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Les Méhodes Qui Font Réussir Les Élèves - Col. (AD)
Les Méhodes Qui Font Réussir Les Élèves - Col. (AD)
Les méthodes
qui font réussir
les élèves
Mise en page : Maryse Claisse
www.esf-scienceshumaines.fr
ISBN : 978-2-7101-3261-5
ISSN : 1158-4580
3
Sommaire
4
Sommaire
8–M
étier professeur : développer
des compétences professionnelles. . . . . . . . . . . 245
1. Le professeur, les élèves, le savoir. . . . . . . . . . . . . . 247
2. Adopter la bonne posture professionnelle :
« une petite révolution ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 252
3. Comment tout faire en même temps
dans l’urgence et l’incertitude . . . . . . . . . . . . . . . . 256
4. Réfléchir sur l’action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 266
5. Les gestes professionnels d’une autorité réfléchie . . . . . 269
5
Avant-propos
Pour préserver
l’apprentissage de l’aléatoire
Les « méthodes pédagogiques » n’ont pas toujours bonne
presse ! Certains imaginent même qu’on pourrait enseigner
sans méthodes, et transmettre des connaissances simplement
parce qu’on les maîtrise très bien soi-même. C’est oublier que
les méthodes sont toujours là et que, visibles ou invisibles,
conscientes ou inconscientes, elles médiatisent toujours le rap-
port entre le maître et les élèves. Il nous faut des méthodes tout
simplement parce que nous ne sommes pas de purs esprits et
que nous n’entrons en relation avec les autres – en particulier
quand nous voulons leur enseigner quelque chose – qu’avec des
médiations.
La question n’est donc pas de savoir si nous devons utiliser
des méthodes, mais lesquelles. Inutile de se demander si les
« méthodes pédagogiques » sont utiles puisque, pour plagier
Pascal, « nier la pédagogie, c’est encore faire de la pédagogie » ;
c’est choisir des moyens pour transmettre qu’on renonce à
interroger, c’est se résigner à l’aléatoire.
Car tel est bien le sens de la réflexion pédagogique sur les
méthodes telle qu’elle est développée dans cet ouvrage : faire
échapper l’acquisition des connaissances à l’aléatoire des rencon
tres individuelles plus ou moins propices aux apprentissages.
Nul ne peut nier, en effet, que nous apprenons en dehors de
l’école, en glanant des informations ici ou là, en vivant telle
ou telle expérience, en réfléchissant à ce qui nous arrive, en
7
Avant-propos
Philippe Meirieu,
Professeur à l’université
Lumière Lyon 2
8
Introduction
9
Introduction
10
1
Pour être sûr
que tous les élèves
apprennent
L
e faible rendement de bien des pratiques pédagogiques est
lié à l’illusion qu’il suffit de dire et de bien expliquer pour
que les élèves apprennent. Une représentation dominante
de l’apprentissage reste celle qui considère qu’il suffit d’apporter
les savoirs à un sujet de bonne volonté pour que celui-ci se les
approprie. Reste alors que le maître ait du talent pour bien pré-
senter les savoirs ou expliquer avec clarté et que les élèves soient
attentifs pour que la magie opère.
Une difficulté majeure réside dans le fait que ce modèle s’im-
pose souvent à notre insu et est enkysté dans les représenta-
tions traditionnelles du métier dont l’image emblématique reste
un magister dispensant le savoir à ses élèves. Cette posture
dite « magistrale » ou « frontale » reste le réflexe professionnel
dominant.
Et pourtant, au XXe siècle, des travaux décisifs ont progressive-
ment ébranlé cette conception.
11
1. C
omment apprend-on ?
Ce que l’on sait
aujourd’hui
O n ne peut enseigner sans se poser un minimum
de questions sur les processus à l’œuvre quand
on apprend, ni s’émanciper de préjugés ou postulats
sur la transmission des savoirs.
13
Pour être sûr que tous les élèves apprennent
1. Ces paliers d’orientation ou d’exclusion successifs ont été supprimés en 1975 par
la mise en place d’un tronc commun au collège. Cette réforme est connue sous le
nom de réforme Haby.
14
1. Comment apprend-on ? Ce que l’on sait aujourd’hui
Constructivisme
et socioconstructivisme : des modèles
théoriques pour aider à comprendre
Dans la première moitié du xxe siècle, des travaux en psycho-
logie et sociologie (Piaget, Vygotski, Wallon), parallèles à ceux
de praticiens de génie comme Freinet, convergent pour disqua-
lifier de façon définitive un modèle d’apprentissage reposant sur
la seule transmission de savoirs. Théorie et pratique pionnière
se rejoignent ainsi sur les mêmes principes fondamentaux.
Ces recherches se poursuivent et, à partir des années 1980, un
nouvel élan est donné grâce aux travaux du psychologue améri-
cain Jerome Bruner, qui fait aussi connaître ceux du Russe Lev
Vygotski, jusqu’alors méconnus. Parallèlement, les sciences de
l’éducation se développent et, grâce à leur approche pluridisci-
plinaire (psychologie, sociologie, épistémologie, neurobiologie),
elles font fructifier et foisonner les acquis. Des chercheurs
nourrissent leurs travaux d’observations de plus en plus fines
sur le terrain et ouvrent de nouvelles pistes pour une meilleure
efficacité.
15
Pour être sûr que tous les élèves apprennent
■■ Le modèle constructiviste
Le mot constructivisme désigne un ensemble de modèles
théoriques de l’apprentissage qui considèrent que le savoir n’est
pas reçu passivement par un individu mais qu’il est « construit »
activement par chacun. Apprendre suppose des réorganisations
mentales effectuées par le sujet lui-même. Ce modèle s’oppose
donc clairement au modèle transmissif qui considère qu’ap-
prendre, c’est recevoir des informations.
Jean Piaget est une figure historique du constructivisme. Il
s’est intéressé dès la fin des années 1920 au développement
de l’intelligence chez l’enfant, mettant en évidence qu’elle se
« construit » par étapes, s’opposant ainsi fermement à toute
conception innéiste. Il a aussi avancé le concept de « schèmes »
pour expliquer comment s’effectuent nos actions.
16
1. Comment apprend-on ? Ce que l’on sait aujourd’hui
Le développement de l’intelligence
de l’enfant selon Piaget
Jean Piaget, psychologue genevois, définit une progression en
plusieurs stades, eux-mêmes divisés en sous-stades. Chaque stade
conditionne le passage au stade suivant. Les âges sont indicatifs,
fondés sur une moyenne :
− le stade de l’intelligence sensori-motrice (de la naissance à 2 ans) ;
− le stade de l’intelligence pré-opératoire (de 2 à 6 ans) ;
− le stade des opérations concrètes ou de l’intelligence opératoire
(de 6 à 10 ans) ;
− le stade des opérations formelles (de 10 à 16 ans).
La linéarité de ce modèle est l’un des aspects les plus critiqués
de l’œuvre de Piaget, et de nombreux travaux ont depuis nuancé
ou contesté ce modèle pour montrer l’imbrication ou le tuilage
des stades.
Mais il a l’immense avantage d’attirer l’attention sur la lente
construction de l’abstraction jusqu’à l’adolescence et la façon
dont celle-ci se développe par une active et continuelle
confrontation aux objets et au monde. Il montre que l’action
est indispensable aux apprentissages.
■■ Le modèle socioconstructiviste
Le socioconstructivisme reprend l’essentiel de la conception
constructiviste des apprentissages mais montre aussi que les
autres, qu’il s’agisse des adultes ou des autres enfants, ont un
rôle médiateur essentiel dans la progression des apprentissages.
17
Pour être sûr que tous les élèves apprennent
Le modèle socioconstructiviste
de Vygotski
Lev Vygotski, psychologue russe dont les travaux datent des années
1930, insiste sur le rôle déterminant de l’environnement social sur le
développement de l’enfant. Il s’intéresse aux rapports entre langage
et pensée, montrant que les échanges langagiers avec les autres,
(les interactions langagières) favorisent la construction d’une pensée
intériorisée et réfléchie.
On lui doit aussi le concept de « zone proximale de développement »,
outil théorique qui cadre la marge de manœuvre efficace pour
le pédagogue.
Références :
Lev Vygotski, Pensée et langage, Éditions La dispute, trad revue par
Françoise Sève, 1997
Corrélat :
Zone proximale de développement (ZPD)
18
1. Comment apprend-on ? Ce que l’on sait aujourd’hui
Références :
Jerome Bruner, Car la culture donne forme à l’esprit, Esher, 1991
Jerome Bruner, Le développement de l’enfant, Savoir faire, savoir dire,
PUF, 1993
2. Jerome Bruner, Car la culture donne forme à l’esprit, Esher, 1991, p. 89.
19
Pour être sûr que tous les élèves apprennent
20
2. Agir sur
les conceptions
préalables des élèves
21
Pour être sûr que tous les élèves apprennent
Représentations ou conceptions
préalables : obstacles ou appuis ?
Ces conceptions préalables ont des origines très variées :
préjugés, intuitions, expériences, informations glanées au hasard,
croyances diverses ou pensée magique, raisonnements fondés sur
l’analogie ou la généralisation, parasitage lié à des confusions ou
ressemblances… Elles ne sont pas seulement issues de l’envi-
ronnement quotidien de l’élève, elles sont aussi issues de l’école,
ne serait-ce que parce que la nécessité d’établir des progressions
stabilise des savoirs provisoires. Ainsi, un jeune élève peut penser
que le résultat d’une multiplication est forcément quantitative-
ment supérieur aux données tant qu’il n’a travaillé que sur les
nombres entiers positifs ou encore que le participe passé s’ac-
corde avec le sujet tant qu’il n’a pas abordé le cas de l’auxiliaire
avoir. Comment, si ces savoirs ne sont pas déstabilisés, pourra-t-
il maîtriser la multiplication de nombres relatifs ou encore assi-
miler la complexité des accords orthographiques ?
Elles peuvent être organisées en système complexe très
stable et constituer alors de redoutables obstacles à tout
apprentissage nouveau. L’exemple de l’apprentissage des lan-
gues étrangères est assez éclairant : tant que l’on continue à
plaquer les structures de la langue maternelle sur une langue
étrangère, il n’est pas possible d’accéder à une maîtrise satis-
faisante d’une autre langue. Ainsi, apprendre l’allemand pour
un petit Français signifie abandonner un système d’expression
fondé sur le fait que la place des mots dans la phrase détermine
le sens, pour passer à un autre système où la forme du mot sera
déterminante dans la production de sens. Connaître et réviser
inlassablement les déclinaisons (« les bases ») ne résout rien
tant que ce sont les schèmes de pensée de la grammaire de la
langue maternelle qui s’imposent consciemment ou non à lui ;
tant qu’il n’est pas capable d’en convoquer d’autres.
22
2. Agir sur les conceptions préalables des élèves
23
Pour être sûr que tous les élèves apprennent
■■ Les techniques
Parmi les moyens couramment utilisés pour le faire, on peut
citer : le remue-méninges ou brain storming. Oral, il a l’avan-
tage de la spontanéité, en particulier si on laisse suffisamment
fonctionner l’association d’idées. Il faut accepter une part de
désordre si l’on veut qu’il soit efficace : s’il est trop contrôlé,
tout ne sera pas dit, la censure opérera. Le remue-méninges est
donc difficile à gérer avec un groupe trop nombreux.
D’autres techniques utilisent des supports écrits, anonymes
ou non, qui ont l’avantage de permettre à chacun de s’exprimer.
Cela peut prendre des formes très ouvertes, par exemple celles
de « bilans de savoirs », ou très contraintes comme les QCM,
récupérés puis traités et exploités par le maître ou le formateur.
L’entretien d’explicitation est un autre moyen particulière-
ment utile pour traiter les cas qui résistent et débusquer des
obstacles profondément enkystés.
Ces procédés couramment utilisés ne doivent pas faire illu-
sion. Faire émerger les conceptions préalables est souhaitable,
c’est une étape nécessaire mais en aucun cas suffisante. S’en
tenir là peut même être redoutable si cela conduit à mettre sur
le même plan les savoirs nouveaux visés, des vérités partielles
et des conceptions erronées. Le risque est alors de conforter des
savoirs faux.
Corrélat :
Bilans de savoirs, Entretien d’explicitation
24
2. Agir sur les conceptions préalables des élèves
Éloge du conflit
Le moment où un individu confronté à une tâche ou à un pro-
blème se rend compte que ce qu’il sait ne lui permet pas de
l’accomplir ou de le résoudre est le moment précieux où s’en-
clenche la déstabilisation recherchée, celle qui rend possible de
nouveaux apprentissages. C’est ce moment qui porte le nom
de conflit cognitif ou sociocognitif. La ruse du pédagogue
consiste à provoquer sciemment ce type de conflit en plaçant
les élèves devant des problèmes qu’ils ne peuvent résoudre sans
apprentissage nouveau.
L’une des applications pédagogiques importantes en est le
travail de groupe autour d’une même tâche à effectuer, moda-
lité de travail qui favorise les échanges contradictoires. Mais
ce levier pédagogique est encore sous-exploité, surtout dans
l’enseignement secondaire et particulièrement au lycée. L’idée
que le bruit est toujours nuisible dans les classes reste un frein
redoutable à la création d’espaces de réflexion authentiques.
En censurant les échanges langagiers entre élèves, en les
considérant systématiquement comme du bavardage distracteur,
on se prive d’un puissant outil d’apprentissage et de progrès.
4. Philippe Meirieu, Faire l’école, faire la classe, ESF éditeur, 2004, p. 48.
25
Pour être sûr que tous les élèves apprennent
Corrélat :
Travail de groupe
Déstabiliser et rééquilibrer :
deux principes fondamentaux
Développer de nouvelles compétences, installer de nouveaux
savoirs prend du temps et passe par la mise en activité des élèves,
cet aspect sera longuement développé plus loin. Mais le travail
pédagogique ne s’arrête pas là. Une autre étape consiste donc
à s’assurer que les cheminements individuels des élèves, que
leurs découvertes, les ont bien conduits à une réorganisation de
connaissances nouvelles selon un nouvel équilibre satisfaisant.
Ainsi se dessinent deux moments incontournables encadrant
n’importe quelle séquence d’apprentissage : au début, une
phase d’émergence et de déstabilisation des connaissances
préalables (en deux phases distinctes ou confondues) et, à la fin,
26
2. Agir sur les conceptions préalables des élèves
27
Pour être sûr que tous les élèves apprennent
Corrélats :
Aide aux élèves, Bilans de savoirs, Métacognition, Pédagogie différenciée
28
3. La situation
problème : un levier
pour apprendre
29
Pour être sûr que tous les élèves apprennent
Référence :
Philippe Meirieu, Apprendre, oui mais comment ?, ESF éditeur, 1987
30
3. La situation problème : un levier pour apprendre
Corrélats :
Accompagnement, Conflit sociocognitif, Étayage
31
Pour être sûr que tous les élèves apprennent
Obstacle
Point de résistance dans un apprentissage. Notion clé dans
la démarche didactique.
Des obstacles bien identifiés par l’enseignant et adaptés aux
élèves, deviennent des points d’appui pour faire progresser
les apprentissages.
