,ence temps-
là, Aneho était la capitaleadministrative,Adjido devint la mission la plus importante.
Mais en 1902(23), le gouvernementallemanda et6transféred’An&hoà Lom6. Alors les
pèresont suivi le mouvement, et on aferme Adjido, qui dCpendait alors d’Aného. Il y
avait encoreà Adjido une &ole et l’Église; les p&es qui étaient B Aného desservaient
Adjido jusqu’en 1914.Quandlesp&re.sallemandssontpartis après1914,c’étaitfini : on
a ferme Adjido parce qu’il n’y avait plus que deux@iresàAneho, pour tout le district.
Après 40 ans,on a trouve que gaavait trop dure, qu’il fallait encore reconstruire ces
stations.Alors on m’aenvoyereconstruirela missiond’Adjido, fin 1954.Jesuisrestelà-
bas 11ans,avant devenir à L.om&où l’on m’a fait vicaire general.

- Q - Quand vous &iez jeune prêtre, combien y avait-il de prêtres togola&?

- Nous n’btions que trois prêtres. Le premier, le père Henri KwakoumC,était


vieux (il est d6jà mort). Nous l’avonssuivi.

- Q - C’est le père Kwakoumt? qui a écrit «L’histoire des Ewé» ?

- Oui, il a fait l’histoire: des Ew6. Il a été à Gbi Bla dans le temps, avec les
Allemands, mais paslongtemps.Il aété en Gold Coast,puis en C&e-d’ivoire, avant
d’aller en France pour devenir prêtre. J’ai et6 le premier seminariste ; j’étais encore
jeune. Nous n’Ctionsdoncquertrois prêtres togolais. Le plus âgédenous trois etait le
père KwakumC. Il estmort en 1960,à I’$ge de 68ans.Plusvieux encore etait le père
AnastaseDogli, quivenait du Togo anglais,aujourd’hui au Ghana. Lui et moi, nous
6tionslespremiersSéminaristes, d& avantle rapatriementdesmissionnairesallemands.
L.epère Kwakum6 était donc Xepremier prêtre du Togo français. Nous avons fait
ensemblele séminaireà Ouidah,au Dahomey.Commeil &ait plus figequenous,il a &6
ordonn6 en 1928,et moi en 1931,avecle père GeorgesKpoda (24), qui estd&%dCdb
1949.Le quatrièmeà être ordonne, en 1934,a éte le pèreG&ard Fini (25), qui estmort
maintenant.Alors, il a fallu attendrejusqu’en 1942pour enavoir un cinquiCme,le père
Gbikpi (26), ordonnéà Rome.

Mgr Jean-Marie Cessouestmort en 1945.Il a et6 remplacepar Son Excellence


Mgr Strebler(27), qui n’avait pasét6 missionnaireau Togo.Commeprêtre,il avait fait la
Gold Coast,danslevicariat apostolique deCape Coast,dont il a étCvicaire g&&ral.

(22) Emplacement du supermarché rHollandow.


(23) En fait, en 1897. La mission catholique de LomC est la premitke du Togo, a% 1892
(24) Ne à Vogan en 1901.
(25) Nt? d LomC en 1934.
(26) Voir ci-dessous, chapirre 10.
(27) NC! d Strasbourg en 1892, au Togo de 1937 rf 1962 Le titre d’archevêque de Lomk est crée
oflciellement en 1955.

10
Mgr Cessou,de sonvivant, avait demandeau Saint-Sièged’eriger le Nord du Togo en
prefecture apostolique : c’estMgr Strebler qui a été nommé prefet apostolique du
Nord-Togo, avec résidencea Sokodé.A la mort de Mgr Cessou,le pape l’a désigné
pour lui succederàLome.

A présentnous avonsbeaucoupde séminaristes,grandset petits.Deux pr&es


sontà Rome et beaucoupde grandsseminaristestogolaisà Ouidah. Actuellement l’ar-
chidiocèsede Lomé n’a plus de seminaristeslà-bas : tous sont à LomC, les petits à
Agoènyivé, les grands à Hedzranawoé. On a ordonné jusqu’à dix prêtres à la fois à
Lome, c’estextraordinaire ! Actuellement aussi,il y aun pretre togolais à Rome, Cila
Curie, à la congregationde la Propagationde la Foi..

- Q - Pour revenàr d l’histoire de l’Egk%e d Lomé, je voudrais que vous nous


parliez un peu de ses divers bâtiments. Je crois que la deuxième église,
c’est Saint-Augustin ?

- Oui, la deuxièmeégliseaCteSaint-Augustin d’Amoutive. J’etais dejà jeune


prêtre à Lame. La chretienteaugmentait; la seulecathédralede Lomé etait dejà trop
petite pour lesfidèles qui venaient de Lomé même,Kodjoviakopé, Amoutive, B&(B&
etait alors un petit village). Alors Mgr Cessoucommençala constructionde l’égliseSt.-
Augustind’Amoutive en 1933(28). Il travaillait lui-mêmesur lestoits ; à midi, il venait à
table très fatigue. En plus,il voyageaitaussibeaucoup.

- Q - Et quelle a été la troisième église ?

- En quelquesannéesl’église d’Amoutivé etait deja pleine; il fallait une troi-


sième: cela aété celle de Nyékonakpoé,commencéeun peuavant la secondeguerre
mondiale(29).

- Q - Et pour les C%O~~Scatholiques ?

- A l’epoqueallemandeet anglaise,l’&ole de Koketimé,rue du Colonel-Maroix


(comme l’ont appel6 les Français), existaitdejà. C’était une Ccoleenfantine à deux
classes.C’estlà quej’ai enseignetout d’abord à mon retour àLame, en 1919.Sixmois
plus tard, j’ai éte affecteà l’écolede la cathédrale(&ole complete,celle-ci,commedejà
du tempsdesAllemands).En 1920,je l’ai quittée pour aller à l’&ole desfilles, chezles
soeursmissionnaires,rue de la Mission,à 600mètresde la.

- Q - Aviez-vous beaucoup d%!èves, en ce temps4 ?

- Oui, les classesétaient pleines : 30 à 40 Clevesdanschaque classeaussibien


dans l’ecole des garçons qu’à celle des filles. Pour l’enseignement secondaire, la
première création du tempsdesFrançais,c’estle collègeSaint-Joseph(30). Mais bien

(28) Construite d’aoQt 1933 12 juin 1934.


(29) Er@e o~ciellenaent en paroisse en 1954. Suivront Tokoin et Hanoukwpk en 1958, B& en
1960.
(30) En 1948.
11
avant, il y avait eu le cours superieur ici, desle tempsdesAllemands ; puis il y aeu le
courssecondaire cr& par le gouvernement français (31). Avec la crkation du collége
St.-Josephpar Mgr Strebler, il y a eu beaucoup d’éleves et de bons professeurs, et
beaucoup de réussites.

-Q- Vous souvenez-vous du nom des premiers cMiens ?

- LechefAdjalle Jacob (32), chef du canton d’Amoutivé, Augustinode Souza


(33) dit &--, un grand proprietaire, Ajavon Emmanuel (34), pharmaciend’Etat
allemandpuis anglais,...Je n’oublie pasnon plus Monsieur Gbikpi. Cestrois-là avaient
été les premiers internes des pbres allemands. Puisje citerai Felicio de Souza(39,
agent techniquede la santeaveclesAllemandset lesAnglais,OctavianoOlympio (36),
un grand notable et proprietaire, de souchebresilienne ; et puis Franciscod’Almeida,
Andréas Djondo, grandsinstituteursdesécolescatholiques,Andréas Aholou,... et tant
d’autresencore,qui ont gardéla ffoichrétiennejusqu’a leur mort Ma&re la polygamie,
ils avaient garde le senschretien qu’ils avaient hérité despbresallemands.

(31) 1921-2.2 Futur &cke Bonnecadre.


(32) 1871-1943.
(33) 1871-19aO. Son surnom signifia wArgent chat&, allusion à sa grande richesse.
(34) 1878-l 958.
(35) 1870-1961.
(36) 1859-I 940.

12
no 2

UNE VIEILLE FAMILLE DE LOME:


LES ANTHONY

M. Michel Komi ANTHONY


(né en 1916 à Agbodrafo)
assisté de son cousin
M. Emmanuel Koffi ANTHONY
(né en 1929 à Lomé)

- Q - M. Michel Anthony, depuis quand habitez-vous Lomk ?

- Je suisne à Porto-Séguro (aujourd’hui Agbodrafo) en 1916; je suisvenu à


Lame en 1920,où j’ai passetoute mon enfanceavecmagrand-mbre paternelle. Mon
p&e était àKpafime à œ moment1%commefonctionnaire.

- Q - Pourquoi êtiez-vous venu à Lomé ?

- @estmamerequi m’avait conduit ici pour pouvoir me mettre à Wcole.

- Q - Quelk école avez-vous frc?quentke ?

- L’&ole de la missioncatholiquedeKoketime,à l’école enfantine. C’estlà que


j’ai commence,et jy ai continuéjusqu’à l’écolede la missionde la Plage.Apres, je suis
parti à KpalimCchezmon p&e, où j’ai passedeux ans,avant de revenir definitivement
aLom~3.

- Q - Petit garçon d Lomé, quel sont les souvenirs qui vous ont marqué lè
plus ?

-Mes souvenirs d’enfance ?Oh ! on a simplementvecu ensemble,avecdesca-


marades,dansle quartier...A Epoque, les quartiers n’étaient pas aussigrands qu’au-
jourd’hui. Lame s’arretait àAhanoukope. Nous habitions le quartier n“4, situe rue
Gallieni, en facede l’actuelleSGGGquincaillerie.

- Q - Il faut p&ker qu>d l’époque les quartier n’avaient que des nunu?-
ros. C’était, d’ouest en est,

13
en bord dè mer : et à Pintérieur :

no1 : AdilWlato no4 : Anagokomé-Assivimé (SCCG)


no 2 : Ass&umé (Grand-marcfi) no5 : K&timt*
no 3 : Lkniglah n”6 : AgUtikOmé

- Oui, c’est l’administration française qui avait num&ote les quartiers. Certains
notables de la ville avaient t% nomm& chefs de quartiers : Timothy Agbetsiafa
Anthonyavait le $5. Je ne me souviens plus des autres.

- Q - Dans quel genre de maison habitiez-vous d l’époque ? Est-ce que cette


maison existe toujours ?

- Oui, elle existe encore, mais elle a et6 rebâtie. La première &ait en tôles et les
barribres en bambous et en sekos. C’est en 1926 que l’administration a d&ide que
toutes les barrières en bambous de Lomé seraient enlevees et refaites en dur. Ceux
qui n’en etaient pas capables devaient les faire en tbles et les badigeonner. C’est au
même moment qu’on a axnmencb à d&ruire les bâtiments en chaume. L’agent sanitaire
était venu pour ça (je ne sais plus son nom, mais nous l’avions surnomme ~<Aufeu»,
parce qu’il disait : «Cassez, brisez tout, et finalement : au feu !»).

- Q - Tous les bâtiments des ùuiighes étaient-ils en toi& de chaume ?

- Non, pas tous, bien sûr ! Mais il y a des quartiers qui ont garde les chaumes
pendant longtemps.

- Q - Lu makon où vous viviez vous-même était-elle en dur ?

- Oui, c’&ait en dur, mais elle a éte cassc5e.Nous l’avons faite en tôles et une
partie en branches. C’est là que j’ai habite pendant longtemps, avec ma grand-mère.

- Q - Comment est-ce que Il’on s’éclairait d cette époque ?

- Jusqu’en 1927, on s’éclairait à la lanterne, à la lampe tempête. C’est à partir de


1927 qu’on a eu I’électricité et que les gens ont commencé à s’éle4xrifier.

- Q - Et pour l’eau courante, il faut attendre les années 1940, n’est ce pas?

- Oui, l’eau courante, c’&ait, je crois, en 1940.

- Q - L’aviez-vous eu tout de suite dans votre maison ?

- Non. Nous, nous avions notre puits dans la cour.


- Quand on parle d’eau courante à Epoque, l’eau courante gCr& par l’adminis-
tration française, c’&ait bien en 1940. Mais on se servait bien avant de l’eau courante, je
veux dire celle que l’homme blanc a cr&e : tourner un bouton et puis l’eau jaillit, n’est-
ce pas ? Mais il y en avait avant cette +oque : il y avait des Blancs (Français et Libanais)

14
qui avaient l’eau courante chez eux. Ils avaient un forage -sans toutefois bâtir un
ch&eaud’eau- maisqui leur suffisait.C’esten 1940qu’on s’estrendu compte quel’eau
nesuffisait plus ; alors on a bâti un châteaud’eau.De là, l’eau courante venait partout.

- Q - 03 éiait situé ce chsteau d’eau ?

- A maconnaissancele premier que j’ai vu construire, c’estlesdeux Ch&aux


d’eaujumel& en faœ de la Direction dela Suret& A l’epoque,j’etais à l’écoleMarius-
Moutet. On allait regarder les ouvriers travailler. C’est la Premiere fois qu’on a vu
travailler une b&onneuseà LomC.

- Q - Vous, les petits garçons, hz-vous de corvbe de puits régulièrement,


au retour dè l’école ?

- Ah oui, çaabsolument! On avait l’habitude : çafaisaitpartie de la vie courante.


Chacunsaitqu’en sortantde l’écolele soir,enarrivant a la maison,il fallait prendre soit
la grandecalebasse,soit le seau(pour lesfamilles lesplus modernes), et aller jusqu’a
Nyékonakpoe, dans la cocoteraie, chercher l’eau potable. Et aussion avait despuits
dansnos maisons,despuits contenant del’eau plus ou moins bonne. Mais l’eau des
cocoteraiesde Nyekonakpoé avait un bon gout, plus agréableà boire. Beaucoup de
gensI’appréciaient.

- Q - A quel endroit de Nyékonakpot! ?

- Tout estchangemaintenant.Jevous dirai que c’estchezGbado6 (1). Là, je ne


me situe pas exactement.J’ai demandéa mon cousin, il y a à peine sixjours, de me
pr&iser exactementoù est-cequ’on allait chercherl’eau dansle puits, la bonneeau du
puits de Nyekonakpoe? Il m’a dit que c’estla où ils ont construit l’hôtel Ahodikpt!, au-
delà del’ancien bâtiment dela radio.

-Q- Vous quittiez donc Assivimt! pour aller jusqu’à Nyt%oru&pot! cher-
cher as? I’euu ?

- Dans le tempsçanenousparais& pasloin Quandon était entant,on s’amusait


àaller jusque là-bas.

- Q - Qui gérait ce puits ?

- C’etait gratuit. Les bonnes femmes,pour faire la lessive,partaient depuis le


quartier no1, Adawlato, Anagokome,tout ça,jusqu’a Nyekonakpo6laver leurs linges,
patte que l’eau donnait beaucoupdemousseau savonindigene.Alors lesfemmes,une
fois dansla semaine,allaient y faire leurs corveesdelessive,du matin jusqu’au soir.

(1) Sur le Boulevard circulaire) non loin de In pcule ak Nj4mak@

15
- Q - Tout d I%~IE, vous avez tfvoqcré la TSF. Est-ce qu’elle e&tait avant
1940 ?

- Oh, oui, elle existaitbien avant 1940(2).

- Q - Avez-vous vu comment ça fonctionnait ?

- Je n’ai jamais pu aller N-baspour voir son fonctionnement,A cette@oque, il


n’était paspermis à n’importe qui des’approcherde œt endroit. Il y avait lessoldatsà
chkhia rouge, avec leurs cravaches ; tout le monde avait peur d’en approcher.
Personnen’avait int&& à y aller d’ailleurs,parcequechacunsavait œ qui l’attendait là-
bas...

- Q - Quand vous 6th~~ souffrant et que vous avia un problème que vous
ne vouliez pas traiter par h médecine indigène, qui allia-vous consu&er,
et 03 ?

- On allait à l’hôpital, à l’ancien hôpital allemand. C’est le bâtiment actuel de


l’ambassadede France (3).

- Q - Comment étaient ah les grandes rues de Lomk ?

- Il n’y avait pas de grandes rues, surtout pas de grands boulevards. La plus
grande de l’époque, c’&ait l’avenue desAlliks, qui est aujourd’hui l’avenue du 24-
Janvier. Les ruesetaient très étroites.Les Allemandssont à l’origine du traçagede ces
rues,juste pour leurs besoinsimm&liats.La guerrea fait qu’il n’y a plus eude continuitC
et d’amélioration. Quand lesFrançaissont venus,lesruessont rest6estelles quelles,
toujours Ctroites.Il n’y avait pasde goudron.

- Q - Quand a-t-on commenctf d goudronner et par quelle rue ?

- Dans les années1947,on a commencéà goudronner par l’avenue Foch,la rue


qui conduit au grand-marche, devant la cathédrale. Cela a été la première rue gou-
dronnke à Lomé, par l’ingkieur Gustave.

Avant, on entendait parler desrueset desroutes goudronnkes,maisà l’@que


on n’en avait jamaisvues. Il fallait quequelqu’un aille enGold Coast pourvenir nous
raconter qu’il avait vu debelles routes,de bellesrues goudronnks. Et puis, un jour, à
notre grande surprise, Monsieur Gustave a fait goudronner une des rues de Lame,
depuis la cathurale jusqu’à l’emplacementactuel de Goyi Score.Cestravaux ont Ct6
exécutéspar la Voirie deLomk L.echef decestravaux6tait M. Bozi,un Corse.Et pour
la Premiere fois on avu une rue parfaitement goudronnée, avecdesgraviers.

(2) En face de l’actuelle phurmacie de l’Avenir. Station cr&e en 192627 (pour les tt%?com-
municadons ei non la di@sion “près du puHic).
(3) Plut& l’ancien immeuble des Travaux publics (aujourd’hui de la Statistique s~olain$.
Lkmbassade de France 6M le logement du médecin-chef (avec au.& un d&pensaùe ou
rer-de-chausste).
16
- Q - Les rues du quartier adminkt@f nWuient donc pas gvudro~ ~ullt
plus ?

-Toutes les tues du quartier administratif etaient desrues en terre de barre.


M&e la tàmeuseavenuedu G&réralde-Gaulle etait trèslarge,maisen terre de barre.

- Q - Est-ce que vous vous mppelez quand on a percé ce&? avenue du


Gtfnlhl-de-Gaulk, qui ne figun? pas sur les pla?Is alhwlu& ?

-Oui, c’estpendant la guerre.

- Q - Elk & baptisée en 1944 par un art&? du coIIsei1 municipal de Lona&


et je pense qu’elle &it faite depuis peu. L’avez-vous vue b&ù ?

- Jene merappelle plus exactementde l’anrke.


- Oui, en 1943-44(4).

-Q- Donc, après le goudronnement de l’avenue du Maréchal-Foch,


lesquelles ont eu ensuite cet honneur ?

-La rue qui conduit au Gouvernement, dans le prolongement de l’avenue


-h(5).

-Q- Ces annt?es de l’après-guerre, c’est aussi celles 03 I>on a assur


l’essentiel de Mectrifktion des rues, je crois ?

- L’electrihcation desrues principalesa eté faite db 1927.

- Q - Rue du Gmnd-ma&&, il y a une vieilkè umaison AnthonyH, avec une


belkè gderie en bois. Pouvez-vous nous en parler un peu ?

- Cc n’estpasla famille Anthony qui a construitla maison.Elle appartenait à un


certain étranger nomme Edy.Mais il paraît qu’il afait desbêtisesici, et qu’on avoulu
l’arrêter. Alors il s’estsauvé.L’administration allemandeavendu sesproprit%. Cc qui
a permis auvieux (6) de l’acheter.

- Q - Avant h guerre de 1914, cette maison &ait laut% d la compagnie Oh@


C’était le logement des cadres europ6en.s de la compagnie.

- Oloffavait plusieurs maisons.Le grand magasinqui est à côté de la BIAO,


jusqu’àla mission,appartenaità Oloff.
- Q - Restons encore sur la situation de Lomé au moment de la seconde
guerre mondiale. Pour vous qui avez vécu cette période, qu’est-ce que
cela pr&entait, notammeti en matière de restrictions, de di@iiuultés d’ap-
provisionnement ?

- On avait beaucoup de difficulds pour s’approvisionner. Les vivres man-


quaient et les vêtements aussi. On s’approvisionnait en Gold Toast, par les contreban-
diers.

- Gomme vient de dire mon cousin, il y avait une penurie de tout ce qu’on
importait de l’ext&ieur : le sucre, les boissons, les vêtements surtout. Mais ce qui etait
trés etonnant c’est que, en Gold Coast, on pouvait tout avoir, depuis la paire de
chaussures en daim jusqu’aux manteaux, de très beaux tissus,..., alors que nous autres,
ici, on n’avait rien. Ceci a engendré beaucoup de trafics de marché noir. C’était
l’époque où il fallait avoir un bon d’achat pour acheter le tissu, le sucre, le vin... Ce qui
etait etonnant aussi, c’est qu’il y avait des privilegies. Ces privilegies, c’etaient les
citoyens français, de France ou bien Togolais et Dahoméens (Beninois).

- Q - Est-ce que la frontière était fermée, en particulier entre 1940 et 1942


où L’Angleterre était en guerre, alors que la France était neutralisée par
le régime de vichy ?

- Elle etait restée ouverte, mais vous ne pouviez pas passer à cause de la
divergence qu’il y avait entre de Gaulle et P&ain.

- Q - Mais alors, si on ne passait pas au poste de la douane d”, on


pouvait passer par la brousse ?

- Bien sûr, les gens passaient par la brousse, sinon on n’aurait pas pu avoir de
marchandises ici...

- Q - Au moment 01) kè Togo passe à la France libre, en 1943, la frontière


s’ouvre donc vraiment ?

- La frontière etait fermee, comme a dit mon cousin, à cause du conflit entre de
Gaulle et Pétain. C’etait ferme à certains individus, mais les autochtones pouvaient
passer. C’etait plutôt à la tête du client ! Quand un Togolais ou un Dahomken disons
plutôt un Noir de la cote du Benin- passait pour aller acheter de quoi s’habiller, se
moderniser, on le laissait passer. Quand un Blanc, ou un citoyen français, ou un
sympathisant gaulliste passait... Il y avait un rkseau de secmite très fort ici, des commis-
saires de police qui avaient organise des filtrages, des surveillances très efficaces. Mais
c’etait,commejel’aidit plus haut,àlatêtedu client,seloncequ’ilallait faireenGold
Toast. Plusieurs Blancs, plusieurs citoyens français ont pu traverser la frontière pour
se rendre dans le camp de de Gaulle, à Accra. Il y avait les fils Gordonville, par
exemple, les deux enfants de Gordonville, qui ont rtksi avec la complicité de certains
pêcheurs à passer au-delà de la frontière pour rejoindre de Gaulle. Quand il y a eu
l’abolition du régime P&ain, la frontière a éte ouverte à tout le monde.

18
- Q - Pour rester encore un instant sur la pérhie de Popposition franco-
angkàise, quand a-t-on construit lès ubhckhuus~ de la côte ? (il y a encore
un qui subskte en face de 1%6tel L+e Bknin). Est-ce que vous ks avez vus
construire ?

-Mon cousin lesavu construire. Il yen avait septou huit,depuis la frontière,à


peu preSjusqu’à la hauteur de l’kole de la Poudrière.Pour ne pasme tromper, je crois
qu’ils ont étCconstruitsen 1942et gardespar lestirailleurs ou lescanonniers, parce
que, dans cesblockhaus,etaient installesdes canonsBeaufort contre les avions ou
surtout contre lesnaviresennemis.Les chefsde cestirailleurs avaient leur logementà
l’emplacementactuelde la librairie kvangelique.

- Q - Est-ce qu’on avait le sentiment d Lomé d%re ville en guerre ? C’est-


d-dire, est-ce qu31 y avait beaucoup dkifonnes, beaucoup de réglemen-
tations contraignantt3 ? Comment est-ce que l’on vivait cela ?

- Oh, l’histoire, c’estque l’autochtone lui-méme n’avait aucune crainte. Du


grand-père jusqu’aux petits-fils, aux arribres-petits-fils, tout le monde souhaitait la
réussitedesAllemands ! Alors on applaudissait...Le grand-père disait : «Quand les
Allemandsseront deretour, vous allezvoir commenton va hre bien». Et puis on Ctait
content que la France perde la guerre, maigre tout ce qu’on avait beneficie de la
France...

On souhaitait vivement que les Français s’en aillent et que les Allemands
reviennent, parce qu’on etait mal eduqué. Les jeunes portaient des cravates, des
chaussures,alors qu’à l’epoque, lesAllemands nele permettaient passi vous n’êtiez
pasun lettré, si vous n’aviez pasun certificat qui attestaitque vous êtiezquelqu’un de
la grandesociete.Alors, à Lomé, personnene s’inquietait; la vie suivait son train, si ce
n’estque ceshistoires debons d’achat,depenurie desucre,depain, ou dececi,ou de
cela...Tout le mondevivait bien.

- Q - Vous-même, vous étiez de ces jeunes ; peut-être portiez-vous


cravate? Mais s’il avait falh changer de système colonial, la formatha
scoikire que vous aviez reçue était d refaire. Cela ne vous effrayait pas ?

-Justement ! C’estcequevoulaient eviter lesvieux, puisqu’ilsavaient etéeux-


m@mes victimes de ça.Combien de tempslesAllemands sont-ils restesici au Togo :
trente ans, de 1884 à 1914 ? Alors, on a forme des cadres, on leur a confié des
re.sponsabilitt%,et puis d’un seul coup, tout estbouleverse : il fallait parler français,
chosequi a et6 tri3sdifficile. Cette periodede transition lesa beaucoupbouleverses.
Alors lesvieux, qui ont toujours souhaite le retour desAllemands, ont tr& souvent
envoyé leurs enfants en Gold Coast pour apprendre l’anglais, parce que, avec l’an-
glais,on peut sedebrouiller partout. Jusqu’ànosjours ici& Lame particulièrement,
beaucoupparlent anglaiset français.

19
-Q- Vous-mêmes, les jeunes de hpoque, partagiez-vous compl.&ement
cessentime~devosprrrentsetg7ands-parenls?

- Moi, particulibrement, je vous dis que j’aurais été content du retour des
Allemands, maisje ne savaispas dansquellescirconstancesils allaient revenir. J?%ais
oblige de suivre mon vieux A l’epoque,quel Agepouvais-je avoir ? En 1940,j’avais 11
ans.A 11ans,qu’est-cequ’on peut comprendre de la guerre, dece que lesAllemands
vont nousapporter, ou deceque lesFrançaisnous ont Edit?A l’ecole,on nousa dit que
la France nous avait trace de grandes routes ; on nous avait envoye a l’kole en
b&Hciant de toutessortesdegratuit&. Tout œlaavait aussiet6fait par lesAllemands.
Nos grands-parents ont connu lesAllemands et ils ont pris certaines habitudes avec
eux, parce qu’ils avaient et6 les premiers colonisateurs. De même nous, nous avons
connu lesFrançaiset nousnoussommeshabituesà eux Aujourd’hui j’ai 58ans.Si c’était
à refaire, moi aussi,je nevoudrais pastravailler souslesordres desAllemands, alors
queje parle français.

- Q - Je souhaiterais que nous parlhs maintenant des mouvements de


population d Lom& pendant la guerre. Avant, il y avait vralFemblabhnent
15 d 18 000 hubitants. Lors du premier dhombrement fait apr& la guerre,
en 1947, il y en avait 32 d 33 000. Alors il y a eu certuinement un gonjkment
de k population après la guet. Mais je me dètnana% s’il njt a pas eu
go@ment dès kà phhdè de la guerm. Or, vous nous disiez il y a un
instunt que c’était une p&iode de rescricions ; les bateaux étaient t& peu
nombreux ; les t#aveS tr& ralenties... Comment est-ce qu>on peut com-
prendre à la fois une vi& d I’tWaomie ralentie e.t un gonflement & la
population ? Est-ce que vous avez le seniiment que les gens @ùaient dès
les atlnh 1943-44 ?

- Les gens de l’interieur venaient à Lame surtout parce qu’ils etaient plus
tranquilles ici qu’a l’interieur. Les Françaisexigeaientdesquantit& de noix pahnistes,
de maïs,etc. pour aider la guerre. Ce qui a fait que beaucoupont dkerté leurs villages
pour aller en Gold Coast,et d’autres sont venus s’installer à Lomé, auprks de leurs
parents.

- Q - Donc Lomé aurait éti le reficge des ruraux qui fuyaient lkffoort dè
guerre.

- C’estbien ça !

-Q- Et ceux-ci sont mtt% en ville, d’ad l’explosion spatiale d’après la


guerre, qui va peupler toute la ville jusqu’au-delà du Boulevard
circulaire ?

- En effet. Le phenomène qui a engendré œ surpeuplement de Lomt estque


Lon16estd’abord une capitalesitu& aubord de la mer,et tout le mondesait que la vie
esttoujoursagr6able aubord de la mer. Lesouci constant du Togolais en general est
d’avoir sa maison au bord de la mer, à Lame. Alors comment arriver a son projet ?

20
Beaucoupsont partisà gaucheadroite, surtout en Gold Coast,pour gagnerde l’argent.
LomCs’arr&ait àAhanoukop6,sinon mêmeau quartier desEtoiles,qu’on appelleaussi
W&ivikondji. D8s lesam&s 1950-52,touscesgensqui sont partis chercherfortune à
l’etranger sont rentreset ont commenceà acheterdesterrains ; et d’un seul coup,on a
vu deslotissements,desmaisonsqui montaient, et c’etait envahi partout, si bien que
aujourd’hui, mêmejusqu’aAdidogome là-bas,c’esttoujours Lomé...
*
* *

-Q- Pourriez-vous, Messieurs Anthony, nous parler de votre père,


Timothy Anthony (71, qui a t!tk l’un des grandk notables dè Lomé d l’@oque
fkangaise, d même bien avant, et que vous mnontkz plus haut dans h
mesure du possible, vers vos ancêtres qui sont venus fonder Lomé ?

- Nos anc&es étaientvenusd’Adafianu (8) pour s’installeràla plage,ici,pour la


pêcheet le commerœ.Les premiersqui étaient venus,t’étaient Edjame (9), Equagoo,
Adjabli Anthony (10) -l’oncledenotre p&re-et d’autres.Le vieil Anthony, lui, estreparti
plus tot que lesautresparœ qu’il etait vieux Il estrentre à Adafianu en 1898,et il y est
morten1900.

Quand nosaleuxsontvenusà Lomt?,ils habitaientenbordure de la mer, où il n’y


avait personne, sauf lesfemmesdeB&qui venaient selivrer àla chasseauxcrabessur
la plage (les Bé neconnaissaientrien à la mer et ils semefiaient encore beaucoup des
negrlersblancs).Derriere la plage,il y avait une foret dense,et on avait peur desb&tes
féroces.L’habitat etait en paille, puis en banco et en terre debarre, avecdestoits de
paille, qui brillaient facilement.

Nos grands-p&resMent desproprietaires de filets, mais ils sont surtout deve-


nus des grands commerçants,qui achetaient aux gens de l’interieur du paysde la
gomme,de l’huile de palme,du caoutchouc.Le commercea Lame etalt florissant.

Timothy Anthony, lui, apr&savoir fait sesetudesprimaires à Keta, s’estrendu à


Anyako (11) pour continuer sesEtudes.Apres,il a enseignependant un an ; puis il est
venu a Lomé, où il s’estEtabli delïnitivement. Il a commencepar le commerœ, chez
Olo& Un de sesamisallemandslui a conseilledes’int&esseraux plantations On a vu
que la cote, ici, est bonne pour le cocotier ou la canne a sucre.Il a fini par choisir le
cocotier, parœ que celui-ci r6siste pendant plus de cinquante ans. Il a acquis des
terrains il la plageet il a commenceuneplantation, qui a bien reussi(12).

(7) 1860-1937.
(8) A une dizaine de km b l’ouest de Lomk, wr la route de Keta (Voir chapitre 17).
(9) Ou Adjama
(10) Apptlk alors Antonio.
(11) Impomnte m&sbn tvan@ique SUT la rive nord de la lagune de Keta (Voir chapitm 15).
(12) Lb mvitons de l’tcole de IQ Poudr&e juqu ‘au chdteau d’eau de B&

21
Une anecdoteque I’on raconte sur Edjame : danssajeunesse,on I’avait envoyé
en Angleterre faire sesétudes.Au retour, pendant ledebarquement, sagrossemalle
(danslaquelleil avaitmis toute safortune) tombaà l’eau.Quelquestempsplustard, à sa
premiere sortie depêcheenmer, sonpremier coup defilet a rament! àterre sagrande
malle...Tous seseffets étaient intacts@ce au li&gequi la garnissait!
*
* *

- Q - Comment est-ce que l’on mangeait à l’époque oh vous t%iez enfants?


Quelles sont les diffkrences principales dans l’alimentation quotidienne ?
Est-ce que cette alimentation s’est diversifiée 1

- Depuis toujours on a trksbien mangéà Lome, desalimentstrèsdivers. Regar-


deznos meres,nosnanas : œ n’estpasd’aujourd’hui qu’ellesseportent bien, qu’elles
sont bien potelkes...

- Q - Il y a quand même eu divers$+xtion, notamment 1Wroduction du pain


d l’anglaise (su&), puis du pain sa&. Le riz aussi n’est consommé de façon
massive que depuis 10 ou 12 ans et je pense aussi aux l@wne.~ europt!ens,
les tomates, lès carottes, les ch~u.~. Maintenant on les voit sur tous les
marchh. Depuis quand, d’apr& vous ?

- Cesaliments,àl’epoque,Ctaientr&+en& pour desmomentsexceptionnels.La


saladedetomates,lessaladesrussesou niçoises,il y a toutessortes de mélanges,très
agréables à manger...Mais œci Ctait rkserve à desjours, à des moments vraiment
spéciaux.Même le riz, pour nous, ici, A Lome, n’etait pasconsommé tous lesjours,
commecertainsle font aujourd’hui. S’ilsle font, c’estparœ que, desfois, le maïscoûte
trop cher.Le riz estbon marche,parœque nousl’importons beaucoupmoins cher que
si nousle cultivions nous-mêmes.Alors on semet au riz Le pain, le caf6 au lait etaient
réserves aussià certaines classessociales,qui ont peut-être connu ça en Europe :
revenues au pays,elles ne peuvent plus s’en passer.Si le Togolais a pris gout A la
consommationdu pain, surtout du pain français,c’estparœ qu’a Lomé on fabrique du
bon pain, mieux encore que danscertainesboulangeries en France, puisque œ sont
desFrançaisqui sontvenusdonner desformations à desTogolais ici. Le Togolais s’est
mis à manger du pain français, tr& agrkable et t& pratique aussi, parœ que ça
demande moins de temps pour s’alimenter. Le Lomkt mange surtout la salade le
dimanche, melangeeavec toute:sorte de condiments, des sardines,des oeufs, de la
mayonnaise, dela viande.. Mais quandil a fini de mangertout ça,il crie à safemme: «Et
ma pAte?».

Jeconnaisun monsieur chezqui j’étais,safemmelui a preparé justement cette


salade,avecdu haricot flageolet,du pain bien coupe,du beure, tout ça àcôté, et puis il
crie à la femme : «Où estmon akoumé-udémè?» (13). La femme dit : «Mais, ecoute,

(13) Akoumd =Patedcr?laik, adht? = sauce aux fèuiUcs.

22
Papa,avec tout ce qu’il y a sur la table ?».11dit : «Ah non, mêmesi je ne peux pas le
manger,je veux avoir mon adémèsur la table !».

- Q - Donc le T~goIa~~ surtout de L.uméers, a toujours su prendre le meilleur


de tout ce qu’il y avait, que ce soit autochtone ou importé ?

- C’estcequejeviensdedire;ilappréciecequiest importe,mais il n’enest pas


trop friand Il le mangeoccasionnellement.Il vous mangeratoute unetonne de gratins
depâtes,de la mackdoinede légumes,tout cequi estd’aliments occidentaux,maisen
sortant de table,il va lui falloir aussisap2te,son foufou, son igname,et mêmeson riz..
*
* *

- Q - Revenons d votre enfance d Lomé. Comme petit garçon, est-ce que


vous n’aviez pus peur d’aller dans le quartier commercial ?

- Non, au contraire, c’estlà-basque nous nousreunissionsdansnotre jeunesse.


Nous,dansnotre enfance,nous avionsdéjà connu le cinema,tout ça ! C’etait notre lieu
de rencontre, de rendez-vous ou de rassemblement,avant d’aller sur la plage jouer
auxbilles, àl’acoto (14), fairedes jeuxde compagnie...

- Q - Vous alliez souvent vous baigner dans l’océan ?

- On échappaitau contrôle desparentspour aller nousbaigner discretement.A


notre retour, ils savaient bien comment faire pour deceler si nous nous Ctions
baignés: ils nouspassaientla languesur la peau.Si la peauetait salee,alors on recevait
descoups...Pour tromper leurvigilence, il y avait une eauchaude qui coulait depuis
I’UNELCO (15) : l’eau de refroidissementdes moteurs,qui venait sejeter à la mer la-
bas.Ça faisait unesorte de petit lac.Alors, aptesla baignade,on allait serincer la-bas:
on n’avait plusdeselsur la peau,et on rentrait tranquillementà la maison...Nos parents
nousinterdisaientdejouer au ballon à causedesrisquesde fracture : à l’époque,quand
onjouait au ballon, c’estvrai qu’on s’acharnaitplutôt sur le tibia du copain quesur le
ballon ; alors nos parentsnous le refusaient...

- Q - Quand vous étiez jeunes d Lomé, quelle était l’école lu plus renom-
mée?

- Je crois que toutes les ecolessevalaient. Moi, j’ai fait toutes les Ccolesde
LomC.Je ne peux pasvous preciser la date exacteoù je suisallé à l’école parce que,
dansla communauteAnthony,on acommenceà la missionprotestante,à la plage (16).
Dans chaque classe,il y avait environ 85 % d’Anthony... En grandissant un peu plus

(14) Coquille d’escargot taillée en toupie.


(15) Union Electrique Coloniale, anchre de la CEET (au même emplacement, avenue du
Golfe).
(16) près du temple, rue Foch

23
tard,on m’a changed’&ole -je ne saispaspour quelle raison.Ensuitej’&ais à la mission
catholique pendant un certain temps,et aprésje suisalle à l’&ole r&ionale, c’estàdire
àl’&ole officielle dela route d’AnCho.

A Lom6, il y avait plusieurs&oles : l’écolede la route d’An&ho (17),


Ncole Boubacar (qui s’appelait à l’époque «&ole Santrehonow), l’école Bohn,
l’dcoleMarius-Mo~tet, I’ecoleSanoussi,sur un etage.Moi, j’ai fait tout ça,je suispassé
partout... Alors je peux vous dire qu’elles se valaient toutes, à l’époque. Quant a
apprécier nos instituteurs, moi, personnellement, à tous je tire un grand coup de
chapeau,maissurtout àdesmaîtrestels queM. Apedo-Amah Moorhouse, le maître
Ekut! Martin, à l’&ole catholique le grand maître David, etc.Jeleur dis tous merci !,
parce qu’ils nousont fait du bien.

(17) voir chlaph a

24
no 3

UN ARTISAN MAÇON

M. Gabriel EKLU-NATEY
(né à Lomé en 1901)

-Q- Monsiiw Ekkù-Natey, vous êtes sans doute l’un des pih anciens
habita& & Lomé. Quel @e avez-vous ?

- Je suisne à Lomé en 1901,et j’y ai commencémesétudesallemandesen 1908.

- Q - DM était venu votre père ?

- Nous sommesd’Adangb&,à 20km derrière Ts15vie(1). Mon père n’a pashabité


à AdangbecommenousnoushabitonsLomé. Nous sommesdesLomt!ens.Mais main-
tenant je suisproprement un vieuxd’Adangbé. Jesuisnomme «papa»àAdangbe.

- Q - A Lmntf aussi, bien st2r.

- A Lomé aussije suisun papa,et «le constructeur».J’ai construit beaucoupde


maisons.C’estmoi qui ai construit l’hôtel du Golfe, danslesannées1950.J’ai construit
aussibeaucoupd’koles pour la missioncatholique.

- Q - Quelles Ccokès aviez-vous vous-même frkquentées ?

-J’ai fait Ecole catholiqueà LomBde 1912jusqu’en1916,puis Ecole anglaiseà


partir de 1918,pourdeuxans.

Ap&, j’ai éte engagt!par la maisonJohn-Holt, une firme commercialequi etait


it Lame b œ moment-l& En 1922,j’ai comme& &apprendrele metier de la construo
tion, commejeune apprenti maçon.J’ai fait quatre anset j’ai eu mon certificat de fin
d’apprentissageen 1926.J’ai commencea travailler iI Lon14avant d’aller en Gold Goa@
(qui nUait pasencorele GhanaBœ moment-U), oh j’ai travaille pendant deuxà trois
ans,puis je suisrevenu au Togo pour reprendre mesactivites demaître maçon.

(1) Lcr Adangbt!, or@nah du littoral aujourd’hui gtwnten mix Accra et l’estuaire dk la
Volta, ont mi@ dam le sud du Togo F, mm?-dtbut XWIIL sicclcs. Ils ont abandonnt leur
langue pour l’twd

25
- Q - Dans les antuks 1920, combien étiez-vous de maçons d Lomé ? Etiez-
vous nombreux à faire ce rvu!tier ?

- Nous étionsnombreux: plusde 60maçons! En 1927,j’etaisdéjà grandmaçon.


J’avaisengagédejeunesgarçonsde 15,16,18 anscommeapprentis-maçonschezmoi.
Je fus nommé directeur desjeunes maçonsde la ville. C’est à cette époque que j’ai
construitla maisonquej’habite maintenant,

- Q - Cette maison «Gott mit Uns% d Amoutivé, aux cor@rs d%noutivd et


de Lom-Nava, Ià ou nous sommes maintenant et qui a une architecture très
originale. En quelle année l’avez-vous construite ?

- J’ai achetele terrain en 1927et j’ai commencela constructionen 1928.

- Q - A l’époque cette maison devrait être isolée au milieu des plantations


de cocotiers ?

Oh... il y avait beaucoupde cocotiers,qui n’étaient pasbien grands parce que


Lomé était encore trétsjeune, et lescocotiersaussi.

- Q - Avez-vous toujours habité cette maison depuis un demi-si& ?

- Depuis 1928jusqu’aujourd’hui,j’habite chezmoi-même.

- Q - Quelle est l’origine du nom de ce quartier ?

- Notre quartier s’appelait Lom-Nuva parce qu’ici, on etait loin de la ville. Si


quelqu’un achèteun terrain et construitsamaison,il peut donner le nom qu’il veut à son
coin. C’est pourquoi nous, ici, Eltantloin dela ville, nous disons«Lom-Nuva» : «Qui
m’aimevient mevisiter» (2).

-Q- Est-ce que vous connaksez les vieux qui ont donné le nom d ce
quartier ?

- C’est moi-même qui lui ai donné ce nom. Ici, tout le monde me considere
comme le plus vieux.

- Q - Revenons à votre formation comme apprenti maçon. ,4ctueUemen.t, d


Lomé, Papprentissage est tr& homogène : à peu près tous les atetiers font
la même chose, avec un contrat écrit que l’on signe après une période
d’essai (en général trois mois) et avec une somme d’argent que l’on verse
par moiti.& au début et d ta fin de l’apprentissage. Est-ce que c’était déja
ainsi de votre temps, quand vous étkz vous-même apprenti ?

-Non, ce n’etait pasvraiment la mêmechose.J’ai travaille tout d’abord comme

(2) Autrement dit : seuls ceux qui m’aiment vraiment feront l’effort de venir jusqu’ici

26
manoeuvre avec les maçons et apres, on m’a donne des outils pour commencer a
construire, à poser desbriques pour les fondations.

- Q - Est-~ qu’il y avait d@, comme maintenant, une sigruUm &


wntrat ?

- Oui, il y avait un contrat àsigner.

- Q - Qu’kst-ce qu’on d&nait, avec ce wntrat ?

- Pour le contrat,on ne donnait rien. On &rit quevous aller apprendrele métier


pendant septans.On vous dit d’être obéissantàl’atelier comme à la maison,de faire
exactementceque le patron exigede vous.

- Q - C’est-à-dire que, en ce temps rct, l’apprenti ne payait pas, mais il


travaillait gratuitement pour son patron pend& longtemps ?

- Les apprentisn’étaient paspayes,mais ils gagnaientquelque chosepour leur


nourriture. Cest au patron qu’on payaitpour tout le travail que nous faisions.

- Q - Vous habitiez chez votre patron ?

- Oui, nous habitions danssa maison,et nous travaillions avec lui comme de
jeunes garçonspour leur père.

- Q - L.e père de l’apprenti n’avait donc rien d payer ?

- Le pèrepayait! A la signaturedu contrat,on payaitquelquefois (ace moment-


la) u30francsà 400francs.A l’epoque,lesfrancsvalaient beaucoup.C’estpourquoi, si
on vous demandait200 francs,c’etait trèsbien...

- Q - Avec des bouteilles de vin ou de schnapps ?

- On ne prenait pasdebouteilles pour le contrat chaque fois. Quelquefois on


donnait unebouteille de schnapps,ou une bouteille degin. Il n’y avait pasdesodabi(3),
de notre temps,C estmaintenantqu’on donne du sodabi.

-Q -Y avait-il déjd, en ce temps-là, une cérémonie de libération, le «free»


wmme lis ps disent, 03 l’on fait la fête ?

- Oui, si le moment est arrivé, on nous impose de donner quelque chose,de


payer de l’alcool, dela nourriture... C’estpour lesgensquiviendront bénir et encou-
rager lesapprentis au coursdesdremonies.

(3) Alcool de distillation (illkgale) du vin de palme, d@m! au Sud-Togo hns les ann&s
1930.

27
- Q - Après, est-ce qu’il y avait un uretnerciement~, c’est-à-dire que, une
foi% libéré, l’apprenti doit rester avec son Pa&on encore quelques moLF ou
quelques années ?

- Non. Après la 44année, le patron engagelesgarçonscommeouvriers, et on


leur paie ce qu’ils font commetravail.

- Q - Quand vous-même étiez patron, dans lès annt%s 1930, 1940, 1950,
comment est-ce que cela se passait ? A quel moment est-ce qu’on a vu
apparaître ce système où l’on paie au patron moitit! au début, moitié à la
libération ?

- De notre temps, nous n’avions rien paye.Nous étions très obeissants.On


travaillait avecle patron jusqu’a la fin du contrat.Maintenant lesjeunes sont obligésde
payerauxpatrons parce qu’ils n’écoutent plus.S’ilsvoient qu’ils sont un peu avances
dansle travail, ils quittent le patron sansson accord.

- Q - Les apprentis que vous avez formés vous-même étaient-ils


obéi.ssat& ? Restaient-ils avec vous ?

- Oui, il y aquelquesapprentisqui étaientob4ssants; et il y en a aussiqui m’ont


quitté avant la fin deleur contrat...

Nous avonsle pouvoir de maudire lesapprentisqui nousquittent avant la fin du


temps réglementaire. S’ils nous quittent comme ça,et que nous leur lançons notre
malédiction, ils souffrent, ils ne trouvent pasdu travail ou ils travaillent mal, pasbien
commeil le faut. Si l’apprentifait lesquatreansà la satistktiondu patron, au momentoù
on lui donne son certificat,on demandequeDieu le b&isse, qu’il le guide. S’il n’a pas
de travail à faire, il peut retourner chezson patron, qui pourra lui donner du travail.
C’estpourquoi noussommestrksfiers de dire qu’il faut apprendre le metier jusqu’à la
fin du contrat. S’il quitte commeça,avant la fin, Dieu lui-même fait qu’il n’arrive pasà
travailler.

- Q - Est-ce que vous avez encore vo& cert$cat ?

M. Eklu-Na&v d&oche du mur un papier sous verre, marq& ucert@èa&


et sa photo quand il htait jeune. On y lit :

#Suivant l’inspection faite en date du SI0211 940sur mon nouveau batimentpar


M. Betion, surveillant des travawpublics, et M. Maillet, administrateurdes Colonies,
chef de la subdivision de Lomé; je, soussigné M. G&fied Edorh, employd de com-
merce, demeurant et domicilié tl Lomé, certifie que le nommt! Gabriel Eklu, maître
ouvrier maçon, est un homme digne de foi et maître rt!gulier.

Lomé, le 10 février ,194O.s

28
Suit une série de signatures et, ajouté d la main, : u.Tecertifie que
le travail de maçonnerie qui nous a étéprésenté fait honneur h l’entrepreneur Gabriel
ElUA
Signé L.KM.
Commandant la subdivihn de Lom&+

- Q - Quand vous aviez eu ça, vous hz déjd un martre depuis longtemps?

- Ça, c’estle certilïcatadministratif qu’on m’avait dom&. Et je l’ai gardé,n’est-ce


pas?Et s’il y aun apprenti qui travaille avecmoi, avantsalibération, je le lui montre. Il
faut qu’il fassecommemoi, commej’avais fait pour avoir œ certificat.

-Q - Ce qui est frappant, c’est cette caution off~ielle du upréfeh de Ihn&,


qui va signer uu diplôme dè maître mugon. Est-ce qu’on vous le demandait
aussi quund on vous confiit un chuntier ? Est-ce que les ~lien~.~ demun-
dalt d voù votre cert$bt avant de vous confier leur maison d
construire ?

- Quelquefois nous le faisions; quelquefois nous ne le faisions pas...

- Q - Quand avez-vous cesTé de travailler comme maçon ?

- Cesséde travailler ? Non, je n’ai pasencore cesséde travailler ! Je travaille


pour moi tout le temps.Aujourd’hui même,je suisun maçon,je travaille. C’estmoi qui
suisen train deconstruirel’kole allemandeici (4).

- Q - Est-ce que vos fils ou vos petits-fils ne sont pas mkontents de vous
voù tenù encore la truelle ?

- Non ! Ils sont plutôt joyeuxde mevoir travailler encore, parœ que mon âge,
c’est87ansdéjà, et queje travaille toujours. J’ai beaucouptravaillé dans le passe.Et
vous pouvezvoir l’intérieur de l’egliseSt-Augustind’Amoutiv6 (5). C’estmoi qui ai fait
tous les arcs: lesarcs,c’estmon oeuvre !

- Q - Il paraît que c’est Mgr Cessou qui a dùig6 en personne les travaux
de cette église.

- Ce n’estpaslui qui a dirigé lestravaux Il a donnelestravauxà faire, et nous les


avons ex6cut6s.

(4) Ecole sifude pr& de la CICA-Toyota qui doit s’appeler «Herzog von Mecklenburga.
Projet gennuno-togolais avec des vieux du Togo alkmanrl, qui ont dema& que l’Allemagne
les aide b construire cette kole (restke inachede).
(5) consnuite en 1933-34.

29
- Q - En quel matkiaux ext-elk construite ? Est-ce qu’elle est en briques
cuites ou en ciment ?

- Quand Monseigneuravait achetéen Europe cehangaren fer (6), nous l’avons


bien place.Apres, on m’a confie les travaux de crepissageet desoeuvres d’art qu’on
trouve dansl’église.
*
* *

- Q - Je voudrais revenir sur l’histoire des techniques de maçonnerie d


Lmm?, parce qu’on a ici des maisons d’un style très particulier, qui se
trouve d Grand-Popo, d Ouidah, Porto-Novo, mais pas ail&urs en Afrique.
D’où venaient les gens qui ont fait ce style, qu’on appelait le style Porto-
Novo dans kès ann&s 1920-30 ?

- Les premiersmaçonsqui étaientvenusde Porto-Novo, Ouidah, Agoue étaient


desPortugais (7), les premiers qui ont appris aux gens àconstruire. Après eux, nos
patrons ont eux-aussiappris chezlesPortugais.

- Q - Le patron qui vous a formé vous-même, 03 avait-il reçu sa formation?

- Il a eté forme ici, à Lomé.

- Q - Est-ce que vous savez d%ù venait le patron qui a formé votre futur
pafron ?

- Non ! Je nepeuxpas le connaître. Jesaisque mon patron estd’Adafianu. Il a


appris son metier chezlesNago (S),qui l’ont appris chezlesPortugais.

-Q- Cette construction des ann&s 1920, dans laquelle vous êtes maître
maçon, qu’est-ce que cVtait ? Surtout de la brique cuite, dè hz brique crue?

- C’etait premièrement avecdesbriques crues,et on acontinué en faisant des


briquescuites.Le cimentestvenu apr&, et on a commenceà faire desblocsde ciment.
C’estmoi qui ai construitl’h&el du Golfe pour Monsieur Mineto (9). En cemoment-la,
nous étions deja auxbriques deciment.

(6) La charpente mhallique.


(7) C’est-d-dire d’anciens esclaves rapatrit% du Brt%iJ d partir 1 1835.
(8) Yotuba, en &tkal ntumhw, descmdants de ces rapatriks du Brésil, otJ beaucoup
avaient reçu une fomtation artisanale.
(9) Entrepreneur de spectacles des am&s 1930-1950.

30
-Q-Jereviensa~x~~~&w~~~ndansler~1930;os~-
ce qm cVhait les riches qui wnstrukaieut en briques cuites et les gens plus
modestes qui construisaient en adobe, ou bien est-ce que les gens
choisissaient ind@remment l’une ou l’autre ?

- Il y a des gens qui construisaient avec des briques crues et d’autres, plus
riches,avecdesbriques cuites.Mais si quelqu’un voit qu’il peut construire plus riche,
plus cher, il casseet reconstruit avecles blocsdeciment

-Q-lhscesannth193O,enquoitWentfaitshkoi&?Est+equVlpavait
vraiment dtjd beaucoup de tdkès ?

- Oui, beaucoupde t&s, parœ quelesAllemandsavaientapporte beaucoupde


ti31es.

- Q - Il nJ, avait donc déjd plus de toits de pailie à Lomé daus ces auu&
1920-1930 ?

- Oh, si. Il y a destoits de paille aujourd’hui mêmeà Lomé.

- Q - Tr& peu...

- Il faut savoir qu’avant, on necouvrait paslesmaisonsavecde la t61e,qui n’est


venue qu’après. Maintenant il y a des maisonsqu’on ne couvre plus avec de la t61e
parœ qu’on estcontent d’avoir desmaisonsen beton, couvertesen dalle de b&on. La
mienne aussi.

- Q - Quand donc sont apparus d Lomé les murs pour clôturer kès parcelk~,
si cardristîques de la vil& ?

-Je peux dire àpartir de 1920; c’est-à-dire que, au debut, les maisonsCtaient
toutes entourées d’une cl6ture de paille. Je crois que c’estdans lesannées1925 que
l’administration a exigéqu’on metteà la placedesmurs pour entourer lesmaisons.

- Q - Aujourd’hui depuis vingt ans, on ne wnstruit pratiquement plus


quIaveu: du parpaing de béton. Est-ce que, pour vous, c’& vrahent un
progrès par apport à la brique d’auttx$ok ?

- Oh ! je ne peuxpasdire quec’estdu progrès, parce queje n’ai aucuneidQ la-


dessus.

- Q - Este une bonne chosz d’abandonner la brique cuite pour le bloc de


ciment ?

31
- Q - Vous pourriez encotx? revenir aux briques cuites ?

- Ah non ! parœ qu’il y a beaucoupdeciment maintenant.Tout le monde aime


que samaisonsoit faite enblocsde ciment.

-Q-Queue4SChmérhodehplusmpidepourconstruire:lesblocsou~
briques cuites ?

- Selon la volante ou le désir du client. Pour nous, maçons,nous sommes


toujours habilesdansle travail desdeuxsortesde briques.Qu’importe si c’estla brique
cuite ou le bloc deciment ?

- Q - Quunt d kà fraîcheur dàns là maison, est-ce qukne maison en briques


n’est pas plus agrhble d habiter quke maison en ciment ?

- Non, parœ que nous sommesobliges de faire beaucoup de fenetres à la


maison.

- Q - Autrefois, on construkait dès maisons très simples, très sobres. Il


pouvait y avoir des étages avec quelques petits élhents de dkcoration,
mais c>étai.t quand même des maisons qui étaiht très simpiès. De nos jours,
on aime les formes compliquées, des formes arrondies, les fenêtres
circulaires, les colonnes ihcurvh... D’aprés vous, d’ad vient cette modè?

- Cesmodesviennent d’Europe.

- Q - Oui... mais en Europe, je n’ai pas vu des maisons aé ce style. Il sembb


qu’il y a quel+ chose de tout d fait typique d Loti actuelhnent...

- Ah oui, nous exploitons œque nous avonsvu.

- Q - Sans doute les maçons se copient-ils les uns les atir@ ?

- Oui, nous nous copions toujours lesuns lesautres. Sivous avezvu quelque
chosedetypique quelque part et queœlavous plaît,vous pouvezle faire ; œ n’est pas
obligatoire, maisvolontaire.

-Q- Et, par txempk, mettre des plaques dè quartz&? pour décorer lës
maisons, ça aussi, c’est relativement récent. Est-ce que vous l’avez fait
quand vous &iez en pleine activit4 ?

- N’importe quel modèle,tout œ qui estmoderne, on estcontent de le faire... Il


faut agir selon lavolonté du client. S’ilvoit quelque chosequi lui plaît, n’est-œ pas ?,
c’estobligatoire de le lui taire.

32
- Q - On peu penser que le ph&omène dè mode est très important : &s
cüents veulent h maison qui est d hz pointe de la mode, pour faire wmme
lès metim maisons riches, même si ckst phts cher et pas forcement plus
solide.

- Ah oui, nous,si nous voyonsquelquechoseet nousvoulons le taire comme le


patron ou notre ami, et quenous n’avonspasassezd’argent,nouspouvonscommencer
petit à petit notre maison.Il taut quelquefoisjusqu’adix ansavant d’acheverlestravaux.

- Q - Mizçm, ckst un beau mktier. Est-ce que vous y avez pou& certuins
de vos enfants ? Si un jeune démandait conseih vous l’onentera vers hz
maçonnerie ?

- Mon propre fils s’appelleEklu Mathéo ; il estchef maçonaussi,commemoi. Je


lui ai appris le métier ; je laissele travail pour lui et il fait commemoi-même.Je neveux
pasque le métier demaçonquitte notre maison.

- Q - Vous êtes donc une famille de maçons, et fdre de l’être ?

- Oui, fier, parce que mon grand fils aussia appris le metier de maçon,parce
qu’on veut garder le travail de notre maisoncommenotre signe.

- Q - Comme signe di&c$f dè h famille et d’un amour du travail bien fait...

*
* *

Changeons maintenant un peu de sujet. Vous aimez beaucoup L’Allerna-


gne? Autrefois il existait le «Togo-Bund» (10). Est-ce que vous pouvez
nous en parler ?

- Moi, je suis le vice-président du TogoBund. Si vous voulez, maintenant, je


peux vous montrer les lettres que j’avais reçues de mon patron, parce que je peux
6crire l’allemand plus que l’anglais ou le français. Je n’ai jamais frequente 1’6cole
françaiseou anglaise.J’ai fréquente 1’6coleallemande,et je suisfier du Togo-I3w4, et
jeTaime.
- Q - Il y avait un Togo-Bund à Accra dans les annkes 19254930, n’&-ce
pas?

- C’est M. Agboka qui a crée le Togo-Bund à Accra. Moi, j’aime toutes les
nations. Je suis un sujet qui ai appris un metier européen. J’ai commence avec les

(10) Bund der Deutschen Togoliinder : Aigue des Togolais alkman&~, installke en Gold
Caast (Voir au.& chapitre mivant), d’oti elle multiplie les pétitions pour akmamkr le retour
des Allemank (Les archives de la S.D.N., d Gem%, en conservent 17, reçues d’aoat 1928
b a%xmbre 1934, mues C+a sans suite...).

33
Allemands, et il faut qu’un fils aime son père. J’aime le Togo-Z&&, parce que c’est
l’allemand quej’ai appris premierement; et j’aime l’anglaisparœ que c’estla deuxieme
languede mes etudes; et j’aime le françaisparœ que c’estau moment.desFrançaisque
j’ai appris mon metier pour vivre. Jeparle avecvous aujourd’hui en français, maisje
repète que je n’ai jamaisfr6quenté l’&ole française.J’ai fréquenté l’&ole allemande :
Zchbin ein uiw%ZwS&&T = <<je suisun &olier allemand».J’aime l’anglaisparœ que,
aprts l’allemand, c’estl’anglais que nous avons appris :In thattime, Zwusan engZi.sZr
boy. Il&e Germany atad England A présent, je parle français, et il y a des gens qui
disent : voilà, il parle trois langueseurop&nnes. Moi j’aime tout. Je suisné Allemand,
j’ai grandi Anglais et j’ai V&X Français.

Dansœ monde,il faut fa.ireattention.Nous, lesindigenes,nousprenons trois ou


quatre femmes: il faut lesaimer toutes.Quand on dit qu’on aime cettefemmeplus que
les autres,œ n’ai pasbon ; commentva-ton vivre en harmonie ensemblejusqu’à la fin
de notre vie sur cette terre ?

- Q - Vous aimez lès Alhnands ; avez-vous longtemps souhaité leur retour?

- Mais je neveux pasperdre œ quej’ai appris. On dit : pourquoi êtes-vousdans


une colonie françaiseet aimez-vousl’allemand ? C’estœ quej’ai appris premièrement,
il va demêmepour l’anglais. Sije rentre aujourd’hui enEurope, je n’aurai pasbesoin
d’interprète ; tout le monde seramon ami parœ que lesAllemands, lesAnglais et les
Françaissont dansmon corps.

- Q - Pourquoi êtkz-vous parti du Togo pour Accra ?

- Oh, je travaillais la-bas.

- Q - Tout à l’heure vous wez dit que le Togo-Bund avait des relations avec
Accra ?

- Parœ que M. Agboka, qui avait quitté Lomé pour Accra, avait toujours de
l’amour pour l’Allemand ; c’estpourquoi il a cr& le Togo-Bund, pour que tousceuxqui
ont émigré commelui en Gold Toast puissentseretrouver dans un cercled’amitié.

- Q - Le Togo-Bund n’avait-il pus l’idbe de faire revenir les Alhnands au


Togo ?

- Non ! Ça,c’estdu mensonge!

- Q - Comment avez-vous vécu la guerre de 1914 ?

- J’avais 14ans quand I,aguerre a eclate, en 1914.J’étais à l’école allemande


jusqu’en 1916-17,moment où j’ai reçu mon œrtifrcat.

34
- Q - Este que vous avez arsisté d lkrriv& des troupes angles, kè 12
août 1914, d Lomé ? Est-ce que vous vous en rappelez ?

- Oui, oui, je me rappelle,parcequ’on nous adit que lesEuropkns, s’ilsveulent


detruire un pays qui est en bordure de la mer, ils envoient des bateaux pour le
bombarder. Ainsi, ma famille avait quitte Lame pour rentrer dansla brousse,a T&vie
ou àAdangbe, pour éviter lesbombes.

-Q- Est-ce que vous vow rappelèz ces premiers temps de l’occupation
anglaise ? ces troupes angliaist?s, qui Ment noires t’étaient des Sierra-
Monais-, est-ce que vous lks ressentiez comme des ennemis ?

- Non, non ! nous ne savions pascequ’on appelle ennemi, en ce tempslà. Ce


sont des hommesqui sont venus,des soldatsqui sont venus ; nous n’avions aucune
différence entre l’ennemi et l’ami.

- Q - Avez-vous rencontré ces soldats dùns h rue ?

- Oui ! Nous chantions avec eux dans la rue : «Oh ! oh ! oh ! soldatspassent,


soldatspassent !WEt c’étaittout. Nousavionsvu lesAllemands,les soldatsallemandset
les soldats anglais,puis les soldatsfrançais. Quand ils sont rentres, ils sont tous des
soldatspour nous.

- Q - Vers la fur de’ la guet, vem 1917.1918, est-ce que vous, vous pensez
que les gens espéraient que les AL%ma.ndk revrendrarent, ou est-ce qu’ils
espéraient que les Anglais resteraient ?

- Le changementdesméthodesdela conduitede la ville a fait quequelquesuns


disaientque,au momentoù lesAllemandsMent avecnous,çanesepassaitpascomme
ça.Quand lesAnglais ont quitte et que lesFrançaisont occupele Togo à moitit!, alors
desgensdisaient : «Oh ! aveclesAnglais,c’etaittrès bien !». Ainsi, quand lesFrançais
sont venus, beaucoup ont quitte le Togo pour suivre les Anglais à Accra, en Gold
toast.

Au tempsdesAllemands,si on arrêtait un voleur, on lui cassaitlecul, n’est-ce


pas ?, avec le bâton et on le jettait en prison. Avec les Anglais, si quelqu’un fait les
memesbêtiseson dit : oh ! voilà, aThief! thief !you go away here! » Et apr&s,on lui
donne une petite punition. Quant auxFrançais,ils neveulent paslesvoleurs parœ que
le voleur derange les gens. Vous ne pouvez pas dormir sansfermer la porte. Les
Françaissont tr2s sevères,commenousen avionsvu dansmajeunesse.Ils font du bien
pour œlui qui seconduit bien et chicotent(11) œlui qui tait du mal.

(11) Battre b coup de badine.

35
- Q - Et pendant la saconde guerre mondiah, &-ce que vous pensez que
les gens de L.omk attendaient le retour des Allemands ou est-ce qu’ils
prbf&aient que les Françat restent ?

- Les gensde Lame n’avaient aucune pr6f6rence. Nous etions dkjà habit&
aveclesEuropéens. Ceux qui viennent cheznous, rester avecnous,sont nos amis,et
je suisun ami desAllemands,un ami desAnglais,un ami desFrançais...

36
no 4

UN FONCI’IONNAIRE ET HOMME POLITIQUE


M. Georges Amakoé APEDO-AMAH
(né en 1914 à Aného)

-Je suisarrive àLomCdefinitivement en 1926.C’Ctait pour subir l’examen du


certificat d’etudes.C’etait un kvenement.Nous Ctionsune centainede candidats,dont
on n’a retenu que44 admis: œ n’etait pasbeaucoup...C’était une fête, c’etait quelque
chose! On n’a pasl’idee de œ quec’était !

-Q- C% devht être la toute première promotion, ou peut-h? là


deuxième ?

- Non, œ n’était pasla premiete,ni la deuxieme: c’etaitla sixieme,je crois.On


avait commenceà faire le œrtitkat d’étudesen 1920.

- Q - Oui, mais, h Lomé, 1920, c’est kè moment OLI les Anglais pussent la main
aux Français ; les écoles frwaise n)r ont commencé qu’à ce moment-h.
Vous avez donc fait partie dè cette @at+&on qui a débuté l’école à partir
& 1920 ?

- Oui, j’etaisdéjà à Ecole en 1920.

- Q - A quelle école étiez-vous d ce moment-là, d l’école française ou


anglaise ?

- A l’&ole frayise, à Aného.

- Q - En Qèt, les Français t%aient d Anèho depuis 1914, et M~ole y avait


alors dt!buhZ en frBnçak. Le cert$ùxt, en 1926, c’est P&ape majeure de kà
vie diur e@nt qui arrive à la fur des &As primaires, n’est-ce pus ?

- Exactement,et c’était dlebre commequelque chosed’extraordinaire, alors


quemaintenant lescandidatsau œrtitkat d’etudessont innombrables.

Jevous disaisdonc que c’estàcetteoccasionqueje suisvenu àLomé definiti-


vement.J’kais déjà venu deux ou trois fois avecmesparents.Mais cette derniere fois,
j’etais un grand garçon, prêt à affronter le savoir.

37
- Q - Quel &ge aviez-vous en ce tkwnps-ii3 ?

- J’avaisonzeans.Lame &ait une trespetite agglomeration,qui s’etendaitde la


mer au Zongo, là où il y a la nouvelle BTCI ; le Zongo était un quartier exœntr6.Et, ici,
le quartier quej’habite maintenant(1) n’existaitpas: tout à l’entour dela ville, c’étaitdes
plantations de cocotiers, sauf le Zongo (ou descendaient les étrangers, ceux qui
venaient à Lame), et puis Amoutive, qui etait encore un village separe.Il y avait de
grandsespacesvides qui separaientLame d’Amoutive, qui est devenu maintenant un
quartier de la ville.

- Q - En arrivant d’Qn&o, qui était quand même une vrai& vi&, pas un
V&S, qukst-ce qui vous a fmpp& en voyant Lomt! ?

- Ah ! Lomt, bien que petite, était quand même remarquable par rapport ii
Aneho. Ce n’etait pasquelque chosed’extraordinaire, maistout de méme,on remar-
quaitqu’ilyavaitbienplusdegensàLom6qu’àAnCho; ilyavait les&oles,la foule...

- Q - Par h: suite, vous avez wntinué hz sckrkation secondaire d Lomé?

- Il y avait cequ’on appelait alors le cours complementaire, quej’ai frequenté


pendant trois ans.Ceux qui avaient de la chanceils Ctaient très peu nombreux (2)
allaient en France pour suivre dans lesLycks. Voilà cequ’etait la vie scolaire en ce
moment-la. Si vous aviezvotre certillcatd’etudesc’etaitla lin ; vousvous arretiez-là,et
vous cherchiezun travail. Vous n’en cherchiezpasen réalite : on vous invitait àaller
combler lesvidesqu’il y avait ii œtte époquedans l’administration ou danslesaft%ires.

- Q - A onze ans, on ne vous proposait tout & même pas encore d’entrer
dàns l’administmtion ?

- Non, bien sur. Il fallait quej’accomplissele cycledecette École,œ qui faisait


quatre ansen plus.J’ai BtCdisponible pour travailler a l’âge de seizeans.

-Q- Ce wum wmplthmtuh, CM bien ce qu’on a appel2 ensuite le


Lyc&e Bonnecarrère, en face de la grande poste ?

- Oui, c’estœt immeuble-la (3). A l’origine, œ n’était pas œla. J’ai fait ma
deuxieme la-bas. La Premiere ann&, nous Ctions dans une école... Comment ça
s’appellemaintenant,la Direction prèsde la CFA0 ?

-Q-La SNI?

- Oui, c’estça; j’ai fait maPremiereannkelà Il y avait d6jà desgensqui faisaient


la deuxieme anrke. Nous n’étiolnspas nombreux. Dans maclasse,nous etions onze
condisciples,et dansla classeau-dessus,ils Ctaientmoins que ça,neuf ou sept...
(1) hw--kPe pr)s de ta P@-=
(2) Un en 1926, un en 1927, mis en 1924 qd pa.smmt lau baccolmutat en 1931.
(3) L..e b&imuu (octue& ENA) c.vt ce en 1927-28.
38
- Q - Avez-vous gardk en mémoire certains noms de votre promotion 1

- Oh.., ils sont morts, pour la plupart. Mais je peux encore parler de cette
epoque: Hans Grüner, Ernest Krüger, Louis Kokou Hunkpati, Huedako Ambroise...

- Q - Le corps enseignant était-il entièrement français ?

- Entièrement français.Les instituteursde Francequi étaient détachesici assu-


raient aussila direction del’Enseignementdu Togo, enmêmetempsque la direction du
courscomplémentairede Lomé.

- Q - Est-ce que vous avez le sentiment qu’ils s’adaptaient à ce pays qui etait
nouveau pour eux, qui avait connu une scolarisation dans une tangue
différente ? Est-ce qu’il y avait un effort pour avoir une qualité particulière
d’enseignement au Togo, ou est-ce qu’on y faisait la même chose que
partout ailleurs ?

- Oh, je crois qu’on faisait la même chose que partout. Il n’y avait pas de
conditions particulièresauxquellesils auraient dû s’adapter.A mon avis,c’etait facile
pour eux.

-Q- Vers 1930, vous terminiez donc votre cours complémentaire, et


ensuite ?

- J’ai éte engagétout de suite pour travailler.

-Q-03?

- Ecoutezbien : au cabinet de ce qu’on appelait alors le commissaire de la


Republique, c’est-à-direle gouverneur du Togo.

- Q - Quel gouverneur ?

- E3onnecarrère
lui-même (4) !

