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E-ISSN : 2665-7511
https://revues.imist.ma/?journal=AME
Résumé :
« Dans les entreprises industrielles, la part des achats se situe généralement dans une fourchette
autour de 60 % du chiffre d’affaires » (Bruel & Ménage, 2019). Les recherches antérieures
suggèrent que la pertinence des achats est motivée par sa capacité à développer des pratiques
stratégiques. Cet article contribue au débat en cours et propose un modèle conceptuel qui répond
à l’interrogation suivante : Quel est l’impact du statut de la fonction achats sur l’efficience des
entreprises ?
La motivation de ce travail est de proposer un modèle original qui relie les quatre concepts
suivants : statut de la fonction achats (variable indépendante), efficience des entreprises (variable
dépendante), pratiques d’achats (variable médiatrice) et maturité des achats (variable
modératrice). Pour ce faire, nous avons opté pour la démarche scientifique classique post-
positiviste fondée sur une approche hypothético-déductive.
Au départ, une mise au point est nécessaire sur les modèles développés par la littérature, les
concepts sont opérationnalisés, le modèle est conçu et les hypothèses sont déterminées. Les
recommandations rassemblées à partir de la littérature constituent la base du modèle conceptuel
proposé.
Mots clés : Statut de la fonction achats, performance en termes des économies des coûts,
pratiques d’achat stratégiques, maturité de la fonction achats.
"In industrial companies, the share of purchases is generally in a range of around 60% of turnover"
(Bruel& Ménage, 2019). Previous research suggests that purchasing relevance is driven by its
ability to develop strategic practices. This article contributes to the ongoing debate and proposes
a conceptual model that answers the following question: What is the impact of the status of the
purchasing function on the efficiency of companies?
The motivation for this work is to propose an original model which links the following four
concepts: status of the purchasing function (independent variable), business efficiency
(dependent variable), purchasing practices (mediating variable) and purchasing maturity (variable
moderator). To do this, we opted for the classic post-positivist scientific approach based on a
hypothetico-deductive approach.
Initially, a focus is necessary on the models developed by the literature, the concepts are
operationalized, the model is designed and the hypotheses are determined. The
recommendations gathered from the literature form the basis of the proposed conceptual model.
Keywords: Status of the purchasing function, performance in terms of cost savings, strategic
purchasing practices, maturity of the purchasing function.
L'achat est l'un des processus de base commun à toutes les organisations. C'est le processus
consistant à acquérir des biens, des services et des équipements d'une autre organisation de
manière légale et éthique. L'achat était initialement un facteur tactique de l'organisation, axé
sur les relations transactionnelles et le prix bas. Cependant, avec le temps, le rôle de l'acheteur
et du département des achats a considérablement changé et la fonction est devenue
stratégique pour la compétitivité et la performance des entreprises.
La question de l’importance de la fonction achats dans les entreprises a été débattue depuis les
années 1980, suivant le choc pétrolier des années 1970 qui a poussé les chercheurs et praticiens
à revoir le rôle de la fonction achats (Burt & Soukup, 1984; Carr & Smeltzer, 1997; Ellram, 1993;
Ellram & Stanley, 2008; Ellram, Zsidisin, Siferd, & Stanly, 2002; Kraljic, 1983; Monczka & Trent,
1991; L. M. E. and J. N. Pearson, 1993; Sánchez-Rodríguez, Hemsworth, & Martínez-Lorente,
2005). Plusieurs paramètres vont catalyser la fonction achats comme acteur stratégique
incontournable pour préserver les avantages concurrentiels des entreprises.
L’importance de la fonction achats peut être appréciée en considérant ses pratiques qu’elles peut
développer (Luzzini & Ronchi, 2016; Schiele, 2006; Úbeda, Alsua, & Carrasco, 2015), ses capacités
et compétences d’intégration dans le processus stratégique de l’entreprise (González-Benito,
2007), ainsi que son statut (formel et informel) au sein de l’organisation. Par conséquent, notre
article présume cette troisième approche selon laquelle, un statut élevé des achats est
positivement associé à la performance des entreprises (surtout en termes d’économie des coûts).
