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La lecture rapide

Victor,

J’ai fait une découverte il y a peu. C’est de la lecture


rapide.

Ça permet de lire très très vite… genre un roman en


une soirée, tu vois ? Et devine quoi ? Cela fait trois soirs de
suite que j’en termine un. Je suis assez content de moi.

Rappelle-toi, au collège je n’en avais terminé qu’un :


Oliver Twist. Au rythme de 10 pages par jour, ce livre de
160 pages allait me coûter toutes mes vacances scolaires,
merde !.. quel professeur, un peu humain et résolu, est
assez con pour faire ça à un gosse ? J’avais autre chose à
foutre.. faire des qualif, brûler mes genoux sur le goudron,
sprinter à l’épervier… j’en passe ! Enfin, tu imagines bien
que dès le 3e jour j’ai pensé à contourner le devoir et
regarder un film ou un résumé. Eh bien, crois-le ou non
mais je m’étais retenu, je l’avais lu ce maudit bouquin et ce
fût bien la seule et unique fois ! Je n’avais même pas
compris qu’un gars s’était pendu à la fin !

Après avoir affûter mes lames pour esquiver ces


livres, voilà qu’au lycée on nous refilait des trucs comme
Germinal.. 600 pages sur les mines.. la barbe ! Pour te dire
à quel point j’étais devenu bon.. je demandais à mes amis
leurs rédactions pour copier. Par exemple, pour un livre de
Boris Vian, on avait à répondre à un questionnaire et j’avais
demandé à une ses notes. Elle me les avait gentiment refilé
et je découvrais avec étonnement, le jour de la remise des
notes, que nous avions eu respectivement 17 et 16 sur 20.
Mes talents de reformulation n’y étaient pas pour rien je te
le garanti. Les autres avaient misérablement copié collé, les
gueux, et s’en étaient sorti avec des 6 voire des 0 quand ils
n’avaient aucun effort.

Enfin, pour te dire que je te conseilles de t’y


attarder… à la lecture rapide, je veux dire. Car elle est une
résurrection pour moi. Je lis alors que je n’y suis pas obligé
et j’y prends même plaisir.

Avant ça, faut comprendre que « lecture rapide » c’est


un terme barbare pour un pseudo-intellectuel, un prof, un
verbeux, un cynique, un vieux, un incapable… donc vas-y
doucement et n’en parle pas trop au début. Bien sûr, ça fait
des lustres qu’on connait la discipline dans les « hautes
sphères » mais ces abrutis attendent toujours que ce soit
accepté par la majorité pour dire : « ah mais je l’avais vu
arriver ».

Bref, la lecture traditionnelle lit à sa vitesse de


locution, à la vitesse où on parle quoi.. et comme on parle
à une vitesse estimée entre 150 et 200 mots par minute, la
plupart des gens lisent à cette vitesse. Pour te donner une
idée, ils mettent 5 à 6 heures pour terminer un livre de 200
pages… eh beh évidemment ils ne le terminent pas dans la
journée. Donc dès que tu liras à plus de 200 mots par
minute ou que tu utiliseras un de mes outils, on pourra dire
que tu fais de la lecture rapide.

Dans un premier temps, regarde ce que les gens font,


dans le métro, quand ils lisent. Ils se tiennent à 30 cm du
bouquin, le balaie du regard… alors qu’on sait très bien
que les yeux doivent être guidés ! ils font n’importe quoi et
ils croient être efficace en plus ! Ils passent plus de temps à
chercher les lignes des yeux qu’à lire et comprendre
réellement ! Faire la mise au point sur les mots durant un
trajet ça fatigue les yeux en plus des saccades que font
leurs pupilles.

Tiens, un test, je te proposes juste de tenir ta tête


droite… et pendant, mettons.. 20 secondes, tu décris un
cercle avec tes yeux devant toi. Suis-le du regard. Sans
bouger la tête. Tu verras, c’est épuisant et chiant… t’en
auras peut-être fait 5 à tout casser. Mais si tu mets ton doigt
devant toi et que tu le suis à décrire ces mêmes cercles,
alors d’un coup ça ira beaucoup mieux ! et tu iras plus vite !
et tu seras moins fatigué… fin ça c’est évident.

Donc, ça c’est la première raison qui fera que ta


lecture sera plus agréable. Dans le jargon, ils appellent ça
un guide visuel. Ça peut être ton doigt, une carte ou un
crayon, c’est un peu enfantin mais c’est déterminant pour la
suite.

Ensuite, il y a, ce qu’ils appellent le pomodoro. Alors


ça, c’est une technique de chef cuisto italien. Me demande
pas à quel moment la littérature et la cuisine se lient, mais
force est de constater que ça arrive. Les connaissances
transversales ça groupe tous les domaines. Et en fait,
pomodoro ça veut dire tomate en italien et ça servait de
minuteur pour faire leur popote. Donc, en fait, c’est dans
l’esprit que tu dois te définir un temps de début et de fin.
Et, dès que ce chronomètre est terminé.. bah il faut te
récompenser vingt dieux ! Comme ça qu’on galvanise son
circuit de récompense et que, bah, on développe une
culture de l’effort.

Tu sais, l’effort, quand tu le transforme en plaisir.. alors


t’as tout compris dans la vie. C’est ça que l’école nous fait
perdre. Elle associe la correction à une punition et
récompense les notes plutôt que les efforts fournis. Ton but
seras te t’émanciper de ces croyances acquises durant
l’enfance et qui sont une infection pour l’apprentissage.
Car… on est la somme de ses efforts… de ses choix. Notre
âme ne résonne que par des actes. Tu comprends bien
tout ça, je n’en doute pas. Donc ça c’était pour le deuxième
point. Et évidemment, si tu as des questions, tu m’en fais
part.

Pour le troisième donc c’est, ce qui s’appelle la


subvocalistion. Donc c’est à peu près ce que font tous les
non-inités, c’est-à-dire qu’ils parlent dans leur tête. Ils lisent
à la même vitesse qu’ils parlent, rappelle-toi. Et comme je
t’ai dis avant, on estime à 200 mots la vitesse de notre
parlotte quotidienne. Ainsi dès que tu vas lire plus vite que
tu parles, bim c’est de la lecture rapide. Voilà. Y’a pas de
questions à se poser. La lecture rapide peut se faire
partout. Enfin, ça parait même con de le rappeler. Pourquoi
lirait-on aussi vite qu’on parle ? Autant regarder un film
sinon ? Et ceux qui te diront de retourner à la lecture
traditionnelle sont empreint d’une bêtise assourdissante.
C’est à peu près comme réagir à la création de la voiture en
disant : Ouais mais on aura plus le plaisir de marcher ? Bah
si tu veux marcher, tu marches, mais nous, on prend la
voiture… enfin bref.

Pour la subvocalisation, tu vas me demander : mais


est-ce qu’on parle toujours dans notre tête ? Et je te dirais :
quand tu conduis et que tu regardes les panneaux de
signalisation, celui du passage piéton par exemple, tu
regardes l’image tu te le répètes dans ta tête ? Mot pour
mot : P.A.S.S.A.G.E. P.I.E.T.O.N. Arrêtes de te foutre de ma
gueule. Rien que l’écrire ça m’a fait chier. Alors là tu vas me
dire : oui mais y’a pas de dessins dans les livres. Yes. Et
l’écriture c’est pas des dessins en forme de lettre qui
retranscrive des sons, des syllabes, puis une image puis
une idée. Effectivement que si ! Alors de la même façon
qu’un français apprend l’alphabet cyrillique ou même le
japonais et qui se met à le parler couramment, ton but ce
sera de ne plus réfléchir lettre par lettre mais de tant
t’accommoder aux mots qu’ils deviendront un dessin qui
sonne directement dans ta tête. Parce que un mot se
définit par la forme de ses lettres. Regardes :

PAPA.

MAMAN.

A peine tu les vois que l’image sonne direct.

Et puis, pour enlever la subvocalisation t’as deux


solutions. La première, c’est que tu vas enfumer le cerveau
par un métronome. Comme les joggeurs, tu vas te répéter
« une, deux, une deux ». Puis tu vas être obliger de lire sans
subvocaliser étant donné que tu lui récite déjà quelques
chose. L’autre manière, qu’est un peu plus radical, ça va
être de lire en langue étrangère. Langue étrangère, plutôt
simple, puisque comme tu n’es pas natif tu n’auras pas
l’instinct de te le réciter. C’est aussi simple que ça, suffit de
savoir comment tromper son cerveau.

Pour finir, deux petits conseils.

C’est ce qu’ils appellent le bruit blanc. Donc le bruit


blanc c’est comme la pluie. Dans la première minute tu
entends la pluie, tu regardes par la fenêtre, au bout de
trente minute si quelqu’un rentre dans la pièce et te dis
qu’il pleut, tu t’interroges, tu regardes et vérifies, puis tu te
dis : « ah oui c’est vrai ». Ton cerveau a supprimé le bruit de
la pluie. C’est ça le bruit blanc. C’est un bruit qui va peut-
être te paraître désagréable mais c’est par son ton
monotone qu’il va s’effacer dans ton cerveau. Et en fait ce
bruit c’est comme une sorte de couverture, c’est-à-dire que
tous les bruits moins fort que lui il va les éliminer de ta
conscience, dans ce laps de temps où tu es concentré.
Donc quand tu vas lire, tu vas être moins perturbé par ce
bruit de fond monotone. Tandis que, si tu es dans un
silence, le moindre claquement de doigt peut te faire vriller
de ta lecture. Donc, y’a des statistiques, un peu
approximatives, certes.. mais on va dire que tu peux
augmenter ta concentration de, ce que j’en ai entendu de
66%. Ce qui est plutôt pas mal.

Pour le dernier conseil, c’est que, à chaque fois que tu


commences un livre, tu vas t’instaurer un rituel. Par
exemple tu vas lire un livre… mettons de 200 pages, en 3
minutes. Tu te mets un minuteur et tu le parcours très
rapidement. Ton but c’est genre de déceler un mot dans la
page et de construire un fil rouge par ces mots-jalons tout
le long du livre. Tu sais, c’est dans l’esprit de se gâcher la
fin, de se spoiler un film, genre. En sachant la fin, tu n’as
plus besoin de savoir où veut en finir l’auteur, c’est comme
la tragédie à l’époque, on sait la finalité mais on veut savoir
comment y arriver et choper les petits détails cachés dans
le livre. Après avoir fait ça, tu te mets dans une sorte de
méditation accéléré, 1 ou 2 minutes et tu reprends en
lecture rapide, soit de 300 à 1 000 mots par minute, c’est
déjà bien.

Voilà, je t’ai fourni beaucoup d’info mais c’est


proportionnel à l’étonnement que j’ai eu en découvrant ce
bordel.