- Q - Que vous faisait-il faire, à quinze ans ?

- Ah, j’etaisà peu prèscommeun homme. C’etait pr&oce, c’estvrai ! Ce qu’on


medemandait,c’etaitle travail de commisexpeditionnaire,commeon l’appelait autre-
fois. Et dest par la suitequeje mesuisdegage,je mesuisadaptemoi aussiau travail, à
ce qu’on pouvait me demander.

(4) Au Togo de janvier 1922 d a%xmbre 1931 ; il a fortement marqué le Togo fiançais.

39 u
- Q - Od bit votre svvice ? Dans l’actuel palais des gouverneus ?

- Oui. Jecroisquej’ai travailld danspresquetouteslespiïkzs; j’allais de section


en section. Il y avait, en ce moment-l& le cabinet proprement dit, le bureau du
Personnel, le bureau desAffaires politiques... Jecirculaisdans cesbureaux.

-Q-Al’époqueallemande,,yavaitunpetittrainquireüaitlepalaishla
ville. En 1930, wmment est-ce qu’on se rendait au palais des gouverneurs?

- Oh ! par la rue.. Les ruesn’étaientpasgoudronnks, maisellesexistaientdejja


On allait à la garepar l’avenue dela Victoire.

- Q - Actuels avenue de Sarakawa ?

- C’est ça,et l’autre avenue, l’avenue Albert-Sarraut (5) qui passedevant la


nouvelle présidence et qui va 4 Goyi Score, à la Chambre de commerce. Et puis
deni&re, il y avait une rue presquedéserte,qui côtoyait la cocoteraie.Comment est-ce
qu’on l’appelait ? Je nesaisplus...

- Q - Est-ce l’avenue des Nems, qui passe sur kà petite phce ronde et qui
va d L’OPAT ?

- Non, non, celle-làn’existaitpas.C’estune rue qui contournait le stade,ce qu’il


y avait comme stade: lesgensfaisaient dela bicycletteautour. Le stadeestresd là où
il etait,maisil était t& petit à l%poque.

-Q- vous-dme, or2 habitiez-vous?


- J’ai habité dansles premiers tempsl’internat du cours complémentaire.Mon
cousin habitait rue du Chemin-de-fer, au niveau de l’actuelle papeterie NOPATO,
juste en face. C’était sablonneux. C’était un petit village. Jevoyais passerle train, et
quand je le voyais passer,j’Ctais pris de nostalgie parce que ce train allait à Anèho.
J’aurais bien aime le prendre, maisje levoyais passersanss’arrêter...

- Q - Vous &es donc S(U~S doute l’une des rares personnes encore vivan-
tes à avoir approché le gouverneur Bonnec~re, au moins de loin. Avez-
vous gardt! des souvenirs dè lui ?

- Oui, oui. ;P&aisdansson cabinet.J’étaisun petit bonhommequi venait auprès


du gouverneur. J’allais levoir pour certaineschoses,oului-m@mevenait danslesbu-
reaux.C’est un homme remarqu,able,trksUgant, toujours bien habillé. Jeconserve
de lui le meilleur dessouvenirs.Je ne l’approchaispastous lesjours, commeje l’ai fait
avecsessuccesseurs, maisj’allais le voir. Il était tr& impressionnant.

(5) Actuelle avenue de la p*Rsuienue. Albert Sarraut était minhre des Colonies dans les
ondes 1920.

40
- Q - Il faut rappekèr ici d nos auditeum que le gouverneur Botmecamh
est md dix ans mphentant & kà France au Togo : ckst cehi qui a
v&itablèment fait lïmplantahn de h colonisat~n française et qui a me114
cette politique -d l’époque tout d fait originale- d’association, avec le
«Conseil des notables» qu’il avait cr& dès son arrivt!e, quelque chose
qu’on ne tmuvait nulle part ailkrs.

- Je vous remercie de nous l’avoir rappel& Ça en vaut la peine. En effet nous


avions cequ’on appelait le Conseil desnotables.Ils ser&tnissaient une fois par mois,
ou quand le besoinsefaisait sentir,et j’ai &e quelquefois interprete devant le Conseil
des notables. J’étais là, j’interpr&ais ce que disait le gouverneur, et, de l’ewd en
français,je traduisaismessieurslesnotables.

- Q - Les notables ne maîtrisaient donc pas assez le fra&s pour s’txpri-


mer dans cette kàngue. Est-ce qu>iLF pouvaient lè faire en anglais ?

- Non plus @étaientdesgensqui Ctaientlettres,sansdoute : certainsavaientett!


desfonctionnaires allemands,desinfirmiers, desaides-mkkcins, les autres descom-
merçants.Mais ils ne pouvaient pass’exprimeren françaisdirectement.

- Q - Ni en anglais non plus ?

-Je ne crois pas,l’expcrience n’a pasétc tentke. Et s’ilsS’&aient expri-


mésen anglais,çaaurait Cteune double difficulte.

-Q- Est-ce que vous pouvez vous souvenir des personnalités les plus
marquantes a% ce Conseil des notables, lès gens qui prenaient le plus ià
parole et disaient lm choses les plus i.n&mantes ?

- Oui, il y avait desgensqui s’exprimaientbien : Augustino deSot~, dont vous


avez entendu parler, Felicio de Souza; il y avait aussiAnthony, dans les premiers
temps.Par la suite,il y avait le pasteurBaeta...

-Q-Le s-ur du gouverneur Bonnemrrh, Robert de Guise, n”


pas une personnalité aussi sbduisante, ni un gouverneur aussi eficace,
puisqu’il a eu d @iionter lès journkes d’émeute dè 1933. Est-ce que vous
y étiez ? Racontez-nous un peu ces journées.

- Oh, lesaffaires de 33 ?J’en ai 6té acteur...Comment l’émeute a Uaté, cela


m’avait surpris.A mon figeet avecmon expkience naissante,je n’avaisjamais rien vu
commep, ni entendu parler dequelquechose commeça.Jemesuisrendu au bureau
le matin (6) ; l’kneute a tUaté dansl’apr&nidi.

(6) Du 24 jmwùr 1933.

41
- Q - Pouvez-vous rappeler aux auditeurs quel était le contexte qui a
amen4 cette heute ?

- Le contexteétait la questionde l’in@, l’imp& trop fort qu’on demandaitaux


gens,et qu’ils ne voulaient pas payer. Alors ils sont descendusdans la rue avec des
palmes, en sedirigeant vers le palais du gouvernement. Ils ont et6 renvoyéspar la
police, mais ils sont revenus à la charge le lendemain matin (7). C’est alors qu’un
administrateurdesColonies,M. Henri Frtkt, s’étaitoffert Il a dit : «Moi, je connaisles
gens; je peux leur parler», etc. Alors, il est parti en m’emmenant aveclui pour servir
d’interprete. Nous avonsfait le tour de laville. Cejour-là, on est revenu bien tard au
palaisdu gouvernement.

- Q - Y avait-il accahie aux abora du palais ?

- Oui, maisdansla ville, il n’en etait rien. Nousavonsdu, le lendemain,retourner


et faire le tour de la ville Quand nousvoyionsdesattroupements,nousnous arrêtions,
et M, Fr& parlait, j’interpr&ais. Voila pourquoi je medisCO-acteur...

- Q - La principal& victimes, sur le moment, ont &! kès fleurs des parterm
du gouverneur que la foule a pi&n&s, hst-ce pas ?

- Ce furent lesseulesvictimes,en effet. Il n’y avait pasdeviolence : ce n’était pas


danslesmoeurs.

- Q - Quehphn nous a dit que les heutiem avaient une certaine chanson
qu’ils chantuht. Est-ce que vous vous souveuez de cette chanson ?

- Oh ! il n’y avait pasde chansonspeciale,créée pour la circonstance,je crois.


Mais on a dt3prendre dansle repertoire quelque chose...Je ne me rappelle pas.

- Q - DM baient partis lt~ heutiem ?

- Etant aup& du gouverneur, je nevoyais pasd’où ils venaient exactement,où


&ait l’attroupement.Mais ils avaientpris le boulevardAlbert-Sarraut,la rue qui longe le
Palaisactuel.

- Q - D’après ce que j’ai lu, i& se rhnissaient h la place Tonyéviadji, c’est-


à-dire pmque en fac;e dè In «HoUando~, d hagk akne par rapport au
supermarché uHolhndo». Qu’est-ce que cVtait : une esptke de dancing?

-Certainement. Jenesais pass’ilss’attroupaient ChezTonyéviadji, parceque


ce n’ktait pas central. Enfin, c’estprobable. Oui, Tonyeviadji était un dancing : les
samedis,les gensallaient danserla-bas.

42
- Q - Vous vous y rendis aussi ?

- C’était demon âge...Je m’y rendais avecdescopains pour danser.


. Q - Après lès jourdes exaltantes ah 24 et 25 janvier 1933, il y a l’arriv&
des troupes françaises du Dahomey et r<t, c’est devenu beaucoup moins
drôle...

- Et de Côte-d’Ivoire ! Un soldat de C&e-d’ivoire à qui quelque choseetait


monte à la t&e a tire descoupsdefusil dansla foule. Il y a eu desmorts. Çac’esttriste.
Jem’en rappelle bien...

- Q - Est-ce que vous avei! kè sentiment que ces journks ont marqué les
gens, c’est-à-dire dans leur attitude vis-à-vis des nouveaux colonisateurs
français ? Est-ce qu’on peut dire que jusque-ld, grke d la politique habile
de Boruaecarrère, ça se passait bien, tandis que Ià, ilh rencontrent une crise
économique extrêmement violente. Les gens, brusquement, ne vont-ils
pas dire : ça ne va plus, ces nouveaux colonisateurs ne sont pas bons ?

- Ça n’a pasCtejusque la...On a deploré évidemmentqu’un gouverneur comme


de Guise soit venu remplacer Bonnecarrere. Les sentimentsn’ont pas 6tCplus loin,
autant quejesache. Ilyaeu un regaind’activitédecequ’onappelait le&%gA?undu,
associationgermanophiledont lesmembressesontdemandescequ’il fallait faire, si ce
n’estpasunebonne occasionpour sedétàiredesFrançaistout de suite,et de retrouver
lesAllemands,qu’ils esp&aient toujours voir revenir.

- Q - Est-ce que vous pouvez nous développer ua peu plus vos idées sur
le Togo-Bund ?

-Je n’ai paslesdocumentssouslesyeux.Mais jepeuxvous en parler uneautre


fois, si vous avezbesoin desdocuments.

- Q - Rappelons d nos auditewx que c’était un groupe qui s’était refugid d


Accra et qui envoyait d peu près tous les six mois des petiths h la So~i&!
dès Nations d Genève : j’ai rerrouv& les documents -il y a un dossier entier-
qui réclamaient le retour de unos maiIres &gi.times, le-s Alhxuuuh Ceci
jusqu’aux ann& 1936-37. Apparemment cela reposait sur quelques indi-
vidus, et, quand ceux-ci se sont las&, touf s’est dissous.
Mais est-ce que, dans l’adminktrafion française OIJ vous t%z, vous
y prêtiez vraiment attention ? Est-ce qu’on s’inquiètait de ces groupes, ou
bien les traitait-on par le mépris ?

- Oh non ! Paspar le mepris ! On s’eninquietait, on cherchait avoir lesgens,à


savoirqui ik étaient.Et mêmeBonnecarr&e causaitavecquelquesuns d’entre eux Au
depart, les Togo-Bund ne s’étaientpasréfugiésà Accra. Ils étaient ici, et, deslors qu’on
acommenceà s’interesserà eux,à lesapprocher, ils ont preferé mettre dela distance
entre eux et leurs prochains : ils sont partis à Accra à ce moment-là. 11n’y avait pas de
violence, maisdespetitions,regulierement.
43
- Q - Ap& ces hneutes & 1933, qui est venu h la phce du gouverneur dè
Guise ?

-Après de Guise, personne! On a supprime le poste, pour faire des


kconomies: on adonné le Haut-Commissariat auTogo au gouverneur du Dahomey,
Bourgine, nommecommissane dela Republique auTogo et affecte presqueimm&ha-
tement après au Dahomey,d’ou il dirigeait le Dahomeyet le Togo.

- Q - Nous voici maùhmnt dans d& ~JZ&TS qui ont dû être un peu ternes,
03 Lomé a perdu ks fonctions de la haute administration et 012 l*hnomk
est trés atone, très affaisscoe, jusqu’aux ann&es 1937-38, où il y a une
certaine reprise.

- Parfaitement, cesannées-la où il y a eu ccjumelage -en quelque sorte- du


Dahomey et du Togo, n’ktaient pasbien gaies.Nos Clèvesdu cours complémentaire
allaient a Porto-Novo, et un grand nombre de fonctionnaires etaient affectes au
Dahomey pour s’occuperdesaffaires togolaisesau cabinet du gouverneur.

- Q - Et vous ?

- Moi, je n’étaisphrsà Lome aœ moment-là J%aisà Lama-Kant.Le mouvement


n’a affecté que ceuxqui Ctaient à Lomé. J’ai quitte le Palaisdu gouverneur après les
emeutesde 1933.

- Q - Ça comxpondait-il à une promotion ou bien d de Ca m&hnce ?

- Vous avezdeviné ; c’etait en effet une punition.

- Q - Et wmment était Kara dans ces atut& 1935 ? Ça devait être un bien
petit bourg...

- Ceuxqui ont vu Kara aujourd’hui ne peuvent pasimaginer œ que c’etait. Ce


n’etait m&e pasun petit bourg : unerue, et c’esttout !

-Q-CWait10mtecmtmk.9

- Oui, la route centrale,celle qui va jusqu’à Dapaong.

- Q - Estee qu?il y a aéjà le pont actuel, en métal et ciment ?

- Oui, il venait d’tre construit.

- Q - On peut dire que c’est k pont qui a fait la ville, n&-ce pas ?
- Exactement : c’estle pont qui a fait la ville. Les gensqui venaient du sud ne
pouvaient pasaller plus loin sansemprunter une pirogue ou sanspasserà gué,Ià où le
fleuve estplus etroit. Cest le pont qui a permislesvoitures,lescamions...A œ moment-
hi, l’activid tkonomique ademarre.
44
- Q - Vous ng &iez sans doute quiur tout petit nombre dè fonctionnaires,
et tous originaires du Sud, parue qu’if y avait h l&oque peu dê gens du
Nord qui étaient alphab&i&

- Ah non ! Nous n’etions pas un tr2s petit nombre : il y avait beaucoup de


fonctionnaires : desmkkcins, desinfirmiers,...: ça,il en avait beaucoup,d’autant plus
qu’on combattaiten œ tempslà la maladie du sommeil Des équipesentieresparcou-
raient les villages, les cantons,pour donner des injections, faire la prophylaxie aux
gens...On a tait du bon travail. Oui, nous etionstous originaires du Sud

- Q - Ci!tait bien l’&@‘pe du docteur de Maquaissac qui dirigeait tout2


cette campagne contre Epidémie ?

- Oui, c’était l’équipe du docteur de Marquaissac,bas6eà Pagouda,qui a fait


beaucoup pour cetteregion et pour le Togo.

- Q - combien & temps 6% vous rest& d KWa ?

- Cinq ans, de 1933 à 1938 ; et je suis revenu là où j’étais, au cabinet du


gouverneur. C’était le gouverneur Montagne (8) qui était là.

- Q - Est-ce qu’il a vraiment méri&5 d’avoir une rue d Lomé ?

- Oui, commeancien gouverneur.

- Q - Vous avez donc V&U d ses cscés cette passe t& djarcile qu>a été la
deuxihe guerm nmdiak, avec la p&iode oi2 k Togo suit MOF &ns hz
France de Vichy, et ensuite, en 1943, bascule du côté de la France libre.

- EXactement!

- Q - Sans doute depuis k palais des gouverneur &iez-VO~ plus pen&


sur la politùpe générale. Est-w que vous pouvez nous txxonstituer que&
&ait là manière dont les jeunes pzs wmme vous vivaient les événements?
Notamment, avaient-ils peur ou esp&aient-ils que ks Allemands revien-
nent, en ws & d#iùte &fmitive de hz France ?

-Je crois quel’espoir que lesAllemands reviennent n’était nourri quepar les
vieux, ceuxqui etaient deja murs du tempsdesAllemands, qui avaient travaille avec
eux. Il faut dire que œ sentiment germanophile etait très fort chezceux-là,mais la
jeunessen’attendait rien du tout de semblable.

(8) Au Togo d’octobre 1936 b mars 1941.

45
- Q - En décembre 1939, il y avait eu Bnauguration en gran& pompe de
la statue de Clemenceau (qui est aujourd’hui dfugï& dans le jardin de
l’ambassade de France). Est-ce que les gens croyaient d la victoire de la
France, ou bien faisaient-ils semblant parce qu’ils avaient quelque chose
(2 craindre ?

-C’était le gouverneur Montagne qui avait demandécettestatue (je crois qu’il


était un fervent ami de Clemenceau).Nous, Togolais,nous avonscotisepour acquérir
cettestatue.C’etait une obligation, en quelque sorte...

- Q - 03 était-elle inst& tout d’abord ?

- A l’entrée du stadeactuel.

- Q - Est-ce que vous pensez qu’il y a eu une difference importante, pour


lè Togo, entre hz période vichyste et la période gaulliste ? Je préctie que
rai en tête Ptxemple de ht C&-d’Ivoùe, où cela a et6 très frappant : dans
ia période 1940-42, sous la France de Pétain, c’est té moment où les colons
blancs (assez nomb~~.~ en CGte-d’Ivoùe, alors qu’ils étaient très peu au
Togo) avaient kè mtwmum de pouvoirs et les indig&es le minimum de
droits. Ce qui fait que ces whwts ont très mal pris le passage à la France
libre, et ont boycotte le gouverneur Latrilh envoyé par & Gaulle. Latrille
a été obligé & s’appuyer sur les Ivoiriens. Donc il y a eu une alliance entre
le gouverneur gaulliste et la première intelligentsia ivoirienne contre les
cohms blancs. Est-ce qu’on trouve quelque chose d’un peu équivalent au
Togo ?

- Non. Pendant la deuxième partie de la guerre, il y a eu ce qu’on appelait


l’«effort deguerre»,auqueltout le mondeétait soumis,surtout lescultivateurs.On leur
imposaitd’apporter telle quantitéde pahnistes,telle quantitéde maïs,etc On menaitles
gensàla trique; alors ça n’a pasplu du tout ! Cela aet6 le soulagementgeneral quand
la periode de la guerre est pasde. Ça a donc CtetrRsdifferent de la Côte-d’Ivoire.

- Q - L%ffort & guerre avait-il été le même dans ht p&iode gaulliste et dans
la période vichyste ?

- L’habitude avait ete prise pendant la périodevichyste, mais ças’estaggravé


ensuite.

- Q - On m’a parlt! de hmrdes @ùsitions alors que, en 1944 surtout, ht


récolte avait été mauvaise pour cause de sécheresse : les gens étaient
oblig& d’acheter du mais d un franc le kg, pour le revendre d dix centimes
à L’Administration...

- C’estexact.Mais c’etaitjuste un an, pendant la p&iode gaulliste.

46
- Q - D’autre part le commet maritime ktait d peu pr& a~&& On n’avait
plus qukne dizaine de batww par an, au lieu de 400 d l’époque de hz
prosphittf : donc k @aires devaient aller assez mal ; les gens ne devaient
pas être dans une situation konomique bien jlom, à Lomé ?

-En effet, pendant la périodevichyste, on n’avait plus de bateaux.Nous avons


entendu parler de paquebotscoulespasloin d’ici.

- Q - Pendant ce temps, la Goid Chast voisine, qw’ 6tai.t grand% productrice


& cacao (eC la Anglais avaient besoin de cacao pour payer leur guerre)
était, eik, jlo* ?

- Nous allionsachetertout et tout à Accra,ou memejuste àcôté d’ici,à Denu, le


premier village (9).

- Q - Quelles étaient, d’après vous, les retombh sur la psycho@ie des


gens, de h comparaison entre ce marasme Bconomique du Togo et de la
prospérité de la Gold t3ast ?

- La conviction que lesAnglais gbraient mieuxleur territoire que lesFrançais.

- Q - Pourriez-vous nous parkr de la vie d Lomk penhnt cette seconde


guerre mondiale ? Comment vivaient lès gens ? Est-ce qu’ib avaient
vraiment des dificultés d s’approvisionner ou est-ce qu’ils arrivaient à
mener kèur vie tranquilhnent ?

- Il y avait desdifficultks parcequ’on nepouvait passeprocurer le nkcessaire.


Il y avait descartesderationnement.Il fallait aller cherchercettecarte pour acheterœ
qu’on avait librement avant.cela constituaitune restrictionqui était assezmal suppor-
t&.?.

-Q- CWzient bien stI.r lès produits dY.mportution qui manquaient. L.es
produits alimentaires t%aient-iLF suffiamment abondants ?

- On en avait ; mais, pendant cette période, il y a eu la famine suite à une


mauvaiserkcolte,et çacompliquaittout.

- Q - Il n? avait pas de privikgih ?

-Bien sur, il y avait desprivilegi&s, pour obtenir une cartede rationnement du


pain europeen,pour acheter aussiduvin, pour acheter le peu desarticles d’importa-
tion qui arrivaient et qui n’etaient distriiuds quecontre lesbons de rationnement..

(9) 6 bn b l’ou& de la ji-ontit?rc Top-Ghana

47
- Q - Ceux qui baient citoyens frangais avaient-ils ces privilèges ?

- Il n’y en avait que pour lescitoyensfrançais.

- Q - Sans cela, les gens continuaient-ils d mener leur vie normalement, d


aUer danser d TonyéFiaaji, au ctima ?

- La vie continuait, maiselle n’était pastrèsabondante,pastrès heureuse.


*
* *

- Q - Vous même, en ces années-là, vous étiez maintenant un homme jeune.


Aviez-vous déjd votre propre maison ?

- Oui, j’étais dejà ici.J’avaismapropre maison.Auparavant, ce quartier n’etait


que de la brousse.

- Q - Comment est-ce que vous êtes arrivé d avoir ce terrain ?

-Les gensont abandonne leurs cocoteraies,c’est-à-dire qu’ils ont fait deslots


pour lesvendre. C’était de meilleur rapport que d’avoir descocoteraies.Le prix du
coprahétait tombe definitivement.Alors lesproprietairestrouvaient qu’il etait meilleur
de lotir les terrains,de lesvendre cher pour desconstructionsplutôt que de continuer
àtenir à bout debras une cocoteraie qui nedonnait presque plus rien.

- Q - Les cocotiers étaient-ils déjà attaqués par la maladie de Kaïnkopé (10)

- Oui, il y avait deja cettemaladiede Kaïnkop4 qui attaquait lescocotierssur la


route d’Aneho. Tout n’etait pasattaqué.Lesgensont continue à r&olter, maisla chute
du prix du coprah faisaitque l’exploitationde la cocoteraiene donnait plus rien du tout,
ou pasgrand’chose.

- Q - Etiez-vous l’un des premiers à s’implanter ici ?

- Nous étions deux : M. Brenner et moi.

- Q - Qui était lè propriétaire du terrain ?

- La famille Adjalle, qui l’a vendu àd’autres,qui l’ont revendu aussi.

- Q - 03 habitikz-vous pendant IA guerre ?

- J’habitaisici. Mais cetteguerre,vous savez?nous la connaissionssur le papier,

(10) Wus ingukrissable qui a ravagi la cocoteraie togolaise (du nom du village aujourd’hui
quamèr- de Kagnikop!, denit?re le port).

48
nous ne l’avons pasvraiment subie. Même si nous avons souffert desrestrictions, ce
n’etait pasuneaventure dangereuse.

- Q - Pendànt ces ann&s dé la guerw, nous sommes presque vingt ans


après vdre arr&% d Loua&. Qu%st-ce qui VOI~Sa frappé dàus les &J@O~-
mations de Lomé entre 1926 et 1945-46 ?

- P&ais dejà un vieux Loméen,habitue à Lame. Je ne remarquaispaslesgrands


changementsqui intervenaient. Ce n’estqu’apr& que l’on disait : «Oh ! c’estvraiment
changé,il y a ceci,il y a cela...»,surtout la multiplication deshabitations,desmaisons.
Les Togolais sont desbâtisseurs; lesgensbâtissent: ils setracassentbeaucoup pour
œla.

- Q - Dans les andes 1930, il y avait eu, pour les fonctionnaires, la crdutibn
du quartier d’Hanoukopé. N’aviez-vous pas été tenté de vous faire
attribuer un terrain Ià-bas ?

- Non, parœ qu’il fallait ttre marie, p&rede famille, œ queje n’etaispasencore
aumoment du lotissementd’Hanoukop4(11).

- Q - Il ne suffwait donc pas de payer un terrain ou de se le faire attribuer;


aussi être un Monsieur instaué dans la vie ?
il fallait

- Oui ! @est1’Administrationqui octroyaitcesterrains; alors il fallait repr&enter


quelquechose.Ce n’etait pasterrible, maistout jeune, sansfamille, je ne pouvais pasy
prétendre.

- Q - Après k guerre, hnt? va connaître un «boom» dè la construction au-


delà du Boulevard circulaire, vers Octaviano-Nhimé, vers Lom-Nava...
Comment avez-vous vécu cette explosion spatiale de Lomé ?

- Avec plaisir ! Et touteslesnouvellesruesqui sefisaient ! Je m’amusaisà faire,


le soir, le tour desnouvelles rues,desnouveaux quartiers. J’en étais fier !

- Q - En v& ou en voiture ?

- En voiture.

- Q - A quelkè date avez-vous eu votre propre voiture 1

- Jen’en ai jamaiseuàœtteépoque-là. Il yavait toujours lavoituredeserviœ.

- Q - Quel modèkè?

-Une Peugeot203.

(II) 1928, 0VtX CzlZembn du C&C 02 In voie f&e en 1934.

49
-Q-EtkgouwneurMontagn4 ?hnmentse&pkça&il?envohux?ou,
comme Bonnecarrére hors des heures de service, b bicycktte ?

- En witure. Mais quelquefois,le soir, il montait à bicyclettepour sepromener,


maisil n’allait pasen ville : il faisaitjuste le tour du parc du palaisdu gouvernement.

-Q-OnaditCoutdl’lre~c;ombien&foLsla~&la~av<rit
&tf d@iiik pour ks gens dè Lomé! ah que, h c&t&, il y avait l%xempk
de h: Gobi Ckast. Bstee que cette comparaiwn n’a pas é9é un &ment
d&erminant dans la prise de conscience d’une jeune nation togolaise,
comme une entitt qui revendique très tôt sa spécificité!, puis son
autonomie ? comment avez-vous V~%U cela ?

- Eh bien, nous avons tous vécu dans l’attente d’un progr&s de l’institution
politique que nous avions. Tr& t&, nousavons eu un gouvernement autonome, qui
n’existaitnulle part ; c’&ait uneCtapeimkrsible pour nous.Nous nous attendionsà œ
qu’on franchisse les&apes. Le gCnCra1de Gaulle estvenu, et il a octroyk l’IndCpen-
danœ, mais nous avions d6jjà le gouvernement autonome, et nous en Btions très
contents.Nous savionsque la France n’&ait paspour l’Indépendance,car la Rbpubli-
que estindivisible ; c’Ctaitsimplementl’autonomie interne.

- Q - A cette @oque de Pautonomie, k premier ministre s@eait aàrw ce


qui est aujourd’hui k minis& dès Affaira étrangères, n’est-ce pas ?

- C&.ait le bâtiment le plus apte à recevoir le premier ministre àœ moment-l&

- Q - h’t les autres ministères, avaient-ils déjd leurs propres bureaux ? Le


nombre des bdtiments admiuistrat~s était encore bien faible.

- Chaqueministre avait sesbureauxdansles immeublesadministratifs.

- Q - Qu’ixt-ce qrre l’on avait fait des services des Chemins-de-fer qui
occupaient autrefois ces bdtiments ?

- Non,œ n’était paslesChemins-de-fer qui occupaient le bâtiment. C’était le


directeur des «Travaux-neufs»,c’est-àdire la prolongation du rail au-delàd’Atakpa-
mé,jusqu’I1Blitta, sur unesubventionde la France,tout afait à part desCheminsde fer.
Il y avait un directeur pour les Travaux-neufs qui habitait dans œ bâtiment (œ
directeur, autant que je sache,n’a pas beaucoup habité là-bas) (12). Ce sont les
Tmvau~~~& qui ont fait le tmvail deprolongation d’Atakpam6à Blitta. Ils avaient des
créditsà part. On nevoulait pasque lesressourcesdu Chemin-de-fer du Togo aillent
à cestravaux On voulait savoir combien çaco0tait. C’était un crédit à rembourser.

(12) L.cv travaux de prdongatio~r sbdtent -~proviso~- d Blitta en 1933-34. Ils ne


recomnunc~nt jamais L.c bdthent propre aux Travaux ncufi at l’actuel minidre ak
l’Information.

50
- Q - De même, après la guerre, il y a eu les crédits FIDES (131, qui ont permis
beaucoup d?nvestissements au Togo.

- Oui, lescréditsl?IDEs ont finance beaucoupd’oeuvressociales,desoeuvres


&onomiques aussi.

-Q- Vous-même, pendant fou& ces annt?es, avez-vous contiku? d mon-


ter dans la hit+archie administrative ? Etiez-vous toujours au cabinet du
commissaire de la Rt@blique ?

- Je n’étaisplus la-bas.J%ais membredu gouvernementautonome.

- Quel& êtait votre tesponsabilitt! ?

- D’abord quelquesjours à l’Enseignement, chargede la jeunesse,et ensuite


aux Finances.

- Q - Vous avez vu donc Lomé entre 1926 e.t 1986 : cela fait soixunte ans.
En dehors de h croissance simplement spatiale, qukst-ce qui vous paraît
le plus diffknt dans ha manière de vivre des gens ?

- Jecroisqu’il y a, pour la population, deshabitudesnouvelles.Ils ont beaucoup


profité desnouveaux tempsdel’économie pour construire, pour acheter deslotisse-
ments.Il y a eu une maturation d’ordre genéral,et d’ordre politique aussi.

- Q - Est-ce que, durant cette p&iode dè votre carrière, vous vous êtps
spécialement attachk aux travaux de Lomé, ou est-ce que vos fonctions
ktaient toujours nationales.

- Non ! Non ! Je n’étaispasattacheauxtravauxd’urbanismede Lomé. Ce n’était


pas de mon rayon, mais cela m’intéressait beaucoup, parce que je voyais ma ville
grandir, s’embellir...

- Q - Vous disiez que, quand vous étiez très jeune et que vous voyiez de
vos fenêtres kè train qui partait vers An.&, vous en aviez la nostalgie. A
partir de quel moment est-ce que vous vous êtes senti dkfinitivement
Loméen ?

- Assezt&.,assezt6t ! la nostalgiequandje voyaispasserle train, ça adure un ou


deuxans,et puis j’ai et6 pris dansla m&lée: je suisdevenu un vrai Lomeen...

(13) Fond~ d’hves- pour le D&eloppemmt Economique et Social, amibu& par la


France d ses &nitoires d+ique de 1947 b 1958.

51
no5

UN ENSEIGNANT
M. Jean Ayikoé SI’ITI
(né à Aného en 1907)

-Je suisvenu tout jeune a Lame, en 1917.Lame etait alors une petiteville sur la
côte du Benin, formée dequelquesquartiers :Adawlato, Anagokomé, Aguiarkomé,
Assivito,Amoutive, Hanoukop6, Zongo et Yovokomé (la résidencedesBlancs).

- Q - Quel @e aviez-vous ?

-J’avais une dizained’années.Jesuisné le 4juin 1907à AnCho.

- Q - Venant d’%ru%o, oh vous btiez sous ompation française, vous avez


donc franchi la frontit?re. Qu’est-ce qui vous a amené d Lomé sous
domination angkàke, en pleine guerre ?

- Cest mon oncle qui m’avait sollicité.Il était employéde commerceà LomC,et
il avait voulu quejevienne rester chezlui pour aller à l’ecole,et en mémetempspour
le se&.

- Q - Est-w que vous aNez déjd d Bcole d A&MI ?

- Les soeursallemandesnousavaient recrutesdansleur maison.On allait pour


s’amuser,apprendre lescouleurs,la forme desobjets...Mais œla n’a pasdure, car mon
p&rem’avait emmeneaveclui à Lagos,où j’ai V&X de 1913jusqu’a 1916.J’etaisencore
tout petit. J’ai fréquente un peu l’école anglaise à Lagos.A œ jeune Ige, je n’ai pas
retenu grand’chose...

- Q - Vous aviez donc wmmencb d apprendre un peu l’allemand avec kks


soeum d Adlo, puis un peu kngkàlk d L@IS...

- Ce n’etait pasen langueeurop&nne que nousavions étudié. On nousparlait


mina, et on nousdemandait la couleur et la forme desobjetsqu’on nous presentait,et
puis on chantait.En œ temps-là,t’étaient lessoeursallemandesqui nousfournissaient
les habits. On donnait pour lesparesseuxun vêtement rouge ; ceuxqui travaillaient
bien ou qui aimaient l%cole, on les changeait d’habits. Il y avait toute une varieté
d’habitsqu’on nousdonnait.

53
- Q - Et vous-&me, que portiez-vous ?

- Je n’ai paseu lesvetements rouges...

- Q - Lorsque vous arrivez alors d Lomé, à quelle kole vous met-on ? Et


dans quelle kàngue avez-vous commencè d étudier ?

- 1916-17,c’estle tempsoù le restedesAllemands,lespasteurs,lesbons p&rtu,


allaient partir, parce que, aprks la guerre, ils ont du rejoindre leur pays.Moi, j’ai
frequenté l’tkolede la cathedrale. Acetteecole, nousétions les tout-petits ; on nous
groupait dansune sallede classesousl’étage.C’estla que nous apprenions à compter
et àsyllaber en allemand. Ça n’a pasdure : les peres ont et6 expulsesde Lame.

- Q - Quand les d&ieu.~ alhnanh ont été expulsés du Togo, fur 1917 et
début 1918, qui a pris en ce moment-& le relak de l’école ?

- Ce sontlesAnglaisqui ont pris la succession.On aenvoyedu Ghana(autrefois


Gold Coast)desmaîtrespour Lomé. Il existaitl’écolecatholique,et puis l’tkole du gou-
vernement. Il y avait aussil’&ole de la missionprotestante.

-Q- Vous-même, pourquoi allia-vous d 1’Zcoik catholique ?

- Parœque mon oncle était catholique.

- Q - A 10-11 ans, vous &ez bien jeune pour avoir une opinion politique,
mais peut-ih vous est-ii arrivé dkntendre votre oncle en parler. Est-ce
qu>d ce moment-12 ks gens de Lomé espéraient le retour des Akwwuïs ou
est-ce qu’ils lk craignaient ?

- Non, lesgensdeLomé -comme tous lesTogolais, d’ailleurs- souhaitaient le


retour desAllemands.Je connaisdesfamilles qui ont refuse d’envoyer leurs enfants à
l’École parce qu’elles espéraient le retour desAllemands : œs camaradesd’enfance
sont restkstr&slongtempssansaller à Wole.

-Q- Vouwn&ne, vous cwnmencez une scohrisation en anglais et pu&


deux-trois ans plus tard, catk&rophe ! : les Anglais partent et il faut tout
twommencer. C’est ce que vous avez fait ?

- En fait,j’avais rejoint mon p&reàAneho en 1918.Malheureusement,mon père


estmort le 31 mars1921.Cen’estqu’aprésquej’ai cornmenckI’écolc française,à lYcole
regionale d’An6ho.

-Q- Vous y avez alors suivi le wlè complèt, et vous avez contiru&
ensuite au cours compkhentaire de Lomtf.

-Oui, j’y ai suivi le cyclecomplet.J’ai commencepar le CPl. Avant, on l’appelait


«petitesclasses».On s’asseyait:surlestroncsde roniers, à Adjido. Puisj’ai continue à

54
l’tkole de Zkbevi et termine mascolaritéélémentaire à Aneho-Kpota, avecle maître
Léopold Bandolph. C’estawc lui quej’ai obtenu le certificatd’études.Avant il n’yavait
pasbeaucoupd’tkoles ; le certificat d’etudesse faisaitseulementà Lomé : nous Ctions
venu d’Aneh passeravecceuxde Lomé. Quelquesrares el&vesvenaient de Kpalime
et d’Atakpame.En œ temps,il ny avait pasque lesmaîtresqui faisaientpartie du jury
des examens,il y avait aussi des militaires. Je me rappelle un grade, le capitaine
Sergent,qui nous a fait la dictéependant mon examendu certificat d’etudes.

-Q- En quelle an& avez-vous obtenu ce certificat d’tkdes ?

- En 1928.J’ai donc obtenu le œrtitkat et j’ai eu la chancede passer,parœ qu’il


fallait avoir une certaine moyenne pour quevous alliez aucours complementaire de
Lame. Cetouts complementaireexistaitdepuislongtemps.Ma promotion, qui etait la
huitième,comptait vingt eleves.Vous le savez,c’estle gouverneur Bonnecarrbrequi
a fait construireœt établissement(1).

- Q - Il s@it du bâtiment qui est aujourd’hui L’Ecole Nationale d’Admi&-


tratha, en face de la poste. Il &ait donc déjà achevk à ce moment-là ?

- Oui, il était déjà construit. C’estnous qui avonsCtelespremiers àfrequenter


œt établissement,qu’on appelait le «Petit-D&am. Nous portions un petit calot, avec
l’uniforme kaki ; ça nousdifferenciait un peude noscamarades,lesélèvesde œ temps-
la.

- Q - Vous avez donc eu la chance d’ouvrir le «Petit-Dakar+ devenu plus


tard le Lycée Bonnecarrère.

- Oui, parœ quec’estau tempsde Bonnecarrerequ’on a construit œ b$timent,


Lui-même s’interessaitbeaucoup ànous ; il venait desfois voir ceque nous faisions.
C’estainsi qu’une fois, il nous asurpris pendant qu’on Ctaità laséanced’etudes; il est
venu nous voir : «Mes enfants,vous êtesheureux ; vous vous éclairezà l’Clectricite»,
et il a commenceà poserdesquestions: «Qu’est-ceque l’&ctricité ?»...alors que nous
n’avions pas cela dans notre programme. Le lendemain, M. l’inspecteur primaire,
Monsieur hnbert, estvenu nous donner descourssur l’&ctricité...

- Q - C’était en quelle atu& ?

- En 1929ou 1930.

-Q- Est+e qu’il y avait déjd des maisons autour du col&&, d’autres
b&iments, ou est-ce qu’il y avait beaucoup d’espaces vules ?

- Le courscompl&mentairea Cteconstruità un emplacementoit il ny avait, tout


autour, que deschamps,deschampsde manioc ; il n’y avait aucunemaison.

(1) En- 1927-B.


- Q - Purlez-nous WI peu de Loti à l’tfjwque.

- Il n’y avait pasde bâtimentsà etage,sauf la cathklmle de la missioncatholique,


la maison des soeurs de la plage et l’tkole professionnelle, que nous appelions
&ro&r hum& (2) : c’etaitune tkole où l’on formait desartisans,descordonniers,des
menuisiers,desforgerons,dessculpteurs,desébénistes;ilyavait aussiuneimprime-
rie. Les Allemands nous envoyaientdesartistesici, pour preparer l’avenir desgens...

- Q - tilmment la vi& avait-t-elle t!voluk entre 1918 et 1928 ?

- Jevoudraisvous parler desrues deL.omC: engeneral, les chosesont changé.


On ne peut pas comparer Lame d’autrefois à Lomé d’aujourd’hui. Jevous parlais des
maisonsà etage: il y avaitaussiunemaisonà etageà la missionprotestante; on peut voir
aujourd’hui sesruines (3). Avant lesnouveauxbâtiments,il y avait une maisonà étage
sur pilotis,qui était en mauvaisÉtat,en ruines(4). Il y avaitaussi1’AmbassadedeFrance
d’aujourd’hui ; c’etaitles Domaineset le servicede topographie; l’etageetait habite par
le chef de service desDomaines.

- Q - Od habitiez-vous ?

- J’habitaisàla placeVan Vollenhoven (5), avecmon oncle,à l’emplacementde


la CICAactuelle. Les Ewéavaient desmaisonsàsoubassementClevéqu’on appelait
«haZf-deckm(6) ; il y avait quelques petits ahalf-decks# que vingt personnes ne
pouvaient pashabiter; on ne peut pasentrer nombreux danscespetites maisons ! A
l’est de la cathkdrale,vous aviez le grand-marchede Lomé. Il n’était pasvastecomme
aujourd’hui et entoure demaisonsJeme rappelle qu’à l’emplaœmentde la gendarme-
rie du marche, il y avait une maison appartenant ala firme A.G.T., qui fabriquait des
tonneaux pour l’exportation de l’huile, ou bien pour l’importation du vin. Le marche
Ctait divise en deux par la route d’Amoutivé, qui sedirigeait vers la plage. Vous aviez
au bout, à la plage,l’abattoir, ou l’on aconstruit ensuitela gareroutière. Il y avait aussi
là-basles premiers bâtiments administratifs,la toutepremibredouane (7). Quand le
marcheetait divise en deuxpar la route d’Amoutive, il y avait, à l’ouest,deshangarssur
plusieurs rangees.C’est là que lesvendeusesde tissusétaient installees,avecd’autres
revendeusesde produits manufactur& Il y avait au milieu de œ marche une construo
tion en pyramide,qui abritait une pompeaspiranteet refoulante avec sur chaqueke,
un robinet.

- Q - Vous venez de dire qu’il y avait des femmes qui vendaient des tissus.
D’apks vous, d quel moment est devenu importunt ce commerce

(2) En but : &.a makon des Frkw.


(3) L’&O~? rrés aWabr& à cbti du bloc synodol, rue Foch (Voir chapitre 15).
(4) Ancien ~~TPMTU de la Mission de B&u, remplact! vers 1975 par l’actuel bloc synodal
(5) Aujourd’hui en grande partie occupte par la banque VTB et l’agence Air-Afique.
(6) *Demi-ponts, demi-ttage.
(7) Datant de 1893, agandù avec là promotion de Lomc comme capitale.

56
féminin ? Parce que, h lbrigine, k wmmexe tbil en& les mains dès
hommes, n%st-ce pas ?

- Auparavant, il y avait aussidesfemmesqui vendaient.Ma mère aussia vendu


dansœ marché,depuislongtemps.DesfemmescommeMesdamesAmes,Hum, Akue,
Agondzé,Vandéet d’autres,venaient d’AnChovendreleurs tissusàLomeet acheter
d’autres produits ; ellesallaient jusqu’en Gold Coastapporter despagnes.Effective-
ment les femmesont tenu t& longtempsœ commerœ,qui prospkait. @estpourquoi
nous lesappelons couramment les&kzuw.

- Q - Quelles sortes ou quek types & pagnes vendait votm mère ?

- Ma mere avendu deswu~-.ti, puis lesqualit& infkieures, qu’on appelait


etchivivow(8).

-Q- Peut-être vous rappelez-vous quelles étaient ks couleurs de ces


pagnes ? Avez-vous k sentiment que t’étaient ks mêmes qu’aujourd’hui,
ou est-œ que k go& a changtf ?

- Vous savez,les pagnesanciensdifferaient peu de ceux d’aujourd’hui. Les


vendeusesde tissus,celles dont les parents avaient dejà des tissus,demandent aux
maisonsde commercede leur faire venir cestissus-làC’estpourquoi l’on retrouve les
m&mescouleurs,les couleursde l’ancien temps...Moi-méme, j’ai un complet boubou
qui estde l’ancien temps,du tissude l’ancien temps.Et puis j’en ai encore d’autres,
parœ que mamereavait laissequelquestissusavant de mourir. Je m’en suisservi pour
confectionner les habits que je porte quelquefois, dont le gout n’a pas tellement
changé.Ceque lesgensaimaient il y a50 ansesttoujours appr6ciC aujourd’hui. Il y a
des pagnes qui n’existent plus, mais il y a quand meme maintenant beaucoup de
vari&&, varietks de couleurs, vari&& dedessins...

- Q - C.lunment est-œ que ks gens s%abiUaknt, en œ temps42 ?

-Moi, en tant que petit kolier, je memettais un pagneaucou. Ça mesuffisait


quandj’allais à l’ecolt~ Lesenfàntsdemon âgefaisaientcommeça.Ce n’estpascomme
aujourd’hui, où les enfants se chaussentet portent des habits comme des grands.
Autrefois œ n’etait pasainsi : nos vêtementsétaient modestes.
*
* *

- Q - Revenons d Lumb dàns ces atan& 1930, au spectack de la vi&.


comment~Ipsnu?senœmoment-b?

-Les rues Ctaientsablonneuses.Plustard, on amisde la lateritesur une petite


largeur. Ckla permettait aux cyclistesdecirculer. Jevoudrais vous parler de quelques

(8) wPetit prix% alors que les wm: (surtout irqorth des Pays--Bar) mnt &s tisus les plus
chers.
57
anciennesrues de Lomé. Nous avonsune rue qui va du grand-marchéjusqu’au palais
desgouverneurs, celle qui passedevant la cathédrale, devant l’église évangelique et
qui va jusqu’au fond de LomC,d’oh vous voyeztrèsbien le gouvernement (9). Je crois
que lesAllemandsont pris certainespr&autions, car touteslesrues convergentversle
gouvernement.Il n’y enavait pasbeaucoup,maisil y en a unequi passaitpar Kokétimé,
d’où vous voyiezl’hôpital, et, plus loin, le palais(10). Il y a une troisième rue, «Sunger~
Sww~e»,devenue aujourd’hui l’avenue du 24-Janvier. Du bout de cette rue, vous
pouviezapercevoir, tr&sloin danslesarbres, le palais dugouvernement; et puis, il ya
la rue du Chemin-de-fer, qu’on appelait «Gakpodziu : c’etait une rue sablonneuse,
maislesrails passaientpar œ chemin-lapour aller de Lomé àAného. C’estpourquoi on
lui a gardé le nom derue du Chemin-de-fer.

- Q - Que& &aient les véhicules en circulation ? Est-ce qu’il y avaiC dé@


beaucoup de voitures, de vélos, de motos ? Ou bien nJ, avait-il qùe des
piétons ?

- Vous voulez savoir quels etaient les moyens de transport ? Autrefois, je


supposeque, si on vous envoyait à Agoenyive, vous marchiezjusqu’au faubourg de
Lomé ; vous alliez àpied ou à bicyclette.On allait aussià cheval. Vous savez,je parle
du temps où les grandes familles étaient de grands commerçants.Elles avaient des
employesqui les transportaient en hamac,ou bien les accompagnaient à pied. Ils
emportaient lesproduits manufactures: alcool,tabac..,qu’ilsvendaientà l’interieur. Ils
ramenaient de l’interieur le cacutchouc (1 l), qu’ils vendaient aux Europeens de la
place.Voilà donc leurs moyensde transport.Ici, à Lomé, quelqu’un m’a parle une fois
de pousse-pousse: une petitevoiture à trois roues...On faisaitsedeplaœr ainsi,aliteeS,
quelques personnes fortunees. J’en ai vu à Lame, de œs petites voitures, pas beau-
coup ! Jesaisqu’un Syrien (12) venait à Nglise en pousse-pousse.Il y avait aussides
automobilespriveeS,en dehorsde celledeI’Administmtion. Certainesfamilles comme
lesAjavon-commeAhyiviDoki~u,onl’appelaitainsi(13)-,enplusd’autresquejene
peux pasciter... Ils avaient les premieres voitures dela ville deLomé. Vous savez,je
n’etaispasassezgrand pour savoir lesnomsde tous cesgens-là,maisjesavais qu’il y a
beaucoupde grandesfamillesici, à Lomé, commeAmegbor,Tamaklo6, Shalley,Agbe-
ko...Oui, je ne peux pastout citer. Vous pouviezdoncaller sansrisque devous faire
écraser par une voiture... 11n’y avait pas encore de voitures quand on a mis de la
latérite sur quelques tronçons.On rencontrait surtout desbicyclettes.Je me rappelle
qu’un Monsieur avait mis un petit moteur àsabicycletteet, quand il passait,le petit
moteur faisaittant de bruit queçaattirait l’attention de tout le mondesur le cycliste! Le
gouverneur Ekmnecarrèreavait une petite voiture Renault, qu’il conduisaitlui-meme.
Il allait à Aneho, et partout où il voulait, avecsaRenault.

(9) Avenue du Maréchal-Foch et avenue de la Présidence, jusqu’uu vieux palais aes


gouverneurs.
(10) Rue des Kokdti (tx-Mar~k), qui se prolongeait dam le quariier administraiif:
(II) Caoutchouc naturel, cueilli dans les for& de la R@ien de.~ Plateaux jusque vers 192.5.
(12) Libanak Avant I’independance du Liban (1943), on ne faisait pas la a?ffkrence.
(13) Emmanuel Ajavon -infirmier, dM le surnom de ndocteur»- a eu trt?s t8t une automobile
personnelle.
58
D’autres souvenirs de quand je suisvenu ici comme Clevedu cours comple-
mentaire ? Il y avait dejà les&ungalowsu,lesmaisonsdesfonctionnairesdesChemins-
de-fer, rue du Champ-de-course (14). Il y avait l’usine d’egrenagede la Swanzy(15),
un egrenagede coton, juste avant le Boulevard circulaire en venant du centre-ville.
C’estun granddomainequi appartient aujourd’hui à la UAC.

- Q - Qukt-ce qu’il y avait encore de remarquable dans cette ville de L.om4


des anntb 1928-30 ?

- Les chosessedéveloppaientvite. On construisaitbeaucoup : voyezle Centre


culturel français,avecsonétage.Il a ete construit par M. Augustino de Souza(16).

- Q - CVtait une résidence ?

- Il n’a pashabité cettemaison,je crois.Je nesaispasquelle etait son intention.


Jecrois qu’elle était destineeà sesenfants,ou bien àla location...

- Q - Autour de la vil&, vous pouviez voir Lomé tout entour& de cocotiers

- Oui, il y avait beaucoupdecocotiers.Il y en a qui avaient profite de l’occasion


pour avoir de grandschampsdecocotiers.I-e vieux Timothy Anthony Agbetsiafa,OG
taviano Olympio, Monsieur Augustino de Souzaavaient desplantations partout. En
1928,il n’y avait pasde maisonsici. 11y avait descocotierspartout. I-es famillesAgama,
Lawson,beaucoupde familles...,avaientdeschampsde cocotiers.I-orne était entourée
de cocoteraies.C’estaprès,quand la ville s’estdkveloppk, que lesgensont commen-
cea lotir cescocoteraies,Ijour en faire desmaisonsd’habitation.

-Q- IL faut préciser que nous sommes ici tout prés de la poste de
Nyékonakpot!, dans un quartier qu’on appelait autrefolF «TSF» ou «Sans-
Fil». Aviez-vous, d l’époque, visité la station de radio (instauée pr& de
l’actuelle Direction générak des Postes) ?

- La TSF, la «télégraphiesansfil>>,etait tout prèsde moi. Je connaissaisceuxqui


travaillaient là, 1’Indigèneaussibien que l’Europ&n. Commenous n’étionspasencore
nombreux ici,on était peu degens,donc nousnous frkprentions. J’allaislà-bas,le soir,
pour écouter la radio chezeux.Le Noir s’appelait M. Hedegbé,qui travaillait avec
l’agent européen.

- Q - Quelles étaient les informations qu’on vous donnait ?

- Quand vous passiezlà-bas,vous ecoutiez ce qu’ils disaient et un bout de


chant...Nous nous intkssions auxchants.

(14) Logements de fonction (toujours habités) constrth en 1926 à W&rtkkw@j~


(15) En face de l’actuelle Caisse d’Epargne. La vieille jüme Swanq s’aFt fondue dans la
V.A.C. vers 1930.
(16) En 193% Apr& la guerre, le bdtùnent servait au+ rkeptionz et jëtq puis, L I’lndtpen-
dance, de mairie.
ci9
- Q - hiais ce nWait pas un lieu od tout le mon& pouvait allèr voir ou
tkouter ?

- Oh non ! C’etait parce que nous Ctionsproches,descamaradesdu quartier,


quej’y allais.Ce quartier estnéverslesannees193@1931. Mais avant,ici, detait partout
descocoteraies.La posten’existaitpas.Ceterrain devantmamaisonetait vaste,vide lui
aussi...le boulevard passaitdevant ma maison et allait tourner ici, c’était l’ancien
Boulevard circulaire (17).

- Q - En que& aut& avez-vous commencé cet& maison ?

- Jel’ai construiteen 1939.J’avaisachetele terrain et commenceà bâtir en 1934.

- Q - Qui etait lè premier propriktaire du terrain ?

- Le chefAdjaUed’Amoutiv& C’estlui qui m’avendu le terrain. Celuici Ctaitplus


grand que la portion quej’occupeaujourd’hui : il s’etendaitjusque là...Tout cecipour
150livres. Avant d’aller acheterle terrain, il fallait donner desboissons: une caissede
gin, du whisky. On aurait dit quec’etait quelqu’un qui allait se fiancer à une femme !
Vous donniez tout ça,et on vous fixait la date. Le chefvenait voir l’endroit qu’il vous
donnait ; vous faisiez encore une cérémonie ; vous lui ouvriez encore quelques
bouteilles de gin ; lesgensbuvaient, et aprb il disait : «Jevous vends ce terrain». Il
avait fUtéle prix à 150livres.

- Q - CWait d l’époque des Français, mais on vendait encore les terrains


en livres sterling ?

- C’étaitl’habitude.LesAnglaisavaientet6 ici,et on avait continuéà utiliser leur


monnaie bien aprèsleur depart.

J’avaispris le terrain un peu plusgrandquecelui quej’ai maintenant.Ensuitej’ai


eu des affectations ailleurs : j’etais à Sokode quand quelqu’un est venu s’installer
derrière ma maison.Cette personneétait une connaissance; aussi,je ne pouvaispasla
renvoyer.Derriere elle, iI y a eu un copain aussi...Mon terrain setrouva ainsi diminue.
Je ne pouvais rien faire ;j’avais lesid&s d’un enfant ; je medisais :je n’ai besoin que
d’un petit morceau,un petit coin pour m’instalIer.Cest pourquoi je suisrestesur une
surfacea) sur 20,un carre mesurant20 mettessur Xl metrcs.Voyez-vous,je n’avaispas
d’experience,en ce temps-là...

- Q - Ce ta+hwnial se faisait-il uniquement avec les Adjallk, ou bien &a&


ce &t?ml pour tous ceux qui vendaient les terrains à Lomé ?

- Cetait uniquement aveclesAdjalle : je connaisd’autrespersonnesqui ont fait


commemoi.

(17) Actuelle avenue Nicolas-Grunitdy, qui marque la limite entre le quartier administratif
et l’ancienne cocoteraie OrVmpio.

60
Vous voyez,auparavant,depuis chezmoi, ici, vous aperceviezle petit-marche
(18), et c’estnous-m&mesles habitantsde cequartier, qui avion trace la pistejusqu’au
terrain defootball, lUas (19).
*
* *

- Q - Pour revenir à vous-même et d votre txnih, jusqu’à quand avez-


vous suivi le cours comphnentuire d Lomk ? Comment en ï%es-vous
sorti ?

- Le courscomplt5mentahe deLom6,je vousl’ai dit, existaitdéjà au tempsdesAl-


lemands,depuis 191L..J’ai un cousinqui avait frequentk œ courscompk?mentaire,qui
a cessependant la guerre. Cétait lespretres allemandsqui enseignaientdansœ cours
compl&nentairecatholique(20).
Quand lesFrançaissontvenus,apr&, on a repris le courscomplementairedans
le bâtiment qui abrite aujourd’hui la SNI (21). Cétait l’anciencourscomplementaire,où
l’on faisait deux ansquand le nouveau courscomplementaire aet6 cr&, en faœ de la
poste(qui n’existaitpasla-basà cetteepoque).C’estalors quel’enseignementestpasse
à trois ans.Cest nous qui avons commenceà fréquenter œ cours complémentaire,
aveclestrois ansdescolaritk J’y suisentre en 1928et j’ai eu mon diplôme en 1931.On
l’appelait «diplôme de fin d’étudescomplementaires».

- Q - Qu’avez-vour fuit d ce moment-12?


-Vous savez,auparavant,lesFrançaisne preparaient que desfonctionnaires.
Vous sortiezde l’école : on vous engageaitsoit aux Chemins-de-fer,soit dansl’Ensei-
gnement, soit dans la Santé. Je me rappelle que, trks souvent, nos camaradesqui
n’avaient paseu leur diplôme du cours complémentaire ont et& envoyésà l’hôpital,
parœ qu’on avait besoin de genspour y travailler. On les prenait sur les bancsde
l’ecole, les certifiés comme les non-certifies. Si vous saviez lire et ecrire, on vous
engageaitdanstous cesdomaines.

Pour moi, à la sortie du courscomplementaire,la situationétait compliqke On


avait seulementbesoinde trois instituteurs.J’Ctaistroisièmeà notre examendesortie,
derriere les collègues Ameganvi Louis et Honassou. Me voilà donc le troisième
candidat à Ctreengagedansl’enseignement,et la question descrédits s’imposait.On
n’avait descréditsque pour deuxplaces,et on m’a dit d’attendre.Alors j’ai passedeux
concours,l’un aux Chemins-de-feret l’autre à la SCOA, et j’ai éte engagéà la SCOA (a
la &.B. Ollivant», a l’époque), et on m’a affectea Kpalimk J%ais àKpalimC quand le

(18) Assivimt (carrefour de la SGGG).


(19) Actuel yami aaak
(20) En face de 1’mchcvCchC.
(21) A h?poque cdemmde, école profwiowkde officielle @our former ahc+&x et compta-
bles pour IX~ation).

61
gouverneur Bonnecarr&e est revenu de sescongksen France. Il a demandé après
moi, chezmon oncle. On lui a dit que je me trouvais à Kpalimé, et il a envoyt5me
chercher. Le commandant de cercle de Kpalimé est venu me prendre de force, me
mettre dansunevoiture pour aller à Lomé. Aniv~ à Lomé, on m’a remis une décision
d’engagement: j’&ais engagéen qualité de «moniteur auxiliaire».J’ai été, ici au Togo,
le premier moniteur auxiliaire qu’on a engag& Si vous voyez le Journal officiel de
1931,vousverrezquej’étaisle toutpremier moniteurauxiliaire,payk 1OOFparmois
(pendantlescong&,onnemepayaitque50Fparmois).

- Q - La dèw premiers avaient été engagés d quel titre ?


- Ils Ctaientengagéscomme «moniteurs de l’enseignement»,parce que nous
avionsla possibilitédenousP@arer pour devenir instituteur par la suite.Et moi, je suis
pas& par cesvoies-là : d’abord moniteur auxiliaire,apr& moniteur, ensuitej’ai passéle
pré-concours pour devenir instituteur. J’ai eu encore bien desexamensà passerpour
devenir instituteur du cadre suerieur...

-Q- Ces premiers moniteurs, combien gugnuient-ils ?

- Je croisentre 400et 600F par mois : mêmeleshautsfonctionnaires gagnaient


600 - 700Fpar mois.Et c’&ait bien, bien pour vivre. J’ai V&U comme cela.Je mesuis
mari6 en 1935.Je donnais à mafemme 25 F pour notre nourriture. Mes parents ont
trouve que c’était trop, queje g&ak ma femme...

- Q - Est-ce qu’elle faisait déjd un petit commerce elhnême ?

- Non. Quand nousavonscommencé,elle etait menagere,puis couturière : elle


cousaitdespagnes,depetitesrobes.C’esttout. Mals après,ça s’estvite améliore parce
quej’ai progressédansmon service; j’ai eu debonnes rkmun&ations. J’étais estimé
par mes chefs, et on m’a demande de suivre les cours de pédagogie. Il y avait des
anciensinstituteurs-directeursqui nous preparaient. Il y en avait un, particulièrement,
qui etait très bon. Je l’ai eu au coursde pédagogiependant deux ans,et çam’a forme.
Cequi fait que j’ai toujours tmvaillk correuement dansl’enseignement.Tous meschefs
m’ont appréaé.

-Q- Dans quelles écoles avez-vous exercé en premier lieu ?

- Quand on m’a engagetomme moniteur auxiliaire, on m’a envoyé à Ankho.


C’estdonc lit quej’ai commencéiktravailler. Malheureusementil s’estpasséunincident..
On m’avait confie une petite classe: le CPl. Il y avait de petits enfants de 6 à 7 ans.
(CVtait mixte,garçonset filles). Un jour où je faisaisla classe,il y avait une fille -c’était
la fille d’un militaire qui s’amusait,taquinaitlesautres.Je l’ai interrogkeapreS,et elle n’a
passu mekpondre. Moi, jeune:maître sansexpérience,je lui ai mis une croix sur le
front pour dire qu’elle était paresseuse. Rentréeà midi à la maison,elle pleurait, si bien
qu’elle a retüskde manger.Son lkre &ait un adjudant de nationalire française,venant
du Dahomey(aujourd’hui B&in). C’&ait un mercredi,et jeudi &ait jour de congé: on
ne venait pas à l’École.Vendredi matin, je suis dans la cour (j’étais de semaine et je

62
m’occupaisde la propreté de l’école, et je devrais sonner la rentrke). Brusquement,
l’adjudant arrive et demandeà mon directeur :
- «oIl est-il ? Où est-il ?D
et le directeur lui disait :
-«Quiça?Quiça?»
Il fonce sur moi, lui qui &ait citoyenliançais :
- «Qui c’est?Qui a misunecroix sur le front de mon enfant ?»

Il étaitvenu armk,un pistoletà main ! P&aisbien étonné,&ant fraîchementsorti


de l’école.Je n’ai pasaccepdsesmenaces,et mon directeur m’a dit de me taire : c’était
un hommeexp&imenté; je me suistu.. Jesuisall6 inunédiatementvoir le commandant
decercle,appeléDecouture. Jelui ai exposelesfaits, et il m’a dit delui Ccrire.J’ai fait
un petit rapport aucommandantDecouture,qui I’a transmisau gouverneur Bonnecar-
r&eàLomé. J’aiaussiécrit immédiatementaugouverneurpourluidemanderdeme
faire affecter à L,omC.C’est œ qu’il a fait. Ce qui fait que j’ai enseigne à Aného
seulementun mois.

-Q - Et savez-vous comment cela s’est temint! pour ce caporal


irrascible ? Est-ce qdil a reçu une sanction ?

- 11n’a pas&é sanctionne.Mais commeDieu fait bien les choses,quandœt ami


aétCaffect6 ALomé, safille estvenue frequenter l’kole chezmoi, et c’estavecmoi
qu’elleaeusonœrtificatd’Ctudes... Ellevit encore.

- Q - Donc elle n’érait pus si paresseuse que ça...

- C’est son père qui avait voulu la rendre paresseuse! Parœ que moi, vous
savez,jeveux travailler ;j’ai l’amour du travail.

- Q - Vous voici donc affèd de force d Lord. Au fait, ça vous arrangeait


plutôt...

- Ça m’a arrange parœ que, arrivé àLomk, le chef deservice m’a d’abord mis
dans son bureau. Quelques temps plus tard, il m’a affecté aux cours de pédagogie.
J’&ais le seul qui avais eu deux ans de cours de formation en pédagogie, et ça m’a
rendu grand service.

- Q - Ainsi donc kè gouverneur Borumxurère connaissait individuellement


chacun dès jeunes kSt& togdak ? Il suivait leur carrière ?

- Le gouverneur Bonnecarrèrem’avait connu particulièrement parœ qu’il était


ami avecmon oncle. Quand il commandait desmeublesou bien desobjets en ivoire,
c’estmoi qui leslui portais.C’estcommeçaqu’il m’a connu.Je merappelle qu’à Andho,
il estvenu dansmaclasse,j’avais mis un dotiu, un pagneà trois couleurs,bleu, blanc,
rouge. Il m’a demandéœ que çareprésentait; je n’ai su quelui rkpondre. Il m’asignal6
à mon oncle,qui m’a fait une remontrance...

63
- Q - Après ces deux ann&s dè formation p~fes.Gmnelk wmphentaiy
d quelle école êtes-vous @ectté ?

- J’ai été d’abord àl’&rle regionale dela route d’AnCho. La, j’ai fait deuxans.
Ensuiteà l’&ole dite Marius-Moutet (22), ou &ole dela petite-vitesse.J’ai enseigneIà-
baspendant un certain temps,et puis on m’a envoyédansune autre, l’école Sanoussi,
où j’ai et6 directeur.

- Q - Pourquoi appelait-on certains &ablissements uécoks r&ionaks» ?

- Parcequ’il n’y avai t pasbeaucoupd’écolesauTogo, et ZILomé, ici, il y a une


Ccoleofficielle pour la region. Il en a étCcreée aussiaux chefs-lieux des cercles.A
Atakpame et à Sokodé, il y avait des&oles régionales ; tandis que les autres Ccoles
etaient des 6colesde village, qui envoyaient leurs Clevesà l’École régionale pour y
terminer leurs etudes,à partir du cours moyenou du coursClémentaire.

- Q - Donc l’&ok de h rot& d’%&o avait plus d’importance que tout&


ks autres koks de la vilk ?

- Ah oui ! C’etait la plus grande6cole! Les Allemandsavaient,je crois,fait cette


École (23) parce que le sol est en plancher, en bois : c’estle style allemand. Il y avait
beaucoup de classes,beaucoup de maîtres aussi.J’avais enseigné là-bas sous les
ordres d’un directeur.

- Q - Quant d LVcok dite aujourd’hui Marius-Mo&t, que vous appeliez


petite-vitesse, ça ne voulait pas dUe que ks enfants travaillaient mal ;
cVtait à cause du train b petite vitesse, je suppose ?

- On l’appelait école de la petite-vitesseparceque, vous voyez,elle etait située


à cote du chemin de fer, en face de la «petite vitesse».Plus tard, on a rebaptise cette
&ole quand Marius-Moutet était ministredescolonies.A l’origine, on l’appelait école
annexe,c’est-à-direla Premiere écoleapr& celle de la route d’Aného. Voilà pourquoi
on l’a appelee «&ole annexe de la petite vitesse»...

- Q - LVwk Bohn (24) esistait-elk &jd ?

- Plus tard ! l’&ole Bohn estvenue plus tard. Une fois l’ancien cours complé-
mentaire abandonne pour cr4er le nouveau (celui quej’ai frequente), l’etage de cet
ancien cours complementaire aservi delogement pour le directeur de l’&ole mena-
gère,qui en occupaitle bas.L’6cole Bohn a éte crééeplus tard, car c’étaitnotre jardin
quand nous etions aucours complementaire. C’est plus tard qu’on y aconstruit une
dcole à trois classes; moi-mCme,j’ai dirige cette école pendant longtemps. Il y avait
deuxcours moyensII. J’ai dirige Il’&ole avecun adjoint qui faisait le coursmoyen II B.

(22) Du nom d’un minhre des Colonies des anntes 1934 puis 1945. Le bkhent est
oucmand (1901).
(23) En 1903. (Voir chapitre suimt)
(24) Du nom d’un fmdateurde la (CFAO.
64
- Q - Et l%cok Sanoussi, qu’est-elle devenue ?

- L,‘&ole Sanoussiestdevenueune banque(25). C’estla banque qui fait face au


Centre culturel français.

-Q- Et l’école dite aujourd’hui Boubakar-N’Diaye ? L’avez-vous vu


construire ?

- Apres l’&ole annexede la petite-vitesse,on a construit l’école Boubakar. M.


Boubakar et moi avons travaille ensemble,puis j’ai enseignédanscette &ole. On m’a
prometteun peu partout entre cesCtablisscments...

- Q - Donc, dans les aides 1930, l’hfrastructm scolaire offikidle à Lad


était composée de l’école régionale et des trois t?coles primaires, qui
servaient, elles, uniquement aux enfant de la vilk ?

- Oui, c’estcela ; plus le cours complementaire, qui servait pour le paystout


entier.

- Q - A quel moment avez-vous pris votre retraite de l’enseignement


O&ie1 ?

- Au début de 1%2

- Q - Ce qui ne veut pas dire que vous êtes resttfs d la maison d vous
reposer...

- Vous savez,j’avais auprés desgensune bonne réputation. J’éduquais bien


leurs enfants.J’etaisun maître degourdi,et je faisaisplaisir aux parents.Des gensont
placéleursenfantschezmoi, en payantleur nourriture. Tout celam’a obligé àcr6er un
internat d’abord, et puis,ensuite,une 6coleprimaire, qui, plus tard, estdevenue une
école secondaire. J’etais aidé par des amis, des camarades; nous avons travaille
ensemble,en Ctroite collaboration.

-Q- Od étdelk, votre première Bcok priv& ?

- Mon école est devenue, aujourd’hui, le ly& de Nyekonakpoe. Je l’ai


vendue à1’Etat.Jesuismaintenant avanceen age; il faut avoir beaucoup depatience
pour rester avec les enfanta, même s’il faut se fâcher des fois... Tout ça, si j’avais
continue, peut-&treque je n’existeraisplus...

(25) A l+uque le fonds de la CEDEAO, aujourd’hui les assurances SICA-RE.

65
-Q- Avez-vous Se. de combien d’enfants, au cours de votre longue
carrike, vous avez pu amener jusqu’au niveau du certifkzal ? Est-ce que
vous pouvez en faire le compte ?

- Cette question medepasse,elle estplus forte que moi...Mais,vous voyez,j’ai


éduquébeaucoupd’enfants; je ne lesconnaismemepas ! Des fois, je passe,quelqu’un
vient me dire : «Maître !» Je m’étonne : «Qui es-tu ?»- «J’ai Ctevotre élève en telle
annee, a tel endroit, Tsevié, ou bien Amlame, Mango, Sokode...»Car, vous savez,je
me suispromené danspresquetoutes nosvilles de l’intérieur...

- Q - Est-ce que beaucoup de vos anciens h%ws sont devenus ensuite des
personnalith importantes ?

- Il yen abeaucoup,beaucoup ! Il y aeu parmi euxdesjuges,desministres, des


docteurs,desarchitectes...Trop pour queje puisselesciter...

66
no 6

L’ECOLEDELAROUTED’ANEHO,
PREMIERE ECOLE PUBLIQUE DE LOME.

M. Nassirou GERALD0
(Né en 1922 à Lomé)
assisté de
Mme Baï Faustine de SOUZA
(née en 1943 à Savalou, au Bénin)

- Q - Pourriez-vous nous évoquer le passé de cette école, la doyenne des


écoles primaires publiques de Lomb ?

- L’ecole de la route d’Aneh a été creee en 1904, soit sept ans après l’arrivée
des Allemands à Lame. Elle a été fermee pendant la première guerre mondiale et reOu-
verte le 13 mars 1926 par l’administration française, sous la denomination de «l’école
regionale de la route d’Aného». J’ai appris qu’elle aurait ete destinee à devenir le
dispensaire de la ville, quand elle avait éte fermée. Il ressort de ces informations que
1’ecoledelarouted’Aného est laplusancienneinstitution scolairedenotreville(1).
Pendant la période coloniale, l’École a éte dirigee par des Français, dont plusieurs se
sont singularisés parleur dévouement envers les premières generations scolaires de
notre pays.

-Q- Connaksez-vous le nom du premier directeur de l’école de I’éjwque


allemande ?

- Non, les vieux temoins de la vie de cette &ole ont tous disparu, et les quelques
informations que nous avons aujourd’hui ont éte glanées un peu partout ; personne n’a
pu me donner le nom des premiers directeurs de cette Ccole. Après les Français, les
directeurs étaient des instituteurs d’AOF,sortis de Victor-Ballot de Porto-Novo, de
Dabou et Bingetvilleen Côte-d’Ivoire, de William-Ponty ou Sebicotane au Senegal.
Au nombre de ces prestigieux pionniers, figurent les regrettes Boubacar N’Diaye,
Tokou Michel, Atayi Salomon, Henri Ajavon, Randolph, Marna Fouss&i et, parmi ceux
qui sont encore vivants, Atayi Ayayi et Ap&lo-Amah Moorhouse (2)... C’est grâce à œ
dernier que nous avons eu des informations sur la genèse de notre école.

