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Pratiques psychologiques 12 (2006) 395–410

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Examen psychologique

Quelques réflexions sur l’évaluation


de l’intelligence générale : un retour à Binet ?
Some questions on the evaluation of general
intelligence: a flashback to Binet?
P. Rozencwajg
Laboratoire cognition et comportement, université Paris-V, CNRS (FRE 2987), équipe
« Intelligence et différenciation », 71, avenue Édouard-Vaillant, 92774 Boulogne-Billancourt cedex, France

Résumé
En ce centenaire du test Binet-Simon (1905), la publication du WISC-IV (Wechsler, 2005) conduit à
plusieurs interrogations sur l’intelligence générale. Après avoir retracé les différentes approches de son
évaluation, notamment globale versus factorielle, et leur évolution, l’objectif est de montrer en quoi cela
permet de comprendre les changements du WISC-IV. L’échelle est construite autour de quatre indices
factoriels homogènes correspondant aux dimensions les plus étudiées aujourd’hui : l’intelligence fluide
et cristallisée, la mémoire de travail et la vitesse de traitement. Mais cette multidimensionnalité s’accom-
pagne d’une redondance et de la réduction de certains aspects, notamment les connaissances, l’intelli-
gence visuospatiale et l’intelligence appliquée aux situations sociales. En conclusion sont rappelés quel-
ques principes fondamentaux définis par Binet, un « retour aux sources ».
© 2006 Société française de psychologie. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract
At this centennial of the Binet-Simon test (1905), the edition of the WISC-IV (Wechsler, 2005) raises
some questions about general intelligence. After outlining the different approaches of its evaluation,
especially global versus factorial approaches, and its evolution, the objective is to show how that contri-
butes to understand the changes presented in the WISC-IV. The scale is built on four factorial homoge-
neous indices corresponding to dimensions which are the most studied today: fluid intelligence, crystal-
lized intelligence, working memory and fast processing abilities. Nevertheless, this multidimensionality is

Adresse e-mail : paulette.rozencwajg@univ-paris5.fr (P. Rozencwajg).

1269-1763/$ - see front matter © 2006 Société française de psychologie. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.prps.2006.06.001
396 P. Rozencwajg / Pratiques psychologiques 12 (2006) 395–410

accompanied by certain redundancies and the reduction of some aspects, especially knowledge, visual-
spatial intelligence and social intelligence. In conclusion, some fundamental principles are noted, which
were defined by Binet, yielding a “flash-back to the source”.
© 2006 Société française de psychologie. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Intelligence générale ; QI ; Facteur g ; WISC-IV

Keywords: General intelligence; IQ; Factor g; WISC-IV

1. Introduction

En ce centenaire du premier test d’intelligence conçu par Binet et Simon (1905), la publica-
tion de l’édition française de la quatrième version de l’échelle d’intelligence de Wechsler
(2005) conduit à plusieurs interrogations sur l’évaluation de l’intelligence générale1. Selon
Grégoire, Wechsler définit l’intelligence générale comme « la configuration harmonieuse des
aptitudes, permettant une relation efficace du sujet avec son milieu (…). » Un test d’intelli-
gence générale doit inclure une grande diversité d’opérations mais également une grande
variété de contenus sur lesquels portent ces opérations (Grégoire, 2000).
Après avoir retracé brièvement les différentes approches de l’intelligence et leur évolution,
cet article a pour objectif de montrer en quoi cette évolution permet de comprendre les chan-
gements profonds du WISC-IV.
En première approximation, l’évaluation de l’intelligence générale se caractérise selon
qu’elle est globale ou factorielle.

1.1. L’approche globale

Dans l’approche globale, le sujet, perçu « dans son entier », est au centre de l’évaluation.
Les échelles de Wechsler sont le prototype de ce type d’approche. Elles sont surtout utilisées
par les psychologues cliniciens lors d’un bilan psychologique (Bourgès, 1984 ; Arbisio, 2003 ;
Emmanuelli, 2004). Même si une note globale est calculée (le QI), les différents subtests sont
analysés de façon approfondie (à travers la dispersion des scores quantitatifs), voire les items
parfois (à partir d’une analyse qualitative des réponses du sujet). Les différents éléments du
fonctionnement sont mis en perspective pour comprendre le sujet dans sa globalité, d’où le
terme d’approche globale qui ne se confond pas avec une vision unitaire de l’intelligence.
C’est une approche plurielle de l’intelligence qui est au contraire recherchée.
Pour Grégoire (2004), « les notes standard sont le fruit de processus complexes et de la
combinaison d’aptitudes diverses. Par conséquent, les facteurs potentiellement responsables
d’une faible performance aux subtests sont nombreux et souvent difficiles à identifier. Sur la
base d’une faible note standard, il est impossible de déterminer la cause de ce résultat. Pour
comprendre la faiblesse de certaines performances, il est nécessaire de repérer les covariations
entre les notes standard ». Ces covariations permettent de formuler des hypothèses d’inter-
prétation.

1
Nous remercions les experts pour leurs remarques et suggestions sur la première version de cet article.
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L’analyse d’un protocole de WISC demande donc une formation approfondie et une grande
expérience. Cette richesse du test peut paraître une faiblesse du fait de la difficulté d’analyse.
Pour les praticiens, la compréhension de l’adaptation dans la vie quotidienne nécessite de se
confronter à des situations complexes. Néanmoins, l’identification explicite des processus
dans les tâches complexes permettrait de formuler des hypothèses plus précises (Rozencwajg,
2005).

