Marie et Laeticia, novembre 2021, 1M4

Histoire de l’art

L’Art de la peinture, Johannes Vermeer

Johannes Vermeer, 1632-1675, Pays-Bas

L’Art de la peinture, 1666, huile sur toile, 120 x 100 cm
Kunsthistorisches Museum, Vienne

Vermeer : art baroque ou réalisme ?

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Pouvons-nous dire que cette œuvre appartient au courant de l’art baroque ? si on considère
que le baroque est caractérisé par le goût du mouvement, de la dramatisation, de l'exubérance
décorative, qu’il est un paradigme esthétique complexe ayant pour but de surprendre et
d'émouvoir les spectateurs, qu’il évoque le faste et l’exubérance, les gestes amples et les
grands événements, alors vous conviendrez qu’il est difficile d’inscrire L’Art de la peinture
dans ce courant.
Le Baroque s’étend environ de 1580 à 1750. L’Art de la peinture a donc vu le jour au milieu
de cette période, mais le vent n’entre pas par la fenêtre (elle est fermée), la femme est
immobile, pas de luxe, aucune exubérance. Le seul mouvement serait peut-être le doigt du
peintre. Vermeer représente donc un anti-baroquisme aux Pays-Bas et peint la vie quotidienne
de gens simples.
Ce réalisme n’est pas sans rappeler Pieter Brueghel qui, environ un siècle avant Vermeer, a
peint des moissons et des familles en train de patiner dans un amour de la réalité de la vie.
Dans ce sens, on peut supposer que Brueghel a eu une influence sur Vermeer par sa manière
de fixer la réalité sur la toile avec simplicité et fidélité.
Vermeer, qui n’a vraisemblablement jamais quitté les Pays-Bas, prend aussi la suite de
Rubens et vit à la même époque que Rembrandt, roi du siècle d’or hollandais et dont l’art
règne alors sur Amsterdam.
Le Caravage, qui marque en Europe le siècle baroque et constitue une véritable leçon de
réalisme pour les peintres hollandais, aura probablement plus marqué les premières œuvres de
Vermeer qui va ensuite s’en éloigner et créer un grand nombre de scènes d’intérieur qui
traduisent sa sensibilité poétique. Les toiles de Vermeer sont difficiles à décrire, car les mots
traduisent mal l’émotion que ressent le spectateur. Mais peut-être est-ce vrai pour toute toile ?
L’époque de Vermeer est marquée par la scission entre les Pays-Bas du Sud et ceux du Nord
où vit le peintre. Ces deux régions connaissent un développement économique et culturel sans
précédent. L’art de Vermeer s’inscrit dans la tradition picturale des pays du Nord (et non la
Flandre catholique du Sud gouvernés par les rois espagnols).
Lorsque le Nord s’indépendantise du Sud, les peintres perdent donc leurs commanditaires
traditionnels, c’est-à-dire le clergé catholique et les nobles espagnols. Pour Rome, l’art était
un instrument de propagande et les tableaux devaient illustrer la puissance de l’Eglise. Au
nord, les calvinistes (protestants) dominaient et voulaient des tableaux qui montrent
l’importance des textes bibliques. Pas très exaltant pour Vermeer qui a trouvé une nouvelle
clientèle chez les riches marchands et artisans qui voulaient voir, sur les toiles, des hommes
qui leur ressemblaient dans des intérieurs similaires aux leurs. Voilà qui était nettement mieux
pour Vermeer qui a peint magnifiquement cette existence dans un cadre bourgeois.

Exemples d’œuvres de grands maîtres ayant pu influencer Vermeer

De Vermeer, nous ne connaissons pas grand-chose. Nous ignorons auprès de qui il s’est
formé. Les hypothèses avancées sont fragiles. Vermeer semble avoir rapidement assimilé les

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influences d’autres peintres pour trouver sa manière bien à lui. Nous restons donc prudentes
sur la question de sa formation. On peut néanmoins lui supposer des influences.

Cette peinture de Brueghel montre toute l’attention portée sur la nature. Celle-ci n’est pas
idéalisée. La nature et les saisons sont très présentes dans l’œuvre de Pieter Bruegel qui
s’efforce d’en traduire fidèlement les moindres détails, comme pour montrer le temps qui
passe.

Pieter Bruegel, 1525-1569, Flandres

Le paysage d’hiver avec patineurs et trappe aux oiseaux, 1565
37 x 55.5 cm, huile sur panneau de bois
Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique

Les Tricheurs, une œuvre de jeunesse du Caravage, dans laquelle il déploie un style et une
palette lumineuse et colorée, avant d'adopter des teintes plus sombres et de traiter plus
volontiers de thèmes religieux. Cette scène de genre, très théâtrale et non religieuse, qui n’est
de loin pas l’œuvre la plus connue du Caravage, pourrait avoir influencé Vermeer.