(1) En fait cette prendre kole officielle a occupé de 1902 b 1904 l’actuelle tkole Marius-
Moutet, prb de la voie fede. Il y avait une tkole catholique a% les andes 1895.
(2) Tous deux d&&&% aèpuis cet entretien.

67
- Q - M. Geraldo, vous avez dirigé un moment cette école, n’est-ce pas ?

Apres Apédo-Amah Moorhouse, c’estmoi qui ai dirige cette École,de 1966à


1977.A mon arrivée, en 1966, je me suis rendu compte que l’étage (qui servait de
chambresà coucher aux directeurs) allait s’effondrer ; alors il a fallu le réparer et le
transformer en deux classes,
avec une nouvelle direction. Tout le rezde-chausséeest
restéintactjusqu’àcejour. Quantàl’etage,ilaétéseulementréhabilitécar,aucours
destravaux, on aconstatéque lesfers qui lesoutenaient étaient encore très solides.

- Q - L’École avait-elle beaucoup changé entre la période oh vous y étiez


élève et celle 03 vous y êtes revenu comme enseignant ?

- Quand je suis revenu à l’École de la route d’Aneh comme enseignant, en


1948,j’ai trouvé tout de suite que les effectifs avaient beaucoup augmenté. Quand
j’etais élève danscetteecole,on était unevingtaineou une trentaine danslesclasses.
Leseffectifsen 1948étaient de40à50parclasse: c’était deseffectifsdejàelevésence
temps-là. Les estradesdes classesont disparu, cesestradesd’où le maître pouvait,
depuis son bureau, regarder jusqu’au fond de la classe;le maître doit maintenant se
promener pour suivre lesenfants.J’ai remplace M. Apédo-Amah en 1966.Jen’avais
que 10classes. J’ai fait alors construire deuxclasseset un bureau pour le directeur. En
1948,on avait meme un Europeen, M. Verne, au nombre des enseignants; il etait
charge d’une classe.

J’avaiscommencemesetudesà l’kcoleMarius-Moutet, qu’on appelait autrefois


«&ole de la petite-vitesse»ou Écoleannexe.J’ai continue à l’ÉcoleBoubacaret, par la
suite, àl’Écolede la routed’Aneho en 1930,au cours elementaire deuxièmeannee.

- Q - Vous avez donc fait le tour des écoles de h ville...

- Presque! Autrefois, il n’y avait pasbeaucoupd’écolesà L.ome.Les écolesqui


existaientétaient cellesquejevous ai citées: Marius-Moutet, Boubacar,Bohn, Route
d’Aneho...

-Q- Pouvez-vous nous expliquer cette dénomination des écoles ?

- Marius Moutet estle nom d’un ancienministrefrançaisdesColonies (3). Cette


&ole s’appelaitaussi«petite-vitesse»parœ qu’elle etait dansl’enceintedu Chemin-de-
fer. Pour l’kcole Boubacar,c’estle nom d’un ancien instituteur de nationalite sénéga-
laise,qui a beaucoup travaille au Togo. Quant à l’École de la route d’Aneho, c’està
causede sa localisation,bien sur.

Sij’ai traversetoutes ces&oles c’estparœ qu’on n’avait pastous les coursdans


une mêmeécole.J’ai fait, par exemple,lesCPI et CP2à l’kole dela petite-vitesse; à
l’kole Boubacar,j’ai fait le CE1 et CE2. J’ai continué avecle CE2 à l’kcole de la route

(3) 1936-37, puk d nouveau a2.m les andes 1945

68
d’Aného,jusqu’au CMl. Par la suite,c’està l’tkole Bohn (Bohn, sij’ai bonnememoire,
c’estle nom dela rue qui passaità ci%&decetteecolelà) (4) quej’ai tait le COUTS
moyen
II et qu’on m’a pressenteau certificat de fin d’etudes primaires. Toutes cesécoles
avaient un seul directeur,qui passaitregulièrementdanschacunepour lesvisiter. A la
tête de chaque école,il y avait un «chef de groupe».

- Q - Qui était votre premier maître, un Noir ou un Européen ?

- Un Noir, un Togolais, M. Ap&lo-Amah Moorhouse. Il m’a fait faire le CPl, à


l’école de la petite-vitesse.

- Q - Et ensuite ?

-Ensuite j’ai continué mesCtudesjusqu’au cours supérieur, parce qu’à l’epo-


que,aprèsle certificat,il fallait entrer au courssuperieur avantd’aller aucourscomplé-
mentaire, sur concours.Après 3 ansd’etude au courscomplémentaire, on partait à
Dakar, d’où l’on sortait instituteur,commisd’administrationou médecin.Ce concours,
dont lesépreuvesétaient corrigéesà Dakar, sepassaitaux mêmesdatesdanstoutes les
coloniesde l’AOF.

- Q - Vous étiez donc venu dans cette école au CE2 et au CM. Est-ce que
l’école a gardé les mêmes bâtiments, ceux que nous voyons aujourd’hui ?

- Quandj’étaisBève,il y avait tout justesixclasseset le cyclen’etait pascomplet.


Aujourd’hui, vous avezdouzeclasses. Autrefois cetteécoledonnait directementsur la
mer, c’est-àdire qu’il n’y avait pasde rue entre la mer et Wcole : pour aller à Aného, il
fallait passerentre l’kole et la maisonTonyeviadji ; c’étaitla seuleroute qui conduisait
àAneho (5).

La cour était plantée de beaucoup de cocotiers souslesquels on jouait à la


toupie, a Sucoto ou escargot,à la corde, auxbilles surtout...Aujourd’hui, tous cesjeux
n’existentplus, et pourtant c’était desjeux intéressants.Beaucoupd’enfantsne s’occu-
pent plus quedu ballon rond,..Entre l’écoleet la SCOA,il y avait un grand depotoir et
l’abattoir ; le premier abattoir etait par là (6), justeentre l’Écoleet la maisonSCOA Si je
mesouviensbien, il y avait un bâtiment àCtages,où logeaient MadameHerdieux, une
ancienneinstitutrice de l’kole, et Monsieur JohnsonSamuel.

- Q - Quand vous @tes arrivb ici, en 1948, est-ce que la cocoteraie avait
encore sa vigueur ?

- Il y avait beaucoupdecocotiersdansla cour de l’école,et l’on vendait les noix


pour le compte de la mutuelle scolaire : c’estpar la suite que cescocotiers ont eté

(4) Du nom du fondateur de la CFAO, dont le siège esl tout proche.


(5) Cons@uite abs les ann&s 1925, aYte aujourd’hui wzcienne route d’An&oM.
(6) A l’époque allemande. LMplact? par la suite pr& de l’actuel MAROX, avant de rtfjoindre
le port b l’ouverture de celui-ci

69
abattus,parce que devenustrop vieux : ils tombaientà chaquegrand coup devent. J’ai
dû demander au service de la voirie qu’on lesabatte.

- Q - Est-ce qu’il y avait une rivalité entre vous et l’école de hz mission


catholique qui était d côté ?

- C’etait une petite école,juste à l’emplacementdu supermarcheHollundo. On


travaillait bien ensemble; il n’y avait pasderivalité entre nous. On s’entendait, on se
comprenait très bien. C’était une école à deux classes,qui n’avait pas beaucoup
d’élèves.Lagrandeécoledelamissioncatholiqueétaitàlacathédrale.

-Q- LVcole de kà route d’Ynéhe n’était-elle pas une école modèk, OP


chaque enseignant voulait travailler ?

- Parceque c’etait la plus grandeécole d’antan. Tout le mondevoulait passer


par là, où se faisaient !es cours de pédagogie. Pendant lesvacances,les instituteurs
europeensréunissaientlesmaîtrespour la pédagogie.Nous abandonnionsnosclasses
pour aller suivre lescours de pedagogie,desclassesmodèles,et ceci mêmeaprès les
examensprofessionnels.C’estlà où tous lescandidatsadmissiblesallaient passerleurs
Cpreuvespratiques et orales.

- Q - C’est une tkole qui a garde un grand prestige, n’est-ce pas ?

- Oui, elle a gardé son prestige. C’est avec plaisir que je revois cette école,
surtout parce quej’y ai ete commeCIève,et que j’y suisretourne comme enseignant,
puis directeur d’école. Chaque fois que je passepar là, je fais un tour pour voir les
enseignantset leselevesqui s’ytrouvent.

- Q - Mme de Souza, en fouillant vos archives de la période coloniale, vous


avez retrouvé ‘le registre matricule de 2939. Est-ce que vous pouvez nous
donner le nom du premier ék?ve inscrit dans ce registre ?

- Le premier elève de ce plus ancien registre conserve s’appelle Agbigbi


Kokou, inscrit le 6 mars 1939 ; il est sorti nanti de son CEPE avec d’excellentes
appreciations.Jevous rappelle que l’&ole a eté cr&e en 1904,maisjusqu’a 1939,nous
n’avons conserve aucun registre pour vous donner de plus amples informations sur
notre &ole. Neanmoins,selonScertains temoignages,cetteécolea toujours ete une tres
bonne &ole, où lesenseignantspassaientleur plus beau temps.

- Q - Monsieur Gerahio, t2 l’École Bohn, en dehors de la classe du cours


moyen deuxième année, est-ce qu’il y avait, pour les enfants qui n’avaient
pas la chance d’entrer au cours complémentaire, moyen de trouver
d’autres voies d’éducation ?

- Vous savez,en ce temps-là, on avait besoin de ces anciens eleves pour


travailler soità l’h6pital commeinfirmier soitcommecommisquelquepart Ils trouvaient
toujours quelque chosea faire. Les jeunes nechômaient pasdu tout...

70
Toutes les&oles deLomé, commeje l’ai dit plushaut,formaient un seulsecteur.
Al’&ole Bohn il y avait une forge et un grand jardin. Il y avait un calendrier établi, si
bien que toutes lesécolesdeLomé envoyaient leurs enfants àdesjours donnes soit à
la forge, soit à la menuiserie, et on leur apprenait à travailler le fer ou le bois, ou à
travailler au jardin. Il y avait aussiun grandchampscolaireà l’emplacementde l’&ole
deTokoin-Ouest.On y cultivait le maniocpour le comptedetoutesles&oles de Lomé,
qui avaientune mutuellecommune Deux instituteurs,MM. Sinzogaet Barriga,etaient
chargesde la forge et dujardin scolaire.Quant au chefde secteur,c’etait d’abord un
Européen,M. Soboua,puis,après,Monsieur Aquerebutu Par la suite,chaqueÉcolea
eu sadirection.

-Q- En quelle ama& avez-vous eu votre Certifxat d’&des et combien


dWt?ves &iez+ous au CM2 ?

- En 1937,nousetions24pn5sent.6par notre maître,Monsieur Kwamvi Laurent.


Voyez-vous,pour toutes les ecolespubliques de LomC, il n’y avait qu’un seul cours
moyen deuxibme anru%,à Y&ole Bohn. Nous, les 24,nous avons tous ete admis. On
Ctait tellement content de nous qu’on nous a offert descarnetsde caissed’epargne.
Chacunavait 10F dansson carnet! Celanousavaitfait grandplaisir.J’ai encorele mien,
que j’ai gardé en souvenir.

- Q - Et votre fonds wntinue d rouler dans ce carneC ?

- Non, je l’ai garde parœ que je n’avais pasd’argent à l’epoque, et


quand j’ai commenceà travailler, j’ai trouve que c’etait inutile de continuer avecœ
carnet.Jel’ai mis decôté; je le retrouve detempsen tempsen fouillant mesaffaires...
En œ temps,on avait dix centimespour aller àl’école ; avecles 10c,on mangeaitbien
pendantla r&r&ion, on etait bien rassasie: lesdix centimessuffisaientlargementpour
manger...

- Q - Comment passait-on les examens du CEPE et comment prochmait-on


les n%ukals ?

-La premièrematiere Ctaitla dictée.AussitBtaprèsla dictt!e,on ramassaitles


copies pour la correction. Pendant celle-ci, les candidats faisaient leur devoir de
r&laction. Tout de suite avant la fin desrt%lactions,on passaitdans les sallespour
&niner tousceuxqui avaientfait cinq fautesà leur dictée.Il ne restait dansdesclasses
quelquefois que dix, quatre, trois Clèves...Pour les candidatseliminés,c’était difficile !
Que faire pour sortir de l’enceinte? Parœqu’il y avait desvoyous qui criaient sur eux.
Certains jetaient leurs dossiersavant desortir. A la fin desepreuves 6critcset orales,
on donnait lesresultats.Il y avait deux centres: a la cathedrale et à l’ecole Bohn. Au
centre de la cathedrale par exemple, c’estdu haut de la maison à Ctages(7) qu’on
proclamait lesr&dtats. On appelait lesdix premiers,auxquelson serrait la main. On
donnait le nom deleur &ole et leur origine ; aux autres,on disait : «Allez, vous t?tes

(7) Archevtfchl.

71
admis».Notons qu’apr&r l’ecrit, il y avait desadmissiblesqui passaientles epreuves
orales (lecture, r&itation, lpns, histo-geo,l’education physiqueoù il fallait lancer,
sauter,grimper, em).

En cetemps (je veux parler desannees1937-38),aprb l’examen de certaines


Ctudes,les 30 premiers du Sud constituaient le cours supérieur de Lomé ; les 30
premiers du Nord allaient au courssupérieur qui setrouvait à Atakpamé. Par la suite,
les 60 Clèvesde LomC et d’Atakpamé se réunissaient à LomC pour le concours
d’entree au courscomplementaire.Jeparle de 1938,juste l’année où le courscomplé-
mentaire qui etait au Bénin (8) estrevenu à Lame. Nous étions,sur les60 candidats,14
admis,qui constituaient la Premiere annee avecceuxqui étaient revenus du Daho-
mey.Nous étions 14en Premiere année. En deuxième an&?, il y avait tout juste 12
&?ves,et 7 seulementen troisiemeannée,telsque Ekué Martin, Amorin C%ar, Edorh
Joël, Djabakou (le pharmacien)... Voilà ceux dont je me souviens. Ils Ctaient nos
surveillants. En deuxièmeannéeil y avait Mme Sivomey(9), l’ancien maire de LomC,
Monsieur Osseyi,l’actuelchef d’AmIame,Djeri Gbati. Il y a beaua~~pdenomsque j’ai
oublie, maisnous n’étions pastellement nombreux.Apres trois ansau courscomplé-
mentaire, il fallait passerun examendesortie. Un diplûme était decerneaux laureats.
II y avait aussi un concours d’entree à I’ecole normale superieure du Sénegal,un
concourspour toute l’Afrique OccidentaleFrançaise,avecpartout lesmêmesepreu-
ves.Nous étions 14candidats,et il y a eu, je crois, 8 admis pour continuer à Dakar.
Notre «Petit-Llukam, le courscomplementairede Lame, estaujourd’hui 1’EcoleNatio-
nale d’Administration, à cote de la grandeposte.

- Q - M. Geraldo, comment étiez-vous entr6 dans la vie ? La vie était-elle


aisb B I+$oque pour un jeune instituteur ?

- J’ai été embauchéen mars 1942dansl’Enseignement,en qualité d’instituteur-


adjoint stagiaire, au salaire mensuel de 325 F. En ce temps-là, une somme de 150 F
suffisaitlargementpour la nourriture du mois.

Aujourd’hui, on se rend compte qu’on gagnait presque rien, mais on vivait


aisement,et on faisaitmemedeséconomies.

Lorsque, en 1944,j’ai Cteaffecteau Nord, lesvéhicules s’arrêtaient à Mango.


Gommeil n’y avait aucune«occasion»pour rejoindre mon nouveau poste,Nano (pr&s
de Dapaong), j’ai du faire cevoyageà pied, avec desporteurs : environ 60 km...
L’inspecteurprimaire, M. Champion, qui Ctaitle chef du Servicede l’Enseigne-
ment au Togo, pour visiter les&oles dela ville de Lomé, allait àbicyclette.Vous voyez
quec’est pourtout lemondequecen’étaitpasfacile...

(8) Pour raison &conomiq le cours compkmentaùe de Lomé? avait &t? f& I 1934 b .1937
et ses tltves transftrts b celui de Porto-Novo.
(9) voù chapitre 16

72
no 7

LESARBRESALOME

M. Michel Amakoé Robert AHYI


(né en 1923 à Abomey, au Bénin)

- Q - Qn est surtout habitue à entendre Michel Ahyi parler de la pharma-


copée africaine et en particulier des plantes médicinales : c’est dans ce
domaine qu’il est bien connu au Togo (et au-delà), au moins autant que son
frère, le fameux peintre et sculpteur Paul Ahyi.
Pourtant aujourd’hui, vous alhz nous parler de ht ville de Lomé, car
vous êtes de ceux qui ont contribue à lui donner sa physionomie actuel&
par ce quWle a de plus beau, c’est-à-dire les arbres. Quelhz était autrefois
votre fonction à Lomé ?

- A masortie de l’école d’agriculture de Porto-Novo, j’avais et6 demandé, en


1943,par la direction desChemins-de-ferdu Togo et c’estpour celaqu’on m’a envoyé
directementde Porto-Novo ici. Jesuisrentré pour m’occuperd’abord desconcessions
desChemins-de-fer,et puis desjardins publicsqui etaientsur cesconcessionsdans les
garesdu Togo. C’està cetitre queje mesuisoccupéde meubler un peu l’espacevide
qui existaitentre cesconcessions,et puis à l’intérieur de celles-ci,d’essayerdecréer
des espacesverts.

- Q - On peut tout de m&ne s’en étonner : en 1943, on était au plus dur de


P&ort de guerre. N’était-ce pas un luxe d’utihser un agronome à faim dès
plantes d’ornement plutôt que d’essayer d’accroître la production
agricole ?

-Vous savez,je nel’ai pasfait longtemps :j’ai placeune équipe qui acontinué
l’oeuvre, et je la visitaisde tempsen tempspour voir si le projet que j’avais laisse.avec
plan à l’appui- Ctaitbien suivi. A cetteepoque,nousavionscommesoucid’embellir un
peulesgarestout au long du Chemin-de-fer, pour donner un peu plus d’agrement en
reboisant,et puis pour permettre à ceuxqui attendaientle train d’être à l’ombre.

-Q- Pour ht gare de Lomé et son environnement, quelles ont été vos
realkations ? Qu’est-ce qu’il y avait avant vous, qu’est-ce qu’il y avait
après ?

- Avant moi, danslesgares,et notammentdansla garedeLomé, il n’y avait rien.


Par exemple,il y a un espacequevous pouvez observer aujourd’hui et qui se trouve

73
juste en face du ministere desAffaires etrangeres,qui etait l’ancienne direction des
Chemins-de- fer (c’était M. Garnier qui Ctait le directeur géneral à l’époque). Tous
ceuxqui ont connu cetespaceentre lesrails et la route qui passedevant le ministère se
rappellent que c’etait vide. Et j’ai pris sur moi de cr6er une parcelle d’espacevert là.
C’est comme çaque, le ler dkembre 1943,j’ai eu à terminer la mise en place de ces
Cussiusiameaque l’on voit aujourd’hui encore et qui font paisiblementleurs presque
cinquanteans...

- Q - Effectivement, nous avons retrouvé des photos de ce bd.timent aùns


les tznnéh 1930 : il &ait lout nu au milieu dè son terrain. Donc ckst de votre
faute si l’on ne peut plus reprendre hz même photo aujourd’hui parce qu’il
y a des arbres qui cachent presque complètement le bâ%ent ?

- Bien sur... Il fallait meubler œt espaceet surtout créer de l’ombrage pour


rafraîchir un peu l’atmosphere, parœ qu’on n’avait pasdeclimatiseurs àl’époque, et
qu’on recherchait activement l’ombrage qui pouvait rafraîchir l’air avant son entree
dansle bâtiment.A l’iiterieur mêmedela concessiondeœ bâtiment,j’ai euà mettre pas
mal deplantes en place,dont certainessetrouvent encore là, maigre lesdestructions
qu’il y a eu avecles nouvelles constructionset lesdiversesinterventions d’urbanisme.

- Q - Quelles ont &f vos autres interventions dans le périmètre des


Chemins-ik~er d Lomé ?

- D’abord j’ai eu le terrain dont on vient de parler, et puis l’intérieur mêmede la


gare: j’avais installe une parcelle dont les fleurs krivaient le nom de la ville de Lomé,
qu’on taillait r@uli&rement.A la placedesmursquel’on voit maintenant,il ny avait que
deshaiesvives de faux-campêchiers,debougainvill6es, deshaiesvives de toutes ces
plantes qui pouvaient entrer dans l’agrément de ceslieux. Ça a et6 quelque chose
d’assezpassionnant,pour moi et pour le directeur desCheminsde-fer d’alors.

- Q - A côté, d l’ouest, il y a actuelknent ha Makon du RFT (1) et la phzce


de l’lndépendance. A l’époque, qu’est-ce que c’était ?

- C’etait le domaine des Chemins-de-fer.D’ailleurs on aperçoit encore lescon-


cessionsdesCheminsde-fer qui entourent œt espacevide, et on voit encore lesvieux
bâtimentsqui longent la route jusqu’aurond-point. Cesimmeublesqui vont toucher la
gareappartenaient tous aux Chemins-de-fer: on meles avait confiés à l’époque pour
essayerde meubler l’espace.Les routes que vous voyez entre les concessionsdes
Cheminsde-fer et la Maison du RPT sontbordesdeStercubizfmtidiz, cesplantesqu’on
voit aussiderriere la prison de LomC: œ sontdesStexulia fmhiia. On n’en connaissait
pasle nom scientifique; j’ai eu moi-mêmeàidentifier cetteplante apr&smon retour de
la Chine de Formose, parœ que, là-bas,j’ai constaté que c’est une plante que les
Chinois de Formoseont multiplié Boutranceet qu’ils exploitentpour lesbois d’oeuvre
et lesbois de charpente. Cette ruelle adonc 6tb bordée par moi, et j’ai introduit aussi

(1) Aujourd’hui Palais des Con@

74
l’arbre-à-la-pluie, dont vous avez un certain nombre encore dans la concessionde
roRsToM,lepithé COlb6ium suma,dit l’«arbre-&la- pluie»,qui donne beaucoupd’om-
brage.

-Q- Pourquoi l’appelle-t-on lkrbre-&la-pluie» ?

- On pense que c’est un arbre qui retient les nuages quand il y en a un


peuplement.

- Q - 1943-44, c’est lè moment 03 l’on a perck l’avenue du Ghh&de-


Gaulle ; est-ce que vous êtes intervenu Ià aussi, pour y phnter les arbres
qu>on y voit encore ?

- Non, je n’ai pasagi là, parce que, entre temps,j’etais parti dansI’armke de la
Francelibre. Quandje suisrevenu,en 1945,j’ai et6 immédiatementaffecteàAtakpamé,
commeagent d’extensionagricole.

- Q - Quel est l’arbre qu’on appelle à Lamé le «kokéti» ? D’O~ vient-il ?

- C’est le Sterculia foetida qu’on appelle en 6~6 le kokéti et qu’on trouve là,
derrière la prison, tout à c&e de l’ambassadede France, puis à côté du PNUD. Cet
arbre était là et garnissaitl’espacevide. C’estune plante d’origine asiatique.Je crois
savoir qu’elle estintroduite ici depuisle tempsdesAllemands,commeles eucalyptus.
En cequi concerneceux-ci,il y avait desterrains markcageuxau quartier administratif.
Commeles eucalyptusassèchentlesetangs(un pied adulte évapore 8OOà1000litres
d’eau en 24 heures),lesAllemandss’enetaientservispour lutter contre cesmarkages.
Mais leSterculiafoetida, qui estappelekokéti, estCgalementune plante médicinale.
C’est une plante d’avenue, une plante qui par son port plaît beaucoup, et que l’on
pourrait mêmemettre en placeà cotedesteckaies(car on ne dit plus uteckeraieu, nous
disonsmaintenant deckah). C’estunebonne plante, que les Eaux-et-Foretsont pris
pour faire desreboisements.

- Q - Ce kokt%, qu’on trouve notamment sur l’ex-rue du Lieutenant-


colonel-Maroix, était-il déjà utilisé comme plante d’ornement avant que
vous vous en occupia, ou est-ce que c’est vous qui l’ava imphrtté ?

- Jevous ai dit que c’était une introduction du temps de la colonisation alle-


mande.

- Q - Mais on n’en avait pas fait l’inventaire botanique ?

- Non, on n’en avait pasfait l’inventaire botanique,ou bien son nom botanique
existaitquelquepart dansles archives,maispersonnene le connaissait...

75
- Q - Il vous a fi aUer jusqu’à Taiwan pour en mtmuvet lh@ine...

- Ça a et6 une rencontre un peu fortuite, parce que je n’y étais pas parti
spkitïquement pour œtte plante.Mais c’estau touts d’une missionofficielle la-basque
j’ai constate,au cours de mespdregrinations, qu’il y avait de très vastesBtenduesde
Sterculiafuezkia,et qu’on lui attachaitbeaucoupd’importance : on I’exploitait ample
ment

- Q - A Lad il y a une rue qu’on dhmmait à l?&wquealkmwuk «Sangera


S&asse» (2), estee que vous pouva nous dire h quel moment k Saqu&a
estin.troduitauTogo.9

- Sungu&u ou Zmgz&a designe communement au Sud-Togo le Cassis du


Siam.Cette plante aurait ete introduite autempsdela colonisationfrançaise; c’estune
plante d’ombrageet une plante d’avenueen mêmetemps.C’estune plante qui sert es-
sentiellementau boisementpour la production du boisde chauffage: commeil y avait
la nkcessitéd’alimenter leslocomotives enbois de chauffage,on a pensequ’il fallait
l’introduire. Mais je ne peux pasvous dire avec suffisamment de prdcision qui l’a
introduit et à quelle epoque.A lkkole, j’ai eu une leçon la-dessus.A mon arrivee ici, je
l’ai vu sur place. J’ai cru devoir en faire une parcelle, qui survit encore, maigre les
interventions de la cogn6eet de l’homme.

- Q - Autre arbre qu’on trouve beaucoup d Lmnt! : k neem (3) ; d’o3 vknt-
il?

- Le neemestegalementuneplante asiatique,venue desIndes.Elle estd’intro-


duction assezrkente parcequ’a l’epoque où nous mettionsleCas& Siameaen place,
on n’avait pasdeneem.Peut étre yen avait-il quelques uns,mais en tous caspasavec
cette densitb qu’on lui connaft maintenant, avec le peuplement qu’on en fait pour
pouvoir donner non seulement de l’ombrage aux gens,mais egalement du bois de
chauffage, parœ qu’il y a des parcelles de neems un peu partout sur l’etendue du
territoire, et sur iesplacespubliques.Vous voyezvous-memel’ombrage que œla vous
procure. Mais du coup le citadin, ou bien le citoyen,aaussitrouve en cette plante des
usagesmkiicinauxdont il jouit maintenant. Leneem apour nom scientifiquerlzadi-
rach hdica.

- Q - Le jlamboyant est peut &v k plus beuu de nos arbres d’ùrnement.


On dit quel n9cst pus d3ntmduction tr& ancienne au Togo.
- Oui, le flamboyant n’est pastr&sancien, maison l’a introduit à causede ses
fleurs, de son inflorescencequi esttr&sbelle. Mais on ne s’enest r&llement occupe
que tout rt’kemment, pour l’agrement que cela donne aux emplaœments où cette
plante estmise.Autrefois, au tempscolonial, on avait penSequ’il y avait desretenues

(2) ActueUc aunuc du 24Jmvicr.


(3) -6 aYti?na.

76
d’eau dans les creux des branchesde cet arbre, et on a pensequ’il fallait limiter sa
propagation pour emp&cherla proliferation desmoustiques.Mais maintenant je crois
quecetteconsiderationne peut plusnousempêcherdemultiplier les flamboyants.Tout
le mondesait que le long desavenues,surtout sur la route d’Ago&nyive,le flamboyant
embellit notre ville en debut desaisondespluies.

- Q - Il y a donc une grande diversité & plantes dkaement à Lomé, alors


que le milieu naturel est quand même d@ikik : ckst du sabbz, et le climat
est bien sec...

- II importerait de prendre lesdispositionsrequisespour adapter àce milieu les


variétés de plantesqui sont capablesd’y survivre avecun minimum d’entretien.

- Q - Le neem a fait ses preuves, mais il a aussi ses inconvénients : ses


racines cassent le bitume et mtke les fondations qui sont à côté. Est-ce qu’il
n3 a pas d’autres phuates qui ont tes mêmes effets @àstes ?

- C’est une Ctudeà faire. Personnellementje saisqu’on peut selectionner un


certain nombre de plantes.On a à demanderà tous lespropriétaires de concessionsà
Lame demettre enplaceun certain nombrede plantesqui nenkessitent pastellement
de soins,mais qui peuvent secomporter très bien. Que chacun prenne sur lui d’en
mettre le long de sespalissades,et puis del’entretenir pour embellir sacloture. Ceci se
voit très bien. J’ai rapporte ici, deFormose, le «gazonde Chine», et puis leChysopo-
gon aciculutus, que l’on appelle à tort le Puspafum. Eh bien, ce gazon de Chine,
introduit ici par moi, en 1961, s’estrepandu non seulement au Togo mais dans les
territoires voisins.

- Q - Les gens veuhxt certainement plks de sécurité pour leur maison en


mettant des palissades solides, des épineux infranchissables aux voleurs.
On peut faire des haies vives aussi bonnes protectrices qu’un mur en
parpaings, n’est-ce pas ?

- Oui, maistoute palissadequel’on fait endur, en mur, peut êtreconvertieen


chambres, en magasins.Personne ne veut que son prochain regarde chezlui. On
s’enferme dansune enceinte endur, parceque -je nesaispas-on aquelque choseàse
reprocher, ou bien on croit qu’on est beaucoup plus à l’abri desvoleurs. Mais les
voleurs,ce sont dessavants; ils ont tous lesmoyenspour vous atteindre...

- Q - Donc la végéation de Lomé telle qu’on hz voit est largement une


création de l%omme, consciemment ou inconsciemment, et vous y avez une
bonne part. Pourtant, il y a aussi quelques restes de ht forêt primitive : ckst
la forêt sacrée & Bè. Est-ce que vous vous y êtes intéressé ?

-Ilyalavégetationanthropique,dueàl’homme,quiest cequ’elleest.Maisce
que je regrette, c’estdevoir regresserà une allure inquiétante la superficie de cette
belle forêt deBè. Et le nom deLame même?Ne nousdit-on pasque Lame setrouvait

77
dans une foret : .~Alotirn&+ou uAfomé» (4), qui estdevenuLomt?aujourd’hui ?C’est
dommagequel’hommeen soitvenu ii détruire ce quela naturea misà sadispositiond&s
sanaissancepour le rendre heureux.Les couchesdu terreau ont leur importance dans
la protection du sol et desespecesvegetalesenplace.Vous avezbeaucoupdeplantes
qui sont m&licinales et qu’on pouvait avoir à la pot%%de la main autrefois, mais
aujourd’hui, h&s !, œt environnement estcompletementdegm& au nom de l’urbani-
sation,de maniere inconsciente...

- Q - Quand vous &a arrivê à Lomé, d IB fm de vos pmrni&s &uk, en


1943, avec votre regard de jeune botaniste, comment se présentait ha
vég&ation dans la ville et surtout autour de la ville. Tout était-il en
cocotiers ou est-ce qu’il y avait encore de grandes étendues de forêt
naturelle ?

- Il y avait beaucoupde axoteraies. C’estpourquoi je parlais devegétation an-


thropique. La cocoteraie acontribué à faire reculer la forêt, àdégrader cette forêt, à
l’annuler complètement même,parœ qu’on a cru qu’on devrait cultiver le cocotier,
pour exporter du coprah. Ça faisait partie de la richessedu pays,maisœ faisant, on a
fait beaucoup de tort. En 1943, Lomé n’etait rien ; elle etait limitée à l’est par la
cocoteraie, à l’ouest par Atlao, au sud par le littoral et au nord par Tokoin. Apres
Tokoin, c’etait une vegetation assezluxuriante, avec beaucoup de baobabs : on
pouvait y chasserdeslievres,desbiches,desperdreaux, etyrecolter, pour lesbesoins
de la sante,desplantes médicinales,avecrespect.Au fur et à mesure que l’homme a
commencepar Ctendrel’urbanisation, il y aeu une destruction assezrapide de cette
vegetation caract&istique,avecœ peuplement un peu extraordinaire de baobabssur
le promotoire de la terre de barre.

- Q - Ces baobabs &aient d la fois nalurels e.c anthropiques : ils &Gent utiles
aux agriculteurs. L.e plateau de terre de barre était humanisé, cukk!,
depuis longtemps, tandis que sur le cordon littoral, apparemment, hz
eocdwaie s’est mise en pkce entre 1890 et 1920-1930 ; c’est b ce moment
Ih qu’a dû se faire cet& dewuction de la for&. Vers 1940, il y avait-il
encore des lambeaux de forêts qui pouvaient se voir aux alentours de
LmIlê ?

- Bien sur, la cocoteraien’avait pasencoretout occupe.C’estaveccettehistoire


de l’»effort de guerre», qui mettait beaucoup de gensdans l’obligation de faire des
cultures plus ou moins vivritres, que la deforestation destructive aconnu une allure
n&ste. On amis a la placedela tigetation naturelle uneflore anthropique, qui n’a pas
comblele vide climatique.

(4) En but : SXZU mil& &.v arbumî ala, (Sorindeïa wameckei Engi.).

78
*
* *

- Q - Voas-même, ane fois d&nobil&k api& la guenz, avez-voas npris


votre place aux Chemins-de-fer, d orner les gares ? if% ensuite, comment
@es-vous devenu ce que vous vous êtes aujourd’hui ?

- A mon retour de l’armt!e,j’ai repris auxCheminsde-fer, et j’ai m&metenté d’y


rester en voulant devenir un «cheminot». C’est Monsieur Tavera, du Service des
voieset bâtiments,qui m’a decourage.Il m’estimaitbeaucoup,et il m’a dit : «Non, wus
avezune formation dont le paysabesoin»,et il m’a encourageàreprendre le chemin
-la clé deschamps,si vousvoulez-,à aller faire de la vulgarisation agricole.C’estœ que
j’ai fait, maispasbeaucoupnon plus,parœque, desjuillet 1946,j’ai passeun concours
pour aller à l’Institut de Recherchedu Coton et desTextilesexotiquesà Bouaké,pour
mespécialiserdansla culture du coton et descultures «exotiques».A mon retour, j’ai
eu àaider à faire le choix de l’actuel Kolokopé (5) avecMessieursCorre et Duveau.
C’est avecles gensde I’IRCTque j’ai déblayele terrain pour l’actuel Kolokope. J’ai
servià Atakpame,àNo&$ dansla circonscriptionagricole.En 1949,j’ai éteaffecteà SO-
touboua pour construirela ferme agri~le qui estla maintenant J’ai du encorequitter le
Togo en 1950,pour aller à l’Institut Françaisd’Afrique Noire, à Dakar et, de la, je suis
revenu en Coted’Ivoire, au servicede I’ORSTOM, pour suivre ma formation. Je suis
passeau centre de recherche agronomique de Bingerville ; de la, je suis parti pour
1’Ecolenationale de la Santépublique, à Paris.Jesuisrevenu en Côte-d’Ivoire pour
être nomme chef de cabinet du ministre de la Santé publique et de la Population,
specialement chargé des travaux de recherche sur la m&lecine traditionnelle, la
pharrnacop& aliicaine,la lutte anti-alcooliqueet la lutte contrele trafic desdrogues.Et
c’estde œ poste que j’ai Cte rapatrie en 1958,à l’issuedesemeutesqu’il y avait eu à
cetteépoque (6), et je suisrevenu prendre mesfonctions ici, au Togo, avecœpendant
encore beaucoup de missions à l’exterieur pour des raisons de formation et de
recherche.

- Q - Ne pensez-vous pas que l’urbanisation reprt%ente une trt?s grosse


perte de cet& somme des connaissance populaires qui étaient liées d la vie
du milieu rural ?

- L’urbanisation,c’estpeutêtre tr2sbien. Maii je croisqu’il faut reconsidererla


façon dont nous urbanisons nos villes. On penserait peut-être que je suis un peu
attarde, maisj’ai ma façon devoir... J’ai toujours conseille de ne pasdetruire œ qui
existait,maisd’essayerde l’aménagerau mieuxpossible,et del’entourer deœ qui est
nouveau.Si l’on prend un village, je croisque tout œ qui estanciendoit etre pr&erve,
et qu’il faut créer de nouveauxquartiersavectout œ qui estmoderne, afin que lesgens
qui viennent en touristes cheznous puissentconstater la differenœ qu’il y a entre œ
qui existaitet œ qui seréalise.Maislorsqu’ond&ruit absolumentœ qui esttraditionnel,

(5) Toujours principal centre de recherche et de vulgarhation du coton de I’IRCI; d 30 km


d’Atakpamt!.
(6) En 1958, de violatres anerueS xhophobtv cm d Abidjan les Lhhamtm et les
Togvllarr, 4” .&ùnt &.Y nombrtx rfyoccupcrdcspchnes~chniqucs.
79
au bout de quelquesannées,qu’este quenous allons prkenter aux touristes? Ils ont
vu des buildings chezeux, des maisonsen dur chezeux, mais ils veulent retrouver
quelque chosequ’ils ont perdu, et que nous sommesen train de détruire ici en les
imitant :c’estun snobismeoutré. C’estla paillote, la vie au village, le tam-tam, dont
l’organisation n’a pasfait l’objet de tellement d’etudes; c’estpourtant une science,un
art, qui permet devoir commentlesgens,par petitsgroupes,ont penseà cr&r un tam-
tam, et ont &aboré un programme qui s’estétendu àtout un ensembledevillages qui
participent, animent,composentdeschants: ceuxqui sont retenusen disent long de la
vie du village. Voyez-vous, ce que nous faisons aujourd’hui, c’estbien beau, mais
lorsqu’on prend la musiqueet l’art negres,je croisqu’il y a desconsidkations subtiles,
imperceptiblespar lesvisiteurs non avertis,qui entrent enjeu. La guitare sonore,c’est
intekssant, maispourquoi abandonnons-nouslesinstrumentsde musiqued’antan ? Il
faudra nkcssairementmoderniser lesinstrumentsde musique,sanslaisserdisparaître
nos instrumentstraditionnel. Il en estde mêmepour la construction,l’urbanisme.Je
saisque nous avonsà traœr desroutes,maisnous ne devonspasdétruire absolument,
par l’urbanisation, œ qui peut encore &tre representatif pour notre culture. 11est
regrettable que nous n’y refhkhissions pasassez.

- Q - Je crois quïl r(9 a pas que les touristes d être conceruh, il y a aussi
ks jeunes, tous ceux qui ont véku dans le morade iudifférencié des villes,
qui ont d counaîcre leur propre identit6 par la pr&erv&on du pas.& Je
crois que ce nht pas &re un conservafeur forcené que de prétendre 484%
fau$ maintenir ce qw. fait l’orighüté du pays, et pas seulement pour les
étrangers...

-Jepartageentièrementvotrepointdevue,etc’estœquej’ai toujoursditaux
jeunes, car je suis en contact avec beaucoup de jeunes. Ces jeunes genérations
m’intéressent parœ qu’ils perdent tout et neveulent pass’interesseràœ qui estchez
eux.Je leur rappelle souventqu’il faudrait faire un effort pour être d’abord soi-meme,
être de chez soi, avant de vouloir paraître de chezles autres. J’ai souvent posé la
questionauxjeunesde savoir quelle estla longueur du Mono (7). Ils ne la connaissent
pas,maisils connaissentla longueur du Nil, la longueur du RhBne et la longueur du
Rhin... Et même,des fois, quand je leur pose un piege : «Quelle est la longueur du
chemin de fer qui va de Blitta à Dapaong ?», il y en a toujours qui me trouvent une
longueur...,alorsquelechemin de fers’arrêteàBlitta !

- Q - Pour en revenir et@ d Lom4, quel sont les arbres les plus vies que
l’on puisse voir actuelhue.nt ? Est-ce que ce sont ceux de Béniglato, le
vieux ucimet2re de la plàgw ?

- Oui ! Cesarbresde B&riglato,desTmzimh catap& ont un certainage,mais


il y a Cgalement les Sterculia cordijXh que l’on voit derrière l’ancien Bureau des
Finances(S), devantle centredeformation de I’OMS : il y a une parcellede plantes,par

(8) Ac6udk Llùection de la .Wth~e scolah? (ancien hspital allemand).

80
exemple les Termi~&iu, les badamiers de Malabar... Tout ça fait partie des plus
anciennes plantes qu’on a misesen place Ià ; le Sterculia fmtida dont on a parle, le
kokéti, fait partie de cesplantes, ainsi que l’arbre-à-la-pluie. Aux temps coloniaux
allemandset français,on a misen placecesplantes,et aussileseucalyptus,qui sont non
seulementdesplantespour assécherlessolshydromorphes,les emplacementstnaré
cageux,maisaussiuneplante degrandevaleur m&iicinale : l’essenced’eucalyptusse
vend dans les pharmacies.Les gensont reconnu cette valeur thérapeutique et s’en
servent dans les rhums, les toux, et puis dans les grippes, en infusion, ou bien en
decoction,en boisson,ou en fumigation, en bain devapeur... Et le badamier, dont j’ai
dejjaparlé, c’estune grande plante médicinale, qui intervient dans lesdiarrh&s, les
dysenteries,et dansbeaucoupd’autresmaladies.Mais à Lom6, les genssecontentent
desfeuilles,qu’ils ramassentpour leursjardins potagers,et puis lesenfantssont friands
desamandes.L’ecorœ decette plante esthautement antidiarrhetique, parœ qu’elle
contient beaucoupde tanin. De plus,la racinedecetteplante lutte contre la blennorra-
gie.Tout ça,il faudrait l’enseignerà la population, qui passesousœt arbre et ne serend
pas compte, et ne s’en sert pas comme il faut. Il y a beaucoup d’autres, comme le
caïlu5drat(Mtaya senegulensfil,plante le long de l’avenue du General-de-Gaulle, qui
passedevant I’ORSTOM. Vous voyezdesgensqui viennent mêmede Kpalimé, des
villages environnants, pour &orœr cesarbres. Quand j’etais haut-commissaire au
Tourisme, j’ai du intervenir pour que l’on protège cesplantes, qui sont maintenant
entoureesdegrillage, maisDieu seul sait s’ilsn’ont pasenvie de détruire cesgrillages
pour prélever lesécorces...Il y a rarement une plante qui soit ornementale sansen être
en mêmetemps médicinale, ou bien une plante qui soit fruitière et qui ne soit pasen
m&metempsmédicinale.

- Q - Est-ce que vous avez en tête d’autres cas concreh d’arbres particu-
lièrement anciens dans la ville ?

- Oui, avecœuxque j’ai signaletout àl’heure, lesSterculiufoetiab très anciens


derrière la prison, il y a ceux le long de la rue du Colonel-Maroix (rue des Kokéti
aujourd’hui), qui est,elle aussi,bordée deStmulia foetida.

- Q - Quel dge peuvent-ih avoir ?

- Oh, ils ont déjà depassélesSOou 90ans,puisqu’ilsont et6 plantésau tempsdes


Allemands.Il en estde mémepour lesSterculiacordifoh derrière l’ancien Bureau des
Finances; on voit bien de quel figesont cesplantes.En dehorsde ceux-là,il y a l’arbre-
à-la-pluie et le filao qui estresteen place: il y avait une grandeparcelle de filaos entre
l’ancienpalaisdegouverneurs(qui estmaintenantle palaisdesHBtesde marque) et la
ville, maisceux-làont tous disparu. C’estbien dommage.Il estsouhaitable derefaire
d’urgence un inventaire de la végetation de la ville de Lame, pour serendre compte
de son importance et de la nécessitéde la proteger. L’espace vert est un bien
inestimablepour tous lespays.Nous nousdevonsde lui accorderplus d’attention pour
l’enrichir dans la perspective de l’amelioration de l’environnement. Je crois qu’il
s’avèreindispensable d’eduquer tous lesTogolais dans œ sens,et notamment ceux
desvilles.

81
no 8

LES CHEMINS-DE-FERDU TOGO


EI’LE QUARTIER GBADAGO

M. Etienne DEKPO
(né à Glidji en 1911)

- Jesuisnéà Glidji; j’aiét~àl’&oledelamissioncatholiquede 1923jusqu’en


1928.Mon patron, le père Pklophie, le cure de la paroisse,voulait que je devienne
moniteur, et il d&ida de m’envoyerà 1’6colenormale du Saint-Espritde Togoville (1).
Mais je n’avais pas voulu, car mes parents n’avaient pas d’argent pour payer ma
scolarité.Alors je suisvenu à L.omk,le 29 octobre 1930,pour apprendre un mktier.

- Q - Qu’est-ce que vous avez appris d ce moment-là ?

- J’ai appris le métier de tourneur, deraboteur et de fraiseur.

- Q - Dtzjà aux Chemins-de-fer du Togo ?

- J’ai toujours travail16aux Chemins-de-fer.

- Q - Il y a rà, d votre mur, un cert&U de travail délivré par les Chemins-


de-fer du Togo du 30 avril 1968, reconnaissant que vous avez rendu &
bons et loyaux services pendant trente-cinq ans d’activik!. Vous êtes
aujourd’hui l’un des plus anciens des cheminots des Chemins-de-fer du
Togo, et vous pouvez donc nous parler de ce que c’était que les Chemins-
de-fer dans ces années 1930, d l’époque 012 vous commenciez comme
apprenti, puis comme ouvrier professionnel.

- J’avais d&ide moi-même de quitter la fonction de moniteur àAgouk pour


apprendre un métier.

- Q - Qui vous a conduit à Lomé ?

- Mon grandfrère, Kpadk Robert. 11y a longtempsqu’il était fi Lomk On l’avait


fait venir de Cotonou.

(1) C&e en 1927, ancêtre du grand colkge actuel

83
- II Ctaitmaître ajusteur auxChemins-de-feret on lesavait tousappelesici.

- Q - Je suppose que l’i&ier des Chemhdè-jk t?Iait d l’époque l’un des


plus mo&rnes de h Vi&, et 1% dis m&lkèurs centres de formation ?

- C’estla qu’on recevait lesgensqui voulaient apprendre un métier. Mais on ne


vous liberait pas avec un dipltime, car ce n’était pas autorisé. On ne vous délivrait
qu’uneattestation

- Q - Combien de temps passait alors un apprenti hs un atelier ?

- Moi, j’ai fait trois anset sixmois.

- Q - Et c’&it s@Zwnt pour &re un bon ouvrier 1

- Oui ! Vous pouviez vraiment aller exercervotre metier après...Nous étions au


nombre de quatorze.

- Q - Etiez-vous en& sur concours ?

- En effet, sur concours.Mais,à causede la crisequi battait son plein, lesautres,


ne pouvant r&sister,sont tous partis,au Camerounou ailleurs.Et nous n’avonséte que
trois à rester auxCFP.

- Q - Comment se man~èstuàt cette crise dont vous parlèz ?

-En ce moment-là,il n’y avait pasd’argent. Quand j’ai été libere, je gagnais62
francspar mois ; ceuxqui sont partis ne recevaientque6 francs.C’estpourquoi tout le
mondepartait.

- Q - La criw hwwmique des annth 1930 avait donc amen& une forte
dhction de l’actàviti! des chemins dè fer ?

- En 1935,pour trouver une solution à cette crise,le directeur, M. Lescanne,


avait diminue lestarifs destrains : par exemple,un aller-retour LoméAneho à 5 francs,
au heu de25 à 30, pour pouvoir concurrenœr lestransporteursroutiers. Pourtant, à œ
moment-là,il n’yavait pasde toute commodepour Aneho ; la route n’était pasgoudron-
nec.

- Q - Il y avait déjd des camions, des autocars, &s taxis ?

-Non, il n’yavait pasde taxis.Seulementdeuxou trois camions.

84
- Q - Mais jusqu’en 1934, là construction de la ligne nouvelle AUpam&
Sokodé (qui SI~% alors d Blitla) a dt2 quand mhe vous apporter une
actîvitd ti impoltante ?

- Ça n’a pas eté confi aux Chemins-de-fer. C’étaient le role des «Travaux-
neufs».

-Q- C’étuit donc une administration d@hmte des Cheminsdefet du


Togo ?

- Oui, il y avait lesTravaux-neufs d’un c&C,les Chemins-de-fer de l’autre. Le


capitaineBillet commandaitlesTravaux- neufs,le capitaineDalaiseCtaitdirecteur des
Chemins-de-fer.

- Q - Mais votre atelier devait aussi travailler pour les Travaux-ne@ ?

- Non ! non ! Mon atelier setrouvait au c<matCriel


traction»,où nousfabriquions
lespibcesdelocomotives.

-Q- Donc hrrêt dès Travaux-m@, en 1934, n’a pas reprhenté une
baisse d’activité pour vous ?

-Non, non ! Pasdu tout ! Nous avionscinqseries delocomotives. Nous avions


lesmachines13tonnes,qui font desmanoeuvresdansla ville pour lescommerçants(2),
et mêmepour PAdministration. Nous avions, commedeuxièmeserie, la machine 15
tonnes, puis les machines anglaises,les Mikado, et puis les Oresten-etXope2, des
machinesallemandes...

- Q - Que& était, dans les annkks 1930, la proportion du matkiel qui étair
encore allemand ?

- 11n’y avait que deux machinescheznous,la locomotive @esten-et-Ko@.On


a écrit là-dessus«O et IL, maisil faut prononcer «Orestenet Kopel».

- Q - Pour les wagons, je crois qu’il en mte toujours ?

- Oui, il y a beaucoupdewagonsqui sont venus d’Allemagne.

- Q - Je parle des wagons qui datent de l’époque O~Sles Allemad ktaient


ici.

- I-a série Oresten-et-Kopel et puis deswagons,deslocomotives de gros et de


petits boggies,oui : on peut en trouver encore douzeou treize...

(2) Pour desservir les compagnies commerciale-s sifwks rue de Commerce, que parcourait
une petite voie fmf!e.

85
- Q - Est-ce que ceh ne posait pas un problthe quand ces locomotives
alkmandes Ment en panne ? 03 trouver les pièces de rechunge ?

- Nous fabriquions tout ici même,àla machine-outil.Quandon vous présentele


modèle, vous le reproduisez. S’il est en acier, vous fabriquez. S’il est en bronze, on
sort du magasindu bronze brut, et vous moulez votre pièce.

-Q- Y avait-if encore avec vous des cheminots &gt?s qui avaient ét6
ouvriers sur 153 chemins & fer allemank ?

- Les gensqu’on aimait sont morts actuellement.Oui, yen ai connu beaucoup...

- Q - Qu’est-ce qu’ih vous racontaient sur les chemins de fer dé L&oque


allèmande, compar6 à ce qu’ils vivaient dans les ann&zs trente ?

- Ils ne recherchaient que le retour des Allemands. Même mon patron (il se
nommait Athanase Messan; c’estlui qui m’a appris mon metier), il voulait que les
Allemandsreviennent.Tout le temps,il parlait desAllemands,que lesAllemandssont
bonset qu’il faut qu’ils rwiennent. Et il croyaitque,demain,lesAllemandsallaient &re
la. On semoquai&delui...

- Q - Et vous, vous I(V croyiez pas, à ce moment 12 ?

- Que lesAllemands reviendraient ? Non, je n’y croyais pas !

- Q - Pourquoi I

- Il y a une histoirequeje vaisvousraconter.En 1936,37ou 38,il y avait un avion


qui asurvoléla ville deLomé. A œ momentla,le terrain d’aviation était ici,à l’hôpital (3),
là où setrouve la morguemaintenant.L’avion sepose.Tous lesLomkens s’apprêtaient
àaller le voir, puisquec’étaitla premièrefois qu’ils voyaientatterrir un avion. Moi aussi,
je suisa116la-bas.Nous y avonsvu une jeune fille allemandequi pilotait l’avion ; elle a
étéaccueilliepar le directeur de la DTG, qui l’a escorttkjusqu’àsamaison(4). C’estœt
avion qui m’a donné l’idée qu’il y allait avoir la guerrevers la fin de l’année 1938.

- Q - Quand h guerre a Mat4 pour de bon, qu’est-ce que pensaient vos


camarades, et vous-même ? Certains espéraient-ils le retour des A&-
ma&, certains le craignaient-ils ?

- Il y avait lesvieux qui l’espéraient. Mais nous qui Ctions dessujetsfrançais,


nous ne l’avons pas espéré. Qu’est-ce que nous serions devenus ? Les vieux l’ont
esptré.
(3) De 1931 h 1945, I’adroport a?? Lomk ttait d 1kmplacement de Pactuel CHU.
(4) Probablement alhsioti au voyage Cie I’aviabice alkmande Dingeirietter, en juin 1933, d
aavers I’Afnque de l’Ouest et a& Centre (c$ lean Martet : «Les batisseurs de royaumes»,
1934, qui y voit une amende subversive* allemande). La DTG est la principale jïrme
alkmande d l’+oque Jknçaise.

86
*
* *

- Q - Quand a commencé le peuphneru du quurtier 03 vous habitez, ici, d


Gbadago ?

- C’est à partir de cet avion-là que nous sommes alles voir : les gens ont trouve
que ces lieuxvides, couverts de forêts, etaient habitables.

- Q - A quelle forêt avait-on aflaire d Tokoin .*

- Une grande forêt ! Si vous êtes dans le train, vous n’allez pas demander à
descendre ici avant Lame...

- Q - Il y avait donc encore de la forêt. Etait-ce sur le plateau lui-même, ou


bien sur les pentes, en montant de hz hzgune vers le plateau ?

- Elle commencait à Tokoin, avec des noms differents : Tokoin Octaviano


Olympio, Tokoin Gbadago... Gbadago, lui, il est venu de L&e, de la prefecture du Zio,
à côte d’Abobo. C’etait un chef feticheur. Il est venu s’installer d’abord à Ahanoukope,
avec son couvent et ses adeptes. Ahanoukopé n’etait pas encore peuplé à ce moment-
là (5). Au moment où Ahanoukope a commence à se peupler, il ne pouvait plus rester
là ; il Ctait oblige de deménager pour venir à Tokoin, avec l’accord du chef Jacob
Adjallé(6).Alors tout lemondeestvenu ici. Quandvousvouliezvenirici,vousalliez
voir le chef Adjallé, qui vous donnait une parcelle, avec l’accord de Gbadago.

- Q - Nous sommes ici tout en bus du quartier Gbadagw, au bord de la lagune.


Je pense que vous avez été dans les premières familles d s’installer par ici.
Quand êtes-vous venu bâtir votre maison ?

I Le 7 aoQt 1939.

- Q - Est-ce le moment où vous avez commencé à construire, ou le momer~


où vous avez habit6 ?

- C’est le debut de la construction. Avant de venir ici, j’etais à la caserne des


Chemins-de-fer, le quartier des cheminots à Wetrivikondji.

- Q - -4 l’époque, en 1939, y avuir-il ici d’autres habitants ?

- ;P&ais le premier ici, tout Pri?s de la lagune. Il n’y avait personne d’ici jusqu’aux
rails, personne aussi jusqu’à la route là-bas. J’etais seul...

(S) Il le sera b partir de 1928-30. On dit aujourd’hui Hanoukopt


(6) Chef d’Amoutivt de 1907 <f 1943.

87
- Q - Vous êtes donc le premier occupant de cette partie du quartier. Quand
a-t-il wmmenc6 h se peupler ?

- Oh...à partir de 1942deja, il était formidablement peuple. Avant, on ne savait


pasqu’on pouvait habiter ici. Pour ceuxqui n’avaient pasd’argent pour acheter,pour
nous,lespauvres,qui venions ici en demandant une parcelle au chef Adjalle, on vous
faisait payer une bouteille degin, deschnappset desodabi (7), et 30 F ; c’esttout !

- Q - Est-ce ce que vous avez payé vous-même pour avoir ié terrain ?

- Nous avonsdemandétr& tot à payeren argent.Mais on nous adit d’attendre.


C’estmaintenantquenousavonscomme& à payer,suivantlesdimensionsdenospar-
celles.

- Q - Combien avez-vous de mètres cari-65 ici ?

- 25 mètressur 25

- Q - A Gbadap, c’est une grande parcelle : ici, la moyenne est plutôt


autour dè 300 m2, d’aprh nos cakuk.

- On m’a autorisea aller jusqueIà où je voulais, puisquej’Ctaisle premier à venir


ici. Ce sont lesministresd’Adjall4 : Dadji, Klomeganet Tridji, qui sontvenusme tracer
la parcelle.

-Q- Actuellement avez-vous fini de payer votre parcelle ou vous êtes


toujours locataire ?

- Je suistoujours locataire.

- Q - Ma& ce n’est plus un Ioyer compté en bouteilles d’alcool


maintenant ?

-Non, non, eneffet...

- Q - Comment est-ce que leJ gens traversaient lu @une en 1939-42 ? Est-


ce qu’il y avait déjd là rue du Champ-de-course ?

- Quandje suisvenu ici, il n’y avait pasde route ii partir d’Ahanoukop6 jusqu’à
notre prolongement,lUas. Cest à œ momentqu’un commandantde cercleavaitvoulu
organiser une fête pour lesjardiniers à Ahanoukopé. A œ moment-la dejjà,Gbadago
etait a Tokoin, et il était en mêmetempschef,parœ quec’estlui qui reoevaitlesimpôts.
Quand le commandantetait venu Wxis, à Ahanoukopé, il demanda:

(7)Alcooldcdidationduvinde,palme.

88
- «Où estle chef?
- Le chef n’a pasderoute pour venir», lui a-t-on repondu.

On est a116le chercher, et il estvenu, avecson parapluie. C’est a partir de ce


jour-la quele commandanta donnél’ordre decommencerà mettre desordures dansla
lagune pour faire uneroute.

- Q - Et vous-mhne, wnunent &-ce que voas faisia pour mkr dàm


vobz &maine, ici ?

- On passaittant& par lesrails, tantôt par un petit sentier, 18où on afait la rue
maintenant. Il n’y avait pasde route pour aller àTokoin. Vous pouvezle demander A
n’importe qui : quandvous sortiezle jour et quevous nerentriez pasvite avant la nuit,
vous étiez embêtéspour passer(8).

-Q- C’était sans doute, une des raisons pour lesquelles les gens ne
voukàbt pas venir de ce côté de la lagune pour wtstruim leurs maisons.
Par eumplè-, wmment fuim pour amener des sacs de ciment ?

- Il ny avait pasdecimenten œ moment-la; détaient desmurs en terre de barre.


Nous n’avonsconnu leciment qu’à partir de 1945,et il n’y en avait pasbeaucoup.

- Q - Avez-vous construit vous-tnhe votre muison ou avez-vous fait appel


d des maçons ?

- J’ai fait appelà desmaçonspour unepartie, maisla partie en terre de barre, en


argile,a et6 faite par moi-meme.

- Q - 03 allia-vous chercher cette argile ?

- Oh, il y en a partout, méme la où je suis.Vous creusiezun trou et vous en


trouviez Mais on allait surtout la-bas,derriere lesrails...

- Q - En effet, il y avait une grande mrriè~~ en& les rails e& la mute de
Kpaümé, qu>on a wmbl& il y a dèux ans.

-C’estlàqu’Ctaientlechantieretlabriquete~ed’Octa~anoOl~pio;c’estlà
qu’on allait prendre desbriques cuitespour travailler danslesquartiers du centre. Il y
avait desouvriers qui fabriquaient lesbriques.

- Q - Cktte briquemè est déjd indiquk sur un ph dè 1891. El& kit donc
encore ld, sous le rebord du phteau, 03 il y avait la carrith pour la
transformation de l’argile en briques.

- C’étaitbien la-bas.

(8) Le quarnkr trait nfputt dan-

89
- Q - De l’autre c6tt! du chemin de fer, cW&dire d quelques dizaines de
mètres d?ci, c’était un terrain qui appartenait d Octaviano Olympia, avant
d’êrre loti. Est+e que c’était aussi une phntation de cocotiers, comme au
SUddï?larlagune?

- Cétait sacocoteraie,qu’il a lotie pour sesenfants.

- Q - Et & ce côté-ci, au nord de la lagune, son terrain était également


planté de cocotiers ?

- Non, non ! 11n’y en avait pasici ! Au moment où moi j’étais venu ici, on ne
pouvait pasmettre le pied là-bas: il n’yavait qu’unegrande for&.

- Q - C’était une forêt naturelle ?

-Ou& tout4-fit.

- Q - Dans les années 1950, avez-vous vu construire l’hôpital ?

- Bien sOr,puisquej’&ais d6jjàici.

- Q - A l’époque cWait kè bout du monde, n’est-ce pas ? Ça ne vous a pas


étonné qu>on wnstruise un hôpital si loin de la vit% ?

- C’était un terrain d’aviation là-bas.Personnen’y habitait.

- Q - C’est donc la c&Uha de l’tipital qui a duré entre, en gros, de 1948


d 1954 qui a provoqué ié peuphent de tout ce quartier.

-Oui,oui,çasevoit.

*
* *

- Q - Monsieur Dekpo, je vois d votre mur, aff%+é et encadré, un papier


qui est orné d’un ruban aux couleurs de L’Allemagne fédérale et d’un
superbe tampon de CI%, et je lis : «L’ambassade de la République fédérale
d’Allemagne exprime sa vive gratitude h l’égard de monsieur Dekpo
Etienne, qui a sauvegardé la plaque représentant I’eftïgie du docteur
Wolf. Ce geste, tout en rendant un grand service au gouvernement de la
République fédérale d’Allemagne, symbolise la vieille amitié germano-
togolaise».
Est-ce que vous pourriez nous raconter cette anecdote ?

90
- Personne ne m’avait demandéde faire ça.J’btais responsable des fondeurs
aux Chemins-de-fer. On a amen6 une plaquette de bronze à découper et à fondre.
Mais quandj’ai vu la qualite du brome et l’effigie,j’ai emballela plaqueet je l’ai ca&
dans un magasin. Même le chef de service ne le savait pas, jusqu’a l’arriv6e des
Allemands qui sesont occupesdu chemin defer. Personnene le savait, pasmemele
magasinierqui estsur la photo avecmoi.

- Q - Il y a sur le mur une phot& +xtrêmement p& aujourd’hui- qui


représente deux hommes de part et d’autre d’une grande plaque de
bronze.

- Elle représentele docteur Wolf, qui a fondé la stationde Bismarckburget qui


a exploré le nord du Togo. Il estmort dansle nord du BCnin en 1889.Il avait fonde
Bismarckburgen 1888.Il estenterré aucimetièrede la plage(B&iglato). Ccst bien de
celui-ci qu’il s’agit.

- Q - La plaque était-elle pkux?e au rond-poînt de PEditogo, sur la petite


phce ronde ? (9)

- Oui, oui ! Au momentdela guerre,on a dit que la FranceCtaiten&& enguerre


avecPAllemagneet qu’on nevoulait plusvoir cetteplaque. Cest pourquoi on I’a mise
en prison,on l’a lais& dansla prison,et puison mel’a donn& pour fondre.Moi, j’ai vu
la qualité du métal et j’ai refuse.

- Q - Pendant combien de temps avez-vow gardé cette plaque & bronze?

- On me l’a apportée en 1946,et on esivenu mela redemander en 1%7,à mon


depart pour la retraite.

- Q - Comment a-t-on su que vous aviez gardi! cette phque ?

- Je nesaispas.Des Européens -on dit que œ sont desemissaires-sont venus


avecun appareil-photo. Ils sontvenus demanderle chefde service, un Allemand, M.
Lit. Il n’etait pas là, alors ils sont venus me voir et me parler de l’effigie. Je les ai
emmenésau magasinet j’ai sorti l’effigie. Ils sont repartis.Et puis un, deux,trois mois
apr&s,1’Ambassadeaenvoyé notre directeur mechercher.Je suisa116un samedià 11
heures. On m’a mis àune table pour me remettre œ certificat, avecune bouteille de
whisky uBfuck-and- whifew.C’est tout, et je suisrevenu.

- Q - Qu’est devenue etuuile cette plaque ?

- On l’a répar&. Avant demeI’apporter,on avaitvoulu ladecouper, la mettre


en deuxmorceaux.On n’avait paspu. Maintenant,un Allemand etait au Chemin-de-fer,
monsieurHeissude,un soudeur; c’estlui qui l’a r@ar&, et puis on l’a emportde.Je ne
saisplus où I’on I’a lais&. Mais jki appris qu’on l’a misemaintenantà l%Spital.

- Q - Elle esf dans le kil d’en&& de l’Insti&ut d’Hyg2ne Ernst-Rodenwult,


au quairtier admCWf$

- Peut-bre bien.

92
no 9

LEWHARFDELOME
M. Joseph Amouzou KPODAR
(né à Anfoin en 1928)

- J’ai commenceà travailler auwharf de Lomé le 12juillet 1945,d’abord comme


dockerjournalier, titularise un an aprèscomme pointeur permanent. Intégre dans le
cadre local de pointeur de 48classeen janvier 1948,j’ai successivementtravail16 au
magasincale,au magasinmateriel, sur le debarcaderepour les navires, puis comme
caissierdu wharf. J’ai eté nommé en 1966adjoint au chef de service du wharf ; ceci
jusqu’en 1968,anneedenotre évacuation sur le port delorne.

- Q - Quand vous enhz en service au wharf, celui-ci existe donc depuis


17 ans. Est-ce que les vieux qui vous accueillent en ce moment-là vous ont
raconté un peu l’histoire de ce whatf et de celui qui l’a précédé, d l’époque
allemande ? Qu’avez-vous gardé comme souvenirs de cette histoire ?

- Oui, on m’en a beaucoupparlé, surtout du premier wharf allemand,construit


en 1904,sur unelongueurde 304m Il afonctionne normalementavantd’etre abîîe au
bout par une tornade en 1911,puis porté à 330m (1). Dès l’arrivée desFrançais,on a
constateque cewharf ne pouvait tenir ; aussile gouverneur Bonnecarrérea-t-il d&idé
defaireconstruireunnouveauwharfde330m,de 1925à 3928.C’estsurcewharf, qui
a commenceà fonctionner à partir de 1928,quej’ai travaille jusqu’en 1968.

- Q - Est-ce que ‘la construction de ces wha&z en pleine mer, au milieu des
vagues, avait présenté des difficultés techniques particulières dont on
avait gardé le souvenir ?

-Çan’apaspo&d e problèmesparticuliers.Seull’Étatdela mer conditionnait les


activites.Si la mer estcalme,le travail marchaitbien. Après,danslesanneeS1950-55,les
activités S’&aientaccrues,cequi posait deserieuxproblèmes.Aussi le gouvernement
decida de prolonger le wharf de 45,5 m et d’augmenter le nombre de grues de six à
neuf, dont trois de 10tonnes et sixde3 tonnes (2).

- Q - On dit que c’est le seul whatf de la côte ouest-qfricaine qui était équipe
pour travailler la nuit et qu’il ne s’arrêtait jamais, même les week-ends...
Est-ce que c’était te cas ?

(1) En fair, il avait &I! allong! en 1908-09, pu13 emportk par les vagues dkrte tempête le 17
mai 1911. Il rouvrit en novembre 1912 avec une pwerelle provisoire, qtd durera jusqu’d l’ou-
ver-are du wharf français.
(2) Èn 1954.

93
- Au debut, on travaillait de 6 heures à 18 heures. Mais, aprés 1950, avec
l’augmentationde la cadence,on commençaà travailler vingtet-une heuressur vingt-
quatre, douze heuresles dimancheset lesjours fëriés.

- Q - Pouvez-vous )IOË*F mconter en quoi wnsistuit votre travail ? Qu’est-


ce que ceLa voulait dite qu’utiliser un whatf pour charger ou décharger les
marchandises ?

- Nous, nous travaillions avec les grues. Les agentsdes chemins de fer nous
envoyaient leswagonsavecdesproduits locaux4 décharger,ou bien desvoitures, des
fers, du ciment, du sel...,à charger sur les plates-formes que nous employions pour
travailler. Nous avionsune locomotiveà notre dispositiondu matin jusqu’ala fermeture
du wharf, le soir.

-Q- Les nuu&andises d txporter arrivaient donc au wharf dans les


wagons ; comment est-ce qu’on les mettait dans les j%ts ? Etait-ce d la main,
par k hommes, ou bien pouvait-on, avec une grue, prendre les choses di-
rectement dans les wagons ?

- Pour l’importation, on chargelesfilets à bord desnavires ; on les met dansles


bouts (S), qui arrivent à quai ; les grues les prennent pour les déposer sur les plates-
formes-tombereaux ou dans les wagons. Pour les wagons couverts, les grues les
deposent sur le debarcadere; les dockers les rangent dans les wagons couverts, et
ensuiteon les ferme avecun cadenasou desfils de fer, pour lesacheminerau magasin
cale.

Pour les produits, les commerçantsles chargent dans les wagonset nous les
amènentsur le quai. Les grueslesdéposentdanslesboats qui lesacheminent,avecdes
chaloupesqui lestirent pour aller le long desnavires.

- Q - Il fallait donc une main-d’oeuvre importante. Combien étiez-vous


d travailler en permanence, aux heures de travail normales, au bout du
WhaJf ?

- Il faut huit personnespar grue et par &@pe, sixpersonnesdanslesboa& Les


bouts sont des canotsqui amènent les marchandises,les produits aux navires ou du
navire auwharf. Cesont deschalands.Il y adesbouts dc 7,h ct 10tonnes.

- Q - Il fi prt?cker qu’un wharf d Ia différence d’un port, ne permet pas


aux bateaux de s’amarrer, parce qu’ils auraient tout arraché. Donc les
bateaux restaient au large, et t’étaient les chaloupes qui faisaient la
navette entre les deux.

-On recevait jusqu’à plus de trois centsbateauxpar an !

(3) Gm chalnndr sans moteur.

94
- Q - Quelles étaient les nwdtandb qui arrivaknt k plus 7

- Le ciment.

- Q - En quelk ann& k cimenI a-t-il commencé d abonder sur k ma1&2


togolais ?

-A partir de 1948.A œ moment-là,le gouverneur augmentaitnos salairestous


les sixmois.Alors lesgensont penséà construire des maisons.En œ temps-là aussi,
l’@ise St,-Augustind’Amoutivé etaitdejà implant6e(4), et Adoboukomé commençaità
sedévelopper. Des gensdemandaient desterrains gratuits, que le chef Adjallé leur
donnait. Ainsi, tous les six mois, quand on recevait les salaires,on commandait du
ciment,qui arrivait en abondance.

-Q- Les gens voyageaient-ils beaucoup par bateau, et dans quelles


conditions 1

- Pour voyager, même d’ici à COtOnOU, certaines personnes :e fairaient par


bateau.Les principaleslignes(Congo,Cameroun,Abidjan...) Ctaienten pleine activite
à œ moment-la.2s Togolais allaient là-bas; ils revenaientfaire leur mariage ici, et ils
repartaient. Les paquebots embarquaient beaucoup de gens. Pour aller en C&e-
d’ivoire, le bateau prenait desfois jusqu’à 160passagers! Il en venait deux par mois,
desChargeurs-Reunisou de la compagnieFratssinet,depuis Marseille. Ils prenaient
despassagersd’Abidjan pour venir ici, puis ils allaient de Lame àLibreville, Pointe-
tioire, Port-Gentil... C’etait &ns cespaysqueles Togolais allaient le plus souvent.

- Q - Comment est-ce que vous h embarquiez ?

- On lesembarquait dansdeschaises,une sorte decaisserenforceede fer d’en


basjusqu’en haut, appeleepanier. La chaisepouvait heurter le bout de la barque, ou
plonger dans la mer, maisvous ne pouviez pas tomber, une fois que vous teniez les
cordes, parœ qu’on avait serre avec des maillons. En temps normal, on prend six
personnes par panier, mais quand il y a beaucoupde passagersou que le bateau est
pressé,on enembarquejusqu’à dix :sixassiset quatre deboutsau milieu.