Je pourrais t’écrire bientôt, et puis si t’as des


questions je prendrais le temps d’y répondre.

A bientôt Victor.
Ne pas croire, te faire croire

Victor,

Je dois te faire part d’une observation. Je me prends


l’autre jour à lire un livre sur la criminologie et qui détaillait
l’âge des prisonniers… des incarcérés. Et alors ce livre
précise, dans un tas de statistiques verbeuses et
encombrantes, que ces hommes et ces femmes ont, en
moyenne, 31 ans. Et à ce moment-là je me dis : 31 ans,
l’âge d’un prisonnier ? Et tout de suite l’amalgame qu’on
pouvait en faire c’est que 31 ans c’est la moyenne que peut
avoir un délinquant la plupart du temps. Or, c’est
totalement faux, puisqu’entre le temps du délit, le moment
où il se fait intercepter et quand il pose le pied en prison,
y’a toute une période qui s’écoule. Plus le temps qu’il a tiré
en prison depuis. Donc ça m’invite encore plus à me poser
la question du : pourquoi les auteurs mentionnent-ils des
chiffres pareils ?

Toute cette petite anecdote m’invite à te dire.. te


conseiller de te méfier des chiffres. Chaque fois qu’on sort
un chiffre ou une statistique c’est pour soutenir une idée
derrière. Alors demande-toi d’abord ce que l’auteur veut
défendre comme idée et ce qu’il veut attaquer. Tu dois
identifier l’argument défendu de l’argument attaqué. Parce
que… genre j’ai trouvé une phrase sympas de Churchill qui
disait : « Je ne crois que les statistiques que j’ai moi-même
trafiqué ». Et je crois qu’on a beaucoup a tiré de cette
leçon.

On doit se positionner derrière cette intention que,


chaque livre qu’on veut nous vendre va vouloir soutenir
une idée et en décrédibiliser une autre. Une information,
un chiffre doit être uniquement considéré dans son
périmètre d’étude, il faut identifier son contexte, c’est-à-
dire qu’il va bien falloir tu te méfies de ce que tu lis. Eh
oui… même si les infos télévisées nous paraissaient
verbeuses, mensongères voire même grossières, et que les
films parfois n’étaient pas toujours fidèles aux oeuvres des
écrivains ou encore que les documentaires omettaient
volontairement certaines informations.. eh bien les livres
aussi font des tromperies. Des lecteurs victimes d’adultère
c’est quelque chose. Parce que les livres n’ont pas du tout
la parole d’évangile qu’on leur prête. Va falloir t’en méfier
autant. Et même des auteurs renommés peuvent dire des
bassesses inconsidérés.

D’ailleurs, si tu as remarqué l’époque moderne veut


déchoir toute forme de croyance. Moi, je te conseillerais
d’être incrédule envers l’opinion autres mais crédule envers
toi-même. Tu sais, je crois bien plus mes erreurs que le
succès des autres. Et comme dis Marcel Proust, ce qu’il y a
de fascinant avec le bonheur des autres, c’est qu’on y croit.
Ainsi tu dois avancer avec la confiance que ton esprit subit
l’homéostasie… et qui s’il est bancal dans sa pensée, il
reviendra, quoi qu’il en soit, à un état d’équilibre.
Enfin, j’espère que tu comprends à quel point ta
croyance peut te faire devenir quelqu’un d’autre. Regardes
par exemple ce que c’est le déni de grossesse. C’est un des
phénomènes les plus impressionnants qui soit dans la
physiologie humaine. Le témoignage que le cerveau a une
puissance inconsidérable. Ces femmes, qui, ne croyant pas
être enceinte, ne voient leur ventre gonfler qu’à un mois
de l’échéance voire moins, c’est tout de même
phénoménale sans mauvais jeu de mot.

Tu as un lourd travail à faire pour comprendre ce qui


te motives réellement dans la vie… ensuite tu n’auras qu’à
t’en convaincre. Que ce soit pour la lecture, la peinture, la
réalisation d’un film ou que sais-je… un mariage. Enfin tu
sais y’a un tas de gens qui sont convaincus de regarder
Grey’s Anatomy pour sa pédagogie de la médecine…
Alors toi, tu peux bien croire lire un roman en un soir.
Grey’s Anatomy c’est comme la série Suits, avec les avocats,
la différence c’est que la pornographie se fait dans des
blouses pour l’un et des costards pour l’autre. Et le pire
c’est qu’ils sont plein de gens à se targuer d’apprendre des
choses alors qu’ils ne font que de regarder des beaux
jeunes entrain se lécher et de s’avaler le fion. Enfin, faut pas
être Einstein pour comprendre comment se fourrer et le
revisionner 107 000 fois. Il y a quelque chose de plus
grand qui nous attend.. plus que de se toucher les miches.

Plus tu feras ce travail jeune et plus il sera efficace et


radicale. C’est bien Jacques Brel qui avait confié dans une
de ses interviews : « je considères qu’un homme a eu tous
ses rêves lorsqu’il atteint 16 ans ». Je partage son avis. Dès
17 ans c’est la déchéance, on n’est plus créateur de rêve
mais réalisateur. Rappelle-toi quand on entendait les
parents dire : « vous êtes jeunes, vous avez la vie devant
vous ». C’est la pire phrase à dire à son gosse car c’est lui
apprendre à procrastiner. La vie ça se fait que dans le
présent. Et il faut désapprendre la notion de futur quand
on croit qu’il nous ait promis par notre inconscient humain.
La vie consiste à passer du potentiel au réel. A un Homme
de soixante piges on lui dit pas qu’il a du potentiel. C’est
ou un raté, ou un réalisé. C’est jamais trop tard, mais bon.
C’est mieux quand c’est jeune que quand c’est vieux.

D’ailleurs, désapprendre est sûrement l’une des


capacités les plus difficiles qui soit et des plus valeureuses
également, celle d’apprendre à désapprendre. Et c’est en
cela qu’on cultive l’ouverture d’esprit, penser contre soi-
même, comprendre l’autre, faire abstraction de son ego et
de la volonté d’imposer ses idées. Car chaque fois que tu
parles, tu n’écoutes pas et donc tu n’apprends rien.

Encore hier je voyais sur Internet des gens se moquer


de ceux qui lisaient avec le doigt… Ah… ils sont pauvres
d’ignorance. Et comme ils sont pauvres d’ignorance, ils
ignorent qu’ils ignorent. Ainsi commence l’ingratitude et
l’imbécilité.

Bon, je me rappel que je voulais te faire part d’une


citation que j’avais bien aimés.. mais je l’ai oublié alors je te
la dirais la prochaine fois.

Tcho Victor.
Faire plutôt que comprendre

Victor,

Voilà quelques temps que je n’ai pu m’empêcher de


me vanter de cette lecture rapide et de lire plein de livre au
boulot et dans les endroits publics. Qu’elle ne fût pas mon
erreur, je tombe toujours sur les mêmes ignorants
prétentieux (je crois que c’est un pléonasme), qui me
demandent si je comprends ce que je lis au moins.

J’essaie de m’entraîner à répondre à cette question.

L’autre jour, une publication Facebook me le


demande tout pareil et je réponds : Je viens de regarder
un épisode des Simpson, j’ai tout compris. Tu m’as
compris ?

Je pense que ce commentaire peut t’aider à mieux


comprendre pourquoi je veux te faire lire.

L’a u t re é t a i t h é b é t é , i l ré p o n d a i t p a r d e s
balbutiements d’internet et s’évertuait à retomber sur ses
pattes. Enfin je vais pas me targuer de lui avoir cloué le bec
mais il faut que tu comprennes qu’il est facile de
comprendre un truc de débile ou de comprendre l’histoire
superficielle d’un livre. Mais la littérature c’est bien plus
profond que ça. Regarde, j’ai essayé de reformuler en
dessous lorsqu’on me reposera la question :

- Tu comprends ce que tu lis ?

- Ah parce que tu lis uniquement que ce tu


comprends toi ? Ça doit pas faire grand chose, non ?

- Non mais je veux dire, tu comprends l’histoire ? les


personnages ?

- Ecoutes si ta question sous-entend que lire ça sert à


comprendre les mêmes histoires qu’à la télé ou dans les
séries policières t’as rien compris. On lit un livre pour lire
entre les lignes, entrevoir la spiritualité, supputer les
images, les métaphores et toutes les figures de style qui
singularise ta pensée. On veut forger une imagination
unique. Alors on lit pertinemment en sachant qu’on ne va
pas comprendre mais on lit avec l’obsession d’interpréter.
Car tous les textes ne sont qu’une affaire d’interprétation.
Qui est assez prétentieux pour dire qu’il a compris la
Bible, le Talmud, le Coran, l’éveil de Gautama ou le
Maharabata et Faust et j’en passe ? Personne. Alors tu vas
me dire : ouais, non mais je parle des histoires genre
Stephen King et tout… Alors écoute-moi bien, si tu lis
Stephen King en n’ayant compris de la Ligne Verte que
c’est un gros noir musclé qui ressuscite les morts et qui
pleure, tu peux aller regarder le résumé sur Wikipédia et
arrêtez de nous les briser avec des concept
philosophique à la con. La littérature c’est pas un truc
pour les foules, y’a ni facilité ni puérilité matériel. Ceux
qui s’y cognent sont là pour devenir un Homme à part
entière et pas une réplique Haribo. En bref, les
consommateurs, cette sous-espèce du XXIè siècle ne
nous intéresse pas le moins du monde. Donc si tu te sens
concerné, barre-toi de là.

Tout ça pour te dire et te convaincre que tu peux lire


200 pages en 1 heure dès ce soir. Si tu ne lis pas, rappelle-
toi qu’il y a deux paramètres en lecture : le temps et la
compréhension. Modifies un des deux paramètres. Passe
30 minutes sur un livre de 100 pages et fais tout pour ne
rien y comprendre, tu te surprendras. Et une fois que
t’auras habitué ton cerveau à la vitesse alors tu pourras te
concentrer sur la compréhension. Mais lorsqu’on a rien fait,
lorsqu’on a le conteur à zéro, on n’utilise pas l’excuse de la
perfection pour ne rien faire. C’est un truc de sous race ça.

« Des années sans lire un livre n’ont pas bâti un mur


suffisamment grand pour m’empêcher d’en lire un en dix
minutes ». Voilà comment tu dois penser. Violer les règles
c’est le diplôme du virtuose. Le virtuose c’est celui qui va
rajouter des valeurs au système. Ça lui vaudra d’être renié
pour au final s’y inclure par la force des choses. Je te
propose de désacraliser la lecture, la littérature et toute
cette jungle d’intellectuels pompeux par la lecture rapide.
Et pour cela, il te suffit de 30 minutes et d’une pincée de
courage.