1.2. L’approche factorielle

Dans l’approche factorielle, l’évaluation est centrée sur les variables (les tests) et leur orga-
nisation, leur structure factorielle. Celle-ci est déduite de l’analyse statistique des relations
entre les performances dans les tests. L’approche factorielle correspond à une conception plus
différenciée de l’intelligence, même si l’histoire a commencé avec Spearman (1904) par la
recherche d’un facteur commun à un vaste ensemble de variables (psychophysiques, cognitives
et scolaires) interprété par Spearman comme un facteur général d’intelligence qui « correspon-
drait à la capacité à établir et à appliquer des relations et il serait déterminé par la quantité
d’énergie nerveuse dont disposerait l’individu » (Huteau et Lautrey, 1999).
Puis Thurstone (1938) met en évidence plusieurs facteurs relativement indépendants rendant
compte chacun d’un certain nombre de tests, qu’il interprète comme des aptitudes indépendan-
tes appelées aptitudes primaires.
À partir de là s’est engagée la polémique bien connue entre Spearman et Thurstone sur la
structure de l’intelligence : est-elle unidimensionnelle ou multidimensionnelle ?
Les modèles factoriels hiérarchisés ont permis d’intégrer ces deux conceptions. Quand on
fait une analyse factorielle d’une batterie de tests d’intelligence, on retrouve les facteurs pri-
maires. Toutefois ces facteurs sont corrélés entre eux d’où sont déduits les facteurs de second
ordre, plus généraux.
Le modèle hiérarchisé de Horn et Cattell (1966) est le plus connu. Il comporte cinq facteurs
de second ordre dont les deux plus importants sont l’intelligence fluide (Gf) et l’intelligence
cristallisée (Gc). Gf concerne la résolution de tâches nouvelles, non familières; les tests d’in-
duction sont très saturés dans ce facteur ; l’intelligence fluide est celle qui est en jeu dans les
situations où très peu de connaissances sont nécessaires et où c’est l’efficience des mécanismes
de raisonnement eux-mêmes qui est évaluée ; Gc concerne la résolution de tâches où les
connaissances antérieures reflètent l’éducation et l’expérience. Les tâches verbales sont très
saturées dans ce facteur. L’intelligence cristallisée est celle qui s’appuie sur l’organisation des
connaissances en mémoire. Gustafsson (1984) a montré que les tests qui saturent Gf sont très
proches de ceux qui saturent le facteur g de Spearman. Le modèle de Carroll (1993) a ensuite
intégré le modèle de Horn et Cattell en montrant qu’il admettait en outre un facteur général au
sommet de la hiérarchie. Dans la littérature internationale, ce modèle est maintenant appelé
CHC (Cattell-Horn-Carroll).

1.3. L’intelligence générale

Spearman et Wechsler ont un point commun dans leur conception de l’intelligence géné-
rale : éviter que les tests soient redondants. Pour créer un facteur, il suffit en effet d’introduire
deux tests corrélant fortement entre eux. Si Spearman n’avait pas trouvé de facteurs de groupe
à son époque, c’est notamment (en dehors des raisons dues aux techniques factorielles utilisées
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et à l’échantillonnage des sujets) parce qu’il prenait soin de retirer de sa batterie deux tests qui
se ressemblaient trop. De même, pour Wechsler, la recherche de corrélations modérées était la
base d’une bonne échelle d’intelligence : « Selon lui, un test d’intelligence où le facteur g
détermine une trop grande part de la variance des scores n’est pas intéressant car il ne prend
pas en compte la large gamme des aptitudes qui interviennent dans nos comportements adap-
tatifs. Un bon test d’intelligence globale devrait inclure des épreuves dont les intercorrélations
sont modérées » (Grégoire, 2004).
Les deux outils statistiques pour évaluer l’intelligence générale sont néanmoins différents :
le QI et le facteur général. Le QI est une somme équipondérée des performances : chaque
épreuve a le même poids dans le QI. Le facteur g quant à lui est la variable factorielle com-
mune aux différentes épreuves de la batterie de tests ; il est le meilleur résumé des différentes
épreuves, ce qui revient à faire une somme pondérée des variables (Lautrey, 2005). Wechsler a
trouvé dans le facteur général la justification théorique du calcul du QI. Selon Grégoire (2000),
le QI n’est qu’une évaluation assez grossière du facteur g, puisqu’il est aussi déterminé par
d’autres facteurs et que de ce fait, « l’intelligence générale est le résultat de l’interaction d’un
grand nombre de facteurs alors que le facteur g n’est que l’un de ceux-ci, le plus important
sans doute, mais pas le seul ».
L’argumentation qui suivra dans cet article se fonde sur l’idée que plus l’intelligence sera
mesurée à travers des situations de tests variés, plus on pourra considérer que l’intelligence
mesurée est suffisamment générale.

1.4. Facteur g et mémoire de travail

Le facteur g a plus récemment été l’objet de recherches sur son interprétation. D’abord
considérés comme de l’énergie mentale, puis comme du raisonnement par Spearman (Raven,
élève de Spearman, a construit le prototype du test de facteur g : les matrices de Raven), les
processus de mémoire de travail sont aujourd’hui considérés comme les plus prometteurs pour
mieux comprendre les processus fondamentaux de l’intelligence. Une tâche sera qualifiée de
mémoire de travail si le sujet doit stocker un certain nombre d’informations tout en réalisant
certains traitements. Par exemple, dans la mémoire des chiffres des échelles de Wechsler, répé-
ter des chiffres à l’endroit relève de la mémoire à court terme tandis que répéter une série de
chiffres à l’envers nécessite de stocker temporairement ces chiffres en mémoire à court terme
(dans la boucle articulatoire du modèle de Baddeley) tout en traitant la série à l’envers. Dans le
test de séquences lettres–chiffres aujourd’hui inclus dans le WISC-IV et la WAIS-III, il faut
remettre en ordre une série de chiffres et de lettres donnés dans le désordre (par exemple : si
on donne au sujet la série T–9–A–3, il doit répéter 3–9–A–T).
Les travaux de Colom et al. (2004) sont évocateurs de cette évolution : « Si l’on considère
les trois études reportées dans cet article, la saturation en g de la variable latente de mémoire
de travail est d’environ 0,96. C’est pourquoi, la mémoire de travail est (presque) parfaitement
prédite par g » [notre traduction] ou encore Süβ et al. (2002) indiquent dans leur résumé :
« Les résultats montrent que la capacité générale de mémoire de travail est très liée à l’intelli-
gence générale » [notre traduction].
Le premier travail a été publié en 1990 par Kyllonen et Christal. Les auteurs ont mis en
relation différentes épreuves de mémoire de travail et de raisonnement. Les tests de raisonne-
ment ont des supports variés : verbal, visuospatial et numérique. Les tests de raisonnement ont
été choisis car ils sont les plus saturés en facteur g (Gustafsson, 1984). Les auteurs extraient
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deux facteurs : un facteur commun aux épreuves de raisonnement et un facteur commun aux
épreuves de mémoire de travail. La corrélation entre ces deux facteurs varie entre 0,80 et 0,88
selon les analyses factorielles confirmatoires réalisées. Kyllonen et Christal en concluent que
l’aptitude au raisonnement pouvait, à peu de choses près, être assimilée à la capacité de
mémoire de travail.
L’ensemble des travaux de Colom et al. (2004), Süβ et al. (2002) et Kyllonen et Christal
(1990) montrent effectivement le caractère central de la mémoire de travail dans le fonctionne-
ment cognitif, du moins la relation étroite entre le facteur général et la mémoire de travail.

