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MES REMERCIEMENTS

à mon directeur de thèse, Jean-Luc Pissaloux, professeur à


l’Institut d’Études Politiques de Lyon,
aux membres de mon jury : Annie Bartoli, professeure à
l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, Jacques
Caillosse, professeur émérite à l’Université Paris 2 Panthéon-
Assas, Éric Oliva, professeur à l’Université d’Aix-Marseille,
Bénédicte Delaunay, professeur émérite à L’Université de Tours,
Danièle Lamarque, membre honoraire de la Cour des comptes
européennes,
à Julien Le Clainche, pour ses encouragements et son attentive
relecture finale,
à Marc Leroy, professeur émérite à l’Université de Reims et
à Jean-Luc Albert, professeur à l’Université d’Aix-Marseille,
pour leur relecture bienveillante et leurs précieux conseils qui
ont permis de transformer une thèse sur travaux en un « manuel
autobiographique »,
à la direction de la recherche de l’Institut national du service
public qui soutient la publication de cet ouvrage.

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Mes remerciements
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PRÉFACE

Déjà en 1936, dans La réforme gouvernementale, Léon Blum


demandait comment « porter remède aux vices patents de notre
administration : la discontinuité, l’interruption et le recommen-
cement perpétuel ». La question se fait plus pressante lorsqu’une
série de crises ébranle notre République : celles des années 1930
débouchent sur l’effondrement de nos structures administratives,
militaires et morales, comme le décrit Marc Bloch dans L’Étrange
défaite. Ce livre m’a toujours fasciné par ce qu’il nous raconte
de notre aveuglement, de notre orgueil et de notre incapacité à
réformer tant qu’il est encore temps. Quand j’étais élève à l’ENA,
je m’étais battu pour que ma promotion porte le nom de cet
immense historien.
Aujourd’hui, après avoir été l’élève de Michel Le Clainche dans
cette promotion Marc Bloch, je suis heureux de recommander
la lecture de cet ouvrage informé, pondéré, passionnant, issu
de sa thèse. De manière lumineuse, il montre que les approches
juridiques ont d’abord dominé dans la conception des réformes
administratives et financières, avant que des approches plus
managériales ne leur succèdent, à partir des années 1990. Par
sa longue expérience, Michel Le Clainche pose un regard avisé
sur un demi-siècle de réformes qui accompagnent des mutations
spectaculaires.
En cinquante ans, la vie quotidienne des Français a été bou-
leversée par l’irruption du numérique, le raccourcissement des
distances et une forme d’accélération du temps. Les attentes
des citoyens envers l’État ont ainsi évolué. Ils appellent de leurs
vœux plus de proximité, de simplicité, et une dépense publique
plus efficiente. Au-delà du consentement à l’impôt, c’est une
question de justice sociale et territoriale.
Je suis fier des transformations menées dans le cadre d’Action
publique 2022 mais nous devons continuer à tirer les leçons du
mouvement des gilets jaunes et de la crise sanitaire. Pendant
la pandémie, l’État a su prouver sa réactivité et sa résilience,
grâce au dévouement de ses agents. Il a même su s’affranchir de

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10 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

certaines lourdeurs, avant que le retour à la normale ne replace


une forme de carcan de complexités et de pesanteurs sur l’en-
semble.
Aujourd’hui, le réformateur se trouve confronté à, au moins,
quatre défis considérables :
– Le défi de la maîtrise de la dépense publique. Le « quoi qu’il
en coûte » s’imposait, pour répondre à la crise sanitaire, tout
comme la hausse des dépenses pour protéger les Français de
l’inflation consécutive à la guerre en Ukraine. Les finances
publiques ont néanmoins atteint une situation critique.
Beaucoup de nos politiques publiques pourraient consti­
tuer des gisements d’économie sans rogner sur la qualité du
service apporté à nos concitoyens. Je ne peux, par exem-
ple, concevoir une nouvelle vague de décentralisation sans
réflexion profonde sur le périmètre d’action des différents
niveaux de collectivité.
– Le défi de l’action publique à l’ère du changement clima-
tique. L’ampleur du défi climatique percute l’ensemble des
missions de l’État. Elle interroge même, en profondeur, la
définition de son rôle : planificateur, assureur, incitateur,
adaptateur ? Une chose est sûre, l’impact climatique doit
devenir un référentiel majeur de la conception, de l’exécution
et de l’évaluation des politiques publiques. Le défi climatique
impose des réformes de structure : comment réarmer l’État
en matière d’aménagement du territoire ? Comment repenser
la logique et les mécanismes de l’État-providence, conçu
pour assurer collectivement les risques individuels, afin de
couvrir ce nouveau risque collectif ? Osera-t-on revoir cer-
tains totems de l’organisation budgétaire de l’État, comme le
principe de non-affectation des recettes, pour mettre en place
un système de tarification carbone acceptable et efficace ?
Toute réforme de l’État du XXIe siècle devra apporter une
réponse claire et ambitieuse à ces questions.
– Le défi du numérique. Trop de projets de transformations
numériques de l’État se sont soldés par des échecs finan­
ciers et opérationnels. Le numérique nous donne l’occasion
de repenser la nature même de l’action et du service publics.
Face à la concurrence du secteur privé, l’État doit se doter
d’un vivier de pointe sur ces questions. La numérisation de
l’action publique ne pourra pas non plus se passer des talents

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Préface
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préface 11

et de l’innovation du secteur privé, comme l’a montré la


crise du Covid. Mais pas à n’importe quel prix : le cadre des
marchés publics et les capacités publiques de pilotage des
projets de transformation numériques peuvent être amé-
liorés pour que l’État devienne un maître d’ouvrage expert
dans ce domaine.
– Le défi de l’organisation enfin. Le phénomène de démembre-
ment et d’« agenciarisation » de l’État a détruit l’unité de
commandement et d’action de la puissance publique dans
des domaines stratégiques comme le numérique, l’énergie
ou les transports. Sous couvert d’indépendance et par suspi-
cion à l’égard du pouvoir régulateur de l’État, il a organisé
l’impuissance. Il est temps de réunifier et de renforcer l’État
dans sa mission de conception des politiques publiques. Il
est temps de revitaliser l’État déconcentré pour assurer leur
mise en œuvre.
Cet ouvrage montre enfin les dangers d’une transformation
permanente et discontinue. La succession de réformes et de sigles,
plus ambitieux les uns que les autres, ne doit pas détourner de
l’essentiel. Sans stratégie de long terme, il est peu probable que
nous nous posions les bonnes questions : Quel État voulons-nous
demain, avec quelles missions ? Comment restaurer la confiance
des Françaises et des Français en leur État ? Comment leur prou-
ver que l’administrateur garde un temps d’avance, pour rester
au plus près de leurs attentes ?
Toutes les parties prenantes (citoyens, entreprises, agents, collec-
tivités, etc.) doivent être mobilisées pour concevoir une vaste refon-
dation de notre État français. C’est à cette condition qu’il pourra
redevenir une source de cohésion et d’élévation pour notre nation.

ÉDOUARD PHILIPPE

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Préface
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AVANT-PROPOS

Il est toujours satisfaisant, pour un directeur de thèse, de voir


aboutir la recherche de l’un de ses doctorants ; et le sentiment de
la mission accomplie, à la fois pour le tout nouveau docteur mais
aussi pour son tuteur, est d’autant plus agréable que le travail
s’avère in fine de très grande qualité.
C’est en particulier le cas avec l’ouvrage de Michel Le Clainche,
que j’ai donc le plaisir et l’honneur de présenter, et dont il
convient de souligner immédiatement la singularité, laquelle est
attachée non seulement à son travail mais aussi à la personnalité
de l’auteur.
Michel Le Clainche est un haut fonctionnaire, ancien élève de
l’École Nationale d’Administration (ENA), avec une carrière
de près d’un demi-siècle et particulièrement exemplaire par
son évolution et sa variété : rappelons simplement qu’il a com-
mencé comme inspecteur des impôts avant d’entrer à l’ENA,
puis qu’il a été conseiller de tribunal administratif, sous-préfet,
directeur administratif pendant de longues années du Médiateur
de la République, avant de poursuivre une brillante carrière
au ministère en charge de l’Économie et des Finances (dont le
nom a tendance à fluctuer au gré des gouvernements), ce qui l’a
conduit à devenir sous-directeur puis directeur d’administration
centrale dans cet « État dans l’État » qu’est Bercy, avant de finir
sa carrière – comme c’est souvent la tradition chez les hauts fonc-
tionnaires des finances – comme directeur régional des finances
publiques (nouvelle fonction résultant depuis la révision générale
des politiques publiques de la fusion de la direction générale des
impôts et de celle de la comptabilité publique).
Michel Le Clainche, administrateur général honoraire des
finances publiques, est donc le prototype, pour ne pas dire la
quintessence, du « grand commis de l’État » ; mais il n’est pas
que cela ! C’est aussi un homme de réflexion, qui, bien que plongé
au cœur de l’action administrative, a toujours voulu et su porter
un regard critique au sens philosophique de ce qualificatif sur
cette action. Et ce regard, il l’a exercé au travers de multiples
14 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

articles, études, conférences et communications à des colloques


et autres manifestations académiques ; il l’a fait également dans
tous les séminaires et cours qu’il a animés ou dispensés pendant
toute sa carrière et même après : Michel Le Clainche en effet
a – incontestablement – la fibre académique et pédagogique ;
il est du reste très estimé de la doctrine universitaire de ges-
tion publique et de science administrative, et est – au demeu-
rant – depuis de longues années l’un des animateurs de la Revue
française d’administration publique, revue académique française
spécialisée dans ces domaines et – il convient de le rappeler – la
plus lue à l’étranger.
C’est d’ailleurs ce qui m’a conduit à proposer à Michel Le
Clainche de préparer une thèse sur travaux, modalité d’obten-
tion du grade de docteur peu pratiquée en droit alors qu’elle l’est
couramment dans les sciences dures et qu’elle a permis aux meil-
leurs des chercheurs d’accéder à la fonction de professeur des
universités. S’il était une personne pour laquelle une thèse sur
travaux était tout à fait justifiée et légitime, c’était bien Michel
Le Clainche, au regard en effet de l’ensemble impressionnant de
toutes ses études et publications, ensemble qu’il a su – magistra-
lement – présenter de façon à la fois synthétique, chronologique et
logique dans son manuscrit de thèse. Ce qui a du reste été reconnu
par le jury composé de Collègues éminents de science administra-
tive (Professeurs Jacques Caillosse et Bénédicte Delaunay), de
finances publiques (Professeur Éric Oliva), de gestion publique
(Professeure Annie Bartoli) sans oublier Danièle Lamarque,
ancien membre de la Cour des comptes européenne, spécialiste
des politiques publiques et de leur évaluation.
Le manuscrit de thèse de Michel Le Clainche s’intitulait La
conception des réformes administratives et financières entre 1968 et
2018 : approches juridiques et managériales. Conformément aux
canons de la thèse de droit, l’auteur y a développé, en s’appuyant
sur ses divers et multiples travaux, deux grands points : dans
une première partie, il a présenté les approches juridiques dans
la conception des réformes administratives et financières, qu’il
qualifie d’approches dominantes, puis contestées et finalement en
déclin ; puis, dans une seconde partie, il a exposé les approches
managériales dans la conception des réformes administratives et
financières, dont il démontre le caractère relativiste et la nécessité
de les dépasser.
avant - propos 15

Deux sources d’inspiration sont en effet à l’origine des réformes


intervenues depuis les années 1970 jusqu’à 2018 et se sont du
reste fait concurrence : d’une part, des approches classiques,
fondées sur l’évolution du droit et complétées par les apports
d’autres sciences humaines ; d’autre part, des approches plus ges-
tionnaires, marquées notamment par des emprunts au nouveau
management public. Les deux logiques se sont apparemment
succédé avec une coupure après 1990 ; mais en réalité, comme
le démontre l’auteur, chacune a suivi un cycle similaire (émer-
gence, apogée, déclin), et elles ont coexisté avec une dominante
juridique avant 1990 puis une dominante managériale après 1990.
Et dans la période la plus récente, les deux sources d’inspiration
alimentent les programmes de réforme sans qu’une synthèse soit
vraiment perceptible.
Dans son ouvrage publié chez Bruylant grâce au soutien du
Professeur Marc Leroy, Michel Le Clainche élargit à la période
1972‑2022, soit un demi-siècle, son analyse des différentes poli-
tiques de réformes administratives intervenues, depuis les pre-
mières réformes menées par Jacques Chaban-Delmas jusqu’à
celles engagées par Emmanuel Macron ; et il enrichit son manus-
crit de nombreux témoignages vécus et d’extraits issus des grands
textes ayant consacré des réformes significatives.
Dans son ouvrage, l’auteur reprend naturellement le fil direc-
teur de son manuscrit de thèse, à savoir qu’à des approches juri-
diques et sociologiques ont succédé des approches managériales
elles-mêmes contestées. On note in fine une appréciation plu-
tôt positive tout en étant parfaitement lucide : selon Michel Le
Clainche, des progrès incontestables ont certes été réalisés ces
dernières années en matière de qualité et d’efficacité des services
publics ; mais le constat de la recherche à intervalles réguliers
des mêmes objectifs souvent qualifiés emphatiquement de « révo-
lutionnaires », de la répétition récurrente des mêmes thèmes de
perfectionnement, mais aussi – hélas – de la discontinuité des
politiques suivies par les gouvernements successifs conduit en
vérité à s’interroger sur la pertinence même de la notion de
réformes entreprises. Bref, on partage la conclusion de Michel Le
Clainche : il faut nécessairement réformer la stratégie des réformes,
pour mieux l’adapter aux défis nombreux, et urgents pour cer-
tains d’entre eux, de la société française, réputée si difficile à
réformer.
16 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

L’ouvrage de Michel Le Clainche, par sa richesse d’analyse,


enrichie encore par son expérience personnelle et agrémentée de
nombreux témoignages, constitue en vérité une somme ; à l’évi-
dence, il est appelé à devenir une référence aussi bien pour les
universitaires, juristes, sociologues, financiers et gestionnaires,
que pour leurs étudiants ainsi que pour les fonctionnaires des
diverses fonctions publiques quels que soient leurs missions et
leurs statuts, et en vérité pour toutes celles et ceux qui s’inté-
ressent à la chose publique et à sa gestion.
Je tiens à remercier personnellement Michel Le Clainche non
seulement pour toutes les discussions passionnantes que j’ai pu
avoir avec lui et pour avoir bien voulu préparer sous ma direction
une thèse sur travaux mais aussi pour nous avoir gratifiés tous
d’un ouvrage fondamental, si pertinent et si utile.

JEAN-LUC PISSALOUX
LISTE DES ABRÉVIATIONS UTILISÉES

AAI Autorité administrative indépendante


ADAE Agence pour le développement de
l’administration électronique
ADEME Agence de l’environnement et de la maîtrise de
l’énergie
ADUA Association de défense des usagers de
l’administration
AFUTT Association française des utilisateurs des
télécommunications
ANAH Agence nationale pour l’amélioration de
l’habitat
ANCT Agence nationale de la cohésion des territoires
ANRU Agence nationale pour la rénovation urbaine
ANSSI Agence nationale pour la sécurité des systèmes
d’information
API Autorité publique indépendante
ARAP Association pour l’amélioration des rapports
entre l’administration et le public
ASAP Accélération et simplification de l’action
publique (Loi)
AVS Administration à votre service
BEPS Base erosion and profit shifting (érosion de la base
d’imposition et transfert des bénéfices)
CADA Commission d’accès aux documents
administratifs
CCDA Commission de coordination de la
documentation administrative
CAR Conférence d’action régionale
CAR Comité d’administration régionale
CCECRSP Comité central d’enquête sur le coût et le
rendement des services publics
CERFA Centre d’enregistrement et de révision des
formulaires administratifs
CEREMA Centre d’études et d’expertise sur les risques, la
mobilité, l’environnement et l’aménagement
CESE Conseil économique, social et environnemental
CESER Conseil économique et social régional
18 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

CESMAP Centre d’études supérieures de management


public
CHAI Comité d’harmonisation de l’audit interne
CHD Contrôle hiérarchisé de la dépense
CICE Crédit d’impôt compétitivité emploi
CIIBA Comité interministériel pour l’informatique et la
bureautique dans l’administration
CIMAP Comité interministériel de la modernisation de
l’action publique
CIRA Centre interministériel de renseignements
administratifs
CITP Comité interministériel de la transformation
publique
CNDP Commission nationale du débat public
CNIL Commission nationale de l’informatique et des
libertés
CNR Conseil national de la refondation
CODER Commission de développement économique
régional
COSA Commission pour les simplifications
administratives
COSIFORM Commission pour la simplification des formalités
COSIFORME Commission pour la simplification des formalités
des entreprises
COSLA Commission pour la simplification du langage
administratif
CRPA Code des relations du public avec les
administrations
CSG Contribution sociale généralisée
CVAE Contribution sur la valeur ajoutée des entreprises
DATAR Délégation à l’aménagement du territoire et à
l’action régionale
DGAFP Direction générale de l’administration et de la
fonction publique
DGFIP Direction générale des finances publiques
DGME Direction générale de la modernisation de l’Etat
DGRP Direction générale pour les relations avec le
public
DIESE Délégation interministérielle à l’encadrement
supérieur de l’Etat
DIMAP Direction interministérielle de la modernisation
de l’action publique
DINSIC Direction interministérielle du numérique et des
systèmes d’information et de communication
liste des abréviations utilisées 19

DINUM Direction interministérielle du numérique


DIRE Direction interministérielle de la réforme de
l’Etat
DITP Direction interministérielle de la transformation
publique
DUSA Délégation aux usagers et aux simplifications
administratives
ENA École nationale d’administration
EPARECA Établissement public national de restructuration
et d’aménagement des espaces commerciaux et
artisanaux
ESSOC État au service d’une société de confiance (Loi)
FNAUT Fédération nationale des usagers des transports
GBCP Gestion budgétaire et comptable publique
(Décret)
GIPA Garantie individuelle de pouvoir d’achat
GVT Glissement vieillesse-technicité
IFI Impôt sur la fortune immobilière
IGF Impôt général sur la fortune
ISF Impôt de solidarité sur la fortune
IFSA Institut français des sciences administratives
INSP Institut national du service public
IRA Institut régional d’administration
ITAP Institut des techniques d’administration
publique
LFSS Loi de financement de la sécurité sociale
LOLF Loi organique relative aux lois de finances
MAP Modernisation de l’action publique
MAPTAM Modernisation de l’action publique territoriale et
d’affirmation des métropoles
MOA Mission d’organisation de l’administration
MODAC Mission d’organisation des administrations
centrales
NBI Nouvelle bonification indiciaire
NPM New Public management
NTIC Nouvelles technologies de l’information et de la
communication
NOTRE Nouvelle organisation territoriale de la
République (Loi)
OCDE Organisation de coopération et de
développement économique
OM Organisation et méthodes
PACSI Programme d’action pour la société de
l’information
20 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

PFU Prélèvement forfaitaire unique


PLF Projet de loi de finances
PPBS Planning, programming, budgeting system
RCB Rationalisation des choix budgétaires
REATE Réforme de l’administration territoriale de
l’Etat
RGPD Règlement général de protection des données
RGPP Révision générale des politiques publiques
RIFSEEP Régime indemnitaire tenant compte des
fonctions, des sujétions, de l’expertise et de
l’engagement professionnel
RMPP Rémunération moyenne des personnels en place
RPA Réforme et prospective administratives
(Mission)
RPP Responsabilité personnelle et pécuniaire des
comptables publics
SCN Service à compétence nationale
SCOM Service central d’organisation et méthodes
SGAR Secrétaire général pour les affaires régionales
SGMAP Secrétariat général pour la modernisation de
l’action publique
SVA Silence vaut acceptation
SID Service d’information et de diffusion
SIG Service d’information du Gouvernement
SIRPA Service de relations publiques des armées
TAP Transformation de l’action publique
TEPA Travail, emploi, pouvoir d’achat (Loi)
TVA Taxe sur la valeur ajoutée
INTRODUCTION

1. L’administration et les services publics incarnent la conti-


nuité par-delà les aléas politiques. On l’a vu sous la IIIe et la
IVe République ou en période de crise comme en 2009 et en 2020.
On en déduit parfois que l’administration est immuable, que c’est
un paquebot difficile à manœuvrer, qu’elle est condamnée à être
en perpétuel décalage avec son temps, surtout à une époque qui
réclame rapidité, agilité, adaptabilité à un contexte mondialisé,
multipolarisé et changeant.
2. Ce procès est très injuste. L’administration et les services
publics font partie du système social et en reçoivent de multiples
influences : on pense aux conséquences de l’informatique puis
du numérique, à l’intégration de fonctionnaires jeunes, souvent
plus motivés et moins respectueux des traditions que leurs aînés
ou aux exigences des citoyens de mieux en mieux et de plus en
plus informés. L’administration est en changements constants.
Comme on l’a souvent dit, l’administration se « modernise ».

Définitions : L es réformes administratives et financières

L’administration

3. Le terme d’administration recouvre toutes les institu-


tions qui, sous l’autorité des instances politiques, sont chargées
de mettre en œuvre les politiques publiques. On distingue les
administrations de l’État : administrations centrales dans les
ministères à Paris et services déconcentrés, qu’on appelle depuis
les années 1990 l’administration territoriale de l’État ; les ser-
vices des collectivités territoriales placées sous l’autorité d’élus
aux niveaux des régions, des départements, des établissements
publics intercommunaux et des communes. S’y ajoutent de
multiples organismes qui, sans être intégrés formellement aux
administrations, participent à l’exécution du service public : éta-
blissements publics, caisses de sécurité sociale… Cette multitude
24 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

d’organismes, plus ou moins rattachés directement à la puis-


sance publique, en charge de missions de service public et gérés,
le plus souvent, selon le droit administratif, seront considérés
comme « l’administration » dans cette étude sans s’attacher aux
problèmes du champ d’application du droit administratif qui
passionne les juristes ou de la délimitation du secteur public qui
intéresse les économistes. Cet ensemble a une assez forte identité
mais reste hétérogène. Lorsque cela sera nécessaire, on introduira
les distinctions qui permettront d’avoir des approches différen-
ciées selon les catégories d’administration.

La réforme administrative

4. La réforme de l’administration est un thème aussi ancien


que l’administration elle-même. Qu’il s’agisse d’ouvrages ou de
décisions gouvernementales, l’histoire de la réforme adminis-
trative au XXe siècle est riche. Les analyses et préconisations
d’Henri Fayol (son ouvrage Administration générale et industrielle
de 1916 constitue une des références du management) ou d’Henri
Chardon (Le pouvoir administratif en 1912) ont ouvert la voie. Les
travaux de la Commission Selves en 1919, puis de la Commission
Marin en 1922, ont inauguré le long cycle des rapports adminis-
tratifs et des commissions de réforme. Les décrets Poincaré en
1926, les commissions de la hache et de la guillotine en 1946 et
1947, la création d’un Comité exécutif de la réforme adminis-
trative en 1953 puis d’un Conseil supérieur en 1955 montrent
l’ampleur de la tâche et l’intérêt périodique des gouvernants pour
le sujet tout au long de la IIIe et de la IVe République.
5. L’expression « réforme administrative » a toujours été ambi-
güe. André Tardieu écrivait, dans La réforme de l’État, en 1934 :
« Quand un président du Conseil veut se faire applaudir sur tous
les bancs, il lui suffit d’annoncer la réforme administrative car
personne ne sait ce que cela veut dire » (1). La réflexion de Patrick
Gibert et Jean-Claude Thoenig, dans leur ouvrage de 2019 sur
les programmes de modernisation qui se sont succédé depuis
cinquante ans, lui fait écho : « L’élaboration et l’annonce d’ini-
tiatives de modernisation de l’État semblent être devenues des

(1) Cité par Charles Debbasch et Marcel Pinet dans Les grands textes administratifs et dans
L’histoire de la fonction publique en France, t. 3, M. Pinet (dir.), p. 277.
introduction 25

passe-temps favoris pour les équipes gouvernementales succes-


sives » (2). Pour Jacques Chevallier : « Le thème de la réforme
administrative est extrêmement banal, répétitif, récurrent : pla-
cée sous le signe du changement, l’administration est en perma-
nence invitée à réajuster ses modes d’organisation et d’action,
perçus comme autant de freins à desserrer, d’obstacles à lever,
de blocages à surmonter. Ce réformisme se caractérise par la
conjugaison d’un discours, largement diffusé et dont la formu-
lation est relativement stable, et de pratiques très diverses, par
leur contenu et par leur portée. Ainsi conçue, la réforme admi-
nistrative se présente en fait comme un véritable mythe » (3).
Marc-Olivier Baruch et Philippe Bezes la définissent comme « un
programme public qui cherche à transformer et à agir sur une ou
plusieurs composantes du système administratif » (4).
6. Deux dimensions caractérisent la réforme administra-
tive. D’une part, un changement, global ou ponctuel, dans une
organisation publique et, d’autre part, un changement qui est
volontaire et piloté. La réforme administrative est une véritable
politique publique au sens donné à ce terme par Pierre Muller :
elle procède d’une représentation de la société, d’un référen-
tiel (5). Elle peut donc avoir des orientations diverses telles que
la lutte contre la bureaucratie, la recherche de la performance, la
réduction des dépenses publiques ou la mise en œuvre des pro-
grammes politiques. La lutte contre la bureaucratie est l’objectif
qui fait l’unanimité chez les réformateurs de l’administration. Ce
terme, qui a plusieurs significations, désigne, selon le sociologue
Max Weber (6), une administration impersonnelle, hiérarchisée
et distante dont l’organisation et le fonctionnement sont fondés
essentiellement sur l’édiction et le respect des normes, ce qui peut
présenter des avantages de respect de l’égalité de traitement, de
neutralité et d’objectivité… Mais le terme a pris une consonance
nettement péjorative, désignant désormais une administration

(2) P. Gibert et J.-C. Thoenig, La modernisation de l’État, une promesse trahie ?, Paris, Classiques
Garnier, 2019, p. 54.
(3) In J. Chevallier, R. Drai et F. Rangeon, Communication administration-administrés, Paris,
PUF, 1983.
(4) M.-O. Baruch, « Le cercle ou la spirale ? Remarques en forme de conclusion », RFAP,
Généalogies de la réforme de l’État, M.-O. Baruch et Ph. Bezes (coord.), n° 120, 2006.
(5) B. Jobert et P. Muller, L’État en action, politiques publiques et corporatisme, Paris, Presses
universitaires de France, 1987 ; P. Muller et Y. Surel, L’analyse des politiques publiques, Paris,
Montchrestien, 2000.
(6) M. Weber, Économie et société, 1922, Paris, Plon, 1971.
26 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

rigide, inhumaine, distante, indifférente aux situations particu-


lières, centralisée et routinière. Un deuxième axe majeur est la
recherche de la performance à travers des techniques souvent
inspirées du monde de l’entreprise et qui peuvent répondre à divers
objectifs : efficacité des politiques suivies, efficience par optimi-
sation des coûts, qualité du service rendu, pertinence par rapport
aux objectifs politiques, effets directs ou indirects. La réduction
des dépenses publiques a aussi été considérée comme une priorité
de la gestion publique depuis 1970 et l’apparition des déficits
publics permanents. Mais la contrainte budgétaire n’a déterminé
le contenu de certaines réformes qu’au cours de quelques périodes
critiques, celle de la RGPP, notamment (voy. n° 435). Quant à
la traduction des programmes politiques, elle est très variable.
Selon les domaines de réformes, on relève des oppositions entre les
mesures préconisées par la droite ou la gauche ou, au contraire,
des convergences et des continuités (voy. n° 76). Il est donc
plus juste de parler « des » réformes administratives qui consti-
tuent une succession de politiques publiques. Elles ont un vaste
domaine d’application et peuvent s’intéresser aux structures, à
l’organisation, aux modes de gestion, aux relations avec les usa-
gers ou aux relations internes. Ces réformes sont parfois incluses
dans des programmes plus vastes à consonance politique et éco-
nomique, notamment celles qui font l’objet de grands rapports :
rapport du comité Rueff-Armand (1959), rapport Pébereau sur
la dette publique (2005), rapport Attali de la Commission pour
la libération de la croissance française (2008).
7. Depuis 1970, l’administration a fait l’objet de grands mou-
vements de réformes d’ensemble impulsés par les gouvernements
successifs (la décentralisation, le renouveau du service public, la
réforme de l’État, la révision générale des politiques publiques, la
modernisation de l’action publique, la transformation de l’action
publique, la réforme des grands corps de l’État…). Elle a été
aussi le lieu de réformes plus diversifiées pour lesquelles les pou-
voirs publics ont accompagné, plus que piloté, les évolutions :
l’informatisation et l’essor du numérique sont exemplaires de ces
influences de la société globale sur l’administration.
introduction 27

Les réformes financières

8. Cette étude concerne aussi les réformes financières. Elles


sont une variété de réformes administratives intervenant dans
le secteur financier. Vaste domaine, au sein duquel on retiendra
particulièrement les aspects budgétaires et fiscaux qui ont un
rapport direct avec les autres réformes administratives. Très sou-
vent la réforme financière a un impact sur l’ensemble de la ges-
tion publique (la rationalisation des choix budgétaires à partir de
1968, la loi organique relative aux lois de finances de 2001). On
verra que cette prétention à réformer l’administration à partir de
ses finances n’est, en général, pas une réussite. Parfois, les finances
publiques constituent un domaine particulièrement significatif
des réformes de l’administration (par exemple, le renforcement
des droits du contribuable ou la réorganisation des administra-
tions fiscales). Enfin, les réformes strictement financières ont un
intérêt en elles-mêmes marquant les évolutions des conceptions
économiques et sociales, notamment en ce qui concerne les rap-
ports entre les citoyens et l’État. La fiscalité est un domaine très
particulier de l’action publique qui, en général, n’est pas considéré
comme inclus dans le champ de la réforme administrative. Les
réformes fiscales mobilisent des acteurs spécifiques : en premier
lieu, le Parlement, qui bénéficie d’une compétence réservée par
la Constitution, ensuite, le ministère des Finances qui joue un
rôle très important pour la préparation et la mise en œuvre des
réformes. La fiscalité s’appuie sur des techniques juridiques parti-
culières avec des finalités propres dont la principale est d’assurer
les recettes nécessaires pour couvrir les dépenses publiques. Il ne
faut pas pour autant négliger les finalités secondaires d’ordre éco-
nomique ou social qui sont prises en compte par exemple dans la
détermination des barèmes d’imposition ou dans la définition des
« niches fiscales ». La fiscalité est aussi un élément essentiel de la
vie quotidienne des citoyens qui influe sur leur rapport avec l’État
et de la vie des entreprises caractérisant le rôle de l’État dans le
fonctionnement de l’économie ; c’est un domaine très significatif
des orientations du pouvoir politique ; c’est, par voie de consé-
quence, un domaine tout à fait exemplaire de la façon dont sont
conduites les réformes, particulièrement sur une longue période.
9. On s’intéressera donc aux réformes dans les domaines bud-
gétaire (la rationalisation des choix budgétaires, la loi organique
relative aux lois de finances, l’exécution et le contrôle des dépenses
28 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

publiques) et fiscal (la généralisation de la TVA, la création de


l’impôt sur la fortune, l’institution de la contribution sociale géné-
ralisée, les réformes de la fiscalité locale). Il s’agit de réformes
structurelles et durables. Les politiques financières et fiscales à
finalité plus conjoncturelle, par exemple, le niveau du déficit bud-
gétaire ou l’ajustement annuel des barèmes, ne seront qu’évoqués.
Les sujets qui relèvent d’une approche principalement écono-
mique et financière ne seront pas inclus dans cette étude, tels que
les inflexions de la politique budgétaire (augmentation continue
des ratios de dépenses et de dettes publiques, adaptation face
aux crises monétaires et sanitaires), l’encadrement du budget des
administrations publiques par les normes européennes à partir de
2012 ou l’évolution de la gestion de la trésorerie et de la dette qui,
à partir de l’organisation du circuit du Trésor, s’est transformée
en une régulation par les marchés financiers.

Réforme administrative et réformes sectorielles

10. La réforme administrative se distingue des politiques


publiques sectorielles, en ce sens qu’elle a pour objet l’ensemble
de l’administration, prise en général au sens large. On peut y
inclure certaines réformes plus ponctuelles mais ayant une inci-
dence assez importante (la réforme des Postes et télécommuni-
cations, la politique de la ville…). Cependant, les ministères les
plus en pointe sur la modernisation ont su mener des politiques
relativement autonomes et continues tout en s’inscrivant dans
les grandes orientations de la politique générale de réforme.
Certaines études sectorielles ne manqueraient donc pas d’inté-
rêt. Le ministère de l’Équipement en est le meilleur exemple qui,
sous l’impulsion de Serge Vallemont, directeur du personnel entre
1985 et 1993, a privilégié la responsabilisation des gestionnaires
et la modernisation de la gestion des ressources humaines. Le
ministère de la Défense et celui des Finances ont conduit égale-
ment des expériences intéressantes à certaines périodes. Celles
des ministères économiques et financiers seront rattachées dans
ce travail aux réformes financières. Devant les limites des grands
programmes transversaux interministériels (voy. conclusion
générale nos 457 et s.), il est probable que les réformes adminis-
tratives seront de plus en plus et de mieux en mieux intégrées
aux stratégies ministérielles sectorielles.
introduction 29

Réforme administrative, réforme de l’État, action publique

11. L’expression même de « réforme administrative » a été


couramment employée jusqu’aux environs des années 1990, de
préférence à « modernisation ». Elle marquait une distinction
nette entre le niveau des choix politiques, non concernés par la
démarche, et celui de l’exécution. Elle a cédé la place vers 1995
à celle de « réforme de l’État » qui n’a pas tout à fait la même
signification. Très employée entre les deux guerres, par exemple
dans des ouvrages d’André Tardieu (1934) (7) ou de Léon Blum
(1936) (8), l’expression désigne alors plutôt la réforme du gouver-
nement (renforcement de la présidence du Conseil ; rationalisa-
tion du pouvoir parlementaire…). Pourtant, à partir des années
1990, les hommes politiques remplacent la « réforme adminis-
trative » par la « réforme de l’État ». Cette dernière appellation
des programmes de réforme couvre un champ plus large que
les précédents en englobant notamment la question du champ
d’intervention de l’État que les néo-libéraux souhaitent limiter.
La réduction du nombre de fonctionnaires, par exemple, s’ins-
crit à l’époque dans les programmes de réformes à côté de sujets
plus classiques tels que les trains de simplifications. Lancée par
la droite (Alain Juppé), l’expression « réforme de l’État » a été
ensuite employée aussi bien par des gouvernements de droite
et de gauche. Elle s’est parfois trouvée en concurrence avec des
appellations nouvelles destinées à marquer l’originalité procla-
mée des programmes (renouveau du service public en 1989, révi-
sion générale des politiques publiques en 2002, modernisation de
l’action publique en 2012, transformation de l’action publique
en 2017…). L’émergence de la notion « d’action publique » à
partir de 2012 peut signifier que désormais les réformes relèvent
de moins en moins d’une organisation particulière dédiée à la
réforme administrative au sein du gouvernement mais concernent
l’ensemble des services publics et des politiques publiques. Elles
interviennent dans un champ plus diffus et ne visent pas seule-
ment les services de l’État mais aussi ceux des collectivités ter-
ritoriales et des autres organismes publics.

(7) A. Tardieu, La réforme de l’État, Paris, Flammarion, 1934.


(8) L. Blum, La réforme gouvernementale, Paris, Bernard Grasset, 1936.
30 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Réforme et révolution

12. Dans le langage courant, on oppose souvent l’expression


de « réforme » à celle de « révolution ». La première étant réputée
plus douce, plus progressive, alors que la seconde est synonyme
de rupture et de bouleversement. Même si les promoteurs des
politiques publiques qui vont être étudiées les ont presque tou-
jours qualifiées de « révolution », ou mieux encore de « révolu-
tion copernicienne », elles n’ont pas bouleversé les fondements
mêmes du système politico-administratif français. Elles n’ont
fait que l’adapter à la marge, de manière non négligeable mais
néanmoins limitée, et peuvent donc être rangées sous le terme
de « réformes ».

Réforme administrative en France et à l ’ étranger

13. On a souvent vanté la singularité et même la supério-


rité de l’administration française, « la meilleure du monde ».
S’épanouissant au sein d’une Nation construite autour de son
État, fort de traditions qui remontent à l’Ancien Régime, relé-
gitimé par la Révolution française et consolidé par les réformes
napoléoniennes, le « modèle français » comporte de nombreuses
originalités : le corps préfectoral, les juridictions administra-
tives spécialisées, la séparation des ordonnateurs et des comp-
tables, les caisses de sécurité sociale (9). L’approche comparative
développée par les sciences administratives a mis l’accent sur
des institutions différentes développées dans d’autres modèles
politico-administratifs : les ombudsmans, les référendums locaux,
les procédures d’audition publique, les lois sur la transparence
administrative, les codes de procédures administratives, le mana-
gement par objectif, la retenue à la source pour le paiement des
impôts. Depuis 1970, nombre de ces réformes ont été « impor-
tées » après une étude plus ou moins approfondie des modèles
européens. Les coopérations développées au sein de l’OCDE et de
l’Union européenne et l’essor des approches comparatistes dans les
sciences humaines ont contribué à la circulation des idées (10). La

(9) P. Muller, « Esquisse d’une théorie du changement dans l’action publique : structures,
acteurs et cadres cognitifs », Revue française de science politique, (1) 2005.
(10) Par exemple : M. Crozier, Comment réformer l’État ? Trois pays, trois stratégies : Suède,
Japon, États-Unis, Rapport au ministre de la fonction publique et des réformes administratives, Paris,
introduction 31

vague du management public a permis l’introduction en France de


concepts nouveaux développés dans les pays anglo-saxons et sou-
vent imités de la gestion des entreprises. L’administration fran-
çaise a évolué notablement en cinquante ans sous ces influences
et sous la pression de facteurs qui sont les mêmes dans tous les
pays européens : exigences de citoyens plus conscients de leurs
droits, aspirations de fonctionnaires soucieux de bénéficier d’une
reconnaissance sociale, explosion des techniques de traitement de
l’information et de communication, contraintes budgétaires…

Méthodes et plan de l ’ ouvrage :

Le travail d’un « spectateur engagé »

14. Entré dans l’administration en 1966, j’ai participé, de


près ou de loin, parfois à la conception et, plus souvent, à la
mise en œuvre et à la diffusion des mouvements successifs de
réformes administratives et financières pendant les cinquante
années couvertes par cette étude. Je les ai observés et commentés
avec intérêt. Ainsi, j’ai participé à la conception du programme
du renouveau du service public en 1989 et à l’animation des
démarches qualité en 1996. J’ai eu à mettre en œuvre sur le ter-
rain la décentralisation en 1983 et la LOLF en 2006. Après avoir
enseigné le droit public, j’ai participé à de multiples travaux de
recherche et d’enseignement touchant aux sciences administra-
tives et au management public. Cette approche est donc celle
d’un « spectateur engagé », au sens de Raymond Aron (toutes
proportions gardées) (11) ou de ce que les sociologues appellent
un « observateur embarqué ». J’ai toujours souhaité établir des
relations fructueuses entre les chercheurs et les praticiens.

La Documentation française, 1988 ; S. Trosa, Moderniser l’administration, comment font les autres ?,
Paris, Éd. d’Organisation, 1995 ; H. Guillaume, G. Dureau et F. Silvent, Mission d’analyse com-
parative des systèmes de gestion de la performance et de leur articulation sur le budget de l’État,
Inspection générale des finances, 2000.
(11) R. Aron, Entretiens, avec J.-L. Missika et D. Wolton, Julliard, 1981.
32 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

TÉMOIGNAGE n° 1 : Le parcours d’un praticien-enseignant,


observateur de l’administration publique
Ce manuel procède d’un double point de vue : d’une part, celui
d’un praticien de l’administration à la fin d’une carrière assez clas-
sique de haut fonctionnaire et, d’autre part, celui d’un enseignant
qui n’a cessé de faire partager son expérience et beaucoup écrit sur
l’administration.
Formation :
Licence en droit (1966‑1970)
École nationale des impôts (1967‑1970)
Diplôme d’études supérieures de droit public (1971)
École Nationale d’Administration (1974‑1977)
Docteur en droit : Thèse sur « La conception des réformes admi-
nistratives et financières entre 1968 et 2018 : approches juridiques
et managériales », Université Jean Moulin, Lyon 3 (octobre 2019).
Carrière administrative :
Entré dans l’administration comme stagiaire en 1966, retraité
en 2014, l’auteur a exercé diverses fonctions :
– directement en rapport avec les réformes administratives et
financières : délégué auprès du Médiateur de la République ;
directeur de la communication et des relations avec le public
au ministère de l’Économie et des Finances ;
– plus spécifiquement financières : inspecteur des impôts, con-
seiller technique aux cabinets des ministres de l’Économie et
du Budget, trésorier-payeur général, directeur régional des
finances publiques ;
– plus difficiles à classer : conseiller de tribunal administratif,
commissaire-adjoint de la République de l’arrondissement
d’Étampes, conseiller technique au cabinet du ministre du
Travail, puis du ministre de la Ville.
Il a participé à de multiples commissions et groupe de travail
dont le Comité central d’enquêtes sur le coût et le rendement des
services publics et la Commission « Efficacité de l’État » du Xe Plan
(1989).
Enseignement et recherche :
L’auteur a assuré de nombreux enseignements dans les écoles de
service public et dans les universités :
introduction 33

– cours de droit public à la prép’ENA du ministère des Finances,


puis à Science Po Paris ;
– cours de marketing des organisations publiques à Paris-
Dauphine, de sciences administratives à l’Université du Littoral
de la Côte d’Opale, de management public à l’Université de
Rouen, de finances publiques à l’Ipag de Montpellier et à
Sciences Po Toulouse ;
– direction du séminaire « Comment améliorer les relations entre
les personnes publiques et les usagers ? », ENA, Promotion
Marc Bloch (décembre 1996) (12) ;
– conférences, participation à des ouvrages collectifs, colloques,
articles, chroniques, jury de thèse et de concours.
Divers :
L’auteur a participé à divers organisations et travaux collectifs,
dont notamment :
– conseil d’administration de l’Association pour l’amélioration
des relations avec le public (ARAP) (depuis 1978) ;
– comité de rédaction de la Revue française d’administration
publique (depuis 1986) ;
– coordination du numéro thématique de la RFAP sur :
+ « La maladministration », n° 45, janvier-mars 1988 avec Céline
Wiener ;
+ « Médiateurs et ombudsmans », n° 64, octobre-décembre 1992
avec Marie-Christine Henry-Meininger ;
+ « Réformes budgétaires et réformes de l’État », n° 117 (2006) ;
+ « La révision générale des politiques publiques » avec François
Lafarge, n° 136 (2010) ;
+ « Le renouveau des finances publiques nationales » avec Aurélien
Baudu et Xavier Cabannes, n° 182 (2022) ;
– codirection de l’ouvrage « Le citoyen et son administration »
avec Céline Wiener (2000) (13) ;
– direction de la revue Gestion et finances publiques (2015‑2021).
15. J’espère faire partager l’idée que la réforme administrative
est nécessaire et possible : nécessaire, car la qualité du service aux
usagers et l’efficacité de l’action publique ne peuvent résulter que

(12) S. Boitreaud, M. Gazave, S. Morel, P. Parisien, G. Parmentier et E. Philippe, sous la dir. de


M. Le Clainche, Comment améliorer les relations entre les personnes publiques et les usagers, ENA, 1996.
(13) M. Le Clainche et C. Wiener (dir.), Le citoyen et son administration, préface de G. Braibant,
s.l., Imprimerie nationale, 2000.
34 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

d’une politique déterminée et continue d’adaptation des services


publics aux évolutions de la société ; possible, bien que difficile,
si des méthodes adéquates sont mises en œuvre pour réunir les
conditions de ces évolutions. C’est donc une vision positive mais
critique de l’administration qui sera développée dans cet ouvrage.
Comme nous l’écrivions avec Céline Wiener dans l’introduction
du numéro thématique de la RFAP consacré à la « maladminis-
tration » en 1988 : « On ne trouvera donc, ici, ni cliché contre les
fonctionnaires, ni appel à la révolte de la société civile contre
l’État, ni annonce du programme qui mettra un terme définitif
à une imaginaire dictature de la cocotte en papier. En revanche,
la modernisation des techniques et la responsabilité des hommes
apparaissent à tous comme les conditions de la nécessaire évo-
lution » (14).
16. L’étude s’appuie principalement sur les discours des pro-
moteurs des réformes, sur le contenu même des programmes et
sur les conditions de leur mise en œuvre. Au-delà de l’opposition
entre les diverses conceptions qui procèdent de divergences idéo-
logiques ou politiques, elle permettra de discerner des éléments
de rupture mais aussi des traits de continuité dans les réformes
administratives et financières qui se sont succédé au cours des
cinquante dernières années.

Approche chronologique : 1972‑2022


17. Pourquoi commencer l’étude en 1972 ? Outre un aspect
pragmatique correspondant à l’expérience effective de l’auteur,
entré dans l’administration des impôts comme stagiaire en 1966,
le début des années 1970 marque une inflexion sensible dans la
dynamique des réformes. L’après-guerre a connu une longue
période, qualifiée a posteriori de « trente glorieuses », marquée par
la reconstruction et la conquête de la croissance économique (15).
L’administration a pris sa part dans ce mouvement en interve-
nant très directement dans l’économie et l’organisation sociale,
notamment par le dispositif de planification indicative (16) qui
comportait un volet de prévision et de programmation des
investissements en vue d’un objectif de croissance et un volet

(14) RFAP, La maladministration, M. Le Clainche et C. Wiener (dir.), n° 45, 1988.


(15) J. Fourastié, Les Trente Glorieuses, ou la révolution invisible de 1946 à 1975, Paris, Fayard,
1979.
(16) P. Massé, Le plan ou l’anti-hasard, Paris, Gallimard, 1965.
introduction 35

de concertation permanente et approfondie avec toutes les forces


vives sur le contenu des politiques publiques. Celles-ci s’inscrivent
successivement dans différents référentiels modernisateurs : la
dynamique de la reconstruction, puis de la croissance, puis de
l’ouverture européenne (17). À la fin des années 1960, dans le
cadre des institutions de la Ve République qui renforce les pou-
voirs de l’exécutif, la modernisation du pays engagée par le pou-
voir gaulliste s’appuie sur de grands commis de l’État (Pierre
Racine, François Bloch-Lainé, Paul Delouvrier, Louis Armand,
Pierre Massé). La volonté réformatrice est exprimée aussi bien
par les gouvernants que par l’opposition, par exemple au sein
du Club Jean Moulin. Les propositions de réformes empruntent
au secteur économique et industriel la volonté de rationalité et
d’efficacité. La rationalisation des choix budgétaires (RCB) vers
1970 se situait parfaitement dans cette volonté de réforme des
« ingénieurs-économistes » et des hauts fonctionnaires du minis-
tère des Finances.
18. Mais les premières crises économiques des années 1970‑1973
ont ébranlé le consensus productiviste et interventionniste.
L’ouverture européenne et l’internationalisation de l’économie
ont conduit à mettre l’accent moins sur la production et davan-
tage sur la productivité. L’administration devient donc un élé-
ment de la compétitivité du pays dans un monde plus ouvert. Les
« modèles » nationaux se confrontent et s’enrichissent mutuelle-
ment. Ainsi, les échanges dans le cadre de l’Institut international
sciences administratives (IISA) et de l’OCDE s’intensifient. Par
ailleurs, l’échec de la RCB (voy. n° 308), un certain épuisement
du pays par rapport aux efforts de modernisation de l’économie,
une lassitude des « citoyens lambda », ont conduit les gouverne-
ments à s’intéresser de plus près à la vie quotidienne des Français.
Ces idées nouvelles ont peut-être aussi à voir avec « l’esprit de
mai 1968 » qui a ébranlé la plupart des institutions et n’a pas
épargné le ministère des Finances (18). Le discours du Premier
ministre, Jacques Chaban-Delmas, sur la nouvelle société du
16 septembre 1969 manifeste cet esprit nouveau de critique
de la toute-puissance de l’État et de volonté de rationaliser les
méthodes de la gestion publique.