- Q - On peut citer ici un &t des anta& 1930, fort pittoresque dans sa
dwription du wh& C’est estrait du livre «Les bfitisseurs de royaumes»,
de l’écrivain Jean Martet (5) qui a visité k Togo en 1933.

uLomé appanrt : des maisons, une petite ville bâtie sur cette côte basse d’or2
s’avance perpendiculairement une chose noire, qui est le wharf: A Lomé, il y a même
deux wha#s - l’ancien et le nouveau, l’allemand et le fiançais. L’allemand tombe en
ruines et le fiançais se hérisse de six grues, magnifiques.

(4) Elle date en fait de 1934.


(5) Paris, A. Michel, 1934, 314 pages (ici pp. 39-44).
Qu ‘est-ce qu ‘un wharf ?
C’est une jetee, - alorspourquoi dit-on : le wharf Ipourquoi au Togo les autos
observent-elles la conduite h gauche ? - une jetee en fer, haute sur l’eau, qui n ‘a pour
but que & jouer un sale tour à la barre. La barre, ainsi que nul n’en ignore, est une
grosse, grosse vague, - à de certains jours et de certaines heures, très, très grosse, - qui
est composée en principe & trois rouleaux et qui vient se briser sur le rivage, sans
treve, ni repos, en faisant un potin de tous les diables (...). Le wharf supprime ce
dt!sagrt!ment. Il s’avance en mer jusqu ‘au-dela de la ban-e et il vous cueille avant que
vous soyez jkacass4 (...).

On me montre une petùe barque blanche que traîne une chaloupe à vapeur et
qui se dùige vers notre bateau (...), Elle accoste (...). Le supplice du upaniem com-
mence.

Le panier n ‘est naturellement pas un panier.


Le panier est une espèce de cake en bois, sans couvercle ; on dirait un peu
une a2 ces balancelles comme il y en a dans les manèges de chevaux de bois.
Seulement, dans les manèges de chevaux de bois, c’est habituellement peint en rouge,
avec des dessins d’or. Ici c’est peint en gris, comme les torpilleurs. De plus, c ‘est muni
par en dessus d’une armature de fer : les anses de ce panier.

Je suis donc monté la dedans. Je me suis assis sur lune des a’eux banquettes
dont la balancelle estgarnie, legrand Bernard est montéh son tour; s’est assissur l’autre
banquette, enface de moi et, sur un commandement du capitaine, les gars qui la-haut,
font marcher les treuils et les mats & charge, ont «envoy&

C’est-a-dùe que le grand Bernard et moi, nous avons été enlevés dans les aùs,
arrachés du pont, balancés au-dessus des flots, nous avons tourné trois ou quatre fois
surnous-mêmesetqu’aprèsavoùheurtédeuxou troisfoisla coquedu Hoggar,- boum
! boum ! boum ! - nous nous sommes retrouvés en bas, tout en bas, au fond de la petite
barque blanche aux six matelots noùs, vêtus de bleu.

J’ai dit à Bernard :


- On n’aurait doncpaspu trouver quelque chose de plus pratique ?
- Ça ? m’a-t-il répondu. Qu ‘est-ce que vous voulez de plus pratique ?

Sur quoi le gros crochet de fer qui nous suspendait au mât de charge s’est
décroché ; il est tombé sur le criine de Bernard, a’e tout le poids de ses quarante kilos.
Bernard a un peu crie, agitéses grands bras, et, la petite chaloupe à vapeur nous ayant
jeté une cor&, nous avons gagné le whar$ h la traîne. Arrivés au wharf la même
comédie a recommencé, une des grues est venue nous pêcher au fond de notre petite
barque, nous a promenés par les espaces, déposés doucement - boum ! - sur le tablier
du wha$ nous sommes sortis de notre panier.
,
Bernard et moi, nous sommes montés sur un petit wagon que deux messieurs
togolais se sont mis à pousser, joyeusement, d’un bout à 1‘autre du wharf et, bientôt,
nousprenionspied sur une terre rouge où un autre monsieur togolais m ‘invitait h payer
quelquesj?ancspour couvrir en partie les frais d’établissement du wharfk
96
Voüd donc comment l’on débarquait à Lomé en 1933 (hz sï%ne devait
d’ailleurs être pratiquement la même en 1953...). Mais revenons aux
souvenirs de M. Kpodar.
*
* *

-Q- Est-ce que les tfquipages des chaloupes fdnt partie du person-
nel ? Est-ce que vous alliez dè temps en temps sur les chaloupes ou &ùt-
ce des groupes de travailleurs très diffkrents ?

- Ils faisaientpartie du personnelduwharf. Il y a le patron, qui estauvolant, en


plus du m&anicien et du chauffeur,celui qui met le charbon ou le bois dans le feu. Le
brigadier jette la corde au bout pour y être attach& et tirée le long du navire ou du
navire auwharf. Ils sont donc quatre àbord.

- Q - Donc, c%?.taient dès sp&&tes. Eux ne venaient pas travailler sur ié


wh& et vous, vous n’alliez pas travailler sur kès bateaux...

- Il y avait desspecialistespour leschaloupes,pour lesbout3 aussi.Sur les quais,


il y a des dockers, que nous appelons manoeuvres, les grutiers, qui sont deux (un
chauffeur et un conducteur degrues).

- Q - A l’@oque alièmande, avant l’ouverture du wharf, c’était une activité


tds spttkiale que ce dkhargement des chaloupes : t’étaient des «krumen»
(6) qui faisaient ça, qui venaient du Libéria ou de CGte-d’lvoire. Est-ce que
nous en avez encore connus ?

-Oui, àla fin dela guerre 1939-45,j’avais vu deskrumen qui étaient installes à
Lomé, logesdansl’ancienmagasinallemand.C’esteuxqui travaillaient. Ils quittaient le
wharf pour aller auxnavireset rentraient à Lomé unefois le servicetermine.Vers la tïn
de 1945,ils ont Btéévacu6sversleur paysd’origine et remplacespar les autochtones,
pris sur place.

- Q - Ils n’ont appawmment pas lai& de descendants. Vous ne wnnuissez


pas d%&itie~ de ces krumen qui ktaient venus travailler d Lomé ?

-Non, je neconnaispaslesdescendantsqu’ils ont laissesici.

- Q - Selon la Marie d’un ethnologue allemand, Tobias Wendel, ce


seraient eux qui auraient introduit kè culte de «Mami-Wata» sur toute kà
côte ouest-qfricaine, une divinité marine qu’ils vhéraient particulière-
ment : ce serait cela kèur htwqe...

(6) L.cs krumen -en &n&al dkthnù Km, d’o3 le jeu de mot mr liangiaîs wxewm (+ipa@-
> ontcontinuctrLslott~~banbarquerwIcs navira comme équipas d’appoint.

97
hiais menons au personnel du ww. Il dépendait des Chemins-de-
fer, mais il était autmwme ?

-Le personnel du wharfétait différent decelui du rkseaudesChemins-de-fer.


Nous avions cependant un seul directeur general, mais le wharf avait son chef de
service.

-Q- Est-ce quel &it plus prestigiew d’être au wha@ que d’être un
cheminot ordinaire ?

- Sur le wharf, il y avait beaucoup de risques.Aussi le gouvernement avait


instauré desprimes,desprimes de tonnages,desheuressupplémentaires,en plus des
salaires,pour encouragerles ouvriers.

- Q - Vous parla de risques. Est-ce que vous avez arsisté d des


accidents ? Est-ce qu’il y avait des grues qui tombai& dans la mer ?

- Quand il y avait la mark? hauteou la tornade, lesbouts s’6chouaient Il arrivait


parfois aussique lespirogues qui dechargeaient les fers àbeton ou du ciment soient
prisespar de grossesvaguesqui roulent : lespirogues coulaient.Alors on envoyait des
spécialistessousla mer, récuperer cesmarchandisescoulées.Avec desfils de fer, ils
lesattachaient, avecdesboulons ;la chaloupe lestraînait jusqu’au long duwharf. On
jumellait lesgrues de 10tonnes pour les ramener à la surfacede l’eau. On etablissait
ensuite le proci verbal, pour l’assurancequi supportait les frais...

- Q - Si c’était des jèrs d béton, ils &Gent &uphabks ; mais si c’était du


ciment qui coulait, c’&ait bel et bien perdu...

- Oh ! Les fers à beton, souvent, on ne les récupérait pas,ou parfois en petite


quantitéseulement. Cesont lesvoitures qu’on rkcupbrait facilement, si l’on réperait
l’endroit, et aussilescaisses,ou lespaquetsde tûles...

- Q - Est-il arrivé d certaines voitures de partir d kà mer et & n’avoir pas


été récupérées ?

- Oui. Je me souviens d’une voiture qui aéchoue à la mer : en descendantdu


navire, la voiture avait heurte le rebord du bout ; lesroues sont sorties du filet ; elle a
glisse;elleest tombe& lamer...

Quand cesrisquessurvenaient,ceuxqui arrivaient à secourir soit les marchan-


dises,soit les personnes(parce qu’il y adesgensqui ne saventpas nager), alors ceux
qui les repêchaient avaient descadeauxou desprimes, pour les encourager.

- Q - On pouvait être embauché sur lès chaloupes sans savoir nager ?

- Oui, il y avait desgensqui etaient engagessanssavoir nager...

98
- Q - Vous parlez hi dtuxidèm surtout mai&& : une voiture qui tombe
d l’eau, l’assurance peut la remplacer... Est-ce qu’il y avait aussi des
accidents de personne ? Est-ce que vous avez tks collègue qui son2 morts
en faiwnl çe travail ?

- Lors des operations de déchargement du materiel pour la construction de


KpémC(7), il y a eu des accidents.Un patron de boat que je connaissaisen a eté
victime : une chargel’avait cognéàla tete,mais,heureusement pour lui,la médecine
avait fait tout son possible: il asurv&u, avant de mourir quelques annéesplus tard.
Cependantun ouvrier qui avait reçu,lui, un gros chocauventre était mort L’accident
venait des boa&, parce que les palans qu’on debarquait avait glissesur le c&e. On
couplait les boats à deux ou trois pour les colis lourds ; cela dependait... Pour les
locomotives,on couplait mêmetroisboafs pour lesdecharger.On bloquait lesessieux,
la chaudiere,la cabine.C’estau coursdecesopérations que surviennent lesaccidents.

- Q - Quel a étt! l’objet le plus lourd que vous ayez vu débarquer ?

- Le plus lourd, c’etait la locomotive diesel de STRABAC (8). Il y avait deux


dieselsqui faisaientlesnavettesderochesd’Agbélouvé (9) auwharf. Il n’y avait que les
essieuxqu’on avait détachesde la locomotive.On avait attachelescordesqu’on tirait à
la troisièmevoie desrails,pour pouvoir placer la locomotive sur la première voie. Cela
avait Ctetrèspenible pour nous.

- Q - Ainsi donc c’était un métier di$icile, dangereux, même sU y avait peu


d’accident @ce aux mesures que vous preniez. Rehztivemeti bien payés,
vous étiez doue en quelque sorte une élite ouvrière. Est-ce que vous aviez
une organisation spécifique ?

- Oui, en 1946nous avionsle syndicatdescheminotsqui nous couvrait à l’epo-


que. Le Service de la Main-d’oeuvre n’etait pas developpe, mais le gouvernement
avait instaure quelque chosede ce genre, qui venait sur les lieux de travail faire des
constats,voir comment leschosesmarchaient et fixer le taux qu’on devait payer aux
personnesvictimes d’accidents.

- Q - Vous aviez donc déjà une skcurité sociale bien développke ?


- Oui, on a eu unesécurité socialebien développee àpartir de 1946.

-Q- Est-ce que vous aviez uue organihon pour défendre vos intérêts,
votre salaire vis-d-vis de l’administration ? Est-ce qu’il y a eu des bav
diflïiles, des httes qu’il a fallu mener ? Est-ce que ça s’est toujours bien
passé ?

(7) Wuuf pour kporîation des phosphates, d 35 km d l’est aè Lo&, construit b kxtr&e
jIn de la pkriode coloniale.
(8) En 1964.
(9) Carri& b 60 km au nord de Lomé, 03 l’on a extrait les blocs de gneiss pour la construction
des digues ai4 porL

99
- En 194930, on avait supprime lesprimes d’heuressupplementairesaux fonc
tionnaires,c’est-à-direaux agentsdu cadre,pendant dix mois.En novembre 1950,on a
fait une gr&veavecsuc&. Et puis en 1954aussi,une autre grêve, qui dura sixjours.
C’estàcemoment qu’on aaffecte le camaradeDekpo au ServicedesTravaux publics
et M. Banza au Service du TrQor. Le gouvernement fut obligé de faire appel aux
piroguiers de la prefecture des Lacs (que nous appelions alors le cercle d’Anecho)
pour remplacer les grevistes.Ils venaient desrivieres d’Agbanakin et d’Avt?ve(10). La
gr&veprit fin au sixièmejour ; le gouvernement avait accordé aux grevistes ce qu’ils
r&zlamaient.Le camaradeDekpo revint aux Chemins-de-fer,mais pasM. Alomenou
Banza,age, qui etait sur le point de partir en retraite. Les camarades piroguiers
r&up&és d’Aneh pour nous remplacer,delaisses,s’agitèrenteux aussi,et le gouver-
nementdécidade lesreprendre.C’està œ moment qu’on instaurala troisi&mevacation
de21 heures sur 24 heures,en 1954.

- Q - Il y avait eu encore un certain tr@i dè bateaux en rade d’Wu!ho


jusqu’en 1938, mais il n’y avait pas Id-bas, par ample, de gens qui savaient
manoeuvrer les grues. Ces piroguiers ne pouvaient pas manipuler vos
grues ?

- Non, bien sur ! Mais quelques-unsparmi nous avaient refuse de «grever» et


avaient ete au service travailler avecles piroguiers venus d’Agbanakin et d’Av&e.
Alors, un pointeur avait pris une chaloupepour travailler ; elle est a& s’echouerlà-
bas,à la Poudrière (11). Après la reprise du service,on envoyadesspécialistespour la
r&up&er. On attachalescordagesd’acier et deux autreschaloupesl’entraînèrent, les
canotiers creusant le sable qui entourait la coque de la chaloupe. Ainsi, on a pu la
sauver...

- Q - Est-ce que, parmi ces dirigeants syndicaux du wharJ; il y en a qui, par


la suite, sont devenus des leaders des confédhations syndicales ghéra-
les du Togo, puis ont pas&, avec hn~ïation, d la CNTT (12) ? Est-ce qu’il
J J eu une tradition syndicale qui s’est maintenue du wharf d la CNTT
actuelle ?

- Oui, maisj’ai oublie le nom de œsyndicat.C’estle syndicatque M. Akouété


Pauliu avait dirige.

(M. Kpodar va alors chercher une carte syndicaledatée de 1948 : rconfédération


générale du travail, (CGT) Ville de Lomé ; Syndicat des cheminots et des agents
autochtones du wharf et phare du Togo. M. Kpodar, pointeur de première classe,
wharfde Lomé, néen 1928 h Anfoin. Carte no 276).

(10) Sur le basMono.


(II) A 2 km plus à lkst, acnrel carrefour du Boulevard circulaire et de la Marina (on y stock&
la poua%e d l’&oque akmande). Une école en occupe aujourd’hui lkmplacenm~
(12) Conf~dtbtion Nationale des Travailleum du Togo, fondée en 1973.

100
- Q - Nous avons ici un monument historique, une carte qui a presque
quarante ans...

Pour Compt%%erle whatf il y avait bien siJr la gare, les atelier dès
Chemins-de-fer, etc. Il y avait aussi un phare pour guider les bateaux. 03
était-il ? A quoi ~embkzi.6il ?

- Il y avait deux phares.Le grand Ctait au bord de la route principale, là où se


trouve l’hûtel Le Bénin ; le petit était au bout du wharf.

- Q - A l’inauguration du port & Lomé, le trafi ne s’est pas arrêté tout de


suite au whurf ; ça a di2 être ~II transfert progressif 3

- En 1%7,le wharf travaillait surtout le cimentet le sel,et le port aussifaisait ses


activités. C’esten 196Squ’onafermélewharf.

- Q - Et les dockers ont tous été repliés au port ?

-Non, lesagents,pointeurs, dockers,canotiersjusqu’à l’âge de45 ansCtaient


envoyésau port, et lesautres,de46,50 ou 55 ans,étaient envoyésaux Chemins-de-fer.

- Q - Vous même, avez-vous pris votre retraite à ce moment-ld ?

- Non, j’étaisenfonction depuis23ansauwharf ; il merestait15ansàterminer au


port...

- Q - Alors, est-ce que lè travail était beaucoup plus facile au port qu’il
n’était autrqfok au wha$ ?

- C’est très facile au port, parce que lesbateaux accostentle long du quai. Les
marins du navire prennent les marchandiseset lesjettent àquai, et leschariots et les
grues viennent les chercher.
*
* *

-Q- Vous même, 03 habihz-vous d cette époque-h ?

- C’estdepuis 1953quej’ai construitmamaisonici.

- Q - Ici, nous sommes d Souza Nètimt?, tout près de la seconde forêt sacrée
de Bè et dè la «Savonnerie & Bè». Quand vous vous êtes instaué ici, en
1953, y avait-il déjd des maisons autour, ou est-ce que vous étiez l%r des
pmmiem d venù wnstruire ?

- La savonnerie aet6 la première às’installer ici. Après moi, il y a eumon petit


frère, Pierre Kombelota, et M. Adze.

101
- Q-Et lafort%sacde ? Comment étnit-ellè en ce temps& ? Etait-elle plus
grande qu’aujourd’hui ?

- Elle Ctait plus grande. Avec le nombre de gensqui s’accroît,la foret sacke a
recule de 50 m environ, puisqu’on jette lesordures aux abords de la foret, qu’on lesy
brftle... Cequifaitque laforêtserétrécit.

- Q - Pourquoi &iez-vous venus ici, si loin de là vil& et même loin du


marché & BS, qui &ait ha partie habitée la plus proche ?

-Nous sommesles premiersvenus à Pa-de-Souza.Augustino de Souzaavait


commenceà lotir premièrement à partir d’ici, jusqu’à cette rue, puis aprèsjusqu’au
marchede Be,qui n’existaitpasàl’époque. Il n’y avait quela gare deBè (13),avecdes
mouvementsà 7 heures.

- Q - Le lotksement s’est donc fait d partir de la route de Bè et de la forêt


sac& ; d partù & la savonnerie, il a remonté vers le murchd.

- Oui, c’estàpartir de la savonnerie,vers la forêt sacree,qu’a commencele lo-


tissement,jusqu’a aboutir au marchéde Bi?.

- Q - Auparavant cela avait été une cocoteraie en pleine production. Est-


ce qu’il restait encore des cocotiers à cette époque ?

- Il y en avait ! Mon lot contenaitmêmequatre cocotiers,quenous avonsabattus


par la suite,avecla permissiondu fils d’Augustin0 deSOU~~, M. Kwaouvi deSouza,car
les noix tombaient sur lesenfants.

- Q - Donc vous biez votre maison, mais l’ancien propriétaire venait


encore exploiter les cocotiers...

- Si vous vouliez qu’ils deviennent votre propriété, vous deviez payer 1OOO
francs.

- Q - A combien aviez-vous adet& ce terrain, en 1952 ?

- 75000F, plus5 000F pour le geOm&re,soit 80000F.

- Q - Pour vous, c’etait une forte somme, d @oque ?

- Cetait uneforte somme,parcequ’en 1952,mon salaireetait de 18000francspar


nKk

(13) Aujourd’hui poste de police, en face du marché de Bk. Souza NMmd &ir la plus vaste
cocoteraü des alentours de Lomk, progressivement lotie par Augustino de Souza et ses
alfmts cnlrc 1950 et 1970.
102
- Q - combien la wnstmction a% la maison vous a-t-elle coûté ?

-Plus cher que le terrain ! 24000 briques à 1200 Fet les frais de transport :
l2OOFpourles~OCObriques.Ilavait falluaussi20000fBncspour lemaçon,maisœlui-
cia pris le large...Il afallu chercher un autre maçonpour terminer le travail !

- Q - Vous êtes donc chez vous depuis 1953. A quel moment est-ce que le
quartier s’est peuplt! autour de vous ?

- Vers 1956.

- Q - Comment s’appelle Ia rue 03 nous sommes ?

- La rue Kombelota,un cheminotforgeron ; c’&ait aussiun griot, qui jouait de la


flute locale,un amuseurpublic.. Commetout le mondele connaissait,on adon& son
nomà la rue où il habitait.

103
no 10

LZS ECOLES CATHOLIQUES EJYLES MISSIONNAIRES

R.P. Jean GBIKPI-BENISSAN


(ne à Aného en 1913)(l)

- Q - Père Gbikpi, nous voudrùms aborder avec vous l’hktoire des écoles
catholiques, qui ont fond une parti& importante des gens de Lomé, de
leurs tS!itex Quel&?s ont 412 les premières ~CO~S, dans quels b&nents et
avec quels responsables ?

- Faut-il parler d’une méthoded’apostolatdurant cespremibresannkes?11n’y


avait pasde choixunique,mais,consciemmentou non, on donnait plus d’importanceà
tel ou tel point, Des les débuts,on accordadonc une place de choix aux écoles : les
baptemesd’adultessemultipliaient en grandemajorité parmi lesélèvesde cestkoles.
Le catekhumenatdesadultesn’etait pasnegligé,maisœla posait tellement de proble-
mesà causede la polygamiequi regnaità peu prèspartout sur la côte ! Dans leskoles,
on soignait particulièrement I’enseignementreligieux

TrZ?ssignificatifdeœt apostolatestla demanded’un descheiktogolais(2), desla


toute Premiererencontre avecle premier père superieur (3), fraîchement debarque,
le 27 aoQt 1892.Nos chefs de Lame arrivbrent dejà chezle délegue imperial pour
prendre desrenseignementssur lesmissionnairesnouvellement débarqués.Lepro-
prefet setrouvait justementlà ; ils firent connaissanceet l’on pria le Pèred’ouvrir une
&ole desla première rencontre. Le 2 septembre,deux enfants assistaientdejjàà la
première messe,cinq àla seconde.Le dimanche4septembre, ils étaient douze.Avec
quelle piete ils restèrentàgenouxdurant toute la messe! C’estdire l’importanceque les
etints avaientdansl’apostolatdestout premiersmissionnairesA la fin de l’année1893,
on notait 135enfantstXquentant lesécolesde Lame,Adjido et Togoville. Le nombre
deschretienssemontait a 180,œlui descat6chumènes à 160.Dejà en l’an 1893,c’est-a-
dire quelques mois apr&sI’arrivee despremiers missionnaires,le PCreDier, retour-
nant à Steyl(4), amenaitaveclui deuxenfantsafricains : cecimontre l’importance qu’il
attachaitdèscesdébutsà l’éducation desenfanta.Malheureusement,il n’a pasdonné
(1) DtXgnt aa’minktiateur apostolique de l’archia!i&se de Lord le 13 f!wier 1992
(2) Octaviano Oiympio, 0 Lord depub 1882 Lors de cet entretien, le RP Gbikpi a beaucoup
citk ou paraphmt «L’Histoire de I’Eglise catholique au Togo» du RP Karl Miller (kiition
fiançake, Lomt$ 1968, 253 p.), ainsi qu’une plaquette de souvenirs en hommage du RP
Riebtein (Lomt$ 1974, 20 p.).
(3) Le RP Johann Schaefer ; sa santt! l’obligera à repartir &j&tivement deux ans plus tard.
(4) Aur Pays-Bas, d la jFontit?re allemande, &ge des missionnaires de la Soc&! du Verbe
Divin.

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les noms de ces deux petits. A la fin de 1893, on avait dejjà 150enfants dans les écoles.
L,‘importanœ de l’apostolat par Mcole provoquera des 1894 la mefiance des féticheurs.
Nous lisons en effet que les centres de fétichisme de Grand-B& (5) et de Togoville
relevaient la tête. A Grand-Bè, on chercha à se debarrasser du missionnaire quand il
entreprit de construire une école. A Togoville, écrit le Père Dier, la population est
mefiante, entièrement vouée au fetichisme et ne veut pas entendre parler de la mission.
Les enfants sont nombreux, mais aucun nevient à l’école. Les féticheurs sesont bien
rendus compte que l’apostolat par l’instruction des enfants cloignait ces enfants d’eux et
les amenait à la nouvelle religion.

Dans les statistiques de cette annee 1895, on mentionne que 485 enfants fré-
quentaient les &oles catholiques. En 1899, ils sont SO3kcoliers. Enfin, dans le rapport
officiel du gouvernement au parlement allemand, le «livre blanc» de 1909, on men-
tionne l’heureux developpement de l’enseignement du Togo. A Lomé, on vient de
construire un bâtiment de 30 mètres de longueur, à deux etages ; c’est l’école profes-
sionnelle, dirigée par six freres allemands. Un grand nombre de Togolais se forment
dans les neuf ateliers : des menuisiers, des charpentiers, des maçons, des serruriers,
des cordonniers, des tailleurs, des peintres, des sculpteurs sur bois, des couvreurs, des
imprimeurs... C’est une belle oeuvre, non seulement pour la mission du Togo, mais
pour le pays tout entier.

- Q - Vous rwus uvez parlé des effectifs des écoles, mais on ne sail pas dans
quel3 endroits ces écoles se trouvaient.

- Ces kcoles étaient d’abord sur l’emplacement de la première mission au Togo,


là où se trouve aujomdhui le magasin «Nouvelle Hollande», dont la moiti6 du territoire
est aujourd’hui detruit par la mer. Les ecoles se trouvaient là, mais des 1898, on a
transfere l’ecoledes garçons là où ellese trouve actuellement, près de la cathédrale.

- Q - Quel& a été la date de lu création de l’école professionnelle ?

- La premièreécole~professionnellese trouvait à Adjido, à Aného, parce que,


dejà en 1893, le Père Dier avait transferé la residenœ du supérieur de la mission à
Adjido; c’était alors Aneho qui etait lacapitaleduTogo, et les embarquements pour
l’Europe se faisaient plus souvent à Aného qu’a Lome. C’est ainsi que nous avons eu la
première école professionnelle g Adjido. Mais, ensuite, le grand b$timent à etages dont
on parle a Cte construit ici, à Lomé.

s Q - Le bârimerrt que l’on a détruit récemment et qui se trouvait en face de


l’archevéché, qu’est-ce que c’était au juste ?

- En faœ de l’archeveche, côté nord (coté sud, il y a toujours le grand batiment


scolaire), c’était le cours complementaire, qui est venu plus tard (6).

(5) Lk? (opposd à Petit-B6 : Amoutivt?).


(6) vers 1910

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- Q - On a cr& par la suite une deuxième école catholique dans kà partie
nord du quartier d’Ynagokom4, nk+ce pas ?

- L’École deKok&iméest venue un peu plus tard, apr& l’arrivt!e desreligieu-


ses.C’etait la garderie,le jardin d’enfants.Plustard, a l’arrivée despèresde la mission
française,comme il n’y avait pasassezde religieuseset deplacespour lesécolesdéjà
developpées,on atransformé cettegarderie d’antan en écoleprimaire, en agrandis-
santle b&iment.

- Q - Et L’aCokè des filles dès soeurs de là rue de ià Mission, est-ce qu’eh%


date également de l’époque allemande ?

- Oui, bien sur.Reprenonsnotre récit.A la premierefête de Noël en 1892,alors


qu’on comptait déjà 48 écoliers, on pensait dejà à la necessitede faire venir des
religieuses pour s’occuperdes petites filles, préoccupation notée des le quatrieme
mois de l’apostolat missionnaire.En 1896,la question devient decisive.Le Père Büc-
king va bientôt aborder dansseslettresla questiondessoeurs.Il y a desanneesque les
pourparlers avecSteyltraînaient ; rien n’aboutissaitparce quele supérieur avait des
exigencestrés strictesau sujet des soeurs et parce que le Père Dier n’etait pas du
mêmeavis que le Père Bücking. L’un voulait dessoeurs pour Adjido, l’autre pour
LomC. Le pere superieur general envoya des instructions précisesconcernant la
clôture desreligieuses:

<Jedemandequ’on établissela clôture de la mêmefaçon qu’en Allemagne, ou


plus Gverement encore.Dans le parloir, il doit y avoir une grille et un tour, maispasde
porte pour entrer dansla maison.Cetteporte doit setrouver du côté où lesjeunesfilles
entrent. Ce n’est que grâce à votre fermete sur ce point que vous pourrez faire
admettre aux gensque les soeurs ne sont pas vos epouses.Je n’enverrai personne
avant d’être assureque tout esten ordre».

Le 8 janvier 1896,il Ccrit au Père Bücking : «J’ai déjà quatre soeurs pour le
Togo, et j’en aurai bientôt six,cequi permettra d’occuper deux postes».Ceci àcause
de la divergence qu’il y avait danslesopinions : certainsvoulaient tout pour Adjido,
tandisque d’autresvoyaient l’évolution future de Lomé et voulaient avoir tout de suite
dessoeurs pour Lame. Donc il dit qu’il a dessoeurs pour deux postes,mais il Ctait
n&essaire que toutes les soeurs restent d’abord un mois ensemble. Sur le plan
eccl&iastique,l’ensembledela questionrelevera du pi?reDier, administrateur aposto-
lique. Une fois encore,les chosestraînèrent plus d’une année.Les quatre premières
religieuses,lesSoeursBernarda,Fratuisca,Vicentia et Margareta arriverent le 6 mars
1897. Elles furent accueillies avec l’enthousiasme qu’on devine, et elles se mirent
immediatement a la tache où elles sont irremplaçables : la formation humaine des
chretiensde la jeunessefeminine. La première supérieure,Soeur Bernarda, etait une
religieusetout a fait remarquable.Elle reussitadmirablementauprèsdesjeunesfilles et
desfemmes africaines, ce qui explique l’affluence des enfants à l’Écoledes les pre-
miersjours.

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Les Cpreuvesn’allaient pourtant pastarder. Au mois de mai, la mort emporta
Soeur Ekrnardaet le PèreHoffmann. Celui-ci avait beaucouptravaillé pour la mission.
Particulièrement doué pour les langues,il avait écrit plusieurs ouvrages en éwé :
catechisme,histoiresbibliques,livres depriére, grammaire,dictionnaire...L’arriv&e de
quelquesmissionnairesput heureusementcombler cesvideset la situations’améliorera
sensiblement.

De cespremibresmissionnairesallemandes,certainesont eu des relations tout


à fait privil&kks avecmapropre maman,qui lescitait continuellement.Lors demon or-
dination saœrdoçale,en 1942,àRome, lessoeursdecettecongregationallemande ont
tenu à œ que je vienne dans leur couvent c&brer une de mes toutes premiCre.s
messesparœ que, commelespères,ellesavaient l’oeil sur moi :j’étais le fruit deleur
missiond’il y avait 50ans(de 1892à 1942).Et j’ai su que,danscettecommunauté,il y en
avait une qui avait fait le Togo et mémeAneho, et q i avait connu ma mère. Ma mke
effectivement parlait decette religieusequi l’avait pfis e en affection, et a laquelle elle
etait restee trèsattachéedansson coeur. Çaa été une grandejoie pour elle. Apres la
messe,nous nous sommespresentes,malgré la clôture deleur couvent, et elles nous
ont offert un petit dejeuneret uneconversation très agreables.(On parlait l’italien).
C’est là que cette soeur a evoque la memoire de ma mere ; je lui ai dit que ma mère
parlait souvent d’elle. Cesont dessouvenirs qui ont enchanteson vieil âge...
*
* *

-Q- Revenons, si vous voulez bien, d l’histoire des religieux. Assez


curieusement, au début de la première guerre mondiale, les Anglais
laissent en place tous les missionnaires allemands. Mais quand même,
progressivement, la situation se radicalise, et ils décident jïn 1917-début
1918 d’évacuer, de déporter tout le clergé! allemand qui &ait encore dans
kè pays. Comment se fait alors h relève ?

- Nous avonsdesdocumentsprkis : le 11fevrier 1918,le vicaire apostolique de


la Gold Coast(7) fut nomméadministrateurapostoliquedu Togo, qui venait de perdre
tous sesmissionnaires.Les premiers pr&tresarriv& de la Gold Coastà LomCfurent le
Pere Reymannet le PèreRiebstein.Celui-ci passeravingt-neuf ansà Lame (8). Il était
devenu un pretre légendaire, et le pbre des traditions de la mission de LomC. Je
retrouve dans une de sespremières lettres, l’historique de sapremière rencontre à
Lame :

«En grimpant au premier étage,je me suis trouve devant un premier étre


vivant : un gros chien blanc-noir, pasméchant, qui, envoyant ma soutane blanche,
semblaitreconnaître un de sesanciensmaîtres.De saqueue touffue, il mesouhaita la
bienvenue».

(7) Mgr Hummel (18701924), Mque de Cape Coast (d’origine akacitmne).


(8) De 1918 b 1947. Il partit emuite au Canada.

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Quant auxécoles,le Père Riebstein écrit :
«Le lendemain de notre arrivée, nous fûmes présentés au gouverneur
anglais(9) et auxautoritesadministratives.Le fonctionnaire chargede l’enseignement
me dit alors : «Père, je veux que les Ccolesallemandes de la mission deviennent
anglaises.Débrouillez-vous». A Lomé, il y avait alors 600elèvesavec16moniteurs ;
Mgr Hummel leur ajoignit un maître d’ecole dela Gold Coast.Je mesuisdonc mis à
l’oeuvre. La sortie de l’école ayant lieu à 16heures, je prenais les moniteurs de 16
heures à 18 heures pour leur enseigner les leçons qu’ils devraient donner à leurs
elevesle lendemain.Deux autresinstituteursde la Gold Coastfurent envoyésà Lame
un peu plus tard, pour les autres classes,si bien qu’à la fin de l’annee scolaire, nous
reçumeslesfelicitations du gouverneur anglaiset une subvention de300 livres ster-
ling, sommequi fut doubleel’an& suivante.Les soeursdeNotre-Dame-des-Ap&res
n’arriverent que deux mois plus tard, le 4 mars 1918.En attendant des moniteurs
allemands assuraientl’enseignementdesfilles qui, d’ailleurs, nefrequentaient alors
queles petites classes».
Pour comprendre l’opération desmissionnaires,faisonsun rappel historique
pour voir le Togo aupoint devue politique.Des lesdcbutsdeshostilit&, aumois d’août
1914,Anglais et Françaisavaient partage le Togo en deuxzonesd’influente. La plus
grande partie de la colonie allemande,cote ouest(avecLome, la capitale) fut retenue
par lesAnglais et l’est avoisinant le Dahomey fut laisse,avecAneho, Atakpame et le
Nord, àla France.

D&@e par Mgr Hummel, Monseigneur Steinmetz,de Ouidah, acceptad’ad-


ministrerla partie française.Le Pere Beauvin et quelquesautres confrères du Daho-
mey s’occupèrent des chrétiens de cette région. Le Père Beauvin était le premier
prêtre que j’ai connu dansmavie d’enfant, àAneho, avecsagrande barbe. Gertaine-
ment j’ai rencontré lespèresallemands:j’ai etc baptisépar eux,maisje n’en ai pasde
souvenir, comme pour le Père Beauvin avec sa grande barbe : il m’a beaucoup
impressionne. C’est le premier prêtre qui m’a scandalise,qui m’a ahuri quand il a
annonce à nous,enfants dechoeur, que nous pouvions devenir prêtres. Je medisais
en moi-même : «ce gbévouvi, ce petit gbévou (10) pouvait monter aussi à l’autel,
devenir prêtre ?»Je ne pouvais pasle concevoir... Gela nous avait scandaliséà cette
epoque. C’était vers 1922-23quej’ai entendu pour la Premiere fois qu’un petit nègre
pouvait devenir prêtre.

A la signaturedu traité deVersailles,le 28juin 1919,Lame et la partie principale


du Togo, son front de mer, le port deLame et lesvoies ferrées qui en partent, furent
cedésà la France et placessousmandat dela SDN.

Les Anglais negarderont queHo, Kpandu et Bla, les@ions de Kete-Krachi et


Yendi. Cette partiede l’ancien Togo fut alors rattachee tout simplement auvicariat
apostoliquede la Gold Coast.Le Saint-Siègenommait,le 11janvier 1921,un administra-
teur apostolique en la personne de Monseigneur Jean-Marie Cessoupour le Togo
français.Mais le PereRiebstein mentionne :

(9) L.e major Rave.


(10) xpelit chien de la brouseN, pression aifsignanr les gamins des rues.

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«Revenons à Lame, où le gouvernement français s’est etabli apres le partage
definitif du territoire. D&s que les Anglais eurent quitté Lame, le ler octobre 1920, le
directeur de l’enseignement vint faire unevisite rapide à l’ecole de la mission et me
donner ses instructions : «Mon PCre, me dit-il, votre école anglaise va devenir une
6cole fran@se ; débrouillez-vous». Je lui objectais : «Ce serait une fausse manoeuvre,
mal vue par la population, que de supprimer brutalement l’enseignement de l’anglais.
Laissez-nous continuer avec les hautes classes afin de conduire ces élèves jusqu’au
standard seven, la classe terminale des écoles anglaises. Les petits se remettront tout de
suiteau français». Ces objections furent jugées raisonnables et l’écolecontinua pour
un temps, mi-anglaise, mi-fran@se».

.J’ai connu, moi-même, plusieurs personnalités qui ont fréquentéI’&ole de la


mission à cette epoque-là. Je vois encore dans ma memoire des personnes vivant
actuellement, ici, à Lomé, qui m’ont raconte qu’elles ont eu leurs certificats à la fin de
cette amr&Aà. Ils avaient fait cette école bilingue. Je vois parmi eux Louis Amegee, qui
est president du comite fédéral des paroisses de Iome. II a plus de 84 ou 85 ans : il m’a
raconte qu’il a reçu le certificat à cette epoque-là. Il y a M. Denis Lawson, plus
qu’octogenaire lui-aussi, qui est un des grands organistes qui ont succkdeauxgrands
organistes des pères allemands. Il etait alors elève du fameux musicien Gordon : il lui a
succkdé ; il vit encore.

- Q - Qui était ce fameux Cordon ?

- Vous qui savez tout, vous ne connaissez pas Gordon ? C’etait un génie ! C’est
l’un des rares ékves qui ont profité de l’enseignement de l’allemand, mais si simple que,
instituteur bien apprécié, il a continué l’enseignement de l’allemand, puis, rapidement,
il s’est fait instituteur anglais, à l’arriveedu Père Riebstein, comme ce dernier l’avait
raconté. Il est devenu ensuite instituteur français. Il maniait aisement l’allemand, l’an-
glais et le français : un genie polyvalent, qui avait une belle kriture gothique et dressait
de belles calligraphies ; il décorait les choses. C’est le plus grand musicien que le Togo
ait connu, je crois. Il avait l’oreille fine ! C’est lui qui jouait dans les grandes circonstan-
ces ; c’est le grand organiste que les pères allemands ont laissé ici, au Togo. Monsei-
gneur Cessou,àson arrivée, a été subjugue par cet homme-là. Il l’adorait et voulait à
tout prixen faireun prêtre. Il l’envoya àStey1 pour parfairesesétudes. Malheureuse-
ment sa sante etait deficiente : le pauvre homme n’a pas pu suivre. Il paraît que, la-bas,
le froid trop vif lui a fait du mal. 11 est revenu mourir ici, au Togo. C’etait une
personnalité don? les anciens de Lame parlent toujours avec beaucoup d’admiration.

Le Pere Riebstein nous a dit qu’il avait dû se remettre à l’ouvrage, avec ses
moniteurs, avec la même methode employee pour l’introduction de l’anglais trois
annees auparavant. Mais les progrès furent moins rapides, d’abord parce que le
français est bien plus difficile que l’anglais, et puis les maîtres etaient las, fatigués de ce
continuel changement de langues. Ils en etaient alors à la troisième langue euro-
péenne, sans parler de leur propre langue... En 1923-24, on raconte que l’anglais fut
brusquement supprime, avec le resultat que les hautes classes sevidèrent complete-
ment : durant les vacances, les élèves s’etaient fait inscrire dans les Ccoles anglaises de
la Gold Coast toute proche, à Denu. Ici, on continuait avec le français seul.

110
«Ici, raconte encore le Pere Riebstein,en 1935,si messouvenirs sont exacts,je
fus heureux d’accueillir à l’école de LomC, les deux fils, Alex et Robert Dosseh,
enfants du brave catechisteCasimir, deVogan. Jene medoutais pasalors que 27 ans
plus tard, en 1%2, le petit Robert allait devenir le premier archevêquetogolais,et son
frere, Alex, le grand maître de musique de la cathédrale et du lycée français de
Lomé» (11).

-Q- Père Gbikpi, pouvez-vous rwus parler des activitks des missionnui-
t-es, et ausi des kvénements qui ont marqué la vie d la cath&drale de Lomé.

- Jevais surtout vous citer lessouvenirs du Pere Riebstein et encore l’histoire


du Père Müller.
«A partir de 1922,les missionsde l’intérieur animéespar desprêtres nouvelle-
ment arrives,moi-même,puis par le PéreRimli, arrivé le 8 décembre1919,furent réou-
vertes, en même temps que les écoles,qui avaient grandement souffert durant la
guerre, par manque de personnel et de ressources».

Le Père Riebstein mentionne aussil’arrivee successivede plusieurs mission-


naires. «Le 25 septembre 1921,Mgr Cessou,nommé administrateur apostolique du
Togo français dès janvier, était arrivé sur place, accompagne du Très Rd Père
Chabert, superieur general desMissionsafricaines. Avec lui, débarquèrent les révé-
rends PèresBedel et Ollier, qui rouvrirent Agou et Kpalime, puis lesFrères Gerard
(tailleur), Louis, Odulphe (l’imprimeur) et le Frère Benoît (mecanicien).La foule des
chrétiensfut heureused’accueillir cesnouveauxmissionnaires.Dans la mêmeannée,
le 12d&embre, arriva le bon PèreGerard, expert imprimeur, qui reprit en main cette
grande imprimerie, si longtemps unique au Togo. Le père Ctait accompagnede M.
l’abbe Henri Kwakoume,qui revenait deLyon pour continuer sesetudesclericalesà
Ouidah, au séminaireSaint-Gall».(Plutôt au séminaireSainte-Jeanned’Arc,parœ que
le nom de Saint-Gall n’a et6 donneà œ seminairequ’un peu plus tard, en 1930).

Vous m’avezdemandequelques evenementsqui ont pu marquer le souvenir


de la cathédrale deLomC.
Au mois de mars 1923, le vendredi-saint, Mgr Cessou reçut sa nomination
episcopale de vicaire apostolique du Togo français, tandis que le Père Auguste
Hermann était nommevicaire apostoliquedu Togo britannique, avecrésidenceà Keta.
Monseigneur Cessoufut sacréàLomele 13juillet 1923par Mgr Steinmetzdu Daho-
mey,assistéde Mgr Terrien et Mgr Broderick, du Nigeria. Ce fut un sacred’évêque
de grande classe,de grande ampleur. Mgr Cessou lui-même fut un évêque d’une
puissancede travail extraordinaire et d’un zèle dévorant. Il reussit à trouver des
missionnairesancienset nouveaux,qui lui permirent dereprendre rapidement en main
la chretiente. Jeveux citer encore cette note du Père Riebstein :
«Mgr Cessoum’avait donné comme consignepour mesvacancesde mettre à
jour unegrammaireet un bon vocabulairedela langueewe.Je fis œ travail en 1923-24,
et lesdeux livres furent imprimes en 1925à Rome par la Solidarite de Saint-Pierre-
Claver. Une secondeédition de la grammaire éwéparue en 1947,prefacée par le RP
Kwakoumé».
(II) Il est &akment l’auteur de l’hymne national «Terre de nos aïeux...»

111
Mgr Cessouparcourut fkquemment son vicariat, encourageant les fidéles à
revenir à la pratique dessacrements.Ça a Ctedifficile. Il s’efforça de développer les
oeuvres existanteset d’en accueillir de nouvelles. Mais il s’estsurtout devoué aux
écoles. Vous voyez donc, c’est l’ekole qui a Cte la Premiere preoccupation des
missionnairesà cette@quel&

Les missionnairesimitèrent sonexemple,et plusieursmoururent jeunes,exte-


nuesde fatigue. C’estainsi que le Père Ledis mourut après un séjour de neuf mois à
AnCho (j’ai assistéà son enterrement en 1922), le Pere Hervouet apriS trois ans à
Lomé, le 4 juin 1924.Leur enterrement a donne lieu a de grandes manifestations
d’affection et desympathiede la part de toute la population en faveur desnouveaux
missionnaires,qui marchaient genéreusementsur lestracesdeleurs vaillants prtklé-
cesseursallemands.Je mesouviensbien del’enterrement du PCreLedis àAnCho. Ce
sont desévénements qui ont marqué notre memoire de la prime jeunesse.Le Père
Riebstein dira plus tard qu’il ne regrette qu’une chose,de n’avoir plus les forces
physiquesnecessairespour se rendre une dernière fois au Togo et revoir une fois
encorecette chèreet sympathiquepopulation du Togo, et il achevait (sa lettre date de
1%9) : «Qu’il mesoit permisde leur envoyermessalutationsemuesa l’occasionde œt
heureux anniversaire de ma premiere arrivée à LomC» (Bénédiction que je vous
transmetsà vous aussi,chercheur historien et auditeursde la ville de Lomé...).

- Q - Ce Père Riebstein a en effet connu une carrière assez extraordinaire,


notamment quant aux diff&entes nationalité% qu’il a pu avoir. Il est né,
d’après ha petite biographie que vous nous avez montrée, en Alsace en
1891, donc d ce moment-là il est sujet allemand. Il s’enr6le dans la SocieU
des Missions africaines en 1913 ; il a sans doute du, wmme beaucoup
d’Alsaciens de Pkpoque, quitter l’empire allemand et se réfugier en
France, et sans doute prendre à ce moment-& la nationalité franqaise. Mais
il est envoyé se former comme prêtre en Man.&, ou il est ordonné prêtre
en 1917. Il est donc d ce moment-la trilingue : l’allemand, sa langue
maWnehi~, le francais, ensuite l’anglais appris en Irlànde... C’est d ce titre
qu’il est envoyé d’abord en Gohl Coast, en 1918, puis, très rapidement, à
Lomé sous domination anglaise, alors qu’il devrait être th&oriquement
sujet alkmand. Et l’on vient d’expulser les missionnaires allemands ; c’est
pour cela qu’on l’envoie h& alors qu’il a un statut disons mi-français, mi-
anglais. Il a fallu donc des gens comme ça, qui étaient d cheval sur plusikus
natùmalités, pour assurer cette transition, avec en plus, klemment, une
foi, une char-i&!, une ardeur ùrfatigables. Il est resté au Togo jusqukn 1947,
administrateur du diocèse de Lomé d la mort de Mgr cessOu. Il a pris sa
retraite en 1969 et il est dZced& en 1974. Le te& que nous a lu le Père
Gbihpi est edrait dlur petit m&norial qui a 6t-k imprimd sur cette imprimerie
de l’tkole des Frères de «Brother-home+ en homma~ au Père Riebstein.

- Il estbien dit qu’à partir de 1918,on a repris l’oeuvre missionnairescolaire.Le


Père Riebstein s’occupaitde l’kcole desgarçons,tandisqu’en 1919arriverent de Gold
Coast trois religieusesirlandaisespour s’occuper,à partir deœ moment-là, de l’ecole
des filles. Une annee aprks, c’estI’arrivke des premières missionnaires françaises.

112
Quelques-unes de leurs anciennes C&es m’ont aide à trouver des anecdotes de l’&lu-
cation sous leur apostolat.

Je peux vous donner la liste rapide des premieres soeurs qui ont laisse un
souvenir assez bien imprimé dans les memoires de leurs plus anciennes elèves. La
première, c’est la M&e Galhcan (12), qui était la mère supérieure de l’unique institution
religieuse à LomC, appek dksormais Notre-Dame-des-Ap&res, à «laPlage», à
Adawlato, presque enclave par legrand-marcheactuellement. Sousson autorité, il y
avait une douzaine de religieuses. Citons, entre autres, la Soeur Ischyrion (13), la plus
âgée aprks la M&e Gallican. Elle était alors la surveillante générale de l’internat,
chargee des problemes de l’economie domestique : entretien des internes, alimenta-
tion, cuisine des soeurs et des internes, lessive et repassage, linge de l’eglise et habits
des prêtres, des freres et des soeurs, mise en place et entretien des jardins potagers.

Autres soeurs memorables : Soeur Agathonique (14) on l’appelait «la Gkante»


et les anciennes eleves disaient qu’elle avait pr&s de deux metres... non ! un metre
quatre-vingtdix : peutêtre la mémoire des enfants qui ont approche cette religieuse a-
t-elle un peu hisse la toise... Quoi qu’il en soit, on l’appelait la Geante ! Assistante
secretaire de la mbre superieure, elle etait sacristine principale, charg6e de l’entretien
de la cathedrale et de la chapelle de l’internat, du service de la messe à la chapelle des
soeurs, Elle était alors secondée par quelques unes des anciennes élèves, dont j’ai
connu la Soeur Vincent-Marie (Xi), la grande intellectuelle de l’institution. Elle a Cte la
directrice de l’kcole primaire de Notre-Dame-des-Ap&res, chargée d& relations avec
l’évkché et avec les cures de la cathedrale, enseignante du cours moyen II A et B.
Comme Soeur Melanie, Charg&e de la chorale pour la cathedrale et l’organisation des
fêtes, etait sacristine principale adjointe. Soeur Judith était venue principalement pour
diriger alors le cours superieur qui Ctait en création, transformé un peu plus tard en
cours secondaire. Elle a donc Cte la Premiere directrice du cours supérieur, qui a eu
aux examens d’excellents résultats. Trois laurkates sont restkes sur la liste des premiè-
res intellectuelles du Togo, en 1936.

- Q - Y a-t-il ch anciennes él2ve.s dè ces soeurs qui sont aujourd’hui des


personnalités connues d Lomé ?

- J’ai connu d’anciennes filles des soeurs qui, durant toute leur vie, sont fières
d’avoir rq cette kiucation des religieuses. Je connais par exemple Madame Isabelle
Amedzogbé, d&&l6e il n’y a pas longtemps, Mme Pablo, qui très petite etait déjà
enfant des soeurs, Il y a Mme Laura Onissa, connue sous le nom de Mme Doe-Bruce,
une qui fait veritablement honneur aux soeurs. Elle a conserve sa foi, sa pratique
religieuse, une foi Ch&ienne gkante, comme sa propre personne d’ailleurs (elle sort
d’une famille de g6ants...). C’est elle qui a donne le bel exemple d’avoir cr&de toute
piece une paroisse ici, a LomC, sur un terrain immense qu’elle a acquis de ses deniers.

(12) A Land depuis 1919, &ctWe en 1954, entede au cimeti&e de Bhiglato.


(13) A Lmd depuis 1920, d&t!dke en 1950.
(14) Au Togo aé 1923 d 19SO.
(15) Au Togo de 1931 b 1938.

113
Ellea eu l’audacede demanderde faire une église,et elle aconstruit une belle eglise
sur le terrain, un presbytbre à côté et elle a même installé des orgues dans l’eglise :
toute une paroisse, creée et donnee à l’evéche, qui a installe un prêtre : un bel
exemple, rbultat de l’éducation des religieuses. D’ailleurs son papa était un des
premiers de cesgensqui ont éte deschretiensdegrandetenue, d’une grande int@rite
Ch&ienne à Lomé. Il y a Véronique d’Almeida, devenue Mme Bandeira, Locke
Brenner-von Doering (son papa aetele dernier gouverneur du Togo), Mme Nicolas
Agb&iafa, originaire de la famille Aklassoude Lame, Mme Marie-Marthe Adjangba,
nt?eAmegan,la soeurdu ministre Amegan.Leur papaetait un grand maître catéchiste
à Lomé, qui a fait de la traduction pendantplusieursannees.Il a éte d’abord catkclriste
avec les pères allemands et anglais, puis, à l’arrivée de Mgr Cessou,il a ete un des
soutiensde la mission,et le grand interprête dessermonsde Mgr Cessouà la cathe-
drale de Lomé, du françaisen eWe,un petit bout d’homme...Moi, je l’ai connu comme
interprête à la cathedralede Lame. Citons encore Mme Marguerite Adjoavi Tr&ou,
nkeThompson, et sagrandesoeur,Mme Kodjo, excellenteepouseet mère de famille,
aussisoigneusede satoilette debelle dameque scrupuleusementfidèle à sespratiques
de dévotion Ch&ienne... JCnepeux paslesciter toutes...

Oui, il faut dire quecessoeurslà ont fait un travail magnifique, dont j’ai
pu connaître lesfruits. Aujourd’hui, beaucoupdeleurs anaenneselevessont fières de
parler d’elles (16).

(16) L.a parole leur est donde au chapitre 18.

114
no 11

UN INFIRMIER D’ETAT

M. Emmanuel Koffi AGBOKA


Infirmier retraité, à Tokoin-Habitat
(né à Atakpamé en 1931)

- Q - Aujourd’hui, nous sommes chez M. Agboka, un ancien infirmier, qui


IWS a tt5Vphan.é l’autre jour pour nous parler d’un fait que nous avions
évoqué dans une autre émission, quand nous visitions le cimetière de la
plage, à Béniglato : nous rwus étions arrêtés devant la tombe du docteur
Polîtzer, où il est précisé qu’il est mort en 1951, à l%îge de 26 ans, d’une
morsure d’échis (1).

M. Agboka, que pouvez-vous rwus dire de ce drame ?

- Le docteur Politzer était un vétérinaire actif, qui voyageait beaucoup à l’in&


rieur du pays. On venait de construire son nouveau bâtiment -qui est toujours la
direction du Service v&érinaire-, qu’il a integré. Quelques jours après, une nuit, il
descendait dans son garage, et là, il a été mordu par un serpent, plus pr&%ment par un
échis. Le bruit a couru que ce serpent n’existait pas à Lom6, et qu’il avait dQ l’amener
dans ses effets depuis l’interieur. Nous avons dit aux gens de pro&der à une fouille.
On a mis les prisonniers dans les terrains vides tout autour, et on a découvert qu’il y
avait un gîte d’&his. A ce moment-là, il n’y avait pas de s&um anti-échis, nulle part en
Afrique. On a cherche partout, sans rien trouver. Ce qui a fait qu’on n’a pas pu sauver
le Dr Politzer : il est mort. Il &ait le v&&inaire-chef du Service de 1’Elevage du
Territoire, et il faisait beaucoup de tourn&s dans l’interieur.

-Q- Donc cet échis, ckst-à-dire une sorte de vipère, était, rS l@oque,
inconnu ou du moins rare au Togo. L’échk est un petit serpent, mais l’un
des plus venimeux. Au téEphone, vous nous avez dit que vous en aviez
déjà vu chez vous.

- Oui, on ne le connaissait pas ici, mais chez moi, à Atakparne, j’en avais dejà vu
dans les ann&s 1940, quand j’étais encore enfant. Nous en avions tu6 un dans le jardin
scolaire. Ce qui m’a marque, c’est qu’au moment où on allait le tuer, il n’&ait pas 3g6 : il
n’a pas file comme les autres serpents ; au contraire, il s’est laisse tuer. J’ai alors
remarque que son ventre était tacheté de points noirs. Quand j’ai vu le spécimen qui

(1) Nom scientifique : Echis carinatus (PrononcC ékis). Setpent qui vit surtout en zone de
savane ; sort au crépuscule; 1~2s agressif et venimeux ; 85 cm aé longueur au maximum ; beige
avec aks taches noires.
115
avait mordu le docteur,le serpentquenous avionstue danslesanntks 1940(et que les
gensde chezmoi appellent a@um&%)m’estrevenu à l’esprit. (K&maZéveut dire qu’il
vous abat quand ilvous mord : il estcertain quevous enmourrez).

- Q - Quand vous l’avez vu, vous, pour la première fois, c’était sam doute
avec votre instituteur. Est-ce qu’il connahxait d@ ce setpen& ou bien est-
ce qu’il le daCouvrait en même temps que vous ?

- Il n’a rien manifesté.Pour lui c’étaitun serpentvulgaire. Il n’y connaissaitrien


en serpents...

- Q - Celui-ci n’avait donc pas été répertorié jusqu’alors. Dans un livre du


docteur Lupessonnie, qui a été médècin au Togo, d Mango, dans les ann&x
1948-50, celui-ci raconte que ce serpent serait probablement arrivé ici
pendant la seconde guerre mondiale, avec les troupes qui circulaient entre
le Moyen-Orient et l>Afri4ue du Nord et à travers le Sahara ; il serait
originaire d’rlsie et pas présent en Afrique de L’Ouest auparavant. Qu’est-
ce que vous en pensez ?

- Ce n’estpasvrai, puisqu’onle connaissaitdansmon village, à Atakpame,où on


l’appelait «kpamaf& Ce qui veut dire qu’il y en avait dansla region, maisil n’etait pas
répandu. Beaucoup de gensne le connaissaientpas, mais il n’est pasvenu avec les
troupescomme on dit dansce livre.

- Q - A quel endroit du service vétérinaire avait-on trouvé ce gîte ?

- C’etait aux alentours.Tout le terrain etait vide,jusqu’au stadede foot-ball. Il y


avait descactus.C’estdanscescactusqu’ils secachaient.C’estpour çaqu’on adonne
le nom d’échkà œ quartier (2) : en œ moment-la,on construisaitdeslogementsdansles
parages.Je ne saispassi vous connaissezcequartier...

-Q- Il s@# de ce qui est au nord de l’avenue de Duhbourg, dans


Yovokomé, entre l’avenue de Duisbourg et la place Maman-N’Danida et
l’hôtel du L-Février, autour de ce qui est donc toujorus la direction de
PElevage, un bâtiment construit en 1950, comme vous nous l’avez rappel&

- C’esteffectivement ça,le.quartier desEchis,là où le docteur a et6 mordu, à la


direction du Servicede1’Elevage.

- Q - Il semble que ce jeune docteur a mis du temps à mourir. Combien de


jours ?

- Sessouffrancesont dure deuxsemaines.On lui faisaittous lesanti-hémorragi-


ques, parce que la morsure d’echis provoque des hemorragies. Tout le sang est

(2) Il y a une me des Echk, parallde 13 l’avenue de Duisbourg

116
hémolysé ; alors, si vous avezune cicatrice -qu’elle soit accidentelle, esthétique ou
ethnique-, tout ças’ouvred’un seulcoup.Alors on lui faisait desanti-hémorragiques,
maiscelanes’arr&ait pas,durant quinzejours ; il en estmort.

A cemoment-là précisémentestarrive auTogo le docteur Giboum, un cher-


cheur qui venait de Bombay et s’était passionnépour les plantes. Il commençapar
monter desherbiers.Les samedisapreS-midi&ant chômes,il quittait chezlui, là-bas,sur
la rue de Duisbourg ; il allait à la douane et remontait le no-man’s land ; il donnait
rendez-vous à son chauffeur à l’aviation (3) ; jusque là, il recoltait des plantes. La
semainesuivante,on faisait lesherbiers. Quand l’accident duserpent est arrivé, on a
abandonné l’herbier : il s’estla& dansla recherche pour trouver une solution. La
premieresolutionpreconiseeétaitdedetruirelenid,parcequ’onn’en trouvait nulle
part ailleurs que là-bas,sauf ceuxque desgensamenaient quelque fois de Baguida,
d’un peu departout...On a supposéqu’il n’y en aurait plussi on d&ruisait cenid. Mais
lesgenscontinuaient àen amenerparcequ’il y avait une prime de destruction de500
francs pour unserpent, mort ou vivant. 5OOFàl’époque, c’Ctaitgros ! Alors ça avait
incité les gens,mêmejusqu’à l’interieur du pays,qui amenaient même cesserpents
vivants.Il y avait,à cette+oque, un Institut PasteuràKindia, en Guin&. On leur a &rit
pour demander s’ils pouvaient recevoir des&hantillons. Ils ont accueilli favorable-
ment la proposition et on leur a envoyélesserpents.Bien avant l’envoi desserpents
eux-memes,on avait préconise de faire le pr6lévement de venin pour l’envoyer à
l’Institut Pasteur,mais ça n’a pasreussi : c’était difficile de pr6lever le venin ! On
présentait les cristalliseursaux serpents,qui ne crachaient pas...C’était le moyen de
récolter le venin : on leur pr&entait lescristalliseurspour qu’ils y crachentleur venin,
maisils ne le faisaientpas...C’estalors qu’on a d&idé d’envoyer lesserpentsàKindia,
où l’on faisaitlesprél&vements,qu’ilsenvoyaientà 1’InstitutPasteurà Paris,où le sérum
était preparé. Gr$ce à ce système,nous avons aujourd’hui du st%umanti-&his. Cet
6chisqui décimait beaucoup la population rurale decheznous,ici et partout où on le
rencontrait.

Quand on a réussi cetteoperation de sérum,on nous a envoye tout le stock,


comme &ant les promoteurs, et c’estnous qui endistribuions aux autres territoires,
jusqu’àceque le stocksoit important et qu’on penseà la commercialisation.

Le Togo neleur fournit plus despecimensde serpents,mais il paraît qu’ils en


trouvent en Extrême-Orient,et aussivers Djibouti et d’autrespays.C’est~CI
qu’ils s’ap-
provisionnent maintenanten serpents.

- Q - Combien de temps a-t-il fauU entre la mort du docteur Politzer et le


moment oh l’on a disposé d’un skrum effîace ?

- Trois à cinq ans.Nous pouvonsdire quec’estgrâceà cetaccidentmalheureux


du docteur Politzerque nous sommesaujourd’hui en possessiondesérum pour échis.
Maintenant, on nele présente plus quesousforme polyvalente, en melange avecdes

(3) Terrain de i’adroport.

117
venins d’autres serpents dangereux, tels que les bitis et les dendroaspis, réputés les
plus dangereux. On préfere le serum polyvalent parce que, quand les gens arrivent
aux centres medicaux, ils ne peuvent pas determiner par quel serpent ils ont et6
mordus. Et le traitant qui est là se trouve embarrassé, ne pouvant pas savoir de quel
serum il peut seservir : gros problème ! D’où maintenant ceserum mixte, polyvalent
pour tous les serpents, que ce soit echis ou vipère, ou autres serpents venimeux.

- Q - Il y a donc eu à Lomé un travail de recherche sur le venin de serpent


et les sérums anti-venimeux ?

- On n’a pas fait précisement des recherches. C’était une trouvaille fortuite ; on
ne s’y attendait pas... C’est quand l’accident du docteur est survenu qu’on s’est dit qu’il
fallait maintenant trouver quelque chose pour les casà venir. Lui, il Ctait dejà mort, mais
il fallait essayerde trouverquelquechosepourlesvictimesfutures.

*
* *

- Q - Vous êtes vous-même infirmier depuis 1945, et vous nous avez dti que
vous êtes à Lomé depuis 1949. Vous êtes donc venu ici au moment où l’on
a commencé les travaux du nouvel hôpital, l’actuel CHU-Tokoin.

- Ah oui, j’étais arrive tout juste au moment où on avait commence les travaux.
J’avais commence a travailler dans l’ancien hopital, qui est actuellement le service des
TP (4). Nous avons même assisté a la pose de la première pierre de cet hôpital. Nous
etions encore jeunes en ce temps-là...

- Q - Il s’agissait de l’«hôpital général du Territoire>>, que ks gws de


l’époque considéraient peut-être comme beaucaup trop grand pour leurs
besoins (même si aujourd’hui il est largement dépassé). Mais est-ce que les
gens ne pensaient pas aussi que c’était trop loin du centre de Lomé ?

- Oui, en effet, les gens pensaient que c’etait très loin, et ils n’aimaient pas venir
ici, à Tokoin. Ils disaient que c’était trop loin : comment les malades pourraient-ils faire
pour venir jusqu’ici, puisqu’en œ temps-là, il n’y avait pas de moyen de transport ? Il n’y
avait pas de taxi : on allait à pied. Je me rappelle que le premier moyen de transport
urbain qui est arrivé était un omnibus d’occasion, qu’un Européen avait amené ; il faisait
Lame-Tokoin à 10 francs,et les gens se plaignaient :
- «Comment depenser pour aller à Tokoin ?
- A pied, je ne depe,nserai pas 5 Favant d’arriver...»

Et les gens allaient à pied. Meme si on hospitalisait les malades ici, la plupart du
temps, les parents venaient la nuit les emporter : c’etait trop loin, et donc iLs n’auraient
pas de soins : les gens allaient mourir...

(4) Aujourd’hui direction de la Planification scolaire d Mage, de la Documentation a2 la


Fonction publique au rez-de-Chaum!e. (Voir chapitre 13).

118
- Q - Est-il vrai que, comme b d&ait kà rumeur publique en ce temps-là, les
@ns mouraient en masse d l’hôpital ?

- Non, c’etaitdeseffectik faibles.Leschiffres de la population et de la mortalité


n’etaientpasaussiimportants quemaintenant,où l’on en sort chaquefin dela semaine
une dizaineou une vingtaine dela morguedel’hôpital. C’etait rare : au plus quatre ou
cinq d&ks par semaine,unedizainepar moisplutôt...

- Q - En prùzcipe, on venait aè tout iè pays pour se faim soigner à Tokoin.


Il n’était pas prkvu seulement pour les gens de Lomk

- Oui, ilsvenaient detous lescoinsdu pays,principalementlesmaladesde la tu-


berculose,parce qu’il n’y avait pasd’autre centre de tuberculoseà l’intérieur du pays:
c’etait à Lomé seulement qu’il y avait un service de contagieuxpour lestuberculeux.
Quant auxautresmalades,ils étaienttraitéssur place: il y avait touteslesinfrastructures,
la chirurgie, la maternite et autres...Les malades qui venaient à Lame étaient les
quelques privilf!gi& quivenaient pour desanalysesdelaboratoire, c’est-à-dire pour
faire ceque nous appelons un checkup,c’est-à-dire le contrôle desconstantes,pour
les diabetiqueset lesnephrétiques,et autres...

-Q- Vous-m&ne, d quel moment êtes-vous venu travailler dans ce nouvel


hôpital, qui a été construit entre 1949 et 1954. (Il y avait chaque année de
nouvelles tranches inaugurdes).

- Avant l’inauguration finale, on avait dejà amenéle service descontagieux; je


croisquec’etait en 1953,sinon en 1952: I’anciencentreétait insuffisant.Les infirmiers
venaient assurerla garde,car ceuxqui Ctaientdetachésici ne pouvaient pasassumer
seulsles gardes.

- Q - C’est comme cela que vous y êtes venu pour là première fois...

- Oui, en effet. J’&ais venu d’abordcommeinfirmier, puis on m’a detachédans


un service spécialise,au laboratoire desexamensbiologiques, et j’y suis reste long-
temps.C’était le seul laboratoire de tout le territoire. Il y avait deslaboratoires de
parasitologieet debacteriologie disskminksun peu partout dansle pays.Mais pour le
laboratoire de biologie, il n’y avait que celui-là. On l’appelait «laboratoire de chimie»
parce qu’on y faisait presque toutes les rechercheset tous les examens,même les
examensindustriels: pour l’agriculture,leshuiles,lesarachides,maniocs,et aussipour
la douane : les dosages,le titrage en alcool des boissonsimportees (pour pouvoir
dédouaner). Et mêmequand il y avait descasd’empoisonnement, quand il y avait des
saisiesde produits,ou bien qu’il y avait eu descasmortels : on faisait despr&vements
pour rechercher les produits dans les visc&es de cescadavres...

119
*
* *

- Q - Dans CRT débuts des an&s 1950, quand vous commenciez h venir h
l%&piM de Tokoin, qu%st-ce qu’il y avait autour ? Ou tftaient les maisons
les plus proches ?

- Les.plusprochesetaient au-delà de la lagune, vers Lomé. Il y avait aussides


villages,des fermesun peu BloigneSde l’hôpital, dissimulésdu côté du collegeprotes-
tant. Gbadagon’était pasaussideveloppéque maintenant.On etait très loin, derrière
lesarbres.

- Q - Des arbres en bordure de la lagune ? On nous a clique qu’il y avait


une forêt entre la lagune et le plateau.

- Ce n’etait pas une foret, mais plutôt une brousse,avec de grandes herbes
qu’on ne pouvait traverser parce que les lieux etaient marecageux.Les quelques
grandsarbresqui etaientla y sont encore : ils nesont paspartis.Il y avait une pépinière
pour le Service de l’Agriculture en descendantà droite (5). C’était aussi le jardin
d’essai; les arbresqui sont là-basy etaient depuis longtemps.

- Q - Vous veniez d l’hôpital par h route de kpalime, qui, bien sûr, n’etait
pas goudronnée à l’époque. Comment veniez-vous, à pied, à bicyclette ?

- On venait d’abord à pied, puis à V~O.Il n’y avait pas de vélomoteurs et les
voitures etaient rares; seulel’ambulancecirculait entre l’hôpital et la ville.

- Q - Progressivement le quartier s’est construit autour de l’hôpital, car


c’est bien lui qui a provoque le peuplement de cette partie de Tokoin,
n’est-ce pas ?

- Oui,vousvoyez, cequartier avait ete,paraît-il, l’aviation d’antan (6), et per-


sonne nevoulait s’approchera causedu bruit desavions ; il n’y avait pasdesécurité...

-Q- Vous-même, vous habitez maintenant ce qu’on appelle «Tokoin-


Habitat~, qui s’appelait, à l&wque de la construction, la «cité de 1’Avenirw
C’est une cr&um du Crxfdit du Togo, l’ane& de la Banque Togolaise de
Développement, dans les année 1962. Est-ce à ce moment-là que vous &S
venu habiter ici ?

- En effet, nous sommesici à Tokoin-Habitat, créé dans les années 1962-63.


Nous étions,à l’époque,trésloin de la ville, et on y etait harcelepar lesvoleurs. La nuit,
on ne pouvait passortir : ceuxqui s’absentaientretrouvaient leurs maisonssaccagées le

(5) Ancien jardin botanique b l’époque allemande ; aujourd’hui encore Dùection a& Parcs et
Jardins.
(6) De 1931 d 1944-45.

120
lendemain, en rentrant, parce qu’on est à proximite du Ghana, d’où venaient ces
voleurs. Je merappelle qu’un de mescamarades,qui habitait derriere la lagune,hi-bas,
a et6 assassin6froidement par un voleur qui avait pknetre chezlui. Il S’&aitréveille en
sursautpour le poursuivre et quand il l’a pris, les bras le long du corps,levoleur en a
profite pour lui ouvrir le ventre, et il en estmort.

- Q - Etewous venu ici pour dès raisons dè commodité, pour être près &
votre lieu de travaii ?

- @estvrai quec’etaitbien commode; c’étaitaussiun quartier moderne; il y avait


de l’eau courante comme il n’y avait paspartout à Lame. Ici on nous adit : «Si vous
payezpendant un certain temps,vous devenezproprietaire». C’est ce qui a incité
beaucoup degens,et noussommesvenus...

-Q- Combien avez-vous payé, et pendant combien de temps ? D’après


vous, avez-vous fait ainsi une bonne affaire ?

- On a fait une bonne affaire, quoi que, au debut, on aît cru que t’en était une
mauvaise.Les gensnousdisaient: «Mon cher,sivous achetezun lopin de terrain, vous
n’allez pas dépenser la moitié de cc que vous avez investi ici, et vous serezmieux
logé».Aujourd’hui, comparativementauxcamaradesqui ont construit eux-mêmesleur
maison,nous ne nous estimonspas l&&, parce que nous avons Peaucourante ; les
eauxus&s sont évacuéespour certainsd’entre nous.Et puis le quartier estbien situé,
enUvation : il n’y a pasd’inondation quandil pleut, pasd’eaustagnante; lesrues sont
dCbarass&sdes ordures...

- Q - QueLfe proportion de votre salaire mensuel représentait ce rembour-


sement ?

- Le tiersde notre salairemensuel,pour 100mensualités.