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3. La situation problème : un levier pour apprendre
Références :
Lev Vygotski, Pensée et langage, Éditions La dispute, trad revue par
Françoise Sève, 1997
33
4. Faire agir pour
apprendre : un
principe fondamental
« Quand un enfant, dit Kant, ne met pas
en pratique une règle de grammaire,
peu importe qu’il la récite : il ne la sait pas ; et celui-là
la sait qui infailliblement l’applique, peu importe qu’il
ne la récite pas. De même, l’élève qui fait de tête la carte
d’un pays ou d’un voyage témoigne par là de la meilleure
manière, sinon de la seule, qu’il a étudié la géographie
avec fruit. Agir et faire, voilà le secret et, en même temps,
le signe de l’étude féconde. Faire agir, voilà le grand
précepte de l’enseignement. Autant vaut dire le précepte
unique, car il contient en germe tous les autres. »
Henri Marion, 18888
Comme on le voit, l’idée que l’action des élèves doit être
au cœur de l’enseignement n’est pas neuve, elle est pourtant
encore aujourd’hui innovante.
Et Philippe Perrenoud9 souligne que si « les intuitions des
fondateurs n’ont pas pris une ride, l’urgence n’est pas de les
reformuler, mais d’analyser au plus près ce qui empêche de les
réaliser, à commencer par nos propres ambivalences ». Il nous
invite donc à nous interroger sur les freins.
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4. Faire agir pour apprendre : un principe fondamental
On confond souvent
activité et comportement
Qu’est-ce qu’un élève actif ? Comme le soulignent Raynal
et Rieunier10, la notion d’activité est source de malentendus :
« L’activité n’est pas obligatoirement manifeste », « Les
concepts d’activité et de comportement ne sont pas syno-
nymes », « Le comportement n’est que la partie observable de
l’activité ». L’activité de l’élève ne se traduit pas forcément en
manipulations, mouvements ou paroles ; ce qui importe, c’est
qu’une activité mentale réelle soit en jeu, et celle-ci peut fort
bien être invisible. Inversement, un élève dont le corps bouge,
un élève qui bricole peut simplement être en train d’appliquer
des routines complètement automatisées.
Lorsque les pédagogues prônent l’action, il s’agit bien de l’ac-
tivité mentale, associée ou non à celle du corps. Comme le sou-
ligne André Giordan : « Une dérive importante peut exister :
on confond souvent activité et apprentissage. Apprendre des
sciences implique que l’élève ne soit pas seulement “actif ” (avec
ses mains) mais aussi “auteur” (avec sa tête) de sa démarche11. »
10. Françoise Raynal, Alain Rieunier, Pédagogie, Dictionnaire des concepts clés,
ESF éditeur, 2005, p. 15.
11. André Giordan, « La science à l’école : PISA ne dit pas l’essentiel », consultable
sur le site du café pédagogique
www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2007/PISA_Giordan.aspx
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Pour être sûr que tous les élèves apprennent
12
Corrélats :
Accompagnement, Cours dialogué, Gestes professionnels, Lâcher prise
12. Françoise Raynal, Alain Rieunier, Pédagogie, Dictionnaire des concepts clés,
ESF éditeur, 2005, p. 19.
36
4. Faire agir pour apprendre : un principe fondamental
13. Philippe Perrenoud, « Rendre l’élève actif, c’est vite dit », 1996, article publié
dans Migrants formation, 1996, consultable sur www.unige.ch
37
Pour être sûr que tous les élèves apprennent
L’éducation nouvelle
L’éducation nouvelle regroupe divers courants pédagogiques qui
s’appuient sur les principes de la pédagogie active. Ces courants
ne s’intéressent pas seulement à la question des savoirs mais à
la formation et l’épanouissement global de l’individu grâce à l’école.
Historiquement, il a été fondé en 1921. Parmi les cofondateurs
figurent John Dewey, Jean Piaget, Maria Montessori, Beatrice Ensor,
Adolphe Ferrière.
On y trouve différents pédagogues qui, chacun à leur manière,
favorisent l’expérience personnelle et l’apprentissage à partir du réel ;
Freinet bien sûr mais aussi, par exemple, John Dewey, On apprend
en faisant (« Learning by doing »), ou Decroly qui préconise de partir
des centres d’intérêts des élèves.
De nos jours, le mouvement de l’éducation nouvelle est toujours bien
vivant et de nombreux groupes s’en réclament, par exemple :
AFL : Association Française pour la Lecture ;
CEMEA : Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Éducation Active ;
GBEN : Groupe Belge d’Éducation Nouvelle ;
GFEN : Groupe Français d’Éducation Nouvelle ;
FIMEM : Fédération internationale des mouvements d’école moderne
Pédagogie Freinet ;
Pédagogie Montessori, Pédagogie Steiner-Waldorf…
Le GFEN, le GBEN et d’autres groupes nationaux constituent
depuis 2001 un réseau international : le LIEN (Lien international
➙
38
4. Faire agir pour apprendre : un principe fondamental
39
Pour être sûr que tous les élèves apprennent
Référence :
Célestin Freinet, Œuvres pédagogiques, Seuil, 1994, tome I ;
« Essai de psychologie sensible appliquée à l’éducation », 1943
■■ La pédagogie institutionnelle14
Elle est issue de la pédagogie Freinet et a été élaborée par
Fernand Oury, instituteur du mouvement Freinet qui a pris
son autonomie en 1962. Sur le plan pratique, on y retrouve des
aspects de la pédagogie coopérative de Freinet revisités. Sur
le plan théorique, la pédagogie institutionnelle est fortement
nourrie des travaux des psychanalystes. L’organisation et le
fonctionnement institutionnel de la classe et des lieux de parole
visent à permettre à chaque enfant de se situer parmi les autres.
L’accès à la pensée symbolique en est l’un des points d’appui.
14. Sylvain Connac, Apprendre avec les pédagogies coopératives, ESF éditeur, 2009.
40
4. Faire agir pour apprendre : un principe fondamental
« La main à la pâte » :
une méthode active pour développer
l’esprit scientifique
La main à la pâte est un exemple de méthode active qui ren-
contre un vif succès et a fait ses preuves.
Lancée en 1996 par Georges Charpak – prix Nobel de phy-
sique 1992 –, Pierre Léna, Yves Quéré et l’Académie des sciences,
l’initiative a pour but de rénover l’enseignement des sciences
et de la technologie à l’école primaire en favorisant un ensei
gnement fondé sur une démarche d’investigation scientifique.
La démarche préconisée s’appuie sur dix principes et articule
apprentissages scientifiques, maîtrise du langage et éducation à
la citoyenneté. Pour cela, les enseignants soumettent à la curio-
sité de leurs élèves des objets et des phénomènes du monde qui
les entoure, suscitant le questionnement scientifique. Celui-ci
conduit à la formulation d’hypothèses destinées à être testées
par l’expérimentation ou vérifiées par une recherche documen-
taire. Ainsi, les élèves s’approprient progressivement concepts
scientifiques et techniques opératoires et consolident leur
expression orale et écrite.
Les dix principes qui fondent la démarche sont un exemple
d’une mise en œuvre réfléchie qui peut constituer un modèle.
41
Pour être sûr que tous les élèves apprennent
La main à la pâte
La démarche pédagogique
1. Les enfants observent un objet ou un phénomène du monde
réel, proche et sensible, et expérimentent sur lui.
2. Au cours de leurs investigations, les enfants argumentent
et raisonnent, mettent en commun et discutent leurs idées et
leurs résultats, construisent leurs connaissances, une activité
purement manuelle ne suffisant pas.
3. Les activités proposées aux élèves par le maître sont
organisées en séquences en vue d’une progression des
apprentissages. Elles relèvent des programmes et laissent
une large part à l’autonomie des élèves.
4. Un volume minimum de deux heures par semaine est consacré
à un même thème pendant plusieurs semaines. Une continuité
des activités et des méthodes pédagogiques est assurée sur
l’ensemble de la scolarité.
5. Les enfants tiennent chacun un cahier d’expériences avec
leurs mots à eux.
6. L’objectif majeur est une appropriation progressive, par les
élèves, de concepts scientifiques et de techniques opératoires,
accompagnée d’une consolidation de l’expression écrite et
orale.
Le partenariat
7. Les familles et/ou le quartier sont sollicités pour le travail réalisé
en classe.
8. Localement, des partenaires scientifiques (universités, grandes
écoles) accompagnent le travail de la classe en mettant leurs
compétences à disposition.
9. Localement, les universités mettent leur expérience
pédagogique et didactique au service de l’enseignant.
10. L’enseignant peut obtenir, auprès du site Internet, des modules
à mettre en œuvre, des idées d’activités, des réponses à
ses questions. Il peut aussi participer à un travail coopératif
en dialoguant avec des collègues, des formateurs et
des scientifiques.
Source : www.lamap.fr/
42
2
Mobiliser
tous les élèves
I
ndiscutablement, l’attention des élèves est de plus en plus
volatile et il n’y a pas de raisons pour que cela s’arrange.
Dans un monde où la technologie nous rend tous connec-
tables à différents réseaux 24h sur 24, comment espérer que
les enfants échappent aux tentations auxquelles les adultes eux-
mêmes ne résistent pas ? Force est de constater que les adultes
ont bien du mal à éteindre leur téléphone portable et à différer
d’y répondre ; ils lisent leurs mails quelle que soit la situation
tandis que, par ailleurs, la télévision sert bien souvent de bruit de
fond… Comment s’indigner de comportements identiques chez
les élèves ? Inutile de compter sur un modèle de civilité qui
n’existe pas, la société évolue et il faut faire avec. Et comme le
rappelait Freinet : « L’enfant est de la même nature que nous1. »
Mais le problème de fond est ailleurs. Mobiliser tous les élèves
a toujours été une difficulté majeure du métier d’enseignant.
Si cela est sans aucun doute devenu plus difficile aujourd’hui,
l’aggravation reste, en dépit des apparences, marginale car il
n’y a guère de raison objective en effet à ce qu’un élève adhère
d’emblée aux propositions de l’école. Si cela se produit, tant
mieux. Mais si la rencontre n’a pas lieu spontanément, comment
1. Freinet a établi une liste d’invariants, l’invariant n°1 est « L’enfant est de la même
nature que nous ».
43
Mobiliser tous les élèves
44
Mobiliser tous les élèves
2. Philippe Perrenoud, Métier d’élève et sens du travail scolaire, ESF éditeur, 1994,
pp. 161-162.
45
1. Peut-on se mobiliser
sur ce qui n’a pas
de sens ?
Le rapport au savoir
Le concept de rapport au savoir est essentiel pour com-
prendre l’inégalité et la diversité d’engagement des élèves dans
les tâches scolaires. Dans les années 1960 à 1980, de nombreux
travaux ont montré la corrélation entre l’appartenance sociale
et la réussite scolaire. Ils ont souvent fait l’objet de simplifica-
tions pouvant conduire à un fatalisme scolaire. On est souvent
passé de la corrélation (ce qui signifie qu’on observe un lien) à
un rapport de cause à effet.
47
Mobiliser tous les élèves
Le rapport au savoir
Le rapport au savoir est l’ensemble organisé des relations que
chacun entretient avec tout ce qui relève du savoir et de l’acte
d’apprendre. C’est le rapport singulier que chacun a à la connais-
sance, à l’autre et au monde lorsqu’il est confronté à la nécessité
d’apprendre.
Il se construit en fonction de l’histoire de chacun dans toutes ses
dimensions : familiale, sociale, historique… Il a donc une dimension
consciente et inconsciente. Il est singulier par nature, propre à
chaque individu, et peut évoluer tout au long de la vie. Le rapport
au savoir interroge le sens de l’école et du travail qu’on y fait.
Références :
J Beillerot, A Bouillet, C Blanchard-Laville, N Mosconi, Savoirs et rapport
au savoir, Élaborations théoriques et cliniques, Éditions Universitaires, 1989
B Charlot, E Bautier, J -Y Rochex, École et savoir dans les banlieues
et ailleurs, Colin, 1992
48
1. Peut-on se mobiliser sur ce qui n’a pas de sens ?
Le métier d’élève
et la question du sens du travail
L’expression « métier d’élève » dérange, ce qui a l’avantage
d’attirer l’attention sur la façon dont l’école et les tâches qu’on
y fait peuvent ne pas avoir de sens pour les élèves. Par ail-
leurs, l’expression s’oppose à une forme de jargon réductrice,
comme le souligne Philippe Perrenoud : « La mode actuelle, qui
consiste à appeler l’élève un “apprenant”, est un abus de lan-
gage, qui réduit l’élève à ce qu’on voudrait qu’il soit. Beaucoup
49
Mobiliser tous les élèves
Le métier d’élève
Cette formule provocatrice a été lancée par Philippe Perrenoud pour
attirer l’attention sur la perte ou l’absence totale de sens de l’école
pour certains élèves.
Le travail scolaire n’est pas un travail comme un autre et, à l’école,
on ne s’interroge pas assez sur la façon d’aider les élèves à lui
donner un sens.
« Le métier d’élève est donc un métier du savoir qui le traite comme
une réalité simple, évidente, non problématique, dans un rapport
normatif plus qu’analytique. C’est donc dans une certaine solitude
que chacun s’efforce de comprendre, loin des normes didactiques
et des déclarations d’intention, ce qu’est le savoir, à quoi il sert,
comment on se l’approprie. »
« Il y a des élèves qui n’apprennent pas, parce qu’ils exercent leur
métier n’importe comment. » Philippe Perrenoud identifie ainsi
un profil d’élèves en échec qui « se contentent de faire les gestes
du métier, la tête ailleurs ».
« On se prive donc de l’essentiel : comprendre pourquoi la réalité
du travail le détourne souvent de sa raison d’être. »
Références :
Philippe Perrenoud, Métier d’élève et sens du travail scolaire,
ESF éditeur, 1994, p 14 et p 182
50
1. Peut-on se mobiliser sur ce qui n’a pas de sens ?
Posture
En sciences de l’éducation, on nomme « posture » une façon de
répondre à une tâche et de s’y engager, un ensemble de gestes
préconstruits que l’on peut reproduire ou retrouver dans diverses
situations.
On peut donc parler de postures d’élèves et de postures
professionnelles de l’enseignant.
La capacité à changer de posture pour s’ajuster aux exigences
des tâches est un facteur de réussite. À l’opposé, une rigidité
des postures ou une palette trop restreinte est un frein, voire
une source d’échec.
4. Dominique Bucheton, Yves Soulé, L’atelier dirigé d’écriture au CP, une réponse à
l’hétérogénéité des élèves, Delagrave, 2010, p. 34.
51
Mobiliser tous les élèves
Références :
Dominique Bucheton, « Le sujet et son langage écrit », in Conduites d’écriture,
CRDP de Versailles, 1997
Dominique Bucheton, « Les postures de lecture des élèves au collège »,
actes du colloque Les théories du texte, Toulouse, 1998
Dominique Bucheton, Yves Soulé, L’atelier dirigé d’écriture au CP,
une réponse à l’hétérogénéité des élèves, Delagrave, 2010
52
1. Peut-on se mobiliser sur ce qui n’a pas de sens ?
53
2. Tisser le sens
des activités
54
2. Tisser le sens des activités
Références :
Dominique Bucheton, Yves Soulé, L’atelier dirigé d’écriture au CP, une réponse
à l’hétérogénéité des élèves, Delagrave, 2010
Dominique Bucheton (dir ), L’agir enseignant : des gestes professionnels
ajustés, Octarès, 2009
Corrélats :
Étayage, Gestes professionnels
55
Mobiliser tous les élèves
56
2. Tisser le sens des activités
Corrélats :
Bilans de savoirs, Compétences, Projet pédagogique, Situation problème
57
3. Faire faire, faire dire,
faire interagir,
faire réfléchir
58
3. Faire faire, faire dire, faire interagir, faire réfléchir
59
Mobiliser tous les élèves
Le tâtonnement expérimental
Le tâtonnement expérimental fait partie des méthodes de la
pédagogie Freinet. Il s’agit d’un apprentissage par essais et erreurs.