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 Le Caravage, vers 1595
Les Tricheurs, huile sur toile, 94,2 x 130,9 cm
Musée d’art Kimbell, Fort Worth, USA

Et, pour finir, cette toile de Rembrandt qui évoque une scène de la vie. Même si l’ambiance
est très différente des tableaux de Vermeer, la luminosité peut l’avoir influencé, pour autant
qu’il ait eu accès à cette toile, vu que Rembrandt et Vermeer vivaient à la même époque dans
des villes différentes.

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 Rembrandt, 1662
Le Syndic de la guilde des drapiers, huile sur toile, 1,92 x 2,79 cm
Rijksmuseum à Amsterdam

Ce qui est rare est cher : œuvre de Vermeer dont L’Art de la peinture, vers 1666

Homme casanier ayant vraisemblablement peu voyagé, Vermeer travaille lentement, puisqu’il
ne réalise par plus de trois tableaux par an, pour un total de 45 à 60 œuvres en vingt ans
(Rembrandt en a peint environ 400). Un catalogue précis de ses œuvres est difficile à trouver,
puisque trop d'incertitudes demeurent, qu'il s'agisse de ses œuvres de jeunesse, du problème

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des imitations, de l'absence de signature, de date, etc. Vingt-et-une œuvres sont signées, mais
il se peut que certaines signatures ne soient pas authentiques.
Seuls quatre tableaux sont datés. On voit donc bien la difficulté de placer la création de L’Art
de la peinture dans l’œuvre de Vermeer. On peut néanmoins la supposer créée au milieu de sa
vie d’artiste si on considère qu’il commence à peindre en 1655 et termine en 1675.
Né en 1632, Vermeer se marie avec une femme dont la mère vient d’une riche famille de
marchand de briques. Pour cette union, Vermeer se convertit au catholicisme. Le couple a
quinze enfants dont certains meurent jeunes. En tout cas, jamais n’apparaissent d’enfants dans
l’œuvre de Vermeer. Et l'atmosphère paisible, immobile et silencieux de ses toiles contraste
de manière frappante avec un environnement que l'on imagine bruyant. Vermeer ne peint ni
des nus, ni des vieillards.
Vermeer peint d’abord de grands formats allant jusqu’à 160 x 142 cm et qui sont des sujets
plutôt religieux. Il crée aussi deux paysages (La Ruelle et Vue de Delft), mais la majeure
partie de ses toiles sont des scènes de genre se passant à l’intérieur. Sa plus petite toile signée,
La Dentellière, mesure 24 x 21 cm.
L’œuvre de Vermeer compte environ vingt tableaux qui montrent des pièces d’habitation,
propres et bien rangées, animées de figures féminines isolées, toujours vêtues avec soin. On
note assez rarement la présence d’un homme. Dans L’Art de la peinture, le peintre au travail
apparaît de dos. On ignore s’il s’agit ou non de Vermeer.
Une grave crise économique frappe la Hollande en 1674 et Vermeer, couvert de dettes, meurt
en 1675. Sa femme (et ses onze enfants) doit vendre des toiles pour survivre, mais parvient à
conserver L’Art de la peinture considérée comme une sorte de manifeste personnel
témoignant de la propre conception de l'art pour Vermeer, dans la mesure où il la peignit
vraisemblablement pour lui seul, et qu'il la conserva chez lui jusqu'à sa mort.
Les scènes de genre hollandaises portent le regard sur la vie quotidienne des gens simples, et
ouvrent la voie, à partir du XVIe siècle, à une peinture intimiste et réaliste.
On ne connaît à Vermeer aucun élève.

Quelques autres œuvres de Vermeer :

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 Johannes Vermeer, vers 1658
La laitière, huile sur toile, 45,5 × 41 cm
Rijksmuseum, Amsterdam

Ci-dessous, un paysage avec deux enfants, ce qui est doublement rare chez Vermeer

Johannes Vermeer, 1657 à 1661

La Ruelle, huile sur toile, 54,3 x 43,5 cm
Rijksmuseum, Amsterdam

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 Johannes Vermeer, vers 1657

La Liseuse à la fenêtre, huile sur toile, 64.5 x 83 cm

Gemäldegalerie Alte Meister de Dresde

Un des plus connus :

Johannes Vermeer, vers 1665

La jeune fille à la perle, huile sur toile, 44,5 x 39 cm
Mauritshuis, La Haye

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Le plus petit tableau réalisé par Vermeer. Pas plus grand qu’une feuille A4. Ce format
instaure d’emblée une intimité avec le spectateur qui doit s’approcher pour voir tous les
détails. La Dentellière, par son format réduit et son sens du détail, renvoie au travail très
minutieux auquel est astreint son sujet.