- Q - 100 mensualith, donc huit ans environ, c’était donc quand même tràr
lourd. Mais si vous aviez dtl construire vous+n.he, quelle pourcentage de
votre salaire auriez-vous dû y mettre 7

-Pour rachat et tous lestravaux on aurait mispeutêtre environ 50 mensualités.

- Q - Ces gens qui ont ucqub fes maisons en même temps que vous, autour
d’ici, est-ce qu’il sont toujours Id ?

- Ils sonttoujours Ià ; maiscertainsont vendu leur maisonpour s’installerailleurs,


parce qu’ils ont beaucoup d’enfants et que la maison devenait trop exigu&.C’est un
quartier où chacun se respecte et respecte les consignesqui ont Bté donnees au
debut : ne pasélever desanimaux,surtout leschiens,lesmoutons et les poulets,parœ
que cesderniers peuvent aller endommagerle jardin du voisin...Jusqu’à aujourd’hui,
cesconsignesrestent en vigueur, sauf que quelques uns ont passéoutre pour avoir
deschiens.Quant aux moutons, ceuxque nous rencontrons dans nos ruesviennent
desquartiers voisins.
121
*
* *

- Q - J’aimerak que vous uous parliez aussi de la formation des infmb


à votre époque.

- Il y avait d’abord le recrutement, qui sefaisait sur concours,àbasedu CEPE.


On le passaitdans tous lescentresdu pays,et les dpreuves étaient corrigées àLomé.
Les 1aunZat.s descendaientici, à Lom6, pour suivre la formation. Le matin, on faisait les
courspratiquesdanslespavillons, commeinfirmiers : on faisaitdesinjections,despan-
sements,lesbrancardages,et tout...Le soir, les médecinsnous rassemblaientpour les
cours thkoriques.

Au début, c’ktait pour une dur6e d’un an ; à la fin, vous passiezun examende
sortie. Ceuxqui nerkussissaientpascontinuaient encore sixmois, mêmeun an pour
ceuxqu’on voulait retarder. Alors ils passaientl’examendesortie avecla nouvelle pro-
IllOtiOtL

- Q - En quelle année avez-vous eu votre dtp&ne ?

-J’ai eu mon diplôme en 1949.

-Q- Etiez-vous dé@ membre du personnel médical auparavant ?

- Non, cen’&ait qu’aprèsla formation, quandon avait passél’examende sortie.

- Q - Combien de lauréats par promotion, en ce temps Ià ?

- Une cinquantaine, en deux sections : section des infirmiers et section des


agentsd’hygiène.

- Q - A l’hôpital de Lomé et dans tous les services qu’il y avait auto&, est-
ce que la totaLté des infirmiers était togolais, ou est-ce qu’il y avait encore
des étrangers ?

- A ma connaissance,tous les infirmiers etaient togolais ; je n’ai pas connu


d’ktrangers.Les étrangersétaient lesmédecins.

- Q - A quel moment a-t-on commencé à avoir des médecins togolais dans


lu fonction publique ? Pedro Olympia avait été lè premier médecin, mais
il était resté privé.

- Avant que je ne vienne ici, en 1949, il y avait déjà des médecins que nous
appelions les «médecinsafricains».Ils Ctaienttous togolais.Parmi eux le Dr Hospice
Coco,M. Johnson Samuel,et puis les Dr Trenou et Fiadjoe...

122
-Q- Les médecins africains étaient formh dans une école spéciale de
Dakar en quutre ou cinq ans, nkst-ce pas ?

- Ils étaient formés en trois ans.

- Q - Quand sont arrivés les premiers docteurs «complets», c’est-à-dire


ayant une formation en sept années, se terminant par un doctorat eu
médecine ?

- Si j’ai bonne mémoire, ils sont arrives entre 1956 et 1960. Les premiers Ctaient
le Dr Kpotsra, et puis Kekeh, Vovor...

- Q - Ils sont venus immédiatement exercer d l’hôpital ?

- Oui, ils sont venus exercer à l’hôpital. Ils ont tous éte fonctionnaires de l’Etat.
Ils ne se sont pas installes à leurs frais.

- Q - D’après vous, quelles ont été les réactions des malades à voir arriver
des médecins togolais, qui se présentaient comme les égaux des médecins
militaires français qu’il y avait avant ? Est-ce que les gens ~III été plutôt
contents ou plutôt m&hnts ?

- Ces premiers medecins togolais ne sont pas arrivés aussitôt apres leur sortie
des facultés. Ils sont restes en Europe, où ils ont travaillé quelque temps ; alors leur
écho nous parvenait : on entendait dejà parler d’eux. «Voilà, il y a tel docteur togolais
qui travaille dans un tel hôpital, et qui va arriver...» Alors les gens étaient contents
d’avoir quelqu’un des leurs, qui comprendra mieux leurs problèmes parce qu’ils
pourront s’exprimer dans leur langue : ils n’auront plus besoin d’interprète. Les
interprètes disent souvent le contraire dece quevous leur avez dit...

- Q - Et est-ce que les infirmiers ont eu aussi les mêmes réactions favora-
bles, ou est-ce qu’ils n’étaient pas un peu jaloux de ces médecins qui
étaient leurs compatriotes ?

- Les infirmiers étaient plutût satisfaits. Comme la plupart du temps, au Togo,


nous sommes presque tous cousins, c’était une fierté pour eux : «Voilà un tel, mon
cousin, qui vient de rentrer». Ils donnaient de leur mieux pour satisfaire les cousins...

123
- Q - Est-ce que les gens -comme, d vrai dh, enwte wjourd%ui- Conti-
nuaient d pratiquer simultanément deux m6decines, c’est-d-dire, conti-
nuaient à se soigner à la mhnle traditionnelle tout en allant d I’luSpital et
en prenant les médicaments modernes ? Est-ce que vous avez vu une
évolution importante dans ce domaine ?

- Lesgens sesont toujourssoignés àla mkthode traditionnelle, sanstoutefois


refuser les produits europkens ; il y a longtempsqu’ils utilisent lesdeuxensemble.

124
no 12

LA FONCTION PUBLIQUE ET
LA NAISSANCE DU SYNDICALISME

M. Félix Folikpo AWOUTEY


(né à Agou en 1923)

-Q- Nous allons aborder maintenant un tout autre aspect de l’histoire


socio-économique du Togo : le syndicalisme, avec M. Awoutey, ancien
fonctionnaire du Service des Finances.

M, Awoutey fut d’abord le secrétaire général de l’Union des


Syndicats Confédérks du Togo en 1959, puis secrétaire confédéral de la
CNTT, eha@ du secteur public, d partir de 1973. M. Awoutey a pris sa
retraite en 1978, après un long parcours fructueux dans le syndicalisme
togolais.

Monsieur Awoutey, parlez-nous tout d’abord de votre enfance.

- Je suis arrive tout jeune à Lame, en 1930, et j’ai commence mes études
primaires à l’ecole publique de la petite-vitesse, qu’on appelle aujourd’hui Marius-
Moutet. J’étais avec mon grand-frère, qui a et6 fonctionnaire ici jusqu’en 1933, avant
d’être affecte à Kpalimé, où j’ai termine mes études, en 1937. Ensuite je fus admis au
cours supérieur d’Atakpamé, pour un an, avant d’entrer à l’école Victor-Ballot, puis au
college protestant au Dahomey. Je suis revenu à Lame en 1945, et j’ai commence à
travailler.

- Q - A quoi avez-vous été alors affecté ?

- J?%ais engage comme commis d’administration au Service des Finances.

- Q - Dans quel bureau travailliez-vous ?

- Dans la section «apurement» du bureau des Finances.

- Q - Où était ce bureau ?

- Dans le bâtiment actuel de la direction génerale des Douanes, l’ancien Trksor


public. C’est là que j”ai commence mes fonctions, dans la section apurement, qui
s’occupait de régulariser les etats des soldes payees à l’intérieur par les agences. Ces

125
états étaient régularisés à L.omk en émettant des manda& pour régulariser la situation
avec les agences.

- Q - Combien gagnait un commk débutant en 1945 ?

- Le ajmmis stagiaire avait 650 F, plus les allocations familiales. Cela lui faisait -A
peu près- quelquechosecomme 850à 9OOF.

- Q - Est-ce que c’était un bon sahire, avec lequel on pouvait bien vivre-?

- Ah non ! Cela ne suffisait pas, parce que, après la deuxième guerre mondiale,
le coût de la vie a sensihlemcnt augmenté, immedialement. Mais avant p suffisait : les
fonctionnaires qui gagnaient 500,600 Fou 1000 F etaient des «gros bonnets».

- Q - Commenf vous logiez-vous ù ce momenf ?

- On payait des loyers qui n’ktaient pas tellement chers.

- Q - Quel était votre loyer ?

-Moi ?Je payais 200 Fpar mois.

- Q - Pétait toast de mhe le quart de voire revenu...

- Er. vffet,ç’était lequart de mon revenu.

- Q - Etiez-vous d@à marié ?

- J’Ctais encore célibataire.

- Q - Donc pas d’autres ressources que votre salaire ?

- Oh, non ! Je n’avais pas d’autres ressources.

- Q - P~ur un célibataire? Ncombien fallait-il compter pour se nourrir pendant


un mok ?

- Il fallait au moins 400 F, à peu près...

- Q - Vous, vous aviez le salaire d’un agent d’Etat tituluire. Combien gagnail
un agent dit permanent, dans les années 1945 ?

- Les salaires des agents permanents n’étaient pas harmonisés. Ça variait entre
6 F, 8 F et 10 F par jour. Comme le salaire n’était p”s hiérarchk? ni harmonisé, chaque
chef de serwe engageait les gens au taux qu’il voulait. On n’ktait pas classe en
catkgories, comme aujourd’hui.

126
- Q - Quand a-t-on organisd le cadre des agents permunents ?

- C’est a partir de 1948 qu’on a commence à organiser les agents journaliers, tem-
poraires ou permanents, puis à intégrer certains agents permanents ou auxiliaires dans
les cadres des fonctionnaires.

- Q - Sur que,% critères ?

- Ils devaient d’abord compter au moins cinq ans de service et remplir certaines
conditions, des fonctions qui sont devolues a des agents des cadres... Ceux qui
n’avaient pas cinq ans de service pouvaient passer un concours professionnel, s’ils
avaient au moins deux ans de service.

- Q - Etait-il diffikile, ce concours ?

- Oui, il etait difficile, et pas seulement sur le plan professionnel ! C’etait un


concours base sur l’enseignement général, c’est-à-dire, les mathématiques, le français,
et beaucoup d’autres choses... On vous posait en plus certaines questions d’ordre pro-
fessionnel.

-Q- Vous-mime, vous avez continué votre carrière en progressant


régulièrement ?

- J’ai progresse régulièrement dans le cadre des commis d’administration. Vous


savez, au depart il n’y avait qu’un seul cadre, qu’on appelait à l’epoque le «cadre
local». Ce n’est qu’à partir de 1954 que les cadres actuels que nous connaissons ont eté
cr&s. 11y avait, comme je vous l’ai dit, le cadre local rkserve aux Africains ou Togolais,
et le cadresupérieur qui etait reservé auxEuropéens. Aussi, les gens qui revenaient
avec des diplômes elevés n’etaient pas engagés dans un cadre ; ils étaient obligés
d’obtenir un contrat ou une decision. On les engageait comme «dkcisionnai:e.w.

- Q - Quelle était, par exemple, la proportion des cadres togolais dam


l’administration des Finances au cours des années 1950 ?

-En principe aux Finances, nous etions tous des agents d’exécution, doncdes
Togolais, ou du moins des Africains. On comptait qaratrc ou cinq Européens qui nous
encadraient, qui ttaient les chefs de section.

- Q - Il n’y avait pas de chef de section togolais ?

- Si, il y en avait.

- Q - Quels ont &,C le* premiers à accéder à ce niveau de responsabilité ?

- Il y avait, dans la section apurement, un certain monsieur Gbéde Robert, qui


etait un Bktinois ; au Service du Matériel, il y avait M. Brenner, un métis. .?vf.Quashie
était aussi chef de section... Le reste, t’étaient des Europeens.

127
- Q - Quelles étaient les conditions de travail, les horaires, le mat&ieL ?

-Les conditions de travail étaient pénibles parce qu’il n’y avait aucune
machine : toutsefaisaità la main Il fallait faire travailler le cerveaupour pouvoir arrêter
la comptabilité...C’etaittrèsdifficile.

- Q - Et les horaires de travail ?

- Au départ, quand les chosesn’étaient pasbien organisees,on travaillait de 7


heures à midi, puis de 14 h à 18h. Apres, on a change : on reprenait à 2 heures pour
terminer à5 heures.C’estainsi qu’on travaillait touslesjours. On n’avait pasla semaine
anglaise,à l’epoque: ce n’estquevers 1952que la semaineanglaiseaété introduite.

- Q - C’est-à-dire qu’avant, vous n’aviez de libre que le dimanche ?

- Oui, on n’avait que le dimanche.On travaillait touslesautresjours.

- Q - Pourquoi parlait-on de «semaine arzghkee» ?

- Parceque, dans lescolonies anglaises,ils avaient le samedi libre. Ils avaient


commencepar la demi-journ~, puis ensuitetoute la joumf% du samedi.Ils travaillaient
jusqu’à vendredi soir, puis sereposaient le samediet le dimanche. C’estce que nous
appelions ici la semaineanglaise,introduite auxenvirons de 1952,maisà moiti6 : c’est-
à-dire qu’on ne sereposait quedans l’après-midi du samedi.

- Q - Comment s’habilht kè jeune fonctionnaire ?

-Ah, c’était la consigne ! Il devait s’habiller correctement tous lesjours, avoir


une tenue impeccable ! Souvent, si vous veniez au service en tenue debraillée, on
vous renvoyait à la maison. Et je me souviens bien qu’un de mescamaradesa été
renvoyé un matin : notre patron de la section solde, aux Finances, M. Loké, lui a
demandede rentrer immediatement à la maison parce qu’il l’avait trouve dans une
tenue «déplorable»...

- Q - Le bâtimeti dtx Douanes où YOUF travailliez en ce temps-là date des


années 1913-1914. Est-ce qu’il était bien entretenu, régulièrement retwvé,
repeint, ou est-ce que c’était un peu vétuste ?

- L’actuelle direction desDouanes ?Je crois qu’on avait repeint un peu...Il y


avait deux services dans le même bâtiment : les Finances et le Tresor. Quand les
Financesont integré l’ancien hôpital, le Trésor estrestelà, jusqu’à la construction du
nouveaubatiment du Tr&or, au CASEF (1).

(1) En 1981.

128
- Q - Quand, tout jeune, vous aviez intt.!&r~ le bâtiment, comment LSez-
vous trou& ? Est-ce qu’il &-tait beau ?

- Oui, c’était tr&s beau, et j’etais très content de me trouver dans ce grand
bâtiment,parmi lesvieux cadresfonctionnaires.

- Q - 03 habitiez-vous h ce mïment-ld ?

- J’étaisdansle quartier à c&é de l’@lise d’Amoutive.

-Q-AAdoboukomt!?

- Oui, à Adoboukomé, c’est-à-direle quartier où l’on construisait en terre de


barre...

- Q - Aviez-vous loué, ou aviez-vous déjà bai votre propre maison ?

-J’ai loue une chambre avecvérandaà Adoboukome, où je suisrestependant


deuxans,avant dechanger dedomicile, parcequejevoulais m’installer un peu plus à
I’aise.

- Q - 03 i?tzs-vous a&! d ce moment-ld ?

- AAmoutiv6, ou j’ai trouve un bâtimenttrèsspacieux

- Q - Et quund avez-vous pu construire votre propre muhon 1

-Apartirde 1956.

-Q- Ici même 03 nous sommes, sur le Boulevard circulaire, près de


l’ancien Zongo ?

- Oui, la où noussommesen œ moment.Je m’ysuisinstalleà partir de 1958.

- Q - Donc il vous a falh une douzaine dhnées de carrike pour arriver


d construire votre maison...

- Oui, j’ai misdouzeansavant d’avoir une maison.

- Q - Ckst une honorable moyenne !

- (Rire). Je croisbien...

129
- Q - Mais, à Hpoque, il y avait beaucoup moins de circulation devaN votre
véranda (2) ?

- A l’epoque le boulevard n’était pastrace,maisle chemin de fer Lomé-Aného


passaiten facede mamaison(3).

. - Q - Combien de trains par jour ?

- Il passaittrois fois par jour.

- Q - II faisait beaucoup de bruit 7

- Oh oui, il faisaitbeaucoupdebruit ! Il y avait mêmeune petite halte à côté,là-


bas : le bâtiment existeencore ; si les trains Ctaient en retard, ils rentraient avec
beaucoupde bruit la nuit...Mais,ici, on etait bien.

- Q - Comment aviez-vous acquk ce lot ?

- Je l’ai achetéà la famille Adjalle.

- Q - A combien ?

- A l’époque, cen’était pastellement cher ; celacoûtait SO000 francs.J’ai verse


40 000francsà l’achat,et le restepar mensualités.

- Q - Mais c’était bien une vraie vente : pas une location à 500 F et deru:
bouteilles de schnapps par an...

- (Rire). Non, parce qu’à l’epoque,mon salaireetait dejà un peu plus eleve.

- Q - A combien était-il arrivé ?

-J’avais déjà prèsde22 000Fpar mois.

- Q - Vous étiez partis de 800 francs...

-Je suisparti de 650F, 800F, 1200F, et ainside suite...Apres la guerre, il y avait


eu beaucoupde mouvements,et on avait commenceà revaloriserlessalaires,surtout le
traitement desagentsdecadres.Dès qu’il y avait un petit mouvement enEurope -ou
plus precisément enFrance-, çaserépercutait egalementsur lessalairesauTogo.

(2) Assez bruyanre au moment de lknregistrement.


(3) De 1947 à 1967.

130
- Q - C’était une pKnie & forte in$àtion, oii la monnaie perdait très vite
sa valeur.

-@tNça!

- Q - Mais quand même, cela reprhentait une nette amélioration de la


qualité & la vie, ce.& augmentation des salaires ?

- Oui oui !

- Q - Ce n’était donc pas seulement un progrès nominal ?

- Non ! Cen’&ait pasnominal ; celarepr&entait quandmêmeuneam&ioration,


parcequ’au fond, quand on Ctaitsorti dela période dela guerre, l’inflation &ait telle
que les gensne pouvaient pasvivre, et il y a eu beaucoup de remue-ménage,dans la
fonction publique surtout...

- Q - Essayons par txemple de mesurer le coût de la vie pendant ces années


1955. A combien est-ce que l’on se nourrissait, pour un repas ?

- Pour un repasà l’africaine,le petit déjeuner,par exemple,nouscoûtait 100F à


lSOF,et lerepasdemidi,200Fà250_F,ainsiquepourlerepasdusoir.

- Q - Vous aviez donc besoin d’au moins 500 F par jour pour vous nourrir.
Le loyer était d combien ?

- Quand j’Ctaisà Amoutivk, je payais600F, et après 800 F. A Hanoukopé, je


payais1200F.

- Q - Combien coûtait un vélo, daus les années 1955 ?

- Ça dépendait de la marque. Il y avait lesRodges, lesRalluys et lesPeugeots.


Par exemple,unPeugeotcoûtait à peu pr& 3000 Fà 4000F.

- Q - Donc votre salaire vous permettait de vous acheter cinq ou six vélos
par mois...

- II faudrait savoir egalementque,pendant cetemps,le coi%dela vie avait aussi


augmentdtrès sensiblement; carsi, au départ,on pouvait depenser200ou 300F pour
le petit déjeuner,on pouvait aussidépenserbanalement500F le matin. Et puis,comme
je mesuismarie, la dépensea ét6 egalementdoublée. Jemangeaisbeaucoup d’igna-
mes,parce queje suisde la region de Kloto, où l’on en mangebeaucoup. Un igname
coûtaitàpeuprès2OOF;onenavait pourdeuxou trois jours...

- Q - Est-ce qu’il était alors fdquent de manger du riz, à Lomé ?

- Beaucoupde gensne mangeaientque rarement du riz. On mangeaitplutôt le

131
maïs. Ce n’est qu’apr&s que les gens y ont pris go&, et ont commence à manger
beaucoup de riz.

-Q-Apartir&que&unn&dpeuprès?

- A partir de la grande crise alimentaire de 1976-77 : il y a eu la pénurie des


denrées alimentaires, et il n’y avait que le riz sur le marché, du riz importe, bien
entendu.Alors lesgensont pris le go& à la consommationdu riz et c’estentré dansles
moeurs,surtout pour lesenfants,qui aiment beaucouple riz Au départ, le riz Ctaitun
aliment de luxe,en somme...

- Q - Il n’était pas spécialement cher, mais il était perçu comme étranger.


C’est bien cela ?

- Oui, ce n’était pascher, mais perçu comme étranger. Ce n’etait que dansde
raresoccasions,lesfêtes,lesmariagesou autresc&monies, qu’on préparait du riz Ce
n’estpascommeaujourd’hui, où lesenfantsveulent en mangertout le temps,où le riz
est devenu un aliment de basepour certainesfamilles.
*
* *

- Q - Venons-en au syndicalisme d Lomé. Quand avez-vous commencé


votre carrière de syndicaliste ?

- Dès monengagement,en 1945.C’està cemoment que le mouvementsyndical


estvenu au Togo, et je mesuisengagéimmédiatement danscemouvement.

- Q - Comment &-il venu ici ?

- La Confederation Generale desTravailleurs français, la CGT, a Ctela pre-


mièrecentraleàveniràLomC,pouryorganiserles tout premierssyndicats.

- Q - Elle avait donc dékgut! des syndicalistes français pour organiser lès
travailleurs togolais ?

- C’est ça ! Ils etaient d’abord venus pour sensibiliser les gens, pour faire
connaître le mouvement syndical.Evidemment, nous l’avions appris dansla presseet
par la radio : on connaissaitdejà œ quec’étaitque le syndicalisme,
maison nesavait pas
exactementcomment ça fonctionnait, parœ que les syndicatsn’etaient pas encore
autorisesen Afrique francophone.On savaitqu’au Ghana(la Gold Coastà l%poque),il
y avait dessyndicats,mais,au Togo, celan’existait pasencore.

- Q - Ces envoyés de kà CGT française, comment avaient-ils été accueil&:


avec méfiance ou avec enthousiasme ?

- Ils étaient bien accueillisparœ quetout le mondeattendait d’avoir une organi-


sation dedéfense.Alors donccesenvoyesavaient organiseun meeting populaire, où
132
l’on avait convie tous les travailleurs. Tout le monde Btait là ! Ils ont donné des
indications,commentil faudra s’organiserpour avoir un syndicat...Il y avait un statut-
typequ’ils avaientamet& et inunediatementlescamaradess’etaientr6unis et organises.

- Q - Çrr n’a pas dû faine plàidr aux vieux CO~S...


- Ah non ! Les colonsn’etaientpastellementcontents! Mais ils Ctaientobliges,
parce que c’etait Pr&i&ment le geneta de Gaulle qui, à la conferenœ de Brazzaville,
avait pris la dkision d’autoriser les travailleurs africains a s’organiser en syndicats.
Donc lescolons n’etaientpas contents(surtout le secteurprive), mais ils etaient bien
obliges de l’accepter.

-Q- Le tgvulicalisme s’est-il développé en mhe temps dàns k secteur


privé et dans k secteur public ?

- Oui, immkdiatement! Le secteur privé commele secteurpublic s’étaientorga-


nisesparœ que, avant la naissancedu syndicalisme,il y avait dejjàdes associations
d’entraide parmi lestravailleurs.Donc le syndicalismeavait trouvé un terrain dejjabien
prépare. Alors lesgenssesont retrouves pour pouvoir s’organiser ensyndicats.Mais
œ n’etait pasla memechosequ’en Europe ; c’est-a-dire que, cheznous, nous avons
organise les syndicatssur la base des services, et non pas par metier, comme en
Europe, ou du moins commeenFrance.Par exemple,enFrance,prenons lesChemins-
de-fer : vous avezlesouvriers qui ont leur syndicatet lesemploy& qui en ont un autre;
alors que, cheznous,c’etait le méme.

-Q- Tous les gens travailhnt au Cheminsde~er, ouvriez et empky&,


haierat dans k même syndicat ?

- Dansl’administrationg&Aale, pour un agent,quel quesoit son niveau,tout le


mondeetait dansle mernesyndicat.

- Q - Agents titdàb et agents wntmctuek @kment ?

-Tout le monde!

- Q - Esbce qu’il y a eu kt@emps un seul syndicat au Togo ou est-ce que


rupidementilyenaeupluskuts?

- Par branchesprofessionnelles ?

- Non. Jusqu’en 1949,il n’y aeu qu’un seul syndicat.

133
- Q - Comment s’appelait-il ?

- L’Union desSyndicatsConf&ltWs du Togo (4), qui était affïlitk Bla CGT.

- Q - Et qui en était le secrétaire ghhl ?

- Le camaradeAkoueté Paulin (5) a Ctele secretaire géneral de l’Union des


Syndicatsdu Togo depuis 1947.Il estresteà la t&tedu syndicatjusqu’en 1958.Apres les
electionsde 1958,il a éd nommeministredu Travail et de la Fonction publique, donc il
ne pouvait plus faire fonction desecretairegénéral du syndicat.Alors on a proc&lC a
un changement, et moi-même j’ai et6 elu comme secrétaire géneral en 1959, en
remplacement de M. Akouete. Mais, à l’epoque, on avait gardé M. Akouété comme
secrétaire general non permanent : on lui avait conservé son poste de secrétaire
generalà titre honorifique.

- Q - Savez-vous combien il y avait de cotisants ?

- Non ! Mais je peux dire que c’estl’enthousiasme qui emportait tous les tra-
vailleurs : à l’époque,pratiquement touslestravailleurs cotisaient.Au début, la cotisa-
tion etaitfïx6eà 10F : cen’étaitpascher.Elle a etéensuiteportee à25 F, et ainsidesuite

Quand l’administration coloniale a senti quelessyndicatsCtaientdevenustrop


forts, alors ils ont commenceà nousbousculer.En 1948,la toute premiere grkwefut or-
ganiséedansle pays,pour protestercontre la lenteur que1’Administrationmettait pour
revaloriser lessalairesdesagentsjournaliers (ceuxque nousappelons aujourd’hui les
agentspermanents).Leurs salairesétaient vraiment très bas,et l’administration colo-
niale ne voulait pas les reviser, alors que, de temps en temps, la revalorisation des
salairesen France avait desrépercussionsautomatiquessur le relévement dessalaires
desfonctionnaires. Pour lesagentsjournaliers, cela dépendait deIavolonte du gou-
verneur sur place.Cesgensétaient vraiment lésés.Alors les travailleurs ont décidéde
déclencher une grève de protestation de 24 heures, après avoir fait des démarches
auprès du gouverneur.

- Q = Que& corps de mbtier ?

- Tous lestravailleurs !

- Q - L.Q gdve ghtfraiè ?

- Oui ! Toute l’administrationCtaitparalys&,et pour la Premierefois,d’ailleurs.


C’était mon baptême du feu : je n’avaisencore participé à aucune greve. Mais notre
greve n’a duré que 12heures,parce que, avant midi, le gouverneur avait demandéaux
responsablessyndicauxde faire arrêter le mouvement : il ordonnait de relever les
salaires.Alors on a repris le servicedansl’après-midi...

(4) Pat la suite : Union Nationale du Travailleurs Togolak


(5) Nt en 1907. Fondonna~ Me ah gou- OLympio a2 1958 b 1963. W
jusqu ‘en 1971.
134
- Q - Donc un dhoueme~ rapide ?

- Oui, çaa été rapide !

- Q - Alors, en ce moment-&, là riposte de I’Administration va être d’essayer


de diviser pour régner ?

- Oh oui ! Justement,l’Administration,à partir deœ moment,avait commeno à


s’htflltrer dansnos rangsen pr+arant des«jaunes»,commeon dit en syndicalisme.Ils
perturbaient, rapportaient,assistaienta toutesnos rtkmionspour aller raconter tout œ
que nous disions.Mais,maigre tout œ chantage,lessyndicalistesavaient tenu bon.

- Q - Mais ces atu& 1947-48 en France, c’est aussi la rupture de l’unité


de kà CGT, IB crthtion dè FO (6)... Il y avait aussi le syndwme chr&ien,
qui est resté puissant. Est-ce que ces divisions ont eu des retombées au
Togo ?

- Oui, parœ qu’en 1949, la CFTC (7), le syndicat des Ch&iens, &ait venu
installer une sectionau Togo (8). Mais FO n’a pastrowe de terrain ici La CFTC avait
pris les enseignantscatholiques et protestants. La presque totalite de la branche
chrkienne et quelquescheminotss’etaientegalementaffili& à œ syndicat.

-Q- Quelks étaient les relations ente les cheminots des deux
syndicats 2

- Les cheminotsdu syndicatchrétienetaienten nette minorité : ils n’étaient pas


nombreux, ainsi, il n’y avait pasbeaucoup de problbmes. Les camaradesde la CGT
l’emportaient largementpendant lesClcctionsdesdéleguésdu personnel.Par la suite,
les relations etaient devenues tendues,mais il n’y avait pas une sorte de doctrine,
commeen Europe oil lesgensfont le syndicalismesur la basede la politique g&&ale.
Ici, çane posait pasdeprobleme.

- Q - Quel&s ont t% encore les grandes heures du syndicalisme dans hz


dernière décennie de Pépoque coloniale ? On nous a pari2 d’une grève
des dockers, en particuüer au w w (9).

-Oui ! Vous savezque le wharf et le chemin de fer travaillaient ensemble.Il y


avait detempsentempsdesgrevcsauchemin defer et auwharf, sur lesquelsreposait
la forœ syndicale: le chemindefer qui assuraitle transport,le wharf qui servait d’inter-
m&liaireentreI’exterieur et le pays.L’aviation n’etait pasaussiorganiseequ’aujour-

(6) Force Guwi&, syndicat ami-comwniste qui s’est skpan! de la C.G.T. en 1948.
(7) Conftddration F~(UI~& des Travaillem Chrbtiens.
(8) Lu ConfMmtion syndicale des TravaiKeurs du Togo, branche togolaise de la Conft!d&a-
tion Ajkicaine des TravaiUeurs crqvants
(9) C& ci-akuq chapim 9.

135
d’hui : tout passaitpar le wharf, tout le trafic, mCmelespassagersdébarquaient par le
wharf. Alors, de temps en temps,quand il y avait gr&ve,cela sefaisait sentir, surtout
quand il y avait beaucoupde bateauxen rade...

- Q - Dans ces arantk-ld, quelles étaient les relations de ce syndicat, qui


était puissant, avec les partis politiques qui commeizgaient d s?omiser ?

- Vous savez,à partir de 1951,le syndicattogolais s’estdésaffilié de la CGT


française: c’était le premier syndicatafricain qui a quitte la CGT française.

- Q - Pourquoi l’avait-il fait ?

- Comptetenu du statutparticulierdu Togo,qui etait un paysplacksousla tutelle


desNations-Unies.Les Togolais estimaientqu’il ne fallait pass’affilier sur le plan inter-
national : çaaliènerait notre sptWicit6. Alors les responsablessyndicauxont estimé
que nous devions rester autonomes.C’est pourquoi nous avons quitté la CGTfran-
çaiseen 1951, maisnous sommesrestessolidaires avecnos camaradesde l’Afrique
Occidentale.Car la CGT avaitcréédeuxcomitésdecoordination : comitéde coordina-
tion AOF-Togo, et comitédecoordinationAEF-Cameroun.Alors, on seretrouvait dans
lecadredececomit~decoordination,surleplanafricain.

- Q - Est-ce qu’il vous est arrivé de mener des actions communes d 1’tMeUe
de l%OF plus le Togo ?

- Oui ! Nous avionsmenCune grève généraledanstoute l’Afrique, au moment


où le code du travail etait bloqué depuis sixans devant le parlement français. On a
déclench6 une gr&ve génkrale en novembre 1952 dans toute l’Afrique. C’Ctait le
comitédecoordinationquiadirig6cettegr&ve.

- Q - 03 ktait-il bask, d Dakar ?

- Oui, à Dakar. Cette grève avait abouti à l’adoption du codedu travail d’outre-
mer. L..agr&ve a eu lieu en novembre, et le 15décembre,dkja, la loi a été votée.

- Q - Ce code était-il favorable aux travailleurs togolais ?

- Ce n’était pastellement favorable, mais un«Tiens»vaut mieux que deux«Tu


l’auras»...

- Q - C’était la règle du jeu, qui devait éviter I’awchie précédente.

- C’estça ! Il n’y avait aucuneprotection pour les travailleurs à l’tlpoque, avant


1952,et tout le mondefaisaitn’importe quoi,surtout dansle secteurprive, où lespatrons
etaient libres de faire tout cequ’ils voulaient.

136
- Q - Que d&mentuit çe CO& du travail ; les horaùw ? Les gril de
sahire?La~~sociakè?

- Il y avait beaucoupde chosesdanscecode,qui nous permettaient de fmer les


normesdu travail.

- Q - Je suppose que son application pratique a dû se heurter, 12 encore,


h de nombreuses rkticences...

- Beaucoupderetiœnœs ! Jemesouviensbien qu’il y avait un jeune inspecteur


de travail qui etait anime de bonne volonte, avecbeaucoupd’enthousiasme.Il voulait
faire hâter les chosesen préparant certainstextesrapidement,descirculaires,tout ça..
Mais le gouverneur l’avait vide commeun malpropre...

- Q - Etait-ce un txpatrù! ou un Togolais ?

- Gétaient tousdesexpatries,à l’epoque.Celui-ci s’appelaitM. Petit.

- Q - Et on l’a remplacé par quelqu’un de plus docile aux voeux de


L’Administration...

- Ah oui ! Vous savez,avecl’administrationcoloniale,tout sedkcidaitici : Paris


nesavait pasexactementœ qui sepassait.Le gouverneur était tout puissant.Il pouvait
prendre desdkisions ; alors, il avait demandetout simplementle rapatriement de œ
monsieur-là,et c’étaittout.

-Q- La syndicalisation et la bonne application du code de travail con-


cernait-il l’ensemble du territoire, ou était-ce un phénomène propre d
Lmlb ?

- Çaconcernaitl’ensembledu territoire, maisl’action sefaisait surtout à Lame,


parœ que le mouvementétait plus efllcaœ à Lomé qu’a l’intérieur. Vous savezque, à
l’intérieur, lescommandantsdescerclesétaient souvent encore plus puissantsque le
gouverneur...

- Q - Et le secteur privé ? Je pense ici d ce qu’il devait y avoir de plus loin


de Lorntf, le «domaine Gravillow, d côté de Mango. Est-ce qu’on pouvait
faim appliquer k code du travail sur la plantation Gravikw ?

- C’etait la croixet la bannière quede faire reflechir œs messieurs-là!


- Q - Et puis &-bas, les sala&% n’étaient peut-ih pas tr8.s conscie~ de
lem droits ?

-Justement : beaucoup de travailleurs les ignoraient. Vous savez,l’Africain


prenait l’employeur commeun chef de famille. Et dansnotre coutume,c’estle chef de
famille qui doit voir œ qui se passe.Jusqu’ici, beaucoup de gens conservent cette

137
mentalit& Et s’il y a desprobl&mes,ils vont le voir... Ils ignorent qu’on ne lesa engag&
que pour un travail, et que c’està eux-mêmesdes’organiser.

- Q - Vous-même, quelle a étt! votre carrière dans ce syndicalisme togolais


nu~ant, qui prenait rapidement de la force ?

-J’ai commenc6commedélCguc!du personnel desFinances,puis membre du


bureau confkdéral, au congrèsde 1948.

- Q - Du bureau confédéral togolais ?

-Alors quej’étaisun simple délégukdemon syndicat,auxFinances...Par la suite


j’ai été Clusecrétairegénéraldu syndicatde I’Administration g&Grale,à partir de 1954.

- Q - Avez-vous continué d exercer votre métier ou étiez-vous devenu un


permanent du syndicat ?

-J’ai continu6à exerœrmon métier,aux Finances.Ce n’estqu’aprèsquej’ai et6


muté desFinancesaux Chemins-de-fer du Togo.

- Q - L’Administrafion n’a pas essayé de vous faire quelques misères ?

-Ah ! On atellementsouffert...trop souventmeme!

- Q - Qu’est-ce qu’on vous fakait ?

- Ah ! J’ai connu la prison, un peu de tout...De tempsen temps,quandil y avait


grève, on venait vous chercher, là... Et souvent, c’était très grave. Ils m’ont même
révoqué une fois, aprés une gréve, en 1957. Et c’estgrâce aux camarades,qui ont
repris la grèvele lendemain matin, pour exiger mareintegration, quej’ai étCrepris.

- Q - Et on n’a jama& essayé de vous donner une promotion, puis de vous


expédier à Baj&, ou d Pagouda, ou à Mandouri..., le plus loin possible ?

- On craignait qu’en m’envoyantà l’intkieur, je pourrais plut& y empoisonner


l’atmosphère...Alors il valait mieux mecloisonner ici, à Lomé. Parœqu’ils ont essaye
defaire déplacercertainscamarades,et ils ont vu que c’étaitplutôt dangereux.Il fallait
plut& lesmettre tousà Lomé ; commeça,on pourrait mieuxlessurveiller.

-Q- Etes-vous finalement devenu permanent syndical, ou êtes-vous


toujours restt! dans lkdmin~trahn des Finances ?

- Je ne suisdevenupermanent qu’aprèsla constitution de la nouvelle centrale,


en 1973.On aalors demand6mon dktachementà la CN’IT (10).

(10) Confkdkration Nationale des ~ravaillem du Togo, fonde en janvier 1973.

138
- Q - 03 vous avez fmi votre carrière 7

- Oui, rai fini macarrière la-bas.

- Q - A quel poste ?

-J’étais secretaireconfederal chargedu secteurpublic.

- Q - Quand avez-vous pris votre retrait% ?

-J’ai pris maretraite en 1978,maisje n’ai quitte le syndicatqu’en 1981.

- Q - Ce qui faisait une carrière bien remplie... Comment est née la bourse
du travail, à Lmd ?

- La premièreboursedu travail etait installéedansun bâtiment loué à la famille


Occanseysur la rue d’Amoutivé (aujourd’hui avenueMaman-N’Danida).

- Q - Quelles étaient ses fonctions ?

- Organiser l’administration du mouvement,et ensuiterecenserles problemes


qui seposaient,et tenir lesreunions.C’etait le bureaudu syndicat.Ce n’estque quand
le secretaire géneral a été détache qu’il estdevenu permanent à la bourse du travail.
Nous avonsquitte ce bâtiment pour louer celui deDe Souzasur la rue Aniko-Pallako
(Alsace-Lorraine à l’epoque). Puisnous avonsfait desdemarchesaupr&sdesautorités
pour obtenir l’ancienbâtimentdesPTT (aujourd’hui le Ministèredu Commerce),après
la construction dela nouvelle postecentrale (11). Nous y avonsinstalle nos bureaux
pour une courte du&, car on devait le reprendre pour nous affecter une annexedes
PTT situde dansla rue d’Alsace-Lorraine (Aniko-Pallako), à côté de l’école évangéli-
que. Ce n’est que plus tard que le secretaire général a demande un logement à
Hanoukopé, logementque nous avonstransformé en boursedu travail. C’està côté de
œ bâtimentquela nouvelle boursedu travail aété construite(12). Quant aux Ch&iens,
ils avaient leur bourse du travail dans la rue de France, où ils sont restesjusqu’à la
fusion desdeux centrales,et noussommesrestesensemblejusqu’ici.
*
* *

- Q - Revenons, si vous le vouk bien, d vos souvenits d’autrefois. Quel


t’aient les loisirs du fonctionnaire togolais dans les annhs 1945-50 ?

- Vous savez,à l’epoque il n’y avait pasbeaucoupdebistrots, ni delieux de re-


jouissance.Mais de tempsen temps,on organisaitdesbals populaires à l’hôtel Tonye-
viadji (13), où l’on allait danser,surtout lesjeunes...Il y avait aussibeaucoupdeclubsde

(11) 1957.
(12) En 1974
(13) En face dc I’Ccolc r&ionale de la route d’Atu!ho~
139
dancing,où l’on s’entraînait aux dansesclassiqueset modernes (hotte, quirt, blues...).
Beaucoupdejeunes S’&aientinscritsdansdescerclesd’etudcs: il y avait beaucoupde
cerclesd’etudes organisespar desEuropeens, surtout par desenseignants.

- Q - C’étaient des wws du soir ?

-Oui, descours du soir.

- Q - Qui y enseignait, et quoi ?

- C’etaient desenseignantsdu primaire et du secondairedesmissionscatholi-


queset protestantes.Il y avait aussile caf6 Nassar,àuStCdu grand marche,et aussile
cercle de l’Union française, où les Français, les travailleurs europeens, allaient se
divertir. C’étaient leurs lieux de divertissement.

- Q - Les Africains np &ient pas aukwistfs ?

- Les Africains n’etaient pasautorises,sauf ceuxqu’ils appelaient «lesévolués»,


desTogolais naturalisesFrançais,qui Ctaientpeu nombreux.

- Q - Oti y avait-il de la musique ?

Il n’y avait pasbeaucoupd’orchestresici à Lomé. On faisaitvenir lesorchestres


du Ghana(de Gold Coast),tel quele fameuxorchestrequ’on appelait ~Tempos Ban&
qui venait de temps en tempsmettre de l’ambiance dansnos coeurs.On sedéplaçait
nombreux a l’hôtel Tonyeviadji ou à l’hôtel Adjangba...

- Q - Combien payait-on pour une etaMe ?

- Oh ! Ce n’était pascher : à peine 200 francs ou 300 francs le couple, et 500


francs à l’occasiondesgrandesfetes,où l’on ne voulait pasavoir trop de monde. Les
grandsmeetingssetenaientaussià l’hôtel Tonytiadji, parœ que le bâtiment que nous
avionsloue, la bourse du travail, Ctaitsur la rue : il n’y avait pasd’enclospour accueillir
les gens.

-Q- Combien de petsonnes pouvait-on rkunir simuctanhent d Tony&


vtiji ?

- 11pouvait contenir jusqu’a 5000 personnes ! C’etait trés grand : une grande
cour et un bâtiment où lesmusicienspouvaient s’installer.

- Q - Vous t%iez descendu de Kpakünt! tout jeune, dans les années 1930.

-J’avais 7 ans.

140
- Q - Venant donc de R&+ieur, comment aviez-vous trouvé Lomé ?

- J+%aistr& emetveille le premier jour, très content d’etre à Lomé parce qu’au
village, quandmongrand-frère m’aannoncéqu’il voulait m’emmenerà Lomé, j’ai sauté
dejoie, j’etais tellement content ! Quand je suisarrivé, la première choseque j’avais
demandeà mon grand-frere, c’etait dem’amener àla plage :je voulais voir la mer ! Et
mon grand-frère medemandaitsij’étaisvenu pour voir la mer ou pour resteraveclui...
Le lendemain,il m’amenaà la plage: j’ai vu la mer,j’étaist.& satisfait...

-Q- Est-ce qu’il y avait d’autres merveilles pour vous, en dehors de la


mer ?

- Pastellement,en dehorsde l’electricité,qui n’etait pasdanstous lesquartiers.


Il n’y avait quelesprincipales ruesqui Ctaienteclairees,àmoiti6 IA cathédraleaussi
attirait macuriosité. Jemedisais : «Qui est-cequi a pu monter si haut pour faire ce
travail ?».Quand mon grand-frere m’a emmeneconnaîtrela mer, cela m’a suffi : je n’y
allais plus ; j’avais peur del’océan. J’avaisvu dejeunes enfants de mon âgenager. Ils
utilisaient devieux pneus de véhicules pour pouvoir partir à la nage.Comme je ne
connaissaisrien de tout ça,celam’inquietait,et je ne m’adonnaispasà cesactivittk

- Q - Pour vous, comment se prtfsentait la ville au COIUS de ces années


.
1930 ?

- La ville n’était pas tellement grande, mais c’etait vraiment pour moi mer-
veilleux, parcequec’etait la première fois quej’avais pris contact avecune cite où il y
avait beaucoupdecirculation, desvélos,desvoitures...

-Q- Pouvez-vous nous dh comment un jeune fonctionnaire pouvait se


marier au cours des annt?es 1945 ?

- Vous savez,à notre époque, le mariage ne sefaisait pas comme ça,au petit
bonheur, ou au petit hasard...Il fallait se preparer, avoir beaucoup d’assisesavant
d’avoir une partenaire. J’avaistrente ansavant deme marier. On a c&bré le mariage
mpalink

- Q - Pourquoi avez-vous attendu si longtemps avati de vous marier ?

- Ah ! @estsur lesrecormnandationsdesparents: il ne fallait passelancer dans


une aventure, faire les chosesau hasard...Les parents disaient : «Commevous avez
commendà travailler, il faut vous preparer, avoir une assisesuffisante avant d’avoir
une femme». C’estainsi que noussommesrestessilongtemps ; il yavait beaucoupde
jeunes gensqui sont restesaussilongtemps avant desemarier.

141
- Q - Vous avez donc u?&b& votre murîuge d XCpali& avant de revenir h
Lomé. Est-ce que votre femme s’est vite in@& d Ia soci& ihn&enne ?

- Oh oui ! Elle s’estvite integrée parce qu’elle connaissaitdejjaLomé pour y


avoir vécu avecun desesparents.Elle était enseignante.Comme nousn’avions pasde
boy, c’estelle-même qui faisait le ménage,tous lestravaux domestiques.On selevait
très t6t ; elle prkpamit saclasseet moi je l’aidaisà la cuisine,parfois, puisqueje la faisais
assezcorrectementquandj’étais cklibataire...

- Q - Revenons aux a.nn&s 1945, qui marquent votre en&& dans la vie
pratique, au lendemain de la guerre mondiale. Est-ce que vous pouvez
nous dire les restrictions qui étaient encore imposées d la ville de Lomé au
cours de ca années 1945-46 ?

- Vous savezque, pendant la guerre, tout etait rationné. Il yavait descartesde


rationnement pour acheterlesproduits importés,sucre,p&role, tissus,etc.Toutes ces
cartesde ravitaillement portaient desnumeros,et vous deviezvous présenter avecces
cartesdansles maisonsde commerce.Tous lescitoyens,tous lesgensde la cité avaient
une cartepar famille et par personnepour acheterdanslesboutiques.Et c’estlà où s’est
installé le marché noir. Tout le monde ne pouvait pasaller dans lesboutiques pour
acheterlesarticles.Il y avait surtout desfemmesqui pouvaient accéderà cesarticleset
les revendre. Ainsi, il y avait beaucoupdedifkultés pour se ravitailler, et ce n’estque
vers lesannees 1947quecespratiques ont disparu.

- Q - Est-ce que vous aviez aussi une de ces cartes ? Qu’est-ce qui était écrit
dessus ?

- La carte était numérotée; chaque numéro correspondait à un article que le


porteur connaissait. Quand vous entrez dans la boutique, le boutiquier coupe le
numeto qui correspondàl’article.Tout etait rationné ; il savaitla quantitequ’il avaità sa
disposition pour vendre, et il devait les reunir pour justifier savente. Souvent, vous
aviez desgensquivenaient vous prendre les cartespourvous acheter lesarticles : ils
réunissent tous lesnuméros, qu’ils remettent auxboutiquiers parce quevous n’avez
pasde tempspour aller attendre à la boutique,car il y avait beaucoupde monde : pour
un paquet de sucre, par exemple, vous n’alliez pas perdre votre temps à attendre
longtemps.Au niveau decertainsservices,on ramassaitlescartes,qu’on remettait à un
planton, ou bien on s’arrangeaitpour faire la liste desfonctionnaires, qu’on envoyait
dansles magasinspour prendre lesarticles...

-Q- Est-ce qu’il falluif déposer un fonds avant d’avoir une carte de
ravitaillement ?

- Non ! non ! 11n’y avait pas de depot de fonds. Vous aviez à faire tout
simplement la liste de la famille, quevous présentiez,et onvous livrait les cartesen
conséquence.

142
- Q - Quelques exemples de difficultés d’approvisionnement ?

- Avant la deuxieme guerre mondiale, les choses coûtaient moins chers. Par
exemple, le kaki coûtait 50centimes leyurd. Il y avait beaucoup de facilite ; on vivait
bien. Mais très rapidement, il y a eu pénurie de ces articles, car il n’y avait plus de
bateaux qui venaient ici. Alors, tout Ctait rationne, même le carburant. Les voitures ne
circulaient plus avec de l’essence, sauf les grandes personnes : le gouverneur ou les
autres personnes qui pouvaient avoir ac&?s à l’essence. Tous les autres vehicules
Ctaient condamnes à rouler au charbon, ce qu’on appelait à l’epoque les gazogènes :
on utilisait le charbon pour chauffer les moteurs. Moi, j’avais voyage pour la Premiere
fois en gazogene de Cotonou à Lomé en 1942, et c’etait difficile à l’epoque ! J’avais
aussi voyagé en gazogène pour aller à Kpalimé aussi bien qu’à Sokode ; j’avais mes
habits complètement brûles avant d’arriver à Sokode... C’était moins cher pour un tel
voyage. D’abord on prenait le train jusqu’à Blitta et c’etait de la gare de Blitta qu’on
prenait un vehicule pour l’interieur du pays. Il y avait des camions gazogènes qui
partaient de Lomé pour l’intérieur, mals c’etait trop lent, aussi, les gens preferaient le
chemin de fer. Les gazogènes ont étesupprimes à partir de 1945-46, au moment où le
ravitaillement d’essence était redevenu abondant sur le marché.

-Q- M. Awoutey, durant votre carrière, avez-vous abordé ou approchk


certains gouverneurs, et gardé de quelques uns une impression durable?

-J’ai connu beaucoup degouverneurs, mais le plus celèbre, pour moi, s’appe-
lait M. Noutary (14). Il y avait aussi les gouverneurs Digo (15), C&lile (16)... Celui que
j’ai aborde pour la première fois, c’était le gouverneur Digo. Nous l’avions saisi pour
les augmentations de salaires. Je vous ai deja parlé d’un inspecteur de travail qu’on
avait rapatrié parce qu’il avait demandé l’augmentation des salaires, après avoir reuni la
commission paritaire pour la révision de ces salaires. Cette commission avait travaillé et
nous étions allés voir le gouverneur avec les resultats. Il nous a tenu un langage, ce
jour-la, qui m’a fait peur. Il a tape sur la table et dit :
- «Ma décision est imperative, catégorique ! Non ! Je ne sors pas un franc du
coffre ! ».

Alors nous avions discute ; vraiment, c’etait chaud !

Finalement, les syndicalistes ont decidé de passer à l’action : on a «grève». Et il


a fait rapatrier l’inspecteur du travail.. Il a fini par oéder, et par donner satisfaction aux
travailleurs.

(14) Jean Noutary, commmaire ak la Rt’publique de 1944 b 1948, redoutable organisateur de


1‘*effort de guerre*.
(15) Yves Digo, 195&1952
(16) Jean Chiile, 1948-1950.
143
-Q- Et quelle impression avez-vous gwd& de Noutmy ?

- Ah ! Vous savez,le gouverneur Noutaty, c’bait un homme tr&sautoritaire.


Mais cequi a caract&i& son +oque, c’estaussiqu’il aimait beaucouplespetitsverres
et les fêtes : de temps en temps, il rkunissait les musiciens,et on dansait jusqu’au
lendemainmatin...

144
no 13

LES HOPITAUX DE LOME ET L’UN


DES PREMIERS MEDECINS TOGOLAIS

Le Docteur Pierre Dosseh


Nicoué MIKEM
à Tokoin-Hôpital
(né à Agbodrafo en 1915,
décédé à Lomé le 30 août 1990)( 1)

- Q - Dr Mikem, vous êtes I%n des doyens des médecins togolais, mais tout
de même pas l’un des premiers. A quelle génération appartenez-vous ?

- Je suis de la huitième géneration. J’ai commence à travailler au Nord du Togo,


en 1945, à Pagouda (2), dans la subdivision sanitaire qui traitait de la trypanosomiase, la
maladie du sommeil. Tout le Nord était organise en secteurs de dépistage. Les malades
dépist& étaient envoyés en traitement à l’hôpital de Pagouda. Par la suite, la mortalite
par la trypanosomiase ayant beaucoup regressé, on y a traite aussi des malades atteints
des autres grandes endemies : le pian, les parasites intestinaux, l’onchocercose, la
bilharziose...

En 1949, je suis revenu à Lomé, où j’ai éte affecte immédiatement au service de


la chirurgie, au bloc operatoire de l’hôpital de Lome, qui etait alors en bas, à l’emplace-
ment des batiments actuels des Quatre-ministères et du grand bâtiment qui abrite le
ministere de la Fonction publique (3). Le bloc chirurgical etait le petit bâitiment à cote,
aujourd’hui occupé par la Main-d’oeuvre.

- Q - Comment se présentaient alors ces bcîliments ?

- L’hôpital, dans le temps, prksentait les structures suivantes :

A l’emplacement actuel de la direction générale de la Main-d’oeuvre et de la


Skcurité sociale, se trouvaient le service de la médecine et les pavillons de l’hospitali-
sation. Le pavillon actuel de la Main-d’oeuvre, juste en face, servait de bloc opératoire.
C’etait un bâtiment à deux ailes pour soigner les malades souill& et les non souilles. Le

(1) Nous saluons ici la mlmoire de ce grand homme de coeur. Ceux qui l’ont connu rewouve-
ront ici sa voix avec émotion.
(T&e revu par Mme Mikem).
(2) A 500 km au nord de Lomé, pr& de Kara
(3) Ancien hôpital allemand («Reine-Charlotte de Württemberg»), construit en 1908-09,
puis agrandi jusqu’en 1914.

145
service de la p&iiatrie se trouvait Al’emplacement actuel du service d’hygiene de la
ville de Lame, tel qu’il existede nos jours. La maternité occupait leslocauxactuelsde
la gendarmerie nationale, en facedesbureaux de l’ambassadede France.

Le service de contagieux se situait a l’emplacement du grand bloc nord des


Quatreministères, avecla sallede conferenœ desdits ministères.

Le servicedessp&ialit& etait au premier niveau du grand bâtiment allemand,


affecte jusqu’a cesderniers tempsà la direction desTravaux publics et desFinances,
tandis que l’etage servait d’hospitalisation pour les expatries. Il y avait aussi,là, un
service de maternite pour l’accouchementdes femmesenceintesdesexpatries. En-
suite,il y avait lesservicesd’administration de l’hôpital, qui setrouvaient en bas,dans
uneaile du memebâtiment.

Le service de pharmacie genérale de l’hôpital (qui Ctait en même temps la


pharmacie d’approvisionnement de toutesles formations sanitairesdu Togo) setrou-
vait dans le petit bâtiment situé entre le building du ministbre de 1’Equipement et le
pavillon de la Main-d’oeuvre. Le long de la voie bitumée qui Separelesdeux blocsdes
Quatre-ministères setrouvaient quelquespavillons qui s’egrenaient là-bas ; ils abri-
taient lesmalades prives, qui avaient un certain niveau devie. L’echelon central du
Servicede Santéau Togo, œ qu’on appelait dansle tempsla Direction généralede la
Santé,était danslesbureaux del’ambassadedeFrance. Lesservicessetrouvaient au
premier niveau, tandisque,à l’etage,le directeur genéraldela Santéqui Ctaittoujours
un m&lecin-colonel destroupes coloniales-avait son appartement.

-Q - Il en &it néjd ainsi d I’époque aUemande. Comment se phentait tout


le bloc ? Y avait-il une clôture qui regroupait tout ceci ou est-ce que c’étuit
ouvert d tous vents ?

- C’était ouvert à tous vents ; il n’y avait pas de clôture, aucune protection.
Souvent, les maladesavaient leurs parents avec eux, pour leur préparer à manger.
Cependantil y avait unecuisinecentrale de l’hôpital, qui s’abritait sousdesbaraques,
entre le servicede la pediatrie d’alors et la matemite.

- Q - Quelkè hait la capa&% d’accueil dè cet ensemble hospitalier ?

- Je n’ai pasle chiffre exacten t&te.Cet ancienhfipital pouvait accueillir jusqu’à


deuxcentslits,ehviron. Il yavait desmouvementsd’entr6eet desortie, œ qui fait que
le niveau semaintenait a peu pr& sauf&idemment lesurgencesqui arrivaient, et qu’il
fallait prendre coute que conte. Quand on a transfere l’hopital de son ancienne
implantation asesnouveauxlocaux,àTokoin, on a du faire partir tous les maladesde
l’hbpital, et n’en garder quesept,pour monter aveceuxàTokoin. Jem’en souviens :
c’etaitun certainjour du mois d’août 1954.

146
- Q - Dans ces annh 1948-50, est-ce que l’hôpital était très saturé ou est-
ce qu’il tipondait encore aux besoins de la population de ce moment Ià ?

- Plusou moins,pasenticrement...De toutes lesfaçons,la plupart desmalades


étaient heberg6sà l’hôpital et ils etaient nourris sousla rubrique des indigents. Ils
avaient tous les soinsgratuits, sauf,evidemment, pour lesgens hospitalisesdans les
pavillons àune ou deuxchambres,desgensà niveau devie un peu plus clevé, et pour
ceux hospitalisés à l’étage de l’ancien bâtiment des TP et Finances : les malades
expatriés.

- Q - Quel était kè personnel médical ? Combien étiez-vous de médecins ?


Combien y avait-il dT@mktx, de sagRF-femmes ?

- Je ne sauraisvous donner un chiffre exact.Je sais qu’à cette epoque tra-


vaillaient le médecin-commandantChavenon, destroupes coloniales,le medccin Le-
poncin, et d’autresm&lecinsqui venaient maisne restaientpaslongtemps.Le docteur
Chavenon s’occupaitde la chirurgiegcnérale,et le docteur Leponcin dela médecine
gt%&aleet de la pédiatrie. MadameBru, une sage-femmeeuropt!enne, s’occupaitde
la mater&?, aveccinq ou sixsages-femmes africaines.II y avait à l’époque le medecin-
colonelLot, qui étaitlà aumomentdestransfertsdel’hôpital ; le commandantChavenon,
dela chirurgie,&ant parti, le médecin-commandantMoran etait venu le remplacer :
c’estlui qui aassumele transfert de l’hôpital danssesnouveaux locaux,àTokoin.

- Q - Est-ce qu’il y avait d’autres spécialités : des denktes, des ophta&rw-


logues, des radiologues ?

- Des radiologues ? Non, il n’y en avait pas à ce moment-là. Le chirurgien


s’occupait de ce problème, plus ou moins. Il y a eu quelques radiologues qui sont
pas&, avant lesdocteurs Chavenon, Leponcin, telsque le docteur Petit, et d’autres
m&lecins,qui ont laisséleurs nomset dont vous entendrezparler. Moi, je n’&ais paslà
quand ils sont passes.Quand je suisrevenu ici, en fevrier 1949,je n’ai trouve sur place
que ceux que je viens de vous citer.

- Q - Si vous aviez mal aux dents, où est-ce que vous alliez vous faire
soigner ?

- Il y avait une chirurgie dentaire.Jevous ai déjà parle desservicessp&5alis&,


tels que les servicesde la chirurgie dentaire, d’ophtalmologie pour lesyeux,d’ORL
pour les narines et la gorge, quise trouvaient au premier niveau du bâtiment ensuite
affect6 àla direction gencrale desTP.

-Q- Combien étiez-vous alors de médecins togoluis ?

- Comme médecinstogolais, il y avait le docteur Coco Hospice -j’espère que


vous avez entendu parler de lui (4)-, le docteur Yebovi, le Dr Samuel Kokoroko

(4) Né en 1902 Ministre du gouvernement Olympia de 1958 à 1963.

147
Johnson et moi : on etait à la chirurgie. En médecine g&érale, il y avait des agents
techniques qui secondaient les médecins. Les m&kcins togolais étaient surtout affectés
dans le nord du pays ; ils venaient à tour de rôle faire un moment à l’hôpital de Lomé,
puis ils repartaient. Le docteur Edorh a travaillé aussi un moment à PMpital de J-orne. Il
y avait également un mCdecin qui s’occupait des services de la polyclinique, qui est
rest6 à son emplacement actuel.

- Q - Ld, on n’hospitalisait pas...

- Non, on n’y hospitalisait pas. La polyclinique etait chargée de depister les


malades, puis de les envoyer sur l’hôpital quand il s’agissait des cas graves. Mais les cas
légew étaient trait&, soignks et suivis par la polyclinique, jusqu’à leur guérison.

- Q - Et .quelks étaient les relations avec lu clinique Bon-Secours du


docteur Olympia ?

- Le docteur Olympio travaillait wmme médecin privé. Chaque fois qu’il y avait
des cas graves, il pouvait les &acuer sur l’hôpital. Mais il y avait dkjà, à la clinique du
docteur Olympio, un service de radiologie bien klabork et qui servait à beaucoup de
malades : nous pouvions envoyer des malades là-bas pour faire un dépistage néces-
saire. Le service de radiologie de l’hôpital aussi faisait son travail : alternativement, le
docteur Chavenon de la chirurgie pouvait faire ses dépistages, aussi bien que le
docteur Leponcin de la médecine gérkrale.

- Q - A propos du secteur privé, il y avait aussi une phurmacie, ci Kokétimé.

La pharmacie Lorne? Ah oui ! Il y avait, plus exactement, lc bâtiment appel6


Eungsway,qui est encore là prksentement (5). C’était dans ce bâtiment que se trouvait la
pharmacie Lorne qui a travaillé longtemps. Elle desservait plusieurs hbpitaux, aussi
bienqueles malades particuliers : les gens à qui on prescrivait les produits pouvaient
les trouver là-bas.

- Q - Mak pouvait-on les acheter à la pharmacie de l’hôpital ou bien est-ce


qu’on était obligé d’aller d la pharmacie Lorne ?

- Je vous ai déjà signalé que les malades etaient considtkés comme indigents et
donc traités, soignks et nourris, gratuitement.

- Q - A que& époque s’était ouverte cette première pharmacie privée ?

- Apr& la fin de la deuxième guerre mondiale, c’est-à-dire autour de 194550.

(S) Angle rue Aniko-Pallakohue d’Amoutiv6.

148
-J---Ce b&iment, qui a une architecture très curieuse (6), porte une
plaque avec la dute de 1924. Qu’est~ que cVtait aqnuwant ?

- Cetait unemaisondecommerozJecroisqu’elle aeu5construiteau moment ou


les Anglais Ctaient à Lomé, ou peu apr&s.Le pharmacien Lorne n’a fait que louer
œrtainsappartementspour y installersapharmacie.Le ptopri&aire etait unepersonne
de maconnaissance.

- Q - Ensuite, il y en a eu une dèuxi&ne, ktuelkè phurmacie du Grand-


mans ?

- La pharmacie deLavaissière ! Elle estarrivée quelques annéesaprèsL.ome.

- Q - Et ensuite est arrivt! Ie premier phurmucien togolais, M. Djabakou

- C’estça ! Qui,d’abord, s’estinstalle sur la rue du Chemin-de-fer, non loin de


l’école professionnelle, avant de construire la Pharmacie centrale telle que nous la
voyonsmaintenant,en facede la SGGG (7).
*
* *

-Q- Docteur Mikem, pouvez-vous nous parler & la crkution de ce qui


est aujourd’hui le CHU & Lomk et du trun.$ert dè lkncîen tipitul au
nouveau ? Cela a dtI rep&senter quelque chose d’assez compliqué, VO~N
traumutisunt pour les gens qui l’ont vtku. Savez-vous comment hz décision
a été prise d’établir ce nouvel hôpital général ? Et pourquoi Id ? Pourquoi
de telles formes ? Enfin, comment este que tout ceci s’est pr&ark ?

- L’ancien hôpital ne n$ondait plusaux besoinsdela population, en matibre de


servicedesantétout aumoins.Quant à l’hospitalisationdesmalades,leslits devenaient
de plus en plus encombrt%,et on estimaitque la capacitehospitalibre Ctait en dessous
de ce qu’il fallait à cette Cpoque.Alors, il a et&décidé, vers la fin des annees 1940,
d’entreprendre la constructiond’un nouvel hôpital, qui repondrait mieux auxbesoins
de la population, L’ancienterrain d’aviation deTokoin aete choisipour l’installer,et les
travaux ont debuté avec l’aide du paystutellaire, c’est-à-dire la France, qui avait le
Togo sousmandat.Vers la fin de l’an& 1950,lestravauxetaient tr&savances;aussi,
au debutde l’& 1950-51,il y a eu l’inauguration,tout aumoins la visite d’un ministre
de la Franced’Outte-Mer, qui estvenu voir l’hôpital et ainsi pro&der à l’inauguration.
Des 1952-53,les autorites compétentesavaient décidé de faire transférer l’ancien
h6pita.l.Apres accordentre lesm&.cins, ils ont fïxt?au mois d’août 1954le transfert de
tout le personnel et matériel, avecquelques maladespour demarrer dans le nouvel
hôpital. La clinique actuelle etait encore en plein chantier : elle aeté terminee un ou
deuxansplus tard.

(6) Co~ite sur celle de l’h&pital Ko&-Bu d’Accr@ conshuit en 1922-23.


(7) Aujourd’hui f&
149
-Q- Pourquoi l’avait-on instaU si loin du centre ville ? Est-ce qu’d
l’tjmque cela ne vous paraissait pas le bout du monde ?

- En effet cet hôpital n’a pas Cte acceptede bon coeur tout de suite par la
population, qui atrouve quec’etaitun peutrop loin de la ville, alorsque l’ancienhôpital
était presqu’aucentre,ou danslesenvirons immédiats; l’ac& en etait t& facile : on y
entrait à tout moment,dejour et denuit...Et il y avait unetelle facilite quebeaucoapdc
parents de maladespouvaient coucherà l’hôpital avecleur malade.Tandis qu’avecle
nouvel hôpital, il a Ctedécidequ’il y aurait desheuresdevisite pr&ises. Et lesf&lités
que les maladesavaient -la gratuite dessoinset de l’alimentation- ont et&vraiment
compl&ementmodifi&s. Ainsi, d’une part le nouvel hôpital était trop éloignedela viIle,
et d’autre part on y avait etabli un certain nombre de contraintes qui ne leur conve-
naient pas.Alors, au début les maladesnevenaient pas !

Et la route de Kpalime, qui menedela ville au nouvel hbpital, etait peu sure :
c’était un chemin souvent frequenté, la nuit, par lesvoleurs, les brigands, les malfai-
teurs... Il y a eu, dans les premiers mois d’activite du nouvel hûpital, une tentative
d’assassinat,et le type a réussi à s’échapper ; et même un membre du personnel
d’entretiende l’hôpital a eteassassiné par desvoleurs. Il habitait non loin de l’hhôpital,au
bord de la lagune,sur la route deKpalimé (8). Il faut reconnaître queles gensavaient
raison,parcequ’ils etaienthabituesavenir voir leurs maladesmêmela nuit. Par ailleurs,
il n’y avaitpasun seultaxi dansla ville : c’estavecl’h6pital quelestaxissont n&sà Lame.
Avant, les genssedéplaçaient à pied ou àvelo (il y en avait beaucoup en ce moment
là) ; les gensne pouvaient pas,aveccesmoyens,se deplacer aussi loin de la ville. Si
bien qu’au debut il n’y avait presque pasdemalades...

Nous sommespartis de LomCavecsept maladesseulement,lesplus graves,qui


devaient constituer le premier lot de maladesà être traites dans le nouvel hôpital.
Signalonsque, trois ou quatre ansavant, le service descontagieux avait déjà mis ses
maladestuberculeux à Tokoin ; le personnel venait de Lame pour les suivre et les
soigner. Ce sont eux,pratiquement, qui ont inaugure lesactivites sanitairesà Tokoin.
Cest finalement au moisd’aout 1954que tout le reste,le gros matériel, le personnel,a
ete amene. Tout etait envrac le jour où nous avions demarré le travail àTokoin. Au
servicede la chirurgie, alors qu’on n’avait encorerien installeau bloc op&atoire, nous
recevions des la première nuit une urgence chirurgicale : c’etait une hernie etran-
gl&z..Jem’en souviens,le maladeCtaitvenu d’Attitogon (dansla préfecture desLacs).
Il a Ctesoigneet guéri et tout le personnelqui l’avait soignea pris une photo souvenir
aveclui, photo qu’on peut retrouver danslesarchives (9). On adQtravailler dansdes
conditionsimposstbles,maisnous etionstreScontentsparœque,finalement,on a r&ssi
à le tirer d’affaire...

- Q - Les usagers de l’hôpital t?Iaient donc plutôt mtkontenk3 de ce tran.fert.


Mais pour vous, les praticiens dè lMpù24 est-ce que vous n’aviez pas là

(8) Cf: ci-dcsrus, chaph 11.


(9) Elle est aujourd’hui b la salle des admiaùq h la dùwdon du CHU

150
un outil technique dkne qualité qui justifkxit les d&agn$neuts du
transfert ?

- Bien sQrque le personnel etait satisfait,parce qu’il pouvait travailler dansde


meilleuresconditions,avecdu mat&iel m&lico-chirurgicalmeilleur ! Les installations,
lesstructuresetaient Cgalementplus accueillantesque ce qu’il y avait à Lome.

- Q - Ce système d’hôpital par pavillons séparés, par espace.~ libres reliés


par des galeries couvertes, cela vous paraissait-il le meilleur choix
architectural possible ?

- Oui, celarepondait mieuxauxbesoins.Commeil fait chaud enAfrique, c’était


mieux ventile, et lesmaladessesentaientplus à l’aise.Le personnel pouvait travailler
dansdemeilleures conditions. On adu resetver certaineschambreset certainssetvi-
cesoù l’on a misdesclimatiseurs.Au début,quandnous avonscommenceà op&er au
bloc opératoire du nouvel hûpital, c’étaitdansune sallecomplètementfermée et sans
climatiseur...On atravaillCainsipendantplusieursann&s avantqu’on ait pu installerles
ClimatiseUrS.

- Q - Ainsi donc, au dkbut, ia population est rt%icente devant cet hôpital


Comment a-t-elle éti apprivoiske ? Comment est-ce que les gens, progres-
sivement, ont pris le chemin de ce nouvel Epita ?

-D’abord un premier fait s’estimpose: commecentred’intervention pour les ur-


gences,tant médicalesque chirurgicales,on ne pouvait venir qu’à Tokoin. Alors les
formations sanitaires,les polycliniques en ville, quand elles recevaient des malades
graves qu’elles ne pouvaient pas traiter comme externes,Ctaient obligées de les
évacuer.Leurs parentsCtaient aussiobligés delessuivre, tout au moins devenir aux
heures de visite. Alors, petit à petit, les gens ont commenceà se familiariser avec
l’hbpital ; ils ont trouvéque,quand même,celapressentaitdebons c&és.Par ailleurs,
beaucoupde maladesévacuésdesformations sanitairesde l’intérieur du paysvenaient
àTokoin.Donctouteslespopulationsdelomeetdel’intCrieuryvenaient,et,petità
petit, les lits ont eté remplis. Les premiers mois, le service etait vide, les lits étaient
complètement vides... Pendant un long moment, on n’a eu a traiter que quelques
dizainesde malades,alorsque la capacitéhospitaliereatteignaitau moins 1ooOlits...On
n’avait pasbeaucoupde travail ! Par contre,actuellement,ças’estrempli ! On n’a plus
assezde lits, cequi oblige à faire encorebeaucoupd’autresinstallationspour augmen-
ter la capacitéhospitaliere.

- Q - Oui ! Mais, vers 1954, Lomé avait 60 000 habitants ; aujourd’hui, on


approche les 600 OOO...

- Bien sur,evidemment...

151
- Q - Combien de temps aura-t-il fallu, d peu près, pour qu’il tourne en plein
régime ?

- Au moins un an.

- Q - Il y a des services qui vous ont rejoint plus tard, comme la maternité,
n’est-ce pas ?