Et si tu ne comprends rien ? Mais.. si tu n’avais pas lu


le livre tu ne l’aurais pas plus compris. Alors, vas-tu écouter
ceux qui ne font rien ou ceux qui font des conneries? Moi
je suis de ceux qui font des conneries et qui s’en
badigeonne la face. Car, qui est en mesure de recevoir une
victoire ? Absolument tout le monde. Et qui est en capacité
de recevoir un échec ? Beaucoup moins de gens. Enfin, ils
s’en croient incapables en tout cas. Ils fuient la défaite et
l’échec comme la peste. C’est précisément pour ça, pour
cette fuite que l’erreur les poursuit comme un prédateur.
Précipite-toi dans la gueule du loup. Lire un livre sans le
comprendre n’a jamais tuer personne. Ce sera un effort de
ta part, un effort qui fera de toi une grande personne.

Deux petites choses pour finir. Méfie-toi de ceux qui


parlent de lire à voix haute ou de se réciter les mots dans la
tête. Ça fait des années que je répète des chansons en
anglais auxquelles je n’ai jamais rien compris. Je fais des
yaourts en ayant l’impression de faire le bilingue. Ce n’est
pas parce qu’on dit quelque chose qu’on le comprend,
enfin ça parait évident quand même. Regarde ceux qui
prêchent la bonne parole ou ceux qui donnent des belles
leçons, quand est-ce qu’ils se les appliqueront ?

Enfin, pour que tu apprécies la lecture, voici mon


conseil : lis un livre par jour. Note-le tous les jours dans un
carnet et attribue-lui une note sur 20. De cette obligation
naîtra la passion. Suffit de voir comment manger et chier
deviennent un plaisir du quotidien.

A bientôt.
Le dogme du combat

Victor,

Ecoutes, je me suis intéressé à Bruce Lee, tu sais le


maître en arts martiaux. Il a fait des études en philosophie
avant de tourner ses films. Je peux te garantir que c’est son
mental qui l’a sauvé, plus encore que son corps d’athlète.
Je ne te parles pas d’un mental, genre guerrier de la
bouffonnerie, je te parles d’un mental tout autre. Il dit
d’ailleurs, en interview, cette phrase magnifique : « Je
m’intéresse à la cause de mon ignorance. En matière de
croyance, de culture, de moeurs, d’éthique, de moral, de
justice, d’honneur et de principes ». Comprends-tu ? Cela
veut dire que toutes les connaissances sont à portée de ce
grand homme, et qu’il ne tient qu’à lui de trouver le
pourquoi il ne les connait pas encore. Comprends-tu la
puissance de cette leçon ? Cela veut dire que tout Homme
connait déjà tout en lui mais que le travail de sa vie
résidera à trouver le pourquoi il ignorait tout un tas de
chose. Ce Bruce Lee est tout bonnement brillant. Je savais
bien qu’un homme aussi important ne pouvait l’être par sa
simple plastique ou par ses coups de poing et ses kimonos
jaunes. Cette information que j’ai trouvé chez lui m’a permis
de comprendre la grandeur de son message.
Tu sais, tout le monde connait et répète sa
philosophie sur l’eau. Comme quoi, l’eau s’adapte à son
contenant sans jamais changer dans son contenu. Elle reste
elle-même. Cette leçon est forte mais plus elle est
revendiquée et plus elle perd de sa force.. c’est mon
impression.

Enfin, maintenant il faut que je te parle de ces moines


shaolin qui nous font marrer sur Internet. Tu sais, quand ils
cassent des briques du seul tranchant de leur main. Eh
bien, ça y est, j’ai compris le message que sous-entendait
ce cirque digne d’un Zapata. Dans cet exercice, seul
compte le point d’impact, l’instant du choc. Des heures et
des heures d’entraînement à répéter un mouvement, à
endurcir sa peau et la corner ne suffiront jamais à fendre la
brique. Seul compte le moment où tu frappes. Je l’ai
remarqué lorsque je me suis entrainé pour les
championnats de lecture. Je me suis rudement attelé à un
entraînement. Consistant à lire un livre par jour, tutoyer
tous les mondes romanesques, toutes les doctrines
philosophiques, l’histoire de la littérature, la
contemporanéité de l’écriture, l’encyclopédie de
l’humanité, j’en passe et des meilleurs. Toutes ces heures
dépensées devaient me permettre de me sentir prêt lors
de la compétition. D’être inflexible, impassible et serein. Je
me prenais à lire du Hugo, du Zola et du Voltaire pour
l’entraînement pour qu’au final je soit jugé le temps de
deux heures sur un roman de cabaret. Comprends-tu donc
que ce n’est pas l’entraînement qui suffit, mais la
concrétisation. Cela veut dire, qu’il ne faut pas lire un tas de
livres pour être intelligent mais pour le transformer et le
transmettre avec le jargon de notre temps et la pédagogie
nécessaire.

Cet art du combat m’a beaucoup appris ces derniers


temps. J’avais repris le sport, un peu de musculation, de
foot et de patates dans les sacs de frappe ou l’inverse, je
ne sais plus. Plus tôt, pour me relaxer, j’avais lu un manga
qui analysait le cycle respiratoire de boxeur, de karatéka et
tout le tintouin. Ils racontaient qu’en distinguant
l’inspiration de l’expiration, tu pouvais deviner à quel
moment l’adversaire allait frapper. Il ne pouvait frapper
qu’après avoir inspiré, puisque, contraint par le cycle
respiratoire, un Homme ne peut envoyer un coup qu’en
expirant en même temps. Tu verras d’ailleurs que, les plus
nuls à la muscu, sont ceux qui ne respecte pas ce tempo.
Dans le sport, en général, tout est affaire de tempo et le
reste c’est du bonus.

Egalement, pour envoyer un bon coup de poing, il


faut l’envoyer arrêté et en pivotant les hanches pour
accroitre sa force. Les meilleurs coups que l’on donne se
font toujours arrêté. Retiens bien ça. Ça aide lorsqu’on est
en proie à s’énerver ou à se laisser submerger par ses
émotions. Je me suis rendu compte qu’en fait, avec les
muscles de Ronnie Coleman je pourrais porter aussi lourd
que lui, soit 1,2 tonne à la presse, une centaine de kilos au
développé couché haltère, 800 kil au squat, tu m’as
compris. Donc chez un sportif, ce n’est jamais les capacités
physiques qu’il faut vanter mais l’acharnement mental.
Exactement comme un entrepreneur à succès. Il ne faut
pas lui envier sa richesse mais sa résilience, son
adaptabilité qui lui ont permis de se hisser la ou il est.
J’aspire pas à avoir l’argent de Bernard Arnault si je sais pas
le gérer, c’est pour ça que les gagnants loto sont des brêles
et que j’espère bien ne jamais gagner à cette loterie
d’imposition en soum soum.

Remarque aussi que ce poing n’est solide, que parce


qu’il soude ses doigts. Pourtant, un à un, ils se pètent
aisément. Alors dis-toi bien qu’un conglomérat de petites
compétences, de petits efforts peuvent aboutir à un
Homme aux dimensions du colosse de Rhodes (ou du
Corcovado pour les contemporains).

Et pour te prouver que mon nouvel amour des livres


ne me fait pas ingrat envers les autres formes d’arts, il me
faut te parler de l’immense leçon de Balboa. Stallone a
cette intelligence de faire passer un message qui ne
gratifie par la force physique, mais bien la capacité à
résister aux coups que t’assène la vie. Rocky Balboa est un
boxeur au caractère niais, nonchalant même concon et
hors du temps comme on pourrait dire. Mais cette naïveté
apparente n’en n’oublie pas l’essentiel. Et c’est là où il
rattrape toutes les intelligences. Il s’enthousiasme pour les
moindres victoires qu’il obtient, des amis qu’il a, de la
femme qui l’accompagne, de son coach qui le malmène ou
encore des petits combats de boxe qu’il organise à l’ombre
des projecteurs. L’argent ne l’aura pas changé, les louanges
et adoubements n’en n’ont rien fait non plus. On ne
travestit pas un Homme authentique.

Enfin, je me suis étendu encore sur le sujet mais pour


finir je voudrais te parler du combat que l’on a à mener sur
le terrain de la défense. J’ai suivi un avocat très connu de
notre temps, en France, Eric Dupond-Moretti. Un monstre
de la plaidoirie. Et je trouvais cette phrase dans le biopic
qu’on a fait de lui : Se défendre ce n’est pas accuser
quelqu’un d’autre. Pour te remettre dans le contexte, on
accuse une femme pour un crime et elle dit à cet avocat de
rapporter les preuves pour inculper un autre. Et même si
Maître Dupond-Moretti porte des soupçons plus ou moins
fondés sur l’homme qu’elle veut accuser il lui répond : Se
défendre ce n’est pas accuser quelqu’un d’autre. Rends-toi
compte de la puissance de cette phrase ! Elle est lourde de
sens pour moi, car elle indique qu’il faut toujours se
concentrer sur une chose à la fois et qu’on ne se déleste
pas de sa peine en traînant quelqu’un d’autre. Lorsqu’on te
portera préjudice, mon ami, défends-toi, sors t’en et vas
t’en. Ne perds pas ton temps à accuser celui que tu
soupçonnes. Car comme le dis Socrate, l’injustice punit
plus encore celui qui la commet que celui qui la subit. Tu
peux lire Gorgias, c’est le livre où il l’explique et, crois-le ou
non, mais ce Socrate te retournes le cerveau comme
jamais. De plus il a passé sa vie à combattre les sophistes
(ceux qui défendaient n’importe quoi tant qu’ils obtenaient
raison à la fin).

D’ici là, renvoie-moi tes impressions sur ce livre


gargantuesque.
Socrate, la Génèse

Victor,

Je suis heureux que tu aies pu le lire Gorgias. Vois-tu,


pour moi, toute la littérature découle de ce Socrate et son
leitmotiv : « Tout ce que je sais c’est que je ne sais rien ». La
sagesse incarnée dans cette phrase signe toutes autres
formes de philosophie. Car nous le savons bien, si le but le
plus important de la vie est de mourir (nous pourrons en
parler plus tard), le second est d’atteindre la sagesse, soit le
fameux : connais-toi toi-même.

Aussi, tu remarqueras que dans l’Apologie de Socrate,


où le vieux philosophe s’en meurt de la justice de son
époque et de la cigüe, Platon retranscrit à merveille ce
procès et ce destin d’une tragédie ineffable. D’ailleurs, cela
ne te rappelle-t-il pas quelqu’un ? Mort pour les autres,
acceptant son destin et pardonnant aux autres leurs
fautes : Jésus. Ah oui, un chrétien me l’a dit mais je ne suis
pas sûr que tu sois au courant. Jésus Christ n’a pas existé
de son vivant. Il a dû mourir sur la croix pour que le nom du
« Christ » lui soit donné en rapport à sa crucifixion. Il me
semble qu’il s’appelait Jésus de Nazareth autrement. Donc,
une fois encore, l’amalgame est vite répandu, lorsque dans
la Bible on nous nomme Jésus Christ de son vivant alors
qu’il ne connait ce nom qu’à sa mort. Encore la preuve, que
tant que tu n’auras pas réalisé ton oeuvre et atteint
l’apogée de ta vie, soit le plus grand but de l’existence qui
est de mourir, alors tu n’obtiendra pas le nom qui t’es dû.