Cette hypothèse présume qu’un statut élevé du service des achats (reconnu et intégré) favorise
le développement des pratiques et des capacités d’achats qui se traduisent par la réalisation des
économies des coûts importants (cost saving). Ce lien de causalité se trouvent, bien évidemment,
amplifié lorsque la maturité de la fonction achats est suffisamment élevée (Batenburg &
Versendaal, 2008; Luzzini & Ronchi, 2016; Sales & Alsua, 2013; Schiele, 2007; Úbeda et al., 2015).
Le présent document a pour objectif de développer un modèle de recherche qui examine le lien
entre les trois concepts : statut de la fonction achats, maturité des achats et performance des
entreprises en termes de réduction des coûts. Ceci a un double objectif ; d’abord expliciter les
définitions des trois concepts et ensuite susciter l’intérêt des chercheurs sur l’importance
d’étudier les liens de causalité entre ces trois variables. La question de notre recherche se pose
A ce propos, ce travail trace l’ambition de proposer un modèle conceptuel qui lie le statut de la
fonction achats comme variable dépendante et la performance des entreprises en termes
d’économie des coûts comme variable à expliquer (indépendante). Ce lien de causalité sera vérifié
via la capacité de cette fonction à développer des pratiques d’achats stratégiques (variable
médiatrice), mais aussi, ce lien se trouve amplifié lorsque le niveau de maturité de cette fonction
est élevé (variable modératrice).
Pour ce faire, nous mènerons, dans un premier point, une brève revue de littérature sur les
variables considérées ainsi que les modèles existants. Puis, dans un deuxième point, nous
expliquerons la démarche et la méthodologie de notre recherche. Dans un troisième point, nous
présenterons une opérationnalisation des différents concepts et leur traduction pour aboutir, en
quatrième point à notre modèle et les hypothèses de recherche y rattachées.
1. Statut, maturité des achats et performance des entreprises en termes des économies des
coûts : Revue de littérature
Peu d’études ont abordé le sujet du statut de la fonction achats en tant qu’une notion
indépendante, mais certains auteurs l’évoquent comme indicateur du degré de maturité des
achats. Or, nous soutenons que les deux concepts (statut et maturité) sont différents mais
interdépendants.
En effet, Pearson, Ellram, & Carter, (1996), ont initié les premiers travaux sur le statut de la
fonction achats, ces chercheurs confirment que le statut et la reconnaissance des achats sont
légèrement inférieurs à ceux d’autres domaines fonctionnels, y compris l’axé à l’information en
tant que partenaire égal, comme la recherche et développement, le marketing et l’ingénierie.
Outre que la perception des achats par la direction et les autres fonctions, Carr & Smeltzer, (1997)
définissent le statut d’achat par rapport à son rôle stratégique. Les chercheurs démontrent
l’importance du statut pour la mise en place d’une stratégie des achats, surtout en termes de
planification, de la mise en œuvre, de l’évaluation et du contrôle à long terme des activités
d’achat.
Dans la mesure où la position des achats dans la structure globale de l’entreprise est un
antécédent à sa capacité d’influence, Cousins, Lawson, & Squire, (2006) confirment que la
configuration organisationnelle de la fonction achats, lorsqu’elle est soutenue par la direction,
joue un rôle important dans le développement du statut des achats vers une fonction impliquée
dans le dialogue stratégique de l’entreprise (González-Benito, 2007). Pour ce faire, la direction
doit intervenir pour influencer le choix d’une organisation appropriée et consacrer des moyens
en termes de temps, de personnel et de ressources financières à l’amélioration des capacités
Luzzini & Ronchi (2016) montrent que le statut élevé des achats, via les pratiques d’achat a un
impact positif sur la performance globale des entreprises. Les auteurs suggèrent que la
reconnaissance des achats par les cadres supérieurs et d’autres unités organisationnelles apparaît
comme un puissant antécédent de toutes les pratiques d’achat. Ces conclusions sont en ligne avec
les recherches antérieures, cependant, les chercheurs proposent un modèle de mesure du statut
de la fonction achats basé sur deux variables que nous empruntons dans notre propos : la
reconnaissance par la direction générale et le degré de rapports avec les autres fonctions.
