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PRAXÉOLOGIE MOTRICE
44■ Science de l’action motrice*, notamment des conditions, des modes de
fonctionnement et des résultats de la mise en œuvre de celle-ci.
51Il est frappant de retrouver cette dualité au cœur des difficultés éprouvées par la
réflexion dans le domaine des activités physiques et sportives. Le rapide survol
précédent a évoqué ces deux grandes orientations possibles. On peut concevoir
une science générale de l’action dans l’optique de Parsons : il y correspond une
praxéologie motrice recherchant l’intelligibilité de tout le champ de la motricité,
sans le souci lancinant de l’application pratique immédiate. On peut aussi
envisager une science ou une technologie scientifique au service du sujet en
situation comme le proposent Espinas ou Pascal : il y correspond les règles
d’entraînement sportif et de comportement* praxique* liées à l’efficacité d’une
intervention concrète ; et cela aussi bien pour le pratiquant que pour l’entraîneur
ou le motricien*.
52Ces deux perspectives sont différentes mais chacune renvoie à l’autre. Ainsi que
l’affirme Roger Daval, il conviendra de « conserver à la fois ces deux centres de
perspective » ((4), p. 49) et « il faudra nous résigner à passer plusieurs fois, selon
la nature des questions psychosociologiques traitées, d’un point de vue [à
l’autre] » ((4), p. 98). Cette ligne de partage épistémologique est fondamentale ;
nous la retrouverons constamment lors de l’analyse des pratiques motrices. Loin
d’opposer une fin de non-recevoir au développement d’une praxéologie motrice,
elle en précise les conditions de validité.
54Il n’en reste pas moins que les deux perspectives dégagées par Roger Daval vont
ici aussi entrer en concurrence : une science de l’action motrice étudiant les
phénomènes de l’extérieur comme le ferait un physicien et une science au service
de l’individu agissant aux prises avec les exigences d’une tâche concrète. C’est
bien cette dualité, fort mal perçue, qui sous-tend le violent conflit opposant, dans
le domaine du sport* et de l’éducation physique*, la théorie à la pratique.
55En réalité, ces deux perspectives sont complémentaires et tout progrès réalisé
dans l’une peut être bénéfique à l’autre. Cependant, il faut en prendre son parti :
ces deux points de vue ne seront jamais superposables. Jouer au volley-ball ou à
la Balle au but, intervenir sur un terrain de basket-ball ou entraîner des gymnastes
n’est pas réductible à la stricte application d’un corps de connaissances traitant de
la motricité. Chaque situation du terrain est différente des autres, possède ses
propres variations de paramètres, est médiée par des relations inter-personnelles
uniques, bref détient une originalité imposant des réponses particulières. Une
synthèse pragmatique nouvelle est toujours requise. Les pratiques motrices et les
pratiques pédagogiques ne sont pas strictement déductibles d’un corpus
théorique général.
57Les pratiques suscitées par le sport, pratiques régies par des normes
institutionnelles de temps, d’espace et d’interaction, offrent, par leur clôture et
leur limitation même, un champ d’étude praxéologique de choix. Mais elles ne
représentent qu’un sous-ensemble restreint du vaste ensemble des situations qui
ressortissent à la praxéologie motrice ; jeux sportifs institutionnels*, jeux sportifs
traditionnels*, expression corporelle, certaines situations de travail et de la vie
quotidienne, activités physiques libres.
ACTION MOTRICE
1■ Processus d’accomplissement des conduites motrices* d’un ou de
plusieurs sujets agissant dans une situation motrice* déterminée.
1 Il est rappelé qu’afin de distinguer les jeux sportifs traditionnels des jeux sportifs
institution (...)
2Un athlète qui lance le javelot, deux épéistes qui s’affrontent, un barreur et un
focquier qui manœuvrent leur voilier, des enfants qui jouent au basket ou à la Balle
au chasseur1 accomplissent une action motrice. Celle-ci se manifeste par des
comportements moteurs* observables, liés à un contexte objectif, comportements
qui se déploient sur une trame crépitante de données subjectives : émotion,
relation, anticipation*, décision*.