Puisque comme la finalité est le plus grand des buts,


et que la finalité de la vie c’est la mort, donc le plus grand
but de la vie c’est la mort. Socrate m’aurait sûrement
entortillé dans ses raisonnements pour cette phrase digne
d’un sophiste, mai, veux-tu bin m’en croire : j’en suis
assurément convaincu.

Revenons à Platon d’ailleurs, je compte m’intéressais


aux personnages mais quelque chose me marque plus
encore chez lui. Quelque chose dont il n’est pas
responsable. Sais-tu, qu’à l’époque, une tonne de
philosophe se revendiquaient de lui, écrivaient en son
nom, signant Platon, pour qu’on écoute simplement leurs
idées. C’est-à-dire, que Platon a, comme pour Dumas, eût
des écrivains pour lui. Sauf qu’une différence les sépare. La
loi des droits d’auteur passée courant 1789 au temps de la
révolution. Avant cette loi, l’originalité n’était pas du tout
inscrite dans les valeurs humaines. Remarque qu’à notre
époque, c’est limite devenu un dogme, une doctrine et un
affront de ne pas s’y soumettre et de plagier
misérablement ou de copier comme un charognard.
Sachant que Dumas est du XIXè siècle et Platon d’avant
J.C., alors le premier l’a fait en son âme et conscience
tandis que l’autre l’ignorait absolument. Si nous n’avions
pas fait preuve d’honnêteté intellectuelle, nous aurions
accusé Platon de vendre des idées qui n’étaient pas les
siennes, et cela aurait été une des pires mésententes avec
notre intellect, qui est : l’anachronisme. L’art de juger une
époque avec les moeurs d’aujourd’hui. Le faire est tentant,
et pour s’en défaire il faut faire preuve d’une ouverture
d’esprit inconsidérable.

Vois-tu un peu comment les jeunes traitent les vieux


et comment les vieux traitent les jeunes ? Tu sais, Orelsan
(un rappeur de notre région, en Normandie) disait que
chaque génération dis que celle d’après fait n’importe
quoi, et il a raison. Pourquoi ? Car chaque époque juge
l’autre avec ses moeurs. C’est ça un anachronisme. C’est
comme juger la nage d’une vache avec celle d’un requin.
Ou dire que les Vikings auraient mieux fait de vivre dans
des duplex. Mais pour avoir cette réflexion consciencieuse,
il faut se renseigner, il faut de la sagesse afin d'atteindre ce
niveau de compréhension.

Einstein, avec sa théorie sur la relativité s’était fait


renié d’un tas de monde chez les scientifiques. Et j’avais
aimé sa réflexion qui disait que si une génération n’est pas
assez solide pour concevoir la révolution des prochaines
années, que ce soit dans le domaine scientifique ou autre,
alors elle devra mourir pour évoluer. Ne plus vouloir
apprendre, c'est le premier signe d’une mort annoncée.
Friedrich Nietzsche, l’illustre

Victor,

Toi qui me demandais mon livre préféré. C’est une


très bonne question. D’ailleurs je déteste ces manières que
font les autres quand ils disent : « Ah naaan mais y’a trop de
livre, je peux paas choisir ». Ces cons sont à vomir. Mais
moi je vais te le dire, car cela m’est arrivé il y a deux mois :
la révélation. Désormais je crois qu’un livre peut changer
une vie.

Avant, je vais te raconter comment j’ai trouvé ce livre


exceptionnel. Vois-tu, Michel Onfray, je t’en parle encore
mais pour relativiser, saches qu’il parle bien plus que moi
dans les médias. C’est un peu devenu le commentateur de
moeurs le plus connu en France à l’heure actuelle. Alors
vois-tu ce monsieur qui semble descendre dont les gens
dont on lui parle, eh bien.. j’entends un jour, qu’il adoube
un personnage. Ce personnage est écrivain, cet écrivain
est philosophe et ce philosophe se nomme Friedrich
Nietzsche (j’adore le dire avec un ton énervé en criant un
peu). Ni une, ni deux je me suis précipité à la Fnac acheter
le premier livre que je trouverai de lui. J’ai pris celui qui me
semblait le moins à portée de mon intellect : Ainsi parlait
Zarathoustra. Grosso merdo, c’est un conte philosophique,
à la manière d’un Zadig ou la destinée ou du Petit Prince de
Saint Ex.

Enfin, saches que c’est une tuerie. Ne te méprends


pas à ce que dis Internet, le Zarathoustra dont on parle
n’est pas le prophète du feu. C’est le prophète de
Nietzsche, on raconte qu’il l’aperçut dans un mirage à Sils
Maria en Suisse. Et ce Zarathoustra annonce dès la
troisième page, la phrase qu’on racole souvent à Nietzsche,
le fameux : « Dieu est mort ». Bon, les superficiels croiront
qu’il veut déchoir la religion… Faux ! Il dénonce les
conséquences de l’effondrement du Christianisme dans les
pays occidentaux. Cent ans plus tard, il vise juste ! Et c’est
prodigieux.

Mais voici le mot qui m’a fait basculer vers Nietzsche :


« Deviens ce que tu es ». Il y a tout dans cette formule, la
mobilité du devenir et la stabilité d’être. Il explique dans les
phrases suivantes, qu’un Surhomme doit devenir ce qu’il
est… c’est-à-dire qu’il ne doit pas : devenir ce qu’il veut,
devenir ce qu’il rêve, admire ou idolâtre… Non ! Il doit
devenir lui… entièrement… en prenant toute sa personne
en considération et même ce qu’il renie chez lui.

Tout n’est pas bon apprendre même chez le plus


illustre des penseurs. « Ce qui ne me tue pas me rend plus
fort » vient de Nietzsche. Tu sais, la citation dont les
violonistes et les donneurs de soupe se revendiquent. C’est
insupportable cette phrase tant elle est incomprise et prise
au premier degrés.. et tu n’ignore pas que ceux qui
prennent ces phrases pour argent comptant ne sont que
des nageurs de surface alors que nous, sommes des
plongeurs des abysses.

Préfère les remarques de Nietzsche comme "L’instinct


c’est la morale du troupeau dans un individu », que la
moralité n’est, en fait, rien d’autre que l’obéissance aux
bonnes moeurs. Et alors tu deviendras plus lucide sur tes
instincts de bien et de mal. Car, vois-tu bien… qu’est
l’intelligence aujourd’hui ? C’est quoi une personne
intelligente ? Un docteur en science ? Un homme
politique ? Un hacker informatique ? Steve Jobs ?

On peut reprendre les réflexions d’Idriss Aberkane sur


le sujet. Il dit que le but d’une vie est de devenir sage, soit
de se connaître soi-même. Ensuite il nous explique que
l’étymologie d’intelligence c’est inter-ligere soit la capacité
à lier des choses qui nous paraissent éloignés au premier
abord. Exemple : créer un avion sur des physionomies
similaires au requin pour mieux fendre l’air. Et un troisième
argument qui incruste sa logique est de dire que les
espèces les plus intelligentes sont aussi celles
d’aujourd’hui, qui ont survécu jusqu’ici : au XXIè siècle. Et
c’est cet argument qui est bancal et où je rejoins Friedrich
Nietzsche. Un Être intelligent n’est pas celui qui
s’économise (comme le dirigeant qui se cache derrière ses
soldats durant la bataille et qui survie en cas de défaite ou
de succès). Un Être intelligent c’est celui qui se dépense
(comme dirait le cannibale dans les Essais de Montaigne :
notre chef c’est le premier à aller au combat). Car celui qui
se dépense fait preuve de force, il recherche l’effort et
l’affrontement pour s’élever dans l’âme. Celui qui oublie le
corps et le réel oublie de se dépenser pour l’oeuvre de sa
vie. Il n’est pas un vivant, il n’est pas intelligent car il n’aspire
qu’à son économie. Il se meut peu à peu comme un
végétal : dans l’apathie morbide. Un vivant ne fait jamais
autant preuve de vie que lorsqu’il se confronte à ce qui
pourrait lui causer mort et douleur. Ne dit-on pas « pince-
moi » lorsqu’on veut se rassurer de vivre une réalité. Qui est
l’Homme le plus vivant : un soldat qui oeuvre pour
protéger son pays ou un zombie qui s’évertue à conserver
son village dans World of Warcraft ?

Et ce qui est très beau avec le personnage de


Nietzsche c’est qu’il remet en question ses opinions et ses
amitiés, pour preuve : Crépuscule des idoles. Un livre où il
déchoit son mentor Wagner de son piédestal. Il voit, chez
le compositeur allemand, des signes de décadence. Celui-
cl fond dans un nationalisme presque fanatique qui le
rebute au plus haut point. L’ironie c’est que plus tard, on
associera Nietzsche aux nazis. Alors, il me faut te dire en
deux points pourquoi cela est possible. De un, on peut
dévoyer tous les sens d’une oeuvre avec les interprétations
qu’on en fait (le cerveau ne voit bien que ce qu’il croit et ce
qui le confirme, tu sais). De deux, rien de mieux que de
rallié une ligne de pensée au point Godwin pour le
décrédibiliser. On voit ça partout de nos jours, quand les
mecs se sentent acculé dans les débats ils retournent leur
carte nazi face cachée et les ponce avec des « vous êtes un
nazi ». Tu te rends compte qu’il y a des milliers de gens qui
regardent ces conneries de débats télévisés ? Ces mêmes-
là qui vont ressortir ces arguments tout fait dans leurs
discussions de bistrot. Parce que oui, ces émissions c’est du
prêt-à-penser comme Kiabi fait du prêt-à-porter.