Par ailleurs, un statut élevé de la fonction achats influe positivement sur la performance des
entreprises en matière d’innovation, d’économies de coûts et de réactivité dans la mesure où ce
statut favorise la collaboration des fournisseurs, la capacité d’absorption du service des achats
(Andrea S. et al. , 2017) et l’attractivité de la clientèle (Andrea et al. , 2019).
En somme, la littérature examine le statut de la fonction achats principalement par rapport à deux
variables : la reconnaissance de la direction et son rapport avec les autres fonctions. En outre,
nous soutenons que lorsque ce statut est important, la fonction achats contribue, grâce à ses
activités matures, à l’amélioration de la performance des entreprises.
En outre, un statut plus important de la fonction achats favorise le développement de ses activités
et stimule la créativité et l’implication des acheteurs comme acteurs actifs qui participent dans
l’élaboration des stratégies (Van weele, 2014). Dans le même temps, une fonction achats qui
s’impose dans l’organisation par ses capacités de proposition et d’amélioration prouve une
légitimité (vis-à-vis la direction générale) d’une position organisationnelle (un statut) plus élevée
et méritée (Carr & Smeltzer, 1997), une telle reconnaissance dépend de la satisfaction des clients
internes qui s’appuie, à son tour, sur des expériences antérieures réussies (L. Ellram & Tate, 2015).
Les modèles de maturité PSM subissent de fortes pressions pour trouver des leviers permettant
d’accroitre la contribution des achats et des approvisionnements dans la performance des
entreprises. En ce sens, les travaux de Kraljic (1983) et de Van Weele (1984) ont déclenché la
discussion sur les modèles de maturités des achats et représentent deux courants de la recherche
dans les modèles de maturité.
En effet, Kraljic est considéré comme le précurseur de l’idée des stades de sophistication des
activités des achats. Selon lui, la stratégie d'approvisionnement d'une entreprise dépend de deux
facteurs : (1) l’importance de l’achat (mesurée par l'impact sur le profit) et (2) la complexité des
marchés pour mesurer le risque d'approvisionnement. En évaluant la situation de l'entreprise au
regard de ces deux variables, le top management et les responsables achats peuvent déterminer
le type de stratégie d'approvisionnement dont l'entreprise a besoin à la fois pour exploiter son
pouvoir d'achat vis-à-vis d'importants fournisseurs et pour réduire ses risques à un minimum
acceptable. Ainsi, la matrice identifie quatre étapes : (1) la gestion des achats (pour les achats
De son tour, Van Weele (1984), considéré comme le prédécesseur des recherches sur les mesures
des performances de l’organisation PSM (Purchasing and Supply Management) mature et
immature, propose, d’après une étude empirique sur 72 entreprises néerlandaises, un continuum
de critères allant du niveau le plus bas au niveau stratégique pour mesurer la performance des
activités de la fonction achats. En effet, il identifie trois modèles alternatifs de la fonction achats :
(1) Les achats sont considérés par la direction comme une fonction de bureau ; (2) Les achats sont
considérés comme une activité commerciale importante, gérant une grande partie des dépenses
de matériel et de service de l'entreprise ; (3) Les achats sont considérés par la direction comme
une fonction commerciale stratégique.
D’un autre côté, d’autres études indiquent que, bien que le professionnalisme dans les
organisations PSM augmente, il s'agit d'un processus difficile avec un certain nombre d'obstacles
internes, y compris l'état d'esprit des praticiens eux-mêmes Van Weele, 2014) qui montrent une
certaine réticence dans l’implication des acheteurs surtout lorsqu’il s’agit des projets d’achats
stratégiques (Van Poucke, Matthyssens, & Weeren, 2016). Le dernier reproche que nous
adressons aux modèles de maturité concerne le nombre d’étapes retenues par chacun qui diffère
d’un auteur à l’autre (Tableau 1).
