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Histoire
des pratiques
de santé
Le sain et le malsain
depuis le Moyen Âge
Éditions du Seuil
La première édition de cet ouvrage
a été publiée dans la collection
L’UNIVERS HISTORIQUE sous le titre :
Le Sain et le Malsain
Santé et mieux-être depuis le Moyen Âge
Préface
« Livre des secrets », « Livre pour la santé garder » ou
« Livre pour prolonger la vie », c’est sur des conseils censés
« conserver et garder la santé corporelle » que s’ouvrent les
grands textes médiévaux visant la bonne santé physique et
l’entretien de soi. Le projet du présent ouvrage est d’en suivre
les développements et les mutations dans les siècles
postérieurs. Il est aussi d’en suivre les correspondances
pratiques : les manières individuelles et collectives d’éloigner
le mal, les gestes faits pour prévenir avant même de soigner. Il
est, du coup, de suivre les certitudes et les savoirs, les
techniques, les croyances et les imaginaires auxquels ces
démarches se réfèrent dans le temps.
Une histoire de l’entretien du corps n’est pas celle des
maladies, ni même celle des thérapies. Elle n’est pas non plus
celle des innombrables déterminants agissant sur la santé, ces
influences les plus hétérogènes traversant les géographies
physiques et sociales, les modes de vie, les environnements,
les milieux. Elle n’est pas, autrement dit, celle des effets
directement subis par les corps. Elle est plutôt celle des
défenses, celle des calculs et des prévisions. Elle privilégie les
attitudes de sauvegarde, les stratégies conservatrices, les
desseins prédictifs, comportements d’autant plus spécifiques
qu’ils présupposent un sens généralement négatif donné à la
santé : l’absence de maladie. Ce qui montre au passage
combien l’entretien du corps, celui de l’hygiène classique
surtout, désigne l’ensemble des dispositifs censés maintenir le
plus longtemps possible la bonne marche organique, ceux
lentement construits pour éviter les malaises, les accès
physiques, les accidents de santé, ceux faits pour assurer une
« vie saine » comme une « vie longue » ; tous comportements
devant précéder le mal pour mieux le circonscrire et surtout
l’éviter. Non, bien sûr, que cette histoire soit totalement
indépendante de celle des maladies : la défense du corps
répond d’abord aux maux existants dans une époque et dans
un lieu, jusqu’à se calquer partiellement sur eux. Mais cette
défense et plus largement l’entretien de soi ne s’y limitent pas,
pouvant prévenir des maux qui n’existent pas ou ignorer ceux
qui existent, pouvant aussi mobiliser une perspective tout
simplement spécifique du maintien de la santé : investir des
renforcements largement indépendants des troubles et des
infirmités, développant une histoire conservant son originalité.
Que cette histoire des attitudes préventives s’impose ne fait
aucun doute : le vaccin est une démarche plus contemporaine
que le recours aux élixirs, comme les mesures de désinfection
chimiques et épidémiques sont plus contemporaines que les
feux médiévaux déclenchés contre le « venin de l’air ».
L’ensemble d’une culture est présente dans cette manière dont
le mal est profilé et prévenu. Les différences temporelles sont
à cet égard aussi révélatrices que contextualisées :
l’antiseptique est plus « moderne » que l’amulette protectrice,
la prise de tension sanguine plus moderne que la saignée, la
surveillance du cholestérol plus moderne que l’attention aux
couleurs du teint. Chacune de ces démarches, de la plus
modeste à la plus marquante, confirme l’existence ancienne
d’une défense du corps et d’une prévision du mal, chacune
d’entre elles aussi suggère des recompositions et des
renouvellements. Nombre de ces changements sont d’ailleurs
d’emblée sensibles et prévisibles, faisant place à des
investissements toujours plus collectifs, à des objets de risque
toujours plus variés, à des stratégies temporelles toujours plus
élaborées. Ils ne sauraient pourtant se restreindre à une
complexité progressive, les pratiques sanitaires réorientant
leurs logiques et leurs légitimités, concrétisant des ruptures et
des discontinuités : la saignée préventive, celle dite de
« précaution » à la Cour du Grand roi et le recours préventif à
l’usage du froid, grand air, bain frais ou vêtement léger, dans
la France des Lumières appartiennent à deux univers
différents. Ces changements sont encore inévitablement liés à
ceux des représentations du corps comme à ceux des
représentations sociales du malheur ou du danger : prévoir
mobilise, avec leur contexte, les plus diversifiés des outils
mentaux.
Cette histoire, autant le dire, n’est pas faite. Demeurée celle
de la maladie plutôt que celle de son évitement, préoccupée
davantage de thérapeutique que de prévention, elle s’est
cantonnée à la pratique soignante, celle des gestes les plus
spectaculaires visant à réduire le mal. Le présent livre tente, en
revanche, l’histoire des pratiques de prévision et d’entretien du
corps, celle du maintien de la santé dans les aléas de la vie.
C’est pour mieux souligner ce projet d’investigation des
pratiques sanitaires qu’il est apparu plus pertinent de changer
le titre de l’ouvrage par rapport à celui de l’édition précédente.
Histoire des pratiques de santé souligne davantage le
programme auquel ce livre a obéi : suivre les manières
différentes dont notre culture a cru, dans le temps, devoir et
pouvoir préserver le corps.
Introduction
L’eau minérale est un vecteur de santé. Elle élimine toxines
et déchets. La publicité l’affirme. Les médecins ne le
contredisent pas. L’image de cette eau filtrant les organes se
décline aujourd’hui jusqu’à la banalité. Il faut « éliminer ». Le
thème est moderne, relayé par les références de la biochimie.
Mais le thème est traditionnel aussi. Rien de plus ancien que
les pratiques d’épurement : celles des étuves médiévales, des
saignées, des vieux élixirs dont l’action devait chasser les
humeurs viciées.
Un premier constat s’impose : l’entretien du corps ou,
même, l’attitude préventive envers le mal n’ont pas été
inventés par le monde contemporain. Innombrables sont les
démarches anciennes visant à activer les organes, à les
préserver de toute atteinte extérieure. Un second constat aussi :
celui d’une survivance de grands repères ; la volonté
d’épurement, par exemple, traverse le temps, habitée par la
crainte des déchets, ceux qui menacent le corps de quelque
inexorable décomposition. Les images de force aussi
traversent le temps : celle, toute immédiate, apportée par la
nourriture ou les boissons ; celle, plus travaillée, apportée par
l’exercice, le régime de vie ou la pharmacopée. Force et
épurement : deux principes qui, depuis longtemps,
commandent l’entretien du corps.
D’obscures continuités demeurent, bien sûr : quelques
superstitieux d’aujourd’hui ne désavoueraient pas l’histoire de
ce roi médiéval convaincu d’éloigner les épidémies grâce à la
clarté de son saphir, bague toute particulière, « aimant » si fort
la pureté qu’elle menaçait de se briser quand le seigneur « était
aux prises amoureuses avec sa femme 1 ». Les différences,
pourtant, sont déterminantes malgré la proximité de certaines
images : l’insistance sur la saignée préventive, par exemple,
décisive encore dans la Castille de Gil Blas de Santiliane 2, au
début du XVIIIe siècle, est largement invalidée dans les
décennies suivantes. La saignée n’est plus démarche
d’entretien à la fin du XVIIIe siècle. La perte de sang apparaît
inutile, dangereuse. Les « éléments » à éliminer changent de
statut, alors même que leur présence est plus pressante, plus
constante. Un travail sur le sensible s’opère, visant des objets
toujours plus infimes : sécrétions discrètes, rejets cachés. Un
travail sur le danger s’opère aussi, visant de nouveaux risques
avec les toxines, microbes ou impuretés infectieuses. C’est au
sein même du projet d’« épurer » que, dans la longue durée,
changent, du tout au tout, attentes et objets. Ce sont ces lignes
imaginaires qu’il faut reconstituer.
Histoire dispersée, enfin, hétérogène, que cette histoire de
l’entretien du corps, tant sont différentes les pratiques qu’elle
prend en compte, tant sont variées, émiettées, les inquiétudes
qu’elle retient. Les préceptes traditionnels sur les moyens de
prolonger la vie sont largement sensibles au détail, soulignant
quelquefois jusqu’à la minutie mille gestes apparemment sans
relation entre eux choix des aliments, surveillance des odeurs,
des ans, des climats, remarques sur les attitudes durant le
sommeil, curiosité sur les effets du chaud, du froid, des
éternuements ou même des bâillements. Le risque sanitaire a
le visage de la dispersion, celui du décousu, sinon de
l’incohérence. La représentation du corps, pourtant, offre un
thème de convergence, l’occasion d’unifier le sens de ces actes
nettement séparés. Déterminante, par exemple, est la
différence entre le corps des préservations médiévales,
totalement dépendant des forces cosmiques, habité par les
signes du zodiaque, immergé dans le cycle des planètes ou
celui des saisons, et le corps des protections « classiques »,
soumis aux mécaniques, façonné par les analogies physiques
et machiniques, jusqu’à l’artifice. Différent encore, le corps
des défenses énergétiques, celui du XIXe siècle, unité
organique d’autant plus efficace et protégée qu’elle dispose de
ressource calorique pour l’animer et de puissance nerveuse
pour la contrôler. Il faut ce principe nouveau de rentabilité
« combustive », au milieu du XIXe siècle, pour que soient
aussitôt réorientées les valeurs données à la nourriture, aux
boissons, à l’air respiré, au travail, au repos, à la propreté d’un
corps censé laisser pénétrer l’oxygène par la peau. C’est bien
de rupture dans le temps qu’il s’agit ici. L’histoire rejoint alors
celles des modèles du corps, auxquelles les principes de
résistance et d’efficacité organiques se sont successivement
référés.
Impossible, bien sûr, de suivre cette histoire sans la
confronter à celle des organisations, et plus encore à celle des
politiques sanitaires. L’intervention des communautés pèse sur
les conduites de chacun. L’État monarchique, par exemple,
avec son renforcement moderne, accumule les interventions
sur les gestes préservateurs. Les règlements imposés aux villes
ont contribué à l’éloignement des pestes, au XVIIe siècle, tout
en renouvelant les inquiétudes et les investissements collectifs.
Exactement comme l’organisation du travail, à partir de la fin
du XVIIIe siècle, la tentative de le rendre plus régulier, plus
assuré, transforme les surveillances individuelles.
Partiellement, au moins, l’entretien du corps semble promu par
la gestion des cités. Il en est aussi une des conditions. Il
accompagne, du coup, le développement des grands mythes
communautaires, celui des références obscures à l’unité du
groupe, avec leurs croyances et leurs tensions.
Jamais cette solidarité communautaire n’a semblé plus
élaborée qu’aujourd’hui : investissements étatiques dans la
recherche, sophistication des stratégies préventives, extension
d’une sécurité sociale lentement et laborieusement acquise.
Mais jamais non plus ce dernier échafaudage solidariste n’a
semblé plus menacé : fin de l’État-Providence, sentiment
grandissant (fût-il quelquefois subjectif) de risques sanitaires
mal contrôlés, croissance quasi sauvage d’un marché de la
santé, définition plus personnalisée des critères de santé. Le
corps social et le corps individuel semblent alors plus
fortement confrontés.
L’histoire de l’entretien du corps, c’est bien, et en premier
lieu, celle d’une conquête individuelle, la lente précision de
cette santé que Georges Canguilhem a montré devenant
« relativiste et individualiste 3 », un approfondissement de
l’autonomie, sinon de l’intimité. C’est aussi celle d’un
engagement collectif. Une histoire qui devient alors celle de
l’ajustement toujours difficile entre la politique sanitaire et les
exigences privées. Ajustement d’autant plus exigeant
aujourd’hui que les vieilles solidarités autoritaires ne sauraient
plus guère avoir cours.
Cette histoire se doit ainsi de suivre les transformations
conjointes de l’imaginaire du corps et de l’imaginaire du
groupe.
PREMIÈRE PARTIE
OBÉIR AU COSMOS
XIIIe-XVIe SIÈCLE
CHAPITRE I
L’ordre du monde
Beaucoup plus complexe est le régime alimentaire.
Démarche rare, élaborée par la pensée savante, cette
surveillance des nourritures demeure au XIIIe siècle une visée
peu partagée : tout au plus l’attitude d’une élite, elle-même
très limitée. Mais le régime confirme un mode de pensée : le
rôle attribué à la pureté des aliments, d’abord, celui
qu’imposent les équilibres d’humeurs. Il souligne plus encore
une liaison toute spéciale entre le corps et le monde, une
solidarité entre l’état des organes et la marche du ciel : le
triomphe de la pensée analogique, l’assurance dans la vertu
des ressemblances, celles déjà mises en œuvre par le port des
joyaux protecteurs. La vertu des pierres ne révèle-t-elle pas
l’existence de correspondances entre les objets de l’univers ?
Elle n’est qu’un exemple parmi d’autres : le régime lui-même
applique, jusqu’à la sophistication, le principe des contacts
analogiques et préservateurs. Le corps ne peut être protégé
sans sa mise sous tutelle. Il est soumis aux forces invisibles et
souterraines du monde.
1. Le régime et les astres
Le premier conseil alimentaire reste apparemment simple :
il se limite à l’affirmation d’une tempérance. La sobriété
entretient le corps, elle assure la pureté interne. Telle est la
réponse du collège de Salerne écrite spécialement pour
Édouard le Confesseur au XIe siècle sur la conduite de santé.
Texte personnalisé, destiné à un noble, ce qui en montre aussi
la rareté :
Mange peu quand tu soupes
Ne tiens trop longue table 135…
La « réserve » fonde le régime, avant même, bien sûr, la
mise en concordance avec les forces du monde.
« Modération » et choix alimentaire
Réserve identique avec Arnaud de Villeneuve commentant
au XIIIe siècle le Régime de Salerne : « L’homme doit être
sobre au boire et au manger, car boire et manger
excessivement le rend pesant et endormi 136. » Conséquences à
peine plus commentées avec les conseils du troubadour
provençal étudié par Bondurand : « Je sais par fine raison que
trop manger fait blanchir les cheveux ou grisonner avant le
temps et rend lourd et pesant 137. » L’indication rejoint les
premières règles de conduite courtoise, dont les cours
seigneuriales sont les initiatrices, autour du XIIIe siècle :
l’importance d’une prudence, la nécessité d’une tempérance ;
avec cette condamnation de « la manière dont certains
s’emparent de la soupière et en ingurgitent le contenu comme
s’ils avaient perdu la raison 138 ». Principes de bienséance
autant que de santé, ces règles préparent au comportement
« noble », celui de l’élite à laquelle elles s’adressent, tout en
valorisant la maîtrise. Rien d’autre que le lent polissage de la
culture du chevalier, l’intervention sur ses gestes, ses
manières, l’introduction d’un comportement de cour.
Pratiques encore peu partagées, elles restent, au XIIIe siècle,
celles de quelques princes ou de quelques clercs. Ces
préventions se propagent, pourtant, insensiblement à la fin du
Moyen Âge ; lentement reconnues au-delà des savants et des
nobles. Les lettres du médecin Ser Lapo à son ami Francesco
di Marco, banquier et armateur toscan, autour de 1380,
montrent leur progressive résonance dans l’élite. La langue de
Ser Lapo est familière, vivante. Ses conseils sont nombreux,
pragmatiques, attentifs à plusieurs pratiques : de l’exercice à
l’alimentation, du sommeil aux purgations. Ils sont concrets,
variant les exemples : « Procure-toi un bloc de bois et une scie
et donne quelques coups de lame ou encore monte à plusieurs
reprises tes escaliers en courant. Sinon tes aliments ne
reçoivent pas d’aide de la nature et, tout comme les braises
s’éteignent si on ne les ravive pas, la nourriture se fige dans
l’estomac par manque d’exercice… Ce qui veut dire [aussi]
qu’il te faut prendre des aliments faciles à digérer et aidant aux
fonctions de tes intestins. Et il serait excellent pour toi de
prendre, un quart d’heure avant tes repas, un plein demi-verre
d’un bon vin rouge, ni trop sec, ni trop doux 139. » Évoquant le
« feu » nécessaire, la légèreté des denrées, l’importance de
leur excrétion, Ser Lapo transmet et confirme la tradition. Il
prétend appliquer lui-même la modération qu’il conseille à
Francesco : « Bien des fois, le soir, je soupe sobrement, et rien
n’est meilleur pour la santé qu’une poignée d’olives : les
docteurs te le diront 140. »
Modération toute relative bien sûr, dont il faut mesurer la
distance avec des critères plus proches des nôtres. L’attitude
proposée n’est encore qu’un moment dans le lent polissage des
comportements et des mœurs. La sobriété recommandée par
Arnaud de Villeneuve, au XIIIe siècle, s’accommode d’une
ébriété mensuelle censée faciliter les évacuations. Les
vomissements qu’elle provoque, sur lesquels insiste Arnaud,
préserveraient « de choir en maladie chronique 141 ». D’autres
vomissements s’y ajoutent, quelquefois provoqués par le vin
du matin. Modération encore abrupte pour la sensibilité
d’aujourd’hui mais qui diffuse, quoi qu’il en soit, règles et
préceptes.
S’y ajoutent enfin, comme le suggère Ser Lapo, une
attention aux choix et aux qualités des aliments, une
discrimination toute fondée sur l’analogie. Les aliments
« confortatifs » doivent combiner pureté et légèreté, accumuler
les esprits tout en aidant la cuisson organique. Le « bon suc »
doit triompher, celui des bouillons dont les traités de santé
multiplient les exemples. Les « coulis », tirés d’herbes
odorantes ou de viandes fraîches, sont les plus fréquents, le
« bon coulis de chappon au sucre 142 », par exemple, donné
pour « conforter » la jeune accouchée dans Les Quinze Joies
du mariage, au XVe siècle.
La chair des oiseaux l’emporte sur tout autre aliment
solide : légère et vigoureuse puisque affrontant l’air et le vol,
elle est souple aussi, rose, facile à couper ou à broyer, peu
chargée en humidités, en viscosités. Recommandée avec
insistance dans les traités d’aliments, spécifiquement réservée
aux accouchées dans l’Hôtel-Dieu parisien du XIVe siècle, la
volaille s’oppose directement aux moiteurs ou aux épaisseurs
d’autres viandes, à celle du sanglier, par exemple, déconseillée
pour les « excréments et ordures qu’elle engendre 143 ». La
crainte, une fois encore, est celle des déchets, celle des
humidités excessives surchargeant les chairs jusqu’à précipiter
les corruptions. Ce sont les animaux venus des brumes et des
brouillards, ceux venus des zones moites, saturées d’eau, qui
portent les risques de décomposition plus rapide. Trop lourds,
trop humectés, ils ne pourraient clairement protéger la vie. La
relation à la pourriture fait le partage entre aliment sain et
aliment malsain.
Impossible, pourtant, de reconnaître dans ces choix de
denrées les seules suggestions sur le régime de vivre, au XIIIe
siècle. C’est que l’enjeu de la nourriture est plus vaste. Il est
lié à l’image du monde : l’entretien de la santé suppose une
affinité toute spéciale entre l’état du corps et celui des astres,
entre la marche des organes et celle des saisons, des vents, des
climats et des eaux.
Les références cosmiques
La représentation médiévale des « éléments » cosmiques est
particulière : elle promeut une ressemblance indéfiniment
répétée ; le corps lui-même n’étant que le reflet d’un ordre
plus large. Simple miroir, il répercute dans chacune de ses
parties celles, plus étendues mais identiques, qui composent
l’ensemble de l’univers : « Le monde s’enroulait sur lui-
même : la terre répétant le ciel, les visages se mirant dans les
étoiles et l’herbe enveloppant dans ses tiges les secrets qui
servent à l’homme 144. » Le corps est traversé de
« correspondances », il reproduit la nature à l’identique.
Le régime se doit d’obéir à cette vision abstraite : il suppose
une recherche de ressemblances entre les qualités des denrées
et celles du corps, entre l’humidité des climats et celle des
organes, entre la succession des saisons et celle des gestes,
celle des saveurs ou des habitations choisies : vision si
complexe qu’elle est sans doute peu appliquée, même si elle
révèle un principe décisif de savoir et de pensée.
La physique médiévale multiplie, à cet égard, les relations
spéculatives, cumulant les analogies explicites ou secrètes.
Elle constitue un système, un entrecroisement de
concordances, dont les qualités évoquées par la physique
antique restent le centre : le froid, le chaud, le sec et l’humide.
Le monde, comme le corps, combinerait quatre polarités
mêlant ces qualités deux à deux : froid-sec, froid-humide,
chaud-sec, chaud-humide. Chaque partie de l’univers, chacun
des objets de l’espace et du temps privilégieraient une de ces
quatre polarités. Tous appartiendraient à l’un de ces quatre
états possibles. D’où l’immense possibilité de
correspondances ; une résonance devenue universelle,
canalisée par des « quatre » : les 4 saisons, les 4
tempéraments, les 4 humeurs du corps, les 4 âges de la vie, les
4 groupes de planètes, les 4 groupes du zodiaque. D’où, enfin,
les croisements conjuguant chacun des quatre pôles 145 :
certaines saisons, certains tempéraments, certaines nourritures
ou climats, sont composés de qualités identiques, accordant,
ensemble, les mêmes « avantages » au corps ou les mêmes
« désavantages ». Le système est fait de convergences ou de
divergences qualitatives : le printemps, par exemple, saison de
substance humide et chaude, appelle les mêmes nourritures ou
comportements que le premier âge de la vie, les mêmes que le
tempérament sanguin, tous de substance semblable, humides et
chauds. La conduite est fondée, dans ce cas, sur des
compensations : éviter, durant cette saison, d’accroître les
humeurs qui abondent, « mengier viandes légières, purgier et
sainnier [soigner] por les humeurs oster 146 ». Conséquences
différentes lorsque le printemps est confronté à la vieillesse ou
au tempérament flegmatique, de qualité froide et humide :
dans ce cas, au contraire, les attributs du printemps doivent
être privilégiés, compensant l’engourdissement du vieillard ou
le froid du flegme, tous deux « frois et moistes ki est semblans
à yver 147 ». La visée, on l’aura compris, est de maintenir un
équilibre, une répartition équitable entre les humeurs : éviter
une perturbation qui risquerait d’entraîner un mélange
dangereux, avec son cortège de pourriture et de corruption. La
démarche qui équilibre contribue aux épurements.
Les planètes concourent encore à cette résonance de
qualités, en prescrivant leur influence propre, selon les signes
imposés à la naissance, ou selon les moments de l’année 148 :
Saturne, par exemple, froide et humide, fait les sujets sombres
et mélancoliques, soucieux et lents ; Jupiter, au contraire,
chaude et humide, planète radieuse comme le printemps, fait
les sujets joyeux et sanguins, alors que Mars, sec, « chaus et
bataillereus 149 », reste une planète « mauvaise » conduisant
aux colères et aux batailles. Autre conséquence : il faut
« recevoir la viande selon la nature du temps 150 », et, bien sûr
encore, selon le profil des planètes dont l’influence reste
déterminante sur les tempéraments : « por ce avent il que une
herbe est plus chaude ou plus froide que une autre 151 » ; cette
« herbe » change ses effets selon les gens, les climats, le ciel.
Logique apparemment parfaite, puisque chaque élément du
cosmos, nourriture comprise, appartient à l’une ou à l’autre
des quatre polarités qualitatives. Logique difficile aussi,
puisque au même moment, pour une même personne, les
qualités du tempérament, celles de l’âge, celles de la saison ou
des astres, peuvent, toutes, être différentes ou contraires. Elles
peuvent, toutes, s’opposer jusqu’à la confusion. Autant dire
que nombre de ces propositions restent alors théoriques plus
que réellement pratiques ; formelles plus que réellement
concrètes. Elles restent un mode de penser.
Plusieurs indices révèlent pourtant des applications bien
réelles : la préférence pour les jours de saignée, par exemple,
favorisée par les conjonctions chaudes et humides, accroissant
les humeurs ; alors que les qualités chaudes et sèches, au
contraire, les canicules de l’été, tarissant les humeurs,
déterminent les jours mauvais (dies mali), ceux où toute perte
de sang doit être évitée. La préoccupation est suffisamment
banale pour figurer dans les premiers règlements de barbiers :
les praticiens sont tenus d’acheter l’« armenac [l’almanach]
faict pour l’année 152 » auprès du premier valet de chambre du
roi ; document recensant régulièrement jours favorables et
jours défavorables.
Les règles des communautés religieuses privilégient aussi
les saisons, les éléments les plus directement sensibles du
cosmos. Les préceptes de santé, évoqués par le Codex Guta-
Cintram au XIIe siècle pour régler le quotidien des abbayes
allemandes, sont exclusivement saisonniers. Indiqués mois
après mois, ils se limitent à quelques phrases brèves, concises,
toutes fondées sur l’analogie climatique : en janvier, « bois à
jeûn quotidiennement une demi-livre de vin. Bois gingembre
rhaponic, prends de l’électuaire et la potion contre la
suffocation ; ne subis pas de saignée à cause du froid excessif,
parce que le corps se nourrit de la chaleur du sang 153 ».
Proposition évidemment différente en août, où chaleur et
sécheresse sont au centre de la préoccupation : « Ne subis pas
de saignée ; ne prends pas de solution ; ne mange ni choux, ni
mauves, parce qu’ils nourrissent la bile noire ; ne bois ni
hydromel, ni cidre, ni cervoise, s’ils ne sont pas tout récents ;
bois de l’absinthe et du pouliot 154. » C’est l’altération ou la
fermentation provoquées par la chaleur qui suscitent ici le
danger. Mais, même dans ces derniers cas, l’entretien de la vie
suppose la fusion avec la dynamique du monde. L’intervention
sur le corps s’accorde à la mouvance cosmique.
L’important tient aux déplacements du temps, et moins à
quelque laborieuse observation des signes du zodiaque. Non
que l’astrologie soit clairement condamnée. L’Église, malgré
ses textes, ne parvient pas à interdire la lecture des astres,
même dans les communautés. Thomas d’Aquin, très
banalement, avoue leur influence ; alors que Dante, au XIIIe
siècle, rêve, en parcourant le Purgatoire, d’avoir « les yeux
tournés vers le vermeil du zodiaque 155 », déchiffrant, dans
une disposition du Scorpion, le signe d’un « châtiment
céleste 156 ». Rien d’autre qu’un exemple de christianisation
de l’astrologie.
La vertu des bombances
Un paradoxe existe dans ces siècles centraux du Moyen
Âge : c’est qu’au moment où se diffuse cette culture de la
tempérance une autre culture se développe recherchant la
solidité du corps dans le cumul alimentaire. Le contraire de la
sobriété : manger toujours davantage pour être mieux protégé.
C’est le modèle d’Ysengrin dans le roman du XIIe siècle,
soigné par une ingestion illimitée de victuailles, une quantité
prodigieuse de gibier conseillée par son médecin 157. Modèle
marquant parce qu’il fonde une tension durable, bien au-delà
du Moyen Âge : la force brute venue de la lourdeur du corps
contre la force plus subtile venue de la frugalité. Les deux
références sont opposées. Elles sont aussi quelquefois
combinées. Plusieurs raisons, d’abord, expliquent cette
attirance médiévale pour la nourriture généreuse.
L’aliment prolifique est un signe de puissance, avec ses
indices physiques, ses valorisations sociales. Le « clerc
écolier », dans le fabliau du XIIIe siècle, est, sans surprise,
« bien gros et gras, mangeant beaucoup 158 », jeune homme
puissant, vigoureux, sûr de son ascendant, « fort prisé », en
tout cas, de la « bourgeoise d’Orléans » qu’il a su séduire. Être
gras est un signe de ressource corporelle. Ce qui fonde
l’admiration pour Moniage Renoart expédiant, en un repas,
cinq pâtés et cinq chapons avec deux setiers de vin 159 ; ou
pour Guy de Bourgogne, homme « bien amplié », effrayant les
Sarrasins par sa robustesse physique, mangeant et buvant plus
que quatre chevaliers 160.
La faim aussi est à l’horizon de ces images fabuleuses. C’est
elle qui souligne jusqu’à l’extrême la valeur de l’aliment ;
c’est elle que provoquent ces famines bouleversant, entre le
XIe et le XIIIe siècle, une Europe que le manque de
communications prive de réelles pratiques de stockage et que
la culture extensive prive, plus encore, de réelles possibilités
de surplus. Désastres réguliers qu’accentuent les abattages
abusifs, la faiblesse des rendements, le manque de terres :
Robert Fossier calcule sur les registres terriers de la fin du
XIIIe siècle que seul un tiers des foyers paysans dispose du
minimum de 3 à 5 hectares jugés nécessaires pour nourrir une
famille 161. Désastres suffisamment graves pour atteindre
quelquefois les nobles et les puissants, ceux que leur aisance
aurait dû épargner et que la chronique montre pourtant
directement affectés : « La famine se mit à étendre ses ravages
et l’on put craindre la disparition du genre humain presque
entier… La voix humaine elle-même devenait grêle, semblable
à de petits cris d’oiseaux mourants 162. » C’est l’image des
neuf plaies d’Égypte, celle que reprennent avec insistance les
psautiers du XIIIe siècle 163 ; la figure du mal bouleversant
régulièrement l’ensemble d’une communauté, jusqu’à tarir ses
approvisionnements.
Du coup, ripailles et bombances deviennent autant de
mirages, des rêves mobilisant l’attente, entretenant l’espoir.
C’est la présence répétée des pays de Cocagne dans les contes
médiévaux, avec leur décor envahi de chairs cuites, d’animaux
mis en broche, de provisions cumulées, si abondantes qu’elles
recouvrent les collines et les chemins, si ordonnées qu’elles
agencent les murs et les sols. Un paysage devenu lui-même
nourriture : « Les maisons sont encloses de bars, d’aloses et de
saumons ; les toits ont pour chevrons des esturgeons, pour
lattes des saucisses, pour couvertures des bacons, côtes de porc
salées et fumées, si appétissantes en carbonades 164. »
L’aliment accapare l’espace jusqu’à combler l’horizon.
L’Église médiévale elle-même ne peut toujours se dissocier
de telles images. Hugues de Saint-Victor, dans son Institution
pour les novices, au XIIe siècle, ne tance pas la goinfrerie,
mais seulement la nourriture « trop précieuse et
délicieuse 165 », la délicatesse excessive. Hugues semble
ignorer le glouton. De même, au XIVe siècle, lorsque Gerson
recense les péchés, dans son Sermon pour la conception de la
Vierge, il s’étend sur l’orgueil, la mécréance, la paresse,
l’envie, il les accuse de rendre jeunesse et beauté « puantes et
ridées 166 », mais ne cite ni l’excès de nourriture ni même la
gourmandise. Autant de silences devenant des indices de
comportement : une façon de révéler le jugement équivoque de
l’Église médiévale sur l’avidité alimentaire. Ce vice reste
péché véniel pour saint Thomas d’Aquin, même si l’auteur de
la Somme théologique voit dans la « vie sobre » et le « séjour à
l’air pur » les premiers préceptes « favorisant la
longévité 167 ».
Cette culture de la nourriture massive a ses développements
propres. Elle peut marquer la frontière entre les fortunés et les
autres, entre les nobles aussi et ceux qui ne le sont pas. Elle
s’approfondit durant le Moyen Âge. Les soldats du duc de
Brabant, cavaliers de petite noblesse, transitant entre Meuse et
Rhin, à la fin du XIVe siècle, ont une ration de 3 kilos de pain
et de 1,5 kilo de viande par homme et par jour 168. Quantité
sans commune mesure avec celle des rations de corvéables
souvent limitées au pain, à l’huile et au sel. Les repas évoqués
par Olivier de La Marche, ou ceux évoqués par Le Fèvre, à la
cour de Bourgogne autour de 1450, promeuvent, quant à eux,
les plats en architecture fabuleuse. La quantité s’est muée ici
en tableau ; la masse alimentaire est devenue objet de
spectacle : mise en scène sophistiquée de l’opulence. Ce sont
ces descriptions de « nefs à voile » poussées devant les
convives du duc de Bourgogne, immenses chars surchargés
d’hommes et de poissons ; ce sont ces pâtés suffisamment
volumineux pour enfermer figurants et décors, libérant
masques et animaux ; ou ces chairs amoncelées dans quelques
« fauves géants », acheminés, eux aussi, au milieu des salles
pour y être vidés 169. Ces festins du XVe siècle ne sont plus
simples occasions de foisonnement alimentaire, comme dans
La Maneline, le roman de Philippe de Beaumanoir, au XIIIe
siècle, où « on tua bœufs, porcs et ours en si grand nombre que
je ne saurais le dire 170 » ; ils sont occasion de contemplation
esthétique : jeux théâtraux, exploitations scéniques du cumul.
Les deux pôles défensifs : densité et épurement
Deux sensibilités s’affrontent ainsi sur l’aliment médiéval :
celle, savante, rare encore, de sa pondération quotidienne,
celle, plus habituelle, plus spontanée, de sa consommation
sans réserve. Elles opposent quelquefois médecins et frères
hospitaliers dans les hôpitaux : « Souvent les frères dépassent
la mesure ; ils vont de lit en lit, demandant ce que chacun
désire boire ou manger… Vous n’avez pas plus le droit de leur
donner des aliments contraires à leur santé que vous ne devriez
laisser une épée nue entre les mains d’un fou 171. » Ces deux
sensibilités opposent aussi le banquier toscan Francesco di
Marco à son médecin lorsque l’homme d’argent recommande,
à la fin du XIVe siècle, l’ingestion répétée de nombreux
chapons et pintades à un domestique malade. Viandes jugées
légères, sans doute, nobles même, mais dont la quantité
importe d’abord : « Je t’ai envoyé hier trois couples de
pintades, et prends soin de les manger, car tu ne pourrais rien
absorber de meilleur ni de plus sain et je continuerai à t’en
envoyer 172. »
Entre diète ou gavage se développent deux registres
imaginaires différents : la retenue qui fortifie en épurant, d’une
part, l’abondance qui fortifie en consolidant, d’autre part.
Deux sensibilités culturelles aussi : un régime de savants, de
lettrés et de clercs opposé à un régime de chevaliers ou même
d’hommes du peuple plus directement séduits par la massivité
et la lourdeur du corps. C’est l’opposition suggérée par la
tapisserie de Bayeux entre la table de l’évêque dont le seul plat
se limite à un poisson et celle des nobles dont les plats sont
aussi variés que colorés 173.
Densité et épurement sont les références majeures des
pratiques médiévales d’entretien du corps. Mais, à trop vouloir
les détailler, ces références deviennent elles-mêmes
imprécises, fondées qu’elles sont sur les analogies immédiates,
les sensations, les goûts. Leurs différences possibles
s’estompent, par exemple, dans le recours à certaines denrées
combinant puissance et pureté : le sang en est l’exemple,
consommé quelquefois comme équivalent de celui des
« guerriers moult hardis 174 », liquide dense, « solide » et pur à
la fois. Les boudins, « galettes de sang 175 » avidement
ingérées dans les nouvelles florentines de Sachetti, au XIVe
siècle, évoquent cette synthèse de matières compactes et
affinées. Les épices, poivre ou piment, avec leur force de
commotion et leur force évacuante, ont aussi la double
valence, comme les médailles du zodiaque : aux signes
astrologiques conservant l’équilibre et la pureté des humeurs
se conjuguent des signes astrologiques préservant au contraire
la lourdeur et la densité des chairs. C’est le succès, au XIIIe
siècle, des « médailles au lion », l’animal censé « l’emporter
sur tous les autres en force et en courage 176 », figure
cosmique dominante, par exemple, dans l’inventaire des
médailles astrologiques de Jean Biaise, médecin du roi de
Naples, en 1337 177.
Densité et épurement ont leurs zones opaques, peu
explicitées, mêlant largement encore le registre moral et le
registre sensible, les données visibles et les données obscures.
L’usage intensif des objets protecteurs souligne combien ces
deux pôles défensifs n’introduisent pas encore un travail du
corps sur lui-même. Ils supposent un organisme passif
conservé par des contacts ou des ajouts habilement disposés.
C’est sur ces deux pôles pourtant, densité et épurement, que
vont se multiplier de nouveaux repères de santé dans la France
ancienne, bien avant que ne soit perceptible un effet « réel »
sur les durées de vie, ou, même, plus simplement, sur
l’évitement de certains maux.
La gravité des crises épidémiques du Moyen Âge, la
recomposition des protections qu’elles appellent, vont dessiner
plus précisément les exigences de l’épurement, sans que le mal
soit ni mieux connu, ni mieux dominé.
2. Fléaux et corps ouverts
La peste abordant l’Europe en 1347 suscite des précautions
particulières, un ensemble de gestes d’autant plus nombreux
que la maladie est à la fois identifiée et inexpliquée : un mal
clairement désigné, reconnaissable et pourtant mystérieux.
L’expérience est sans rapport avec celle de la lèpre : la peste
est brutale, sa diffusion incontrôlable, intensifiée au cœur
même des cités. Le syndrome pesteux, dans sa version
pneumonique, provoque la mort en moins de deux jours. Sa
propagation est inexorable, alarmante, survenant quelquefois
après un simple échange de paroles avec un malade.
La première atteinte, provoquée à Marseille, en novembre
1347, par la présence de trois galères génoises « infectées »,
impose à la communauté une situation jusque-là inconnue : un
effondrement démographique sans précédent, une mortalité en
abîme. Une rue entière de Marseille, surnommée bientôt Rifle-
Rafle, perd en deux semaines la totalité de ses habitants 178.
Suivent des scènes cent fois décrites : actes de fuite,
d’épouvante, de résignation, tous gestes accélérant souvent la
prolifération du mal. Avignon est atteinte en janvier 1348 ;
11 000 corps y sont ensevelis en un mois et demi dans de
nouveaux cimetières, ouverts à la hâte dès février 179. La Curie
elle-même abandonne la ville, alors que Chauliac, médecin des
papes avignonnais, confesse péniblement son désarroi : « La
peste fut inutile et honteuse pour les médecins, d’autant qu’ils
n’osaient visiter les malades de peur d’être infectés, et quand
ils visitaient, n’y faisaient guère et ne gagnaient rien 180. »
C’est de cette impuissance, pourtant, que naissent de
nouvelles démarches de préservation de soi, une façon plus
complexe de protéger le corps, accentuant le repère des
épurements : enveloppes organiques jugées plus fragiles, plus
poreuses, provoquant une nouvelle vigilance, milieux de vie
plus inquiétants aussi, jugés plus dangereux ou nauséabonds,
provoquant de nouvelles mises à distance.
Le venin de l’air
La piété collective semble être d’abord la « meilleure »
réponse : les Très Belles Heures du duc de Berry décrivent
minutieusement les processions de flagellants encagoulés.
Elles suggèrent les prières dites aux quatre coins de l’horizon.
Elles évoquent deux rituels : celui du transport d’un dragon,
figurant le diable propagateur de peste, brûlé à l’issue de la
procession ; celui du transport de la croix, replacée en tête du
cortège, quelques mois plus tard, pour mieux marquer la
cessation du mal 181. Le rite dit combien l’horreur est
« subie », effet d’un désastre « envoyé » par quelque puissance
obscure. S’en défaire, c’est d’abord implorer.
La fuite est l’autre défense : immédiate, massive ; celle que
conseille la Sorbonne, officiellement consultée par Philippe
VI, lors de l’atteinte parisienne, en août 1348 ; la reprise d’une
affirmation de Rhazis :
Ces trois petits mots chassent la peste
Vite, loin et longtemps, où que l’on soit,
Partir vite, aller loin et droit devant 182.
La fuite, encore, est l’appel pressant que Pétrarque lance à
Boccace, lors de la peste de Padoue, la même année 183.
L’impuissance est si grande que l’avis de la Sorbonne, en
1348, n’envisage aucune démarche collective, aucune
organisation particulière de la communauté. Le collège savant
souligne surtout l’enjeu de quelques gestes individuels,
reprenant les conseils des traités de santé du Moyen Âge :
proscription des aliments « grossiers », chargés d’humeurs
malsaines, recommandation des épices et des parfums,
évocation des purges et des saignées 184.