C’est magique de découvrir avec ravissement qu’un


auteur arrive à formuler vos pensées par des mots justes.
Je me surprenais un jour à lire Blaise Pascal, ce
mathématicien français et ce chrétien lourdement pieux,
qui écrivit cette phrase incroyable : « La véracité d’une
hypothèse est moins importante que ce qu’elle nous
apporte ». Vois-tu bien là que ce penseur se défend de la
vérité. Aujourd’hui, je n’y aspire pas non plus. Pourquoi ?
Car la vérité se prive d’avenir. Si aujourd’hui tu es un abruti
ou que tu es nul en sciences par exemple, le savoir ne
t’apporte rien en somme. Par contre, croire que tu peux le
devenir t’aidera d’autant plus à le devenir. Même que
savoir que tu es va encore plus te ralentir dans ta
progression car, comme je t’ai dis avant le cerveau ne voit
que ce qui va dans son sens, et à chaque fois qu’il verra
que tu as du mal à retenir des connaissances il te dira : tu
vois que tu es nul. Egalement, Nietzsche à son petit avis sur
le sujet : la vérité est une erreur qui n’a pas encore été
réfuté. Et voilà pourquoi c’est inutile de se cantonner à la
vérité. Car si autrefois la terre était plate et qu’on la
considérait comme une vérité, aujourd’hui elle ne l’est plus.
Si les Normands (North-men) étaient des vikings,
aujourd’hui ils ne le sont plus. Des exemples comme ça,
y’en a à rallonge. Si aujourd’hui un gamin est nul au foot, ce
sera toi le nul de pas l’avoir fait devenir bon. Ainsi parlait le
Surhomme.
Si Nietzsche a cultivé mon admiration à chacune des
pages, des chapitres voire des mots du Zarathoustra c’est
aussi parce qu’il cultivait une superbe arrogance.

Rien que le titre de son livre: Ecce Homo, est une


provocation aux chrétiens en référence justement à cette
sentence prononcée par Ponce Pilate, qui voulait dire
« voici l’homme », avant de mettre Jésus sur la croix. Dans
ce livre, plus autobiographique, il certifie de chapitre
comme : Pourquoi j’écris de si bons livres ou encore
Pourquoi je suis un destin. On adore. Il est subversif, à
contre-courant, il s’oppose tout en sachant qu’il va à la
confrontation et il le fait pour rencontrer des ennemis qui
pourront le pousser dans ses retranchements. Ainsi va celui
qui cherche à s’améliorer.

« Vous regardez en haut car vous aspirez à vous élever


et moi je baisse les yeux car je suis sur la cime ». Une autre
formule d’une savoureuse prétention.

Ecce Homo est un petit livre facile à lire. Ainsi parlait


Zarathoustra est prodigieux de bout en bout, de mot au
mot. Certains disent qu’il ne faut pas le lire en premier pour
découvrir Nietzsche, moi je te dis l’inverse car je pense que
tu as les capacités pour le comprendre.

A bientôt.
Victor Hugo, l’encyclopédiste

Victor,

Il faut maintenant que je te parle de du monument de


la littérature française. Le seul et l’unique. Tu sais il y a
l’expression « la langue de Molière » mais crois-moi, on
devrait revoir cette expression et plutôt dire « la langue de
Victor Hugo ». Car cet écrivain, qu’on nous servait à pleine
soupe à l'école et dont on nous bassinait les textes, eh bien
je l’ai redécouvert… et on peut pas nier le talent de cet
homme, c’est impossible, ce serait un mélange de
mauvaise foi et d’hypocrisie. Surtout en s’informant sur lui,
sa biographie. Que ce soit en parlant de ses
responsabilités politiques ou de sa virtuosité.

Victor Hugo est une véritable encyclopédie sur pattes.


Pour preuve, j’en veux à Notre-Dame de Paris où il peut
pondre des kilomètres de paragraphe pour décrire le
vitrail des églises et même 80 pages de prologue pour
revoir le fonctionnement administratif à l’époque.

Pour ma part, comme Baudelaire, je détestais Hugo


pour ses poèmes imbouffables. Mais ses romans sont
incroyables ! Tu sais les puristes viendront dire que nous
n’avons pas compris toute la portée de ses vers, et nous
leur répondrons qu’ils cogitent entre le réac’ et le
pharisien. Baudelaire fait parti de ses auteurs maudits qu’il
faudrait glorifier juste parce qu’il a eût une vie de merde.
Beh… faut-il rappeler que ce n’est pas un argument ? Mais
je me suis intéressé à lui pour le, soi-disant, politiquement
incorrect dont il faisait l’objet avec la censure puritaine. Et
j’ai aimé son poème A celle qui est trop gaie où il explique
avec des beaux mots comment bourrer le cul d’une
religieuse : Et faire à ton flanc étonné, Une blessure large
et creuse. Faut admettre que c’est bien dit et qu’il y a du
verbe. Et voici la fin où il dit : T'infuser mon venin, ma soeur
! C’est osé, surtout à l’époque. Mais j’aime cette qualité de
l’art pour l’art comme le préconisait Oscar Wilde. Enfin
maintenant, pourquoi je n’aimais pas Hugo dans ses vers ?
Eh bien, vois-tu, en 4ème, on nous a refilé l’analyse de texte
de son poème : Vieille chanson du jeune temps. Devines
quoi ? Il fallait deviné que la mijaurée qui montrait sa
cheville faisait une avance sexuelle, en clair qu’elle voulait
baiser. C’est fou quand même. Ils croient quoi l’Education
Nationale ? Que des ados de 14 ans qui voyagent entre les
fesses de KK et les seins de Nabilla vont capter la subtilité ?
Subtilité qui n’en ai même pas une pour des gens de cet
âge-là… il faut être complètement perché ou sinon que le
prof veuille trouver une signification là où il n’en a pas !

Tu vois c’est tout ça que j’essaie de te décrire depuis


le début, et le pourquoi l’école dégoûte de la lecture.
L’Education Nationale, parce ce sont eux qui filent le
programme aux profs, n’a aucun pédagogie. Ils ne
comprennent pas qu’un contemporain doit être abordé
avec les arguments de son époque, et sa culture de
Damso-Booba-PNL pour ensuite aller vers Da Vinci Code
rejoindre l’Etranger prendre la route du Petit Prince, suivre
par Candide, poursuivre par Germinal, Notre Dame jusqu’à
arriver à Socrate et remonter en petite bretelle. La
littérature, comme les autres formes d’art, ça doit se
prendre grossièrement au début, puis si les gens sont
intéressés… eh bien, ils creusent ! comme dirait Clint.

Dernier petit point sur Baudelaire avant de passer aux


romans d’Hugo. Il écrit les vers, pour moi, les plus géniaux
des Fleurs du mal, dans son poème : Les Hiboux. Je vais te
laisser méditer dessus parce que sinon ça va encore me
prendre un paragraphe, on en reparlera plus tard.

L'homme ivre d'une ombre qui passe,

Porte toujours le châtiment,

D’avoir voulu changer de place.

C’est prodigieux, je me répète mais, en même temps,


regarde de qui on parle.

Bref, pour Victor Hugo nous avons Notre Dame de


Paris qui restaure toute la veine du romantisme. Donc, pour
rappel, le romantique c’est celui qui place les sentiments
au-dessus de sa raison. Et nous avons : les Misérables, qui
constituent le plus grand roman français. C’est le meilleur,
prouvé et attesté par les temps.

Ce qui m’a frappé chez Hugo c’est sa capacité à faire


des comparaisons à la fois contre-intuitive et évidente. Pour
te dire à quel point il maîtrise totalement les comparaisons
bienvenues et puis les métaphores en relation avec le
quotidien et qu'on arrive très bien s'imaginer c'est que,
dans Les Misérables au moment où Jean Valjean se tourne
et se retourne dans son lit à la manière d'un Marcel Proust,
Victor Hugo va résumer l'insomnie avec une phrase simple
et juste (l’essence d’une écriture littéraire) : le sommeil
vient mieux qu'il ne revient.

Voilà… alors pour être aussi concis, il faut une maîtrise


absolue de la langue française. Ensuite, je crois que c'est
plus loin dans Notre-Dame de Paris, il va avoir cette
sentence incroyable où il fait un parallèle entre l’erreur des
Hommes : la guillotine, et la coutume des Hommes : la
charcuterie. La tournure est monumentale et c’est : la
différence entre le boucher et le bourreau, c'est l'un des
deux a éclairci l’uniforme.

Fin, tu vois on est obligé de s'incliner face au talent de


la formule. C’est en quelque sorte une dénonciation
spéciste, si on veut utiliser les termes d’aujourd’hui.
D’ailleurs, sais-tu comment on écrit « animal » en chinois ?
En fusionnant les kanji (soit les symboles) de « chose » et
du verbe « bouger ». En gros animal veut dire « chose qui
bouge ».

Aussi, il faut reconnaître que Victor est aussi drôle


quelquefois, c'est-à-dire qu’on le retrouve à dire, de façon
ni vu ni connu, dans Les Misérables, au moment où il se fait
galant avec une femme il lui dit : tu voulais la bague au
doigt, t’auras le carcan au cou.

…est-ce que j’ai vraiment besoin d’être plus


explicite ?
Egalement, je peux te faire un rapprochement avec
Voltaire. Tu te rappels, il se faisait attaquer par un
chroniqueur du nom de Jean Fréron, qui l’insultait et
critiquait son travail. Et voltaire lui avez répondu par un
quatrain où il y glissait une morale :

Un jour au fond d'un vallon,

Un serpent piqua Jean Fréron,

Devinez ce qui arriva,

Ce fût le serpent qui creva.

Arrives-tu à voir quel niveau de verbe tu pourrais


atteindre ? Eh bien, on retrouve chez Victor Hugo une
formule similaire mais il n’y attaque personne il me semble.

L'homme fort dit : je suis.

Et il a raison. Il est.

L'homme médiocre dit également : je suis.

Et lui aussi a raison. Il suit.

Tu vois, on peut se satisfaire d'une grande littérature


par quelques mots. Et tu sais notre époque regorge de
vulgarité (ce que j’appelle vulgarité c’est la facilité, qui ne
demande aucun effort) et là où d’autre feront la flemme, toi
tu devras travailler en soum soum sans jamais te vanter de
quelques résultats que tu pourrais obtenir. L’humilité c’est
la preuve de reconnaître, même chez les nuls, un talent
que tu peux faire proliférer. Préfère la simplicité à la facilité,
car la simplicité résulte de la conscience d’être ignorant
tandis que la facilité résulte de l’inconscience d’être
ignorant.

Quand on est simple mais incisif comme Victor Hugo,


on peut faire passer un « je te mets mon pied sur la
gueule » à « ma semelle et si transparente qu'elle pourrait
servir de vitre à ta lanterne ». Et méfie-toi de ceux qui te
font des cadeaux, car comme le dit notre Don de la langue
française : Il y a des gens qui vous laissent tomber un pot
de fleurs sur la tête d'un cinquième étage et vous disent: je
vous offre des roses.

A bientôt.
Jack London, l’indomptable

Victor,

Voilà que je t'ai parlé de mon écrivain préféré :


Nietzsche, que je t'ai parlé de l’auteur éclectique par
excellence : Victor Hugo, mais pourtant celui dont je vais te
citer dans cette lettre est un colosse, un monument du
roman d’aventure, le Bob Morane de la littérature. Il figure
dans le podium des meilleurs écrivains de tous les temps
et c’est Jack London. Je me demande souvent, du
pourquoi ai-je tant d’admiration pour certains ? Et je crois
que mes louanges d’aujourd’hui sont proportionnels à mes
blâmes d’hier. Je crois que les personnes que j’aime sont
aussi celles que j’ai pris les plus grand plaisir à détester
auparavant. Mais, vois-tu, le talent rattrape les préconçus.