Les modèles de maturité ont un point commun : la réalisation d’une étape représente un élan
vers la réalisation de l’étape suivante jusqu’à l’arrivée au niveau le plus élevé (statut d’une
fonction stratégique). A notre sens, l’ensemble des étapes ne doivent pas constituer un simple
« escalier » de passage mais un processus qui favorise l’apprentissage et le développement des
compétences de l’organisation dans le but de convaincre les cadres supérieurs en réalisant des
performances significatives. Cette reconnaissance renforce le statut de la fonction achats en tant
que partenaire égal par rapport aux autres fonctions capable de réaliser des activités spécifiques,
stratégiques et intégratives (Cousins et al., 2006; Schiele, 2007).
La maturité d'achat étant une capacité latente, elle doit être opérationnalisée et mesurée. Cette
opérationnalisation est réalisée, selon Hartmann et al. (2012) par cinq « pilotes PSM » que sont :
Gestion des fournisseurs, Intégration inter-fonctionnelle, Stratégie de développement, Gestion
des ressources humaines et Contrôle PSM. Une telle mesure a pour objectif de positionner la
fonction achats dans la structure organisationnelle comme facteur de contingence interne qui
peut influencer l’évolution de leur statut. Ce facteur nécessite une structure des achats et
d’approvisionnement adaptée pour soutenir la réactivité et la compétitivité globales de
l’entreprise sur le marché (Schneider & Wallenburg, 2013). Dans ce sens, (Bals et al. , 2018)
proposent un cadre de contingence complet pour l’organisation des achats et des
approvisionnements. Parmi les facteurs de contingence interne, les auteurs mettent la variable
« maturité des achats » en troisième position et identifient trois critères pour la mesurer :
étendue de la formalisation, du professionnalisme et de la standardisation des tâches et des
processus.
Ces conclusions sont en ligne avec celles de (Akın Ateş, van Raaij, & Wynstra, 2018) selon lesquelles une mauvaise adéquation entre la stratégie et
la structure d’achat influe sur les performances de l’entreprise. En effet, les auteurs confirment que l'écart par rapport à une structure d'achat idéale
définie selon trois dimensions (centralisation, formalisation et inter-fonctionnalité) influe sur les performances d'achat.
Etant donné que les entreprises sont de plus en plus dépendantes des intrants et des contributions de leurs fournisseurs, la théorie basée sur les
ressources ou resource-based view (RBV) initiée par Barney (1991) confirme que la fonction achats devrait «obtenir, des ressources externes, des
biens, des services, des connaissances et de l’innovation nécessaires pour créer et conserver les avantages concurrentiels de l’entreprise» (Van
Weele & Rozemeijer, 2007). De ce fait, la ressource « fournisseurs » permettrait à l’entreprise de mettre en place un ensemble de bonnes pratiques
d’achats améliorant ainsi la maturité de la fonction. Pour cette raison, les entreprises se sont tournées vers le développement collaboratif de produits
et l’innovation ouverte avec des réseaux d’approvisionnement plus élaborés (Azadegan & Dooley, 2010) et l’instauration d’un ensemble de
mécanismes de socialisation et d’évaluation des performances conjointes dans la relation fournisseur-acheteur pour pouvoir dériver des « rentes
relationnelles » (Cousins et al., 2008).
La fonction achats peut, par sa position intermédiaire, contribuer dans la conception de nouveaux
produits, l’innovation de nouveaux processus, l’amélioration de la qualité des produits et des
processus, et la mobilisation des savoirs faire des fournisseurs (Lakemond et al., 2001; Luzzini et
al., 2015). Cependant, dans un contexte marqué par une pression croissante sur leurs marges, la
maitrise des charges et l’efficience est toujours considérée comme la principale contribution des
achats pour améliorer la performance des entreprises (Baier et al., 2008; Hartmann et al., 2012).
L’évolution de la fonction achats d’un simple service support à une fonction stratégique constitue
une unanimité dans la littérature. En effet, le temps consacré aux activités stratégiques et le
temps consacré aux activités opérationnelles est une variable qui peut mesurer le degré de
maturité de la fonction achats. La littérature suggère que la maturité d’achat est la principale
raison du développement de leviers permettant d’économiser des coûts et augmente donc les
performances de l’entreprise. À mesure que les organisations développent ces méthodologies de
gestion, elles s'impliquent davantage dans plusieurs activités stratégiques clés, ce qui implique
qu'elles peuvent consacrer moins de temps aux activités opérationnelles, et par conséquent,
mettre en œuvre des méthodologies plus complexes et des leviers avancés de réduction des coûts
(Úbeda et al., 2015; Van Weele & Rozemeijer, 1996).