(17) P. Muller et Y. Surel, L’analyse des politiques publiques, Paris, Montchrestien, 2000.
(18) G. Braibant, préface de Le citoyen et son administration, M. Le Clainche et C. Wiener (dir.),
Imprimerie nationale, 2000, voy. aussi Les cinq « mai 1968 » des institutions financières publiques,
dossier GFP, n° 3, 2018 (M. Le Clainche, coord.).
36 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

DOCUMENT n° 1 : Déclaration de politique générale de


M. Jacques Chaban-Delmas, la « Nouvelle société », à l’Assemblée
nationale le 16 septembre 1969
… Un État tentaculaire et inefficace
Tentaculaire et en même temps inefficace, voilà, nous le savons
tous, ce qu’est en passe de devenir l’État, et cela en dépit de l’exis-
tence d’un corps de fonctionnaires, très généralement compétents et
parfois remarquables.
Tentaculaire, car, par l’extension indéfinie de ses responsabilités,
il a peu à peu mis en tutelle la société française tout entière.
Cette évolution ne se serait point produite si, dans ses pro-
fondeurs, notre société ne l’avait réclamée. Or c’est bien ce qui
s’est passé. Le renouveau de la France après la Libération, s’il a
admirablement mobilisé les énergies, a aussi consolidé une vieille
tradition colbertiste et jacobine, faisant de l’État une nouvelle
providence. Il n’est presque aucune profession, il n’est aucune
catégorie sociale qui n’ait, depuis vingt-cinq ans, réclamé ou
exigé de lui protection, subventions, détaxation ou réglementa-
tion.
Mais, si l’État ainsi sollicité a constamment étendu son
emprise, son efficacité ne s’est pas accrue de même, car souvent
les modalités de ses interventions ne lui permettent pas d’at-
teindre ses buts.
Est-il besoin de citer des exemples ?
Nos collectivités locales étouffent sous le poids de la tutelle. Nos
entreprises publiques, passées sous la coupe des bureaux des minis-
tères, ont perdu la maîtrise de leurs décisions essentielles : inves-
tissement, prix, salaires. Les entreprises privées elles-mêmes sont
accablées par une réglementation proliférante.
Le résultat de tout cela ? C’est d’abord le gonflement des masses
budgétaires. C’est ensuite, pour les partenaires de l’État, un encou-
ragement à la passivité et à l’irresponsabilité.
Et si encore toutes nos interventions, qu’il s’agisse de prélè-
vements fiscaux ou des subventions publiques, atteignaient leur
but !
Mais il s’en faut de beaucoup.
Notre système fiscal est ressenti comme étant à bien des égards
affecté par l’inégalité et faussé par la fraude.
introduction 37

La fiscalité est en outre le domaine d’élection du perfectionnement


administratif et, permettez-moi de le dire, parlementaire. À force de
vouloir, par des subtilités sans nombre, rendre l’impôt plus juste
ou plus efficace, on l’a rendu inintelligible, ce qui le prédispose à
être inefficace et injuste.
S’agit-il des subventions ?
Parmi les subventions économiques, la majeure part, et de loin va,
non pas à des activités d’avenir, ni à des opérations de reconversion,
mais au soutien d’activités devenues non rentables.
Quant aux subventions sociales, leur distribution est dominée par
une conception étroitement juridique de l’égalité qui aboutit à l’ini-
quité. Sous prétexte de ne pas faire de différence entre les bénéficiaires,
on fournit des aides identiques à ceux qui en ont le plus grand besoin,
à ceux qui en ont modérément besoin et aussi à ceux qui n’en ont
pas besoin du tout. Résultat : les buts initiaux ne sont pas atteints.
Notre politique agricole, notre politique des entreprises nationales,
notre politique des transferts sociaux offrent les exemples les plus
manifestes, mais non les seuls, de ces déformations et de ces malfa-
çons. Bien entendu, ce n’est pas par hasard qu’elles se sont introduites,
depuis des dizaines et des dizaines d’années, dans le fonctionnement
de l’État. Pour une large part, elles sont le reflet de structures sociales,
voire mentales encore archaïques ou trop conservatrices…
… Le rôle de l’État
J’ai dit qu’il nous fallait redéfinir le rôle de l’État. On doit désor-
mais mieux faire son métier, mais s’en tenir là et ne pas chercher
à faire aussi celui des autres.
Pour cela :
Premièrement, il devra donner ou restituer aux collectivités
locales, aux Universités, aux entreprises nationalisées, une auto-
nomie véritable et par suite une responsabilité effective.
Les collectivités locales et les entreprises nationalisées
– Pour les collectivités locales, il faut aller dans le sens de la
décentralisation et une consultation de l’ensemble des associations
représentatives va être engagée à cet effet.
– Pour les Universités, la loi d’orientation a fixé les principes.
– Pour les entreprises publiques, il s’agit d’en faire de vraies
entreprises, en leur restituant la maîtrise de leurs décisions, ce qui
implique que la responsabilité de leurs dirigeants soit effectivement
38 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

sanctionnée. Le Gouvernement vous présentera dans les prochaines


semaines un nouveau projet de convention de la SNCF conforme à
ces principes. Dans le même esprit, un contrat est en cours d’éla-
boration avec Électricité et Gaz de France, et les études préalables
à une révision prochaine des relations entre l’État, les collectivités
locales intéressées et la Régie Autonome des Transports Parisiens
ont été engagées. La contractualisation des rapports entre l’État et
les entreprises publiques sera progressivement généralisée.
Les administrations
En second lieu, nous cesserons de considérer comme intangibles
les missions et l’organisation des administrations, telles qu’elles
se perpétuent d’année en année à travers un budget qu’on ne peut
plus modifier que par addition.
Nous appliquerons donc systématiquement les méthodes modernes
de rationalisation des choix budgétaires. Ceci se traduira dans les
deux ans qui viennent par la présentation au Parlement d’un budget
fonctionnel.
Ces méthodes, qui feront apparaître les doubles emplois et les mis-
sions inutiles, entraîneront sans doute la suppression d’un certain
nombre de services, directions ou organismes extérieurs. Mais, sans
attendre ces conclusions, je prescris aux ministres de me présenter
dans les trois mois un plan de réorganisation de leur administration
centrale visant à la suppression des directions ou services dont la
nécessité a cessé d’exister. Simultanément, pour mieux utiliser les
personnels de l’État, nous les rendrons plus mobiles, géographi-
quement et administrativement, notamment pour faire face à des
pénuries momentanées. Dès 1970, tout ou partie de la promotion
sortante de l’ENA, et notamment tous les élèves nommés dans les
grands corps, seront affectés pour un an aux ministères de l’Édu-
cation Nationale, de la Santé Publique et de la Sécurité Sociale et
enfin du Travail et de l’Emploi.
Dans le même esprit, pour accroître la souplesse de l’Administra-
tion, seront constituées, sous mon égide, des équipes administratives
douées d’une grande mobilité et susceptibles d’être affectées rapidement
à des tâches urgentes ou à des missions nouvelles, sans pour autant
accroître définitivement les moyens des administrations concernées.
C’est cette remise en cause des fonctions et de réorganisation de
l’État qui nous permettra de réaliser des économies à la fois réelles
et définitives.
introduction 39

Le budget
J’ai pris l’engagement, et je le confirme devant vous, de contenir
la progression des dépenses budgétaires à un taux inférieur à celui
de la croissance de la production nationale.
19. Les politiques de réformes ont connu une actualité récur-
rente depuis la fin des années 1960 jusqu’à actuellement (19). La
présentation chronologique fait apparaître une succession impres-
sionnante d’initiatives de réformes tout au long de la période :
1968-1969 : Présidence du général de Gaulle. Le thème de la
réforme administrative émerge au nom de la légitimité de l’État
et de l’efficacité des politiques publiques d’accompagnement de
la croissance économique (Premières institutions dédiées, rationa-
lisation des choix budgétaires).
1969‑1974 : Présidence de Georges Pompidou. Le Premier
ministre, Jacques Chaban-Delmas, intègre le thème des réformes
administratives dans son projet de nouvelle société… (Médiateur,
critiques de la bureaucratie, simplifications).
1974-1981 : Présidence de Valéry Giscard d’Estaing. Des inno-
vations libérales de grande portée sont adoptées (Nouveaux droits
des usagers, émergence des préoccupations de gestion).
1981-1986 : Présidence de François Mitterrand. La gauche
applique son programme (Décentralisation, nouvelle citoyenneté,
statut général de la fonction publique, impôt général sur la fortune).
1986-1988 : Cohabitation. Cette période est marquée par le
retour du néo-libéralisme et une vision très critique des fonc-
tionnaires (Les cercles de qualité).
1988-1995 : Second mandat de François Mitterrand. La circu-
laire Rocard sur le renouveau du service public lance les premiers
outils managériaux (L’évaluation des politiques publiques, les pro-
jets de service et les centres de responsabilité, la CSG).
1995-1997 : Présidence de Jacques Chirac. La circulaire Juppé
poursuit la dynamique (Commissariat à la réforme de l’État,
démarches qualité, simplifications).

(19) Pour une autre chronologie et un point de vue différent sur les réformes administratives
et financières, voy. not. Ph. Bezes, Réinventer l’État, Les réformes de l’administration française
(1962-2008), Paris, PUF, 2009, qui donne la vision du politiste et La modernisation de l’État, une
promesse trahie ?, de P. Gibert et J.-C. Thoenig, Paris, Classiques Garnier, 2019 qui analyse les
programmes transversaux du point de vue de la sociologie des organisations.
40 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

1997‑2002 : Cohabitation avec le gouvernement de Lionel Jospin.


Des chantiers nouveaux sont ouverts (Loi sur les relations entre
l’administration et les administrés, LOLF, société de l’information).
2002-2007 : Nouvelle présidence de Jacques Chirac. L’acte 2 de
la décentralisation est la plus marquante des réformes
2007‑2012 : Présidence de Nicolas Sarkozy. Le Président de la
République donne l’impulsion à une démarche globale, la révision
générale des politiques publiques (RGPP).
2012-2017 : Présidence de François Hollande. Des inflexions
et une certaine continuité s’imposent (Modernisation de l’action
publique, adaptations de l’administration locale et territoriale,
numérique).
2017-2022 : Présidence d’Emmanuel Macron. Un nouveau pro-
gramme, Action publique 2022, est annoncé, la transformation
de l’action publique est engagée. La crise des Gilets jaunes et le
grand débat national, puis la crise sanitaire, vont bouleverser les
priorités. Cependant, une certaine continuité est assurée (Pilotage
des réformes, simplifications et qualité de service, numérique) et
des initiatives nouvelles sont prises (Réforme du dialogue social,
responsabilité des gestionnaires publics, formation, recrutement et
carrière des hauts fonctionnaires).
L’ouvrage analyse les réformes jusqu’à la fin de l’année 2022.
Ainsi, il couvre l’intégralité du premier mandat d’Emmanuel
Macron et les premiers mois de son second mandat.
L’annexe n° 1 expose la chronologie des réformes administra-
tives et financières et des ministres en charge de ces attributions.

Approche thématique : les réformes juridiques


et les réformes managériales

20. Un exposé chronologique des réformes serait assez difficile


à suivre en raison du rythme rapide de changements de vision et,
à l’inverse, à cause de nombreuses répétitions. La présente étude,
tout en prenant en compte l’ordre de succession des principaux
thèmes de réformes, est construite sur une approche essentiel-
lement thématique qui distingue les réformes juridiques et les
réformes managériales. Cependant, à l’intérieur des chapitres
et sections, les réformes seront présentées le plus souvent de
manière chronologique de façon à en reconstituer l’histoire sur
introduction 41

la période étudiée tout en accordant une place importante aux


évolutions les plus récentes lorsqu’elles sont particulièrement
innovantes.
21. Les années 1970 ont vu apparaître diverses manifestations
du nouvel intérêt pour la réforme administrative sous la forme
de réformes juridiques. On pense alors que de nouvelles normes
applicables à l’administration et à ses relations avec les usagers
suffiront à changer, par leur simple application, les rapports entre
l’administration et ses publics. De très nombreuses innovations
vont voir le jour, par exemple la nomination presque continue
d’un ministre dédié aux réformes administratives à partir de
1969, la réforme régionale en 1972, l’institution du médiateur
en 1973, la nomination de comités d’usagers en 1974, et surtout
les grandes lois de 1978 sur la transparence administrative. Des
programmes de simplification administrative, un renforcement
des droits des usagers et des contribuables, les progrès de la
déconcentration et de la décentralisation se rattachent à cette
approche juridique de la réforme administrative. La politique de
réforme administrative prend progressivement de l’ampleur. Son
pilotage est de mieux en mieux formalisé. Son contenu évolue :
les approches sont plus détachées du contentieux, les relations
concrètes entre l’administration et ses usagers suscitent l’intérêt.
Progressivement, celles-ci sont moins déséquilibrées et les pou-
voirs sont mieux répartis sur le territoire.
22. Au début des années 1990, l’approche classique des réformes
qui avait cours dans les années 1970‑1980 a été concurrencée par
une approche plus gestionnaire. Elle est, par exemple, illustrée
par les circulaires de Michel Rocard et d’Alain Juppé en 1979 et
1985, par la révision générale des politiques publiques (RGPP) à
partir de 2002, par la loi organique relative aux lois de finances
(LOLF) appliquée à partir de 2006, par l’essor de l’administration
numérique. Pour mettre en évidence des leviers de transforma-
tion, on s’intéresse alors davantage au fonctionnement concret
des systèmes administratifs et à leur évolution qu’au cadre juri-
dique et on tente de regrouper les mesures envisagées dans le
cadre de programmes de réformes de l’ensemble de la gestion
publique.
23. La concurrence entre un modèle juridique et un modèle
managérial de réformes administratives et financières a com-
mencé dès la fin des années 1980. À cette époque, dans les congrès
42 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

internationaux de sciences administratives, deux discours se


superposaient. Leur point commun était une vive critique de la
bureaucratie (voy. n° 6). Mais les perspectives de progrès évo-
quées suivaient des pistes radicalement différentes. Certains
intervenants, notamment les Français et les représentants des
pays attachés au modèle d’administration « à la française », insis-
taient sur la démocratisation de l’administration par le droit.
En revanche, les experts des pays anglo-saxons développaient
une approche moderniste et gestionnaire qui recevait un écho de
plus en plus favorable dans les pays de l’Est européen et dans les
pays émergents. La France était encore dans une position inter-
médiaire puisque les deux approches avaient été essayées avec
la « nouvelle citoyenneté » en 1981 et « le moins d’État » en 1986.
24. À partir des années 1990, la nouvelle approche managériale
de la réforme administrative est devenue dominante. Elle a été
théorisée sous l’expression de « New Public Management », plus
brièvement, le NPM qui a progressivement supplanté l’approche
précédente, sans l’éliminer. Plusieurs facteurs expliquent ce chan-
gement de conception. Le succès de l’idéologie néo-libérale, les
critiques de l’État, la recherche généralisée d’efficacité, les aspira-
tions à plus d’autonomie dans la société ont contribué à modifier
la conception des rapports entre l’État et les citoyens, ce qui n’a
pas manqué de faire évoluer la conception des réformes adminis-
tratives et financières. Cependant, l’impression d’une rupture est
excessive. Les années 1990 marquent un tournant mais certaines
continuités peuvent être repérées. Les approches juridiques et les
approches managériales ont, en réalité, toujours existé. D’une
part, dès la première période, les réformes juridiques des années
1970-1980 sont bien l’expression d’une certaine conception de la
gestion publique, sans doute plus hiérarchique et normative que
celle des années suivantes et, d’autre part, l’approche « moderne »
trouve ses racines avant 1990, par exemple dans la rationalisa-
tion des choix budgétaires des années 1970 (voy. n° 308). Même
superposition des approches après 1990 : l’approche « classique »
ou juridique a survécu, pour plusieurs raisons : d’abord, parce
que les réformes, même managériales, se traduisent nécessaire-
ment par des textes juridiques, à l’exemple du Code des rela-
tions de l’administration avec les usagers adopté en 2015 après
de longues années de préparation. Par ailleurs, des réformes du
premier type ont continué d’apparaître en mode mineur dans
introduction 43

les programmes de réformes, par exemple, sous l’appellation


de simplification administrative ou normative. Toutefois, il est
commode de se référer aux caractères dominants de chacune
des phases : démarches d’inspiration normative ou juridique,
d’une part, et démarches d’inspiration gestionnaire ou mana-
gériale, d’autre part. Tout se passe donc comme si, au cours de
la période 1972-2022, deux cycles s’étaient enchaînés avec une
période de « frottements ». Ainsi, dans la conception des réformes
entre 1972 et 2022, l’approche classique s’est d’abord appuyée
sur une démarche juridique cohérente avec le modèle bureau-
cratique (juridicisation, centralisme…) complétée par l’apport
des sciences humaines, première approche dont on peut suivre la
domination puis le déclin ; puis de nouvelles démarches inspirées
des approches managériales ont triomphé avant d’être, à leur
tour, largement relativisées.
25. Un élément commun aux deux conceptions a exercé une
certaine influence tout au long de la période : la pression bud-
gétaire. Depuis le début des années 1970, le déficit de l’État n’a
fait que croître, ce qui a incité les gouvernants à rechercher, sans
succès, à réduire le poids des dépenses publiques. La réduction
du « train de vie de l’État » ou, version plus positive, « l’amélio-
ration de l’efficacité de l’administration » ont donc été une jus-
tification permanente et explicite de la réforme administrative,
commandant directement certaines mesures des programmes :
suppression d’organismes inutiles, réduction des effectifs de la
fonction publique, revue de dépenses, adaptation des réseaux de
services publics. Toutefois, elle ne paraît pas devoir constituer
le principal « fil rouge » de l’exposé des réformes administratives
et financières. D’une part, parce que de nombreuses mesures de
réformes sont indifférentes à la question des coûts budgétaires
et, d’autre part, parce que la justification budgétaire a été prin-
cipalement mise en avant dans le cadre des approches managé-
riales dont l’un des fondements idéologiques est la réduction de
l’intervention de l’État dans la société.

Présentation de l’ouvrage

26. La première partie sera consacrée à la conception des


réformes administratives et financières qui montrera l’articula-
tion entre les deux approches (1re partie). Les différents types de
44 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

réformes seront ensuite étudiés en allant des plus juridiques aux


plus managériales et qu’on peut regrouper en deux tendances :
l’amélioration des relations avec les usagers (2e partie) ; le per-
fectionnement de la gestion publique (3e partie). Les réformes
dans le domaine budgétaire et fiscal, qui suivent une dynamique
propre, seront étudiées ensuite (4e partie). La perspective serait
incomplète si les mesures présentées analytiquement n’étaient
pas regroupées dans les programmes transversaux, quand ils ont
été mis en œuvre de manière intermittente (5e partie).
27. Ce livre est un manuel destiné à servir de référence utile
aux chercheurs, aux étudiants et aux praticiens qui s’intéressent
aux réformes administratives et financières. La présentation de
celles-ci est la plus systématique et objective possible. L’exposé
synthétique des réformes par thèmes est complété par des docu-
ments, la plupart étant des extraits de texte législatifs et régle-
mentaires (sauf indication contraire, dans leur version originale)
et des témoignages vécus par l’auteur. Le repérage de la suc-
cession des programmes peut être facilité par la chronologie des
réformes et des ministres en charge de ce domaine figurant dans
l’annexe 1. Les listes des documents et témoignages présentées
par chapitres figurent dans les annexes 2 et 3. On peut accé-
der facilement à un thème, à un programme ou à une réforme
déterminée à partir de la table détaillée ou à partir des index des
matières et des noms de personnes situés en fin d’ouvrage. À la
fin de chaque partie, une bibliographie, qui distingue les ouvrages
et les articles, permet de poursuivre la réflexion et les recherches.
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE

Ouvrages

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Articles

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dans le système français », AJDA, 1974, p. 396.

Principales revues citées

Actualité juridique droit administratif (AJDA)


Gestion & Finances Publiques (GFP)
Politiques et management publics (PMP)
Pouvoirs
Revue de droit public (RDP)
Revue européenne et internationale de droit fiscal (REIDF)
Revue française de finances publiques (RFFP)
Revue de science financière

S ites internet

www.budget.gouv.fr
www.economie.gouv.fr
www.fipeco.fr
www.fonction-publique.gouv.fr
www.impot.gouv.fr
www.insee.gouv.fr
www.modernisation.gouv.fr
www.performance-publique.gouv.fr
www.vie-publique.fr
Chapitre 1.
SOURCES ET TYPOLOGIES DES RÉFORMES

29. L’approche « classique » des réformes administratives et


financières est essentiellement juridique (section 1). Pour les
tenants de cette approche, la réforme passe principalement par
la modification des textes encadrant l’activité administrative.
Cette conception a suivi un cycle : après une période d’innova-
tions et de créativité qui ont changé les rapports de l’adminis-
tration avec les administrés, ces réformes d’ordre juridique ont
été complétées par des approches sociologiques assez novatrices,
puis, vers 1990, elles se sont vues concurrencées par une concep-
tion plus gestionnaire des réformes administratives et financières
qui a elle-même suivie un cycle avec la succession d’une période
dominante et d’un déclin (section 2). Bien que ces différences
d’approche n’aient pas toujours été explicites, leur enchaîne-
ment et leur superposition partielle expliquent l’hétérogénéité
des programmes de réformes qui se réclament toutes d’un certain
pragmatisme. Ces différences conceptuelles ont pourtant eu des
conséquences très concrètes. Elles se sont manifestées particuliè-
rement dans les débats récurrents sur les rapports entre l’admi-
nistration et ses « usagers-clients » (section 3).

Section 1. La conception juridique des réformes

30. Plusieurs raisons expliquent que les réformes des années


1970‑1980 sont qualifiées de « juridiques » (ou « normatives »).
Elles empruntent principalement la voie de textes qui modifient
le cadre juridique dans lequel s’exerce l’action publique, ce qui
est inévitable lorsqu’on veut concrétiser et assurer une certaine
durabilité à une réforme. Mais, ce qui est plus caractéristique,
peu d’autres instruments de l’action publique sont sollicités alors
54 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

qu’ils le seront largement plus tard : l’information, la commu-


nication, les relations concrètes avec les usagers ou les agents
publics ne mobilisent pas encore l’attention. Le changement du
droit applicable semble se suffire à lui-même et il est indépen-
dant du contenu même des politiques publiques sectorielles. Il
est transversal et comme imposé de l’extérieur aux ministères
et aux organismes publics. Cette conception est le résultat d’un
renouveau de l’approche juridique de l’administration (§ 1) dont
les limites sont apparues après quelques années (§ 2).

§ 1. Les sources

a) Le droit public

31. À la fin des années 1960, l’administration et la réforme admi-


nistrative sont pensées essentiellement à travers le droit public.
Les réflexions sur la réforme de l’administration s’inscrivent dans
ce contexte. Elles sont principalement animées par des membres
du Conseil d’État et l’un des foyers de réflexion est l’Institut fran-
çais des sciences administratives (IFSA) présidé par le conseiller
d’État Bernard Chenot, ancien ministre du général de Gaulle.
C’est informellement une « école française » qui se constitue avec
une vision assez homogène fondée sur des approches juridiques :
reconnaissance et extension des droits des usagers, accessibilité
au droit et au contentieux, réorganisation juridique des adminis-
trations… Les universitaires, qui commencent à s’intéresser aux
sciences administratives (Georges Langrod (1), Georges Dupuis,
Céline Wiener, Charles Debbasch (2) puis Jacques Chevallier (3)),
sont, à l’origine, des publicistes. Les grands principes du droit
public structurent la pensée de ces auteurs. Ainsi, toute réflexion
sur l’administration commence par l’énoncé des « grands principes
du service public » selon les lois de Rolland (continuité, adapta-
tion, égalité, gratuité) qui seront éventuellement complétés par
des exigences nouvelles : efficacité sociale, transparence, ouver-
ture, simplicité… Les finances publiques, après s’être détachées de
l’économie, sont considérées par une grande partie de la doctrine
comme un domaine du droit public (4).

(1) G. Langrod (coord.), Traité de science administrative, Mouton, 1966.


(2) Ch. Debbasch, Science administrative, administration publique, Paris, Dalloz, 1971.
(3) J. Chevallier et D. Loschak, Science administrative, Paris, LGDJ, 1978.
(4) R. Hertzog, « Le droit public financier : un conquérant en quête de reconnaissance », RFFP,
n° 133, 2016, p. 83.
sources et typologies des réformes 55

32. Les thèmes gestionnaires ne sont pas absents comme on


le verra plus loin. L’échec de la rationalisation des choix budgé-
taires (RCB) au début des années 1970 et le début de l’émergence
du management public au début des années 1980 commencent à
alimenter une réflexion nouvelle. Mais, pour l’essentiel, le débat
universitaire sur ces questions est centré sur l’opposition entre
gestion publique et gestion privée avec une défense vigoureuse
des spécificités de l’action publique.

b) Les sciences politiques

33. Les sciences politiques, en tant qu’étude des phénomènes


de pouvoir et de gouvernement, ont évidemment des points de
contact avec le droit administratif. Pour ce qui peut concerner
les réformes de l’administration, le sujet principal est celui de
la plus ou moins grande autonomie de la sphère administrative
par rapport aux décideurs politiques. Les thèmes de l’énarchie,
du rôle des cabinets ministériels, de la technicisation du pouvoir
politique et de la politisation des hautes sphères administratives
sont ainsi développés. L’analyse des politiques publiques (Pierre
Muller, Yves Mény, Patrice Duran) vient compléter et élargir
l’horizon en contextualisant les questions de gestion publique au
sein d’un débat sur la sociologie de l’action publique.
34. L’apport principal des sciences politiques relève de la
méthode. C’est dans ce domaine que, vers 1970, l’analyse sys-
témique, conçue à l’origine pour la biologie, commence à être
appliquée aux États-Unis dans l’ensemble de sciences humaines
(Von Bertallanfy (5)). Dans le prolongement de la cyberné-
tique, elle s’est appliquée aux théories de l’information (Norbert
Wiener), à l’analyse des régimes politiques (Eaton), à la socio-
logie des organisations (Herbert Simon). Elle a été popularisée
en France dans différents domaines (Jean-Louis Lemoigne,
Jacques Lesourne (6), Joël de Rosnay, Edgar Morin…), elle est
utilisée par des sociologues et certains juristes et va changer le
regard des chercheurs s’intéressant à l’administration publique
(Michel Crozier (7), Lucien Sfez, Roger-Gérard Schwarzenberg,
Romain Laufer et Pierre Lalumière dans le domaine des finances

(5) L. von Bertallanfy, General System Theory, Foundations, Developments, Applications, New
York, G. Bazillier, 1968, Théorie générale des systèmes, Paris, Dunod, 1973.
(6) J. Lesourne, Les systèmes du destin, Paris, Dalloz, 1976.
(7) M. Crozier et E. Friedberg, L’acteur et le système, Paris, Le Seuil, 1977.
56 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

publiques (8)). Dans l’analyse des situations, elle dépasse les


simples relations de causalités linéaires, valorise le rôle de tous
les acteurs, s’intéresse aux interrelations formelles ou informelles
entre eux, décode les jeux de pouvoir, décrit les mécanismes de
régulation. Ces nouveaux outils d’analyse et d’intervention vont
modifier le regard porté sur l’administration, désormais pensée
comme un système complexe qui interagit avec son environne-
ment, sur l’étude des décisions administratives qui peut procé-
der de systèmes de rationalités diverses et conflictuelles, sur les
notions de stratégie et d’autonomie des acteurs… Cette nouvelle
méthode connaîtra un grand succès auprès des chercheurs et de
l’encadrement de l’administration, au moins au niveau du lan-
gage.

c) La sociologie des organisations

35. Combinées avec les approches sociologiques, ces nouvelles


méthodes vont compléter les analyses juridiques traditionnelles
et constituer la base de la sociologie des organisations, qui se
réclame pour partie des sciences politiques et pour partie de la
sociologie. La sociologie des organisations prend naissance aux
États-Unis sous l’impulsion d’Herbert Simon dans les années
cinquante et sera brillamment introduite en France par Michel
Crozier qui fonde le Centre de sociologie des organisations. Des
sociologues vont alors investir le champ d’études réservé aupara-
vant aux juristes (Jean-Claude Thoenig (9), Jean-Pierre Worms,
Catherine et Pierre Grémion, François Dupuy…). Ils vont définir
de nouveaux concepts et défricher de nouveaux sujets d’investi-
gation : revalorisation du rôle de l’agent de base, répartition et
jeux des pouvoirs au sein d’une organisation, jeux de rôle entre
l’administration centrale et les pouvoirs périphériques, décalage
entre les intentions du législateur et la réalité des relations admi-
nistratives sur le terrain… Certains de ces éléments sont introduits
dans des formations destinées à des hauts fonctionnaires mais il
n’est pas certain qu’un grand nombre de décideurs appartenant
aux « élites administratives » aient lu Michel Crozier (10). On
peut ajouter qu’ils n’ont guère retenu ses r­ ecommandations sur

(8) P. Lalumière, Les finances publiques, coll. U, Paris, Armand Colin, 1973, p. 524.
(9) J.-C. Thoenig et F. Dupuy, Sociologie de l’administration française, Paris, Armand Colin, 1983.
(10) M. Crozier, La crise de l’intelligence, Essai sur l’impuissance des élites à se réformer, Paris,
Interéditions, 1995.
sources et typologies des réformes 57

la nécessité de bien analyser les problèmes avant de se précipiter


sur des solutions, sur l’autonomie des acteurs, sur la délégation
des responsabilités, sur la reconnaissance des efforts, sur la négo-
ciation et le compromis et sur le respect des cultures profession-
nelles. En revanche, les notions de complexité, de dynamique,
d’interaction avec l’environnement sont mieux comprises.

d) Les sciences administratives

36. Hybridées avec l’approche juridique traditionnelle, ces nou-


velles méthodes sociologiques sont à la base des « sciences admi-
nistratives » qui vont s’épanouir à la fin des années soixante-dix
avec une alliance remarquable d’universitaires (Georges Dupuis,
Lucien Sfez, Jacques Chevallier, Céline Wiener…) et de prati-
ciens (Louis Boulet, Guy Braibant, Lucien Mehl…), par exemple
comme contributeurs du précurseur traité de Science administra-
tive de Georges Langrod publié en 1966 (11) et au sein de l’Ins-
titut français des sciences administratives (IFSA) avec le relais
de la Revue française d’administration publique alors éditée par
l’Institut international d’administration publique.

e) Les sciences financières

37. La science financière a été d’abord essentiellement juri-


dique : on étudiait principalement la « législation financière »,
c’est-à-dire les nombreux textes très techniques qui comman-
daient les matières budgétaires, fiscales et comptables. Mais là
aussi, l’approche juridique perd son exclusivité. Le conseiller
d’État Lucien Mehl applique la cybernétique à l’analyse des
systèmes fiscaux (12). Pierre Lalumière évoque le « système
financier » (13). Jean Dubergé développe la psychologie sociale
de l’impôt (14), domaine jusqu’alors peu étudié (notamment par
Schmölders (15)). Il recourt à des sondages d’opinion et à des
entretiens semi-directifs. Il expose une typologie des relations
publiques concernant l’impôt en cherchant à « dédramatiser

(11) G. Langrod (coord.), Traité de science administrative, op. cit.


(12) L. Mehl, Le système fiscal français, Paris, PUF, 1980 ; L. Mehl et P. Beltrame, Science et
techniques fiscales, Paris, PUF, 1984.
(13) P. Lalumière, Les finances publiques, op. cit., p. 524.
(14) J. Dubergé, Les Français face à l’impôt, Paris, LGDJ, 1990 ; La psychologie sociale de l’impôt,
Paris, LGDJ, 1991 ; Dédramatiser l’impôt, Presses universitaires d’Aix, 1994.
(15) G. Schmölders, Psychologie financière et fiscale, Rowohlt, Reinbek Bei Hambourg 1970.
58 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

l’impôt », notamment par la simplification des textes et par la


formation des fonctionnaires. La sociologie des finances publiques
sera renouvelée un peu plus tard par Marc Leroy (16) qui s’inté-
resse aux rapports de pouvoir qui se nouent à l’occasion des pro-
cédures budgétaires ou fiscales : place de l’État dans le système
financier, jeux des acteurs, régulations, stratégies d’évitement
de l’impôt, participation du citoyen… Les sciences financières,
même si de nombreux auteurs restent fidèles à leur qualification
de juriste et au rattachement au droit public (17), se définissent
de plus en plus comme un « carrefour interdisciplinaire » (18) qui
fait appel, outre au droit et à l’histoire, aux sciences politiques,
à l’économie, à la sociologie, à la psychologie (19).

§ 2. Les limites de l’approche juridique complétée par l’approche


sociologique

38. Si les réformes d’inspiration juridique ont incontestable-


ment amélioré la situation des usagers de l’administration, elles
n’en comportent pas moins de sérieuses limites, voire quelques
effets pervers. Les réformes annoncées ne sont pas entièrement
novatrices, leur dispositif et leur application révèlent de nom-
breuses insuffisances : effectivité limitée, complexités résiduelles,
lenteurs des procédures… et elles bénéficient parfois davantage
à l’administration qu’aux usagers.
39. Signe d’une relative inefficacité du dispositif, les mêmes
sujets de simplification reviennent pendant des dizaines d’années
en faisant chaque fois l’objet d’une « demi-mesure », par exemple
la gestion des changements d’adresse, la simplification de la déli-
vrance des permis de chasser, la suppression des timbres fiscaux,
l’harmonisation des taxes assises sur les salaires, les formalités
de création des très petites entreprises, l’accès des PME aux
marchés publics, la réduction des délais de paiement de certains
organismes publics, l’atténuation de l’effet des seuils fiscaux et
sociaux… Dans d’autres domaines, la répétition des circulaires

(16) M. Leroy, Sociologie des finances publiques, Paris, La Découverte, 2007 ; L’impôt, l’État et
la société, Paris, Economica, 2010.
(17) T. Lambert, « Le fiscaliste, un juriste comme les autres », GFP, nos 3/4, mars-avril 2014.
(18) P.-M. Gaudemet, Précis de finances publiques, t. 1, Paris, Montchrestien, 1970, p. 2.
(19) Pour une défense et illustration de l’interdisciplinarité en finances publiques, C. Husson-
Rochcongar (dir.), La légitimité en finances publiques, Paris, Mare & Martin, 2022, not. C. Husson-
Rochcongar, Conclusion générale, pp. 600 et s.
sources et typologies des réformes 59

sur la levée de l’anonymat, sur les études d’impact ou sur les pou-
voirs de coordination des préfets montre les limites des injonc-
tions normatives.
40. En outre, cette réforme du droit par le droit n’est pas
exempte d’ambigüité puisque, dans un premier temps, elle vient
alourdir et complexifier le droit applicable.
41. Malgré leurs réticences, les juristes ne peuvent rester
insensibles aux limites de l’approche juridique classique comme
le leur a rappelé le Premier ministre, Pierre Mauroy, au colloque
« Administration et société » organisé en janvier 1983 par l’Ins-
titut français des sciences administratives (20) : « Permettez-
moi de trouver discutable que le droit administratif soit encore
construit sur l’idée d’inégalité entre l’administration et l’admi-
nistré. Surtout quand la conséquence qui en découle est la non-
information des usagers ». Au minimum, il faut faire la distinction
entre les activités de puissance publique et les activités de ser-
vices et reconnaître que les rapports inégalitaires entre l’admi-
nistration et les administrés organisés par le droit public ne sont
justifiés que dans le premier domaine. On peut aller plus loin et
considérer que, même dans les services régaliens, l’administration
gagne en légitimité et en efficacité en se bornant pas à appliquer
strictement les textes et en prenant mieux en compte les attentes
effectives de ses usagers. La démarche sociologique a ainsi pris
en considération la réalité du fonctionnement de l’administration
(voy. n° 35). Elle a connu un succès certain et a été intégrée à la
formation des hauts fonctionnaires (Michel Crozier, Jean-Daniel
Raynaud, Renaud Sainsaulieu). Mais, focalisée sur les processus
de décisions et les jeux d’acteurs à l’intérieur des organisations,
elle n’a pas répondu au besoin de renouvellement des sources de
légitimité de l’action administrative.

S ection 2. La conception managériale des réformes

42. À partir du début des années 1990, la conception des


réformes administratives et financières s’inspire principalement
des approches managériales. Les promoteurs des réformes vont
essayer de transformer l’administration en faisant évoluer ses

(20) Institut français des sciences administratives, Administration et société, vers une autre admi-
nistration ?, colloque des 27‑28 janvier 1983, RFAP, n° 26, 1983.
60 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

modes de gestion, le plus souvent en s’inspirant du modèle de


l’entreprise. Cette conception va connaître un très grand succès
sur le plan des idées (§ 1) mais elle ne pourra pas être appliquée de
manière stricte et généralisée et, assez rapidement, elle suscitera
des contestations (§ 2).

§ 1. Les théories du management public

43. Le management public est une notion nouvelle qui va


émerger puis triompher à partir des années 1990. Celle-ci s’impo-
sera comme un modèle largement dominant et sera la source de
grands programmes transversaux de réformes administratives.
44. Le terme de management pourrait avoir son origine dans
le français « ménagement » qui désignait l’art de conduire son
cheval ou son charroi. Il aurait été introduit en Angleterre par
Guillaume le Conquérant et serait revenu sur le continent comme
les mots « budget » ou « échiquier ». Annie Bartoli dans son livre
sur le Management dans les organisations publiques confirme le
sens (de manus, la main, d’où manier, conduire) (21).
45. Le management, outre sa consonance moderniste, se veut
différent de la gestion qui ne serait que l’application rigoureuse
des lois et règlements. Le management, sans s’opposer directe-
ment à cette vision juridique, la complète en prenant en compte
la réalité des situations et le contexte psychologique et sociolo-
gique des rapports administratifs que le droit et le contentieux
ignorent assez largement. Les spécialistes proposent diverses
définitions autour des notions d’organisation, de pilotage et de
contrôle. La définition large suivante couvre bien l’ensemble des
innovations mises en œuvre dans la conduite des organisations
publiques dans les années 1990 : le management public regroupe
l’ensemble des principes, démarches et outils à disposition des
responsables des organisations chargées d’une mission de service
public pour améliorer l’organisation et le fonctionnement de leurs
services dans le cadre des missions qui leur sont assignées. Le
management a une résonance moins juridique, plus moderne et
plus dynamique que la gestion : il vise à optimiser le fonction-
nement de l’institution en tenant compte de ses divers objectifs
et de ses multiples contraintes. C’est à la fois l’art d’organiser,
de diriger et de gérer. Il accorde une importance particulière à

(21) A. Bartoli, Management dans les organisations publiques, 3e éd., Paris, Dunod, 2009.
sources et typologies des réformes 61

la motivation des personnes et aux relations internes et externes


de l’organisation. Romain Laufer et Alain Burlaud dans leur
ouvrage fondamental sur le sujet « Management public : gestion
et légitimité » paru en 1980 (22), définissent le management public
comme « un nouveau langage » dont la fonction principale est de
fournir une nouvelle légitimité à l’administration en complément
de sa légitimité juridique fondée sur l’origine ou les finalités des
pouvoirs.
46. En outre, le management public a l’ambition de fournir
des outils, des procédés qui permettent d’améliorer la gestion
des services administratifs. Ces outils sont souvent transposés
du secteur privé et de la littérature managériale américaine,
bien que, à l’origine de ces travaux, on trouve à côté de Taylor
le Français Fayol qui s’intéressait aux fonctions « administra-
tives » dans l’organisation et a introduit les notions de mesures,
de diagnostic, d’interrelations… Dans les années 1980‑1990, le
management public devient un objet de réflexion et d’enseigne-
ment, notamment au sein du Centre de formation supérieur au
management et du Centre d’études supérieures du management
public (Cesmap). La revue Politiques et management publics est
créée dès 1983.
47. Des spécialistes des sciences de gestion, qui sont assez peu
développées en France, s’intéressent aux organisations publiques
(Romain Laufer, Patrick Gibert, Annie Bartoli, Gérald Orange,
Robert Le Duff…). Ils vont tenter de concilier l’emprunt aux
modes de gestion des entreprises avec les spécificités du secteur
public qui tiennent principalement à ses finalités non lucra-
tives, à l’absence de choix des prestataires par les usagers, à son
financement par des contributions obligatoires… Ils développent
ainsi des techniques qui seront appropriées par le secteur public
(analyse de la valeur, tableaux de bord, direction par objectifs,
contrôle de gestion…) et cherchent à obtenir une reconnaissance
académique spécifique, face à la réticence des spécialistes tradi-
tionnels de sciences de gestion. Leur apport théorique renfor-
cera la perception des spécificités de la gestion publique et sera
à la base du management public. La transposition des outils du
management privé se traduit parfois par des imitations serviles
(par exemple, l’analyse des coûts), mais elle s’accompagne le plus
souvent d’une adaptation aux spécificités du secteur public (par
(22) R. Laufer et A. Burlaud, Management public : gestion et légitimité, Paris, Dalloz, 1980.
62 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

exemple, le management stratégique, l’optimisation du choix


des investissements…), ou, parfois même, elle conduit à des
démarches originales (programmation budgétaire, planification
indicative, évaluation de politiques publiques). Tout en étant très
critique à l’égard des administrations (critique de la bureaucratie,
culture fermée des hauts fonctionnaires…), ce courant s’efforce
donc de justifier et de défendre les particularismes de la gestion
publique. En matière de gestion des agents publics, il fera valoir
les possibilités de gestion souple ouverte par le statut de la fonc-
tion publique et largement inexploitées pour mieux défendre le
maintien de celui-ci. Le Réseau de chercheurs en management
public (Recemap) ne sera créé qu’en 2000 et deviendra en 2010
le réseau Airmap (Association internationale de recherche en
management public).
48. Le thème de la confrontation de la gestion publique et de
la gestion privée est particulièrement développé dans les années
1980‑1990. Les auteurs défendent l’autonomie et la spécificité
de la première liée aux notions de puissance publique, de ser-
vice public et d’intérêt général et renvoyant aux finalités spéci-
fiques de l’action publique et au statut subordonné des usagers.
Répondant à des finalités distinctes dans des organisations fon-
damentalement différentes, gestion privée et gestion publique ne
peuvent se confondre (23). Mais, par-delà les oppositions, il existe
bien des points communs entre les divers modes de gestion : la
préoccupation du destinataire final de l’action, le souci d’opti-
miser les coûts, la rationalité des démarches…
49. Cependant, vers 2000, le management privé semble triom-
pher sous l’impulsion des théories néo-libérales de l’école de
Chicago (Milton Friedman). Leurs applications dans les années
1980 aux États-Unis de Ronald Reagan et dans la Grande-
Bretagne de Margaret Thatcher servent d’exemple à suivre (24).
Ce mouvement s’accompagne d’une sévère critique de l’État,
surtout celui du type centralisateur et bureaucratique, et paraît
menacer les principes du service public « à la française ». Ces poli-
tiques seront théorisées sous le terme de « New Public Management »
(NPM). Elles seront imposées dans le monde entier par le Fonds

(23) Voy. par exemple RFAP, Gestion publique, gestion privée, n° 59, juillet-septembre 1991.
(24) C. Hood, « The new public management in the 1980’s: variation on a theme », Accounting,
organization and society, vol. 20, nos 2‑3, 1995 ; Ch. Pollitt et G. Bouckaert, Public Management
Reform. A comparative Analysis-New Public Management, Governance and the Neo-Weberian State,
3e éd., Oxford, Oxford University Press, 2011.
sources et typologies des réformes 63

monétaire international et la Banque mondiale dans le cadre des


politiques d’ajustement structurel (consensus de Washington en
1989). L’OCDE et son service de la coopération technique devenu
le groupe « Public management » assureront la formation et la cir-
culation des bonnes pratiques (25). On les verra apparaître en
concurrence avec les approches juridiques et françaises dans les
colloques et publications de l’Institut international des sciences
administratives. Les exemples de la Grande-Bretagne (les « next
steps » en 1988), de la Nouvelle-Zélande et de la Suède sont lar-
gement commentés. Relayés par des politiques et des cabinets de
consultants, les nouveaux concepts s’infiltrent progressivement
au sein du discours réformiste français et de sa mise en œuvre.

TÉMOIGNAGE n° 2 : De l’autogestion au management


Au début des années 1980, l’Institut français des sciences admi-
nistratives a organisé dans les locaux du Conseil d’État une ren-
contre bilatérale avec des experts yougoslaves. Les plus anciens de
nos invités s’exprimaient en français, les plus jeunes en anglais.
Je mis du temps à comprendre que l’expression « self-management »
qu’ils employaient souvent correspondait à l’autogestion. J’ai été
surpris par l’association du mot « management », qui, à l’époque,
suscitait les réserves des juristes, à « l’autogestion », cet idéal de
démocratie qui avait été au centre de nombreux débats en France
au sein de la nouvelle gauche, par exemple à la CFDT et au PSU.
50. La nouvelle doctrine se fonde sur une conception mini-
maliste des missions de l’État, un rapprochement des acteurs
publics et privés, une distinction entre le pilotage et l’exécu-
tion, le recentrage sur le cœur de métier, de larges délégations
de responsabilité, la définition d’objectifs chiffrés, des mesures de
performances, une globalisation des crédits, une gestion indivi-
dualisée des cadres, un assouplissement des statuts, un allègement
des normes, un développement des contrôles de résultats… Elle
se traduit par une multitude d’outils nouveaux dont la définition
est codifiée et instrumentalisée de plus en plus précisément : la
direction par objectifs avec ses tableaux de bord et son « repor-
ting », les centres de responsabilité, les agences, l’externalisation,
la rémunération au mérite, les entretiens d’évaluation, le contrôle
de gestion… L’homogénéité de ce courant est aujourd’hui de plus

(25) OCDE, La gestion publique en mutation. Les réformes dans les pays de l’OCDE, 1995 ; OCDE,
Moderniser l’État, la route à suivre, 2005.
64 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

en plus contestée. Mais, au niveau des cadres de l’administration


française, la boîte à outils du NPM a bien fonctionné comme
une référence quasi exclusive dans les années 2000‑2010. On peut
même parler d’idéologie : le NPM est accepté sans nuances, ni dis-
cussion. Il envahit le discours des responsables et le contenu des
formations, l’un et l’autre inspirés par les cabinets de conseil (26).
Dans la mouvance du NPM, les managers prirent l’habitude de
justifier les réformes par des exemples étrangers. Des modes suc-
cessives imposèrent ainsi les modèles anglais, suédois, japonais,
néo-zélandais, danois… À défaut de justifications et d’adap-
tations locales, une fracture s’installe insidieusement entre les
valeurs proclamées par les organisations et l’expérience vécue
des agents.

DOCUMENT n° 2 : Un exemple de discours managérial,


François-Daniel Mingeon, directeur général de la modernisation
de l’État en 2010 (27)
« L’objectif est bien de construire un État qui réponde aux exi-
gences de la transformation : en d’autres termes, il s’agit d’adapter
ses missions aux défis du XXIe siècle, d’améliorer les services pour
les citoyens et les entreprises, de moderniser et de simplifier l’État
dans son organisation et ses processus, de valoriser le travail et le
parcours des agents, de responsabiliser par la culture du résultat,
de rétablir l’équilibre des comptes publics et de garantir le bon usage
de chaque euro public.
Plus fondamentalement, la RGPP vient donc introduire un chan-
gement de culture au sein de l’administration. D’une organisation
bureaucratique, l’administration est devenue une “organisation
apprenante” soucieuse d’améliorer les procédures et la qualité
du service rendu en passant par “la détection et la correction des
erreurs”. La RGPP est donc plus que le nom de la réforme fran-
çaise de l’État, elle est une véritable méthode de transformation, un
chemin à emprunter pour orienter les administrations publiques
vers la performance ».
(Sur la RGPP, voy. not. nos 435‑439).

(26) F. Dreyfus, « La nouvelle gestion publique, nouvel instrument du clientélisme ? », Mélanges


Dupuis, Paris, LGDJ, 1997.
(27) F.-D. Mingeon, « La Méthode RGPP : placer le changement au cœur de l’administration »,
RFAP, n° 136, 2010.
sources et typologies des réformes 65

§ 2. La critique et la postérité du New Public Management


51. Les juristes ont assisté aux inéluctables progrès de l’idéo-
logie managériale. Ils ont vu rapidement que de nombreux pays,
pourtant traditionnellement proches de la France, tels que la
Hongrie ou la Yougoslavie, se tournaient de plus en plus vers les
techniques de management de type anglo-saxon pour moderniser
leur administration. Mais ils ont été longs à croire au succès de
la nouvelle approche. Pour eux, si on pouvait admettre sur un
plan théorique que la gestion de l’entreprise pouvait apporter
quelques instruments utiles dans des domaines particuliers, les
finalités spécifiques du secteur public le protégeaient totalement
de la contagion managériale. Au surplus, ce qui était apparu
comme une mode à la fin des années 1970 paraissait s’essouffler
au milieu des années 1985 mais a repris une vigueur certaine
avec le NPM (28).
52. D’autres facteurs de résistance liés aux valeurs et aux
habitudes traditionnelles ont eu une influence, par exemple,
la défense des « droits acquis » par les organisations syndicales,
dont la plupart d’entre elles ont été réticentes à l’introduction du
management dans les services publics ou l’orthodoxie financière
du ministère des Finances pour qui le respect des règles formelles,
la centralisation et les cloisonnements sont un moyen de maîtriser
la dépense publique et de conserver son pouvoir. Le principe hié-
rarchique, qui protège la haute fonction publique, rassure l’enca-
drement intermédiaire et confère une irresponsabilité confortable
aux échelons de base, reste la colonne vertébrale soigneusement
protégée du système administratif. Enfin, la formation des hauts
fonctionnaires, principalement juridique, le poids de quelques
grands corps et l’absence de mobilité avec le secteur privé (le
« pantouflage », c’est-à-dire le passage des fonctionnaires dans le
secteur privé existe mais il est encore limité à quelques secteurs,
notamment les finances et la grande industrie) n’ont pas favorisé
la diffusion du message managérial.
53. Plus culturellement, Romain Laufer a donné en 1983 une
explication plausible de ces réserves : « Le management public
est toujours en porte à faux car il témoigne d’une crise de légi-
timité. Dans un contexte marqué par l’idéologie libérale, il gêne
(28) Voy. par exemple C. Wiener et M. Le Clainche, Le citoyen et son administration, Imprimerie
nationale, 2000, pp. 132‑138 ; J. Chevallier et L. Rouban (dir.), « La réforme de l’État et la nouvelle
gestion publique. Mythes et réalités, introduction », RFAP, nos 105‑106, 2003, pp. 7‑10.
66 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

précisément parce qu’il est “public” ; et dans un contexte mar-


qué par l’idéologie socialiste, il gêne parce qu’il est “manage-
ment” » (29).
54. La portée du New Public Management a été contestée. Le
« modèle » et ses traits caractéristiques ont été très souvent décrits.
Plusieurs auteurs ont établi des listes d’outils caractéristiques du
NPM que l’on retrouve exposées dans la littérature spécialisée
et qui ont été effectivement mis en œuvre dans de nombreux
pays (30) : une séparation, inspirée de la théorie de l’agence, entre
le niveau stratégique relevant du pouvoir politique et celui de la
gestion opérationnelle relevant de l’administration ; l’orienta-
tion des activités administratives et l’allocation des ressources
en fonction des produits et services à délivrer plutôt qu’en fonc-
tion de règles ou procédures ; la décentralisation et l’instauration
d’agences comme instrument de régulation ; l’abandon du statut
de fonctionnaire et de l’avancement à l’ancienneté des agents
pour une rémunération au mérite ; l’introduction des mécanismes
de marché dans l’offre de biens et services d’intérêt général ; la
logique de la transparence tant sur la qualité que sur les coûts
des prestations ; la recherche de la performance et l’efficience
dans l’emploi des fonds publics ; la participation des usagers à
la définition et l’évaluation des prestations publiques.
En sens inverse, plusieurs auteurs ont montré qu’il n’existe
pas un seul modèle de NPM mais que celui-ci s’est adapté à
des cultures diverses (31) ; on a même évoqué un « puzzle doc-
trinal » (32) ; d’autres ont cherché à repérer différents types de
NPM (33). En dehors des pays anglo-saxons, le NPM a dû s’ac-
commoder avec les traditions nationales. En France, la résistance

(29) R. Laufer, « Méthodes et techniques de décision et de gestion », RFAP, n° 26, 1983.


(30) A. Chemla-Lafay, M.-Th. Deleplace, C. Fargeot-Boll et A. Heurtaux, « 30 ans de
réformes de la gestion publique, Synthèses et bilan », GFP, nos 8-9, 2010, p. 583 ; Y. Chappoz et
P.-C. Pupion, « Le new public management », Gestion & management public, n° 2012/2.
(31) Voy. par exemple E. Ferlie, L. Ashburner, L. Fitsgerald et A. Pettigrew, The new
public Management in action, Oxford University Press, 1996 ; J.-M. Eymeri-Douzans, « Logiques de
la réforme administrative en Europe : une nouvelle gestion publique “pour toutes saisons” ou des
acclimatations nationales ? », GFP, n° 7, 2011, p. 459 ; G. Bouckaert, « La réforme de la gestion
publique change-t-elle les systèmes administratifs ? », RFAP, nos 105‑106, 2003.
(32) Ph. Bezes et Ch. Muselin, « Le new public management entre rationalisation et marchandi-
sation ? », in L. Boussaguet, S. Jacquot et P. Ravinet (dir.), Une « French touch » dans l’analyse des
politiques publiques ?, Paris, Presses de Sciences Po, 2015 ; D. Huron et J. Spindler, Management
et finances publiques, Les marqueurs du New Public Management, Paris, L’Harmattan, 2019.
(33) Voy. M. Guenoun et N. Matyjasik, En finir avec le New public Management, IGPDE, minis-
tère de l’Économie et des Finances, ministère de l’Action et des Comptes publics, 2019.
sources et typologies des réformes 67

des juristes a assuré le maintien de l’influence du système démo-


cratique, de la prégnance du droit public, de la spécificité de la
fonction publique, du respect des garanties et procédures comme
fondement de la légitimité des décisions.
55. Mais, même en France, ces traits classiques ont été rapi-
dement dominés par une vision orientée par le souci du consom-
mateur (ou du client) et la recherche de la performance et des
résultats. Et, surtout, les outils dérivés du NPM (les agences, les
tableaux de bord, les indicateurs, l’analyse des coûts, le contrôle
de gestion, la notation au mérite…) ont envahi la gestion admi-
nistrative à tous les niveaux. Plusieurs de ces outils sont deve-
nus « incontournables ». Dans le discours des managers et dans la
pratique, ils ont été survalorisés et ont pu sembler se substituer
soit à des formes de gestion plus neutres (application des normes
statutaires, exercice de droits individuels ou collectifs…), soit à
des valeurs ou des comportements auxquels les équipes de base
sont restées très attachées (conscience professionnelle, sens du
service public, solidarité au sein des collectifs de travail…).
56. Plus généralement, la doxa du New Public Management a
été peu à peu remise en cause. Si la recherche d’efficacité de la
gestion et de qualité des prestations de service a permis de renou-
veler l’approche des réformes, celles-ci ont parfois été rhétoriques
et superficielles. Ainsi la notion de « client » n’a pas prospéré en
dehors des services publics industriels et commerciaux (EDF,
France Télécom, La Poste). Cette notion est trop simpliste et trop
réductrice. Dans ses rapports avec l’administration, l’usager est
aussi administré, contribuable et citoyen. La notion de perfor-
mance est également ambigüe. Elle n’épuise pas les différentes
facettes des missions de l’administration, par exemple la qualité
du service rendu, les relations internes ou les effets induits sur les
territoires, et elle incite à se focaliser sur les aspects budgétaires
de l’action publique et sur les objectifs de réduction des coûts.
57. Les approches purement quantitatives donnent une objec-
tivité illusoire. La direction par objectifs a, dans de nombreuses
administrations, dégénéré en course aux résultats visibles et en
nouveau formalisme du tableau de bord. La « dictature » ou la
« bureaucratie » des indicateurs a justement été dénoncée (voy.
n° 313). Les partenariats publics-privés ont montré leurs limites :
s’ils ont permis de poursuivre la réalisation d’équipements, ces
financements ont été trop souvent anormalement coûteux.
68 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

L’apport des consultants qui revendent indéfiniment les mêmes


techniques (organisation et méthodes, analyse de la valeur, réin-
génierie de processus, lean management…) a été relativisé (34).
D’une manière générale, le management est tombé dans un excès
d’instrumentalisme et on a oublié de « manager par le sens » (35).
58. La méthode « top down » s’est traduite par une accumula-
tion de dispositifs de contrôle et de normalisation mal ressentis
par les échelons de base. Le contrôle de gestion et le dispositif
de maîtrise des risques, les évaluations de politiques publiques
se sont ainsi superposées aux classiques contrôles hiérarchiques
et comptables (voy. n° 319). Ces nouveaux modes de « pilotage »,
aussi pertinents soient-ils, ont été d’autant plus mal compris
qu’ils se sont accompagnés d’un excès de normalisation des pro-
cédures et des processus qui a souvent ressemblé à un retour aux
circulaires procédurales et tatillonnes d’autrefois.
59. Même si l’idée que les instruments de la gestion privée sont
transposables au management public est désormais largement
admise, le souci de préserver leurs finalités spécifiques et de les
adapter en conséquence est de plus en plus reconnu.