Croc-Blanc est cette œuvre, qui fût un peu malmené


par les dessins animés et toute la bienveillance de godiche
à la Disney World, invoquant à détester les personnages
tant ils sont lisses. Cela m'avait rendu totalement
imperméable à cette histoire presque bête d'un chien qui
sauve tout le monde… et en fait Croc-Blanc est un roman
noir et beaucoup plus sombre que je ne pensais. L'exploit
que fait Jack London dans ce livre est de transmettre par
les comportements du loup, presque des paroles et des
émotions alors qui ne lâche aucun mot tout au long du
récit. C’est pour moi la véritable prouesse du livre. Ça
relève de l’exploit qu’avait fait Georges Pérec en écrivant
un livre sans la lettre E.

Donc après avoir été marqué par ce premier livre, je


décide d’en attaquer un deuxième, celui conseillé
indirectement par Nekfeu : Martin Eden. Ecoutes, ce livre
dépose la meilleure phrase finale de toute la littérature de
l’Humanité. Je pèse pas mes mots, c’est ce que je pense.

Je vais te gâcher la fin, donc si tu veux arrêter et le


lire, fais-le.

Martin Eden est un jeune mec, tout ce qui a de banal,


il se cabache et il drague une fille. D’ailleurs j’aime bien son
nom, c’est : Ruth. Et ce gamin là il s’évertue à écrire en
même temps que faire des boulots épuisants comme
matelot. Vers la fin, il rencontre un médecin qu’il lui dit qu’il
a une santé de fer et qu’il pourrait vivre jusqu’à cent ans. Il
en décide autrement en se jetant à la mer par le hublot de
son bateau. Après avoir nagé et s’être prouvée son
endurance faiblissait, il se meurt dans cette sentence : Et au
moment où il le sût, il cessa de le savoir.

Franchement, trouve-moi une meilleure fin dans la


littérature. Je te défies.

Ecoutes, cette phrase est tellement stratosphérique


que, quand j'étais invité à un plateau télé et qu'on m'avait
parlé de la lecture rapide, la productrice m'avait évoqué
cette fin exceptionnelle et qui, à elle seule résumait tout un
tas de description à la mormoineu. C’est une pépite, tout
simplement.
Alors faut aussi savoir que c’qu’il écrit, il l’a déjà fait. ,
A chaque roman qu'il écrit c'est un petit bout de sa
biographie qui y prend place. L'horizon sauvage, la
rudesse de l’environnement, c’est un écrivain rustique que
je te présente, d’ailleurs il écrit jusqu’à 1 000 mots par
jour ! C’est colossal !

Pour finir avec cette lettre, je peux te guider vers 2


autres livres de lui aussi éclatant. Il y a le vagabond des
étoiles… donc là c'est un prisonnier qui va essayer de
s'imaginer des histoires et arrive à voyager dans sa tête
pour échapper à l’oeil de la geôle. Et enfin : la peste
écarlate. Donc je suis en train de lire, ça fait un peu
ré f é re n c e c o ro n a v i r u s , g e n re e n m o d e ro m a n
d’anticipation, tu vois. Mais le mot est un peu galvaudé
aujourd’hui. Ce terme ça reste quand même pour les
pleupleu de complotiste et les mecs qui veulent à tout pris
prévenir l’avenir pour se sentir plus frais. Fin, tu connais. On
peut parler du futur durant des lustres alors qu’ils
s’attardent même pas de leur présent. Ces bouffons sont
dans l’absence du présent car il se revendique d’un avenir
où ils meurent déjà.

Et si tu as un peu de temps pour un récit de 30 pages,


c’est : Construire un feu. Et comme toujours de Jack
London. Pareil. C’est très bien écrit, c'est éclatant, c'est
prodigieux. Comment pourrait-on en dire autrement de
ces gens-là ?

Sur ce, à bientôt.


Oscar Wilde, le sulfureux

Victor,

Il faut absolument que je te parle de ce livre que m'a


conseillé ma sœur, pendant des jours en disant c'est
incroyable, que le scénario est fantastique pour qu'au final
je lui dise que : « c'était super » et qu'elle me dise : « je sais
pas je l'ai pas vu le livre ». Ce livre c'est : le Portrait de
Dorian Gray écrit par Oscar Wilde. Alors tu vois, avec sa
tombe au Père-Lachaise, j’avais toujours considéré Oscar
Wilde comme un auteur faisant des tours avec ses
poignets, maniériste tu vois, un gros mangeur de la louche
de bien-pensance (à laquelle on prend notre ration tous les
jours), pleupleu dans l’écriture, niais dans sa réflexion (ce
qui est pour moi le pire critère d’un auteur)… sauf que…
comme je te l'ai peut-être déjà dit dans les lettres d’avant
car j’avais déjà lu Oscar Wilde. Mais j’adore l’homme qu’il
est. Et je te rappelle que cette première impression de ma
part est importante, car elle appuie l'argument que je te
disais : c'était que j'aime un auteur en proportion de
comment je l'ai détesté avant.

Si tu veux, pour un contemporain, pour un fan de


manga. Le Portrait de Dorian Gray ça serait un peu par
l'équivalent littéraire de Death Note. Les deux portent les
notions de bien et de mal. Alors, tandis que Death Note va
évoquer le sujet par rapport au fait de décider de la mort
des autres.. Le Portrait de Dorian Gray va questionner le
bien et le mal par rapport à l'enveloppe physique,
l’apparence. Et ce que j'adore chez Oscar Wilde c'est son
humour un peu English. On voit d’ailleurs dans sa
biographie qu'en fait il a toujours été subversif et à contre-
courant. Que ce soit à l'école ou dans sa vie privée en fait.
Et sa prétention est délicieuse, c’est ce que j'apprécie chez
beaucoup d’écrivains puisqu’il a une arrogance bien
placée.

alors il a la phrase que que j'ai que j'aime pas trop


mais que peut-être j'ai l'impression de suivre c'est lorsque
je dis quelque chose et que tout le monde est d'accord
avec moi j'ai toujours l'impression de m'être trompé et
Oscar Wilde et comme ça alors il y aura les les prétentieux
qui se revendique de cette phrase tu sais je je crois que ce
qu'ils se disent unique ne sont jamais que comme tout le
monde et que ceux qui se disent comme tout le monde
sont uniques ensuite bah voilà Oscar Wilde c'est un
virtuose et il écrit des phrases autrement sophistiqué
hautement pédante et et arrogante que j'adore ça alors il y
a plusieurs citation lui tel que je suis si intelligent que
parfois je comprends pas un traître mot de ce que je dis
voilà c'est il est exceptionnel cet homme.

et des citations comme ça il en a plein tel que je ne


voyais jamais sans mémoire il faut toujours avoir quelque
chose de sensationnel à lire dans le train et je crois que
c'est avec ce genre d'arrogance qu'on finit par voir par
avoir confiance en soi parce que si tu te crois pas le
meilleur dans ta discipline tu ne le deviendra jamais et les
autres m'attendre ont pas ils sont pas là pour te le dire
avant il faut que tu sois un petit moment confiant de cette
croyance alors faut pas en abuser parce que sinon prise
Lego Lego centrisme enfin écoute bien j'ai des goûts très
simple je me contente du meilleur Oscar Wilde s'il a eu
une vie aussi mémorable c'est parce qu' il était convaincu à
force de chercher en lui donc le deviens qui tu es de
Nietzsche il a trouvé la personne qu'il était donc personne
peut limiter à ce moment-là ensuite il est capable aussi de
sortir ce genre de phrase appuyez-vous sur les principes ils
finiront bien par céder et tu vois comme je te disais qu'il
était prétentieux regarde la luminosité qui se cache
derrière des phrases comme dire du mal des autres et une
façon malhonnête de splat et tu vois il est quand même
lucide on voit bien que sa prétention c'est une prétention
de de véranda et que à l'intérieur et quelque chose de
bien plus profond également et voilà il fait le l'humour
anglais typiquement pour illustrer je ne lis jamais un livre
dont je dois écrire la critique on se laisse tellement influer
ou influencer pour lacer ses brillant alors tu vois lui il a bien
su délimiter les frontières entre la lucidité et la prétention
mal fait soit l'arrogance mal placé fin tu as tout ce qui peut
te faire gonfler la tête alors il y a il y a un livre qui a
beaucoup de succès en ce moment c'est trop intelligent
pour être heureux alors on a on n'a jamais fait meilleur livre
plus démago à notre époque je crois que la bêtise de se
croit intelligent ou surdoué ne nous arrange jamais plus
con et que celui qui est entouré de cons mais jamais très
loin du pays non plus ça veut dire qu'on peut pas voir chez
les autres quelque chose qui n'est pas en ou
antérieurement

faut savoir aussi que Oscar Wilde comme les


subversifs encore plus avant et sujet a beaucoup de
polémique et notamment une qui va le détruire et l'amener
en prison donc on l'accuse d'une relation avec un jeune
homme c'est le père qui l'accuse et il finit par l'envoyer en
prison donc en quelques sortes Oscar Wilde c'est un peu
l'icône homosexuel et même il y a une version non
censurée de Dorian Gray où il y a des Tendances comme
on pourrait dire des Tendances sodomite comment on dit
à l'époque enfin j'aime pas beaucoup m'attarder sur ce
genre de de 2 rumeurs et puis de deux choses mal fait
parce que tu vois on critique un homme pour des
mauvaises raisons alors que niveau de ses goûts il est
absolument prodigieux comme je le dis de tous les
écrivains que j'admire dis-toi pour finir que Oscar Wilde et
si drôle que lorsqu'il va mourir il à l'hôpital il a je crois 44
ans et on lui rapporte sa dernière phrase avant de mourir
ou l'infirmière vient lui rapporter la note du médecin donc
là non tu sais là où où est détaillée le prix de ses soins et en
voyant la note il dit je meurs au-dessus de mes moyens
voilà est-ce que j'ai besoin de t'en dire plus en tout cas je
te conseille ce livre en particulier ce que c'est C&A on est
dans le domaine de l'art pur et beaucoup de conventions
sont transgresser voilà c'est tout ce que je voulais te dire
aujourd'hui et à bientôt.

ee
Portrait de Dorian Gray, se rapproche dans le
questionnement de bien et de mal à Death Note.

La prétention est délicieuse chez Oscar Wilde. Je suis


si intelligent que, parfois, je ne comprends pas un traître
mot de ce que je dis.