Même si certaines similitudes avec l’expérience scientifique sont
apparentes, le tâtonnement expérimental n’est ni un tâtonnement
aveugle, ni la méthode expérimentale scientifique. Célestin Freinet
le définissait comme un processus naturel d’apprentissage.
Les interactions :
à utiliser sans modération
Pour apprendre, il faut des espaces pour dire, redire, refor-
muler, questionner, confronter, s’opposer, proposer, tout ce
que l’on désigne par le mot interaction. Prendre du temps
pour laisser les élèves échanger, confronter, raboter, négocier
le mélange de savoirs vrais et faux propre à chacun d’eux est
indispensable : ce bruit-là est nécessaire.
Bien des « bavardages » sont en fait des espaces d’interaction
que les élèves dérobent malgré l’interdiction du professeur. Au
lieu de lutter indistinctement contre tous les bavardages en cou-
rant le risque d’empêcher d’utiles interactions de se faire, mieux
vaut au contraire créer des espaces d’échanges pour rendre
60
3. Faire faire, faire dire, faire interagir, faire réfléchir
L’interaction
Au sens général, interaction signifie action réciproque.
En psychologie sociale, l’interaction désigne toute intervention,
verbale ou non, qui provoque une réaction de celui à qui elle est
destinée et qui a en retour un retentissement sur celui qui l’a initiée.
Les interactions peuvent être verbales ou non verbales (gestes,
regards, expressions…).
En pédagogie, l’interaction est constamment utilisée comme
levier d’apprentissage parce qu’elle est un moyen efficace
de déstabiliser les résistances aux savoirs nouveaux.
Corrélats :
Travail en binôme, Travail de groupe
61
4. Projet pédagogique
et démarche de projet
62
4. Projet pédagogique et démarche de projet
■■ Le projet pédagogique
Pendant longtemps, l’expression « projet pédagogique »
a été réservée à des projets d’envergure, pluridisciplinaires,
à finalité sociale affichée, souvent réalisés sur une année sco-
laire entière, ces projets pouvant coexister avec des méthodes
traditionnelles.
Dans les années 1980, l’expression « projet pédagogique »
s’est banalisée parallèlement à l’élargissement de son sens.
On parle désormais plutôt de « démarche de projet » et son
domaine d’emploi n’est plus seulement celui de l’école. La même
expression peut désigner des projets de longue haleine ou des
travaux de courte durée. L’expression désigne parfois abusi-
vement de simples ruses ou procédés visant à rendre certains
apprentissages moins rébarbatifs.
63
Mobiliser tous les élèves
Petit ou grand,
le projet pédagogique, ça marche
La finalisation des tâches est indissociable de la notion
même de projet. Comme le souligne Philippe Perrenoud :
« Un projet confronte à de “vrais” problèmes, qui ne sont pas
des exercices scolaires mais des problèmes à résoudre et des
obstacles que le groupe doit surmonter pour arriver à ses fins.
Une démarche de projet place donc le maçon au pied du mur et
l’oblige à se mesurer à des défis qui ne sont pas organisés pour
être exactement à sa mesure, et ne se présentent pas dans les
formes du travail scolaire ordinaire9. »
Un projet prévoit une production finale. C’est un levier
important. Qu’il s’agisse d’une réalisation collective ou indi-
viduelle, sa préparation nécessite toujours collaboration et
travail d’équipe entre les élèves, mais aussi souvent la coopé-
ration entre plusieurs disciplines. Ses formes peuvent être des
plus diversifiées, ambitieuses ou très limitées, elles s’adaptent
sans difficulté à l’âge des élèves : organisation d’un coin lec-
ture, rédaction d’une affichette, préparation d’un exposé, d’un
débat, de la rencontre avec un intervenant extérieur, marquage
d’un terrain de sport… la créativité n’a guère de limites. Elles
sont un moyen de développer la créativité des élèves, d’intro-
duire une dimension artistique : réaliser une fresque, un spec-
tacle, préparer des événements poétiques pour le Printemps des
poètes, des concerts pour la Fête de la musique…
64
4. Projet pédagogique et démarche de projet
■■ Projets, compétences
et situations problèmes
La démarche de projet comme le travail par compétences
permet de mobiliser des ressources variées en situation com-
plexe. Comme les situations problèmes, elle prévoit aussi des
obstacles à franchir, destinés à déstabiliser les routines et les
équilibres existants pour déclencher le besoin d’apprentis-
sages nouveaux. Ils pourront être apportés dans le cadre même
du projet mais aussi hors du projet par le ou les enseignants
concernés. La démarche de projet constitue donc un cadre
englobant, utile et facilitateur.
■■ Un travail d’équipe
Il n’y a pas de projet sans travail d’équipe. « Un projet oblige à
coopérer, donc à développer les compétences correspondantes :
65
Mobiliser tous les élèves
66
5. Surprendre,
diversifier
les approches
Le cours dialogué :
l’essentiel est-il vraiment de participer ?
Dans les années 1960, une idée s’impose en pédagogie : il faut
« faire participer les élèves » ! Dans le contexte de l’époque,
l’urgence consiste en effet à donner la parole aux élèves, c’est-à-
dire à autoriser leurs interventions. Mieux encore : s’en servir
pour faire avancer le cours. Cela conduit à un modèle dit « cours
dialogué », considéré alors comme innovant et donc officielle-
ment recommandé. Dans un contexte qui muselait les élèves,
rompre avec un monologue magistral de l’enseignant était
effectivement moderne. Ce modèle s’est peu à peu imposé à
l’école primaire et au collège, plus lentement au lycée.
Mais une confusion s’est rapidement installée puisque l’on a
souvent, un peu vite, qualifié ce modèle de « méthode active »
alors qu’il ne l’est pas vraiment.
67
Mobiliser tous les élèves
■■ Activisme langagier
Idéalement, dans un « bon » cours dialogué, le professeur
construit pas à pas les contenus du cours en posant des ques-
tions accessibles aux élèves et s’appuie sur leurs réponses pour
avancer. Au passage, il peut réajuster quelques erreurs ou points
restés mal compris. Présenté ainsi, le modèle paraît séduisant.
Dans la pratique, il présente des inconvénients majeurs du point
de vue de la mobilisation des élèves.
Tous les enseignants le savent, une sous-participation des
élèves paralyse la progression du cours et il n’est pas rare que le
cours se déroule avec l’appui de deux ou trois élèves seulement.
Que sait-on dans ces conditions de l’activité des autres ? Quant
à la sur-participation, elle conduit vite au désordre et rend inau-
dibles et illisibles les savoirs visés. Ces deux écueils sont si fré-
quents qu’ils hypothèquent lourdement ce type de cours.
En outre, les questions de l’enseignant appellent en général
des réponses courtes. Les élèves produisent rarement une
phrase complète, et encore moins plusieurs phrases. La pensée
n’a donc pas l’occasion de se développer pour exprimer la com-
plexité. Cela conduit même parfois à l’absurde et devient pour
certains élèves un jeu de devinettes qui consiste à trouver le
mot exact attendu par le professeur. Pour eux, l’essentiel est de
participer mais cette focalisation excessive sur la « participa-
tion » maximum des élèves peut se faire au détriment du sens et
du développement d’une pensée organisée.
Le tableau s’aggrave encore si l’on examine de près les
échanges entre professeur et élèves. Dans le cas de figure d’un
cours dialogué idéal, si le maître veille à solliciter tous les
élèves, chaque élève ne peut espérer intervenir plus d’une ou
deux fois. Si des élèves se manifestent plus souvent, c’est au
détriment d’autres qui ne le feront pas. La liberté de parole, qui
est l’un des atouts de cette méthode, est limitée par le nombre
68
5. Surprendre, diversifier les approches
Le cours dialogué
Dans le cours dialogué, le maître fait progresser le cours par
un jeu de questions-réponses plus ou moins préméditées. Il ajuste
les questions en fonction des réponses obtenues et prend appui sur
elles pour avancer. Il est meneur de jeu et la parole repasse toujours
par lui.
Préconisé dans les années 1960 pour rompre avec le cours
magistral, c’est un modèle de cours actuellement encore très
souvent pratiqué. Il a l’avantage de s’appuyer sur ce que les élèves
disent mais il a l’énorme inconvénient de ne pas suffisamment
mobiliser les élèves dont l’activité réelle reste très aléatoire.
69
Mobiliser tous les élèves
Pour mobiliser les élèves, il faut donc varier les modes de sol-
licitation et utiliser toute la palette des cas de figure possibles
en jouant sur toutes les ressources disponibles.
70
5. Surprendre, diversifier les approches
■■ Attention et concentration
Un premier écueil consiste à éviter un cours qui suppose
une attention continue d’un bout à l’autre. La durée maximale
d’attention continue varie en fonction de l’âge et est de toute
façon très inférieure à 55 minutes ! Prévoir des changements
de tempo permet de maintenir la qualité de la concentration, ce
qui suppose de varier les modes de sollicitation : le mode magis-
tral ou le mode dialogué interactif ont tout à fait leur place à
condition de ne pas être uniques ou envahissants, si leur durée
est contrôlée et s’ils sont prévus en alternance avec des temps
d’activités individuels, en binômes, en petits groupes.
12. André de Peretti, François Muller, Mille et une propositions pédagogiques pour
animer son cours et innover en classe, ESF éditeur, 2008, pp. 137-146.
71
Mobiliser tous les élèves
72
5. Surprendre, diversifier les approches
73
Mobiliser tous les élèves
14. Yves Guégan, Les ruses éducatives, 100 stratégies pour mobiliser les élèves,
ESF éditeur, 2008, p. 55.
74
5. Surprendre, diversifier les approches
75
6. Re-mobiliser grâce
à la pédagogie
du contrat
76
6. Re-mobiliser grâce à la pédagogie du contrat
La pédagogie du contrat
Le contrat lie un élève et un ou plusieurs enseignants – ou mieux
encore, l’équipe pédagogique – sur un ou des objectifs précis
et raisonnables pour une durée déterminée qui dépend de l’âge
de l’élève : quelques semaines pour les plus jeunes, un ou deux
mois pour des adolescents.
77
3
Relevé le défi
de l’hétérogénéité
L’
hétérogénéité des classes pose des problèmes pédago-
giques aux enseignants, elle est même souvent consi-
dérée comme une difficulté majeure du métier. Pourtant,
elle est étroitement liée à la nature républicaine et démocra-
tique de l’école. Si l’hétérogénéité est vécue en France comme
croissante, c’est qu’en quarante ans, on est passé d’une école
entièrement fondée sur la sélection dès la 6e à un tronc commun
jusqu’en 3e puis à une ouverture de plus en plus large aux bac-
calauréats et aux études post-bac. Assumer cette hétérogénéité
est donc un défi démocratique posé aux enseignants.
Rompre avec « l’indifférence aux différences1 », tel est bien
l’enjeu, selon la belle formule de Bourdieu.
« Nous n’avons pas le droit de faire comme si tous les enfants
d’une classe d’âge étaient semblables, leur maturité cognitive
et affective diffère autant que leur développement physique »,
déclare avec force Jeanne Moll2. L’hétérogénéité n’est pas un
accident ou un dysfonctionnement : elle est la traduction de
notre diversité. La prendre en charge est un devoir et Claparède
79
Gérer l’hétérogénéité des élèves
80
1. L’hétérogénéité,
obstacle ou atout ?
81
Gérer l’hétérogénéité des élèves
82
1. L’hétérogénéité, obstacle ou atout ?
La pédagogie différenciée
comme réponse à l’hétérogénéité
Gérer l’hétérogénéité implique la mise en œuvre d’une péda-
gogie différenciée.
En France, en 1983, sous l’influence de Louis Legrand, la péda-
gogie différenciée a été officiellement proposée comme réponse
à l’hétérogénéité croissante des élèves. Mais aujourd’hui encore,
la notion reste souvent bien floue. Elle est perçue comme un
idéal inaccessible pour nombre d’enseignants qui se sentent
démunis lorsqu’il s’agit de la mettre en pratique.
83
Gérer l’hétérogénéité des élèves
La pédagogie différenciée,
ce n’est pas compliqué
Pour dédramatiser, il faut sans doute se libérer du carcan de
l’expression « pédagogie différenciée » qui laisse penser, à tort,
qu’il s’agit d’une pédagogie exclusive avec une méthodologie
compliquée consistant à démultiplier en autant de stratégies
qu’il y a d’élèves dans la classe. Philippe Meirieu6 souligne
d’ailleurs qu’il n’est « ni possible ni souhaitable d’individua-
liser complètement le fonctionnement d’une classe » et que « la
différenciation n’est pas l’atomisation de la classe ou la dispa-
rition du cadre scolaire au profit du seul tutorat individuel ».
Nous avons souligné par ailleurs à quel point le fonctionnement
social de la classe était déclencheur d’apprentissage.
Au contraire, chaque enseignant peut aisément introduire
dans sa classe des procédés ou modalités de différenciation,
quels que soient les contenus d’apprentissage et les compé-
tences concernés. La pédagogie différenciée, c’est avant tout
une démarche qui vise à prendre en compte les besoins de tous
les élèves, qu’ils soient en réussite généralisée ou en échec
patent et, loin de passer forcément par des dispositifs sophisti-
qués, elle peut s’exercer au quotidien grâce à quelques principes
ou méthodes simples.
6. Philippe Meirieu, Faire l’école, faire la classe, ESF éditeur, 2004, p. 184.
84
2. Mettre en œuvre
une pédagogie
différenciée réaliste
au quotidien
85
Gérer l’hétérogénéité des élèves
Identifier et combiner
des leviers efficaces pour différencier
« La pédagogie différenciée consiste à utiliser toutes les res-
sources disponibles, à jouer sur tous les paramètres pour orga-
niser les activités de sorte que chaque élève soit constamment
ou du moins très souvent confronté aux situations didactiques
les plus fécondes pour lui. » Différencier au quotidien consiste,
comme le propose Philippe Perrenoud, à repérer dans la palette
pédagogique disponible des ressources particulièrement adap-
tées. Un certain nombre de ces leviers sont cités ci-dessous.
86
2. Mettre en œuvre une pédagogie différenciée réaliste au quotidien
87
Gérer l’hétérogénéité des élèves
Comment s’organiser ?
Un premier niveau de différenciation, facile à mettre en
œuvre, consiste à veiller à enchaîner, au sein d’un même cours
ou d’une même séquence, diverses méthodes, divers supports,
diverses démarches afin que chaque élève ait une chance de
trouver des activités qui lui conviennent. C’est ce qu’André de
Peretti appelle la différenciation successive.
Plus complexe à mettre en œuvre, la différenciation simul-
tanée développée par Philippe Meirieu vise à répondre de façon
personnalisée aux besoins des élèves. L’enseignant organise
simultanément des activités différentes pour les élèves, l’une
des modalités étant ce qu’il nomme « groupes de besoin ». Il
peut aussi moduler et adapter l’aide pour une même tâche.
Ces deux formes de différenciation sont complémentaires et
développées ci-dessous.
Différenciation successive
ou simultanée ?
La différenciation successive proposée par André de Peretti consiste
à systématiquement proposer plusieurs approches différentes des
mêmes notions en faisant varier différents paramètres (méthodes,
situations d’apprentissage, supports, démarches…) afin que chaque
élève ait le maximum de chance de rencontrer des méthodes qui lui
conviennent.
La différenciation simultanée proposée par Philippe Meirieu peut
s’exercer selon deux cas de figure :
1. Les élèves effectuent dans le même temps des activités diffé-
rentes (choisies par eux en fonction de leurs intérêts ou désignées
par l’enseignant en fonction des besoins qu’il a identifiés).