S ection 3. L es différentes figures de l ’ administré

60. Les différentes conceptions des réformes administratives


dépendent très étroitement de la philosophie des relations entre
l’administration et ses publics. Celle-ci n’est pas toujours expli-
citée et paraît relever de la théorie. Le caractère plus ou moins
équilibré des rapports entre l’administration et les administrés est
l’un des enjeux principaux des réformes. Celles-ci sont l’occasion
d’un débat récurrent sur les appellations des administrés. Pour
désigner ceux-ci, le terme d’usager, ayant une forte connotation
juridique mais potentiellement porteuse d’évolution, a été long-
temps dominant. Le mot « citoyen » qui a aussi une grande valeur
juridique est parfois employé. L’expression de client l’a emporté à
l’époque du NPM (§ 1) mais la diversité des aspects de la personne
de l’administré rend seule compte de la réalité (§ 2).

(34) Voy. par exemple F. Dupuy, La faillite de la pensée managériale, Lost in management ?,
Paris, Seuil, 2015.
(35) A. Bartoli et S. Trosa (coord.), Les paradoxes du management par le sens, Rennes, Presses
de l’EHESP, 2016.
sources et typologies des réformes 69

§ 1. De l’usager au client

a) Le public, l’administré, l’usager

61. Le terme le plus banal est celui de public avec un double


sens : celui, courant, de groupe d’individus (le public d’un spec-
tacle) et celui de « contraire de privé » ou « relevant du droit
public » (en ce sens les sciences politiques et la sociologie opposent
la gestion publique à la gestion privée). L’expression de « rela-
tions de l’administration avec le public » est assez neutre. On la
retrouve dans l’appellation de la nouvelle direction générale des
relations avec le public (DGRP) créée en 1977 (voy. n° 183) et
de l’Association pour l’amélioration des relations avec le public
(ARAP), très active à la même époque. Elle peut être raffinée en
évoquant « les » publics, le pluriel désignant plusieurs catégories
de population (les urbains, les ruraux, les vieux, les jeunes…),
toujours en laissant entendre une certaine passivité des per-
sonnes désignées. On la retrouvera cependant en 2015 dans le
titre du « code des relations entre le public et l’administration »
(voy. n° 138). Le terme d’« administré » est très lié à l’approche
juridique et fait clairement penser à un rapport de subordina-
tion. En revanche, le terme « usager », qui a une signification juri-
dique plus limitée (la qualification d’usagers du service public
commande certaines règles de compétence et de fonds du droit
administratif), semble moins normatif et être l’expression de
rapports moins inégalitaires (36). Comme l’écrit, en 1988, Paul
Ripoche, délégué auprès du médiateur et président de l’Associa-
tion pour les relations entre l’administration et le public (ARAP),
les usagers ont changé : « Le poids de la bureaucratie, son coût
en démarches et en argent sont de plus en plus mal acceptés par
un administré qui estime le payer deux fois, en temps perdu et
en impôt. L’usager des services publics n’est plus ce qu’il était.
Il n’accepte plus que les contraintes qu’il estime justifiées » (37).
En 1983, un rapport du député Michel Sapin sur la place et le
rôle des usagers dans les services publics (38) joue un rôle dans
cette sensibilisation nouvelle en suggérant notamment de recon-
naître un droit des usagers similaire au droit des consommateurs
et de créer des instances de dialogue entre l’administration et les

(36) G. Jeannot, Les usagers des services publics, Paris, PUF, 1998.
(37) P. Ripoche, « La maladministation aujourd’hui », RFAP, n° 45, janvier-mars 1998, p. 10.
(38) M. Sapin, Rapport sur la place et le rôle des usagers dans les services publics, 1983.
70 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

usagers aux niveaux national et local. Incontestablement, l’idée


que la relation entre l’administration et les usagers ne peut se
résumer à un rapport de droit inégalitaire progresse. Elles ne
peuvent pas être exactement les mêmes selon les types de ser-
vices : régaliens (par exemple, les « usagers » de la police peuvent
être soit les personnes protégées, soit les délinquants), de ser-
vice public (par exemple, les usagers des services culturels ou
de l’éducation), soit de prestations (par exemple, les usagers des
transports en commun ou des hôpitaux). Chacun de ces services,
à des degrés différents, a cependant intérêt à mieux prendre en
compte les attentes des usagers.

b) Le contribuable

62. Le sujet est encore plus sensible en matière fiscale. Le


contribuable est, dans la théorie juridique, assimilé à un « assu-
jetti », soumis à des obligations impératives compensées par
quelques droits rigoureusement encadrés, par exemple le droit
au recours. Ainsi, en 1997, Pierre Beltrame, en avant-propos des
actes d’un colloque sur « administration de l’impôt et communi-
cation », rappelle la doctrine classique : « Les contribuables ne
sont ni les usagers d’un prétendu service public de l’impôt, ni
les clients d’une entreprise de recouvrement. L’acte d’imposition
est seulement la manifestation, patente et pécuniaire, de la force
générale et impersonnelle de la loi » (39).
63. La référence à la « contribution » est cependant plus posi-
tive que celle d’imposition. En outre, l’administration traite de
plus en plus souvent le contribuable en « usager » avec certains
égards : informations et renseignements, concertation… Les
travaux de la Commission Aicardi (voy. n° 390) et les actions
conduites par la direction des relations avec le public (voy.
n° 183) développent cette nouvelle orientation.
En effet, indépendamment de ces débats théoriques, les pra-
ticiens prennent conscience qu’il est possible et souhaitable de
mieux traiter les publics. Par ailleurs, le contribuable est aussi
un citoyen.

(39) P. Beltrame et C. Muselin, « Les enjeux de la communication interne dans les adminis-
trations financières », RFFP, n° 57, 1997, p. 13.
sources et typologies des réformes 71

c) Le citoyen

64. Le dépassement du thème de la relation avec les usagers,


en l’englobant dans une perspective socio-politique plus large,
sera tenté dans les années 1980 avec l’apparition des notions de
citoyenneté administrative (ou « nouvelle citoyenneté »), voire
de démocratie administrative. L’idée d’une participation des
citoyens aux décisions administratives n’est pas nouvelle : on la
retrouve dans les commissions d’indemnisation en matière d’ex-
propriation ou dans les commissions départementales des impôts
directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, dans les conseils d’ad-
ministration des entreprises publiques et dans les organismes
de gestion de la sécurité sociale (40). Mais cette association des
citoyens à la décision concernait, le plus souvent, des représen-
tants de corps intermédiaires et intervenait dans des domaines
très limités pour des raisons de garantie des droits ou de pluralité
des financements. Cette conception de la participation s’est trans-
formée en un lointain écho des perspectives autogestionnaires de
mai 1968 (41).
65. La notion d’usager, qui avait pu apparaître jusqu’alors
comme un progrès pour l’amélioration des relations entre l’ad-
ministration et ses publics, paraît désormais démodée, neutre
et passive. Le gouvernement d’après 1981 met en avant la
« nouvelle citoyenneté » et n’hésite pas à parler de « citoyenneté
administrative ». Ainsi, le colloque organisé par l’IFSA en 1983
« Administration et société, vers une autre administration ? »
a accordé une large place aux thèmes de la « démocratisation
de l’administration », de « la participation des usagers » et de la
« nouvelle citoyenneté » (42).
66. Le terme de citoyen est sympathique mais juridiquement
inexact : la qualité de citoyen peut n’être d’aucune utilité dans
les rapports avec l’administration qui s’adresse d’abord à des
« hommes situés » (43) : contribuables, allocataires, élèves… Par
ailleurs, d’assez nombreux administrés n’ont pas la qualité de
citoyen au sens constitutionnel (les mineurs, les étrangers…). Une

(40) A. Le Pors, La citoyenneté, Paris, PUF, 1999.


(41) C. Wiener, « Service public ou autogestion : d’un mythe à l’autre ? », Mélanges R-E Charlier,
Emile Paul, 1981, p. 330.
(42) Institut français des sciences administratives, Administration et société, vers une autre admi-
nistration ?, colloque des 27‑28 janvier 1983, RFAP, n° 26, 1983.
(43) G. Burdeau, La démocratie, Paris, Le Seuil, 1966.
72 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

telle notion est donc loin de faire l’unanimité chez les juristes qui
ajoutent deux arguments classiques : d’une part, les intéressés
ne souhaitent aucunement participer à la gestion des services
publics ou à l’élection de leurs agents, d’autre part, le caractère
démocratique de l’administration doit être assuré par la soumis-
sion à un pouvoir politique démocratiquement désigné et non par
l’intervention directe de l’administré dans son fonctionnement.
67. La notion de citoyenneté a cependant été soutenue par
des grands publicistes (Jean Rivero, Guy Braibant (44)). Elle a
eu son heure de gloire au début des années 1980 et elle est pério-
diquement réactualisée, par exemple dans le titre de la loi du
12 avril 2000 sur « les relations des citoyens avec les adminis-
trations » (45) et sous la forme de l’idée d’une « coproduction »
des services publics entre la puissance publique et les citoyens
eux-mêmes (46). Ainsi, les politiques vont promouvoir une admi-
nistration plus proche des usagers, attentive à leurs besoins,
adaptable aux lieux et aux circonstances. L’articulation de cette
relation plus directe entre l’administration et les citoyens avec les
processus démocratiques selon lesquels l’administration répond
de son action d’abord devant des instances politiques et juridic-
tionnelles, qui elles-mêmes procèdent des citoyens, reste difficile
(voy. nos 207‑219). Il peut y avoir des conflits de légitimité entre
des représentants désignés par l’élection et d’autres recrutés de
manière plus informelle avec l’appui d’associations.
En finances publiques, l’articulation entre le contribuable et le
citoyen est plus simple, au moins en théorie : le citoyen consent à
l’impôt par l’intermédiaire de ses représentants ; le contribuable
paie le montant d’impôt qui lui est assigné individuellement. En
pratique, il peut y avoir des conflits ou des confusions : préfé-
rences individuelles ou catégorielles pour l’allègement des impôts
pouvant aller jusqu’à la révolte fiscale ; demande de participa-
tion plus directe à la détermination de l’usage des impôts (par
exemple, budgets participatifs ; voy. n° 206) (47).

(44) J. Rivero, in Administration : droits et attentes des citoyens, IFSA, La Documentation fran-
çaise, 1998 ; G. Braibant, préface dans Le citoyen et son administration, Imprimerie nationale, 2000.
(45) Loi n° 2000‑321 du 12 avril 2000 sur l’amélioration des relations des citoyens avec les
administrations.
(46) J. Godbout, « Les ambigüités de la notion de co-production », in Droit des usagers et co-
production, Actes du colloque À quoi servent les usagers ?, Plan urbain, RATP, ministère de l’Équi-
pement, 1991.
(47) J.-C. Martinez, Le statut du contribuable, Paris, LGDJ, 1980 ; E. De Crouy-Chanel,
Le contribuable-citoyen, histoire d’une représentation fiscale (1750‑1999), Thèse Paris 1, 1999 ;
sources et typologies des réformes 73

d) Le client

68. Après la vogue du citoyen, vient celle du client portée par


la recherche de transposition des outils de l’entreprise à la ges-
tion de l’administration. D’abord accompagnée de précautions,
écrite entre guillemets et contestée par les juristes, cette appel-
lation est de plus en plus utilisée pour exprimer une orientation
fondamentale du management public : la préoccupation de la
satisfaction du destinataire du service. Cette orientation conduit
à rééquilibrer les relations entre l’administration et les usagers et
à engager des améliorations très concrètes qui profitent à la fois
aux « clients », aux fonctionnaires et aux organisations publiques.
Comme le client, l’usager de services publics a droit à des égards,
à un accueil digne et à des prestations de qualité.

§ 2. Les facettes multiples de l’administré

69. Bien entendu, cette logique a des limites que même ses
promoteurs reconnaissent. Dans le cadre des administrations
régaliennes, l’administré est dans une situation subordonnée où
il dispose de plus de devoirs que de droits. La notion d’usager
présente l’avantage d’être plus neutre mais elle dissimule par-
fois un manque de conceptualisation ou de courage pour appeler
« administré » celui à qui on doit rappeler ses devoirs et « client »
celui qui est en droit d’exiger la qualité de la prestation. En outre,
si le service public est au service des usagers, le bon exercice de sa
mission dépasse la réussite de la relation directe et concerne aussi
le citoyen, qu’il soit contribuable ou bénéficiaire de la solidarité
nationale. Il appartient aux pouvoirs publics d’arbitrer entre
différentes catégories d’usagers et de hiérarchiser les attentes.
L’usager des services publics, même qualifié de client, a rarement
un choix très ouvert de services et, en général, ne paie pas la
prestation à un prix calculé en fonction du service consommé. En
outre, plusieurs raisons s’opposent à l’assimilation des administrés

N. Delalande et A. Spire, Histoire sociale de l’impôt, Paris, La Découverte, 2010 ; N. Delalande,


Les batailles de l’impôt. Consentement et résistances, de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, 2011 ;
M. Bouvier, « Comment replacer le citoyen dans la gouvernance des finances publiques ? », in
A. Baudu, X. Cabannes et M. Le Clainche, Le renouveau des finances publiques nationales, RFAP,
n° 182, 2022 ; G. Orsoni, « Citoyenneté et finances publiques : regards comparés », in A. Baudu,
X. Cabannes et M. Le Clainche, Le renouveau des finances publiques nationales, RFAP, n° 182,
2022 ; C. Husson-Rochcongar, in La légitimité en finances publiques, Paris, Mare & Martin, 2022,
Introduction à la 2e partie, pp. 236 et s.
74 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

à des consommateurs passifs. En tant que contribuables, ils


se considèrent plus ou moins « propriétaires » du service qu’ils
financent par leurs impôts. Ils sont aussi plus ou moins acteurs
et coproducteurs du service, en participant de plus en plus à son
exécution (par exemple en contribuant la sécurité aux abords des
écoles, en s’adaptant à la chirurgie ambulatoire, en relevant eux-
mêmes leurs compteurs d’électricité ou d’eau) (48). Ils ne retirent
pas que des bénéfices de l’usage du service mais aussi parfois des
désutilités (c’est le cas de toutes les personnes cibles des services
répressifs) ; les intérêts des diverses catégories d’usagers sont sou-
vent contradictoires (le coupable et la victime sont « usagers » des
services de police et de justice). Enfin, il reste une frange d’exclus
du service public qui n’en sont donc pas consommateurs alors
qu’ils devraient l’être : la part de bénéficiaires potentiels des aides
sociales qui ne font pas valoir leurs droits est estimée à 30 %. La
complexité de la relation aux services publics ne se réduit donc
pas à la simple relation partenaire-client.
70. En fait, les différentes qualités des administrés ne s’ex-
cluent pas mais se superposent et interfèrent entre elles. Chaque
personne est, tout à tour, citoyen, usager ou client selon qu’on
la situe par rapport à l’organisation, aux règles ou aux services
rendus. Chaque personne peut être successivement « administré »
soumis aux règles d’urbanisme, « usager » du service des Postes,
« citoyen » qui paie l’impôt et vote aux élections.
71. Pour le « français lambda » (49), l’administration idéale est
celle qui le traitera à la fois en citoyen avec confiance et respect ;
en usager en rendant un service conforme aux normes juridiques,
égalitaire et impartial ; en client : avec des prestations de qua-
lité, adaptées, rapides et efficaces. La presse et le gouvernement
publient régulièrement des sondages d’opinion sur les attentes
des citoyens à l’égard des services publics (voy. nos 190, 198).
Il en ressort un attachement certain au service public, un taux
de satisfaction élevé, une forte attente de simplification et de
personnalisation. L’usager souhaite aussi être considéré en tant
que contribuable par une administration qui ne coûte pas trop

(48) André Demichel avait critiqué en 1980 l’avènement du « self-service public ». Aujourd’hui,
la notion de « co-production » est employée dans un sens plus positif (voy. n° 67).
(49) A. Gherards, Le rapport Lambda, enquête d’une simple citoyenne sur l’administration de
son pays, Paris, Seuil, 1987.
sources et typologies des réformes 75

cher à la collectivité (50). Un sondage publié chaque année par


l’Institut Paul Delouvrier interroge les Français (échantillon de
2.500 personnes interrogées par internet) sur leur préférence entre
une amélioration des services publics quitte à payer plus d’impôts
et une réduction des impôts avec pour contrepartie une réduction
des prestations des services publics. La préférence pour les ser-
vices publics s’était effondrée vers 2012 (31 %), puis avait atteint
un maximum en 2019 (53 %), et est revenue à 49 % en 2021 alors
que la préférence pour les réductions d’impôt atteint presque le
même niveau (46 %). Par ailleurs, ce sondage montre la bonne
image des services publics (73 % de satisfaction moyenne).

DOCUMENT n° 3 : Les services publics vus par les Français et


les usagers
Baromètre de l’Institut Paul Delouvrier, 22e éd., janvier 2022

L’arbitrage impôts/prestations : Les Français toujours partagés

Enquête réalisée par Kantar Public par internet entre le 8 et le 22 novembre 2021
à partir d’un échantillon représentatif de 2.500 personnes.

(50) A. Spire, Résistances à l’impôt, attachement à l’État, enquête sur les contribuables français,
Paris, Seuil, 2018.
76 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Pour en savoir plus

Ouvrages

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Chapitre 2.
LES ACTEURS ET LE PILOTAGE DES RÉFORMES

72. Même si la conception, les politiques et les instruments


des réformes entre 1972 et 2022 ont été variables et divers, le
pilotage des réformes fait l’objet d’une convergence d’acteurs
et d’un progrès continu. De nombreux acteurs du monde poli-
tique et administratif apportent une contribution importante à
la conception et à la mise en œuvre des réformes administratives
et financières. L’administration, considérée comme un acteur col-
lectif, joue évidemment un très grand rôle mais il convient de le
préciser en prenant en considération les différentes catégories
d’intervenants, par exemple, les différents ministères ou les hauts
fonctionnaires. D’autre part, d’autres influences, institutionnelles
(par exemple les politiques, les syndicats) ou plus discrètes (par
exemple les consultants, les groupes de pression) s’exercent (sec-
tion 1). L’ensemble des contributions des différents acteurs sont
articulées dans le cadre d’un pilotage des réformes administra-
tives. Celui-ci suppose une direction et une organisation qui s’est
peu à peu formalisée. Elle est devenue de plus en plus efficace et
rationnelle (section 2).

Section 1. L’administration et la réforme administrative

73. La réforme administrative est préparée et mise en œuvre


par l’administration. Celle-ci est souvent présentée de manière
assez neutre par rapport aux clivages politiques. Cependant, les
acteurs politiques sont les décideurs en dernier ressort (§ 1). Les
fonctionnaires ont le plus souvent une attitude favorable aux
réformes mais n’en ont pas l’exclusivité (§ 2).
84 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

§ 1. Réforme administrative et politique


74. Le sujet de la réforme de l’administration est éminem-
ment politique. Les rapports entre l’administration et ses usa-
gers découlent d’une certaine conception du rôle de l’État dans
la société. Les thèmes de réforme administrative sont inscrits
dans les programmes des partis et font l’objet de déclarations des
ministres et des parlementaires. Même si un tel sujet est le plus
souvent accessoire dans les débats pré-électoraux, il arrive qu’en
certaines périodes, l’accent soit mis dessus, soit par les gouver-
nants, soit par l’opposition, soit par l’opinion. On a fréquemment
observé que les hommes politiques s’intéressent assez peu au
fonctionnement concret de l’administration mais qu’en période
préélectorale ou de difficultés sociales (par exemple après mai
1968 ou après les Gilets jaunes en 2019), ils renforcent leur dis-
cours sur la réforme administrative pour montrer combien ils se
préoccupent de la « vie quotidienne des Français ».
75. Il est cependant parfois utile de distinguer la sphère pro-
prement politique du domaine de l’administration. En théorie, la
première concerne les rapports de pouvoir et les grandes options
du gouvernement du pays ; elle a pour acteurs les partis et les
professionnels de la politique ; elle est régie par le droit consti-
tutionnel. L’administration se situe à un niveau différent : elle
est chargée de l’exécution des politiques publiques ; elle est mise
en œuvre par des fonctionnaires réputés neutres ; elle relève du
droit administratif.
76. Il est vrai que les clivages politiques autour de la réforme
de l’administration sont moins marqués qu’ils ne l’ont été et sub-
sistent plus au niveau du langage et des débats théoriques que
dans la pratique. En effet, au cours des dernières décennies, l’ac-
cent a été mis sur les outils de la gestion publique plus que sur la
philosophie de l’action administrative ; d’autre part, l’opposition
entre les « libéraux » et les « étatistes » s’est atténuée, notamment
du fait que ces derniers se sont en partie convertis aux impératifs
de la bonne gestion du secteur public en raison des règles euro-
péennes et de la contrainte budgétaire. Ainsi les thèmes de l’amé-
lioration des relations avec les usagers, de la responsabilisation
des manageurs ou de la gestion performante sont assez largement
communs aux partis de gouvernement, de droite et de gauche. Sur
certains points néanmoins, des inflexions apparaissent selon les
orientations de la majorité et du Gouvernement. La gauche défend
les acteurs et le pilotage des réformes 85

les fonctionnaires même quand elle critique l’administration ; la


droite met volontiers l’accent sur les freins opposés au dynamisme
des entrepreneurs… En matière fiscale, la gauche préfère allé-
ger la charge des ménages modestes et taxer « les riches » et les
entreprises (dont les taux d’imposition ont cependant été modérés
par tous les gouvernements) ; ses impôts préférés pèsent sur le
capital et les revenus et sont progressifs. Au contraire, la droite
met l’accent sur l’autonomie des individus et la compétitivité des
entreprises et marque une prédilection pour la TVA et les impôts
proportionnels (sans négliger les allègements pour les revenus
modestes) (1). Souvent, la différence se situe plus au niveau de la
justification des politiques que des mesures elles-mêmes : les droits
des usagers répondent pour les uns à la nécessité de combattre
la bureaucratie et pour les autres à la promotion des droits des
citoyens ; la performance est recherchée par les uns par une réduc-
tion du périmètre des interventions publiques et par une transpo-
sition du management des entreprises, alors que, pour les autres,
des outils similaires seront mis au service de l’efficacité sociale
du service public dans le cadre d’un management innovant… La
décentralisation a été portée au crédit de la gauche, puis freinée
par la droite et enfin encouragée par celle-ci. Cependant, au cours
des cinquante dernières années, la gauche a promu « la nouvelle
citoyenneté » pendant que la droite se référait plutôt à l’approche
« client ». Celle-ci a promu la démarche des cercles de qualité et
la révision générale des politiques publiques (RGPP), politiques
qui n’ont été qu’infléchies par les gouvernements ultérieurs. Les
clivages gauche-droite dans le domaine des réformes administra-
tives et financières doivent donc être relativisés.
77. L’absence de mémoire caractérise les modes successives en
matière de réforme administrative, à de rares exceptions près.
Ainsi, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en
2001 ne s’est guère référée à la rationalisation des choix budgé-
taires (RCB) avec laquelle elle a cependant beaucoup de points
communs. Font exception les débuts de la réforme de l’État en
1995. La circulaire Juppé fait expressément référence à la circu-
laire Rocard de 1989 et les travaux du Commissariat à la réforme
de l’État commencent par une revue des rapports accumulés en
ce domaine.

(1) M. Le Clainche, « Le débat sur les ressources publiques pendant la campagne pour les élec-
tions présidentielles du printemps 2012 », RFAP, n° 144, 2012.
86 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

78. La chronologie fait ressortir le fait que les réformes admi-


nistratives sont une politique publique à éclipses, mais cependant
récurrente. En 1969, le premier membre du gouvernement de
la période étudiée chargé des réformes administratives apparaît
sous l’appellation de secrétaire d’État chargé de « l’écoute des
Français » auquel succède rapidement un ministre chargé expli-
citement des réformes administratives. De 1970 à 2022, le sujet
a été porté presque constamment par un membre du gouverne-
ment, parfois par le Premier ministre lui-même (Raymond Barre
de 1978 à 1981). Sous des appellations diverses, un ministre ou
un secrétaire d’État ont été presque constamment dédiés à cette
mission, ils ont été en général rattachés au Premier ministre. La
fonction a été parfois autonome mais, plus souvent associée à
un domaine voisin, en premier lieu la fonction publique, et plus
exceptionnellement à d’autres politiques publiques telles que la
décentralisation entre 1995 et 2000 et entre 2012 et 2014. Une
période originale est celle où la fonction publique et les réformes
administratives ont été rattachées au ministre chargé du budget
de 2005 à 2012. Cette configuration est reproduite en 2017 dans
le gouvernement d’Édouard Philippe au profit du ministre de
l’Action et des Comptes publics qui regroupe, comme du temps
de Nicolas Sarkozy, les finances publiques, la fonction publique et
la modernisation de l’action publique. Ces rattachements minis-
tériels ne sont pas neutres : l’autonomie ou le rattachement au
Premier ministre est le signe de la priorité accordée au sujet ; la
proximité de la fonction publique indique que le gouvernement
entend se ménager la bienveillance du corps social de la fonction
publique et de ses syndicats ; la proximité des finances montre
que les aspects budgétaires sont pris en considération de préfé-
rence à d’autres objectifs (2).

§ 2. Les fonctionnaires et les autres acteurs


79. Pendant longtemps, l’idéal des responsables administra-
tifs était de laisser le service dont ils avaient la charge dans le
même état que celui où ils l’avaient trouvé, éventuellement avec
un champ de compétences, un budget et des effectifs augmen-
tés. Pourtant, les cadres de l’administration sont devenus, au
moins verbalement, hostiles à la bureaucratie et à la routine et

(2) Voy. les concurrence entre ministères (Intérieur, Finances, ministères techniques) exposées
par Bezes Philippe, Réinventer l’État, 2009.
les acteurs et le pilotage des réformes 87

les réformes leur procurent des occasions intéressantes de faire


valoir leurs capacités. Ils ont été tout au long de la période un
relais efficace des réformes.
80. La conception juridique des réformes administratives est
bien acceptée dans l’administration. La culture dominante des
fonctionnaires, transmise par les concours et les écoles, est une
culture juridique, imprégnée des principes du service public. La
conception juridique de l’administration et de sa réforme va se
traduire, chez les responsables administratifs, par une volonté
d’ouverture et de transparence réalisée par la voie juridique
qu’elle soit législative, réglementaire ou jurisprudentielle.
81. Les positions-clés occupées par des membres du Conseil
d’État contribuent à la diffusion des idées nouvelles. Le
Secrétariat général du Gouvernement est – et restera – l’âme de
ce type de réformes. Un réseau de correspondants motivés dans
les ministères et les services publics commence à se constituer.
Une « école française des sciences administratives » émerge. Son
ambition est claire : elle veut dépasser le modèle d’administra-
tion bureaucratique sans pour autant saper les fondements de
la spécificité des services publics comme le feront plus tard les
néo-libéraux.
82. Les hauts fonctionnaires paraissent particulièrement
séduits par les démarches juridiques et sociologiques de change-
ment même si les principaux initiateurs tels que Michel Crozier
estiment qu’ils ont été mal lus et peu compris (3). Ils y voient
une façon de rompre avec la bureaucratie, le centralisme et les
diverses tutelles. Ils sont prêts à assumer des responsabilités nou-
velles et à conquérir ainsi une nouvelle légitimité. Ces fonction-
naires « modernistes » se regroupent dans diverses associations
telles que l’Institut technique d’administration publique (ITAP)
ou l’Association pour l’amélioration des rapports entre l’adminis-
tration et le public (ARAP) qui organisent de nombreux groupes
de travail et colloques. Une floraison d’ouvrages sur l’adminis-
tration apparaît : Michel Massenet : La nouvelle gestion publique
(1975) (4), Alain Peyreffitte : Le mal français (1976) (5), Philippe

(3) M. Crozier, La crise de l’intelligence, Essai sur l’impuissance des élites à se réformer, Paris,
Interéditions, 1995.
(4) M. Massenet, La nouvelle gestion publique. Pour un État sans bureaucratie, Paris, Éd. Hommes
et techniques, 1975.
(5) A. Peyrefitte, Le mal français, Paris, Plon, 1976.
88 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Galy : Gérer l’État. Corriger la déviation bureaucratique (1977) (6),


suivis dans les années 1990 par Jean-Louis Deligny, Philippe
Delmas, Pierre Milloz et, plus tard encore, par le livre collectif
Notre État dirigé par Roger Fauroux, inspecteur des finances,
ancien président de Saint-Gobain, ancien directeur de l’ÉNA
et Bernard Spitz, maître des requêtes au Conseil d’État, ancien
conseiller de Michel Rocard à Matignon (7). Leur point commun
est une vive critique de « l’administration bureaucratique », des
diagnostics approfondis et une relative faiblesse des propositions.
En outre, des divergences importantes apparaissent : la critique
va parfois jusqu’à une assez forte remise en cause du rôle de
l’État qui n’est pas partagée par tous. Bien que la plupart des
ouvrages se rattachent au courant néo-libéral, les remèdes aux
lourdeurs bureaucratiques sont recherchés dans deux directions
opposées : pour certains, l’imitation de la gestion des entreprises
ou, pour d’autres, la recherche d’une gestion publique spécifique
aux services publics.

DOCUMENT n° 4 : La crise de « notre État » vue par Roger Fauroux


« Il faut expliquer pourquoi la fonction publique, dotée d’équipes
aussi méritantes, reste un tel bloc d’improductivité. Visiblement,
ce n’est pas une affaire de personnes mais d’organisation. Celle-ci
n’a intégré aucune des conquêtes modernes, la déconcentration des
responsables, le fonctionnement en réseaux, la transparence, l’ému-
lation interne, la primauté donnée à l’innovation, la rapidité de
la transmission des informations, la curiosité vis-à-vis de l’exté-
rieur. Notre machine bureaucratique est tout le contraire de cela,
elle est restée taylorienne, opaque, hiérarchique, aveugle, vis-à-vis
de l’extérieur, elle produit des règlements comme les usines Ford
fabriquaient des automobiles il y a un siècle, avec le même conten-
tement de soi et le même sentiment d’invulnérabilité » (Notre État,
Le livre-vérité de la fonction publique, p. 21).
83. De grands rapports, auxquels les hauts fonctionnaires
contribuent largement, vont banaliser les thèmes de réforme :
rapport de la Commission Efficacité de l’État du Xe plan prési-
dée par François de Closets en 1989, rapport sur l’État stratège
de la Commission du XIe plan présidée par Christian Blanc en

(6) Ph. Galy, Gérer l’État. Corriger la déviation bureaucratique, Paris, Berger-Levrault, 1977.
(7) R. Fauroux et B. Spitz (dir.), Notre État, Le livre-vérité de la fonction publique, Paris, Robert
Laffont, 2000.
les acteurs et le pilotage des réformes 89

1993, rapport Picq en 1994. Ils ont en commun une critique assez
sévère de l’administration (rigide, paperassière, routinière…) et
des hauts fonctionnaires (loin des réalités, fonctionnant en réseau
d’affinités, socialement homogènes), la promotion de certains
outils du management, corrigée par une défense de certaines
spécificités du service public. Ils se proposent de moderniser le
modèle français pour mieux le préserver dans un climat de mon-
dialisation et de concurrence.

TÉMOIGNAGE n° 3 : La commission Efficacité de l’État du Xe plan


En 1989, pour la première fois, une Commission du plan a
été exclusivement consacrée à la modernisation de l’État, oppor-
tunité de faire un point d’ensemble, d’organiser une concertation
approfondie, notamment avec les syndicats et de publier un rap-
port. Le secrétaire d’État chargé du plan a désigné pour la pré-
sider François de Closets, journaliste connu pour ses livres sur
les dépenses publiques et animateur d’émissions à la radio et à
la télévision. J’ai été désigné comme membre de la Commission
en qualité de délégué du Médiateur et d’animateur de l’Associa-
tion pour l’amélioration des rapports entre l’administration et le
public (ARAP) aux côtés de nombreuses personnalités citées par
ailleurs dans cet ouvrage (Jean-Paul Baquiast, Patrick Gibert,
Simon Nora, Patrick Viveret) et les secrétaires généraux des syn-
dicats représentatifs de la fonction publique. La commission a
entendu d’autres experts tels que Guy Braibant, Michel Crozier,
Sylvie Trosa, Serge Vallemont, Céline Wiener. La commission s’est
intéressée à de multiples de sujets : les relations avec les usagers,
la déconcentration, l’évaluation des politiques publiques, la ges-
tion de la fonction publique, la formation des hauts fonctionnaires,
les normes juridiques, les règlementations financières… Certains
échanges sont restés confidentiels, par exemple sur l’exercice du
droit de grève dans les services publics. Cinquante propositions sont
énumérées par le rapport. Pour préciser la faisabilité de 22 d’entre
elles, le Commissaire au Plan m’a demandé… un rapport (8). Pour
chaque réforme étudiée, j’ai rencontré les parties prenantes pour
préciser les positions des uns et des autres et suggérer les pistes de
progrès. Les réformes financières tendant à « passer de l’état de pro-
cédure à l’administration de responsabilité » ont été approuvés par

(8) M. Le Clainche, Rapport sur le suivi de certaines propositions de la Commission « Efficacité


de l’État » du Xe plan, Commissariat général du Plan, DGAFP, 1990.
90 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

de nombreux acteurs mais rejetés par le ministère des Finances…


douze ans avant le vote de la LOLF qui en reprenait l’esprit et
diverses préconisations.
84. Les méthodes de conduites du changement se perfec-
tionnent et, à partir de 1970, les réformes sont moins institu-
tionnelles et concernent davantage le fonctionnement concret
des services. Pour effectuer de bons diagnostics et de bons plans
d’actions, les hauts fonctionnaires prennent l’habitude de s’en-
tourer de consultants en stratégie, en communication institu-
tionnelle, en conduite du changement… Les cabinets spécialisés
vont contribuer à diffuser les outils des réformes managériales
tout en bénéficiant du large marché du secteur public. Les consul-
tants (par exemple, la Cegos d’Yves Cannac, Euréquip d’Hervé
Serieyx, Bossard consultants, IDRH…) auxquels ont succédé de
grands cabinets internationaux (Boston consulting, Mac Kinsey,
Roland Berger, Accenture…) relaient les différents préceptes de
la nouvelle gestion publique. Ils ont accompagné les pouvoirs
publics dans la conduite de nombreuses réformes, notamment
au moment de la révision générale des politiques publiques et
au début de la transformation de l’action publique. Leur inter-
vention est justifiée par une mobilisation rapide, par des com-
pétences qui sont peu développées dans la fonction publique,
par des méthodes innovantes, par une expérience capitalisée
qui permet le benchmarking, c’est-à-dire la comparaison entre
organisations et la circulation des « bonnes pratiques ». Leurs
rapports sont aussi utilisés par les responsables pour légitimer
des diagnostics et des projets de réforme. Des critiques fondées
leur ont été adressées par la Cour des comptes dans un rapport
de novembre 2014 et par une commission d’enquête du Sénat
en mars 2022 (9) : coût élevé des prestations, valeur ajoutée
parfois faible, risque de confusion entre les consultants et les
administrations, influence sur le contenu des décisions et des
politiques publiques. Ces critiques sont souvent trop générales :
le recours à des expertises externes peut être parfaitement justi-
fié ; en revanche, il faut s’assurer du respect des règles de la com-
mande publique et de la déontologie. Les rapports de la Cour et
du Sénat préconisent des garde-fous indispensables : respect des

(9) Cour des comptes, Le recours par l’État aux conseils extérieurs, 2014 ; E. Assassi, rapport au
nom de la Commission d’enquête n° 578, t. 1, 16 mars 2022 « Un phénomène tentaculaire : l’influence
croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques ».
les acteurs et le pilotage des réformes 91

règles des marchés publics, transparence, clarification des rôles,


évaluation des prestations, transferts de méthodologie, déve-
loppement des consultants internes. Une circulaire du Premier
ministre du 19 janvier 2022 a formulé des recommandations
utiles : rationalisation du recours aux consultants, diffusion des
bonnes pratiques, valorisation des compétences internes : un
document annexe au projet de loi de finances pour 2023 donne
des informations globales : en 2021, l’État a passé 4.854 com-
mandes de prestations intellectuelles pour 271 millions d’euros
dont 198 pour l’informatique. Cet effort d’encadrement et de
transparence reste insuffisant, le Parquet national financier a
ouvert des enquêtes et la Cour des comptes a critiqué le recours
aux consultants pendant la crise sanitaire pour effectuer cer-
taines tâches administratives (10).
85. D’autres acteurs interviennent et seront signalés au fil des
programmes de réformes : les ministères et, en leur sein, des ser-
vices dédiés, totalement ou partiellement, et les correspondants
des organes interministériels. Ceux-ci constitueront un réseau
de modernisateurs motivés et disponibles quels que soient les
modes : on les retrouve dans les réunions interministérielles du
renouveau du service public, des démarches qualité ou, plus tard,
de la RGPP. Des parlementaires, des associations de fonction-
naires, des cabinets de conseil, des associations de consomma-
teurs et d’usagers participeront par intermittence à la conception
et à la diffusion des réformes. Les « réservoirs d’idées » (Institut
de l’entreprise, Institut Montaigne, Terra Nova, Cercle de la
réforme de l’État…), auxquels participent souvent des hauts
fonctionnaires et des consultants, contribuent également à la
promotion des méthodes et du langage de la nouvelle gestion
publique.
86. Dans les années 1990-2000 une véritable « pensée unique »
de la gestion publique s’est ainsi constituée. Elle entraîne une
mise en veilleuse de l’essentiel des approches juridiques et socio-
logiques qui, toutefois, ne sont pas abandonnées. Cette nouvelle
doctrine apparaît « naturelle » aux cadres et sert de référence
obligée. Elle fonctionne comme une idéologie (voy. n° 57). Elle
génère un nouveau conformisme et inspire à titre principal des
politiques globales de réformes.

(10) Extraits du rapport de la Cour des comptes publiés par Le Monde du 14 décembre 2022.
92 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

87. Toutefois, l’enthousiasme n’est pas unanime. Les organi-


sations syndicales de fonctionnaires seront toujours prudentes à
l’égard de réformes qui bouleversent les conditions de travail et
accompagnent la réduction des effectifs et les économies budgé-
taires. Elles constateront que la faisabilité concrète des réformes
et l’accompagnement des salariés (par la formation, les aides à
la mobilité…) ne sont pas toujours au rendez-vous. En 1989,
puis en 1999, au ministère des Finances, les oppositions aux
réformes par des grèves massivement suivies auront un caractère
emblématique et des observateurs s’interrogeront sur le point
de savoir si Bercy est « réformable » (voy. n° 380). Un certain
renouveau de la pensée réformatrice des hauts fonctionnaires
se dessine à travers les textes du cercle de la Réforme de l’État
et d’auteurs tels que Bernard Spitz (11), Francis Massé (12) ou
Sébastien Soriano (13).

Section 2. L e pilotage des réformes

Les réformes annoncées sont diversement présentées sous forme


de programmes d’actions, disséminées ou fortement coordon-
nées (§ 1). L’animation de l’élaboration et du suivi des réformes
a été de mieux en mieux organisée (§ 2).

§ 1. Mesures diverses et programmes transversaux


88. De 1972 à 2022, les réformes administratives se sont
traduites par la mise en œuvre de mesures très diverses qui
concernent divers aspects de l’action administrative tels
que les droits des usagers, l’organisation administrative, les
méthodes d’élaboration des budgets ou l’usage des technologies
nouvelles. Ces différents outils seront étudiés analytiquement
dans la deuxième partie. Mais il conviendra de faire aussi une
étude spécifique de quelques programmes globaux ou trans-
versaux de réforme qui présentent plusieurs caractéristiques
communes : une sélection de thèmes fédérateurs, un dispositif

(11) R. Fauroux et B. Spitz (dir.), Notre État, Le livre vérité de la fonction publique, Paris,
Robert Laffont, 2000.
(12) F. Massé, Urgence et lenteur. Politiques, administration, collectivités, un nouveau contrat,
Paris, Fauves Éditions, 2020.
(13) S. Soriano, Un avenir pour le service public. Un nouvel État face à la vague écologique,
numérique, démocratique, Paris, Odile Jacob, 2020.
les acteurs et le pilotage des réformes 93

de pilotage volontariste, un engagement du pouvoir politique,


l’influence de l’idéologie managérialiste, le mélange de nou-
veaux outils de gestion avec la survivance de certains thèmes
juridiques (14).
89. À cet égard, certains promoteurs de la RCB des années
1968‑1970 font office de précurseurs. Cette réforme budgétaire a
été souvent présentée à ses débuts comme la clé de voûte d’une
réforme globale des services publics. Elle connaîtra rapidement
l’échec mais elle laissera le regret d’une occasion manquée de
réforme globale de l’administration (voy. n° 308).
90. La conception d’un programme coordonné jouant sur
plusieurs leviers, avec un pilotage unique et rendu cohérent par
un discours politique volontariste ne reviendra à l’ordre du jour
qu’en 1989 avec le « renouveau du service public » de Michel
Rocard. Il mêle des éléments classiques des réformes déjà expéri-
mentés (déconcentration, simplification…) et des éléments d’une
nouvelle gestion publique et parvient à des résultats tangibles
concentrés sur quelques outils nouveaux : les centres de responsa-
bilité, les projets de service, l’évaluation des politiques publiques
(voy. n° 319). La circulaire d’Alain Juppé de 1995 sur la réforme
de l’État et des services publics se situe dans la même perspec-
tive en y ajoutant une orientation plus néo-libérale (périmètre
de l’État…) (voy. n° 432).
91. La révision générale des politiques publiques en 2007 est
sans aucun doute la présentation la plus perfectionnée d’approche
globale de la réforme administrative. Elle se situe plus ouverte-
ment dans la ligne du New Public Management et de la réduction
du poids de l’État dans la société. Ses résultats seront très infé-
rieurs aux ambitions affichées et son héritage sera rapidement
contesté (voy. n° 435).
92. Ensuite, les programmes gouvernementaux continueront
de faire l’objet d’un discours globalisant mais il sera difficile d’en
regrouper les diverses actions dans une approche unifiée. Ces pro-
grammes composites empruntent aux différentes conceptions des
réformes, juridiques et managériales, expérimentées au cours des
années précédentes. Ils prendront le nom de « modernisation de

(14) Voy. P. Gilbert et J.-C. Thoenig, La modernisation de l’État, Paris, Classiques Garnier,
2019. En limitant leur étude critique aux programmes transversaux, les auteurs ont minimisé les
apports positifs des réformes.
94 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

l’action publique » sous le quinquennat de François Hollande


(voy. n° 425) et de « transformation de l’action publique » sous
le mandat d’Emmanuel Macron (voy. n° 455).
93. Ces différents programmes transversaux seront évoqués au
cours de l’étude analytique des chantiers de réformes lorsqu’ils
incluent des actions correspondantes (par exemple, l’évalua-
tion des politiques publiques du renouveau du service public, la
réforme de l’administration territoriale de l’État dans le cadre
de la RGPP, la déconcentration dans la MAP, le renouvellement
des démarches de simplifications dans la MAP et la TAP…). Ils
seront présentés d’une manière synthétique dans la cinquième
partie.

§ 2. L’administration de la réforme
94. Les ministres s’appuient naturellement sur divers orga-
nismes administratifs qui garantissent la technicité et une cer-
taine continuité. Au niveau du Premier ministre, le Secrétariat
général du Gouvernement, au titre de ses fonctions de coordi-
nation interministérielle, assure la permanence d’une démarche
de réforme qui est à la fois interministérielle et essentiellement
juridique. Son rôle est particulièrement net sur les questions de
simplifications et de lutte contre l’inflation normative. Mais il a
aussi joué un rôle non négligeable au début de l’informatisation
des services. L’autre service permanent, qui est d’ailleurs aussi
partiellement rattaché au Premier ministre, est la direction géné-
rale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP).
Chargée en premier lieu de la politique interministérielle de ges-
tion des fonctionnaires (concours, formation, dialogue social…),
elle s’est toujours intéressée aux réformes, notamment quand
celles-ci relevaient d’un ministre chargé également de la Fonction
publique.
95. Cependant, ces organismes ont des effectifs réduits et
ont vocation davantage à la coordination qu’à la gestion.
C’est pourquoi des organes spécialisés ont été créés au fur et à
mesure des avancées des programmes de réforme : ainsi le pre-
mier Centre interministériel de renseignements administratifs
(CIRA) a été créé en 1959 et le Centre d’enregistrement et de
révision des formulaires administratifs (CERFA) a été créé en
1966. Une administration de mission spécifiquement dédiée à
l’animation de la réforme administrative se constituera très
les acteurs et le pilotage des réformes 95

progressivement. Un comité permanent des réformes admi-


nistratives est créé en 1972 ainsi que la Mission Entreprises-
Administration, devenue en 1976 la Mission d’organisation
administrative. En 1981, est créée la mission « Réforme et
prospective administrative » (RPA) au sein de la DGAFP.
Elle lancera notamment l’opération Administration à votre
service en 1982. Au Cerfa succédera, en 1983, la Commission
de simplification des formalités des entreprises (Cosiforme)
qui perdra sa vocation spécifique « entreprise » et deviendra
en 1988 la Commission de simplification administrative (la
Cosa). De multiples autorités administratives contribuent à
la conception et à la mise en œuvre des réformes : le Médiateur
qui deviendra le Médiateur de la République, puis le Défenseur
des droits ; la Commission d’accès aux documents administra-
tifs ; la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
En 1988, dans un article sur la maladministration, j’indique
« qu’il est urgent de réformer l’administration de la réforme
administrative » (15). Il faudra attendre encore quelques années
pour voir s’organiser un pilotage central des actions de moder-
nisation de l’administration.
96. En 1989, le renouveau du service public est piloté par la
direction générale de l’administration et de la fonction publique
(DGAFP) qui s’engage dans la conception et la promotion des
réformes. Le Commissariat général à la réforme de l’État est
créé en 1995. Un centre d’impulsion et de coordination distinct
de la DGAFP est ainsi définitivement établi. Le Commissaire
nouvellement nommé, Jean-Ludovic Silicani, élabore un pro-
gramme triennal ambitieux prévoyant 29 réformes et 245
mesures.

DOCUMENT n° 5 : Décret n° 95‑1007 du 13 septembre 1995


relatif au comité interministériel pour la réforme de l’État et au
Commissariat à la réforme de l’État
Article 1 – Il est créé, pour une durée de trois ans, un comité
interministériel pour la réforme de l’État et un Commissariat à la
réforme de l’État, placé auprès du Premier ministre et dirigé par
un commissaire nommé par décret en conseil des ministres.
Le ministre chargé de la réforme de l’État dispose du commissariat.

(15) M. Le Clainche et C. Wiener, « Du fatalisme au volontarisme », RFAP, n° 45, 1988.


96 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Article 2 – Le comité interministériel pour la réforme de l’État


fixe les orientations de la politique gouvernementale tendant à :
1° Clarifier les missions de l’État et redéfinir le champ des ser-
vices publics ;
2° Prendre en compte les besoins et les attentes des usagers des ser-
vices publics, notamment par la simplification et l’allégement
des procédures ;
3° Améliorer l’efficacité des services de l’État et de ses établisse-
ments publics ;
4° Déléguer les responsabilités au sein de l’État ;
5° Moderniser la gestion publique.
Le comité interministériel arrête un plan triennal de réforme de
l’État.
Il délibère sur le schéma de réorganisation des services de l’État
prévu par la loi du 4 février 1995 susvisée, et notamment sur les
projets de réorganisation des services déconcentrés de l’État.
Il est chargé, en outre, d’animer et de coordonner les actions
des administrations en matière de systèmes d’information en s’ap-
puyant sur les schémas.
Article 5 – Le commissariat est chargé, dans le cadre des orien-
tations fixées par le comité interministériel, après consultation des
ministres concernés, de faire au ministre chargé de la réforme de
l’État toutes propositions dans les domaines définis à l’article 2.
Pour l’application de ces orientations, il coordonne la prépara-
tion des décisions du Gouvernement dans les domaines définis à
l’article 2 et veille à leur mise en œuvre.
Il anime la politique de réforme des administrations.
Pour l’accomplissement de ces missions, le commissariat mène
notamment les actions suivantes :
– il propose les conséquences à tirer de l’évolution des missions
de l’État sur l’organisation et le fonctionnement de ses services
et de ses établissements publics ;
– il anime et coordonne les travaux des organismes et services
relevant du Premier ministre ayant pour objet d’améliorer les
relations entre les services publics et leurs usagers ; il propose
les suites à tirer de leurs recommandations ;
– il propose les réformes tendant à l’amélioration des procédures
de décision publique ;
les acteurs et le pilotage des réformes 97

– il est associé, à sa demande, à la préparation des textes légis-


latifs et réglementaires ayant une incidence sur l’organisation
et le fonctionnement des services publics ;
– il veille à la prise en compte par les administrations des
conséquences des nouvelles technologies, notamment de
l’information, sur leur fonctionnement et leur organisation ;
– il fait des propositions sur les suites à tirer, en ce qui concerne
la réforme de l’État, des travaux du Conseil d’État, de la Cour
des comptes, du Médiateur de la République, du Commissariat
général du Plan, de la Délégation à l’aménagement du territoire
et à l’action régionale et des inspections générales.
Article 6 – Pour l’accomplissement de ses missions, le commis-
sariat peut solliciter le concours de la direction générale de l’ad-
ministration et de la fonction publique, de la direction générale
de l’administration du ministère de l’intérieur, du Commissariat
général du Plan, du secrétariat général du comité interministériel
pour les questions de coopération économique européenne, de la
direction générale des collectivités locales, de la Délégation à l’amé-
nagement du territoire et à l’action régionale ainsi que des services
du ministère de l’économie et des finances, de l’inspection générale
de l’administration au ministère de l’intérieur et de l’inspection
générale des affaires sociales.
Article 7 – Le commissariat est mis à la disposition du ministre
chargé de la fonction publique pour l’exercice de ses attributions.
Les autres ministres peuvent faire appel au commissariat, en tant
que de besoin.
Article 8 – Le commissariat établit un rapport annuel qui est
rendu public.
97. La direction de la réforme de l’État (DIRE) lui succédera
en 1998 puis, en 2003, trois services seront structurés (déléga-
tion à la modernisation de la gestion publique et des structures
de l’État, délégation aux usagers et aux simplifications admi-
nistratives, agence pour le développement de l’administration
électronique) (16).
98. Une rupture importante résultera du transfert de cette res-
ponsabilité au ministère des Finances, en décembre 2005, mani-
festé dans le titre du ministre « chargé du budget et de la réforme

(16) Décret n° 2003‑41 du 21 février 2003 portant création de services interministériels pour la
réforme de l’État.
98 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

de l’État » et par la création à Bercy de la direction générale de


la modernisation de l’État (DGME) qui associe les services issus
de la DIRE à la direction de la réforme budgétaire qui avait été
créée pour la mise en œuvre de la Loi organique relative aux
lois de finances (LOLF) (voy. n° 354). La DGME est la cheville
ouvrière de la RGPP de 2007 à 2012. Les grandes options de
réforme sont arrêtées par un comité interministériel réuni régu-
lièrement.