Une citation que j’aime moins car elles se réclament


des cons qui la publie pour qu’on les comprenne : Quand
les gens sont de mon avis, j'ai toujours le sentiment de
m'être trompé.

Je ne voyage jamais sans mes mémoires. Il faut


toujours avoir quelque chose de sensationnel à lire dans le
train. C’est avec ce genre de prétention qu’on a confiance
en soi. Attention à ne pas en abuser quand même où on ne
vous écouterez plus.

J'ai des goûts très simples: je me contente du


meilleur.

Appuyez-vous sur les principes : ils finiront bien par


céder.

Dire du mal des autres est une façon malhonnête de


se flatter.

Je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique;


on se laisse tellement influencer !

La même bêtise que de se croire intelligent ou


surdoué, ou même le livre hautement détestable : Trop
intelligent pour être heureux.
Le Créateur

10

Victor,

J’ai bien remarqué que tu étais très au courant,


attaché aux tendances de voir ces films et séries que tout le
monde gobe. Je ne t'en fait aucun blâme, je ne suis ni juge
ni accusateur. Mais connais-tu la supériorité du livre
contrairement aux films et séries ? C’est que j’y consacre le
temps que je veux. Tandis que le cinéma m’astreint un
temps, me condamne à un laps, le livre m’offre la liberté d’y
consacrer autant 20 minutes que 5 heures. Par exemple, les
manga… tu vois les épisodes font 20 minutes et moi j’en
bouffe 10 pour un tome (ce qui équivaut à plus ou moins 3
épisodes). Je prends autant de plaisir et on peut même
passer plus de temps sur une séquence plus pertinente
alors que le film met toutes les bandes d’images sur un
pied d’égalité.

Néanmoins, il ne faut pas tomber dans les travers de


la lecture rapide. Après en avoir bouffé 500, je me rends
bien compte que je lis n’importe quoi. J’accepte tous les
livres qu’on me commande de lire, alors que le synopsis
devrait me guider sur la pertinence du propos qui y est
exposé. Ça peut même dégoûter de la lecture mais je
pense que c’est comme les films. Aujourd’hui on en bouffe
tellement, et, peu d’autre forme d’art sont mis en avant,
qu’on commence à regarder n’importe quoi, et ce, par
dépit.

Comprends-tu où je veux en venir ?

C’est qu’au moment où tu te résignes à consommer


des oeuvres pour passer le temps, alors tu dépéris et tu te
dévalues. Comment inverser la tendance ? Passe de l’autre
côté. Si tu te lasses des choses que tu vois, crées ce que tu
as envie de voir. Deviens le créateur. Car il n’y a que les
créateurs qui méritent d’être écouter. Tout Homme qui
consomme sans créer derrière n’est qu’un consommateur.
Un consommateur c’est un irréfléchi, un bon à rien, qui n’y
met pas sa patte, qui ne fait preuve d’aucun partage,
d’aucune transmission, d’aucune pédagogie… soit ? Il ne
sert à rien au monde.

En naviguant dans les domaines du dév perso, de la


lecture, des Netflicards, des fans de foot etc. Je découvre
avec aigreur que la plupart n’en sont que pour consommer
sans jamais passer de l’autre bord. Mon mentor, Steve, a
cette logique très juste, qui est de dire qu’en restant de
simple consommateur, ces personnes stagnent dans
l’inconscience de leur ignorance.

« Ne rêve pas ta vie, vie tes rêves »

« Le paradis ressemble à une bibliothèque »

« La fin de Game of Thrones c’est un carnage »

« Je l’aurai mis dedans à sa place ! »

Autant de poncifs qui révèlent bien l’inconscience de


ses ignorants. Mais quand bien même nous le sommes
aussi, nous devons être attentifs à ne pas tomber dans ces
facilités qui nous ferait mourir à petit feu. Car nous sommes
des bâtisseurs. Notre but étant de passer de la case
d’ignorant inconscient à celle d’ignorant conscient, puis de
savant conscient et enfin de savant inconscient. Cette
dernière peut se décrire par le fait de conduire d’un point
A à un point B sans s’être rendu compte d’avoir fait d’effort
tant notre habitude et nos réflexes ont pris le dessus sur
notre savoir conscient. Comme le dit un magnifique
youtubeur (Esprit 2.0), le but de la vie est d’atteindre le plus
haut degrés d’intelligence qui est l’état de conscience à
l’état pu, soit ce qu’on appelle aussi l’éveil. Ces deux
derniers concepts peuvent se rapprocher de ce que je te
disais sur le combat et dans le fait de s’entraîner à faire 1
000 le même coup de pied pour qu’il devienne aussi
instinctif que puissant (notion d’ultra instinct abordé dans
Dragon Ball Super) et de cette recherche de la cause de
notre ignorance que prônait Bruce Lee.

Mais prends garde, même ceux qui recherchent dans


le savoir et rame dans la sagesse se perdent, ils
consomment des formations et des livres sans rien en faire.
Ceux-là ne sont pas plus intelligents et ni plus raisonnés
que le poivrot du PMU. Ils naviguent dans un mirage qu’ils
croient concret. Là est la pire faute : se croire dans l’action
alors qu’on est statique. Tu dois te lancer dans chacun de
tes projets avec le culte de l’imperfection car tu cherches à
être mauvais. Et plus tu seras mauvais plus tu pourras
t’améliorer et voilà ce que tu recherches : faire des erreurs.
Car chaque erreur corrigée est une amélioration trouvée,
un effort fourni. Rappelle-toi qu’on cultive cette quête de
l’effort qui fait de nous un vrai Homme.

Méfie-toi donc de la niaiserie ambiante, surtout dans


le développement personnel. Nombreuses seront les
tentations pour te fondre dans les sables mouvants de ces
citations motivantes à la con. Emancipe-toi de la
médiocrité. Deviens un artiste. Seuls eux recherchent
l’originalité imparfaite. L’interprétation biaisée de leur
personne. La vision tronquée de leur existence. Neil
deGrasse Tyson, un astrophysicien renommé aux USA, dit
d’ailleurs cette leçon magnifique : « 90 % de ce que je dis
je l’ai déjà écrit auparavant ».

Nous aurons aussi l’occasion de parler plus


amplement sur des questions métaphysiques ou
religieuses, ainsi que de leur apport. Je te laisse digérer
cette bouillis de conscience.

A bientôt.
La littérature

11

Victor,

La littérature est un art unique. Elle fait d’un pion


humain, une personne unique. Car la littérature ne
s’adresse pas à la foule. Je sais que la tendance est que
l’Homme aime se faire souiller dans la masse mais je
propose, à toi en tant que Lecteur, de t’en distinguer. Donc
je te propose, à toi, de t’attarder sur les métaphores
littéraires car c'est dans les tournures de phrase que tu
trouveras ta singularité. Ta plume s’y construiras. Au début
tu copieras, puis au fur et à mesure tu relèveras les
inexactitudes de tous les écrivains et dès lors tu
t’émanciperas et deviendras Grand. Je peux te conseiller
quelques lectures pour creuser la conscience que tu as à
bâtir.

Connais-tu l’Homme qu’on cache dans les bois ? Celui


qui s’est retiré de la civilité pour regagner sa nature ? Celui-
là se nomme Henry David Thoreau. Walden ou la vie dans
les bois est son carnet le plus connu. Il y aborde son retour
à la vie simple et authentique.

« Un homme est riche en fonction du nombre de


choses dont il peut se passer »

« En tuant le temps, on blesse l’éternité »


« Il y a des milliers de gens qui par principe
s’opposent à l’esclavage et à la guerre mais qui en pratique
ne font rien pour y mettre un terme ; qui se proclamant
héritiers de Washington ou de Franklin, restent plantés les
mains dans les poches à dire qu’ils ne savent que faire et
ne font rien ; qui même subordonnent la question de la
liberté à celle du libre échange et lisent, après dîner, les
nouvelles de la guerre du Mexique avec la même placidité
que les cours de la Bourse et peut-être, s’endorment sur les
deux. Quel est le cours d’un honnête homme et d’un
patriote aujourd’hui ? On tergiverse, on déplore et
quelquefois on pétitionne, mais on n’entreprend rien de
sérieux ni d’effectif. On attend, avec bienveillance, que
d’autres remédient au mal, afin de n’avoir plus à le
déplorer. Tout au plus, offre-t-on un vote bon marché, un
maigre encouragement, un « Dieu vous assiste » à la justice
quand elle passe. Il y a 999 défenseurs de la vertu pour un
seul homme vertueux »

Autant de citations qui tendent à réfléchir sur la


conscience qu’avait atteint ce grand homme.

Ensuite, je peux te présenter Steinbeck et ses Raisins


de la colère. On y a fait un très bon film que tu peux
regarder pour l’aborder si tu veux. Cet artiste a
véritablement développé son prisme dans l’oeil et a
rapporté, d’une façon très médicinale, une vision de son
temps à la hauteur de vue impressionnante. Médites ces
passages tels que :
« Aucun homme ne connaît vraiment ses semblables.
Le mieux qu'il puisse faire, c'est de supposer qu'ils sont
comme lui »

« De tous les animaux de la création, l'homme est le


seul qui boit sans soif, qui mange sans avoir faim, et qui
parle sans avoir quelque chose à dire »

Comprends-tu ce que l’on peut en retirer ?

Ensuite, comment pourrais-je être crédible en lecture


si je ne te parlais pas de ce révolutionnaire de l’ombre (à la
d i ff é re n c e d e c e u x q u i s ’a c c o u t re n t l ’ u n i f o r m e
d’ambulancier quand les spectateurs abondent). Cet
écrivain méprisé jusqu’à la révélation de l’Etranger et de ce
prix Nobel de la littérature en 1957. Ce monument c'est
Albert Camus.

Faut j’enchaine sur le XXè siècle pour te dire ses trois


meilleurs écrivains. Donc… on a Camus avec l’Etranger, Le
Petit Prince avec Saint Ex et Louis-Ferdinand Céline avec
ses points de suspension et dont l’oeuvre majeur est le
Voyage au bout de la nuit. Passé ça, t’auras découvert le
noyau littéraire du siècle dernier.

Aussi, il y a Salinger avec l’Attrape-Coeur. Sa façon


d’écrire résonne avec celle d’un ado déscolarisé, rédigé de
manière si textuel qu’on dirait qu’il écrit un SMS à un de ses
potes. Son jargon familier et brute pourrait presque
annoncer un récit comme Orange mécanique.