88
2. Mettre en œuvre une pédagogie différenciée réaliste au quotidien
Références
André de Peretti, Les points d’appui de l’enseignant : pour une théorie et
une pratique de la pédagogie différenciée, Institut National de Recherche
Pédagogique (INRP), 1984
Philippe Meirieu, L’école, mode d’emploi. Des méthodes actives
à la pédagogie différenciée, ESF éditeur, 1985
89
Gérer l’hétérogénéité des élèves
■■ Auditifs ou visuels ?
Par ailleurs, les apports de la gestion mentale peuvent aussi
être utiles. Certains enseignants privilégient toujours l’oral et
recourent très peu à l’écrit, ou inversement, ce qui pénalise,
selon les cas, les élèves à dominante visuelle ou auditive. Veiller
à associer continuellement oral, écrit et à ne pas oublier les
gestes et les mouvements du corps est une façon de différen-
cier les approches pour ne pas risquer de privilégier toujours la
même catégorie d’élèves.
Les travaux d’Antoine de la Garanderie sont connus sous
le nom de « Gestion mentale ». La Gestion mentale explore,
décrit et étudie les processus mentaux dans leur diversité. L’un
des aspects de ces travaux complexes a des applications pédago-
giques simples, il s’agit des évocations mentales9.
90
2. Mettre en œuvre une pédagogie différenciée réaliste au quotidien
91
Gérer l’hétérogénéité des élèves
Proposer simultanément
des activités différentes
92
2. Mettre en œuvre une pédagogie différenciée réaliste au quotidien
93
Gérer l’hétérogénéité des élèves
forme exigeante des résultats tandis que ceux qui ont mis plus
de temps à trouver pourront présenter leurs réponses sous une
forme moins élaborée en termes d’exhaustivité et de présenta-
tion formelle
L’autonomie totale laissée à ceux qui sont le plus à l’aise
libère du temps pour un accompagnement qui oriente les autres
élèves sans jamais pour autant résoudre la difficulté à leur place.
Qu’elle soit proposée en travail individuel ou combinée à un tra-
vail par petits groupes, une situation problème permet de gérer
des rythmes différents et d’ajuster l’aide aux besoins.
L’enseignement par compétences peut aussi être un facili-
tateur. Une compétence non validée à un moment donné peut
l’être ultérieurement. Le livret de compétences permet de
visualiser à tout moment l’état des lieux pour chaque élève,
fournissant ainsi des pistes concrètes pour une aide personna-
lisée et travailler spécifiquement des nœuds de difficultés. Une
même compétence peut aussi être travaillée au même moment
dans une classe, à partir de supports plus complexes ou plus
difficiles pour les uns, plus simples et avec un accompagnement
plus rapproché pour les autres, comme on l’a vu dans l’exemple
présenté ci-dessus.
94
3. Le travail de groupe :
un outil privilégié
de différenciation
10. Philippe Meirieu, Faire l’école, faire la classe, ESF éditeur, 2004, p. 117.
95
Gérer l’hétérogénéité des élèves
Pourquoi ça marche ?
Corrélat :
Zone proximale de développement
96
3. Le travail de groupe : un outil privilégié de différenciation
97
Gérer l’hétérogénéité des élèves
Comment ça marche ?
Le travail de groupe fait souvent peur aux enseignants : peur
du bruit, du désordre, de laisser des élèves complètement inac-
tifs récupérer le travail des autres, de ne pas pouvoir contrôler
les bavardages sans rapport avec le travail donné, de laisser des
jeux de pouvoir s’installer, de ne pas savoir comment l’évaluer.
Quelques modalités précises de mise en œuvre fournissent
des réponses.
98
3. Le travail de groupe : un outil privilégié de différenciation
■■ Bruits et désordre
En classe, le silence de l’endormissement ou de la soumis-
sion passive est plutôt ce qui devrait inquiéter les enseignants.
On s’ennuie beaucoup dans les classes et bien des problèmes
de « discipline » sont liés à la façon dont les élèves savent ou
non s’ennuyer avec discrétion. Pour assurer son autorité dans
une classe, il est primordial d’intéresser les élèves et les main-
tenir en alerte intellectuelle constamment. Or, des élèves qui
cherchent ensemble à résoudre une difficulté, cela fait du bruit :
celui de la pensée en action, un bruit qui loin d’être censuré doit
être favorisé, mais régulé pour éviter des débordements.
Recadrer fermement toute incursion ou bavardage vers des
domaines sans rapport avec le sujet est nécessaire et se fait
facilement. On peut même demander au groupe de désigner en
son sein un gardien du sujet. Cette responsabilisation est très
efficace et ludique, y compris quand elle est confiée à celui qui
risque le plus de dévier. Mais le moyen le plus sûr est de donner
une tâche intéressante et mobilisatrice.
Le niveau sonore est un autre problème. Pour éviter désordre
et décibels agressifs, le pilotage du démarrage du travail doit
être précis pour que les élèves puissent avoir « une représenta-
tion nette et désirable11 » du travail à accomplir. Il est important
de donner toutes les consignes collectives, de susciter toutes les
demandes de précisions, de vérifier leur appropriation en les fai-
sant reformuler quand la classe a encore sa configuration collec-
tive, avant qu’elle ne soit éclatée en petits groupes. La posture
magistrale et le point fixe concentrent l’attention. À l’opposé,
un professeur qui se déplace dans la classe au moment où il
donne les consignes introduit lui-même un facteur de désordre
et de bruit puisqu’il se dérobe constamment aux regards et que
99
Gérer l’hétérogénéité des élèves
les élèves doivent bouger s’ils veulent le suivre des yeux. Une
feuille de route qui récapitule les consignes par écrit, distri-
buée mais aussi projetée en permanence sur le mur de la classe,
permet de solliciter les visuels autant que les auditifs.
Une fois les élèves placés en groupes, les interventions à
l’adresse de l’ensemble de la classe sont à éviter car elles per-
turbent la concentration de chaque groupe. En cas de besoin, le
maître n’intervient qu’à voix basse de façon sélective et renvoie
vers la consigne ou vers le groupe par une question plutôt que
d’apporter la réponse.
Il faudra peut-être de temps en temps redonner le « la » si le
niveau sonore global est monté dans l’effervescence du travail.
L’enseignant lui-même doit s’efforcer de ne pas parler trop fort.
Un remue-ménage de tables est une autre source de désordre,
à réduire au minimum nécessaire et à cadrer dans un temps
très limité, avec un début et une fin clairement minutés. Faire
bouger les élèves est par ailleurs moins bruyant que de démé-
nager les meubles et l’on peut fort bien travailler à quatre sur
une même table, simplement en déplaçant deux chaises.
Mais ces problèmes ne surviennent que lors des premiers tra-
vaux de groupe. Une fois la pratique complètement banalisée
pour les élèves, l’auto-régulation sonore se fait sans problème.
Si vraiment des problèmes de discipline et de concentration per-
durent, il est raisonnable que le maître s’interroge sur la tâche
qu’il a donnée, probablement trop facile ou infaisable.
100
3. Le travail de groupe : un outil privilégié de différenciation
101
Gérer l’hétérogénéité des élèves
102
3. Le travail de groupe : un outil privilégié de différenciation
12. Voir les travaux de Jean-Pierre Astolfi, L’école pour apprendre, ESF éditeur,
1992, p. 178.
103
Gérer l’hétérogénéité des élèves
Le travail en binôme :
une variante simple et efficace
Une variante très simple du travail en groupe consiste à faire
travailler deux voisins en binôme. La mise en œuvre est simple :
pas de déplacement et un temps de travail qui peut être très
court.
Le travail en binôme introduit un temps d’échanges à l’in-
térieur d’un cours, un espace de parole autorisée qui tranche
avec un moment d’écoute silencieuse. Il offre surtout un lieu de
réflexion où le plus faible pourra être épaulé par le plus fort, qui
pourra lui-même découvrir des résistances insoupçonnées grâce
aux difficultés de son voisin et ainsi conforter ses choix de façon
argumentée. Et si un élément du binôme est défaillant et laisse
son voisin travailler seul ? C’est le rôle du professeur de repérer
ces binômes déséquilibrés et de changer la configuration ou bien
de donner la parole à celui qui n’a fait qu’écouter son voisin. S’il
est capable de reformuler les propositions de son voisin, il n’a pas
totalement perdu son temps. Aurait-il mieux participé en classe
entière ? Le risque, on le voit, est quasiment nul.
Ces temps de travail en binôme sont très utiles, par exemple
pour échanger des copies et introduire un vrai lecteur qui, plus
qu’un simple correcteur, pourra dire : « Ici, je ne comprends
pas, ici, je ne suis pas d’accord. » En phase exploratoire de docu-
ments inconnus ou d’une notion nouvelle, pouvoir en parler
sécurise les élèves et favorise l’accrochage, « l’enrôlement dans
la tâche » selon l’expression de Jerome Bruner. On peut aussi
constituer des binômes d’entraide, ce qui donne l’occasion aux
élèves qui maîtrisent bien une notion de changer de posture et
de développer leurs compétences explicatives.
104
3. Le travail de groupe : un outil privilégié de différenciation
105
Gérer l’hétérogénéité des élèves
106
3. Le travail de groupe : un outil privilégié de différenciation
■■ Partager l’évaluation
Une évaluation critériée appuyée sur le socle commun est
tout à fait faisable et il est logique de communiquer à l’avance
les critères selon lesquels les travaux seront évalués. Il est par-
ticulièrement intéressant d’établir cette liste avec les élèves afin
qu’ils aient le temps de se les approprier. C’est aussi l’occasion
d’ajuster le niveau d’exigence et de mesurer la faisabilité.
Dans la logique d’une construction collective des savoirs, il est
nécessaire que les travaux de groupes débouchent rapidement
107
Gérer l’hétérogénéité des élèves
108
3. Le travail de groupe : un outil privilégié de différenciation
La règle et le droit
L’élève comprend et respecte les règles communes, notamment
les règles de civilité, au sein de la classe, de l’école ou de
l’établissement, qui autorisent et contraignent à la fois et qui
engagent l’ensemble de la communauté éducative […]».
109
4. Gérer des rythmes
différents
110
4. Gérer des rythmes différents
111
Gérer l’hétérogénéité des élèves
112
4. Gérer des rythmes différents
■■ De l’excellence à l’échec
Contrairement à l’idée communément répandue, l’excellence
produit elle aussi de la souffrance scolaire, au point de fabriquer
de l’échec et de provoquer un gâchis humain et intellectuel qui,
à lui seul, devrait suffire à attirer l’attention sur l’intérêt d’une
pédagogie différenciée qui réponde aux besoins de ces enfants.
En effet, tous les témoignages d’enseignants ou de parents
confrontés au problème soulignent les souffrances aiguës de
nombre d’entre eux. Le concept de dyssynchronie éclaire le
vécu particulier lié aux décalages que certains vivent très
mal et auxquels l’école contribue fortement puisque la seule
réponse consiste à faire sauter des classes, ce qui conduit ces
113
Gérer l’hétérogénéité des élèves
La dyssynchronie
Le terme de « dyssynchronie » a été introduit en 1979 par
Jean-Charles Terrassier dans son livre Neuropsychiatrie
de l’enfance et de l’adolescence.
La dyssynchronie décrit le vécu psycho-social particulier de
nombreux enfants intellectuellement précoces. Ces enfants
présentent fréquemment un développement affectif et une maturation
psychomotrice moins en avance que leur développement intellectuel
(dyssynchronie interne). Par ailleurs, l’école, les camarades et parfois
les parents n’attendent d’eux qu’un comportement conforme
à la norme de leur âge (dyssynchronie sociale).
Des difficultés, notamment au niveau de leur insertion scolaire
et familiale, peuvent résulter de ce développement hétérogène
et de l’incompréhension du milieu.
114
4. Gérer des rythmes différents
115
4
L’approche
par compétences
L
e socle commun de connaissances et de compétences
est, depuis 2006, adossé aux programmes de l’école pri-
maire et du collège officialisant ainsi l’enseignement par
compétences en France. Remaniée et ajustée en 2015, sa nou-
velle version entre en vigueur à la rentrée 2016. Le socle commun
est inscrit dans les missions de l’enseignant en Belgique depuis
1997 et au Québec depuis 2000. Le Parlement européen s’était
positionné en 2001 pour recommander un enseignement par
compétences. Depuis, d’autres pays, en Europe ou ailleurs, se
sont lancés.
117
1. Compétence :
un concept pas
si flou qu’on le dit
119
L’approche par compétences
120
1. Compétence : un concept pas si flou qu’on ne le dit
Le concept de compétence
en sciences de l’éducation
Si certaines nuances peuvent encore subsister d’une définition
à l’autre, toutes s’accordent cependant sur trois invariants qui
caractérisent aujourd’hui le concept :
––la compétence est tournée vers l’action adaptée à un contexte,
action à prendre au sens large, action manuelle tout autant
qu’action intellectuelle : « s’adapter, résoudre des problèmes
et réaliser des projets » (Romainville) ;
––la compétence met en jeu des connaissances de tous ordres :
« conceptuelles, procédurales » (Gillet), « savoirs, savoir-
faire, savoir-être et savoir-devenir » (Romainville), « con-
naissances, aptitudes (capacités) et attitudes » (Parlement
européen), « connaissances, capacités à les mettre en œuvre
et attitudes » selon le socle commun français ;
––la compétence a un champ d’application délimité plus ou
moins étendu : ce sont les « familles de situations » ou « le
contexte donné », selon Perrenoud ou Le Boterf.
121
L’approche par compétences
■ Pierre Gillet
Une compétence est « un système de connaissances, conceptuelles
et procédurales, organisées en schémas opératoires et qui
permettent, à l’intérieur d’une famille de situations, l’identification
d’une tâche-problème et sa résolution par une action efficace ».
Pierre Gillet, Construire la formation : outils pour les enseignants
et les formateurs, PUF, 1991, p. 69.
■ Guy Le Boterf
« La compétence est la mobilisation ou l’activation de plusieurs
savoirs, dans une situation et un contexte donnés. »
Il n’y a de compétence que de compétence en acte. La compétence
ne peut fonctionner « à vide », en dehors de tout acte qui ne se limite
pas à l’exprimer mais qui la fait exister.
Guy Le Boterf, De la compétence, essai sur un attracteur étrange,
Éditions d’organisation, 1995.
■ Marc Romainville
« Une compétence est un ensemble intégré et fonctionnel de savoirs,
savoir-faire, savoir-être et savoir-devenir, qui permettront, face à une
catégorie de situations, de s’adapter, de résoudre des problèmes
et de réaliser des projets. »
M. Romainville, G. Bernaerdt, et al., « Réformes : à ceux
qui s’interrogent sur les compétences et leur évaluation »,
Forum pédagogie, 1998.
■ Philippe Perrenoud
« Capacité d’agir efficacement dans un type défini de situation,
capacité qui s’appuie sur des connaissances mais ne s’y réduit pas. »
Philippe Perrenoud, Construire des compétences dès l’école,
ESF éditeur, 1997.
122
1. Compétence : un concept pas si flou qu’on ne le dit
Compétence et capacités :
vrais ou faux débats ?
Les choses se compliquent singulièrement lorsque l’on entre
dans la finesse des propositions de catégorisation avancées par
chacun, et particulièrement lorsque l’on examine les listes du
socle européen ou du socle commun de connaissances et de
compétences français.
■■ Un vocabulaire flottant
Le vocabulaire auquel on se trouve confronté est foisonnant :
capacités, aptitudes, attitudes, domaine, items… et il n’est pas
facile de s’y retrouver.