L’attention à l’air, pourtant, gagne en importance, dès la
peste de 1348, pour devenir lentement dominante. L’air ne
fait-il pas fuir, « avec son venin et malice, moult pénétrant et
plein de vice 185 » ? La peste ne charrie-telle pas des « poudres
et des cendres 186 » ? N’est-elle pas faite de poussières
venimeuses, de « nuages » soulevés par les planètes en
déshérence ? Un air provoqué par de malheureuses
conjonctions astrales, agissant comme un poison : « Il faut
éviter avec soin l’air qui pourrait nous inoculer un tel venin et
le fuir d’homme à homme, de maison en maison, de village en
village, de ville en ville 187. »
L’image rappelle celle du lépreux tuant par son souffle,
effarouchant par ses entours et ses contacts ; mais elle s’est en
même temps déplacée, englobant les choses, les sites, les
localités. C’est l’« état » de l’air qui déclenche les pratiques
collectives comme les pratiques individuelles.
La crainte se fixe sur quelques lieux réputés infects, les
porcheries, interdites par les ordonnances du prévôt de Paris
en 1348 et 1350, les étals d’équarrissage, les charognes mal
enterrées, toutes zones où les chairs se décomposent à l’air
libre, au regard des passants. Ce sont les « tueries
d’animaux », en particulier, qui sont insensiblement l’objet
d’attentions nouvelles. Une méfiance sourde conduit au
déplacement des tueries hors de Paris ; un rejet exigé par les
lettres patentes de Charles VI, en 1416, et l’évocation explicite
de leurs « émanations » dangereuses : « En tant qu’il touche le
fait de la tuerie des bêtes, nous avons ordonné et ordonnons,
afin que l’air de nostre dite ville ne soit doresnavant infect ne
corrompu par icelles tueries et escorcheries et aussi que l’eaue
de la rivière de Seine ne soit corrompue ne infecte par le sang
et autres immondices desdites bêtes qui descendaient et que
l’on gectait en la dite rivière de Seine, que toutes tueries et
escorcheries se feront hors de notre dite ville de Paris 188. »
L’emplacement nouveau est celui des Tuileries, accommodé de
quelques « fosses », pour recevoir le sang, près du Louvre, au-
delà de l’enceinte de Charles V. C’est la première fois que
s’opère à Paris, dans un but de santé, un déplacement de
métiers ; la Grande Boucherie du Châtelet étant, d’ailleurs, la
même année, elle-même démantelée et disséminée, émiettée
en quatre lieux différents, afin « d’oster et éloigner tout ce qui
peut être cause et occasion de corruption ou infection d’air et
de nuire à corps humain 189 ».
Encore faut-il mesurer ces bouleversements, souligner
combien ils restent ancrés dans leur temps. Impossible, bien
sûr, d’y voir les prémices de l’assainissement moderne. Seules
l’odeur ou la pourriture visible inquiètent, et non la rivière,
réceptacle pourtant universel du rebut. À Orléans, autour de
1360, c’est bien dans la Loire que « doivent » être immergées
les viandes jugées infectées : « Aucun ne peut vendre char de
bœuf s’il a le fil ou est gléreux. Et pourront les jurés prendre
telle char et faire jeter en la rivière 190. » C’est dans la Loire,
encore, que sont déversés, par mesure de sécurité, immondices
et abats, débris et déchets d’animaux venus des boucheries :
les étaliers « nestayeront les rues où ils demourent… et les
ordures feront porter à la rivière chascun samedi 191 ».
L’entretien des boucheries, leur organisation spatiale,
traduisent l’amorce balbutiante d’un travail de sensibilité. La
boucherie de la place de l’Horloge, par exemple, à Avignon,
ne possède pas au XVe siècle d’enceinte fermée ; elle sert
d’abri, la nuit, aux mendiants et aux gens de passage. Plusieurs
plaintes réclament sa fermeture. Une barrière de bois est
placée, en 1489, avant d’être brisée et supprimée. Ce qui laisse
l’accès libre la nuit pour plusieurs années encore. Il faut la
découverte sur les étals, en 1527, de deux hommes morts de
peste pour que l’enceinte soit définitivement close 192.
Les corps poreux
L’attention à l’air s’accentue pourtant durant le XIVe siècle.
Une inquiétude sourde s’installe, directement liée à la peste.
L’attitude de chacun à l’égard de son propre corps impose un
repère supplémentaire. Jacopo Soldi exprime la nouvelle
crainte avec le plus de clarté, dans un Antidotaire contre le
temps de peste, du début du XVe siècle : « Les corps dont les
pores restent ouverts sont les plus aptes à subir
l’infection 193. » Le médecin florentin cite parmi les personnes
« plus facilement atteintes » celles dont la peau et les organes
sont envahis d’humidité, celles dont l’excès d’humeurs a
favorisé les ouvertures, celles dont la fatigue, la transpiration
ou la chaleur ont distendu les pores. Plusieurs comportements
se révèlent alors brusquement menaçants : l’exercice,
« échauffant et ouvrant les pores du corps 194 » ; la chaleur,
« ouvrant par trop les conduits du corps 195 » ; les bains ou
l’abandon « trop fréquent au plaisir sensuel, débilitant la vertu
naturelle 196 ». Dans chaque cas, l’air pestilent pourrait
infiltrer les organes et « infecter toutes les humeurs 197 ». Le
corps serait offert au mal comme un objet poreux, gagné,
pénétré par d’innombrables passages et ouvertures.
Des habitudes largement installées sont transformées : les
étuves, par exemple, progressivement interdites par temps de
peste, s’effacent du paysage urbain entre le XVe et le XVIe
siècle. Leur fermeture répétée à chaque épidémie, la crainte
d’une présence toujours latente du mal, accroissent leur
désaffection : « Étuves et bains, je vous en prie, fuyez-les ou
vous en mourrez 198. » Des quatre étuves dijonnaises du XIVe
siècle, la dernière est détruite au milieu du XIVe siècle 199.
Celles de Beauvais, d’Angers, de Sens, ont également disparu
au XIVe siècle 200. De la trentaine des bains parisiens, enfin,
recensés au XIVe siècle, un nombre infime est encore présent
dans le Livre commode des adresses de Paris de 1692 201 : un
effacement sur lequel plusieurs témoignages restent
convergents. Celui d’Érasme, par exemple, au début du XIVe
siècle : « Il y a vingt-cinq ans, rien n’était plus en vogue que
les bains publics ; aujourd’hui, il n’y en a plus, la nouvelle
peste nous a appris à nous en passer 202. » Non que les
pratiques hygiéniques aient été bouleversées. Ces bains, pour
la plupart d’entre eux, n’étaient pas des bains de propreté :
l’étuve reste, au Moyen Âge, un lieu de plaisir (même si elle
est aussi un lieu d’épuration en provoquant une transpiration),
elle touche à l’érotique plus qu’à l’entretien du corps. Elle
reste un espace de rencontre, voire de débauche.
Le risque s’étend encore avec cette image d’un corps plus
vulnérable. L’air pénétrant la peau devient une menace plus
large. Il suscite d’autres attentions : le danger de l’air froid
s’accroît, par exemple, susceptible de pénétrer le corps jusqu’à
figer le cœur. D’où ces descriptions de morts par
« refroidissement » à la chasse, à la paume, au jeu, dans les
chroniques du XVe siècle : Jacques de Bourbon, mort le 22
mai 1468, à Bruges, « par forfroiture d’avoir joué à la
paume 203 » ; Charny, qui, « par froid pris [après la chasse],
chut en un excès de fièvre 204 » ; d’où, encore, ce précepte
insistant autour de 1480 : « Ne pas prendre repos en temps
éventé. Car adonques la distillation de l’air percerait et
pénétrerait les poreaux et entrerait jusques aux parties
intérieures du corps 205. » Inquiétudes marginales, bien sûr, par
rapport à celle que mobilisent les épidémies, sans grand enjeu
même, mais qui montrent comment ont basculé des
représentations et se profilent de nouvelles défenses : un
engagement vers des protections « individuelles » et
mécaniques, entre autres.
Et puis tel air fait transmuer
Les humeurs du corps et pourir
Qui les membres devaient nourir 206.
CHAPITRE III
RÉSISTER ET ENDURCIR
XVIIIe SIÈCLE
CHAPITRE I
Endurcir
L’état des fibres oriente les actions préventives. Un
impératif s’impose après 1750 : l’« affermissement ».
Une anecdote plusieurs fois évoquée par les traités de santé
le confirme jusqu’à la caricature. Une femme menant une vie
« languissante » à Paris est tirée de sa léthargie par la brutale
acquisition d’un héritage en province. Elle y gagne en ardeur,
en vivacité : le changement est brusque, massif ; la santé
s’épanouit ; le corps est transformé. Histoire banale dont
l’intérêt pourtant tient dans l’explication. C’est que la mutation
n’est pas ici liée à la fortune acquise, au luxe ou aux
divertissements qu’elle permet. Elle est liée, souligne avec
sérieux Pressavin 674, aux épreuves du voyage, à la
mobilisation de la route, à l’affrontement des ornières et des
cahots du chemin : une traversée de 40 lieues, effectuée dans
la mauvaise charrette d’un voiturier. Secousses et vibrations
ont avivé les fibres de la voyageuse. L’« exercice » l’a
fortifiée. La route l’a rajeunie. L’effet est moins celui de la
transpiration et de réchauffement que celui des chocs et même
des coups : une dureté affectant les « solides », un
raidissement promouvant la santé. C’est l’image de la fibre qui
oriente une nouvelle vision de la santé ; le durcissement, sous
sa forme la plus intuitivement physique.
Le thème des rudesses commande au même moment le
choix des régimes frugaux, l’importance nouvelle donnée au
froid, l’insistance sur l’« éducation naturelle ». Encore faut-il
mesurer combien cette image de l’affermissement converge
avec un bouleversement plus profond, une sensibilité orientée
plus qu’auparavant vers l’affrontement et le perfectionnement
de soi.
1. L’affermissement et le progrès
Le conflit entre mollesse et durcissement est au centre de
ces raidissements. L’art de « perfectionner l’espèce
humaine 675 » s’énonce comme un projet d’homme politique,
dans cette seconde moitié du XVIIIe siècle, autant que de
médecin. Le calcul se déplace vers des améliorations
progressives, des exercices graduels, une « perfectibilité
indéfinie 676 ». Le futur joue un rôle qu’il n’avait pas : « Un
libertin qui altère sa santé est plus coupable envers sa postérité
que le prodigue qui dissipe son bien et celui d’autrui 677. »
L’évacuation et l’affaiblissement
Au nom de l’affermissement, l’attitude préventive du passé
est récusée, surtout après 1750. La saignée est accusée
d’amollir plus que de raffermir : « Elle relâche et affaiblit les
muscles 678. » Jugée dangereuse, elle est insensiblement
délaissée, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle : « Ils ont
enfin renoncé à la coutume de saigner un pauvre homme 25
fois, comme ils le faisaient encore il y a trente ans 679. »
L’incision pourrait même déclencher symptômes et maladies :
« tremblements habituels, convulsions habituelles 680 » relevés
par Tronchin sur un jeune homme ayant subi 833
phlébotomies en quelques années. Le geste pourtant survit
dans certaines habitudes populaires, fidèles pour quelque
temps encore à l’image exclusive de l’évacuation. Mercier le
dit en 1782 : « On saigne beaucoup moins, il n’y a plus que les
vieux chirurgiens qui soumettent le bon peuple à cette
dangereuse évacuation 681. » Quelques fièvres enfin, quelques
resserrements excessifs, appellent encore l’incision réparatrice.
Mais la saignée de précaution, celle censée préserver le corps
en l’épurant, n’est plus que « fantaisie nuisible 682 ». Elle
s’efface, dénoncée comme recours illusoire et dangereux.
La purge aussi est dénoncée. Tronchin se récrie devant le
régime dont lui parle Dufort de Cheverny : « On vous ordonne
des purgations, mais on fatigue vos nerfs 683. » Le risque est
identique à celui de la saignée : un relâchement de fibre, une
faiblesse non maîtrisée. Dufort raconte comment une purge
apparemment anodine l’abat brusquement au point de lui ôter
durant plusieurs jours « la force de sortir de son lit 684 ».
Non que soit abandonné tout épurement. L’image demeure
incontournable : les fibres commandent aussi les écoulements
et les flux. Le choc électrique séduit parce qu’il contracte
glandes et vaisseaux, il favorise leurs sécrétions. Nollet y voit
la possibilité d’accroître les transpirations, celle de
« désobstruer » les organes 685. Bianci prétend en 1755 avoir
purgé plusieurs personnes grâce à des pharmacopées placées
dans leurs mains pendant qu’il les électrisait. Il propose même
de promouvoir ce choc peu banal en pratique d’entretien
corporel : la santé par électrisation évacuante 686. Rétif qualifie
de « bienfaiteur de l’humanité » en 1788 l’inventeur d’une
« eau préservatrice », purgation qu’il juge très avantageuse
parce que d’un usage « facile et continuel 687 ». Diderot,
également, conseille à sa fille Angélique en 1773 d’éviter
après ses couches que son lait « ne corrompe toute la masse
des humeurs ». La jeune femme devra transpirer et se tenir
chaudement : « Tant qu’il s’exhale de votre corps la moindre
odeur laiteuse, gardez la chambre 688. » La crainte d’un
pourrissement d’humeurs ne s’efface pas. Elle devient
seulement plus nuancée, composant avec le thème nouveau du
durcissement.
La nature et le froid
Ce thème de la dureté déplace d’ailleurs les polarités
préventives. Le recours au froid, entre autres, transforme les
pratiques. La fraîcheur raidissant les fibres est toute contraire à
la chaleur traditionnellement prônée par les traités de santé.
Les conseils de Benjamin Franklin, autour de 1775, suggérant
des lits « simples » et recouverts de toile, s’opposent aux
conseils de De Lorme suggérant, un siècle plus tôt, des lits
recouverts de fourrures, chauffés comme des fours par leur
coffrage de briques. Les gestes de Franklin sont inverses de
ceux de la tradition : sa méthode pour assurer la fraîcheur du
sommeil, se lever la nuit, « bien secouer ses draps, une
vingtaine de fois, puis ouvrir son lit et le laisser rafraîchir en se
promenant dans sa chambre sans s’habiller 689 », est toute
contraire aux conseils de Domergue, cherchant en 1686 à
accroître la chaleur du sommeil par des positions du corps
adoptées dans des lits calfeutrés 690. La fraîcheur renforçatrice
est même si importante que Montesquieu se lance dans de
laborieuses observations pour mesurer le resserrement des
fibres scrutées au microscope sur une langue de bœuf
préalablement gelée 691.
Les pratiques anglaises sont plus révélatrices encore,
propageant de véritables modèles de comportement : bain
froid, marche le long des plages, régime austère sont les
premiers principes des curistes britanniques s’orientant vers le
Nord, au milieu du siècle, pour y trouver plus de rudesse. La
plage devient lieu d’affrontement, épreuve contre l’inquiétude
et les langueurs, ce qu’a remarquablement montré Corbin 692.
C’est une succession de plongeons dans la mer quasi glacée de
Southampton, par exemple, entre le 17 novembre 1747 et le 12
février 1748, qui auraient redonné vigueur et vivacité à un
jeune patient de Richard Frewin 693. L’action vise les fibres : la
seule immersion dans la lame océane provoque l’effet
renforçateur ; non pas la nage mais la rencontre du froid ; non
pas le mouvement du corps mais le saisissement de l’eau.
Frewin fait de son expérience glaciale une renaissance. Cette
première cure engage une large série d’expériences où la mer
sert ces étranges raidissements. Pour plusieurs décennies,
l’affrontement à la lame, la précipitation dans la vague restent
au centre de ces pratiques marines : le choc dans le froid du
brisant. Rien d’autre que la recherche d’une force réactive du
corps, une tension interne, immédiate.
Mais, au-delà du débat sur la fibre, c’est un débat sur la
rusticité qui traverse textes et pratiques de santé, après 1750.
La préoccupation y est explicitement culturelle. La crainte
d’un relâchement des fibres est aussi crainte de quelque
secrète indolence. Le thème de la mélancolie a saisi les classes
dominantes au XVIIIe siècle. Le bouleversement des Lumières
s’accompagne d’un doute sur la robustesse : le danger devient
celui des délicatesses, des raffinements, tous symptômes
attribués à une société urbaine, jugée pour la première fois en
France porteuse de maladie, de débilité. C’est que la ville,
brusquement développée au XVIIIe siècle, dans sa seconde
moitié surtout, suscite séduction et désaveu, attirance obscure
et critique morale, dont Le Paysan parvenu de Marivaux ou La
Paysanne pervertie de Rétif de La Bretonne sont les images
les plus révélatrices à quelques décennies de distance : perte
de force, dégradation diffuse, avilissement 694. L’exode des
campagnes, l’accroissement de l’urbain, au cours duquel Lyon
passe de 97 000 à plus de 150 000 habitants entre 1700 et
1800, Bordeaux de 45 000 à plus de 110 000, Berlin de 50 000
à 140 000, déclenchent sans doute ces craintes diffuses. La
justification morale domine les raidissements.
Dégénération et progrès
Les déficiences elles-mêmes sont dramatisées. Le spectre
d’une « dégénération » rôde dans ces allégations de faiblesse,
celui d’un dépérissement de l’espèce humaine. Les animaux
décrits par Buffon autour de 1750 sont évoqués comme autant
d’exemples. Leurs constitutions peuvent inexorablement se
dégrader : ne perdent-ils pas en vivacité, en fermeté, une fois
soumis à la domestication ? « La chétive brebis » n’est-elle pas
éloignée des robustesses du « mouflon dont elle est pourtant
issue 695 » ? Buffon est un des premiers à penser les
changements possibles d’une espèce en l’évaluant de
génération en génération selon ses formes et sa vitalité.
Squelettes et modes de vie se transforment avec le temps et les
lieux. De même l’homme pourrait-il perdre en ressources
corporelles avec la civilisation. L’abbé Galiani donne un bon
exemple de ces inquiétudes en postulant, dans une lettre
adressée à Diderot, un effacement des voyages et des
aventures, un affaissement des initiatives et des forces :
« Voyez de combien nous sommes énervés, amollis, dégradés.
Tous les progrès des sciences n’ont pas pu balancer le
reculement de la vigueur et de la vraie valeur 696. »
Les silhouettes deviennent un autre indice, pour la première
fois décrites selon des critères morphologiques explicites :
formes fragiles, contours affaiblis. La présence des débilités
physiques les plus traditionnelles, les mutilations observées
depuis toujours dans les rues et les places des villes, le
spectacle des déformations, des claudications, des
insuffisances de taille, deviennent moins bien acceptés autour
de 1750-1760. D’où l’appel à la réaction, au renforcement :
« Comment les gens qui tiennent les rênes du gouvernement
ne sont-ils pas frappés de rencontrer à chaque pas dans Paris
des nains, des bossus, des boiteux, des brancroches et des culs-
de-jatte 697 ? »
Les Mémoires de Dufort de Cheverny, autour de 1760,
multiplient les notations chiffrées sur la taille des amis du
comte, révélant inquiétude et vigilance mêlées. Dufort
commente régulièrement les grandes tailles : Marnier, par
exemple, « homme de cinq pieds onze pouces [1,94 m], de la
plus belle figure qu’on pût voir 698 », ou Boernier-Delorme,
portant vaillamment une taille avantageuse, « homme de cinq
pieds neuf pouces [1,88 m] d’une belle figure avec une
superbe basse taille 699 ». Buffon confirme davantage encore
cette sensibilité en se lançant dans des observations inconnues
jusque-là : il vérifie durant dix-sept ans, de six mois en six
mois, avec toise et équerre, la stature d’un jeune homme de
« la plus belle venue 700 », né en 1752. Il tente d’identifier des
rythmes d’accroissement, compare la croissance d’hiver avec
la croissance d’été, évalue la perte éventuelle de taille après
une fatigue, son gain après un repos. Résultats modestes, à vrai
dire, sinon largement illusoires, mais qui soulignent au moins
la décision d’observer plus objectivement la taille de chacun.
Geste d’autant plus révélateur aussi qu’il s’accompagne d’une
autre recherche de précision : celle d’indiquer la
correspondance souhaitable entre la taille et le poids de corps.
Buffon est le premier à suggérer des mesures précises : le
poids d’un homme de cinq pieds six pouces (1,81 m) doit être
de 160 à 180 livres (80 à 90 kg). Il est « déjà gros » s’il pèse
200 livres (100 kg), « trop gros » s’il pèse 230 livres (115 kg),
« beaucoup trop épais, enfin, s’il pèse 250 livres (125 kg) et
au-dessus 701 ». Aucune explication ne vient justifier ces
chiffres. Leur rôle est d’arrêter les limites d’une bonne ou
d’une mauvaise constitution, de préciser des seuils, d’évoquer
les quantités marquant le plus ou moins grand éloignement de
la silhouette jugée normale.
C’est au moment même où s’invente l’idée de progrès que
grandit cette inquiétude diffuse. Le temps deviendrait sujet à
récession possible. D’où l’ambition de « planifier » des
endurcissements. La volonté d’un perfectionnement est
évoquée comme elle ne l’a jamais été. C’est qu’au
dépérissement toujours redouté s’oppose, comme en miroir,
l’espoir d’une progression. Les projets de « perfectionnement
de l’espèce humaine » se multiplient dans la seconde moitié du
XVIIIe siècle, avec l’assurance que les corps sont perfectibles
comme l’ont été certaines « races de chevaux ou de
chiens 702 ». Faignet de Villeneuve n’hésite guère à côtoyer
l’eugénisme, lorsqu’il propose de constituer plusieurs
régiments de bossus et de borgnes chargés de tâches
subalternes pour alléger les armées, libérant ainsi de robustes
soldats pour assurer des mariages féconds et promouvoir une
solide descendance 703. Plus sérieusement Vandermonde
insiste sur la nécessité d’un gain de force, « la première
ressource de l’homme 704 », qu’il veut soumettre à un
perfectionnement régulier et continu par l’exercice et
l’hygiène. C’est l’équivalent du travail entrepris au même
moment par l’Encyclopédie pour le progrès de l’esprit :
l’affirmation d’une ascension possible de l’espèce humaine,
celle de son développement indéfini.
Un changement de société guide ces mobilisations. Les
valeurs hygiéniques du corps s’opposent ici au vieil idéal
aristocratique : l’investissement dans la descendance contre le
prestige des lignées. La bourgeoisie dont les valeurs dominent
au XVIIIe siècle s’affirme toujours plus par cette recherche de
forces physiques : celles, immédiates, de la santé, celles, plus
différées, d’un renforcement des générations à venir. Les
nouvelles valeurs sanitaires s’affrontent aux valeurs
traditionnelles du sang : la certitude de la postérité contre la
certitude de l’ascendance. L’opposition est simplificatrice bien
sûr, les transformations de la seconde moitié du XVIIIe siècle
sont trop profondes pour être limitées à un groupe
« bourgeois ». François Furet, Roger Chartier ou Daniel
Roche 705 ont montré la place que tient la noblesse dans cette
élite éclairée. Une société de « progrès » s’installe, quoi qu’il
en soit, promouvant une vigilance sur l’avenir physique d’une
communauté.
L’exercice et la fibre
Tronchin est de ceux qui mêlent le mieux le projet d’un
renforcement des fibres et celui d’un endurcissement moral.
La faiblesse organique devient faiblesse de civilisation : « Tant
que les Romains, au sortir du Champ de Mars, allaient se jeter
dans le Tibre, ils furent les maîtres du monde ; mais les bains
[chauds] d’Agrippa et de Néron en firent peu à peu des
esclaves 706. » L’eau froide doit saisir le corps comme elle
saisit l’acier. La référence filamenteuse converge du coup avec
le projet culturel : l’image physique de la fibre, son versant
directement concret, aident à la conviction. Grand initiateur de
régimes frugaux, d’exercices et de bains froids, Tronchin
s’attarde aux plus modestes des pratiques d’endurcissement :
supprimer les bonnets de nuit, ne pas porter de chapeau
« même à cheval », alléger l’épaisseur des habits, éviter les
fortes transpirations. Il reçoit à Genève le public éclairé
d’Europe. Mme d’Épinay y fait un long séjour, détaillant ses
nourritures de laitages et de fruits, ses promenades, le froid vif
« qui la fortifie 707 ». Voltaire qualifie de « grand homme 708 »
ce médecin qui condamne saignée et purgation, cet inventeur
de pratiques apparemment banales, naturelles, mais dont le
succès provoque l’adoption de modes nouvelles, les
« tronchines », robes raccourcies et dénuées de panier, faites
pour faciliter la marche.
Il faut dire que la « promenade de santé » devient plus
familière, dans le milieu cultivé. Condorcet commente à Julie
de Lespinasse ses propres marches hebdomadaires, celles qui
le conduisent de la rue d’Antin à sa maison de Nogent,
prétendant qu’elles l’ont « fortifié d’une manière
sensible 709 ». Buffon arpente son logement en comptant ses
pas pour mieux évaluer son exercice lorsqu’il ne peut sortir :
« Je me promène à plusieurs reprises dans mon appartement
où je fais chaque jour dix-huit cents à deux mille pas 710. »
Rousseau, plus encore, fait de la marche un thème de culture,
une façon d’approfondir la conscience, autant que la santé, un
engagement préromantique dans les vallons et les bois,
l’occasion, pour la première fois sans doute, d’y projeter une
aventure intérieure 711. Les promenades « nobles » acquièrent
le même but physique : celles du bois de Boulogne ou du bois
de Verrières, par exemple, qu’évoque le prince de Ligne autour
de 1760 et qui, « indépendamment des chasses, étaient trop
jolies pour qu’on ne les évoquât pas 712 ». Ou ces trajets
effectués par Casanova en 1755, à Milan, en voiture
découverte et à l’air vif pour « réparer ses forces 713 ».
Aucune gymnastique ici, aucune indication de mouvements
complexes. Le souffle n’est pas encore pris en compte, ni
l’opération musculaire. Mais le projet n’est déjà plus celui du
passé. L’efficacité tient à une propagation d’ondes et
d’oscillations. Montesquieu le confirme comme jamais,
comptant scrupuleusement les impulsions reçues sur la selle
d’un cheval, avant de les promouvoir en pratique privilégiée
d’entretien : « Il n’y a point d’allure meilleure pour la santé
que celle du cheval. Chaque pas fait une pulsation au
diaphragme, et dans une lieue il y a environ quatre mille
pulsations de plus qu’on n’aurait eu 714. » Influence d’autant
plus heureuse, enfin, que les anatomistes de la sensibilité
campent dans ce centre « sphrénique » un lieu très spécial
d’affectation et de renforcement du corps : zone où viendraient
converger les plus riches réseaux de nerfs 715.
Il faut la machine de Rabiqueau enfin, en 1775, pour que ce
rôle prêté à l’oscillation soit spécifié jusqu’à la caricature : un
« manège mécanique 716 » dans lequel sont placés des enfants
fragiles ou quelque peu déformés. La machine secoue en tous
sens les corps attachés sur elle et leur porte des « coups
commotionnaux » à l’aide de bras articulés. Elle les
« stimule ». Le manège de Rabiqueau serait ridicule s’il ne
confirmait la vision nouvelle des tensions physiques.
Beaucoup plus littéraires sont les remarques de Diderot
observant l’éducation des cadets de Catherine II à Saint-
Pétersbourg. Ses conclusions sont les mêmes sur les effets de
l’exercice et du froid. Les cadets y auraient gagné « une santé
à l’épreuve de toutes les intempéries et du climat 717 ».
2. L’aliment rustique
La rusticité commande aussi le choix des régimes
alimentaires dans cette seconde moitié du XVIIIe siècle : les
repas de Julie, par exemple, dans La Nouvelle Héloïse, « sans
viande, ni ragoût, ni sel 718 », ceux de Buffon aussi, « peu de
viande, du poisson, beaucoup de fruits 719 », ceux de
Cagliostro, encore, faits de fromage ou de macaronis pris une
seule fois par jour 720. L’opposition aux régimes traditionnels,
composés jusque-là de bouillons de volaille, de viandes
légères mais savoureuses, de jus limités mais succulents, la
critique de ces qualités travaillées, ne traduisent pas seulement
la recherche de solidité des chairs par quelque nourriture
primitive, elles traduisent aussi la dénonciation des
délicatesses provoquées par quelque excès d’artifice ou
d’affectation.
Frugivores et carnirores
Ce thème des endurcissements donne une forme nouvelle à
celui du végétarisme, en cette fin du XVIIIe siècle : les denrées
de la terre seraient plus nourrissantes que les denrées animales,
les aliments grossiers plus vivifiants que les aliments raffinés.
L’occasion de privilégier les consommations paysannes sur les
consommations urbaines : « Les habitants des villes qui font
de la viande leur nourriture principale passent misérablement
leur vie en proie à toutes sortes de maladies 721. » Buchan
détaille en 1778 les malheurs des citadins anglais jugés
« trop » carnivores, « généralement attaqués de scorbut et des
suites nombreuses de cette maladie ; telles que les
indigestions, la mélancolie, l’affection hypocondriaque 722 ».
Rousseau souligne la force terrienne de la sève pour mieux
insister sur les sordides équivalences des chairs rouges : « Les
grands scélérats s’endurcissent au meurtre en buvant du
sang 723. »
Des nuances existent pourtant : le laitage d’un climat sec de
montagne semble vivifiant alors que celui d’une Hollande
opulente et grasse ne saurait l’être. Peyssonnel, visiteur
d’Amsterdam en 1780, se dit frappé par l’affaissement et la
« grosseur » des Hollandais alourdis par leur nourriture
familière : « La populace hollandaise passe pour lourde.
L’affreuse humidité du pays qui relâche les fibres, le fromage,
les laitages qui épaississent les humeurs et multiplient les
viscosités, et l’usage de la bière qui attaque les nerfs, en sont
les causes physiques 724. » L’état des fibres commande celui
des formes et bien sûr aussi le contenu des régimes proposés :
« Les personnes faibles et qui ont des fibres relâchées
s’abstiendront de toute espèce d’aliments visqueux 725. »
Le modèle confirme surtout la place nouvelle attribuée à la
nature, au XVIIIe siècle. Cocchi reprend la scène canonique de
Pythagore arpentant les plages, contemplant la mer,
demandant à ce qu’y soient rejetés poissons et coquillages
apportés par les pêcheurs : « les moindres corps animaux » ne
doivent-ils pas être restitués à la vie ? Seul, dans ce cas, serait
légitime le régime végétarien. Cocchi insiste avec un accent
nettement inédit, comme Rousseau d’ailleurs, sur le respect dû
aux « ouvrages de la Nature les plus utiles et les plus dignes de
notre curiosité 726 ». Ce que confirment encore les premières
critiques de la chasse, à la fin du XVIIIe siècle ; les
dénonciations des pièges, des hallalis ; les accusations de
Francis Mundy contre les traqueurs de lièvres ou les tireurs
d’oiseaux : impossible, dans ce cas, d’approuver « le grand
plaisir trouvé à courir un pauvre lièvre sans défense, avec une
bande de vilains chiens de chasse hurlants… [aussi] inhumain
et barbare que le harcèlement des taureaux 727 ».
Un constat a par ailleurs accentué au XVIIIe siècle la valeur
nutritive prêtée aux végétaux : c’est leur efficacité dans la
préservation du scorbut. Cook observe en 1765, dans ses
voyages du Pacifique, qu’une nette augmentation de
nourritures végétales et une diminution de viandes salées
préservent l’équipage d’un mal jusque-là non maîtrisé : cette
maladie inexorable qui, du saignement des gencives aux
ulcères généralisés, condamne quelquefois les marins du long
cours. Cook hasarde des comparaisons. Il assure que son
régime de froment et de sucre, ses réserves de choucroute et de
choux salés, de moutarde et de jus de moût de bière, ont sans
aucun doute permis de limiter à un seul mort les pertes de son
équipage durant son deuxième voyage, celui de 1772 728.
Première sanction savante de l’action du végétal.
Les contradictions sont pourtant nombreuses dans ces
pratiques végétariennes. Rétif de La Bretonne le montre
involontairement : recommandant à plusieurs reprises l’usage
exclusif des denrées végétales, il détaille incidemment ses
visites aux restaurants parisiens, ses nourritures ordinaires
faites « d’ailes de poulets », de « rôtis excellents », ou de
chairs censées combler tout ce que « sa sensualité pouvait
désirer 729 ». Bougainville fait de même : citant en exemple le
régime sans viande de ses Tahitiens observés dans ses voyages
du Pacifique, il semble l’oublier lorsqu’il les montre, dans
plusieurs épisodes, élevant poules, pigeons ou cochons 730.
Peu importe d’ailleurs les contradictions. Le végétarisme
garde valeur d’indice culturel, à la fin du XVIIIe siècle : signe
d’un changement plus vaste, plus profond, il est la
confirmation d’une représentation nouvelle de la nature ;
l’espoir d’y trouver quelque alternative possible aux pressions
urbaines, un principe de force aussi.
Un débat est révélateur : l’homme est-il frugivore ou
carnivore, s’interrogent les savants de 1780 ? L’occasion pour
certains de rappeler la rusticité originelle du recours au
végétal ; l’occasion aussi d’interroger, pour la première fois,
les adaptations morphologiques : forme de la bouche, des
dents, des ongles, des intestins, ce qui confirme au passage
l’intérêt nouveau pour l’« architecture » du corps. Plusieurs
hygiénistes de la fin du siècle s’en tiennent à une conviction :
l’homme serait frugivore, « nous ne remarquons dans l’espèce
humaine aucun de ces caractères distinctifs de l’espèce des
carnivores 731 ». Si la qualité d’« omnivore » l’emporte en
définitive dans les textes savants, c’est malgré plusieurs
résistances théoriques et au prix de longs développements sur
les morphologies physiques : « Le tube intestinal de l’homme
est parfaitement disposé pour que l’homme soit un animal
omnivore. Il ressemble à celui des carnivores par la structure
du ventricule et par la brièveté du cæcum. Il se rapproche de
celui des herbivores par la longueur de l’intestin grêle 732. »
Le végétal séduit les nouveaux partisans de
l’endurcissement, comme il mobilise les recherches d’un
aliment « complet » pour le pauvre.
Féculents du pauvre
La découverte d’un végétal susceptible de remplacer les
grains est l’objet d’une attente traditionnelle dans le monde
rural : substituer au blé souvent défaillant d’autres denrées
plus accessibles. Une coutume du XVIIIe siècle veut, par
exemple, que les fèves et les pois calment la faim tout en
« gonflant dans l’estomac 733 ». C’est ailleurs qu’il faut
chercher. Mais les tentatives d’exploiter ces végétaux sont
cahotiques, dispersées, n’atténuant guère les famines qui
culminent encore de vingt ans en vingt ans durant le XVIIIe
siècle.
Plus importantes sont quelques initiatives locales.
Broussonnet expérimente sur les navets et l’abbé de Pomerel
sur les betteraves 734. Duhamel du Monceau recourt au riz en
1759, dans sa campagne bretonne, denrée peu connue mais
jugée « complète ». Il décrit sa cuisson à petit feu, son
épaississement progressif sous l’effet de l’eau. Il raconte ses
mélanges : le sel, le laurier, pour préparer des soupes
collectives, durant « certaines années de disette 735 ». Le maïs
aussi apparaît progressivement comme nourriture « complète »
au nord de la Méditerranée, dans la seconde moitié du XVIIIe
siècle : la polenta de l’Italie du Nord, la millasse aquitaine, la
mamaliga roumaine.
La pomme de terre transforme brusquement les pratiques en
renforçant le prestige du végétal après 1770. Le curé de Saint-
Roch l’utilise le premier en soupe économique, l’hiver
1769 736 : distribution à quelques paroissiens d’un bouillon
composé de ce légume jusque-là déprécié, accusé d’être
simple racine, lointain cousin des plantes vénéneuses par son
appartenance à la famille des solanacées. Varenne de Béost
donne la recette du bouillon dans sa cuisine des pauvres,
explicitement conçue pour « remédier aux accidents imprévus
de la disette des grains 737 », de même qu’il dessine des
machines pour transformer les pommes de terre cuites en
« pâte à pain 738 ». La conviction de Parmentier s’impose,
même si elle est d’abord théorique, longuement développée
dans son « Étude des substances alimentaires qui pourraient
atténuer les calamités d’une disette 739 » avec laquelle il
remporte le concours de l’Académie de Besançon lancé sur ce
thème en 1772. Parmentier vante la diversité des préparations
possibles du féculent, évoque cultures et quantités, décrit le
légume protégé par le sol, prospérant à l’abri du gel et des
intempéries. Il convainc Sébastien Mercier en plantant le
tubercule dans la plaine des Sablons, vaste espace où
manœuvraient les armées de Louis XV. Sébastien rêve alors à
un effacement des famines : « La pomme de terre qui ne craint
ni les gelées, ni les orages, ni les vents, ni la pluie, s’offre
également dans tous les terrains pour se convertir en pain
nourrissant et savoureux 740. » L’originalité de Parmentier tient
à son raisonnement strictement économique : « Un arpent de
ces racines nourrit deux fois plus l’homme que la même
étendue de terrain convertie en blé 741. » La cuisson des
tubercules exige encore deux fois moins de feu que celle d’une
égale quantité de pain. Projets et réalisations prolifèrent après
1780 : l’« amidon de santé 742 », la « farine de santé 743 »,
vendue 30 sols la livre, à peine plus que deux miches de pain
vendues 25 sols, les « biscuits de santé » également, tous
confectionnés avec le féculent ainsi exploité. La pomme de
terre explose à la fin du siècle : 40 espèces existent en 1789.
Reconnaissance extrême : la Commune de Paris ordonne de
transformer le Jardin des Tuileries en champ de pommes de
terre par l’arrêté du 21 ventôse an III 744.
La pomme de terre ne fait évidemment pas disparaître les
disettes : il faudra pour cela recomposer le trafic des grains et
leur distribution. L’édit de juillet 1764 autorisant la libre
circulation des blés dans le royaume et la création de systèmes
de stockage ont, à cet égard, joué un rôle déterminant 745. Les
famines s’effacent avec les vieux systèmes de contrôle limitant
le commerce de province à province. Mais le prestige du
nouveau légume montre combien l’aliment complet est encore
largement cherché dans le végétal. Viande animale trop
coûteuse, bien sûr aussi, comme le montrent les comptes
d’Antoine-Alexandre Barbier, notaire à Besançon en 1764,
enregistrant les achats de viande épisodiques, souvent limités
aux fêtes et occasions solennelles 746. Le prestige du végétal
tient au nouveau prestige du rustique autant qu’aux prosaïques
exigences de l’économique.
3. Une pédagogie réactive
Les pratiques éducatives, enfin, résument les attentes
d’endurcissement au XVIIIe siècle. Elles leur donnent même
tout leur sens : l’investissement dans le perfectionnement et le
futur. Les faiblesses ne s’amorcent-elles pas avec le premier
âge ? C’est l’affirmation de Buchan, dont la longue réflexion
sur « les causes générales des maladies » s’ouvre par un
chapitre consacré à l’enfance : « Pour donner une description
exacte des maladies d’après leurs causes originaires, il faut
commencer par jeter un coup d’œil sur la manière ordinaire de
conduire les hommes dans l’enfance 747. »
Le renforcement graduel
Un espace totalement neuf de préoccupation apparaît avec
cette perspective de renforcement : mise en action précoce des
fibres, lutte dès le premier âge contre les chairs tendres et la
faiblesse des nerfs. Au nourrisson retenu jusque-là dans la
chaleur du berceau ou la sécurité de son étroit maillot s’oppose
le nourrisson « libéré » dans ses langes. Rousseau évoque
Émile laissé libre de « ramper par la chambre 748 » et non plus
contraint par les bandes resserrées sur son corps. Mme de
Genlis, préceptrice passionnée des enfants du duc d’Orléans,
dans les années 1780, demande qu’ils marchent continûment
dans la pièce pendant les leçons pour mieux se fortifier 749.
L’action physique commande le principe des forces. Elle doit
rendre « plus flexible la texture des fibres 750 ». Non, ici
encore, que soit inventée quelque gymastique ou quelque
méthode particulière d’exécution : le choc et la vibration des
fibres l’emportent sur le choix des mouvements.
Une progression dans l’action, en revanche, est nettement
suggérée. Rousseau souhaite une accoutumance graduelle au
froid : « Ce n’est que par degré que l’on peut les ramener à la
vigueur primitive 751. » Mme de Genlis invente un
accroissement dans les intensités de gestes. La pratique toute
banale du jardinage, par exemple, devient l’occasion d’une
progression d’énergie : « Leurs seaux ont un double fond dans
lequel on peut glisser des lames de plomb à mesure que leurs
forces augmentent 752. » De même qu’est insensiblement plus
lourde la poulie que Mme de Genlis fait installer dans la
chambre des enfants d’Orléans, proportionnée aux vigueurs
croissantes. Une façon modeste, mais bien réelle, d’imaginer
des programmes et des progrès : rapporter la santé au futur.