Johannes Vermeer 1669-1671

La Dentellière, huile sur toile marouflée* sur panneau de bois, 24 x 21 cm
Musée du Louvre, Paris
*marouflée : la toile a été collée sur toute sa surface sur un panneau de bois, afin de renforcer le support original.

Analyse de L’Art de la peinture

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Cette peinture de genre est un tableau dans un tableau. C’est une scène d’intérieur avec deux
personnages.
Le tableau représente un peintre de dos en train de peindre le portrait d’une jeune femme
debout dans l’éclairage venant d’une fenêtre qu’on devine. L’intérieur cossu est typique des
foyers bourgeois hollandais de l’époque : le motif du dallage de marbre noir et blanc (qu’on
retrouve dans d’autres toiles comme Allégorie de la foi, vers 1669), les beaux rideaux, le
lustre qui brille (mais sans bougies !) et la carte de la Hollande (qui représente les provinces
hollandaises avant la séparation Nord/Sud) contre le mur en sont les témoins.
La lumière douce éclaire comme un projecteur chaque objet et nous laisse bien voir les
détails. Elle crée surtout une ambiance et entoure la jeune fille qui est le sujet du tableau.
Le rideau et la chaise, au premier plan forment une surface sombres. Sont-ils à l’intérieur ou à
l’extérieur du sujet principal ? On dirait que le rideau, comme au théâtre, pourrait être tiré
d’un coup nous laissant nous, spectateurs, hors de la scène. Ce rideau volumineux orné de
motifs floraux nous empêche de complètement voir la trompette et couvre presque la moitié
du haut du tableau. Par contraste, la lumière qui entre par la fenêtre semble briller plus fort.
Le carrelage noir et blanc donne de la profondeur au tableau. Plus que les poutres au plafond.
Cet atelier est-il celui du peintre ? il n’y ressemble pas tellement. Pas de pots de peinture,
pinceaux ou fouillis. Le peintre est habillé élégamment. Si c’est un autoportrait, il est très
pudique, car présenté de dos. Dans ce cas, Vermeer a dû mettre des miroirs. En effet, au
second plan, nous ne voyons du peintre qu’un dos, des fesses, une tête chevelue tournée vers
la gauche et une main qui tient un pinceau. Les jambes sont écartées pour pouvoir bien
travailler. Son habit n’est pas celui, habituel, de l’artiste en train de peindre.
Comme souvent dans le travail de Vermeer, le sujet est appréhendé avec une sérénité
lumineuse. A l’arrière-plan, le modèle doit représenter Clio, muse antique de la Gloire et de
l’Histoire, car elle est peinte avec les attributs qui la caractérisent, à savoir : la couronne de
lauriers, le gros livre sur son bras, la trompette qui annonce les actes héroïques. Cependant, la
jeune fille baisse les yeux, alors qu’on aurait pu attendre d’un muse de la Gloire un regard
conquérant. Mais Vermeer décide de la représenter sous les traits d’une adolescente laissant
son regard nous échapper. Etrangement, la Gloire est coincée entre la table et le mur !
La toile est faite de lignes horizontales et verticales et d’angles droits. Avec le carrelage, cela
donne une sorte de quadrillage. Le tout adouci par la lumière.
Ce qu’il se passe entre le peintre et son modèle qui ne se touchent et ne se parlent pas, voilà le
véritable sujet de ce tableau qui a été interprété comme une allégorie* des Arts.

*allégorie : œuvre (peinture, sculpture, film…) dont chaque élément évoque un aspect d'une idée complexe.

Bibliographie :
- Anquetil Jacques. Le grand guide de l’Art. Ed. Hachette. 1998

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 - Hagen Rose-Marie & Rainer. Les dessous des chefs d’œuvres. Ed. Taschen. 2010
- Hagen Rose-Marie & Rainer. Les dessous des chefs d’œuvres : tome 1 et 2. Ed.
Taschen. 2003
- Piper David. L’amour de la peinture. Ed. Mondo. 1987

Webographie :
- unige.ch : Vermeer et les trois piliers de la gloire
- une-vie-de-setter.com
- lumieresdesetoiles.com
- Wikipédia

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