DOCUMENT n° 6 : Décret n° 2005‑1792 du 30 décembre 2005


portant création d’une direction générale de la modernisation de
l’État au ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie
Article 1 – Il est créé, au ministère de l’économie, des finances et
de l’industrie, une direction générale de la modernisation de l’État.
Article 2 – La direction générale de la modernisation de l’État a
pour mission de coordonner, d’aider et d’inciter, au niveau inter-
ministériel, les administrations en vue de moderniser les modes
de fonctionnement et de gestion de l’État pour améliorer le service
rendu aux usagers, contribuer à une utilisation plus performante
des deniers publics et mobiliser les agents publics.
Article 3 I. – La direction générale de la modernisation de l’État
coordonne les travaux d’amélioration de la qualité de l’action des
administrations au profit des usagers. À cet effet :
1° Elle promeut les actions destinées à mieux prendre en compte
les attentes des usagers, à améliorer le service rendu et à évaluer la
qualité de service ; 2° Elle coordonne les actions de simplification
du droit et d’allègement des formalités administratives ; 3° Elle est
associée aux travaux menés pour améliorer la qualité de la régle-
mentation et la clarté du langage administratif.
II. – La direction générale de la modernisation de l’État anime
les travaux de modernisation de la gestion publique.
A. – Elle assiste les ministères dans l’élaboration de leur stratégie
de modernisation. Elle en suit et en évalue la mise en œuvre. Elle
coordonne des audits de modernisation conduits dans les adminis-
trations de l’État en vue notamment de la préparation et de la mise
en œuvre des contrats pluriannuels de performance.
B. – Elle concourt à l’adaptation de l’organisation des adminis-
trations de l’État pour tenir compte de l’évolution de leurs missions
et de leurs modes de gestion.
les acteurs et le pilotage des réformes 99

C. – Avec la direction du budget, la direction générale de la comp-


tabilité publique et la direction générale de l’administration et de la
fonction publique, chacune pour ce qui la concerne :
1° Elle participe à la conception et à la promotion des nouveaux
modes de gestion de l’État et des organismes bénéficiaires d’une
subvention pour charges de service public, dans le cadre de la
mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances
du 1re août 2001 susvisée. Elle coordonne les travaux relatifs à
l’analyse du coût des actions. Elle anime les travaux relatifs
au développement du contrôle de gestion au sein de l’État et
des organismes susmentionnés et favorise l’optimisation des
fonctions de soutien des administrations ;
2° Elle anime les travaux relatifs à la refonte des processus de ges-
tion et participe à la définition des fonctionnalités interministé-
rielles qui doivent être assurées par les systèmes d’information
de l’État dans les domaines budgétaires, financiers et compta-
bles ainsi que dans le domaine des ressources humaines ;
3° Elle participe à l’élaboration et au suivi des normes de compta-
bilité publique pour l’application de l’article 136 de la loi de
finances pour 2002.
III. – La direction générale de la modernisation de l’État favorise
le développement de l’administration électronique. À cet effet :
1° Elle incite au développement de systèmes d’information et de
communication en apportant son appui aux administrations
pour l’identification des besoins, la connaissance de l’offre, la
conception des projets et l’évaluation des résultats ;
2° Elle propose les mesures tendant à la dématérialisation des
procédures administratives et à l’interopérabilité des systèmes
d’information ;
3° Elle assure la maîtrise d’ouvrage des services interministériels
opérationnels d’interconnexion et de partage des ressources.
IV. – La direction générale de la modernisation de l’État coor-
donne et anime, en liaison avec les administrations de l’État, les
actions de communication et de formation dans le domaine de la
modernisation de l’État.
Article 4 – Pour l’animation des travaux interministériels de
modernisation de l’État, la direction générale de la modernisation
de l’État s’appuie notamment sur les secrétaires généraux des minis-
tères, les directeurs chargés des affaires financières, des ressources
100 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

humaines, des affaires juridiques et des systèmes d’information, les


responsables de programme et de budgets opérationnels de programme
ainsi que sur les corps d’inspection et de contrôle des ministères.
99. Ce lourd appareil de pilotage interministériel perdurera
sous des appellations variables. Le décret du 30 octobre 2012 crée
un Secrétariat général à la modernisation de l’action publique
(SGMAP) et une direction interministérielle pour la modernisa-
tion de l’action publique (Dimap) rattachés au ministère de la
Fonction publique et de la Décentralisation. La Dimap succède à
la DGME qui était à Bercy et la regroupe avec la direction de la
modernisation des systèmes d’information et de communication
(DISIC), la mission Etalab et la mission RÉATE.

DOCUMENT n° 7 : Décret n° 2012‑1198 du 30 octobre 2012


portant création du secrétariat général pour la modernisation de
l’action publique
Article 1 – Il est créé un secrétariat général pour la modernisation
de l’action publique placé sous l’autorité du Premier ministre et
rattaché au secrétaire général du Gouvernement.
Le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique
comprend :
– la direction interministérielle pour la modernisation de l’action
publique ;
– la direction interministérielle des systèmes d’information et de
communication de l’État.
Sont directement rattachés au secrétaire général les services char-
gés de faciliter et de coordonner :
– la mise à disposition des données publiques en vue de dévelop-
per leur réutilisation ;
– les travaux relatifs au fonctionnement des services déconcentrés
de l’État.
Le secrétaire général pour la modernisation de l’action publique
est assisté d’un adjoint qui a rang de directeur.
Article 2-I. – Le secrétariat général pour la modernisation de
l’action publique coordonne, favorise et soutient, au niveau inter-
ministériel, les travaux conduits par les administrations en vue
d’évaluer et de moderniser l’action publique, afin d’améliorer le
service rendu aux citoyens et aux usagers et de contribuer à la bonne
gestion des deniers publics.
les acteurs et le pilotage des réformes 101

II. – Il veille à ce que les systèmes d’information et de commu-


nication concourent à améliorer la qualité, l’efficacité, l’efficience
et la fiabilité du service rendu et à simplifier les relations entre les
usagers et les administrations de l’État, et entre celles-ci et les autres
autorités administratives.
III. – Il coordonne l’action des services de l’État et de ses établis-
sements publics pour faciliter la réutilisation la plus large possible
de leurs informations publiques. Il administre le portail unique
interministériel destiné à rassembler et à mettre à disposition libre-
ment l’ensemble des informations publiques de l’État, de ses établis-
sements publics et, si elles le souhaitent, des collectivités territoriales
et des personnes de droit public ou de droit privé chargées d’une
mission de service public.
Il coordonne les travaux interministériels relatifs à l’amélioration
du fonctionnement des services déconcentrés de l’État.
IV. – Il veille à l’association des agents publics, des usa-
gers et des partenaires de l’administration à l’ensemble de ces
démarches.
100. Une nouvelle organisation résulte du décret du 21 sep-
tembre 2015 (17) qui regroupe les services du SGMAP en deux
directions : une direction interministérielle pour l’accompagne-
ment des transformations publiques (DITP) et une direction
interministérielle du numérique et des systèmes d’information
et de communication de l’État (DINSIC).
101. Un nouveau dispositif appelé « transformation de l’ac-
tion publique » est officialisé par deux décrets du 20 novembre
2017 qui suppriment le SGMAP et créent un comité interminis-
tériel (CITP), un délégué interministériel, une direction inter-
ministérielle de la transformation de l’action publique (DITP).
Le numérique relève plus particulièrement de la direction inter-
ministérielle du numérique et des systèmes d’information et
de communication de l’État (DINSIC) qui est rattachée au
ministre chargé du Numérique. Elle a été remplacée par la direc-
tion du numérique (Dinum) en 2021. Celle-ci est directement
placée sous l’autorité de la ministre chargée de la Fonction et
de la Transformation publique. La coordination entre les deux
directions est ainsi assurée dans l’intérêt de la réforme admi-
nistrative.

(17) Décret n° 2015‑1165 du 21 septembre 2015.


102 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

DOCUMENT n° 8 : Décret n° 2017‑1584 du 20 novembre


2017 relatif à la direction interministérielle de la transformation
publique et à la direction interministérielle du numérique et du
système d’information et de communication de l’État
Article 1 – Dans l’intitulé du décret du 21 septembre 2015 sus-
visé, les mots : « au secrétariat général pour la modernisation de
l’action publique » sont remplacés par les mots : « à la direction
interministérielle de la transformation publique et à la direction
interministérielle du numérique et du système d’information et de
communication de l’État ».
Article 2 – Les articles 1er à 3 du même décret sont remplacés
par les dispositions suivantes :
« Art. 1. – La direction interministérielle de la transformation
publique est placée sous l’autorité du ministre chargé de la réforme
de l’État. Elle est dirigée par le délégué interministériel à la trans-
formation publique ».
« Art. 2. – La direction interministérielle du numérique et du
système d’information et de communication de l’État est placée, par
délégation du Premier ministre, sous l’autorité du ministre chargé
du numérique et rattachée au secrétaire général du Gouvernement.
Le ministre chargé de la réforme de l’État en dispose ».
« Art. 3. – Le délégué interministériel à la transformation publique
fait appel aux services de la direction interministérielle du numé-
rique et du système d’information et de communication de l’État.
Il veille à la cohérence des actions engagées relatives aux systèmes
d’information et du développement du numérique avec les décisions
prises par le comité interministériel de la transformation publique.
Il dispose de l’expertise de France Stratégie ».
102. Le summum du perfectionnisme dans le pilotage des
réformes résulte de deux circulaires du Premier ministre du
3 octobre 2019 sur le suivi de la mise en œuvre des politiques
publiques et, spécialement, des projets ministériels de transfor-
mation publique et des 60 « objets de la vie quotidienne » (OVQ)
définis par le CITP du 29 octobre 2018. La circulaire n° 6117/
SG adressée aux membres du Gouvernement prescrit une réu-
nion mensuelle au niveau du ministre et une réunion toutes les
six semaines à Matignon pour chaque ministère. Une synthèse
sera régulièrement adressée au Président de la République et au
Premier ministre. Les bilans ministériels seront inscrits à l’ordre
les acteurs et le pilotage des réformes 103

du jour du Conseil des ministres en partie D. Les plans de trans-


formation ministériels feront l’objet d’un suivi trimestriel adressé
aux cabinets de l’Élysée et de Matignon. Des réunions de suivi
des chantiers prioritaires ministériels, présidées par le secrétaire
général de l’Élysée et le directeur de cabinet du Premier ministre,
seront organisées par la direction interministérielle de la trans-
formation publique deux fois par an pour chaque ministère. La
circulaire n° 6118/SG envoyée aux préfets de région leur demande
de présenter une fois par an un état de la mise en œuvre des
politiques publiques dans la région dont ils sont responsables.
Ce rapport, qui devra contenir un point sur la réorganisation
territoriale des services de l’État et sur les contrats de plan État-
régions, sera examiné en réunion interministérielle présidée par
le directeur de cabinet du Premier ministre. Les préfets de région
feront remonter une fois par semestre un bilan du déploiement
des OVQ sur leur territoire.

DOCUMENT n° 9 : Circulaire du 3 octobre 2019 relative au suivi


des priorités de l’action gouvernementale
Le Comité interministériel de transformation publique du
29 octobre 2018 a validé, pour chaque ministère, un plan de trans-
formation ministériel (PTM) qui retrace les grandes transforma-
tions de l’action publique portées par chaque ministre, ainsi que
les chantiers de réorganisation interne des administrations et des
services publics dont ils ont la responsabilité. Ces plans ont vocation
à être régulièrement mis à jour.
Au sein de ces plans ont été plus particulièrement identifiés les
« objets de la vie quotidienne » (OVQ), sur lesquels le Président de
la République s’est engagé, qui impactent directement la vie quo-
tidienne des Français et qui nécessitent un engagement politique
et opérationnel important pour que les résultats se concrétisent. Le
Président de la République a souhaité que soit renforcé le suivi de
l’exécution des réformes. Le dispositif proposé doit permettre :
• la mise en place d’un suivi rapproché des OVQ pour vérifier
la réalité du déploiement, ajuster le dispositif, faire remonter
rapidement les indicateurs d’impact ;
• le maintien d’une supervision des plans de transformation
ministériels, garantissant le bon avancement des chantiers
importants menés par les ministères ;
104 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

• la prise en compte des besoins des Français, au plus près du


terrain.
1. Suivi des objets de la vie quotidienne
Une soixantaine d’OVQ ont été identifiés, répartis entre 25 mem-
bres du Gouvernement (cf. annexe). Ces objectifs seront rendus
publics et le Gouvernement communiquera en toute transpar-
ence sur leur état d’avancement. À l’exception de certains porte-
feuilles spécifiques (armées, affaires européennes et étrangères,
porte-parolat, relations avec le Parlement), chaque membre du
Gouvernement est responsable d’au moins un OVQ.
• À chaque fois, il désigne un directeur d’administration centrale
compétent et un chef de projet. Un suivi sera mis en place
selon les modalités suivantes : une réunion mensuelle doit
se tenir autour du ministre, en présence du secrétaire géné-
ral du ministère, des directeurs d’administration centrale et
des chefs de projet concernés ; une réunion interministérielle
(RIM) sera organisée, une fois toutes les six semaines, par
ministère, à Matignon, pour rendre compte de ce suivi. Chaque
semaine, trois ministères seront convoqués pour une RIM, sur
un créneau hebdomadaire fixe. Elle associera le cabinet du
Premier ministre, le secrétariat général du Gouvernement, la
direction interministérielle de la transformation publique, le
service d’information du Gouvernement et le ministère con-
cerné ; les entretiens bilatéraux du Président de la République
ou du Premier ministre avec un ministre seront l’occasion de
points réguliers sur ce sujet ; un suivi régulier de la situation
sera transmis, sur la base des réunions interministérielles, au
Président de la République et au Premier Ministre, sous forme
d’une synthèse de l’état d’avancement des OVQ ; régulièrement,
la partie D du conseil des ministres fera le point sur les chan-
tiers d’un ministère. Un format de suivi des OVQ élaboré par
la direction interministérielle de la transformation publique
devra être utilisé par tous les ministères.
2. Suivi des plans de transformation ministériels
Chaque ministère mettra à jour ce document de suivi en amont
des RIM tenues toutes les six semaines, avec le soutien de la direc-
tion interministérielle de la transformation publique, qui appuiera
également la rédaction du « bleu » établi par le secrétariat général
du Gouvernement et validé par le cabinet du Premier ministre, et
les acteurs et le pilotage des réformes 105

consolidera le document transmis au Président de la République,


au Premier ministre, et, pour les chantiers relevant de leur respon-
sabilité, aux ministères.
Chaque trimestre, le ministère adresse un état d’avancement aux
cabinets du Président de la République et du Premier ministre de
la mise en œuvre du plan de transformation. Les RIM de suivi des
OVQ pourront, selon les besoins identifiés, intégrer un point sur
un chantier d’un plan de transformation ministériel qui pourrait
justifier une alerte, à la demande du ministère ou d’un chef de pôle
du cabinet du Premier ministre.
3. Suivi des politiques publiques en région
Vous trouverez ci-joint une circulaire que j’adresse parallèlement
aux préfets de région.
4. Suivi transversal par le secrétaire général de la Présidence de
la République et le directeur de cabinet du Premier ministre.
Le secrétaire général de la Présidence de la République et le direc-
teur de cabinet du Premier ministre animent deux réunions par
mois de suivi des chantiers prioritaires ministériels (soit 2 réunions
par an par ministère). Chaque réunion, dédiée à un ministère,
permet de faire le point sur les OVQ et les chantiers figurant dans
les plans de transformation ministériels qui justifient une atten-
tion particulière. La direction interministérielle de la transforma-
tion publique propose, en lien avec les cabinets du Président de la
République et du Premier ministre, la liste des sujets à inscrire à
l’ordre du jour. Elle assure la diffusion du compte-rendu de ces
réunions à destination du secrétaire général de la Présidence de
la République, du directeur de cabinet du Premier ministre et des
participants du ministère concerné.
Annexe : Liste des objets de la vie quotidienne – ministère de
l’Action et des Comptes publics
– Déployer le droit à l’erreur dans l’administration
– Assurer la transparence des résultats dans les services publics
– Déployer le prélèvement à la source
– Améliorer les processus de recrutement dans la fonction pub-
lique
106 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Pour en savoir plus

Ouvrages

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cabinets de conseil sur les politiques publiques, rapport au nom
de la Commission d’enquête n° 578, t. 1, 16 mars 2022.
Birnbaum P., Les sommets de l’État, essai sur l’élite du pouvoir en
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Articles

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Siwek-Pouydesseau J., « L’institut technique des administra-
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administrative (1947-1968) », RFAP, n° 120, 2006, p. 711.
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE :
LE PRAGMATISME L’EMPORTE

103. De 1972 à 2022, les réformes administratives et finan-


cières ont été multipliées. Elles ont été inspirées par des approches
socio-politiques diverses, juridiques puis managériales, et influen-
cées par des expériences étrangères. Elles se sont traduites par de
nombreuses mesures parfois regroupées en programmes transver-
saux. Ce rapide parcours fait ressortir un paradoxe : peu à peu
une politique publique de réforme administrative s’est consti-
tuée et elle a bénéficié d’un pilotage de mieux en mieux orga-
nisé. Mais elle n’a pas donné lieu à une forte continuité sur le
fonds des réformes. Celles-ci se sont succédé en ignorant souvent
les étapes précédentes. Les effets d’annonce ont trop souvent
été préférés au suivi de l’application des mesures décidées anté-
rieurement. La succession de mesures a permis de constituer ce
que Philippe Bezes a appelé un « répertoire de réformes » dans
lequel les gouvernements successifs puiseront en habillant leur
programme selon leurs inclinations idéologiques ou selon l’air
du temps. L’étude du contenu des réformes, même regroupées
selon leur source d’inspiration, montrera qu’en définitive, c’est
le pragmatisme qui l’emporte.

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Conclusion de la première partie : le pragmatisme l’emporte
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les relations avec les usagers 113

104. Avant 1990, la plupart des réformes sont inspirées d’une


démarche juridique et celle-ci, bien qu’étant moins en vue, s’est
poursuivie ensuite. Ces réformes visaient à compléter le dispo-
sitif classique qui faisait entièrement confiance à l’intervention
a posteriori des juridictions pour protéger les administrés contre
les effets des décisions fautives ou erronées de l’administration.
Les réformes d’inspiration juridique ont donc porté initialement
sur la diversification des recours dont disposent les usagers (cha-
pitre 3). Pour aller au-delà de la jurisprudence protectrice des
droits des usagers, une action en amont sur la législation et les
réglementations a semblé plus efficace et de portée plus générale.
L’attention s’est alors portée sur le renforcement des droits des
usagers dans la procédure administrative (chapitre 4) et sur les
simplifications administratives (chapitre 5). Toutefois, dans une
société complexe et évolutive, ces efforts ne sont jamais ache-
vés. C’est pourquoi s’y ajoutent un ensemble de démarches cen-
trées sur les rapports avec les usagers qui font une large place
à l’approche managériale (chapitre 6) et, dans une tout autre
orientation, les diverses expériences d’association des usagers au
fonctionnement de l’administration (chapitre 7). L’accumulation
incessante de telles mesures conduit à poser la question de leur
impact réel pour modifier les rapports de l’administration et des
citoyens.

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[Introduction]
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Chapitre 3.
LA DIVERSIFICATION DES RECOURS

105. Le premier droit individuel reconnu aux usagers des ser-


vices publics est le droit au recours contre les décisions administra-
tives irrégulières ou qui leur porteraient préjudice. La juridiction
administrative (Conseil d’État, cours administratives d’appel,
tribunaux administratifs), exceptionnellement les tribunaux judi-
ciaires et, le cas échéant, les juridictions spécialisées assurent une
protection correcte des droits des administrés. Toutefois, celle-ci
n’est pas sans limites compte tenu de freins matériels, financiers
et culturels à l’accès aux juridictions. En outre, certaines diffi­
cultés rencontrées par les administrés, du fait de leur nature ou de
leurs enjeux, ne relèvent pas d’une analyse strictement juridique.
C’est pourquoi la diversification des voies de recours a été l’un
des premiers thèmes de la réforme administrative. Le Médiateur
a été la première institution nouvelle de recours (section 1). Son
statut a nettement été renforcé par la création du Défenseur des
droits (section 2). Parallèlement, le traitement des réclamations
et des recours amiables a été amélioré (section 3).

S ection 1. Le Médiateur

106. Le concept de médiation, issu du droit international et


répandu dans le champ social, est nouveau en droit public interne
dès lors que le recours devant le juge administratif a longtemps
paru suffisant pour protéger les administrés. Il a pris d’abord la
forme d’une institution originale : le médiateur.
107. Le médiateur, créé par la loi du 3 janvier 1973 (1), est une
voie de recours nouvelle et originale. L’institution est inspirée de
l’« ombudsman » suédois (celui-ci imité de l’institution ottomane
(1) Loi n° 73‑6 du 3 janvier 1973 instituant un médiateur.

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Chapitre 3. - La diversification des recours
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116 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

du « Diwan » au début du XVIIIe siècle) et du Commissaire parle-


mentaire pour l’administration britannique. Le modèle « ombuds-
man » s’est adapté à de nombreux contextes institutionnels
différents. Il se définit par trois éléments : la fonction d’inter-
médiaire entre les citoyens et les pouvoirs publics, un statut qui
garantit son indépendance, des pouvoirs qui relèvent plus de la
magistrature d’influence que de capacités d’ordre juridique ou
politique. C’est une voie de recours à la disposition des citoyens
qui complète les dispositifs existants, notamment juridiction-
nels, pour les protéger contre les dysfonctionnements de l’admi-
nistration. On peut observer une distinction entre, d’une part,
l’ombudsman « parlementaire », élu, fonctionnellement rattaché
au pouvoir législatif et intervenant principalement en matière
de libertés et de droits de l’homme et, d’autre part, l’ombuds-
man « administratif », nommé par l’exécutif, assez éloigné du
Parlement et chargé essentiellement de surveiller le bon fonc-
tionnement des services publics.
108. Le médiateur français, créé en 1973, est un ombudsman
« administratif ». Il est nommé en Conseil des ministres pour un
mandat de six ans non renouvelables. Il peut être saisi par les
particuliers de tout litige avec les services de l’État, des collecti-
vités locales et de tout organisme chargé d’une mission de service
public pour mauvais fonctionnement d’une administration dans
ses relations avec les administrés. Cette réclamation doit être
précédée d’une démarche préalable et ne peut être transmise au
médiateur que par l’intermédiaire d’un parlementaire. Elle ne
suspend pas les délais de recours. Après instruction, le médiateur
cherche une solution équitable et peut adresser à l’administra-
tion des recommandations qu’il peut rendre publiques. Le cas
échéant, il peut proposer la réforme des textes et des procédures
administratives. L’institution est personnalisée : son premier
titulaire fut Antoine Pinay, ancien président du conseil. Dans
les années 1980, le médiateur est assisté d’une cinquantaine de
collaborateurs et d’un réseau de délégués départementaux.
109. Les garanties d’indépendance, la définition assez large de
la mission et la saisine obligatoire par un parlementaire peuvent
justifier l’inclusion du médiateur dans la grande famille des
ombudsmans. Les commentateurs prennent soin d’indiquer que ses
interventions se situent dans le cadre de l’État de droit à tel point
que l’intérêt de la nouvelle institution a été contesté. Le Professeur

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Chapitre 3. - La diversification des recours
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la diversification des recours 117

Drago écrit, en préface à la thèse d’André Legrand sur l’ombuds-


man scandinave : « En France, le véritable ombudsman, c’est le
Conseil d’État ». Il n’a pas été facile de définir son statut juridique.
Le Conseil d’État, dans sa décision d’Assemblée Retail du 10 juillet
1981, l’a qualifié d’autorité administrative mais a décliné la com-
pétence de la juridiction administrative pour accueillir un recours
pour excès de pouvoir contre une de ses recommandations.

DOCUMENT n° 10 : Loi n° 73‑6 du 3 janvier 1973 instituant


un médiateur
Article 1 – Un médiateur reçoit, dans les conditions fixées par la
présente loi, les réclamations concernant, dans leurs relations avec
les administrés, le fonctionnement des administrations de l’État,
des collectivités publiques territoriales, des établissements publics
et de tout autre organisme investi d’une mission de service public.
Dans la limite de ses attributions, il ne reçoit d’instruction d’au-
cune autorité.
Article 2 – Le médiateur est nommé pour six ans par décret en
Conseil des Ministres. Il ne peut être mis fin à ses fonctions avant
l’expiration du délai qu’en cas d’empêchement constaté dans des
conditions définies par décret en Conseil d’État. Son mandat n’est
pas renouvelable.
Article 6 – Toute personne physique qui estime, à l’occasion
d’une affaire la concernant, qu’un organisme visé à l’article 1er n’a
pas fonctionné conformément à la mission de service public qu’il
doit assurer, peut, par une réclamation individuelle, demander que
l’affaire soit portée à la connaissance du médiateur.
La réclamation est adressée à un député ou à un sénateur. Ceux-ci
la transmettent au médiateur si elle leur paraît entrer dans sa com-
pétence et mériter son intervention.
Article 7 – La réclamation doit être précédée des démarches néces-
saires auprès des administrations intéressées.
Elle n’interrompt pas les délais de recours, notamment devant
les juridictions compétentes.
Article 9 – Lorsqu’une réclamation lui paraît justifiée, le média-
teur fait toutes les recommandations qui lui paraissent de nature
à régler les difficultés dont il est saisi et, le cas échéant, toutes
propositions tendant à améliorer le fonctionnement de l’organisme
concerné.

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Chapitre 3. - La diversification des recours
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Le médiateur est informé de la suite donnée à ses interventions.


À défaut de réponse satisfaisante dans le délai qu’il a fixé, il peut
rendre publiques ses recommandations sous la forme d’un rapport
spécial publié et présenté dans les conditions prévues à l’article 14.
L’organisme mis en cause peut rendre publiques la réponse faite
et, le cas échéant, la décision prise à la suite de la démarche faite
par le médiateur.
110. L’évolution de l’institution, sous l’impulsion des premiers
titulaires, va définitivement l’éloigner du contentieux et lui don-
ner sa physionomie originale. La loi du 24 décembre 1976 (2), pose
la notion d’équité comme fondement de l’action du médiateur,
ce qui justifie une interprétation large et souple de son domaine
d’intervention et de ses pouvoirs. Elle met l’accent sur ses pou-
voirs de recommandation, dont la portée est bien différente des
décisions d’une juridiction, et sur sa capacité à proposer des
réformes législatives ou réglementaires. À l’intérieur du cadre
de la légalité défini par les normes juridiques et dont le respect
est contrôlé par le juge, le médiateur peut inciter les respon-
sables administratifs à prendre en compte les aspects humains,
singuliers ou exceptionnels d’un dossier. À partir des milliers de
réclamations qu’il reçoit des particuliers et des entreprises par
l’intermédiaire des parlementaires, le médiateur tire une certaine
vision du fonctionnement réel des administrations et en déduit
des propositions de réformes, générales ou ponctuelles, qui font
l’objet d’une procédure interministérielle d’instruction formalisée
et relativement efficace. Il est clair que, si une analyse juridique
des situations qui lui sont soumises est nécessaire, les recom-
mandations ne s’appuient pas exclusivement sur le droit. Elles
tiennent compte des conséquences de la décision qui peuvent ne
pas avoir été prévues par le législateur (3).
111. Alors que la notion d’autorité administrative indépen-
dante va s’ancrer dans le paysage juridique au milieu des années
1980, le médiateur devient le Médiateur de la République et
sera qualifié d’« autorité indépendante » par une loi n° 89‑18 du
13 janvier 1989. L’institution se renforce par la possibilité de
saisine directe par des personnes morales (4). Le Médiateur de

(2) Loi n° 76‑2011 du 24 décembre 1976.


(3) P. Legatte et A. Barbe, Le principe d’équité. Défendre le citoyen face à l’administration,
Paris, Presses de la Renaissance, 1992.
(4) Loi n° 92‑125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République.

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Chapitre 3. - La diversification des recours
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la diversification des recours 119

la République apparaît de moins en moins comme une voie de


recours supplémentaire, voire superfétatoire, et de plus en plus
comme un dispositif original. Les rapports du Médiateur décrivent
les résultats de ses interventions. La médiature est un lieu pri-
vilégié et permanent d’observation de l’administration dans ses
actes quotidiens. On a pu parler de « fonction cybernétique » du
médiateur, de « sondage permanent de l’administration ».

TÉMOIGNAGE n° 4 : Le Médiateur au service de l’équité


De 1986 à 1990, j’ai animé les services du Médiateur composés de
quelques dizaines de collaborateurs répartis par secteur d’instruc-
tion et d’une centaine de délégués départementaux, fonctionnaires
retraités pour la plupart. Le Médiateur Paul Legatte, membre du
Conseil d’État, s’est attaché à affirmer l’indépendance de l’insti-
tution, à obtenir la qualification de « Médiateur de la République »
(loi du 13 janvier 1989) et à approfondir la notion d’équité qui,
en complément des analyses juridiques, fonde ses demandes de
solution de cas individuels ou de propositions de réforme des textes.
En signant l’intégralité des lettres de saisine des administrations
et en coordonnant l’instruction des propositions de réforme, j’avais
une vue d’ensemble du fonctionnement de l’institution et de ses
rapports avec l’administration. Au-delà des dossiers, j’ai eu à
réagir à quelques irruptions de la « vraie vie » comme le jour où
un préfet m’a demandé de prendre au téléphone un forcené armé
qui réclamait l’intervention immédiate du médiateur dans un litige
apparemment insoluble ou celui où un architecte, ruiné disait-il
par l’administration, menaçait par téléphone de se couper le doigt
si son dossier était considéré comme irrecevable. Voici quelques
exemples de sujets qui ont mobilisé la médiature à cette époque :
l’application des directives sur la levée de l’anonymat dans les
correspondances et les services d’accueil (avec le cas d’une Assedic
sur la liste rouge du téléphone), l’amélioration des règles d’indem-
nisation du chômage des agents publics non titulaires, l’exécution
de décisions de justice par les collectivités locales, la réforme du
contentieux des factures téléphoniques, les frais de déplacement
déductibles de l’impôt sur le revenu, l’emploi des travailleurs han-
dicapés dans la fonction publique, la responsabilité pour risques
thérapeutique (à partir du cas d’un couvreur tombé d’un toit et
mal soigné à l’hôpital), l’indemnisation des victimes du SIDA à
la suite de transfusions.

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Chapitre 3. - La diversification des recours
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120 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

112. Par ailleurs, le concept de médiation se démultiplie,


notamment dans les services publics comme un mode de régulation
souple, rapide, informel et personnalisé qui dépasse l’approche
contentieuse habituelle. La médiation continue d’essaimer :
médiateur de la RATP, de l’énergie, des marchés publics… Un
médiateur spécialisé a été créé en 2002 au ministère de l’Économie
des finances et de l’Industrie (5). La création d’un « défenseur de
l’environnement » chargé d’une mission de médiation a été sug-
gérée par la Convention citoyenne pour le climat et étudiée en
2021 par la députée Cécile Muschotti.
113. Même si l’institution a su trouver sa place en activant son
réseau de délégués sur le terrain et celui de ses correspondants
dans les administrations, elle présente des limites évidentes :
poids limité de ses recommandations, relative proximité avec
l’administration, indépendance financière incertaine, intérêt
faible des médias, rares appels à l’opinion publique, absence
de saisine directe par les citoyens, persistance de situations de
non-recours aux droits sociaux et de traitements différenciés des
usagers par les services publics selon leur niveau de revenus ou
d’instruction.
Ces acquis et ces limites seront pris en considération lors de la
création du Défenseur des droits.

S ection 2. Le Défenseur des droits

114. Le Défenseur des droits a été créé par la révision constitu-


tionnelle du 23 juillet 2008 (art. 71‑1 de la Constitution) et orga-
nisé par deux lois, organique et ordinaire, du 29 mars 2011 (6).
Il est issu de la fusion de quatre organismes : le Médiateur de la
République, la Haute Autorité de lutte contre les discrimina-
tions (Halde), le Défenseur des enfants et la Commission natio-
nale de déontologie de la sécurité. Cette création simplifie les
structures et renforce les droits de l’administré. Le Défenseur
des droits, qualifié expressément d’autorité administrative indé-
pendante, accède au statut constitutionnel et reçoit la large et
noble mission de « veiller au respect des droits et libertés par
les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les

(5) Décret n° 2002‑612 du 26 avril 2002.


(6) Loi organique n° 2011‑333 et loi n° 2011‑334 du 29 mars 2011 relatives au Défenseur des droits.

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Chapitre 3. - La diversification des recours
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la diversification des recours 121

établissements publics et tout organisme chargé d’une mission


de service public ». Il est nommé par décret du Président de la
République pris en Conseil des ministres pour un mandat de six
ans, non renouvelable. Il peut s’autosaisir ou être saisi directe-
ment par toute personne physique ou morale qui s’estime dis-
criminée, ou qui constate que les forces de sécurité, publique ou
privée, n’ont pas respecté les règles de bonne conduite, ou qui
éprouve des difficultés dans ses relations avec un service public,
ou qui estime que les droits des enfants ne sont pas respectés. Il
dispose de larges pouvoirs d’investigation et d’injonction. Ses
compétences ont été en 2016 élargies à la protection des lanceurs
d’alerte.
115. Le successeur du Médiateur de la République voit donc
son champ d’intervention et ses pouvoirs nettement renforcés
mais il se situe bien dans le prolongement de l’institution initiale
dans son double rôle d’alerte et de protection qu’il remplit avec
une efficacité et une audience démultipliées. Chaque année, le
Défenseur reçoit environ 100.000 demandes d’intervention et
prend environ 500 « mesures significatives ». 250 personnes tra-
vaillent au siège de l’institution et 500 délégués participent à
l’action du Défenseur des droits. Le Défenseur des droits, depuis
2014, Jacques Toubon qui a succédé à Dominique Baudis, n’a
pas hésité à faire appel à l’opinion publique et à s’autosaisir de
questions d’actualités. Claire Hédon, nommée en juillet 2020,
est elle-même journaliste et animatrice d’une association cari-
tative.
116. Jacques Toubon a rappelé le double rôle de l’institu-
tion : l’alerte « sismographe de la demande sociale, révélateur
des craquements, des fractures d’un peuple écartelé entre la pla-
nète et le village » ; la protection : « alarme, porte-voix, témoin
soucieux du déclin des droits fondamentaux et de leur inégale
effectivité ».
117. Parmi les thèmes d’intervention du Défenseur évoqués
dans les plus récents rapports : la crainte d’une dématérialisation
totale des services publics, la mise en œuvre du droit à l’erreur,
un meilleur accès aux prestations sociales.

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Chapitre 3. - La diversification des recours
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DOCUMENT n° 11 : Loi constitutionnelle n° 200‑724 du 23 juillet


2008 relative à la modernisation des institutions de la Ve République
(art. 71‑1 de la Constitution)
Titre XIbis – LE DÉFENSEUR DES DROITS
Article 71‑1. Le Défenseur des droits veille au respect des droits
et libertés par les administrations de l’État, les collectivités terri-
toriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme
investi d’une mission de service public, ou à l’égard duquel la loi
organique lui attribue des compétences.
Il peut être saisi, dans les conditions prévues par la loi orga-
nique, par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement
d’un service public ou d’un organisme visé au premier alinéa. Il
peut se saisir d’office.
La loi organique définit les attributions et les modalités d’inter-
vention du Défenseur des droits. Elle détermine les conditions dans
lesquelles il peut être assisté par un collège pour l’exercice de cer-
taines de ses attributions.
Le Défenseur des droits est nommé par le Président de la
République pour un mandat de six ans non renouvelable, après
application de la procédure prévue au dernier alinéa de l’ar-
ticle 13. Ses fonctions sont incompatibles avec celles de membre du
Gouvernement et de membre du Parlement. Les autres incompati-
bilités sont fixées par la loi organique.
Le Défenseur des droits rend compte de son activité au Président
de la République et au Parlement.

DOCUMENT n° 12 : Loi organique n° 2011‑333 du 29 mars 2011


relative au Défenseur des droits
Article 1 – Le Défenseur des droits est nommé par décret en
conseil des ministres, après application de la procédure prévue au
dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution.
Il ne peut être mis fin à ses fonctions que sur sa demande ou en cas
d’empêchement dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
Article 2 – Le Défenseur des droits, autorité constitutionnelle indépen-
dante, ne reçoit, dans l’exercice de ses attributions, aucune i­ nstruction.
Le Défenseur des droits et ses adjoints ne peuvent être poursui-
vis, recherchés, arrêtés, détenus ou jugés à l’occasion des opinions
qu’ils émettent ou des actes qu’ils accomplissent dans l’exercice de
leurs fonctions.

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Chapitre 3. - La diversification des recours
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la diversification des recours 123

Article 4 – Le Défenseur des droits est chargé :


1° De défendre les droits et libertés dans le cadre des relations
avec les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les
établissements publics et les organismes investis d’une mission de
service public ;
2° De défendre et de promouvoir l’intérêt supérieur et les droits
de l’enfant consacrés par la loi ou par un engagement international
régulièrement ratifié ou approuvé par la France ;
3° De lutter contre les discriminations, directes ou indirectes,
prohibées par la loi ou par un engagement international réguliè-
rement ratifié ou approuvé par la France ainsi que de promouvoir
l’égalité ;
4° De veiller au respect de la déontologie par les personnes exer-
çant des activités de sécurité sur le territoire de la République.
Article 5 – Le Défenseur des droits peut être saisi :
1° Par toute personne physique ou morale qui s’estime lésée dans
ses droits et libertés par le fonctionnement d’une administration de
l’État, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public ou
d’un organisme investi d’une mission de service public ;
2° Par un enfant qui invoque la protection de ses droits ou une
situation mettant en cause son intérêt, par ses représentants légaux,
les membres de sa famille, les services médicaux ou sociaux ou toute
association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la
date des faits et se proposant par ses statuts de défendre les droits
de l’enfant ;
3° Par toute personne qui s’estime victime d’une discrimina-
tion, directe ou indirecte, prohibée par la loi ou par un engagement
international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, ou
par toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq
ans à la date des faits se proposant par ses statuts de combattre
les discriminations ou d’assister les victimes de discriminations,
conjointement avec la personne s’estimant victime de discrimination
ou avec son accord ;
4° Par toute personne qui a été victime ou témoin de faits dont elle
estime qu’ils constituent un manquement aux règles de déontologie
dans le domaine de la sécurité.
Le Défenseur des droits peut être saisi des agissements de per-
sonnes publiques ou privées.

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Chapitre 3. - La diversification des recours
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124 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Il peut en outre se saisir d’office ou être saisi par les ayants droit
de la personne dont les droits et libertés sont en cause.
Il est saisi des réclamations qui sont adressées à ses adjoints.
Article 7 – Une réclamation peut être adressée à un député, à un
sénateur ou à un représentant français au Parlement européen, qui
la transmet au Défenseur des droits s’il estime qu’elle appelle son
intervention. Le Défenseur des droits informe le député, le sénateur
ou le représentant français au Parlement européen des suites don-
nées à cette transmission.
Les membres du Parlement peuvent, de leur propre initiative,
saisir le Défenseur des droits d’une question qui leur paraît appeler
son intervention.
Sur la demande de l’une des commissions permanentes de son
assemblée, le président de l’Assemblée nationale ou le président du
Sénat peut transmettre au Défenseur des droits, dans les domaines
de sa compétence, toute pétition dont l’assemblée a été saisie.
Le Défenseur des droits instruit également les réclamations qui lui
sont transmises par le Médiateur européen ou un homologue étranger et
qui lui paraissent relever de sa compétence et appeler son intervention.
On peut rattacher au même courant réformiste, différentes
initiatives tendant à faciliter les contestations des décisions admi-
nistratives et à valoriser ces recours.

Section 3. Le traitement des réclamations et le règlement


amiable des litiges

118. Les administrations sont invitées à mieux traiter les récla-


mations. Dans une optique qui n’est pas strictement juridique,
elles sont une précieuse source d’information sur les conditions
effectives de fonctionnement des services et, d’autre part, leur
traitement individuel doit aboutir à améliorer la satisfaction des
usagers. L’exploitation des informations sur les litiges détenues
par les instances contentieuses constitue un indicateur – partiel
mais significatif – de la qualité des services et des difficultés ren-
contrées par les administrés. La Charte des usagers des services
publics en 1992, puis la loi du 2 avril 2000 (7), renforceront les
devoirs de l’administration à cet égard.

(7) Loi n° 2000‑31 du 2 avril 2000 sur les droits des citoyens dans leur relation avec
l’administration.

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Chapitre 3. - La diversification des recours
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la diversification des recours 125

119. Les modes de règlement amiable des litiges (médiation,


conciliation et arbitrage) se développent. Les comités consul-
tatifs de règlement des dommages sont créés par un décret
du 4 décembre 1980 (8) et des comités consultatifs de règle-
ment amiable des marchés publics par un décret n° 81‑271 du
18 mars 1981 (9). La loi du 6 janvier 1986 (10) donne aux tribu-
naux administratifs une mission de conciliation. L’article 13
de la loi 31 décembre 1987 (11) portant réforme du contentieux
administratif prévoit que des décrets en Conseil d’État déter-
minent dans quelles conditions les litiges de plein contentieux
sont soumis « avant toute instance arbitrale ou contentieuse, à
une procédure préalable, soit de recours administratif, soit de
conciliation ». La Commission Efficacité de l’État du Xe Plan a
recommandé en 1990 « d’organiser dans chaque service un traite-
ment amiable systématique des litiges entre l’administration et
ses interlocuteurs ». Allant plus loin que ces recours facultatifs,
la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice (12) a
institué à titre expérimental des procédures de médiation obliga-
toire préalable au contentieux (MPO). Des expérimentations de
médiations préalables obligatoires ont été engagées depuis 2018
dans les domaines de la fonction publique, dans certains conten-
tieux sociaux et de logement. Le principe d’une pérennisation a
été fixé par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans
l’institution judiciaire (13). 4327 procédures de médiations volon-
taires et 4364 médiations obligatoires ont été engagées depuis
2017, parvenant à un accord respectivement dans la moitié et
dans 76 % des cas. Un décret du 25 mars 2022 (14) institue ainsi
une MPO pour certains litiges de fonction publique et certains
conflits sociaux.

(8) Décret n° 80‑974 du 4 décembre 1980.


(9) Décret n° 81‑271 du 18 mars 1981.
(10) Loi n° 86‑14 du 6 janvier 1986 portant statut des tribunaux administratifs.
(11) Art. 13 de la loi n° 87‑1127du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif.
(12) Art. 5 de la loi n° 2016- 1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du
e
xxi siècle.
(13) Art. 27 de la loi n° 2021‑1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution
judiciaire.
(14) Décret n° 2022‑433 du 25 mars 2022.

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Pour en savoir plus

Ouvrages

Braibant G., Questiaux N. et Wiener C., Le contrôle de l’admi-


nistration et la protection des citoyens, Étude Comparative,
Paris, Cujas, 1973.
Conseil d’État, Les recours administratifs préalables obligatoires,
2000.
Conseil d’État, Retour sur 5 ans de médiation administrative, mars
2022.
Delaunay B., Le Médiateur de la République, Paris, PUF, 1999.
Gibert S., Le médiateur de la République : inventions et formalisa-
tions, thèse Paris 1, 1994.
Guillaume-Hoffnung M., La médiation, Paris, PUF, 1995.
Legatte P. et Barbe A., Le principe d’équité. Défendre le citoyen
face à l’administration, Paris, Presses de la Renaissance, 1992.
Legrand A., L’ombudsman scandinave. Études comparées sur le
contrôle de l’administration, Paris, LGDJ, 1970.
RFAP, Médiateurs et ombudsmans, Henry-Meininger M.-Ch. et
Le Clainche M. (coord.), n° 64, 1992.
RFAP, Le Défenseur des droits, Chevallier J. (resp.), n° 139, 2011.
Six J.-F., Le temps des médiateurs, Paris, Seuil, 1990.

Articles

Baudot P.-Y. et Révillard A., « Le Médiateur de la République


au prisme de la démocratie administrative », RFAP, nos 137-
138, p. 193.
Baudot P.-Y. et Révillard A., « Le Médiateur de la République :
périmètre et autonomie d’une institution », RFAP, n° 139,
2011, p. 339.
Guillaume-Hoffnung M., « La médiation », AJDA, 1997.
Le Clainche M., « Une institution au service de l’équité, le Média-
teur de la République », Les cahiers de la fonction publique,
n° 51, octobre 1987, pp. 17‑19.

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Chapitre 3. - La diversification des recours
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la diversification des recours 127

Le Clainche M., « L’ombudsman cet inconnu », Revue française


d’administration publique, n° 64, 1992, pp. 563‑566.
Legrand A., « Ombudsmän nordiques et Défenseur des droits »,
RFAP, n° 139, 2011, p. 499.

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Chapitre 4.
LES DROITS DES USAGERS DANS LA PROCÉDURE
ADMINISTRATIVE

120. Les recours juridictionnels ou administratifs constituent


le mécanisme de base pour protéger les citoyens d’un arbitraire
éventuel. Mais la procédure administrative peut être aménagée
pour conférer aux administrés d’autres droits qui garantissent
a priori le respect des principes d’égalité et de justice. L’ensemble
constitué par les grandes lois de 1978 accordant de nouveaux
droits aux usagers est le plus caractéristique de cette période : la
loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique et aux libertés, la
loi du 17 juillet 1978 sur l’accès aux documents administratifs,
la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des décisions
défavorables et la loi du 3 janvier 1979 relative aux archives. Ces
lois s’appliquent à « toute personne publique ou chargée d’une
mission de service public ». Elles mettent en œuvre de nouveaux
principes, notamment celui de la transparence, qui complètent
les traditionnels principes du service public. Elles installent de
nouvelles institutions qu’on ne tardera pas à qualifier d’autori-
tés administratives indépendantes. André Holleaux, conseiller
d’État et premier président de l’Association pour l’améliora-
tion des rapports entre l’administration et le public (ARAP), a
salué « la troisième génération des droits de l’Homme » (1) et Guy
Braibant « l’an 01 de l’information administrative » (2). Mais la
création de droits spécifiques était insuffisante : la superposition
des textes complique le système, les organismes de régulation
sont plus ou moins accessibles. L’idée d’un texte de procédure
et même d’un « code » rassemblant l’ensemble des droits des usa-
gers chemine. Ces grands textes relatifs à la protection contre les

(1) G. Braibant, « Droit d’accès et droit à l’information », Mélanges Charlier, Emile Paul, 1981.
(2) A. Holleaux, « Les lois de la troisième génération des droits de l’Homme, ébauche d’étude
comparative », RFAP, n° 15, 1980.

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dangers de l’informatique (section 1) et à la transparence admi-


nistrative (section 2) ont donc été complétés par la constitution
progressive de règles de procédure administrative non conten-
tieuse (section 3).

Section 1. La protection contre les dangers de l ’ informatique


et du numérique

121. La base du nouveau droit de la protection des citoyens


contre les excès de l’usage de l’informatique et des fichiers a été
posée par la loi « informatique et libertés » de 1978 (§ 1). Ces prin-
cipes ont inspiré de nombreuses législations étrangères et ont été
refondus au niveau européen dans le Règlement général de la
protection des données (RGPD) qui tient compte des évolutions
techniques, de l’informatique au numérique (§ 2).

§ 1. La loi informatique et libertés


122. La loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux
fichiers et aux libertés, appelée habituellement loi informatique
et libertés, a été conçue après l’émotion causée en 1974 par le
projet SAFARI, qualifié de « chasse aux Français » par un célèbre
article du Monde (3) et dont l’objet était la constitution d’un
fichier centralisé des numéros d’identification de chaque Français
permettant une interconnexion des fichiers administratifs. La
loi définit les notions de données à caractère personnel, de trai-
tements de données, de fichiers, de données sensibles dont la
collecte est interdite. Elle pose plusieurs principes applicables
aux traitements de données à caractère personnel : finalité, pro-
portionnalité, exactitude. Elle confère des droits aux citoyens :
droit à l’information, droit d’accès, droit d’opposition, droit de
rectification. Elle institue des procédures de déclaration des trai-
tements. Elle crée la Commission nationale de l’informatique et
des libertés (CNIL), autorité administrative indépendante de 18
membres, qui exerce des missions d’information, de régulation,
de protection, de contrôle, de sanction et de propositions. Le
non-respect de la loi fait l’objet de sanctions administratives pro-
noncées par la CNIL ou de poursuites pénales.

(3) « Le projet Safari ou la chasse aux Français », Philippe Boucher, Le Monde, 21 mars 1974.

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les droits des usagers dans la procédure administrative 131

DOCUMENT n° 13 : Loi n° 78‑17 du 6 janvier 1978 relative aux


fichiers, à l’informatique et aux libertés
Article 1 – L’informatique doit être au service de chaque citoyen.
Son développement doit s’opérer dans le cadre de la coopération
internationale. Elle ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine,
ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés indi-
viduelles ou publiques.
Article 2 – Aucune décision de justice impliquant une apprécia-
tion sur un comportement humain ne peut avoir pour fondement
un traitement automatisé d’informations donnant une définition du
profil ou de la personnalité de l’intéressé.
Aucune décision administrative ou privée impliquant une appré-
ciation sur un comportement humain ne peut avoir pour seul
fondement un traitement automatisé d’informations donnant une
définition du profil ou de la personnalité de l’intéressé.
Article 3 – Toute personne a le droit de connaître et de contester
les informations et les raisonnements utilisés dans les traitements
automatisés dont les résultats lui sont opposés.
Article 4 – Sont réputées nominatives au sens de la présente loi les
informations qui permettent, sous quelque forme que ce soit, direc-
tement ou non, l’identification des personnes physiques auxquelles
elles s’appliquent, que le traitement soit effectué par une personne
physique ou par une personne morale.
Article 5 – Est dénommé traitement automatisé d’informations
nominatives au sens de la présente loi tout ensemble d’opérations
réalisées par des moyens automatiques, relatif à la collecte, l’enregis-
trement, l’élaboration, la modification, la conservation et la destruc-
tion d’informations nominatives ainsi que tout ensemble d’opérations
de même nature se rapportant à l’exploitation de fichiers ou bases
de données et notamment les interconnexions ou rapprochements,
consultations ou communications d’informations nominatives.
Article 6 – Une Commission nationale de l’informatique et des
libertés est instituée. Elle est chargée de veiller au respect des dis-
positions de la présente loi, notamment en informant toutes les
personnes concernées de leurs droits et obligations, en se concertant
avec elles et en contrôlant les applications de l’informatique aux
traitements des informations nominatives. La commission dispose
à cet effet d’un pouvoir réglementaire, dans les cas prévus par la
présente loi.

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Article 8 – La Commission nationale de l’informatique et des


libertés est une autorité administrative indépendante.