Avec l’enfant, plus qu’avec tout autre, s’impose la
nouveauté de ces pratiques du XVIIIe siècle. La protection du
corps est ici directement liée au déclenchement d’une
puissance, sa mise au travail. La santé devient un thème
d’exercice. Le corps doit agir sur lui-même : « L’art de
l’éducation est en quelque sorte l’art de substituer un corps à
un autre 753. »
Fourcroy, conseiller au bailliage de Clermont, le dit plus
nettement encore lorsqu’il décide en 1770 d’appliquer les
démarches nouvelles sur son enfant nourrisson : eau froide,
« même durant les hivers rigoureux », aliments naturels, gestes
libres, exposition aux climats. Le résultat est une « santé
inaltérable 754 ». Fourcroy fait confiance à une défense venant
du corps, une résistance quasi autonome. Il rêve d’organes
suffisamment solides pour assurer leur propre protection : « Je
le revêtis par cette opération journalière d’une cuirasse à
l’égard de l’air le plus piquant qui n’a plus de prise sur eux au
bout de peu de temps 755. » D’où le renversement des repères
anciens : aux tuteurs extérieurs (maillots ou corsets), aux
épurements passifs, se sont substitués les mobilisations
actives, les contractions, le travail. Non plus la saignée qui
faisait pour Gui Patin, un siècle plus tôt, les enfants robustes
par évacuation d’humeurs 756, mais bien le durcissement
volontaire des fibres et des nerfs. L’ensemble des forces s’est
déplacé : « Il faut que tout vienne du dedans 757 », dit Andry
de Boisregard lorsqu’il propose en 1741 quelques exercices et
gestes élémentaires pour donner consistance à l’allure de
l’enfant. Il faut « agir de l’intérieur », dit encore Hufeland
dans des conseils aux mères plusieurs fois édités : « Je ne
connais rien de plus pernicieux, rien qui ne renferme aussi
parfaitement l’idée de faiblesse et d’infinnité, que le caractère
de la nature humaine, devenu presque général de nos jours,
d’agir de l’extérieur sur l’intérieur 758. » Alors qu’il faut au
contraire solliciter une défense « interne ».
Âges et vie
La mesure de la victoire sur la mort est décisive pour
comprendre cette relation à l’enfance. Les chiffres relevés par
les démographes sont formels : une baisse de la mortalité
s’impose à partir des années 1750 alors qu’aucune découverte
médicale ne vient directement l’expliquer. C’est de 34 % à
20 % que décline la mortalité des garçons au-dessous de cinq
ans, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, dans les familles
dirigeantes étudiées par Peller, et de 29 % à 16 % celle des
filles 759. La mort recule également dans les provinces
déshéritées, en Anjou, par exemple, longtemps décimée par les
endémies : 36 % de mortalité pour les enfants de moins de
cinq ans en 1670, 26 % en 1789, à La Chapelle-d’Alizé,
paroisse pourtant misérable, perdue au milieu des bois entre
Sarthe et Loir 760.
Un lent accroissement des subsistances, sans doute,
explique ces chiffres. La transformation des précautions, celle
des attitudes familières, l’expliquent plus encore : propreté
mieux soignée, quelques gestes de bon sens, des attentions,
des isolements contre l’épidémie, alors que l’inoculation
demeure encore peu diffusée. Toute la différence, pour l’élite,
entre les attitudes de Mme de Maraise en 1780 et celles de Mme
de Sévigné un siècle plus tôt. Les lettres qu’échange Mme de
Maraise avec parents et amis dès les premiers jours d’une
naissance sont les plus révélatrices : insistance sur une
surveillance constante, détails donnés sur l’air, le sommeil, la
nourriture, focalisation sur l’allaitement maternel, critique
incessante de l’ignorance et des préjugés. Mme de Maraise
multiplie les avis. Elle écrit sur ses enfants, sur son filleul né
en 1779, dont la fragilité la préoccupe souvent la « moitié de la
nuit 761 », sur Alphonse Oberkampf, fils de son ami
Christophe Philippe Oberkampf, l’inventeur des toiles de Jouy.
Elle avoue sa passion pour le premier âge, une des originalités
de ces conseils devenus habituels au XVIIIe siècle : « Je
m’étends parce que ce sujet m’intéresse plus que par
nécessité 762. » Beaucoup moins fréquents, au contraire,
étaient les préceptes de Mme de Sévigné, un siècle plus tôt,
moins précoces aussi, centrés sur le corset que devait porter
son petit-fils 763, sur les quelques saignées subies à trois
ans 764, sur la coupe de cheveux accusée de donner trop de
prise à l’air froid 765. La surveillance des risques de la petite
enfance s’est déplacée en un siècle : les proches prodiguent
leurs conseils dès la naissance ; ils le font sur les objets les
plus quotidiens : du contenu des bouillies à l’amplitude des
habits. Aucune découverte médicale, il faut le redire, à
l’exclusion de l’inoculation, mais un investissement différent,
dans son contenu et dans ses objets.
L’obstétrique encore joue un rôle dans un insensible recul
de la mort néonatale. La réprobation s’intensifie devant
l’inexpérience de quelques matrones : « Combien d’enfants
mutilés ! D’autres regardés comme morts et que des soins bien
entendus eussent appelés à la vie !… Telle est l’esquisse du
tableau effrayant, mais vrai, qu’offre tous les jours l’ignorance
des sages-femmes 766. » Des initiatives naissent visant à
réviser les compétences. Mme du Coudray est nommée par le
roi en 1767 « pour enseigner l’art des accouchements dans
toute l’étendue du royaume ». Elle traduit la pratique en
formules pédagogiques, avec exemples, figures, mannequin
articulé et manipulable favorisant l’apprentissage. Elle donne
des cours à Caen (1775), Rennes (1775-1776), Rouen (1776-
1777), Le Mans (1777-1778), Angers (1778). Elle délivre des
certificats reconnus par les intendants et amorce de nouvelles
transmissions de savoirs, comme François Lebrun l’a bien
analysé sur Angers : 109 femmes brevetées après quelques
semaines de cours suivis dans la grande salle de l’hôtel de
ville ; un enseignement de quinze jours s’adressant ensuite à
neuf chirurgiens de la province qui deviennent à leur tour
« chirurgiens démonstrateurs » et se chargent d’un cours tous
les ans dans les villes de leur ressort 767. Le réseau est fragile,
souvent abandonné avant la fin des années 1780 : les frais de
subsistance des élèves ne peuvent être honorés par les
seigneurs et les curés qui en sont « responsables ». Mais les
initiatives demeurent nombreuses, prises directement par les
intendants « pour engager cette fameuse accoucheuse à venir
donner des leçons sur cette importante matière aux femmes
des campagnes qui lui seront envoyées 768 ».
Les signes se multiplient de ces attentions aux naissances et
aux premiers âges, jusqu’aux repères les plus formels, comme
la manière de distribuer les posologies médicamenteuses aux
diverses périodes de la vie. Les échelles de l’enfance
prolifèrent comme jamais dans l’émiettement de ces doses
pour remèdes et potions, à la fin du siècle : quatre posologies
différentes entre l’âge de « quelques mois » et celui de dix-huit
ans pour l’ensemble des doses proposées par Tissot 769 ; quatre
posologies encore, entre deux ans et dix-sept ans pour la
poudre contre les fièvres de la dame Renault de Caen 770. Les
chiffres de cette dame Renault sont d’ailleurs d’autant plus
marquants qu’ils multiplient les catégories du grand âge :
LA FORCE DE SOI,
LA FORCE DES AUTRES
XIXe SIÈCLE
CHAPITRE I
L’invention de l’énergie
L’engagement de l’État devient pourtant l’événement
dominant des pratiques de santé au milieu du siècle. L’hygiène
publique est l’occasion d’investissements plus nombreux, plus
diversifiés, comme le montrent, après 1850, les grands travaux
creusant le cœur des villes pour y enfouir les réseaux d’eau. Le
contenu des arguments préventifs change, surtout, dans ces
décennies centrales du XIXe siècle pour mieux mobiliser la
collectivité. Attentes et inquiétudes sont reformulées. Un débat
s’est noué au point d’en être dramatisé, avant même la
découverte pastorienne : la dégénérescence, l’abâtardissement
progressif de l’espèce, sont brusquement perçus comme autant
de menaces. Ravages physiques de la première
industrialisation, sans doute, avec sa masse croissante
d’ouvriers étiolés, mais aussi prospection de maux plus
secrets, abaissement des naissances, consommation d’alcool,
crainte de désordres, de délabrements intimes, et surtout appel
quasi moral à l’engagement de tous. L’insistance sur une
dégénérescence possible est une façon d’agiter un danger
massif, de mobiliser les consciences, d’inventer des
solidarités : accroître la force des grands messages collectifs
dans une société où s’efface toujours plus l’argument
religieux. D’où la reformulation du projet hygiénique après
1850, la certitude de nouveaux enjeux, l’attention aux
faiblesses morales, par exemple, susceptibles d’inverser le
progrès, celles que la défaite de 1870 a semblé confirmer.
La stratégie mobilisatrice l’emporte évidemment sur les
résultats concrets, mais elle montre l’hygiène toujours plus
enrôlée dans la vaste pastorale nationale. L’État hygiéniste et
régénérateur s’impose à chacun, comme de l’extérieur,
trouvant dans la santé collective l’occasion d’une visée
commune.
1. Le spectre d’une dégénérescence
Les arguments de Starck, médecin de Stuttgart, expliquant
en 1871 la victoire allemande par une « dégénérescence » de la
nation française sont trop caricaturaux, bien sûr, pour être
acceptés ou même repris sous cette forme en France. Starck
accuse les Français d’avoir un cerveau inférieur en poids à
celui des Allemands, il leur reproche d’être victimes de
monomanie des grandeurs et de fréquenter les asiles d’aliénés
en nombre incomparablement plus massif que leurs voisins
saxons ou bavarois. L’Année scientifique se moque de ce
« cher docteur » qu’elle accuse de délire et dont elle explique
le propos par une haine sourde et peu contrôlée 962. Mais le
rédacteur de L’Année scientifique prend au sérieux le terme de
dégénérescence. Il lui a consacré plusieurs articles, dans les
années 1860, avant même le texte tapageur de Starck 963.
Les chiffres relevés au XIXe siècle, après 1850 surtout,
déclenchent régulièrement une interprétation pessimiste : le
nombre de conscrits dispensés pour défaut de taille, ou pour
infirmités, le nombre d’aliénés internés dans les hôpitaux, le
nombre d’enfants illégitimes ou morts au berceau, sont
présentés comme autant de signes alarmants. L’opinion
s’impose d’un risque de déficience quasi biologique. Le 3 mai
1863, le journal Le Siècle rappelle que cette opinion ne se
limite pas aux seuls médecins : « On sait que le ministère de la
Guerre a cru devoir abaisser de quelques centimètres la taille
exigée par les anciens règlements. Serions-nous bientôt forcés
de l’abaisser encore ? Avons-nous une perspective de race
lilliputienne ? » Le journaliste juge ces chiffres
« lamentables ». L’avenir serait à la décroissance.
Scènes et décors de la grande industrie grossissent à coup
sûr l’image autour de 1850. Les enquêtes ouvrières
convergent : les canuts lyonnais y sont de « petits
bonshommes rabougris, les jambes cagneuses 964 » ; les
ouvriers lillois y sont des « individus pâles à la chair molle et
flasque, estropiés de toutes les manières 965 » ; les enfants eux-
mêmes, ceux des courées de Lille par exemple, y sont des
« petits vieillards ridés, mous, flasques, édentés, au ventre
proéminent et dur, à la poitrine en carène de vaisseau 966 ».
Usés, déformés, vieillis, sont les mots dominants de ces
enquêtes lorsqu’elles désignent les ouvriers des fabriques et
des ateliers. Jules Simon dénonce encore « un lamentable
abâtardissement de la race 967 » en visitant les quartiers
ouvriers du Nord après 1870. L’abaissement de la fécondité
par couple, passée de 4,24 en 1800 à 3,16 en 1860 968, ajoute à
cette vision pessimiste, comme la migration urbaine décrite
plus masculine que féminine par les recensements laisse
entrevoir un affaissement des naissances : « Cette
prédominance du sexe masculin sur le sexe féminin dans les
centres urbains peut en partie rendre compte du relâchement
des mœurs et du développement de la prostitution fort
préjudiciable à l’accroissement de la population 969. »
Les hérédités malsaines
Exprimé sous cette forme, le thème de la dégénérescence est
nouveau, bariolé, centré sur l’affaiblissement de quelque force
« génitale ». Son évocation aide à mieux expliquer les santés
étiolées, mais aussi les crimes, la misère : « En 1830 il y avait
10 000 aliénés en France, il y en a 80 000 aujourd’hui et ce
chiffre s’accroît chaque jour en même temps que le
mouvement progressif de la population se ralentit 970. » La
crainte est bien là, celle d’un affaiblissement accru par
l’hérédité, un désordre gagnant les générations comme une
épidémie. Plus largement, la rhétorique dégénérative permet
de rendre compte du mal dans une « civilisation pourtant
puissante, parvenue au premier rang dans les sciences, dans les
arts, dans l’industrie 971 ».
Les nouvelles théories biologiques aident, bien sûr, aux
explications savantes. La démonstration de Lamarck effectuée
quelques décennies plus tôt est exploitée pour des
rapprochements jugés logiques : le constat de filiations
héréditaires au sein d’une même espèce par transmission de
caractères acquis. Les organes mis en sommeil dans la vie de
certains animaux iraient s’atrophiant chez leurs descendants.
C’est ce transformisme qui pourrait expliquer la
dégénérescence : détériorations successives accusées de
génération en génération jusqu’à la déchéance. D’où le champ
brusquement ouvert à l’interprétation des hérédités
malheureuses. Morel, le premier, en 1854, suggère ce
mécanisme d’infirmités croissantes en publiant son Traité de
la dégénérescence 972 : l’hérédité alcoolique, celle du
crétinisme, de la folie, celle de la tuberculose, de la syphilis,
maladies bien précises ou faiblesses diffuses, toutes
susceptibles d’une série sans fin de transmissions morbides.
L’état d’un sujet, son passé, l’attention qu’il se porte, engagent
alors plus que jamais l’état d’une descendance. La surveillance
de soi est une condition de la surveillance de tous.
Inquiétude d’autant plus caractéristique qu’il s’agit, pour la
première fois sans doute, d’évoquer avec elle la race et le sang.
C’est la plainte de Michelet : « la déchéance de la force
sanguine préparée de longue date » et perçue comme « un fait
de ce temps 973 ». Ou plus encore la fresque construite par
Zola illustrant les hérédités malsaines : le déterminisme
corporel implacable reliant les Rougon-Macquart. Gervaise,
l’héroïne de L’Assommoir morte dans la misère et l’ivrognerie
en 1869, a été conçue dans l’ivresse par Antoine Macquart en
1828. Ses quatre enfants sont tous victimes de névrose ou de
folie : la pendaison du peintre Claude Lantier, la fureur
meurtrière du mécanicien Étienne Lantier, suggèrent le
chaînon supplémentaire d’une dégradation s’achevant avec la
mort de Jacques Louis Lantier, en 1869, emporté à l’âge de
neuf ans par son hydrocéphalie 974. La lignée des Rougon-
Macquart multiplie les branches dégénératives où alcool et
folie viennent s’entrecroiser.
Inquiétude culturelle, bien sûr, qui colore les faits, déplace
le regard, au point que Broca est peu entendu lorsqu’il montre
en 1867 le lent accroissement de la taille physique et parle de
« prétendue dégénérescence » : le ministère de la Guerre a
abaissé la taille du conscrit en 1835 pour accroître le
recrutement, mais les exemptions pour « défaut de taille »
diminuent de 831 sur 10 000, en 1835, à 531 sur 10 000, en
1865 975. D’autres chiffres soulignent un lent repli de la mort,
eux aussi indiqués par Broca : la mortalité des nouveau-nés
tombée de 24 % en 1820 à 17 % en 1860, la durée de vie
passée de 27 ans en 1786 à 42 ans en 1856 976. Les chiffres
repris aujourd’hui et prolongés sur la fin du XIXe siècle
confirment l’analyse de Broca : la mortalité masculine passe
de 23 ‰ en 1861 à 19 ‰ en 1911, la mortalité féminine passe
de 22,8 ‰ en 1861 à 17 ‰ en 1911 977. Les disparités
sociales, en revanche, demeurent marquantes : Armengaud
relève un nombre de décès deux fois supérieur, pour l’année
1863, chez les individus de moins de 15 ans dans la classe
ouvrière de Lille, par rapport aux individus de même âge dans
les autres classes sociales 978. Une disparité qui a sans doute
favorisé l’argument dégénératif.
L’inquiétude est d’autant plus forte qu’elle vise la nation.
C’est elle qui est suspectée de « marcher vers la
décadence 979 ». C’est en son nom que les risques sont
évoqués. Des risques focalisés surtout sur le prolétariat
industriel, décrit par Morel comme la classe dégénérée par
excellence, masse mouvante, croissante, acculturée. Le spectre
d’une dégénérescence « digne de fixer l’attention
publique 980 » constitue alors un horizon de pensée, une
certitude sourde sur laquelle s’appuie un intense engagement
de l’État pour assainir, fixer une population instable, aider aux
communications, renforcer l’administration publique. Le
thème dégénératif est le fonds argumentaire accompagnant la
mutation de l’hygiène publique dans la seconde moitié du
XIXe siècle. Il impose le recours à une force surplombant les
individus, celle qui dicte quasiment en dehors d’eux les
normes et les devoirs.
C’est la sensibilité aux fléaux, en particulier, qui est
modifiée : leur brutalité n’est plus celle des vieilles épidémies.
Le thème dégénératif a sélectionné des maux nouveaux en
promouvant des préventions nouvelles. Alcoolisme,
prostitution, hérédités diffuses s’adressent davantage à la
culpabilité et au ressort personnel de chacun. D’où une
conversion des pratiques d’entretien du corps, un souci
préventif visant davantage la décision du sujet, sa force
intérieure. C’est en s’orientant toujours plus vers la morale que
s’approfondit, dans cet univers prépasteurien, la prévention du
XIXe siècle. Le contenu même du malsain s’est déplacé,
jouant avec l’avenir de l’espèce, pesant sur les valeurs
devenues les plus précieuses : l’accroissement et le progrès.
Fléaux dégénératifs et morale préventive
De tous les maux, l’alcoolisme est celui qui associe le plus
clairement l’inquiétude de la dégénérescence et le recours au
sursaut moral. Lancereaux vise directement une acuité toute
intérieure lorsqu’il étudie en 1874 les étapes de la
« dégradation » alcoolique subie par de jeunes ouvriers
provinciaux venus à Paris : l’hérédité, sans doute, mais aussi
l’insensible faiblesse devenue habitude, un manque
d’attention, de décision, un échec de conscience 981. D’où
l’appel à une vigilance personnelle pour mettre fin à un danger
collectif : « Il est un fait que c’est la paresse et surtout le
manque d’énergie des hommes qui les poussent à se livrer à
l’alcoolisme 982. »
Cette dégradation est jugée d’autant plus inquiétante que le
mot alcoolisme est nouveau après 1850. Il définit une maladie,
celle qui ajoute à l’ivrognerie séculaire un ensemble de
symptômes très circonscrits : atteinte du foie, atteinte des
vaisseaux, catarrhe chronique, tremblements et troubles
nerveux, delirium tremens… Il fallait sans doute un
accroissement de la durée de vie et de l’imprégnation vineuse
pour que les effets des boissons soient mieux délimités et
identifiés. Magnus Huss est le premier en 1849 983 à décrire
dans l’espace anatomique du buveur un ensemble de désordres
identiques d’un individu à l’autre : troubles toujours
reconnaissables dans leur succession, leur régularité, leur
gravité. La boisson excessive devient au XIXe siècle un danger
quasi mesuré.
La consommation d’alcool, il est vrai, a nettement grandi
avec le siècle, liée à la lente élévation du niveau de vie, à la
fabrication d’essences industrielles, à la multiplicité des
communications : la production d’alcool pur en France est
passée de 200 000 hectolitres au début du siècle à 891 000 en
1850, et à 2 360 000 hectolitres en 1900 984. La seule
consommation d’eau-de-vie double entre 1850 et 1875,
passant de 585 000 à 1 010 000 hectolitres 985. Croissance tout
aussi accélérée des établissements de vente : 60 000 débits
supplémentaires entre 1855 et 1865 986. C’est d’ailleurs en
échouant de café en café au cours d’une même journée,
associant vin blanc, absinthe ou vermouth, que le Rigimbart de
L’Éducation sentimentale donne une couleur réaliste au décor
de Flaubert 987. La progression alcoolique est indéniable,
durant la seconde moitié du siècle : « eau de soleil », « eau de
braves », « bistouille », « postillon », « rincette », « gloria » ou
« champoreau » alimentent le vocabulaire de buveurs plus
nombreux. Le mal menacerait « d’engloutir les forces vives de
la nation 988 », d’attaquer la volonté, de profiler la « déchéance
de la race et sa stérilité 989 ». C’est l’image de L’Assommoir :
le risque d’un envahissement sans limites des liqueurs
fermentées. L’alambic en instrument diabolique, celui qui,
« sans une flamme, sans une gaieté dans les reflets éteints de
ses cuivres, continuait, laissait couler sa sueur d’alcool, pareil
à une source lente et entêtée, qui à la longue devait envahir la
salle, se répandre sur les boulevards extérieurs, inonder le trou
immense de Paris 990 ».
Le thème dégénératif réactualise l’imaginaire des maladies
proliférantes, celles qui se multiplient en transitant d’un état à
l’autre comme une germination sans fin. Cet alcool bu par
faiblesse serait encore pourvoyeur de tuberculose, un des
autres fléaux du siècle : les fragilités nerveuses, les troubles
digestifs qu’il provoque, ne « s’accompagnent-ils pas d’une
maigreur progressive finissant presque invariablement par la
tuberculose 991 » ? Hayem le dit d’un mot plus trivial, laissant
peser sur la vie ou l’ascendance du tuberculeux un passé de
noirceur : « La tuberculose se prend sur le zinc 992. » C’est
l’alcoolisme qui provoquerait « l’encombrement des
hôpitaux 993 ». C’est lui qu’il faudrait prévenir par un effort de
conscience et de volonté.
La défense contre la syphilis est un autre versant de cette
prévention investie de morale : le mal vénérien ronge la « race
aux sources mêmes de la vie 994 », attaquant l’hérédité par ce
qui semble le plus incontrôlable, le plaisir et le désir. Les
chiffres ici encore seraient autant de preuves d’un
accroissement du mal : les admissions annuelles de vénériens
dans les hôpitaux de Paris, évoquées par Michel Lévy en
1845 : 2 112 en 1804, 5 059 en 1842 995 ; l’infection des
prostituées « proportionnellement plus importante de 1824 à
1832 que de 1812 à 1824 996 » ; les 50 000 hommes de troupe
annuellement infectés par la contagion, évoqués par Garin en
1870 997. Tous chiffres interprétés comme signes dégénératifs,
annonçant « une race infirme, abâtardie, le peuple d’avortons
qu’attend l’orthopédie 998 ».
La distorsion est claire entre le danger réel de la syphilis et
l’angoisse qu’elle provoque. L’infection cause moins de 3 %
des décès à la fin du siècle, la tuberculose en cause 20 %, mais
la syphilis apparaît comme le fléau majeur, celui qui
provoquerait « plus de mal que toutes les maladies
ensemble 999 ». Le président de la Société de médecine
publique et d’hygiène, Bouchardat, souhaite faire naître une
véritable « terreur » à son égard pour mieux « conserver et
préserver l’espèce humaine 1000 » ; le président de l’Académie
et de la Société de médecine du Vaucluse, Yvaren, y voit la
cause première de dégénérescence : « La société tout entière
devrait réunir ses efforts pour écraser ce grand destructeur,
cette mort chronique de la race humaine, pour extirper cette
lèpre immonde qui porte ses coups dans l’ombre 1001. »
Devenu le mal symbole, dans les dernières décennies du
siècle, la syphilis « a vérolé tout l’imaginaire social 1002 ».
C’est son image qui occupe les dérives littéraires de la
décadence et du déclin. C’est à partir de fleurs innocemment
coupées que le Des Esseintes de Huysmans, en 1884, est
poursuivi par la figure hideuse des pourritures syphilitiques.
Les fleurs se transposent en filaments monstrueux, imposant
une obsédante conclusion : « Tout n’est que syphilis. » Envahi
par la certitude des déchéances, projetant ses cauchemars en
hallucinations cosmiques, Des Esseintes devient le témoin
d’une espèce humaine menacée : « Il eut la brusque vision
d’une humanité sans cesse travaillée par le virus des anciens
âges. Depuis le commencement du monde, de père en fils,
toutes les créatures se transmettaient l’inusable héritage,
l’éternelle maladie qui a ravagé les ancêtres de l’homme, qui a
creusé jusqu’aux os maintenant exhumés les vieux
fossiles 1003. »
Protection de soi, protection de l’État
Jamais les dérives individuelles n’avaient à ce point semblé
menacer la protection communautaire. L’appel à la réaction de
la « société tout entière 1004 », au « gouvernement 1005 », aux
« nations civilisées 1006 » pour combattre ces fléaux qui
risquent « d’arrêter la marche ascendante de l’humanité 1007 »,
revient régulièrement dans les textes savants comme dans les
périodiques à vocation populaire. Tentative d’habiller une
morale du devoir. Signe du rôle grandissant prêté à l’État,
arbitre, plus qu’auparavant, des comportements de chacun.
L’initiative étatique est sollicitée, épiée, expliquée : « Notre
code » ne peut « laisser impunie la prostituée qui tue et
empoisonne la société 1008 ». La tentative d’opposer la loi aux
comportements jugés dégénératifs devient alors inséparable de
l’entreprise de protection collective. L’État, dans les dernières
décennies du siècle, légifère sur ces attitudes de plaisir et
d’excès. Mais l’intervention de la loi dans les comportements
les plus personnels ne va pas de soi. C’est la difficulté de régir
la sensibilité, celle d’intervenir sur les agréments privés, tout
en revendiquant la liberté promise depuis la fin du XVIIIe
siècle, que révèlent les lois proposées au XIXe siècle. La
surveillance autoritaire demeure à vrai dire dominante.
La réglementation sur la syphilis le montre, qui choisit un
public cible : les prostituées. Solution plus « simple » qu’une
surveillance étendue à chaque porteur possible du mal.
L’isolement des prostituées dans des maisons publiques ou, au
moins, leur mise en carte, réclamés dès le Consulat, sont
l’objet de demandes croissantes durant le siècle. D’où la
poursuite des filles insoumises, suspectées de communiquer le
mal plus fréquemment parce que moins surveillées. Les
statistiques de 1860 confirmeraient le danger de ces filles trop
libres : « 26,24 cas de maladie sur 100 pour les insoumises ;
1,58 cas de maladie sur 100 pour les filles en carte ou en
maison 1009. » La surveillance doit se fonder sur l’inspection
obligatoire : la visite médicale imposée pour mieux déceler
l’apparition possible de l’infection. Parent-Duchâtelet théorise
cette obligation dans un livre monumental en 1836 :
« Alléguera-t-on en faveur des prostituées la liberté que
chacun possède de faire ce qu’on voudra ? En d’autres termes,
peut-on et doit-on priver les prostituées de la liberté
individuelle 1010 ? » La visite est rendue obligatoire au milieu
du siècle, ainsi que la mise en hôpital si l’infection est décelée.
La critique de ces voies « réglementaires », la conscience de
leur inefficacité relative, sont perçues à la fin du siècle. Lutaud
ironise sur le leurre d’une surveillance autoritaire rendue
irréalisable par l’ampleur même des moyens qu’elle réclame :
ne faudrait-il pas « transformer les 85 000 prostituées de Paris
en fonctionnaires casernés » et faire examiner « tout candidat
en érection » par un médecin inspecteur 1011 ? D’autres
politiques sont tentées, en Norvège dès 1860, adoptées bientôt
par les États-Unis ou le Canada. Elles visent tous les citoyens
et non plus les seules prostituées. Elles poursuivent le malade,
l’individu, et non pas un groupe préalablement désigné :
l’obligation est faite au médecin de déclarer tout nouveau
malade, l’obligation est faite au malade de signer une
information selon laquelle un emprisonnement de trois ans
frappe celui qui infecte ou expose à l’infection une autre
personne. Attitudes tout aussi difficiles, mais plus modernes,
où la loi interpelle la responsabilité de chacun. La crainte du
péril vénérien, la volonté de désigner un milieu coupable,
restent sans doute trop fortes en France : l’existence des
maisons publiques, la réglementation des visites sont
maintenues à la fin du XIXe siècle.
Les obstacles rencontrés dans la législation sur la syphilis, à
la fin du XIXe siècle, sont d’ailleurs proches de ceux
rencontrés dans la législation sur l’alcoolisme : difficulté de
légiférer sur la sensibilité, difficulté de pénétrer les
comportements privés, au nom pourtant d’une défense de tous.
La loi de 1873 sur l’ivresse le confirme. Elle condamne
d’abord l’ivrognerie manifestée sur la voie publique et ses
récidives. Elle sanctionne les actes visibles, quasi publics, de
l’excès. Ce qui ne permet pas d’atteindre l’alcoolisme, ses
consommations éventuellement discrètes mais répétées, celles
que Huss avait dénoncées le premier quelque vingt-cinq ans
auparavant. Difficile, bien sûr, de porter le règlement au cœur
même des comportements les plus privés.
Une autre difficulté contrarie la législation sur l’alcoolisme,
comme la législation sur la syphilis dans cette seconde moitié
du XIXe siècle : la résistance de ceux qui en tirent des
avantages marchands. Les ligues ou amicales d’hôteliers et
d’hôtels meublés résistent aux velléités de suppression des
maisons publiques, comme divers regroupements de
cabaretiers ou de débitants résistent aux velléités d’interdits
des liqueurs et eaux-de-vie. Toute dénonciation tapageuse de
l’alcool déclenche l’opposition des tenanciers à la fin du
siècle. C’est le cas de l’affiche anti-alcoolique placardée dans
Paris, au tournant du siècle : « L’homme qui boit une quantité
immodérée de vin, de cidre ou de bière, devient aussi sûrement
alcoolique que celui qui boit de l’eau-de-vie. » Les auteurs de
l’affiche sont aussitôt assignés devant le tribunal civil par le
Syndicat des marchands de vin et des liquoristes qui obtient
gain de cause en dénonçant « cette affirmation
particulièrement osée en présence des contradictions de la
science 1012 ».
Mais cette affiche qui échoue est elle-même révélatrice.
Elle souligne la place nouvelle attribuée à l’« instruction » :
le prosélytisme et moins la loi. Cette tentative de prévenir ces
maux où la morale a sa part promeut une pastorale
pédagogique d’une ampleur sans égale : une entreprise de
persuasion à la mesure de l’alerte sociale et de la peur
provoquées.
De la moralisation des maux à la pédagogie
Lorsque Michel Lévy souligne en 1845 que, sur 4 430
prostituées recensées, 2 332 ne savent pas signer, c’est pour
mieux relier leur dépravation à leur manque d’instruction 1013.
Lorsque Henri Homo se livre en 1872 à une enquête sur les
prostituées de Château-Gontier, c’est pour mieux confirmer le
nombre infime d’années scolaires qu’elles ont suivies 1014. Les
filles qui se prostituent ne le feraient pas, affirment-ils, si elles
avaient reçu quelque instruction. La conclusion devient
péremptoire : « Partout où l’instruction pénètre, les excès
diminuent 1015. » D’où ces innombrables entreprises
pédagogiques, caractéristiques du XIXe siècle, cette volonté de
transformer les comportements par les Lumières, cette
insistance sur la moralisation et le savoir : « Le seul recours
qui reste ici, c’est de multiplier les leçons et les conseils de
l’hygiène populaire 1016. » La défense contre les maux
dégénératifs repose plus qu’auparavant sur une conviction : le
savoir est une arme privilégiée pour les prévenir.
La lutte antialcoolique est impulsée par un groupe organisé :
la Société française de tempérance, créée en 1873, qui
rassemble quelques milliers de membres autour de diverses
autorités morales, titulaires de l’Institut, professeurs ou
députés. La Société revendique une finalité sanitaire :
« Déraciner l’usage des alcooliques et surtout de l’eau-de-vie
par l’exemple que donnent les membres de la Société et leurs
familles en même temps qu’elle répand dans la population des
idées plus justes sur les fâcheux effets des alcooliques 1017. »
La Société recherche l’effet d’opinion : influencer la
sensibilité ; fédérer les certitudes de quelques-uns pour mieux
peser sur les décisions de tous. Son action est faite de gestes
symboliques et de slogans mis en scène : prix et médailles
récompensant les personnes tempérantes ou les œuvres
édificatrices, édition d’affiches, diffusion de messages,
financement de recherches ou de conférences sur les dangers
de l’alcoolisme. La Société offre le premier exemple d’un
militantisme sanitaire, une entreprise où sont discutés et
promus des dispositifs de santé : placards affichés dans les
salles d’hôpitaux, conférences provoquées dans les usines,
exposés savants suivis de concerts gratuits. L’interrogation sur
les moyens pédagogiques occupe les réunions : les formes de
propagande, le choix des termes ou des images, le recours, par
exemple, en 1875, à « la photographie sur verre projetée à la
lumière oxyhydrique pour représenter les différents états dans
lesquels sont plongés les individus intempérants 1018 ». La
Société édite un livre, Dangers et Abus des boissons
alcooliques de René Picard 1019, qu’elle cherche à diffuser
auprès du ministère de l’Instruction publique, des conseils
généraux, des mairies. Elle multiplie les avis sur la loi de 1873
et prétend surveiller son application. Sa finalité, on le voit, est
double : transformer les mœurs, peser sur les décisions
sanitaires.
Non que l’impact de cette Société française de tempérance
soit massif, dans ces années de 1870 : la revue qu’elle édite ne
dépasse pas les 1 500 exemplaires, le manuel qu’elle diffuse
n’atteint pas les 10 000 exemplaires 1020, les lectures qu’elle
propose dans les hôpitaux, faites publiquement par les malades
eux-mêmes, ne s’écartent guère des prêches simplistes et
martelés 1021. La nouveauté de la Société, pourtant, est de faire
exister une opinion collective et de travailler à son influence.
La manifestation d’une liberté publique plus grande, celle d’un
nouveau militantisme : démarche quasi politique que seul un
État en voie de démocratisation pouvait autoriser. Le débat sur
la prévention en est insensiblement transformé : médecins et
pouvoirs publics, voire architectes, ne sont plus les seuls à
forger les décisions sanitaires, un interlocuteur nouveau joue
un rôle, il a le profil anonyme de l’opinion.
Exemple bien limité, il faut le redire : nombre de membres
de la Société de tempérance sont des médecins, nombre de ses
dirigeants sont des titulaires de l’Académie de médecine.
L’argument propagé reste celui de la terreur à l’égard de
l’alcool énoncée par les médecins. Mais l’expression d’une
pensée sanitaire collective voit le jour, celle d’une opinion
discutée qui aura plus tard son importance. L’exemple est
quasi identique, au tout début du XXe siècle cette fois, pour la
syphilis ; plus révélateur même, puisque peuvent s’y affronter
une Fédération abolitionniste des maisons publiques et une
Société de prophylaxie sanitaire et morale favorable à leur
maintien. La solution reste aux partisans de la réglementation
des maisons, confortés par la terreur du péril vénérien. Des
oppositions pourtant se sont exprimées, donnant à la santé un
versant politique qu’elle n’avait pas.
D’autres exemples confirment ce travail d’opinion : l’Union
française antialcoolique, qui compte bientôt 40 000 membres,
créée par le Dr Legrain en 1891, la Société protectrice de
l’enfance créée en 1865 par Marjolin et reconnue d’utilité
publique en 1869 1022 orientant l’argument « régénérateur »
sur une hygiène infantile, militant pour le recours au lait
maternel et organisant des visites d’enfants placés en nourrice,
le Comité de défense contre la tuberculose créé par Léon
Bourgeois, ou l’Association pour l’accroissement de la
population française, créée en 1896 par le Dr Bertillon, chef
des travaux statistiques de la Ville de Paris. Son objet :
« Attirer l’attention de tous sur les dangers que la dépopulation
fait courir à la nation française et provoquer les mesures
fiscales ou autres propres à augmenter la natalité 1023. »
L’école, enfin, dans les dernières décennies du XIXe siècle,
est au centre de la campagne menée contre les maux
dégénératifs. L’enseignement d’une hygiène protectrice y
apparaît même déterminant. Le décret du 21 juin 1865 crée un
enseignement d’hygiène dispensé par un médecin 1024. La loi
sur l’école publique de 1882 est plus précise, indiquant dans
les matières obligatoires les « applications » des sciences « à
l’agriculture et à l’hygiène 1025 ». C’est sur la croisade
antialcoolique que cet hygiénisme scolaire est d’ailleurs le
plus mobilisé. Le ministère de l’Instruction publique autorise
en 1877 la diffusion de 30 000 affiches intitulées « Avis sur les
dangers des boissons alcooliques 1026 » et éditées par la
Société française de tempérance. Les manuels, ceux de
français surtout, multiplient les épisodes révélant les méfaits
de l’alcool. L’invitation de Simon par ses compagnons
mineurs, dans Monsieur Prévôt, livre de lecture courante pour
le certificat d’études à la fin du XIXe siècle, est l’occasion
d’une longue note sur l’intempérance, qualifiée de « plus
grand fléau de l’humanité 1027 ». L’avis donné aux auteurs de
manuels est d’ailleurs d’offrir « des anecdotes, des histoires
faciles à comprendre 1028 », comme la phrase quotidiennement
calligraphiée au tableau noir : « Le cabaret est un abattoir
d’hommes 1029. » Jusqu’aux images obsédantes de la
pédagogie antialcoolique de la fin du siècle qui entrent dans
cette stratégie, ces foies dessinés sur les murs des classes, ceux
dont parle Marcel Pagnol dans La Gloire de mon père, viscères
« horribles », figurés avec « leurs boursouflures vertes et leurs
étranglements violets qui leur donnent la forme de
topinambours 1030 ».
2. L’énergie qui protège
Aux fléaux dégénératifs ne s’opposent pas seulement la
conviction morale ou la loi, après 1850-1860, mais encore une
pratique préventive rénovée ; un ensemble de comportements
transformés par de nouvelles représentations du corps. C’est
que la machine corporelle n’est plus simple mécanique,
comme au XVIIe siècle, avec ses mouvements aspirants ou
refoulants ; elle n’est plus simple lacis de fibres, comme au
XVIIIe siècle, avec ses filaments enchevêtrés responsables des
forces et des résistances, ou même simple focalisation de
tensions musculaires comme au début du XIXe siècle. Elle est
machine productrice d’énergie, moteur créateur de rendement :
un équivalent des engins à vapeur animant les fabriques de
l’industrie du milieu du XIXe siècle. Son souffle est comparé à
celui « des locomotives dont nous entendons la respiration
puissante 1031 », sa chaleur à celle des « combustibles que
l’industrie emploie 1032 ». Son action illustre les lois de la
thermodynamique théorisées par Carnot en 1824 : une
conversion du calorique en possibilités précises de travail 1033.
D’où la liaison nouvelle entre l’efficacité et les ressources de
chaleur organique. La force des constitutions est l’objet de
mesures inconnues jusque-là : celle de la « capacité
respiratoire vitale », par exemple, qu’Hutchinson évalue avec
un spiromètre en 1846, petite cloche mobile dont le curseur
permet de calculer la quantité d’air propulsée en une seule
respiration. « Le résultat au spiromètre, variant suivant l’âge,
le sexe, le poids du corps 1034 » et la vigueur de chacun,
devient le signe de la « réserve d’oxygène vitale », celle qui
transforme la chaleur en travail.