Ainsi, en se basant sur un modèle testé à travers des équations structurelles, Úbeda et al. (2015)
confirment qu’une augmentation de 10% du temps consacré aux activités stratégiques
augmenterait les économies de coûts de 0,7%. Cette conclusion est appuyée par plusieurs
arguments : En premier lieu, plus le degré de maturité est élevé, plus les activités opérationnelles
sont automatisées et le temps économisé sera utilisé dans les activités stratégiques. En deuxième
lieux, une fonction achats plus mature tend à développer des méthodes sophistiquées, comme le
développement des relations de long terme avec les fournisseurs par exemple. En troisième lieu,
les services d’achat plus matures utilisent un plus grand nombre d’outils, de méthodologies et de
leviers d’économie de coûts.
Il importe de signaler que le temps n’est qu’une variable pour mesurer le degré de maturité de la
fonction. L’économie réalisée se mesure, selon Úbeda et al. (2015) par le total des écarts
favorables entre les budgets et les dépenses réelles. Ceci suppose que les entreprises disposent
Partant de l’idée selon laquelle les activités opérationnelles surchargent les responsables,
prennent beaucoup de temps, et ne permettent pas d’obtenir des économies substantielles ou
des performances financières élevées, les activités stratégiques peuvent générer des économies
de coûts significatives et améliorer les performances financières, la définition de stratégies
d’achat appropriées et le bon équilibre en termes de centralisation et de rationalisation de la base
d'approvisionnement contribuent à la création de valeur au niveau de l'entreprise (Luzzini &
Ronchi, 2016). Bien sûr, cela ne signifie pas abandonner les activités de bureau qui doivent être
menées de manière efficace et efficiente. En effet, la gestion correcte des activités de bureau est
une condition préalable pour consacrer du temps et des efforts à des pratiques à plus forte valeur
ajoutée.
En effet, l’utilisation des critères de choix et d’évaluation des performances des fournisseurs
influe positivement sur la performance de la fonction dans son ensemble (Nair, Jayaram, & Das,
2015). En outre, des recherches antérieures ont révélé que la mise en œuvre d'un système de
mesure de la performance des achats (PPMS) mature peut être un moyen d'atteindre un niveau
élevé d'intégration stratégique fonctionnelle (Pohl & Förstl, 2011).
Les outils de réduction des coûts utilisés par la fonction achats peuvent être simples, tels que la
négociation des prix avec un fournisseur, ou des outils complexes, comme un programme conjoint
de réduction des coûts avec un fournisseur. Ainsi, à mesure que le niveau de maturité d'un service
d'achat augmente, le nombre moyen de leviers de réduction des coûts qu'il utilise augmente
également (Úbeda et al., 2015). De même, les auteurs constatent aussi que les fonctions dont le
niveau de maturité est élevé utilisent des outils plus sophistiqués que celles dont le niveau de
maturité est moyen ou faible. Parmi ces outils, les chercheurs précisent les améliorations du
processus d'achat, les modifications des spécifications, les développements conjoints avec les
fournisseurs, l’optimisation du processus d'achat, les améliorations apportées par les fournisseurs
etc.
Cependant, les efforts de réduction des coûts profitent le plus d'une amélioration des activités
PSM, ce qui confirme les attentes traditionnelles de PSM selon lesquelles, la réalisation des
économies de coûts reste la principale contribution de la fonction achats surtout à court terme.
En outre, la participation précoce des acheteurs dans les projets d’approvisionnement est une
autre variable de réduction des coûts avancé par Van Poucke et al. (2016). Les auteurs considèrent
cette participation comme un moyen d’incitation pour les acheteurs à bien performer en
satisfaisant (voire en dépassant) les attentes des clients internes et contribuant ainsi à réaliser
des économies de coûts. Cette conclusion confirme les recherches antérieures sur l’implication et
la contribution des achats (Ellram & Tate, 2015; Luzzini & Ronchi, 2016).