§ 2. Le règlement général de protection des données (RGPD)


123. Ce dispositif a été profondément modifié par la loi du
6 août 2004 transposant une directive européenne du 24 octobre
1995 sur la protection des données à caractère personnel (4).
Elle élargit la notion de données à caractère personnel, unifie les
régimes des personnes publiques et des personnes privées, simpli-
fie le système de déclaration, alourdit les sanctions, renforce les
pouvoirs de la CNIL et crée les correspondants à la protection
des données personnelles.
124. Une nouvelle étape a été franchie par l’adaptation du droit
français aux dispositions du Règlement général de protection des
données personnelles (RGPD) européen n° 2016/679 du 27 avril
2016, effectué par une ordonnance n° 2018‑1125 du 12 décembre
2018 (5). Si les procédures prévues en 1978 sont modifiées
sur de nombreux points, les principes de la loi Informatique et
Libertés et l’organisation générale de la protection des données
sont confirmés et renforcés. Le droit de la protection des données
personnelles est harmonisé au sein de l’Union européenne, il est
applicable aux entreprises extra-européennes pour leur activité
dans l’Union. Le RGPD exige le consentement explicite et positif
aux témoins de connexion (cookies) et aux transferts de données
personnelles, il organise le droit à l’oubli et le droit à la portabi-
lité des données personnelles, il réglemente le profilage, il pose le
principe de « sécurité dès la conception » (privacy by design) et de
sécurité par défaut, il prévoit l’obligation de désigner un délégué
à la protection des données et renforce les sanctions administra-
tives et pénales. Ce droit très élaboré doit maintenant être adapté
aux nouveaux développements des services liés à l’essor du numé-
rique et de l’intelligence artificielle qui reposent sur l’exploitation
des données de masse (objets connectés, reconnaissance faciale…)
et font planer de nouvelles menaces sur la protection des libertés
individuelles et de la vie privée.

(4) Loi n° 2004‑801 du 6 août 2004.


(5) Ordonnance n° 2018‑1125 du 12 décembre 2018, prise en application de l’art. 32 de la loi
n° 2008‑493 du 20 juin 2018.

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Chapitre 4. - Les droits des usagers dans la procédure administrative
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les droits des usagers dans la procédure administrative 133

Section 2. L a transparence administrative

125. Le droit des citoyens à l’information a été consacré en


1978 par une loi généraliste qui a posé les fondements de l’accès
aux documents administratifs (§ 1). Il a connu une application
particulière et développée dans le domaine de la protection de
l’environnement (§ 2).

§ 1. L’accès aux documents administratifs


126. Inspirée des législations américaines, Freedom of
Transparency Act de 1966 et Sunshine Act de 1976, la loi du
17 juillet 1978 (6) pose le principe de la liberté d’accès aux
documents administratifs. C’est le renversement du principe
traditionnel selon lequel le secret administratif est la règle, la
communication étant l’exception. Les administrés ont droit à
la communication de tout document administratif de caractère
non nominatif qui comporte une interprétation du droit positif
ou une description des procédures administratives. De même
toute personne à qui un document administratif contenant des
informations nominatives est opposé dispose d’un droit d’accès
et d’observations. La loi organise un accès de plein droit sous
réserve des secrets limitativement énumérés à l’article 6 de la loi
et prévoit un recours devant la Commission d’accès aux docu-
ments administratifs (CADA) qui est une autorité administrative
indépendante chargée de veiller à la liberté d’accès aux docu-
ments administratifs.

TÉMOIGNAGE n° 5 : La fin du secret au ministère des Finances ?


En 1981, alors conseiller de tribunal administratif, j’ai été recruté
par la direction générale des relations avec le public du ministère de
l’Économie et des Finances pour coordonner la rédaction de l’arrêté
d’application de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 relatifs aux
exceptions à la règle de la communicabilité des documents adminis-
tratifs. Dans un premier temps, les directions m’expliquèrent que
la loi ne pouvait s’appliquer au ministère des Finances, à la fois
« par nature » (le caractère régalien des missions) et par « néces-
sité » (l’inévitable paralysie de l’action administrative qui allait

(6) Titre 1er de la loi n° 78‑759 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des
relations entre l’administration et le public.

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134 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

s’ensuivre). Lorsqu’ils furent convaincus que la communication


était devenue la règle et le secret l’exception et qu’une liste de « secrets
protégés par la loi » devait être établie, ils proposèrent des listes de
plusieurs centaines de catégories de textes couvrant presque toute
l’activité du ministère. Faisant œuvre de pédagogie, avec l’appui des
rapporteurs généraux de la CADA (Philippe Belaval, puis Bruno
Lasserre), je parvins à faire approuver une liste d’une longueur
raisonnable qui ne dénaturait pas la loi et ménageait des marges de
manœuvre indispensables aux activités régaliennes et répressives.
Lors de la présentation du texte au Conseil d’État, je fus accom-
pagné par une dizaine de représentants des directions soucieux de
vérifier que les compromis obtenus ne seraient pas remis en cause.
L’arrêté fut publié le 13 novembre 1983, plus de cinq ans après le
vote de la loi (7) !
127. La loi a été complétée par de nombreuses dispositions
avant d’être abrogée par l’ordonnance du 23 octobre 2015 qui
insère le dispositif d’accès aux documents administratifs dans
le Code des relations entre l’administration et ses usagers (8).
128. La CADA est un organe collégial composé de onze
membres, dont le président nommé par décret du Président de
la République. Les attributions de la CADA ont été étendues à
la communication des documents versés aux archives publiques
ainsi qu’à la réutilisation des informations publiques (ordon-
nance du 6 juin 2005 (9)). La loi du 7 octobre 2016 pour une
République numérique (10) a actualisé la notion de documents
administratifs en prenant en compte les algorithmes et les codes
sources. La CADA peut être saisie par les personnes (physiques
ou morales) qui se sont vu opposer une décision défavorable ou
un refus de réponse pendant plus d’un mois en matière d’accès
aux documents administratifs ou de réutilisation des informa-
tions publiques. Sa saisine est un préalable obligatoire au recours
contentieux. La commission peut aussi être saisie, à titre de
conseil, par les administrations. Elle peut proposer au gouver-
nement les modifications nécessaires pour améliorer l’exercice
du droit d’accès et la réutilisation des informations publiques.
Elle peut également prononcer des sanctions à l’encontre des

(7) Arrêté du 20 septembre 1983, publié au JORF du 13 novembre.


(8) Ordonnance n° 2015‑1341 du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code
des relations entre l’administration et ses usagers.
(9) Ordonnance n° 2005‑650 du 6 juin 2005.
(10) Loi n° 2016‑1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

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personnes qui réutilisent des informations publiques en viola-


tion des prescriptions du Code des relations entre le public et les
administrations. Elle publie annuellement un rapport d’activité
et la liste des avis favorables qu’elle a émis. Elle a rendu 7.842
avis en 2021 dont environ 50 % d’avis favorables à la communi-
cation. Ce droit d’accès, qui a tant inquiété les administrations
au début, est aujourd’hui utilisé avec modération notamment
par les associations et les journalistes. Mais on est encore loin
de la transparence généralisée, la CADA se heurte elle-même
à 30 % de refus de communiquer. Ces réticences appellent un
renforcement des pouvoirs de la commission.

DOCUMENT n° 14 : Loi n° 78‑753 du 17 juillet 1978 portant


diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administra-
tion et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social
et fiscal
Article 1 – Le droit de toute personne à l’information est précisé
et garanti par le présent titre en ce qui concerne la liberté d’accès
aux documents administratifs de caractère non nominatif.
Sont considérés comme documents administratifs au sens du pré-
sent titre tous dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-
verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et
réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit
positif ou une description des procédures administratives, avis, à
l’exception des avis du Conseil d’État et des tribunaux administra-
tifs, prévisions et décisions revêtant la forme d’écrits, d’enregistre-
ments sonores ou visuels, de traitements automatisés d’informations
non nominatives.
Article 2 – Sous réserve des dispositions de l’article 6 les docu-
ments administratifs sont de plein droit communicables aux per-
sonnes qui en font la demande, qu’ils émanent des administrations
de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics
ou des organismes, fussent-ils de droit privé, chargés de la gestion
d’un service public.
Article 3 – Sous réserve des dispositions de la loi n° 78‑17 du
6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés,
concernant les informations nominatives figurant dans des fichiers,
toute personne a le droit de connaître les informations contenues
dans un document administratif dont les conclusions lui sont oppo-
sées.

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Sur sa demande, ses observations à l’égard desdites conclusions


sont obligatoirement consignées en annexe au document concerné.
L’utilisation d’un document administratif au mépris des dispo-
sitions ci-dessus est interdite.
Article 4 – L’accès aux documents administratifs s’exerce :
a) Par consultation gratuite sur place, sauf si la préservation du
document ne le permet pas ou n’en permet pas la reproduction ;
b) Sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation
du document, par délivrance de copies en un seul exemplaire,
aux frais de la personne qui les sollicite, et sans que ces frais
puissent excéder le coût réel des charges de fonctionnement
créées par l’application du présent titre.
Le service doit délivrer la copie sollicitée ou la notification de
refus de communication prévue à l’article 7.
Article 5 – Une commission dite « commission d’accès aux docu-
ments administratifs » est chargée de veiller au respect de la liberté
d’accès aux documents administratifs dans les conditions prévues
par le présent titre, notamment en émettant des avis lorsqu’elle est
saisie par une personne qui rencontre des difficultés pour obtenir
la communication d’un document administratif, en conseillant les
autorités compétentes sur toute question relative à l’application du
présent titre, et en proposant toutes modifications utiles des textes
législatifs ou réglementaires relatifs à la communication de docu-
ments administratifs.
La commission établit un rapport annuel qui est rendu public.
Un décret en Conseil d’État détermine la composition et le fonc-
tionnement de la commission prévue au présent article.
Article 6 – Les administrations mentionnées à l’article 2 peuvent
refuser de laisser consulter ou de communiquer un document admi-
nistratif dont la consultation ou la communication porterait atteinte :
– au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités
responsables relevant du pouvoir exécutif ;
– au secret de la défense nationale, de la politique extérieure ;
– à la monnaie et au crédit public, à la sûreté de l’État et à la
sécurité publique ;
– au déroulement des procédures engagées devant les juridic-
tions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, sauf
autorisation donnée par l’autorité compétente ;

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les droits des usagers dans la procédure administrative 137

– au secret de la vie privée, des dossiers personnels et médicaux ;


– au secret en matière commerciale et industrielle ;
– à la recherche, par les services compétents, des infractions
fiscales et douanières ;
– ou, de façon générale, aux secrets protégés par la loi.
Pour l’application des dispositions ci-dessus, les listes des docu-
ments administratifs qui ne peuvent être communiqués au public
en raison de leur nature ou de leur objet sont fixées par arrêtés
ministériels pris après avis de la commission d’accès aux documents
administratifs.
La loi du 3 janvier 1979 sur les archives (11) s’inscrit dans
le même principe de transparence. L’harmonisation avec la loi
sur l’accès aux documents administratifs sera réalisée ultérieu-
rement.

§ 2. Le droit à l’information dans le droit de l’environnement


129. Comme le souligne Jean-Luc Pissaloux : « Surtout à partir
des années 1990, le domaine de l’environnement a joué un rôle
d’avant-garde dans le droit de l’information et de la participation
des citoyens » (12). Les enquêtes publiques sont un des dispositifs
les plus anciens d’écoute des usagers par l’autorité administra-
tive. Développées dès le XIXe siècle dans le cadre de la procédure
d’expropriation, elles ont été progressivement étendues à d’autres
procédures environnementales. Dans les pays anglo-saxons,
elles ont été généralisées en tant que procédures consultatives
préalables à la prise de décisions administratives. Les enquêtes
publiques relatives aux opérations susceptibles d’affecter l’envi-
ronnement ont été organisées par la loi du 12 juillet 1983, dite loi
Bouchardeau (13). La procédure est très précisément encadrée.
Le commissaire-enquêteur doit assurer la bonne information du
public. De même, des procédures de concertation sur les créations
de zones d’aménagement concerté, certaines zones d’aménage-
ment urbain et sur les documents d’urbanisme ont été précisés
par la loi du 18 juillet 1985 (14). Une loi n° 87‑765 du 22 juillet
1987 crée une obligation d’information du public sur certains

(11) Loi n° 79‑18 du 3 janvier 1979 sur les archives.


(12) J.-L. Pissaloux, « Le renouveau du débat public », La Revue du Trésor, juillet 2003, p. 419.
(13) Loi n° 83-63 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la
protection de l’environnement.
(14) Loi n° 85-729 du 18 juillet 1985.

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138 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

risques environnementaux (15). Les procédés classiques de l’en-


quête publique et de la concertation ont encore été développés
dans le droit de l’environnement avec la loi du 2 février 1995 dite
loi Barnier (16), puis avec la Charte de l’environnement édictée
par la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 (17). La loi du 12 juil-
let 2010, dite loi Grenelle 2 (18), et son décret d’application du
29 décembre 2011, ont complété les normes relatives aux études
d’impact, aux enquêtes publiques et au débat public sur de mul-
tiples points tels que le rôle des commissaires enquêteurs et la
publicité des enquêtes. En revanche, des ordonnances du 3 août
2016 ont modifié les règles d’études d’impact, d’évaluation préa-
lable des projets et d’enquêtes publiques dans un sens restrictif.
Dans l’ensemble, ces procédures sont plutôt formelles. Elles ont
été accusées à juste titre de « mettre en scène le consentement
des absents » (19).
130. La loi Barnier a institué en 1995 la procédure très nova-
trice du débat public et a créé pour l’animer la Commission
nationale du débat public (CNDP). Elle est destinée à permettre
l’information et l’expression des citoyens en amont des projets
d’aménagement ayant une incidence forte sur l’environnement
ou l’aménagement du territoire. La CNDP a pour mission de
veiller au respect de la participation du public au processus d’éla-
boration des projets d’aménagement ou d’équipement d’intérêt
national de l’État, des collectivités territoriales, des établisse-
ments publics et des personnes privées, relevant de catégories
d’opérations dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État,
dès lors qu’ils présentent de forts enjeux socio-économiques ou
ont des impacts significatifs sur l’environnement ou l’aménage-
ment du territoire. Elle est composée d’un président, de deux
vice-présidents et de 22 membres représentant des autorités et
des milieux concernés. Ce dispositif a été progressivement per-
fectionné (20) par la loi du 27 février 2002, suivie d’un décret
du 22 octobre 2002, en élargissant la composition et le champ

(15) Loi n° 87‑765 du 22 juillet 1987.


(16) Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement.
(17) Loi constitutionnelle n° 2005‑205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement.
(18) Loi n° 2010- 788 du 10 juillet 2010.
(19) F. Graber, Inutilité publique. Histoire d’une culture politique française, Paris, Éditions
Amsterdam, 2022.
(20) Loi n° 95‑101 du 2 février 1995, art. 2 ; loi n° 2002‑276 du 27 février 2002, décret n° 2002‑1275
du 22 octobre 2002, loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 (dite Grenelle 2), ordonnance n° 2016‑1060
du 3 août 2016, la loi n° 2018‑148 du 2 mars 2018.

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Chapitre 4. - Les droits des usagers dans la procédure administrative
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les droits des usagers dans la procédure administrative 139

d’intervention de la CNDP qualifiée d’autorité administrative


indépendante, puis par la loi du 12 juillet 2010 (dite Grenelle 2),
par l’ordonnance du 3 août 2016 et, enfin, par la loi du 2 mars
2018 qui a élargi et renforcé les pouvoirs de la CNDP : possi-
bilité de financer des expertises, d’organiser des conciliations,
d’organiser des concertations remplaçant des enquêtes publiques.
La Commission a pour mission plus générale de développer la
participation du public. Elle a organisé depuis sa création 95
débats publics et 250 concertations. Le dispositif est désormais
inséré dans le Code de l’environnement aux articles L121‑1 et
suivants. Ses recommandations sur le grand débat national en
2019 n’ayant pas été suivies par le Gouvernement, la Commission
a poursuivi ses travaux mais la fonction d’organisation de la par-
ticipation des citoyens a été partiellement transférée au Conseil
économique, social et environnemental. Il est regrettable de se
priver ainsi de l’expérience acquise par cette institution dans le
domaine délicat de la démocratie participative (voy. nos 207 et s.).
131. La Charte de l’environnement, intégrée au bloc constitu-
tionnel par la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, instaure au
niveau constitutionnel un droit à l’information et un droit à la
participation dans le domaine de l’environnement.

Section 3. La formalisation de la procédure administrative

132. Les droits des usagers de l’administration résultaient,


d’une part, de la jurisprudence administrative et, d’autre part,
de quelques lois protectrices sur des domaines ou des procédures
limités. Progressivement, des tentatives d’unification et de codi-
fication ont visé à clarifier et à simplifier les droits et garanties
des usagers dans la procédure administrative. Ce sont, d’abord,
des textes encore partiels jusqu’à l’édiction d’un véritable code
de procédure administrative non contentieuse (§ 1) qui a depuis
été ajusté par de nouveaux textes qui complètent le code (§ 2).

§ 1. Vers un code de procédure administrative


133. Les grands textes de 1978 sur la transparence ont été
complétés par la loi du 11 juillet 1979 (21) qui institue l’obliga-
tion de motiver les décisions individuelles défavorables ou qui
(21) Loi n° 79‑587 du 11 juillet 1979 relatives à la motivation des actes administratifs.

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dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement.


Cette loi constitue l’un des premiers textes récents relatifs à la
procédure administrative non contentieuse alors que celle-ci était
principalement régie par la jurisprudence du Conseil d’État.
134. Le décret du 28 novembre 1983 relatif aux relations des
administrations avec leurs usagers (22) apporte des précisions
et formule de nouvelles avancées des droits des usagers : accusé
de réception des demandes, obligation de transmission au service
compétent des demandes mal dirigées, droit de toute personne
à présenter des observations écrites et d’être entendue avant
que ne soit prise une décision défavorable à son encontre, indi-
cation des voies de recours. Ce décret, complexe et modeste, est
le point d’aboutissement d’un projet plus ambitieux de charte
des usagers des services publics de valeur législative ou même de
code des relations entre l’administration et les administrés. Ce
dernier projet a rencontré l’hostilité très nette du Conseil d’État
qui souhaitait faire prévaloir la souplesse et la progressivité de
l’approche jurisprudentielle. Mais l’effort de synthèse des droits
des usagers s’est poursuivi.
135. La Charte des services publics est présentée au Conseil
des ministres du 18 mars 1992. Elle confirme les principes tra-
ditionnels : égalité, neutralité et continuité du service public.
Elle affirme aussi des principes nouveaux rendus nécessaires par
l’évolution de la société : la transparence, la simplicité, la parti-
cipation des usagers et la confiance. Enfin, elle expose diverses
mesures de simplification. Elle est conçue comme un instrument
permanent de modernisation du service public et d’amélioration
des services rendus.
136. La loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens
dans leurs relations avec les administrations (23) élargit le champ
et le contenu des droits des usagers institués par la loi du 11 juil-
let 1979 et par le décret du 28 novembre 1983. L’élaboration de ce
texte a commencé en 1996. La loi, enfin votée en 2000, comprend
quelques affirmations de principe : droit à l’information, obliga-
tion d’organiser un accès simple au droit et de veiller à la diffu-
sion des textes juridiques. Elle élargit au-delà de l’État le champ

(22) Décret n° 83‑1025 du 28 novembre 1983 relatif aux relations des administrations avec leurs
usagers.
(23) Loi n° 2000‑321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec
les administrations.

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des organismes tenus de respecter les obligations prévues par le


décret de novembre 1983 (obligation d’accusé réception, droit
d’être entendu…) en les rendant applicables aux collectivités
territoriales, aux établissements publics, aux caisses de sécurité
sociale et à tout organisme chargé d’une mission de service public
administratif. Elle consacre la levée de l’anonymat qui avait fait
l’objet de multiples circulaires antérieures, régulièrement perdues
de vue. Elle coordonne et précise plusieurs dispositions relatives
à l’accès aux documents administratifs. Elle apporte quelques
retouches au statut du Médiateur de la République : consécration
législative des délégués, possibilité de suggérer des réformes de sa
propre initiative, communication du rapport annuel aux assem-
blées. Elle modifie les règles relatives aux décisions implicites de
rejet (deux mois au lieu de quatre, mécanisme de décision impli-
cite d’acceptation…). Elle consacre le dispositif des « maisons de
service public ». Cette loi, dont certains articles sont d’ailleurs
parfois difficilement compréhensibles pour le « citoyen lambda »,
comporte donc de nombreuses avancées d’ordre juridique.
137. L’idée d’un code des relations de l’administration avec
les usagers, émise dès les années 1980, s’impose peu à peu dans
le cadre des travaux de la commission supérieure de codifica-
tion. Il rassemblerait l’ensemble des textes relatifs à la procédure
administrative non contentieuse, ce qui permettrait de les rendre
plus accessibles, de les simplifier et de les compléter suivant en
cela de nombreux exemples étrangers. Le projet a été inscrit à
un séminaire sur la réforme de l’État en septembre 1995 et a
été expressément prévu par une loi de simplification du droit du
9 décembre 2004 mais il n’aboutit pas : il est complexe à réaliser
et le Conseil d’État n’en voit pas l’utilité. L’idée est cependant
reprise par un comité interministériel de la modernisation de
l’action publique (CIMAP) du 18 décembre 2012. Elle fera l’objet
d’une habilitation du gouvernement à agir par ordonnance par la
loi du 12 janvier 2013. Une équipe pilotée par le Secrétariat géné-
ral du Gouvernement se met à l’ouvrage et le Code des relations
entre le public et l’administration (CRPA) sera publié au Journal
officiel du 25 octobre 2015 (ordonnance et décret du 23 octobre
2015) (24). Il entre en vigueur le 1er janvier 2016. Il rassemble

(24) Habilitation du gouvernement : art. 3 de la Loi n° 2013‑1005 du 12 janvier 2013 ; publica-


tion : ordonnance n° 2015‑1341 du 23 octobre 2015 pour la partie législative et décret n° 2015‑1342
du même jour pour la partie réglementaire.

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142 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

tous les textes antérieurs qui évolueront désormais sous la forme


de modification du code. C’est la forme que prendra notamment
la loi du 17 août 2018 pour un État au service d’une société de
confiance qui instaure le droit à l’erreur.

§ 2. Après le Code de procédure administrative


138. La loi du 17 août 2018 « pour un État au service d’une
société de confiance » (dite « Loi Essoc ») (25) est un texte « fourre-
tout » qui modifie le Code des relations entre l’administration et
les usagers sur de nombreux points. Il dépasse très largement le
« droit à l’erreur », qui était son objet initial, puisqu’il comprend
aussi de nombreuses mesures de simplification des formalités,
d’allègement des normes et de dématérialisation des procédures.
Dans un titre préliminaire, la loi renvoie à un document annexe
au statut juridique incertain, la « stratégie nationale d’orienta-
tion de l’action publique ». Ce texte pose des principes relatifs
aux relations entre l’administration et ses usagers, dont certains
présentent une formulation originale : association des personnes
intéressées, présomption de bonne foi, principe de simplicité,
systématisation des évaluations, limitation de l’édiction de
normes à ce qui est strictement nécessaire, proximité territo-
riale, dématérialisation de toutes les procédures au plus tard
en 2022, utilisation prioritaire des informations déjà détenues
par l’administration. À titre principal, la loi comporte des dis-
positifs originaux visant à instituer une « relation de confiance »
entre l’administration et ses usagers, en premier lieu, le droit à
l’erreur. Le droit à rectification, en cas d’erreur commise pour
la première fois ou sur demande de l’administration, est reconnu
sauf mauvaise foi (définie comme une méconnaissance délibérée
des règles applicables) ou fraude prouvée par l’administration
et en dehors des questions de santé, de sécurité des personnes
et des biens et d’environnement ou d’application du droit euro-
péen. Deuxième innovation, le droit au contrôle sur demande
dont les conclusions sont opposables à l’administration sur des
points précis sauf changement des circonstances ou nouveau
contrôle conduisant à de nouvelles conclusions. Des mesures
plus ponctuelles s’inscrivent dans cet esprit de confiance : les
intérêts de retard en matière fiscale sont réduits de 50 % en

(25) Loi n° 2018‑727 du 17 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance » (dite
« Loi Essoc »).

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les droits des usagers dans la procédure administrative 143

cas de rectification spontanée d’une déclaration ou de 30 %


en cas de régularisation après demande de l’administration ou
engagement d’un contrôle ; les prises de position, même tacites,
prises par l’administration lors d’un contrôle sont opposables ;
une ordonnance définira le régime d’examen à la demande de
la conformité à la législation fiscale des opérations d’une entre-
prise. Les données foncières détenues par les administrations
des finances et de l’urbanisme seront accessibles à tous. Les
circulaires de l’État non publiées sont abrogées et les circu-
laires publiées seront opposables, même en cas d’erreur ; les
documents administratifs publiés sur internet sont opposables.
Les procédures de rescrit et d’opposabilité sont étendues à de
nouveaux domaines (douanes, urbanisme, droit du travail…).
L’approbation, expresse ou tacite, d’un projet de prise de posi-
tion formulée par un administré sera expérimentée. Des cer-
tificats d’information décrivant, pour une activité, l’ensemble
des règles applicables sont opposables. Le tribunal administra-
tif pourra être saisi par l’administration à titre préventif pour
apprécier la légalité externe d’une décision non réglementaire.
Le recours à la transaction est encouragé par une limitation
de la responsabilité des fonctionnaires et la médiation devra
être généralisée. Différentes expérimentations sont prévues :
référents uniques ; guichet unique pour la politique de la ville ;
limitation de la durée des contrôles administratifs des petites
entreprises. Une procédure de rectification en matière de pres-
tations sociales indues est organisée. La dématérialisation des
procédures et l’échange de données entre administrations seront
généralisés. La procédure « dites-le nous en une seule fois »,
interdisant à l’administration de demander des renseignements
qu’elle ou une autre administration détient dans un traitement
automatisé, sera étendue à titre expérimental au bénéfice des
entreprises. Les numéros surtaxés sont interdits pour les ser-
vices publics. De nombreuses mesures devront être précisées par
ordonnances et par décrets. De nombreux rapports d’évaluation
devront être remis au Parlement, dont un sur l’application du
principe « silence vaut acceptation ». La Cour des comptes est
chargée spécifiquement d’une évaluation comptable et financière
des dispositifs de réduction des amendes et pénalités en matière
fiscale et douanière. Un conseil de la réforme et un comité de
pilotage sur le droit à l’erreur ont été annoncés. Enfin, la loi du
17 août 2018 contient d’autres dispositions qui perfectionnent

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144 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

les dispositifs antérieurs de simplification : ainsi les délais d’ins-


truction des demandes ne seront plus suspendus s’il manque une
pièce non essentielle au dossier.

DOCUMENT n° 15 : Loi n° 2018‑727 du 10 août 2018 pour un


État au service d’une société de confiance
Article 2. – Le code des relations entre le public et l’administra-
tion est ainsi modifié :
Art. L. 123‑1. – Une personne ayant méconnu pour la première
fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur
matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l’objet,
de la part de l’administration, d’une sanction, pécuniaire ou consis-
tant en la privation de tout ou partie d’une prestation due, si elle
a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été
invitée à le faire par l’administration dans le délai que celle-ci lui
a indiqué.
La sanction peut toutefois être prononcée, sans que la personne en
cause ne soit invitée à régulariser sa situation, en cas de mauvaise
foi ou de fraude.
Les premier et deuxième alinéas ne sont pas applicables :
1° Aux sanctions requises pour la mise en œuvre du droit de
l’Union européenne ;
2° Aux sanctions prononcées en cas de méconnaissance des règles
préservant directement la santé publique, la sécurité des per-
sonnes et des biens ou l’environnement ;
3° Aux sanctions prévues par un contrat ;
4° Aux sanctions prononcées par les autorités de régulation à
l’égard des professionnels soumis à leur contrôle.
Art. L. 123‑2. – Est de mauvaise foi, au sens du présent titre,
toute personne ayant délibérément méconnu une règle applicable à
sa situation.
En cas de contestation, la preuve de la mauvaise foi et de la
fraude incombe à l’administration.

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les droits des usagers dans la procédure administrative 145

Pour en savoir plus

Ouvrages

Chevallier J., Draï R. et Rangeon F., Communication


administration-administrés, CURAPP, PUF, 1983.
Conseil d’État, Les nouveaux droits des administrés, 1991.
CURAPP, Information et transparence administrative, Paris, PUF,
1988.
Delaunay B., L’amélioration des rapports entre l’administration et
les administrés. Contribution à l’étude des réformes administra-
tives entreprises depuis 1945, Paris, LGDJ, 1993.
Graber F, Inutilité publique. Histoire d’une culture politique fran-
çaise, Paris, Éditions Amsterdam, 2022.
Isaac G., La procédure administrative non contentieuse, Paris,
LGDJ, 1968.
Lasserre B., Lenoir N. et Stirn B., La transparence administra-
tive, Paris, PUF, 1987.
Prieur M., Les enquêtes publiques, quel avenir ?, Paris, La Docu-
mentation française, 1990.
RFAP, Politiques de transparence, Hélène M. (coord.), n° 165, 2018.
Wiener C., Vers une codification de la procédure administrative,
Paris, PUF, 1975.

Articles

Blatrix C., « La loi Barnier et le débat public, quelle place pour


les associations ? », Écologie et politique, n° 21, 1997.
Braibant G., « Droit d’accès et droit à l’information », in Service
public et libertés, Mélanges Charlier, E. Paul, 1981, p. 703.
Dandelot M., « Évolutions et enjeux du droit d’accès aux docu-
ments administratifs depuis la loi du 7 octobre 2016 pour une
République numérique », RFAP, n° 165, 2018, p. 127.
Delaunay B., « La loi du 12 avril 2000 relative aux droits des
citoyens dans leur relation avec les administrations », RDP,
2000, p. 1191.

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Chapitre 4. - Les droits des usagers dans la procédure administrative
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146 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Gallouedec-Genuys F. et Maisl H., « Le secret des fichiers »,


Cujas cahier, n° 13, 1976.
Gérard P., « L’administré dans ses rapports avec l’État », RFAP,
n° 168, 2018.
Holleaux A., « Les lois de la 3e génération des droits de l’Homme,
ébauche d’étude comparative », RFAP, n° 15, 1980, p. 527.
Leclerc J.-P., « Le rôle de la Commission d’accès aux documents
administratifs », RFAP, nos 137‑138, 2011, p. 171.
Lecocq P., « L’accès des administrés à l’administration ou des
rapports de l’administration avec ses usagers », RFAP, n° 26,
1983, p. 261.
Maisl H., Wiener C. et Woehrling J.-M., « Un décret ne fait pas
le printemps », AJDA, n° 3, p. 137.
Pissaloux J.-L., « Le renouveau du débat public », La Revue du
Trésor, 2003, p. 419.

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Chapitre 4. - Les droits des usagers dans la procédure administrative
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Chapitre 5.
LES SIMPLIFICATIONS ADMINISTRATIVES

139. Un autre volet de réformes juridiques est voué à un bel


avenir. C’est celui des simplifications administratives. La com-
plexité est inhérente à la vie en société et donc à l’administration
mais la tradition française est d’y répondre par une réglementa-
tion qui s’efforce de prévoir tous les cas possibles alors que, dans
d’autres pays, on préfère organiser des marges d’interprétation
et d’adaptation. Il s’ensuit une abondance de normes et une
inflation du contentieux. Selon l’OCDE et la Commission euro-
péenne, 400.000 textes sont en vigueur en France et génèrent un
coût de 60 milliards d’euros. Ce thème sera récurrent sur toute la
période. Les raisons de son succès sont multiples : La complexité
croissante des textes et des procédures menace la légitimité et
l’efficacité de l’action administrative. Le sujet est toujours
populaire comme en attestent les sondages qui citent presque
toujours la simplification comme première attente des usagers
(voy. n° 190). Enfin, du point de vue des politiques, la réalisation
des annonces de simplifications ne mobilise, à première vue, pas
de gros moyens. Cette action de réforme s’est progressivement
organisée. Son pilotage a été de mieux en mieux institutionnalisé
(section 1). Elle a pris la forme des « trains de simplifications »
formés d’une liste de mesures ponctuelles et de « chantiers » plus
systématiques (section 2). La lutte contre l’inflation normative
se rattache au thème de la simplification du droit (section 3).

Section 1. L e pilotage et la stratégie

140. Amorcé dès 1971 avec la création de la mission


« Entreprise-Administration », le mouvement prend une certaine
ampleur à la fin des années 1970, lorsque le ministre chargé des

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Chapitre 5. - Les simplifications administratives
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148 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Réformes administratives demande à chaque ministère, plus ou


moins enthousiaste, des listes de mesures de simplification des
textes, procédures et formalités administratives. Le médiateur,
dont les pouvoirs ont été élargis en 1976, participe à ce mou-
vement sous l’égide du Secrétariat général du Gouvernement
et aux côtés de quelques autres organismes tels que les Centres
interministériels de renseignements administratifs (CIRA). Par
ailleurs, le Centre d’enregistrement et de révision des formulaires
administratifs (Cerfa), créé en 1966, poursuit son action patiente
d’adaptation des formulaires administratifs et de formation des
concepteurs de formulaires (1).
141. Les simplifications deviennent un élément obligé des pro-
grammes de réforme ou de modernisation de l’administration.
Les domaines divers des relations avec les administrés sont dis-
tingués selon qu’elles concernent les entreprises, les particuliers
et les collectivités locales. Des institutions spécifiques sont créées.
La Commission de simplification des formalités des entreprises
(Cosiforme) est créée en 1983. En 1984, l’opération « faites abou-
tir une idée » destinée à collecter auprès du public et des agents
des propositions de simplifications recueillera 200.000 réponses.
Le décret du 18 décembre 1990 élargit le domaine d’activités et
renforce les pouvoirs de la Commission pour la simplification des
formalités (Cosiform), crée des commissions régionales de simplifi-
cations et organise un réseau de hauts fonctionnaires chargés des
simplifications et des relations avec le Médiateur. La commission
de simplification administrative (Cosa) construite sur le même
modèle que la Cosiform (une composition mixte de fonctionnaires
et de personnalités qualifiées) lui succède en 1998 (2). Le dispo-
sitif reste cependant morcelé. Il manque un système unifié et per-
manent de remontée et de suivi des propositions de simplification
émanant des services contentieux des ministères, du médiateur,
des juridictions et des préfets.

(1) Les formulaires, conception et réalisation des formulaires administratifs, M. Le Clainche (dir.),
ministère des Finances, Scom, 1982.
(2) Décret n° 83‑656 du 18 juillet 1983, décret n° 90‑1125 du 18 décembre 1990 et décret
n° 98‑1083 du 2 décembre 1998.

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Chapitre 5. - Les simplifications administratives
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les simplifications administratives 149

DOCUMENT n° 16 : Décret n° 90‑1125 du 18 décembre 1990


relatif aux simplifications administratives
Art. 1er. – La commission pour la simplification des formalités
incombant aux entreprises instituée par le décret no 83‑656 du
18 juillet 1983 prend le nom de commission pour la simplification
des formalités. Sa composition et ses attributions sont déterminées
conformément aux articles suivants.
Art. 2. – La commission pour la simplification des formali-
tés, placée auprès du Premier ministre, contribue à l’action du
Gouvernement en matière de simplification des formalités et des
procédures administratives et d’échange d’informations avec les
usagers.
Dans l’exercice de ses responsabilités, chaque ministre tient compte
des orientations et recommandations formulées par la commission.
Art. 11. – Il est institué auprès du préfet de région une commis-
sion régionale de simplification des formalités chargée de formuler à
l’intention des autorités déconcentrées et de la commission mention-
née à l’article 1er des avis et des propositions en matière de formalités
administratives et d’échange d’informations avec les usagers.
Art. 12. – Chaque ministre désigne par arrêté un responsable,
ayant rang de directeur d’administration centrale, de chef de service
ou de chef de corps d’inspection ou de contrôle, chargé de déve-
lopper les actions de son département ministériel en matière de
simplification des formalités administratives et d’amélioration des
relations avec les usagers. Ce responsable est notamment chargé
d’informer la commission pour la simplification des formalités de
la politique menée en ce domaine dans son département ministériel.
Il est également, au sein de celui-ci, le correspondant du Médiateur
de la République.
142. Les simplifications seront progressivement intégrées au
dispositif d’ensemble de la réforme administrative. L’un des trois
services créés en 2003 (décret n° 2003‑141 du 21 février 2003) est
la délégation aux usagers et aux simplifications administratives
qui deviendra un service de la Direction générale de la moder-
nisation de l’État en 2015. Elle est en charge de cette politique
et met en œuvre un programme de mesures et de réduction
des charges administratives qui sera suivi du programme des
« 100 simplifications » (2009-2012). Le Gouvernement a désigné
le 2 novembre 2010 un Commissaire à la simplification auprès

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du Secrétaire général du gouvernement. Il doit s’intéresser plus


particulièrement aux domaines des collectivités locales et des
entreprises en organisant des mesures préventives (études d’im-
pact, modes alternatifs de régulation…) et anime un réseau de
correspondants. Une circulaire du 17 février 2011 demande aux
ministres de limiter la charge administrative supportée par les
collectivités locales et les entreprises et crée une fiche d’impact
qui devra être communiquée au commissaire à la simplification.
À partir de 2012, les simplifications sont un élément permanent
des réformes administratives dans le cadre de la modernisation,
puis de la transformation de l’action publique.
143. Ces efforts sont parvenus à certains résultats. La répé-
tition de certains thèmes fait cependant planer un doute sur
l’efficacité de ces démarches qui ne sont parfois que des « demi-
mesures ». La complexité ressentie est toujours très forte et le
souhait d’une administration moins compliquée vient toujours
dans les sondages parmi les demandes les plus insistantes des
citoyens (voy. n° 190).
144. L’approche des simplifications est devenue plus gestion-
naire. Les collections de mesures ponctuelles, groupées ou non
en trains de simplifications, sont de plus en plus complétées par
des tentatives de réflexion plus globale visant à mieux gérer la
production des normes. Au-delà des propositions ponctuelles, des
thèmes de complexité ont peu à peu été identifiés sur lesquels il
convenait de faire porter un effort systématique de correction
et parfois même de prévention : par exemple, les délais anor-
malement longs et non symétriques entre ce qui est imposé à
l’usager et ce que l’administration s’octroie, les demandes d’infor-
mations redondantes, les effets de seuil… Des rapports ont éclairé
le gouvernement dans la recherche de méthodes plus efficaces que
les listes demandées aux ministères ou suggérées par quelques
commissions. En 1995, le rapport Langenieux-Villard intitulé :
« L’administration en questions : comment simplifier les relations
entre l’usager et l’administration ? » propose de « débureaucrati-
ser sans désadministrer » et illustre son propos par une vingtaine
de propositions de simplification dont la carte d’identité à puce,
la déclaration annuelle de situation des particuliers et la réforme
des structures de simplification. En 2013, le rapport Mandon, inti-
tulé « Mieux simplifier : la simplification collaborative » invente
la méthode collaborative qui propose une démarche rationnelle

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et pilotée de simplification reposant sur la concertation, la pla-


nification et l’évaluation. Des éléments de méthodologie ont peu
à peu émergé : grands chantiers de simplification thématiques,
études d’impact, diffusion de méthodes de légistique, formation à
la lisibilité des textes administratifs, association de représentants
des usagers, et même recours aux neurosciences (voy. n° 192).
La stratégie a nettement évolué depuis les premiers trains de
simplification jusqu’à une approche de gestion préventive de la
simplicité administrative. L’approche managériale des réformes
a donc eu une certaine influence sur l’approche juridique qui a
perduré en s’adaptant. Elle a même été transposée au niveau
européen dans le cadre du programme pour une réglementation
affûtée et performante (Refit).
145. Malgré cette évolution, d’une approche purement juri-
dique vers une approche plus gestionnaire des simplifications,
les complications de la vie administrative ne font que croître et
justifient l’objection souvent entendue selon laquelle cet échec
des simplifications n’est que le reflet d’une complexification crois-
sante de la société. Ce qui est exact mais ne suffit pas à invalider
les actions de simplification. Si la complexité est inéluctable dans
le fonctionnement de la société contemporaine, il appartient à
l’administration de gérer ses propres complexités et d’en épargner
la charge aux usagers, entreprises et particuliers. Il faut donc
encore aller plus loin dans une optique gestionnaire en dévelop-
pant des mesures préventives plutôt que de mettre en valeur des
simplifications curatives a posteriori : suppression de formalités,
droit souple, définitions d’objectifs plutôt que de procédures,
plus large autonomie laissée aux services… Ainsi la Commission
Efficacité de l’État du Xe Plan (3) a esquissé le concept de
droit-cadre : « La règle doit désormais encadrer l’action et non
prescrire les moindres décisions. Un droit nouveau doit ainsi,
avec de nouvelles règles budgétaires et comptables, faire pas-
ser l’administration de l’État de procédure à l’État de respon-
sabilité ». La Commission déduit de cette orientation plusieurs
recommandations : accélérer et étendre la codification, plafonner
le nombre de circulaires émises au sein de l’exécutif et, ce qui est
plus original, mettre en œuvre « une conception nouvelle du droit
qui pourrait se traduire par des textes formulant des objectifs

(3) Commissariat général au Plan, Le parti de la responsabilité, Rapport de la Commission


Efficacité de l’État, présidée par François de Closets, Paris, La Documentation française, Payot, 1989.

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et des notions plus que des prescriptions et des procédures et


donnant une plus grande marge d’autonomie aux acteurs » : un
droit-cadre, plus explicite sur les objectifs, laissant plus de marge
de manœuvre au niveau de l’exécution et dont l’application est
évaluée et, si nécessaire, infléchie. Le Conseil d’État a procédé à
diverses études pour étudier le large champ du domaine possible
du droit – cadre et du droit souple (4). L’idéal serait de passer
de l’impossible gestion des complications au management de la
simplicité. Le développement de l’administration numérique va
assez largement renouveler le sujet. La dématérialisation est un
puissant moteur de rationalisation des procédures et formalités
mais recèle d’autres dangers, notamment celui de laisser à l’écart
les personnes qui ne peuvent s’adapter à des services publics par-
tiellement ou totalement dématérialisés.

S ection 2. L es mesures de simplification .

146. L’action de simplification a pris dans un premier temps la


forme de collections de mesures : les trains de simplification (§ 1).
Après un déclin dû à la montée des conceptions managérialistes
de la réforme administrative, les simplifications ont trouvé leur
place dans les programmes de modernisation de l’action publique,
puis de la transformation de l’action publique (§ 2).

§ 1. Les premiers « trains » de simplification (1977‑2012)


147. Le premier programme de simplification du 21 septembre
1977 comportait 101 mesures. Les « trains » se sont succédé rapi-
dement : 41 mesures en 1978, 66 en 1979, 48 en 1980, 141 le
18 février 1981. Après les 430 mesures adoptées entre 1977 et
1981, on estime à 164 celles annoncées de 1984 à 1987. En outre,
des lois regroupant des « mesures d’ordre diverses » comme le
titre 2 de la loi du 17 juillet 1978 sont préparées. Les proposi-
tions sont hétéroclites, d’importance très inégale, souvent très
ponctuelles. Elles visent cependant à rééquilibrer les relations
de l’administration avec les usagers. Ainsi le médiateur propose
l’amélioration de la rédaction de plusieurs formulaires ou docu-
ments administratifs (certificat d’urbanisme…), le renforcement
des garanties en cas de contentieux des taxations téléphoniques,

(4) Notamment, Conseil d’État, Le droit souple, 2013.

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et se bat aux côtés de la CADA pour la communication des copies


d’examen après correction. Des « chantiers » sont lancés pour une
action plus systématique : harmonisation des seuils fiscaux et
sociaux, remplacement des originaux par des photocopies, har-
monisation des délais, centre unique de formalités pour la créa-
tion d’entreprises, lutte contre l’inflation normative.
148. En 1992, le ministère de la Fonction publique ajoute à la
« charte des services publics » un train de 89 mesures de simpli-
fications auquel les ministères ont été appelés à contribuer avec
beaucoup d’énergie par le cabinet du Premier ministre. Parmi
celles-ci : la prolongation de la durée de validité de la carte d’as-
suré social d’un à deux ans, l’amélioration du régime de sécurité
sociale des travailleurs saisonniers ou intermittents, le renouvel-
lement et l’envoi sans formalités de la vignette automobile gra-
tuite au domicile des handicapés. Au fil de l’eau d’autres projets
aboutissent. Il s’agit par exemple de supprimer des documents ou
procédures fréquemment exigées et pourtant peu utiles. Ainsi, les
fiches d’état civil, individuelles et familiales, ont été supprimées,
de même que l’obligation de présenter des justificatifs de domicile
dans un grand nombre de procédures (décret du 26 décembre
2000). Par ailleurs, la certification conforme à l’original des copies
de documents officiels a été largement abandonnée (décret du
1er octobre 2001) (5).

TÉMOIGNAGE n° 6 : Les objections des administrations aux


mesures de simplification
Lorsque j’étais délégué auprès du Médiateur de la République,
j’instruisais les propositions de réformes et les présentais en réunion
interministérielle. Les représentants des administrations n’étaient
jamais spontanément d’accord et émettaient des objections quasi
systématiques. J’en avais établi une petite liste :
– le ou les cas cités par le Médiateur sont très exceptionnels
– la réforme serait très compliquée à mettre en œuvre
– la réforme serait coûteuse
– la réforme est inutile
– l’informatique ne permet pas de faire la réforme
– la réforme est déjà faite.

(5) Décret n° 2000‑1277 du 26 décembre 2000 pour les deux premières mesures et décret
n° 2001‑899 du 1er octobre 2001.

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Il fallait alors poursuivre l’instruction pour apprécier la valeur


de ces arguments ou pour adapter la proposition, la différer, voire
l’abandonner.
La réponse « La réforme est déjà faite » comme objection à une
proposition de simplification peut paraître étonnante. Je l’ai pour-
tant entendue lorsque je représentais le ministère des Finances dans
les réunions interministérielles de préparation de la charte des ser-
vices publics à propos de la proposition de renouvellement automa-
tique de la vignette gratuite pour les personnes handicapées. À la
demande de la direction générale des impôts, je me suis opposé à
cette mesure proposée par un service du Premier ministre en invo-
quant les arguments habituels (risque de fraude, difficultés d’appré-
cier si un examen médical est justifié ou non, coût, informatique…).
L’arbitrage ayant été rendu, le service m’a avoué que « la réforme
était déjà faite » et expressément prévue dans un bulletin officiel.
Il a fallu remplacer dans le communiqué final « La formalité sera
supprimée » par « La dispense de formalité sera généralisée ».

§ 2. Le renouveau des simplifications après la RGPP

a) Les simplifications dans le cadre de la modernisation de l’action


publique (2012‑2017)
149. L’effort de simplification est accentué sous la présidence
de François Hollande mais avec des méthodes plus perfection-
nées. Le Président de la République ayant annoncé le 28 mars
2013 un « choc de simplification », le gouvernement Ayrault lance,
dans le cadre de la modernisation de l’action publique, un vaste
programme qui repose sur des analyses d’évènements de la vie
des particuliers et des entreprises (exemples : naissance, mariage,
exportation, recrutement) et sur de larges consultations externes
et internes, en ligne et sur le terrain. Un conseil de la simplifica-
tion pour les entreprises est créé en 2014 à la suite du rapport
Mandon. La co-construction et l’expérimentation sont organisées.
Deux lois visant les relations avec les citoyens (loi du 12 novembre
2013) et les entreprises (loi du 2 janvier 2014) (6) habilitent le
gouvernement à prendre des mesures de simplification.

(6) Loi n° 2013‑1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations
entre l’administration et les citoyens et loi n° 2014‑1 du 2 janvier 2014 d’habilitation du gouverne-
ment pour simplifier la vie des entreprises.

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150. Une initiative originale de simplification de la réglemen-


tation connait un succès mitigé : la règle « le silence vaut accep-
tation » posée par la loi d’habilitation du 12 novembre 2013
présentée comme « une révolution juridique ». Elle avait pour
objet de simplifier la règle complexe du « silence vaut rejet »
issue de la jurisprudence et qui avait une fonction purement
contentieuse. Mais le dispositif nouveau, qui n’était simple
qu’en apparence, a dû faire l’objet de très longues listes d’ex-
ceptions (2.400 exceptions dans 14 décrets publiés au JO du
1er novembre 2014).
151. Les comités interministériels de modernisation de l’action
publique publieront régulièrement des programmes de simplifica-
tion. À titre d’exemple, le CIMAP du 17 juillet 2013 se réfère à un
programme pour les années 2014, 2015 et 2016 avec quatre objec-
tifs : accélérer le développement des entreprises, faciliter la vie
des particuliers, mieux protéger les territoires et alléger le travail
des administrations. La méthode se veut novatrice : « transpa-
rente, collaborative et pragmatique ». Les mesures les plus impor-
tantes sont l’annonce de la règle « le silence de l’administration
vaudra désormais accord », les orientations d’un programme
pluriannuel inspiré du rapport Mandon et organisé autour des
moments-clés de la vie des entreprises, diverses mesures pour
les particuliers (prolongation de la validité de la carte nationale
d’identité de dix à quinze ans, dossier unique de demande de loge-
ment social), enfin, des mesures de simplification sont présentées
comme bénéficiant à l’administration elle-même : suppression de
68 commissions supplémentaires (après 100 suppressions par le
CIMAP du 18 décembre 2012) et limitation du volume des circu-
laires ministérielles, renommées « instructions du Gouvernement »
à cinq pages maximum. L’effort sera poursuivi et fait l’objet de
points réguliers. Un document synthétique d’octobre 2016 pré-
sente le bilan des démarches de simplification : 415 mesures pour
les entreprises proposées par le Conseil pour la simplification des
entreprises et 211 mesures pour les particuliers préparées par des
enquêtes, des consultations en ligne ou des ateliers avec les usa-
gers. Parmi les simplifications significatives pour les entreprises :
allègement des obligations comptables des petites entreprises,
facturation électronique pour les fournisseurs de l’administra-
tion, titre emploi-services, marchés publics simplifiés, déclaration
sociale nominative, rescrit pour le crédit impôt-recherche… Pour

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les particuliers : simulateur des droits à prestation sociale, timbre


dématérialisé, dépôt de plaintes en ligne, inscription dématéria-
lisée à l’examen du permis de conduire… On voit que la déma-
térialisation des procédures commence à prendre la place des
simplifications juridiques traditionnelles.

DOCUMENT n° 17 : Bilan des mesures de simplification. Compte


rendu du conseil des ministres du 3 février 2016
La secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simpli-
fication a présenté une communication relative à la mise en œuvre
des mesures de simplification.
En mars 2013, le Président de la République a engagé un « choc
de simplification ».
Un État plus simple, c’est un État plus juste et plus réactif,
qui contribue à la compétitivité de l’économie de la France et à
l’attractivité du territoire.
Les prochaines mesures de ce programme seront annoncées ce
jour par le Premier ministre, en présence de cinq ministres et des
membres du conseil de simplification pour les entreprises.
Le Gouvernement a engagé un vaste programme de simplification.
Plus de 450 mesures ont été retenues depuis 2013 : 325 pour les
entreprises et 132 pour les particuliers. Près de 70 % d’entre elles
auront été mises en œuvre avant la fin du premier trimestre 2016.
Simplifier, c’est adapter les services publics aux nouveaux usages,
grâce au développement des procédures en ligne, de la dématériali-
sation, de la mise en place de guichets uniques…
Simplifier, c’est améliorer la compétitivité des entreprises et
contribuer au développement de l’activité économique et de l’emploi.
Chacune des étapes de la vie d’une entreprise, de sa création à sa
transmission ont été examinées. Grâce à la dématérialisation des
procédures, la durée moyenne pour créer une entreprise a diminué
de 40 %. Elle est désormais de 4 jours en France, alors qu’il en
faut 11 en Allemagne, 6 aux USA et 5 en Royaume-Uni (selon les
chiffres de l’observatoire de la banque mondiale).
Plusieurs chantiers ont été privilégiés. Un effort particulier a été
porté aux normes de construction dans le secteur du logement et aux
délais d’instruction des projets. Les obligations déclaratives (décla-
ration sociale nominative, titre emploi service entreprise (TESE)

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les simplifications administratives 157

élargi au moins de 20 salariés, fiche de paie) ont également été


modernisées. Les règles relatives à la création et au fonctionnement
des sociétés anonymes ont été assouplies.
Le Gouvernement poursuit avec détermination son programme de
simplification : près de 170 nouvelles mesures vont être présentées
ce mercredi 3 février, portant à plus de 600 (620) le nombre de
mesures prises depuis 2013 :
90 sont proposées par le Conseil de simplification pour les entre-
prises ;
80, à l’initiative des ministères, concernent les particuliers.
Au cours des prochains mois, de nouvelles mesures intervien-
dront notamment dans le champ de l’activité économique et de
l’emploi à la suite des annonces du Président de la République
au Conseil économique, social et environnemental le 18 janvier
dernier.
152. Un important chantier a été poursuivi pendant toute
la période étudiée et a abouti au cours des dernières années :
la réforme des marchés publics. Les dispositions applicables
aux marchés publics sont apparues depuis longtemps lourdes,
génératrices de retards et de surcoûts dommageables aussi bien
pour les entreprises que pour les administrations. Pourtant, des
dispositions précises sont indispensables pour garantir la libre
concurrence, la qualité de l’achat public et l’absence de fraudes.
L’idée de renforcer la responsabilité des acheteurs publics, de
simplifier les formalités, de relever les seuils de procédures forma-
lisées et de codifier l’ensemble des dispositions relatives aux mar-
chés, aux contrats de partenariat et aux concessions ont inspiré
diverses réformes partielles en 1997, 2004 et 2009. S’y est ajoutée
la nécessité de transposer la directive européenne du 24 février
2014. En définitive, une réforme importante est intervenue par
le décret du 25 mars 2016 (7) et le code de la commande publique
est publié au Journal officiel du 5 décembre 2018 (8) (ordonnances
du 26 novembre 2018 et décret du 3 décembre 2018) pour une
entrée en vigueur au 1er avril 2019. Un décret du 2 mai 2022 (9)
organise l’introduction de critères écologiques dans la commande
publique.