L’emploi de la dépense « combustive » et sa surveillance
peuvent alors aider la démarche préventive ; une manière de
combattre la dégénérescence conjointement à l’entreprise de
moralisation. L’ensemble des règles de vie sont concernées :
l’art de se nourrir, qui favorise l’échange énergétique, celui de
respirer, qui participe directement aux combustions, mais
encore la propreté, censée favoriser la respiration par
l’entretien des pores. La nouvelle référence énergétique
redéfinit une cohérence entre les pratiques sanitaires les plus
différentes, après 1850, toutes centrées sur une mise en
puissance du feu organique. Une énergie inédite est exploitée.
L’aliment, le poumon, l’énergie
L’aliment, d’abord, est directement perçu comme élément
combustible. Bouchardat le montre jusqu’à la caricature en
1860 lorsqu’il dénombre les atteintes sociales de la phtisie :
233 cas de phtisiques sur 1 000 décès de pauvres, 68 cas de
phtisiques « seulement » sur 1 000 décès de personnes
aisées 1035. L’explication est inédite, focalisée sur le
mécanisme alimentaire : les « tubercules » naîtraient dans le
poumon du pauvre parce que manque chez lui une
calorification suffisante. L’indigence de nourriture provoque
l’indigence du feu, avec son reliquat de matières non
calcinées. Les tubercules sont comme des charbons mal brûlés.
Explication illusoire, bien sûr, mais qui fait de l’aliment le
combustible de l’oxygène pulmonaire. Bouchardat confirme sa
version calorique lorsqu’il suggère une liaison inattendue entre
le diabète et la phtisie : le sucre du diabétique, échappé des
reins sans avoir été brûlé, rend d’une autre manière
insuffisante l’activité des poumons. Sa perte limiterait leur feu,
d’où la naissance possible de tubercules. Le diabétique, plus
qu’un autre, serait exposé au mal pulmonaire : « J’ai assisté à
l’autopsie de 19 [diabétiques], dans les 19 cas des tubercules
ont été observés dans les poumons 1036. » Explication illusoire,
ici encore, mais qui souligne la liaison insistante entre la
nourriture et l’activité du poumon.
Bouchardat suggère alors de prévenir la phtisie par
l’aliment. Il encourage le recours régulier à l’huile de foie de
morue, la brune surtout, celle des morues de Terre-Neuve ou
de Norvège, dont la densité et le pouvoir calorifère seraient les
plus marquants. Boillet recourt au spiromètre pour le prouver,
l’instrument mesurant le volume pulmonaire de chacun :
l’usage de l’huile transformerait la capacité respiratoire 1037,
rendant en peu de temps le souffle plus ample. Loin de se
limiter à assouplir les membres perclus, comme le pensaient
quelques vieux utilisateurs du début du XIXe siècle, l’huile de
foie de morue réveille ainsi le poumon. Bue comme une
potion, le matin, le soir, l’huile convertit les vieux élixirs en
principe d’énergie. Prévention utile aux plus pauvres aussi,
puisque concentrant en peu de substance d’« intenses »
ressources. Son succès est durable. Les procédés quasi
industriels de sa production se multiplient dans la seconde
moitié du XIXe siècle, à Bergen en Norvège, à Terre-Neuve,
comme dans quelques dépôts occidentaux. Une trentaine
d’importateurs français sont dénombrés en 1877 1038. L’huile
« au goût désagréable de poisson 1039 », celle que le
pharmacien Meynet tente en 1875 de présenter sous forme de
dragées sucrées contenant « deux cuillerées à bouche 1040 »,
devient insensiblement un recours familier.
Au-delà du modeste produit, c’est le rôle attribué à l’aliment
qui est transformé. Liebig, le premier, renouvelle après 1840
les catégories nutritives. Le chimiste allemand divise les
aliments en respiratoires et plastiques : ceux qui activent le
feu, ceux qui reconstituent les tissus 1041. La formule s’impose
pour plusieurs décennies, cultivant l’analogie avec le moteur et
orientant les choix nutritifs : « Les aliments sont destinés à
entretenir les combustions tout comme la houille entretient la
chaleur du foyer 1042. » Le but du régime alimentaire est du
coup renouvelé, réglant l’équilibre entre les substances
respiratoires et les autres. Les calculs changent aussi,
indiquant en grammes les aliments brûleurs et les aliments
reconstituants : « Il est journellement perdu 130 grammes de
matières azotées et 310 grammes de carbone, il est évident que
les aliments devront contenir exactement la même somme
d’azote et de carbone 1043. » Les dosages sont facilités par des
tables nouvelles : celles de Payen, celles de Letheby ou de
Jules Cyr permettant d’apprécier la valeur en carbone et en
azote de chaque denrée. Elles indiquent que 100 unités de
viande de bœuf contiennent 11 unités de carbone alors que 100
unités de chocolat en contiennent 58 ; les mêmes proportions
étant de 16 pour le foie de veau et 42 pour les fèves 1044. Le
geste du régime n’est plus le même, composant avec des
chiffres inédits : ceux qui rendent équivalentes une quantité de
pain et une quantité très différente de légumes ou de biscuits ;
seules comptant leur valeur nutritive et leur quantité d’énergie.
Travail et viande de cheval
À quoi s’ajoutent, bien sûr, les différences entre les
situations de travail et celles de repos. L’intensité du feu varie
avec celle du labeur. Le modèle énergétique engendre de
nouvelles tables, celles qui précisent l’indispensable besoin en
carbone ou en azote provoqué par le travail. Un premier calcul
effectué sur des ouvriers anglais et français employés au
chemin de fer de Normandie entre 1840 et 1850 sert de
modèle : il attribue la supériorité anglaise aux 660 grammes de
viande absorbés par homme et par jour, surplus de matière
azotée remplaçant le muscle perdu. Les ouvriers français mis
au même régime camé auraient aussitôt rejoint l’efficacité
anglaise 1045. Le calcul est répété dans les chambres de Hirn :
lieux hermétiques et clos où des hommes effectuant un travail
sont soumis à de rigoureuses mesures, celles de toutes les
« entrées » et « sorties » de leur corps. Hirn, en 1865, certifie
le constat : les déchets azotés de ces travailleurs
expérimentaux sont deux fois plus importants qu’ils ne le sont
au repos 1046. La viande, les protéines, s’imposent, sans
conteste, comme aliment de travail. Il ne s’agit plus
simplement de « force du sang » comme le laissait entendre
Balzac 1047, mais plutôt de rendement énergétique, un jeu sur
l’exploitation calorique et chimique des matières consommées.
L’idée de rentabilité oriente le calcul : « D’après les ouvrages
de mécanique, un manœuvre, portant des fardeaux sur son dos
au haut d’une rampe douce ou d’un escalier, et revenant à
vide, produit un effort moyen de 65 kilogrammes ; à une
vitesse de 0,004 m par seconde, il travaille six heures et donne
un travail de 56 160 kilogrammètres. Comme une calorie, dans
la machine humaine, correspond à 62 kilogrammètres, on en
déduit que 56 160 kilogrammètres exigent pour se produire
905 calories 1048. »
Le manque d’azote, celui que contient la viande, favorise
d’ailleurs la dégénérescence : « Voyez l’Irlande. L’Irlande ?
L’Angleterre régnerait-elle paisiblement sur ce peuple en
détresse si la pomme de terre presque seule n’aidait celle-ci à
prolonger sa lamentable agonie 1049 ? » L’absence de viande
contraint, enfin, à l’usage de forces factices accentuant le
risque dégénératif : « L’homme soumis à un régime
alimentaire insuffisant se trouve fatalement entraîné à
demander aux boissons alcooliques, non pas la force qu’elles
ne sauraient lui donner, mais l’excitation impulsive nécessaire
pour dépenser sans trop souffrir sa propre substance 1050. »
C’est aussi par manque de ressources énergétiques que les
pauvres recourent aux boissons excitantes : rentabilité des
aliments, travail sur le souffle, sont alors jugés convergents.
L’entreprise morale de régénération trouve ses
correspondances physiques. La « mise en énergie » du corps
rejoint durant cette seconde moitié du XIXe siècle l’entreprise
de volonté.
La viande est d’ailleurs la première et quasi la seule denrée
sur laquelle portent les réformes de la nourriture scolaire après
1850. Un arrêté de Fortoul impose en 1853, 140 grammes de
viande pour les grands, 120 grammes pour les moyens, 100
grammes pour les petits, quantités portées respectivement à
200 grammes, 160 grammes et 120 grammes en 1889, après le
rapport d’une commission médicale 1051. Les ajustements sont
plus détaillés encore dans l’armée : la ration de viande, portée
de 250 grammes à 300 grammes en 1873, est subdivisée, après
1890, en ration de cantonnement et ration de campagne. Dans
ce dernier cas, les dépenses sont elles-mêmes modulées selon
l’intensité « forte » ou « faible » de la manœuvre 1052.
Hôpitaux et hospices sont également l’objet de nouveaux
règlements après une circulaire du 27 avril 1864 préconisant
de « donner deux fois chaque jour de la viande à tous les
malades », de privilégier le rôti jugé plus nutritif, alors que la
ration globale pourrait, en parallèle, être diminuée 1053. C’est
en grammes d’azote, enfin, que sont calculés les repas ouvriers
distribués dans quelques « familistères » industriels créés dans
la seconde moitié du siècle. Celui de Godin, à Guise, est
caractéristique : les 130 grammes de matières azotées
« nécessaires » sont obtenus après de rigoureux calculs sur la
quantité de soupe, celle de légumes frais, la portion de
fromage, les grammes de bouilli carné et de pain 1054. Une
frénésie de calculs balaie même les situations de travaux les
plus variés autour de 1860 pour différencier, dans chaque cas,
des régimes alimentaires chiffrés : « tisserands faisant un fort
travail », « ouvriers de marine en Crimée », forgerons,
boxeurs, ingénieurs, soldats ou matelots 1055, mais aussi
situations de « repos », d’« exercice modéré », de « travail
actif » ou de « travail dur 1056 ».
La certitude grandit, au milieu du siècle, qu’il faut
bouleverser le marché de la viande, déplacer les préférences et
les goûts. La viande de cheval, jusque-là négligée ou méprisée,
est au centre d’une véritable campagne de sensibilité. Le
directeur de l’École vétérinaire d’Alfort, Renault, en 1855,
convaincu de l’intérêt économique du produit, se lance dans
un vaste travail d’opinion. Il fait goûter la viande de cheval
aux ouvriers d’Alfort. Il organise des « banquets
hippophagiques » regroupant hommes politiques, journalistes,
savants, hommes de lettres, en vue de faire basculer la
sensibilité collective. Un objectif domine ces campagnes :
mettre sur le marché une viande plus accessible et moins
coûteuse, chercher à en accommoder le goût. Figuier, familier
de ces banquets hippophagiques, vante la valeur du saucisson
de cheval, celle du filet et surtout celle du bouillon :
suffisamment gras pour être « à la fois un aliment albuminoïde
et respiratoire 1057 ». L’initiative a un écho : le préfet de la
Seine autorise l’ouverture de boucheries chevalines le 9 août
1867 ; 5 000 animaux sont abattus chaque année, à Paris, dans
ces négoces d’un nouveau genre ; chiffre estimé à 30 000 en
France, en 1874, pour une viande qui est deux fois moins
coûteuse que celle du bœuf 1058. Renault considère qu’il a,
enfin, rendu accessible « à des millions d’hommes un aliment
réparateur 1059 ».
L’originalité de la campagne est aussi de recourir à des
interlocuteurs nouveaux : journalistes, hommes de science,
académiciens, « ceux qui ont mission d’éclairer l’opinion sur
toutes les questions se rattachant à l’agriculture et à
l’hygiène 1060 ». Les débats sur la santé, on l’a vu, ne se
limitent plus après 1850-1860 aux hommes politiques et aux
médecins : l’opinion a sa part, même si elle est, comme ici,
plus orientée qu’éclairée. La campagne est d’ailleurs la
réplique directe de celle entreprise contre les fléaux alcoolique
ou syphilitique. Les thèmes se répondent, variant seulement du
« négatif » au « positif » : passer de la dégénérescence à la
régénération ; inverser l’affaissement. Au centre de ce
renversement : la vision nouvelle de l’énergie. Il faut dire que
la consommation de viande croît régulièrement au XIXe siècle
pour des raisons plus banales, signe de lent enrichissement,
bien sûr, augmentant de 67 kilos à 80 kilos par habitant et par
an à Paris entre 1866 et 1878, de 52 kilos à 63 kilos par
habitant et par an à Marseille entre les mêmes dates 1061. C’est
l’attention fascinée de Xavier-Édouard Lejeune, modeste
employé accédant à une consommation plus ou moins
régulière de viande autour de 1865 : « Le veau devait être
plutôt blanc que sanguinolent et d’une couleur franche. Le
gigot de mouton de bonne qualité se reconnaissait à certains
indices de provenance. Les moutons des pâturages du Berry et
autres contrées françaises sont généralement gros, plantureux
et d’une chair délicate. Les moutons d’importation allemande
sont plus petits et moins tendres 1062. »
Les métamorphoses du souffle
La visée énergétique ne peut par ailleurs se limiter aux
seules substances alimentaires. L’attention au feu doit s’y
ajouter, ce principe qui dans la machine correspond au foyer et
dans l’organisme à la respiration : l’oxygène brûlant les
denrées.
Cent fois cette évocation du foyer est reprise au milieu du
siècle pour suggérer la prévention et la santé. Rayer cite en
1840 ces troupeaux de rennes transportés du Nord vers le Sud
pour y être domestiqués, mais régulièrement décimés par la
tuberculose : les poumons devenus moins laborieux, les tâches
moins rudes, provoqueraient la maladie en restreignant
l’échange gazeux 1063. Rufz veut prouver à la Martinique que
la phtisie touche d’abord les moins actifs, les créoles blanches
surtout, celles qui ont le moins de dépense respiratoire 1064.
Lagneau explique les phtisies dans les départements industriels
en 1877 par les travaux sédentaires réclamés par les fabriques,
tâches fixes dont les contraintes physiques limitent « le libre
fonctionnement des organes respiratoires 1065 ». L’exercice, au
contraire, inverse ces désordres en accentuant le souffle : son
feu protège plus que jamais. D’où ces innombrables
propositions d’actions préventives : Jaccoud suggère des
ascensions sur plan incliné pour prévenir la phtisie ; il réclame
l’usage d’un bâton « interposé entre la région dorsale et les
bras rejetés en arrière 1066 » ; il utilise également un
pulvérisateur à air comprimé conçu pour mieux pénétrer les
anfractuosités des bronches. La technique vise l’accroissement
du volume intrathoracique. Les stations thermales recourent
d’ailleurs au pulvérisateur, autour de 1860, pour projeter dans
les poumons vapeurs et nuages d’eau 1067.
L’explication des effets globaux de l’exercice change, enfin,
avec cette importance donnée au souffle. Bouchardat décrit en
1861 une pratique déjà nommée « entraînement 1068 » : un
balancement subtil entre l’exercice et le régime. La
préparation du boxeur Crible, par exemple, en vue de son
combat contre Molineau, quelques années plus tôt, surveillant
son poids du corps pour passer en trois mois de 188 à 152
livres après des courses mesurées et une alimentation
ajustée 1069. L’idée est de n’entretenir que la « chaleur utile »
tout en créant une « vitalité plus grande des tissus 1070 ». Il
s’agit, faut-il le dire, d’une nouvelle combinaison entre la
force et l’épurement. La nourriture n’est plus simple cumul
comme dans la représentation traditionnelle, l’évacuation aussi
n’est plus simple rejet. La vision d’une combustion efficace a
tout changé : c’est en brûlant que l’aliment provoque à la fois
l’élimination et l’énergie. L’organisme s’épure et se renforce
d’autant mieux qu’il s’active. Il gagne en rentabilité.
L’exploitation pédagogique de l’exercice est plus insistante
après 1850-1860. Les écoles primaires du Second Empire sont
très directement « encouragées » à créer leur gymnase.
Hillairet qui les visite au nom de l’empereur en 1868 se félicite
de quelques initiatives remarquées. Il cite comme une réussite
les « 242 gymnases… organisés par les écoles primaires du
département de l’Aisne » en 18 mois, entre 1867 et 1868 1071.
Petites salles, modestes à vrai dire, limitées le plus souvent
aux préaux, munies de quelques poids, barres ou bâtons ferrés,
elles abritent une leçon nouvelle. Les exercices d’ordre, la
discipline collective sont une part importante de ces projets.
La République s’empresse de rendre obligatoires ces exercices
bien cadencés. L’objectif, à coup sûr, est moral jusque dans le
choix des chants accompagnant les mouvements des écoliers.
Mais une insistance toute particulière est régulièrement
présente, celle qui fait du « développement de la cage
thoracique 1072 » un exercice obligé. Le travail du poumon
appartient au travail de l’école, dans cette seconde moitié du
XIXe siècle : il développe la santé et rendrait moins
supportable « l’atmosphère méphytique du cercle ou du
cabaret 1073 ».
Plus largement, c’est la sensibilité culturelle envers la
gymnastique qui a changé : Paris comptait 3 gymnases en
1850, il en compte 14 en 1860 et 32 en 1880. La pratique
devient visible, même si elle reste modeste selon les critères
d’aujourd’hui. Elle se spécialise aussi : sur cet ensemble
d’établissements, 4 déclarent avoir des finalités hygiéniques en
1860 alors qu’ils sont 14 en 1880 1074. L’établissement de Paz
est un des plus caractéristiques : une publicité le dénommant
« Grand Gymnase médical », en 1867, lui attribue une
fréquentation annuelle de 600 élèves 1075, soulignant les soins
annexes de massage ou d’hydrothérapie qu’il peut offrir. Le
Petit Journal lui consacre la totalité de sa première page, le 22
janvier 1875 : « La gymnastique médicale et rationnelle ne
fait-elle pas partie de l’hygiène nouvelle ? 1076 » Paz est
d’ailleurs le premier à présenter sa gymnastique comme un
modèle global de lutte contre les maux : « Un moyen
infaillible de prévenir les maladies et de prolonger
l’existence 1077. » Flaubert décrit la même attente préventive
chez Bouvard et Pécuchet lorsque, dans leur quête hétéroclite
et passionnée, il les montre recourant à la gymnastique après
avoir successivement expérimenté régimes, religions, lectures
de médecins, voire de charlatans 1078.
L’installation quasi exclusive des gymnases dans la partie
ouest de Paris, durant la seconde moitié du XIXe siècle, révèle
l’extension limitée de cette pratique 1079. Elle suggère aussi la
différence entre une gymnastique conçue pour l’école, avec
ses mouvements collectifs et scandés, et une gymnastique
choisie par l’élite, plus individuelle, disposant d’appareils
coûteux, faits de sangles, d’extenseurs et de potences mobiles
pour mieux développer le dessin des silhouettes. Il faut redire
pourtant que la véritable transformation est ailleurs. Elle tient
à l’image de la santé. Les signes de la robustesse ont changé.
Le souffle est à prendre en compte, recomposant les repères de
la résistance organique. La certitude de Michel Lévy :
« Calculer la capacité respiratoire vitale, c’est puiser de
précieuses indications pour la mesure de la force des individus
et la prophylaxie de leur mode d’imminence morbide 1080. »
L’indice combinant la hauteur de stature et le périmètre
thoracique, utilisé par l’armée française à la fin du siècle pour
réformer les « mauvaises » recrues, en est l’exemple concret.
Il permet d’obtenir un « coefficient de robusticité 1081 »
déployé ici sur cinq degrés possibles. L’appréciation des
constitutions devient plus subtile, moins immédiatement
séduite par la force apparente.
Un principe « total »
Impossible, enfin, de saisir l’importance du principe
énergétique après le milieu du siècle, sans en mesurer
l’extension toujours plus grande. Tous les conseils hygiéniques
en sont transformés après 1860. Gallard, par exemple, y
recourt pour expliquer les effets de la propreté : l’entretien de
la peau permettrait un afflux d’oxygène traversant les pores.
Assurance affirmée dans de très officielles leçons aux
instituteurs, données durant l’Exposition universelle de 1867 :
« La peau, bien nettoyée, est plus assouplie, elle fonctionne et
elle respire mieux ; car la peau respire comme les poumons, et
le sommeil, pris dans ces conditions, produit un repos
infiniment plus réparateur, qui donne à tout l’organisme une
nouvelle vigueur, une nouvelle énergie 1082. » L’entretien des
surfaces corporelles améliore la combustion organique. La
certitude est identique pour Yvaren, médecin avignonnais
rédigeant de véritables mémoires professionnels en 1882,
après plusieurs décennies de pratique : « La peau absorbe, de
même qu’elle respire 1083 » ; ou pour Beaugrand corrigeant la
sixième édition du Traité d’hygiène de Becquerel en 1877 et se
félicitant d’une multiplication par dix des bains publics
parisiens entre 1816 et 1876 : « On donne par an 1 818 500
bains ; ce qui, pour une population agglomérée de 950 000
habitants, fait 2,23 bains par an et par habitant 1084. »
Le thème thermodynamique du contrôle des pertes et du
calcul des rentabilités concerne à vrai dire l’ensemble des
comportements. La dépense sexuelle, par exemple, cantonnée
jusque-là à une place plutôt discrète dans les conseils
hygiéniques, y acquiert un enjeu souligné. Le souci du chiffre,
l’inquiétude d’un déficit précieux, dominent préceptes et
recommandations. Une véritable « bible hygiénique » pour
jeunes époux vient s’ajouter aux vieux tuteurs moraux. Debay,
par exemple, dans un livre édité plusieurs dizaines de fois
entre 1850 et 1870, comptabilise le nombre d’actes
hebdomadaires « supportables » selon l’âge et le
tempérament : « De vingt à trente ans, l’homme marié peut
exercer ses droits deux à quatre fois la semaine. De trente à
quarante ans l’homme doit se borner à deux fois par semaine.
De quarante à cinquante ans, une fois. De cinquante à soixante
ans, une fois tous les quinze jours et moins encore si l’on n’en
ressent pas le besoin 1085 » ; la « seconde vieillesse » étant
condamnée à une continence indispensable à sa survie. Le
raisonnement semble rigoureusement économique : ménager
la substance pour maintenir la chaleur et favoriser les forces
organiques. La liqueur précieuse participe aux réserves, aux
dépenses, aux efficacités, celles dont les pratiques hygiéniques
tirent leur sens après 1860. Le désir féminin, jugé plus avide,
plus trouble par l’homme du XIXe siècle, n’aurait qu’à
s’identifier aux prescriptions masculines : « Quoique la femme
puisse, sans inconvénient, répéter l’acte amoureux plus
fréquemment que l’homme, elle aura néanmoins raison d’en
être sobre, puisqu’il est avéré que celles qui en abusent sont
sujettes aux tristes affections des ovaires, de la matrice et à ce
mal terrible qu’on nomme le cancer 1086. »
Le modèle énergétique oriente les logiques sanitaires, dont
propreté ou sexualité ne sont que des exemples parmi d’autres.
3. L’énergie, la ville, le travail
Ce calcul sur les dépenses et les rentabilités n’a pas
seulement transformé la vision des défenses corporelles autour
de 1860. Il a transformé celle des défenses collectives. L’usage
de l’eau le montre, indissociable, au même moment, des
réflexions sur l’urbain. Non plus l’eau qui rafraîchit l’air,
comme au XVIIIe siècle, liquide courant sur le pavé pour en
éloigner l’odeur ; mais l’eau qui « travaille », celle qui
alimente « les besoins de l’industrie 1087 » en assurant « le
développement et la prospérité des villes 1088 ». Un principe
s’est imposé : « Plus l’eau est abondante, plus l’industrie se
développe 1089. »
La ville drainée
La conception nouvelle, cent fois décrite déjà, est celle du
drainage : réseau invisible charriant nourritures et déchets,
comme celui du sang. « Les galeries souterraines, organes de
la grande cité, fonctionnent comme ceux du corps humain,
sans se montrer au jour 1090. » De la captation des eaux claires
à la perte des eaux usées, l’ensemble de la chaîne hydraulique
est repensée par Haussmann. Les canalisations sont enfouies,
communicantes, censées atteindre chaque maison dans un
mouvement de flux et de reflux. Les sources lointaines, plus
« pures », et non plus la rivière en sont l’amorce. Les eaux de
la Vanne et de la Dhuys, captées dans les plaines de
Champagne, conduites par canalisation fermée en 1865 sur les
hauteurs de Paris, s’opposent à celles des vieux réservoirs
issus de la Seine où Bouchut, dans un rapport à l’Académie de
médecine en 1860 décrivait, flottant « en suspension, une
innombrable quantité d’êtres vivants qu’on prend à la cuillère
comme dans un potage 1091 ». Le réservoir de Ménilmontant
illustre le nouveau dispositif avec ses deux salles voûtées et
étagées : l’une retenant l’eau de source destinée à l’usage
domestique, l’autre retenant l’eau de rivière destinée à l’usage
industriel. La rivière est maintenant directement suspectée. Les
anecdotes se multiplient, dans les années 1860, sur les
hommes morts pour « avoir avalé une gorgée 1092 » d’eau de
Seine. Le captage des sources, seul, doit éviter le mal.
L’idée de l’égout collecteur aux branchements invisibles et
rayonnés achève la représentation machinique et organique de
l’alimentation urbaine, celle d’un travail « intérieur » assuré
par les flux : « Les sécrétions s’y exécuteraient
mystérieusement et maintiendraient la santé publique sans
troubler la bonne ordonnance de la ville et sans gâter sa beauté
extérieure 1093. » C’est en 1860 que commencent les premiers
travaux du tout-à-l’égout parisien. Les chiffres confirment
l’extension du dispositif entre 1860 et 1880 : les abonnements
d’eau passent de 8 770 en 1855 à 40 596 en 1875 ; la longueur
des égouts passe de 120 kilomètres en 1850 à 530 kilomètres
en 1875, et à 650 kilomètres en 1880 1094.
Dernier avatar de l’énergie dans ce réseau urbain à visée
sanitaire : l’idée de rendre productrices les eaux usées pour
mieux les rendre inoffensives ; faire travailler les déchets.
Haussmann formule la proposition en 1858. Élie Joliclerc la
concrétise quelques années plus tard. Concessionnaire de la
Ville de Paris pour la totalité des eaux d’égout en 1867, il tente
de réaliser un double objectif : éviter que l’eau des collecteurs
ne soit déversée dans la Seine, exploiter les matières ainsi
dérivées. Joliclerc utilise les eaux du collecteur d’Asnières,
débouchant dans le fleuve au-dessous de Paris et menaçant
Versailles ; il capte le flux, l’oriente vers la plaine de
Gennevilliers par une pompe à vapeur de 4 chevaux avant de
le faire servir aux cultures 1095.
L’originalité n’est évidemment pas dans la simple
application de l’engrais. Elle est dans la liaison entre l’énergie
et l’effacement du danger ; le recours à la force du déchet pour
annuler sa menace : « L’épuration par la combustion des
matières organiques dans le sol est le seul procédé connu
donnant des résultats satisfaisants 1096. » Il faut ce retour à la
terre, ce « cercle qui se ferme 1097 » où toute énergie serait
épuisée pour que le déchet soit lui-même « épuré » :
« Combustion lente, naturelle par le seul effet du passage des
eaux à travers les molécules du sol 1098. » Le principe en est
adopté pour Paris en 1877, l’exploitation s’étend aux plaines
de Chatou, de Saint-Germain, d’Argenteuil. Londres, enfin,
prolonge ses égouts jusqu’au bord de la mer pour rendre tout
simplement « fertiles des sables sans valeur 1099 ». Une
rentabilité promue en principe d’épuration.
Ce modèle de drainage des villes ne s’est pas imposé
d’emblée. D’autres modèles perdurent durant la seconde
moitié du XIXe siècle. Les eaux de Marseille restent captées
dans la Durance et séjournent longuement dans des réservoirs
clos pour perdre leurs boues. Les eaux de Lyon restent captées
dans le Rhône et sont filtrées sur des bancs de sable 1100. De
même la diffusion atteint-elle difficilement les logements à la
fin du XIXe siècle. Les chiffres relevés par Jean-Pierre
Goubert confirment résistances et archaïsmes : « Seules, en
1892, 290 villes sur 691 distribuent l’eau sous pression et la
délivrent à leurs abonnés. Ces 290 villes rassemblent
4 512 941 habitants, mais ne comptent que 127 318
abonnés 1101. » Plus hasardeux encore demeure le réseau des
eaux usées. L’enquête de Bechman en 1892 révèle que 90
villes sur 691 « disposent d’égouts auxquels ne sont raccordés
que 156 054 abonnés 1102 ». L’instrumentation est coûteuse,
complexe, ce qui explique les lenteurs de sa mise en place. Le
modèle généralise si fortement la maîtrise des flux qu’il peut
paraître à beaucoup irréalisable.
L’appel à l’énergie, pourtant, avec ses drainages et ses
rentabilités, fonde le principe des assainissements citadins.
Du travail régénéré au travail « protégé »
Cet appel à l’énergie accompagne enfin un nouveau rapport
au travail : le projet régénérateur réclame une participation de
tous. Non plus la réclusion ou l’éloignement des moins aptes,
comme dans la France classique 1103, mais leur redressement
et leur fusion dans la machine industrielle. L’énergie portée
par la première industrialisation tolère mal la perte. Elle
impose le concours de chacun. C’est le sens des croisades sur
les dangers dégénératifs. C’est le sens d’un aménagement des
cités minières, autour de 1860-1870 : « Le Creusot n’est pas
simplement une usine, c’est un véritable monde à part, une
sorte d’empire du fer, qui pourrait prendre pour devise : “Tout
pour le fer”. 22 000 personnes sont uniquement concentrées
dans cette idée dominante : extraire du minerai de fer 1104. »
L’assainissement énergétique concourt à cette totalisation. Un
idéal d’ordre et de rangement dont France-Ville, la cité
imaginée par Jules Verne dans Les 500 millions de la Bégum,
reste un repère magnifié. Le renforcement d’une police
sanitaire mise en devoir « d’amortir les prédispositions
morbides héréditaires 1105 » à travers une batterie
d’instructions collectives. Celles que colportent encore les
instructions de 1850 après le choléra de 1849 : désencombrer,
faire circuler l’eau, « porter la pioche dans les quartiers
pauvres 1106 ».
C’est de l’intérieur même du travail pourtant qu’allait
lentement naître un mode de pensée plus complexe. Il fallait la
confrontation aux tâches industrielles, le constat répété des
risques, l’explosion des machines, l’encombrement des
ateliers, les chocs. Il fallait les aléas d’une énergie devenue
menaçante pour que l’image de l’assainissement ne se limite
plus au thème des nettoiements. Reybaud pose le problème en
visitant Le Creusot dans les années 1870 : « Le jeu des
moteurs est une menace perpétuelle pour l’intégrité des
membres. Point de distraction, ni même d’oubli sous peine
d’être enlevé par une courroie ou broyé par un
engrenage 1107. » La prévision de l’accident doit devenir enjeu
d’assainissement.
Très hésitante a d’abord été la prise de conscience. Le
thème de l’accident provoque depuis le début du XIXe siècle
des litiges confus. C’est que les causes en sont souvent
nombreuses, obscures, mêlant intentions humaines et
déterminismes physiques. Chaque épisode tragique conduit à
soupçonner l’ouvrier, celui qui règle ou conduit la machine.
L’accident reste un drame, certes, mais exclu de toute
réparation, rapporté le plus souvent sans commentaire, comme
l’indique Le Prisme en 1841 : « Mme Angel est mère de quatre
enfants. Son mari est mort l’an dernier, pris dans l’engrenage
d’une machine à vapeur… On dit, entre voisins, qu’un ouvrier
était mort et qu’il laissait une femme et des enfants ; l’émotion
s’arrêta là 1108. »
C’est une garantie nouvelle pourtant qui est réclamée autour
de 1850-1860, plus fondamentale, établie sur la responsabilité
première du maître. Ce que montre la décision de la cour de
Dijon en 1878 : un ouvrier puddleur intente un procès contre
De Wendel pour avoir été atteint par des particules de fonte en
ignition. Un premier arrêt déboute l’ouvrier au nom de son
imprévoyance. Mais l’ouvrier reproche à De Wendel de
n’avoir pas imposé aux puddleurs des mesures protectrices
exigées pour d’autres ouvriers de la fabrique. La cour de Dijon
juge le reproche fondé : le patron ou « directeur d’industrie »
se doit, « sous peine de faute, de prévoir les causes non
seulement habituelles, mais simplement possibles d’accidents
et de prendre toutes les mesures qui seraient de nature à les
éviter 1109 ». Du coup naît une réflexion nouvelle sur les
conditions de la sécurité industrielle, l’environnement des
ateliers, l’évitement des chutes et des chocs.
Plusieurs décisions jurisprudentielles conduisent à des
règlements nouveaux, comme le décret du 1er mai 1880
imposant la nécessité « d’entourer d’étuis de bois ou de
grillages les parties dangereuses des appareils avec lesquels les
ouvriers n’ont pas affaire 1110 », ou édictant les épreuves
auxquelles doivent être soumises les machines à vapeur pour
être « conformes » : « Un timbre apposé après l’épreuve
indique en kilogrammes par centimètre carré la pression que la
vapeur ne doit pas dépasser 1111. »
Manquent encore les inspecteurs pour appliquer
rigoureusement les textes autour des années 1880. Manque
aussi la volonté de promouvoir l’impartialité, celle du
jugement équitable entre patrons et ouvriers. Les statistiques
sont ici formelles : plus de 80 % des accidents restent à la
charge des ouvriers autour de 1880, alors que de 12 % à 15 %
seulement sont à la charge des patrons 1112. Manquent enfin
certaines mises en concordance entre les découvertes bien
réelles de dangers chimiques et l’aménagement des ateliers. La
surveillance des meules à métaux par exemple n’est pas
respectée en 1880, alors que certaines d’entre elles pourraient
être rendues moins dangereuses. Le procédé d’Ancelin permet
depuis le milieu du siècle d’humidifier les meules et
d’endiguer les poussières métalliques qu’elles projettent. Un
calcul effectué en Angleterre révèle une espérance de vie
supérieure de 20 ans chez les ouvriers recourant au dispositif
humide par rapport à ceux qui ne l’utilisent pas 1113.
Une « hygiène industrielle 1114 » naît pourtant dans cette
seconde moitié du siècle qui ajoute aux accidents mécaniques
les risques d’intoxications les plus variées. L’exigence d’une
sécurité physique ouvrière a pris une forme qu’elle n’avait pas.
Le territoire de l’hygiène publique est redessiné. C’est un
double constat qu’impose la jurisprudence sur le devoir
patronal après 1850-1860 : l’État arbitre la sauvegarde
physique. Un État protecteur se profile dans les règles
d’assistance accordées « théoriquement » aux plus démunis.
Le deuxième constat porte sur l’image même de l’ouvrier. Les
exigences ici se déplacent. Au regard attendant de l’ouvrier un
sursaut de décision et de volonté pour mieux combattre la
dégénérescence s’ajoute un autre regard, plus égalitaire : celui
qui fait des attitudes et des comportements ouvriers le résultat
direct d’un environnement physique. Beaucoup, parmi les
médecins ou les politiques, commencent en cette fin de siècle
à interpréter l’« alcool du pauvre » comme une conséquence
de la misère, et non l’inverse 1115. Beaucoup commencent à
envisager l’imprévoyance comme une conséquence possible
du dénuement et des situations de travail : « L’imprudence est
forcée, elle est inévitable, elle résulte du travail lui-même ;
l’ouvrier au travail est exposé au péril à tout instant, il n’y
songe pas, il n’y peut songer ; s’il y songeait, il ne
l’affronterait pas 1116. » D’où la nécessité d’une protection
précise capable de prévenir jusqu’à l’inattention de l’ouvrier
lui-même. Et surtout l’insensible apparition d’un droit, celui
de la santé, indépendant des intentions de chacun.
C’est bien à partir de la référence énergétique que sont nées
de nouvelles images du corps et de nouvelles pratiques de
santé. C’est de cette référence aussi qu’est née une extension
du territoire sanitaire jusqu’à la prévention des accidents et
leur prise en charge par des mesures étatiques.
Prise de conscience très lente, il faut le redire, où les coûts
financiers de la protection sont autant d’occasions de
résistances et de retards. L’archaïsme est d’ailleurs quelquefois
plus confus, plus sourd, dans cette seconde moitié du XIXe
siècle, portant sur le modèle énergétique lui-même. D’anciens
modèles du corps demeurent vivaces. Le seul exemple des
formules publicitaires, dans les journaux des années 1860-
1880, en donne la confirmation.
4. L’archaïsme de l’élixir
Les publicités exploitées par la presse sont nouvelles, dans
la seconde moitié du siècle. Leurs placards aident à financer
des journaux devenus plus nombreux. Ces placards accordent
une place aux usages préventifs. Ils informent sur les sirops,
pilules, cordiaux ou toniques susceptibles de protéger le corps,
révélant au passage la culture du temps. Plusieurs de ces
produits correspondent, bien sûr, à la nouvelle attente
énergétique.
D’autres, au contraire, suggèrent l’existence de repères
sanitaires anciens. La séduction de l’élixir traditionnel, par
exemple, très présente encore dans les journaux populaires, ou
celle des vieux épurements d’humeurs. Des représentations
archaïques du corps coexistant avec celles de la modernité du
siècle.
Les potions publicitaires
Lorsque L’Illustration exalte l’eau de mélisse des Carmes
en 1864, le journal insiste sur le sérieux avec lequel d’austères
religieux ont préparé le produit. Ils ont appliqué un très
lointain secret. Une formule venue « en droite ligne des
druides qui la tenaient eux-mêmes des héritiers du prophète
Élie 1117 » ; tradition quasi sacralisée par cette présence du
vieux prophète. Le principe ne change pas lorsque l’almanach
du Musée des familles, en 1867, prône le thé du comte de
Saint-Germain : mystérieuse boisson que le « fameux comte
de la Cour de Louis XV » aurait utilisée pour atteindre son
« extraordinaire longévité 1118 ». La publicité de cette seconde
moitié du XIXe siècle mobilise croyances et convictions, alors
que l’appel à la science n’a jamais été aussi présent. Le thème
de la « panacée », depuis longtemps oublié par le savant,
conserve ici une crédibilité. La « Revalescière du Barry »
s’oppose autant à la gastrite qu’à la phtisie, aux rhumatismes
qu’à l’insomnie, aux hémorroïdes, aux glaires, aux
étourdissements 1119…
Plus révélateur est l’appel à des représentations
« anciennes » du fonctionnement corporel. Un mécanisme
organique identique est au centre des recommandations, il est
évoqué par plus des deux tiers de ces publicités : la purge. Le
rôle de l’eau de mélisse et du thé du comte de Saint-Germain
est le même : tous deux « purgent légèrement et sans
provoquer de coliques 1120 ». Le corps, pour ce public à
dominante populaire, mais aussi pour les lecteurs plus aisés du
Temps ou de L’Univers, s’entretient largement encore par
l’action sur les déchets. La constipation conserve un danger
sourd et réitérant. C’est contre elle que s’accumulent les
potions : l’« Affecteur » Boyveau, le biscuit Ollivier, l’eau de
Pullna, le charbon de Belloc, les pilules « végétales
gourmandes » Cauvin, la « podophylle » Coirre, le « Tamar
indien », l’eau Laferrière, le biscuit Caroz, les capsules
Laroze, l’« Apozème de santé » Lemaire. Les produits non
purgatifs eux-mêmes sont mobilisés contre la rétention des
déchets : le charbon de Belloc, par exemple, « remède par
excellence contre la constipation », alors qu’il « ne purge
pas 1121 ». Quelques formules rappellent les antiques
représentations d’humeurs, l’entretien opiniâtre de leur
écoulement pour mieux alléger les organes : « On emploie
encore le thé de Saint-Germain pour établir une dérivation
douce et prolongée sur l’intestin à la suite des congestions ou
apoplexies du cerveau, dans les catarrhes chroniques,
etc. 1122 »
Le temps, bien sûr, a marqué ces vieilles craintes. Les
produits au milieu du siècle sont industrialisés, promus
quelquefois sous l’apparence de la science elle-même ; leur
action de surcroît est toujours « mesurée », calculée jusqu’à
l’insensible : la purge parfaite est celle qui ne se ressent pas.
L’abondance de pilules ou d’élixirs purgatifs confirme,
pourtant, combien survivent les attentes traditionnelles malgré
le renouvellement des représentations.