4Dans l’univers de l’action motrice, on peut discerner des points de vue très
variés, par exemple considérer l’accomplissement physique de la tâche*, les
aspects techniques et tactiques déployés sur le terrain ; on peut aussi prendre en
compte les mécanismes de préaction* sollicités ou bien encore les interactions
motrices* et le réseau de communication* mis en jeu. La décision motrice est à
coup sûr l’un des thèmes majeurs de cette problématique ; elle peut être
appréhendée au niveau du sujet agissant, mais aussi au niveau d’une équipe ou
encore du système constitué par l’affrontement de plusieurs groupes. On peut
également envisager les conditions sociales de production de l’action motrice,
dont l’un des aspects principaux est le système de norme imposé par le code de
jeu. S’ensuivront des modélisations* très diverses.
★
6Le concept d’action motrice est plus large que celui de conduite motrice,
directement associé aux caractéristiques subjectives de la personne agissante (ce
qui est capital dans l’approche des situations concrètes d’éducation physique*,
mais trop orienté pour aborder tous les angles d’attaque possibles de la
motricité*). Le point de vue du sujet agissant symbolisé par la notion de conduite
motrice est à coup sûr au cœur de la problématique de l’action motrice ; mais la
perspective de l’action-phénomène, de Faction-système observée de l’extérieur
est tout aussi capitale. À vrai dire, ces deux approches sont profondément
solidaires et indissociablement complémentaires pour qui souhaite appréhender
de façon non restrictive l’action motrice. On comprendra que la position de fond
ainsi choisie rejette tout à la fois l’attitude psychologiste qui sacralise le vécu
subjectif au détriment des conditions du contexte, et l’attitude sociologiste qui
réduit la conduite humaine à une pure résultante de mécanismes de pressions
socio-institutionnels.
7Une partie des termes du lexique porte l’accent soit sur la perspective de la
personne agissante (conduite motrice, empathie*, inconscient moteur*, ludivité*,
anticipation motrice...), soit sur la perspective de l’action-phénomène
(domestication/sauvagerie*, logique interne, ethnomotricité*, duel*, universaux,
modèle...), mais chaque dominante est toujours compatible avec la prise en
compte complémentaire de l’autre pôle. L’association de ces deux points de vue
devient centrale dans la présentation de nombreux concepts dont le sens impose
de ces deux pôles une saisie simultanée : décision motrice, stratégie*, rôle
sociomoteur*, décentration*, décodage sémioteur*, indice*, praxème*... La
subjectivité, le projet et l’initiative individuels sont d’évidence sur le devant de la
scène mais ne s’expriment que dans la mesure même où ils s’accordent aux
contraintes objectives du système d’interaction. Les termes « décision » et
« stratégie motrice », par exemple, privilégient manifestement l’autonomie et la
capacité d’auto-détermination du sujet ; cependant, ce pouvoir de choix ne prend
sens que replacé dans le contexte extérieur qui définit précisément les conditions
« systémiques » qui président aux choix individuels. Tout le champ de la
sémiotricité* en est l’éclatante illustration. Se dessine ainsi un troisième niveau
d’étude omniprésent dans ce lexique : le niveau de l’interaction motrice qui, dans
l’effervescence, ici et maintenant, de la rencontre ludomotrice, accorde la conduite
subjective du joueur au canevas commun de la logique objective du jeu.
★
108Le terme « mouvement », souvent invoqué en éducation physique – encore de
nos jours – est notoirement inadéquat et témoigne d’une conception ancienne qui
prend en compte le produit et non pas l’agent producteur. La notion de
mouvement répond à l’idée d’un corps bio-mécanique défini par des
déplacements appréhendés de l’extérieur ; elle se préoccupe en quelque sorte de
décrire des « énoncés » gestuels d’où le sujet est exclu en tant que tel (et dont
l’aboutissement est « la » technique, le geste-modèle abstrait et dépersonnalisé).
Or, en éducation physique, l’énonciation importe autant que l’énoncé, le sujet
producteur autant que le produit. La notion de mouvement renvoie à un énoncé
gestuel, la conduite motrice à une énonciation, c’est-à-dire à une production
motrice accomplie par une personne précise dans les conditions concrètes d’un
contexte daté et situé ; dans le premier cas, on met l’accent sur le produit, dans le
second sur l’agent producteur, sur la personne agissante insérée dans une
histoire.
110Étant donné que toute séquence de vie prend corps dans un comportement
moteur, on peut être tenté de penser que finalement tout est conduite motrice.