(7) Décret n° 2016‑360 du 25 mars 2016.


(8) Ordonnances n° 2018‑1074 et 1075 du 26 novembre 2018 et décret n° 2018‑1075 du 3 décembre
2018.
(9) Décret n° 2022‑767 du 2 mai 2022.

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b) Les simplifications dans la transformation de l’action publique


(2017‑2022)
153. Cet effort se poursuit dans le cadre de la transformation
de l’action publique à partir de 2017. Dans sa circulaire du 26 sep-
tembre 2017 relative au plan « Action publique 2022 », le Premier
ministre annonce un chantier transversal sur « les simplifications
administratives et la qualité du service rendu » qui sera précisé
par une circulaire du 12 janvier 2018. Des plans de simplification
systématique sont demandés aux ministres. Les comités intermi-
nistériels de la transformation publique comprennent systéma-
tiquement un volet « simplification et amélioration de la qualité
de services » avec certaines orientations permanentes : règle du
« un pour un » (une suppression de formalités, de textes ou de
commissions administratives pour une création), puis du « deux
pour un » ; développement du numérique (programmes « Dites-le
en une seule fois » et France connect) ; suppression d’organismes ;
mesures de déconcentration ; limitation du nombre de circu-
laires… Ces dispositifs sont proches des trains de simplifications
des années soixante-dix avec, cependant, outre les dispositions
normatives, des éléments de gestion plus développés : concerta-
tion, prévention et mesure de la complexité, recherches d’alter-
natives à la réglementation. Des simplifications notables sont
aussi intervenues dans le domaine fiscal : retenue à la source de
l’impôt sur le revenu, numérisation des droits de timbre, unifica-
tion des modes de recouvrement (voy. nos 378 et s.). La perspec-
tive d’une « solidarité à la source », attribuant automatiquement
certaines aides sociales (RSA, prime d’activité), a été évoquée
par le Président de la République en octobre 2022.
154. La loi du 17 août 2018 « pour un État au service d’une
société de confiance » modifie le code des relations entre l’admi-
nistration et les usagers sur de nombreux points. Elle dépasse très
largement le « droit à l’erreur », qui était son objet initial (voy.
nos 138‑139), puisqu’elle comprend aussi de nombreuses mesures
de simplification des formalités, d’allègement des normes et de
dématérialisation des procédures dans des domaines divers :
l’état civil (dématérialisation des actes gérés par les Affaires
étrangères et expérimentation de la suppression de justificatif de
domicile pour l’obtention de passeport, carte d’identité, permis
de conduire et certificat d’immatriculation), les obligations des
associations cultuelles, la construction (création d’un « permis de

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faire » permettant de déroger à certaines normes s’il est prouvé


que des résultats sont équivalents seront atteints), l’accueil de
la petite enfance, la participation de proches aidant aux services
à la personne, la fusion et le rapprochement d’établissements
d’enseignement supérieur, les enquêtes publiques (pouvant être
remplacées par la consultation électronique si le projet a déjà fait
l’objet d’une consultation antérieure sous l’égide d’un garant),
les enquêtes environnementales (possibilité de dispense en cas de
modification ou d’extension d’ouvrages), les autorisations d’ou-
vrages de production d’énergie (éolien en mer, éolien terrestre,
géothermie, réseaux), le spectacle vivant.
155. L’opération « Simplifions ensemble », s’adressant aux
fonctionnaires, s’est déroulée du 18 février au 15 avril 2019.
19.000 propositions et 1.650.000 votes ont été enregistrés sur
le site dédié. Le Comité interministériel du 20 juin 2019 a pris
en considération les principaux thèmes : services de proximité,
déconcentration, réduction du nombre d’échelons hiérarchiques,
simplification des textes et des formulaires. Quatre sujets devront
être approfondis : l’autonomie des agents, l’informatique et l’en-
vironnement de travail, la simplification des procédures internes,
la communication interne.
156. Deux exemples d’avancées témoignent d’une méthode
radicale de simplification. L’ordonnance du 12 juin 2018 (10),
ratifiée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020,
harmonise à droit constant les définitions des revenus utilisées
pour l’assiette des cotisations de sécurité sociale, de la contribu-
tion sociale généralisée et de la contribution à la réduction de la
dette sociale. La loi Pacte du 22 mai 2019 (11) comporte plu-
sieurs mesures de simplification, notamment une répartition des
199 seuils d’effectifs applicables aux entreprises en trois niveaux :
11, 50 et 250 salariés.
157. La loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplifica-
tion de l’action publique (ASAP comme « as soon as possible ») (12)
a été publiée au Journal officiel du 8 décembre. C’est une fois
de plus un texte touffu et complexe qui escompte simplifier la

(10) Ordonnance n° 2018‑474 du 12 juin 2018.


(11) Loi n° 2019‑486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entre-
prises (loi Pacte).
(12) Loi n° 2020‑1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique
(ASAP).

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vie administrative par l’adaptation du droit. Le Conseil consti-


tutionnel dans une décision du 3 décembre a annulé d’office
26 articles introduits en première lecture comme cavaliers légis-
latifs et a validé les dispositions contestées relatives à la com-
mande publique (augmentation à 100.000 d’euros du seuil de
dispense de mise en concurrence et de publicité pour les marchés
de travaux jusqu’au 31 décembre 2022, nouveau « motif d’intérêt
général » pour pouvoir conclure un marché sans appel d’offres, ni
publicité préalable et possibilité pour le gouvernement de déro-
ger au code des marchés en cas de circonstances particulières et
au droit de l’environnement, allégé pour faciliter les implanta-
tions industrielles). Doté, lors de sa présentation en février, de
cinquante articles de simplification administrative s’inscrivant
dans le prolongement du grand débat national et de la loi Essoc
du 18 août 2018 (rationalisation des commissions administra-
tives ; déconcentration des décisions individuelles, notamment
dans le domaine de la santé ou de la culture ; simplification de
démarches : suppression de justificatifs de domicile, inscription
en ligne au permis de conduire), le projet voté en comprenait
150. Ce texte « fourre-tout » traite, par exemple, de l’information
des maires sur l’implantation d’éoliennes, de la vente en ligne de
médicaments ou de la réforme de l’Office National des Forêts.
158. En août 2020, le Premier ministre indiquait que le Plan
de relance sera accompagné d’un effort particulier de simplifica-
tion : guichet unique au ministère de l’Économie, des Finances
et de la Relance ; allègement de certaines obligations des entre-
prises ; relèvement des seuils de marchés publics ; pérennisation
de certaines mesures d’urgence.
159. Des simplifications ciblées sont intégrées au programme
« services publics + » présenté en 2021, en particulier, la simpli-
fication radicale de 10 démarches et de 100 formulaires « de la
vie quotidienne ».

DOCUMENT n° 18 : Accélération et simplification de l’action


publique. Conseil des ministres du 5 février 2020
Le ministre de l’Économie et des Finances, le ministre de l’Action
et des Comptes publics, la secrétaire d’État auprès du ministre de
l’Économie et des Finances et le secrétaire d’État auprès du ministre
de l’Action et des Comptes publics ont présenté le projet de loi
d’accélération et de simplification de l’action publique.

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Ce projet de loi, qui constitue une nouvelle étape de la trans-


formation de l’action publique engagée à la suite du grand débat
national, met en œuvre des engagements majeurs du Gouvernement :
rapprocher l’administration du citoyen, simplifier les démarches
des particuliers et faciliter le développement des entreprises, en
accélérant les procédures administratives.
Le Gouvernement s’est engagé, lors du dernier comité interminis-
tériel de la transformation publique, à supprimer 86 commissions
consultatives. Ce travail a été entamé avec les décrets des 18 et
30 décembre 2019 et se poursuit avec ce projet de loi qui supprime
ou regroupe 18 commissions consultatives pour lesquelles une dispo-
sition législative est nécessaire. À ce jour, 53 commissions ont déjà
été supprimées. Ce travail de rationalisation permettra d’améliorer
la qualité des textes, de raccourcir les délais, en supprimant des
consultations devenues purement formelles, de dégager du temps
administratif pour un meilleur accueil des usagers, et de dévelop-
per de nouveaux modes de consultation plus ouverts à la société.
Parallèlement, et pour rapprocher le service public des usagers, plus
de 99 % des décisions administratives individuelles seront désor-
mais prises au niveau déconcentré. Parmi celles-ci, une quinzaine
nécessitent une disposition législative.
Dans le prolongement de cette réforme de l’administration, les
dispositions du projet de loi mettent en place des mesures facilitant
les démarches des Français dans différents domaines de la vie quoti-
dienne. À titre d’exemple, les particuliers n’auront plus à produire
de justificatifs de domicile pour l’obtention de certains titres comme
les cartes d’identité ou les permis de conduire. Ce projet de loi met
également en place une procédure modernisée d’inscription à l’exa-
men pratique du permis de conduire, qui bénéficiera aux candidats
grâce à une gestion plus fluide des inscriptions. Autre disposition
de ce texte, la pratique sportive des enfants sera encouragée et du
temps médical sera préservé en mettant fin, dans certaines situa-
tions, à l’obligation de délivrance d’un certificat médical de non
contre-indication à la pratique sportive. Le projet de loi facilite
aussi les formalités d’ouverture d’un livret d’épargne populaire,
puisqu’il reviendra à l’administration fiscale de contrôler les condi-
tions d’éligibilité de toute personne souhaitant ouvrir un tel compte.
Les entreprises bénéficieront également de mesures de simplifi-
cation. Dans le domaine industriel, le projet de loi permettra de
simplifier et mieux articuler les procédures administratives afin

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d’accélérer les installations industrielles et développer l’activité et


l’emploi sur les territoires. Ces dispositions s’inscrivent dans le
cadre des travaux menés sur le pacte productif. Il s’agit d’apporter
plus de sécurité juridique aux porteurs de projets face aux éven-
tuelles évolutions normatives en cours de procédure, de mieux piloter
la procédure au plus près du terrain, et d’accélérer certains délais
tout en maintenant les exigences environnementales ou d’urbanisme.
Cela est notamment possible en anticipant les procédures d’instal-
lation à travers la mise à disposition de sites «clé en main».

S ection 3. L a lutte contre l ’ inflation normative

160. L’excès quantitatif de textes applicables est évidemment


une des causes des complications ressenties par les administrés :
incertitude sur le droit en vigueur ; risques de confusions, de
malentendus et de contentieux… La mesure de l’inflation nor-
mative est toujours imprécise. Le nombre de pages du Journal
officiel serait passé de 11.944 pages imprimées en 1973 à 30.567
(équivalent papier) en 2021. Mesuré en nombre de mots, le volume
des textes en vigueur aurait doublé en 20 ans : de 22,8 millions en
2002 à 44,1 millions en 2022 (13). Plus précisément, l’indicateur
du suivi de l’activité normative, annoncé le 17 janvier 2006 et
publié annuellement par le Secrétariat général du Gouvernement,
recense pour l’année 2021 : 67 lois promulguées (47 en 2020) ; 91
ordonnances (125) ; 1.843 décrets réglementaires publiés (1.773) ;
151 circulaires enregistrées par Légifrance (123 en 2020 ; 1306
en 2018). Au total, sont en vigueur 88.572 articles législatifs et
243.793 articles réglementaires.
161. La lutte contre l’inflation normative est poursuivie avec
constance mais toujours avec une certaine inefficacité. La codi-
fication a le mérite de rendre les dispositions juridiques plus
accessibles. Elle a été relancée par la création de la Commission
supérieure de codification en 1989 (décret du 12 septembre 1989).
La publication des codes a été accélérée par l’autorisation don-
née au gouvernement de les publier par ordonnances (loi du
16 décembre 1999) (14). 77 codes sont en vigueur au 1er mars 2022,

(13) Ch. Eoche-Duval, « Un “mal français”, son “é-norme” production juridique ? », Revue de
droit public, n° 2, 2022 et Le Monde du 5 août 2022, p. 28. Une autre source, qui estime les volumes
en pages PDF, aboutit à des proportions semblables : 33.997 en 2004 à 83.270 en 2021.
(14) Décret n° 89‑647 du 12 septembre 1989 et loi 99‑1071 du 16 décembre 1999.

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parmi les plus récents qui intéressent les sujets traités dans cet
ouvrage : le Code des relations entre le public et l’administration
publié en 2015, le Code de la commande publique en 2018, le Code
général de la fonction publique en 2021 et le Code des impositions
sur les biens et services en 2022.
L’encadrement de la production de normes a fait l’objet de
plusieurs dispositifs : études d’impact préalables à l’édiction
de nouvelles normes, obligation de supprimer une ou plusieurs
normes anciennes pour pouvoir en créer de nouvelles, moratoires
pour figer la réglementation, évaluation ex post de la qualité de
la législation. De nombreux textes sont intervenus : circulaires
du 26 juillet 1995, du 21 novembre 1995 et du 26 janvier 1998
relative aux études d’impact des projets de lois et de décrets
en Conseil d’État, loi organique du 15 avril 2009 (15) qui définit
précisément les études d’impact des projets de loi, circulaires
des 26 août 2003 et 30 septembre 2003 relatives à la maîtrise
de l’inflation normative, circulaire du 6 juillet 2010 relative au
moratoire concernant les collectivités territoriales, circulaire du
17 février 2011 concernant les entreprises et les collectivités ter-
ritoriales. Ces deux secteurs sont particulièrement sensibles car
ils concernent des organisations qui ont la capacité de s’exprimer
publiquement. Les normes applicables aux collectivités locales
ont fait l’objet de plusieurs rapports du Sénat. Une mission
de lutte contre l’inflation normative, sur la simplification du
stock des normes en vigueur et sur la gestion du flux des nou-
velles règles, a été confiée à MM. Alain Lambert et Jean-Claude
Boulard par le premier CIMAP du 18 décembre 2012 (16). La
Commission consultative d’évaluation des normes, créée en 2007
auprès du Comité des finances locales, a été transformée par la loi
du 17 octobre 2013 en Conseil national d’évaluation des normes
qui peut être saisi par le Gouvernement, les commissions parle-
mentaires, des collectivités territoriales ou s’autosaisir (17).
162. Deux circulaires du 17 juillet 2013 organisent à nouveau
l’évaluation préalable des textes réglementaires et instaurent un
« gel » par application de la règle « une suppression gage la création
d’un nouveau texte ». Une circulaire du 12 octobre 2015 précise

(15) Loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 prise pour l’application de l’article 39 de la
Constitution relatif aux études d’impact des textes législatifs.
(16) J.-C. Boulard et A. Lambert, Rapport de la mission de lutte contre l’inflation normative, 2013.
(17) Loi n° 2013-921 du 17 octobre 2013.

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une fois de plus l’obligation et le champ des études d’impact pré-


alables à l’édiction de normes ayant un impact significatif sur les
particuliers, les entreprises, les collectivités territoriales et les
services déconcentrés. D’autres circulaires prescrivent des fiches
d’impact des normes sur l’égalité entre les femmes et les hommes
ou sur la jeunesse, ainsi que des « tests PME ». Le Conseil d’État
dans son rapport de 2016 sur la simplification et la qualité du
droit constate que, depuis 25 ans, les mesures prises n’ont pas
permis d’améliorer la qualité du droit. Il formule de nouvelles
propositions pour maîtriser l’emballement de la production nor-
mative, notamment en améliorant les dispositifs d’études d’im-
pact et d’évaluations (18).
163. Après 2017, le sujet est repris par le nouveau gouver-
nement : une circulaire du Premier ministre du 26 juillet 2017
relative à la maîtrise des textes réglementaires et à leur impact
pose quatre règles : toute nouvelle norme réglementaire doit se
traduire par la suppression ou, subsidiairement, par la simplifi-
cation de deux normes équivalentes dans le même domaine (règle
des 2 pour 1), les études d’impact doivent être intensifiées et
améliorées, la transposition des directives européennes doit être
limitée à ce qui est juridiquement nécessaire, les projets de loi
ne doivent contenir que des dispositions normatives. Pour les
collectivités territoriales, un rapport est confié à MM. Lambert
et Goulard sur la simplification du stock de normes qui leur sont
applicables (19). Une circulaire du 12 janvier 2018 relative la
simplification du droit et des procédures en vigueur lance un
chantier « simplification et qualité du droit » et demande à chaque
ministre d’établir un plan de simplification.
164. Le Sénat a créé un dispositif particulier pour l’allègement
du stock de lois : un bureau d’abrogation des lois anciennes et
inutiles (Balai) passe la législation au peigne fin et, après consul-
tation du Conseil d’État, propose des lois d’abrogation. Deux ont
été votées abrogeant 174 textes en 2019 et 2022 (20).
165. En application de l’article 20 de la loi n° 2018‑727 du
10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance,
un décret n° 2018‑1047 du 28 novembre 2018 organise le nouveau

(18) Conseil d’État, Simplification et qualité du droit, 2016.


(19) J.-C. Boulard et A. Lambert, Rapport du Conseil national d’évaluation des normes appli-
cables aux collectivités territoriales, 2018.
(20) Lois n° 2019‑1332 du 11 décembre 2019 et n° 2022‑171 du 24 février 2022.

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régime de publication des circulaires et instructions applicable


au 1er janvier 2019. La publication sur un site internet officiel
doit intervenir dans un délai de quatre mois après la signature
du texte sous peine d’abrogation automatique. Le décret rap-
pelle que le contenu des circulaires, instructions, notes et réponses
ministérielles est opposable à l’administration sauf s’il fait obs-
tacle à une règle protégeant la santé publique, la sécurité des
personnes et des biens ou l’environnement. Le stock de circulaires
devra être publié dans les mêmes formes avant le 1er mai 2019.
166. L’indicateur de suivi de l’activité normative du Secrétaire
général du Gouvernement n’enregistre des progrès que sur le
nombre de circulaires. L’accumulation des institutions, des
mesures, des rappels démontre les limites de cet exercice (21).
L’excès de complication et de réglementation ne peut être
combattu avec succès que si on s’intéresse aux causes du mal.
À défaut, les complications s’accroissent toujours plus vite que
les simplifications. Une orientation radicale est celle qui prône la
« déréglementation », portée un temps par la vague néo-libérale
et recommandée par l’OCDE. Elle est illusoire car les expériences
de la Grande-Bretagne et des États-Unis montrent que le libéra-
lisme économique ne s’accompagne pas automatiquement d’une
réduction du volume des normes et qu’il demande, lui aussi, des
règles particulières (par exemple en matière de fiscalité des entre-
prises).
Il est cependant toujours utile de s’interroger sur la nécessité
et l’opportunité de réglementations nouvelles et de se garder de
quelques illusions telles que la croyance en la toute-puissance de
l’intervention étatique dans tous les domaines, la certitude que
la norme peut tout prévoir, la passion de l’égalité et, parado-
xalement, l’excès de demandes d’adaptation et de dérogations.
Outre un suivi plus précis et un encadrement plus contraignant,
la simplification des normes et la limitation de l’inflation nor-
mative supposent la mise en œuvre d’une nouvelle conception
du droit : droit-cadre, droit souple, marges d’interprétation,
droit à la dérogation qui commencent à être expérimentés
(voy. nos 264, 280)

(21) Pour une vision critique des actions de simplification et des indicateurs de suivi de l’activité
normative : M. Benzerafat-Alilat et P. Gibert, « De l’inflation normative à l’amplification des
lois dans le processus parlementaire. Pistes pour une analyse avancée des facteurs inflationnistes »,
RFAP, n° 182, 2022, p. 541.

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Pour en savoir plus

Ouvrages

AJDA, La simplification des relations entre l’administration et les


citoyens, dossier spécial, 2014, p. 388.
Boulard J.-C. et Lambert A., Rapport de la mission de lutte contre
l’inflation normative, 2013.
Boulard J.-C. et Lambert A., Rapport du Conseil national d’éva-
luation des normes applicables aux collectivités territoriales,
2018.
Conseil d’État, Le droit souple, 2013.
Conseil d’État, Le rescrit : sécuriser les initiatives et les projets,
2014.
Conseil d’État, L’application du nouveau principe « Silence vaut
acceptation », 2014.
Conseil d’État, Simplification et qualité du droit, 2016.
Conseil d’État, Mesurer l’inflation normative, 2018.
Gallouedec-Genuys F., Le dialogue écrit Administration-
administrés, Paris, La Documentation française, 1981.
Gibert P. et Lamarque D. (éds), L’analyse d’impact de la règle-
mentation au défi de sa mise en œuvre, PMP, vol. 35 (3‑4),
2018.
Langenieux-Villard Ph., L’administration en questions : com-
ment simplifier les relations entre l’usager et l’administration ?,
rapport au Premier ministre, Paris, La Documentation fran-
çaise, 1995.
Mandon T., La simplification collaborative, rapport au Premier
ministre, 2014.
Pissaloux J.-L. et Frangi M., La simplification normative et
administrative : état des lieux, enjeux et perspectives, Institut
francophone pour la justice et la démocratie, 2020.
OCDE, Éliminer la paperasserie ; pourquoi la simplification
administrative est-elle si compliquée ? Perspectives au-delà de
2010, 2011.
OCDE, Mieux légiférer en Europe, France, 2010.

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les simplifications administratives 167

RFAP, Simplifier l’action publique, Bartoli A., Jeannot G. et


Larat F. (dir.), n° 157, 2016.
Silicani J.-L. (coord.), Pourquoi faire compliqué quand on peut
faire simple ?, Paris, Institut Montaigne, 2019.
Warsmann J.-L., Simplifions nos lois pour guérir un mal français,
Paris, La Documentation française, 2009.
Warsmann J.-L., La simplification du droit au service de la crois-
sance et de l’emploi, Paris, La Documentation française, 2011.

Articles

Bartoli A., Jeannot G. et Larat F., « La simplification des


formes et des modalités de l’action publique : origine, enjeux,
actualités », n° 157, 2016, p. 7.
Benzerafat-Alilat M. et Gibert P., « De l’inflation normative à
l’amplification des lois dans le processus parlementaire. Pistes
pour une analyse avancée des facteurs inflationnistes », RFAP,
n° 182, 2022, p. 541.
Carbonnier J., « L’inflation des lois », Revue des sciences morales
et politiques, n° 4, 1982.
Degron R., « L’inflation normative et ses conséquences finan-
cières en France, maladie bénigne ou symptôme d’une maladie
systémique de l’État ? », GFP, nos 1/2, 2014, p. 4.
Du Marais B., « Simplifier le droit : du mythe de Sisyphe à l’hor-
ticulture juridique ? », RFAP, n° 157, 2016, p. 183.
Eoche-Duval Ch., « Un mal français : son “é-norme” production
juridique ? », Revue de droit public, n° 2, 2022.
Fixari D. et Pallez F., « L’insoutenable légèreté de l’État, une
histoire de la simplification administrative », PMP, vol. 25,
n° 3, 2007, p. 83.
Le Clainche M., « Du discours sur la simplification au mana-
gement de la simplicité », dossier « La simplification admi-
nistrative », Les cahiers de la fonction publique, février 2003,
pp. 6‑9.
Le Clainche M. et Pissaloux J.-L. (dir.), « Dossier La simplifica-
tion du droit », La Revue du Trésor, n° 1, 2004.

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168 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Le Clainche M., « Quarante ans de simplifications au ministère


des finances », GFP, n° 5, 2019, p. 90.
Perroud Th., « Les études d’impact dans l’administration
publique française : perspective critique et propositions »,
PMP, vol. 3‑4, juillet-décembre 2008.
Pissaloux J.-L., « La loi du 2 juillet 2003 habilitant le gouverne-
ment à simplifier le droit », La Revue du Trésor, 2004, p. 9.
Waintrop F., « Écouter les usagers, de la simplification à l’inno-
vation », RFAP, nos 137-138, 2011, p. 209.

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Chapitre 6.
LES DÉMARCHES CENTRÉES SUR LA RELATION
AVEC LES USAGERS

167. L’expression : « Il faut placer l’usager au centre » de la


réforme de l’administration est devenue un poncif courant et peu
signifiant. Elle a pourtant un sens profond : rétablir un certain
équilibre entre l’administration et ses publics. Le développement
des droits des usagers a contribué à ce rééquilibrage. Mais pour
le faire entrer dans les faits, l’administration a progressivement
complété ces approches par diverses politiques prenant de plus
en plus en considération les besoins et les attentes des publics,
qu’ils soient usagers directs ou indirects : accueil, communica-
tion, qualité du service. Leur point commun est qu’elles occupent
une large place dans le discours de la réforme, qu’elles procèdent
d’une démarche unilatérale de l’administration, qu’elles ne modi-
fient l’organisation qu’à la marge et qu’en définitive, leur impact
est encore limité.
Dans un premier temps, les efforts ont porté sur l’accueil du
public en faisant évoluer les comportements et en adaptant l’or-
ganisation des contacts avec les usagers (section 1). Des politiques
de communication ont accompagné ces premières actions et sont
devenues de plus en plus interactives (section 2). Les démarches
qualité ont synthétisé ces deux approches avec un fort apport
méthodologique (section 3).

Section 1. L’ accueil du public

168. Le thème de l’amélioration de l’accueil des usagers est


devenu banal après les années 1980. Il restera dans l’actualité car
des progrès sont toujours possibles en ce domaine. Les usagers et
les décideurs y sont très sensibles, comme le montrent les deux

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Chapitre 6. - Les démarches centrées sur la relation avec les usagers
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exemples suivants. En 1982, le ministre chargé de la Réforme


administrative annonça la suppression des guichets. Après une
enquête, on dut lui expliquer qu’il n’en restait plus beaucoup !
En 1995, un autre ministre chargé des réformes administratives
cherchant une idée originale, peu coûteuse et acceptable par les
syndicats, proclama l’année 1995 « l’année de l’accueil ». Les poli-
tiques d’amélioration de l’accueil dans les services ont pris des
formes variées (§ 1). Elles ont été complétées par diverses autres
adaptations améliorant l’accès aux services (§ 2).

§ 1.les politiques d’amélioration de l’accueil dans les services


169. L’accueil est une notion très large qui, pour certains,
englobe l’ensemble des relations avec les usagers. Or, celle-ci est
structurée aussi par les droits des usagers, thème qui dépasse la
notion d’accueil. Au sens le plus étroit, le mot désigne la relation
« physique » ou concrète ou au guichet (« au niveau de la rue »
disent les sociologues) (1). On retiendra ici un sens intermé-
diaire : l’accueil désigne les relations concrètes entre les agents
des services publics et leurs usagers quel que soit le mode de
contact : au bureau, par écrit, au téléphone ou par le truchement
des technologies numériques.
170. L’amélioration de l’accueil dans les locaux administratifs
a donné lieu à partir de 1970 à des politiques immobilières de
rénovation intégrant la dimension du confort du public et de la
facilitation de ses démarches, y compris pour les personnes han-
dicapées malgré la lenteur de la mise en œuvre de l’accessibilité.
Cet objectif a été pris en compte, mais de manière accessoire, par
la politique immobilière de l’État définie en 2006. L’évolution des
bureaux de poste, sans doute stimulée par le développement des
missions financières et commerciales, est exemplaire à cet égard.
Dans son dernier état, le bureau de poste est conçu sur un modèle-
type avec des repères nationaux (signalétique, couleurs, logos…).
L’aménagement distingue les zones « conseils » et les zones « opé-
rations », incite les usagers à effectuer eux-mêmes le maximum
d’opérations au moyen d’automates et prévoit, quand même, des
agents de conseil rapprochés pour orienter et aider les usagers.

(1) La sociologie du guichet a été étudiée en France, par exemple par Jean-Marc Weller (« Les
figures de l’usager dans les réformes de modernisation des services publics », Informations sociales,
n° 198, 2018/3 et par Vincent Dubois (La vie au guichet, relation administrative et traitement de la
misère, 3e éd., Paris, Economica, 2021).

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Chapitre 6. - Les démarches centrées sur la relation avec les usagers
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les démarches centrées sur la relation avec les usagers 171

La SNCF a adopté un modèle du même type. Cette approche com-


merciale a contribué à moderniser l’image des services publics tout
en donnant parfois l’impression qu’elle avait pour finalité d’éviter
le contact direct avec l’usager. Ce qui n’est pas entièrement néga-
tif : la fin des remboursements de sécurité sociale aux guichets, le
versement automatique des allocations familiales, le pointage à
distance à l’agence pour l’emploi, par exemple, ont constitué des
progrès pour une majorité des usagers.
171. Allant plus loin dans cette voie, les services publics ont
essayé de mettre en place des stratégies d’accueil « multicanal » :
La télé-formalité est encouragée pour les usagers qui peuvent
la pratiquer alors que les contacts téléphoniques ou au bureau
sont plutôt réservés aux personnes et aux dossiers présentant
une difficulté particulière. L’accueil téléphonique a fait de gros
progrès, en particulier par la reconnaissance de la fonction de
répondant comme une mission à part entière. Après l’expérience
des centres interministériels de renseignements administratifs
(CIRA), certaines administrations (par exemple les impôts) se
sont dotées de centres de renseignements spécialisés capables de
fournir des informations de plus en plus personnalisées et, dans
la mesure du possible, de traiter directement les demandes des
usagers. Ces politiques ont fait l’objet d’importantes mesures
d’accompagnement (formations, indicateurs, suivi et mise en
valeur), par exemple dans le cadre de la Charte Marianne qui
énonce fin 2003 cinq engagements relatifs à la qualité de l’accueil,
puis les assortit d’indicateurs de qualité avant d’être remplacée
par le Référentiel Marianne qui prévoit 19 engagements de qua-
lité mesurés régulièrement par des enquêtes.

DOCUMENT n° 19 : Les cinq engagements de la Charte Marianne


présentés le 3 novembre 2003
1. Un accès plus facile à nos services
2. Un accueil attentif et courtois
3. Une réponse compréhensible à vos demandes dans un délai
annoncé
4. Une réponse systématique à vos réclamations
5. À votre écoute pour progresser

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§ 2. L’accès aux services publics et la facilitation des démarches


172. Le thème de la présence des services sur le territoire est
régulièrement repris tout au long de la période sous diverses
formes, notamment celle de l’implantation des services au contact
du public et celle des points d’accueil de proximité. Le sujet de
la présence des services publics sur le territoire notamment en
banlieue et en milieu rural est devenu plus sensible avec la « crise
des banlieues » en 1990 et avec l’accentuation de la désertification
des campagnes. Une certaine territorialisation de la politique de
gestion des services publics s’est ainsi imposée dans la cadre le
politique de la ville (sous-préfets à la ville, projets de services
publics de quartier) et dans celle du développement rural (2).
173. Même si le départ des services publics des plus petites
villes et villages est plus une conséquence de l’exode rural qu’une
de ses causes, il touche les populations les plus fragiles et donne
un caractère d’irréversibilité au phénomène. Les élus locaux se
sont donc battus pour le maintien des services de proximité et
les gouvernements se sont efforcés d’y répondre. Le sujet de la
coordination de l’organisation et de l’implantation des services
publics par les préfets, qui avait donné lieu à la création de com-
missions locales ad hoc par la loi du 9 janvier 1985 est remis au
goût du jour par la loi d’orientation pour l’aménagement et le
développement du territoire du 4 février 1995. (3) Une cir-
culaire du Premier ministre du 5 novembre 2015 rappelle une
nouvelle fois le rôle des préfets de département pour organiser
la concertation et l’adaptation des réseaux locaux de services
publics. Cette politique a eu des effets limités parce que les minis-
tères poussaient à la rationalisation de leurs réseaux (bureaux
de postes, gendarmeries, perceptions, etc.), notamment pour des
raisons budgétaires et d’effectifs. Pendant longtemps, elle n’a
bénéficié ni des moyens, ni de l’autorité nécessaires.
174. Le 15 décembre 2017, le Premier ministre a lancé une
opération dans le département du Lot pour inciter les agents de
l’État, des collectivités territoriales et des services au public à

(2) M. Le Clainche, « La place des services publics dans la politique de la ville », RFAP, n° 71,
juillet-septembre 1994. Sur le même sujet, voy. aussi J. Donzelot et P. Estèbe, L’État animateur,
Essai sur la politique de la ville, Paris, Esprit, 1994 ; C. Grémion et Ch. Mouhana, « Les paradoxes
d’une institution : le sous-préfet chargé de mission pour la politique de la ville », RFAP, n° 71,
juillet-septembre 1994.
(3) Loi n° 85‑30 du 9 janvier 1985 relative à la protection et au développement de la montagne et
loi n° 95‑115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire.

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les démarches centrées sur la relation avec les usagers 173

concevoir et à tester des expérimentations de nouveaux services


aux publics s’appuyant sur la mutualisation et des dispositifs
numériques. Cinq expérimentations ont été définies : l’agent
polyvalent, qui dispose d’un bureau numérique qui lui permet de
répondre aux usagers, de les prendre en charge ou de les orienter ;
le car des services de proximité ; le partage de données entre ser-
vices sociaux ; les experts de pôle emploi en mission « ressources
humaines » dans les petites entreprises ; la plateforme d’offre
de mobilité solidaire. Elles ne sont pas sans rappeler les expéri-
mentations des Centres d’information et de communication du
ministère des Finances ou celles des opérations « Administration
à votre service », avec le numérique en plus. Il semble qu’elles
n’aient pas été évaluées, ni généralisées (4).
175. Autre volet du thème de l’accès aux services publics :
l’idée d’un guichet « unique », en milieu rural ou en banlieue, a
lentement cheminé. Le principe d’un service d’accueil de proxi-
mité, polyvalent, cofinancé par plusieurs partenaires et piloté
par un comité pluriel a été expérimenté depuis les années 1980
sous diverses appellations : points publics, point accueil services,
points d’information multiservices, relais de service public, mai-
sons de service public, maisons de services au public… Dans le
cadre de la politique de la ville en 1991, des projets de services
publics de quartier ont assuré une certaine coordination et une
adaptation des services dans quelques banlieues (5). Des expé-
riences de délégation à des commerces en milieu rural pour la
vente de ticket de transports ou de timbres ont été conduites.
Ces initiatives sont intéressantes même si on peut déplorer la
multiplicité des dispositifs, la préférence pour le béton plutôt
que pour les réseaux et le faible entrain des ministères (notam-
ment celui des Finances) pour y contribuer effectivement. Le
Commissariat à la réforme de l’État s’y intéresse en 1996. La loi
du 12 avril 2000 donne une consécration législative à ces maisons
de service public. L’objectif de 200 de ces « maisons » sera fixé
pour 2013, puis 1000 pour 2016, puis 2000 en 2020. Un rapport
de la Cour des comptes de février 2019 recommande notamment
un renforcement des maisons de services au public par une pro-
fessionnalisation de leurs agents, une contractualisation de leurs

(4) On en trouve aucune trace dans La lettre de la préfecture du Lot.


(5) M. Le Clainche, « Le quartier, lieu de renouveau du service public ? », Les Échos de la fonction
publique, n° 167, mars-avril 1993.

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174 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

financements et un élargissement du partenariat des services


représentés. Ces préconisations ont été prises en compte par
le Gouvernement. Lors d’une conférence de presse du 25 avril
2019, le Président de la République a annoncé l’installation d’une
maison « France service public » par canton en moyenne (et non
par intercommunalité !) sur le modèle des maisons de service au
public pour que chaque citoyen ait accès au service public en
moins d’une demi-heure. Fait notable, le ministère chargé des
Finances, longtemps hostile aux services polyvalents et soucieux
de son autonomie dans la rationalisation de son réseau de plu-
sieurs milliers de petites perceptions, s’est rallié à ce dispositif en
2020, transformant ainsi la fermeture des petits postes ruraux
en une multiplication des points de contacts. Une circulaire
du Premier ministre du 1er juillet 2019 définit les principes de
déploiement du réseau France services. Ces accueils polyvalents
de proximité pourront être implantés dans des mairies, des sous-
préfectures, des trésoreries, des bureaux postaux, des gendar-
meries, des centres sociaux, des locaux associatifs ou culturels
ou des bus France service. L’objectif est le déploiement de 300
nouvelles maisons avant le 1er janvier 2020 dans des cantons
ruraux ou des quartiers prioritaires de la politique de la ville et
l’ouverture de 2500 services en 2022. Une charte d’engagement
prévoit la participation des services de l’État, des opérateurs
et des collectivités territoriales devant assurer un bouquet de
9 services minimum assuré par deux agents polyvalents spé-
cialement formés et complétés par des conseillers numériques.
Le Commissariat général à l’égalité des territoires, associé à la
Banque des territoires et à La Poste, pilote le dispositif. La par-
ticipation de l’État est forfaitisée à 30.000 euros par an. Les pré-
fets ont proposé avant le 15 septembre 2019 la transformation
de maisons de services au public en maisons France services et
la création de nouveaux points d’accueil. Une maison France
Services peut être aussi implantée dans un « tiers-lieu », nouveau
concept désignant un espace physique pour réaliser des activités
en commun (bureaux partagés, garage solidaire, cours d’éduca-
tion populaire…) et abriter des services de proximité publics
ou privés. Il est prévu un objectif de 3.500 tiers-lieux en 2022.
Une communication sur le renforcement de la présence des ser-
vices publics dans les territoires a été présentée au Conseil des
ministres du 12 octobre 2022 confirme l’atteinte de ces objectifs

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les démarches centrées sur la relation avec les usagers 175

et prévoit d’améliorer le bouquet de services, l’animation du


réseau, la formation et l’outillage des agents, les synergies avec
les conseillers numériques France services.
Cette politique, utile, a donné lieu régulièrement à des effets
d’annonces mais elle a été constituée davantage par un recy-
clage et une labellisation de dispositifs expérimentaux que de
véritables innovations. Elle n’a pas changé fondamentalement
les services publics en milieu rural ou dans les banlieues faute de
moyens et de détermination politique continue (6).

DOCUMENT n° 20 : Création de France Services. Circulaire


n°6094/SG du 1er juillet 2019
Le Président de la République a décidé le 25 avril 2019 la mise
en place d’un réseau France Services qui doit permettre à nos conci-
toyens de procéder aux principales démarches administratives du
quotidien au plus près du terrain.
Le réseau France Services poursuit trois objectifs :
– une plus grande accessibilité des services publics au travers
d’accueils physiques polyvalents – les Maisons France Services –
ou de services publics itinérants, les Bus France Services ;
– une plus grande simplicité des démarches administratives avec le
regroupement en un même lieu, physique ou itinérant, des services
de l’État, des opérateurs et des collectivités territoriales afin de lut-
ter contre l’errance administrative et d’apporter aux citoyens une
réponse sur place, sans avoir à les diriger vers un autre guichet ;
– une qualité de service substantiellement renforcée avec la mise
en place d’un plan de formation d’agents polyvalents et la
définition d’un panier de services homogène dans l’ensemble
du réseau France Services.
Cette nouvelle ambition s’appuie sur une refonte complète du
réseau existant des Maisons de services au public (MSAP) – qui
obtiendront le label France Services à la stricte condition qu’elles
respectent les nouvelles exigences de qualité de services – ainsi que
sur l’ouverture de nouvelles implantations France Services là où
sont les besoins, prioritairement dans les cantons ruraux et les quar-
tiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

(6) M. Leroy, « Les mutations de l’action publique : les expériences de polyvalence des services
publics », PMP, vol. 18, n° 1, 2000, pp. 19‑41 ; Dix ans d’offre publique de services de proximité en
France, Annuaire des collectivités locales, t. 23, 2003, pp. 21‑34.

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176 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Les Maisons France Services devront être prioritairement accueil-


lies dans les mairies, sous-préfectures, trésoreries, bureaux postaux,
mais pourront également être instituées au sein des gendarmeries,
centres sociaux, locaux associatifs et lieux culturels existants.
L’objectif que j’ai fixé lors de mon discours de politique géné-
rale est de disposer d’un réseau de 300 points France Services
au·1er janvier 2020, dans la perspective de couvrir chaque canton
d’ici 2022. J’attire votre attention sur la nécessité de veiller à la
réussite de cette étape qui doit marquer pour nos concitoyens un
changement important dans l’offre de service public. J’insiste en
particulier sur l’importance qui s’attache à ce que les Français
puissent accéder, par ce guichet rénové, d’une part, à l’intégralité
de l’offre de services définie en annexe, et, d’autre part, à une
réponse complète, qui ne se borne pas à une mise en relation avec
d’autres services. Je serai attentif aux résultats obtenus et vous
demande votre pleine mobilisation sur ce chantier d’initiative pré-
sidentielle.
176. L’accès aux services publics comporte aussi un volet
culturel. L’accessibilité n’est pas essentiellement fonction de la
localisation et de la signalétique. Le langage, l’accueil, l’écoute,
la rapidité de traitement des dossiers, la pertinence des réponses
sont aussi importants pour les habitants que la distance à par-
courir. On peut donc rattacher au thème de l’amélioration de
l’accès aux services publics celui de la recherche d’une meilleure
compréhension du système administratif par les usagers les moins
instruits et les moins informés qui sont justement ceux qui ont
le plus besoin des services publics (7).
177. La levée de l’anonymat des fonctionnaires dans les
correspondances administratives et au guichet avait pour but
d’humaniser les relations. Prescrite par une circulaire du Premier
ministre du 30 janvier 1985 n° 1995/SG, elle a suscité des résis-
tances, a fait l’objet de nombreux rappels, puis a fini par être
acceptée et consacrée par l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 sur
les relations des administrations avec les citoyens.
178. L’adaptation du langage administratif constitue un autre
exemple. Son particularisme a été fréquemment décrit et par-
fois même enseigné : style impersonnel, mots techniques, phrases

(7) M. Le Clainche, rapport prospectif de synthèse du colloque Illettrisme et complexité des admi-
nistrations contemporaines, Commission française pour l’Unesco, La Documentation française, 1993.

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les démarches centrées sur la relation avec les usagers 177

longues, conclusions opérationnelles ne venant qu’à la fin des


développements… Il a peut-être été justifié dans le passé par
la nécessité de la précision juridique, par la neutralité du ser-
vice public et sans doute aussi par le souci d’asseoir la légitimé
de l’administration sur un peu de mystère et de majesté. Ces
attitudes ont été fortement critiquées et diverses actions ont été
entreprises pour simplifier le langage administratif. Le Secrétariat
général du Gouvernement a publié des guides pour améliorer la
formation des rédacteurs de textes législatifs et réglementaires.
La direction générale pour les relations avec le public des minis-
tères économiques et financiers a organisé des cours de lisibilité
des textes administratifs à l’intention des plus hauts cadres du
ministère et publié des guides dont l’intitulé de l’un d’entre eux
est très explicite : « Écrire pour être compris ». Le Gouvernement
a d’ailleurs créé en 2001 un éphémère Comité d’orientation pour
la simplification du langage administratif. En 2018, la direction
interministérielle de la transformation publique a publié un guide
donnant des conseils similaires mais en s’appuyant sur les neu-
rosciences pour mieux convaincre les rédacteurs de textes (voy.
n° 191) (8).
179. Le thème du conseil est peu mis en valeur dans les pro-
grammes de réformes et leurs commentaires, d’une part, parce
qu’il est en opposition avec les modèles traditionnels d’adminis-
tration (libéral ou bureaucratique) et, d’autre part, parce que,
comme sujet d’études, le conseil s’insère mal entre l’information
et la décision. On peut aussi estimer que la qualité de la déci-
sion est plus importante que son accompagnement. On en trouve
cependant des applications de plus en plus nombreuses dans les
années 1980 (Conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environ-
nement, centres Administration à votre service, centres d’infor-
mation et d’orientation des jeunes, fonds régionaux d’aide au
conseil des PME, conseils juridiques aux particuliers organisés
par des communes…). Le conseil peut avoir plusieurs fonctions.
Au service des administrés, il est une aide à l’accomplissement des
formalités. On peut en discuter les limites. Ainsi, aux impôts, le
« conseil fiscal » est, évidemment, interdit aux agents des impôts ;
en revanche les services locaux des finances se mobilisent chaque
année pour organiser la campagne de déclaration des revenus qui

(8) Vaincre la phobie administrative grâce aux sciences comportementales, guide pratique, avril
2019, DITP, ministère de l’Action et de la Transformation publique.

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178 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

comporte un renforcement des accueils au bureau, au téléphone,


sur internet, dans des permanences municipales, à la radio. Le
conseil n’est pas dépourvu d’intérêt pour l’administration. Il peut
être un substitut à la réglementation, une aide à l’application de
celle-ci et, en définitive, une forme de légitimation de la décision
administrative. Plus généralement, le développement du conseil
aux administrés apparaît comme une nécessité. En effet, dans nos
sociétés développées, l’administration peut difficilement échap-
per à la complexité ; mais il n’est pas normal que l’administré
subisse le poids des complications inutiles.

S ection 2. L a communication publique

180. Dès les années soixante-dix, les services administratifs


ont compris que la relation avec leurs usagers ne pouvait pas
être seulement unilatérale et descendante et qu’une authen-
tique politique de communication devait être organisée. Les
techniques d’information et de communication définies dans le
secteur privé ont été transposées dans les services publics (§ 1).
Peu à peu, des techniques de marketing public ont été mises
au point (§ 2).

§ 1. Les politiques d’information et de communication


181. Précurseur, le Service d’information, d’études et de ciné-
matographie des Armées créé en 1962 est remplacé en 1969 par
le Service d’information et de relations publiques des armées
(SIRPA). De même, le service d’information du ministère des
Finances est intégré dans la Direction générale des relations avec
le public créée en 1977. Ce type de service essaime dans tous
les ministères. Une documentation plus lisible et plus accessible
est mise à la disposition des usagers : par exemple des dépliants
d’information pratique, le Guide de vos droits et démarches paru
pour la première fois en 1977, les renseignements administratifs
dans les annuaires téléphoniques. Les centres de renseignements
téléphonés, conçus dès le début sur une base interministérielle,
vont prendre leur essor : CIRA Paris en 1959, Lyon en 1978,
puis Metz et Bordeaux. La télématique avec les premiers sites
sur Minitel et les banques de données juridiques rassemblent les
informations administratives.

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les démarches centrées sur la relation avec les usagers 179

182. La Commission de coordination de la documenta-


tion administrative (CCDA) créée en 1971 (décret du 13 juil-
let 1971 (9)) pilote l’activité documentaire et éditoriale des
administrations. L’ensemble de ces efforts est également plus
ou moins coordonné et animé par un service placé auprès du
Premier ministre qui a une double mission : expliquer l’action
gouvernementale et coordonner la communication publique.
Créé en 1963, le Service de liaison interministériel pour l’infor-
mation (SLII) puis le Comité interministériel de l’information
(CII) (1969) sera remplacé en 1974 par la Délégation générale
à l’information, devenue en 1976 le Service d’information et de
diffusion (SID) puis le Service d’information du Gouvernement
(SIG) en 1996 et réformé par un décret du 18 octobre 2000 (10).
Périodiquement, le Premier ministre rappelle la nécessité d’une
bonne coordination de la communication gouvernementale, en
dernier lieu par une circulaire du 14 octobre 2019 qui prend
en considération la diffusion d’informations par internet et sur
les réseaux sociaux. Outre ses missions de « police » de la com-
munication officielle, ce service d’information placé auprès du
Premier ministre anime la communauté des communicateurs
publics et fait remonter des informations du terrain. Des études
et des sondages sont organisés pour mieux connaître les diffi-
cultés et les attentes des publics. La communication publique
commence à prendre corps. L’exemple de la direction générale
des relations avec le public du ministère des Finances en est la
plus belle illustration.
183. Au ministère des Finances, la direction générale des
relations avec le public (DGRP) est créée en 1977 (11). C’est
une administration de mission légère qui coordonne, anime et
apporte un soutien technique aux directions du ministère pour
les assister dans leurs missions propres. Elle intervient princi-
palement dans les domaines de l’information, de l’accueil des
publics et de la simplification des formalités. Mais elle s’inté-
resse aussi à la déconcentration des décisions et à l’efficacité
de la politique économique et financière. Ses agents viennent
des directions, un conseil des directeurs fixe les orientations,

(9) Décret n° 71‑570 du 13 juillet 1971.


(10) Décret n° 74‑590 du 12 juin 1974 ; décret n° 76‑124 du 6 février 1976 ; circulaire n° 52/97
M77 du 15 janvier 1996 ; décret n° 2000‑1027 du 18 octobre 2000.
(11) Décret n° 77‑473 du 16 mai 1977 portant création d’une direction générale pour les relations
avec le public au ministère de l’Économie et des Finances.

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180 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

ses premiers programmes sont régionaux et expérimentaux.


La DGRP est naturellement le correspondant, pour le minis-
tère, des différents organismes de réforme, en particulier du
Médiateur ; elle anime les programmes interministériels et
ministériels de simplification et développe des actions nova-
trices en direction des usagers : les dépliants d’information,
l’expérience-pilote auprès des élèves des écoles « Marianne fait
ses comptes », les renseignements fiscaux par téléphone, les
comités d’usagers, l’assistance à la déclaration des revenus, la
fiche de visite qui simplifie les démarches entre les services des
impôts et du trésor, le développement de l’usage du téléphone
et celui de la télématique. La DGRP publie un magazine éco-
nomique Les notes bleues de Bercy qui compte plus de 13.000
abonnés. La DGRP va tester des politiques d’accueil, notam-
ment dans les services des impôts, qui porteront, par exemple,
sur la lisibilité des courriers administratifs, l’aménagement des
horaires et des guichets, l’accueil téléphonique, la révision des
formulaires, les délais de réponse garantis. Elle procède à des
études, sociologiques ou par sondage, pour mieux connaître
les difficultés et les attentes réelles des usagers. Elle anime un
réseau de comités et de services de communication implantés
dans chaque région (les comités d’information et de relations
avec le public, les CIRP, devenus comités de l’information et
de la communication, CICOM).