123
L’approche par compétences
124
1. Compétence : un concept pas si flou qu’on ne le dit
125
2. « L’irrésistible
ascension
de la notion
de compétence5 »
126
2. « L’irrésistible ascension de la notion de compétence »
127
L’approche par compétences
128
2. « L’irrésistible ascension de la notion de compétence »
■■ De l’utile à l’utilitarisme
Néanmoins, il ne faut pas réduire la notion de mise en œuvre
active liée à l’enseignement par compétences à une mise en pra-
tique utilitaire, c’est-à-dire soumettre l’enseignement au prin-
cipe d’utilité directe dans la vie sociale ou professionnelle.
Vincent Carette et Bernard Rey8 attirent l’attention sur ce
danger. Le risque d’instrumentaliser les savoirs existe si l’on se
méprend sur ce que signifie finaliser les savoirs. En effet, l’un
des moyens de mobiliser les élèves sur les savoirs est de leur
montrer à quoi ils leur seront utiles dans la vie. À l’école pri-
maire, et aussi parfois au-delà, on recherche des situations pro-
blèmes proches de la vie quotidienne pour motiver les élèves.
Cela présente un intérêt pédagogique mais, si l’on devait se
limiter à cela – et ce n’est pas le cas, même à l’école primaire –,
les risques seraient considérables.
D’abord parce que cela conduit forcément à appauvrir le
savoir, « on risque de l’amputer de sa partie la plus significa-
tive », expliquent B. Rey et V. Carette. Ils illustrent le propos
avec l’exemple des savoirs scientifiques. « On risque dans la
présentation du savoir de mettre l’accent sur les résultats utili-
sables et de laisser de côté les preuves rationnelles et empiriques
qui les valident […]. Or cette démarche de preuves, ces expli-
cations et justifications sont, au sein du savoir, ce qui rend le
monde intelligible et ce qui conduit l’élève à élargir l’expérience
129
L’approche par compétences
Favoriser la gestion
des rythmes différents des élèves
Une autre difficulté de l’enseignement déjà évoquée consiste
à prendre en compte les rythmes différents des élèves. Tant que
l’enseignement était officiellement élitiste, c’est-à-dire que des
parcours différents s’organisaient dès le CM2, le problème des
rythmes différents des élèves était ignoré par l’institution. Des
paliers successifs, des goulets d’étranglement en fin de CM2,
en fin de 5e, voire en fin de 4e, excluaient des études générales
les élèves qui ne « suivaient » pas, selon la métaphore impi-
toyable encore couramment employée. Une autre réponse était
le redoublement. La question des écarts entre les rythmes dif-
férents des élèves s’est posée de façon explosive avec la mise
130
2. « L’irrésistible ascension de la notion de compétence »
10. L’entrée de tous les élèves en 6e date de 1975 et est connue sous le nom de
« réforme Haby » du nom du ministre de l’époque.
131
L’approche par compétences
132
2. « L’irrésistible ascension de la notion de compétence »
Développer l’adaptabilité
L’apprentissage et l’évaluation des compétences impliquent
que les élèves soient régulièrement confrontés à des situations
complexes et nouvelles. Dans un monde qui change de plus en
plus vite, où les savoirs scientifiques ne cessent d’évoluer selon
un rythme de plus en plus rapide, il faut être prêt à d’impré-
visibles changements et, selon la formule de Michel Serres12,
nous vivons dans un monde en mutation « incomparable » où
il faut « inventer d’inimaginables nouveautés ». L’école doit
mieux préparer à le faire.
Habituer les élèves à gérer la complexité de situations iné-
dites contribue à développer adaptabilité et réactivité, voilà
pour le positif. Néanmoins, le risque est réel – comme le
12. Michel Serres, intervention à l’Institut de France, 1er mars 2011, cité par le Café
pédagogique : www.cafepedagogique.net.
133
L’approche par compétences
134
2. « L’irrésistible ascension de la notion de compétence »
135
L’approche par compétences
136
5
Évaluer
pour faire progresser
L’
évaluation est l’un des points très sensibles du travail de
l’enseignant. Ce n’est pourtant que l’un des aspects du
métier mais c’est aussi le plus visible et souvent le seul
qui retiendra l’attention. Assumée quasiment librement par l’en-
seignant, l’évaluation focalise l’attention des élèves, des familles
et de l’ensemble de l’équipe éducative, en particulier du chef
d’établissement.
Les enjeux sont énormes. Le cursus scolaire des jeunes se joue
à partir de l’évaluation qui s’avère un redoutable instrument de
discrimination et de sélection sociale. Sur le plan individuel,
l’évaluation est source de bien des souffrances et malentendus.
On ne souligne sans doute pas assez les liens entre évaluation et
démobilisation – voire décrochage – scolaire. On occulte aussi la
façon dont l’évaluation à l’école génère de la violence.
137
1. L’évaluation : des
avancées indéniables
De la notation à l’évaluation
Dans les années 1970, des travaux de recherche décisifs
ébranlent les pratiques pédagogiques centrées exclusivement
sur la notation et sur le classement des élèves. Le concept d’éva-
luation s’affirme et avec lui apparaît un nouveau regard : éva-
luer, c’est, comme le souligne André de Peretti, « faire sortir des
valeurs1 ». L’enjeu est double : valoriser l’élève et agir au nom
de valeurs humanistes pour assurer en chaque individu « le
développement du maximum de possibles2 ». C’est aussi passer
d’une culture du classement des personnes (l’élite et les cancres)
à celle de l’appréciation, non de la personne, mais de ses résul-
tats. « L’évaluation n’est ni du jugement de valeur, ni de l’éti-
quetage, ni de la catégorisation réactive, émotive, l’évaluation
est une réflexion juste sur la valeur de l’activité de l’élève et non
pas sur la valeur de l’élève », souligne Anne Jorro.
139
Évaluer pour faire progresser
L’évaluation : définition
Évaluer, c’est attribuer une valeur à quelque chose en vue de
prendre une décision.
Jean-Marie de Ketele en propose la définition suivante :
« L’évaluation est le processus qui consiste à recueillir un ensemble
d’informations pertinentes, valides et fiables, puis à examiner
le degré d’adéquation entre cet ensemble d’informations et un
ensemble de critères choisis adéquatement en vue de fonder
la prise de décision. »
Cette définition sert souvent de référence parce que, d’une part,
elle décrit le processus et pointe les différentes étapes :
− prise d’informations ;
− interprétation des résultats en fonction d’un référentiel ;
− décision.
D’autre part, elle souligne des aspects qui restent souvent implicites,
voire inconscients :
− pertinence ;
− fiabilité ;
− validité des informations et critères.
La nature de la décision à prendre définit le type d’évaluation et
le moment où on l’effectue, on parle alors d’évaluation sommative,
certificative, formative, diagnostique (voir index).
Les modalités de l’évaluation sont diverses et certaines
peuvent se combiner entre elles, on peut pratiquer l’évaluation
critiériée, l’auto-évaluation, la co-évaluation, l’évaluation
par compétences… (voir index).
140
1. L’évaluation : des avancées indéniables
L’évaluation formative :
une pratique incontournable
Le concept d’évaluation formative apparaît dans les années
19703. Il est d’abord lié à des protocoles rigides issus des tra-
vaux de Bloom, puis prend très vite de la maturité. Grâce aux
travaux des chercheurs et à des praticiens qui l’expérimentent,
le concept s’élargit et s’émancipe de dispositifs et d’outils trop
lourds. C’est aujourd’hui un moyen indiscutable de faire pro-
gresser les élèves.
141
Évaluer pour faire progresser
142
1. L’évaluation : des avancées indéniables
143
Évaluer pour faire progresser
144
1. L’évaluation : des avancées indéniables
Évaluation sommative
et évaluation certificative
Est sommative toute évaluation qui vise à faire le point sur les
acquis, à dresser un bilan. Elle intervient donc forcément à l’issue
d’une séquence d’apprentissage.
Les formes privilégiées de l’évaluation sommative sont les tests en
tous genres. Le jargon scolaire a opéré une réduction qui en dit long
sur la perception de cette évaluation : ce sont les « contrôles ».
Lorsque le bilan est destiné à délivrer un diplôme ou une qualifica-
tion, cette évaluation est dite « certificative » : les examens en sont
l’exemple le plus courant.
Cette fonction certificative induit des gestes de référenciation
spécifiques (voir page 152 ce concept proposé par Anne Jorro).
Autrement dit, l’enseignant qui corrige un examen ne négocie pas
de la même façon ses exigences par rapport au référentiel que
lorsqu’il effectue une évaluation sommative dans sa propre classe.
Mais, en France, la spécificité de l’évaluation certificative
n’est pas encore véritablement intégrée dans la culture
évaluative partagée.
145
Évaluer pour faire progresser
L’évaluation diagnostique :
une prise de repères très utile
Lorsqu’un enseignant prend en charge de nouveaux élèves,
un temps d’observation est indispensable.
Toutes les activités destinées à faire le point sur les acquis et à
repérer les fragilités dans le but de mieux adapter les séquences
d’apprentissage relèvent de l’évaluation diagnostique. C’est un
moyen de rendre plus efficace le travail proposé dès le début de
l’année. C’est prendre du temps pour en gagner.
Les formes de l’évaluation diagnostique peuvent être très
variées, l’essentiel étant de ne pas détourner ces bilans de leur
fonction : repérer pour agir. Toute notation devrait donc évi-
demment être exclue ! Des systèmes de cotation alternatifs
permettent d’évaluer sans noter. Les cahiers d’évaluation natio-
naux proposés en CE2 et en 6e de 1989 à 2009 relèvent de ce
type d’évaluation, mais chaque enseignant peut imaginer bien
d’autres modalités.
L’évaluation par compétences, qui se développe en France,
devrait faciliter cette phase d’évaluation diagnostique.
Évaluation diagnostique
Évaluation intervenant au début, voire au cours d’un apprentissage
ou d’une séquence de formation, qui permet de repérer et d’identifier
les difficultés rencontrées par l’élève ou l’étudiant afin d’y apporter
des réponses pédagogiques adaptées.
Il s’agit d’une des modalités d’une démarche d’évaluation
formative, destinée à mieux ajuster les activités des élèves
aux besoins.
146
1. L’évaluation : des avancées indéniables
6. Citée par Lydie Heurdier et Antoine Prost, Les politiques de l’éducation en France,
La Documentation française, 2014, p. 239-240.
7. Jusqu’en 1969, les résultats des élèves étaient évalués par une composition unique
(un contrôle) par mois à l’école primaire, une par trimestre dans le secondaire. Les
élèves étaient classés non seulement sur leur moyenne générale mais, dans chaque
matière, sur la base de ce seul résultat. Les autres notes n’étaient que rarement
prises en compte.
8. Les premiers cahiers d’évaluation sont mis en place à la rentrée 1989. Leur visée
est diagnostique.
147
Évaluer pour faire progresser
148
1. L’évaluation : des avancées indéniables
149
Évaluer pour faire progresser
150
1. L’évaluation : des avancées indéniables
151
2. Bien évaluer,
c’est aussi une
question de posture
152
2. Bien évaluer, c’est aussi une question de posture
2. Geste de référentialisation
Tout évaluateur doit être en mesure de se poser la question du
souhaitable par rapport à un référentiel. Il ne vise pas la perfection
mais une confrontation réaliste entre la réalité et un référentiel
d’évaluation. « Le geste de référentialisation est un geste de partage
des valeurs et des normes, il implique un travail de délibération
et de négociation. »
3. Geste d’interprétation
L’évaluateur doit interpréter en se basant sur les critères et les
indicateurs. La partie technique ne doit pas occulter les aspects
subjectifs et leur traduction par le langage qui exige une vigilance
sémantique.
4. Geste de conseil
Ces gestes regroupent ce qui peut permettre d’alerter l’évalué
et lui permettre de réguler ou réajuster son action. L’exhaustivité
est impossible, il s’agit donc pour l’évaluateur de faire des choix
réalistes en fonction du contexte. « Le conseil suppose alors
un équilibre entre le réalisable et le promouvable. »
5. Geste de communication
Il s’agit d’instaurer un dialogue autour de l’action qui a été évaluée
pour favoriser l’évolution.
Référence :
Anne Jorro, L’enseignant et l’évaluation. Des gestes évaluatifs
en questions, De Boeck Université, 2000
153
Évaluer pour faire progresser
10. Anne Jorro, in Mottier Lopez L. & Crahay M. (eds), Évaluation en tension : entre
la régulation des apprentissages et le pilotage des systèmes, De Boeck, 2009,
pp. 219-231.
11. Jean-Pierre Astolfi, L’erreur, un outil pour enseigner, ESF éditeur, 1997, p. 101.
154
2. Bien évaluer, c’est aussi une question de posture
12. Annotation d’autant plus inefficace qu’elle confond souvent cohérence interne
du discours et cohésion externe de l’écrit.
155
Évaluer pour faire progresser
Références :
L’enseignant et l’évaluation. Des gestes évaluatifs en questions, op. cit.
13. J. Macbeath, “I didn’t know he was ill: the role of the critical friend”, in L. Stoll
& J.K. Myers (éds), 1998.
156
3. Des outils
et des critères
pour mieux évaluer
14. André de Peretti, François Muller, Mille et une propositions pédagogiques, ESF
éditeur, 2008, p. 150.
157
Évaluer pour faire progresser
158
3. Des outils et des critères pour mieux évaluer
L’évaluation critériée
Toute activité d’évaluation suppose des critères qui permettent
de juger de la pertinence ou de la validité de la production. Dans
la pratique, ces critères sont souvent flous, fluctuants et même
complètement inconscients.
L’évaluation critériée est une évaluation qui explicite ses critères
ce qui permet de les partager avec d’autres évaluateurs, les élèves,
les parents, l’équipe éducative…
Ceux-ci peuvent être imposés mais aussi élaborés, négociés,
discutés avec les évalués pour qu’ils puissent se les approprier.
159
Évaluer pour faire progresser
16. Voir Charles Hadji, L’évaluation, règle du jeu, ESF éditeur, 1989, pp. 93 et 94
pour un compte rendu plus détaillé de ces travaux.
160
3. Des outils et des critères pour mieux évaluer
La constante macabre
André Antibi a pointé dans un ouvrage qui a fait grand bruit en 2003
un dysfonctionnement du système scolaire. Sous la pression sociale,
les enseignants se sentent obligés inconsciemment d’attribuer
un certain nombre de notes basses pour être crédibles. C’est ce
pourcentage de mauvaises notes, que l’on observe même dans des
classes ne regroupant que de bons élèves, qu’André Antibi nomme
la « constante macabre ».
André Antibi ne stigmatise pas les enseignants, il souligne au
contraire le poids de l’habitus social qui conduit à considérer que,
dans une classe, on a généralement 1/3 de bons, 1/3 de moyens,
1/3 de faibles et la difficulté pour les enseignants à sortir de
ce schéma qui pèse le plus souvent inconsciemment sur eux.
Référence :
André Antibi, La constante macabre, Éditions Math’adore, 2003
Corrélat :
Habitus
161
Évaluer pour faire progresser
162
3. Des outils et des critères pour mieux évaluer
18. Pédagogie institutionnelle : pédagogie issue du mouvement Freinet. Voir page 38,
les mouvements pédagogiques de l’éducation nouvelle.
163
Évaluer pour faire progresser
164
3. Des outils et des critères pour mieux évaluer
Le portfolio
Étymologie
Le terme portfolio, ou porte-folio, désignait à l’origine un carton
double, pliant, servant à renfermer des papiers. Emprunté à l’italien
puis à l’anglais, son domaine d’emploi initial est limité aux arts
où il désigne à la fois le contenant (porte-dessin, carton à dessin)
et le contenu (les travaux de l’artiste).