- Quand nous avions déménagé, le service de maternité se trouvait encore en


bas, dans la gendarmerie nationale actuelle. Et un service provisoire de protection ma-
ternelle et infantile etait installe dans les locaux r6serves pour les petits contagieux ; et
on y a amenage un serviced’hospitalisation pour les expatriés malades, et également
pour les expatriées en état d’accouchement, surtout aussi pour les cas graves d’accou-
chement, necessitant une intervention chirurgicale telle que la cesarienne. Il faut
signaler que, le jour même du transfert de l’hôpital de Lame dans ses nouveaux locaux
de Tokoin, mon epouse et moi avons et6 nommes, l’un médecin resident, et l’autre
sage-femme résidente du nouvel hôpital. Moi, je m’occupais des services médicaux et
chirurgicaux, tandis qu’elle s’occupait des services de la protection maternelle et
infantile. Le même jour, nous avons donc eté obliges de deménager de notre ancien
domicile pour venir habiter un logement preparé pour nous dans le voisinage immédiat
du nouvel hôpital.

- Q - Qu’est le ri& d’un «médecin réshienh ?

Le medecin résident est attache à un hôpital pour y accueillir les malades qui
arrivent soit en urgence, soit pour se faire consulter parce qu’ayant une maladie grave.
Il réside toujours non loin de la ported’entree,où il y a du personnel qui reçoit,et qui
appelle le médecin pour qu’il vienne examiner le malade et indiquer le service où il
doit être hospitalise.

- Q - Combien a% temps a duré ce système ?

- Pour moi, jusqu’à mon départ pour Aného. Après mon départ, il y a eu encore
des medecins residents, parexemple le docteur Fiadjoe et ledocteur Ohin...

- Q - En ce temps-là, les médecins ne motiaient donc pas lu garde ?

- Il y avait un service de garde la nuit dans les services, pour les malades
hospitalises ; tandis que le médecin r&ident doit recevoir surtout les nouveaux malades
qui entrent, s’assurer de ce qu’ils ont et établir un diagnostic sommaire, pour pouvoir
l’admettre dans un service déterminé. Le lendemain, le malade est pris en charge par le
medecin-chefduservice,qui,alors,établit undiagnosticdefinitifetprescrit lessoins
qu’il lui làut

- Q - Vous aviez donc un logement de fonction ?

- Oui, construit en meme temps que l’hôpital, pour le medecin résident, dans
l’enceinte même du CHU.
152
- Q - Pour revenir d l’hôpital de l’époque, dont on avait doublb la capacitt!
d’accu& est-ce que l’on avail accru autant le nombre de médecins ? Y
avait-il des Togolais dans ces nouveaux médecins ?

- Au depart, il y avait quand même un personnel bien fourni. Le personnel


medical a été augmente, mais pas en grand nombre. Il y avait au moins quatre ou cinq
Togolais qui avaient commence ; par la suite, ce personnel togolais a augmente
progressivement. C’est le personnel d’entretien qui a été sensiblement augmenté, pour
pouvoir maintenir la propreté, l’hygiène dans tout cet ensemble. Cependant le person-
nel du ministère n’était pas nombreux, du fait qu’au debut les malades ne venaient pas
nombreux Mais, par la suite, la necessite s’est faite sentir d’augmenter rapidement le
personnel ; alors on a fait venir des médecins, habituellement des m6kcin.s des troupes
coloniales, des médecins militaires - pas en très grand nombre quand même... Alors que
les médecins togolais n’étaient pas très nombreux non plus. Ce n’est que progressive-
ment, avec le retour des m&lecins formes à l’étranger, qu’on a pu augmenter le nombre
du personnel médical. Et egalement le personnel infirmier,avecl’installation d’une
école de formation creee sur place, a pu aussi se completer progressivement. Quand
l’hôpital etait en bas, au centre-ville, il etait dirigé par un medecin-chef, souvent le
médecin militaireexpatrie leplusgrade.Avecl’ouverturedunouvel hôpital,ilyaeu
nomination d’un directeur d’hôpital. C’etait le docteur Amen Lawson (de la clinique
privée située dans le bloc synodal protestant) qui a assumé cette tache de direction. Il a
été remplacé par un agent technique du laboratoire, Monsieur Adjangba, qui est mort
actuellement.

-Q- Vous, les jeunes médecins togolais, comment aviez-vous été accueillis
par les jeunes infirmiers, quand vous étiez revenus de Dakar ?

- La solidarite dans le travail ne s’est pas instaurf.k immédiatement. @est avec le


temps, petit à petit, qu’on s’est familiarise, car, quand nous sommes arriv&, il y avait des
anciens infirmiers qui faisaient fonction d’assistants des médecins de l’epoque, et qui
travaillaient très bien. Il y a eu des noms cklebres comme les Kpadenou, les Adigo, qui
ont été des infirmiers réputes dans le temps, qui assistaient vraiment correctement les
médecins dans leur travail ! Quand nous étions arrivés, il est vrai que l’entente ne s’est
pas établie tout de suite, mais, petit à petit, on a appris à se tolerer, et l’entente a fini par
prédominer.

- Q - Et vous-mêmes, les uDakaroi.w, quand les jeunes docteurs formés en


Europe sont revenus, comment les avez-vous accueillis ?

- En tout cas, nous les avons bien accueillis, tout au moins pour moi ! J’ai trouve
là la possibilite d’avoir encore du personnel médical ; ce qui permettait de partager la
tâche, car, quand j’etais medecin rksident, il y avait un seul mklecin pour la chirurgie,
le docteur Brimbusson, qui, avec le docteur Moran, assumaient les taches dans tout le
service chirurgical. J’etais littéralement sollicite à chaque instant, pour les urgences
médicales comme pour les urgences chirurgicales ! La tâche etait enorme... Donc c’&ait
un plaisir pour moi de pouvoir partager ces tâches avec des confrères nouvellement
arrives. Cks nouveaux etant d’ailleurs plus ou moins de la famille, parce que la plupart
des medecins avaient envoyé leurs enfants pour la relève...
153
Au début, avecle nombre très faible desmalades,on pouvait suffire à la tâche.
Mais au fur et à mesureque le nombre desmaladesacommenceà augmenter,nous ne
pouvions plus assumerseulsla tache.Il m’arrivait, quandj’étaisappelé en urgencepar
exemple à 4 heures du matin, de ne finir les operations que 24 heures après ! Les
urgences se succèdaienttellement qu’une fois qu’on en finissait une, il fallait en
reprendre une autre. Pour m’alimenter, j’étais parfois oblige de sortir un petit quart
d’heure,pour mefaire passerde la bouillie dansla bouche,parceque, m’etant pmparé
pour faire une intervention, je ne pouvaisplus rien toucher...C’estune autre personne
qui me passaitla bouillie ! Si bien que,quand de nouveaux confrères sont arrives, de
France et d’ailleurs, j’en etaistrès heureux,parce quej’ai au moins despersonnesqui
pouvaient partager cestâchesavecmoi. Alors l’accueil decesnouveaux venus a éte,
de mon u%e,très cordial...
*
* *

- Q - Cet hôpital, à l’époque, était situé au milieu d’un désert, n’est-ce pas?

- C’estça ! A Epoque, autour de l’hôpital, il n’y avait que la brousse...

- Q - Et, progressivement, cet hôpital a provoqué la construction de ce


quartier.

- Oui. L’installation de l’hôpital a provoque l’arrivée de la population dans les


environsimmédiats.Le personnelaussia tout de suitecomprisqu’il fallait construiresa
maisonà côté,pour accéderrapidement au travail.

- Q - Oui, dans ce quartier de Tokoin-Hôpital, entre l’hôpital, la voie ferrée


et la hgune, les enquêtes que nous avons menées montreti que 10 % des
habitants ont des activités liées à la santé. Et vous-même, vous habitez cette
même partie de la ville, sur le rebord du plateau. Quand vous êtes-vous
installé ici ?

- Il faut vousdire qu’aprèsavoir étCm&lecin r&ident ici près de quatre ans,j’ai


ete affecte comme medecin-chef à la subdivision sanitaire d’Aneh (prefecture des
Lacs),où j’ai entrepris une activité m&lico-chirurgicaleet, en mêmetemps,la supervi-
sion desformations sanitairesdeVogan et deTabligboCest aucours desanneesoù
j’ai V&Ucommemédecinrésidentà Tokoin quej’ai pu acquérir ce terrain, et commen-
cerla constructionde mon domicileactuel Quandj’ai été affecté,lestravauxont ralenti,
et je n’ai pu les achever que quand je suis revenu à Lomé. C’est depuis 1964 que
j’habite ce quartier ; avant,j’étaisau centre-ville, dansle quartier Aguiarkomé.

-Q- Effectivement, c’érait très loin si vous deviez venir à 19Mpital de


Tokoin.

-Ahoui! Cestça!

154
- Q - En 1964, y avait-il déjd beaucoup de maisons autour de l’hôpital-?

- Quandje mesuisétabli ici,en l!X4, il n’y avaitquequelquesraresmaisonstout


autour, surtout cettegrande maisonen face,qui abrite actuellement le Service de la
mét6o (elle appartenait à un particulier, qui est mort maintenant), et puis un autre
bâtiment en face,habite par un Allemand retraite qui l’a achete...

- Q - Il np avait alors ni eau, ni ékctrkitté ?

- Nous avons dQfaire venir le fil électrique jusqu’ici, cheznous,àgrands frais.

- Q - Et l’eau, quand Pavez-vous eue ?

- Quelques anneesplus tard.

- Q - Dans ces années-ld, vos enfants étaient encore à l’école. Où alfaient-


ils fréquenter ?

- Mes enfantsallaient fréquenter enbas,chezlesFranciscains.Ils partaient d’ici


touslesmatinspour aller à l’école,et on lesr&.tp&ait à midi. Ils y allaient égalementle
soir.

- Q - Ah-s, dans ces annde&, la route de hTpalitnk était-eue enfin devenue


sûre ? Il n)r avait plus d’agression d craindre ?

- Cest lorsquela circulationaaugmentesurcetteroute,car avant,il n’y avait que


quelquesraresvoitures qui circulaient,qui allaientvers Kpalimé. C’etait une route peu
fr&Iuentde. Ce n’estqu’avecl’installationde l’hôpital que la circulation a considérable-
ment augmente.Petit à petit, le taxis’estinstallé: lesgensont compris qu’il y avait une
possibilité d’en tirer profit, d’obtenir des souspar ce moyen de transport... Alors,
rapidement,le mouvementdestaxisa augmenté.

- Q - Combien coûtait à l’époque un déplacement en tari ?

- Je n’ai aucuneidée sur lestarifs detransport de l’époque, parceque je n’avais


passouvent l’occasiond’en prendre. Il s’estfait que, à notre arrivée à Tokoin, j’ai pu
acqu&ir unevoiture desecondemain, qui nous permettait de transporter lesenfantsà
l’école, et de nous deplacer aussipour aller au centre-ville.

- (intervention de Mme Mikem : A l’époque, le tarif était de 15 francs).

- Q - C’kst le moment où vous venkz de vous installer dans votre nouvelle


maison ?

- Oui. De la termsse,ici, on pouvaitvoir presquetout Lom6, jusqu’aujour où on


aconstruit une nouvelle maisonen face,pour mecouper la vue...

155
- Q - Est-ce que, comme vous étiez instaués dans la brousse, ça ne pouvait
pas poser quelques problèmes, par exemple des serpents qui risquaient de
s’introduire dans la maison ?

- Oh, il y en avait beaucoup les premiers temps ! II n’était pas rare, en sortant le
matin, de rencontrer un serpent dans le jardin. Et jevous dirai qu’à l’hôpital même,
quand j’étais médecin résident, en allant de mon domicile au service des entrees, je
rencontrais souvent des serpents, qui passaient à l’interieur même dc la maison. Le
python etait très repandu.

- Q - Mais celui-là est inoffensif !

- Heureusement ! Il y avait quand même aussi des serpents venimeux qui


passaient...

*
* *

- Q - Quelle a été la suite de votre carrière, après An& ?

-Je suis revenu à LomC dans le courant de 1964.

- Q - Et vous avez repris vos fonctions au CHU ?

- Oh non ! Je n’ai plus éteaffecteà l’hôpital, mais à la Direction gCnCrale de la


Santé, après un bref stage à l’Institut de la SantC publique. J’ai donc pris la direction de
l’implantationdesinstallationssanitairesà travcrsleTogo,etj’aieuàassumercette
tâche où j’étais obhge de faire souvent des sorties dans l’intérieur, pour Ctudier le
terrain et voir comment implanter les nouvelles formations sanitaires pCriphériques, en
vue d’assumer une couverture sanitaire correcte de toute la population. J’étais encore
à ce travail quand j’ai pris ma retraite, en 1974.

- Q - Pour un médecin dont la vocation est de soulager les gens malades,


est-ce que ce n’était pas cruel de n’avoir plus qu’à s’occuper que de ciment
et de dossiers ?

-Non. C’etait là aussi une tâche harassante, mais passionnante quand même,
parce que, à l’epoque, il n’avait de formations sanitaires que dans quelques points
précis à travers le Togo. Il fallait rapprocher les structures sanitaires des béné-
ficiaires : c’est ce que nous avons entrepris à ce moment-là. Si bien que ça a ete une
tache passionnante. Nous avons vu combien la population souffrait du manque de
formations sanitaires.

- Q - Pour vous, ce chungemenl de t&che est-il un couronnement d’une


carrière bien remplie, une récompense des services rendus, ou bien était-
ce plutôt une autre carrière ? ’

156
- C’etait une autre carrière, sanitaire elle aussi, mais qui demandait des volontai-
res, du moins la volonte d’un médecin qui doit penser à la nkcessité de mettre aux côtés
des malades une formation sanitaire qui puisse leur permettre de continuer à rester
près de leur habitation.

- Q - Au lieu de faire venir les gens d Lomé... C’est-à-dire que, après avoir
aidé au développement du CHU, vous avez tout fait pour en limiter la
clientèle...

- Oh ! Ce n’était pas seulement à l’époque que l’on apprenait que la prevention


devait prendre le pas sur la medecine curative, parce que, si l’on arrive à prévenir
beaucoup de maladies en rapprochant la médecine au plus près de la population, on
diminuera ainsi le nombre de malades. Par exemple, un blesse qui a besoin qu’on lui
fasse un serum anti-tetanique, s’il est possible de lui faire juste au moment où il est
blessé, eh bien, ça empêchera le tétanos de se déclarer et d’obliger à une evacuation
sur l’hôpital... Si on le faisait, on diminuerait donc l’effectif des malades, et cela permet-
trait de travailler avec une capacité hospitalière moyenne, suffisante pour couvrir les
quelques cas graves qu’on doit vraiment soigner en milieu hospitalier.
*
* *

- Q - Dr Mikem, vous étiez tout jeune quand vous êtes parti en formation
à Dakar. L’établissement que vous aviez quitté s’appelait le «Petit-Dakar».
Est-ce que vous pouvez nous rappeler comment vous êtes en&-é au «Petit-
Dakarn, avant de partir au grand ?

- Cest apreS l’obtention du CEPE que j’ai Cte admis, sur concours, au cours com-
plémentaire, le «Petit-Dakar» de Lame. Par la suite, certains services du Togo ayant
été transférés au Bénin (le Dahomey d’alors) ; en 1935, le cours complementaire et
même la Direction de la Santé ont et6 aussi transférés là-bas. Nous avons et6 donc
formes à l’école Victor-Ballot de Porto-Novo. De là, nous avons passe un concours qui
nous a permis d’etre admis d’abord à l’école normale supérieure de Sébicotane, puis,
parlasuite,grâceàunautreconcours, nousavonseteadmisàl’ecoledemedecinede
Dakar.

-Q- Combien d’années demandait cette école de médecine ?

- A l’époque, on faisait quatre annees de formation.

- Q - Donc vous étiez parti en 1935 au Bénin. En quelle année êtes-vous


aUédDakur?

-En 1938, d’abord à Sebicotane, puis à l’École de médecine en 1940.

157
- Q - Combien y avait-il de Togolak dans le groupe ?

- Comme Togolais de ma promotion, nous etions deux. Par la suite, il y a eu


d’autres promotions qui nous ont suivis, où il y avait egalement des Togolais. Dans ma
promotion, il y avait le feu docteur Kpotsra, avant nous le docteur David Sanvee,
decédé, et le docteur Ohin, qui est à la retraite ; il a travaille lui aussi à l’hûpital de
Tokoin comme chirurgien.

- Q - Vous avez donc passé toute la guerre au Sénégal ?

- Je l’ai passée à Dakar, et je ne suis revenu au Togo qu’en 1945.

- Q - Par txempfe, en décembre 1940, quand il y a eu l’attaque de Dakar


par la jlotte anglaise, vous étiez 152 ?

-A Dakar, mais à distance ! Nous avons surtout V&U cette époque, ainsi que
nous l’appelions, comme une epoque de pénuries.

- Q - A l’époque, vous étiez très jeune, donc vous aviez certainement des
sentiments politiques ewcerbés. A quel camp allait l’espoir des jeunes de
William-Ponty de Sébicotane, de l’école de médecine de Dakar ? De qui
espéraient-ils la victoire ?

- Ilsesperaient lavictoiredela Liberte.

- Q - En 1940, ce n’était pas évident de savoir où allait h victoire...

- Oh non ! Mais après, oui ! Ce que nous appelions le camp de la Liberté, c’était
les alliés.

- Q - Dans la petite colonie de Togolais que vous formiez au Sénégal, est-


ce que vous aviez le sentiment d’être diflérents des autres ressortissants
de L’AOF (parce qu’il y avait le mandat de la SDN) ? Est-ce que vous aviez
le sentiment d%?tre comme les autres Africains, ou bien pensiez-vous que
le Togo devait être une unité d part ?

- Nous, nous nous sommes considérés comme les autres, à égalite. II faut dire
que cette école a permis de brasser l’elite en formation de I’AOF. Ça a Cte une très
bonnechose,en cesens que, jusqu’à nos jours, nous nous connaissons à travers toute
I’AOF. Nous avons tisse entre nous des liens qui sont rest& durables.

- Q - Quand vous revenez d Lomé en 1945, cela fakait dk ans que vous
aviez quitle IA ville. Qu’est-ce qui vous a frappk comme changement ?

-Jusqu’en 1945, il n’y avait pas eu beaucoup de changements par rapport au


moment où j’avais vécu à Lame. Le changement notable, c’est après 1945, c’est-à-dire
apr& la guerre. C’est à partir de ce moment que l’extension de la ville a commence, et

158
nous l’avonsvécuequandnousquittions Lame pour venir nous installer dansle nouvel
hôpital deTokoin, il n’y avait que la cocoteraie tout le long, depuis cequ’on appelle
aujourd’hui le Boulevard circulaire,jusqu’aubord dela lagune.Pasde maisons! On ne
trouvait, de tempsen temps,quequelquesrarespaillotesau fond dela cocoteraie.Et la
lagune etait tout à fait marécageuse,avecdes arbres, de hautes herbes infesteesde
moustiques,si bien que, quand on a commenceà travailler à l’hôpital, chaque soir,
quand on allumait l’électricitele long desgaleries,on voyait beaucoupde moustiques
nousenvahir, et lesmaladesenétaient derang& Heureusementqu’au debut, on avait
mis desgrillages aux ouvertures... Et, en quelques annees,toute cette brousse est
devenue la ville !

159
no 14

LES SAGES-FEMMES

Mme Marie-Louise Kokoé MIKEM


(née AHYEE en 1926, à Agoué)

- Q - Après avoir fait parler longuement le docteur Mikem sur la méa2xine


d’autrefois d Loti, c’est maintenant Mme Mikem, son épouse, que nous
allons interviewer, au titre des anciennes sages-femmes du Togo, et qui
nous racontera Ià un aspect de la santé à Lomé que rwus n’avons pas encore
abordé.

Madame Mikem, quelles ont été les premières sages-femmes du


Togo ?

- Je dois d’abord vous dire que les premières sages-femmes du Togo ont été
formees à Dakar. (Vous savez que Dakar etait la capitale fédérale de l’ancienne AOF).
La toute première promotion en est sortie en 1923. A l’epoque, leur nombre etait tr&s
limite. (Une soeur cadette de mon père faisait partie de cette première promotion). fl y
a eu ensuite unesuccession d’autres promotions. Je crois qu’elles etaient choisies, à
l’epoque, en fonction de leur niveau d’instruction. Par la suite, on les recrutait sur
concours. Nous avons actuellement à LomC une de ces anciennes, en la personne de
Mme Wilson, née Olympio, très avancée en âge et qui ne sort presque plus. Nous
avons d’autres anciennes, mesdames Beker, Kponton -les plus anciennes-, Fumey,
Klocuh,et puis tant d’autres... J’ai eulachancede travailleraveccesaînéesen 1949.

-Q- Oà avez-vous t?t4 formée vous-même ?

-A Dakar, comme mes aînées, mais c’était pendant la guerre, à un moment où il


n’y avait ni avion, ni bateau... On était obligé de faire la route jusqu’à Dakar ! Je me
rappelle bien que, dans l’ann6e où je me suis pr&etm?e, on était une dizaine; j’etais la
seule admise du Togo. C’était un concours qui se faisait dans toute l’AOF le même jour.
Dans l’annee où l’on m’a recrutee, nous étions une trentaine d’élèves : il y en avait de
partout. Mais alors, pour rejoindre Dakar, il fallait y aller par la route, avec des
gazogènes, des vehicules qui marchaient à l’aide de charbon... On passait près d’un
mois avant d’y arriver ! Nous prenions le train de Lomé jusqu’à Blitta ; de Blitta, un
vehicule venait de SokodC nous prendre jusqu’à Lama-Kara, où il fallait prendre le
gazogene. Et, Dieu le sait !, nous avons eu à l’epoque beaucoup de pannes. Quand ces
pannes nous arrivaient, nous passions les nuits dans des campements très isoles, qui
sont souvent visites par des lions et des serpents, mais Dieu nous gardait la nuit... Et
quand on se reveillait, on se disait : «Ah, on a donc passé la nuit, et on n’a pas étC
inquiété ?». Mais œ qui était vraiment triste, c’est qu’on etait aussi sujet à des accidents
de la route : nous avons eu à déplorer ainsi la perte de plusieurs camarades... Apres la 1

163
travers& de tout le Togo,on arrivait en HauteVolta (amune on dit alors),et deIà on
continuait sur le Mali (le Soudanà l’époque), si bien que nous connaissionstout cet
itineraire pour l’avoir fait plusieursfois. On était soulagéà Bamako,caron savait que,
de Bamako, on prendrait le train pendant trois jours, pour être le troisième jour a
Dakar. On a traversebeaucoupd’épreuveset, pour nous qui en sommessorties,et qui
avonseu la chancedeconnaître la vie active,je crois qu’il faut vraiment rendre grâce
à Dieu...

-Q- Combien dknnbes fallait-il pour former ane sas-femme ?

-Trois ans.A la fin, il y avait un examendesortie pouravoir le diplûme.

- Q - A qael moment êttzwous revenue au Togo ?

- Je suis revenue en 1947.

- Q - Quel a étb alors votre premier poste ?

- Mon premier poste,c’étaitPagouda,dansle Nord. Je me rappelle à l’epoque,


quandje mesuispr&ent6e au medecin-coloneld’alors,il m’a dit : «Mafille, il faut partir
dansle Nord, parcequ’on y a besoinde personnel.Il nefaut pas perdre le temps...»Et
j’ai obéi tout desuite,pour aller prendremon poste.

- Q - Le Dr Mikem était déjd à Pagwda ?

- Il y etait,evidemment.Jesuisrevenue à LomCaveclui en 1949,dejà mariée,et


c’esten ce temps-là que j’ai eu le privilège de travailler avec les anciennes sages-
femmes.Jepeuxvous affirmer quej’ai béneficiéde leurs experiences,et que cela m’a
bien profité... A l’epoque, les conditions de travail n’étaient pas du tout faciles ; la
guerrevenait definir et il y avait p6nurie de produits.En œ temps,Dieu seulle sait !, il
y avait beaucoupd’infections,et pratiquement pasd’antibiotiques.C’etait l’époque du
Dugenan, de la Thiuzomide et, à la maternité, on recevait surtout lesevacuées,descas
graves,des femmesqui venaient tres infectees...

- Q - Ces femmes arrivaient-elh de loin ?

- De loin, et aussidesvillages avoisinants, et surtout de la Gold Coast. Ces


femmesetaient transportéesdansdesconditionstr&sdifficiles.On les transportait dans
leshamacset, quandellesarrivaient à nous,ellesetaienttr& fatiguées.A œ moment-la,
il fallait intervenir vite, il fallait faire appel auxm&lecins: c’estpeut-être uneu%arienne
ou uneambrotomie,ou alors un forcepspour quelquesunes.On etait souventvraiment
impuissantparœ qu’ellesarrivaient trop tard : par exemple,danslescasd’hémorragie,
on n’arrivait pasà leur faire grand’chose; on lesvoyait s’eteindre...C’etait un moment
vraiment dur...

162
-Q- Vous n’avia pas toujours des cas dramatiques comme ça : vous
assuriez aussi le tout venant des accouchements & la villè. Est-ce que,
dans ces années 1949-50, les femmes avaht souvent recours à la mater-
nité, ou est-ce que, en @éral, elles se débrouillaient toutec~ seules ?

-Je dois d’abordvous parler un peu de notreorganisation d’antan. On n’était


pas nombreusescommesages-femmes,a la maternite. On était quatre, et j’&.ais la
quatrieme,la plus jeune, la benjaminedu groupe.A I’Cpoque,on prenait une semaine
degarde:VOUS quittiezvotre foyer un samedipour ne rentrer que lesamedid’après...
La sage-femmede garde Ctait chargéede toutes les entrees,de tout ce qu’il y avait
commetravail, denuit commedejour. Elle était ta responsableLes trois autresvenaient
dans la journée, rien que pour s’occuperdes soinsdesaccoucheeset des nouveaux-
n& Nous etions secondéespar une infirmière, et on avait la chancede travailler avec
desanciennesinfirmièrescommeMesdamesAnna Wood, Anna Iawon, Adigo, et tant
d’autresquisont encoreenvie...

- Q - Vous formiez donc équipe avec une injùmière qui travaillait toujours
avec vous ?

- Oui ! Elle travaillait avecnouset, quand il y avait un casgrave,on faisait appel


aux medecins.Vous examinezvotre femmeet vous faites le diagnostic;vous voyezsi
elle peut accoucher normalement ou pas. Car on avait aussi des accouchements
normaux :certainesfamilles ont vite compris la necessitéd’aller coûte que coûte à la
maternite pour s’yfaire accoucher.D’autres sollicitaient plutôt lessages-femmeset
demandaienta ceq~kiics viennent lesaccoucherà domicile. Elles accouchaientdonc
chezellessous la sutveiiiance de la sage-femme.Mais,à uStede cela,il y avait aussides
femmesqui s’yprenaient audernier moment, qui accouchaientavant d’arriver; elles
s’amenaient avec leurs nouveaux-nés,et on leur faisait les soins qu’il fallait. Elles
faisaient un séjour dequelquesjours. A l’epoque, on lesgardait jusqu’à la tombée de
l’ombilic ; donc elles avaient un sejour plus ou moins prolonge. A l’époque, je me
rappelle, il y avait beaucoupde prematurés, qu’on enveloppait dansdu coton carde
pour lesmaintenir à un certain degréde chaleur.

-Q- Est-ce que toutes les femmes pouvaient solliciter ainsi le concours
d’une sage-femme d domicile ?

- Oh ! je dirai que t’étaient desfemmesd’un certain standingqui demandaient


cela,parœ qu’ellesarrivaient à réunir tout œ qu’il fallait pour accoucherà domicile.Ce
n’était pasn’importe quellefemmequi noussollkitait...

-Q- Est-ce que c’était uniquement -disons- les femmes 4iévolut%w, qui
avaient compris l’importance de l’accouchement. d la nm$ern&?, ou e&ce
que, rapidement, toutes les couches de hz société ont comprk cet intérêt ?

-Je dirai que toutes lesfemmesn’avaient pasencore compris cettenécessid;


lesévolueesvenaient bien plus souvent que les femmesde la campagne.Jedis &VO-
lufZes»et ça merappelle que,à l’epoqueoù lespremièressages-femmesetaient sorties

163
de Dakar, on lesconsidéraitcommel’élite féminine. Ellesétaient lestoutespremièresà
faire de la bicyclette: comme,en ce temps-la,il n’y avait pasdemoyensde transport,ces
sages-femmessortiesde Dakar allaient àbicyclette.Pour le public, c’etait un événe-
ment : on lesapplaudissait,evidemment.Par la suite,partout dans lescampagnes,on a
vu lesgensaller à~210,maisc’étaitbien lestoutes premieressages-femmes qui avaient
donne l’exemple...

-Q- Combien d’accouchements pouviez-vous avoir dans lu semaine ?

-Une trentaine,sanscompter lenombrede faussescouches,qui etaient de 5à


6 par semaine.

.- Q - Qu’en était-il des vaccinations préventives qu’on demande aujour-


d’hui aux jeunes femmes enceintes ?

- On faisaittoujours le BCG auxenfantsn&sala mater&& Pour lesfemmesqui


avaient accouchéà domicile avant devenir cheznous, on leur faisait le sérum anti-
tetanique.La vaccinationami-tétaniquen’etait pasgénéraliséeparcequ’on n’avait pas
la possibilitéd’avoir facilementle produit. Mais on faisaitle serumanti-t&anique, pour
prevenir le tetanos chezla mère et chezl’enfant.

- Q - LA maternité de l’époque, c’était ce qui est aujourd’hui la gendarmerie


territoriale, en face de l’ambassade de France (1). Quelle en était la
capacité d’accueil ? Combien y avait-il de lits ?

-On pouvait compter quand meme503 60lits. On avait unesalle d’isolement


pour lescasvraiment infectés : on devait lesisoler. Jecrois qu’il y avait ainsi au moins
soixante lits. Je voudrais aussi souligner que, à côte de la maternite, il y avait la
polyclinique, où deuxsages-femmesassuraientlesconsultationspre-natales et post-
natales. il y avait toujours deux sages-femmesaffectees là-bas pour la protection
maternelle et infantile. II faut donc compter,en tout, sixsages-femmes à Lame.

- Q - Et à la clinique Bon-Secours, y avait-il aussi une sage-femme ?

-Bon-Secours etait une clinique privée, et elle n’avait pasdesages-femmes.II


n’y avait pas de cliniques privees pour lesaccouchementsà Lame, à I’epoque colo-
niale. Ce n’estqu’aprèsI’Independancequeles gensont comprisqu’il fallait ouvrir soi-
memeune clinique d’accouchement,si bien que,maintenant,ellesse sont multipliees
enville. Avant, ça n’existaitpasdu tout.

-Q- En quelle année cette ancienne maternité a-t-elle été fermée et ses
services transfrt% au CHU actuel ?

- On vous a déja dit que le nouvel hûpital aété ouvert en août 1954.Le sort a
voulu queje soisnomm& à cemoment-làsage-femmerésidante.La nouvelle maternid

(1) Créée en 1923, sous Qide de Mme Bonnecanhz, l’dpuse ah gouverneur.

164
n’étant pas encore construite, mais il y avait aussi beaucoup de femmes blanches qui
venaient accoucher à l’hôpital, et j’etais à leur service. En plus, comme le blocopéra-
toire avait ete transfere à Tokoin, tout ce qu’il y avait comme cas difficiles, césariennes,
interventions chirurgicales à faire..., les collègues d’en bas les évacuaient sur Tokoin,
et je m’en occupais. Je faisais appel aux médecins, si bien que je m’occupais à la fois des
accouchements des épouses des expatriés et des soins des opérées, avec une aînée,
Madame Adjangba. Elle venait assurer le travail du jour, s’occupait des soins des
accouchees et des enfants qu’on hospitalisait au service des petits contagieux, la salle
d’accouchement étant en face du bloc opératoire, avec le service de gynecologie.
Apres, quand la clinique a éte construite, on y a amenagé une salle d’accouchement.
Mais il a fallu attendre deux ans, jusqu’en 1956, pour avoir le batiment de la vraie
maternité, et tout le groupe des sages-femmes a ete alors transfere à Tokoin.

- Q - Cela représentait-il une importante amélioration de vos conditùms de


travail, d’être dans les nouveaux bâtiments ?

- Oh oui, forcement, parce que, quand on etait en bas (jevous ai signale tout à
l’heure le problème des cas d’infection), il n’y avait pas de gants; on travaillait avec les
mains nues, si bien qu’à chaque accouchement, surtout quand il s’agissait des cas
d’infection, nous avions du mal;ce n’etait pas agréable... Mais àTokoin, il y avait des
gants et, jusqu’à maintenant, les jeunes soeurs travaillent dans des conditions que je
dirais faciles, et qui n’existaient pas avant. Il faut dire qu’un grand pas a été fait : elles
sont beaucoup plus à l’aise pour travailler. Maintenant, il y a un autre aspect : il y a plus
de monde, plus d’accouchements ; les salles sont toujours remplies. Aussi le sejour des
accouchees est-il maintenant d’à peine 24 heures : il y en a d’autres qui attendent, et il
faut faire sortir celles qui sont déjà délivrees.

- Q - Actuellement la presque totalité des accouchements de Lomé se fait


en milieu hospitalier, n’est-ce pas ?

- Non, il y a quand même des accouchements à domicile, et aussi certaines


femmes qui attendent trop longtemps avant de se présenter, et qui accouchent en cours
derouteavantd’arriverauCHU..

- Q - C’est parce qu’elles ont mal évalué le temps et le distance, mats elles
auraient voulu accoucher d l’hôpital.

- Voilà ! Et elles accouchent dans le taxi... C’est des cas qui se produisent
regulierement. Ce sont des femmes -je dirais- insouciantes...

-Q- Vous nous avez dit que, jeune sage-femme, vous aviez pris conseil
auprès de vos aînées. Mak quelles étaient vos relations avec les matrones
traditionnelles, qui s’occupaient autrefois des accouchements. Est-ce que
vous en avez connues ? Est-ce que vous avez pu tester leur expérience,
leurs compétences, et éventuellement en tirer profit ?

- Oui,dans le Nord par exemple. Nous avions,à la maternitedePagou-


da, deux matrones qui étaient vraiment vieilles. Il faut reconnaîtreque ces matrones
165
n’etaient pasformeespour faire faceà tous lesproblèmesqui seposaientaux femmes
pendant l’accouchement;elles n’arrivaient pasà repérer les casdifficiles. C’étaient
vraiment de braves femmes.Nous les avions prises en affection, mais,pendant que
nous,nous étions là, nous n’avons pasvoulu les laisserfaire le travail, puisque nous,
nous etions formeespour ce metier. Même si ellesdevaient faire quelque chose,elles
etaient supervisees,parcequ’il fallait quandmêmeleur montrer les bonsprockdks.Et
c’estceque nous avons fait.

AIorne, quandje suisarrivke ici, il n’y avaitpasdematrones,maisplut& desin-


firmières,qui nousont secondees valablement.Et meme,dansle temps,il n’y avait que
desinfirmières qui faisaientlesaccouchements, parcequ’il n’y avait pasassezde sages-
femmes.Mais quandle nombre dessages-femmes agrandi, cesinfumières travaillaient
bien, en collaboration avecnous,et,il y avait une entente parfaite.

- Q - Mal-F dans kè savoir véritablement traditionnel, est-ce qu’il nJ, avait


pas des pratiques qui seraient encore utilisables aujourd’hui ? Je pense
notamment aux pratiques envers le tout nouveau-né pour le masser, le
faire respirer, le faire bouger... Est-ce qu’il a Ià un savoir traditionnel qui
soit encore utilkable ?

- Non ! Jecrois que tous lesproc&l& que nosanciennesmatronespratiquaient


sont desprockdb à proscrire, parceque,souvent, ellescoupaient le cordon ombilical
-qui est d’ailleurs, vous le savez,souvent source d’infection chezl’enfant- avec un
tessonde bouteille, et elles recouvraient le cordon avecdesfeuilles ou de l’huile de
palme. Or,souvent cesfeuilles n’etaient paspropres, et çadonnait plutôt occasionà
l’infection, surtout au tetanos.Je nepensepasqu’il faille lesencourager...

- Q - Est-ce que vous avez une organisation entre vous, les anciennes
sages-femmes, et avec les nouvelles ?

- Oui, nous avons crée notre associationen 1966.Mme Kponton en a été la


Premierepksidente. En 1%7, la présidencem’estrevenue.Jusqu’àmaintenant,je suis
la presidente dessages-femmesdu Togo.

On seréunit de temps en temps,ou on seretrouve pour faire de petites fêtes.


Notre associationasurtout pour but de nousentraider, d’être solidairesentre nous,et
ausside parfaire notre métier : souvent nous demandons qu’on nous organise des
recyclages.Il nous arrive de faire desaidessociales.A l’epoque, on organisait même
pour la fête desmèresun bal, par exemple,et lesproduits de ce bal nous servaient à
faire une action sociale.Sibien qu’une fois,on estmêmeallé àMango : on aachetéle
matériel pour aider la maternite deMango. Il nousestarrive d’aller à l’hôpital psychia-
trique deZébevi,a Aneho, pour aider lesmaladesmentaux.Je nevoudraisvous citer
que cesactions-là,car nous en avonsfait tant d’autres...Regulièrement, à Noël, nous
allons à la pkliatrie ; nous visitons lesenfants malades,qui n’ont pasla chanced’aller
fêter Noël chezeux.Nous leur offrons de petits cadeaux.Nous apportons aussides
cadeauxaux orphelins du village S.O.S.. Nous le faisonsen silence,sanspublicite... Et
quand une colleguepart en retraite, il y a toujours une fête de famille qui nous réunit,

166
et l’on fait un cadeauà la partante. Je crois que c’estun bon prockdé, qui contribue
certainementà consolidernos relations fraternelles.

-Q- Voyez-vous souvent des jeunes -et des moins jeunes- qui vous
tetrouvent et vous disent que c’est vous qui les avez mis au monde ?

- Eh oui, ça m’arrive trèssouvent! Ou alorsœ sont lesmeresqui vous le disent,


Vous savez,dansnosmilieux, on al’habitude d’appeler lessages-femmes«Maman».
Alors, quandvous sortez,voustombezsur desconnaissances,ou desfemmesincon-
nuesqui vous disent :
- AIantan, çava ? C’estvousqui m’avezaccouchéedemon fils. Il estmaintenant
professeur !
- Maman,mon 6ls estmédecin!
- Mon fils estinstituteur !»

Vraiment,moralement,çamefait plaisir.On saitqu’on a fait quelquechosepour


la nation...

-Q- Vous avez efl&tivement exerc4 un très beau métier Merci, Mme
Mikem.

167

c
no 15

L’EGLISE EVANGELIQUE

Pasteur Emmanuel AYIVI


Ancien modérateur de 1’Eglise évangélique du Togo
(né en 1930 à Notsé)

- Q - Aujourd’hui, nous allons parler d’une autre communauté spirituelle


de Lomé : l%glise évangélique. Nous sommes donc avec Monsieur le
Pas&eur Ayivi, ancien modérateur de I’EgLke évangélique du Togo, qui va
nous en parier, dit-il, avec modestie, parce qu’il estime qu’il n’a pas lui-
même une trè% grande connaissance du passe de L’EgCke à Lomé.

Il est vrai que ce n’est pas à Lomé que 1’Eglise évangékque a


fait ses débuts au Togo, alors que L’Eglise catholique y a démarré (1). Il
faudrait donc, tout d’abord, que vous nous retraciez un peu cette longue
hktoire de 1’Eglise évangélique avati son implantalion à Lomé.

-Le travail missionnaire a commenc6 dans l’ancienne Gold Coast, à Peki (2),
puis sur la côte. C’est à partir de là que les missionnaires ont travaillé dans divers
villages, et qu’ils sont arrivés dans ce que nous appelons aujourd’hui notre Togo. Ils se
sont installésainsi en 1893 à Mission-Tove (c’est pour cela d’ailleurs, que levillage
s’appelle Mission-Tove, et non plus simplement Tové).

- Q - Peut-être que vous pouvez nous retracer cette hktoire depuis encore
plus haut, depuis l’installation de la Mission de Brême d Keta, en 1853.

- C’est ce que je vous disais tout à l’heure en vous parlant de Peki. Ça a &é le
début : c’est là, en 1847, que les premiers missionnaires sont venus dans le pays 6~6
annoncerI’évangile (3).
- Q - C’était des misssionnaires de la Miwion de Bûle, je crok ?

- Non, de la Mission de Brême, mais qui ont travaillé, commevous le dites, un


moment en commun avec la Mission de B$le, mais pour un temps seulement. De Peki et
deKeta, ils sont allCs dans desvillagescomme Waya, Anyako, Amedzope, Ho, etc...

(1) En 189X
(2) A l’est de la Volta, non loin de l’actuel barrage d!4kosombo, au Ghana.
(3) Cette premi8re implantation n’a pas dut! à cause du ai%% rapide des premiers mksion-
naires allemands. La Mission ak Br&ne sy réinstallera en 1877.

169
- Q - 03 iLF vont se mettre d transcrire l’éwé ?

- En effet, ils vont transcrire l’ewe, en particulier à Anyako, près de Keta (4).

-Q- Ce qui est toujours la base de l’éwé littéraire que nous uhïsons
actuellement.

- Oui ! Et c’est à partir de Ià qu’ils sont venus ici, au Togo, en 1892-93.

- Q - Qu’est-ce qui les a plus spécialement attirés d Mission-Tové ?

-Oh ! Jenepeuxpas ledire...Maisdelàilsontpoursuivi leur travaild’evange-


lisation de -disons- l’espace ewe, notamment à Agou. C’est comme cela qu’ils sont
arrivés ici, à Lome, en 1895.

- Q - En ce temps-là, ih disposaient déjà d’une liturgie en éwé, des textes


principaux de la Bible transcrits...

- Ils avaient déjà une partie de ces textes 6crits en ewe ; mais c’est seulement en
1913 qu’ils ont fait sortir la toute première Bible traduite dans son ensemble.

-Q - Ainsi donc, il aura falh un demi-siècle,pratiquement, pour venir au


bout de cette traduction.

Mission-Tové, c’est à environ 30 km au nord-est de Lomé, n’est-ce


pas 7

-Oui!

- Q - En quoi consistait cette implantation ? Est-ce que c’était une équipe


de missionnaires importante ?

- Non ! C’était un seul pasteur togolais qui est venu s’installer là-bas. Autrefois ils
plaçaient soit un missionnaire, soit un catechiste ou un pasteur togolais quelque part, qui
travaillait seul dans la région. C’est le catechiste togolais Albert Binder, futur pasteur,
qui a été le premier à y travailler, certainement avec des missionnaires qui l’ont laisse la-
bas.

- Q - Et quel a été le fondateur de la mission de Lomé ?

- Le pasteur Andreas Aku (5), alors catechiste. Les missionnaires allemands s’y
installeront l’ann& suivante, en 18%.

(4) Sur la rive nord de la @me a2 Keta Leptwnie~peti Jyllabave CM et le premier recueil de candques (aik au
mkionnak L. Wolf) remon.!ent d 1848-49. J. B. Schle& n!aI&ra hpmm2nzgrammuire ch2 en 1857, à Anyako.
(5) 1863-1931. LegouvemeurBormecarrère,tVe,sonam~ feradsamonunélogefûn2brevibranr:«hrsquevotre
peuple aum plusieurs hommes d’un tel caractère, M-JUS n’aumm plus le. droit maai de vous gouvemenk Sonj7& le
Dr Martin Aku (1913-1970), zzra lepremier dtpuh!du Togo b lXswnbléenadonalefkan+se (de 1946 d 1951).

170
- Q - Quelles sont alors leurs implantations à Lomé ? Est-ce que c’est déjà
l’endroit 03 se trouve kè bloc synodal ?

- Oui ! C’estlà ou sontaujourd’hui le temple et le bloc synodal.Ils ont travaillé


ensuiteàB&,puis,après,à AvepOzo(6). C’estcommeçaqu’ils ont commencele travail.
C’estbien longtemps apresquevous avezeu lesparoissesdeNyekonakpoC,Tokoin-
centre,Collège protestant,AblogamC,etc..

- Q - Restons sur les débuts de 1’Eglise 4vangSque à Lomé. Que pouvez-


vous nous raconter & ce vieux batiment très délabré qui se trouve en face
du tempk, rue Foch ?

- Cevieuxbâtiment estle restedel’installation desmissionnaires.Il y avait la


deuxb$timentsB&age;l’autreaetCrase,etc’est àsaplacequ’ona elevel’actuel bloc
synodal.

- Q - Est-ce qu’il y avait, comme ailleurs, le @ement à Péta@ et l’école ou


les bureaux au rez-de-chaussée ?

- Effectivement.Ceb$timentqui tombeactuellementen ruinescomprenaitun lo-


gement à l’étage et l’école en dessous.A cemoment là, c’était le jardin d’enfants et
quelques classesdel’écoleewé. Cevieux bâtiment avait aussiabrite le cours comple-
mentaire évangélique (créé en 1947),jusqu’en 1954-S. A cette epoque, le rez-de-
chausséedu b$timent qu’on a raséabritait les bureaux de 1’Eglisede Lomé et de la
Direction des écoles evangeliques du Togo. L’étage était un logement, habité à
l’origine par lesmissionnairesallemands.

- Q - L%glise t%w@i.que, à Npoque la Mission de Brême, avait tout de


suite enseignk à la fois le catéchisme et l’alphubétisatkm en éwé ?

- Oui ! Et elle tient beaucoup à ce que lesgens Ccoutentla Parole dans leur
propre langue, et puissent aussila lire et l’écrire. C’està causede ce grand souci de
pouvoir faire lire l’Evangile et lesEcrituresaux gensqu’on a vite travaillé l’&ve, qu’on
a tout fait pour le repandre...

- Q - Ce qui fait que, à l’époque allemande, ça a posé quelques problèmes


avec I’Adminktration, qui ne comprenait pas que les missionnaires a&%
mamis ne mènent pas le jeu d’une politique coloniale alkèmande, rwtam-
ment par l’enseignement de sa langue.

- Peut-êtrequeçaavait posedesproblèmes,maispastellement,parceque nous


savonsce qu’a eté M. Westermann(7), un desgrandstraducteursen ewé,l’homme qui
a tellement travaille sur cettelangueet qui, avecd’autresmissionnaires,a fait naître la

(6) Aujourd’hui banlieue de Lom4 sur la C&e, au-deld de Ba&h


(7) Au Togo de 1900 b 1907. Il publie dictionnaires et grammaire en 1905-07.

171
littérature ewé : nous n’avons jamais appris que le gouvernement allemand l’ait haï ou
poursuivi...

- Q - Quand, en 1906, le gouvernemeti allemand a exigé que l’on enseigne


l’allemand dans toutes les écoles, sous peine de couper les subventions,
comment avait réagi I’Eglise évangélique 7

- Vous le savez, de tous temps, l’Eglise n’accepte pas des choses comme ça aussi
facilement, surtout lorsqu’elle travaille dans le sens de l’evangelisation. Pour nous, ce
qui compte, c’est l’Evangile d’abord, et c’est ça qui fait que nous acceptons facilement
les persecutions. Les Eglises protestantes, d& le debut, ont ete pers&ut&s à cause de
l’expansion de la parole de Dieu. Donc, si les Allemands ont demande qu’on enseigne
l’allemand dans les écoles primaires, ce qu’a fait I’Eglise, c’est qu’elle avait à enseigner
à la fois et l’allemand et l’ewe. Par exemple, de mon temps (je ne suis pas né pendant la
colonisation allemande), j’ai du faire quatre ann&s à l’école primaire pour étudier rien
que l’éwe, et après entrer à l’ecole primaire française, où l’on m’enseignait le
français ; on continuait à m’apprendre les deux langues parallèlement. Donc on
apprenait et l’allemand et Wwe, comme de notre temps nous apprenions et le français et
l’kW6.

- Q - Pour revenir à Lomé, le monument de votre Eglise le plus impression-


nant, c’est évidemment le temple. Qu’avez-vous en mémoire sur sa
construction ?

- Eh bien, on nous a dit -et vous lirez œla sur une plaque qui est poske sur le mur
de la façade- : Le temple a été construit grâce aux dons des enfants aIlema&&, donc
des enfants des écoles du dimanche. Il a eu’5construit de f&rier 1906 à août 1907. On l’a
inaugure le Ier septembre 1907.

- Q - Il n’avail pas alors exactement la silhouette qu’il a aujourd’hui : kè


clocher étaif plus haut, et l’on a ajouté des bas-côtés il y a quelques années ~
(S), n’est-ce pas ?

--C’est bien vrai que le clocher était plus haut. Mais malheureusement, il
a eu.2coupe à cause des cloches, qui pesaient beaucoup sur lui et provoquaient des
fissures. Alors on a été obliged’enleverles cloches et de casser une partie du clocher,
ce qui a diminué sensiblement sa hauteur. Le seecond malheur, après, est que la
communauté d’Apégamé (9) a envisage d’elargir la maison, parce qu’il y avait beau-
coup de fidèles qui ne trouvaient plus de places dans le temple. C’est vrai qu’on avait
besoin de places pour les fidèles, mais, à vrai dire, les travaux d’élargissement ont
quand même faussé quelque chose de l’image première du temple. Ce n’est plus beau
comme avant

(8) En 1977-78.
(9) NLa Grande maisort» (de Dieu).

172
- Q - Ah non ! Je trouve, moi, que cela a été une adjonction remarquabh+
ment discrète, qui se fond très bien dans l’architecture ancienne. Evidem-
ment, je n’ai pas les souvenirs personnels que vous pouvez avoir de ce
temple...

Un autre bâtiment important dans hz vi& c’est L’école de Kokétimé.


A quand remonte-t-elle, cette vieille ecole aux piliers particulièrement
élevés ?

- Je nepeuxpasvous dire exactementà quand remonte la constructiondecette


école (10). C’était déjà une Écoleàl’arrivée du pasteur Maître (1l), un Français qui a
continuéà travailler là-bas.Apres le pasteurMaître, lesautresdirecteursde l’enseigne-
ment protestant,qui étaientdesmissionnairesfrançais,ont habite cetétage; et il y avait
en dessousdesecoles,commevous le trouvez aujourd’hui encore. Ils y sont restés
jusqu’en 1958,Cette maison a éte habitee par le pasteur Eilfried Kpotsra, qui Ctait
secretairesynodalde I’Egliseevangeliqueà cemoment. Après lui, lespasteursNome-
nyoet Awoumé,secretairessynodaux,l’onthabitéeeuxaussi.C’estdepuis lepasteur
Awoumé, que lessecrétairessynodauxnelogent plus là-bas.

- Q - Revenons, si vous Ie voulez bien, aux débuts de I’Eghke à Lomk.

- Je peuxvous dire que la toute première communautede 1’Egliseévangélique


de Lame, dpégumé», a et6 creée,sousla supervision desmissionnairesallemands,en
1895par le pasteurAku, qui etaitalors cat&histe.Le templedont nousavonsparlé a et6
inaugureen 1907,et la dépensefaite avait ettépay6een grandepartie par lescotisations
desenfants des écolesdu dimanche d’Allemagne. Il faut dire que la majorité de la
communauted’Apegamé,ce sontlesAnlo, venusde l’autre côté de la frontière. Mais ils
n’etaientpasseuls.Ils ont eu à accueillirnosfreres d’Aneho,de 1’Eglisemethodiste,qui,
à causede leur travail, devaientvivre à Lame. Ils ont travaille vraiment ensemble,avec
beaucoup d’ardeur. Ce n’est qu’après -il n’y a pas longtemps- qu’ils se sont separes
pour former aujourd’hui la paroisseméthodistequevous connaissez à Hanoukopé. En
dehors de nos frères d’Aného, il y avait aussidesNigerians de 1’Eglisebaptiste, qui
faisaient partie de cette mêmeparoisseApegamé de Lame. Donc, vous levoyez un
peu,cetteparoissen’&ait pascompos&uniquementdesEween tant quetel, maisaussi
degensd’autres ethnies,qui vivaient en fréres, et qui separtageaient les responsabi-
lités sansfaire casdesprovenancesethniques ou desdénominations religieuses.

- Q - Ainsi, tés méthodistes et les baptistes étaient tous à Apégamé, avant


de se séparer ensuite pour créer leurs paroisses. Est-ce que la collabora-
tion de base est toujours restée aussi solidaire ?

- Oui, c’etaitbien ça.Les baptistessontpartis,puis lesmethodistesaussi,et il ne


resteque 1’Egliseévangeliquedu Togo. Mais on s’estrapprochébeaucouplesuns des
autres.Je peux mêmedire qu’il y aun lien de fraternite tresprofond, parce que ça ne

(10) ConsbuiIe en 1914 rasde en 1990.


(11) En 1929,

173
fait pas longtemps -disons trois ou quatre ans- toutes les Eglises de dénomination
protestante au Togo se sont &Unies dans ce que nous appelons le «Conseil chrétien»,
donc nos relations sont très bonnes, très fraternelles.

*
* *

- Q - Qu’est-ce qui s’est passé pendant la guerre de 1914 ? Fin 1917 et début
1918, les Franco-Anglais décident l’expulsion complète du Togo de tous
les missionnaires allemands. Pour les catholiques, le père Gbikpi nmts a
raconté qu’on a fuir venir d toute vitesse de Gohi Coast un petit nombre dè
religieuses et de prêtres qui parlaient quehue peu l’allemand, mais en fait
surtout des gens formés en milieu anglais. Qu’est-ce qui s’est passé pour
lit7glise évangélique 7

- Pour l’Egliseévangélique, le travail a été confie à Monsieur Bürgi (12), qui


&ait Suisse, d’un pays neutre. C’est lui qui a dirige tout le travail au Togo. A ce moment,
vous savez, 1’Eglise n’&ait pas allée loin : c’était seulement Lom6, le Kloto, l’Akposso et
Atakpamé, c’est tout, et aussi ce que nous appelons aujourd’hui la Volta Region du
Ghana actuel. Nous etions donc de là jusqu’ici la même Eglise de Christ 6~6, qui
deviendra 1’Eglise évang6lique que vous connaissez aujourd’hui. M. Bürgi a travaille
jusqu’en 1921,avantdepasserl’administrationdel’EgliseaupasteurAku,quienest
devenu le premier pr&ident. Des ouvriers de 1’Eglise nous venaient toujours, comme
avant, de Keta et de l’actuelle Voltu Region du Ghana, la region parlant l’éwt5.

- Q - Où le pasteur Aku avaif-il été formé ?

- Chezlui, à Waya, dans l’ancienne Gold Coast, puis au seminairedeKeta, et


après il a reçu lerestedesa formation en Allemagne, à Westheim (13),où il avait été
envoy6, avecdeux autres, en 1890. Il a et6 consacre pasteur en 1910.

- Q - Il était donc à hz fois germanophone et anglophone ?

-Oui!

- Q - Et ensuite il a fallu qu’il se mette au français comme tout le monde...

-Ehoui!

- Q - C’est donc l’originalité majeure de cette Eghse : eUe avait déjd formé
suffiamment de cadres, en un demi-siècle, pour pouvoir affronter l’indé-
pendance pratiquement dès lu première guerre mondiale.

(12) (1859-1925). Au Togo de 1880 d 1921.


(13) Centre de formation for& en 1890 par la Midon de Brtme Une vingtah? de Togolais
y passeront de 1890 d 1914.

174
- Oui, c’estceque nousadmironsbeaucoup.Vous demandiezcequi s’estpas&
apr&sla guerre, et jevous parlais du pasteur Bürgi et du pasteur Aku : c’estvrai qu’en
1922, Aku a pris la direction de YEglise,mais, un peu plus tard, le gouvernement
français ademandéaussiqu’il y ait desmissionnairesfrançais,pour que lesrelations
puissentsefaire comme il faut. Et nous-memesaussi,on avait desdifficultés ici,dans
1’Eglise.Aussi s’est-on adresséà la Mission de Paris, qui a envoy6 son premier
missionnaireen 1929.C’estle pasteurCharlesMaître,dont j’ai par16tout à l’heure (14).

- Q - Est-ce que dans ces années 1920, l%glise évangélique du Togo


arrivait à s’auto-sufft jkaucièrement, ou est-ce qu’elle avait besoin du
soutien des Eglises d%urope ? Est-ce que L’Allemagne continuait à
envoyer son aide, ou est-ce que 1’Eglke évangélique de France a pris le
relais sufiiamment vite ?

- Je peux dire que, pendant les toutes premières annees de l’absence des
Allemands, l’Eglisea fait beaucoupd’efforts : elle sesoutenait elle-même financière-
ment,maispassuffimment. Jecroisaussiquec’estl’une desraisonsqui ont pou& nos
préd&esseurs de s’adresserà la Mission de Paris,mais la Mission de Paris n’a pas
toujours tout payé à elle seule : ]*Eglisea fait un effort, et elle continue à faire des
efforts.

-Q- Mais est-ce que L’Eglise d’Ah!emagne a continué à aider I’Eghe


évangélique du Togo ?

- Oui ! Dès que le brouillard de la deuxièmeguerre mondiale adisparu et que


nous pouvions avoir ànouveau descontactsaveclesEglisesen Allemagne, elles ont
repris les relations, et elles ont continue à nousaider. Jepeux dire que leuraidea été
toujours fort apprkiable, et toujours appr&i&

- Q - Pour la formation des pasteurs de [a nouvelle ghhztion, ceux des


années après 1925, est-ce que vous pouviez ‘bs envoyer en France ?

- Disonsque,entre 1929et 1948,la formation despasteursn’a plus&.Tcequ’elle


devait réellementetre. II y avait un s&ninaire (1’Ecolebiblique, crééeà Amedzope(15),
puis transférée à Agou-Nyogbo, puis à Gobe et enfin à Atakpame), avec un niveau
assezélevépar rapport au primaire, qui formait lesmaîtresd’école,&ang&stes et pr&
dicateurs responsablesde paroisse,qui, aprèsplusieurs annéesdeservice, passaient
un examenqui leur conférait le titre decatkhiste. Parmi cescatkhistes,on choisissait
un à un, après des anndes, et selon certains critères, ceux que I’Eglise pouvait
consacrerau minist&repastoral.
Il faut reconnaîtrequ’il y aeut un tempsoù le niveaude la formation biblique au
sdminaire avait baissé,alors qu’il aurait dû &oluer avec le temps. Cesétudes-là ne

(14) II seru secondé par le pasteur Jean Faure cf partir de 1933 (auteur d’une petite histoire de
IlEglise &ar@lique au Togo).
(15) Aujourd’hui en Volta Region, prt?s de Ho.

175
suffisaient plus pour l’exerciceefficace du ministere pastoral. En 1946-47,et pour la
première fois depuis nos relations effectives avecla Mission de Paris,depuis 1929(et
maigre la reticencede certains responsablesde I’Eglise, et de certains missionnaires
français),l’instituteur Eilfried Kpotsraa éte envoyeen Francepour son baccalauréatet
sa formation en theologie. A partir de 1948,il y a eu formation dans les ecoles de
thkologie de Ndoungué(au Cameroun)et de Porto-Novo (au Dahomey),et à la faculte
de theologie deYaounde. Cesétudespouvaient être poursuivies en France.

- Q - Et comment étaient formés fès instituteurs des écoles primaires ?

- Les instituteursCtaientform& aussiau seminaire,àAtakpame.En œ temps-là,


lorsquevous entriezau seminaire,vous étiezappelésadevenir instituteur dans une
école en français ou dansune écoleéwé,jouant le roledecatéchiste. C’est dire qu’au
moment où l’on vous donnait une formation biblique, on vous donnait aussi une
formation pédagogique.

- Q - Ceci pour le Togo sous mandat frayais ?

-Oui!

-Q- Mais f’autre partie, f’angfophone ? A-t-elle dû s’organiser de jàçon


autonome ?

-Ah, la partie anglophonea continuetrks rapidementavecla Missionkcossaise.


Ainsi, ils n’ont paseu longtempsà souffrir denosproblèmesdeformation despasteurs,
commeje vous l’ai raconté.Ils n’ont pasconnu œ trou là : tout desuite, lesAnglais les
ont aidesàaller tout seulsdel’avant,sans beaucoupdesouffrances.

-Q- Mais au début fe pasteur Aku était responsable de l’ensemble des


Eglises évangéliques, pour fes deux parties du Togo ?

- Oui ! II semble.

- Q - Quand y a-t-if eu une séparation institutionneffe ?

-Je ne peuxvous le dire precisement.Çadevrait être dans lesannees1930-34.


Le pasteurAku estmort lui-mêmeen 1931.Je croisquec’està partir de œ momentqu’il
y aeu la separation.

- Q - Qui a succédé au pasteur Aku ?

- Le pasteurQuist (16).

- Q - Lui-même était de quelle r&ion ?

(16) OrabnnC pasteur en 191.X Il a pas.~? l’essentiel de sa cardre duns la paroisse de


Kpalimd.

176
- Il était du Ghana, de l’ancienne Gold Coast, mais il avait de la famille dans
1’Agou.

- Q - Dans iès temps allemand& &ait toujours le Togo, mais on voit que
le gros e$ort de l’t5wn&isation avait eu lieu dans L+u%&?e Gohi Coast.

- Oui, mais il ne faut pas parler de Gold Coast, mais de l’autre cote du Togo
allemand. Effectivement l’autre côté, l’ancien Togo Britannique, fait partie aujourd’hui
du Ghana (c’est la Volta Region). Mais spirituellement nous sommes restr3 fortement
attachés les uns aux autres.

- Q - Aujourd’hui, quels sont les liens qui rattachent l’Eg&e évangélique


du Togo d L’Eglise resttfe de l’autre côté de la frontière ?

- Vous savez, nous continuons à avoir chaque trois ans un synode, que nous
appelons le «Grand synode», et là nous d6cidons de l’avancement de 1’Eglise dans son
ensemble ; nous refléchissons théologiquement à ce que 1’Eglise doit faire en ce
moment, comme temoin à notre Cpoque. Donc, dans ce synode, nous donnons un
rapport genéral, mais surtout nous prenons des d&isions th6ologiques concernant la
vie et le temoignage de 1’Eglise.

-Q- En fait, la base principale de cette Eglise, ce n’était pas tellement


Lomé ; c’était plut& le Kloto actuel ?

- Oui, c’etait le Kloto actuel, et principalement Agou-Nyogbo.

- Q - Aussi bien pour le nombre des écoles que pour le recrutement des
pasteurs, Lomé était un peu wginale...

- En effet !

- Q - Mais c’est quand même Id que résidait le pasteur Aku d’ubord, et


ensuite le pasteur Quist ?

- Oui, c’est ici qu’ils ont r6sidé.

- Q - Où vivaient-ils ? Dans ce qui est aujourd’hui le bloc synodal ?

- Non, dans le bâtiment à etage à oSte, dont on a parlé tout à l’heure Ils logeaient
la-bas. Mais il paraît que Quist est reste à Kpalimé, et je peux dire qu’à leur époque, le
modérateur n’etait pas obligé d’etre à Lomé. Par exemple, le pasteur Godlieb Kpotsra
(17) Ctait à Atakpame quand il a et6 nommé moderateur. II n’a pas quitte tout de suite
Atakpamé. C’est plus tard qu’il est venu ici. Ça a ete un peu la même chose avec le
pasteur Ataklo. C’est pour vous dire que, auparavant, le modérateur n’était pas neces-
sairement à Iome.

(17) P2re du futur pasteur Eilfied Kpotsm

177
- Q - A quel momerrt va se développer 1’EglLFe à Lomé, notamment par la
création de nouvelles paroisses ?

- Mais elle s’estdeveloppée desle début ! Je peux dire que le developpement


de 1’Egliseà LomC a correspondu au developpement social de la ville. Au fur et à
mesureque Lame évolue,s’agrandit,l’Egliseaussis’agranditet évolue, et de nouvelles
paroissessecréent dansles nouveaux quartiers.

- Q - Quand a été cr&?e la deuxième paroisse ?

- La deuxième paroissedevait être la paroissede Bè. Il y avait depuis


longtempslà-bas(depuis1901,je crois),unecommunautéqui n’etait pasencoreorgani-
séeen paroisse.Elle est devenue une paroissevraiment organisee en 1952,sous le
nom d’Amoutiv&Lom Nava.

- Q - Et la troisihne ?

- C’est la paroissede Nyekonakpoè, qui est maintenant aussi une grande pa-
roisse.Elle estcréeeen 1954.

-Q- Est-ce que cette Eglise de Lomé progresse surtout pur des conver-
sions ou surtout par des immigrations de protestants de l’itiérieur.

- Surtout par desprotestantsimmigrant de l’interieur.

- Q - Et l’amalgame se fait bien entre ceux qui arrivent et ceux qui étaient
déjd Id ?

- Oui ! Il n’y apasde problème.


*
* *

- Q - A quand remonle la fondation du collège protestant ?

- Le collège protestant a été créeen 1947.

- Q - A quelle volonté cela a-t-il correspondu ?

-Parce qued’abord 1’Eglisedoit etveut evolueravecle temps.Commevous le


savez,lesEglisessont soucieusesde la formation de ceuxqui devraient etre responsa-
bles plus tard. C’estçaqui a pousse1’Eglisecatholiquecomme 1’Egliseprotestante à
cr6er d’abord des ecoles,et ensuite des collbges. C’est leur souci de former une
generation qui pourrait prendre la relève. Mais aussi-et avant tout- les ecoleset les
collègessont le lieu et le moyende l’evangelisation de la jeunesse.

178
- Q - Atakpamé, cVtait essentiellement une École de catr?chistes et une
éwk? normukè des instituteurs. ce n’était pas un wll&e A8Twdah ?

- Non, ce n’était pas encore un college secondaire, mais dejja ce que nous
apprenions la-basallait un peu dansle sensdu secondaire,sansqu’on lui en donne le
nom.

-Q- Le collège protestant de Lomé est donc la première institution


secondaire de PEglise évangelique au Togo ?

- oui.
- Q - Ou était-il instalh! d l?w&itze ?

- Jevous l’ai dit, au rez-de-chausdede cevieux bâtiment àétagequi s’écroule


ence moment.

- Q - Et quand s’est-il déplacé d son emplacement actuel ?

- En octobre 1955.

-Q- Donc au moment 03 1’Eglise se met à multiplier Ies nouvelles


impbantations ?

-Oui!

- Q - Actuellement, la communauté de Lomé représente, par rapport à


l’ensemble de l%glise évangélique (d’après le recensement de 1981), d
peu près 22 90 de tous les protestants du Togo. Est-ce qu’elle n’est pas plus
cohérente que celles de l’intérieur, qui sont nécessairement dispersées
dans l’espace ?

- Elle estplus cohérentequecellesqui sontdispersées, et aussielle a maintenant


le courage et le désir de s’etendre, et elle y a travaille. C’est ainsi que vous avez
actuellement de petites paroissesdans la péripherie, dans les villages proches de
Lomé. Donc, il y aune cohérence,un nouveau désir d’évangelisation qui esten train
devoir le jour.

-Q- Aussi bien pour la population urbaine elle-même que pour ses
environs ?

-Oui!

- Q - Est-ce que ta jeunesse en milieu urbain ne vous pose quand même pas
de trt?s gros problèmes ?

179
- Mais bien sur ! Et c’est là aussi que nous pouvons penser à vous parler du r6le
que joue le college protestant. Je crois qu’il a Cte longtemps, meme jusqu’à maintenant,
un endroit sur lequel nous pouvons compter pour la formation des jeunes de la ville.
Mais je ne voudrais pas dire qu’avec le college, tous les problemes des enfanta ou de la
jeunesse soient rksolus, pas du tout ! Lecollege protestant nous aidedans cesens. En
dehors de cette Ccole, je peuxvous dire qu’il y a un fort mouvement de jeunesse, qui
a beaucoup travaille, et qui travaille encore. Il avait été cree en 1903 par le pasteur
allemand Emil Funke (18). Apres lui, je ne sais pas qui a pris la relève, mais à partir de
1929, c’est le pasteur Maître, de la Mission de Paris, qui a continué le travail.

- Q - Le pasteur Maître a donc été l%omme& de L’Eglise évan@i.que dans


les années 1930 ?

- Oui ! Disons qu’à partir du moment où nous sommes entrés en relations avec la
Mission de Paris, il etait cet homme-ch& celui dont nous avons garde beaucoup de
souvenirs... A un moment donne, vu la position du gouvernement togolais, on ne parlait
plus de ces mouvements de jeunesse. Maintenant ils ont repris le travail dans le
domaine qui leur est permis. Ils travaillent beaucoup, et puis je peux dire aussi qu’à
cause de ces mouvements de jeunesse, plusieurs paroisses ont tenu, et tiennent bon
jusqu’à maintenant

- Q - Si l’on parle des paroisses, il faut aussi parler de ce qui en fait


l’animation la plus remarquable : les chorals. Je crois que, dans ce
domaine, ce sont en fait les églises évangéliques qui ont commencé, qui ont
donné l’exemple aux autres ?

- Oui ! Je peux dire qu’en rbalite la colonne vivifiante de nos paroisses, ce sont
les chorales, et ceci est bien vrai. 11fut un temps où les vieux pasteurs pensaient qu’il
fallait chanter seulement les airs européens. Mais il y a eu une personne, M. Amou, du
Ghana (de l’ancien Togo britannique), qui a et6 le premier à composer des chants dans
unrythmeéwé,avectoutcequecelacomporteenmusique...

- Q - A quelle époque ?

- Dans les ann6c.s 19-30,ou même un peu plus Ut. Au début, on ne l’a par accepte
facilement ; c’est-à-dire que les dirigeants de 1’Eglise n’ont pas accepte facilement. Mais
après, eh bien, ils ont compris que ce n’etait pas un reniement de I’Evangile qui nous est
apporte, mais que c’etait plutôt l’expression de sa foi en Atikain. Ccst ainsi qu’aujour-
d’hui, vous avez partout des paroisses avec leurs chants sur des rythmes africains et
même,denosjours,vouspouvezentendredes tam-tamsaucultedansletemple...Ce
qui ne pouvait pas se passer avant, et maintenant cela se fait ! Et c’est la vie même de
1’Eglise. C’est en cela que le Togolais africain exprime sa foi en Africain, réellement.

(18) Au Togo de 1902 à 1918. L%ce%! en 1923.

180
-Q- Est-ce que ça se pratique aussi chez vos frères du Bénin, par
exemple ?

- Je ne saispas ! Je ne peux pasvous le dire...

- Q - Par contre, avec lè Ghana, vous avez toute une tradition commune.
Avez-vous aussi des échanges de musiques ?

- Oui ! Nous avons presque la mêmemusique, et beaucoup de chants qui se


chantent ici, dansnos chorales,sont venusdu Ghana. Il y abien cet echange-là.

- Q - Je crois que cette animation musicale des paroisses est quelque chose
de tout d fait remarquable, et de très particulier en Afrique de L’Ouest. A
ma connaissance, il n) a guère qu’au Togo et au Ghana qu’on trouve cette
intense vie musicale, cette créativité dans les Eglises. Est-ce que vous
pouvez nous parler des premiers animateurs des chorales à Lomé ?

- Je nepeuxpasparler despremiers,maisquandje suisvenu ici à Lomé, en 1947


(comme instituteur), c’estM. Moorhouse Apedo-Amah qui s’occupaitde la chorale
d’Apégamé ; après lui, il y a eu le catcchisteE. Agbenou, et M. Gilbert Fiawoo.
Maintenant, c’estle jeune Gerson Agbenou qui anime la grande chorale d’Apkgamé.
En dehors de cette grande chorale, vous avez d’autres groupes fameux comme
Christian choir,qui a fête dernièrementses80ans...C’estun Cameroucaisqui l’a animé
longtemps; aprèslui, c’estM. Essienqui a pris en main la chorale,jusqu’à nosjours.

-Q- Vous nous avez beaucoup parlé du pasteur Aku, alors que, dans
l’hktoire du Togo, on par& plus souvent du pasteur Baeta. Quel était son
r&è dans L’Eglhe ?

-Le pasteurBaeta (19) aétCle premier secretairesynodalde notre Eglise; il a


travaillé avec le pasteurAku.

- Q - Les deux &aien$ par ailleurs membres du conseil des notables de


Lomé, n’est-ce pas ?