1.5. Mémoire de travail et vitesse de traitement

De nombreux travaux montrent par ailleurs l’amélioration du fonctionnement de la mémoire


de travail par la vitesse de traitement : plus le sujet traite rapidement les informations, plus il
soulage sa mémoire de travail et devient performant. Par exemple, « chez les personnes âgées,
un ralentissement de la vitesse articulatoire entraîne une réduction de la quantité d’informa-
tions stockées dans la boucle phonologique » (Grégoire, 2004).
Les trois concepts de Gf, mémoire de travail et de vitesse de traitement sont donc aujour-
d’hui fortement rapprochés. La description que donne Grégoire (2004) du test des matrices en
procure un résumé : « Les matrices sollicitent la mémoire de travail. Le sujet doit gérer plu-
sieurs tâches en même temps : mémoriser les règles déjà identifiées, chercher la présence d’au-
tres règles et coordonner les différentes règles. La gestion efficace de la mémoire de travail est
favorisée par la vitesse de traitement. La vitesse d’identification des règles est un facteur favo-
rable à la résolution des items des matrices ».
Les changements du WISC-IV semblent s’être conformés à l’évolution récente de ces tra-
vaux sur l’intelligence.

2. Modifications apportées par le WISC-IV : les quatre indices factoriels

Les échelles de Wechsler ont un succès considérable en France et dans le monde malgré les
critiques des scientifiques qui considéraient ce test trop peu théorisé, et trop empiriquement
fondé. Wechsler, bien que connaissant très bien les théories de son époque, n’a pas été per-
turbé par ces critiques. Kaufman (2005), au congrès à Paris sur l’intelligence de l’enfant
— cent ans après Binet, nous a rappelé avec humour, que Wechsler refusait que l’on change
une virgule à ses échelles. Il semblerait que cette version du test qui porte son nom constitue
pourtant une rupture importante.
En fait, la conception du WISC-IV n’est plus globale mais factorielle.
Le WISC-IV est construit sur une multidimensionnalité réelle, à partir d’une analyse facto-
rielle. En effet, les deux sous-échelles verbale et performance, qui permettaient de calculer les
deux QI verbal et performance, n’étaient qu’une approximation empirique en deux dimensions.
L’homogénéité intraéchelle était modérée.
Dans le WISC-IV, chaque dimension est choisie pour son importance dans les théories
actuelles sur l’intelligence : l’opposition Gf/Gc, la mémoire de travail et la vitesse de traite-
ment.
Outre le QI Total, ces quatre dimensions permettent de calculer chacune quatre indices fac-
toriels :
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● l’indice de compréhension verbale (ICV) est composé des subtests similitudes, vocabulaire
et compréhension. ICV s’apparente à Gc ;
● l’indice de raisonnement perceptif (IRP) comporte les matrices, cubes et identification de
concepts. IRP s’apparente à Gf. Deux nouveaux tests ont été ajoutés dans le WISC-IV :
identification de concepts et matrices ;
● l’indice de mémoire de travail (IMT) comporte mémoire des chiffres et séquences lettres–
chiffres. La mémoire des chiffres, qui était un test optionnel dans le WISC-III, devient par-
tie intégrante de l’échelle. Le test de séquence lettres–chiffres est ajouté pour pouvoir calcu-
ler l’indice factoriel IMT ;
● l’indice de vitesse de traitement (IVT) comporte code et symboles. Le test symboles est
ajouté pour pouvoir calculer l’indice factoriel IVT. Dans le WISC-III seul le test code per-
mettait son évaluation.

3. Conséquences sur l’évaluation de l’intelligence générale

Partant de soucis métriques qui peuvent paraître à première vue louables, en espérant mesu-
rer mieux chaque dimension de l’intelligence2, la construction de ces scores factoriels homogè-
nes entraîne une réduction de la diversité des aspects évalués dans l’échelle totale. Wechsler,
très influencé par Binet, pensait pourtant que l’intelligence devait porter sur des contenus les
plus variés possible.
Ces changements conduisent aux interrogations suivantes :

● Est-on certain d’avoir mieux mesuré l’intelligence ?


● Quand le test corrèle moins avec l’échelle, alors il est écarté. N’est-ce pas plutôt le contraire
qu’il faudrait faire et trouver des tests qui mesurent des facettes moins redondantes de l’in-
telligence ?

3.1. Réduction des aspects évalués

3.1.1. L’intelligence visuospatiale


L’intelligence visuospatiale, indépendamment de l’intelligence fluide, n’est quasiment plus
évaluée dans le WISC-IV puisque l’assemblage d’objets a disparu et le complètement d’ima-
ges n’est qu’en optionnel, notamment pour des arguments « techniques » de chronométrage.
L’assemblage d’objets s’appuie sur la représentation mentale d’un objet familier qu’il faut
reconstruire. Du point de vue cognitif, il fait appel à des compétences visuospatiales.
En revanche, les cubes (qui subsistent) et les matrices (nouveau subtest) sont fortement
saturés en Gf. Grégoire (2004) soulignait que l’introduction des matrices dans l’indice d’orga-
nisation perceptive (IOP) de la WAIS-III compliquait son interprétation : « … Le subtest
matrices, même si son contenu est de nature visuospatial, est aussi une mesure classique de
Gf ». Quant au subtest identification de concepts, les processus sont de nature verbale
(Baron, 2005) même si la tâche est fondée sur des images. Il s’agit de catégorisation concep-
tuelle. Les auteurs disent d’ailleurs que l’indice IRP est très différent des anciens scores com-