De même, ces conclusions sont en ligne avec celles de (Nair et al., 2015) qui confirment que la
participation des achats dans la planification stratégique influence positivement les performances
des entreprises en matière des coûts, d’innovation, de flexibilité et de délai. Les auteurs utilisent
un modèle testé par des équations structurelles dont les variables médiatrices sont : critères de
choix des fournisseurs et outils de suivi et d’évaluation des performances des fournisseurs tant
au niveau opérationnel qu’au niveau stratégique. Cela permettrait aux acheteurs de développer
leurs performances grâce à l’amélioration de leur apprentissage (Schütz, Kässer, Blome, & Foerstl,
2020).
Tout travail de recherche qui se veut “scientifique’’ doit s’inscrire dans une démarche rigoureuse
respectant le protocole de la recherche scientifique ; pour cela et pour mener à bien notre projet
nous avons opté pour la démarche scientifique classique dans une perspective post-positiviste
fondée sur une approche hypothético-déductive présentée par Gavard-Pierre et al., (2012). Ce
chois est justifié surtout par l’objectif de notre travail qui consiste à enrichir des hypothèses et
des modèles théoriques déjà existants.
Tout sujet de recherche représente des notions abstraites, qu’il faut traduire pour les mesurer.
Cette démarche est appelée opérationnalisation ou encore traduction (Facult et al., 2014). Ceci
peut se faire à travers l’identification des composants de chaque concept (abstrait) et de leurs
attributs.
Afin de les rendre mesurables, les concepts théoriques : statut de la fonction achats, maturité des
achats et performance des entreprises en termes des économies de coûts doivent être
opérationnalisés. Ceci consiste à proposer une méthode pour représenter les liens entre ces
différents concepts afin de construire le modèle conceptuel approprié.
En se basant sur la littérature existante, les trois concepts théoriques sont évalués par déduction.
En effet, la prise en considération des théories et modèles reconnus nous permettra de
En effet, après avoir examiné une cinquantaine d’articles sélectionnés selon des critères
rigoureux, nous avons pu identifier les variables de notre modèle. Pour chaque variable, un
certain nombre de dimensions ont été argumentées pour les exposer à des mesures grâce à des
indicateurs minutieusement choisis. En fin, les hypothèses sont ainsi déduites en mettant en
question les liens entre les concepts de notre modèle qui est finalement conçu.
Source : Auteurs
Notre recherche propose d’étudier le lien entre le statut de la fonction achats (variable
indépendante) et la performance des entreprises marocaines en termes d’économie de coûts
(variable dépendante). Ce lien sera examiné à travers les pratiques d’achats (variable médiatrice)
qui sont de plus en plus bien élaborées et stratégiques que le degré de maturité de la fonction
achats (variable modératrice) est élevée.
Pour mesurer la variable « statut de la fonction achats », nous reprenons les deux concepts les
plus utilisés par la littérature : la reconnaissance de la fonction en tant que partenaire susceptible
Le premier concept « Reconnaissance des achats » est utilisé pour décrire comment les achats
sont vus et traités par la direction (Carr & Smeltzer, 1997). En se basant sur la littérature, la
mesure de ce concept se fait par rapport à dix variables (Tableau 3). Le deuxième concept
« rapport des achats avec les autres fonctions » décrit comment les achats sont vus et traités par
les autres fonctions (Carr & Smeltzer, 1997; Luzzini & Ronchi, 2016; J. N. Pearson et al., 1996). Ce
concept est particulièrement approprié pour les achats car il présente de nombreuses interfaces
directes avec d'autres parties prenantes et des fonctions au sein d'une entreprise, telles que la
fabrication, la logistique, la R&D, le marketing ou le contrôle (Schütz et al., 2020). Par conséquent,
l'intégration des achats est importante pour la performance. Pour mesurer ce concept, nous
utilisons cinq questions (Tableau 3) synthétisant les principales variables suggérées par la
littérature.