Il est récemment passé dans le vocabulaire de la formation des
adultes puis des enfants. Il désigne un dossier rassemblant tous
les travaux finalisés ou non dans un domaine donné. Il s’inscrit dans
une pédagogie centrée sur le développement des compétences.
165
Évaluer pour faire progresser
166
3. Des outils et des critères pour mieux évaluer
Référence :
André Antibi, L’évaluation par contrat de confiance, Paris, Nathan, 2008
167
Évaluer pour faire progresser
168
3. Des outils et des critères pour mieux évaluer
169
4. Les élèves
évaluateurs :
des pistes de travail
prometteuses
170
4. Les élèves évaluateurs : des pistes de travail prometteuses
L’évaluation formatrice
L’évaluation formatrice est une variante de l’évaluation formative
issue des travaux de Georgette Nunziati. Elle proposait un protocole
rigoureux qui, dans la pratique, s’est assoupli.
L’idée clé est d’impliquer chaque élève dans le processus
d’évaluation formative pour que celle-ci ne soit pas subie.
Cela suppose :
− de favoriser l’appropriation des critères d’évaluation
par les élèves ;
− d’habituer l’élève à autogérer ses erreurs ;
− de rendre l’élève capable d’autoréguler ses apprentissages
pour qu’il puisse se construire un modèle personnel d’action.
Référence
Georgette Nunziatti, « Pour construire un dispositif d’évaluation
formatrice », Cahiers pédagogiques, n° 280, 1990
171
Évaluer pour faire progresser
Co-évaluation :
partager ou inverser les rôles
Diverses modalités permettent de partager l’évaluation avec
les élèves.
Des enseignants peuvent co-assumer l’évaluation. C’est le cas
par exemple des TPE au lycée ou du B2I au collège. L’évaluation
des compétences du socle commun généralise cette pratique
puisque les compétences peuvent et doivent, sauf exception,
être évaluées dans plusieurs disciplines.
La co-évaluation peut aussi désigner la collaboration pro-
fesseur et élèves. Les élèves participent à l’évaluation de leurs
propres travaux ou de ceux d’autres élèves avec l’enseignant.
Enfin, plusieurs élèves peuvent aussi co-évaluer leurs propres
productions ou celles des autres.
172
4. Les élèves évaluateurs : des pistes de travail prometteuses
173
Évaluer pour faire progresser
174
4. Les élèves évaluateurs : des pistes de travail prometteuses
175
6
Prévenir et réduire
les difficultés
des élèves
C
’est une urgence. Le constat est accablant, toutes les éva-
luations internationales (PISA, PIRLS, TIMSS) montrent
qu’en France, non seulement l’école ne réussit pas à
réduire le pourcentage d’élèves en difficulté mais, pire encore,
les écarts se creusent ! L’école de la République ne remplit pas
sa mission.
Comment ne pas laisser s’installer l’échec, aider efficacement
tous les élèves et particulièrement ceux qui rencontrent des dif-
ficultés ? La question est cruciale.
177
1. Bousculer quelques
idées reçues
179
Pour une aide efficace aux élèves en difficulté
Référence :
Philippe Meirieu, Apprendre… oui, mais comment, ESF éditeur, 1987,
pp 69-70
180
1. Bousculer quelques idées reçues
2. Les groupes de niveau homogènes sont souvent le rêve des enseignants. Dans la
pratique, on ne peut que constater leurs limites. Sur ce point, voir p. 81.
181
Pour une aide efficace aux élèves en difficulté
182
2. Intervenir lorsque
la difficulté surgit
Médiations et médiateurs :
les passeurs de savoirs
On apprend mieux avec l’aide des autres que tout seul : c’est
le principe de la médiation. On avance plus vite dans les appren-
tissages si quelqu’un vous aide à franchir le pas que vous ne
pourriez faire seul.
La médiation désigne toutes les formes d’aide possibles en
cours d’apprentissage. Cette notion est liée au concept de zone
proximale de développement (voir index), c’est-à-dire que le
médiateur doit proposer des savoirs accessibles, situés dans la
zone de progrès possible. Jerome Bruner illustre la juste dis-
tance du médiateur par l’exemple de la maman qui, passant près
du berceau de son enfant, le voit essayer d’attraper un jouet
pourtant inaccessible. Si la maman donne le jouet à l’enfant, elle
a agi à sa place et celui-ci n’a rien appris : on peut dire qu’elle
l’a empêché d’apprendre. Si elle passe sans rien faire en négli-
geant les efforts de son enfant, elle rate une occasion de le faire
183
Pour une aide efficace aux élèves en difficulté
La médiation
En pédagogie, le mot « médiation » désigne toutes les formes d’aide
que l’on peut mettre en œuvre pour faciliter l’accès de quelqu’un
au savoir.
Le concept de médiation est un concept fondamental : il insiste
sur le rôle nécessaire des autres pour une plus grande efficacité
des apprentissages.
n Dans les années 1930, Vygotski insiste sur l’importance de
l’interaction entre celui qui apprend et d’autres personnes, adultes
ou pairs, pour faciliter l’accès à des savoirs nouveaux. Ces travaux
restent méconnus hors d’URSS jusque dans les années 1970.
n Dans les années 1970, Jerome Bruner fait connaître les travaux de
Vygotski aux États-Unis et théorise les principes d’une pédagogie de
la découverte. Il développe le concept de médiation pour désigner le
rôle de celui qui aide à apprendre. L’enseignant mais aussi les autres
élèves sont des médiateurs. Ce même concept est développé par
Bruner quand il parle d’interaction de tutelle, de tutorat ou d’étayage.
n Dans les années 1980, Reuwen Feuerstein reprend le concept de
médiation et le systématise dans le cadre de sa méthode intensive,
« le programme d’enrichissement instrumental » (le PEI), dont
certains aspects sont contestés.
184
2. Intervenir lorsque la difficulté surgit
■■ Apprendre soi-même
en apprenant aux autres
Celui qui aide a l’occasion de mettre à l’épreuve ses connais-
sances. La nécessité d’expliquer aux autres oblige à mettre en
mots la pensée et donc à la clarifier. Les résistances de celui qu’il
aide, la façon dont celui-ci pointe ce qui reste obscur pour lui,
obligent l’aidant à éradiquer le flou, à prendre conscience des
limites de ce qu’il sait.
Ce retour sur les savoirs relève de la métacognition, c’est un
moyen irremplaçable de prendre de la distance, de stabiliser ses
acquis de façon critique. En cas d’impasse, l’enseignant est là
pour intervenir. Le tutorat ne met pas complètement le profes-
seur sur la touche : il le place juste à côté, dans la posture d’ac-
compagnement (voir encadré, p. 187). Le tutorat favorise aussi
la confiance en soi et donne l’occasion au tuteur d’éprouver le
plaisir de l’inversion des rôles.
185
Pour une aide efficace aux élèves en difficulté
186
2. Intervenir lorsque la difficulté surgit
Tutorat et monitorat
187
3. Des stratégies
d’aide mobilisables
au quotidien
dans l’urgence
L’étayage didactique :
pour une aide ajustable à chacun
Étayer consiste, au quotidien, dans le tissu du cours, à apporter
une aide aux élèves.
Mais comment cela est-il concrètement mis en œuvre dans la
classe ? Les travaux de Dominique Bucheton et de son équipe
se sont attachés à donner une description fine des gestes pro-
fessionnels des enseignants. L’observation a permis de dégager
plusieurs points essentiels.
Un premier constat signale le faible pourcentage de gestes
d’étayage dans bien des cours, voire leur absence quasi totale !
Développer et conscientiser les gestes d’étayage constitue donc
une marge de progression importante.
188
3. Des stratégies d’aide mobilisables au quotidien dans l’urgence
Corrélats :
Multi-agenda, Postures d’apprentissage, Posture d’enseignement
189
Pour une aide efficace aux élèves en difficulté
L’étayage
Le concept d’étayage est issu des travaux du psychologue Jerome
Bruner dans les années 1970. Dans la lignée des travaux de Vygotski,
il désigne ainsi l’aide et le soutien que l’adulte apporte à l’enfant
pour favoriser ses apprentissages.
L’étayage didactique
Au début des années 2000, les travaux de Dominique Bucheton et
de son équipe ont permis, grâce à une analyse fine de séquences
de cours, de décrire dans le détail des gestes professionnels
concrètement effectués par les enseignants pour mettre les élèves
au travail. Mais ces travaux décrivent aussi les gestes « qui font
discuter les élèves sur les tâches, pour en extraire les significations,
les gestes qui permettent d’orienter, pointer les difficultés, apporter
les ressources ponctuelles nécessaires mais aussi ceux qui
permettent de faire ce que les élèves ne sont pas encore capables
de faire seuls7 ». C’est cet ensemble de gestes qui constitue
l’étayage didactique.
190
3. Des stratégies d’aide mobilisables au quotidien dans l’urgence
9. Philippe Meirieu, Faire l’école, faire la classe, ESF éditeur, 2008, p. 108.
191
Pour une aide efficace aux élèves en difficulté
La métacognition
Le mot désigne toute activité, verbalisée ou non, de retour réflexif
sur l’action.
Il est acquis que la métacognition, grâce à une prise de conscience
des procédures, des méthodes ainsi que des cheminements intellec-
tuels mis en œuvre pour résoudre un problème, facilite et améliore
les apprentissages ainsi que leur transfert dans d’autres situations.
Favoriser les activités de métacognition pour les élèves
constitue donc l’un des moyens de les aider à apprendre
ou à surmonter leurs difficultés.
192
3. Des stratégies d’aide mobilisables au quotidien dans l’urgence
11. Michel Grangeat, La métacognition, une aide au travail des élèves, ESF éditeur,
1997, pp. 162-163.
193
Pour une aide efficace aux élèves en difficulté
194
3. Des stratégies d’aide mobilisables au quotidien dans l’urgence
élève, lui prouve qu’il l’a écouté et lui fournit une autre présen-
tation de ce qu’il vient de dire.
Un autre avantage indiscutable est le travail sur le vocabulaire
et la syntaxe. En reformulant dans une syntaxe sans erreur, en
utilisant un lexique plus soutenu ou plus scientifique, le profes-
seur propose un modèle langagier plus élaboré sans stigmatiser
les approximations du premier énoncé. Utilisée systématique-
ment, la reformulation constitue un moyen de faire progresser
la flexibilité langagière12.
195
Pour une aide efficace aux élèves en difficulté
Corrélat :
Mobiliser les élèves
196
3. Des stratégies d’aide mobilisables au quotidien dans l’urgence
La reformulation
197
Pour une aide efficace aux élèves en difficulté
17. Henri Wallon, Les origines de la pensée chez l’enfant, PUF, 1945.
198
4. Les erreurs : un
irremplaçable vivier
pour ajuster l’aide
18. Guy Brousseau, Théorie des situations didactiques, La Pensée Sauvage, 1998.
19. Scotomisé, vocabulaire psychanalytique : refoulé comme une réalité pénible.
199
Pour une aide efficace aux élèves en difficulté
20. Guy Brousseau, « Les erreurs des élèves en mathématiques, Étude dans le
cadre de la théorie des situations didactiques », www.irem.ujf-grenoble.fr.
200
4. Les erreurs : un irremplaçable vivier pour ajuster l’aide
201
Pour une aide efficace aux élèves en difficulté
202
4. Les erreurs : un irremplaçable vivier pour ajuster l’aide
203
Pour une aide efficace aux élèves en difficulté
Le statut de l’erreur
« Parce que comprendre est plus important que réussir, l’école est
un lieu où l’on doit pouvoir se tromper sans risque », déclare Philippe
Meirieu ; et pourtant, un modèle pédagogique implicite encore très
prégnant fait de l’erreur une faute, un raté punissable.
Les perspectives constructivistes considèrent l’erreur comme inhé-
rente au processus même d’apprentissage, un événement normal.
Elle permet de renseigner l’enseignant sur les obstacles qui freinent
ou empêchent les apprentissages. Le rôle de l’enseignant est alors
de proposer des aides pour surmonter les obstacles identifiés.
Guy Brousseau21 souligne que l’erreur peut avoir, selon les phases
de l’apprentissage, des statuts différents dans une même classe
pour un même professeur et les mêmes élèves : « essai », « erreur »,
« échec à un exercice », « échec d’un apprentissage », « faute », et
surtout il signale : « Le statut des erreurs peut se modifier à l’insu
des acteurs. L’élève croyait pouvoir faire un essai, le professeur
le reprend comme s’il avait commis une erreur dans un exercice,
et si cette décision ignore un enseignement avéré, c’est même
une faute, voire une offense au professeur. »
204
4. Les erreurs : un irremplaçable vivier pour ajuster l’aide
Typologie d’erreurs
selon Jean-Pierre Astolfi
« Vos erreurs m’intéressent », déclarait Jean-Pierre Astolfi en 1997
dans un ouvrage dont le titre parle de lui-même : L’erreur, un outil
pour enseigner.
Il propose une typologie qui, loin d’être exhaustive, montre une
diversité de directions dans lesquelles l’enseignant peut chercher :
− difficultés liées à la compréhension des consignes ou des
attentes ;
− erreurs liées à des conceptions erronées préexistantes qui
n’ont pas été ébranlées par les activités ou conceptions issues
d’une discipline et non pertinentes dans une autre ;
− erreurs sur les opérations intellectuelles impliquées ou sur
les démarches ;
− erreurs liées à la surcharge cognitive ou à la complexité
de l’activité.
Référence
Jean-Pierre Astolfi, L’erreur, un outil pour enseigner, ESF éditeur, 1997
205
5. Des dispositifs
spécifiques d’aide
personnalisée
22. Dominique Bucheton, Yves Soulé, L’atelier dirigé d’écriture, une réponse à
l’hétérogénéité des élèves, op. cit.
206
5. Des dispositifs spécifiques d’aide personnalisée
L’atelier dirigé
Dominique Bucheton23 propose l’atelier dirigé comme moyen
d’assurer un accompagnement personnalisé : l’enseignant prend
en charge un petit groupe d’élèves pendant que le reste de la classe
mène d’autres activités.
À la différence des autres travaux de groupe, ce type d’atelier
est dirigé par l’enseignant qui régule les interventions de chacun.
Le nombre d’élèves restreint rend possible un étayage ciblé au
plus près des besoins de chacun, ce qui est la visée pédagogique
essentielle. La tâche est la même pour tous les élèves mais
chacun bénéficie des apports du groupe pour mener à bien
sa production personnelle.
23. Ibid.
207
Pour une aide efficace aux élèves en difficulté
L’entretien d’explicitation :
un outil privilégié de l’aide personnalisée
Que peut-on faire quand on a déjà tout essayé ? Comment
atteindre les savoirs préconstruits qui font obstacle aux
apprentissages ?
Les travaux de Pierre Vermersch, qui a théorisé la méthode
de l’entretien d’explicitation, sont depuis longtemps connus et
utilisés dans différents milieux professionnels – par les travail-
leurs sociaux ou les formateurs d’adultes – mais sont encore
largement méconnus des enseignants. Il s’agit pourtant d’un
outil précieux pour le professeur, parfaitement adapté lorsque
d’autres aides proposées à un élève n’ont pas suffi.
L’entretien d’explicitation permet à l’enseignant autant qu’à
l’élève d’entrer dans la boîte noire des opérations mentales et
procédures réellement effectuées par chacun. C’est un outil
privilégié de l’aide personnalisée, utile aussi bien au diagnostic
des difficultés qu’à leur traitement. Il est donc particulièrement
adapté au suivi individuel d’élèves en grande difficulté.