2
Pour conserver la diversité, tout en augmentant la fiabilité, un test appartenant au même facteur pourrait être pro-
posé uniquement en cas de doute. Dans ce contexte, Séquence Lettres–Chiffres et Symboles deviendraient par exem-
ple optionnels.
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posites QIP et IOP. Les deux nouveaux tests évaluent du raisonnement logique, intégration
justifiée par les auteurs car l’intelligence fluide est une dimension fondamentale. Les auteurs
du WISC-IV précisent que le score factoriel s’appelle dorénavant IRP : indice de raisonnement
perceptif, et non plus IOP comme dans le WISC-III (et encore dans la WAIS-III) : indice d’or-
ganisation perceptive : « Partant de stimuli visuels, ils demandent un raisonnement qui, pour
une part, peut être de nature verbale. Par conséquent, le raisonnement visuospatial occupe une
place moindre dans l’IRP que dans l’IOP » (Wechsler, 2005).
La séparation de la vitesse de traitement (IVT) des performances visuospatiales est un choix
intéressant (Baron, 2005) mais n’est plus vraiment pertinent puisque la place du visuospatial
est très réduite dans l’échelle.
Pourtant la comparaison du QIV et du QIP dans le WISC-III permettait en particulier aux
enfants de milieu plus défavorisé d’exprimer leurs capacités dans ces situations non verbales.
Par exemple, dans le complètement d’images, on pouvait montrer le détail manquant sur la
figure familière sans même le nommer. Par ailleurs, l’argument du chronométrage peut paraître
peu fondé car il semblerait que l’allongement du temps accordé pour répondre ne modifie pas
la performance du complètement d’images.

3.1.2. L’intelligence sociale


L’arrangement d’images est supprimé. Il était pourtant le seul test (en dehors de compré-
hension) qui contribuait à mesurer des aspects émotionnels et sociaux dans les relations inter-
personnelles, une forme d’intelligence appliquée aux situations sociales.
Le subtest information avait aussi cette fonction car pour acquérir des connaissances sur le
monde physique et social, le sujet doit s’intéresser à son environnement (Bourgès, 1984). Le
subtest information n’est plus qu’en optionnel.
Bien que certaines prémisses des changements du WISC-IV étaient déjà présentes dans la
WAIS-III, cette réduction des aspects évalués n’a pas été réalisée dans la WAIS-III, du moins
pas encore (il semblerait qu’une version WAIS-IV similaire au WISC-IV va bientôt être édi-
tée). Par exemple, l’arrangement d’images, qui ne corrèle suffisamment avec aucun subtest, et
n’est donc dans aucun score factoriel, n’a pas pour autant été écarté de l’échelle de la WAIS-
III et reste compté dans le calcul du QI. Inversement, symboles et séquences lettres–chiffres
ont été ajoutés pour calculer les indices factoriels IVT et IMT, mais ils ne sont pas comptés
dans le QI total.
La suppression de l’arrangement d’images et de l’assemblage d’objets a une autre consé-
quence : la mallette s’est nettement allégée. Mais il est difficile d’imaginer que des arguments
commerciaux aient pu influencer les choix scientifiques.

3.2. Réduction de la complexité des tests

Il semblerait également que la recherche de scores factoriels homogènes entraîne une sim-
plification des subtests, au sens de mesurer un nombre moins important de processus, et de
réduire la part du contenu, des connaissances dans la résolution.

3.2.1. Arithmétique
« Le subtest arithmétique, dont la complexité cognitive affaiblissait le QIV, est écarté de
cette échelle qui apparaît, à présent, comme une mesure relativement homogène du raisonne-
ment verbal » (Wechsler, 2005).
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De plus, 24 nouveaux items du subtest arithmétique dans le WISC-IV ont été notamment
créés « pour accroître la sollicitation de la mémoire de travail, tout en ajustant la difficulté de
la tâche mathématique à l’âge de l’enfant ». Le subtest peut ainsi remplacer éventuellement un
test du cluster de mémoire de travail. Le subtest arithmétique, qui mesurait davantage des
acquisitions scolaires dans le WISC-III, devient redondant avec les tests mémoire des chiffres
et séquence lettres–chiffres qui mesurent déjà la mémoire de travail.
On sait que la mémoire de travail contribue à expliquer l’apprentissage scolaire. Même si
cette dimension est bien entendu à prendre en compte, est-on certain que l’évaluation reste
identique quand elle est contextualisée dans des contenus différents, et notamment ce contenu
si important à l’école des mathématiques ?

3.2.2. Information
La mise en optionnel de l’information peut provenir d’un raisonnement similaire. Ce subtest
ne mesure en effet pas simplement de l’intelligence cristallisée mais l’intérêt affectif de l’en-
fant pour son environnement physique et social. Selon Arbisio, « le subtest information ren-
voie surtout à l’ouverture sur le monde, et il reflète bien la curiosité intellectuelle de l’enfant.
Comme il s’agit de connaissances très socialisées, elles renvoient aussi à l’intérêt que l’enfant
porte au monde social (…). À l’inverse, des difficultés à cette épreuve peuvent traduire un
manque d’investissement du savoir (…). Les réactions de l’enfant témoignent souvent de la
façon dont il vient s’inscrire, ou pas, dans une compétition intellectuelle (…). Il renvoie à
l’ambition intellectuelle, au désir de savoir » (Arbisio, 2003). De même, selon Grégoire,
« pour pouvoir se constituer une base de connaissances, l’enfant doit être ouvert à son environ-
nement et aux opportunités d’apprentissage. Il doit manifester une certaine curiosité intellec-
tuelle. Cet intérêt peut parfois être entravé par des troubles émotionnels, comme la dépression.
L’enfant doit également bénéficier d’occasions suffisantes pour découvrir et apprendre. Ce
n’est pas toujours le cas. Les enfants de milieux culturellement défavorisés risquent d’obtenir
des résultats médiocres à l’épreuve d’information » (Grégoire, 2000).