TÉMOIGNAGE n° 7 : Les centres d’information et de commu-


nication (CICOM) du ministère des Finances
Les fondateurs de la direction générale des relations avec le
public au ministère de l’Économie et des Finances (notamment
Guy Delorme, son premier directeur) eurent la conviction que des
expérimentations régionales faciliteraient la mise au point et l’ap-
propriation des réformes. Ils créèrent ainsi des administrations de
mission régionales à effectif réduit (4 à 6 personnes issues des ser-
vices locaux : inspecteur des impôts, du Trésor, des douanes, de
l’INSEE, de la DGCCRF) placées sous l’autorité d’un comité régio-
nal des chefs de service présidé par l’un d’entre eux, doté d’un budget
et formant un réseau animé fonctionnellement par la DGRP. Les
CIRP, puis les CICOM ont lancé des expérimentations qui dépassent
de très loin la simple information des usagers : relations avec la
presse et les radios locales, journées d’études spécialisées avec les

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les démarches centrées sur la relation avec les usagers 181

milieux socio-professionnels, premiers services télématiques (36-15


Trésor, dis-moi tout ! dans le Nord-Pas-de-Calais), permanences
dans les mairies sur la déclaration de revenus en mobilisant des
étudiants et des retraités, « fiscobus » itinérant, formations communes
des agents des impôts et du trésor public, comités d’usagers pro-
fessionnels, actions d’information pédagogique en partenariat avec
l’éducation nationale ou d’informations fiscales avec les assistantes
sociales. Ce dispositif a contribué à la modernisation des services
du ministère en surmontant les cloisonnements traditionnels par
l’interdirectionnalité et en initiant les responsables de tous niveaux
à une culture et à des techniques de communication et de manage-
ment. Il sera supprimé en 2001 lors du rattachement du service de
la communication au secrétariat général des ministères économiques
et financiers.
184. Au cours des années 1980, la communication publique
poursuit son expansion et se professionnalise. De plus en plus, on
prend conscience de son rôle dans la mise en œuvre des stratégies
de réforme. Un glissement s’est opéré peu à peu et inéluctable-
ment de la communication vers le management. Aux Finances,
il a été entièrement assumé par les équipes de la DGRP. Les
observatoires internes et externes sont un bon exemple de la
contribution de la communication au management. Réalisés en
1991, en 1994 et 1997 – et poursuivis depuis –, sur la base d’études
qualitatives puis de sondages auprès d’échantillons représentatifs
de plusieurs milliers de personnes, ils mettront en évidence un
assez bon niveau de satisfaction mais aussi des marges de pro-
grès globales (pour améliorer le niveau des « très satisfaits ») et
spécifiques (en matière de simplification des démarches – 61 %
des sondés connaissaient mal la répartition des fonctions entre
les centres des impôts et les trésoreries – et de délais de réponse,
notamment). En interne, l’attachement des agents au ministère
et à leur « métier » est fort en même temps que s’exprime une
demande de reconnaissance et d’un management de proximité
plus attentif.
185. La difficulté de distinguer le management et la com-
munication explique pour une large part les difficultés de posi-
tionnement des directeurs de la communication au sein des
ministères, notamment par rapport à l’autre direction hori-
zontale chargée du personnel et de l’administration générale
et aux directions techniques. Ces difficultés sont en partie à

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l’origine, au sein des ministères économiques et financiers, de


la transformation de la DGRP en simple service en 1987. Elle
renaîtra en 1991 sous l’appellation de direction de la communi-
cation qui lancera de nouvelles innovations avec le développe-
ment d’une identité visuelle ministérielle, la présence dans les
salons professionnels, les relations avec les médias, le magazine
interne Échanges diffusé chaque mois à 180.000 agents à leur
domicile. Le dispositif régional, avec ses spécificités, est entiè-
rement préservé.

§ 2. Le marketing public
186. Une conception de plus en plus ambitieuse de la com-
munication va s’imposer. Les campagnes de communication
relatives à la circulation routière (Bison futé), à la prévention
des accidents domestiques, à la lutte contre l’alcoolisme au
volant, à la protection des consommateurs, à la lutte contre
le sida, au passage à l’euro, à la prévention du bug de l’an
2000 ou à la promotion du développement durable, illustrent
un nouveau type de communication. Celle-ci vise, au-delà de
l’information, de l’écoute ou de la promotion de l’image ins-
titutionnelle, à faire évoluer les comportements sociaux dans
un but d’intérêt public. La tâche est ambitieuse car elle a pour
objectif de préparer et d’accompagner de véritables révolutions
culturelles.

DOCUMENT n° 21 : Bison Futé (1976)

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les démarches centrées sur la relation avec les usagers 183

187. Le lien entre communication et management est de plus en


plus fort et direct. C’est l’ère des « dircoms » qui vont accéder aux
conseils de direction. La communication publique permet d’intro-
duire dans les démarches de réforme de l’État la dimension humaine
et sociale qui leur manque parfois par l’écoute, l’explication, la négo-
ciation, l’analyse d’impact, l’accompagnement social. Les commu-
nicateurs publics peuvent aider les décideurs et leurs entourages à
dépasser l’approche instrumentale pour réfléchir aux vrais enjeux
des politiques publiques : pas de bonne communication sans straté-
gie, mais pas de stratégie de communication sans stratégie de l’orga-
nisation ! Si celle-ci n’est pas formulée spontanément, il faut aider
à son expression en faisant remonter les éléments du contexte et
les conditions de mise en œuvre par le dialogue interne, l’étude des
attentes des usagers, la clarification des objectifs, l’analyse des jeux
d‘acteurs à l’intérieur ou à l’extérieur de l’institution… En faisant de
la communication un élément majeur d’un management très ouvert,
en diffusant la fonction communication dans toute l’organisation, en
incitant à une décision « communication comprise », selon l’expres-
sion de Pierre Zémor, président de l’Association Communication
Publique (12), les dircoms jouent un rôle de plus en plus important
dans la réforme des services publics. Ils s’efforcent de promouvoir
une communication de service public dont l’objectif essentiel et
d’informer les citoyens de leurs droits et de leurs devoirs.
Ainsi, les PTT organisent une très large participation des person-
nels et de leurs partenaires pour accompagner la réforme de 1989,
les caisses de sécurité sociale revoient complètement leur politique
d’accueil, le ministère des Finances pilote des plans de communica-
tion pour prévenir le bug de l’an 2000 et pour préparer le passage à
l’euro. Ce dernier est le meilleur exemple de cette stratégie « com-
munication comprise ». Un plan de communication s’étalant de
1997 à 2002 a été élaboré par la direction de la communication du
ministère de l’Économie et des Finances. Il vise quatre objectifs :
informer sur les conditions de passage à l’euro, donner du sens au
passage à l’euro, préparer l’apprentissage à l’usage de la nouvelle
monnaie, développer la pratique de l’euro (13). On voit un élargis-
sement considérable des fonctions de la communication publique
et la parfaite intégration de celle-ci au processus de décision.

(12) P. Zémor, Le sens de la relation, organisation de la communication publique, Paris, La


Documentation française, 1992.
(13) Voy. M. Le Clainche et J.-Y. Nicolas, « La communication sur le passage à l’euro », RFFP,
n° 62, avril 1998.

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Chapitre 6. - Les démarches centrées sur la relation avec les usagers
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184 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

188. Le marketing public emprunte ses outils au marketing


tel qu’il est utilisé dans le secteur privé : conception du produit,
des prix, de la présentation et de la promotion (les quatre P) en
fonction des attentes réelles ou supposées des clients. La fina-
lité est cependant plus complexe dans le secteur public que dans
l’entreprise : il ne s’agit pas de maximiser un chiffre d’affaires
ou un bénéfice mais de concevoir et de mettre en œuvre les poli-
tiques publiques pour mieux répondre aux besoins des popula-
tions visées. Les « quatre P » sont cependant transposables en
différents objectifs adaptés au secteur public : contenu de la pres-
tation de service, tarification modulée, implantation et ergonomie
des locaux, accompagnement des usagers. Ainsi, se dégagent les
éléments d’un marketing public original qui n’a pas pour objet
de vendre un service à des clients mais d’adapter une prestation
d’intérêt général aux attentes des citoyens. Il exerce son influence
sur la conception des services, la réduction des coûts, l’acces-
sibilité des prestations et une politique de communication qui
ne recherche pas la promotion du service mais l’information des
citoyens sur leurs droits et devoirs. Des outils, comme la com-
munication institutionnelle, l’écoute des usagers par des études
et des sondages, l’association des représentants d’usagers à la
conception et à la mise en œuvre des services, l’évaluation des
politiques publiques sont des techniques qui concourent au mar-
keting public.
189. Plusieurs exemples concrets d’actions se rattachent à
ces démarches de marketing. Les entreprises publiques, puis les
ministères, les grandes et petites collectivités territoriales, et
même le gouvernement attachent une importance nouvelle à leur
identité visuelle : logo, mise en page, charte graphique. Ainsi, le
service d’information du Gouvernement imposera en 1999, non
sans résistance, une identité visuelle commune à l’ensemble de
la communication gouvernementale, y compris pour le logo de
chaque ministère et pour les en-têtes du papier à lettre. La der-
nière version de ces instructions a été publiée dans une circulaire
du 17 février 2021. Elles ont été adaptées pour servir de référence
au graphisme des sites internet publics et constituer un « système
de design de l’État ».

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DOCUMENT n° 22 : Charte graphique gouvernementale. Bloc-


marque République française 2022

190. Dans les années 1970, les services publics s’intéressent


aux techniques d’analyses de l’opinion d’abord développées
dans le secteur de la consommation, puis dans le domaine poli-
tique. Les sondages d’opinion qui portent sur un échantillon
représentatif de la population, et les études qualitatives qui
permettent d’analyser en profondeur les tendances d’une caté-
gorie de public à partir d’entretiens semi-directifs individuels
ou collectifs, commencent à être utilisés. À titre d’exemple, la
DGRP du ministère de l’Économie et des Finances analyse ainsi
l’attitude des Français envers l’impôt, les besoins de conseils
des petites entreprises ou les rapports des décolleteurs de la
vallée de l’Arve avec l’administration. Dans les années 1980,
elle mettra au point une lourde batterie d’études périodiques
de l’opinion interne et externe : les « observatoires » internes et
externes. Plus tard, les sondages ont été un outil précieux de
guidage de la campagne de promotion de l’euro (14). Ces tech-
niques se répandront dans tous les ministères. Les baromètres
de satisfaction, outils indispensables des démarches qualité, se
(14) M. Le Clainche, « Le passage à l’euro vu des citoyens (ou convertir les Français à une
nouvelle monnaie) », RFAP, n° 92, octobre-décembre 1999.

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Chapitre 6. - Les démarches centrées sur la relation avec les usagers
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186 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

généralisent. Ces études convergent par exemple pour mettre


en avant une grande satisfaction des Français à l’égard de leurs
services publics, leurs attentes prioritaires en matière de simpli-
fication des démarches et des formalités et une forte demande
de contacts personnalisés. Exemple le plus récent : le baro-
mètre des impôts publié pour la première fois en février 2022
par le Conseil des prélèvements obligatoires (15) : il en ressort
notamment que 75 % des personnes interrogées estiment que
les impôts sont trop élevés et 82 % jugent le système fiscal iné-
quitable. Cependant 80 % considèrent que payer ces impôts est
un acte citoyen. Toutefois, un sondage précédent sur le même
sujet avait donné des résultats beaucoup plus faibles en 2013
et en 2018 : pour 57 % seulement, puis 53 %, des personnes
interrogées, le paiement de l’impôt était un acte citoyen (16).
L’intérêt de tels sondages est moins dans la photographie de
l’opinion à un instant donné que dans la mise en évidence de
l’évolution de l’opinion qui suppose la répétition des sondages
selon une méthodologie identique. Ces techniques sont vive-
ment recommandées par les consultants. Elles permettent une
certaine écoute des publics par les responsables administratifs.
Elles donnent aux décisions, et notamment aux réformes, un
fondement plus rationnel sans remettre en cause les processus
traditionnels. Ces études doivent cependant être interprétées
avec de grandes précautions et elles ne devraient pas remplacer
la recherche de la qualité des relations directes entre les usa-
gers et les agents de l’administration, ni le dialogue avec leurs
représentants.

DOCUMENT n° 23 : Un exemple de sondage d’opinion. Synthèse


des résultats par l’Institut BVA (septembre 2019)
Dans le sillage de la mobilisation des « Gilets Jaunes » abordant la
question de l’accès aux services publics et en écho au programme « Action
publique 2022 » visant notamment à promouvoir la dématérialisation
totale des services publics, l’institut BVA se penche sur l’opinion des
Français sur les services publics.

(15) Baromètre des prélèvements obligatoires en France, 1re éd., 2021, Conseil des prélèvements
obligatoires, février 2022.
(16) Sondages IPSOS pour Le Monde et FONDAFIP, Le Monde du 14 octobre 2013, Les Français
face à l’impôt, commenté par Michel Bouvier : « Un grand débat sur la question fiscale est urgent » ;
Le Monde du 22 novembre 2018, Le ras-le-bol fiscal s’accentue en France, commenté par Michel
Bouvier : « Les Français ont massivement le sentiment que l’impôt est mal utilisé ».

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Majoritairement satisfaits de la qualité des services publics, les Français


pointent toutefois une dégradation de ceux-ci.
Interrogés sur la qualité des services publics à leur disposition
au quotidien, près de 3/4 des Français se déclarent satisfaits de la
qualité de l’offre dont ils disposent (72 %).
Les Français pointent cependant majoritairement une dégrada-
tion de la qualité des services publics depuis 10 ans (53 %) et
seuls 15 % estiment que leur qualité s’est améliorée durant la même
période (32 % considérant que la qualité est restée la même).
Une majorité de Français s’accorde néanmoins quant au rôle
important que jouent les services publics sur l’attractivité et la pré-
servation des territoires français en voie de désertification (75 %)
et sur la modernisation du rapport des citoyens à l’État par la
numérisation (77 %).
Des services publics majoritairement jugés accessibles, adaptés aux
besoins quotidiens et respectant la neutralité
Les services de sécurité sociale (62 %) et de santé publique
(57 %) sont ceux auxquels les Français ont le plus recours dans
leur quotidien. Les Français ont cependant moins recours dans leur
quotidien aux services liés au logement (21 %) et aux services liés
à la Justice (14 %).
Si les Français ont majoritairement une bonne opinion de ces services
publics, et en particulier de ceux qu’ils connaissent le mieux, 78 %
pour les services de santé publique, 78 % pour les forces de l’ordre
ou encore 66 % pour l’Éducation nationale, ils sont plus partagés
quant aux services publics liés au logement (54 %) et à l’emploi
(38 %) qu’ils côtoient moins et pour lesquels l’image est moins
construite.
Dans le détail et lorsqu’ils y ont recours, les Français jugent
positivement les différents types de services publics qu’ils sont une
majorité à considérer à la fois accessibles sur leur territoire, adaptés
à leurs besoins quotidiens et égalitaires et neutres dans le traitement
de leurs demandes. On observe cependant sur ces points une satis-
faction inférieure concernant les services publics liés à l’emploi, au
logement et à la justice qui sont moins bien jugés.
Enfin, si seuls 26 % des interviewés ont entendu parler du label
« Maison France Services », les Français estiment en grande majo-
rité qu’il s’agit d’une bonne initiative (87 %).

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188 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

(Sondage réalisé du 16 septembre 2019 au 18 septembre 2019


par téléphone à partir d’un échantillon de 2.500 personnes).
Les services publics découvrent les techniques publicitaires
au début des années 1990 avec des slogans qui vont marquer
les esprits : « Ça bouge avec la Poste », « L’EDF, des hommes au
service des hommes », « Avec la SNCF, c’est possible », « Ticket
chic, ticket choc », « Montpellier, la surdouée », « Nantes, effet
côte ouest ». Les journaux municipaux mais aussi le marketing
territorial et l’évaluation des politiques publiques locales se déve-
loppent dans certaines grandes collectivités…

DOCUMENT n° 24 : Publicité – Montpellier la surdouée

191. Dans les années 2010, le recours aux neurosciences orga-


nisé par le SGMAP puis par la DITP prolongera ces méthodes sans
les renouveler réellement. Elles donnent une nouvelle impulsion
et des méthodologies aux approches centrées sur les usagers et

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les démarches centrées sur la relation avec les usagers 189

sont à l’origine par exemple de nouvelles actions de simplification


du langage administratif ou du recours à la technique du « nudge »
ou « coup de pouce » qui consiste à rechercher des modes de com-
munication et d’incitation pour influencer les comportements
sans recourir à la normalisation, à l’interdiction ou la répres-
sion. C’est une technique qui peut avoir une certaine efficacité
mais elle est un peu manipulatrice. Elle a par exemple été utilisée
pour promouvoir la déclaration électronique des revenus rendue
obligatoire en quelques années et pour orienter la campagne de
vaccination contre la Covid-19. La direction interministérielle
de la transformation publique a rendu public le 18 novembre
2018 les résultats d’un appel à manifestation d’intérêt sur le
thème « Sciences comportementales et politiques publiques »
lancé dans le cadre des investissements d’avenir. Parmi les sept
lauréats porteurs de projet : l’Acoss (développer le recours aux
paiements dématérialisés), Pôle emploi (lutter les stéréotypes et
les discriminations à l’embauche), le Commissariat au dévelop-
pement durable (inciter au développement de l’économie circu-
laire), l’assurance-maladie (améliorer les entretiens de traçage de
la Covid), le SIG (améliorer la communication gouvernementale).
La direction interministérielle de la transformation publique a
publié un guide intitulé « Vaincre la phobie administrative grâce
aux sciences comportementales » (17). Après un bref rappel de
l’intérêt des sciences comportementales (Kahneman, Thaller)
appliquée aux relations entre les services publics et les usagers,
ce guide récapitule les recommandations les plus traditionnelles
en matière de communication publique pour concevoir des sites
web publics ou des correspondances administratives : rédiger sim-
plement, personnaliser les relations, donner des retours, mettre
en page, communiquer au bon moment… Dans le même cadre,
des politiques de design des services publics sont promues par la
DiTP. Elles renouvellent l’approche traditionnelle qui consiste
à « mettre l’usager au centre », en premier lieu en concevant les
réformes avec sa participation.

(17) Vaincre la phobie administrative grâce aux sciences comportementales, guide pratique, avril
2019, DITP, ministère de l’Action et de la Transformation publique.

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190 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Section 3. L es démarches qualité

192. Peu à peu, l’administration s’est intéressée davantage à


ses usagers. On commence à la concevoir comme une organisation
qui délivre des services dont la qualité peut être mesurée et amé-
liorée. Dans un premier temps, les consultants et les promoteurs
du nouveau management public ont transposé des techniques
développées dans le secteur privé (§ 1). Après une éclipse à la
fin des années 1980, les démarches qualité ont été adaptées sous
forme de chartes et d’engagements (§ 2).

§ 1. La transposition des techniques du secteur privé


193. Les politiques de qualité dans les services publics se
sont développées en plusieurs étapes. La première est celle des
« cercles de qualité » inspirés du management industriel japo-
nais dans la deuxième moitié des années 1980. Portée par des
consultants, encouragée par les pouvoirs publics dans le cadre
d’une vision néo-libérale de la réforme administrative, elle a eu
un certain succès puisqu’on comptait 3000 cercles de qualité au
moment des « Assises nationales de la qualité » en 1988. Ils ont
souvent sombré rapidement dans le « gadget » et l’anecdote mais
ont permis quelques réalisations (telles que le nouveau vélo des
facteurs) et ont permis d’entretenir le réseau des modernisateurs.
Une approche complémentaire a été celle de la certification en
application de normes ISO (spécialement, la norme ISO 9001
applicable aux activités de services, publiques ou privées), pou-
vant aller jusqu’aux procédures d’assurance qualité. Là encore
une démarche inspirée du secteur privé n’a rencontré que peu
d’applications. Elle a parfois généré une véritable bureaucra-
tie paralysante de normes et d’indicateurs. La plupart de ces
démarches n’ont pas survécu à l’alternance gouvernementale
de 1988.

§ 2. Charte et engagement de qualité dans les services publics


194. De nouvelles démarches plus globales, plus rationnelles
et moins codifiées, inspirées en partie de la Citizen Chart de
John Major, ont été organisées dans les années 1990 et coordon-
nées par le nouveau Commissariat à la réforme de l’État. Elles
sont fondées sur une meilleure prise en compte des attentes des

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Chapitre 6. - Les démarches centrées sur la relation avec les usagers
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les démarches centrées sur la relation avec les usagers 191

usagers, sur une méthode d’organisation des structures et des


processus en fonction du résultat final de l’action administra-
tive. Elles sont définies et mises en œuvre en association avec
les agents publics et avec les usagers. Elles doivent suivre une
méthodologie minimale portant sur l’analyse des situations et
des attentes, l’identification des publics, la concertation interne
et externe, l’expérimentation, la mesure des résultats… Elles
peuvent prendre plusieurs formes. Au minimum, le terme vague
de « démarches » peut recouvrir toutes les initiatives concrètes
qui visent à apporter un supplément de satisfaction aux usa-
gers. Elles peuvent être formalisées dans des chartes de qualité au
niveau d’un ministère, d’une direction ou d’un service. Celles-ci
fixent les principes, les axes, les objectifs, la méthode et l’évalua-
tion des démarches. Plus précis sont les engagements de services
qui définissent, sur un certain nombre de points-clés essentiels
pour les usagers, une garantie de réalisation d’un niveau de satis-
faction mesuré par un indicateur objectif. Ils ont été développés
notamment au ministère de l’Équipement (par exemple : rapidité
de déneigement de routes de montagne), à l’EDF (qualité de la
facturation) et dans des organismes de sécurité sociale (taux de
recours effectif aux prestations).
195. Le comité interministériel de la réforme de l’État du
29 mai 1996 a décidé que « chaque administration sera dotée,
avant juin 1997, d’une charte qualité ». La direction générale de
la fonction publique a animé ce mouvement : journées d’études,
groupes de travail, études de cas, guides, formations. Au minis-
tère des Finances, la direction de la communication a constitué un
centre de ressources sans se substituer aux directions techniques.
Malgré le caractère régalien de nombreuses missions du minis-
tère dont le caractère répressif peut parfois procurer des « désu-
tilités » importantes à leurs « usagers » directs, ces démarches de
recherche de la plus grande satisfaction des publics présentent
un intérêt : analyse de la diversité des usagers ; amélioration des
services « associés » aux missions (politiques d’information et de
renseignement, d’accueil, de traitement des courriers et des récla-
mations, relations téléphoniques, services conseils et assistance
aux démarches, lisibilité des formulaires, simplifications admi-
nistratives, présence en milieu rural et dans les banlieues…) ;
évolution de l’offre de services pour mieux répondre aux attentes
des usagers sans renoncer à la finalité d’intérêt général (nouveaux

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Chapitre 6. - Les démarches centrées sur la relation avec les usagers
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192 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

moyens de paiement de l’impôt, dédouanement simplifié, échanges


de données informatisées, rescrit en matière fiscale, polyvalence
des recettes rurales).
196. Ces démarches n’ont pas été poursuivies après 1996. Elles
ont servi de lien entre les approches juridiques des droits de l’usa-
ger et les approches managériales à travers le slogan devenu une
banalité : « mettre l’usager au centre de la démarche » et elles
ont contribué à former et à motiver des réseaux d’innovateurs
au sein des services publics. Elles auront cependant une certaine
postérité : un guide des engagements de service est préfacé par
le ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’État
en 2001. La circulaire du 25 juin 2003 relative aux stratégies
ministérielle de réformes prescrit aux ministres de lancer des
démarches qualité.
197. La Charte Marianne lancée en janvier 2005 rassemble une
série d’engagements qui sont relatifs à l’accès aux services, à l’ac-
cueil, à la qualité de la réponse, au traitement des réclamations,
aux propositions des usagers et à la mesure de leur satisfaction.
Déclinée dans les services, accompagnée d’un dispositif de mesure
qui se perfectionne, la Charte Marianne a contribué à un meilleur
traitement des usagers dans leur relation quotidienne avec les
services publics. En 2005, un programme « Pour vous faciliter
l’impôt » décline les engagements de la Charte Marianne pour les
relations avec le fisc.
198. La recherche de la qualité du service rendu ou, plus géné-
ralement, l’organisation « tournée vers le client » restera un leit-
motiv commun à tous les mouvements de réforme. La création
d’un baromètre indépendant de la qualité des services sous forme
d’un réseau d’observateurs a été décidée au CIMAP du 17 juil-
let 2013. Après 2017, le Premier ministre, Édouard Philippe, a
systématiquement associé dans plusieurs circulaires la simplifi-
cation et la qualité du service rendu. En février 2021, est lancé
un programme « services publics + » qui comporte 9 engagements
pour que les services soient « plus proches et plus simples », un
baromètre de satisfaction des usagers régionalisé, une plateforme
de partages d’expériences et de signalement des difficultés (vox
usagers). Le Conseil des ministres du 26 janvier 2021 indique que
77 % des Français sont satisfaits de l’administration d’après le
baromètre de « services publics + » et de 73 % d’après le baro-
mètre de l’Institut Paul Delouvrier.

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les démarches centrées sur la relation avec les usagers 193

DOCUMENT n° 25 : Dossier de presse « Services publics + »


(janvier 2021)
Les quatre piliers de Services publics +
1. La mobilisation de tous les services publics autour de 9 nou-
veaux engagements, déclinés dans chaque réseau de service
public selon son métier et ses missions ;
2. La publication des résultats au niveau local dans une logique
de transparence
3. L’écoute des usagers sur le terrain avec la possibilité pour
chacun de donner son avis et de partager ses expériences des
services publics sur une plateforme en ligne
4. L’amélioration continue de la qualité de service sur la base
des retours des usagers.
9 engagements communs à tous les services publics
Des services publics plus proches :
1 – Faire confiance aux usagers et leur donner un droit à l’erreur
2 – Être plus facilement joignables
3 – Accompagner les usagers de façon personnalisée
Des services publics plus efficaces :
4 – Orienter facilement l’usager vers le service compétent
5 – Apporter une réponse plus rapide
6 – Afficher les résultats des services publics en toute transparence
Des services publics plus simples :
7 – Prendre en compte l’avis des usagers
8 – S’améliorer en continu
9 – Être éco-responsable
199. En définitive, le discours construit autour de ces métho-
dologies est d’une grande banalité et il n’est pas certain que les
nombreux outils d’études de la satisfaction des usagers soient des
instruments fiables de mesure de la qualité effective des services
rendus. Ces politiques prétendument centrées sur l’usager sont
souvent assez superficielles et sont loin de transformer les rap-
ports entre l’administration et les citoyens, ce qui est l’ambition
des procédures d’association des usagers aux services publics.

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Pour en savoir plus

Ouvrages

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besoins de la population, Paris, Éd. d’Organisation, 1980.
Cluzel L., Le service public et l’exigence de qualité, Paris, Dalloz,
2006.
Conseil des prélèvements obligatoires, Le baromètre des prélève-
ments obligatoires en France, 2021.
Cour des comptes, L’accès aux services publics dans les territoires
ruraux, mars 2019.
de Quatrebarbes B., Usagers ou clients, marketing et qualité dans
les services publics, Paris, Éd. d’organisation, 1998.
Direction générale de l’administration et de la fonction publique,
S’engager sur le service, réflexions de praticiens pour réussir des
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sur l’administration de son pays, Paris, Seuil, 1987.
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Trosa S., Modernisation du management public : le pari de la qua-
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travail bureaucratique, Paris, Economica, 2018.
Zémor P., Le sens de la relation, organisation de la communication
publique, Paris, La Documentation française, 1992.

Articles

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n° 178, 2021, p. 127.
Barouch G., « La mise en œuvre de démarches qualité dans les ser-
vices publics : une difficile transition », PMP, 2010, vol. 27/2, p. 1.
Breas M., « La charte Marianne, occasion d’instaurer une logique
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meilleur accueil” », PMP, vol. 24 (4), 2006, pp. 113-133.
Candiard B., « Les choix d’organisation d’un service de commu-
nication. L’exemple du ministère de l’économie, des finances et
du budget », RFAP, n° 58, avril-juin 1991.

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les démarches centrées sur la relation avec les usagers 197

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Chapitre 6. - Les démarches centrées sur la relation avec les usagers
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Chapitre 7.
L’ASSOCIATION DES USAGERS

200. Un meilleur équilibre peut être recherché directement


dans l’évolution des rapports de pouvoir qui se nouent autour
de la relation des citoyens avec leur administration. Selon l’im-
portance attachée à la préservation du statut juridique et social
privilégié de l’administration, la nouvelle attitude peut être plus
ou moins ouverte et manifester une plus ou moins grande inté-
gration des usagers ou des citoyens au processus de décisions
administratives. Les usagers peuvent être simplement écoutés
et ils peuvent être davantage associés (section 1). Au cours des
dernières décennies, de multiples tentatives ont tenté d’avancer
en direction d’une plus grande « démocratie administrative ». Ces
expériences correspondent à un besoin de revivifier la démocratie
représentative et de refonder la légitimité des gouvernants. Elles
se heurtent cependant à des difficultés conceptuelles et pratiques.
Elles se sont multipliées dans la période récente et suscitent un
renouvellement de la conception des rapports entre les citoyens et
le pouvoir. Mais leur place dans le système politico-administratif
est loin d’être stabilisée (section 2).

S ection 1. Consultation et concertation

201. L’écoute des usagers est un thème récurrent mais dif-


ficile à mettre en œuvre au sein d’une culture administrative
qui tire sa légitimité de ses prérogatives de droit public et non
de la qualité de ses relations quotidiennes avec les usagers. Les
premiers comités d’usagers ont été créés en 1974 auprès des
ministres. Ils étaient présidés par des parlementaires en mis-
sion. Ils avaient une représentativité très contestable, leurs
membres ayant très souvent été choisis en fonction de leurs

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Chapitre 7. - L’association des usagers
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200 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

liens personnels avec le ministre. Leur mission a été brève et


ils ont eu un rôle très limité. Les comités d’usagers nationaux
n’ont guère eu de postérité.
202. En revanche, divers organismes sectoriels de concer-
tation sont créés : la concertation avec les associations de
consommateurs à l’EDF, les comités des usagers des télécom-
munications en 1976 qui seront régionalisés en 1983, l’asso-
ciation des parents d’élèves au conseil d’administration des
établissements d’enseignement (lois de 1984 et 1989), les comi-
tés départementaux de la consommation en 1986. Sur le plan
local, les comités régionaux de la communication du ministère
des Finances organisent des journées d’études spécialisées en
région avec des représentants socio-professionnels et, d’une
manière plus pérenne, installent quelques comités d’usagers
professionnels régionaux (artisans, professions libérales) qui
seront consultés sur les propositions de réformes, de simplifi-
cations ou de révision des formulaires. Les comités de liaison
de l’opération Administration à votre service, expérimentée
en 1982 dans quatre départements, étaient animés par les
commissaires de la République et réunissaient les chefs des
services administratifs, les élus locaux, les représentants des
syndicats et des associations. Ils ont pris diverses initiatives
locales : documents de présentation des services, renforts de
points d’accueil de proximité, formation des agents…
203. La généralisation de telles initiatives n’a pas été possible
malgré diverses propositions, par exemple celle du rapport du
député Michel Sapin qui envisageait la création d’une pyramide
d’instances consultatives auprès des préfets, des ministres et du
Premier ministre (1). Elle s’est heurtée à des questions de fonds,
notamment celles de la composition, de la représentativité et des
pouvoirs des instances : faut-il représenter l’usager lambda de
chaque service particulier ou faire participer des « généralistes »
qui peuvent être une association de consommateurs, un élu local,
une personnalité qualifiée ? Jusqu’où aller dans la codécision ?
Quelle légitimité reconnaître à des instances non élues ? Dans
quelle mesure peuvent-elles participer aux décisions administra-
tives ?

(1) Voy. aussi la proposition de loi du sénateur René Regnault, enregistrée le 7 février 1989
à la présidence du Sénat et tendant à la création d’un conseil national et de conseils locaux des
services publics.

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Chapitre 7. - L’association des usagers
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l ’ association des usagers 201

204. Une autre difficulté guette l’administration consultative.


Elle est parfois considérée comme peu utile, facteur de complexité
et de retardement. Depuis quelques années, la suppression des
conseils et organismes inutiles fait partie des passages obligés
des programmes de réforme administrative tant dans le cadre de
la modernisation que de la transformation de l’action publique.
De 2012 à 2018, le nombre de commissions consultatives serait
passé de 670 à 389. Une circulaire du 24 octobre 2017 applique
la règle du 1 pour 1 aux commissions consultatives (une création
n’est autorisée que si une commission est supprimée) et invite
les membres du Gouvernement à réduire le nombre de commis-
sions et à développer des modes plus modernes et plus ouverts de
consultation ou d’association à la décision. Une nouvelle circu-
laire du 12 septembre 2018 étend aux commissions consultatives
le principe « one in, two out » (sic) qui s’applique depuis septembre
2017 aux textes réglementaires.
205. Les associations, dont le rôle est de plus en plus reconnu,
pourraient jouer ce rôle de représentation des usagers. Elles reçoivent
le droit de se porter partie civile devant les tribunaux répressifs
dans les litiges relatifs à des faits portant un préjudice direct ou
indirect aux intérêts collectifs qu’elles défendent : loi n° 73‑1193
du 27 décembre 1973 d’orientation du commerce et de l’artisanat ;
loi n° 76‑629 du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature ; loi
n° 76‑1285 du 31 décembre 1976 portant réforme de l’urbanisme
pour les associations d’utilité publique agréées. Les associations de
consommateurs et des associations de défense de l’environnement
sont de plus en plus présentes dans le débat public mais elles sont
restées spécialisées et ont peu débordé sur le terrain de l’adminis-
tration générale. Au cours des années 1980‑1990, très peu d’asso-
ciations généralistes seront en mesure de répondre aux sollicitations
des services publics ou d’interpeler ceux-ci. L’Association pour
l’amélioration des rapports entre l’administration et ses publics
(ARAP) représente les usagers dans de nombreuses concertations,
alors qu’elle regroupe principalement des fonctionnaires, avec
l’Association de défense des usagers de l’administration (ADUA)
présidée par Jean-Claude Delarue dont la représentativité n’est
pas plus objective. Il existe aussi quelques associations d’usagers
de services publics spécialisés telles que l’AFUTT pour le téléphone
ou la FNAUT pour les transports, toutes deux dirigées pendant de
longues années par d’anciens hauts fonctionnaires.

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Chapitre 7. - L’association des usagers
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202 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

S ection 2. L a démocratie participative

206. Des initiatives novatrices et importantes ont été


prises depuis quelques années pour expérimenter des formes
d’association plus substantielle de citoyens issus de la société
civile au processus d’élaboration de politiques publiques, dans
leurs aspects politiques et administratifs. Elles commencent
à faire l’objet d’études universitaires nombreuses et diverses.
Ainsi sont apparues les grandes consultations dont le proto-
type est le grenelle de l’environnement (§ 1), le grand débat
national (§ 2), la convention citoyenne sur le climat (§3), le
conseil national de la refondation (§4). La réforme du Conseil
économique, social et environnemental (§5) pourrait initier
une certaine rationalisation. Le recours au référendum (§6)
et la participation au niveau local (§7), tous deux encore très
limités manifestent les difficultés de conceptualiser et de sta-
biliser les dispositifs d’association des citoyens aux processus
politico-administratifs.

§ 1. Les grandes consultations publiques, le Grenelle de


l’environnement
207. La procédure consultative se renouvelle. À l’occasion de
la préparation de grands projets de réforme, elle vise à associer au
processus de décision non plus des représentants sélectionnés mais
de larges panels de citoyens, consultés par des procédés divers
dont une part croissante repose sur les nouvelles technologies de
la communication. La référence historique est celle du débat sur
la réforme des PTT conduit par Hubert Prévot en 1979 qui asso-
cie auditions de personnalités, sondages et communication directe
sur minitel avec les agents. Il y eut ensuite la consultation sur
la réforme de l’éducation nationale conduite par Claude Thélot
en 2002 et, surtout, le Grenelle de l’environnement organisé du
15 juillet au 25 septembre 2007 en trois phases préalables aux
décisions : travaux de groupes ; consultations des publics ; négo-
ciations. Il a donné lieu à 17 réunions régionales, son site internet
a reçu 300.000 visiteurs et 14.000 contributions. Ce dispositif a
été à l’origine de deux lois majeures et d’une intéressante théorie
de la concertation : le principe de la « gouvernance à cinq » : État,
collectivités locales, entreprises, syndicats, associations. Dans
ce dispositif, la participation des citoyens ne se substituait donc

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Chapitre 7. - L’association des usagers
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l ’ association des usagers 203

ni à la démocratie représentative, ni à la concertation avec les


corps intermédiaires. On a même parlé de « grenellisation » de la
participation des citoyens.

DOCUMENT n° 26 : Les grandes étapes du grenelle de l’envi-


ronnement. Fiche pédagogique du site Connaissance des énergies
Le Grenelle Environnement s’est déroulé en trois phases :
Première phase : du 16 juillet à fin septembre 2007
Cette première phase a été consacrée au dialogue et à l’élaboration
de propositions au sein des groupes de travail, chacun d’entre eux
réfléchissant sur un thème différent.
Les thèmes choisis étaient les suivants :
• la lutte contre les changements climatiques et la maîtrise de
la demande d’énergie. Les sujets abordés étaient les trans-
ports, l’aménagement du territoire, la construction, l’habitat
et l’énergie ;
• la préservation de la biodiversité et des ressources naturelles.
Les sujets abordés étaient la gestion de l’eau, des espaces pro-
tégés, la pêche et les ressources halieutiques ;
• l’instauration d’un environnement respectueux de la santé.
Les sujets abordés étaient les enjeux liés la santé (qualité de
l’alimentation, les pollutions, les déchets, la qualité de l’air) ;
• l’adoption de modes de production et de consommation durables.
Les sujets abordés étaient l’agriculture, l’agroalimentaire, la
pêche, la forêt, la distribution et le développement durable des
territoires ;
• la mise en place d’une démocratie écologique. Le sujet abordé
était la réforme des institutions pour prendre en compte le
pilier environnemental du développement durable et pour amé-
liorer l’accès à l’information ;
• la promotion des modes de développement écologiques favora-
bles à l’emploi et à la compétitivité. Les sujets abordés étaient
les questions de recherche, d’innovation, d’emploi, de fiscalité
écologique, de publicité responsable.
Deuxième phase : de fin septembre à mi-octobre 2007
Durant cette deuxième phase, le grand public a été consulté
via des forums internet et des rencontres. Durant cette
période, 14.000 contributions sur Internet ont été recensées et

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204 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

300.000 internautes sont intervenus sur le forum du Grenelle.


Près de 15.000 personnes ont participé aux 19 réunions régionales
organisées.
Troisième et dernière phase : 24 et 25 octobre 2007
Pendant ces deux jours, les participants aux groupes de travail
ont discuté avec le gouvernement des mesures à mettre en place.
Puis, le président de la République Nicolas Sarkozy a annoncé
les conclusions du Grenelle Environnement. Le Grenelle a permis
d’aboutir à 268 engagements en faveur de l’écologie et de l’envi-
ronnement.
Mise en œuvre
Après la période de réflexion qui s’est déroulée en trois phases, le
Grenelle Environnement a été mis en œuvre en deux grandes étapes.
Première étape : de décembre 2007 à mai 2008
Pour mettre en œuvre le Grenelle, 34 comités opérationnels ont
été créés. Ils étaient dirigés par un parlementaire ou une person-
nalité reconnue. La mission de ces 34 comités était de proposer
des actions concrètes permettant la mise en place des 268 enga-
gements.
Un Comité de suivi du Grenelle a été créé début 2008 par le
gouvernement à la demande des organisations ayant participé au
Grenelle Environnement. Ce comité était composé de représentants
des cinq « familles » participantes (État, collectivités locales, ONG,
entreprises, salariés). Il a eu pour vocation d’assurer le suivi des
engagements pris par le gouvernement.
Seconde étape : le « temps du Parlement » entre 2008 et 2010
Le Parlement a adopté les différents textes nécessaires à la tra-
duction législative des engagements du Grenelle de l’Environnement.
Les lois créées ont été qualifiées à ce titre de lois « Grenelle ».

§ 2. Le grand débat national


208. Un autre dispositif de consultation a été mis en place
en accompagnement de la Mission « Action publique 2022 ».
Essentiellement en ligne, il ouvrait aux usagers et aux agents
publics la possibilité de consulter des documents (154.000 visites),
de participer à des ateliers (600 participants), de répondre à
des questionnaires et de faire des suggestions (10.000 agents et
7.000 usagers). Ses résultats ont été publiés le 2 mai 2018.

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l ’ association des usagers 205

Les notions de démocratie délibérative et de participation


citoyenne ont connu une nouvelle actualité avec le grand débat
national organisé entre janvier et mars 2019 à l’initiative du
Président de la République. L’idée, née après le début de la
révolte des Gilets jaunes, est de consulter un grand nombre de
citoyens par des voies multiples et sur l’ensemble des politiques
publiques. Après un travail très utile de la Commission nationale
du débat public, malheureusement déchargée de la préparation
du débat, c’est le Gouvernement qui a organisé le dispositif. Des
garants, personnalités indépendantes incontestées, ont été dési-
gnés. Le débat a été centré (mais non exclusivement) sur quatre
thématiques (fiscalité et dépenses publiques, transition écolo-
gique, organisation de l’État et des services publics, démocra-
tie et citoyenneté). Cette consultation massive et transparente
est sans précédent à cette échelle. Plusieurs voies de remontées
ont été organisées très souplement et de manière décentralisée :
16.000 cahiers de doléances déposés en mairie, 10.000 réunions
d’initiative locale, 2 millions de communications sur la plateforme
du grand débat sur internet, 27.000 courriers et courriels reçus,
des kiosques dans les mairies et les gares, une vingtaine de confé-
rences citoyennes régionales réunissant une centaine de citoyens
tirés au sort. Des réunions plus institutionnelles ont été organisées
sur chaque thème avec des associations et groupes représentatifs.
Le Conseil économique, social et environnemental, a organisé
son propre dispositif « citoyen ». Les assemblées parlementaires
ont débattu des premières conclusions. La participation a donc
été très large, même si elle ne peut prétendre à une représentati-
vité parfaite du « peuple ». Des exploitations immédiates ont été
confiées à différents cabinets d’études. L’ensemble des données
ont été numérisées et sont accessibles en données ouvertes et
retraitables. Le Président de la République, qui a pris person-
nellement une part non négligeable (et contestée) aux débats
avec des citoyens, des élus ou des intellectuels, a assuré vouloir
tenir compte des leçons tirées de cette masse d’informations et
a annoncé une série de mesures dans sa conférence de presse du
25 avril 2019 : refus du référendum d’initiative citoyenne et du
rétablissement de l’impôt sur les grandes fortunes ; création d’un
conseil de la participation citoyenne ; rétablissement d’une dose
de proportionnelle pour les élections législatives ; nouvel acte de
décentralisation ; déconcentration des décisions administratives ;
suppression de l’École Nationale d’Administration et réforme de

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206 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

la haute fonction publique ; retraite par points ; service national


universel ; dédoublement des classes de la maternelle au CE1.
L’annonce de ce programme a largement contribué à la fin du
mouvement des Gilets jaunes mais il n’a pas fait l’objet d’un suivi
explicite et systématique.

TÉMOIGNAGE n° 8 : Une convention régionale du grand débat


national
En 2007, j’avais participé en tant que trésorier-payeur général
des Alpes-Maritimes à une rencontre du grenelle de l’environnement
organisée à Sophia Antipolis. J’y avais appris des notions nouvelles
pour moi (par exemple, l’économie circulaire) et j’avais apprécié
la qualité des débats, notamment la contribution des associations.
En 2019, j’ai participé à une réunion municipale du grand débat
national et à une réunion organisée par des gilets jaunes. Dans
les deux cas, les débats ont été assez confus, peu consensuels et
sans débouchés. Un peu plus tard, j’ai été appelé au téléphone par
un institut de sondage qui recrutait des citoyens pour participer
à une convention régionale du grand débat national. Après avoir
vérifié que j’appartenais au 3e âge et que j’habitais dans un village
de l’Hérault, on m’a demandé si j’acceptais de consacrer tout un
samedi au grand débat. C’est donc en qualité de « vieux rural »
qu’un énarque, enseignant en sciences administratives et en finances
publiques, a participé aux travaux de la commission « démocratie »
de la convention de Toulouse. Ce biais ne m’était pas personnel car
la convention, qui a réuni une centaine de personnes, comprenait
une majorité de membres des classes moyennes (fonctionnaires,
chef d’entreprises, professions libérales) sans doute à cause des
critères de recrutement assez frustes et du volontariat, inévitable
mais qui exclut les personnes non disponibles ou peu motivées. Les
débats ont été parfaitement organisés : affectation imposée dans des
tables rondes de moins de 10 personnes sur un des quatre thèmes du
grand débat (finances publiques, écologie, services publics, démo-
cratie) ; animation par des professionnels bien formés ; experts
fournisseurs de données ; cheminement par sélections successives
de propositions. Le résultat est une liste de propositions adoptées à
la majorité correspondant assez bien à ce qu’on pouvait attendre :
demande de transparence, de meilleure utilisation de l’argent public,
de proximité… En résumé, une consultation formatée qui aboutit
à des propositions « constructives » mais assez conventionnelles.

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l ’ association des usagers 207

DOCUMENT n° 27 : Point d’étape du grand débat national.


Compte rendu du Conseil des ministres du 13 février 2019
Le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires
et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des col-
lectivités territoriales et la secrétaire d’État auprès du ministre
d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ont présenté
une communication faisant un point d’étape sur le grand débat
national.
En cohérence avec les recommandations des garants, le
Gouvernement s’engage sur trois grands principes :
– l’exhaustivité : toutes les contributions individuelles et collec-
tives seront prises en compte ;
– la transparence : les contributions sont disponibles en open
data dans le respect des données personnelles ;
– la pluralité : la multiplicité des formes de témoignages et des
prises de position seront prises en compte, tout en permettant
de diversifier les analyses.
Lancé le 15 janvier, le grand débat national est, à mi-parcours,
un succès incontestable. À ce jour, près de 1,7 million de visiteurs
uniques se sont rendus sur le site granddebat.fr (parmi lesquels plus
de 320.000 se sont inscrits à la plateforme), plus de 6.000 réunions
ont été publiées dans toute la France (dont 2.500 ont déjà eu lieu)
et plus de 850.000 contributions ont été postées en ligne (dont les
trois quarts environ en réponse aux questions « rapides »). Parmi
les propositions formulées sur la plateforme, 34 % concernent la
fiscalité et les dépenses publiques, 25 % la transition écologique,
21 % l’organisation de l’État et des services publics et 19 % la
démocratie et la citoyenneté.
Alors que 3.500 réunions d’initiatives locales sont encore prévues
partout sur le territoire jusqu’au 15 mars, de nouveaux rendez-vous
font vivre le grand débat jusqu’à début avril :
– dès cette semaine, des stands mobiles se déploieront dans les
bureaux de poste et dans les gares de chaque région, pour faire
venir le grand débat aux passants et leur permettre d’y prendre
part ;
– dans la première quinzaine de mars, des conférences sur chacun
des quatre thèmes mis au débat seront organisées au niveau
national. Elles regrouperont les corps intermédiaires (organi-
sation syndicales et patronales, associations, élus, etc.) ;

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Chapitre 7. - L’association des usagers
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208 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

– à l’issue de la phase de collecte des contributions, dix-huit con-


férences citoyennes régionales (une par région métropolitaine
et cinq pour l’Outre-mer) se tiendront au cours des week-ends
des 15‑16 et 22‑23 mars. Celles-ci regrouperont des citoyens
tirés au sort par génération aléatoire de numéros de téléphone.
Elles s’appuieront notamment sur une synthèse intermédiaire
(données arrêtées au 1er mars) ;
– une conférence citoyenne sera spécifiquement dédiée à la jeu-
nesse ;
– un débat aura lieu au parlement au début du mois d’avril.
Le Président de la République et le Gouvernement pourront alors
préparer les prochaines étapes et prendre les premières décisions
avant la mi-avril, comme annoncé dans la lettre aux Français
publiée le 13 janvier dernier.

§ 3. La conférence citoyenne sur le climat


209. Le Président de la République a annoncé le 25 avril
2019 l’organisation d’une conférence de citoyens tirés au sort
qui seront chargés, dans un premier temps, de donner un avis
sur les dispositifs d’aide à la transition énergétique et sur les
moyens de les financer. Cette conférence pourrait ultérieurement
être intégrée au Conseil économique social et environnemental.
La Convention citoyenne pour le climat réunit 150 personnes
tirées au sort et illustrant la diversité de la société française.
Elle a pour mandat de définir une série de mesures permettant
d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à
effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990) dans un esprit de
justice sociale. La Convention est assistée par un comité de gou-
vernance composé d’experts techniques et juridiques et de pro-
fessionnels de la participation et de la délibération collective,
par un groupe d’appui formé de quatorze experts, par un comité
légistique de six juristes et par des « vérificateurs de faits ».
Trois garants veillent à la neutralité et à la sincérité des débats.
L’organisation est assurée par le Conseil économique, social et
environnemental. Ces citoyens s’informent, débattent et pré-
parent des projets de loi sur l’ensemble des questions relatives
aux moyens de lutter contre le changement climatique. Ils se
sont répartis en groupes thématiques pour traiter, par exemple,
des questions relatives aux économies d’énergie, à la rénovation
thermique des logements, à l’agriculture, aux mobilités, à la

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Chapitre 7. - L’association des usagers
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l ’ association des usagers 209

fiscalité écologique. Ils auditionnent des experts. Le Président


de la République s’est engagé à ce que ces propositions législa-
tives et réglementaires soient soumises « sans filtre » soit à un
référendum, soit au vote du Parlement, soit fasse l’objet d’une
application réglementaire directe. La convention a été installée
les 4, 5 et 6 octobre 2019. Elle a remis son rapport contenant 149
propositions en juillet 2020. Un grand nombre d’entre elles ont
donné lieu à des débats avec les pouvoirs publics qui ont porté
une appréciation sur leur faisabilité, leur réalisme, leur impact.
Les mesures retenues ont été intégrées dans divers supports :
plan de relance, loi de finances, projet de loi climat et résilience,
autres projets de loi relatifs à l’énergie ou à l’agriculture. Le
suivi précis est donc difficile. Au moment de la présentation
du projet de loi Climat et résilience, le Gouvernement estimait
que sur 149 propositions, 75 avaient déjà été mises en œuvre
et 71 restaient en cours et que la France était ainsi en mesure
d’atteindre ses objectifs de réduction d’émission de gaz à effet
de serre de 40 % en 2030. En revanche, des participants, des
spécialistes et de nombreuses associations ont fait part de leur
grande déception car des décisions importantes ont été différées
et les mesures adoptées comportent des seuils ou des calen-
driers moins contraignants que ce qui avait été proposé. Malgré
l’impulsion donnée, la France paraît en retard dans certains
domaines tels que la qualité de l’air, le développement des éner-
gies renouvelables, la promotion des transports en commun et
du vélo. Une nouvelle consultation citoyenne portant sur la fin
de vie est organisée à partir du 9 novembre 2022. Son objectif
est défini plus modestement que pour la précédente conven-
tion : elle a essentiellement pour objet d’apaiser le débat. Le
Président de la République ne s’est pas engagé à suivre ses
propositions.

DOCUMENT n° 28 : La Convention citoyenne sur le climat.


Fiche « Vie publique »
À la suite du grand débat, le président de la République affirme
que, face à l’« état d’urgence climatique » actuel, « le climat doit
être au cœur du projet national et européen ». Il annonce ainsi
la création d’une Convention citoyenne pour le climat qui sera
organisée par le Conseil économique, social et environnemen-
tal (CESE).

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Composition
La lettre de mission adressée au CESE par le Premier ministre
assigne à la CCC un mandat précis : définir une série de mesures
pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à diminuer d’ici
2030 les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France
d’au moins 40 % par rapport à 1990. Cet objectif coïncide avec
les engagements pris par la France dans le cadre de l’accord de
Paris.
Le CESE se voit attribuer un budget de 5,4 millions d’euros
pour organiser la Convention. Ce montant couvre l’organisation
logistique, l’animation, la venue d’experts et l’indemnisation des
participants.
La Convention se compose de 150 membres tirés au sort sur la
base des listes électorales et des listes d’abonnés téléphoniques censés
refléter la diversité de la société française.
Travaux de la Convention
Les sessions ont lieu au CESE ou en ligne du 4 octobre 2019 au
21 juin 2020. Les participants auditionnent 140 experts dont la
liste est rendue publique (climatologues, économistes, associations,
acteurs économiques et sociaux). Le collège des garants contrôle la
transparence des débats. Une plateforme de contribution accessible
en ligne sur le site de la CCC permet à toute personne ou entité
déclarée de déposer des propositions.
Les participants se répartissent en cinq groupes thématiques :
consommer ; produire et travailler ; se déplacer ; se loger ; se
­nourrir.
Durant la septième session, fin juin 2020, les participants fina-
lisent leurs 150 propositions, et chacune fait l’objet d’un vote. Une
seule est rejetée : la réduction du temps de travail hebdomadaire
de 35 à 28 heures sans perte de salaire dans un but d’écono-
mie d’énergie. La Convention adopte ainsi, le 21 juin 2020, 149
propositions dans le cadre de la lutte contre le réchauffement
climatique.
Propositions
Elles se regroupent suivant les cinq thèmes de travail et se
déclinent en propositions. La Convention préconise aussi de révi-
ser la Constitution « afin de mieux garantir […] la lutte contre
le dérèglement climatique et pour le respect de l’environnement ».