En fin, Un large consensus s’est dégagé dans le domaine de la gestion des achats et des
approvisionnements, affirmant que les activités d’achat peuvent être classées dans les catégories
«stratégique» et «non stratégique». Alors que les activités stratégiques sont associées à un statut
inter-organisationnel plus élevé, les activités non stratégiques sont considérées comme générant
un statut faible (Ramsay & Croom, 2008). Par conséquent, les fonctions d’achat dont le statut est
élevé sont supposées concentrer leurs efforts sur des activités stratégiques.
3.2 Les pratiques d’achats stratégiques comme variable médiatrice entre le statut de la fonction
achat et sa performance en termes d’économie de coûts
L'examen des recherches antérieures suggère que la pertinence des achats est motivée par la
contribution à la performance globale de l'entreprise et notamment sa capacité à réaliser des
économies de coûts qui reste leur principale contribution. Cependant, cette contribution ne peut
se concrétiser que si la fonction achats développerait un ensemble de pratiques appropriées. En
particulier, nous considérons les recommandations de Luzzini & Ronchi (2016) qui visent à
introduire un ensemble de pratiques internes et externes comme l’intégration et le
développement des fournisseurs (en tant que ressource) et la rationalisation des dépenses.
En plus de ces deux pratiques, nous incluons la proposition de Úbeda et al. (2015) selon laquelle
les entreprises qui disposent des fonctions achats matures consacrent plus de temps aux activités
Finalement, nous soutenons qu’un statut élevé de la fonction achat favorise la mise en œuvre et
le développement des activités à caractère stratégique. Cependant, ces activités sont de plus en
plus sophistiquées que ce statut favorise le perfectionnement de cette fonction vers un degré de
maturité élevé.
3.3 La maturité de la fonction achat comme variable médiatrice entre le statut et les pratiques
d’achat
L’intégration du concept « maturité » dans notre étude n’est pas pour examiner la médiation
entre une fonction achat mature et sa capacité de développer des pratiques susceptibles
d’améliorer la performance des entreprises, mais surtout de vérifier, l’effet de modération
éventuelle d’une fonction achat plus mature pour favoriser le développement de bonnes
pratiques d’achats dans le contexte d’un statut élevé (achats reconnus et intégrés).
En se basant sur les modèle de maturité développé par (Reck & Long, 1988) et (Schiele, 2007)
légèrement modifiés par (Sales & Alsua, 2013; Úbeda et al., 2015) en fonction des autres modèles
de la littérature, nous retenons les cinq concepts les plus utilisés pour mesurer le niveau de
maturité. Pour ce faire, cinq niveaux de maturité sont définis en fonction de cinq concepts
(Tableau 5). Les concepts du modèle comprennent la stratégie, les ressources humaines,
l’organisation (processus et activités), la gestion des fournisseurs et la communication. L’échelle
de Likert à cinq niveaux (1. Faible, 3. Moyen, 5. Elevé) serait pertinente pour apprécier le niveau
de chaque concept.
Dans des recherches récentes sur la gestion des achats et d’approvisionnement, les économies
de coûts sont toujours reconnues comme la principale contribution du service des achats
(Hartmann et al., 2012). De ce constat, pour mesurer l’impact du statut de la fonction achat sur
la performance des entreprises nous nous limitons à cette mesure directe : économie des coûts.
Ce choix est justifié au moins par deux arguments.
D’autre part, le statut des achats en tant que variable explicative de la performance des
entreprises n’a pas fait l’objet suffisamment d’études empiriques. En effet, hormis les études
conceptuelles de (Carr & Smeltzer, 1997; Cousins et al., 2006; J. N. Pearson et al., 1996) et le test
empirique de (Luzzini & Ronchi, 2016) dont le statut des achats est pris comme une variable
explicative de la performance des entreprises via le développement des meilleures pratiques
d’achats, puis celui de (Andrea Stefano Patrucco et al., 2017) où le statut des achats est traité
comme un facteur qui favorise l’apprentissage de l’entreprise en matière de l’innovation et enfin
celui de (Andrea S. Patrucco et al., 2019) dont le statut des achats est considéré comme un facteur
(à côté des initiatives de collaboration avec les fournisseurs) de performance des entreprises, les
autres auteurs emploient les deux concepts « statut » et « maturité » des achats de manière
indifférente et dans plusieurs cas avec beaucoup de confusion.