L’ambiguïté des toniques
Les messages publicitaires adressés plus directement aux
médecins ne doivent également pas tromper, même s’ils
évoquent les découvertes nouvelles ou les médicaments déjà
connus : quinquina, huile de foie de morue, « reconstituants
nutrimentifs 1123 », extraits de « viande crue », comme l’élixir
Ducro, primé par une médaille d’argent à l’Exposition
universelle de Paris en 1875 1124. Leur modernité est acquise,
bien sûr. Le fer apparaît quelquefois dans ces denrées
composites. La découverte de fer fixateur d’oxygène dans les
cellules du sang promeut le minerai en nouveau partenaire de
la respiration. D’où la multiplicité de formules publicitaires,
autour de 1870, sur les « eaux ferrugineuses », les sels
« arsenico-ferriques naturels 1125 », les dragées au « phosphate
de fer tri-basique soluble 1126 ».
La caractéristique commune, pourtant, de plusieurs de ces
produits savants est qu’ils sont tout simplement mêlés au vin,
valorisés par leur accompagnement alcoolisé. Une quinzaine
de vins différents servent de véhicule au quinquina, au fer ou
au phosphate de chaux, dans le seul Journal d’hygiène pour
l’année 1876. Certains de ces vins seraient d’ailleurs
médicamenteux par eux-mêmes : le Saint-Raphaël, par
exemple, « prescrit exclusivement comme fortifiant dans les
Hôpitaux de Paris 1127 » ; ou le malaga, « tonique et digestif de
premier ordre 1128 ». La publicité médicale prolonge ainsi la
force des vieilles croyances. Elle puise dans la tradition,
rappelant elle aussi l’attirance pour l’élixir.
Une action nouvelle est reconnue à l’alcool dans la seconde
moitié du XIXe siècle : le vin aide à brûler l’oxygène. Le
produit est énergétique, il est aliment respiratoire. Sa
puissance calorique est suffisamment soulignée pour
apparaître nécessaire à la ration du soldat comme à celle de
l’écolier 1129. Mais l’accumulation des formules publicitaires
sur ces alcools médicaux, la diversité de leurs présentations,
celle de leurs usages, autour de 1870-1880, révèlent
d’obscures tolérances dans le langage du médecin lui-même.
Rochard, sévère pourfendeur de l’alcoolisme, inspecteur
général du Service de santé de la Marine en 1880, prétend que
« l’ivresse du vin reste inoffensive et se dissipe à la faveur
d’un sommeil prolongé 1130 », alors que l’ivresse due à l’eau-
de-vie, rendue toxique par la concentration d’alcool, serait le
vrai danger.
À la croisée du modèle énergétique et de la tradition
tonique, le vin conserve une trouble séduction. La croyance à
sa force survit chez ceux mêmes qui dénoncent l’alcoolisme.
Images vieillies et rénovées à la fois, leur repère n’est pas
encore abandonné. Les liquoristes et épiciers de la fin du siècle
parviennent encore après plusieurs procès à arracher la vente
du vin de quinquina aux seuls pharmaciens. Un jugement de
Lyon en 1888 autorise un débitant d’alcool à vendre du vin de
quinquina, estimant que ce produit « fortifiant » ne doit pas
être « considéré comme une composition relevant de la
pharmacie 1131 ».
Avec la coca utilisée dans certains vins, le maintien
d’archaïsmes est plus marquant encore. La science semble ici
tout déclencher. Elle permet de concentrer la force de la coca,
vieille pâte régénératrice des Indiens d’Amérique du Sud, par
l’isolement de son alcaloïde, en 1867 : la cocaïne. Plusieurs
firmes de pharmacie diffusent en France, dans les années
1870, du vin à la coca. La publicité du vin de Bain par
exemple s’attarde à la présence de « feuilles de coca
parfaitement authentiques et de premier choix, provenant des
plantations de M. Bollivian, ex-ministre plénipotentiaire de
Bolivie à Paris 1132 ». Le vin Mariani est plus connu grâce à
l’ingéniosité de son auteur. Mariani multiplie les envois
gracieux de son « vin à la coca du Pérou » : il adresse une
centaine de caisses au pape, quasi le même nombre au
président de la République, plusieurs dizaines de caisses à des
célébrités diverses. Il utilise ensuite les remerciements pour
composer des albums publicitaires d’un nouveau genre :
collections gravées où se juxtaposent les visages et les textes
de signataires notoires. Hommes de lettres, savants, hommes
politiques vantent alors l’effet « magique » de la potion du
« sorcier » Mariani recourant tout naturellement à l’image de
l’élixir ancien : « Vieux nectar olympique dont la recette
perdue depuis tant de siècles aurait été retrouvée dans les
archives des Incas de la préhistoire par un savant qui est aussi
un poète 1133. » La publicité de Mariani s’attache aux
traditions : « L’arôme subtil de la coca péruvienne se mêle
harmonieusement à la générosité du vieux vin de
France 1134. » Gustave Toudouze, l’auteur de Madame
Lambelle et de La Séductrice 1135, exprime avec le plus de
force cette passion inédite pour ce vin dont l’effet cocaïnique
lui reste mystérieux : « Véritable philtre magique, élixir
merveilleux [rendant] tout flambant de jeunesse nouvelle, de
passion de vie 1136. » Le toxique, non encore perçu comme tel,
maintient pour plusieurs décennies le prestige de ce vin aux
effets peu expliqués en 1870-1880. Produit accessible enfin,
son prix de 5 francs la bouteille équivalant au salaire journalier
moyen d’un ouvrier en 1880 (4 francs pour un ouvrier
boulanger, 6,50 francs 1137 pour un ouvrier tailleur) rend sa
consommation possible au-delà de la seule bourgeoisie.
Le vin Mariani est le témoin du progrès de la chimie en
1880 et même de la publicité, comme celui d’une insistance
sourde sur la magie des élixirs.
CHAPITRE III
MIEUX-ÊTRE ?
XXe SIÈCLE
Mieux-être ?
Luke, le personnage d’une nouvelle d’Edmund White, en
1988, se livre à une expérience psychologique : il « visualise
des cellules saines avalant des cellules malades 1316 » pour
retarder le moment où sa séropositivité se transforme en sida.
Il attend de son état imaginaire un effet sur son état cellulaire,
manifestant une étonnante confiance dans sa force intérieure ;
signe de la place grandissante donnée au registre
psychologique et à son efficacité supposée : « J’arrive à me
représenter les globules blancs telle une sorte de nuage de
salubrité 1317. »
Plus encore, les personnages de White indiquent un nouveau
rapport au mal : l’attente d’indices sanguins et de taux
globulaires ; une quête rythmant leurs gestes quotidiens ; la
possibilité de commenter interminablement le tableau chiffré
désignant leur état de résistance. C’est l’initiative plus grande
des acteurs que soulignent ces textes, avec cette formule
revenant comme un leitmotiv : « Tu dois te prendre en
charge 1318. » Le sida révèle ici les ultimes déplacements des
pôles préventifs : responsabilisation, individualisme, précision
du calcul du risque, sophistication des techniques de dépistage.
Mais le sida révèle aussi de nouvelles zones d’ombre :
l’impuissance durable à saisir l’originalité de la séropositivité
découverte en 1981, le rôle trouble de l’industrialisation de la
santé qui a sans doute permis le maintien de sang contaminé
sur le marché de la transfusion ou qui a pu favoriser la
négligence de tests pour des raisons de coût. Unique par le mal
qu’il représente, mêlant, comme aucune épidémie jusque-là, le
sang, le sexe et la mort, le sida l’est aussi par ce qu’il nous
apprend de nos sociétés.
1. Le sida, la prévention, la responsabilité
Il faut revenir sur les premières informations données du
fléau autour de 1981-1983, celles de la presse, en particulier,
qui ont rapproché l’infection nouvelle des catastrophes
anciennes 1319. Le titre de Libération, le 13 novembre 1981 :
« La peste aux USA » ; celui du Nouvel Observateur, le 26
avril 1985 : « Sida, la nouvelle peste » ; les commentaires du
Quotidien de Paris, le 28 avril 1983 : « Face à un fléau qui
serait l’équivalent de la peste et de la lèpre au Moyen Âge, les
réactions deviennent irrationnelles, irréfléchies. » La
comparaison frappe, bien sûr, par sa disproportion avec la
réalité. La mortalité à elle seule est différente de celle des
vieilles épidémies, même si le chiffre de 20 250 cas de sida
déclarés en France entre 1981 et 1992 1320 est considérable,
tout comme celui de 100 000 morts de la maladie aux États-
Unis entre 1981 et 1991 1321, où celui, plus encore, de
l’atteinte parisienne : première cause de mortalité depuis 1992
chez les Parisiens hommes de 25 à 44 ans 1322.
Le scénario du fléau majeur
Croyances et illusions se sont longtemps multipliées,
nombreuses, inattendues ; comme le montre, en 1992, le
procès intenté en France contre la vente de serviettes très
particulières, réputées effacer le « virus du sida » d’un
« combiné téléphonique, de la poignée d’un chariot de
supermarché ou d’une lunette de W.-C. 1323 » ; comme le
montre aussi l’enquête de Jean-Paul Moatti, en 1990,
indiquant que 34 % des personnes françaises interrogées
jugent possible la communication du virus par les toilettes
publiques 1324 ; où comme le montrent encore quelques
comportements proches des vieilles défiances contre les
« premiers » microbes : le congé donné par des propriétaires
new-yorkais à leurs locataires médecins recevant des patients
atteints du sida 1325. La peur entretient les errances, même si
plus de dix ans après la découverte de l’épidémie certaines
d’entre elles sont aujourd’hui mieux maîtrisées.
Plus caractéristique est une autre manifestation de
l’inquiétude ; celle qui projette un effondrement social
possible, l’évocation d’un risque d’effacement collectif par le
mal : la réponse de 30 % d’enquêtés dans la population
française avouant, en 1991, faire du sida « le souci
essentiel 1326 » ; la supplique contenue dans un rapport de
1987, par ailleurs pertinent et précis : « Continuons dans cette
voie et nous prouverons notre inaptitude à réagir devant une
urgence qui met en danger notre société 1327 » ; la phrase plus
concise inscrite au bas d’une affiche de 1988 : « La France ne
veut pas mourir du sida. » L’image proposée, lointaine,
confuse mais insistante, est celle de la « fin », l’échec de tous,
celle de la chute, globale, implacable.
Les nuances sont nombreuses, bien sûr. Un consensus a eu
lieu dans la grande presse, pour conjurer une panique
collective, quelques années après la prise de conscience de
l’épidémie en 1981. Les titres le montrent ; celui de L’Express,
le 26 juillet 1985 : « Faut-il avoir peur du sida ? » ; celui du
Point, le 16 septembre 1985 : « Psychose ou réalité. Sida :
faut-il avoir peur du sexe ? » Une enquête nationale de 1991,
donnant aux chiffres une précision qu’ils n’avaient pas,
contribue, parmi bien d’autres travaux, à plus d’objectivité :
100 000 à 200 000 personnes contaminées en France à la fin
de l’année 1989, alors que des prévisions antérieures
évoquaient, sans base scientifique réelle, 300 000 personnes
contaminées, quelquefois même 500 000 1328. D’où, pour
beaucoup, l’urgence d’informer sans passion : « Le sida n’est
pas la peste, c’est simplement le sida et cela suffit 1329. »
Bien que moins évoqué, le scénario du danger majeur ne
disparaît pas, pourtant : un sous-titre du Monde le rappelle, le
20 juin 1990 : « Nous devons nous considérer en état de
guerre » ; un titre du Parisien libéré, le 20 juillet 1992 : « Des
prévisions catastrophiques » ; ou quelques phrases de
célébrités assimilant l’épidémie à « la maladie la plus
dévastatrice et au problème social le plus important de notre
époque 1330 ». Ces formules suggèrent un besoin très
spécifique des sociétés contemporaines : la mise en scène
alarmée du déclin pour mieux le conjurer. Une façon
d’esquiver l’« impossible » tout en le côtoyant. Démarche
caractéristique de communautés devenues plus techniques,
plus démocratiques surtout, et a-religieuses, celles qui doivent
plus que d’autres fabriquer leur sens et entretenir leur
cohésion. Le scénario apocalyptique accélère programmes et
défis. L’horreur de la dégénérescence renforçait, au XIXe
siècle, les ambitions du temps : la mise en scène du progrès,
les affirmations nationales. Le scénario du cataclysme
conserve une force fédérative aujourd’hui, même si les
pratiques autoritaires n’ont plus la même légitimité, ni l’idée
de progrès la même transparence. Le sida s’ajoute d’ailleurs à
d’autres scénarios de la « fin » comme l’a suggéré Susan
Sontag dans une énumération cumulative et bariolée, montrant
combien le sens du risque s’est étendu dans nos sociétés
médiatiques et surinformées : « À la mort des océans, des lacs
et des forêts ; à la croissance incontrôlée des populations dans
les pays pauvres du monde ; aux accidents nucléaires comme
celui de Tchernobyl ; à l’affaiblissement et aux trous de la
couche d’ozone ; à la vieille menace de confrontation
nucléaire entre superpuissances, ou d’attaque nucléaire par
l’un des États rebelles qui échappent au contrôle des
superpuissances – à tous ces périls il faut désormais ajouter le
sida 1331. »
Une autre raison, plus sommaire, peut expliquer « la
démesure des réactions de l’opinion publique 1332 » devant
l’épidémie nouvelle. C’est l’habitude toute contemporaine de
multiplier les préventions efficaces : la tuberculose, par
exemple, dont la mortalité de 150 pour 100 000 habitants
français, en 1935, est de moins de 7 pour 100 000 en
1970 1333 ; la syphilis, dont les cas déclarés au nombre de
15 000 en 1945 sont de 3 000 en 1970 1334 ; ou certains
cancers, comme ceux de l’estomac, dont la mortalité de 20
pour 100 000 en 1950 est de 5 pour 100 000 en 1980 1335.
C’est bien le sentiment d’une plus grande emprise sur les
pathologies, celui d’un endiguement des infections surtout, qui
rend d’emblée les maux moins acceptables. D’où, contre le
sida, cette mise en place d’un dispositif scientifique sans
précédent : la création, dès février 1982, d’un groupe de travail
à Paris avec les représentants de spécialités médicales
différentes ; la tenue de conférences mondiales annuelles
lourdement médiatisées, dont celle d’Amsterdam, en 1992,
réunissant plus de 11 000 participants, près de 1 000 orateurs
pour 5 000 communications 1336 ; la création, entre 1988 et
1989 en France, de plusieurs organismes aux responsabilités
complémentaires et ciblées : l’Agence nationale de la
recherche sur le sida pour sélectionner et coordonner les
actions de recherche, l’Agence de lutte contre le sida pour
coordonner les actions gouvernementales, le Conseil national
du sida pour soumettre des recommandations éthiques et
sociales. Tous organismes d’une évidente utilité, mais qui
montrent le traitement « particulier » dont bénéficie le mal et
donnent un poids très nouveau à certaines comparaisons : « Il
faut “sidaïser” les autres pathologies… Nous pourrions rêver
d’une santé publique qui suivrait toutes les pathologies avec
autant d’attention, des études économiques, épidémiologiques,
sociologiques faisant le point, semestre après semestre sur
l’évolution de la situation 1337 ! »
« Responsabiliser »
Le sida est devenu le « fléau du XXe siècle 1338 », celui qui,
en une décennie, a envahi toutes les consciences, mais aussi
celui qui, par les défenses proposées, révèle un ultime
déplacement du rapport entre l’individu et la communauté. Les
gestes à l’égard des personnes infectées, par exemple,
montrent combien le mal appartient à un autre univers culturel
que celui des anciennes épidémies. Le comportement préventif
marque l’aboutissement d’un long trajet historique, celui qui
inverse insensiblement les défenses contre le mal : moins
rejeter le porteur de risque, par exemple, et mieux élaborer les
défenses individuelles, moins agir sur l’autre et plus agir sur
soi. Le renversement s’opère d’autant mieux avec le sida que
l’épidémie concerne des pratiques éminemment individuelles,
la sexualité, la toxicomanie.
Plusieurs voix, dans un premier temps, n’ont certes pas
hésité à suggérer la mise en quarantaine du malade, assimilant
la personne infectée au danger qu’il faut éloigner. Image toute
traditionnelle de l’assaut « extérieur », celle de
l’envahissement, avec son cortège de répressions et de rejets.
Les exemples d’isolement existent : placement, en 1985, dans
un bâtiment séparé, des 139 détenus porteurs du virus à la
prison modèle de Limestone en Alabama 1339 ; l’insistance des
autorités de Besançon en 1992 pour trouver « antinomique par
rapport à la vocation climatique de la ville 1340 »
l’implantation d’un centre réservé aux malades atteints du
sida ; ou même la récente exclusion par les très sourcilleux
membres d’un club de billard hollandais d’un des sociétaires
présentant une séropositivité 1341.
Les mesures non discriminatoires se sont imposées,
pourtant, même si les États-Unis continuent de refuser le
permis de séjour aux porteurs du virus, soulignant ainsi la
différence entre un puritanisme américain et d’autres
comportements plus libéraux. Une « seule arme 1342 », à vrai
dire, est aujourd’hui jugée efficace, prônée plus que jamais par
les campagnes publiques : le changement des gestes intimes, et
non le retranchement des personnes infectées. Le débat sur la
réouverture des maisons closes l’a montré en 1990. La
proposition d’isoler les prostituées est restée sans écho : un
acte jugé aussi indigne que dangereux ; mesure pouvant
déclencher toutes les stratégies transgressives, le désir des
« exclues » d’échapper à la surveillance, par exemple, et, du
coup, celui d’échapper aux gestes préventifs comme aux
gestes de soins. Trop risquée aussi la naissance d’un faux
sentiment de sécurité : l’impression de résoudre le problème
en l’enfouissant dans le secret des maisons closes, alors que
l’alerte doit porter sur chaque comportement individuel 1343.
Un changement est consommé : le refoulement tout théorique
de la syphilis dans les murs de la prostitution appartient au
XIXe siècle.
Le refus d’étendre l’obligation des tests de dépistage montre
aussi l’insistance nouvelle sur la responsabilisation. Ces tests,
dont le résultat peut apprendre brutalement l’existence d’une
séropositivité, sont obligatoires en France depuis juin 1985
pour les dons du sang ; le risque étant ici massif. L’Académie
de médecine en a voulu étendre le principe. Elle recommande
le 11 février 1992 leur application obligatoire aux femmes
enceintes, comme leur présence obligatoire dans les certificats
prénuptiaux : une façon de repérer les malades pour mieux les
contrôler 1344. Mais, à peine le vote connu, les avis indignés se
multiplient. Sur l’effet contre-productif d’une obligation
générale, d’abord : « Toute personne qui apprend sa
séropositivité, sans avoir fait la démarche volontaire, va
refuser pendant un temps une prise en charge de soins 1345 » ;
sur l’effet psychologique très particulier de cette obligation,
ensuite, donnant à chacun la fausse impression d’être protégé
par le contrôle des autres : « Toute mesure de dépistage
systématique a un effet de démobilisation, de
déresponsabilisation, chaque personne négative compte sur les
personnes infectées pour assurer la sécurité de tous 1346. » Un
communiqué ministériel tranche le débat en mars 1992 : les
tests de dépistage demeurent non obligatoires à l’exclusion des
dons du sang 1347. Attitude qui confirme un souci dominant :
la défense contre le sida tient à l’attitude de chacun.
Éduquer
C’est l’éducation qui fonde alors les pratiques préventives.
D’où l’importance décisive des campagnes et messages
publics. D’où, surtout, ce rôle spécifique donné à l’État :
contribuer à la pédagogie plus qu’à la répression. Non que les
résultats obéissent automatiquement à cette visée officielle.
Les enquêtes montrent combien la compréhension du message
n’implique pas toujours sa mise en acte. Nombreux sont les
enquêtés pour dire, en 1990, que les campagnes ont amélioré
leurs connaissances sur la prévention du sida (66 %), plus
rares pour dire qu’elles ont modifié leur conduite personnelle
(12 %) 1348, chiffres à peine majorés dans l’enquête de
1992 1349. L’affinement du message est alors la tâche
constante, interminable, de la démarche préventive.
Au moins ce travail est-il sans rapport aujourd’hui avec
celui du XIXe siècle. Les formules employées, le sens des
images, confirment l’effacement des vieilles propagandes. Le
message devient information minimale, et non plus consigne
morale ; comme pour cette jeune femme dévêtue et complice,
à laquelle une affiche allemande prête une confidence précise :
« Je suis à vous en toute confiance, mais avec un
condom 1350 » ; ou pour ce couple danois, surplombant
l’image d’un préservatif soulignée d’un bref conseil : « Ayez
un peu de bon sens dans vos rencontres occasionnelles 1351. »
Tout aussi réaliste encore est la formule française diffusée en
1989, « le sida, chacun de nous peut le rencontrer 1352 ». Les
suggestions sont directes, dépouillées, les comportements
n’étant ni jugés ni commentés, pour mieux ramener le public
au plus près du danger « réel ». La prolongation d’une
dynamique culturelle depuis longtemps commencée, celle d’un
individualisme fondé sur la rationalité.
La vigilance économique est l’autre versant de cette
politique pédagogique : rendre les conseils « concrétisables »
pour les rendre plus crédibles, faciliter l’accès aux tests de
dépistage, par exemple, ou accroître la diffusion des seringues
et des préservatifs. Des obstacles surgissent, bien sûr,
inattendus, soulignant combien la santé est aujourd’hui
devenue un marché. Les tests ne se sont-ils pas développés au
rythme de tensions financières ? La concurrence entre firmes
françaises et américaines exploitant les brevets a freiné leur
application en 1985 et 1986, alors qu’ils étaient obligatoires
pour les dons du sang 1353. De même la création de « centres
de dépistages anonymes et gratuits » préconisée par la
Direction générale de la santé, en 1985, s’est-elle encore peu
étendue pour de simples raisons de coût. D’où cette plainte de
la directrice du centre de Lariboisière, en 1992 : « On a entre 5
et 10 consultants par heure au minimum ; et parfois, on peut se
retrouver avec 30 personnes en attente 1354. » Beaucoup plus
grave : des contaminations ont eu lieu dans des conditions
obscures où la volonté de préserver des intérêts médicaux ou
financiers semble avoir dominé.
Zones d’ombre
Divers jugements de justice dans l’affaire du « sang
contaminé » révèlent un paradoxe tragique : l’investissement
exceptionnel dans la prévention du mal n’a pas empêché
« l’oubli des règles de déontologie médicale 1355 » dans le
maniement du sang. Ce qui a provoqué la contamination de
50 % des 4 000 hémophiles français. Une « défaillance »
rendue pourtant possible par un progrès : la technique de
concentration du facteur VIII coagulant qui a transformé la vie
des hémophiles après 1970. La poudre aisément portable,
utilisable à tout moment et en quelques minutes, a
révolutionné l’indépendance physique de ces malades ; l’usage
d’ampoules de 20 millilitres leur permettant de multiplier les
injections et de prévenir les micro-hémorragies internes. Un
risque pourtant est décelé en 1983 : il suffit d’un seul donneur
séropositif pour contaminer l’ensemble d’un lot ; danger
d’autant plus sérieux qu’il faut le mélange de 4 000 à 5 000
dons individuels pour fabriquer industriellement un lot.
L’examen clinique de 3 hémophiles, fin 1983, montre qu’ils
sont contaminés. Les lots mis en circulation sont
potentiellement dangereux.
Depuis mai 1983, un procédé de chauffage dans la
fabrication des concentrés permet d’inactiver le virus du sida.
Des produits chauffés sont vendus et diffusés par la firme
américaine Travenol-Hyland 1356. Ils ne sont pas utilisés en
France : hésitations et inertie semblent frapper les autorités de
la transfusion sanguine. C’est au début de 1985 que la preuve
est apportée : seuls sont reconnus protecteurs les produits
chauffés ; plusieurs centres français amorcent leur fabrication.
Le scandale pourtant est à venir : le Centre national de la
transfusion sanguine juge « trop » coûteuse en mai 1985 la
perte de lots non chauffés. Le raisonnement économique, celui
de la rentabilité d’une « véritable usine à sang 1357 »,
l’emporte sur le raisonnement épidémiologique. Ce qui rend
terrible cette injonction du directeur du Centre, le 7 mai 1985,
alors que le risque semble établi : « Ceci suppose
naturellement que le stock de produits “contaminants” soit
distribué dans sa totalité avant de proposer ces produits
chauffés de substitution 1358. » On sait la diffusion infectieuse
qui en est résultée et la condamnation pénale du 23 octobre
1992, confirmée en appel le 13 juillet 1993 1359.
L’exemple ne se limite pas à la France : 44 % des
hémophiles sont contaminés en Grande-Bretagne, 60 à 90 %
aux États-Unis, 48 à 61 % en Allemagne, 40 à 70 % en
Irlande, 72,4 % au Brésil 1360. Plus difficile est de comprendre
comment ont pu « être acceptés pour autrui des risques de
mort 1361 », alors que la maladie était qualifiée de « peste du
XXe siècle » et que les engagements étatiques s’étaient
largement renforcés. Une faille dans la santé publique au
moment où les attentes de sécurité n’avaient jamais semblé
plus pressantes ? Le recul de la blouse blanche devant le calcul
du boutiquier ? L’affaire du sang contaminé, c’est d’abord
cette impossibilité d’abandonner une logique industrielle, la
mise en place de produits si efficaces et si coûteux que leurs
dangers potentiels ont pu paraître « secondaires ». L’épisode
rappelle encore combien la sophistication médicale fait naître
de risques là même où ils n’étaient ni perçus ni pensés,
imposant une vigilance nouvelle dont l’évidence a pu tarder à
s’imposer.
Mais l’affaire du sang contaminé, c’est une autre
méconnaissance, plus obscure et plus collective celle-là : la
difficulté de comprendre rapidement l’originalité toute
particulière de chaque épidémie, la durable sous-estimation de
la transmission du sida par le sang, entre autres, ou la durable
mécompréhension du sens précis de la séropositivité. Très
révélatrice est ici la réaction des époux Mailloc lorsqu’ils
apprennent en juillet 1984 la séropositivité de leurs enfants
hémophiles : « Nous ne savions pas ce que cela voulait dire.
On disait à l’époque que le fait d’avoir des anticorps protégeait
contre le sida comme pour l’hépatite. Nous ne nous sommes
pas inquiétés 1362. » Une réaction confirmant combien
l’intensité de la peur a pu s’accommoder de connaissances
tronquées. Une difficulté d’abandonner les vieux repères de la
microbiologie traditionnelle avec ses transmissions par contact
et ses défenses par anticorps. L’épidémie a effrayé comme
jamais, alors même que « personne jusqu’à l’été 1985 » n’a
rapidement et clairement « mesuré vraiment sa gravité 1363 ».
La condamnation de quelques responsables pourrait alors
masquer des défaillances plus opaques. Elle pourrait, en
stigmatisant des fautes individuelles, dispenser d’une réflexion
sur les responsabilités et les croyances collectives. C’est bien
ce qu’enseigne un des épisodes les plus tragiques de
l’infection par le virus du sida : la technologie et l’exigence de
rentabilité ont pu occulter la déontologie chez ceux qui
savaient, mais aussi les vieilles notions épidémiques, outre la
peur diffuse, ont pu entretenir nombre d’illusions chez ceux
qui auraient dû savoir ; y compris chez des médecins avouant
aujourd’hui avoir été surpris par l’épidémie nouvelle,
reconnaissant la « formidable myopie du début des années
80 1364 » et la difficulté à mesurer l’importance de la
transmission par le sang. Cette confession d’un anesthésiste
interrogé par Le Monde en février 1993 : « Nous n’avons
qu’une manière de nous en tirer : l’humilité 1365. »
D’autres zones d’ombre persistent, bien sûr : la différence
d’atteinte entre régions et continents par exemple. La peur
occidentale s’accommode ici d’une ignorance relative : les
pays du tiers-monde rassemblent actuellement plus de 80 %
des cas de sida, les morts africaines représentant à elles seules
75 % des morts dues à l’épidémie 1366. Différence dans les
modes de transmission où l’infection par contact hétérosexuel
peut varier de 10 % en Amérique du Nord à 70 % en Afrique
subsaharienne 1367. Différence dans les modes de vie où
certaines collectivités du tiers-monde assimilent les
campagnes pour l’usage du préservatif à l’invention de
colonisateurs dangereux 1368. Différence dans
l’instrumentation où certains hôpitaux africains comme celui
de Kinshasa ne disposent « ni d’argent ni de matériel 1369 ».
Différence dans les investissements enfin, où, sur le 1,5
milliard de dollars dépensés pour la prévention dans le monde,
6 % seulement vont aux pays en voie de développement 1370.
L’épidémie est bien multiple, variant avec les continents.
La scène sanitaire est plus que jamais disparate. Le partage
entre nantis et non-nantis étendu aux relations entre pays a
transformé la lutte antiépidémique : le combat sur les
frontières, celui que menait Adrien Proust en 1889 pour arrêter
le choléra sur les crêtes pyrénéennes 1371, n’a plus valeur
universelle. Les flux de circulation contemporains comme le
développement « galopant 1372 » de l’épidémie en Afrique ou
en Asie ont déplacé le problème. Les échanges imposent le
danger, même si la menace porte moins, en l’occurrence, sur le
sida que sur les infections opportunistes qu’il développe : « Il
est à craindre que l’existence d’une population de plusieurs
millions d’individus aux défenses immunitaires affaiblies
favorise la résurgence de maladies très contagieuses que l’on
croyait jugulées dans notre monde développé 1373. » Aucune
défense des pays industrialisés ne semble alors assurée sans
intervention préventive auprès des plus démunis. D’où cette
ambiguïté très contemporaine : les maladies proliférant dans
les zones déshéritées, repoussées comme les guerres aux
périphéries de l’industrie et du progrès 1374, drames vaguement
ignorés, égarés dans les flux télévisuels, et l’amorce de
solidarités nouvelles, mal perçues encore, imposées au-delà du
simple humanisme avec ces régions « éloignées ».
Les attitudes envers le sida sont un miroir des pratiques de
santé d’aujourd’hui, par la responsabilisation de chacun
qu’elles semblent favoriser, donnant aux décisions
individuelles une place qu’elles n’avaient pas ; par l’existence
de zones d’ombre aussi, révélant des résistances nouvelles aux
démarches sanitaires et appelant sans doute à recomposer les
solidarités.
2. La santé « indéfinie »
Les pratiques sanitaires quotidiennes semblent favoriser une
nouvelle responsabilisation. La prévention à l’égard du sida le
montre. Le modèle s’étend à l’ensemble des gestes de santé :
la surveillance continue, pour chacun, de ses propres indices
physiques en est un exemple. L’individualisme cent fois étudié
dans les années 1980 1375, avec sa rhétorique publicitaire, ses
formules consommatoires, son intensification des choix, donne
un ton particulier aux préceptes actuels de santé sur lesquels
des zones d’ombre persistent aussi.
« Faites votre auto-contrôle 1376 »
Une publicité anodine dans un mensuel français de 1992
révèle la double révolution des pratiques préventives depuis
ces dernières années. Un texte accompagné de photos
d’hommes et de femmes anonymes prises aux différents âges
de la vie propose l’acquisition d’une minuscule boîte : le
produit permet d’effectuer un test très précis, « connaître votre
taux de cholestérol… en trois minutes chez vous, à tout
moment et à jeun 1377 » ; apprécier la présence de cet alcool
stéroïde dont l’excès possible se dépose lentement sur les
artères jusqu’à les affaiblir ou les obturer. Le chiffre obtenu
désigne le risque d’accident cardiaque. D’où l’objectif du test :
mieux orienter régimes et modes de vie.
Il faut une première révolution préventive pour rendre
possible ce calcul : l’extension de maladies peu ou non
évoquées par les hygiénistes du début du siècle, maladies
cardiaques, cancers, celles dont l’importance prend le pas sur
les maux infectieux du XIXe siècle. D’où les études accélérées
pour repérer l’origine de ces maladies « nouvelles ». Keys, un
des premiers aussi, autour de 1950, souligne la liaison
statistique entre la cardiopathie coronarienne et l’ingestion
excessive d’acides gras saturés producteurs de cholestérol 1378.
La carrière sanitaire du cholestérol est alors déclenchée :
substance taboue, imposant le calcul laborieux des taux jugés
normaux, 2 grammes par litre de sang pour les personnes de
20 à 30 ans, 2,4 pour celles de plus de 40 ans.
Mais il faut une deuxième révolution préventive pour que le
test ainsi auto-administré soit devenu possible. Il faut que des
instruments jusque-là réservés aux professionnels de la santé
soient propagés dans le public, simplifiés, commercialisés. Il
faut une demande aussi pour que ces auto-contrôlés soient
jugés acceptables. À ces conditions naissent ces enregistreurs
minuscules dont la panoplie s’étend aujourd’hui. Le test de
grossesse en est un des exemples les plus courants. Le recours
à l’Urimho en est un autre : petit instrument se « glissant
facilement dans votre poche 1379 » et permettant de connaître
la concentration en sels minéraux par simple contact d’une
goutte d’urine. Un voyant coloré s’allume (vert, jaune ou
rouge) pour « indiquer votre risque de calcul rénal 1380 ».
Conséquence : une appréciation immédiate du régime
alimentaire adapté. Autre exemple, le « tensiomètre digital » :
la possibilité d’effectuer « régulièrement chez soi un acte de
prévention élémentaire et indispensable 1381 » avec un petit
appareil enregistrant la tension artérielle sur l’index.
L’usage de ces tests souligne une tendance forte des
nouvelles démarches préventives : la tentative de « piloter »
son propre corps à l’aide d’un appareillage individuel, suivre
la fluctuation de ses taux, prévoir les conséquences de leurs
relevés. À l’image énergétique inventée au XIXe siècle,
toujours présente dans la recherche de ressources caloriques,
vient aujourd’hui s’associer celle d’un corps informatisé,
maintenu dans ses équilibres par l’observation continue de
signaux chiffrés. Ce qu’Attali évoque en projetant l’usage de
capteurs placés à même la peau : « De nombreux instruments
d’auto-diagnostic utiliseront bientôt des microprocesseurs…
Un jour chacun portera au poignet un appareil enregistrant en
permanence l’état de son cœur, sa tension artérielle, son taux
de cholestérol, etc. D’autres appareils portatifs ou greffés
mesureront de même d’autres paramètres de santé 1382. » La
vision est quasi utopique, l’ère des capteurs généralisés
demeure lointaine. Mais la tendance est présente, confirmée
par les appareils actuels d’auto-diagnostic.
Des facteurs de risque à l’individualisation génétique
Le pilotage que chacun peut exercer sur lui-même est
facilité par la révolution de l’épidémiologie : le privilège
donné aux facteurs de risque et surtout à leur possible profil
individuel. Le recul des maladies infectieuses après 1950 et le
développement de l’outil statistique ont facilité le changement.
Plus encore, c’est l’ignorance de la cause exacte des
« nouveaux » troubles, au milieu du siècle, cancers, maladies
cardiaques ou respiratoires, qui a privilégié la recherche de
probabilités, celle de coefficients et de pourcentages : les
« chances » statistiques que court un individu d’être atteint. Le
calcul s’est affiné, individualisé, portant sur l’environnement
et les attitudes de chacun : le tabac, par exemple, qui multiplie
par 2,7 chez le fumeur et par 4,1 chez le grand fumeur (fumant
plus de 15 cigarettes par jour en inhalant la fumée) le risque
d’une maladie coronarienne ; ou le diabète qui double ce
risque coronarien ; ou le taux de cholestérol différencié selon
le « risque modéré » ou « élevé » qu’il exerce 1383. La
probabilité porte sur des lieux, des publics, des
comportements. Les risques de cancer, par exemple,
augmentés de 100 fois chez les « grands fumeurs » et les
« grands buveurs » 1384 ; ou le risque d’une pression artérielle
excessive augmentée de 2 fois chez la jeune fille dont le poids
du corps dépasse de 20 % la norme de référence, et de 2,5 fois
chez le jeune garçon obéissant aux mêmes conditions 1385 ; ou
le risque de cancer du sein augmenté de 3 fois par l’existence
d’un antécédent familial (mère, tante, sœur) 1386.
C’est à épier ces facteurs de risque que s’oriente le régime
de vie : adapter le comportement aux menaces individuelles et
chiffrées. D’où la nouvelle formulation des conseils de santé :
« Selon vos facteurs de risque certains examens vous
concernent particulièrement 1387 » ; traquer non plus
seulement des causes directes, comme les microbes dissimulés
dans le milieu, mais des causes prédisposantes, celles qui
changent avec le présent et le passé de chacun.
Plus individualisée encore est la prévention fondée sur
l’analyse génétique : celle du gène DD, producteur d’une
enzyme vaso-constrictive favorisant l’obturation des
coronaires 1388 ; ou celle des trois gènes du diabète découverts
en 1991 1389. Pour la première fois, une « médecine
prédictive » fondée sur « le dépistage prénatal et
préclinique 1390 » devrait désigner le profil sanitaire d’un
individu, ses risques, ses maladies à venir. D’où les
conséquences préventives possibles : « Quand nos
connaissances seront assez avancées, cette méthode pourrait,
d’une manière plus générale, permettre d’organiser la “niche
écologique” de chacun en fonction de son patrimoine
génétique 1391. » Résultats encore peu affirmés, bien sûr, mais
le projet de « carte génétique » confirme bien l’attente d’une
prévention plus individualisée.
Tendance repérable encore dans la presse vulgarisant
l’information médicale, celle qui prétend ne pas laisser le
consommateur « désarmé à l’heure du choix 1392 ».
Une santé « consommée »
Le nombre de magazines spécialisés dans la prévention,
avec leur diffusion à grande échelle, leur exploitation
publicitaire, s’est multiplié depuis une vingtaine d’années :
plus de 15 titres aujourd’hui en France (Top santé, Réponse à
tout santé, Santé-Magazine, Santérama, Santé plus,
Prévention santé, Que choisir santé…), alors qu’un ou 2
seulement existaient dans les années 1970. Croissance des
lecteurs aussi : Santé-Magazine est devenu, en 1991, le
deuxième en nombre de lecteurs (4 285 000) parmi les 120
mensuels français les plus diffusés ; Top santé le douzième
(2 674 000) 1393. Progression accentuée en 1992, 4 550 000
lecteurs pour Santé-Magazine et 3 640 000 pour Top santé,
qui, du coup, devient le sixième mensuel 1394. L’ensemble
répond à une attente. Consommateurs sollicités dans leurs
soucis individuels et guidés dans leurs indices médicaux :
« Déchiffrez votre analyse du sang 1395 », « Les bons chiffres
de la tension artérielle 1396 », « Pour y voir plus clair dans vos
analyses biologiques 1397 », « Le guide des examens
gynécologiques 1398 », « Les examens au masculin 1399 ». Le
projet est explicite : rendre le code accessible, aider aux
options de chacun.
Les magazines révèlent encore une extension inépuisable
des maux pris en compte : conseils donnés pour fortifier les
ongles, éviter la lourdeur des jambes, limiter les sifflements
d’oreille, lutter contre les « sentiments de tristesse », le
manque de sommeil, le stress, mais aussi pour prévenir des
cancers ou identifier des troubles cardiaques. Série de
recommandations prolongées de numéro en numéro,
indéfiniment renouvelées, qui tient à l’aiguisement de la
sensibilité autant qu’aux découvertes médicales. Le processus
de civilisation déplace depuis longtemps les frontières entre le
supportable et le non-supportable, approfondissant le sensible,
rendant moins tolérés des « mal être » auparavant acceptés.
L’exigence n’est pas nouvelle. Elle s’est à coup sûr intensifiée.
Les enquêtes confirment ce gain progressif de conscience,
jusqu’à souligner son accélération récente. Le nombre de
maladies déclarées par les personnes interrogées s’est accru de
plus des trois quarts entre 1970 et 1980, comme le montrent
deux questionnaires identiques proposés, avec dix ans d’écart,
à un échantillon lui-même identique de population : 37 637
maladies déclarées par les enquêtés en 1970, 60 058 en 1980.