Ainsi, quand un animateur présente une émission radiophonique, il mobilise ses
organes de la parole, il effectue certains gestes, il adopte certaines postures :
s’agit-il d’une situation motrice* ? Fondamentalement, non ; bien entendu, on
observe à cette occasion des manifestations motrices, mais celles-ci ne font
qu’accompagner une conduite qui est essentiellement de nature verbale. La
pertinence de la conduite se réfère ici au linguistique et non au moteur. De même,
les Échecs et le Bridge ne sont pas des situations motrices*, même si le corps y est
impliqué. La pertinence est alors de type combinatoire ; on peut remarquablement
jouer aux Échecs tout en étant fort maladroit de ses mains, on peut même y jouer
par correspondance, par simple désignation des cases. L’expression motrice n’y
est pas pertinente. Inversement, le linguistique et le combinatoire, en tant que tels,
sont secondaires au saut en hauteur, aux agrès, au hand-ball ou à la Balle assise,
dont la pertinence a son ancrage dans l’action motrice*.
ÉDUCATION PHYSIQUE
11■ Pédagogie* des conduites motrices*.
12L’éducation physique est une pratique d’intervention qui exerce une influence
sur les conduites motrices des participants en fonction de normes éducatives
implicites ou explicites. L’exercice de cette influence normative provoque
généralement une transformation des conduites motrices, processus qui place la
question du transfert d’apprentissage* au cœur des préoccupations du motricien*.
14C’est la raison pour laquelle l’enjeu de la définition est d’importance. Ainsi que
le souligne avec force Jacques Ulmann : « C’est pourtant cette légitimité [de
l’éducation physique] qui est en cause, ce droit à l’existence. Et il en va ainsi parce
qu’on n’a pas vu ou pas osé voir le problème majeur de l’éducation physique :
qu’est-ce que l’éducation physique ? » ((2), p. 406). Quel contenu reconnaître en
effet à cette discipline ? Les tentatives qui la posent en l’opposant au sport*, celles
qui, à l’inverse, l’assimilent à ce dernier, celles qui la confinent dans les pratiques
parcellisées d’une « méthode », fut-elle très ingénieuse, font certainement fausse
route. Elles restent à la surface des choses et des finalités générales, perpétuent
de très anciens schémas et persévèrent à leur insu dans une conception du passé.
Il convient de poser le problème différemment.
15Toutes les techniques corporelles, quelles qu’elles soient, peuvent être analysées
en termes de conduite motrice : aussi bien les situations d’Épervier ou de Balle au
chasseur que de lancer du disque, de ski ou d’expression corporelle. Dans cette
perspective, ce n’est plus le mouvement qui est central, mais la personne qui se
meut, la personne agissante, ses décisions motrices*, ses élans affectifs, son goût
du risque, ses stratégies* corporelles, son décodage sémioteur*... La notion de
conduite motrice représente le dénominateur commun de toutes les activités
physiques et sportives. Quels que soient le lieu et l’époque, chaque pratique
d’éducation physique met en œuvre une intervention visant à influencer les
conduites motrices des participants. Voilà la pierre angulaire de l’éducation
physique : dans tous les cas, il s’agit bien d’une pédagogie des conduites
motrices.
19En second lieu, les situations d’éducation physique peuvent susciter une
recherche en vraie grandeur. Elles relèvent en effet de la praxéologie motrice* dont
le propos est d’étudier l’action motrice* dans ses différentes modalités et
transformations. On retrouve alors un schéma d’investigation classique : s’étant
donné un objet, toute discipline scientifique observe et analyse les modifications
de cet objet en fonction des facteurs et conditions qui jouent sur lui. Dans ce droit
fil, la praxéologie motrice se propose d’étudier l’action motrice dans les relations
qu’elle entretient avec ses facteurs d’influence (conditions biologiques,
matérielles, organisationnelles, sociales...). Il semble difficile de nier que les
facteurs d’influence de type pédagogique entrent de plain-pied dans cette
problématique.