3.3. Abandon des deux QI verbal et performance

On peut regretter que les deux QI verbal et performance ne soient plus calculés, mais
compte tenu des changements, leur somme devient artificielle. L’ajout des tests « Mémoire
des Chiffres », « Séquences Lettres-Chiffres » et « Symboles », et la suppression de nombreux
autres, ont en effet entraîné leur non-pertinence, notamment celle du QI de performance. Dans
le WISC-III, code et mémoire des chiffres étaient assez isolés dans chacune des deux échelles.
Code corrélait à 0,28 avec l’échelle de performance (et à 0,28 avec le QI total) ; mémoire des
chiffres corrélait à 0,39 avec l’échelle verbale (et à 0,39 avec le QI total). Code et mémoire des
chiffres étaient alors tous deux considérés par Wechsler comme de médiocres représentants de
l’intelligence générale. Les dimensions de vitesse de traitement et de mémoire de travail
comptent maintenant pour la moitié des dimensions.
Dans le WISC-IV, code a pris de l’importance : sa corrélation avec le QI total est de 0,50.
L’augmentation de cette corrélation provient du fait, que bien qu’elle soit corrigée (on enlève
du QI total la note à code avant de réaliser la corrélation avec le QI total), le test symboles,
bien corrélé avec code (r = 0,51), revient à réduire la correction. De la même façon, mémoire
des chiffres corrèle maintenant à 0,56 avec le QI total (au lieu de 0,39 dans le WISC-III) ce
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qui est dû à la présence de séquence lettres–chiffres bien corrélée avec mémoire des chiffres
(r = 0,47).

3.4. Forte redondance

La sous-évaluation de l’intelligence visuospatiale et de l’intelligence sociale et la réduction


de la complexité s’accompagnent parallèlement d’une forte redondance de certains aspects du
fonctionnement.
Sur dix tests qui composent le calcul du QI du WISC-IV supposé représenter l’intelligence
générale, quatre mesurent des aspects strictement quantitatifs de l’intelligence que l’on peut
définir comme des quantités de ressources attentionnelles au sens où il paraît difficile (en tout
cas de prime abord) de mettre en œuvre des processus vicariants dans des tâches de vitesse
perceptive (code et symboles) et de mémoire immédiate (mémoire des chiffres et séquence let-
tres–chiffres). Ces subtests ne peuvent en effet pas « profiter » de la présence de processus
alternatifs.
Cette redondance des aspects évalués n’a pas été réalisée dans la WAIS-III. Les nouveaux
tests de symboles et de séquences lettres–chiffres venus renforcer les indices factoriels (respec-
tivement IVT et IMT), ne rentrent pas pour autant dans le QI car ils donneraient trop de poids
à l’indice global d’intelligence. Wechsler notait déjà en 1973 qu’il savait bien que répéter des
chiffres à l’endroit ne mesurait pas les mêmes processus que répéter des chiffres à l’envers
mais il faisait remarquer que si on créait deux notes standardisées, alors la mémoire que
Binet appelait mémoire brute, compterait deux fois plus dans le QI (Wechsler 1973). Les
tests « Mémoire des Chiffres », « Séquences Lettres–Chiffres » et « Symboles » sont cette
fois comptés dans le QI total du WISC-IV tandis que plusieurs autres tests ne le sont plus :
arrangement d’images, arithmétique, information, assemblage d’objets, complètement d’ima-
ges.

3.5. Que devient le facteur g dans le WISC-IV ?

Classiquement, les tests de facteur g construits dans le cadre de la théorie de Spearman sont
constitués d’items où il s’agit de découvrir des lois de transformation sur des séries de dessins
géométriques sans signification. Au contraire, l’intelligence générale calculée à travers un QI
est une somme d’aptitudes très diverses (test Hoche Pot). Ainsi que nous l’a suggéré un expert
de cet article, on peut considérer que les auteurs du WISC-IV ont adopté pour la composition
du QI total une position médiane du fait que la diversité a été fortement réduite mais n’est pas
pour autant ramenée au seul test des matrices.
La diversité est néanmoins bien réduite. Pourquoi ?
L’importance donnée à la mémoire de travail aujourd’hui a finalement entraîné une forte
réduction du facteur g. Est-il toujours aussi général ?
Il pourrait y avoir eu un glissement de sens dans l’analyse des travaux de Kyllonen et
Christal (1990), Süβ et al. (2002) et Colom et al. (2004). L’extraction d’un facteur mathéma-
tique commun à un ensemble d’épreuves (le facteur g) devient subrepticement l’ensemble du
fonctionnement cognitif. Le facteur général représente les processus communs à un ensemble
d’épreuves mais il ne peut être confondu avec cet ensemble d’épreuves. Même si on fait l’hy-
pothèse que les épreuves ont été suffisamment variées (ce qui n’est pas toujours le cas), le fac-
teur général ne représentera encore que les processus communs de cet ensemble d’épreuves.
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L’intelligence est au bout du compte réduite à une composante, même si celle-ci explique le
pourcentage le plus important de la variance totale. Est-on certain de mieux mesurer l’intelli-
gence générale ? Le fait que les ressources en mémoire de travail soient le point commun à
des épreuves d’intelligence le plus souvent complexes n’est pas en soi aberrant. On peut les
concevoir comme une forme d’énergie mentale ; Spearman avait ainsi qualifié le facteur géné-
ral à son époque. En revanche, il peut paraître réducteur de considérer l’intelligence générale
uniquement à travers une quantité de ressources. Surtout, comment une telle conception pour-
rait permettre de comprendre les capacités d’adaptation, par exemple des personnes âgées ? Le
déclin de leurs capacités en mémoire de travail est peu discutable. Mais n’est-il pas aussi
important de montrer comment elles peuvent utiliser des processus vicariants (Reuchlin,
1978) pour compenser ce déclin (Rozencwajg et al. 2005) ?
De même, Grégoire3 (2005) au congrès sur l’intelligence de l’enfant — cent ans après
Binet — a opposé deux conceptions de l’intelligence, comme une propriété émergente qui ne
peut être identifiée à aucune activité cognitive particulière, et comme un noyau élémentaire
fondamental.
La théorie de l’intelligence de Binet présentée par Avanzini (2005) est similaire à cette
conception de l’intelligence comme une propriété émergente. « Binet traite l’atomisme
comme incapable de rendre compte des démarches de l’esprit : lorsque nous nous assignons
un but et en poursuivons la réalisation, notre effort, pense-t-il, ne relève pas exclusivement de
l’attention, de la volonté ou de la mémoire, mais de toutes les facultés à la fois ; quand, cons-
tatant l’inefficacité d’un moyen, nous lui en substituons un autre, ce remaniement ne peut se
réduire à un jugement mais implique aussi attention, voire volonté. On n’épuise l’analyse d’au-
cun acte de la pensée en le rapportant à une faculté déterminée, car toutes sont mobilisées pour
chacun d’entre eux et s’exercent simultanément et conjointement. Pour rendre compte de ce
dynamisme, Binet propose un « schéma » de type fonctionnel…Selon une conception triangu-
laire, l’acte intelligent implique d’abord une direction, c’est-à-dire une fin — le problème à
résoudre — dont l’esprit conserve la représentation tout au long de l’effort de résolution. Le
deuxième vecteur c’est l’adaptation, c’est-à-dire la plus ou moins grande propension à inven-
ter les moyens propres à obtenir la fin. Le troisième c’est la correction, parfois appelée aussi
esprit critique, autocensure ou ajustement, qui consiste dans le pouvoir de juger de la validité
de la fin poursuivie et l’efficacité des moyens employés » (Avanzini, 2005).
Cette conception de l’intelligence est très proche également de l’approche intégrative de
l’intelligence (Rozencwajg, 2005) opérationnalisée par l’identification des stratégies dans la
résolution de problème. La différence est essentiellement méthodologique : les processus sont
explicités dans la tâche complexe grâce aux concepts de la psychologie cognitive et aux outils
informatiques et statistiques (Rozencwajg et Corroyer, 2002 ; Rozencwajg et al., 2002 ; Cor-
royer et Wolff, 2003).