La progression est marquante. Elle révèle 1,62 maladie
déclarée par personne en 1970 et 2,28 en 1980 1400. Chiffre
sans grand rapport avec les affections réelles. La France n’est
pas plus malade en 1980 qu’elle ne l’était en 1970. Bien au
contraire, l’espérance de vie est passée de 76 à 79 ans pour les
femmes, entre 1970 et 1980, et de 68 à 71 ans pour les
hommes (82 et 74 ans respectivement aujourd’hui) 1401. La
vigilance sur soi, en revanche, s’est accrue, comme s’est
déplacée la frontière entre santé et maladie, expliquant en
partie le succès de ces magazines « toujours plus utiles pour
votre santé 1402 ».
Les pratiques consommatoires expliquent plus encore ce
succès récent. Une santé promue en style de vie, vendue
comme le sont aujourd’hui la plupart des actes quotidiens.
« Shopping santé 1403 », « Produits-santé du mois 1404 »,
articles « vous voulant du bien 1405 » occupent ces magazines
d’un nouveau genre. Le marketing oriente les sollicitations :
« bons d’essais 1406 » pour les produits, « jeux santé 1407 » sur
les marques, concours offrant des séjours gratuits en
thalassothérapie ou en « écoles du dos 1408 », abonnements
pour les « health clubs 1409 », les « clubs de mise en forme »,
les « cures jambes légères 1410 », les « centres de soins
marins 1411 », les stages « pleine vitalité 1412 ».
C’est à séduire, bien sûr, que sont ainsi engagés ces séjours
« stimulant vos défenses immunitaires 1413 » où ces denrées
luttant contre le cholestérol. C’est à créer un effet de clientèle,
fidéliser un public. Le marché de cette santé consommée
propose « toujours plus », étendant son territoire, comme l’a
fait avant lui le marché des biens domestiques. Une expression
nouvelle l’impose : « mieux être ». Elle fait le titre des
magazines de santé : « Goûtez au plaisir de mieux être 1414 » ;
elle fait le titre d’affiches publicitaires : « Pour mieux être
dans son corps et dans sa tête 1415 » ; elle fait le titre de livres
de régime : « Mieux être en 1 000 questions 1416 ». Formule
sans éclat, apparemment insignifiante, cette expression change
en profondeur les objectifs sanitaires. Elle rejoint la nouvelle
définition donnée par l’Organisation mondiale de la santé
évoquant « un état complet de bien-être physique, mental et
social ne se caractérisant pas uniquement par l’absence de
maladie ou d’infirmité ». Le but ici n’est plus simplement
d’écarter le mal comme le suggéraient les textes traditionnels,
ni même d’accroître les résistances organiques comme le
suggéraient, dès la fin du XVIIIe siècle, les thèmes du progrès,
il est aussi d’approfondir un sentiment, une façon de ressentir
et d’éprouver le corps. Au classique travail qui protège du mal
s’ajoute un interminable et obscur travail qui quête le bien-
être.
Les exigences du « mieux-être »
La manière même dont se concrétisent les pratiques de santé
peut alors changer. C’est le thème du plaisir que manie la
rhétorique sanitaire : « choisissez de vous faire du bien 1417 »,
« cet été, réveillez vos sens 1418 », « mariez plaisir et bien-
être 1419 ». Il y a un versant hédoniste, bien sûr, dans cette
insistance à « jouer sur la carte bien-être 1420 », à « rendre vos
siestes créatives 1421 », ou à proposer des conseils « adaptés à
vos besoins 1422 ». Les corps lisses, légers, bronzés des
magazines de santé, échappent aux ordres rigides des vieilles
gymnastiques ou aux prescriptions tatillonnes des vieux
régimes professoraux. Triomphe d’un individu plus
indépendant, plus narcissique sans doute, comme
d’innombrables textes l’ont souligné dans les années 1980, le
renouvellement de l’investissement sur le corps s’est imposé
comme une vérité d’autant plus tangible que sont tombés les
« au-delà », ou que se sont effacés les « grands messages ». La
chute des transcendances, politiques, morales, religieuses,
renforce cette importance de la conscience corporelle 1423 :
mieux s’éprouver, accroître le registre des sensibilités, ne pas
vieillir. Elle suggère l’investissement physique comme une
ressource ultime, de durée, de certitude, d’engagement très
personnalisé, installant une maîtrise de soi totalement
traversée par l’attention au physique et à son immédiateté.
Comment ne pas voir, pourtant, l’ambiguïté possible de ces
« évidences » ? À commencer par le versant hédoniste des
pratiques nouvelles. La minceur en est le meilleur exemple. Le
thème occupe toutes les pages des magazines de santé,
présenté comme un impératif d’autant plus obligé qu’il semble
définitivement accepté, d’autant plus « a-contraignant » qu’il
est jugé inévitable (« J’ai choisi de mincir heureuse 1424 » – le
choix n’étant pas de mincir, mais plutôt de le faire avec
« bonheur »). D’où la présence massive du thème lorsque sont
évoqués les formes du corps, mais aussi les aliments, les
exercices, les soins de vacances, ou tout simplement le
sommeil (« maigrir en dormant 1425 »). La chute des « au-
delà », l’effacement des grands messages livrent à vrai dire le
corps à une rigueur accrue des normes, imposant un
déplacement de l’exigence, une raideur particulière sur cet
ultime objet de valorisation. Ce qui fait du bien-être une
« servitude » nouvelle 1426. Que ces normes « consommées »
apparaissent plus séductrices ou plus libres ne fait aucun
doute. Que leurs contraintes ou leurs tensions demeurent bien
réelles ne fait aucun doute non plus.
D’autant que des formules plus insidieuses promeuvent un
modèle d’efficacité combative. Il s’agit aussi de « tester votre
efficacité 1427 », accroître « votre business force 1428 »,
« n’être rien d’autre que le meilleur 1429 ». Un projet que le
« livre scandale » de 1988, 300 médicaments pour se
surpasser physiquement et intellectuellement 1430, illustre avec
insistance. L’ouvrage, un temps interdit parce qu’il décrit
l’usage de substances jugées dangereuses, représente mieux
que tout autre la perspective nouvelle : accentuer les
performances autant que la sensualité de chacun. Ce que les
auteurs de ce livre sur le « surpassement » expliquent sans
fard : « Nous vivons dans un monde impitoyable où être le
plus fort, le plus débrouillard, le plus malin, le plus rapide,
mais aussi le plus résistant est devenu une condition nécessaire
sinon suffisante pour exister, pour réussir ou plus simplement
pour tenir 1431. » Cette explication reste partielle, bien sûr : le
struggle for life n’est pas une découverte de ces dernières
décennies, et le cynisme n’est pas a priori dominant. Mais la
pression grandit pour une promotion de chacun. Le gagneur a
plus de légitimité. Les magazines visant « une attitude mentale
gagnante 1432 » se sont multipliés eux aussi, de Challenge à
Managers et de Défis à Dynasteurs… C’est l’image de la
réussite, bien sûr, qui s’est démocratisée, suggérant à chacun
de se réaliser, fût-ce en devenant tout simplement lui-même.
D’où cette idée d’une excellence accessible ; la performance
promue en « autoréalisation de masse 1433 » ; la nécessité de
s’affirmer transposée en modèle banalisé et non plus en
modèle d’exception. Visée ultime de nos sociétés
démocratiques où le « héros ordinaire » guide « votre
réussite 1434 » et occupe les écrans.
Une double injonction contradictoire pèse alors sur chacun :
« Devenir vous et en être fier 1435 », mais aussi se détendre,
s’abandonner. La tension avec le corps ou les « retrouvailles
avec le corps 1436 » ; la réussite ou le retrait. Contradiction des
sociétés publicitaires, avec leur consommation de masse, où
une « philosophie de l’autocontrainte 1437 » faite pour
fabriquer les produits est indissolublement liée à une
« philosophie de la recherche du plaisir 1438 » faite pour les
vendre : rationaliser le temps, l’exploiter, mais aussi et
contradictoirement en jouir. Ce que montre l’augmentation des
produits psychotropes à visée divergente : la croissance des
tranquillisants comme celle des stimulants. Un tiers de la
population française avoue consommer des tranquillisants,
7 % étant des consommateurs réguliers 1439 ; alors
qu’augmentent tout autant les cocktails vitaminiques,
psychostimulants, Survector et autres amphétamine-like pour
avoir, « très vite, le goût d’agir, la volonté
d’entreprendre 1440 ». Les consommations de santé épousent
les contradictions de la culture.
Des zones d’ombre subsistent, bien sûr, dans ces pratiques
consommatoires, où l’intérêt financier peut tout simplement
l’emporter. L’usage du Duxil par exemple 1441 : médicament
conçu contre l’insuffisance circulatoire, commercialisé comme
« oxygénateur cérébral », dosé selon un seuil de gravité de 1 à
5, le Duxil a très vite été vendu comme une substance
préventive, sur l’initiative d’un directeur de marketing, sans
que cet effet préventif ait été clairement démontré. Une
prévention non prouvée, mais qui peut bouleverser les chiffres
de vente. La campagne publicitaire, lourdement orchestrée, a
ici multiplié productions vidéo et « congrès » de
sensibilisation pour informer les médecins et multiplier les
acheteurs. L’enjeu commercial a du coup débordé l’enjeu
sanitaire. Les cas du genre abondent dans ce succès de
produits préventifs aux effets non vérifiés : « l’organomètre
détecteur d’énergie 1442 », les « capsules d’ail gastro-
résistantes 1443 » ou le « dentifrice sans eau et sans brosse à
dents 1444 »… La santé consommée promeut aussi ses
pharmacologies incontrôlées 1445.
Une combinaison de modèles
Aucun doute : la logique consommatoire du « mieux-être »
a transformé les pratiques préventives, installées plus que
jamais dans un développement indéfini. Quelques modèles
s’imposent ici plus que d’autres ; certaines représentations
valorisées du corps par exemple. Le « mieux-être » possède
ses axes et ses choix.
Il faut souligner combien demeurent fortes certaines
polarités imaginaires. L’évocation toute critique d’un
personnage de Vautrin, dans une de ses nouvelles récentes, cet
Abel Truchant, notaire provincial, « ami des arts et de la
mangeaille », avec ses « artères calaminées par la graisse » et
son cœur « pompant à la baisse 1446 », indique bien le sens de
certaines images : le danger est toujours aux encrassements.
Ce qu’indiquent les innombrables conseils formulés dans les
magazines de santé pour « épurer votre foie 1447 », « dissoudre
les graisses 1448 », choisir des huiles « encrassant moins les
artères que d’autres 1449 ». Les vieilles références à
l’épurement du corps n’ont pas disparu, bien au contraire.
Elles sont seulement plus travaillées, sinon euphémisées :
déplaçant les mots, les images, évoquant les graisses et non les
déchets, dénonçant les « stockages » et non les pourrissements.
Dépôts divers, circuits embarrassés, demeurent les indices
intuitifs du corps malsain. C’est la graisse qui focalise les
nouveaux dégoûts, matière plus noble que les déchets, plus
insidieuse aussi, infiltrant les moindres espaces et gagnant
chaque enveloppe. Une graisse devenue objet littéraire, celle
que surveille le commissaire Maigret dans quelques-unes de
ses cures provinciales 1450, celle qui obsède Isabelle de Santis
dans un roman de Catherine Rihoit 1451, au point que chaque
difficulté de sa vie semble liée à un bourrelet excessif : « j’ai
grossi », « j’ai maigri », rythment les amours d’Isabelle, ses
réussites et ses échecs, mêlant indissolublement repères
esthétiques et repères sanitaires.
L’allègement des denrées pénètre d’ailleurs les mœurs
alimentaires au point que deux Français sur trois considèrent
l’usage de produits allégés comme « une façon d’être
raisonnable 1452 » ; au point aussi qu’une véritable
« lipophobie 1453 » s’impose sur les marchés de grande surface
sans que soient toujours mesurés ses possibles effets
contradictoires : l’accroissement des quantités ingérées, entre
autres, pour compenser l’affaiblissement calorique du produit,
ce qui peut tout simplement annuler l’allègement.
L’énergie est l’autre indice intuitif du sain et du malsain,
perçue elle encore très différemment des attentes passées : la
« basse » énergie alimentaire l’emporte, associée à une
« haute » dépense énergétique par exercice et pratiques
tonifiantes. La sévérité des régimes se dit d’ailleurs en chiffres
d’abaissement calorique : de 1 600 à 1 300 calories, par
exemple, pour passer d’un « régime doux » à un « régime
intense 1454 ». Insistance sur « les calories néfastes à la santé »,
celles qui, non consommées, « s’accumulent sous forme de
graisse 1455 » ; calcul toujours renouvelé sur les dépenses
nécessaires, celles qui sont brûlées par l’activité quotidienne,
alors que les surcroîts inutiles perturberaient la
« chaudière 1456 ». Les formules nouvelles disent la force du
modèle : « Limiter l’apport calorique, brûler les graisses,
épurer l’organisme, éliminer la cellulite 1457. » Cette énergie
ainsi contrôlée serait à la croisée des anciennes et des
nouvelles images : celle de la modération toute traditionnelle,
exprimée ici par la dépense et la combustion, celle d’une visée
plus large, alarmée par les environnements non maîtrisés et les
déchets d’industries, rêvant de forces non polluantes et
mesurées. L’énergie corporelle devrait ajouter la « douceur » à
l’intensité : « cœur solide, artères souples, muscles
dynamiques et cholestérol équilibré 1458 ».
Un nouveau modèle, enfin, vient composer avec les
précédents et participer aux critères subjectifs de santé : celui
d’un corps directement alerté sur les sensations, machine
informationnelle aux circuits maîtrisés. L’« écoute » des sens :
« Prendre conscience de son corps avec toutes ses articulations
pour qu’il puisse s’exprimer librement 1459. » Non plus
seulement la force, mais le sensible, non plus seulement
l’énergie, mais les perceptions : obtenir « une image de toutes
les parties de son corps 1460 », scruter les cénesthésies autant
que les effets musculaires, « solliciter le système nerveux,
hautement réceptif, pour aménager une information
subtile 1461 », se concentrer sur « son mouvement
personnel 1462 ». L’image d’un héros de Pirsig, traversant en
moto les plaines de l’Ouest américain en écoutant chaque
vibration de sa machine jusqu’à l’éprouver totalement en lui :
« Sensibilité cénesthésique profonde qui permet d’apprécier la
flexibilité des matériaux 1463. » Les nouvelles attentes vont
aux techniques relaxées, aux gestes contrôlés et
« mentalisés » : tous ces exercices promouvant l’ajustement
perceptif, « souplesse, détente et viscosité des
mouvements 1464 », relâchement travaillé, « connaissance
intime de soi-même 1465 », mais aussi jeux de pilotage et de
glisse des nouveaux engins sportifs, surfs, ailes volantes, skis
ou planches à voile, où le travail des sens peut l’emporter sur
celui des muscles.
Jusqu’aux diététiciens qui confirment la présence de ce
modèle « informationnel » et inventent une « diététique du
cerveau 1466 » : remarques inépuisables sur la nécessité du
magnésium, du sélénium, du zinc ou du cuivre ; indications
savantes sur les vitamines, l’acide folique ou les acides
aminés, qui révèlent d’ailleurs des attentes plus que des
résultats. C’est la prise en compte du cerveau dans la
diététique qui est ici originale plus que son contenu. C’est la
liaison entre le souci de santé et le « développement du
système nerveux au mieux de ses possibilités 1467 », plus que
la vérification des effets. D’autant qu’il n’existerait pas
directement « d’aliment-cerveau » et que cette diététique
particulière ne semble guère s’éloigner d’une diététique
générale. Ses conclusions demeurent d’ailleurs sans surprise :
« Adaptée, légère et variée, la nourriture permettra à
l’organisme d’être alerte et au cerveau d’être efficace 1468. »
La diététique ajoute ainsi le thème de l’informatisation
corporelle à ceux de l’épurement et de l’énergie.
3. Le défi politique
Les normes nouvelles ont aussi leurs détracteurs. Le
dénigrement de leur omniprésence par exemple : « Je fume et
je veux qu’on me fiche la paix. C’est clair et net, non ? 1469 »,
tranche J.-J. Brochier dans un pamphlet récent, réactivant
l’antagonisme entre les exigences sanitaires et l’autonomie de
chacun. Conflit très actuel entre deux libertés : celle que
promet la référence savante du « mieux-être », celle que
promet un épanouissement plus immédiat visant l’affirmation
de soi ; le fumeur inquiet du dommage et rejetant le tabac, le
fumeur décidant de « sa vie » et assumant le tabac.
L’antagonisme peut d’ailleurs en masquer un autre plus
fondamental, plus douloureux aussi sur les coûts collectifs,
transformant les enjeux sanitaires en conflits de solidarité.
Un conflit de libertés
Le risque de la fumée est devenu l’exemple le plus banal de
ces oppositions. Le constat du coût humain d’abord, qui fait du
tabac le responsable de près de 90 % des cancers du poumon
et de près de la moitié des décès annuels par
coronaropathie 1470. Un risque si important qu’il est reconnu
comme cause officielle de décès en Grande-Bretagne depuis
septembre 1992 1471. Le dispositif d’interdiction ensuite,
nouveau par rapport à la tradition : non plus la seule action sur
l’affichage ou la publicité comme ce fut le cas pour certains
alcools, mais l’intervention directe sur le fumeur et son
intimité. L’Union européenne impose depuis 1989 la présence
d’une mention sanitaire sur tout paquet de cigarettes, censée
interpeller le geste lui-même : « Fumer provoque le cancer »
ou « Fumer provoque des maladies cardio-vasculaires 1472 » ;
l’article 16 de la loi Évin du 10 janvier 1991 supprime la
possibilité de fumer dans tous bureaux à caractère public, elle-
même déjà réglementée par le décret du 12 septembre 1977 ;
la pression sur le fumeur, enfin, est accrue par l’article 7 de la
même loi, imposant la tenue d’une manifestation annuelle
intitulée « jour sans tabac », soumettant la fumée à une
vindicte implicite. La pression est accentuée par le débat sur
« la fumée des autres 1473 », celle, désagréable ou dangereuse,
que subit le voisin du fumeur, évaluée dans certains cas à
l’équivalent de 5 à 25 cigarettes par jour 1474. Le conflit est
alors campé : « Les non-fumeurs se rebiffent 1475. » C’est la
défense plus aiguë de l’espace intime qui s’impose, autant que
la conscience de maux jusque-là non perçus.
On voit mieux combien les mesures sur le tabac peuvent
affronter deux libertés : celle du fumeur, celle du non-fumeur.
D’où l’initiative de l’association créée par les producteurs de
tabac réunis en congrès national à Cahors en avril 1989, pour
assurer « le respect du fumeur et la défense de sa liberté 1476 ».
Il s’agit d’une des issues actuelles des sociétés démocratiques,
tentées de renforcer la sensibilité individualiste : « Chacun
chez soi et chacun pour soi : tels sont les mots d’ordre…
Apothéose de l’esprit bourgeois : l’espace public où chacun
peut parler à égalité disparaît, c’est le privé qui devient la
mesure de toute chose : chacun n’adhère qu’à un parti qui est
soi-même 1477. » On voit mieux aussi comment d’autres
craintes très différentes peuvent naître au-delà de ce « chacun
pour soi » : la défiance contre une intolérance pratiquée au
nom de l’hygiène, par exemple, ou la défiance contre le
renouveau de quelque ordre moral promouvant l’hygiénisme
en vertu civique ; la suspicion contre un rigorisme substituant
des valeurs de défense individuelle à celles des grands
modèles autoritaires aujourd’hui effacés. Des signes existent
de cette emprise non avouée, facilités par l’aiguisement de la
sensibilité et l’extrême diversité des malaises possibles : les
associations créées récemment aux États-Unis contre l’usage
en public du parfum ou contre la musique des radios portables
le montrent 1478, demandant à l’État une implacable
réglementation des odeurs et des bruits ; projets sourcilleux
jusqu’à la caricature prétendant préserver l’espace de chacun
en multipliant les contraintes. Ce qui fait craindre à Alain
Madelin un nouveau « paternalisme d’État 1479 » et conduit
Pierre Mauroy à une interrogation aussi troublée qu’ironique :
« Va-t-on demain, parce que le cholestérol est responsable des
maladies cardio-vasculaires, interdire la bonne chère 1480 ? »
La culpabilisation serait rampante. Un nouvel hygiénisme
naîtrait dans nos sociétés, insinuant, défensif, après celui
autoritaire et péremptoire de la fin du XIXe siècle.
Raisonnement extrême, bien sûr. C’est l’affrontement des
libertés qui est à retenir ici, et l’accroissement des objets jugés
menaçants, plus que le triomphe de quelque paternalisme
sournois. L’initiative de l’État pourrait même sembler encore
prudente à un examen plus attentif. Des mesures
réglementaires ne restent-elles pas « étrangement » en suspens
alors qu’elles sont depuis longtemps attendues et approuvées ?
Celles, en particulier, qui pourraient limiter fortement la
mortalité due à la consommation d’alcool et de tabac, ou la
mortalité due aux accidents de la route. Les statistiques sont
impitoyables : ce sont plus de 60 000 morts par an qu’on peut,
en France, attribuer à l’usage du tabac, 40 000 à celui de
l’alcool et près de 10 000 aux accidents de la route. Chiffres
comparables à une « catastrophe en miettes 1481 », peu visible
parce que dispersée. Cette relative discrétion étatique est
repérable : refus d’augmenter fortement le prix de la cigarette
alors que la mesure rendrait son usage plus largement
dissuasif ; réticence à interdire toutes les publicités sur l’alcool
alors que leur budget a doublé entre 1981 et 1985 (460,7
millions de francs et 837,9 millions 1482) ; réticence à limiter
fortement la vitesse des véhicules alors que cette vitesse
compte parmi les principales causes des accidents.
Force est de constater l’efficience de certains groupes de
pression : suffisamment puissants pour entretenir l’existence
de pratiques jugées dangereuses, suffisamment persuasifs pour
retarder les « interdits » que ces pratiques devraient imposer.
L’État, sans aucun doute, est condamné au compromis :
arbitrage laborieux entre des libertés incarnées ici par les lois
du marché. Difficile d’affirmer la naissance d’un hygiénisme
tentaculaire.
Le renouvellement des risques et la responsabilité
Il faut revenir, en revanche, sur le conflit des libertés et sur
l’attente toujours accrue de sécurité individuelle. L’exemple
américain montre à quel point cette évolution peut engendrer
des tensions. Non que cet exemple révèle l’avenir de nos
sociétés ; il peut au moins en indiquer des tendances. Tout
commence avec une série d’actions engagées par un groupe de
légistes américains dans les années 1970. Leur projet est
explicite : désigner des responsables dans les accidents ou les
atteintes physiques provoqués par les techniques quotidiennes,
le milieu, la pollution ; améliorer la prévention, prendre en
compte la progression de l’exigence sécuritaire tout en
dévoilant le renouvellement des risques venus de
l’environnement technique et industriel 1483.
Cette prise de conscience ressemble à celle qui a eu lieu
autour de 1860 sur les accidents de travail 1484. Elle vise la
protection du consommateur ou de l’usager exactement
comme la juridiction sur les accidents de travail a visé la
protection de l’ouvrier : favoriser la santé publique en
indemnisant les dommages et en les prévenant ; désigner une
catégorie de préjudices peu ou non prise en compte par les
assurances traditionnelles : défectuosités de produits,
altérations de l’environnement, aléas médicaux. Préjudices que
l’exigence sécuritaire a rendus plus sensibles et que le
renouvellement des techniques a rendus plus variés, plus
diffus.
L’initiative américaine épouse son temps en s’attaquant au
renouvellement des maux. Le résultat pourtant est décevant.
Une attitude systématique de soupçon comme la volonté
d’arracher coûte que coûte l’indemnisation se sont révélées si
fortes qu’elles ont favorisé la dérive du projet. Le système
juridique américain a permis une prise en compte illimitée de
défaillances ou de défectuosités techniques et surtout une
recherche sans fin de responsables pour obtenir
l’indemnisation des victimes. Ce qui a provoqué la
condamnation de médecins n’ayant commis aucune faute dans
l’accident qui leur était pourtant reproché, ou la condamnation
de fabricants ayant pris toutes les mesures souhaitables pour
éviter le défaut du produit pourtant incriminé. Les démarches
procédurières se sont multipliées, les plaintes en tout genre,
l’acharnement à désigner un coupable, jusqu’aux décisions
caricaturales : « La concordance fortuite entre la carte des
personnes atteintes de leucémie et la carte retraçant les
implantations d’usines chimiques a suffi, par exemple, pour
convaincre un jury de la pertinence de la relation ainsi
établie… alors même que l’on aurait pu obtenir un résultat
similaire en superposant la carte des leucémies à celle des
parcs nationaux 1485. » D’où l’hésitation de certaines firmes
devant la crainte de procès et l’abandon de recherches utiles à
la prévention. Un résultat contraire au but recherché. Le
nombre de fabricants de vaccins a été divisé par plus de 2
entre 1965 et 1985, ce qui a fait perdre aux entreprises
américaines l’ascendant qu’elles affichaient dans ce
secteur 1486. Des examens diagnostiques (dont quelques
examens artériels) ont disparu par crainte de procès 1487.
Conséquence redoutable pour la coronographie, indispensable
pour connaître la bonne santé des artères, mais qui peut, de
fait, provoquer dans un cas sur mille la mort du patient.
Le manque relatif de protection sociale aux États-Unis a
sans doute favorisé cette recherche acharnée de responsables
et cette course à l’indemnisation dans laquelle plusieurs
avocats se sont tout simplement spécialisés. Mais la seule
obligation de désigner un « coupable » pour obtenir réparation
a également suscité des dérives juridiques : un risque
d’affrontement croissant entre particuliers sans que le droit ni
la prévention aient pu y gagner. Une tendance identique naît
insensiblement dans les pays européens. L’affaire du sang
contaminé l’a fait entrevoir. Cette tendance peut occulter une
évaluation sereine des risques.
Une voie de dénouement se dessine peut-être avec la
proposition de François Ewald 1488 : faire que le préjudice soit
évalué et réparé indépendamment de la culpabilité possible du
médecin, du fabricant ou du technicien. Il faut que les risques
solvables soient alors définis et recensés, ce qui est redoutable,
mais laisse entrevoir une issue. La loi de mars 1993 a fait
entrer la transfusion sanguine dans cette catégorie nouvelle de
dommages indemnisés en dehors de toute faute établie 1489.
Une double loi resterait à élaborer sur les risques médicaux :
celle réglant les indemnités, celle réglant les culpabilités ; la
première « mettrait au clair le rôle, la responsabilité, la place
du médecin comme du patient dans la relation médicale », la
seconde, « plus prosaïque », définirait « l’indemnisation des
risques thérapeutiques liés au progrès médical 1490 ».
Un conflit de solidarités
Un dernier conflit s’est aiguisé, qui peut peser aujourd’hui
sur les pratiques préventives. Il est directement lié à l’attente
indéfinie de mieux-être, montrant à quel point les projets
sécuritaires promus à la fin du XIXe siècle atteignent leur
point de rupture. La tension est transparente : les dépenses de
santé augmentent tous les ans dans les pays européens plus
rapidement que n’augmente la croissance. Leur progression
moyenne a été de plus de 16 % par an en France entre 1970 et
1985, alors que l’accroissement du produit intérieur brut ne
dépassait pas 6 % 1491. Les frais de remboursement s’envolent,
« filant à une vitesse trois fois plus élevée que celle de la
sacro-sainte croissance 1492 », les dépenses d’assurance
maladie étant passées de 356 milliards de francs en 1988 à 473
milliards de francs en 1992 1493.
Plusieurs causes de cette accélération sont identifiées : le
vieillissement de la population ; l’offre médicale, plus
technique, plus spécialisée, multipliant les actes
pharmacologiques et instrumentés ; la visée du « mieux-être »
enfin, avec son irrésistible ascension de maux surveillés,
fouillés, commentés. D’où la politique de sécurité sociale
régulièrement adoptée par les gouvernements récents :
« Diminuer le taux de remboursement et augmenter les
cotisations pour compenser l’explosion de la consommation de
soins et maintenir le déficit dans les limites
supportables 1494. » D’où encore la tentative d’obtenir un
accord avec les partenaires sociaux sur les « dispositifs
prévisionnels d’évolution des dépenses de santé » et la
surveillance mise en place en 1992 pour sanctionner les
praticiens multipliant « indûment les actes et les
prescriptions 1495 ». L’accroissement des dépenses demeure
pourtant menaçant, non compensé par la limitation régulière
du taux de remboursement 1496.
Ces contraintes de coût révèlent les impasses actuelles de
l’État-Providence. Elles provoquent un conflit de solidarités
dont il faut mesurer les formes : la nécessité d’un choix entre
les maux à prévenir, par exemple, imposée par les obstacles
financiers. C’est la question, feignant le cynisme, posée par Le
Monde : « Estimez-vous que 100 millions de francs est une
somme trop importante pour la prévention d’une leucémie ? »
Et la réponse toute prosaïque de Claude Got : « Oui, parce que
la même somme utilisée différemment peut éviter un plus
grand nombre de morts. Elle représente également une aide
ménagère quotidienne pendant un an pour plusieurs centaines
de personnes âgées isolées. L’époque de la santé qui n’a pas de
prix est révolue. Il faut utiliser au mieux nos moyens 1497. » Le
choix de l’investissement, celui des maladies ou des
dommages à prévenir, au détriment d’autres jugés parfois plus
graves, deviennent des exemples d’école en épidémiologie : un
modèle chiffré qui peut conduire un médecin scolaire à
investir ses moyens dans la prévention des accidents à deux
roues plutôt que dans celle des maladies sexuellement
transmissibles 1498. C’est le principe même d’une protection
générale, son coût, qui obligent à sélectionner les solidarités et
à les opposer, alors même que les maux sont plus nombreux et
mieux connus. D’où le privilège réservé à certains de ces
maux et la négligence volontaire réservée à d’autres ; la
« solidarité » envers certaines douleurs et la « non-solidarité »
envers d’autres. Paradoxe qu’expliquent aujourd’hui les
limites de l’État-Providence.
Un autre conflit de solidarités naît de l’abaissement des taux
de remboursement : ils pénalisent les plus démunis, ceux qui
peuvent le moins investir dans les dépenses de santé. La
disparité s’accroît ici mécaniquement, « incompatible avec une
véritable solidarité nationale 1499 » : les difficultés des plus
pauvres limitent leurs consultations en médecine de ville ; ce
qui provoque le seul recours aux soins lourds et coûteux de
l’hôpital, mais ce qui devient du coup contraire aux économies
collectives. Deux médecines, deux pratiques de la santé sont
ainsi partagées par les frontières sociales : « Plus on a une
formation poussée et une place élevée dans la hiérarchie
professionnelle, plus on a des revenus élevés, plus on dépense
de soins en ville, moins on coûte à l’hôpital 1500. » À l’inverse,
l’enfermement « des pauvres dans le ghetto hospitalier »
contribue à « ruiner les dépenses publiques 1501 ». D’où les
propositions toujours plus nombreuses de bouleverser les
pratiques préventives jusqu’à transformer l’esprit des
consultations médicales ; abaisser leur coût en privilégiant un
rôle de conseil, sinon d’éducation à l’égard du patient, viser
des populations jusqu’ici peu concernées : « Un prescripteur
coûte 4 à 5 fois plus à la société qu’un non-prescripteur »,
insiste Lazar en projetant un « renouveau de la médecine
libérale 1502 ». Le projet conduirait à une mutation des études
médicales, à celle de l’image du médecin comme à celle du
rôle donné au travail social. Il contraindrait d’orienter les
solidarités vers un nouveau rôle préventif du médecin. Un
projet si brutal qu’il demeure encore prospectif.
On l’aura compris, après la solidarité du XIXe siècle,
attentive à investir les lieux d’infection, après la solidarité de
la Sécurité sociale, attentive à répartir les dépenses, une
solidarité nouvelle semble naître, attendant une prévention
supportée collectivement. Mais cette « prévention solidaire »
pourrait-elle, seule, endiguer des dépenses rendues aujourd’hui
insolvables par l’ardeur au « mieux-être » ?
Procès, réformes, responsabilités
7 . Constantin l’Africain (XIe siècle), cité par F. Bériac, Histoire des lépreux au
Moyen Âge, une société d’exclus, Paris, Imago, 1988, p. 25.
8 . A. de Villeneuve, op. cit., p. 109.
9 . Droit coutumier cité par J. Somonnet, Des institutions et de la vie privée en
Bourgogne, Dijon, 1867, p. 374.
10 . L. Le Grand, Statuts d’hôtels-Dieu et de léproseries, Paris, 1901, p. 199.
11 . F. Bériac, op. cit., p. 185.
40 . L. Pannier, Les Lapidaires français des XIIe, XIIIe, XIVe siècles, Paris,
1882.
41 . P. Gaignard, Anciens Statuts de l’hôtel-Dieu Le Comte de Troyes, Troyes,
1853, p. 43.
77 . Triomphe de la noble dame (XIVe siècle), cité par C. Husson, Étude sur les
épices, aromates, sauces, condiments et assaisonnements. Leur histoire, leur utilité,
leur danger, Paris, 1883, p. 12.
78 . Froissart, op. cit., p. 804.
82 . Vincent d’Andéli, « Bataille des vins » (XIIIe siècle), Œuvres, Paris, 1881,
p. 28.
83 . Le Secret des secrets (xme siècle), in C. V. Langlois, La Vie en France au
Moyen Âge, Paris, 1925, t. II, p. 92.
84 . Joinville, op. cit., p. 241.
85 . Id.
86 . Barthélemy l’Anglais, op. cit., p. 152.
87 . La Quête du Graal, op. cit., p. 63.
88 . Ib., p. 76.
89 . Ib., p. 300.
102 . Cité par E. Barbazan, Fabliaux et Contes des poètes français des XIIe,
XIIIe, XIVe et XVe siècles, Paris, 1808 (1re éd. 1756), t. IV, p. 182.
103 . Cité par A. de Montaiglon, Recueil général et complet des fabliaux des
XIIIe et XIVe siècles, Paris, 1872– 1890, t. V, p. 222.
116 . Chronique du XIIe siècle citée par J. Hacard, La Thériaque au Moyen Âge,
Paris, 1947, p. 54.
117 . Id.
118 . J. Labarte, Inventaire du mobilier de Charles V, 1879, n° 2249, p. 145.
119 . Inventaire de l’abbaye de Fécamp, 1362, in J. Hacard, op. cit., p. 56.
120 . P. Delaveau, Les Épices, histoire, description et usages…, Paris, Albin-
Michel, 1987, p. 57.
121 . A. d’Agnel, op. cit., t. III, p. 30.
122 . « Livre des comptes des frères Bonis », op. cit.
123 . G. d’Avenel, Histoire économique de la propriété, des salaires et des
denrées depuis l’an 1200 jusqu’à l’an 1800, Paris, 1898, t. IV, p. 500.
124 . Ib., t. IV, p. 503.
125 . C. de Beaurepaire, Notes et Documents concernant l’état des campagnes
de la haute Normandie dans les derniers temps du Moyen Âge, Paris, 1865, p. 353.
126 . Ib., p. 385.
127 . Ib., p. 356.
132 . J.-J. Hémardinquer, « Sur les galères de Toscane au XVIe siècle », Pour
une histoire de l’alimentation, sous la direction de J.-J. Hémardinquer, Paris,
Cahier des Annales, Colin, 1970, p. 88.
162 . Raoul Glaber, moine de Cluny au XIe siècle, cité par J. Le Goff, La
Civilisation de l’Occident médiéval, Paris, Arthaud, 1967, p. 298-299.
163 . Le Psautier de Saint Louis (e siècle), BN, ms latin, 10525, f°. 31.
165 . Hugues de Saint-Victor, Institution pour les novices (XIIe siècle), cité par
J.– L. Flandrin, « La distinction et le goût », in Histoire de la vie privée, sous la
direction de P. Ariès et G. Duby, Paris, Éd. du Seuil, 1986, t. III, De la Renaissance
aux Lumières, p. 290.
167 . Saint Thomas d’Aquin, Opuscules (XIIIe siècle), Paris, 1856-1857, t. VII,
p. 527.
168 . C. Gaier, « L’approvisionnement et le régime alimentaire des troupes dans
le duché de Limbourg et les terres d’outre-Meuse », Le Moyen Âge, 1968, n° 3-4, p.
557-559.
193 . J. Soldi, Antidotario per il tempo di peste (XVe siècle), Florence, 1630, p.
19.
194 . Ib., p. 20.
195 . Ib., p. 18.
197 . M. Ficin, Antidote des maladies pestilentes (XVe siècle), Paris, 1595, p.
16.
198 . G. Bunel, Œuvre excellente et à chacun désirant soi de peste préserver…,
Paris, 1836 (1re éd. 1513), p. 17.
199 . J. Garnier, Les Étuves dijonnaises, Dijon, 1867, p. 30.
200 . P. Goubert, Beauvais et le Beauvaisis de 1600 à 1730, Paris, SEV-PEN,
1960, t. 1, p. 232 ; et F. Lebrun, La Mort en Anjou au XVIIIe siècle, Paris, Mouton,
1971, p. 266.
201 . N. de Blégny, Livre commode des adresses de Paris, 1878 (1re éd. 1692),
p. 184.
202 . D. Érasme, Les Hôtelleries, trad., Paris, 1872 (1re éd. 1526), p. 18.
208 . J. Grunbeck, De la mentalugre ou mal français, Paris, 1884 (1re éd. 1496),
p. 35.
209 . Cité par C. Quétel, op. cit., p. 11.
210 . J. de Bethencourt, Nouveau Carême de pénitence, purgatoire d’expiation,
Paris, 1871 (1re éd. 1527), p. 34.
211 . J. Fernel, Traité de la parfaite cure de maladie vénérienne, Paris, 1633
re
(1 éd. 1579), p. 37.
212 . T. de Héry, La Méthode curative de la maladie vénérienne, Paris, 1552, p.
14.
213 . A. Paré, Traité de la grosse vérolle (1575), Œuvres complètes, Paris,
Malgaigne éd., 1840-1841, t. II, p. 528.
214 . Id.
215 . T. Paracelse, La Grande Chirurgie, Paris, 1593 (1re éd. latine 1573), p.
167.
216 . G. Fracastor, Les 3 Livres sur la contagion, les maladies contagieuses et
leur traitement, Paris, 1893 (1re éd. latine 1550), p. 5 et 6.
217 . J. Fernel, op. cit., p. 38.
218 . A. M. Brassavole de Ferrare, Examen omnium loch… de morho gallico,
Venise, 1553, cité par C. Quétel, op. cit., p. 87.
219 . P. Maynart de Vérone, Tractato de morbe gallico, 1516, cité par L.
Thuasne, Le Mal français à l’époque de V expédition de Charles VIII en Italie,
Paris, 1886, p. 114.
220 . A. Péricaud, « Notice sur André d’Espinay, cardinal, archevêque de Lyon
et Bordeaux », Revue du Lyonnais, 1854, VIII.
221 . Ordonnance du Parlement de Paris sur la grosse vérolle, 6 mars 1497, in
A. Chéreau, Les Ordonnances de peste, Paris, 1873, p. 92.
222 . Arrêt du Parlement de Paris, 1510, B N, ms français, FF 21629.
223 . Cité par C. Quétel, op. cit., p. 86.
224 . Ordonnance du roi Charles IX sur les plaintes des députéz des trois Estats
tenus en la ville d’Orléans, art. CI, Les Édits et Ordonnances des très chrestiens
roys, Lyon, 1677, t. I, p. 79.
225 . J. Alménar, Libelli due de morbo gallico, Lyon, 1528, cité par J.
Jeanselme, Histoire de la syphilis, son origine, son expansion, Paris, 1931, p. 183.
226 . G. Falloppio, Tractatus de morbo Gallico, Patavii, 1564, cité par J.
Jeanselme, op. cit., p. 183.
227 . Le Triumphe de haulte et puissante dame verolle, Royne du Puy
d’Amours… (1539), cité par C. Quétel, op. cit., p. 90.
228 . A. Paré, De la peste (1568), Œuvres complètes, op. cit., t. III, p. 358.
229 . Froissart, op. cit., p. 833.
230 . O. Ferrier, Remèdes préservatifs et confortatifs contre la peste, Lyon,
1548, p. 33.
231 . E. Labadie, Traité de la peste divisé en diagnostic, pronostic, curation,
Toulouse, 1620, p. 40.
232 . J.-N. Biraben, Les Hommes et la Peste en France et dans les pays
européens et méditerranéens, Paris, Mouton, 1976, t. II, p. 88.