20Il serait naïf de prétendre que le champ pédagogique est incompatible avec un
statut scientifique sous prétexte qu’il représente un lieu où pèse la norme. Comme
si tout champ social quel qu’il fût (celui par exemple de la sociologie, de l’histoire,
de l’ethnologie...) n’était pas constitutivement l’enjeu de multiples valeurs ! Il y a
belle lurette que la psychologie sociale, avec Elton Mayo, Jean-Louis Moreno, Kurt
Lewin et Musafer Sherif, pour ne citer que quelques pionniers, a précisément pris
comme objet, et sur le mode expérimental, l’influence des normes sur la
modification des conduites. Dans cette lignée, les situations d’éducation motrice,
indissociables de leur faisceau de normes et de contraintes (logique interne* des
jeux sportifs*, conditions matérielles, finalités recherchées...) ressortissent à la
praxéologie motrice. L’éducation physique est et restera une pratique ; mais lui
est-il interdit d’éclairer rationnellement ses démarches ?
Figure 12
Les différentes classes de situations motrices qui relèvent de l’éducation physique.
★
25Afin d’éclairer les choix pédagogiques, il semble souhaitable d’analyser avec
sérénité les grandes classes de situations motrices, de mettre à découvert la
logique propre de leur fonctionnement, de dévoiler l’influence qu’elles exercent
sur les conduites motrices des participants. En dernière analyse, toute pratique
pédagogique est à replonger dans le système de valeurs qui lui assigne ses
finalités. Les choix pédagogiques correspondant à ces finalités précises ne
méritent-ils pas d’être effectués en toute connaissance de cause et en toute
connaissance d’effet ? L’approfondissement de la logique interne des différentes
situations motrices permettra d’apprécier avec plus de lucidité dans quelle mesure
chacune de celles-ci peut satisfaire aux finalités retenues.
SITUATION COMOTRICE ❀
102■ Situation motrice* qui met en présence, éventuellement en
concurrence, plusieurs individus agissants, mais sans provoquer
d’interactions motrices* opératoires constitutives de l’action à accomplir.
103Les situations comotrices surabondent dans la vie quotidienne (marche dans la
rue, activités domestiques, travail en atelier ou en usine...), dans la vie de loisir
(jogging, ski, surf, bicyclette, roller, randonnées...) ou dans la vie du sport* (tir à
l’arc ou à la carabine, courses d’athlétisme en couloir, natation, sauts et lancers
d’athlétisme, course cycliste contre la montre...). En traitant
l’entrée comotricité*, il a été souligné que ces pratiques pouvaient être accomplies
en simultanéité ou en alternance.
104À vrai dire, les situations comotrices font souvent illusion sur le plan des
liaisons interindividuelles. On a tendance à les percevoir comme des situations
sociomotrices* mais il n’en est rien : ce ne sont pas des pratiques de coopération
ou d’opposition au cours desquelles l’action de chacun dépend de celle des autres.
Il s’agit d’activités exécutées en compagnie mais que l’on pourrait dans leur
intégralité accomplir seul, comme par exemple une course de 110 mètres haies,
une descente en canoë-kayak ou un parcours en VTT. L’interaction motrice ne fait
pas partie de la logique interne* de l’activité. Ainsi que l’indique la figure ci-
contre, nous sommes en présence d’un sous-ensemble des situations
psychomotrices* (et non des situations sociomotrices). La co-présence d’autrui, lui
aussi agissant, parfois même concurrent, ne va pas sans exercer une influence de
type affectif mais, encore une fois, l’interaction éventuellement suscitée n’est pas
partie constitutive de la tâche motrice* engagée pouvant être menée à bien
indépendamment de cette intervention. En bref, dans une situation comotrice, les
participants agissent ensemble tout en étant séparés.
SITUATION PSYCHOMOTRICE
110■ Situation motrice* ne mettant pas en jeu d’interaction motrice
essentielle*.
CARACTÉRISTIQUES
111Par définition, ces situations sont totalement dénuées de communication
praxique*. L’individu y agit en isolé, sans nouer d’interaction opératoire avec un
autre intervenant (lancer de javelot, barres asymétriques, ski, vol à voile,
construction de châteaux de sable, glissade sur une mare gelée, parcours à
l’aventure...). Dans ce cas, la co-motricité* fait défaut : tout au plus peut-on
parfois observer des interactions motrices inessentielles*, par exemple quand
l’athlète tient compte de la position de ses concurrents dans une course en couloir
ou quand il subit l’influence du comportement gestuel de son entraîneur et du
public. Mais ces interactions inessentielles, contingentes et inconstantes, ne font
pas partie de la définition de la tâche* : la co-motricité n’est pas réductible à une
co-présence.