L’entretien d’explicitation
Pierre Vermersch a élaboré au milieu des années 1990 une méthodo-
logie spécifique pour un type d’entretien dont le but est de permettre
à celui qui agit de faire un retour sur ce qu’il a fait pour mettre à jour
les procédures, conscientes ou non, qu’il a mises en œuvre.
208
5. Des dispositifs spécifiques d’aide personnalisée
La méthodologie de l’entretien
d’explicitation
Un support scolaire indispensable
L’entretien se déroule en face à face entre un professeur et un élève,
sur un travail déjà effectué par l’élève : une copie corrigée par le
professeur qui y a repéré des lieux de résistance, des erreurs, des
hésitations… La présence d’un objet d’apprentissage déjà travaillé
par l’élève est indispensable. Toutes les questions partent de ce
support et y reviennent. Cet objet médium est un rempart contre
tout risque de « dérive » : il s’agit d’un entretien sur l’apprentissage
et non d’une incursion dans un autre domaine intime, sociologique,
socio-culturel, psychologique.
Référence :
L’ouvrage de Pierre Vermersch, L’entretien d’explicitation,
ESF éditeur, montre et analyse de nombreux exemples d’entretien
d’explicitation
209
Pour une aide efficace aux élèves en difficulté
210
5. Des dispositifs spécifiques d’aide personnalisée
211
7
L’écrit et l’oral,
points cruciaux
des apprentissages
D
épasser les lamentations et l’indignation à propos de l’in-
suffisance des performances langagières des élèves pour
analyser, comprendre et agir ; en finir avec les jugements
désolés et désolants en termes de « manques » (vocabulaire) ou
de « fautes » (orthographe, syntaxe) ; bousculer les clichés rituels
pour identifier les points de blocage ; tout cela est nécessaire
si l’on veut entrer dans des pratiques langagières construites
et constructives quels que soient les niveaux et les disciplines
concernés.
213
1. L’oral et l’écrit
vecteurs déterminants
des apprentissages
215
L’écrit et l’oral, points cruciaux des apprentissages
216
1. L’oral et l’écrit vecteurs déterminants des apprentissages
2
Pisa (Program for International Student Assessment) :
Programme international pour le suivi des acquis des élèves.
Initié par l’OCDE2, ce programme évalue et compare tous les 3 ans,
depuis 2000, les performances dans trois grands domaines :
reading, mathematical and scientific literacy. L’anglicisme literacy
a été traduit en français par « compréhension de l’écrit, culture
mathématique et culture scientifique ». En 2009 et 2015 l’enquête
focalisait sur le domaine scientifique (domaine majeur) mais fournissait
néanmoins des indications sur celui de la compréhension de l’écrit
(domaine mineur).
Pisa concerne un échantillon représentatif des élèves de 15 ans ayant
effectué un cursus de scolarité obligatoire sur les 10 années précédant
les tests. 71 pays ont participé en 2015 dont les 35 de l’OCDE.
Dans le domaine de la compréhension de l’écrit, Pisa évalue trois
compétences distinctes : « accéder à l’information, et la localiser,
intégrer et interpréter, réfléchir et évaluer. (…) les deux premières
demandent d’utiliser des informations qui proviennent du texte,
la troisième requiert que l’élève relie ces informations à ses
connaissances externes et qu’il s’engage personnellement
en portant un jugement sur le propos du texte. »
Si la performance moyenne de la France en compréhension de l’écrit
a progressé en 2015 par rapport à 2009 et se situe un peu au-dessus
de celle des pays de l’OCDE, c’est notamment par une augmentation
(+3 %) de la proportion d’élèves performants et très performants qui
représentent environ 12 %. En revanche, le pourcentage d’élèves
en difficulté reste stable entre 2009 et 2015, environ 22 % des élèves
sont sous le niveau 2.
Autrement dit, près d’1/4 des jeunes de 15 ans scolarisés en France
sont en deçà du seuil à partir duquel, selon l’OCDE, les élèves
commencent à montrer qu’ils possèdent des compétences
en compréhension de l’écrit qui leur permettront de participer
de manière efficace et productive à la vie de la société. En outre,
les résultats pointent l’inefficacité du système scolaire français
à réduire les inégalités, pire les écarts se creusent.
(d’après OCDE 2016, Résultats du Pisa 2015 (Volume I) : l’excellence
et l’équité dans l’éducation, tableau I1 4 1a et note par pays )
217
L’écrit et l’oral, points cruciaux des apprentissages
De la « maîtrise de la langue »
aux « pratiques langagières »,
de quoi parlons-nous ?
Il est banal et sans doute commode de désigner par « maî-
trise de la langue » tout ce qui concerne la syntaxe, l’ortho-
graphe, le lexique, la sémantique ; l’expression englobant les
usages oraux autant que les usages écrits. Les élèves ont « une
maîtrise de la langue insuffisante » répète-t-on sans forcément
avoir conscience des enjeux théoriques qui sous-tendent cette
approche.
Si pendant longtemps les mots « langue » et « langage » ont
été employés de façon à peu près équivalente, les travaux des
linguistes et sociolinguistes en ont clarifié les usages. La dis-
tinction entre langue et langage n’est pas une finasserie de spé-
cialistes, elle éclaire deux approches radicalement différentes
des difficultés des élèves.
La langue est un référent commun, objectivé, dont l’étude
est évidemment indispensable, c’est d’ailleurs le domaine pri-
vilégié de la grammaire. Attribuer les difficultés des élèves à
des insuffisances concernant la maîtrise de la langue conduit
à se focaliser sur la partie visible de l’iceberg, c’est-à-dire les
normes et les codes, à la recherche d’un idéal fonctionnel qui
ne s’intéresse qu’au produit fini et lissé et laisse de côté tout
ce qui dans la diversité des pratiques langagières des élèves,
leurs tâtonnements, leurs ratés autant que leurs réussites leur
permet d’apprendre ou au contraire les freine.
Corrélats :
Langue, Langage
218
1. L’oral et l’écrit vecteurs déterminants des apprentissages
219
L’écrit et l’oral, points cruciaux des apprentissages
Le rapport au langage
« Le terme de rapport au langage désigne, d’une manière générale,
l’ensemble des représentations et des valeurs qui déterminent
les manières d’agir avec le langage, de penser avec des mots, les
ajustements possibles du langage dans la diversité des situations
auxquelles le sujet est confronté, les manières de s’affirmer comme
sujet parlant écrivant.
La notion de rapport au langage permet ainsi de concevoir les
difficultés non comme des “manques” qui se situeraient du côté
des moyens linguistiques mais aussi et surtout comme l’effet
de représentations et valeurs qui empêchent les élèves d’utiliser
le langage comme on le leur demande à l’école. »
Référence :
Dominique Bucheton, Refonder l’enseignement de l’écriture, Retz, 2014
5. Voir Didier Cariou, Écrire l’histoire scolaire. Quand les élèves écrivent en classe
pour apprendre l’histoire, PU Rennes, 2012, p. 36.
6. Voir Élisabeth Bautier, 1995 et Bernard Lahire,1995, 2008 dans la bibliographie.
220
1. L’oral et l’écrit vecteurs déterminants des apprentissages
Un renversement de perspective
S’inscrire dans une logique de développement des pratiques
langagières et non dans celle de maîtrise de la langue est un
renversement de perspective essentiel.
C’est renoncer à l’illusion que l’enseignement de la gram-
maire et des batteries d’exercices vont tout résoudre ; c’est
cesser de considérer que les difficultés langagières sont le
domaine réservé du professeur de français ; c’est prendre en
compte la réalité des langages et non plus seulement une langue
aseptisée8 et idéale. C’est affirmer que chaque enseignant dans
sa discipline doit se préoccuper des pratiques langagières orales
et écrites.
7. Voir des exemples dans Dominique Bucheton, Yves Soulé, L’atelier d’écriture
au CP : une réponse à l’hétérogénéité des élèves, Delagrave, 2009 ou Dominique
Bucheton, Refonder l’enseignement de l’écriture, avec la contribution de Danielle
Alexandre, Monique Jurado, Retz, 2014.
8. L’expression est d’Élisabeth Bautier, op.cit., p. 14.
221
L’écrit et l’oral, points cruciaux des apprentissages
Corrélats :
Maîtrise de la langue, Pratiques langagières
222
2. Développer l’oral
et l’écrit réflexifs
C omment travailler et faire évoluer le rapport
au langage ? Il ne s’agit pas pour l’enseignant
de se transformer en chercheur ou d’individualiser
à l’extrême son enseignement, des pistes de travail simples
à mettre en œuvre découlent des travaux de la recherche.
223
L’écrit et l’oral, points cruciaux des apprentissages
224
2. Développer l’oral et l’écrit réflexifs
Corrélats :
Écrit, Oral
13. Cf, Zakhartchouk J-M., Quelle pédagogie pour transmettre les valeurs de la
République, ESF, 2016
225
L’écrit et l’oral, points cruciaux des apprentissages
226
2. Développer l’oral et l’écrit réflexifs
Corrélats :
Écrits intermédiaires
227
3. La classe, une
communauté
discursive disciplinaire
pour réguler les
pratiques langagières
228
3. La classe, une communauté discursive disciplinaire
pour réguler les pratiques langagières
229
L’écrit et l’oral, points cruciaux des apprentissages
Corrélat :
Communauté discursive
230
3. La classe, une communauté discursive disciplinaire
pour réguler les pratiques langagières
231
4. Caler sa voix, une
difficulté redoutable
232
4. Caler sa voix, une difficulté redoutable
24
Énonciation, implication de l’auteur
et polyphonie énonciative
Tout énoncé porte la trace de son auteur, de la neutralité à la
subjectivité plus ou moins marquée qui traduit une prise de position
comme l’illustrent à titre d’exemple les énoncés suivants : « la guerre
est déclarée ; notre pays entre en guerre ; l’ennemi a déclaré la guerre ;
c’est la guerre ! Consternation à l’annonce de la décision du chef
d’État d’entrer en guerre. »
La polyphonie des textes : un texte entrelace la voix de celui
qui écrit avec les apports des autres : fragments hétérogènes lus
ou entendus, voire appris par cœur pour ce qui concerne les écrits
scolaires, expériences et connaissances. Écrire suppose d’orchestrer
harmonieusement ces apports divers pour assumer une production
singulière. Le concept et l’expression sont issus des travaux
de M. Bakhtine23. Oswald Ducrot a développé le concept.
Un nœud problématique
Tout au long de la scolarité25, et en toutes disciplines, on
observe la même difficile gestion de la polyphonie énonciative
avant que ces jeunes, qui sont en train de construire leur propre
23. Didier Cariou, Écrire l’histoire scolaire. Quand les élèves écrivent en classe pour
apprendre l’histoire, op. cit., p. 88-94.
24. Mikhaïl Bakhtine, op. cit.
25. Le problème perdure jusqu’à l’université.
233
L’écrit et l’oral, points cruciaux des apprentissages
26. Voir des exemples dans Pratiques d’écriture - liaison 3e-2de, CRDP Versailles,
2008, p. 106-111.
234
5. Vocabulaire, syntaxe
et orthographe : quand
l’arbre cache la forêt
235
L’écrit et l’oral, points cruciaux des apprentissages
236
5. Vocabulaire, syntaxe et orthographe : quand l’arbre cache la forêt
28. Ibid.
29. Frédéric François, J’cause français, non ?, La Découverte, 1983.
30. Monique Jurado in Refonder l’enseignement de l’écriture, op. cit., p. 257-293,
Dominique Bucheton.
237
L’écrit et l’oral, points cruciaux des apprentissages
Syntaxe et orthographe :
développer les compétences
Tous les enseignants qui font de l’écriture-réécriture une
pratique banalisée et quasi quotidienne en témoignent unani-
mement : d’écriture en réécriture, force est de constater que la
syntaxe s’améliore. Ce constat est d’autant plus encourageant
qu’il s’appuie sur des pistes pédagogiques simples.
238
5. Vocabulaire, syntaxe et orthographe : quand l’arbre cache la forêt
239
L’écrit et l’oral, points cruciaux des apprentissages
Corrélat :
Genres scolaires
32. Voir ci-avant dans cette partie, Caler sa voix, une difficulté redoutable, p. 232.
33. L’aide personnalisée a ici un champ de travail intéressant.
240
5. Vocabulaire, syntaxe et orthographe : quand l’arbre cache la forêt
241
L’écrit et l’oral, points cruciaux des apprentissages
242
6. Tous concernés
243
L’écrit et l’oral, points cruciaux des apprentissages
244
8
Métier professeur :
développer
des compétences
professionnelles
A
vec la politique et la thérapie, l’enseignement était pour
Freud « l’un des trois métiers impossibles », rappelle
Philippe Perrenoud qui fait partie de ceux qui, par leurs
travaux, ont contribué à en faciliter l’exercice.
L’enseignant est constamment pris dans une double tension,
celle de la planification et celle de l’incertitude. Prévoir, plani-
fier impose de garder le cap des savoirs visés dans un horaire
contraint alors que la pratique effective quotidienne, elle,
s’exerce dans l’urgence, dans la spontanéité du vivant et l’impré-
visibilité de l’instant.
L’enseignant est aussi constamment soumis à une dynamique
d’évolution parce que la société change, les élèves aussi et que la
pratique du métier est dépendante d’un contexte en mouvement
constant.
Néanmoins, l’enseignant d’aujourd’hui bénéficie de points de
repères précis issus des travaux de la recherche et de l’expé-
rience dont un certain nombre sont présentés ci-dessous.
245
1. Le professeur,
les élèves, le savoir
Q uelle place accorde-t-on à l’élève dans la relation
pédagogique ? Cette question forte interroge
les modèles sous-jacents aux postures professionnelles
adoptées par les enseignants.
Lorsque l’expression « l’élève au centre » apparaît
dans les textes officiels dans les années 1980,
elle provoque bien des débats qui sont loin d’être clos.
Le triangle pédagogique
Jean Houssaye propose de penser la relation pédagogique
selon trois pôles qui dessinent ce qu’il nomme le « triangle
pédagogique » : le professeur, l’élève et le savoir.
Cet outil d’analyse s’avère extrêmement utile pour dépasser
un débat stérile qui fustigerait de façon caricaturale ceux qui,
plaçant l’élève au centre, seraient les pourvoyeurs de l’enfant roi
et escamoteraient la question des savoirs.
Le « triangle pédagogique » permet de penser la relation
pédagogique en termes dynamiques : il interroge le position-
nement de chaque enseignant par rapport aux savoirs et aux
élèves et pose ainsi les bases d’une réflexion féconde sur les pos-
tures pédagogiques adoptées, souvent d’instinct, par les ensei-
gnants. Il propose de lire ces postures, d’interroger les valeurs
qui les sous-tendent et de mesurer les effets des choix effectués.
247
Métier professeur : développer des compétences professionnelles
Le triangle pédagogique
Le concept, défini par Jean Houssaye, montre que la relation
pédagogique se situe dans une tension irréductible entre trois pôles
qui dessinent les trois sommets d’un triangle : le professeur, l’élève
et le savoir.
S
(Savoir)
2 Sujets
1 mort
ou
1 fou
P E
(Professeur) (Élève)
Source :
Jean Houssaye, Le triangle pédagogique. Théorie et pratiques de l’éducation
scolaire, Peter Lang, 1988
Jean Houssaye, La pédagogie, une encyclopédie pour aujourd’hui,
ESF éditeur, 1993
248
1. Le professeur, les élèves, le savoir
249
Métier professeur : développer des compétences professionnelles
2. Pourvu qu’ils m’écoutent et Pourvu qu’ils apprennent sont les titres de deux
ouvrages collectifs dirigés par Annick Davisse, publiés au CRDP académie de
Créteil, 1997 et 1998.