-Eh,oui!

- Q - Elus par la population de LA~&...

- Eluspar la population ! Le pasteurBacta,commevous le ditesvous-memes,a


aussiéte une figure de proue de 1’Egliseévangelique du Togo, de cesgens qui ont
consacretout cequ’ils pouvaient consacrerpour quevive notre Eglise.Si je parle de
lui, je penseen m@metempsaussiau pasteurA~U,qui s’esttant donné lui aussi.

(19) 1883.1944, pasteur en 1917.

181
- Q - L&UIS les wmptes rendus de ces wnseih, on voit que, jusqu’d Ia fur,
eelùi qui &fend le plus lès in&& & la popuhtion, des petites gens, ckst
toujours le pasteur Baeta.

- Il faisait son devoir.

- Q - En feuilletant kès nweih & cantiques, on retrouve le nom de Bueta


au bas dè certah d’entre euz..

- Oh, il n’etait pas le seul à traduire ou à composer des cantiques.Plusieurs


autres de nospremiers catéchisteset pasteurs,et aussideslaïcs,sesont consacresà la
tâchedetraduire lescantiquesqui leurs avaient etedonnt%par la Mission de Breme,
ou des cantiques qu’ils ont trouves ailleurs, des cantiques desEglises protestantes
commela leur. Là aussi,çaa et6 un travail qui a maintenuenvie notre Eglise,parcequ’il
y aeu desmoments difficiles où nousdevions tout perdre, tout oublier, mais,àcause
m&medecescantiquestraduitset memecomposespar cesanciens,1’Eglisea tenu bon,
et elle estrestéeEglisejusqu’à nosjours, parœ que, effectivement,s’iEn’y avait pas eu
cescantiques...Tout le monde ne savait pas lire, mais,lorsque vous savezau moins
chanter, cela fortifievotre foi. Ainsi œla faisait-il partie desprières : œ n’était pasla
moindre deschosesdansla vie spirituelle.

182
no 16

DU “PETIT-DAKAR” A LA
MAIRIE DE LOME

Mme Marie Madoe SNOMECY


(née GBIKPI-BENISSAN, en 1922 à Aného)
ancien maire de Lomé

-Q- Ce soir, nous sommes avec madame Sivomey. Nous avons encore
rencontrk peu de femmes dans cette émission, et pourtant Dieu sait si les
femmes sont importantes dans la vie de Lomé! dans sa vie économique,
sociale, spirituelle... L.a plupart des femmes sont commerçantes, mais Mme
Sivomey a eu une carriére tout d fait différente, puisqu’elle a été haut
fonctionnaire -l’une des premières femmes à accéder à ces responsabili-
tés- et qu’elle a été maire de la ville de Lomé; donc un itinéraire assez
exceptionnel...

Pourriez-vous, Madame, nous raconter quelle a été votre vie ?

- C’est à partir de 1938 quej’ai commenceà resider à Lome. J’avais fait mes
etudes primaires à Anèho et commencemes etudes secondaires,celles que nous
appelions E.P.S.(«étudesprimaires supérieures») àl’ecole Victor-Ballot de Porto-
NOV~,au Dahomey.A la reouverture du cours complementaire de Lame (qui était
restéfermdpendantquelquesannees),lesélèves togolaissont revenusauTogopour
y continuer leurs études. Si, en deuxième annee, je me suis retrouvee toute seule
parmi les garçons,c’estque mescompagnes,quelquessemainesauparavant,S’&aient
embarquéespour constituerla première promotion de l’école normale dejeunesfilles
de Ruhsque,au Sénegal.J’ai eu quandmêmela joie de trouver deux nouvellescompa-
gnes,qui entraient en Premiereannke,et, I’annkesuivante,encore une autre, qui etait
elle aussila seule de sapromotion : ainsi nous nous sommesretrouvees, à I’E.P.S.,
quatre filles parmi une trentaine de garçons.

- Q - Comment se faisait le recrutement ?

- Sur concours.

- Q - Quelle était votre place, à vous, les quatre jX!es, et d vous-même


particulièrement ?

- Ah ! Celanousfaisaitbeaucoupdeplaisir de rivaliser aveclesgarçons.Comme


vous posezla question,je vous répondrai en toute modestiequ’à l’examende sortie du

183
coumcomplémentaire,j’étaisplat& major dema promotion. Celam’a stimul& : ainsi,
au lieu de rejoindre mescompagnesà Rufisque,je suisrestéesur place pour travailler
dans l’administration g&tSrale. C’etait un casassezrare, parce que, dans le temps,
apr4s lesetudesprimaires,soit lesjeunesfilles etaient monitricesou institutrices,soit
ellesallaient à l’6oAedessages-lkmmes, à Dakar. Le fait time quedesfilles restentsur
place, dans la plus grande école du Togo, a fait beaucoup de bien, et ça a un peu
influence la scolarisation des jeunes filles : de mevoir seule dans l’administration
generale, c’était un stimulant pour lesautres, et mêmepour les parents quivoyaient
qu’on pouvait quandmêmeorienter lesfilles vers l’administrationsanspour autant être
obligé deles envoyer àI’exterieur. Car lesparents auraient aimé avoir leurs filles sur
placepour continuer desétudessupérieures,maisce n’était pasle cas.Maintenant,j’en
etaisle premier exemple.Entrer dansl’administration génCrale,ce n’était passi facile.
Il fallait passerun concours,et il y aeu uneforte oppositionde la part de la Direction du
personnel : on n’avait jamaisprévu qu’une femmesoit fonctionnaire dansl’administra-
tion genérale. On a donc rejet6 mademandede candidature ! Vousvoulez peut-être
me demanderpourquoi ?

- Q - Exactement !

- On a trouve qu’êtreoom.misd’administration,ce n’etait pasune carriere acces-


sibleà unefemme.Lescommisd”administmtionétaient lesauxiliairesdescommandants
decercles; la tacheétait rude : il fallait aller en tournée, procéder aux recensements...
Ils étaient vraiment polyvalents, et on trouvait que cemetier neconvenait pas à une
femme.Mais, finalement,on m’a quandmêmelais& meprésenteràcetexamen,et j’ai
6% admise.

- Q - D’or) sont venues les intervenfions qui ont débloqu4 ces oppositions?

- C’etait au niveau du gouvernement: le chef du personnela defendu ma cause.


J’ai eu de la chance,à ce moment-la, parce que le chef du Servicedu personnel avait
et6 précisémentmembredujury de l’examende sortie du courscomplémentaire,et il
sesouvenait du travail quej’avais fait.

- Q - Quand VOI(S &iez au cours complhnentaire, est-ce que ça n’avait pas


déjd susci.&+ des tvktbns, des jalousies ?

- Non C&ait plut& une sorted’admiration.L’une despremièresbachelieresdu


Togo m’a confie ceci :
«VOUSavezet6 pour quelque chosedans mavie : quand je vous voyais passer
en uniforme, avecle casque,je medisais:je dois moi aussientrer danscette &ole».
ParceWqnous étionsen uniforme kaki,avecfermeture bleue et chaussuresen
toile (les filles qui allaient Al’&ole primaire nesechaussaientpas).Alors dejà nous
etions chauss&s,avecle casquecolonial, et quand on nous voyait penetrer dans la
concession,gravir les marchesde cetteimposantebatlsse,ehbien, p impressionnait 1
Les gensrestaient longtempsBnous regarder monter lesescaliers,tout surpris :
C<A~! Vousvoyez,cesfillessont auPetit-Dakar» !
(On appelait le cours complementaire le Petit-Dakar parce que Dakar etait le

184
siegedesgrandesécolesde l’AOF), Donc ce n’etait pasdela jalousie ; c’était plutôt un
stimulant pour lesautresjeunesfilles.

- Q - Et de la part des garçons ?

- Les garçonsn’etaientpastendrespour nous,à l’école ! Mais celanousa tait du


bien. Jen’aimaispasbeaucouple dessin,et j’avais un camaradeparticulièrementgentil
qui acceptait de me faire les croquis desleçons de chimie ou de physique, mais les
autres n’étaient pasdu tout contents : ils protestaient et menaçaient d’en parler au
directeur. Ça veut dire qu’ils voulaient que nous combattionsà armes Cgales:
«VOUSêtes desfilles, vous voulez rivaliser avec desgarçons, donc on ne fait
pasde pitié, vous allezvous soumettreà la discipline commenous»...

- Q - Quelle était la réaction du corps enseignant ? Etaient-ils plutôt fiirs


d’avoir des jZ&~s, ou au contraire considéraient-ils que ça ne servait à rien?

Le corpsenseignantetait particulièrement severepour les filles. Je ne saispas


pourquoi. Je me rappelle Monsieur Better,il etait tr& sévere,de mêmeque Monsieur
Ay-ih,et puis le surveillant...Avez-vousdejà entendu parler decelui qu’on surnommait
Monsieur-à-boucles ?

- Q - Pourquoi ?

- Il Ctait un excellentprofesseurd’kctiture ; alors,il reprenait souventles lettres


àboucleset plusieursgenérationsd’etudiantslui ont gardecenom : «à-boucles». Il etait
tr&sestimé,bien que très sevère ! Il y avait une discipline de fer, et notre école avait
bonne réputation.

Nous n’étionsque quatre filles,je vous l’ai dit, et nous avions toutesune bonne
conduite. J’Ctaisla seule fille dans mapromotion, en deuxième année.En première
annee,il yavait MadameLawson, néeBerthe Mensah, et Louise deMedeiros, future
épouseVanlare, et puis Mme Behanzin,alors Lkontine Pietri...

-Q- Est-ce que vous vous retrouviez entre vous les week-ends, ou
pendant les vacances ?

- Oh, on seretrouvait plut& dansnos activitésconfessionnelles.Nous faisions


partie del’associationdesEnfants-de-Marie : lesdimanches,nousallions à la reunion,
soit chezlesSoeurs,soit ii la cathedrale; et puis,unefois par mois,nous avionsla messe
communautaire : il fallait se rendre à la cathédrale. A la sortie de nos reunions du
dimanche,nous aimionsbien nouspromenerg la plage.Pendantle moisde novembre,
nous fn!quentions lescimetieres; celanousamusaitbeaucoupd’identifier lestombes:
c’etait pour nous une curiosite de lire les noms allemands sur les tombes dans le
cimetieredesEtrangers(1).

(1) Bdniglato.

185
- Q - Pourquoi n’aviez-vous pas été tentée d’aller comme les autres d
l’école de Ruflque ?

- J’ai eu le désir de suivre mes compagnes, parce que c’etait le premier recrute-
ment dans toute I’AOF, et c’est parmi les elèves de 1’E.P.S. qu’on avait recrute les
premières candidates. Yavais donc bien le desir de me présenter au concours, mais ma
famille s’y etait opposfk : j’étais à I’epoque assezfragile, alors on ne voulait pas que je
m’eloigne trop loin de la famille,. Mais ça a et6 une scène poignante pour moi le jour où
mes compagnes se sont embarquees pour aller au Sénégal, à cette école de Rufisque
qui venait d’être cr&e (c’etait la toute Premiere promotion). Mais elles m’ont garde une
grande fidélite : nous avons maiiitenu une correspondance très regulière entre nous et
quand mes lettres leur arrivaient, la directrice, Mme Le Goff, leur posait souvent cette
question : «Mais pourquoi n’est-elle pasvenueavecvous ?»Ainsi, sans m’avoirvue,
elle me connaissait... Aussi, bien plus tard, a-t-elle tenu, au cours d’un voyage à Lomé,
à venir me saluer à la mairie. Je la connaissais de loin et eIIe également. Oui, p a éte un
grand regret pour moi de n’avoir pas et6 du nombre des premières institutrices de
I’AOF. Mais c’est comme ça que j’ai fait carrière dans l’administration génerale.

- Q - Vous avez sans douhe ouvert ainsi plus de portes aux femmes que si
vous étiez restée simplement une bonne institutrice.

- Oui, je crois. Dans mon discours d’investiture à la mairie, j’ai dit que, si je
reussissais cette mission, eh bien, de nouvelles portes seraient ouvertes à d’autres
filles : mon succi serait le sutxks de toutes les femmes. Je crois que cette idée m’a
guidke tout au long de mon mandat.

- Q - A l’époque, que faisaieti les filles de votre âg?, je veux dire toutes
celles qui n’aL&ient pas d Pécok ? De nos jours, elks sont commerçantes
ou couturières. Dans ces années 1930-1940, que faisait une fille de Lomé
entre 15 et 18 ans ?

- Elle aidait la maman à la maison, notamment dans les soins aux plus jeunes ; et
puis elle l’aidait dans sa profession, si elleétait revendeuse au détail :elle apprenait ;
elle la remplaçait. On pouvait même l’envoyer s’approvisionner dans les marches à l’in-
térieur. Si la maman fabriquait des galettes ou des beignets, très tot elle l’apprenait... et
puis, à la maison, elle devait faire le ménage, faire la cuisine, la corvée d’eau, aller
chercher du bois... Tri% tot, e.lle se preparait pour son r61e de future maîtresse de
maison, de ménagere et de commerçante. Elle commençait tr& vite à vendre de petites
choses, des allumettes -quelques fois même quelques brins d’allumettes, attachés en
petits fagots-, des boîtes de conserves, des fruits et des bonbons, et elle se promenait
avec, de maison en maison... Après, elle pouvait stationner devant l’etalage à la
devanture de la maison ou aller s’asseoir dans un marche. C’est ainsi qu’elle pouvait
acqukir cette habilete que l’on reconnaît aux femmes togolaises.

186
- Q - Cbt dire que déjà, d l’époque, toutes les femmes avaient une activité
tfconomîque en plus de leur a42ivitk ménagère ?

- Oui, maison peut dire que, àpartir desann6es1945,ap& la fameuseconfe-


rente deBrazzaville,il y a eu cephénomènequi aété d’une grande importance dans
la vie economique du pays : le systèmedes rappels. Il y avait eu la réforme de la
fonction publique, et on a releve le salaire des fonctionnaires ; cela a donne lieu a
d’importants rappels pour les moins-perçus.Du coup, les chefs de familles sesont
retrouvésavecd’importantessommesen main,et la plupart ont financ6ainsilesactivités
commercialesde leurs femmes. Ça a éte très bon. Si les femmes sont loyales,elles
reconnaîtront que le capital de leurs activit& commercialesestvenu ainsi,desrappels
dessalairesdesmaris fonctionnairesaucoursdesannees1945,1946...Cela avait aussi
beaucoupélevé le niveau de vie desfamilles.

-Q- Est-ce que, à l’époque, les gens avaient déjd l’obsession de lu


construction ? Aujourd’hui, tout le monde engloutirait cet argent dans des
parpaings et des tôks, n’est-ce pas ?

- Mais oui, le Togolaisavait déjàl’ambition d’habiter sapropre maison @étaità


l’époque un scandaledevoir quelqu’un s’acheterune voiture alors qu’il n’avait pas
encore samaisonpersonnelle: il sefaisait ridiculiser...
*
* *

- Q - Revenons à cette ville de Lomé des années 1938-1945, pendant que


vous alliez d 1Vcole. Quels sont les souvenirs qui vous reviennent pour
évoquer cette ville ?

- J’habitais Hanoukopé, rue Georges-Mensah.C’était un quartier tout neuf.


Pour me rendre à Ecole, je prenaisun sentierparmi leshautesherbes,qui debouchait
sur la rue qui passedevant le foyer Pie-XII. Il y avait desfromagers, desbaobabssur
tout le parcours. Pour aller à la plage,il y avait la grande rue qui s’appelait........?: ce
n’etait pasencore l’avenuede la Lib&ation.

- Q - Lu rue Thiers ? C’était l’ancien nom de l’avenue de la Libération.

- Oui ! C’estcurieuxquej’ai oubli6 œ nom, puisquec’estmoi qui ai eu l’honneur


decouper le ruban quand on l’a rebaptisceavenue de la Lib&ation...

- Q - C’est donc tout d fait normal que vous ayez effié de votre mémoire
son ancien nom... (Rires).

- Commeélèves,nous aimionsnouspromener à la pcpinière (c’està l’emplace-


ment de la Gendarmerie actuelle), où nous allions cueillir desfleurs et preparer nos
herbiers pour l’école,au niveau du Cin6maLe Togo, tout au bout de la Gendarmerie.

187
- Q - Mais il y avait quand même déjà un camp militaire à cet endroit ? Dès
L%$oque allemande, et pendant l’occupation anglaise, c%tait déjd un camp
militaire. L’avait-on rendu aux civils d Npoque frangake ?

-Je neme rappelle plus. En tout cas,lorsque j’etais elève, nous avions décou-
vert là une pépinière; l’accèsnous Ctaitpermis et nous la fréquentions souvent. Plus
loin, il y avait la ferme Piquelin.

- Q - Sur le plateau de Tokoin ?

- Non, à l’emplacementde l’actuelcollegeNotre-Dame&-Apôtres. A Tokoin,


il n’y avait pasdemaisons: à partir du bord de la lagune,il ny avait que desmanguiers,
desfromagers et desbaobabs...

- Q - Et cette ferme Piquelin, que fakait-elle exactemenl ? De l’élevage ?

- Oui, l’élevagedesboeu,fs.M. Piquelin Etaitun Antillais. Comme autressouve-


nirs, j’ai aussien mémoire celui du phare. Vous enavezentendu parler ?

- Q - A lkmplacemeti de l’hôtel Le Bénin, n’est-ce pas ?

- Oui ! Il projetait la lumière trèsloin : on pouvait l’apercevoirdepuisAneho, sur


la lagune ! Nous aimions bien voir le phare la nuit... Il y avait aussile wharf, où, pour
s’embarquer,il fallait s’installerdansun panier. Ce n’était pasagréablede traverser la
merjusqu’auxbateawt,maisc’etaitimpressionnant! Voilà quelquessouvenirsqui m’ont
marquée...

- Q - Vous habitiez donc toul près de la &une. Est-ce qu’il y avait déjd des
problèmes d Gwruiation, au moment des pluies ?

- Non. A l’époque,nous n’avionspasconnu d’inondations.Et je me demandesi


ce n’estpasle fait que desnouvellesconstructionsont et6 edifieeSsur lesterrains à aStC
de la lagunequi a provoqué cesinondationsque nousavonsconnuespar la suite ; elles
revenaient,disons,touslesdix ans: en 1962,il y avait eu une tr&sforte, et lorsquej’étais
maire, j’ai eu aussia faire face$1de fortes inondations.

- Q - Jusqu’oh arrivait l’eau, dans la ville ?

- Elle arrivait, disons,à une centainede métresdu Boulevard circulaire,


derrière la CN’IT (2). Toutes les maisonsau nord dc la CNTTétaient inondées.

- Q - CWait donc Hatwulkop4, Amoutiv6 et Bt? qui étaieti les pieds dans
l’eau ?

- Nyékonakpoe aussi: t’eut le long de la zone lagunaire.

(2) Bourse du Travail, si& G!C la CortfWration Nationale de.~ Travailleurs du Togo.

188
*
* *

-Q- Reveno~ si vous voukz bien, d vos diverses activités. N’aviez-vous


pas été tentée de vous expatrier, comme certains des cadres de cette
époque ?

- Je suis restée à Lomé pendant huit ans, de 1938 à 1946. Après mon mariage, j’ai
dti quitter Lomé pour la ]Haute-Volta (le Burkina-Faso d’aujourd’hui), où j’ai vécu
pendant douze ans.

- Q - Toujours dans l’administration ?

- Dans l’administration des Finances, puis au Service des Imp6t.s.

- Q - Vous aviez donc quand même trouvé un poste qui ne vous obligeait
pas à courir la brousse vingt jours par mok..

I C’est ça. Quand je suis rentrée au Togo, je me suis fait réintégrer dans
l’administration togolaise, et j’ai accu@ un poste d’inspecteur des ImpGts. Ironie du
sort, j’ai dû un jour me rendre à Ganavé (3) pour faire le recensement de tout le matériel
de la feculerie. Jesuis partieavecun chauffeur, à bord d’unevoiturede I’Administra-
tion, et je me suis rappelee les difficult& que j’avais dQ affronter pour passer mon
examen. Ce n’était pas, disait-on, un travail pour une femme. Et voilà qu’une femme,
vingt ans plus tard, se rendait toute seule en tournée en brousse, pour recenser une
usine ! Ça m’a fait quelque chose...

- Q - Dans cette fin des années 1950, y avait-il désormais un nombre tout
de mhe important de femmes fonctionnaires, ou est-ce que vous restiez
toujours à peu près unique ?

- Non ! Entre temps, un secteur avait recrute très t6t des jeunes filles : c’&ait les
Postes et TUcommunications, qui avaient attire beaucoup de filles.

- Q - Mais pas dans des fonctions de responsabilitt% ?

- Si, cela avait commencé. On avait envoyé quelques stagiaires en France. Elles
etaient devenues les premiers cadres feminins de l’administration des PTT. Il y avait
aussi des secrétaires, mais pas d’un niveau assez élevé pour en faire des secrétaires de
direction. C’est par la suite, dans les ann&s 1960, que les premières sont apparues.

J’étais revenue au Togo avec le grade de contrôleur des impôts, mais on m’a
affecte à un poste d’inspecteur : j’avais donc à m’occuper du BIC (l’impôt sur les
b&&ices industriels et commerciaux), les patentes, la taxe sur les transactions... Là

(3) Féculerie Cie manioc, entre Ankho et Anfoin, d 60 km de LomC

189
encore, on trouvait curieux devoir une femme faire ce travail. Et, de fait, c’etait dur
pour une femme, et j’ai eu beaucoup d’ennuis. Imaginez que j’ai eu la témérité
d’imposer lesfemmes,pour la toute première fois, de lessoumettre àl’impôt sur les
bénéfices...

- Q - Sur les femmes commerçantes ?

- Ou& sur lescommerçantes.

- Q - Avaienhdles une comptobilitk que l’on pouvait évaluer ?

- Justement ! Comme il n’y avait pas de comptabilite, il fallait appliquer un


systèmed’imposition par forfait. Mais encore fallait-il partir d’une baseimposable
forfaitaire, et un minimum de renseignementsetait indispensable: le montant du stock
au début de l’annee, le montant des achats, des ventes... Quand j’ai envoyé ces
imprimes derenseignement,quen’a-t-on pasdit..!
«Mais qu’est-ceque c’est? On n’a jamaiseu cespapiers! Qu’est-cequ’elle nous
amenede Haute-Volta, cettefemme-là?B

Je me suisrendue très ilmpopulaire...

- Q - Mais est-ce que ça a marchk ? Avez-vous pu obtenir des statistiques


fiables ?

- Le systemeest reste parce que c’était une decision du gouvernement. Jus-


qu’ici,lesfemmesetaientsoumisesà de petitespatentes,jamaisil l’imp& sur le revenu,
ni à l’impôt sur le b6nelIœ.Alors on a d&ide, en 1959,decréer la cartede revendeuse.
Cellesqui faisaientun chiffre d’affairesinferieur à 10millions de francsétaientconsidé-
r&s comme revendeuses; au-dessusde 10millions, ellesetaient consideréescomme
commerçanteset, à ce titre, elles étaient assujettiesà toutes les autres impositions
auxquellesétaient soumisles commerçants.Mais c’était du nouveau ; et elles etaient
scandaliséesqu’une femme comme elles puisseleur faire cela ! J’ai donc quitté les
Impôts. On a trouvé queje seraiencoreplus utile auxAffaires sociales.Cest ainsi que
j’aiete nommeepremière femme, passeulementla première femme mais le premier
chef de service des Affaires :socialesau Togo. Et là, j’ai eu une expérience fort
enrichissantedanslesquartiens,aveclesjeunes,Ilesfamilles...Cétait exaltant.

- Q - Quelles Rtaienl d lV poque les activih de ces toutes jeunes Affaires


sociuiks ?

- D’abord il Edllaitcréer le service Il existaitdéjà de nom ; en fait, lesactivitésse


résumaienten distribution de vivres aux necessiteux,en secoursd’urgenceet surtout
de l’alphabetisation, de IWuc~tion desmasses.Le gouvernement a demandel’assis-
tance technique d’un expert e,nAffaires sociales,une Israélienne, que les Nations-
Unies ont miseà la dispositiondu Togo. J’ai travaille avecelle commeune homologue,
et j’ai donc et6 nomnu%chef du servicedesAffaires sociales.J’ai eu la joie d’implanter
le premier centre social.

190
- Q - Lequel ?

- Nous l’appelions la <&rLwnpourtous», route deKpalimé, àgauche un peu


avant la lagune.Puis nousen avonscréeun autre à BC,et ensuite un àNyekonakpoe.
C’etait à l’époqueoù le PAM (le ProgrammeAlimentaire Mondial) sefaisaitconnaître.
Il aété proposé àplusieurs paysafricains, maisle Togo a été l’un destout premiers à
accepter le PAM, et des experts de I’UNESCO sont venus t%udier l’experience
togolaise.Nous avonsvoulu demontrer commenton pouvait seservir desproduits de
PAM pour promouvoir la scolarite.Nous avionscr& un village-pilote à Kambole (4).
Avec les vivres PAM, nous avons essayed’implanter une cantine scolaire. Vous
voyez : les enfants, à l’époque, ne pouvaient pasquitter le village pour aller en ville
suivre une &ole sup&ieure, car il y avait un problème d’alimentation qui seposait : ils
Ctaientsous-alimentes.

J’ai recruté les premières assistantessociales,pour les envoyer à l’ecole de


formation sociale d’Abidjan. En 196364, j’ai donc ete chef de service des Affaires
sociales; et puis apr2son m’a affectéeà nouveauà la Direction desFinances.Il faut dire
quej’avais comme& macarrière, en tant quejeune femme,au ServicedesFinances;
j’etais au Service desPensionsà Bobo-Dioulasso, en Haute-Volta. J’ai continue à
travailler d’abord dansla mêmesection,avant d’aller à l’administration des Impôts.A
Lomé, aux Finances,j’ai donc servi, de 1965 à 1967, aux Affaires r&servees,aux
dépensesengageesau Budget. Commesi Dieu me preparait ce rodage en vue de la
missionqui devaitm’etreconfiee à la têtede l’administrationmunicipale...

- Q - Par rapport aux Affaires sociales, c’était sans doute une promotion,
ma&, s’occuper ainsi de r&uhwiser des comptes, ça devait être beaucoup
moins passionnant que de créer des centres d’activité par quartier ou d2s
villages-pilotes...

- Oui, mais,vousvoyez,tout celamepréparait àassumerlesfonctionsdemaire.


J’ai donc fait lesIn$%, lesAffaires socialeset le Budget.

-Q- Comment faire rentrer l’argent, et comment kè d&enser utilement...

- Oui, c’estça...(Rires).

- Q - Et wmment donc êtes-vous devenue maire ?

-Je ne m’étaisjamaisimagineequ’un jour je pourrais être maire dela commune


deLomé. Vous savezque,selon la loi, lorsque les CollectiviteSlocalessont dissoutesà
la suite d’un changementde regime, on met en place un conseil appelé «délegation
sp&iale», pour un temps,le tempsde preparer deselections.Mais nous,notre délega-
tion spécialea dure 7 ans.J’y ai etepropos& en mêmetempsque quatre hommes; lors
denotre premièrereunion, nous devionsproc&der àl’election du maire. L’un de mes
coll&guesm’a prise a part et m’a dit :

(4) Prkfecture de Tchamba

191
«VOUSsavez,nous avonsparmi nous deuxmédecinset un enseignantretraité.
11setrouve donc quevous paraissezêtre toute indiquke pour remplir les fonctions du
maire, parce que vous y avez et6 preparée par les différents postes que vous avez
occupes,des Imp6ts aux Affaires sociales,puis aux Finances...»

J’étais effrayee. Je n’avais jamais vu cela : une femme maire d’une capitale,
surtout au momentoù l’on parl,aitde Renouveau...N’oubliezpasquec’étaiten 1%7,le
g&t&al Eyademavenait de prendre le pouvoir, et partout c’était lesgrandstravaux qui
commençaientdansla capitale.

- Q - Quoi, par exemple ?

- Oh ! De nombreux immeublescommençaientàsortir de terre. Beaucoup de


routesetaient bitumtks.,..@étail.
la grandemétamorphosede Lome.

- Q - Quelles sont tout de suite vos responsabilitek, face d cette vih ?

- Immédiatement apres mon investiture, par hasard,cc fut, desle lendemain,


l’ouverture du grand-marché.E(tlesfemmes,qui ne connaissaientpasles fonctions de
maire,disaient:
«On nous a donné un grand marché, et on a nommé une femme pour nous
l’administren>...

Elles ont cru quec’etaitle principal travail du maire ; et, en fait, j’y ai beaucoup
travaille... J’ai commencémon mandat de maire avecdesactivites intensespour ce
marché : organiser lesfemmes,lesgrouper par nature de marchandises(les marchan-
desde tomatesensemble,lesmarchandesde tissusensemble,etc.).Les emplacements
étaientbien indiquessur lesmurs,maisçaaete n-63diflïcile de maintenir la discipline,et
il fallaityaller doucement,notamment avecles revendeusesde tissus,qui trouvaient
qu’ellesn’avaient pasassezde placepour exposertousleurs pagnes.Alors on a fait un
compromis ; on leur a donne encore un peu plus deplace : on a rogné un peu sur les
all&s ; et nous avonscommeno à travailler ensemble...Ellessesont erigeesen vraies
policièresdu marche,memequand il fallait ramasserlesepluchurcsdebananes...Elles
m’aidaient vraiment àa.dministrerle marche et, de fait, elles etaient mesmeilleures
conseillères.J’ai comprir qu’on ne pouvait passigner une reglementationmunicipale -
du moins de cellesqui doivent @itreappliquéesdanslesmarchesou danslesquartiers-
sansdemanderconseilaux femmes.

- Q - N’y en avait-il pas, parmi elles, qui gardaient l’horrible souvenir de


votre initiative pour prendre des imphts sur des bénéfies des commerçan-
tes ?

-Ah oui ! Et mêmemesproches,lesgensde mafamille, ont tremble pour moi au


momentde mon Bection :
«Toi encore ! Tuvas encore travailler aveccesfemmes...!»medisait-on.

192
Mais je vous assure que ma première experience m’avait servi de leçon. Il fallait
gagner leur confiance, donc j’allais les consulter : «Est-ce qu’on ne pourrait pas faire
ceci, est-ce qu’on peut faire cela ? Que pensez-vous de telle mesure, est-cequ’elle ne
serait pas trop impopulaire ?»...
Avez-vous entendu parler de la réglementation des convois funèbres ? Vous
savez, autrefois, on allait à pied de la maison mortuaire à l’église, puis de l’église au
cimetière. C’etait long de traîner ainsi un convoi funèbre qui embarrassait toute la
circulation... Il fallait trouver un remède, et nous avons eu la ternerite, à la suite d’une
delibération du conseil municipal, de prendre une loi municipale pour interdire les
cortèges à pied ; les gens etaient très mécontents, mais finalement, aujourd’hui, ils nous
rendent cet hommage. Au même moment, nous avons pris une loi non moins impopu-
!aire : la réglementation des veillées funèbres. Les funcraillcs donnaient lieu à des tam-
tam : toute la nuit, il fallait faire du bruit ! On ne quittait la maison mortuaire qu’après une
veillée qui avait duré toute la nuit, qui finissait vers cinq heures du matin, et on avait
juste le tcmpsde rentrer à la maison se prcparer pour aller à la messederequicm à six
heures, après une nuit de tam-tam, et ensuite il fallait se rendre à son service... Car, en
ce temps-là, on n’attendait pas le week-end pour faire les cCr6monies funèbres : la
veillée et la messe avaient lieu huit jours après le deces, donc souvent en pleine
semaine. Il fallait quand même protéger le repos des paisibles citoyens, et aussi, de
même, contre les bruits dans les bars, les instruments sonores, les bruits à midi aussi : les
charpentiers qui réparaient les toits et qui faisaient beaucoup de tapage, les moulins à
maïs qui travaillaient entre midi et deux heures...

- Q - Et les taxis ? Est-ce que, à l’époque, ils étaient déjà organisés avec les
lignes ,fuces, comme mainlenant ?

- Justement, les taxis étaient de terribles concurrents pour les bus de la munici-
palité. Nous avions aménagé des emplacements pour les stations des bus. Mais, tandis
que nos clients attendaient, eh bien, t’étaient les taxis qui venaient les ramasser. C’etait
inévitable : imaginez que, pour se rendre cn bus depuis Bè jusqu’à Kodjoviakopé, le
trajet durait une demi-heure, avec de nombreux arrêts ! C’était bien plus rapide pour
unpassagerdeprendreun taxiqui,dixminutcsaprès,était rcnduàdestination.C’est
ainsi que, petit à petit, nous avons perdu nos clients : on les ramassait à nos stations parœ
qu’il fallait y attendre trop longtemps. Pour être rentables, les transports urbains
devraient tout faire pour etrc rapides. On attend volontiers un bus quand on sait que,
quand on a raté le precedcnt, un autre suivra dix minutes après. Dix minutes ou un
quart d’heure, oui, on pouvait attendre ; mais plus, œ n%tait pas possible. Petit à petit les
taxis ont pris le dessus et c’est ainsi que lc transport municipal, finalcmcnt, s’est arrête.

- Q - Pourquoi l’interdiction des «k6kévi» (5) ?

- En l’absence des taxis et des mxis-bagages, c’était uneaffaire très florissante,


qui rapportait beaucoup. On comprend que Ics pousscurs aient Cte mécontents à l’ap-

(5) Pcria chariots b quatre roues, poussés par des jeunes (les «kékévitm), qui vt?hiculaienr
les marchnndises b la detnandc.

193
parition de cet arrêté; municipal. Mais, par contre, ça a permis aux transporteurs
d’introduire l’usage des taxis-bagages.

Pendant que nous parlons des transports et des taxis-bagages, cela me fait
penser à la question de l’identification des taxis. 11est apparu que, parmi les transpor-
teurs, il y avait de nombreux fonctionnaires qui, après les heures de service, faisaient
le taxi avec leur voiture perscmnelle. Par ailleurs, il a éte prouve? qu’on avait parfois
utilise des taxis pour commettre des meurtres, ou bien des tawUnen avaient &k impli-
ques dans des vols à mains armees. Donc la police pensait qu’il était nécessaire
d’identifier les véhicules qui faisaient le transport en commun en leur donnant un
numéro d’immatriculation de taxi, et aussi en les identifiant par la couleur. Mais ils s’y
sont purement et simplement opposés, aussi bien les proprikaires devkhicules que les
tuximen. Il a fallu arrêter : nous avons laissé tomber. Et puis, quelques années après,
quand le chef de 1’Etat a bien Imûri la question, il dit un jour au ministre des Travaux
publics : Allez-y !B. En moins de deux semaines, la peinture jaune est apparue sur tous
les vbhicules utilisés pour les transports en commun. Et, du coup, on a pu identifier les
vehicules qui faisaient le taxi. C’était dur au début, mais, ensuite, ça a étk accepté
comme une très bonne chose. Notre exemple a et6 suivi par la ville de Cotonou, et par
d’autresvilles encore.,.. C’ktait en 1971-72, où on a beaucoup embelli laville pour la
réunion de I’OCAM (6). Jusq,ue là, Lomé ressemblait encore beaucoup à un grand
village...

- Q - Quelles ont été, dans vos années passées d la mairie, les grandes
réalisations urbaines que vous avez impulsées ou inaugurées ?

- En premier lieu, la multiplication des bornes-fontaines. C’&ait très émouvant


de voir la population jubiler àl l’ouverture du robinet, quand, pour la première fois,
l’eau coule dans un quartier : cfest un souvenir qui m’est resté gravk dans la mémoire.
La Premiere fois, c’était, je crois, en 1970, au quartier Forever (7), où il n’y avait pas
d’eau. Les dklégations se succklaient pour demander à la municipalitk d’installer des
fontaines dans les quartiers. On ne pouvait pas les planifier parce qu’on n’en avait pas
les moyens. Nos réalisations &Gent dispersées : deux ou trois si, à la clôture du budget,
nous enregistrions un bilan positif. Et puis nous avions aussi un compte hors budget,
alimente par la taxe de péage (perçue par la douanesur les marchandises qui entrent
dans la capitale; c’ktait assezsubstantiel). Ça nous permettait d’étendre les réseaux
d’eau et d’klectricitk, de rt5parer des rues... Et justement, dans le cadre des grands
travaux, depuis 1967, les rues bitumees sesont multipliees. On croyait que c’ktait la
municipalitk qui les prenait en charge, et tous les kloges jaillissaient sur la femme-maire,
alors que c’était une ccGncidence : c’était le gouvernement qui supportait ces grandes
depenses... Par contre, pour l’eau et l’électricitd, l’extension des rkseauxdedistribu-
tion &ait bien fmancke par la municipalitk, et ça faisait vraiment plaisir aux habitants.
Justement jevous parlais du cas de Forever: un matin, j’arrive doncdans lequartier
pourvoir l’emplacement de la, nouvelle borne-fontaine. Quand on m’a aperçue, des
cris ont retenti :

(6) Organisation Comm~e Africaine et Malgache, qui rkndssait les pays francophones.
(7) A Tokoîn, en face du garage central Ce quartier tient son nom d’un dancing alors c&?bre:
*Forever week-ends.

194
«Elle estlà ! Elle estlà ! Eva do ! Eva do L..»

Et de toutes lesmaisonslesgenssortaient... Quand on leur a annonce que la


borne-fontaine installt?eallait être miseenservice,les femmessont venues; certaines
sesont agenouilléesà mespieds,d’autresme prenaient,m’embrassaient:
«Merci pour le cadeau! Nous allons avoir de l’eau àboire pour le Nouvel an !»
(On etait à la veille du Nouvel an).

Il y en aqui pleuraient dejoie...

- Q - Ces années-ld, c’est la p&ùnle de la grande extension de Tokoin : en


1967, la ville s’arrêtait pratiquement au collège protestant et au camp
militaire. En 1974-75, on atteint Cassablanca, Doumasséss~, Wuiti...

- Vous êtesparfaitement au courant del’evolution de la ville... 11aaussifallu


équiper les quartiersen marches.Celui d’Hanoukope n’était vraiment pasun marché :
lesfemmesy etaient installeespêle-mêle. Il y avait aussile marche de Bè et le grand-
marché. Apres l’ouverture de celui-ci, il fallait déplacer toutes les vendeusesde
l’ancienmarche,devantla gare.Çaaet6 tr&sdifficile ; certainesvoulaient y rester,et on
voyait desvendeuseseparpilléesun peu partout dansla ville. Il fallait lutter contre cet
état de chose,envoyertoutes les revendeusesau grand-marché,parceque la, il y avait
de la placepour tout le monde.

- Q - Vous parlez ici de ce petit-marché, devant la SGGG, qui était en fait


plus important que le grand-marché, avant la construction du bdtiment
actuel 1

- Oui ! On l’appelait le petit-marche, mais finalement il Ctait devenu le plus


important. Il y avait aussiun autre petit marchepr2sdel’abattoir.

- Q - C’est-d-dire près de l’actuel centre MAROX ?

- Oui. Apres l’ouverture du grand-marché,il fallait faire en sorte que toutes les
vendeusesaient quitte lesrues,car il y avait desmarchesqui setenaient dans lesrues,
notammentprèsde Peglised’Amoutiv6. La ligne du cheminde fer passaitpar Amoutivé
(S),et il y avait une petite gareau niveaude l’egliseSaint-Augustind’Amoutive. Alors
lesrevendeusesde poissonsdescendaientlà du train : c’etait plus court pour elles de
gagnerle marcheà pied.Les menagèresvoulaient du poissontr2s frais, descrevettes...
Elles les forçaient à leur vendre devant cette petite gare. Et petit à petit, un marchC
s’etaitconstitue : à côté desmarchandesde crevettess’etaientinstalleeSles revendeu-
sesde condiments : piments, tomates,oignons... ; c’estainsi que cemarche aoccupe
carrementla devanture desmaisons.Et pendant cetemps,le marché Saint-Michel (9)

(8) Le long du Boulevard circulaire, avant de rejoindre l’actuelle avenue Houphouët-Boigny


au commksaCat du IIIf?tne arrondissement (de 1947 b 1967).
(9) A iQkht!nou.

195
était abandonné, les hangars vides, inoccupés... II a fallu y deplacer ces vendeuses
d’Amoutivt5, où les lieux ne se prêtaient vraiment pas à un marche.

- Q - Et celui d’Ytikpodji ? C’était, je crois, l’endroit où les femmes du grand-


marché étaient venues provisoirement pendant que l’on construisait le
nouveau b&nent. Elles s%taient implantées Id, d côté du cimeti&e, et, en
fait, elles n’ont plus jamab évacué les lieux.

- Ce n’était pas encore un marché ; c’était un terrain de jeux pour les jeunes. II
était dejà décide que, après l’ouverture du grand-marché, lorsque les femmes se
seraient installees, celles qui n’auraient pas pu trouver de places dans le bâtiment
pourraient être installees sur ce terrain, qui serait donc transforme en annexe du
marché. Dès le lendemain de l’mauguration du grand-marché, l’agent voyer est donc
allé voir les femmes qui n’y avaient pas de place pour leur dire de se presenter sur le
terrain de jeux, pour qu’on leur indique leurs emplacements respect& et ces femmes
ont toutdesuiteretenulesplacesavecdevieuxpaniers... Mais, trèsvite,ils’est avéré
que ce marché ne leur convenait pas : elles ont presque toutes quitte les lieux pour aller
s’installer dans les rues. Nous avons essayed’en faire un marché du soir : on y vendrait
du poisson, les salariées pourraient y aller faire leurs emplettes à la sortie des services...
Mais les femmes n’ont pas VOUA~,sauf deux ou trois qui sont restées, fidèlement. Et
finalement, celles-là ont triomphe. Les marchandes d’emaillés n’avaient pas de place
aux alentours du marche : elles ont demandé à construire elles-mêmes des magasins au
marché du cimetiere,et, peu à peu, cela a amenedu monde...

- Q - Mais les jeunes qui jouaient auparavant sur ce terrain, qu’en pen-
saient-ils ?

- Oh, ils ont été tout à fait furieux, et m’accusaient violemment d’ignorer leurs
besoins ! C’est vrai que, comme.je prenais tout juste mes fonctions, j’étais encore bien
ignorante dans ce domaine. Mais, pour eux, nous avons donc cherche immédiatement
unautreemplacement :nousenlavonstrouvéundel’autrec6teducimetière,quej’ai
fait aménager sur-le-champ avec des camions et des camions de laterite... Et les jeunes
l’ont adopté avec enthousiasme. C’esl ce qu’on appelle aujourd’hui le stade des
AiglOIlS.

- Q - Atikpodji semble être plutôt comp&nentaire du grand-marché, sur-


tout pour les produits tradilionnels, le bois, la poterie, les herbes médici-
nales, n’est-ce pas ?

- Oui, et surtout pour le maïs ; c’est vraiment le marche au ma& de la ville.

- Q - Est-ce que vous pourriez nous expliquzr à quoi ressemblait le grand-


marché avant qu’on ne construise le bâliment actuel ? Qu’esr-ce qu’il y
avait d cette place ?

- Le grand-marche ? c’était un peu semblable aux marchés que vous voyez


encore dans les gros villages en dehors de Lame.

196
- Q - Mais il y avait des hangars construits en dur ?

- II y avait des hangars construits par la municipalité : les piliers en dur et la


toitureen tâles. Les revendeuses elles-mêmes avaient construit leurs petits hangars,
couverts en tûles. (On n’acceptait pas la paille).

- Q - Il occupait d peu près fa sutjbce du marché actueJ mais sur un seul


niveau ?

- Oui, un seul niveau. C’etait des hangars rectangulaires construits sur les quatre
côtés, par intervalles, et aussi latéralement ; et puis, à côté, dans les espaces libres, les
femmes qui n’avaient pas trouvé de place sous les hangars construits par la municipalité
se fabriquaient elles-memes des hangars de fortune, avec des pieux plus ou moins
tordus...

- Q - Et l’assainissement, comment se fakait-il ? Est-ce qu’il y avait une


borne-fontaine, des toilettes publiques ?

- Il n’y avait pas de toilettes, mais il y avait quand même de l’eau potable. On avait
construit unesorted’enclos où les femmes pouvaient verser les dcchets ; ça servait de
voirie parce que chaque jour on vidait cet enclos.

Tel etait à peu preS le visage du grand-marché de Lame avant la construction du


nouveau, en 1%7.

- Q - Merci, Madame le Maire, d’avoir tant fait pour notre vi& et ses
habitants.

197
no 17

LE QUARTIER KOD JOVIAKOPE

M. Isidore Zidou DE SOUZA


chef du Conseil de régence de la famille de Souza
(né en 1916 à Kodjoviakopé)
et
M. Dotsè DE SOUZA
secrétaire
(né en 1922 à Kodjoviakopé)

- Q - Cette fois-ci, nous n’allons pas faire l’histoire d’une profession, mais
celle d’un quartier de la ville de Lomé : Kodjoviakopé, un grand quartier
qui fait près de 20 000 habitants, entre le centre administratif, l’océan et la
frontière du Ghana. Nous voici donc d ht «maison royale» de Kodjoviako-
pé, avec M. de Souza Zidou, qui est le chef du conseil de régence de la
famille a’e Souza, et M. de Souza Dot&, qui fait fonction de secrétaire, et
qui est le seul des deux à parler su@iiamment le français pour oser se
lancer ,a parler dans le micro : c’est lui qui nous traduira ce que dit son
cousin.

Messieurs de Souza, est-ce que vous pourriez nous parler de kit


fondation de Kodjoviakopé ?

- Kodjoviakop6 est né en 1830. Nos ancêtres sont venus d’Adatïanu (1).

- Q - Un village qui est à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Lomé ?

- Oui, sur la route de Keta, après Denu Ils sont venus dans les environs de X379-
1880.

- Q - Qui étaient ces ancêtres ?

- Il y a Togbi Equagoo (2).

(1) Tous les noms originaires de la zone unglophone sont d prononcer d l’anglaise (en
particulier u = ou).
(2) Autre orthographe d &poque @I XIXs?me sikcle) : Eguagu Dans le vieux Lomk, il a
poss&i.k des terrains entre le grand-marchC et la plage. Togbi : Titre honotifigue pour les
chefs de fam.ille ag& @grand-pérew).

199
- Q - Equagoo; c’est un nom que l’on trouve parmi les fondateurs de lhmé;
autour de 1880 ; il avait des terrains dans kx tout premiers propriétaires de
Lomé.

- II y a aussi To&i Tsipohor, To@i Ehodu, To@i Kutsanu, toujours de la famille


E4pagoo.

- Q - Qui étaient ces @us ? Etaient-ils des commercanh, des p&&ws ?

- Ils étaient p&chcurs. I:I y avait aussi To@i Dogbé Liggie, DotsC Koumani
Apéke...

- Q - Etaient-ils apparentés entre eux ?

-Ahoui,ilya unefiliationentrecux...

- Q - ILS étaient frères ou cousins ?

- Oui, c’est ça ! Ils Ctaient tous cousins.

- Q - Ce qui complique le ,problhe, chez les Anlo (3), c’est qu’on y trouve
aussi des jZi&ions mutrilitu~aires, c’esr-à-dire que l’on hérite de son oncle
maternel.

- C’est ça, c’est comme vous le dites.

- Q - Ce qui fait que l’établissement des Jiliations est parfois très diffiib,
parce que ce n’est pas toujours de père en jik que cela se passe, mais aussi
d’oncle en neveu.

- Chez nous, vous savez qu’on appelle un cousin un frCre.

- Q - Mais il faut essayer Id d’être pré& pour mieux comprendre.

- C’étaient bien des cousins. Ce sont eux les premiers à être venus ici. Ils ont
passe par la mer, pour venir faire de la pêche artisanale.

- Q - Est-ce que le site est particulihemeti bon ?

- Vous savez, ce sont les Alicmands (4) qui étaient ici à ce moment-là. Ils ont
demandé au grand-tire Equagoo a cc que ses p&heurs viennent p&hcr ici, pour que
les Allemands aient du poisson.

(3) Ewt man’times, autour de Keta, de Lomd jusqu ‘d l’estuaire de la Volta (On dit aussi, d
tort, Ahoulan).
(4) Sans doute des commerçants allemands, prdwnts rf Lom6 depuis 1881-82

200
- Q - Est-ce que vous savez si, quand vos ancêtres sont venus s’&ablir ici,
ils ont demande la terre h quelqu%r, ou s’ils se sont instant% sans rien
demander à personne ?

- Ils ont demande la terre au vieux Dadji d’Amoutivé. Et ce terrain a été donné
par le canal de Kodjovia, qui est le fondateur de Kodjoviakope.

- Q - Alors qui est ce Kodjovia ? Lui, ce n’est pas un An& puisqu’il s’appelle
de Souza...

- Kodjovia de Souza est un neveu de Togbi Equagoo.

- Q - II est par ailleurs un petit-JiLF du Chacha Francisco-Feiix de Souza, le


grand Chacha (c’est-à-dire le vice-roi de Ouidah, pour le compte du roi
d’tiomey), qui est mort en 1849 et qui, auparavant, avait fait souche en
1798 à Am%e, où il avait créé le quartier Aa’jùio.

- Exactement.

- Q - Le père de Kodjovia avait donc épousé une soeur d’Equugoo ?

- Son père a epouse une fille de Togbi Aguto, qui est le fils de Tsri Dapensu, le
fondateur d’Adalïanu.

- Q - Alors quel rapport avec Equagoo ?

- Cette Agbalé était la grande-soeur d’Equagoo et la mère de Kodjovia. C’est


elle qui a epousé Antonio de Souza, le fils de Chacha.

- Q - Donc Kodjovia est par son père afro-brésilien et par sa mère anio ?

-De Some.

- Q - Comme nous sommes chez des gens qui sont matrilin6aires, il est donc
anlo pour les A&.

- Oui ! Mais attention, il y a une différence entre les An10 et les Somb.

-Q- Les Son~?, ce sont Ies gens d>Agbozumé! près dtidqfranu, mais d
quelques kilomètres d l’intérieur des terres.

- Exactement !

- Q - J’ai lu que Ies Semé se sont séparés des Anlo à la firi du KW& sit%,
mais ils sont de t’a même souche et ils parlent d peu près la même langue.

- Exactement !

201
- Q - C’est même l’éwé que l’on parle dans cette région qui est devenu I’éwé
écrit, n’est-ce pas ?

- Oui, c’est ça.

-Q - Kodjovia est donc votre grand-père ?

- Oui, c’est notre grand-père, le père de nos pères.

-Q- uKodjoviakop&, cela veut dire «ht ferme du petit Kodjo». Est-ce qu’il
a lui-même vkcu ici ?

- Il etait agent commercial chez un commerçant allemand, à Baguida. Après,


comme les choses n’allaient pas bien à cette epoque-là, son oncle maternel Equagoo a
demandé qu’il vienne ici. Vous savez que nos aïeux sont venus d’Adafianu : ils ne
comprenaient donc pas l’allemand ni l’anglais. Kodjovia est devenu automatiquement
l’interprète de ses oncles.

- Q - Lui même, était-il lettré ?

-Oui ! Il avait fait sesetudes à Accra, en Gold Coast.

-Q- Il servait donc d’intermédiaire entre cette communauté de pêcheurs


et l’administration. II est donc devenu ainsi, de fait, chef de village, alors
qu’il n’était pas pêcheur lui-même ?

- Il etait pêcheur, et aussi planteur et commerçant.

-Q- Cest-à-dire qu’il possédait des filets et des bateau.

-Toutes les plantations d’ici lui appartenaient.

- Q - A ce moment-la, à quoi ressemblait Kodjoviakopé ? C’était bien lù où


nous sommes aujourd’hui, les maisons qui sont au bord de l’océan, à mi-
chemin entre hz frontière et l’ancien palais des gouverneurs ?

- Cetait un tout petit village !

- Q - Qui allait d’où d ou, à peu près ? Est-ce que ça partait de la frontière?

- De la frontière jusqu’à l’ambassade d’Allemagne.

- Q - Il y avait des maisons de bout en bout ?

- Des maisons en banco.

202
- Q - Et les pêcheurs d’%blhgamé, près de l’hôtel Sarakawa ? Ce sont, je
crok, vos cousins ?

- Ils sontvenus d’Adafianu euxaussi.

- Q - Est-ce qu’ih sont venus d’ici, de Kodjoviakopk ?

- Non ! Pas du tout.

- Q - Mak ils viennent comme vous d’Adafiinu ?

- Oui

- Q - Est-ce qu’ils sont venus au même moment ou plus tard ?

- Ils sont venus plus tardivement.

- Q - Est-ce que vous avez une idée de la date approximative ? A l’époque


allemande ou après ?

- Ça doit être en 1885 ou 1886.

- Q - Donc un peu plus tard que vous. Mais vous vous connaiksez de
parentés ? Savez-vous qui est votre cousin, et comment ?

- Oui ! Nous avons un oncle L%as, qui &ait le chef Wogormebu Agbezudor, qui
nous est apparente.

- Q - Par exemple, pour les cérémonies de jümilfe, vous vous réunissez


avec eux ?

- Exactement.

- Q - Dans les textes d’il y a juste cent ans, on désignait Kodjoviakopé par
l’expression «New-Sierra Leone». D’après vous, d’o3 cela venait-il ? Est-
ce que cette expression a subsisté ?

- «Nouvelle-Sierra-Leone» pour Kodjoviakopé ? Ah, sans mentir, je n’ai jamais


entendu parler de ça !

- Q - Je l’ai trouvé en particulier dans le premier récit d’un voyageur


alhnand, qui date de 1884. L’auteur, Hugo Z&Yer, vient par la mer ; il parle
de New-Sierra-Leone en dkant que c’était un villa@ de l’autre côté de la
frontière, d AJkw, et que les gens de Lomé leur ont dit de venir s’abriter
de ce c&&ci, pour échapper aux douanes anglaises. D’aprt?s kès premiers
documents que l’on a, c’était un tout petit hameau commercial, quelques
cases en paillottes. C’est vraisemblablement le Sierra-lkonais G.B.

203
Williams (resté Woullams dans la tradition orale) qui avait fondé lù un poste
de commerce im~diatement au-de# de la frontière anglaise. On trouve
aussi Little-Sierra-Leone ou NewSierra-Leone sur les premières cartes
du Togo, dressées par tes Allemands dans les années 1885. On voit
d’ailleurs aussi indiqué Da Suza, c’est-à-dire Kodjoviakopé, entre la
fronth et Lomé. Donc té toponyme a complètement disparu ?

-Oui

- Q - Et la douane, comment était-elle autrefois, en particulier à l’époque


allemande ?

-C’estaprèslaguerrede 1914-1918queladouaneaétécré6e. LesAllemands


allaient jusqu’à Keta.

- Q - Non, la frontière a été fï’e à son emplacement actuel en 1879 ; les


Anglais ont annexe Denu et AJlao en décembre 1879.

- Vous êtes sûr ?

- Q - Oui, et quasut Nachtigal vient d Lomé; le 6 juil& 1884, il fait planter


à tir frontière un grand poteau en bois, de trots mètres de hauteur, peint aux
couleurs impériales (c’est-d-dire : noir, blanc, rouge), à quelques mètres
en face du drapeau anglais qui marquait la fin de la colonie de Gohl Coast,
la où aujourd’hui se font face les bâtiments modernes des douanes
togolaises et ghanéennes.

Ainsi Joseph Antonio Kodjovia de Souza, le fondateur de ce quartier


a représenté cette symbiose entre une famille mina d’Anéh et ces
pêcheurs a& qui a donné sa personnalîte au quartier. Né vers 1830, il
meurt en 1911 et il est enterré ici, au cimetière familial des de Souza, qui
porte une plaque de marbre à l’entrée : «$A, Kodjovia de Souza, 1830-
1911~. Ces dates nous situent dans le temps (même si la première n’est pas
très sûre) : il appartient à cette g&ration des aventuriers qui parcou-
ratent alors toute cette côte. Il ne faut pas croire que les gens étaient fig6s,
qu’il y avait ici des uAn(o~, Ih des «Mina~, etc. En fait, les gens bougeaient,
s’intégraient les uns au autres, se mariakwf ici et l.5, et les peuples se
recomposaient sans cesse.

Kodjovia est donc enterré dans ce petit cimetière, 03 il a une belle


tombe, sans aucune inscription (c’est simplement la plus grande), avec sa
famille tout autour de lui.

Qui est-ce qui lui a succédé comme chef de quartier ?

- C’est son fils, Henri Mensa de SOU~~.

204
- Q - Plus tard membre du conseil des notables de Lomé.

- Q - Et vous-même, quel est votre père ?

- Mon pkre était son aîné, de même père et de même mère que le pere de Zidou.

- Q - Et pourquoi n’est-il pas devenu chef ?

- Ah ! On lui a fait la proposition. II a refuse, et il a demande que son petit-frere


devienne chef.

- Q - Alors que dans les générations précédentes, on lu%-itait de l’oncle au


neveu, Id on a hérité du père au jïk ?

- Vous savez,œ sont les Ashanti et les Fanti qui font ça. Mais chez nous, les Ewe
et les Anlo, cela n’existe pas.

- Q - Jusqu’à quand a vécu Henri Mensa de Souza ?

- HenriMensadeSouzaest nevers 1886,et il est mort en 1949.

- Q - Et depu&, c’est M. Zidou qui est le chef ?

-Non ! non ! C’est l’oncle Joseph Zuzen Kodjo de Souza.

*
* *

- Q - Dans les années 1950, à quoi ressemblait Kodjoviakopé, quand vous


étiez petits garçons ou jeune5 gens ?

- En 1950, le quartier commençait à grandir.

- Q - Il y avait beaucoup de maisons, en partant de la mer ?

- C’est dommage que je ne puisse pas vous donner une repense satisfaisante
parce que j’etais en Guinde à œ moment-là. C’est mon grand-frère qui peut vous
repondre. Le boulevard de la Republique existait dejà ; derrière, il n’y avait que des
pistes et des rues de peu d’importance.

- Q - Juste un rang de maisons le long du boulevard, et derrière : lès


cocotiers.

-Oui!

205
- Q - Donc le cimetière Rcait IsoM au milieu des cocotiers ?

-Non, il y avait dejja des maisons dans les cocotiers.

- Q - Malr le cimetiètz lui-même était-il toul seul, ou y avaic-il déjd des


maisons autour ?

- Non, il n’y avait pas de maisons autour, à ce moment-là, seulement des


cocotiers.

- Q - Y avait-il des mui~ons le long du Boulevard circulaire ?

- Oui, il y avait des maisons depuis l’ambassade d’Allemagne jusqu’à la frontière,


à la douane, des maisons en dur et des maisons en banco.

- Q - Et quand est-ce que le quartier a vraiment commencé à se dévelop-


per ?

- Le développement du quartier a commence dans les annees 1954.

- Q - Et comment est-ce que ça a commencé ?

-Par des maisons en briques cuites.

- Q - C’était des gens de Lomé qui venaient demander les terrains ?

- Non ! Ce sont les autochtones. Au moment de l’urbanisation, certains proprié-


taires ont vendu leurs parcelles aux gens de Lame, et avec cette somme ils ont construit
sur leurs terrains.

- Q - En principe, tout le quartier formait un seul titre foncier, détenu par


Henri de Souza.

-Oui!

-Q- A-t-il parta& le terrain entre ses fils pour que ceux-ci puisseti
vendre ?

-Ah non ! Le titre foncier 31, vous savez, a et6 cree au nom de Kodjovia pour
qu’on puisse nommer un administrateur pour le gérer, mais ce n’etait pas sa propriété.

- Q - Ceux qui ont vendu k faisaient-ils en plein accord avec la communau-


té ou est-ce que lès gens ont commencé, par appât de l’argent, à vendre un
peu n’importe comment ?

-Apres la mort de Kodjovia, œ sont sesenfants qui payaient I’irrqxSt foncier pour
le terrain du titre 31; les gens de Kodjoviakope ne payaient pas. Alors nos Peres ont

206
demand6à prendreune partie de leursterrains et ont lai& le resteauxautres.C’estça
qui a 6té tit.

- Q - Quand a-t-on vmiment commenc4 les ventes en nombre important ?


Est-ce qu’il y en avait dtja beaucoup avant l’lndépndance ?

- D& 195557. L.esvraiesventesont d6but6 de 1958jusqu’à 1960.

- Q - Mais kès constructions ont eu heu surtout apnès l’Inde@endance ?

- La constructiona debut fort avant Hndkpendanœ.

- Q - D?tprès nos enquêtes sur le terrain, le quartier s’est essenttèlkment


peuph! dans les ann& 1962 d 1968. Auparavant, c’était des cocoteraias. Il
s’est peuple’ très vite, et pas vraiment sous forme d’un front de colonisation,
qui avancerait rue après rue : disons qu’en cinq ans, l’essentiel de Pespace
était occupe, en laissant encore beaucoup de terrains vides, qui se sont
peuples par la suite. Aujourd’hui, il n y en a plus guère. La densite de ce
quartier est de l’ordre de 120 habitants par hectare, ce qui est là densité
moyenne du vieux Lomé. Mais un caractère particulier de ce quartier,
comme d Nyékonakpoè, c’est la présence du lycée français depuis une
quinzaine d’ann&s, ce qui a amené une concentration de belles maisons
destin& d la location aux étrangers, qui ont tous scolan3 leurs e@mts
dans cette école et ne souhaitent pas faire des transports longs et
compliqués.

Ici, quand avez-vous commencé à avoir une école pour le quartier?

- Vers 1920.

- Q - Où- étaibellè située ?

- Dans la maisond’Ahadziesso.

-Q- L%êole publique d’aujourd’hui n’est pas l’h.eritiere de cette &ot&


ld?

-Non!non!

- Q - Quand est-ce que l’école publique a été construite ?

- L’École&ait dansla maison.Danslesannkes1930,on avait aussiconstruit une


chapelle,danslaquelle on faisait l’&xAe.

-Q- Une chapelle catholique ou protestante ?

- Catholique!

207
- Q - Les Anlo t.%aient pourtant plutôt protestants ?

- Nous, nous sommes des catholiques.

- Q - Quand a-t-on cr& la paroisse actuelle, «Christ-RoL, ?

- La paroisse a été creee dans les environs de 1949-50 : chaque dimanche, les
prêtres venaient à tour de r61e pour y chanter la messe (5).

- Q - Et il y a quelques annhs, on a construit l’églke actuelle ?

- C’est en 1967 que sont arrives les prêtres comboniens (6). Mais l’eglise Christ-
Roi actuelle a ete terminke en 1982.

-Q- Tout dernièrement, on a réaménagé Pécole publique, en faisant un


grand bâtiment qui pouvait réunir les deux anciennes écoles.

- Oui. Ça fait environ trois ans.

- Q - A quand remonte le CEG ?

- Le CEG ~HO~@U%~» (7) ? A 1981. Quelques ann&s après, on lui a ajoute un


etage.

- Q - Donc vous êtes un quartier bien équipé en infrastructures sociales,


et il y a Peau, l’électricité...

- Oui. Mais nous avons encore beaucoup de rues qui ne sont toujours pas
amenagkes, et cette situation perturbe la circulation automobile dans le quartier.

- Q - Et au bout, vous avez la frontière, qui représenfe une activité très


importante (quand elle est ouverte). L.e Togo est, en fa& toujours au coeur
des activités commerciales le long de IQ côte. C’est quelque chose de
frappant de voir comment, ici, on vit en permanence dans un grand courant
d’tkhunges qui va du Ghuna et même de la Côte d’ivoire, au Nigeria, voire
au Tchad. Donc d ce poste frontière, il se passe énormement de choses,
activités commerciales et puis aussi activités de loisir, de plaisir, activités
de distraction (notamment pour les gens qui y passent la nuit), plus ou moins
recommandables, mais qui *font vivre beaucoup de gens.

- Ah, si la frontière est fermee (8), le commerce est paralysé, il n’y a plus
d’activitks... Mais quand elle est ouverte, ah là, il y a des activités ; il y a,des marchandi-
SesquiviennentduGhanaet quivontdeLomeauGhana.

(S) Erection officielle en paroisse en mai 1964.


(6) Pt?res italiens, aks Missions af?icaines de Vt!rone.
(7) ~Les clakw, qui entouraient ti l’origine les batiments.
(8) C’était notamment le ~cas en if98383.

208
m Q - Hécas, il np a pas que les man%mdis~ honnêtes qui viennent du
Ghana, mais awsi dès traf@ants de taules sortes.

- On paye des fois la douane, mais les trafiquants sont nombreux. Il y en a qui
passent par la mer, et ailleurs...
*
* *

- Q - Et les pêcheurs ? Sont& encore nombreux ? On voit beaucoup de


pirogues en bord de mer : est-ce qu’il reste encore beaucoup de familles
de pêcheurs ?

- Je pense qu’il y a sept kquipes ici, sans compter ceux qui font la pêche à la
ligne, et puis des filets dormants, et les autres.

-Q- Combien une équipe compte-t-elle d’hommes ?

- Une équipe compte 30à 40 personnes.

- Q - En comptant ceux qui partent sur les pirogues et ceux qui restent d
terre d tirer les filets ?

- Ceuxqui partent sur la pirogue pour pagayer et aller jeter le filet dans la mer
sont au nombre de 12 à 13. C’est un mktier kpuisant.

- Q - Ça veut dire donc qu’environ 250 adultes travaillent à la pêche ?

-Ah,jevousaiparlédesept kquipes,n’est-cepas?Vousavezdoncmultiplié?

- Q - Oui.

-Ah bon ! D’accord ! Ça peut êtrevrai...

- Q - Avec hrs femmes et kurs enfanh : ça fait donc plus de 1000


personnes qui sont nourries par la pêche.

- Oui ! Les femmes, ce sont elles qui achetent pour aller revendre. Il y en a qui
fument, il y en a qui sèchent les poissons, pour aller les vendre dans les marchés de
Iamf5.

- Q - Ce qui m’a frappé, en dkcutanf avec les pêcheurs de h%djoviakop&


c’est leur txtrême fiirté. Ils sont fîîrs de leur métier, qui est un métier
d’hommes libres, qui peuvent bien gagner leur vie grâce à leur technicité
et à leur courage, grâce à leur connaissance de la mer. ILY me disaient qu’on
peut envoyer les filles d Pécole, ce n’est pas grave ; mut%, pour les garçons,

209
il faut qu’llr apprennent trt% tôt la mer, qu’ils sachent se débrouiller, parce
qu’un bon pêcheur -surtout s’il possède son file& peut toujours vivre.

On a donc ici, en plein milieu urbain, kà persistance très forte d’un


noyau vilhgeois, non pas rural mais pêcheur, qui a gardh tout d fait su
cohérence et sa personnulitt$ son patriotiwne & communauté, en se mêhnt
assez peu aux autres, et ayant pendant longtemps, d’ailleurs, entretenu
une certaine peur dans le quartier, parce que ces solides pêcheuts sont
réputés particulièrement impitoyables quand un voleur se faisait pren-
dre... D’oh une shri&! qui ajoute aux avantages de ce quartier que vous
nous avez aidés d dkcouvrir.

210
no 18

L’EDUCATION DES JEUNES FILLES :


LES ANCIENNES ELEVES DES SOEURS
DE NOTRE-DAME-DES-APOTRES

Maître Marguerite AdjoaviTHOMPSON-TRENOU


(née à Tsévié en 1921)

avec ses amies,

Mmes Olga LAWSON,


Symphorienne KOSSM-BENISSAN,
Claire KRUEGER, etc.

- Q - Aujourd’hui, nous avons plusieurs interlocutrices : des dames qui ont


en commun d’avoir été dans leur jeunesse, internes à l’école des soeurs,
dite de la rue de lu Mission...

- C’est-à-dire «Notre-Dame-des-Apôtre», ou «Lome-Plage...».

- Q - Comme ~US sommes muitienant au début des fêtes de Noël (11, nous
souhaiterions que vous nous évoquiez la manière dont on pouvait célébrer
Noël à Lomé autrefois, c’est-à-dire avati la seconde guerre mondiale, et
en particulier comment vous, les internes d’une école religieuse, vous
pouviez fêter Noël.

-Autrefois disons entre 1930 et 1940-à l’internat «Notre-Dame-des-Ap&re&,


la fête de Noël était l’evenement le plus grand, le plus solennel qu’il pouvait y avoir
dans une année. Quand levent de l’harmattan commençait à souffler, nous sentions
dejà que Noël approchait, avec une atmosphère de joie et de gaieté. Alors nous
commencions à apprendre des chants de Noël, des chansons de divertissement, des
petites cantates..., sans oublier les préparatifs pour nos habillements et nos parures.

Le24décembre,nousvoici toutaffairéesenpetitsgroupes,parci,parlà,dans
la grande cour, chantant et dansant, courant et tapant des mains aux rythmes des danses
nago (2) : «ballona tchéina...~~.(Rires).

(1) 1987. La seconde partie de l’&n~ion a &tt diffusée uMrieurernent.


(2) Yoruba

211
- Q - Pourquoi des danses nago ? N’étiez-vous pas pour hz plupart des
Togohî.w du Sud ?

- Oh, il y avait à l’internat desfilles nago, fon, guin, anlo, deGSte-d’ivoire, du


Sertegal...

- Q - Pourquoi était-ce alors plutôt des danses nago qui avaient votre
préférence ?

- Nous aimions beaucouplesdansesnagoparcequ’ellessont trèsgracieuses.

- Q - Est-ce qu’on lès danse encore d Lomé ?

- Bien sur ! tout le temps!

-Q- Est+e qu’elles sont passkes dans le patrimoine loméen ou bien les
gens d’aujourd’hui savent-ils encore que ce sont des danses nugo ?

- Oui ! Et lesgoumbé ! Le goumbe est aussiune dansede forme nago. Nous


avions aussila dansedesGuin que nousappelions «touméwé».

- Q - Danse qu’on e.w!cute surtout avec les bras en haçant les coudes par
derrière, n’est-ce pas ?

- Oui, par derriere ! C’est ça ! (Rires) Le soir de ce 24 decembre, avant 17


heures,lessoeurspreparaient descadeauxdeNoël,qu’on étalait sur la grande table.
Il y avait toutes sortes dejouets : despoupees,desparfums, deseffets de cuisine, de
jardinage, de couture.

-Q- Hormk lès poupkes, t’étaient plutôt des cadeaux utile.~~ quand
même ?

- Parce qu’en cestemps-là, on nous faisait faire des petites robes pour les
poupées...(Rires).

Après notre grand-maman,«MotM Gallican»(3), et la Soeur Ischyrion(4) nous


preparaient desmorceauxd’etoffes que nous appelionswssLssunw. Alors quand vous
aviez fait quelque chosede mal ou bien quand vous aviezmanqué à fairevos devoirs,
on nevous donnait pasd’assissan: c’estquevous neméritiez pasdecadeaux.

- Q - Et qu’est-ce que l’on faisait avec des assissan ? Etait-ce uniquement


des esp&es de bons points ou bien cela servait-il d faire quelque chose ?

(3) Religieuse ahacienne de la congrkgation de Notre-Dame-des-Ap&res, trés longtemps


a!irectrice de l’tcok des Soeurs de bmt! ; au Togo de 1919 rf sa mort, en 1956
(4) Religieuse suisse ; au Xogv de 1920 b sa mort, en 1950.

212
- Oui, ça nous servait à faire de petites robes. Nous assemblions les «ussassan»
(Rires). C’est levrai mot. C’est la soeur européenne qui les nommait «assissan» (5)
(Grands rires). Nous assemblions ces petits 4zhantilIons pour faire de petites robes, des
caracos.

Quand tout le monde avait pris son cadeau, vers 19 heures (déjà il faisait nuit),
alors nous voici affairees au feu d’artifice, qui illuminerait toute la grande cour.

- Q - Qui est-ce qui le tirait ? C’était votre école ou la municipalité ?

- Non, c’etait notre école, c’était notre feu d’artifice.

-Q- C’est-à-dire de petites fusées de couleur ?