233 . Ordonnance du prévôt des marchands, 13 septembre 1533, in N. de
Lamarre, Traité de la police, Paris, 1722 (1re éd. 1698), 1.1, p. 651.
234 . Ib., 1.1, p. 649.
235 . Id.
236 . Id.
237 . L. Cornaro, De la sobriété, conseils pour vivre longtemps, Grenoble,
Millon, 1991 (1re éd. italienne 1558).
238 . P. de Commynes, Mémoires (1464-1498), Historiens et Chroniqueurs du
Moyen Âge, op. cit., p. 1289.
239 . Ib., p. 1292.
240 . Id.
241 . Id.
242 . Id.
243 . Froissart, op. cit., p. 531.
244 . Ib., p. 833.
249 . C. de Seyssel, Grande Monarchie de France, Paris, 1557 (1re éd. 1519), p.
44.
250 . G. Duby, Économie et Vie des campagnes de l’Occident médiéval, Paris,
Aubier, 1962, t. II, p. 614.
251 . Ib., t. II, p. 615.
252 . G. Fourquin, Histoire économique de l’Occident médiéval, Paris, Colin,
1979, p. 278.
253 . L. Stouff, op. cit., p. 227.
254 . Ib., p. 226.
255 . A. M. Nantes, GG 705, cité par A. Croix, op. cit., 1.1, p. 366.
256 . M. Aleman, Guzman de Aliarache (1599). Romans picaresques espagnols,
Paris, Gallimard, La Pléiade, 1968.
257 . M. Vovelle, La Mort et l’Occident de 1300 à nos jours, Paris, Gallimard,
1983, p. 182.
258 . G. Pictorius, Les Sept Dialogues, Paris, 1557, p. 16.
259 . A. Dürer, La Jeune Fille et la Mort.
260 . Le Titien, « La vecchia », 1505, Venise, Galleria dell’Accademia.
261 . P. de Ronsard, « L’an se rajeunissait », Second Livre de mélanges (1559),
Poésies choisies, Paris, Garnier, 1969, p. 111.
262 . J. Du Bellay, « Cependant que Magny… », Les Regrets (1558), Poètes du
XVIe siècle, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1953, p. 452.
263 . P. de Ronsard, « Quand vous serez bien vieille… », Les Amours (1552),
Paris, Garnier, 1963, p. 431.
264 . T. More, L’Utopie (1518), Voyages aux pays de nulle part, Paris, Laffont,
coll. « Bouquins », 1990, p. 172.
265 . H. de Monteux, op. cit., p. 5.
266 . Id.
267 . P. Ariès, L’Homme devant la mort, Paris, Éd du Seuil, 1977, p. 304-305.
268 . L. Cornaro, op. cit., p. 52.
269 . Ib., p. 85.
270 . Ib., p. 95.
271 . Ib., p. 85-86.
272 . Ib., p. 41.
273 . Ib., p. 105.
274 . Ib., p. 97.
275 . Ib., p. 102.
276 . Cité par R. et M. Wittkower, Les Enfants de Saturne, psychologie et
comportement des artistes, de l’Antiquité à la Révolution française, Paris, Macula,
1985 (1re éd. américaine 1958), p. 93.
277 . Journal de Jean Hérourd (1601-1627), Paris, Fayard, 1989, t. I, p. 935.
278 . Ib., 1.1, p. 953.
279 . G. Cardan, Ma vie, Paris, Belin, 1992 (1re éd. 1575-1576), p. 51.
280 . F. Rabelais, La Vie très horrificque du Grand Gargantua (1532), Œuvres
complètes, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1955, p. 99.
281 . Cité par P. Chevallier, Henri III, Paris, Fayard, 1985, p. 370.
282 . Un sire de Gouberville gentilhomme campagnard de 1553 à 1562, publié
par A. Tollemer, Paris, Mouton, 1972 (1re éd. 1870), p. 244.
283 . R. Dallington, The View of France, un aperçu de la France telle qu’elle
était vers l’an 1598, Versailles, 1892 (1re éd. anglaise 1604), p. 174-175.
284 . M. de Montaigne, Essais (1580), Paris, Gallimard, La Pléiade, 1958, p.
1218.
285 . Ib., p. 1241.
286 . T. Campanella, La Cité du Soleil (1613), Voyage aux pays de nulle part,
op. cit., p. 261.
287 . Cité par C. Suétone, Vies des douze Césars (Ier siècle), Paris, Les Belles-
Lettres, 1932, t. II, p. 54.
288 . M. de Montaigne, op. cit., p. 107. Voir aussi F. Bâtisse, Montaigne et la
médecine, Paris, Les Belles-Lettres, 1962, p. 67.
289 . L. Cornaro, op. cit., p. 55.
290 . Id.
291 . Érasme, La Civilité puérile (1530), Paris, Ramsay, 1976, Baltassare
Castiglione, Le Courtisan (1528), Paris, 1537.
292 . B. Gracian, Le Héros (1647), Paris, Champ libre, 1973, p. 26 et 15 ; voir J.
Revel, « Les usages de la civilité », Histoire de la vie privée, sous la direction de P.
Ariès et G. Duby, Paris, Éd. du Seuil, 1986, t. III.
293 . M. Aleman, op. cit., p. 87.
294 . L. Joubert, Erreurs populaires touchant la médecine et le régime de santé,
Paris, 1578, t. II, p. 145.
295 . Ib., t. Il, p. 115.
296 . H. Neveux et J. Céard, « Un monde qui se dérègle », Les Malheurs du
temps, op. cit., p. 262.
298 . T. Platter, La Vie de Thomas Platter (XVIe siècle), Genève, 1862, p. 61.
299 . Ib., p. 140.
300 . R. Gropetii Atrebatis, Regimen sanitatis, Paris, 1539, f°. 35 ; voir J.
Dupèbe, « La diététique et l’alimentation des pauvres selon Sylvius », in Pratiques
et Discours alimentaires à la Renaissance, Actes du colloque de Tours 1979, sous la
direction de J.-C. Margolin et R. Sauzet, Paris, Maisonneuve et Larose, 1982.
301 . F. Rabelais, Pantagruel, roi des Dipsodes (1532), Œuvres, op. cit., p. 326.
302 . T. L’Hermite, Le Page disgracié, Paris, 1642, p. 300.
303 . J. Sylvius, Régime de santé pour les poures, Paris, 1542, P. 44-45.
304 . Ib., f°. 4L
305 . Ib., f°. 42.
306 . Ib., f°. 43.
307 . Ib., f°. 48.
308 . Ib., f°. 4L
309 . A. Paré, Œuvres…, op. cit., t. III, p. 341.
310 . Cité par A. Paré, Discours de la licorne (1580), in Des monstres, des
prodiges, des voyages, Paris, Livre club du libraire, 1964, p. 166.
311 . C. Landré, De l’oecoiatrie, Paris, 1573, p. 800.
312 . G. F. Straparole, Les Facétieuses Nuits, Paris, 1857 (1re éd. 1550-1551), t.
II, p. 58.
313 . F. Rabelais, Gargantua, op. cit., p. 51-52.
314 . A. Paré, Discours de la licorne, op. cit., p. 167.
315 . B. Palissy, Discours admirables de la nature des eaux et des fontaines tant
naturelles qu’artificielles, Paris, 1580, p. 225.
316 . A. Paré, Discours de la licorne, op. cit., p. 162.
317 . A. Paré, De la peste, op. cit., t. III, p. 368.
318 . A. Paré, Discours de la licorne, op. cit., p. 159.
319 . A. Zysberg, Les Galériens, vies et destins de 60 000forçats sur les galères
de France, 1680-1748, Paris, Éd. du Seuil, coll. « L’Univers historique », 1987, p.
214.
320 . J.-B. Labat, Voyage aux îles françaises de l’Amérique (1693-1705), Paris,
Seghers, 1979, p. 138.
321 . J. Calvin, Traité des reliques, Genève, 1599, p. 74.
322 . P. de Moulin, Bouclier de la Foy ou défense de la confession de foy des
Eglises Réformées du Royaume de France, Charenton, s.d. (XVIIe siècle), p. 481.
323 . T. Agrippa d’Aubigné, Sa vie à ses enfants (1552-1630), Œuvres, Paris,
Gallimard, La Pléiade, 1969, p. 388.
324 . S. Boiron, La Controverse née de la querelle des reliques à l’époque du
concile de Trente (1500-1640), Paris, PUF, 1989, p. 76-77.
325 . P. Boussel, Des reliques et de leur bon usage, Paris, Balland, 1971, p. 216.
326 . J. Delumeau, Rassurer…, op. cit., p. 232-233.
327 . J. Delumeau, La civilisation de la Renaissance, Paris, Arthaud, 1967, p.
490.
328 . F. Rabelais, Pantagruéline Prognostication, certaine, véritable et
infaillible pour l’an perpétuel (1533), Œuvres…, op. cit., p. 921.
329 . Ib., p. 927.
330 . L. Cornaro, op. cit., p. 78.
331 . Id.
332 . N. Machiavel, Le Prince (1513), Œuvres complètes, Paris, Gallimard, La
Pléiade, 1958, p. 367.
346 . P. de Bourdeilles, dit Brantôme, Vies des dames galantes (mss fin XVIe
siècle), Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1981, p. 204.
347 . J. Bodin, Les Dix Livres de la République, Paris, 1576.
348 . Sieur de La Framboisière, Le gouvernement nécessaire à chacun pour
vivre longuement, Paris, 1600.
349 . Voir G. B. Bracelli, Biarrie di varie figure, Florence, 1624.
350 . T. Tzara, « À propos de G. B. Bracelli » (1963), in M. Préaud, Bracelli,
gravures, Paris, Ed. du Chêne, 1975.
370 . Mme de Sévigné, Lettre du 26 juin 1675, op. cit., 1.1, p. 743.
371 . G. Patin, Lettre du 18 janvier 1644, Lettres, Paris, 1846, t. I, p. 314.
372 . Id.
373 . Voir G. Comisso, Les Ambassadeurs vénitiens, Paris, Le Promeneur Quai
Voltaire, 1989, « Extrait de la relation d’Angelo Correr », p. 234.
374 . J. Héritier, La Sève de l’homme, de l’âge d’or de la saignée aux débuts de
l’hématologie, Paris, Denoël, 1987, p. 21.
375 . C. de Ribbe, Une grande dame dans son ménage au temps de Louis XIV,
Paris, 1889, p. 359.
376 . G. Tallemant des Réaux, op. cit., t. II, p. 329.
377 . Bibliothèque des sciences, Paris, Bureau d’adresses, 1668, t. VI, p. 170.
378 . Lettres de la princesse Palatine (1672-1722), Paris, Mercure de France,
1981, p. 201.
379 . A. Vallot, A. d’Aquin, G. C. Fagon, Journal de santé du roi Louis XIV de
l’année 1647 à l’année 1711, Paris, 1862, p. 113 ; voir aussi M. Caroly, Le Corps
du Roi-Soleil, Paris, Imago, 1990, en particulier « Le corps purgé », p. 59 sq.
380 . G. Aselli, De lactibus sive lacteils venis, Lyon, 1627.
381 . C. de Marais, Le Médecin de soi-même, Leyde, 1682, p. 57.
382 . D. Duncan, Avis salutaire à tout le monde sur l’abus des choses chaudes,
particulièrement du café, du chocolat et du thé, Rotterdam, 1705, p. 177.
383 . N. de Malebranche, De la recherche de la vérité (1674-1675), in Œuvres
complètes, Paris, Vrin, 1962,1.1, p. 491.
384 . lb., t. III, p. 197.
385 . Cité par G. R. Taylor, op. cit., p. 68.
386 . Id.
387 . P. La Martinière, Médée ressuscitée affirmant l’utilité de la transfusion du
sang, Paris, 1668, p. 5.
388 . J. Denis, Lettre à Monsieur Montmor conseiller du Roy en ses conseils,
Premier Maistre de Requestes touchant une nouvelle manière de guérir plusieurs
maladies par la transfusion du sang, Paris, 1667, p. 14.
389 . P. La Martinière op. cit., p. 11.
390 . Mme de Sévigné, Lettre du 25 janvier 1690, op. cit., t. III, p. 819.
391 . Ib., t. II, Lettre du 18 juin 1677, p. 470.
392 . Ib., t. III, Lettre du 23 avril 1690, p. 869.
393 . Ib., t. III, Lettre du 5 novembre 1684, p. 152.
394 . Ib., t. III, Lettre du 13 juillet 1689, p. 640.
395 . Ib., t. III, Lettre du 30 octobre 1689, p. 740.
396 . Ib., t. III, Lettre du 19 avril 1689, p. 580.
397 . N. A. de la Framboisière, op. cit., p. 134.
398 . C. Macherot, Journal de ce qui s’est passé à Langres et dans les environs
(1628-1658), Paris, 1880,1.1, p. 374.
399 . N. Goulas, Mémoires (1627-1643), Paris, 1879, p. 37.
400 . N. de Malebranche, op. cit., 1.1, p. 491.
401 . G. Tallemant des Réaux, op. cit., t. II, p. 451.
402 . M. Charas, Pharmacopée royale, Paris, 1718 (1ʳᵉ éd. 1676), p. 815.
403 . A. Robinet, Malebranche vivant : biographie, bibliographie, Paris, Vrin,
1967, p. 17.
404 . J.-C. Dausset, Histoire des médicaments des origines à nos jours, Paris,
Payot, 1985, p. 170.
405 . E. Renaudot, L’Antimoine justifié et l’Antimoine triomphant, Paris, 1653.
406 . M. Charas, op. cit., p. 812.
407 . Voir F. Millepierre, La Vie quotidienne des médecins au temps de Molière,
Paris, Hachette, 1983 (1re éd. 1967), p. 125.
408 . Domergue, Moyens faciles et assurés pour conserver la santé, Paris, 1687,
p. 93.
409 . Ib., p. 98.
410 . Ib., p. 104-105.
411 . Ib., p. 107.
412 . G. Patin, Traité de la conservation de la santé, Paris, 1632, p. 109.
413 . P. Jacquelot, L’Art de vivre longuement, Lyon, 1630, p. 175.
422 . Mme de Sévigné, Lettre du 6 mai 1689, op. cit., t. III, p. 601.
423 . Ib., t. III, Lettre du 5 novembre 1684, p. 152.
424 . Ib., t. III, Lettre du 29 juin 1689, p. 631.
425 . Le Mercure galant, avril 1693, p. 33-34.
426 . Ib., janvier 1681, p. 300.
427 . Ib., octobre 1689, p. 212.
428 . Ib., juillet 1687, p. 132.
429 . Ib., janvier 1693, p. 194.
430 . Id
431 . N. Chomel, Dictionnaire d’oeconomie domestique contenant divers
moyens d’augmenter son bien et de conserver sa santé, Paris, 1718 (1re éd. 1708),
t. I, p. 960.
432 . Id.
433 . Ib., 1.1, p. 961.
435 . Mme de Sévigné, Lettre du 14 février 1689, op. cit., t. III, p. 502-503.
436 . A. Porchon, Les Règles de la santé et le Régime de vivre, Paris, 1684, p.
43.
437 . Le Mercure galant, novembre 1682, p. 336.
438 . A. Vallot, A. d’Aquin, G. C. Fagon, op. cit., p. 88.
439 . L. H. Loménie de Brienne, Mémoires (1643-1682), Paris, 1916, p. 181.
440 . P. Bailly, Questions naturelles et curieuses, Paris, 1628, p. 377.
441 . Ib., p. 378.
442 . Mlle de Montpensier, Mémoires, 1735 (1re éd. 1728), 1.1, p. 157.
443 . Mme de Sévigné, Lettre du 11 mai 1689, op. cit., t. III, p. 594.
444 . M. Lister, Voyage à Paris en 1698, Paris, 1873, p. 44.
445 . A. Cabanes, Les Mœurs intimes du passé (deuxième série), la vie aux
bains, Paris, 1902, p. 243.
453 . S. Pepys, Journal (1660-1669), Paris, Mercure de France, 1985 (1re éd.
anglaise 1825), p. 341.
454 . Correspondance des Intendants, AN G7-84, 1690
455 . Id.
456 . Recommandations de 1621 citées par C. M. Cipola, op. cit., p. 72.
457 . P. Bourdelais, « Le paysage humain », Histoire de la France, sous la
direction de J. Revel et A. Burguière, 1.1, L’Espace français, Paris, Éd. du Seuil,
1989, p. 223.
458 . Ib., 1691.
459 . F. Blondel, Cours professé à l’Académie d’architecture, Paris, 1680, p. 1.
460 . Avis donné aux bourgeois de Paris pour la conservation de leur personne et
de leur famille, Paris, 1649, p. 4.
461 . F. de Motteville, Mémoires pour servir à l’histoire d’Anne d’Autriche
épouse de Louis XIII roi de France, Paris, 1851 (1re éd. 1676), 1.1, p. 179.
466 . B. Ramazzini, Essai sur les maladies des artisans, Paris, 1111 (1re éd.
latine 1700), p. 42.
467 . Mme de Maintenon, op. cit., 1.1, p. 309.
468 . Ib., t. II, p. 250.
469 . Ib., t. II, p. 256.
473 . L. de Coulanges, Lettre du 1er septembre 1694, Mme de Sévigné, op. cit.,
t. III, p. 1057.
474 . G. Tallemant des Réaux, op. cit., 1.1, p. 173-174.
480 . Mme de Sévigné, Lettre du 28 janvier 1689, op. cit., t. III : « L’opium ne le
fait plus dormir… Cela fait grand’pitié », p. 488.
482 . J. de La Bruyère, Caractères, Paris, Garnier, 1954 (1re éd. 1688), p. 135 ;
voir le chapitre : « De la société et de la conversation ».
483 . R. Chartier et H. Neveux, « La ville dominante et soumise », Histoire de la
France urbaine, sous la direction de G. Duby, Paris, Éd. du Seuil, 1981, t. II, p.
183.
484 . R. Bary, U Art de plaire dans la conversation, Paris, 1701.
485 . Mme de Sévigné, Lettre du 16 mai 1676, op. cit., t. II, p. 292.
486 . D. Huet, Mémoires, Paris, 1853 (1re éd. latine 1690), p. 226.
487 . E. Fléchier, Mémoires sur les Grands-Jours d’Auvergne, 1665, Paris,
Mercure de France, 1984 (1re éd. 1845), p. 90.
488 . Le Mercure galant, mai 1678, p. 108.
489 . Almanach (1641), cité par G. Bollème, La Bibliothèque bleue, Paris,
Julliard, coll. « Archives », 1971, p. 12.
490 . Almanach de Milan (1679), cité par J. Grand Carteret, Les Almanachs
français, 1600-1895, Paris, 1896, p. XXIII.
491 . Almanach (1641), op. cit., cité par G. Bollème, op. cit., p. 30.
492 . N. Chomel, op. cit., 1.1, p. 915.
493 . La Médecine et la Chirurgie des pauvres, Paris, 1714, p. 313.
494 . J. Callot, Les Grandes Misères de la guerre (18 eaux-fortes éditées en
1633) ; voir G. Sadoul, J. Callot miroir de son temps, Paris, Gallimard, 1969, p.
271.
495 . J. de La Bruyère, op. cit., p. 295 : « Ils vivent de pain noir, d’eau et de
racines. »
496 . Journal de Le Caron, agent des affaires de l’évêché de Beauvais, cité par P.
Goubert, Beauvais…, op. cit., t. I, p. 303, note.
497 . A. J. Le Prestre de Vauban, « Description de l’élection de Vézelay », in A.
M. de Boislisle, Mémoires de la généralité de Paris, Paris, 1881, p. 740.
498 . « Mémoire des commissaires du roi sur la misère des peuples et les
moyens d’y remédier », A. M. de Boislisle, op. cit., p. 783.
517 . J.-M. Mauriceau, La Population du sud de Paris aux XVIe et XVIIe siècles,
Université de Paris-I, 1978.
528 . A. Croix, La Bretagne aux XVIe et XVIIe siècles, la vie, la mort, la foi,
Paris, Maloine, 1981, t. II, p. 834.
529 . A. Dürer, Journal de voyage dans les anciens Pays-Bas (1520-1521),
Bruxelles, La Connaissance, 1970, p. 63.
530 . Ib., p. 93.
531 . P. Pomet, Histoire générale des drogues, 1695, p. 7.
532 . M. Charas, op. cit., p. 115.
533 . Voir A. Pardailhé-Galabrun, La Naissance de l’intime, 3 000 foyers
parisiens aux XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, PUF, 1988, p. 297.
534 . N. de Bonnefons, Les Délices de la campagne, Paris, 1654, p. 313.
535 . Y. Deslandes et J. Pinset, Histoire des soins de beauté, Paris, PUF, coll.
« Que sais-je ? », 1960, p. 56-57.
536 . N. de Blégny, Secrets concernant la beauté et la santé, Paris, 1689, t. I, p.
683 ; voir aussi A. Le Guerrer, Les Pouvoirs de l’odeur, Paris, F. Bourin, 1988.
537 . M. Charas, op. cit., p. 427.
538 . Grimmelshausen, Les Aventures de Simplex Simplicissimus, Paris, Aubier,
1983 (1re éd. 1668), p. 211.
539 . G. de Balzac, Lettres, Paris, 1626, p. 52.
540 . Cité par J. Charlier, La Peste à Bruxelles de 1667 à 1669, Bruxelles, 1969,
p. 15.
559 . C. Bontekoe, Suite des nouveaux éléments de médecine, Paris, 1698 (1re
éd. 1685), p. 186.
560 . D. Huet, op. cit., p. 189.
561 . J. Royer de Prade, Histoire du tabac où il est traité particulièrement du
tabac en poudre, Paris, 1677, p. 20 : avec l’usage du tabac, « la tête est plus saine et
mieux disposée ».
562 . J. Baudry, Jean Nicot à T origine du tabac en France, Lyon, La
Manufacture, 1988, p. 88.
563 . F. Ortiz, Cuban Couterpoint, Tabacco and Sugar, New York, Vintage
Books, 1970 (1ʳᵉ éd. 1940), p. 119.
564 . Arrêt du Parlement de Paris, 1624, Dom M. Félibien, Histoire de la ville
de Paris, Paris, 1707, t. III, p. 736.
565 . A. Benedicenti, Malati, medici et fermacisti, Milan, 1947, p. 659.
566 . Les Fumeurs, gravure de Saint-Igny, Paris, BN, Cabinet des Estampes.
567 . Les Fumeurs, gravure d’Abraham Bosse, Paris, BN, Cabinet des
Estampes.
568 . N. de Vigneul-Marville, Mélanges d’histoire et de littérature, Paris, 1725,
t. II, p. 32-33.
569 . C. Bontekoe, Suite…, op. cit., p. 112.
570 . J. Brunet, Le Bon Usage du tabac en poudre…, Paris, 1700, p. 35.
571 . J.-B. Poquelin, dit Molière, Dom Juan ou le Festin de pierre, 1665,
Théâtre complet, op. cit., p. 715.
572 . Cité par S. Blondel, Le Tabac, le livre des fumeurs et des priseurs, Paris,
1891, p. 197.
573 . E. Gondolffe, Le Tabac dans le Nord de la France. Historique 1587-1814,
Vesoul, 1910, p. 102.
574 . H. de La Garenne, Les Bacchanales ou les Lois de Bacchus, Paris, 1667, p.
58.
575 . J. Royer de Prade, op. cit., p. 127.
576 . Ib., p. 105.
577 . Cité par J. Néander, Traité du tabac, Lyon, 1626, p. 55.
578 . Ib., p. 53-54.
579 . R. d’Argenson, Rapports inédits (1697-1715), Paris, 1891, p. 134.
580 . Lettre du 5 août 1713, in Mélanges historiques, anecdotiques et critiques
sur la fin du règne de Louis XIV, Paris, 1807, p. 324.
581 . J.-B. Labat, op. cit., p. 256.
582 . O. de Préfontaine, Le Poète extravagant, avec l assemblée des filous et des
filles de joie, Paris, 1670, cité par E. Gondolffe, op. cit., p. 26.
583 . L. Ferrant, Traité du tabac en sternutatoire, Bourges, 1655, p. 23.
584 . « Lettre sur le remède anglais », Le Mercure galant, octobre 1680, p. 262
sq.
585 . L. F. de Bausset, Histoire de J.-B. Bossuet, Versailles, 1814, t. III, p. 336.
586 . J. Racine, Lettre du 24 août 1682, Lettres, Paris, 1747,1.1, p. 138.
587 . A. Vallot, A. d’Aquin, G. C. Fagon, op. cit., p. 211.
588 . L. de Saint-Simon, op. cit., t. XXIII, p. 197.
589 . J. Racine, Lettre, op. cit., 1.1, p. 138.
590 . N. de Blégny, Le Bon Usage…, op. cit., p. 143.
591 . G. d’Avenel, op. cit., t. V, p. 83.
592 . C. Bontekoe, Suite…, op. cit., p. 111.
593 . J. Brunet, op. cit., p. 3.
594 . L. de Saint-Simon, op. cit., t. XV, p. 242.
595 . Ib., t. VI, p. 41-42.
596 . Abbé de Choisy, op. cit., p. 297.
597 . Cité par A. Pardailhé-Galabrun, op. cit., p. 394.
598 . Id.
599 . Mémoires sur les fermes au xvme siècle, BN, ms français 7728.
600 . L. Chabouis, op. cit., p. 31.
601 . W. Schivelbush, op. cit., p. 36-37.
602 . J. C. Neimetz, Séjour à Paris, Leyde, 1727, p. 111.
603 . Cité par L. Chabouis, op. cit., p. 33.
604 . M. Wortley Montagu, Lettre du 1er avril 1717, citée par J.-F. de Raymond,
Querelle de l’inoculation ou Préhistoire de la vaccination, Paris, Vrin, 1982, p. 43.
605 . Ad.
606 . C. Maitland, Account of Inoculing the Small Pox, London, 1722, cité par
J.-F. de Raymond, op. cit., p. 44. Maitland est le chirurgien de Mary Montagu.
607 . M. Wortley Montagu, Lettre…, op. cit., p. 45.
608 . G. Buchan, Médecine domestique ou Traité complet des moyens de se
conserver en santé et de prévenir les maladies par le régime et les simples remèdes,
Paris, 1792 (1re éd. anglaise 1772), t. II, p. 198.
609 . J.-F. de Raymond, op. cit., p. 35.
610 . F. M. Arouet, dit Voltaire, Lettres philosophiques (1734), Œuvres
complètes, Paris, 1879, t. XXII, p. 115.
611 . M. Mathieu, Journal et Mémoires (1715-1737), Paris, 1863, t. III, p. 1.
612 . P. Darmon, La Longue Traque de la variole, les pionniers de la médecine
préventive, Paris, Librairie académique Perrin, 1986, p. 60.
613 . M. Marais, op. cit., t. III, p. 38.
614 . J. Buvat, Journal de la Régence (1715-1723), Paris, 1865, p. 431.
615 . P. Darmon, op. cit., p. 58.
616 . Dr Faust, Communication au congrès de Rastadt sur l’extirpation de la
petite vérole, 1798, cité par P. Darmon, op. cit., p. 39.
617 . Grimmelshausen, op. cit., p. 665.
695 . G. L. de Buffon, Œuvres, Paris, PUF, 1954 (1re éd. 1749-1767), p. 396.
696 . Abbé Galiani, Lettre du 5 septembre 1772, publiée in D. Diderot,
Œuvres…, op. cit., t. X, p. 951.
697 . C. de Peyssonnel, Les Numéros, Amsterdam, 1783, t. II, p. 12. Voir aussi :
« Dégradation de l’espèce par l’usage du corps à baleine », Journal oeconomique,
1771, p. 541.
698 . J. N. Dufort de Chevemy, op. cit., p. 186.
699 . Ib., p. 349.
718 . J.-J. Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, Paris, Garnier, 1960 (1re éd.
1760), p. 435.
719 . G. L. de Buffon, Correspondance générale, op. cit., t. II, p. 431, note.
720 . Gazette de santé, 1781, p. 73.
721 . J.-B. Pressavin, op. cit., p. 77.
722 . G. Buchan, op. cit., 1.1, p. 165.
723 . Cité par M. Onfray, Le Ventre des philosophes, critique de la raison
diététique, Paris, Grasset, 1989, p. 56.
724 . C. de Peyssonnel, op. cit., t.1, p. 83-84.
725 . G. Buchan, op. cit., t.1, p. 196.
726 . A. C. Cocchi, Régime de Pythagore, Paris, 1762, p. 40.
727 . Cité par K. Thomas, Dans le jardin de la nature, la mutation des
sensibilités en Angleterre à l’époque moderne, Paris, Gallimard, 1985 (1re éd.
anglaise 1983), p. 215.
728 . J. Cook, Voyages autour du monde (1772), J.-F. de La Harpe, Histoire
abrégée des voyages, Paris, 1780, t. XX, p. 212.
729 . N. Rétif de La Bretonne, Les Nuits…, op. cit., p. 942-943.
730 . L. A. de Bougainville, Voyage autour du monde par la frégate du roi la
Boudeuse… (1772), J.-F. de La Harpe, op. cit., t. XIX, p. 180-181.
731 . J.-B. Pressavin, op. cit., p. 69.
732 . J. F. Blumenbach, De l’unité du genre humain et de ses variétés, Paris,
1804 (1re éd. latine 1795), p. 80.
733 . H. L. Duhamel du Monceau, Moyens de conserver la santé des équipages
des vaisseaux avec la manière de purifier les salles d’hôpitaux, Paris, 1759, p. 151.
734 . L. S. Mercier, op. cit., t. XII, p. 150.
735 . H. L. Duhamel de Monceau, op. cit., p. 153.
736 . M. Toussaint Samat, Histoire naturelle et morale de la nourriture, Paris,
Bordas, 1987, p. 524.
737 . Varenne de Béost, Cuisine du pauvre, Dijon, 1772, p. 12.
738 . « Machine pour réduire en pâte des pommes de terre cuites pour en faire
du pain », ib., p. 23.
739 . A. A. Parmentier, Examen chimique de la pomme de terre, Paris, 1773.
740 . L. S. Mercier, op. cit., t. XII, p. 151.
741 . A. A. Parmentier, Rapport au ministre de l’Intérieur sur les soupes de
légumes dites à la Rumford (an VIII), A. A. Parmentier, Decandolle, Delessert,
Money, Recueil de rapports, de mémoires et d’expérience sur les soupes
économiques, Paris, 1801, p. 66.
742 . Affiches, Annonces et Avis divers, 1775, p. 187.
743 . Gazette de santé, 1785, p. 104.
744 . M. Toussaint Samat, op. cit., p. 525.
745 . F. Lebran, « La circulation des blés », in J. Delumeau et Y. Lequin, op. cit.,
p. 349.
746 . M. Gresset, Gens de justice à Besançon, 1674-1789, Paris, Bibliothèque
nationale, 1978, t. I, p. 312.
747 . G. Buchan, op. citv, t. I, p. 1.
748 . J.-J. Rousseau, L’Émile, Paris, Garnier, 1951 (1re éd. 1762), p. 39.
749 . Mme de Genlis, Leçon d’une gouvernante à ses élèves, Paris, 1791, t. II, p.
18.
750 . J.-J. Rousseau, L’Émile, op. cit., p. 38.
751 . Id.
763 . Mme de Sévigné, Lettre du 6 mai 1676, Correspondance, op. cit., t. II, p.
284.
764 . Lettre du 26 juin 1675, ib., 1.1, p. 743.
765 . « Gardez-vous bien de faire raser le petit marquis », ib., p. 741.
766 . M. Chevreul, Le Précis de l’art des accouchements, en faveur des sages-
femmes et des élèves en cet art, Angers, 1782, p. vu. Voir aussi J.-J. Baudelocque,
Principes sur l’art des accouchements par demandes et réponses en faveur des
sages femmes de la campagne…, Paris, 1775.
767 . F. Lebran, La Mort en Anjou, op. cit., p. 213-214.
768 . Cité par M. El Kordi, Bayeux aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Mouton,
1970, p. 113, n. 56 ; voir aussi J.-C. Perrot, Genèse d’une ville moderne, Caen au
XVIIIe siècle, Paris, Mouton, 1975, t. II, p. 896.
769 . S. A. Tissot, Avis au peuple sur sa santé, Paris, 1782 (1re éd. 1762), t. II,
p. 330.
770 . Cité par J.-C. Perrot, op. cit., t. II, p. 828.
775 .S. Haies, La Statique des végétaux et l’Analyse de l’air, Paris, 1735 (1re éd.
anglaise 1727) ; J. Arbuthnot, Essai sur les effets de l’air sur le corps humain,
Paris, 1742 (1re éd. anglaise 1733) ; A. Boissier de Sauvages, Dissertation où l’on
recherche comment l’air suivant ses différentes qualités agit sur le corps humain,
Paris, 1754.
776 . S. Haies, Description des ventilateurs par le moyen desquels on peut
renouveler facilement et en grande quantité l’air des mines, des prisons, des
hôpitaux…, Paris, 1744 (1re éd. anglaise 1743), p. XX.
777 . Lavoisier découvre le rôle de ce gaz en 1777, voir ici même p. 190.
778 . N. Gauger, La Mécanique du feu ou l’Art d’en augmenter les effets et d’en
diminuer la dépense, Paris, 1713, p. 29.
779 . Ib., p. 55.
780 . J. F. Blondel, L’Architecture française ou Recueil de plans, Paris, 1752-
1756, t. I, p. 239.
781 . Ib., t. I, p. 259. Voir l’état antérieur de certains de ces hôtels dans P. J.
Mariette, Architecture française, Paris, 1727, 2 vol.
782 . Ib., t. III, p. 87.
783 . « Soufflets pour appartements », Journal économique, 1770, p. 325.
784 . J. C. Pingeron, Manuel des gens de mer, Paris, 1789, t. II, p. 460.
785 . Ib., t. II, p. 357.
786 . S. A. Tissot, Avis au peuple…, op. cit., t. II, p. 60.
787 . A. Boissier de Sauvages, op. cit., p. 56.
788 . J. Arbuthnot, op. cit., p. 137.
789 . Gazette de santé, 1773, p. 201. Voir aussi A. Corbin, Le Miasme et la
Jonquille, Paris, Aubier, 1982, p. 29-30.
790 . Cité par G. Rattray Taylor, op. cit., p. 87.
791 . « La ventilation des vaisseaux », Gazette de santé, 1773, p. 222.
792 . A. Corbin, Le Miasme et la Jonquille, op. cit., p. 56.
793 . « La ventilation… », Gazette de santé, op. cit., p. 221.
794 . J. C. Pingeron, op. cit., t. II, p. 367.
795 . N. Jacquin, De la santé, ouvrage utile à tout le monde, Paris, 1762, p. 79.
796 . H. L. Duhamel du Monceau, op. cit., p. 80.
797 . L. S. Mercier, op. cit., t. VIII, p. 310.
798 . J. B. Baumes, De la phtisie pulmonaire, Montpellier, 1783, t. I, p. 1.
799 . J. D. Duplanil, note au texte de G. Buchan, op. cit., t. II, p. 113.
800 . B. Bender, Essai théorique et pratique sur la phtisie, Paris, 1759, p. 34.
801 . G. Buchan, op. cit., t. II, p. 113.
802 . La Gazette de santé, 1778, p. 87.
929 . « C’est dans le premier tiers du XIXe siècle que commence à se répandre
l’usage de carreaux aux fenêtres et éventuellement aux portes, protection non
négligeable contre l’invasion des moustiques », C. Beau-champ, op. cit., p. 225.
930 . A. d’Angeville, op. cit., p. 49.
931 . J. B. G. Barbier, Traité d’hygiène appliquée à la thérapeutique, Paris,
1811, t. II, p. 24.
932 . L. Rostan, Cours élémentaire d’hygiène, Paris, 1828 (1re éd. 1820), 1.1, p.
197.
933 . H. de Balzac, Le Médecin de campagne (1833), Œuvres complètes, op.
cit., t. II, p. 7.
934 . Ib., p. 10.
935 . Ib., p. 12.
936 . Ib., p. 9.
937 . Art. « Osmazone », Dictionnaire abrégé de sciences médicales, op. cit., t.
XII, p. 138.
938 . P. Bûchez et U. Trélat, op. cit., p. 128.
939 . Art. « Osmazone », Dictionnaire…, op. cit., p. 139.
940 . Hygie, 4 février 1826, s.p.
941 . Art. « Osmazone », Dictionnaire…, op. cit., p. 139.
942 . A. Gautier, Traité des aliments, Paris, 1828, p. 25.
944 . A. Dumas, Mes Mémoires, Paris, Laffont, coll. « Bouquins », 1989 (1re éd.
1853), 1.1, 1802-1830, p. 229.
945 . J. A. D. Ingres, Le Cavalier florentin, 1823, Courtesy of the Fogg Art
Muséum, Harvard University.
946 . E. Poe, L’homme qui était refait (1839), Contes, Essais, Poèmes, Paris,
Laffont, 1989, p. 398.
947 . Voir J. M. Moreau le Jeune, Rendez-vous pour Marly, env. 1770, BN,
Cabinet des Estampes.
948 . Voir « Jeune homme en habit et pantalon clair », Modes françaises, 1823,
BN, Cabinet des Estampes.
949 . G. N. Byron, Lettre du 15 juin 1811, citée par G. Matzneff, La Diététique
de Lord Byron, Paris, La Table ronde, 1984, p. 24.
950 . Lady Blesington, citée par G. Matzneff, ib., p. 29.
951 . H. de Balzac, « Le notaire », Les Français peints par eux-mêmes, op. cit.,
t. II, p. 105.
952 . E. Briffault, « Le député », ib., 1.1, p. 185.
953 . A. de Viguy, Journal (année 1831), Œuvres complètes, Paris, Gallimard,
La Pléiade, 1960, t. II, p. 937.
954 . H. Monnier, Les Mœurs administratives (1828), cité par R. Searle, C. Roy,
B. Bomeman, La Caricature, Art et Manifeste du XVIᵉ siècle à nos jours, Genève,
Skira, 1974, p. 145.
955 . Cité par J. Léonard, Archives du corps, la santé au XIXe siècle, Rennes,
Ouest-France, 1986, p. 206.
956 . Cité par H. Peyre, « Romantisme », Encyclopaedia Universalis, Paris,
1968, t. 14, p. 369.
957 . A. de Musset, La Confession d’un enfant du siècle (1836), Œuvres,
Genève, Fagot, 1973, p. 596.
958 . A. de Musset, A la Malibran, stances (1836), Œuvres complètes, Paris, t.
II, 1887, p. 149.
959 . H. de Balzac, La Peau de chagrin, Paris, Gallimard, coll. « Folio », (1ʳᵉ
éd. 1831), p. 62.
960 . A. Maurois, Prométhée ou la Vie de Balzac, Paris, Hachette, 1965, p. 181.
961 . L’inquiétude de Maine de Biran : « Je ne suis bien nulle part parce que je
porte en moi ou dans mon organisation une source d’affliction, de trouble, ou de
mal être permanents », M. F. P. Gontier (surnommé Maine) de Biran, Journal
intime (année 1818), Paris, 1927, t. II, p. 109. Voir aussi P. Pachet, Les Baromètres
de l’âme, naissance du Journal intime, Paris, Hatier, 1990.
962 . L. Figuier, « La race prussienne », L’Année scientifique, 1871, p. 199.
963 . « Le recensement de la population française », ib., 1867, p. 377, et
« Décroissance de la population française », ib., 1869, p. 412.
964 . G. Duveau, La Vie ouvrière en France sous le Second Empire, Paris,
Gallimard, 1946, p. 275.
965 . J. P. Thouvenin, Hygiène populaire, Paris, 1842, p. 18.
966 . T. Bécour, Des dangers de l’écrémage du lait, Lille, 1879, p. 26.
967 . J. Simon, L’Ouvrière, Paris, 1861, p. 138.
968 . P. Broca, Sur la prétendue dégénérescence de la population française,
Paris, 1867, p. 28.
969 . G. Lagneau, Situation de la population en France, Paris, 1873, p. 8.
970 . G. Le Bon, La Vie, physiologie humaine appliquée à l’hygiène et à la
médecine, Paris, 1874, p. 113.
971 . P. Bûchez, « Le traité des dégénérescences de B. A. Morel », in Annales
médico-psychologiques, 1857, p. 456.
972 . B. A. Morel, Traité des dégénérescences physiques, intellectuelles et
morales, Paris, 1857, 2 vol.