3. Jeanne Moll, op. cit., p. 173.
250
1. Le professeur, les élèves, le savoir
251
2. Adopter
la bonne posture
professionnelle :
« une petite
révolution5 »
252
2. Adopter la bonne posture professionnelle : « une petite révolution »
Posture professionnelle
En sciences de l’éducation, on nomme « posture » une façon de
répondre à une tâche, un ensemble de gestes préconstruits
que l’on peut reproduire ou retrouver dans diverses situations.
6. Ibid.
253
Métier professeur : développer des compétences professionnelles
254
2. Adopter la bonne posture professionnelle : « une petite révolution »
7. Dominique Bucheton, Yves Soulé, L’atelier dirigé d’écriture au CP, une réponse à
l’hétérogénéité des élèves, op. cit., p. 31-35.
255
3. Comment tout faire
en même temps
dans l’urgence
et l’incertitude
A voir l’œil sur la montre mais aussi sur tous les élèves
et sur chacun en particulier, garder le cap des savoirs
visés tout en restant dans le cadre institutionnel, préserver
la communication et assumer une part symbolique et
affective irréductibles, prévenir l’échec toujours possible…
Comment tout faire en même temps ?
Le multi-agenda de l’enseignant
Dominique Bucheton propose d’y voir plus clair dans ce
qu’elle nomme « le multi-agenda de l’enseignant » constitué
d’un « enchâssement de préoccupations » qu’il faut gérer en
même temps et dans l’urgence dans la pratique de classe. Cette
analyse se fonde sur de multiples observations de classes dans
des milieux très variés et dans des pays favorisés aussi bien que
dans d’autres très pauvres.
Elle repère cinq grandes constantes : le savoir, le pilotage des
tâches, la gestion de l’atmosphère, le tissage, l’étayage.
256
3. Comment tout faire en même temps dans l’urgence et l’incertitude
Le multi-agenda de l’enseignant :
cinq grandes préoccupations enchâssées
Dominique Bucheton définit le multi-agenda de l’enseignant comme
un ensemble complexe de préoccupations enchâssées.
Quels que soient l’objet d’enseignement, l’âge des élèves,
le contexte, elle y repère cinq constantes :
− le savoir ;
− le pilotage des tâches : tout ce qui concerne la conduite
et l’avancée des tâches, les instruments nécessaires, les
déplacements ;
− l’atmosphère : désigne l’ensemble des conditions sociales
et psycho-affectives, les échanges, l’attention… ;
− le tissage : tout ce qui donne du sens à la situation d’apprentis-
sage et aux savoirs visés ;
− l’étayage : désigne tout ce qui concerne l’aide et le soutien
apportés aux élèves dans leurs apprentissages.
Références
Dominique Bucheton (dir ), L’agir enseignant : des gestes professionnels ajustés,
Octarès, 2009
Dominique Bucheton, Yves Soulé, L’atelier d’écriture au CP, une réponse
à l’hétérogénéité des élèves, Delagrave, 2009
257
Métier professeur : développer des compétences professionnelles
258
3. Comment tout faire en même temps dans l’urgence et l’incertitude
Schèmes et habitus
L’habitus
Pierre Bourdieu a défini l’habitus comme un système de « schèmes
permettant d’engendrer une infinité de pratiques adaptées à des
situations toujours renouvelées, sans jamais se constituer en
➙
259
Métier professeur : développer des compétences professionnelles
Références
Jean Piaget et Bärbel Inhelder, La psychologie de l’enfant, Que sais-je ?,
n° 369, PUF, 1966
Jean Piaget, Biologie et connaissance, Gallimard, Coll Idées, 1973
Pierre Bourdieu, Esquisse d’une théorie de la pratique, Droz, 1972
260
3. Comment tout faire en même temps dans l’urgence et l’incertitude
Gestes professionnels
et gestes de métier
Anne Jorro a proposé de distinguer les « gestes de métier »
et les « gestes professionnels ».
■ Les gestes de métier sont fortement codifiés et inscrits dans
l’histoire et la culture de la profession. Ce sont, par exemple, le cours
magistral, le travail en projet, la dictée…
■ Les gestes professionnels complètent l’approche des gestes du
métier en intégrant des dimensions singulières à chaque individu,
en s’intéressant à la mise en œuvre concrète à l’échelle quasiment
microscopique de l’instant. Le geste professionnel de l’enseignant
est adressé aux élèves : c’est une action verbale ou non verbale
pour faire agir ou réagir l’autre en fonction de préoccupations
professionnelles. Le langage en est l’instrument principal mais
les dimensions verbale et non verbale sont indissociables.
Références
Anne Jorro, Professionnaliser le métier de l’enseignant, ESF éditeur, 2002
Anne Jorro, Évaluation et développement professionnel, L’Harmattan, 2007
Dominique Bucheton, Olivier Dezutter, Le développement des gestes
professionnels dans l’enseignement du français, De Boeck, 2008
Dominique Bucheton (dir ), L’agir enseignant, des gestes professionnels
ajustés, Octarès, 2009
261
Métier professeur : développer des compétences professionnelles
■■ Agir ou pas ?
Face à l’imprévu, l’enseignant peut agir ou non. Paradoxa
lement, ne rien faire peut constituer une façon d’agir, et la prise
de risques peut être équivalente, que l’on décide ou non de
traiter l’imprévu.
262
3. Comment tout faire en même temps dans l’urgence et l’incertitude
263
Métier professeur : développer des compétences professionnelles
■■ De l’intérêt du non-verbal
L’ajustement est loin de passer uniquement par la parole. Sa
dimension non verbale indissociable est une ressource supplé-
mentaire. Un regard, un froncement de sourcil, un sourire, une
264
3. Comment tout faire en même temps dans l’urgence et l’incertitude
265
4. Réfléchir sur l’action
L’inconscient pratique
Philippe Perrenoud propose de développer la réflexion avant,
pendant et après l’action mais aussi « sur » l’action. Selon lui,
« toute réflexion sur sa propre action ou celle d’autrui contient
en germe une réflexion sur l’habitus qui la sous-tend, sans que
le concept et encore moins le mot ne soient en général utilisés ».
Il s’agit bien d’essayer d’atteindre les formes stables que chacun
met en jeu lorsqu’il agit et qui, dans le langage courant, parti-
cipent de ce qu’on appelle caractère ou personnalité. Et Philippe
Perrenoud12 insiste sur la distinction entre inconscient freu-
dien et cet « inconscient pratique », selon la formule de Piaget.
« Cette inconscience n’est pas nécessairement le produit d’un
refoulement, de mécanismes de défense tels que la psychanalyse
les décrit. »
Réfléchir sur l’action est nécessaire mais il ajoute : « Alors
qu’on peut substituer un programme à un autre dans la
266
4. Réfléchir sur l’action
267
Métier professeur : développer des compétences professionnelles
268
5. Les gestes
professionnels
d’une autorité réfléchie
269
Métier professeur : développer des compétences professionnelles
13. Bruno Robbes, L’autorité éducative dans la classe, ESF éditeur, 2010, p. 10.
270
5. Les gestes professionnels d’une autorité réfléchie
■■ Différer et s’informer
Affirmer « Ce que tu as fait n’est pas admissible, on se voit à la
fin du cours » permet de ne pas perdre la face devant les élèves
et d’enchaîner sur la suite du cours sans pénaliser les autres
élèves par une interruption trop longue. Mais, surtout, le délai
permet à chacun de retrouver un peu de calme et de réfléchir.
Un entretien différé hors de la présence des autres élèves
modifie le rapport de force et c’est là une chose essentielle : il
importe donc d’organiser un échange en tête à tête. Un ado-
lescent qui ose s’opposer au professeur, même s’il ne s’agit pas
d’un leader, n’acceptera jamais de perdre la face devant ses
camarades ; l’affrontement devant d’autres élèves risque d’être
sans issue et de placer l’enseignant dans une impasse. Dans un
affrontement, il y a toujours un perdant.
Il est aussi utile de commencer l’entretien en redonnant la
parole à l’élève : « Explique-moi ce qu’il s’est passé » et d’écouter
jusqu’au bout sa version des faits plutôt que de se lancer dans
un discours moralisateur ou répressif. Cela donne une chance
à l’élève d’analyser ce qu’il s’est passé et donc de prendre du
recul. Tant qu’un élève pense, à tort ou à raison, qu’il n’a pas
pu s’expliquer, la tension ne peut retomber. Il s’agit aussi pour
l’enseignant de compléter son information : était-il sûr de pos-
séder tous les éléments pour apprécier la gravité de la situation
et la légitimité des sanctions ? L’expérience démontre l’effica-
cité de ces gestes simples. Enfin, l’annonce de la sanction gagne
toujours à être réfléchie et pourquoi pas, en cas de difficulté,
renvoyée vers l’équipe : « Je vois avec ton professeur principal
et je te dirai quelle sanction nous décidons. »
271
Métier professeur : développer des compétences professionnelles
14. Philippe Meirieu, Lettre à un jeune professeur, ESF éditeur, 2005, p. 62.
272
5. Les gestes professionnels d’une autorité réfléchie
Corrélat :
Pédagogie de contrat
Le « corps parlant »
Anne Jorro pointe cette contradiction du système scolaire :
l’importance du corps dans les interactions qui se jouent en
classe et la façon dont on n’en parle peu ou pas. Elle développe
l’idée que le corps est un médiateur ignoré ou tout au moins
sous-estimé des apprentissages autant que de l’autorité. « Pour
les enseignants novices, cette médiation est problématique :
bien des malentendus, des quiproquos sont dus au corps par-
lant de l’enseignant. Un discours explicatif est brouillé quand
les nombreux va-et-vient de l’enseignant témoignent de son
dilemme, de la recherche d’une solution15. »
273
Métier professeur : développer des compétences professionnelles
274
Pour conclure
275
Pour conclure
276
Bibliographie
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277
Bibliographie
278
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279
Index des notions
ou concepts*
A C
Accompagnement : 91, 185, 190, Capacité : 121‑122, 123
206‑207, 254 Co-évaluation : 140, 172
Action : 20, 27, 34‑42, 58‑59, Communauté discursive : 228
62‑64, 73, 98, 121, 123, 126,
Compétence : 65, 85‑87, 92‑93,
129, 139‑151, 192 104, 117, 122, 135, 147, 156,
Aide (aux élèves) : 19, 76, 93‑94, 159, 165‑166, 172, 216, 238,
177‑211 245
Conflit cognitif
Aide personnalisée et sociocognitif : 25‑26
ou individualisée : 206‑211
Constructivisme : 15‑16
Ajustement (gestes d’) : 258,
Contrat (pédagogie de) : 76‑77,
262‑265 273
Anticiper : 181, 188 Correction
Apprendre : 11‑42, 48, 60, 150, --des copies : 154, 158
--d’exercices : 111
183, 185, 192, 194, 207
Cours dialogué : 67‑69
Ateliers : 111‑112, 206‑207
Autorité : 73, 99, 250, 262‑265, D
269‑274
Déduction ou démarche
déductive : 90
B Dévolution des savoirs : 249
Bilan de savoirs : 24, 28, 56, 194, Différenciation : 95‑114
197
Différenciation simultanée : 88,
Bruit : 25, 60, 73, 99 92
* Les chiffres en gras renvoient aux encadrés ou aux présentations des notions.
281
Index des notions ou concepts
282
Index des notions ou concepts
J P
Jaubert Martine : 229 Pédagogie différenciée : 85‑94
Pédagogie institutionnelle : 40
L
Pédagogies coopératives : 39‑40
Lâcher prise : 190, 254
Performance : 119, 126, 131
La main à la pâte : 41‑42
PIRLS : 147
Langage : 28, 72, 150, 153, 171,
186, 197, 215, 219, 220, 222, PISA : 35, 147
223, 228, 261 Polyphonie énonciative : 233
M Portfolio : 164‑165
Posture : 36, 51‑52, 87, 98, 152,
Maîtrise de la langue : 128, 194, 156, 189, 252, 255
218, 221
Posture d’évaluation : 155‑156
Médiation : 20, 59, 183‑184,
187, 227, 273 Postures d’apprentissage : 52
Métacognition : 185, 192‑198 Postures d’étayage : 254
Méthodes actives : 37‑42 Projet pédagogique : 62‑66
Métier d’élève : 49‑50
Mobiliser : 43‑77 R
Monitorat : 87, 115, 185, 187
Rapport au langage : 220
Motiver : 43‑45
Rapport au savoir : 47‑52, 135,
Multi-agenda : 256‑258 194, 249‑250
Rééquilibration majorante : 27
N
Reformulation : 184, 186,
Notes, notation : 160‑168 194‑197
Relation maître-élève : 250
O Remédiation : 105, 142
Objectivité : 157‑158
Représentations : 21‑28, 103,
Obstacle : 16, 20, 22‑24, 31‑32, 123, 125, 181
63‑64, 96, 147, 204, 251
Rythmes des cours : 70‑75
Oral : 173, 197, 215, 223‑227
Rythmes des élèves : 90,
Orthographe : 235, 238 110‑115, 126, 130
283
Index des notions ou concepts
T Z
Tissage (gestes de) : 54‑55, 72, Zone proximale de développe-
257‑258 ment (ZPD) : 18, 32‑33
284
Index des auteurs cités
Alexandre Danielle : 174, 221, 222, 240
Allal Linda : 142
Antibi André : 160‑161, 164, 166, 169
Astolfi Jean-Pierre : 31, 103, 154, 205
Bakhtine Mikhaïl : 232‑233
Bautier Elisabeth : 48, 53, 219‑220
Bernié Jean-Pierre : 229, 232
Brousseau Guy : 27, 199‑201, 204
Bruner Jerome : 18‑19, 183‑184, 187, 190, 197
Bucheton Dominique : 51‑55, 188, 190, 197, 206‑207, 225‑227, 238,
252‑257, 260‑261
Cardinet Jean : 143
Carette Vincent : 31, 129, 169
Cariou Didier : 220, 229, 232
Chabanne Jean-Charles : 197, 227
Charlot Bernard : 48, 194
Chomsky Noam : 119
Cogis Danièle : 241
Coménius Jan : 187
Connac Sylvain : 40
Crahay Marcel : 132, 134, 150, 169
Decroly Ovide : 38, 187
Dewey John : 38, 62, 95, 187
Ducrot Oswald : 233
Duru-Bellat Marie : 81
Étienne Richard : 263
Feuerstein Reuwen : 184
François Frédéric : 237
Freinet Célestin : 15, 39‑40, 43‑44, 47, 60, 62, 95, 112, 136, 149, 187,
207
Gillet Pierre : 121‑122
Giordan André : 23, 35, 58‑59, 275
Grangeat Michel : 193
Grossman Francis : 235
Guégan Yves : 74
285
Index des auteurs cités
286
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’autorité à l’école, mode d’emploi
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n ’autorité au collège, mode d’emploi
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n nseigner en classes hétérogènes
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Jean-Michel Zakhartchouk
n E
nseigner selon les types de personnalité
Marion Tamano, Dorothée Fox, Franck Jullien
n F
ormer l’esprit critique, 1. Pour une pensée libre
Gérard de Vecchi
n F
ormer l’esprit critique, 2. À travers les disciplines
Gérard de Vecchi
n L
es méthodes qui font réussir les élèves
Danielle Alexandre
n P
arents d’élèves, mode d’emploi
Guillaume Caillaud
n Q
uelle pédagogie pour transmettre les valeurs
de la République ?
Jean-Michel Zakhartchouk
n R
éussir sa première classe
Ostiane Mathon
n R
éussir ses premiers cours
Jean-Michel Zakhartchouk
n L
es TICE en classe, mode d’emploi
Ghislain Dominé
287