Pour rappel, tu pourras lire mes 4 auteurs favoris, que


sont (dans l’ordre) : Nietzsche, Wilde, London et Hugo. Le
premier te servira à ne plus te mentir à toi-même par la
lucidité de penser. Oscar Wilde t’accompagnera dans
l’esthétisme et la transgression (le fameux : l’Art pour l’art),
qui convoque, comme Nietzsche à repousser les limites de
la morale qui niche dans l’inconscient collectif. London
cultivera en toi ton âme d’enfant (comme Nietzsche le
prône avec ses trois stades de pensée dont l’enfant
constitue l’éveil absolu). Sa poésie et les paysages qu’il
décrit de permettront de t’évader et de bâtir un monde en
toi. Quant à Hugo, lui, le plus grand écrivain de tous les
temps, il te permettra de combiner toutes les formes
d’écritures pour te faire devenir un artiste assurément
complet. Il englobe tout ce qu’un virtuose peut espérer.

Anecdote utile : Caroll, l’auteur de Alice au pays des


merveilles, a construit la structure de son roman d’une
façon excellemment singulière. Il a pris un jeu d'échec et il
a tapé 12 coups pour éliminer la reine et faire échec et mat.
Chacun de ces 12 coups représente un chapitre de son
livre, ainsi voit le prodige.

Pour en revenir d’à quel point le style est important


dans l’écriture et dans la pensée, Céline en a fait son
leitmotiv. Il a cherché et trouvé son identité : ses fameux
trois petits points, qui offre une fluidité dans sa lecture. Il
écrivait d’ailleurs avec sa femme pour que sa narration soit
se rapproche du dialogue quotidien. Et il fallait absolument
que ça sonne bien… et si la subvocalisation ne quitte
jamais entièrement notre esprit, la mélodie qui incorpore
le texte facilite son souvenir. Exemple : Blaise Pascal est
connu pour sa phrase : le coeur a ses raisons, que la raison
ignore. Mais celle-ci a été reformulée car, dans son livre il
écrit comme suit : Le cœur a ses raisons que la raison ne
connaît pas. Ainsi mesure toute la portée que peut
engendrer un récit bien formulé.

Je jongle d’exemple en auteur, et vais te citer Cioran,


pour cette image d’exception où il dit : toutes les eaux ont
couleur noyade. Là est toute la force de la littérature qui
peut se contenter de peu de mot pour suggérer une
immensité.

Tu veux comprendre les méandres de l’inconscient


collectif ? Lis la Vague de Todd Strasser. C’est l’histoire d’un
professeur interrogé par un élève qui demande : monsieur,
pourquoi les gens ne se sont pas rebellés contre les nazis ?
Ils sont bêtes ou quoi ? Et ce professeur va démontrer, de
façon pragmatique, comment manipuler l’inconscient
collectif et construire une idéologie que la foule est
incapable de voir sombrer dans l’extrémisme.

J’en oublie, certainement, mais pour les conseils de


lecture, garde en tête que :

- Lamartine est excellent poète, pour preuve : Rien


n'est vrai, rien n'est faux; tout est songe et mensonge,
Illusion du coeur qu'un vain espoir prolonge.

- Jane Austen est la meilleure écrivaine que j’ai pu lire.


Elle décrit la généalogie des vices comme l’orgueil avec
des dialogues et descriptions excellentes : « Qui sourit
n'est pas toujours heureux. Il y a des larmes dans le coeur
qui n'atteignent pas les yeux ».

- William Blake est devenu l’idole des funérailles avec


son poème du voilier où il décolle l’image obscur du deuil.
- La meilleure fable de La Fontaine c’est : le chien et le
loup. Un juste conte sur la dualité du confort et de la
liberté.

- Le livre le plus difficile, parmi ceux que j’ai eu à lire


est celui de La Bruyère avec Les Caractères. La pensée y est
si dense et profonde qu’il est difficile de ne pas s’arrêter
pour méditer. Citations :

« Ce qui barre la route fait faire du chemin »

« Les visites font toujours plaisir, si ce n'est en arrivant,


du moins en partant »

« Il n'y a pour l'homme que trois évènements : naître,


vivre et mourir. Il ne se sent pas naître, il souffre de mourir,
et il oublie de vivre »

- Shakespeare est surcoté, mais une leçon doit être


gardée : « Conquête trop aisée est bientôt méprisée ».

Pour finir, je suis obligé de m’attarder sur le grand


Zola. Le Naturaliste, le documentariste de l'époque qui
passait des semaines voire des mois à s'informer sur un
milieu comme celui des mines décrit dans Germinal. Ses
descriptions sont chirurgicales, presque annihilés
d’émotions. Dans un de ces premiers succès, celui qui
annonce la série des Rougon-Macquart, Thérèse Raquin, il
dépose la plus horrible écriture que j’ai eu à lire sur une
tête en décomposition :

« Un matin, il fut pris d’une véritable épouvante. Il reg


ardait depuis quelques minutes un noyé, petit de taille, atr
ocement défiguré. Les chairs de ce noyé étaient tellement
molles et dissoutes, que l’eau courante qui les lavait les em
portait brin à brin. Le jet qui tombait sur la face, creusait un
trou à gauche du nez. Et, brusquement, le nez s’aplatit, les l
èvres se détachèrent, montrant des dents blanches. La tête
du noyé éclata de rire ».

La puissance du livre se reconnait dans la phrase


qu’utilise Victor Hugo pour décrire son roman Les
Misérables : « Ce livre est un drame où le premier
personnage est l’infini, l’homme est le second ».

J’espère que tu auras compris, que tout novice


littéraire doit commencer avec les livres de son temps et à
sa portée. Quand il sera satisfait et qu’il cherchera les
inspirations de ses auteurs préférés il pourra creuser dans
le temps. La littérature ça commence souvent par des gros
tas pour se fignoler dans la calligraphie.

Pardonne-moi encore pour de ces conseils envoyés


pêle-mêle, mais que veux-tu… la réflexion n’est pas
chronologique mais préférentielle.

A bientôt.
Les biographies font les pires histoires

12

Victor,

Bien sûr que tu devrais écrire un journal, un carnet, un


manifeste, des notes où n’importe quoi pour te libérer de
tes pensées et t’alléger mentalement. Retranscris… je ne
sais pas moi.. tes réflexions, ce que tu as appris ou des
innovations pour faire avancer le monde. Dis-toi que le pire
que tu puisses faire c’est une autobiographie. Donc fais-la
dès maintenant pour t’en libérer.

Les biographies constituent le pire genre littéraire


que tu puisses trouver. On le remarque quand on rentre
vraiment dans le monde littéraire. C’est de la complaisance
malhonnête pour un héros errant dans un univers
manichéen. Lui est entièrement bon, les autres
complètement méchant. Aucune objectivité, nuance ou
d’opinion réfléchi, c’est du pur blanc-noir, tout ce qui a de
hautement détestable.

Exemple, dans mes premières lectures je lisais une


mère qui racontait l’histoire de sa fille suicidée pour
harcèlement scolaire. Je te fais pas le résumé, tu
comprends que sa fille c’est Dieu sur terre et que les autres
sont des pourris. J’exagère pas. Et alors, comment on
évolue avec ça ? On dit que tout le monde c’est des
connards et qui a que nous qui sommes gentils ? Il y a des
impasses qui nous entourent dans ce chemin. C’est tout
bonnement impossible. Réfléchir comme ça c’est se
suicider intellectuellement. Ça fait une histoire totalement
bidon et on arrive pas du tout à juger avec les bonnes
armes. On est complètement biaisé par ce pan de réalité
tronqué et extrémiste. Il faut préférer la manière de George
R.R. Martin dans Game of Thrones. Il décrit des
personnages nuancées avec leurs vices et vertus qui les
condamnent tous à faire autant d’horreurs que de bontés.
Cela détache du gentil et du méchant, du noir ou blanc et
ainsi de laisser planer l’imprévisible qui nage dans notre
réalité. Ainsi va la vie.

Et c’est partout comme ça. Alors chaque fois que tu


écriras, fais preuve de clairvoyance et détache-toi de
l’émotion instantanée. Je ne te dis pas d’être objectif ou
omniscient. Je te dis : soit subjectif mais cultive l’honnêteté
intellectuelle. Car si tu renies l’argument selon la personne
qui le dit ou parce que ton ego est attaqué, alors tu
perdras ta dimension surnaturelle. Car ce qui est naturel est
prévisible (par les instincts), ce qui est naturel ne
t’émancipes ni du stéréotype ni du cliché, ce qui est naturel
fait déchoir toute hauteur esprit dont tu voulais faire
preuve. Sans surnaturel, tu restes un Homme, au sens
animal, au sens chinois du terme.

Toute facilité, tout préconçus est proscrit chez le


véritable écrivain et celui qui oeuvre à sa vie. La valeur
ajoutée qu’il y a dans la lecture est le discernement. Savoir
discerner ce que l’auteur n’a pas écrit : voilà ce qu’est lire
véritablement entre les lignes. Lorsque tu verras toutes les
erreurs que l’auteur a évité, alors tu deviendras un lecteur
aux yeux aiguisés. C’est dans toutes les facilités estropiés,
les généralités esquivés, les préconçus devancés et la
moraline épargnée qu’on reconnait la vraie valeur d’un
artiste.

En bref, bien analyser un artiste c’est discerner les


erreurs qu’il aurait pu faire et qu’il n’a pas fait.

Suffit de voir les comptes motivations purulents qui


infectent les réseaux sociaux. Ils tombent exactement dans
la facilité (parce que ça ne demande aucun effort), tous les
préconçus baveux du dév perso (complaisance dans la
volonté d’agir mais sans jamais agir qu’en repostant ces
banalités) qui le desservent plus qu’ils ne le rendent
crédible et enfin la moraline qui pointent du doigt ceux qui
ne pensent pas comme eux (je rappelle qu’on ne pense
pas quand on n’agit pas). Comprends bien là que ces
poncifs aussi flous qu’imprécis constituent la gangrène de
la réflexion, car, sais-tu ce qui est pire qu’un mensonge ?

- L’imprécision. Car, comme le disait Hugo : « L'avenir,


fantôme aux mains vides, qui promet tout et qui n'a rien ».
Plus tu te fais précis dans ta logique et ton argumentaire
moins tu vogues dans le confort du flou et la sagesse du
con-fort (oui, ç s’écrit en deux mots aussi).

Malheureusement, avec ces tendances d’info-preneur,


le développement de soi perd de sa valeur. Elle devient
une pompe à fric complaisante et dévoie les bons
Hommes sous couvert qu’ils ne veulent pas se faire
endoctriner simplement parce qu’on les caresse. Je te le
dis, il faut absolument que tu évite ces gens qui te disent
ce que tu aimes entendre, alors que tu devrais écouter ces
gens qui disent que tu dois entendre. Fais confiance à tes
amis et ta famille. Mais la vérité d’aujourd’hui est l’erreur de
demain comme nous avons dis. Vogues en terrain mobile.
« L’amplitude des contradictions à l’intérieur d’une pensée
constitue un critère de sa grandeur » comme disait
Nietzsche.

Sur ce, je te laisses méditer.

A bientôt.

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