- Oui. Des feux qui illuminaient toute la grande cour, et des pétards qui crépi-
taient de toutes parts. A 21 heures déjà nous nous pressions dans les salles de bain, les
dress-rooms, pour nous parer de jolies robes de soie, de parures, de grands foulards...
Il fallait nous voir avec nos souliers, quelle fierte nous avions ! En ces temps-là, quand
nous etions fières, nous disions : on fait la«grandeuse» (Rires).

Au loin, on entendait la grande cloche de la cathedrale, qui sonnait à toute


volee. En route, sous la conduite des soeurs ! Il y avait Mat/~er Gallican, Soeur
Ischyrion, Soeur Germana (6), Soeur Vincent-Marie (7), et les autres...

A minuit, nous sommes dejà devant l’Eglise. Mgr Jean-Marie Cessou et tout le
clergé Ctaient là, en grande tenue ; toute la chretiente aussi etait là. A la messe, les
chants nous egayaient beaucoup. Et de la grande tribune tonnait le «Minuit, Chréhèns~~
chanté par feu papa Armerding (8) et la voix de basse de papa Télagan, qui secouaient
toute la chrétienté.

- Q - C’étaieti les plus beUes voix de lu ville ?

- Oh oui, alors ! (Rires) Et on jouait du violon, en ces temps-là, et de la guitare...


et l’organiste etait aussi un de nos anciens : c’etait M. Lawson Têtêvi (9) qui jouait
l’orgue à l’epoque.

- Q - Cordon était-il encore 12 ?

- C’est après Gordon qu’est venu M. Lawson Têtevi. Nous etions du temps de
M. Lawson.

(5) D&igne en mina une graisse de poisson...


(6) Au Togo a2 1933 à 1941.
(7) Au Togo ak 1931 d 1938.
(8) P2re de Mme Olga Lawson.
(9) Fut~ mari de cette demière.

213
- Q - L’église d’hutivé a eh? construite d cette t?poque, en 193334. Est-
ce qu’on y disait aussi (a. messe de minuit, ou bien tout le monde se
retrouvait-il d lu cathédrale 1

- La messedeminuit etait faite à la cathedrale.Des gensvenaientde Cotonou et


deKeta pour assisteràcette messeparce qu’il y avait degrands chanteurs.

- Q - Quelle était la décoration ?

- II y avait un comitéparoissialqui deuxait l’égliseavecdesbanderoles.Ce sont


les messieursqui décoraient les autels.Les soeursapportaient aussidesfleurs pour
leur decotation (et cecijusqu’àmaintenant).

Apres la messede minuit, nousretournions à l’internat et la fête commençait,


anim6epar de jolis chants,commecettechansonde l’ancientemps:

Noëh noël, Ave maria !


Noël, noël, Ave maria !
Qu ‘il soit joyeux !
Quel doux mystère !
Paix sur la terre
Et dans les cieux..

- Q - Tout ça se chantait à lWern& ?

- Oui. A la sortie dela grand-messedeminuit, nous revenionsà l’internat, et tout


celasechantait là-bas,pasau dehors.Et nous avions toutessortesdejolies chansons;
en voici encore une :
En cette nuit
D’O~ vient donc sur cette terre
Cette vive lumière
Qui nous éblouit ?
Ne craignons pas !
Pressons nospas !
Bergers, c’est le Messie
Qui vient ici bas.
Courons, joyeq
Voir de nos yeux
Jésus, né de Marie
Tout près de ces lieux

(Rires). Vous voyez..

- Q - Est-ce que vous aviez une chorale qui chuntait aussi d la cathedrale?

- Oui, nous avionsune chorale paroissiale,fondée par Mgr Jean-Marie Cessou.

214
- Q - Et vous-mêm, les jeunes j5%s des soeurs ?

- Oh, nous avionsune petite choraleau sein de l’internat.

- Q - Et vous chmtitz à h messe ?

- Nous chantionssurtout lesmessesde requiem à la cathédrale.

- Q - Pour des jeunes jL!les, était-ce ce qu’il y avait de plus gai ?

- Nous partions de l’internat tous les matins avant 6 heures pour aller à la
cathedraleassurerla messederequiem.C’etaitcommeça,autrefois : c’etaitlesfilles des
soeursqui chantaientlesmessesde requiem.C’etait unebonne formation.

Maintenant que nous étions revenuesà la maison,après la messede minuit,


notre grand-maman, la révérende mere que nous appelions Mother Gallican, avait
penseà nousen dressantdestables.Nous nousmettionsalors à table,devant nostasses
dechocolat au lait, tout chaud,avecdesbiscuits,et nousvivions cegrand moment de
rejouissanceentre camarades.Par groupes,car il y avait à l’internat les grandes,les
moyenneset les petites, et toutes sesentaient très unies dans une grande famille à
I’intemat

- Q - Quel ii@ avaient les plus petites ?

- Les soeursaccueillaientlesenfantsà partir de trois ansdéjà.

-Q-Etksplwgrandes?

- Les plus grandesavaient 15,16 et 18ans,et mêmeplus,jusqu’à 20 à 21ans,les


moyennesentre 14et 16ans,lespetitesde3ansjusqu’àSans.

Après le réfectoire, nous allions nous coucher. Au petit matin, nous nous
réveillions pour aller à la chapelle. (Nous avions une chapelle à l’internat, où nous
allions prier tous les matins)( Nous allions doncà la chapelle pour continuer la
messe: c’etait l’habitude cheznous.Les soeurs,qui avaient une petite chorale au sein
de l’internat, assuraientcettepetite messe.Il y avait SoeurVincent-Marie, SoeurJulie-
Louise, etc.,qui entonnaient deschantsavecleursvoix angeliques.

Ecoutezceci:

Berger, berger, vois-tu U-bas, là-bas, Id-bas,


Berger, berger, c’est là le temps, va-t-en le temps,
Rien qu’en voyant cet humble étable,
03 E’on a dit : c’est le Sauveur !

(10) Elle y est toujours

215
(Rires). Jevoudrais ressemblerun peu à SoeurJulie-Louise lors de cesrejouis-
sanws,maisjen’aipasdevoixcetaprès-midi... (ll).Lessoeursavaient préparécette
messepour nous egayer à l’occasion de cette fete de Noël, rien que pour la fete de
No& Nous devionsaussiassisterà la grand-messede9 heures.Apres la chapelle,nous
nous preparions donc pour la grand-messedu25decembreà la cathedrale.

Apres celle-ci,nous retournions à l’internat. C’est alors que notre revérende


mère nous donnait l’autorisation d’aller fêter àla maison,avecnos parents,qui nous
donnaient dejolis cadeaux...,sansoublier telle tante et tel oncle qu’on devait visiter
parce qu’il faut toujours denicber un cadeauou quelquessousquelque part... Alors,
c’etait la grandevie à l’internat H

- Q - Et celles qui n’avaieti pas leurs parents d Lomé 7

-Voussavez, nouseti0n.stoutesenamitie, àl’internat. Des fois, nouslesame-


nionsdansnosfamilles.Cellesqui nevoulaient pasrestaientà l’internat, pour continuer
leur fête avec les soeurs.

-Q- Quelle était la provenance des cadeaux qu’on vous donnait d


1’internai ?

- Les soeurs,aussibien queleurs parents,avaientdesbienfaiteurs qui leur four-


nissaientcescadeaux,qui arrivaient de France.

- Q - En sortant dans Ia ville, est-ce qu’on retrouvait partout les jules de


l’internat ?

- Non, nous n’avions pas beaucoup de temps pour nous promener. Nous
aimions mieux rester à la maison, en famille. C’était pendant les vacancesque nous
avions ce privilege. Alors, pour cebref lapsde temps,nousprofitions pour rester avec
nos parents,discuter deschosesinteressantesou bien visiter une tante ou un oncle à
côte. Nous devions être àl’internat à 18heures,et dejà à 17h 30 nous y étions, parce
que c’était la regle, autrefois. Alors finissaient à moitié les festivites de Noël, la nais-
sancedu Seigneur. Jedis cela parce que tout n’etait pasfini : les festivites ne s’arrê-
taient pasavecNoël : il y avait aussile jour de l’An, l’autre moitié.

- Q - Entre Noël et le jour de l’An, vous restiez d l’internat 7

-Oui!

- Q - Mais cVtaient ks vacances ; vous n’aviez pas de cours. Comment vous


occupiez-vous ?

- Nous restions à l’internat parce que nous y Ctionsnourries : au debut de la


rentreescolaire, le taux desfrais del’internat etait fixe pour chaque mensualite.Nos

(11) Les auditeurs auront h,ti d’eux-mbnes...

216
patentsne nousdonnaient quede la petite monnaie pour l’argent de poche.Mais pour
la subsistance,c’etaient les soeursqui s’en occupaient. Nous avions le dejeuner, le
repasde midi et le repas du soir.

- Q - Avez-vous une id& de ce que vos pBrents payaient pour çet


intwnat?

- Oh, oui ! En cestemps-la,c’etait60 francs; bien avant,c’était20à 21F par mois


pour chaquetete.

- Q - Est* que c%.tait une somme importante ?

- Oui, c’etaitune sommeimportante,en cestemps-là,car qui pouvait gagner21


francs,100francs,60 francs? Cétait beaucoup!

Il y avait deux sortes de cuisine, la cuisine des soeurs,«Sisterskitchen»,et la


cuisine desinternes, pour les filles. Alors il y avait une maman que nous appelions
~4ssimeto bémudame» (12), unevieille damechrétienne choisie pour preparer nos
mets.C’est unegrande interne qui s’occupaitdela cuisinedessoeurs.

- (Mme Lawson) - VoyezMadameAdjoavi Tr&ou ; c’estelle qui préparait la cuisine


dessoeurs...

-Q- Mme Trérwu, pourquoi vous-même, par exemple, étiez-vous en&&


à L’internai ?

- Mes parentsont décidédem’envoyera l’internat parcequej’ai et6 tr& malade


en 1931. Ma mère a eu tr&s peur. Ils ne savaient pas si j’allais survivre, et comme
t’étaient toujours les«azetou(13) qui rendaient maladesles enfants,on a décidéde me
mettre chezles soeurs,sousla bonne protection de Notre-Dame de l’Immaculee-
conception(c’estla statuequi gardaitl’entr&ede la porte). Ainsi,mesparentsont pense
que, sousla gardede l’Immacuh%conception,aucun mal venu du dehors ne pourrait
plusm’atteindre

- Q - L.e père Gbikpi nous a par& de la vie d lWern& suivant les premiers
pères allemands : un btî!timent entourt! d’une haute muraille avec une seule
porte. N%%iez-vous pas gêrufes d’être ainsi cloîtr6es dans cette enceinte?

- Non, on n’était pasgenees.Croyez-vousqueles filles sortaient comme elles


voulaient, dansl’ancien temps ?Non ! Chezsoi, à la maison,les filles etaient tenues
commesi ellesetaient dansdesinternats. Moi, je merappelle très bien, mesparents
n’ont jamais autorisé que nous regardionsmêmepar-dessusle mur de la clôture de la
maison quand passaient les gens avec leurs orchestres. Parce que, autrefois, les

(12) *La dame qui va au marchb


(13) Sorcitires.

217
orchestres,avantd’alleràTony&iadjiouàAdjangba, faisaient le tourdelaville (qui
n’était pasgrande), et, au fur et à mesure,lesgenslessuivaient déja.Je ne mesouviens
pas d’avoir jamais regarde par-dessusle mur un cortège qui passait devant notre
maiml.

Nous Ctions donc bien protégeesà l’intérieur de cesmurs. Il y avait le mythe


que, à l’intérieur de cette enceinte, rien ne pouvait vous atteindre. C’est pour cette
raison-là que mesparentsm’avaient envoyeea l’internat chezlessoeurs.

- Q - Revenons un peu aux périodes des fêtes. Est-ce qu’il arrivait aux
jeunes internes de préparer des saynètes ?

- Ah ! Pour ça,c’etaient les chrétiens d’AgouC qui venaient jouer à Lomé la


naissancede J&us-Christ, au tempsde Noël. Au tempspascal,nous preparions des
saynètesà l’internat, surtout quand il y a une grandefête, la fête dessoeurs,et celle de
Monseigneur, et aussidesdirecteurs.

Nous préparions aussidu theâtre et je me souviens encore du the$tre sur la


guerre de Cent-ans que nousavonsjoué à l’internat au moment de la fetede Jeanne-
d’Arc

-Q- Cela disait vraiment quelque chose aux jeunes Togokses, cette
vieille hktoire de Jeanne-d’Arc et de guerre de Cent-ans ?

- Ah oui ! La guerre de Cent-ans,où la France a failli perir (Rires). C’etait au


XIVe siècle(Rires). Nous l’avonsbien jout%,hein ? On avait invité mêmele gouveme-
ment, lesofficiels, qui sont venusvoir notre théâtre.

- Q - Comment ça se passait-il ?

-Oh, trèsbien !

-Q- Pouvez-vous nous décrire comment vous l’aviez préparée ?

- Ça a été une grande fête : il fallait nous voir jouer Jeanne-d’Arc, la «Berg&e
de Donrémyw. Moi-même je l’ai jouee. Vous voulez une chanson de la Bergère de
Donrémy pour terminer ?

- Q - Bien sûr ?

Joyeux N&I, chantons sans Fein,


Le refrain plein d’entrain.
Déjd la bergère immortelle,
Du pays de Moselle,
A tous les tlchos des grands bob,
Que 1‘on voit h la fois,
Chanter la tique-tournelle.

218
On chantait autrefois Jeanne de la Lorraine,
C’est elle qui, sespetits pie& dans ses sabots,
Enfant de la plaine,
Filait en gardant ses troupeaux,
Qui, dans son jupon de laine,
Avec ses sabots dondaines,
Oh!Oh!Oh!
Avec ses sabots,
Sion allait sans émoi, le coeurplein de foi
Pour défendre son roi
Chers enfants de la Lorraine,
Des montagnes à la plaine,
Oh!Oh!Oh!...

Vous voyez! (Rires).

- Q - Et vous montiez à cheval ?

- Mais oui, on montait àcheval! Il y avait Jeanned’Arc preparéesur son cheval,


et son page,avecl’armure, hein ?son armure et son oriflamme...
*
* *

- Q - Mme Trenou, voudriez-vous twus parler un peu plus de ces soeur


de la Plage

- Nous étionsavecdessoeurseuropéennes,rien quedessoeurseuroptknnes,


qui venaient d’Alsaceet de Lyon, de la sociétédesMissionsAfricaines deLyon. Ces
soeurs, et déjà la Mère Gallican, etaient venues de Keta avec d’autres, dès 1918.
Cetaient dessoeursanglaises(14), parcequ’elles parlaient l’anglais.Une interne les
avait suivies.C’etait mademoiselleAmorin (aujourd’hui Mme Gaba, Patricia Gaba).
Alors a commencel’internat Notre-Damedes-Ap&res. Avant, les soeursallemandes
n’etaient pasde la congrégationNotre-Damesdes-Ap&res ; ellesetaient SW ,

-Q- C’étaient les soeurs de la Société du Verbe Divin, de SteyL Les


bâhnents de l’école datent de 1907. Est-ce que c’était d& un internai, de
la naême manière ?

- Oui

- Q - Donc en 1918 arrivent des soeurs anglaises, mis les t%?ves restent?

- Oui ! Elles sont restées.C’estdela que nous avonsgarde lesnomsde«roomu,


ndress-room+ etc.

(14) En fait une Françake et ahu Irlandaisq arrivées en murs 1918.

219
- Q - Les noms des pièces sont restés en anglais depuk cette époque Id ?

-Jusqu’à notre sortie de l’internat, nous disions toujours «parfoum, «church,


«dress-room» (Rires).

- Q - Qui receviez-vous au parloir ?

- Oh ! On recevait les visiteurs. Quand nos parents nous visitaient, on leur


donnait un siège au parloir, puis on vous appellait. Gare si vous aviez fait quelque
chose de mal ! Vous n’irez pas aux festivites, vous n’aurez pas de cadeaux... Alors
quand nos parents venaient, on nous appellait :

«- Ton père est venu


- Oh ! ma Soeur !...
- Mais ne dis pas «ma Soeur» ; ton pere est là...
- Ah bon, ma Soeur, excusez-moi si j’ai mal fait :
prochainement je ferai mieux !»

Nous avions et6 bien formees, à l’internat, et cette formation nous a beaucoup
aidees, jusqu’à maintenant. Et c’est de la meme manière que nous avons eleve nos
enfants.

-e- Est-ce que vous pouvez caractériser cette formation ?

- C’est surtout à l’obeissance. Quand on vous dit de faire ceci ou cela, il faut
l’exécuter, rester à sa place. Nous n’avions pas le droit de quitter l’internat sans la
permission de nos parents et des soeurs. Si nous etions malades et que cette maladie
devait nous conduire jusqu’à l’hospitalisation, les parents devaient venir demander
l’autorisation. Nous etions à l’internat sous une bonne garde, mais pas très sévère, car
on nous a élevees avecamour : on nous faisait comprendre quec’est pour notre bien
et pournotreavenir.

A l’époque, l’éducation etait telle que nous pouvons encore, sur bien des plans,
nous enorgueillir d’avoir rqu cette education, que, dans l’ensemble, nos filles, aujour-
d’hui, ne reçoivent plus. Elle etait speciale : par exemple, pour l’enseignement de
l’économie domestique, nous faisions de la broderie, et on nous initiait aussi à la cuisine
européenne (car nous devions preparer pour les soeurs). On nous delèguait à tour de
role pour faire la cuisine à nos compagnes, parce que, au début, il n’y avait pas de
cuisinière salariee. Donc les eleves etaient classees en trois groupes, les petites, les
moyennes et les grande,s ; à tour de role, une grande et une moyenne étaient de
service à la cuisine pour les eleves, pendant une semaine, et un autre tour venait
ensuite pour la cuisine des soeurs. Là, chez les soeurs, il y avait une soeur chargee de
la cuisine qui nous initiait, et nous preparions leurs repas. Voyez par exemple, moi,
j’étais sacristine : c’est nous qui fabriquions les hosties, celles de la communion qu’on
distribuait aux gens. On preparait la pâte et on faisait les hosties. Je ne sais pas si
actuellement, c’est fait mkcaniquement, à la machine... Mais à l’epoque, pendant toute
une journée, nous fabriquions les grandes hosties, et les petites. On était heureuse de

220
le faire. Nous lavions les linges,nous savionsapprêter le linge, faire les repassages,
ou
bien passerpour le repassageau rouleau,ou bien le linge apprêté, empesk.C’estnous
qui repassions tous les linges qui servaient pour l’eglise, pour orner l’autel à la
cathédrale,et puis nos chapelles,etç

- Q - Donc toute une éducution pratique ?

Les soeursont penseque, à côtéde l’instruction pure que nous recevions,nous


devions être prépartks comme de futures meres de familles et que nous devions
joindre à cetteinstruction notre éducationà la vie familiale, pour plus tard. Au jardin
potager, c’est nous qui plantions les plantes potagères,et tout. Nous crééions les
parterres. Nous faisions tous lestravaux (mêmerepugnants), ceque lesfilles aujour-
d’hui n’accepteraientjamaisde faire. Par exemple,lesvidanges: c’estencoreà tour de
role que nous faisionslesvidanges,que nousdeversionsdansle jardin, un vastejardin
qui setrouvait à cote,et, plus tard, quandc’etaitdevenufumier ou engrais,alors nous y
plantions deslégumes.Il y avait touslesgenresdetravaux qu’on peut demander plus
tard à une maîtressedemaison,broderie, reprises deslinges, etc.Nous faisions tout
cela,allie au travail scolaire.Naturellement nous perdionslesmatinéesd’une semaine,
deux ou trois fois par an, quand nous étions de cuisine.Nous n’allions à l’ecole que
l’après-midi.Maisçan’a pastellementagi sur lesrésultatsdel’annéescolaire.Peutêtre
parce que nous avions desheuresd’etude fvres,auxquellesétaient astreintesles filles
du dehors ; c’est pour rattraper cestemps-la avec lesautres qu’on avait des heures
d’etudes.

Nous avions ausside l’t5ducationreligieuse. Non seulement l’éducation reli-


gieuseetait donnée avecles autres,pendant les heures de classes,mais nous encore
lesdimanches,à la sortie dela messedela cathédrale,il y avait une demi-heureà trois-
quarts d’heure decommentaire de l’évangile du dimanche. De notre temps,la piete
Ctaitexigéeaussibien à l’intérieur de nous-memesqu’à l’exterieur. Il faut éviter toutes
les distractions, etc. On ne devait pas attirer le regard des gens avec des tresses
spéciales.Si vousétieztête nue, vousvous couvriez la tête pour aller à la communion.
Nous, nous etions en uniforme, habillees de la même façon ; tout etait prepare ;
personnene faisait d’extra.Et puis,à l’époque,il n’y avait pascestresses-là: autrefois,
pour lesjeunes,c’étaitassezstrict ! Mais nousaimionsça,parcequ’il n’y avait pasautre
chose : on n’avait pas d’élementsde comparaison pour dire «on aurait été mieux».
C’Ctaithabituel de tresserles filles,maisil y avait aussidesparents qui faisaientcouper
lescheveuxras,et çan’avait rien de mortifiant : c’etait la vie normale.

-Q- Combien étiez-vous d%!&es simulta’ment ?

- Trente ! quarante ! cinquante! jusqu’àsoixante...

- Q - Mais ça s’échelonnail surtout entre 6 et 18 ans, c’est-â-dire que cela


faisait d’ussez petits unités pur trunche d’âge ?

- Oui. Il y avait aussidespetitesqui ont perdu leurs meres,qui arrivaient. Alors


on lesgardait jusqu’à la maturite -18ans-à l’internat. Il y avait aussicertainesdont les

221
parents n’arrivaient pasa payer,alors lessoeursacceptaientquand memecesfilles-là
jusqu’ala fin de leursktudes; ou bien,souvent,on lesarrêtait aucoursmoyenpremière
annke et on leur demandait de remercier pour le temps passe sans payement à
l’internat. Elles faisaientalors un an ou deuxanscommemonitricesdansl’école.

-Q- Est-ce qu’il y avait des externes à Notre-Dame-des-Apôtrtx ?

- Oui ! Nous parlons toujours del’internat, maisil yavait aussidesexternes,et


nous Ctionsmklangéespour les cours.Après les classes,nous regagnionsl’internat et
les autres, lesexternes,rentraient chezelles.

-Q- Est-ce que vous, les internes, vous décrochiez systématiquement les
meilleures places ?

- Ah, oui ! Le pourcentage était elevf5.Vous savez,lessoeurs nous parlaient


déjà en français.Ce n’estpascommemaintenant,où l’on peut parler le mina à l’Île.
On &ait oblige de rkpondre en françaisà la soeurqui posait une question.C’estce qui
nous abeaucoup aidées.

- Q - Dans les annk 1930, je pense que bien peu de jùmilles parlaient
français chez elles.

- Oui, en effet.

- Q - Donc, dans l’école, vous parliez fraqak bien davantage que duns les
familles de la ville, où, si l’on parlait une langue européenne, c’était
l’allemand ou l’anglais.

- Eh oui ! L’allemandou l’anglais...Mais tout de mêmeaussile français,dkjà bien


avant nous.Mon père n’avait jamais fait l’école française,mais l’école allemande et
anglaise.Il adû suivre descours du soir pour apprendre le français.

- Q - C’est-à-dire qu’il a appris le frayak en étant déjà à l’âge adulte ?

- Oui, il l’a appris ens’enlrainant auxcoursdu soir desadultes,à la maison.

- Q - Ma& plus tard, lui arrivait-il de parler couramment le français d la


maison, en famille, ou est-ce que c’était uniquement un moyen de travail
pour l’extérieur ?

- Mon papa,àla maison ?Desfois,maison n’en avait paspris l’habitude.C’était


quand nous rentrions à l’internat que nous devionsparler le français.

- Q - D’O3 la grande avance des internes, qui avaient une pratique


beaucoup plus quotidienne de la langue française, par rapport aux
externes ?

222
- Oui, parce que nous étions obligées : les soeurs etaient fiançaises et elles nous
parlaient toujours en français.

- Q - A quelle classe s’arrêtaient les cours, d l’école des soeurs ?

- Au cours moyen deuxième année ; puis, après, on a fait le secondaire, le cours


complementaire,

- Q - C9esr-àdùe d égalité de niveau wec le cou.~~ comphaentaire offikh


le futur lycée Bonnecarrère ?

- Ce n’etait que le commencement.

- Q - Et ensuite, pour continuer, qu’est-ce qu’il fallait faire ? Où fallait-il


aller si l’on voulait continuer les études ? Par txempk pour vous, Mme
Tr&ou, qui avez continué fort loin ?

- Au début ça s’arretait au CM2. Ensuite elles ont cr& le cours supérieur, qui a
commence avec ma promotion. Nous n’etions que trois ! Il y avait Mme Véronique
Ekué (née d’Almeida), feue Mme Marie John-Ayi et moi. Mais après notre certificat
d’etudes, nous avons prefere passer l’examen au niveau national, comme les autres
eleves de l’École laïque et des ecoles catholiques et protestantes. Comme c’était
nouveau, on avait un peu peur ; on se demandait où cela allait aboutir... Nous avons
préfere continuer à l’école Victor-Ballot. Je dis Victor-Ballot parce que, l’année
precédente, le cours complementaire deLorne avait eté jumelé avec celui du Daho-
mey, à la suite du jumelage des administrations du Togo et du Dahomey. La promotion
precedente avait fait sa première annee à Porto-Novo, et nous aussi nous avons dû y
aller. Peut-être etait-ce aussi par curiosite d’adolescentes qui n’ont jamais vu l’exte-
rieur, n’est-ce pas ? : pour une fois, onva quitter le Togo ! Nous ne nous sommes pas
pose la question du «pourquoi» ni du «comment»... Il s’est trouvé que deux de nous
trois avons souhaité continuer avec les autres Togolais qui allaient au Bénin.

- Q - Quel a été le plus gros chungement pour vous ? Sortir de l’école des
soeurs et arriver dans un collège laïque (en plus du changemeti de pays,
bien stîr) ?

- Premier changement, nous avions été à l’école rien qu’entre filles et,du jour
au lendemain, on se trouvait avec les garçons, d’abord pour passer le concours du
cours superieur. Nous étions deux filles de chez les soeurs, et il y avait deux filles de
l’écolelaïque.Ehbien,ils’est trouvéqu’onavaitfixélenombredefillesetdegarçons
à recevoir. Nous etions donc quatre et on n’en voulait que deux, et il s’est fait que ce
sont les deux filles de chez les soeurs qui ont passe. Vous voyez, on n’avait pas de
complexes du tout... Nous avions elimine les autres, et nous etions dejà fières ! Arrivees
à Ballot, nous avions été également des têtes de promotions : Mme Sivomey &ait @te de
sa promotion, j’etais tête de la mienne. On n’avait aucun complexe : l’enseignement qui
étaitdonnéchezlessoeursétait très, trèssolide.

223
Nous étions donc entrées à Ballot en octobre 1937. L’année suivante, en 1938,
normalement nous devions revenir ici pour continuer, mais, mon amie Veronique Ekué
et moi, nous avions suivi un autre concours : on venait d’ouvrir l’ecole normale de
jeunes filles de Rulisque, au S&tegal. Alors, admises, nous sommes parties. C’est ainsi
que nous, nous n’avons pas terminé avec nos camarades du cours complementaire à
Lomé, où lis étaient revenus en 1938.

- Q - Vous aviez au& chez les soeurs un encadrement de discipline assez


strict. Une fois ce cadre dkparu, vous devriez peut-être vous sentir un peu
perdues ?

- Oh, non 1Ça nous était bien entre dans la peau, jusqu’à présent. Je suis encore
esclave de cette discipline, une discipline joyeuse ! Vous nous voyez ensemble
aujourd’hui : c’est bien assimilé, on est heureuses d’être disciplinks.

- Q - Et ceci, c’était donc surtout grâce d lu Mère Gallican. Est-ce qu’il y


avait d’autres soeurs qui ont été particulièrement importantes dans votre
fol-mal~n a

- C’est en tête Mère Gallican. Il y avait beaucoup d’autres soeurs comme Soeur
Ischyrion, Germana, les Soeurs Marie, Mélanie, Blanche,... etc.

- Q - Que sont-elles devenues ?

- Certaines, comme les Soeurs Ischyrion et Dionysius et la Mère Gallican, sont


déddées et enterrées ici, au cimetière de la Plage. D’autres sont rentrées vivre leur
retraite dans la congregation mère, en Europe.

- Q - Est-ce qu’elles ont fait des émulesparmi vous ? Il y a de vos anciennes


condisciples qui sont devenues religieuses enseignantes ?

- Oh, on n’y pensait pas tellement. Nous n’y étions pas forcees, et la mentalite, à
l’epoque, ne s’y prêtait pas. Je crois qu’elles ont dû se plier à cette mentalité. Je me
rappelle que, dans les années 1936-37, les soeurs nous disaient :

- «Les enfants, priez pour qu’on trouve parmi vous des soeurs».
On se lorgnait et on disait :
- «Petit Jésus, pourvu que ce ne soit pas moi ! ».
Nous, on ne s’y int&essait pas, mais on nous aurait bien voulues...

- Q - Est-ce que vous avez envoyé vos propres jZes à cet internat ?

- Ma fille n’a pas fait l’internat, mais elle a fait l’école des soeurs parce que nous
aimons $a, que nos filles frequentent l’école des soeurs. Car, awrt, il y avait l’enseigne-
ment du catéchisme (mais maintenant le catechisme se fait partout). J’ai une fille et un
garçon qui ont fr6quente l’École laïque. Mon fils a fait le collège St-Joseph, et nous en
avons envoyés à l’école laïque comme dans les ecoles religieuses. J’ai même une fille

224
qui a fait l’école protestante, bien qu’il n’y ait pas de protestants dans ma famille. Mais,
nous, pourvu que l’enfant prenne bien la première communion, qu’il aille à l’école
laïque ou chez les soeurs... Il faut quelavie religieuse ne soit pas négligée, pas du tout
alors ! Mais, indifféremment, on envoie les enfants dans n’importe quelle école.

-Q- A l’école des soeurs, toutes les élèves étaient-elles catholiques, ou


bien y avait-il d’autres religions ?

- II y avait d’autres religions, mais la grande majorite etait catholique. On recevait


aussi des protestantes @a Sylva, par exemple, était protestante). Elles se contentaient
de bien mener œttevie commune avec nous. Il y avait même aussi des musulmanes, des
filles quivenaient du Nord. C’etait la même chose. Ça ne posait pas de problème. On
pouvait avoir dans une même famille deux ou trois personnes qui vont à l’eglise
catholiqueetd’autresquivontàl’égliseprotestante. Iln’yapasdegrandsproblèmes
religieux au Togo...

-Q- Parmi vos condisciples des années 1930, et peut-être surtout des
années suivantes, apr& la guerre, quelles sont celles qui sont afies le plus
loin sur le plan scolaire ?

- Je n’ai pas les noms en tête, mais comme, dès 1937, on a cr& le cours comple-
mentaire, plusieurs eleves y sont allees. Il y en a qui ont fait le cycle complet, sans
chercher à travailler dans la fonction publique. II y en a qui sont devenues de simples
mères de famille et maîtresses de maison.

-Q- Vous-même, Mme Trénou, en quelle année êtes-vous entrée dans


l’enseignement ?

- J’ai suivi l’école normale de 19-38à 1940. Et comme mes autres collègues Mme
de Camps, Mme Ekue, Ckcile Kpodar et bien d’autres (comme Mme Creppy, qui a et6
longtempsdirectri~del’~coledelaMarina),noussommes trèsnombreusesàyêtre
entrées. Mais moi, j’ai été affectée à 1’Ecole normale, si bien que je n’ai pas commence
à travailler au Togo avec elles. Je suis restee encore pour sept ans au Sénégal, où j’ai
eté chargee de la surveillance generale de 1’Ecole normale de jeunes filles de Rufis-
que, et en même temps comme maîtresse de gymnastique, parœ que j’avais passe mon
brevet sportif.

- Q - Et quelle a été la suite de votre itinéraire ?

-C’etait très interessant,œr61ed’educatriœ,responsablede 120jeunesfilks


venues de toute I’AOF, mais j’ai eu aussi envie de voir autre chose. J’ai fait d’autres
etudes, par correspondance (c’est ainsi que j’ai eu mon bac en 1959), et j’ai pu assurer
les fonctions de secretaire génerale de 1’Assemblee territoriale du Togo, puis à
I’OMS (15) à Brazzaville, ensuite au Grand-conseil de I’AOF à Dakar et, enfin, de 1959

(15) Organisation Mondiale L la Sa&

225
à 1976, à la Chambre de commerce de Lomd, ceci tout en assumant mes charges de
mère de famille et de citoyenne. De 1969 à 1974, j’ai fait mes études de droit, tantôt à
Abidjan, tantôt à Lomtl, et je suis devenue avocat (stagiaire en 1974, titulaire en 1976), la
premi&re femme du Togo. Pour tout cela, il fallait savoir travailler et s’organiser, et c’est
à l’école des soeurs et à 1’Ecole normale de Rufisque que je l’ai appris.

*
* *

-Q- Est-ce que vous avez encore entre vous, les anckw élèves des
soeurs, une structure qui vous réunit, ou est-ce simplement l’amitié, les
souvenirs des années d’enfance passées ensemble ?

- C’est seulement le souvenir des annCes passkes ensemble, mais on est liées
comme si on &ait dans une amicale. On ne se voit pas périodiquement, mais, quand on
se retrouve, c’est tout comme hier. C’est la joie, les chansons anciennes, toutes les
pitreries que nous avions faites... On se rappelle nos fantaisies... On est très gaies, pour
la discipline qu’il y avait ; même nos enfants n’ont pas cette gaité. En plus, nous avons
gardé un ci3te enfant, qui nous est restC malgré l’âge.

- Q - Quand vous étiez jeunes filles, est-ce vous étiez parfois convoitées
par les jeunes gens de votre entourage ?

- Oh, on en parlera plutôt apr& l’émission... Mais si, on ne peut pas nier ça ! Ce
n’était pas comme aujourd’hui : on ne cherchait pas la compagnie des garçons. On n’en
avait pas le besoin : notre vie était très remplie. Peut-être aussi parce que on se mariait
jeune : entre 16,20 et 22 ans pour celles qui ont étk à l’kole. Sinon, en pays mina, le
mariage, c’est entre 28 et 30 ans pour la jeune fille, parce qu’il faut qu’elle apprenne un
mktier : si elle est chez une vendeuse de tissus, il faut qu’elle apprenne à vendre pour
celle-ci, et ensuite à vendre pour elle-même, à aller rkgulièrement travailler au marche.

- Q - Comment se présentait alors le marché de Lomé ?

- Le marche de Lomé était comme le marché de certains de nos villages d’au-


jourd’hui. Il y avait un c&k cimenté, avec toit en t8le. C’était là où étaient les anciennes
nanas qui vendaient les tissus. lElIes nUaient pas nombreuses, et, à c&k d’elles, il y avait
les hommes qui, avec leurs machines à pied, cousaient dans le marche. Vous pouviez
acheter un tissu ;VOUSle donruiezau tailleur à côté, qui cousait tout de suite. Mais, en
dehors de ça, chacun faisait son ugbado (16).

- Q - Est-ce que les femmes étaient déjà nombreuses d faire ce commerce


de pagnes ?

- Oui. A Lomé, c’était les femmes. Ma mère était dans le marché à côté d’une
dame très renommk, qu’on appelait Afïaviglo, épouse d’Augustino de Souza. Il y avait

(16) Abri, protégeant Nventaire.

226
une grand-mi?requ’on appelait Lissassi,la femme de papa Ayivor, l’un des grands
richards de l’+oque... Elles étaient rares : unevingtaine, pas plus !

Cesdamesqui vendaient destissusavaient beaucoupde filks pour lesservir. II


y avait une chose qui se passaitautrefois dans l’Éducation de la jeune fille. Cette
éducation devait être tri3 sévère,et lesparentsqui n’avaientpasà coeur d’&ver eux-
mêmesleurs enfants les confiaient à certains parents, car c’est chercher le bien de
l’enfant que de l’élever avec beaucoup plus de sévérité que de faiblesse.Alors, en
géntral, lesfilles étaient &v&s par leurstantes.Commelestantespaternellesétaient
toutespuissantes,c’estellesqui dkcidaient que tellesou tellesenfants deleurs frères
seraient élevéespar telle ou telle tante. Là, il n’y avait pas de tendressequi tienne.
Donc, de même que celles qui n’ktaient pas vendeusesde pagnes elevaient leurs
nièces,leurs petites-filles, lesautres aussiélevaient leurs nibceset les initiaient à la
vente destissusdepagne.Et commeon enamenait toujours plusieurs, unevendeuse
depagnespeut avoir forme beaucoupdenièces,10320 futuresvendeuses depagnes.
Elles allaient à la foire deVogan, àVo-KoutimC, àAgouCgan(17), etc.Elles allaient
vendre les pagnessoit avec les patronnes, soit envoyéespar les patronnes, et elles
revenaient faire lescomptes.Et plus tard quandellesdevenaientindependantes,ou se
mariaient, ellescontinuaient le commercedepagnes.C’estcommeçaque çaa prolifé-
ré. Toutes lesnanas d’aujourd’hui n’ont pas eu une mère ou une grand-mère ven-
deuse de pagnes.

- Q - En gtfm’ral, la jeune fdfe pouvait se marier avec un garçon de quel


âge ?

- On exigeait queles garçonssoient un peu plus âgesque les filles. Il etait rare
devoir, à Wpoque,qu’un jeune hommede25anssoitd6jà pèrede famille. Il Edllaitqu’il
travaille, qu’il konomise, parce que c’était l’homme qui était responsable de sa
maison; il s’occupaitdesgossesqu’on lui donnait.Il nes’enfuyaitpas,commeon envoit
aujourd’hui... Il était responsable,donc il lui fallait travailler, gagner de l’argent. Il
veillait sur sesparents.L’autorité parentale&ait encoreextraordinaire : à 25-30ans,il
obkissaitencore à son père, n’est-cepas? Comme son père avait obkit à son propre
père... CWait trèslie, un genre depactefamilial. Donc le jeune homme ne hisait pasce
qu’il voulait. Il fallait aller demanderla main dela fille, etc.Jepeuxvous raconter le cas
d’une amie et deson fianck; on l’avait demandéeen mariage,maisle mariagen’était pas
encore fait, et ils ont enfreint lesrègles.Ils n’en ont jamais parlé àpersonne; le fiancé
a gardéle linge nuptial pendant dix ans,et ils sesont mari& ap&, pour aller semettre
àgenouxdevant lestantes pour demanderpardon :

«Voilà, c’estmoi-mêmequi ait dkfloré ta fille, pasun autre».

(17) Gros marchb du pays mina-ouatchi, à une cinquantaine a’e km à l’est de Loti

227
Ils ont tenu pour qu’on ne puissepasdire que cettefillelà a Cte6pouskepar un
autre,qu’iiyalongtempsqu’ellefaisaitsavie...Non ! L’hommenevoulaitpasporter
cetteresponsabilitélà

- Q - Ces mariagts très tardifs kuènt-ik propre au milieu ch&kn ou &a&


cedànstou&lasociétémina?

- Ça ne venait pasde l’Eglise; c’etaitsurtout la sociétémina.

- Q - Est-ce quV y avait encore, chez vous, une d& h l’@icaine, c’est-&
dire que Aè mon dhnuit aé h-gent aux parents de la jeune filh, pas
simplement pour faire une fête, mais une vraie uwmpensadon math-
niab?H ?

- Non ! Ce n’était pasune compensation. Il devait pourvoir aux objets dont la


femmeaurait à seservir enarrivant chezlui ; donc il donnait despagnes,deshabits,etc
@&a&surtout pour la Iille. Il donnait del’argentaussi,maisc’étaitsymbolique.C’estplus
tard que tout œla s’estfalsifie, qu’on n’a plus rien respectC.D’abord, lesgensn’avaient
pastellement d’argentà l’epoque ; on n’etait pastellementporte sur l’argent.

- Q - Lkuas beaucoup de SOC~&& en Afrique, cette compensation matrho-


. . .
mule avart un r6le symbolque ; ça pouvait aussi être dès boeufs, des tiges
de cuivre... Ça permettait d un garçon de la famille d’épouser une autre
fui? : en fait, cWait une équivahce d’une épouse contre une autre.

- Non, cette compensation n’existait pas cheznous, pas au Sud-Togo. Je ne


pensepasque œla existait dans la région maritime du Bénin non plus, ni du Ghana
d’ailleurs...

- Q - Félix Couchoro, dim son livre «L’héritage, cette peste? parle de


pagnes, une ahzaine de tiws de pagne pour la dot. Est-ce qu’d votre
éjwque cela se passait encore de là même manière ?

- Oui ! Cetait pour la fille, et vousverrez que,danscesmiliewt, on continue Le


soir du mariage,lesparentsde la fille venaient la prendre avecsesmallespleines,et la
fille partait avecsesaffaires. Ce n’etait paspour habiller sambre, ni son père, c’était
pour s’habiller plus tard : c’etaitbien pour la fiancée.

- Q - Pour le choix des t!poux, faisait-on soi-ohne ce choix, ou la famille


avait-elle un poids important dans la sdèction ?

- Ils sechoisissaient,
maisla famille avait un poids important. Quand lesparents
n’en voulaient pas,en gent%a& çsne sefaisait pas.Le plus souvent,c’étaittoujours avec
leur b&ddiction.

-Q-Pasdemariagesuruncoupdek%e?

228
- Oh ! Pouviez-vous vivre ainsi ? Vous aviez besoin de l’affection de vos
parents,de leur soutien...Ce n’estpascommeaujourd’hui, où lesjeunes,s’ilsn’ont pas
le soutien de la famille, ont celui de leurs amis,peut-&tre,descopains.Cequi pr&alait
à l’epoque, c’etaitle sentimentdesparents.Maintenant, on vit beaucoupen groupes.
Donc, à supposer que vos familles vous lâchent, vous avezvos copains : vous avez
d’autresfamilles qui ne vous lâchentpas.

- Q - Si l’on prend vos condiwiples -je ne vous dèmandè pas d’établir une
statistique-, est-ce que vous pensez que, dans l’ensemble, votre gt?nt?ra-
tien a fait de bons mariages ?

- Oui, en gtnéral, oui ! Notre genération afait debons mariages,parce qu’on


était instruitaussi: on avaitreçuune6ducationà la vie familiale.On nousdisaitquela vie
n’estpasaisee,que le mariage estunecroix et qu’il faut la porter indéfiniment. On se
disait : «Oh ! Sij’ai dela chance,jeserai heureuse.Sije n’ai pas dela chance,il faudra
queje resteà causedesenfants».Voyez-vous,l’id6e desenfants prédominait, comme
but du mariage.Donc on souffrait, maison restaitlà ; et c’estpourquoi le divorce n’&ait
pastellement fr6quent.

- Q - Quand il existait, était-il très mal vu ?

- Absolument! Tri?smal vu !

- Q - Donc, si des femmes se mariaient tard, vers 26 d 28 ans, cela veut dire
que le nombre d’enfants était plus r&reint qu’aujourd’hui ?

- Même plus tot, c’était commeça.Parcequ’en reglegénerale (je ne parle pas


desintellectuelles), la femme, dèsqueson enfant arrive au monde, doit s’eloigner de
son mari pour donner tout sonlait àl’enfant. On pensait que les rapports conjugaux
frelataient le lait - œ qui n’est pasvrai, mais c’estœ qu’on croyait. Donc les enfants
n’etaient passi nombreux : on faisaitmoins d’enfantsrapprochés.

- Oui, ils étaient espacés de deux ans au moins.

- Voilà ! Dans n’importe quelle famille,vousverrezque l’espacementétait a peu


pr& de deuxans.Et puis alors,je croisquemaintenant,avecl’évolution, lessentiments,
le cï3techarnel s’estdeveloppe beaucoupplus. Mais si les filles ont pu se dominer
jusqu’à l’âge de 18 à 20 ans,elles sont rarement folles : elles se dominent, elles se
maîtrisentbeaucoupplus qu’unepetite de 12-14ansqui commencelesactivitésgénita-
lest6t

- Q - Donc il y avait, pour vous maintenir dans le droit chemin, d la fois le


poids de ht famille et celui de l’éducation que vous receviez ?

- Oui, c’estça.Et la famille etait beaucoupplus solide que de nosjours, et elle


n’avait pasbesoind’autant de papiers...

229
- Q - L’&ut civil fonctionnuit4l d4jd ?

- Ça devait certainement exister.Mais on serendait compte de son existence


uniquement le jour où vous deviezpasserle concourssup&ieur ou le CEPE Aupara-
vant personnenevous demandaitles pièces.Je ne saispassivous vous rendezcompte
qu’autrefois, vous pouviez avoir six fils ou filles d’un mêmep&re qui, aujourd’hui,
continuent a porter desnoms différents ! Tout cequ’on voulait, c’&ait que les gens
viennent à l’&ole, et il n’yavaitjamaisassez: commentfaire desdifficultés ?On ouvrait
grandesles portes: «Venezà l’&ole !w.Tu arrives et on te demande: «Et toi, comment
t’appelles-tu?nOu bien la personnequi t’a tenu la main pour venir à l’écoledéclineton
nom, ou bien c’està toi-même qu’on le demande.Moi, je merappelle,quandje mesuis
all& à l’&ole, au CPI, on ademan& mon nom et j’ai dit :
- EJem’appelle Marguerite
- Et ton p&re?Il s’appellecomment?
- Mon pCre,il s’appelle Messanvi».
Alors, pendant longtemps,j’ai été appeléeMarguerite Messanvi...Mensavi, c’estle
pr6nom de mon p&e ! C’estcommeçaquej’entendaisl’appelerà la maison...A l’école,
on ne vous demandait pasd’apporter votre carnetde baptême.Tout le monde n’avait
pasdecarnet debaptême.Moi j’avais le mien. Si on mel’avait demande,on aurait vu
dansmon carnetque mon père s’appelaitRudolph MessanThompson. Il n+yavait pas
de certificat de nationalid. Quand on avait besoin de votre acte de naissance,votre
père sesouvenait que, àvotre naissance,à Ts&ié ou à Aného, il y avait telle ou telle
personne...,et on va trouver le maire ou le commandant de cercle pour qu’il fassele
jugement.On appelait çales «actesde notoriét6 tenant lieu d’actede naissance».Mais,
pour ceuxqui avaient le carnet debaptême, c’était facile. Moi, j’avais mon carnet de
baptéme, où il y a tout ; avecce carnet, nous sommesall& à Ts&iC où j’étais néeet,
avec les amis de mon p&e (comme le vieux Djabakou, et les autres), ils ont port&
tkmoignage que j’étais bien n6.eà Tsévié...

- Q - Avançons jusqu’à votre vie dè jeune fil&, apr& l’école des soeuz~
Vous aimiez quund même bien sortir, aller vous amuser ?

- Oui, bien stlr.On allait danser- à pied naturellement: il n’y avait pasde taxisà
Lomé, dans lesann&s 1950.On traversait la ville avecsesbeauxhabits.Les hommes,
pour aller danser,avaient l’habitude deporter leshabitsà queue. Ils s’habillaient avec
toute sorte d’habits, bien plus (quemaintenant, comme des Blancs ! Il y avait des
chapeauxhaute-forme, etc.Ils avaient le chicde toujours mettre leur veste.On allait à
Tony&iadji, àAdjangba, àpied,,et on rentrait aveclesbelles demoiselles...

- Q - Que dànsait-on ?

- A côté desdanseseuropéennes tels que tango, valse anglaise lente et valse


française,marches,...il y avait aussila danseab&, qui Ctait tr6s en vogue à 1’Cpoque.
D’ailleurs, c’estaveccette abék! que les orchestresramassaientleur monde dans les
rues. Il y avait la rumba, les javas, qui venaient de sortir... Et on recevait aussi les
disquesdeTino Rossi.Et il y avait constammentdesconcoursde danse.C’Ctait tr&s
animé ! Alors, mon cousinm’amenaitavecsesfr&es et sessoeurs; on allait ensemble,

230
euxplus4g& quemoi qavais alors 17ans).Il ne seraitjamaisvenu à l’idke queœ soient
descamaradesdequelque part quivous y amettent.Pasdu tout !

- Q - Terminons, si vous k voukz bkn, sur un d&ùl dè l?hi&i~~ de cette


partie de Nytfkonakpoè, uTSFH, oi2 vous habitez maintenant avec votre
mari, k Dr T&~U. Il y avait, non loin d’ici, un puits f&neu.x qui attirait
beaucoup de gens de Lomé. Est-ce que vous aussi, vous veniez puiser dè
Peau chez Gbado4 ?

- Commepetite fille, jy venaisdeuxou trois fois par semaine! Notre maisonse


trouvait exactementla où setrouve aujourd’hui la h4’ki-&zsserie(18). Il fallait faire la
cor&e d’eau a 3heures du matin, auchant du coq,et je venais chezGbadot5(un vieil
&&niste qui avait samaisonlà, sur sapropriété, à ci%5de papaCreppy). A l’epoque, il
y avait t& peu de gens: ici, œ n’etait que descocoteraies,avecdesbouviers que les
genspayaient pour y faire élever leurs boeufs(jevous parle desannees 19%30...). Il
fait bien noir, à 3 heuresdu matin ! Et on avait peur desombreset de tout,...Et c’estça
qui m’a galvanisk Pai œs& d’avoir peur trèst6t dansmavie ; j’ai fini par me convaincre
qu’il n’y avait rien dans le noir... Vous voyez une palme avec l’ombre, de grandes
ombres,commedesfantômes,avecdegrandesailes...Et puis,comme vous ne pouvez
pas faire autre choseque d’y aller, alors vous avezpeur, maisvous finissezpar vous
apercevoir que c’estuniquement cettebranchede cocotier qui vous a fait peur. Voilà
qui forge le caractère pour lavie...

(18) Rtstaurant sùut tue de la Gare, à AM

231
INDEX DES NOMS PROPRES
l/PERSONNAGES
Adigo : 153 Amou:
Adigo (Mme) : 163 Anatey(Mgr) 5-12
Adjalld @mille) :4S@l,130 Anthony @mille) : 13-24
Adjalld (chef Jacob): 12,60,87,88,95 Anthony (Tiithy A) : 14,17,21,41,59
Adjama: voir Edjami? Antonio :21
Adjangba: 153 AptUo-Amah (Georges): 37-51
Adjangba(Mme) : 114,165 Apddo-Amah(Moorhouse): 24,67,68,69,
Ad& : 101 181
Afiaviglo (Mme) : 226 Aquereburu : 71
Agama(famille):59 Armerdiig : 213
Agathonique (SC): 113 Ataklo (pasteur): 177
Agbale : 201 Atayi (Ayayi) : 67
Agbéko : 58 Atayi (Salomon):67
AgMtiafa (Mme) : 114 Awou& (pasteur): 173
Agb&w (E) : 181 Awutey (Fc%x): 125-143
Agbénou (Gerson) : 181 Ayih:185
Agbigbi (Kokou) : 70 Ayivi (pasteur): 169-182
Agboka : 33,34 Ayivor (Charles) : 227
Agboka(Emmanuel): 115-124 Baéta(pasteurRobert) : 41,181,182
Agondzé(Mme) : 57 Banza(Alomenou) : 100
Aguto:201 Barriga : 71
Ahadziesso: 207 Beawin (RP) : 109
Aholu (Andréas): 12 Bedel(RP) : 111
Ahyi (Michel) : 73-81 Behanzin-Pietri(L&ntine) : 185
Ahyi (Paul) : 73 Beker (Mme) : 161
Ajavon (Emmanuel): 1%58 Benoît(Fr) : 111
Ajavon (Henri) : 67 Bernarda(Sr) : 107,108
Aklatxou (faille) : 114 Berton : 28
Akodd (Paulin) : 100,134 Better : 185
Aku (pasteurAndr&s) : 170,173,174,175, Billet (capitaine): 85
176,177,181 Binder (Albert) : 170
Aku(DrhCutin):lM Blanche(Sr) : 224
Akué (Mme) : 57 Bonnecarrère (gouverneur) : 39,40,41,
Almeida (Franciscod’) : 12 43,55,58,62,63,93,170
Almeida-Ekue (Veronique d’) : 114,223, Boubacar(Ndiaye) : 65,67
224,225 Bourgine (gouverneur) : 44
Amkdjogbd (Isabelle) : 113 Bozi : 16
Amegan: 114 Brenner : 48,127
Ameganvl(Louis) : 61 BreMer-von Doering (Louise) : 114
Amegbor : 58 Brimbusson(Dr) : 153
Amegee(Louis) : 110 Broderick (Mgr) : 111
AmEs(Mme):57 Bru (Mme) : 147
Amorin (cesar) : 71 Bücking(RP) : 107

233
Bürgi (pasteur): 174,175 Eyadhna (gthhl) : 192,194
cllmpos(Mmede):225 Faure (pasteur): 175
Mile (gouverneur) : 143 Fïadjoe(Dr) : 122,152
Cessou(Mgr) : s, 14 11,109,110,111,11~ Fnwoo (Gilbert) : 181
114,213,214 Fti (RP Wrard) : 10
ClKlbert(RP):111 Fraruisca(Sr) : 107
Champion: 72 Frdau (Henri) : 42
Chavenon (Dr) : 147,148 Fumey(Mme) : 161
Cl&menœau: 46 Funke (pasteur): 180
Coco (Dr Hospice) : 122,147 Gaba-Amorin(Patricia): 219
Corre : 79 Gallican (h4&re): 113,212,213,215,219,
Couchoro (Ft%x): 228 224
Creppy : 231 Garnier : 74
crepw (Mme) : 225 Gaulle (g&&al de) : 18,46,50,133
DaSylva(Mlle):225 Gbadago: 87
Dadji (chef) : 201 Gbadoe(Paul) : 15,231
Dalaise(capitaine): 84 Gbtklé (Robert) : 127
David (Me) : 24 Gbikpi : 12
De Gaulle : voir Gaulle(de) Gbikpi (RP Jean): 10,105114,174,217
De Souza: voir Souza(de) Géraldo (Nassirou) : 67-72
Decouhlre (commandant): 63 Gérard (Fr) : 111
Dekpo (Estienne): 83-92 G&ard (RP) : 111
Dier (RP) : 107 Germana(Sr) : 213,224
Digo (gouverneur) : 143 Giboum (Dr) : 116
Dingelrietter (Mlle) : 86 Gardon : 110,213
Dionysius(Sr) : 224 Gordonville : 18
Djabakou : 71,149,230 GrWer (Hans) : 39
Djéri (Gbati) : 72 Guise (gouverneur de) : 41,43,44
Djondo (Andti) : 12 Gustave: 16
Doe BruceOnissa @aura) : 113 Hédegbé : 59
Doering (gouverneurvon) : 114 Heissude: 91
Dogbe Liggie :200 Herdieux (Mme) : 69
Dogli (RP Anastase): 10 Hermann (Mgr) : 111
Dosseh(Casimir) : 111 Hervouet (RF’) : 112
Doseh (Alex) : 111 Hitler (Adolf,) : 7
Dosseh(Robert) : 111 Hofhnann (RP) : 108
DotseKoumani:m Honassou: 61
Duveau : 79 Huedako (Ambroise) : 39
Edjami?: 21,22 Hurnmel(Mgr) : 8$X3,109
Edorh (Godfried) : 28 Hunkpati (Louis K.) : 39
Edorh (Dr J&l) : 71,147 Hunt (Mme) :57
Ehodu:2al lmbert (Robert) : 55
Edy: 17 Jschyrion(Sr) : 113,212,213,224
Eklu-Nathey (Gabriel) : 25-36 John-Ayi (Marie) : 223
Ekuk (Martin) : 24,72 Johnson(SamuelK) : 69,122,147
Eqlagoo : 21,199,200,2Ol Judith (Sr) : 113
Essien: 181 Julie-Louise (Sr) : 215,215,216

234
Kekeh (Dr) : 123 Minet0 (Louis) : 30
Bocuh (Mme) : 161 Montagne (gouverneur) : 45,46,50
KIomegan: 88 Moran (Dr) : 153
Kodjo-Thompson(Mme) : 114 Moutet (Marius) :64,68
Kombelota (Pierre) : 101,103 Müller (RP) : 105,111
Kossivi-Benissan(Mme) : 211 Nachtigal(Gustav): 204
Kpade(Robert) : 83 Nomenyo(pasteur) : 173
Kpadenou: 153 Noutary (gouverneur) : 143
y& cymT2Z : 10 Occansey: 139
Qdulphe(Fr) : 111
Kpodai (Josepe&93-103 Ohin (Dr) : 152,158
Kponton (Mme) : 161,166 Ollier (RP) : 111
Kpotsm(Dr) : 123,158 Oloff : 17,21
Kpotsra(pasteurE) : 173,176,177 Olympia (Qctaviano): 12,59,89,90,105
Kpotsra(pasteurG) : 177 Olympio (Pedro) : 122,147
Krüger (Ernest) : 39 Olympio (Sylvanus): 134
Krüger (Mme) : 211 Osseyi: 72
Kutsanu: 200 Pablo(Mme) : 113
Kwakume(RP Henri) : 9,10,111 Pelophie (RP) : 83
Kwami (Laurent) P&ain : 18,46
Lapessonnie(Dr) : 116 Petit (inspecteur): 137
Lavaissiere(Mme de) : 149 Petit(Dr) : 147
Lavwon (famille) : 59 Piquelin : 188
Iawson (Dr Amen) : 153 Politzer(Dr) : 115,116,117
Lawon (Anna) : 163 Quashie: 127
Lawson(Olga) : 211,217 Quist (pasteur): 176,177
Lawson(‘I%%i Denis) : 110,213 Randolph (Léopold) : 55,67
Lawon-Mensah (Berthe) : 185 Rewe(major) : 109
Ledis( 112 Reyman(RP) : 108
Le Goff (Mme) : 185 Riebstein(RP): 105,loS,109,110,111,112
Leponcin (Dr) : 147,148 Rimh(RP): 111
Lescanne: 84 Sanvee(Dr) : 158
Lissassi(Mme) : 227 Schaeffer(RP) : 105
Lit:91 Schlegel(pasteur) : 170
Lot-ne: lq149 Sergent(capitaine): 55
Lot (Dr) : 147 Shalley:58
Louis(Fr):lll Sinzoga: 71
Maillet:28 Sitti (Jean): 53-66
Maître (pasteur): 173,175,1&0 Sivomey(Mme) : 72183197,223
Mama(Fous&) : 67 soboua : 71
Margareta(Sr) : 107 Souza(famille de) : 5,139
Marqueissac(Dr de) : 45 Soum (Antonio de) : 201
Martet (Jean): 86,95 Som (Augustino de) : 12,41,59,102,226
Melanie (Sr) : 113,224 Souza(Dot& de) : 199210
Messan(Athanase): 86 Souza(Mme Faustinede) : 67-72
Mikem (Dr) : 145-159 Souza(Felicio de) : 12,41
Mikem (Mme) : 152,155,161-167 Souza(F. Fehx de, «Chacha»):201

235
Souza(Henri Mensade) : 204,205,206 Tsri Dapensu : 201
Souza (Kodjo Joseph de) : 205 Vande (Mme) : 57
Souza (Kodjovia de) : 201,202,204,206 Van Lare-de Medeiros (Louise) : 185
Souza (Kwaouvi de) : 102 Verne : 68
Souza (Zidou de) : 199-210 Vincent-Marie (Sr) : 113,213,215,224
Steinmetz (Mgr) : 109,111 Vinœntia (Sr) : 107
Strebler (Mgr) : 10, 11,12 Vovor (Dr) : 123
Tavera : 79 Westermann (pasteur) : 171
Telagan : 213 Williams (G.B.) : 203,204
Terrien (Mgr) : 111 Wilson-Ofympio (Mme) : 161
lhompson (Messan) : 230 Wogormebu : 203
Thompson-Trenou (Marguerite) :114, wolf (Dr) : 91
21l-231 Wolf (pasteur) : 170
Tokou (Michel) : 67 Wood (Anna) : 163
Trenou (Dr) : 122,231 Yebovi (Dr) : 90,91,147
Tridji : SS ZiXler (Hugo) : 203
Tsipohor : 200

2/NOMS DE LIEUX ET D’ETABLISSEMENTS A LOME

Ablogamé : 203 Bohn (kcole) : 64,6& 70,71


Adawlato : 14,15,53,113 Bonnecarrère (ly&e) : voir «Petit-Da-
Adidogome : 21 kar»
Adjangba (dancing) : 140,217,230 Boubacar-Ndiaye (ecole) : 24,65,68
Adoboukomé : 95,129 «Brother Home» : 8,55,106,112
Aguiarkome : 14,53,154 Cassablanca : 195
Ahanoukopé : voir Hanoukopc! Cathedrale:6,8,11,16,56,71,141,213,
Albert-Sarraut (avenue) : voir Presi- 214
denœ (av.) Cathedrale (écoles de la) : 9,11,25,54,61,
Amoutive : 11,12,26,38,53,87,106,129, 91,106
131,178,1s& 201 Champde-course (rue du) : 59, SS
Amoutive (@lise d’) : 12,29,95,129,195, Chemin-de-fer (rue du) : 40,58,149
214 CHU : 86, !Xl, 11% 119,120,146,147,
AmoutM (toute d’) : 55,139,148 149-152,154,157-159,164-l&
Anagokome : 14,15,53,107 Circulaire (boulevard) : 6,49,59,100,129,
Aneho (route d’) : 24 130,159, lss, 206
Aniko-Pallako (rue) : 139,148 Commerce (rue du) : 6
Archevéché : 8,9,106 Cours complementaire : voir Petit-Dakar
Assigamne : 14,16,55, SS,5% 19& l%, 197, Douanes (direction des) : 125,128
199,226 Doumasséssé : 195
Assivime/Assivito : 14,15,53,61,195 Ecole : voir au nom
Atikpodji : 1% Ecoles evangéliques : voir Mission de
Bi? : 11,21,77,101,10& ‘106,170,178,188, Brême
191,193,1% Ecole professionnelle catholique : voir
B&iglato : S, 14, SO,91,115,185 «Brother homb

236
Eglise (rue de 1’): 5 Neems (av. des) : 40
Foch (av.du marechal): 9,16,17,58,170 New-Sierra-Leone: 203,204
Forever : 194 NicoIas-Gnmitzky(av) : 60
France (ruede) : 139 N#konakpoe : 11,15,38,48,59,178,188,
chwni (Ne) : 13 191,2#,231
Gbadago: 87,88,120 Gctaviano-Nétime: 49,60
Gbadoe(chez): 15,231 Pade-Souza: 101
General-de-Gaulle (avenue) : 17,75,81 «Petit-Dakar» : 38,55,72,157,183,184,
George-Mensah(rue) : 187 223
Gouverneurs (palaisdes) : 17,40,42,44, Petit-marche:voir Assivime
45,58,81 Poudr&e (&ole de la) : 19,2l,lClCl
Goyi Score : 16,40 Pr&dence (av. de la) : 17,40,41
Grand-marche: voir Assiganme République (Bd. dela) : 100,205
Grand-marche(rue du) : 6,17 Route-d’AnCho (ecole dela) : 64,67,68,
Habitat (‘Iokoin) : 115,120,121 69,70,139
Hanoukope : 6,11,13,21,49,53,87,88, Saint-Augustin: voir Amoutive (Qise d’)
131,139,173,187,1ss,195 Saint-Joseph(cohege) : 11
Hedzranawoé : 11 Saint-Miche1(marche) : 1%
HoIIando : 10,41,70,106 Sanoussi(école) : 24,65
H6pital (ancien) : 16,80,118,122 Sarakawa(av.de) : 40
145-147,149,150 Soeurs de la Plage (&ole des) : 8,9,11,
Houphouët-Boigny (Bd) 13,107,112 113,211,215-219
Kagnikopé : 48 SGGG: 13,61,149,1%
Kodjoviakope : 11,193,199,201,202,204- SNI:38,61
207 SouzaNetime : 101
Kokéti (rue des): 11,58,75,81 Temple : 172,173,181
Koketime: 11,13,14,58,107,148,173 Thiers (av.) : voir Lib&ation (av. de la)
KpalimC(route de) : 150,155,191 Tokoin : 11,78,86-89,118,120,146,150,
Libération (av.de la) : 9,187 154,159,188,194,1%
Iom-Nava : 2649,178 Tonyeviadji (dancing) : 41,69,139,140,
Maman-Ndanida(av.) :voir Mission(rue 217,230
dela) TSF : 15,16,59,231
Marina :voir Republique (Bd dela) UNELCO:23
Marius-Moutet @ole) : 15,24,64,68,125 Victoire (av.) :voir av. deSarakawa
Maroix (rue du Lt.-col.) : voir rue desKo- Vingtquatre-Janvier (av. du) : 16,58,76
keti Wetrivikondji : 21,59,87
Mission(rue dela) : 811 Wuiti : 195
Mission de Brême (Ccoles): 23,56,171, Yovokome : 17,53,116
173,178 Zongo : 3a,53,129

3/LIEUXHORSLOME
Abidjan (RCI) : 79,95,191,226 Adéta : 10
Abomey(Bénin) : 73,201 Adjido : 10,54,105,106,107,201
Accra(GH) : 18,33,34,43,47,149,202 AtliiO:78,204
AdatIanu(GH) : 21,3O,199,201,2tB Agbanakin: 100
Adangbe : 25,35 Agbelouvé : 99

237
Agbodrafo : 13,145 Kara : 44,45,145,161
Agbozume (GH) : 201 Keta (GI-I) : 21,111,169,170,174,199,200,
Agobnyive : 11,58 204,214,219
Agou : 9,111,125,143,170,177 Kete-Kratcbi (GI-l) : 109
Agou-Nyogbo : 175,177 Kindia (Guinée) : 117
Agoué (Bénin) : 30,83,161,218 Kloto : 131,174,177
Agouegan : 227 Kolokopé : 79
Aképé : 9 Kpalime : 5,8,9,10,13,55,61,62,81,111,
Akossombo (GI-I) : 169 125,140,142,143,176
Akposso : 174 Kpandu (GH) : 109
Amedzopé (GI-I) : 169,175 Kpémé : 99
Alhlll6:72 Lagos (Nigeria) : 53
Aného : 5,6,8,10,37,38,40,53-55,57,58, Lama-Kara : voir Kara
62,63,84,100,105,106,108,109,112,130, Lebe : 87
155 154,156,183,1~ 189,201,230 Libreville (Gabon) : 95
Anfoin : 93,100,189 Mandouri : 138
Anyako (GI-I) : 21,169,170 Mango : 72.,116,137,166
Atakpame : 5,9,10,50,55,64,71,79,85, Mission-Tové : 169
109,115,116,125,174,175,177,179 Nano : 72
Attitogon : 150 Ndoungue (Cameroun) : 176
Avépodzo : 170 Noti : 79,169
Aveve : 100 Ouidah (B&ut) : 9,10,11,30,111,201
Bal20 : 138 Pagouda : 45,138,145,165 165
Baguida : 117,202 Peki (GI-I) : 169
Bamako (Mali) : 162 Pointe-Noire (Congo) : 95
Bingetille (RCI) : 67,79 Port-Gentil (Gabon) : 95
Bismarckburg : 91 Porto-Novo (Bénin) : 30,44,67,72,73,
Blitta : 50,80,85,143,161 125,157,176,183,223
Bobo-Dioulasso (Burkina F.) : 191 Porto-Seguro : voir Agbodrafo
Bouake (RCI) : 79 Rufisque (Sénegal) : 183,184,185,224,
Brazzaville (Congo) : 133,187,225 =%=6
Cotonou (Benin) : 83,95,194,214 Savalou (Bénin) : 67
Dalwu (RCI) : 67 Sébicotane (Sénégal) : 67,157,158
Dakar (S&u$@) : 69,72,79,123,136,153, Sokode : 11,6O, 64,85,143,161
157,158,161,104,184,225 sotouboua : 79
Dapaong : 44,72,80 Tabligbo : 154
Denu (GH) : 47,110,199,2.04 Togoville : 9,83,105,106
Djibouti : 117 Tsévie : 25,35,211,230
Ganave : 189 Vogan : 10,111,154,227
Gbi-Bla (GI-I) : voir Hohoé Vokoutime : 227
GIidji : 83 Voha Region (GI-I) : 174,175,177
Gobé : 175 Waya (GH) : 169,174
Grand-Popo : 30 Yaoundé (Cameroun) : 176
Ho (GH) : 5,109,169 Yendi (GI-I) : 109
Hohoé (GI-I) : 8,9,10,109 Zébe : 55,166
Kambold : 191

238
SI LOME M’ETAIT CONTEE ...

Tome I

TABLE DES MATIERES

Introduction ................................................................................................ 3

l- Le doyen des prêtres catholiques : Mgr ANATEZY ................................ 5

2- Une vieille famille de Lomé : les ANTHONY _.................................... 13

3- Un artisan maçon : M. EKLU-NATEY _.................................................. 25

4- Un fonctionnaire et homme politique : M. APEDO-AMAH _................ 37

5- Un enseignant : M. SIlTI “...,..............................................................., 53

6- L’école de la route d’Aneho : M. GERALD0 et Mme de SOUZA -.... 67

7- LesarbresàLome:M.AHYI _.............................................................. 73

8- Les chemins-de-fer du Togo et le quartier Gbadago : M. DEKPO _.. 83

9- Le wharf de Lame : M. KPODAR _........................................................ 93

lo- Les kcoles catholiques et les missionnaires :


RP GBIKPI-BENISSAN -................................................................... 105

ll- Un inhrmier d’Etat : M AGBOKA -..................................................... 115

12- La fonction publique et la naissance du syndicalisme :


Ma AWOUTEY I................................................................................... 125

239
l3 Les hôpitaux de Lomé et l’un des premiers médecins togolais :
DrMlKEM -......................................................................................... 145

14 Les sages-femmes : Mme MIKEM I......................................,.............. 161

15- L’Eglise évangélique : Pasteur AYIVI -............................................. 169

16 Du «Petit-Dakar» à la mairie de Lame Mme SIVOMEY -............... 183

17- Le quartier Kodjoviakopé : MM. de SOUZA - .... ..... ..... .... ... ..... .... .... . 199

18 L’éducation des jeunes filles : les anciennes élèves des soeurs


de Notre-Dame-des-Ap&res : Me THOMPSON-TFCENOU -......... 211

Index des noms propres .. .... ..... ..... ..... ... ...... ..... ..... ..... ..... ... ... ..... .... .... ... 233

240
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I__
L
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S
P
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2
1
31401 3a
3lllA Vl
1: Palais du gouverneur. 2 : Présidence de la République. 3 : Hôte-l Le Bénin. 4 : Ancien palais de Justice. 5 : “Goyi Score”. 6 : Temple Apégamé. 7 : Archevéché. 8 :
Cathédrale. 9 : Grand-marcbé. 10 : Ancien dan&g Tonyeviadji. 11. Ecde de la route d’Ané%a 12 : “Holhudo” (première mission catholique). 13 : Ecole des Soeurs
de la plage. 14 : Ancien danchg Adjangba. 15 : Ecole Boubacar N’diaye. 16 : Eglise Saint-Augustin d’Amvutiv& 17 : Ecole évangélique de Kokéthné. 18 : Ecole
professionnelle catholique. 19 : Centre culturel français. 20 : Poste centrale. 21: Ancien lycée Bonnecarrère (ENA) ; 22 : Ecde Bohu. 23 : S.N.I. 24 : Ancien petit-
marché. 25 : “SGGG”. 26 : Ecde Marius-Moutet 27 : Ancien hôpital Reine-Charlotte. 28 : Direction des Douanes. 29 : Hôtel du 2-Février. 30 : Palais des Congrès
(ex-RPT). 31: Gare. 32 : Hôtel de ville. 33 : Puits Gbadoè. 35 : Wharf allemand. 36 : Whad français.

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;tN i Ht - VILLt orstcfll ,1992


ISBN 2-909886-01-8

Achevé d’imprimer sur les presses de l’Imprimerie C.T.C.E.


B.P. 378 Lomé - Togo
4ème trimestre 1992

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