973 . E. Michelet, L’Amour, Paris, 1858, t. II, p. 124.
974 . « Arbre généalogique des Rougon-Macquart », É. Zola, Histoire naturelle
et sociale d’une famille sous le Second Empire, Paris, Laffont, coll. « Bouquins »,
1991 (1re éd. 1893), 1.1.
975 . P. Broca, op. cit., p. 28.
976 . Ib., p. 3.
995 . M. Lévy, Traité d’hygiène publique et privée, Paris, 1857 (1re éd. 1845), t.
II, p. 747.
996 . Ib., t. II, p. 748.
997 . J. Garin, op. cit., p. V.
998 . A. M. Barthélemy, Syphilis, Paris, 1840, p. 18.
999 . M. Lévy, op. cit., t. II, p. 750.
1000 . A. Bouchardat, Traité d’hygiène publique et privée, Paris, 1883 (1re éd.
1880), p. 938.
1001 . P. Yvaren, Des métamorphoses de la syphilis, Paris, 1854, p. 16.
1002 . J.-P. Rioux, Chronique d’une fin de siècle, France, 1889-1900, Paris, Éd.
du Seuil, 1991, p. 212.
1003 . J.-K. Huysmans, A rebours, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1991 (11e
éd. 1884), p. 193.
1004 . P. Yvaren, op. cit., p. 16.
1005 . Ib., p. 17.
1006 . A. Bouchardat, op. cit., p. 901.
1007 . Ib., p. 308.
1008 . J. P. Troncin, Préservation de la syphilis, Paris, 1851, p. 144.
1009 . F. Carlier, Études de pathologie sociale, les deux prostitutions, Paris,
1887, p. 121.
1010 . A. J. B. Parent-Duchâtelet, De la prostitution dans la ville de Paris,
considérée sous le rapport de l’hygiène publique, de la morale et de
l’administration, Paris, 1836,1.1.
1011 . Cité par C. Quétel, op. cit., p. 295.
1012 . D. Nourrisson, op. cit., p. 278.
1013 . M. Lévy, op. cit., t. II, p. 757.
1014 . H. Homo, Étude sur la prostitution dans la ville de Château-Gontier,
Château-Gontier, 1872, p. 42.
1015 . A. Riant, L’Instruction et la Santé, Paris, 1869, p. 38.
1016 . L. Figuier, L’Année scientifique, Paris, 1861, p. 345.
1017 . Cité par A. Becquerel, op. cit., p. 696.
1018 . La Tempérance, 1875, p. 384.
1019 . R. Picard, Dangers et Abus des boissons alcooliques, Paris, 1874.
L’ouvrage est tiré à 9 600 exemplaires.
1020 . Voir D. Nourrisson, op. cit., p. 241.
1021 . « Faire toucher du doigt tous les bénéfices résultant d’une vie régulière et
calme », in La Tempérance, 1873, p. 362.
1022 . J. Comby, « Physiologie et hygiène de l’enfance », Traité des maladies de
l’enfance, direction collective, Paris, 1897,1.1, p. 71.
1023 . Cité par J.-P. Rioux, op. cit., p. 168.
1024 . A. Riant, op. cit., p. 29.
1025 . P. Chevalier et B. Grospérin, L’Enseignement français de la Révolution à
nos jours, Paris, Mouton, 1971, t. II, Documents, p. 274.
1026 . Voir D. Nourrisson, op. cit., p. 247.
1027 . A. David-S au vageot, Monsieur Prévôt, Paris, 1894, p. 141.
1028 . La Tempérance, 1874, p. 292.
1029 . Cité par J.-P. Rioux, op. cit., p. 207.
1030 . M. Pagnol, La Gloire de mon père, Monte-Carlo, Pastorelly, p. 17.
1031 . P. Bert, La Machine humaine, Bordeaux, 1867, p. 6.
1032 . J. Marcy, La Machine animale, Paris, 1873, p. 12.
1033 . S. Carnot, Réflexions sur la puissance motrice du feu et sur les machines
propres à développer cette puissance, Paris, 1824.
1034 . M. Lévy, op. cit., 1.1, p. 240.
1035 . A. Bouchardat, op. cit., p. 648.
1036 . Ib., p. 651.
1037 . C. Boillet, « L’huile de foie de morue », Journal d’hygiène, 1877, p. 140.
1038 . C. Boillet, op. cit., p. 140.
1039 . A. Bouchardat, op. cit., p. 89.
1040 . Publicité « Dragées Meynet », Journal d’hygiène, 1ᵉʳ octobre 1875.
1041 . J. von Liebig, Traité de chimie organique, Paris, 1840-1843 (1re éd.
allemande 1838), 3 vol.
1042 . L. Figuier, L’Année scientifique, 1865, p. 346.
1043 . G. Le Bon, op. cit., p. 117.
1044 . A. Payen, Des substances alimentaires, Paris, 1853, p. 353-354 ; voir
aussi J. Cyr, Traité de l’alimentation, Paris, 1869, p. 302, et H. Letheby, Les
Aliments, Paris, 1869, p. 120.
1105 . J. Verne, Les 500 millions de la Bégum, Paris, Hachette, 1966 (1re éd.
1877), p. 158.
1106 . M. Nadeau, Mémoires de Léonard, ancien garçon maçon, Paris,
Hachette, 1976 (1re éd. 1895), p. 487.
1107 . L. Reybaud, Le Fer et la Houille, Paris, 1874, p. 46.
1176 . J. Renard, Journal 1887-1910, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1960 (1re éd.
1925), p. 117.
1237 . H. Rebell, Les Nuits chaudes du Cap français, Paris, « 10/18 », 1985 (1re
éd. 1901), p. 420.
1238 . Le Charivari, 20 juillet 1876.
1239 . J. Bois, La Femme inquiète, Paris, 1897, p. 115.
1240 . M. Bashkirtseff, op. cit., 1.1, p. 257.
1241 . G. Sée soutient vigoureusement l’usage de boissons abondantes dans les
« régimes d’amaigrissement », voir son Du régime alimentaire, traitement
hygiénique des maladies, Paris, 1887, p. 544.
1242 . P. Bourget, Cosmopolitis, Paris, 1893, p. 152.
1243 . M. Bashkirtseff, op. cit., 1.1, p. 257.
1244 . Le Petit Parisien, 11 juillet 1910.
1245 . Id.
1246 . É. Monin, Le Trésor médical de la femme, Paris, Maloine, 1910, p. 100.
1247 . G. Prouteau, Anthologie des textes sportifs de la littérature française,
Paris, 1948, p. 8.
1248 . M. Proust, À l’ombre des jeunes filles en fleurs (1918), A la recherche du
temps perdu, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1962,1.1, p. 791.
1249 . La Bicyclette (1893-1895), citée par C. Pasteur, Les Femmes à bicyclette
à la Belle Époque, Paris, France Empire, 1986, p. 196.
1250 . G. Audiot, Lettres à ma cousine, Paris, 1897, p. 75.
1251 . J. Isaac, Expérience de ma vie, Péguy, Paris, 1959, p. 126 ; voir aussi P.
Charreton, Les Fêtes du corps, histoire et tendances de la littérature à thème sportif
en France, 1870-1970, Saint-Étienne, CIEREC, Université de Saint-Étienne, 1985,
p. 35.
1252 . P. Daryl, « Les jeux scolaires », Le Temps, 3 octobre 1888.
1253 . Le Temps, 16 mai 1891.
1254 . La Vie au grand air, 1900, p. 570.
1255 . Ib., p. 582.
1256 . P. de Coubertin, Essais de psychologie sportive, Grenoble, Millon, 1992
(1re éd. 1913), p. 44.
1257 . Id.
1258 . G. Saint-Clair, Les Sports athlétiques, Paris, 1889 (1re éd. 1887), p. VII.
1259 . Voir G. Denis, Encyclopédie générale des sports et sociétés sportives en
France, Paris, 1946, p. 33 et 548.
1260 . Le Gaulois littéraire, 15 juin 1912.
1261 . Les études sont devenues nombreuses sur ce thème, voir, entre autres, P.
Arnaud, Le Militaire, l’Écolier, le Gymnaste, naissance de l’éducation physique en
France (1869-1889), Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1991, et A. Rauch, Le
Souci du corps, histoire de l’hygiène en éducation physique, Paris, PUF, 1983.
1262 . Manuel d’exercices physiques et de jeux scolaires, Paris, Ministère de
l’Instruction publique et des Beaux-Arts, 1892.
1263 . Le Temps, 28 novembre 1888.
1264 . L. Pasteur, Lettre à la Ligue nationale de l’éducation physique, Le Temps,
10 novembre 1888.
1265 . A. Collineau, La Gymnastique, Paris, 1884, p. 1.
1266 . Manuel d’exercices physiques, op. cit., p. 1.
1267 . Cité par E. Plantet et A. Delpy, Colonies de vacances et Œuvres du grand
air en France et à l’étranger, Paris, 1910, p. 27.
1268 . Ib., p. 27. Sur les colonies de vacances, voir A. Rauch, Vacances et
Pratiques corporelles, Paris, PUF, 1988.
1269 . E. Plantet et A. Delpy, op. cit., p. 78 et 129.
1270 . « Colonies de vacances », Revue d’hygiène, 1901, p. 810 ; voir aussi E.
Plantet et A. Delpy, op. cit., p. 29.
1271 . M. E. Cheysson, Préface au livre de L. Delpérier, Les Colonies de
vacances, Paris, 1908, p. 2.
1272 . L. Mayet, La Fiche médicale, op. cit.
1273 . Ib., p. 9.
1274 . P. Tissié, La Fatigue et l’Entraînement physique, Paris, 1897, p. 163-164.
1275 . E. Galtier-Boissière, op. cit., p. 46.
1276 . Le dispensaire antituberculeux est un centre de dépistage imaginé par R.
Philip à Londres en 1887. L’institution se charge de « conduire l’enquête médico-
sociale dans l’entourage du malade, donner des conseils d’hygiène et de
prophylaxie » (P. Sédaillan et R. Sohier, Précis d’hygiène et d’épidémiologie, Paris,
1949, p. 447). Le premier dispensaire français est créé par Calmette à Lille en 1901.
1277 . N. Murard, « Genèses de la protection sociale : l’assurance maladie »,
L’Homme et la Santé, op. cit., p. 71.
1278 . M. Ozouf, « Liberté, égalité, fraternité », Les Lieux de mémoire, sous la
direction de P. Nora, t. III, La France, 3, De l’archive à l’emblème, Paris,
Gallimard, 1992, p. 609.
1279 . E. Caustier et Mme Moreau-Bérillon, Hygiène à l’usage des élèves de
quatrième et de cinquième année de l’enseignement secondaire de jeunes filles,
Paris, 1910, p. 168.
1280 . L. Bourgeois, La Politique de la prévoyance, Paris, 1914, t. I, p. 57.
1283 . P. Courmont et A. Rochaix, Précis d’hygiène, Paris, 1932 (1re éd. 1912),
p, 870.
1284 . É. Duclaux, L’Hygiène sociale, Paris, 1902, p. 144.
1285 . H. Landouzy, Cure de sanatorium simple et associée, Paris, 1899, cité par
A. C. Tartarin, op. cit., p. 4.
1286 . L. Bourgeois, op. cit., 1.1, p. 32.
1287 . « Résultats obtenus dans les sanatoriums », Le Bulletin médical,
1900,1.1, p. 360 sq.
1288 . J. Courmont et A. Rochaix, op. cit., p. 874.
1289 . É. Duclaux, L’Hygiène sociale, op. cit., p. 94 sq.
1290 . Voir ici même p. 193.
1291 . F. Ewald, op. cit., p. 336.
1292 . N. Murard, op. cit., p. 69.
1293 . F. Netter, La Sécurité sociale et ses principes, Paris, Sirey, 1959, p. 17.
1294 . F. Ewald, op. cit., p. 344.
1295 . Art. 6 de l’arrêté du 18 décembre 1848, cité par A. Palmberg, Traité
d’hygiène publique, Paris, 1891, p. 292.
1296 . A. Éilassier, Détermination des pouvoirs publics en matière d’hygiène,
Paris, 1899, p. 136.
1297 . L. Dufestel, Guide pratique du médecin-inspecteur des écoles, Paris,
1910.
1298 . Art. 8 de la loi du 15 février 1902 « relative à la protection de la santé
publique », cité par J. Courmont et A. Rochaix, op. cit., p. 41.
1299 . L. Bourgeois, Discours au comité consultatif d’hygiène publique de la
France (14 juin 1889), cité par H. Monod, La Santé publique, législation sanitaire
de la France, Paris, 1904, p. 9.
1300 . L. Bourgeois, op. cit., t. II, p. 178.
1301 . H. Monod, op. cit., p. 8.
1302 . La Santé publique, le titre du livre d’H. Monod, op. cit., en est l’exemple,
de même que le titre de la loi de 1902 sur la « santé publique ».
1303 . L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, Paris, 1924, t. III, p. 459.
1304 . M. de Fleury, Introduction à la médecine de l’esprit, Paris, 1898, p. 210.
1305 . J.-K. Huysmans, op. cit., p. 169.
1306 . O. Mirbeau, Les Vingt et Un Jours du neurasthénique, Paris, 1901, p.
201.
1307 . Cité par P. Tissié, La Fatigue et l’Entraînement physique, Paris, 1897, p.
121.
1308 . Voir ib., p. 122.
1309 . M. Guyau, Éducation et Hérédité, Paris, 1889, p. 103.
1310 . A. Mosso, La Fatigue intellectuelle et physique, Paris, 1896, p. 185 sq.
1311 . A. Proust et G. Ballet, Hygiène du neurasthénique, Paris, 1895.
1312 . Ib., p. 10.
1313 . Cité par M. Guyau, op. cit., p. 95.
1314 . Y. Lequin, « Les chances inégales d’une nouvelle société », in Histoire
des Français, op. cit., t. II, p. 329.
1315 . Le Temps, 26 juillet 1890.
1331 . S. Sontag, Le Sida et ses métaphores, Paris, Bourgois, 1989 (1re éd.
américaine 1988), p. 113.
1332 . C.-B. Blouin, É. Chimot, J. Launère, op. cit., p. 167.
1333 . J. Boyer, Précis de médecine préventive et d’hygiène, Paris, Baillère,
1973, p. 586.
1334 . Ib., p. 619.
1335 . B. Asselain, « Cancers », Santé publique, sous la direction de G. Brucker
et D. Fassin, Paris, Ellipse, 1989, p. 369.
1336 . Libération, 20 janvier 1992.
1337 . C. Got, La Santé, Paris, Flammarion, 1992, p. 159.
1338 . Marc Houvenaeghel, « Le dernier des fléaux », Autrement, n° 130,
L’Homme contaminé, op. cit.
1339 . « En Alabama, le sida fait prison à part », Libération, 8 février 1988.
1340 . Le Monde, 19 octobre 1992.
1341 . Ib., 10 septembre 1992.
1342 . M. Pollak, Les Homosexuels et le Sida, sociologie d’une épidémie, Paris,
A.-M. Métaillé, 1988, p. 178.
1343 . « Le confort bourgeois des maisons closes », Le Monde, 13 juin 1990.
1344 . Libération, 12 février 1992.
1345 . Interview de Catherine Breton, directrice d’un centre de dépistage
anonyme et gratuit, Libération, 1er avril 1992.
1346 . Interview de Willy Rozenbaum, Unité de maladies infectieuses, hôpital
Rothschild, Santé-Magazine, août 1992, p. 47.
1391 . J. Ruffié, « Vers une médecine prédictive », Le Monde, 1er fév. 1989.
1392 . Publicité pour le magazine Que choisir, Que choisir santé, Paris,
septembre 1992, p. 53.
1393 . L’Audience de la presse magazine, résultats du cumul, 5 vagues, mai
1991-avril 1992, Paris, Centre d’études des supports de publicité, 2 juillet 1992.
1394 . Ib., 11 février 1993 (cumul de cinq vagues, janvier 1992 et décembre
1992).
1395 . Santé-Magazine, Paris, octobre 1992, p. 46.
1396 . Prévention santé, Paris, août 1992, p. 84.
1397 . Santé-Magazine, Paris, septembre 1992.
1398 . Réponse à tout santé, Paris, août 1992, p. 8.
1399 . Réponse à tout santé, Paris, juillet 1992, p. 34.
1400 . P. Aïach, « Morbidité », Santé publique, op. cit., p. 360-361.
1401 . « Tendances démographiques », L’État de la France 1998, Paris, La
Découverte, 1992, p. 16.
1402 . « Éditorial », Santé-Magazine, août 1992, p. 9.
1403 . Santé-Magazine, septembre 1992, p. 59.
1404 . Ib., août 1992, p. 113.
1405 . Santérama, n° 6, 1992, p. 78.
1406 . Top santé, juin 1992, p. 81.
1407 . « Divertissez-vous avec nos jeux santé », Le Journal des Français, santé,
sept.-octobre 1992, p. 25.
1408 . « Gagnez des séjours dans des écoles du dos », Santé-Magazine, août
1992, p. 38.
1409 . Ib., août 1992, p. 70.
1410 . Ib., septembre 1992, p. 16.
1411 . Ib., février 1992, p. 99.
1412 . Vrai santé, n° 3, 1992.
1413 . Ib., octobre 1992, p. 48.
1414 . Plante santé, juill.-août 1992, p. 81.
1415 . Affiche pour le magazine Réponse à tout santé, janvier 1993.
1416 . Mieux être en 1 000 questions, sous la direction de Josette Rousselet-
Blanc, Paris, Flammarion, 1992.
1417 . Que choisir santé, n° 22, 1992, p. 55.
1418 . Santé-Magazine, septembre 1992, p. 46.
1419 . Vital, août 1992, p. 50.
1420 . Santé-Magazine, juillet 1992, p. 10.
1421 . Réponse à tout santé, juillet 1992, p. 7.
1422 . Santé-Magazine, août 1992, p. 31.
1423 . « Nous sommes voués à vivre désormais à nu et dans l’angoisse ce qui
nous fut plus ou moins épargné depuis le début de l’aventure humaine par la grâce
des dieux », M. Gauchet, Le Désenchantement du monde, une histoire politique de
la religion, Paris, Gallimard, 1985, p. 302.
1424 . Santé-Magazine, octobre 1992, p. 22.
1425 . Santé plus, juillet 1992, p. 19.
1426 . J.-J. Courtine, « Les stakhanovistes du narcissisme », Communication,
n° 56, Le Gouvernement du corps, 1993, p. 241.
1427 . Réponse à tout santé, juillet 1992, p. 37.
1428 . Dynasteurs, décembre 1991, p. 3.
1429 . Manageurs Afrique, févr.-mars 1993, p. 16.
1430 . 300 médicaments pour se surpasser physiquement et intellectuellement,
Paris, Balland, 1988 ; voir sur ce thème le livre d’Alain Ehrenberg, Le Culte de la
performance, Paris, Calmann-Lévy, 1991, en particulier « L’individu sous
perfusion », p. 252.
1431 . Ib., p. 15.
1432 . B. Lucchini, « Le marché de la réussite », Challenge, octobre 1986, cité
par A. Ehrenberg, op. cit., p. 211.
1433 . A. Ehrenberg, op. cit., p. 203. A. Ehrenberg ajustement insisté sur cette
dernière figure de la réussite : « Avoir pour ambition de devenir soi-même,
identifier être soi-même et être le meilleur… c’est souligner aussi que les modèles
de réussite qu’on vous présente ne sont pas lointains » (Ib., p. 200).
1434 . Défis, entreprendre et réussir, n° 103, février 1993, p. 24.
1435 . A. Ehrenberg, op. cit., p. 200.
1436 . Top santé, juin 1992, p. 73.
1437 . D. Bell oppose justement l’hédonisme consommatoire et « la rationalité
fonctionnelle » qui le permet, voir Les Contradictions culturelles du capitalisme,
Paris, PUF, 1979 (1re éd. américaine 1976), p. 94.
1438 . « Autoportrait d’un hédoniste », publicité pour Honda, Dynasteurs,
décembre 1991, p. 23.
1439 . « La France tranquillisée », Le Monde, 9 janvier 1991.
1440 . J.-F. Solal, « Les médicaments psychotropes ou la dépendance
confortable », Individus sous influence, drogues, alcools, médicaments
psychotropes, sous la direction d’A. Ehrenberg, Paris, Editions Esprit, 1991, p. 212.
Pour le cas des sédatifs et la mise à distance de sollicitations devenues trop
pressantes, voir aussi l’analyse d’O. Mongin, op. cit. (en particulier « La passion
extrême, la grande glissade du toxico », p. 89).
1441 . Cité par R. Issaad et M. Grémillon, La Dictature d’Hippocrate, Paris,
Denoël, 1992, p. 105.
1442 . Plante santé, juill.-août 1992, p. 15.
1443 . Ib., p. 13.
1444 . Plante santé, sept.-octobre, 1992, p. 16.
1445 . « Les médicaments », in C. Got, La Santé, op. cit., p. 314 sq.
1446 . J. Vautrin, « Rosa, comment dire », Nouvelles Nouvelles, n° 10, 1988, p.
90.
1447 . Top santé, juillet 1992, p. 15.
1448 . Santéplus, n° 6, 1992, p. 15.
1449 . Réponse à tout santé, août 1992, p. 84.
1450 . G. Simenon, Maigret à Vichy, Paris, Gallimard, 1968.
1451 . C. Rihoit, Le Bal des débutantes, Paris, Gallimard, 1978.
1452 . L. Bichon, « Les produits allégés », in H. Dupin et al., Alimentation et
Nutrition humaines, Paris, E. S. F., 1992, p. 1117.
1453 . C. Fishler, L H omnivore, Paris, Odile Jacob, 1989, voir « La société
lipophobe », p. 297.
1454 . Cuisinons, idées recettes, n° 11, 1992, p. 1.
1455 . S. et J. de Rosnay, La Malbouffe, comment se nourrir pour mieux vivre,
Paris, Éd. du Seuil, coll. « Points Actuels », 1981, p. 65-66.
1456 . Ib., p. 50.
1457 . Top santé, n° 21, 1992, p. 98.
1458 . J. Rousselet-Blanc, op. cit., p. 339.
1459 . M.-J. Houareau, « Les techniques du corps », L’Encyclopédie pour mieux
vivre, op. cit., p. 405.
1460 . M. Feldenkrais, La Conscience du corps, Paris, Laffont, 1971 (1re éd. Tel
Aviv 1967), p. 57.
1461 . J. Syer et C. Connoly, La Préparation psychique du sportif, le mental
pour gagner, Paris, Laffont, 1988 (1re éd. anglaise 1984), p. 62.
1462 . Vrai santé, n° 1, 1992, p. 18.
1463 . R. M. Pirsig, Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes, Paris, Éd.
du Seuil, 1978 (1re éd. américaine 1974), p. 273.
1464 . K. Tokitsu, Méthode des arts martiaux à mains nues, Paris, Robert
Laffont, 1987, p. 54.
1465 . J.-M. Salètes, « Les techniques de relaxation », L’Encyclopédie pour
mieux vivre, op. cit., p. 70.
1466 . J.-M. Bourre, La Diététique du cerveau, de l’intelligence et du plaisir,
Paris, Odile Jacob, 1990.
1467 . Ib., texte de couverture.
1468 . « Interview du professeur Jean-Marie Bourre », Top santé, juin 1992, p.
20-21.
1469 . J.-J. Brochier, Je fume et alors ?, Paris, Les Belles-Lettres, 1990, p. 84.
1470 . M. Rosenheim, « Tabagisme », Santé publique, op. cit., p. 568 et 570.
1471 . Le Monde, 2 sept. 1992.
1472 . « Ordonnance européenne et cancer, sida et drogue », Libération, 14
novembre 1989.
1473 . A. K. Armitage et al., La Fumée des autres, Paris, Manya, 1991.
1474 . J.-F. Lemaire, Le Tabagisme, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1992
(1re éd. 1980), p. 58.
1475 . Titre du Point, 24 juin 1985.
1476 . Libération, 8 avril 1989.
1477 . P. Bruckner, La Mélancolie démocratique, Paris, Éd. du Seuil, « Points
Roman », 1992, p. 88-89.
1478 . « Tabac, cohabitation », Libération, 16 février 1992.
1479 . Le Monde, 5 juillet 1990.
1480 . Id. ; voir aussi P. Rayaud, « No smoking », Le Débat, nov.-décembre
1990, et G. Lipovetsky, Le Crépuscule du devoir, V éthique indolore des nouveaux
temps démocratiques, Paris, Gallimard, 1992 (en particulier « La croisade
antitabac », p. 106). Une réflexion d’ensemble est proposée dans Santé publique et
Libertés individuelles, sous la direction d’É. Malet, Paris, Passages, 1993.
1481 . Le Monde, 15 novembre 1989.
1482 . R. Marteau, « Alcoolisme », Santé publique, op. cit., p. 559.
1483 . P. W. Hubert, Liability, the Legal Révolution and its Conséquences, New
York, Basic Books Inc. Publishers, 1988.
1484 . Voir ici même p. 245.
1485 . L. Engel, Les Nouvelles Frontières de la responsabilité civile, Paris, Note
de la fondation Saint-Simon, 1993. Le texte de L. Engel est central sur ce thème.
1486 . Ib., p. 18.
1487 . « Les risques thérapeutiques restent sans loi », Libération, 17 mars 1993.
1488 . F. Ewald, Le Problème français des accidents thérapeutiques, enjeux et
solutions, rapport à M. Bernard Kouchner, ministre de la Santé et de l’Action
humanitaire, Paris, 1992.
1489 . « Une société sur la défensive », Le Monde, 19 mars 1993.
1490 . F. Ewald, cité par Libération, 17 mars 1993.
1491 . L’État de la France et de ses habitants, Paris, La Découverte, 1987, p.
38.
1492 . J.-M. Normand, Les Mains dans le cambouis pour réparer la Sécu, Paris,
Régine Desforges, 1992, p. 16.
1493 . Le Monde, 16 octobre 1992.
1494 . M. Lépinay, SECU, faillite sur ordonnance, Paris, Calmann-Lévy, 1991,
p. 233.
1495 . Le Monde, 16 octobre 1992.
1496 . Voir note 40.
1497 . C. Got, interview, Le Monde, 17 juin 1992.
1498 . W. Dab, « Épidémiologie », Santé publique, op. cit., p. 30.
1499 . I. Chapellière, Où va la protection sociale ?, Paris, Syros Alternative,
1989, p. 126.
1500 . Ib., p. 73.
1501 . S. Nora, « Sécurité sociale : de l’impasse à la réforme ? », Le Débat,
septembre 1983, p. 144.
1502 . « Le rapport de P. Lazar », Le Monde, 16 novembre 1990. Voir encore le
constat d’Alexandre Vatimbella : « Actuellement, malgré les déclarations
fracassantes, les pouvoirs publics consacrent moins de 3 % du total des dépenses de
santé en faveur de la médecine prédictive et préventive » (Santé et Économie, Paris,
Syros, coll. « Alternative économique », 1993, p. 122)
1503 . Texte ajouté pour la présente édition de 1999.
1504 . Voir M. Tubiana, « D’une médecine de soins à une médecine de santé »,
Les Chemins d’Esculape, histoire de la pensée médicale, Paris, Flammarion, 1995,
chap. vin.
1505 . J.-F. Girard, avec la collab. de J.-M. Eymeri, Quand la santé devient
publique, Paris, Hachette, 1998, p. 203.
1506 . Voir ici-même, p. 296 et la note 48.
1507 . Le Procès du sang contaminé, Le Monde, tiré à part, mars 1999, p. 8.
Jean Baptiste Brunet, épidémiologiste, était en charge du sida à la direction de la
santé en 1985.
1508 . A. Morelle, La Défaite de la santé publique, Paris, Flammarion, 1996, p.
118. Voir aussi M. Setbon, Pouvoir contre sida, op. cit. qui, le tout premier,
évoquait déjà ces conséquences dans un ouvrage de 1993.
1509 . Voir « Les cinq grands dossiers de l’affaire », Le Monde, Le procès…, op.
cit., p. 15. Ces cinq affaires, autant le rappeler, portent sur : 1, la sélection chez les
donneurs de sang, 2, le dépistage des dons du sang, 3, le chauffage des produits
antihémophiliques, 4, le rappel des stocks (non inactivés ou non testés) après la
publication des arrêtés de juillet 1985, 5, le rappel des transfusés.
1510 . J.-F. Girard, op. cit., p. 132.
1511 . B. Kriegel, Le Sang, la Justice, la Politique, Paris, Plon, 1999, p. 11.
1512 . W. Rozembaum et al., Sida, réalités et fantasmes, Paris, POL, 1984, p.
126 et 127.
1513 . Voir ici même « Le scénario du fléau majeur », p. 288.
1514 . J. Bernard, Audition devant la commission d’enquête de l’Assemblée
nationale, 2 décembre 1992.
1515 . « Chronique d’une négligence d’État », Le Monde, 6 avril 1996.
1516 . Id.
1517 . Voir J.-F., Girard, op. cit., p. 170.
1518 . Voir, entre autres, D. Fassin, L’Espace politique de la santé. Essai de
généalogie, Paris, PUF, 1996, en particulier « L’expansion de la santé publique », p.
256.
1519 . « Un arrêt de la Cour de cassation modifie le cours de l’affaire du sang
contaminé », Le Monde, 4 juillet 1998.
1520 . Voir O. Beaud, Le Sang contaminé, Paris, PUF, 1999, entre autres, le
chap. « Du drame au procès des ministres ».
1521 . Voir les jugements de 1992 et 1993 cités ici même p. 295.
1522 . Bull, de la cour de cassation, 2 juillet 1998.
1523 . « Le fait d’accepter par avance ces morts inéluctables du fait du grand
nombre d’acquéreurs de ces produits caractérise l’intention homicide », affirme le
juge M.-O. Bertella-Geffroy dans son ordonnance de renvoi du 20 mai 1999, Le
Monde, 22 mai 1999.
1524 . « Action de lobbying au mépris des intérêts de la santé publique », dit
encore la même ordonnance de renvoi, id.
1525 . Voir O. Beaud, op. cit., p. 66.
1526 . Voir P. Mazeaud, « Le sens des mots », Le Monde, 8 octobre 1993.
1527 . I. Théry, « Sida : l’emballement », Esprit, août-septembre 1995, p. 218.
1528 . « L’affaire du sang contaminé devenait le terreau idéal pour l’éclosion
d’un mouvement de diabolisation », A. Morelle, op. cit., p. 167.
1529 . B. Kriegel, op. cit., p. 112.
1530 . R. Badinter, Les Ministres d’avant la justice, Association française pour
l’histoire de la justice, Paris, Actes Sud, 1997, Préface, p. 15.
1531 . Procureur général Burgelin, Réquisitoire, Cour de justice de la
République, 11 mars 1997, p. 79.
1532 . A. Garapon, « Pour une responsabilité civique », Esprit, mars-avril 1999,
p. 245.
1533 . Id.
1534 . Voir Code de la santé publique, Paris, Dalloz, 1997, p. 446.
1535 . Voir ib., p. 461.
1536 . Voir ib., p. 1121.
1537 . Voir ib., p. 329.
1538 . Voir « Sang contaminé et responsabilité politique », Le Monde, 28 juillet
1998.
1539 . Loi n° 98-535, Journal officiel, 2 juillet 1998.
1540 . « Après la vache folle les légumes mutants ? », Courrier international,
n° 439, avril 1999.
1541 . F. Stasse, « Comment maîtriser les dépenses de santé ? », État-
providence, arguments pour une réforme, ouvr. coll., Paris, Gallimard, coll. « Le
Débat », 1996, p. 281.
1542 . J.-F. Girard, op. cit., p. 223.
1543 . Voir « Réformer enfin l’assurance-maladie », Le Monde des Débats, mai
1999.
1544 . Les Échos, 14-15 mai 1999.
1545 . Voir, entre autres, J.-N. Kapferer, « Comportements du consommateur-
médecin », La Revue française de marketing, 1998, n° 165.
1546 . G. Johanet, « Sécurité sociale : une réforme sous condition », Esprit,
février 1997, p. 18.
1547 . Ib., p. 19.
1548 . B. Majnoni d’Intignano, « La performance qualitative du système de
santé français », Rapport de M. Mougeot, Régulation du système de santé, Paris, La
Documentation française, 1999, p. 112.
1549 . F. Stasse, « Assurance maladie : l’état d’urgence », État providence,
arguments…, op. cit., p. 363.
1550 . Voir J.-F. Girard, op. cit., p. 224.
1551 . B. Roussille, « Introduction », Éducation pour la santé pour mieux vivre.
Baromètre santé adultes, 95-96, sous la dir. de F. Baudier et J. Arènes, Vanves, éd.
CFES, 1997, p. 9.
1552 . B. Kouchner, « La santé est un tout », Préface, La Santé en France, 1994-
1998, Paris, La Documentation française, 1998, p. 4.
1553 . F. Stevens et al., « Health life-styles, health concern and social position in
Germany and The Netherlands », European Journal of Public Health, 1995, n° 5, p.
28.
1554 . J. Arènes, P. Guibert, M.-P. Janvrin, « Approche globale des attitudes et
comportements de santé », Éducation pour la santé pour mieux vivre, op. cit., p. 32.
1555 . Voir sur le thème des comportements à risques des jeunes et des
adolescents en particulier, Haut Comité de la santé publique, Santé des enfants,
santé des jeunes, Paris, HCSP, 1997.
1556 . Voir « De la nécessité d’une démarche éthique », D. Castiel, Économie et
Santé, quel avenir ?, Paris, éd. Management, 1999, p. 92.
1557 . Voir « Étude globale des interrelations entre les comportements et les
attitudes de santé », J. Arènes, P. Guibert, M.-P. Janvrin, « Approche globale… »,
op. cit., p. 51.
1558 . Service de promotion de la santé en faveur des élèves du Val-de-Marne,
Créteil, Rapport annuel, année 1993-1994, Créteil, 1994, p. 67-68.
1559 . Nos jeunes et leur santé, opinions, comportements des 11, 13 et 15 ans au
Canada et dans 10 autres pays, Ministère de la santé et du bien-être social, Ottawa,
1992.
1560 . Voir G. Vigarello, « L’éducation pour la santé, une nouvelle attente
scolaire », Esprit, février 1997.
1561 . L. Sfez, La Santé parfaite, Paris, Seuil, 1995.
Table of Contents
Préface
Introduction
PREMIÈRE PARTIE - OBÉIR AU COSMOS XIIIe-XVIe
SIÈCLE
CHAPITRE I - La force des contacts
1. Un mal exemplaire
D’un mal repérable au mal obscur
L’analogie du cadavre
Les humeurs font le corps
2. Les joyaux de santé
Le contact préservateur
Poudres de perles et liqueurs d’or
3. Épices et aromates
Les épices et l’épurement
Une résonance mythique
La force du goût
La boisson « extrême »
Une valorisation sociale
CHAPITRE II - L’ordre du monde
1. Le régime et les astres
« Modération » et choix alimentaire
Les références cosmiques
La vertu des bombances
Les deux pôles défensifs : densité et
épurement
2. Fléaux et corps ouverts
Le venin de l’air
Les corps poreux
CHAPITRE III - Contre le cosmos, le régime
1. L’air ou la contagion ?
Le premier principe contagieux
Le choix de l’air
2. La faim adoucie ?
Les lourdeurs jugées excessives
La « moindre » valorisation de
l’aliment
3. Modération et amour de la vie
L’inquiétude et l’éphémère
Une tempérance profane
Présence du régime alimentaire
La médecine de soi-même
4. Un régime des pauvres ?
L’image du pauvre
Nourritures sordides
5. Les voies d’un affranchissement
La dénonciation des joyaux
protecteurs
Un affranchissement du cosmos
6. Analogies « mécaniques »
L’alambic et la distillation
La « république » du corps
DEUXIÈME PARTIE - ÉVACUER LES HUMEURS XVIIe
SIÈCLE
CHAPITRE I - Mécanique corporelle et évacuation
1. La régulation mécanique
Le régime alimentaire ou
l’évacuation ?
La force et la saignée
Machine et régulation
2. Flux plus divers, flux plus subtils
La diversification des flux
Les évacuations invisibles
De l’élixir au linge blanc
3. La graduation des maux
Épidémie et représentation «
immobile »
Le fourmillement de l’air
L’ « état » des vaporeux
4. L’épurement des humbles
La santé des almanachs
Un modèle de pensée
Le poids de la vie
CHAPITRE II - Plantes épurantes et consommations
d’agrément
1. L’« adoucissement » des aromates
Compotes et sirops
Diversité des parfums
2. Les plantes spirituelles
La fève du Levant
La « prise » et la fumée
L’effet prime le goût
3. Du remède à l’agrément
Consommations instituées
L’excitant et la sociabilité
TROISIÈME PARTIE - RÉSISTER ET ENDURCIR XVIIIe
SIÈCLE
CHAPITRE I - La force des fibres
1. Le « courage » d’inoculer
Une figure du mal
La querelle de l’inoculation et le
prosélytisme
Un geste symbole
2. Un corps fait de fibres
La fibre et l’humeur
Les formes nerveuses de l’inquiétude
CHAPITRE II - Endurcir
1. L’affermissement et le progrès
L’évacuation et l’affaiblissement
La nature et le froid
Dégénération et progrès
L’exercice et la fibre
2. L’aliment rustique
Frugivores et carnirores
Féculents du pauvre
3. Une pédagogie réactive
Le renforcement graduel
Âges et vie
CHAPITRE III - Les ressources de l’air
1. Le renouvellement de l’air
Les « commodités »
Le souffle des foules
2. Prévenir le mal des poitrinaires
La morphologie inquiétante
L’air préservateur de phtisie
3. Le triomphe de l’espace et de l’air
La différence des lieux
Les médecins de la prévention
Les médecins du social
L’air qui « prolonge la vie »
4. Assurances et prévisions
Chiffrer le risque
L’assurance et l’ouvrier
QUATRIÈME PARTIE - LA FORCE DE SOI, LA FORCE
DES AUTRES XIXe SIÈCLE
CHAPITRE I - Espace intime et espace public
1. L’état « industriel » et l’initiative publique
Décisions de gouvernement
La vaccine et le réseau
2. La puissance vitale et le travail
La force des citadins
La « force » organique
3. Les prémices du confort
Premiers objets du « confort »
Civilisation et « force » alimentaire
La santé romantique
CHAPITRE II - L’invention de l’énergie
1. Le spectre d’une dégénérescence
Les hérédités malsaines
Fléaux dégénératifs et morale
préventive
Protection de soi, protection de l’État
De la moralisation des maux à la
pédagogie
2. L’énergie qui protège
L’aliment, le poumon, l’énergie
Travail et viande de cheval
Les métamorphoses du souffle
Un principe « total »
3. L’énergie, la ville, le travail
La ville drainée
Du travail régénéré au travail «
protégé »
4. L’archaïsme de l’élixir
Les potions publicitaires
L’ambiguïté des toniques
CHAPITRE III - De l’hygiène des lieux à l’hygiène
mentale
1. « Maladies évitables »
Les dangers invisibles
Une invasion ?
Les microbes et les mœurs
2. L’espace « sanitaire »
Le « génie sanitaire »
Habitation et initiatives publiques
3. Le « malingre » et le « charnu »
Sveltesses et dénudements
Les « sommets de l’extrême santé
1247 »
L’assistance et le malingre
4. Concurrence et solidarité, psychologie fin de
siècle
L’assurance maladie
Le resserrement du réseau
Concurrence et prévention
psychologique
CINQUIÈME PARTIE - MIEUX-ÊTRE ? XXe SIÈCLE
Mieux-être ?
1. Le sida, la prévention, la responsabilité
Le scénario du fléau majeur
« Responsabiliser »
Éduquer
Zones d’ombre
2. La santé « indéfinie »
« Faites votre auto-contrôle 1376 »
Des facteurs de risque à
l’individualisation génétique
Une santé « consommée »
Les exigences du « mieux-être »
Une combinaison de modèles
3. Le défi politique
Un conflit de libertés
Le renouvellement des risques et la
responsabilité
Un conflit de solidarités
Procès, réformes, responsabilités Les interrogations
d’aujourd’hui
1. Affaires nouvelles, modèles anciens
2. Des « catastrophes » sanitaires à l’imbroglio
judiciaire
3. Les dépenses de santé, réforme impossible ?
4. Une culture en mal d’unité
Conclusion
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