3.6. Multidimensionnalité de l’intelligence

L’approche de Wechsler est classiquement qualifiée de globale ou d’unitaire tandis que


d’autres approches sont qualifiées de multidimensionnelles. La multidimensionnalité de l’intel-
ligence apparaît à première vue comme un progrès pour mieux prendre en compte le fonction-
nement cognitif d’un sujet. Pourtant la multidimensionnalité du WISC-IV n’est-elle pas qu’ap-

3
Ces propos sont rapportés à partir de notes personnelles prises lors de la conférence de Jacques Grégoire.
P. Rozencwajg / Pratiques psychologiques 12 (2006) 395–410 405

parente ? Paradoxalement, la dernière édition du WISC-IV pourrait être bien moins multidi-
mensionnelle que celle du WISC-III malgré les quatre scores factoriels qui donnent l’illusion
d’une approche plurielle de l’intelligence. Plusieurs arguments ont été avancés. On a vu précé-
demment que pour obtenir un score factoriel, il faut au moins deux tests en corrélation impor-
tante. De ce fait, la recherche de scores factoriels réduit au contraire l’évaluation d’aspects
multiples de l’intelligence : il n’y en a plus que quatre au lieu des dix subtests du WISC-III
qui appréciaient bien davantage d’aspects. Quatre notes composites sont calculées au lieu de
deux (les anciens QIV et QIP) et donnent l’apparence d’une pluridimensionnalité. En réalité, le
WISC-IV n’évalue que quatre aspects : l’intelligence cristallisée (ICV), l’intelligence fluide Gf
(évaluée avec IRP), la mémoire de travail (IMT) et la vitesse de traitement (IVT). Dans la lit-
térature, trois de ces quatre dimensions sont de plus censées représenter des concepts proches :
la mémoire de travail serait quasiment identique à Gf si l’on n’en croit les travaux de Kyllonen
et Christal (1990) et Colom et al. (2004) ; la vitesse de traitement améliorerait la mémoire de
travail (Grégoire, 2004). Dans leur ouvrage de 1999, il semblerait que Huteau et Lautrey abon-
dent également dans ce sens puisqu’ils notent « qu’un courant de la psychologie cognitive
moderne s’inspire de Spearman ; l’idée d’une énergie nerveuse n’a cependant pas été conser-
vée, elle a été remplacée par des notions relatives à l’attention : mobilisation, disponibilité, res-
sources attentionnelles ». Néanmoins, empiriquement, ces trois dimensions restent dans le
WISC-IV en relation modérée (IRP–MDT = 0,42, IRP–VT = 0,34, MDT–VT = 0,27).
Parallèlement à cette redondance, au moins conceptuelle, plusieurs aspects ne sont plus éva-
lués par rapport au WISC-III ou en tout cas, de façon nettement moins claire.
Au total, le bilan psychologique devient problématique sauf à recourir à un bilan psycholo-
gique qui deviendrait beaucoup trop long pour l’enfant si on conserve au moins les subtests
optionnels. Pour Binet, il était très important que le bilan soit court. Dans cet extrait, Binet
expliquait pourquoi il devrait renoncer à évaluer tous les aspects de la mémoire : « Nous
avons souvent constaté quel avantage on trouve à laisser une personne en tête à tête avec une
leçon de prose ou de vers, après lui avoir dit « Tâchez d’en apprendre le plus que vous pourrez
en cinq minutes ». Cinq minutes, c’est trop long pour nous ; et puis pendant ce temps-là, le
sujet nous échappe ; il peut être distrait, il peut songer à autre chose ; l’épreuve perd son
caractère clinique » (Binet et Simon, 1905a). Ce compromis ne résoudrait de toute façon pas
tous les problèmes puisque certains subtests ont été supprimés et ne possèdent donc plus d’éta-
lonnages récents.
Dans sa version actuelle, le WISC-IV devient davantage un outil pour la recherche que
pour la clinique au sens où les dimensions d’intelligence cristallisée et fluide sont effective-
ment les deux dimensions les plus importantes du fonctionnement cognitif. La vitesse de trai-
tement et la mémoire de travail constituent en quelque sorte le moteur cognitif de ces deux
dimensions. Mais le psychologue clinicien a besoin dans sa pratique du bilan psychologique
de pouvoir apprécier des aspects les plus variés possibles du fonctionnement cognitif pour ten-
ter de comprendre le sujet dans son entier. Dans les échelles de Wechsler, un subtest est une
situation complexe qui met en jeu une pluralité de processus. Par exemple, un échec en arith-
métique sera à confirmer ou infirmer, du point de vue de la mémoire de travail, par les scores
en mémoire des chiffres (et maintenant en séquences lettres–chiffres). Mais la mémoire de tra-
vail n’est pas la seule capacité responsable de l’échec en arithmétique. D’autres aspects du
fonctionnement sont à prendre en compte comme les acquisitions elles-mêmes et donc être
mis en perspective avec des tests où l’apprentissage et la scolarité sont importants, vocabulaire,
information et code, groupement identifié sur des populations avec troubles d’apprentissage
406 P. Rozencwajg / Pratiques psychologiques 12 (2006) 395–410