IMPORTANCE SOCIALE
113Les pratiques psychomotrices sont innombrables dans la vie quotidienne, dans
le monde du travail et dans les activités de loisir. L’institution sportive leur accorde
une place privilégiée : 46 % de l’ensemble des épreuves des Jeux Olympiques de
1976 leur ont été consacrés (figure 4), et deux de leurs grandes catégories,
l’athlétisme et la natation ne sont-elles pas habituellement qualifiées
d’« épreuves-reines » de ces mêmes Jeux Olympiques ?
117Sans doute serait-il sage d’éviter des propositions aussi hasardeuses pour ne
pas dire naïves. À moins que ces affirmations, dont le propos est d’assimiler le
progrès de l’homme à l’amélioration de ses performances sportives chiffrées, ne
deviennent elles-mêmes l’objet d’une prise de recul critique. En effet, ne voit-on
pas sourdre ici, à l’occasion des exploits des dieux du stade, un des éléments
majeurs de la vaste fresque qui accorde au sport une place de choix dans la
mythologie moderne ?
SITUATION SOCIOMOTRICE
119■ Situation motrice* mettant en jeu une interaction motrice essentielle*
(ou communication praxique *).
120Celle-ci peut se manifester directement sous forme de communication motrice*
entre partenaires (cordée d’alpinisme, couple de patinage, équipage de voilier,
équipe de relais...), sous forme de contre-communication motrice* entre
adversaires (assaut d’escrime, tennis en simple, sports de combat...), ou encore en
entremêlant ces deux formes (sports collectifs, jeux traditionnels* tels les Barres,
le Drapeau, la Délivrance...). Elle peut aussi se manifester indirectement sous
forme de gestèmes* et de praxèmes* qui préparent, orientent et pré-organisent
ces interactions directes* de co-motricité*.
SOCIOMOTRICITÉ
123■ Champ et caractéristiques des pratiques correspondant aux situations
sociomotrices*.
VARIÉTÉ ET RICHESSE DE
L’INTERACTION MOTRICE
128L’interaction motrice n’est pas monolithique. D’une part elle admet deux
grandes variétés opposées, la communication* et la contre-communication
motrices* ; d’autre part elle autorise, pour chacune de celles-ci, des modalités de
pratique très diversifiées selon les normes du contrat ludique* (distances de
charge*, modes de contact, prises en compte des réussites et des scores,
possibilités de coalitions...). Dans les jeux sportifs, ces caractéristiques sont
directement liées à la logique interne* du jeu, laquelle s’inscrit dans des
universaux* précis : réseaux de communication*, systèmes des scores*, réseaux
des rôles sociomoteurs*... La nature du réseau de communication, la part
respective qu’il accorde à l’antagonisme et à la solidarité interviennent ici pour une
part prépondérante.
129Ce type d’analyse semble autoriser l’hypothèse selon laquelle les pratiques
d’intermotricité déclenchent et développent chez l’enfant des processus socio-
cognitifs originaux. La connivence et/ou l’affrontement des volontés qui prennent
corps sur le terrain suscitent de multiples coordinations et symbolisations,
opérations dont le contenu diffère de celui des actions en isolé. À ce titre, on peut
envisager une intelligence sociomotrice*, distincte de l’intelligence
psychomotrice*. Cette différenciation entre situations motrices possède des
prolongements en éducation physique*. Le motricien* souhaitant développer les
phénomènes de communication et d’échange avec autrui risque fort de se payer
de mots s’il concentre son intervention sur l’athlétisme, la gymnastique, la
natation ou le ski, activités toutes dépourvues d’interaction. Il apparaît clairement
que le motricien doit prendre en compte les mécanismes mis enjeu par les
différentes pratiques afin d’adapter à son projet pédagogique les situations
proposées à ses élèves.
130On peut penser que la coopération et/ou l’affrontement sociomoteurs, par les
métacommunications et les codages sémioteurs qu’ils provoquent, par les
décisions et les stratégies motrices qu’ils suscitent, par les expériences variées
d’échanges et de conflits qu’ils organisent, fertilisent de façon non négligeable le
développement de l’enfant, tant du point de vue socio-affectif que socio-cognitif.