Les acheteurs possèdent généralement un budget, un coût cible ou encore des indications du
marché et son évolution, leur rôle sera une tenue du budget et au mieux une performance
budgétaire, c’est-à-dire un coût d’achat en dessous du budget.
Les économies de coûts sont mesurées par la comparaison du coût final négocié avec un coût de
référence, tel que un coût payé au cours d'une période précédente, un coût futur (potentiel/cible)
ou une indication budgétaire/de marché (Schütz et al., 2020). L’écart ainsi obtenu entre les coûts
d’achat de référence et les coûts d’achat réellement dépensés constitue une économie de coût.
Cette dernière est la mesure la plus directe de la performance de la fonction d’achat. Toujours en
se basant sur la littérature, nous considérons quatre rubriques pour mesurer ces économies
(Tableau 6).
Source : Auteurs
Alors que des recherches antérieures ont proposé des relations directes et indirectes entre la
maturité ou le statut d'achat et les économies de coûts, notre modèle conceptuel propose une
relation entre le statut de la fonction achats et les économies de coûts, à travers le rôle des
pratiques stratégiques. Cette relation est supposée modérée par le niveau de maturité de la
fonction achats (Figure 2).
Source : Auteurs
Source : Auteurs
Dans la littérature, le statut et la maturité de la fonction achats sont souvent utilisés comme deux
termes synonymes. Dans ce document, nous avons essayé de tracer les frontières entre les deux
notions, dans la mesure où le statut renvoie à la reconnaissance et la perception que les autres
partenaires de la direction aient vis-à-vis la fonction achats. Cependant, la maturité est un terme
plutôt évolutif qui traduit le degré de son professionnalisme.
Pour tester les hypothèses de notre modèle, nous comptons procéder à une étude empirique à
travers un questionnaire destiné aux cadres (moyens et supérieurs) de la fonction achats d’au
moins 100 entreprises marocaines. Afin de mieux exploiter les données et tirer des résultats et
des conclusions appropriées, la méthode des équations structurelles sera adoptée.
Au niveau théorique, notre modèle tend à susciter l’intérêt des chercheurs sur l’importance du
statut (reconnaissance et perception) de la fonction achats en tant que variable de recherche
largement négligée par la littérature. Ce concept « statut de la fonction achats » a été bien traduit
dans le sens de mettre en exergue ses dimensions et ses indicateurs de mesure.
Au niveau pratique, notre modèle a pour vise à susciter l’intérêt des managers sur l’importance
de la fonction achats et sa capacité à contribuer à l’amélioration de la performance de leurs
entreprises, surtout lorsque les acheteurs sont reconnus en tant que partenaires au même pied
d’égalité que les autres fonctions de la direction. Désormais, les acheteurs, en considérant leur
position d’interface entre les fournisseurs et les clients internes, peuvent participer à des
décisions stratégiques et proposer des solutions adéquates aux problèmes rencontrés en
capitalisant leurs habilités d’absorption, d’apprentissage et d’innovation.
La vérification des hypothèses suggérées sera effectuée à travers une enquête sur les entreprises
marocaines. Un questionnaire a été déjà envoyé aux acheteurs (cadres moyens et supérieurs)
dans le cadre d’une collaboration avec l’Association Marocaine de la Communauté des Acheteurs
(AMCA). Les résultats de la recherche et la discussion de la validité du modèle ainsi proposé feront
l’objet d’un autre document.
Bibliographie :
Akın Ateş, M., van Raaij, E. M., & Wynstra, F. (2018). The impact of purchasing strategy-structure
(mis)fit on purchasing cost and innovation performance. Journal of Purchasing and Supply
Management, 24(1), 68–82. https://doi.org/10.1016/j.pursup.2017.05.002.
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organisations – Assessing the claims from maturity models. Journal of Purchasing and Supply