(Kaufman, 1979 ; Bourgès, 1984). Remarquons au passage qu’information et arithmétique sont


tous deux devenus optionnels. Le score en arithmétique peut également refléter une anxiété
vis-à-vis de ce contenu. Le fait que le subtest arithmétique appartient, en moyenne, à l’indice
factoriel de mémoire de travail, reflète seulement que cette aptitude serait la plus importante
pour ce subtest. Elle ne suffit pas à épuiser sa variance et ce d’autant plus au niveau individuel
de l’examen psychologique.
L’ensemble de cette argumentation semble défendre une vision conservatrice de l’évalua-
tion de l’intelligence, voire rétrograde. Néanmoins, les critiques adressées aux échelles de
Wechsler, « de ne pas renseigner sur les processus qui ont engendré la performance obser-
vée »… et qui contribuent « à une limitation sérieuse à l’utilisation des tests dans une perspec-
tive d’éducation et de remédiation » (Huteau et Lautrey, 1999) restent entières (Grégoire,
2000 ; Rozencwajg, 2005). Le WISC-IV n’est pas en progrès par rapport à ces critiques en
dehors de la dissociation des deux notes additionnelles en mémoire à court terme et mémoire
de travail dans le subtest de mémoire des chiffres.
La psychologie cognitive et les statistiques contribuent de façon incontestable à la compré-
hension des processus dans les tests d’intelligence. Les techniques factorielles ont par exemple
permis l’acquisition de connaissances très robustes sur le développement de l’intelligence (par
exemple le phénomène dissociatif avec le vieillissement, Schroeder et Salthouse 2004 ;
Verhaeghen, 2003) et celui de différenciation–dédifférenciation (Li et al. 2004). La psycholo-
gie cognitive nous a montré précisément un nombre important d’aspects du fonctionnement
cognitif. Mais ces apports ne doivent pas faire réduire l’objet d’étude, l’intelligence, aux théo-
ries cognitives et statistiques les plus en vogue. Si on ne retient que certains aspects des théo-
ries de la psychologie cognitive, alors on réduit les facettes de l’intelligence au lieu de les
diversifier. Par exemple, la mémoire de travail est renforcée mais seulement son versant verbal
et non visuospatial (Baron, 2005). De même, le subtest identification de concepts a été choisi
alors même que sa saturation en IRP est inférieure à celle du complètement d’images (Burns et
O’Leary, 2004).
Il y a pourtant tellement d’aspects de l’intelligence pour lesquels il faudrait construire des
tests. On peut citer l’effet de la mémoire à long terme sur la mémoire à court terme comme
l’effet de catégorisation, la métacognition, l’intelligence sociale, la créativité, les styles cogni-
tifs, l’interaction émotion–cognition, et cette liste n’est pas exhaustive. Il faudrait les intégrer
dans une échelle, qui pourrait alors vraiment être considérée comme une échelle d’intelligence
générale. Le QI prendrait un sens nouveau même si les dangers de son utilisation et de sa
mauvaise interprétation dans le grand public n’en seraient pas pour autant écartés (Voyazopou-
los et al. 2005). Un siècle plus tôt, Binet et Simon avaient exprimé très clairement ce danger :
« Les qualités intellectuelles ne se mesurent pas comme des longueurs, elles ne sont pas super-
posables » (Binet et Simon, 1905a). « Ce n’est pas, malgré les apparences une méthode auto-
matique, comparable à une bascule de gare, sur laquelle il suffit de monter pour que la
machine vomisse notre poids imprimé sur un ticket. Nous prédisons au médecin pressé, qui
voudrait la faire appliquer par des infirmiers bien des déboires » (Binet et Simon, 1908).

4. Conclusion : retour à Binet ?

L’ensemble de ces réflexions conduit à rappeler les quelques principes fondamentaux que
Binet avait définis en construisant la première échelle d’intelligence, de réaliser en quelque
sorte un « retour aux sources ». Quelle était sa conception de l’intelligence ?
P. Rozencwajg / Pratiques psychologiques 12 (2006) 395–410 407

« On s’accorde à penser aujourd’hui que Binet et Simon ont sorti la psychométrie de l’in-
telligence de l’ornière où, accrochée qu’elle était à une approche élémentariste des conduites,
elle se trouvait. En effet, la plupart des tests d’intelligence construits par la suite doivent
quelque chose au Binet-Simon et c’est à partir de lui que la pratique des tests est devenue cré-
dible et s’est développée. Le caractère novateur de l’échelle métrique a-t-il été perçu en 1905
en France ? Nous verrons que la réponse à cette question, sans aucune équivoque, doit être
négative » (Huteau, 2005, page 44).
En quoi l’esprit de Binet reste novateur ? Binet peut être considéré comme un psychologue
expérimentaliste clinicien, qui avait une conception réellement multiple, plurielle, de l’intelli-
gence. Il est vrai, comme le souligne un des experts de cet article, que chez Binet, l’apprécia-
tion de la multiplicité est cliniquement observée mais n’est pas codifiée. En psychologie cogni-
tive, le courant de recherches sur l’analyse des stratégies dans les tests d’intelligence
correspond à ce travail de codage et d’explicitation des processus mis en œuvre (Rozencwajg,
2005).
Goddard (1909) et Terman4 (1916, 1937) (cités par Huteau et Lautrey, 1999) ont adapté le
Binet-Simon aux États-Unis en ne retenant que l’âge mental (transformé en QI après la mort
de Binet), du moins dans les versions collectives. Cette réduction de Binet au QI est revenue
ensuite en France sans que soit rendu à son auteur le sens initial qu’il donnait à l’intelligence.
Peut-être est-ce le fait qu’il était difficilement étiquetable dans une des disciplines recon-
nues de l’époque qu’il a été si mal compris (et peut-être encore aujourd’hui5). Il n’était ni un
expérimentaliste classique (que l’on pourrait résumer en disant : l’expérimentateur cherche
l’effet d’un facteur « toutes choses égales par ailleurs »). Pour lui l’enfant venait « entier ». Il
a montré notamment que l’intelligence ne pouvait être évaluée qu’à partir de processus com-
plexes. Binet n’était pas non plus un psychanalyste. Arbisio, psychanalyste et auteur d’un
ouvrage sur le bilan psychologique (2003), lui rend néanmoins un grand hommage. Binet
n’était pas non plus un psychométricien classique car il avait une méfiance importante vis-
à-vis des statistiques. Les articles de Spearman étaient pour lui bourrés de chiffres et peu com-
préhensibles. Binet, ni Freudien, ni Spearmanien, qui était-il ?
Le sujet, l’enfant, est pour Binet au centre de ses préoccupations et c’est ce souci constant
qui a fait sortir l’évaluation de l’intelligence de l’impasse où elle se trouvait à la fin du XIXe
siècle. On ne savait alors mesurer l’intelligence qu’à travers des variables élémentaires (mesu-
res anthropométriques, temps de réaction). Le test de Binet-Simon a eu un succès considérable
aux États-Unis mais en grande partie d’un point de vue quantitatif. La transformation du test
en version collective est une illustration de cette non-compréhension de Binet aux États-Unis.
Gould (1997) en fait une description éloquente. Binet n’envisageait en effet l’examen psycho-
logique que face à l’enfant, un enfant « non anonyme » pour lui (expression reprise de Martin,
2005).
Deux idées sont au cœur de l’examen psychologique de Binet : des mesures variées (« les
tests doivent être hétérogènes, cela va de soi, afin d’embrasser rapidement un vaste champ
d’observation », Binet et Simon, 1905a) et une analyse qualitative de façon détaillée des
réponses de l’enfant. Binet avait une intuition de connaissances très actuelles de psychologie
cognitive. Par exemple, il analyse les erreurs des enfants lors de la répétition de chiffres et

4
Précisons toutefois qu’il existe une version individuelle du test Binet-Simon, le Terman-Stanford puis le Terman-
Merril dans laquelle l’esprit clinique de Binet est respecté (Huteau et Lautrey, 1999).
5
La société Binet-Simon présidée par Guy Avanzini et dont le secrétaire est Bernard Andrieu œuvrent en France
pour la défense de l’esprit de Binet.
408 P. Rozencwajg / Pratiques psychologiques 12 (2006) 395–410

l’on peut reconnaître des phénomènes bien connus aujourd’hui d’effet de récence ou de fonc-
tionnement exécutif (certains enfants ne peuvent s’empêcher de donner des suites de chiffres
correspondant à l’ordre naturel). Dans une tâche de fluidité verbale, il ne se contente pas de
compter le nombre de mots donnés par l’enfant, mais il analyse la nature de ces mots et leur
succession. On peut alors reconnaître des concepts liés à l’organisation de la mémoire à long
terme.
Pour Binet, la mémoire stricte n’était pas si importante ; pour lui le jugement était une
dimension bien plus importante : « À première vue, la mémoire étant un phénomène psycho-
logique d’une importance capitale, on sera tenté de lui faire la part très belle dans un examen
de l’intelligence. Mais la mémoire est distincte et indépendante du jugement. On peut avoir du
bon sens, et manquer de mémoire. L’inverse est aussi fréquent. Nous observons en ce moment
même une fille arriérée qui développe devant nos yeux étonnés une mémoire bien plus grande
que la nôtre ; nous l’avons mesurée cette mémoire, et nous ne sommes dupes d’aucune illu-
sion. Cependant, cette pauvre fille présente le plus beau type classique d’imbécillité » (Binet
et Simon, 1905a).
Certaines situations de Binet innoveraient paradoxalement l’évaluation de l’intelligence. Par
exemple, le test de « description de gravures » était essentiel aux yeux de Binet. Il disait :
« s’il ne devait rester qu’un seul test, ce serait celui-là ». En quoi consistait-il ?
Sur la Fig. 1, on peut voir un homme et une femme sur un banc mais leur attitude sur le
banc et leurs vêtements, l’ambiance triste de la gravure, laissaient à penser que ces personnes
étaient malheureuses. Binet décrit pour cette gravure une évolution des réponses avec l’âge où
l’enfant devient capable d’interpréter l’image en ajoutant une note émotionnelle. On peut
reconnaître ce qui pourrait relever de l’interaction entre émotion et cognition.
Zazzo et al. (1966) indique dans le manuel de la NEMI que ce test est le « moins bon » de
l’échelle car sa corrélation avec l’âge mental n’est pas assez importante. Il semblerait que la
recherche de corrélations importantes fasse perdre l’objectif initial de mesurer l’intelligence
par des situations de problèmes variées.
Une autre situation consiste à rappeler un texte qui contient plusieurs phrases. Binet montre
que cette mémoire (à court terme) est très liée à la compréhension que l’enfant se fait du texte.

Fig. 1. Exemple de description de gravure d’après Binet et Simon (1908).


P. Rozencwajg / Pratiques psychologiques 12 (2006) 395–410 409

La mémorisation du texte nécessite la compréhension d’un scénario factuel et la compréhen-


sion de sentiments (Binet et Henri, 1895).
Binet et Simon distinguent également ce qu’ils appellent une mémoire des idées : « Le
meilleur moyen d’étudier la mémoire des idées ne consiste pas à faire répéter des phrases de
compréhension difficile, car ceux qui ont beaucoup de mémoire peuvent répéter vite et exacte-
ment ce qu’ils n’ont même pas compris ; il consiste à imposer un délai entre l’audition et la
répétition, en obligeant le sujet à penser à autre chose pendant cet intervalle ; alors tout ce
qui est sensoriel, écho de mémoire auditive, disparaît et il ne reste guère que l’idée » (Binet
et Simon, 1905b).
« Nous avons exploré, avec l’outil nouveau que nous venons de forger, plus de 300 sujets ;
et, à chaque examen nouveau, notre attention a été éveillée, surprise, charmée, par les observa-
tions que nous devions faire à côté sur la manière de répondre, la manière de comprendre, la
malice des uns, l’obtusion des autres, et les mille particularités qui faisaient que nous avions
devant les yeux le spectacle si attachant d’une intelligence en activité » (Binet et Simon,
1908).
N’est-ce pas cette conception de l’évaluation de l’intelligence, un savant dosage de mesure
et de sens clinique, centré sur le sujet, qui devrait, aidée par les multiples outils de la psycho-
logie cognitive et des statistiques, guider la construction d’une échelle d’intelligence ?

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