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l ’ association des usagers 211

La majorité des participants à la CCC émettent le souhait de


soumettre trois propositions à référendum : la reconnaissance du
crime d’écocide et les deux modifications constitutionnelles. Les
149 propositions sont remises au gouvernement le 21 juin 2020.
Emmanuel Macron reçoit les 150 membres le 29 juin et déclare
retenir 146 des 149 propositions.

§ 4. Le Conseil national de la refondation


210. Le 8 septembre, au début de son second mandat, le
Président de la République a inauguré un nouveau dispositif :
le Conseil national de la refondation (CNR), destiné à organi-
ser une construction participative des politiques publiques. La
concertation est organisée avec les parties prenantes : État, col-
lectivités territoriales, société civile organisée, citoyens, monde
économique. Il est demandé aux participants d’aboutir rapide-
ment à des solutions concrètes et à des résultats tangibles. Le
CNR devient un label qui couvre, dans une certaine confusion,
des sujets divers et des processus de niveaux très différents :
réunions plénières, CNR territoriaux sur l’école (au niveau des
établissements), la santé, France Travail ; CNR thématiques sur
le quatrième âge, le climat et la biodiversité, le numérique, la
jeunesse, le logement, le service public.

DOCUMENT n° 29 : Bilan du lancement des conseils nationaux


de la refondation. Communication au Conseil des ministres du
2 novembre 2022
Le Conseil national de la Refondation (CNR) a été lancé le 8 sep-
tembre 2022 par le président de la République à Marcoussis.
Il s’agit d’une démarche de construction partenariale des poli-
tiques publiques. Il prévoit des concertations avec toutes les parties
prenantes concernées, notamment par les transitions (écologique,
démographique, numérique, ou du monde du travail). Il a vocation
à instaurer une véritable discussion entre l’État, les collectivités
territoriales, la société civile organisée, les citoyens et le monde
économique, en décloisonnant la parole, et en sortant des tradi-
tionnels silos.
Le CNR a vocation à aboutir à un agenda de solutions, avec
des projets concrets lancés dès 2023, et des résultats tangibles très
rapidement. Des plans d’actions précis sont attendus, tant au

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212 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

niveau national à travers les stratégies nationales de transition


(par exemple la planification écologique) qu’au niveau territorial
avec le développement de projets de territoire en matière de santé,
d’éducation ou encore de service public de l’emploi avec la préfigu-
ration de France Travail.
En mettant l’expérience usager au cœur de la fabrique du service
public, et en redonnant du pouvoir d’agir aux acteurs de terrain,
le CNR met au cœur de sa méthode la différenciation territoriale.
Par l’expérimentation et l’évaluation, des solutions adaptées aux
problèmes du quotidien des Français viendront renouveler, et ren-
forcer notre service public.
Le CNR franchit chaque semaine de nouvelles étapes. Les CNR
territoriaux affichent une bonne dynamique, les CNR thématiques
se lancent et les ateliers de travail s’organisent. Le prochain CNR
plénier aura lieu en décembre.
Les CNR territoriaux sont bien lancés (Notre école ; Notre santé ;
Préfiguration France Travail).
Les CNR thématiques se lancent (La Fabrique du bien vieillir ;
Climat et biodiversité).
Les autres CNR thématiques seront lancés avant la fin de l’année
(Le CNR assises du travail ; Modèle productif et modèle social).
Enfin, trois CNR thématiques évoqués à Marcoussis seront bientôt
lancés : le numérique le 8 novembre, la jeunesse le 17 novembre et
le logement le 28 novembre.
Il est difficile d’apprécier la portée de telles consultations. Elle
dépend de la rigueur des méthodes, de la transparence des résul-
tats et, surtout, de la volonté politique des commanditaires. À
cet égard, le précédent du Grenelle de l’environnement est le plus
convaincant. Dans un premier temps, ces expériences de démo-
cratie participative ont suscité la réserve des parlementaires de
l’opposition et des syndicats. Dans la période récente, la multi-
plication des projets (le plus souvent d’initiative gouvernemen-
tale) et la diversité des méthodes, plus ou moins élaborées, ne
favorisent pas une appropriation de ces dispositifs par la société.

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§ 5. La réforme du Conseil économique, social et environnemental


211. La loi organique du 15 janvier 2021 fait du CESE le « car-
refour des consultations publiques » (2). Elle modernise le droit
de pétition et consacre la possibilité pour le CESE de recourir au
tirage au sort de citoyens. Afin d’éclairer l’action des pouvoirs
publics, la loi permet au CESE d’organiser des consultations
publiques sur des sujets économiques, sociaux ou environnemen-
taux, de sa propre initiative, à la demande du gouvernement ou
du président de l’Assemblée nationale ou du Sénat. Des citoyens
peuvent être tirés au sort pour participer à ces consultations. Le
CESE peut faire participer aux travaux de ses commissions, avec
voix consultative et pour une mission déterminée, des conseils
consultatifs de collectivités locales ou encore des citoyens tirés
au sort. Des garanties de sincérité, d’égalité, de transparence
et d’impartialité, de bonne information des participants et de
représentativité des panels sélectionnés sont précisées. En cas
de recours au tirage au sort pour une consultation, le CESE doit
nommer des garants. Le texte modernise également le droit de
pétition auprès du Conseil, peu utilisé jusqu’ici. Les pétitions
peuvent désormais lui être adressées par internet. Sur amen-
dement des parlementaires, ce droit de pétition est ouvert dès
l’âge de 16 ans (contre 18 ans auparavant) et le nombre requis
de signataires est abaissé à 150.000 (contre 500.000). Par ailleurs,
la portée des avis du CESE est renforcée. Lorsqu’il est consulté
sur un projet de loi relevant de sa compétence, le gouverne-
ment ne procède pas aux consultations prévues par les textes
(sauf quelques exceptions). La loi organique réduit le nombre de
membres du CESE, remplace les sections par des commissions
et modifie quelques règles relatives à son fonctionnement. Sur
le fondement de ces nouvelles dispositions, le CESE a lancé, à la
demande du Gouvernement, une conférence citoyenne sur la fin
de vie en novembre 2022 et prépare une consultation citoyenne
sur la sobriété des modes de vie.
212. Désormais, des dispositifs « citoyens » de consulta-
tions informelles, de tirage au sort, de conférences ou de jurys
citoyens s’imposent dans de nombreux domaines de l’action
publique, y compris les finances publiques. En voici quelques

(2) Loi organique n° 2021‑27 du 15 janvier 2021 relative au Conseil économique, social et
environnemental.

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exemples : la Commission nationale du débat public a organisé


une consultation sur les orientations de la politique agricole
commune de février à novembre 2020 : 12 débats thématiques
locaux, une assemblée citoyenne de 125 personnes tirées au
sort, 85 contributions écrites envoyées par des organisations.
Elle lance du 27 octobre 2022 au 27 février 2023 un débat
public sur la construction de deux réacteurs nucléaires à Penly
et, au-delà, sur le programme de développement de l’éner-
gie nucléaire. En juin 2021, le Parlement européen a lancé
la Conférence sur l’avenir de l’Europe qui fait interagir des
réunions de parlementaires, des assemblées citoyennes, des
plateformes numériques, des lieux de dialogue, des panels de
citoyens tirés au sort. Une assemblée citoyenne mondiale sur
le climat a présenté ses premières recommandations dans le
cade de la COP 26 à Glasgow en novembre 2021. Le secrétariat
général à la modernisation de l’action publique a mis en place
en janvier 2019 un « Centre interministériel de la participation
citoyenne » qui accompagne les initiatives des ministères et
met à leur disposition une « boîte à outils » des démarches de
participation citoyenne.
On est loin des premiers sondages, qui sont techniquement
représentatifs, sous réserve de biais pas toujours avoués, mais lar-
gement manipulables, et même du Grenelle de l’environnement
avec ses cinq catégories d’acteurs juxtaposant les représentants
de la « société civile » aux corps intermédiaires plus tradition-
nels. Le foisonnement des projets est un signe de réaction saine
par rapport à une crise des institutions représentatives mais la
légitimité de certaines opérations reste discutable. En France,
une articulation, plutôt qu’une concurrence, entre la CNDP et
le CESE, serait un gage de crédibilité.

DOCUMENT N° 30 : Loi organique n° 2021‑27 du 15 janvier


2021 relative au Conseil économique, social et environnemental
Article 3
L’article 4‑1 de l’ordonnance n° 58‑1360 du 29 décembre 1958
précitée est ainsi rédigé :
« Art. 4‑1. – Le Conseil économique, social et environnemental
peut être saisi par voie de pétition de toute question à caractère
économique, social ou environnemental.

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Article 4
Après l’article 4‑1 de l’ordonnance n° 58‑1360 du 29 décembre
1958 précitée, sont insérés des articles 4‑2 et 4‑3 ainsi rédigés :
« Art. 4‑2. – Lorsque le Conseil économique, social et environ-
nemental associe le public à l’exercice de ses missions par une
consultation ou la participation aux travaux de ses commissions,
les modalités de cette association doivent présenter des garanties de
sincérité, d’égalité, de transparence et d’impartialité. La définition
du périmètre du public associé assure une représentativité appro-
priée à l’objet de la consultation ou de la participation ».
« Art. 4‑3. – Pour l’exercice de ses missions, le Conseil écono-
mique, social et environnemental peut, à son initiative ou à la
demande du Premier ministre, du président de l’Assemblée natio-
nale ou du président du Sénat, recourir à la consultation du public
dans les matières relevant de sa compétence. Il peut organiser une
procédure de tirage au sort pour déterminer les participants de la
consultation. À cette fin, il nomme un ou plusieurs garants tenus
à une obligation de neutralité et d’impartialité, chargés de veiller
au respect des garanties mentionnées à l’article 4‑2 ».
« La procédure de tirage au sort assure une représentation équi-
librée du territoire de la République, notamment des outre-mer, et
garantit la parité entre les femmes et les hommes parmi les parti-
cipants ».
« Le Conseil publie les résultats de ces consultations et les trans-
met au Premier ministre ainsi qu’au président de l’Assemblée natio-
nale et au président du Sénat ».

§ 6. Le référendum
213. Le référendum constitue un échelon supérieur de l’asso-
ciation des citoyens à la décision publique. Au niveau national,
des propositions de complément à l’article 11 de la Constitution
pour créer une procédure de référendum populaire ont été émises
par les comités Vedel en 1993 et Balladur en 2002. L’article 6
de loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 et la loi organique du
6 décembre 2013 ont institué le référendum d’initiative parta-
gée (3). La proposition de loi doit être signée par un cinquième
des parlementaires puis être soutenue par 10 % du corps
(3) Loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation de la vie publique et la loi organique
n° 2013‑1114 du 6 décembre 2013.

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électoral (4,7 millions de citoyens). Si dans les six mois, la pro-


position n’est pas examinée par le Parlement, le Président de
la République la soumet au référendum. Ces conditions sont
tellement restrictives qu’aucune application n’est parvenue au
terme de la procédure. Une initiative de référendum d’initia-
tive partagée relative au projet de privatisation d’Aéroport de
Paris a franchi plusieurs étapes essentielles : nombre de parle-
mentaires et visa du Conseil constitutionnel bien qu’elle porte
sur une loi votée par le Parlement. Mais la proposition n’a pu
obtenir le nombre de soutien requis. En octobre 2022, un pro-
jet de référendum sur la taxation des superprofits a été refusé
par le Conseil constitutionnel en raison du monopole des lois de
finances. Un assouplissement des conditions requises a donc été
envisagé. Le thème du référendum d’initiative citoyenne (le RIC)
a été une des revendications principales du mouvement des Gilets
jaunes en 2018‑2019. À l’issue du grand débat national, le sujet
a été inscrit dans un projet de réforme constitutionnelle visant
à rénover la vie publique présenté au Conseil des ministres du
28 août 2019. Il comprend un élargissement du champ du réfé-
rendum de l’article 11 aux questions d’organisation des pouvoirs
publics territoriaux et aux questions de société (hors pénal et
fiscal). Il modifie les conditions de mise en œuvre du référendum
d’initiative partagée en élargissant son domaine, en abaissant
les seuils d’initiative (1/10e des parlementaires au lieu d’1/5e et
1 million d’électeurs au lieu de 4, 7 millions) et en précisant la
procédure (proposition de texte de loi nouvelle, examen par les
deux assemblées parlementaires et, le cas échéant, référendum).
Il transforme le Conseil économique, social et environnemental
en Conseil de la participation citoyenne composé de représen-
tants de la société civile. Le Conseil assure la consultation du
public pour éclairer le gouvernement, il organise des conven-
tions de citoyens tirés au sort et les consultations préalables à
la réalisation de projets d’aménagement ou d’équipement d’inté-
rêt national, il est saisi des pétitions et en assure le suivi, il est
consulté par le gouvernement et par les assemblées parlemen-
taires. Seule la partie relative au Conseil économique, social et
environnemental a été adoptée (voy. n° 211).

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DOCUMENT n° 31 : Loi constitutionnelle n° 2008‑724 du 23 juil-


let 2008 de modernisation des institutions de la Ve République
Article 4 – L’article 11 de la Constitution est ainsi modifié :
2° Après le deuxième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi
rédigés :
« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier ali-
néa peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du
Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les
listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition
de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition
législative promulguée depuis moins d’un an ».
« Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le
Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l’ali-
néa précédent sont déterminées par une loi organique ».
« Si la proposition de loi n’a pas été examinée par les deux assem-
blées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la
République la soumet au référendum ».
« Lorsque la proposition de loi n’est pas adoptée par le peuple
français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur
le même sujet ne peut être présentée avant l’expiration d’un délai
de deux ans suivant la date du scrutin ».
214. Ce renouveau de la démocratie participative ne peut
être que complémentaire de la démocratie représentative. La
démocratie participative ne peut prétendre à l’exclusivité de
l’expression, ni se substituer à l’expertise mais c’est un élément
essentiel de ce que le publiciste Dominique Rousseau appelle la
« démocratie continue » qui pourrait revivifier la démocratie et
trouver des applications nouvelles en matière de réformes admi-
nistratives et financières. Certaines conditions doivent être res-
pectées : une bonne information des personnes consultées, une
organisation rigoureuse, un contrôle indépendant, un engage-
ment de suivi des propositions. Ce thème suscite des réticences
de la part des décideurs toujours inquiets des conséquences d’un
partage du pouvoir mais, après 2010, il connaît un certain suc-
cès dû pour partie à la crise de la démocratie représentative et
pour partie à la recherche d’une nouvelle légitimité par l’admi-
nistration. On assiste à un renouveau des thèmes de l’association
des citoyens aux processus de décision, de la participation, de la
« co-production » (voy. n° 67).

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218 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

§ 7. La participation au niveau local


215. Au niveau local, la participation est peu encouragée.
La faible association des citoyens est un des points faibles de
la décentralisation, comme il le sera plus tard de la politique de
la ville. C’est cependant à ce niveau que se sont développées de
nouvelles procédures d’association des citoyens aux décisions. Des
procédures de consultations ont été instituées dans les collectivi-
tés territoriales par les lois n° 92‑125 du 6 février 1992 et n° 95‑115
du 4 février 1995 (4). Elles encadrent très fortement ces premières
formes de participation : elles associent les « électeurs » et non les
habitants, le processus est purement consultatif, la décision de
consulter la population et les conséquences qu’il convient de tirer
de son avis relèvent de la compétence de l’assemblée délibérante.
L’article 16 de la loi du 31 décembre 1982 relative à l’organisation
administrative de Paris, Marseille et Lyon (5) a prévu la création
de comités d’initiative et de consultation d’arrondissement. La loi
du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité (6) inscrit
dans les textes des avancées modestes mais concrètes de la démo-
cratie locale : commissions extra-municipales, comités de quartier
et adjoints dédiés dans les communes de plus de 80.000 habitants,
mairies annexes dans les communes de plus de 100.000 habitants,
commissions consultatives des services publics locaux et référen-
dum communal dans des conditions assez restrictives qui laisse
l’initiative au maire ou au tiers des membres du conseil muni-
cipal dans les villes de plus de 3500 habitants. Des initiatives
participatives sont prises par certains conseils municipaux et
attirent l’attention (Briançon, Grenoble, Hérouville-Saint-Clair,
Marq-en-Bareuil…). Des comités de quartiers, des consultations
informelles, des ateliers citoyens, des budgets participatifs se
développent dans de nombreuses collectivités.
216. Le domaine financier n’est pas très propice à la partici-
pation des citoyens en raison de son caractère technique et parce
qu’on suppose que les électeurs consultés auront du mal à dépasser
leur intérêt propre qui est de payer le minimum d’impôt pour
obtenir le maximum de services publics. Pourtant les finances

(4) Lois n° 92‑125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République et


n° 95‑115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement du territoire (Loi Pasqua).
(5) Loi n° 82‑1169 du 31 décembre 1982 relative à l’organisation administrative de Paris, Marseille
et Lyon.
(6) Loi n° 2002‑276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

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l ’ association des usagers 219

publiques concernent très concrètement chaque citoyen et on peut


penser que leur association serait un bon apprentissage de la soli-
darité et un facteur de renouveau du consentement à l’impôt. C’est
pourquoi le législateur et les praticiens se sont attachés à dévelop-
per l’information des citoyens, notamment sur les budgets locaux.
Une implication plus grande peut être réalisée par la technique des
budgets participatifs, apparue à Porto Allegre à la fin des années
1980, expérimentée dans les années 2000 par des collectivités de
plus en plus nombreuses dont Grenoble, Paris et Lyon. Il s’agit en
général d’une enveloppe d’un budget d’investissement (moins de
10 %) qui est dédiée à des projets instruits par les services de la
collectivité et choisis par les citoyens inscrits sur les listes électo-
rales. Mais des techniques plus sophistiquées sont peu à peu mises
en œuvre : budgets plus importants, initiatives citoyennes, dis-
tinction de phases de créativité et de sélection, instruction trans-
parente par les services techniques, ateliers de co-construction.
Malgré ces expérimentations prometteuses, le domaine financier,
notamment fiscal, reste peu ouvert à la co-construction avec les
citoyens et pour l’instant, se limite à des budgets locaux.
217. La réforme constitutionnelle du 23 mars 2003 relative à
l’organisation décentralisée de la République a constitutionna-
lisé le droit de pétition et, pour la première fois, le référendum
décisionnel local. Le dispositif a été précisé par la loi organique
du 1er août 2003 (7). La procédure est autorisée par délibération
du conseil municipal sur proposition du maire. Le texte, qui doit
relever des compétences de la commune, est adopté s’il recueille
la moitié des suffrages exprimés par au moins la moitié des élec-
teurs inscrits sur les listes électorales. La loi du 13 août 2004 (8)
a permis que des citoyens (un cinquième dans les communes,
10 % dans les autres collectivités) puissent demander l’inscrip-
tion d’une question à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante ou
prendre l’initiative d’une consultation sur toute affaire relevant
des compétences de la commune.
218. Un rapport de Patrick Bernasconi, présenté le 22 février
2022 au Premier ministre (9), propose 50 mesures pour rétablir la
confiance des Français dans la démocratie : un cadre juridique pour

(7) Loi constitutionnelle n° 2003‑276 du 23 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de


la République ; Loi organique n° 2003‑705 du 1er août 2003 relative au référendum local.
(8) Loi n° 2004‑809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
(9) P. Bernasconi P., Rapport au Premier ministre, Rétablir la confiance des Français dans la vie
démocratique, 50 propositions pour un tournant délibératif de la démocratie française, 22 février 2022.

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les conventions de citoyens tirés au sort, un référendum local d’ini-


tiative partagée, un cadre législatif pour les budgets participatifs,
l’association des citoyens aux décisions ayant un fort impact socio-
économique dans les villes de plus de 10.000 habitants, la trans-
formation de la Commission nationale du débat public en Haute
autorité de la participation citoyenne, l’abaissement du seuil du réfé-
rendum d’initiative partagée, un cycle de délibération ­nationale sur
les grandes transitions, sur les questions de sociétés ou sur les sujets de
politique économique, sociale ou e­ nvironnementale de la Nation…

Pour en savoir plus

Ouvrages

Bernasconi P., Rapport au Premier ministre, Rétablir la confiance


des Français dans la vie démocratique, 50 propositions pour un
tournant délibératif de la démocratie française, 22 février 2022.
Blatrix C., Le débat public, une expérience française de démocratie
participative, Paris, La Découverte, 2016.
Blondiaux L., Le nouvel esprit de la démocratie, actualité de la
démocratie participative, Paris, Seuil, 2008.
Blondiaux L. et Manin B. (dir.), Le tournant délibératif de la démo-
cratie, Paris, Presses de sciences Po, 2021.
Bourg D. et Boy D., Conférences de citoyens, mode d’emploi, Paris,
Charles Léopold Meyer, 2005.
Conseil d’État, Consulter autrement, participer efficacement, 2011.
OCDE, Participation citoyenne innovante et nouvelles institutions
démocratiques. La vague délibérative, 2020.
Pouvoirs, n° 175, La démocratie participative, novembre 2020.
RFAP, La démocratie administrative, Chevallier J. (resp.), nos 137-
138, 2011.
Rousseau D., Six thèses pour une démocratie continue, Paris, Odile
Jacob, 2022.
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l ’ association des usagers 221

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Chapitre 7. - L’association des usagers
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CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE :
L’USAGER N’EST PAS « AU CENTRE »

219. Les approches juridiques et sociologiques des réformes


administratives et financières ont-elles eu pour effet de rééqui-
librer les rapports entre l’administration et ses usagers ? De
nouveaux droits leur ont été conférés, les procédures ont été
simplifiées, des procédés d’association des citoyens à l’action
de l’administration ont été organisés. Pourtant, la consigne des
consultants, maintes fois répétée, de « placer l’usager au centre »
n’est guère effective. Il subsiste encore des pratiques de secret ou
des zones de non-recours au droit (aides sociales, notamment).
Les incontestables avancées juridiques n’ont pas transformé fon-
damentalement les rapports entre l’administration et les usagers
dont les difficultés pratiques des plus démunis ont été aggravées
par la recherche de gains de productivité et le développement du
« tout numérique ». La démocratie administrative reste très expé-
rimentale et vivement contestée. Ses premiers résultats restent
très ambigus. Son articulation avec la démocratie représentative
est toujours confuse et sa pérennité n’est pas assurée. Pourtant,
ce mouvement, en phase avec les attentes des citoyens, sera cer-
tainement appelé à de nouveaux développements. Toutefois, il
a dû composer depuis 1980 avec la prédominance du « managé-
rialisme ».

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Conclusion de la deuxième partie : l’usager n’est pas « au centre »
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la gestion publique 227

220. Avec les progrès du management public, l’approche juri-


dique a dû composer avec les nouveaux instruments de gestion.
C’est en effet une approche « par les outils » ou par les solutions
plus que par une analyse des problèmes et par une volonté de
transformation que la « nouvelle gestion publique » (appellation
discrète et modérée des transpositions du NMP en France) a fait
son chemin dans les programmes de réformes administratives
et financières. Depuis les années 1990, les modes de gestion ont
été significativement modernisés, c’est-à-dire souvent « mis à
la mode » de la nouvelle gestion publique. Il est probable que
l’appropriation des nouveaux outils par la majorité des fonction-
naires soit restée assez faible malgré les efforts intenses de com-
munication et de formation pratiqués avec l’appui de cabinets
de consultants. L’inertie du corps social administratif est grande.
Les nouvelles méthodes se sont implantées progressivement mais
n’ont pas toujours convaincu tant elles étaient souvent superfi-
cielles. L’administration du personnel cède progressivement la
place à l’émergence des relations humaines (chapitre 8). La réor-
ganisation de l’administration prend encore l’allure d’un meccano
administratif peu rationnel (chapitre 9). En revanche, les tech-
niques managériales prédominent nettement avec la rationalisa-
tion des méthodes administratives (chapitre 10) et les nouvelles
technologies (chapitre 11).

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[Introduction]
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Chapitre 8.
DE L’ADMINISTRATION DU PERSONNEL À LA GRH

221. Les effectifs des agents de l’État, des collectivités locales


et des hôpitaux qui représentent aujourd’hui 21 % de la popu-
lation active, ont augmenté depuis 1970 plus vite que l’emploi
total. Un rapport de la Cour des comptes de décembre 2009
estime l’accroissement du nombre d’agents publics entre 1980
et 2009 à plus de 36 %, soit deux fois plus vite que dans le sec-
teur tertiaire privé (1). La masse salariale de la fonction publique
atteint, en 2021, 211,1 milliards d’euros soit 14,3 % des dépenses
publiques (2). Il est difficile de faire une représentation simple de
ces évolutions : les données des années les plus anciennes sont peu
accessibles et les chiffres nécessitent de nombreux retraitements
pour tenir compte d’évolutions structurelles ou méthodologiques
(transfert de compétences aux collectivités locales, distinction
État et entreprises publiques) (3).

DOCUMENT n° 32 : L’évolution du nombre de fonctionnaires


de 1980 à 2020
– D’après la Cour des comptes (1980-2007)
Une augmentation d’un tiers des effectifs publics depuis 1980
Les effectifs cumulés des trois fonctions publiques, y compris
les agents des établissements publics administratifs, sont passés de
3,86 millions en 1980 à 5,27 millions en 2007 (+36,3 %).

(1) Cour des comptes, Rapport « Les effectifs de l’État 1980‑2008 : un état des lieux », 16 décembre 2009.
(2) Fiche du site www.fipeco.fr.
(3) Outre le rapport de la Cour des comptes, différentes études, fondées sur les données de l’INSEE
et de la direction générale de l’administration et de la fonction publique, sont cependant unanimes.
L’institut IFRAP évalue l’augmentation du nombre de fonctionnaires de 4,6 millions en 1980 à
5,5 millions en 2019, soit plus 32,6 % (note de l’IFRAP, 1980‑1999 : Quelle évolution des effectifs
de la fonction publique et de la masse salariale ?, sur www.ifrap.org, 28 décembre 2021). Le site
FIPECO calcule une augmentation de 22 % entre 1997 et 2021 contre 17 % pour l’emploi total et
13 % pour la population (note d’analyse de François Ecalle sur www. Fipeco.fr, 17 janvier 2003).

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230 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

1980 : 3.894.960
1990 : 4.257.653
2000 : 4.699.690
2007 : 5.567.935
(Rapport « Les effectifs de l’État 1980‑2008 : un état des lieux »,
16 décembre 2009)
– D’après l’INSEE (2007-2020)
2007 : 5.363.881
2010 : 5.379.649
2020 : 5.695.800
(Effectifs de la fonction publique par versant et ministère, don-
nées annuelles)
222. Dans la période récente, l’accroissement a été modéré mais
s’est poursuivi notamment dans les collectivités locales. Compte
tenu de son incidence sur le fonctionnement de l’administration et
sur la politique budgétaire, la gestion de la fonction publique est un
des axes essentiels de la gestion publique et des réformes adminis-
tratives. La fonction publique fait l’objet d’approches différentes
selon les tendances politiques : depuis 1970, certaines périodes
voient des infléchissements liés à une conception néo-libérale, par
exemple en 1986 ou, à partir de 2002, pendant la RGPP : réduction
des effectifs et du périmètre du secteur public, accent mis sur les
économies budgétaires et sur les obligations des fonctionnaires ; les
périodes où la gauche est au pouvoir sont plus favorables aux fonc-
tionnaires, à partir de 1981 ou de 2012 par exemple : accent mis
sur la spécificité de la gestion du service public, renforcement du
dialogue social. Mais ces oppositions se sont progressivement atté-
nuées, notamment en raison de la contrainte budgétaire, comme le
montre, par exemple, le gel du point d’indice entre 2010 et 2016.
Le passage d’une administration du personnel à l’aide d’outils
principalement juridiques à une gestion des ressources humaines
plus qualitative et plus personnalisée est le facteur principal de la
modernisation de la gestion de la fonction publique. Cette muta-
tion se manifeste par les sources du droit de la fonction publique
(section 1), par l’évolution des certaines règles applicables à la fonc-
tion publique (section 2), par l’émergence explicite d’une gestion
interministérielle des ressources humaines (section 3) et par la poli-
tique relative à l’encadrement supérieur (section 4).

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de l ’ administration du personnel à la grh 231

S ection 1. Du statut de la fonction publique


à la négociation collective

Le statut de la fonction publique de 1945 est le socle du droit


de la fonction publique. Il a été refondu une première fois en 1959
(ordonnance du 4 février 1959). L’attachement des fonctionnaires
et de leur syndicat au statut n’a pas empêché la transformation
de celui-ci (§ 1). La négociation collective devient aussi une source
d’inspiration du droit de la fonction publique (§ 2).

§ 1. Du statut au code
223. Après la victoire de la gauche en 1981 et parallèlement
aux grandes lois de décentralisation, le ministre Anicet Le Pors
reprend l’idée de refonder la fonction publique avec un nouveau
statut dont la principale originalité est qu’il comporte une partie
commune à l’ensemble de la fonction publique (loi du 13 juillet
1983 portant définition des droits et obligations des fonction-
naires) et des parties déclinées pour chacun des versants : loi
du 11 janvier 1984 pour la fonction publique de l’État, loi du
26 janvier 1984 pour la fonction publique territoriale et loi du
9 janvier 1986 pour la fonction publique hospitalière (4).

DOCUMENT n° 33 : Loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant


statut général de fonctionnaires
Article 1 – La présente loi constitue, à l’exception de l’article 31,
le titre Ier du statut général des fonctionnaires de l’État et des col-
lectivités territoriales.
Article 2 – La présente loi s’applique aux fonctionnaires civils
des administrations de l’État, des régions, des départements, des
communes et de leurs établissements publics y compris les établis-
sements mentionnés à l’article 2 du titre IV du statut général des
fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales, à l’exclusion
des fonctionnaires des assemblées parlementaires et des magistrats
de l’ordre judiciaire. Dans les services et les établissements publics à
caractère industriel ou commercial, elle ne s’applique qu’aux agents
qui ont la qualité de fonctionnaire.

(4) Loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant définition des droits et obligations des fonctionnaires ;
loi n° 84‑16 du 11 janvier 1984 pour la fonction publique de l’État ; loi n° 84‑53 du 26 janvier 1984
pour la fonction publique territoriale et loi n° 86‑33 du 9 janvier 1986 pour la fonction publique
hospitalière.

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232 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Article 4 – Le fonctionnaire est, vis-à-vis de l’administration,


dans une situation statutaire et réglementaire.
224. Ces textes ont fait l’objet de très nombreuses modifica-
tions. Parmi les lois les plus importantes, la loi du 2 février 2007
sur la modernisation de la fonction publique comporte notam-
ment des dispositions relatives à la formation professionnelle tout
au long de la vie et à la déontologie ; la loi du 5 juillet 2010 est
relative au dialogue social ; la loi du 20 avril 2016 régit la déon-
tologie et les droits et obligations des fonctionnaires ; la loi du
6 août 2019 apporte de nombreuses modifications sur des points
essentiels (5).
225. La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonc-
tion publique prévoit une modification des règles du dialogue
social : fusion dans un comité social des comités techniques et
des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ;
recentrage des commissions administratives paritaires sur les
questions disciplinaires – leur consultation sur les mutations, les
détachements et les avancements étant supprimée – ; création des
lignes directrices de gestion des ressources humaines. Les règles
de recrutement sont assouplies, notamment pour les emplois de
direction (décret du 28 octobre 2021) en élargissant les possibi-
lités de recruter des agents contractuels. Les mobilités internes
et externes sont facilitées. Les règles de contrôles du pantouflage
sont transférées à la Haute autorité pour la transparence de la
vie publique et légèrement aménagées. Les mots d’évaluation et
de notation sont remplacés par ceux d’appréciation de la valeur
professionnelle. Le Gouvernement est habilité à procéder par
ordonnance à la réforme de la formation des agents publics, par-
ticulièrement des cadres A (donc de l’ENA). Il pourra également
adopter par ordonnance la partie législative du futur code général
de la fonction publique. L’égalité professionnelle est renforcée :
plans égalité professionnelle d’ici 2020, nominations équilibrées
aux emplois de direction, composition des jurys, déroulement de
carrières des personnes handicapées. L’essentiel des dispositions
sont applicables au 1er janvier 2020. De nombreuses ordonnances
et une cinquantaine de décrets d’application ont été publiés.

(5) Loi n° 2007‑148 du 2 février 2007 sur la modernisation de la fonction publique ; loi n° 2010‑75
du 5 juillet 2010 relative au dialogue social ; loi n° 2016‑483 du 20 avril 2016 relative aux droits
et obligations des fonctionnaires ; loi n° 2019‑828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction
publique.

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de l ’ administration du personnel à la grh 233

226. Le point d’aboutissement est la refonte de l’ensemble des


textes législatifs et réglementaires relatifs à la fonction publique
dans un seul code. L’ordonnance du 24 novembre 2021 rend public
la partie législative du Code général de la fonction publique (6)
en attendant la publication de la partie réglementaire. L’abandon
de la référence au statut est sans doute symbolique d’un souci de
réduire la portée des spécificités du droit de la fonction publique,
sans pour autant renoncer aux principes fondamentaux qui sont
expressément confirmés.
227. Pendant toute la période étudiée, le statut a fait l’objet
de critiques constantes auxquelles ont répondu des argumentaires
non moins répétitifs. Les critiques portent sur l’uniformité des
règles qui empêcherait toute individualisation de la gestion des
carrières, la récompense des efforts, la reconnaissance du mérite
et l’adaptation aux circonstances. En outre, la multiplication des
corps entraîne des cloisonnements excessifs. La grille salariale
organisée en fonction des positions hiérarchique est l’expression
de cette rigidité. Mais, paradoxalement, derrière l’apparence de
règles uniformes se cachent des différences de rémunérations
accessoires (primes pouvant aller de 10 à 40 % du traitement
principal ; règles d’avancement plus ou moins accéléré ; loge-
ments et voitures de fonction…). Ces critiques ont été notable-
ment développées dans un livre blanc de 2008 (7).
228. Les défenseurs du statut font valoir les particularités de la
gestion publique soumise notamment au respect des principes du
service public (égalité, neutralité, continuité) et aux contraintes
imposées par l’intérêt général. À partir des années 1980, ils ont aussi
développé l’idée que le statut n’interdit pas une certaine souplesse
de la gestion si les responsables en ont la volonté : la notation des
fonctionnaires peut être plus individualisée, le déroulement des car-
rières n’interdit pas les nominations et les avancements au choix,
le statut permet le recrutement de contractuels lorsque cela est
nécessaire pour l’exercice de métiers particuliers, la fusion de corps
voisins est tout à fait possible, les différences de rémunérations
accessoires entre les ministères ne sont pas imposées par le statut,
ni par la grille, mais par une gestion cloisonnée et corporative.

(6) Ordonnance n° 2021‑1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général
de la fonction publique.
(7) L. Silicani, Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique, Paris, La Documentation fran-
çaise, 2008.

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234 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

§ 2. La négociation collective
229. Une autre modification du cadre de gestion de la fonction
publique résulte de l’importance grandissante du dialogue social
après les grandes négociations salariales de 1968 et après 1981.
La négociation collective devient une source indirecte du droit,
comme dans le monde des entreprises mais sans avoir la même
portée juridique. Une loi du 5 juillet 2010 sur le renouveau du
dialogue social dispose que, pour être valides, les accords devront
être signés par des organisations représentants 50 % des effec-
tifs. Pour entrer dans le droit positif, leurs clauses doivent être
reprises par des dispositions législatives et réglementaires. Ainsi,
le protocole Durafour du 9 février 1990 organise une refonte de la
grille salariale étalée sur 7 ans ; la formation continue fait l’objet
d’accords-cadres en 1989, 1992 et 1996 ; le dialogue social est
rénové par l’accord de Bercy du 6 juin 2008 ; le déroulement des
carrières est amélioré par de nombreux textes mettant en œuvre
le protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations
(PPCR) de septembre 2015 ; en dernier lieu, un accord sur le
télétravail dans la fonction publique a été signé le 13 juillet 2021
en pleine crise sanitaire. Une conférence sur les perspectives sala-
riales a été ouverte le 21 septembre 2021 : la ministre chargée
de la Fonction publique annonçait le maintien du gel du point
d’indice mais proposait une négociation sur des sujets plus limités
et plus qualitatifs (bas salaires, carrières, égalité entre les femmes
et les hommes, contractuels).

S ection 2. Des règles de plus en plus diversifiées

230. Les multiples modifications du statut interviennent


souvent dans l’optique d’une gestion plus adaptée, plus souple
et plus diversifiée, mais au prix de règles de plus en plus com-
plexes, calibrées avec une certaine prudence pour ne pas heurter
les principes fondamentaux. Les règles de rémunérations (§ 1) et
les normes déontologiques (§ 2) illustrent ces évolutions.

§ 1. Rémunérations et carrières
231. Les rémunérations de base ont continué à être fixées en
fonction de la grille indiciaire sur la base de la valeur du point d’in-
dice dont l’actualisation est, depuis les années 1960, détachée de

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de l ’ administration du personnel à la grh 235

celle de l’inflation. La négociation collective trouve ici un terrain


privilégié mais s’exerce dans le cadre rigide de la grille indiciaire.
Les syndicats sont attachés à la revalorisation régulière du point
d’indice qui permet un maintien du pouvoir d’achat de l’ensemble
des fonctionnaires et assimilés. Les pouvoirs publics ont introduit
dans la discussion le glissement vieillissement-technicité (GVT).
Il tient compte de l’incidence de l’ancienneté et des avancements
qui alourdissent naturellement la masse salariale. La direction du
budget se réfère volontiers à la rémunération moyenne du person-
nel en place plus représentative des augmentations individuelles
effectives. La querelle sur le retard du point d’indice se reproduit
régulièrement depuis 1970. Les revalorisations sont inférieures à
l’inflation et, parfois, le point est gelé comme c’est le cas depuis
2010 à l’exception d’une revalorisation de 1,2 % sous François
Hollande (8). Devant l’accélération de l’inflation depuis 2021, le
Gouvernement a accepté une revalorisation de 3,5 % à compter du
1er juillet 2022. Les pouvoirs publics préfèrent des revalorisations
différenciées avantageant les bas salaires, l’octroi de primes qui
ont l’inconvénient de ne pas ouvrir de droits pour les retraites et
de creuser les inégalités entre ministères et divers dispositifs com-
plémentaires plus ou moins personnalisés. Ainsi, dans le cadre de
l’orientation du renouveau du service public visant à responsabi-
liser l’encadrement, Michel Rocard avait fait étudier un dispositif
d’intéressement qui aurait récompensé collectivement les perfor-
mances d’un service. Le protocole Durafour a créé la nouvelle
bonification indiciaire (NBI), organisée par la loi du 18 janvier
1991 (9) liée à l’exercice de fonctions comportant l’exigence d’une
responsabilité et d’une technicité particulières. Ce volant de points
d’indices supplémentaires ouvrant des droits à pension a été assez
largement distribué. Il a notamment permis de reconnaître les
difficultés d’exercice des fonctions dans les quartiers de la poli-
tique de la ville. Une prime de fonction et de responsabilité (PFR),
créée par un décret du 22 décembre 2008 (10), permet d’attribuer
une partie de la rémunération au mérite. Un régime indemnitaire
tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expérience et de
l’environnement professionnel (RIFSEEP) a été instauré par le

(8) Depuis 1994, la valeur du point d’indice a augmenté de 20 % alors que l’inflation a connu
une progression de 39,38 % (source DGAFP).
(9) Loi n° 91‑73 du 18 janvier 1991.
(10) Décret n° 2008‑1535 du 22 décembre 2008.

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Chapitre 8. - De l’administration du personnel à la GRH
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236 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

décret du 20 mai 2014 (11) et remplace de nombreuses primes inter-


ministérielles et ministérielles antérieures. Autre exemple d’adap-
tation du système de rémunération : une garantie individuelle de
pouvoir d’achat (GIPA) a été créée en 2008. Le décrochage de la
rémunération indiciaire est donc incontestable mais elle est loin
d’être représentative de la réalité des rémunérations. Une clari-
fication et une certaine uniformisation s’imposent dans la trans-
parence si on veut dépasser les stériles jeux de rôles sur ce sujet.
232. Les carrières font également l’objet d’adaptations
régulières. L’accord « Parcours professionnels-carrières-
rémunérations » (PPCR) a fait l’objet du décret du 1er juillet
2016 (12) et d’autres textes réglementaires. Des fusions de corps
voisins ont été réalisées. La mobilité et les transitions profession-
nelles ont fait l’objet de plusieurs dispositions incitatives (13). Il
n’en reste pas moins que des différences entre corps et métiers
sont nombreuses et peu justifiables : elles portent sur les indices,
les rémunérations accessoires, la durée de séjour dans chaque
grade et échelon, les possibilités d’avancement par concours ou
au choix.
233. Autre exemple, le recrutement de contractuels a été
facilité et s’est développé mais ces agents ont été progressive-
ment dotés d’un quasi-statut leur offrant des garanties proches
de celles accordées aux fonctionnaires, notamment par le décret
du 17 janvier 1986 (14) qui a fait l’objet de nombreuses modifi-
cations résumées dans la circulaire du 20 octobre 2016. La loi du
20 avril 2016 les soumet aux mêmes obligations que les titulaires.
L’effectif des contractuels atteint actuellement un million de per-
sonnes. La Cour des comptes évalue son augmentation entre 2020
et 2017 à 15,8 %, soit le double de l’augmentation du nombre de
titulaires (5,9 %) (15).
234. Les blocages à propos du point d’indice n’ont pas empêché
le gouvernement d’ouvrir, en septembre 2021, une conférence sur
les perspectives salariales dans la fonction publique portant sur

(11) Décret n° 2014‑513 du 20 mai 2014.


(12) Décret n° 2016‑907 du 1er juillet 2016.
(13) Voy. analyses et propositions des inspections générales interministérielles :
Rapport « Affectation et mobilité des fonctionnaires sur le territoire », IGF, IGA, IGAS, octobre
2013.
(14) Décret n° 86‑83 du 17 janvier 1986.
(15) Cour des comptes, rapport thématique « Les agents contractuels dans la fonction publique,
exercice 2010‑2019 », septembre 2020.

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Chapitre 8. - De l’administration du personnel à la GRH
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de l ’ administration du personnel à la grh 237

quatre sujets : l’attractivité de la fonction publique, l’égalité entre


les femmes et les hommes, les carrières et les rémunérations, les
contractuels. Un dialogue avec les organisations syndicales a été
conduit sur ces sujets sous l’égide de garants. Le rapport de res-
titution des travaux remis le 14 mars 2022 constate les avancées
réalisées sur ces domaines et propose de nouvelles perspectives,
notamment sur les rémunérations en distinguant les « garanties-
socle » et les « accélérateurs ». La poursuite d’un dialogue social
très ouvert et visant à la simplification, la transparence et l’objec-
tivité de la gestion des fonctionnaires est indispensable.

§ 2. Les obligations
235. Les textes et la jurisprudence ont soumis les fonction-
naires à de multiples devoirs et obligations (devoir de réserve,
discipline…) dont certaines à consonances morales (prévention de
délits et fraudes, non-cumul…). La loi du 20 avril 2016 a énoncé
de nouvelles valeurs qui s’imposent à la fonction publique : obli-
gations de dignité, d’impartialité, d’intégrité, de probité, de neu-
tralité, de respect de la laïcité. Elle exige une déclaration d’intérêt
et une déclaration de patrimoine pour certains postes à respon-
sabilité, institue des référents déontologues dans les administra-
tions et comprend des dispositions relatives à l’égalité entre les
hommes et les femmes et aux contractuels.
236. La notion de déontologie, qui est large et floue, a été
introduite dans les règles de la fonction publique pour contrô-
ler le pantouflage, c’est-à-dire le passage d’un emploi du secteur
public à un emploi dans une entreprise privée. Une Commission
de déontologie de la fonction publique a été créée en 1991 (16).
Elle est chargée notamment d’examiner si les passages du secteur
public au secteur privé ne portent pas atteinte à des intérêts
publics. Précisé par la loi du 29 janvier 1993, dite loi Sapin 1,
réformé en 2007, puis par la loi du 20 avril 2016 relative aux
droits et obligations des fonctionnaires, le système a été modifié
profondément par la loi de transformation de la fonction publique
du 6 août 2019 : contrôle primaire exercé par l’administration
appuyée par des référents déontologues, transfert des compé-
tences de la Commission de déontologie à la Haute autorité pour

(16) Décret n° 91‑109 du 17 janvier 1991 pris pour l’application de l’article 72 de la loi 84‑16
du 11 janvier 1984.

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238 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

la transparence de la vie publique, avis facultatif et réservé aux


cas importants, compétence pour certains transferts du secteur
privé vers le secteur public.

S ection 3. L’émergence des ressources humaines


dans la fonction publique

237. La Direction générale de l’administration et de la fonction


publique essaie de se transformer progressivement en direction
des ressources humaines de l’État. Elle doit cependant compo-
ser avec les puissantes directions du personnel des ministères,
aujourd’hui intégrées dans les secrétariats généraux. Même si
l’inspiration vient en partie du droit du travail et du management
des entreprises, cette gestion plus personnalisée et plus qualitative
se combine avec les spécificités de la gestion publique. Bien des
domaines sont concernés tels que la notation, qui s’est transformée
en évaluation puis en appréciation des qualités professionnelles,
ou la politique d’amélioration des conditions de travail dont la
négociation collective a élargi les objectifs de l’hygiène et sécurité
à la qualité de la vie au travail. La formation professionnelle (§ 1)
et la lutte contre les discriminations (§ 2) sont d’autres exemples
de ces nouvelles politiques de gestion des ressources humaines.

§ 1. La formation professionnelle
238. La formation professionnelle est le premier thème rele-
vant de la gestion de ressources humaines dans lequel l’action de
la direction générale de l’administration et de la fonction publique
s’est déployée, sans doute parce qu’elle comporte un aspect trans-
versal qui se prête bien à une action interministérielle. À côté des
écoles techniques enseignant l’ingénierie, les finances publiques
ou l’action sanitaire et sociale, des formations interministérielles
ont été développées à l’image de l’École Nationale d’Adminis-
tration créée en 1945. Les cinq instituts régionaux d’administra-
tion ont été créés à partir de 1971 pour former les attachés de
divers ministères et de la Caisse des dépôts et consignations. Les
concours d’entrée aux IRA sont réformés par arrêté du 28 mars
2019 selon des formules originales qui valorisent l’appréciation
des compétences et de l’expérience plus que les connaissances
théoriques et juridiques.

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239. En 2003, les plateformes régionales d’appui interministé-


rielles à la gestion des ressources humaines ont été créées auprès
des préfets de région. Au-delà de la préparation aux concours,
une offre de formation interministérielle a été constituée sur des
sujets tels que le dialogue social, les achats publics, le manage-
ment, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la
mobilité, la politique immobilière de l’État. Cette action appuie
le mouvement de déconcentration et d’animation de l’adminis-
tration territoriale de l’État par les préfets (voy. nos 248‑265).
240. Des accords-cadres comparables aux négociations collec-
tives du secteur privé ont élargi les droits des fonctionnaires à
partir de la transposition des dispositions de la loi de 1971 sur
la formation continue. Par exemple, un décret du 15 octobre
2007 (17) est relatif à la formation tout au long de la vie des
agents de l’État. Les fonctionnaires ont droit comme les salariés
du secteur privé à divers dispositifs incitatifs en matière de for-
mation continue : le bilan de compétences, le congé de formation
professionnelle, le compte personnel de formation… Un schéma
directeur de la formation professionnelle tout au long de la vie
des agents de l’État est publié pour les périodes 2018‑2020 et
2021‑2023. Des initiatives nouvelles ont été prises pour dévelop-
per les formations à l’écologie : 220 directeurs d’administration
centrale ont été formés en octobre 2022 à l’Institut national du
service public et il est prévu de structurer une offre à l’intention
de 2.500 cadres.
241. La DGAFP s’affirme donc davantage comme la direc-
tion des ressources humaines de l’État que comme la gardienne
du statut. Cette fonction nouvelle est reconnue par le décret du
22 décembre 2016 (18) et par la loi du 6 août 2019 de transfor-
mation de la fonction publique (19). Elle reste encore largement
théorique, la gestion des personnels par les ministères reste la base
du fonctionnement des administrations. Comme dans d’autres
domaines, une superposition de procédés juridiques traditionnels
et d’instruments nouveaux ne suffit pas à transformer véritable-
ment le management public.

(17) Décret n° 2007 -1470 du 15 octobre 2007.


(18) Décret n° 2016‑1804 du 22 décembre 2016.
(19) Voy. Rapport annuel sur l’état de la fonction publique, 2022, t. 1, Politiques et pratiques de
ressources humaines.

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§ 2. La lutte contre les discriminations


242. La lutte contre les discriminations et pour l’égalité est
aussi un thème nouveau de la gestion interministérielle de la fonc-
tion publique. Le principe est inscrit dans l’article 6bis de la loi du
13 juillet 1983 sur les droits et obligations des fonctionnaires et a
fait l’objet de plusieurs accords au plus haut niveau, notamment
ceux du 8 mars 2003 et du 30 novembre 2008. Ils portent sur la
gouvernance de la politique d’égalité et le dialogue social, sur les
recrutements, carrières et rémunérations, sur l’articulation entre
la vie professionnelle et la vie privée, la grossesse et la parentalité.
Les conclusions des accords sont intégrées dans la législation. Par
exemple, la loi du 12 mars 2012, renforcée par la loi du 4 août
2014 (20) sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes et
par le titre V de la loi du 6 août 2019 de transformation de la
fonction publique, prévoit une représentation équilibrée dans les
postes d’encadrement supérieur, les conseils d’administration, les
jurys et comités de sélection. En 2021, le taux de féminisation
des nominations aux emplois de direction atteint 42 %.
243. D’autres formes de discriminations sont combattues, par
exemple, une politique exemplaire est poursuivie pour l’insertion
des personnes atteintes d’un handicap. Par ailleurs, des disposi-
tifs particuliers facilitent le recrutement et la promotion de per-
sonnes peu qualifiées. Ainsi le parcours d’accès aux carrières de la
fonction publique territoriale, hospitalière et de l’État (PACTE)
organisé par l’ordonnance du 2 août 2005 (21) est ouvert aux
personnes peu ou pas qualifiées âgées de 28 ans au plus ou aux
chômeurs de longue durée âgés de 45 ans au plus et bénéficiaires
d’aides sociales. Il assure une formation qualifiante, une rémuné-
ration minimale et l’accès à la titularisation dans un emploi de la
catégorie C. Dans le même sens, une ordonnance du 26 mai 2021
renforçant la formation continue de certains agents publics (22)
afin de favoriser leur évolution professionnelle organise un accès
privilégié à la formation, un accompagnement personnalisé et un
congé de formation plus long et mieux rémunérés pour les agents
de catégorie C non diplômés, les personnes reconnues handica-
pées et les agents exposés à un risque d’usure professionnelle. Un

(20) Loi n° 2012‑347 du 12 mars 2012 et la loi n° 2014‑873 du 4 août 2014.


(21) Ordonnance n° 2005‑901 du 2 août 2005.
(22) Ordonnance n° 2021‑658 du 26 mai 2021 renforçant la formation continue de certains agents
publics.

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de l ’ administration du personnel à la grh 241

dispositif complet visant à vaincre les obstacles psycho-sociaux à


la préparation aux concours et à diversifier les recrutements a été
organisé en 2021 (23) : cordée de la réussite pour motiver les élèves
du secondaire, classes préparatoires « Talents » pour encadrer la
préparation aux concours des jeunes les plus éloignés de la culture
administrative, voie spécifique dans les concours externes de six
grandes écoles dont l’ENA réservant 10 à 15 % des places aux
élèves des classes Talents et des classes préparatoires intégrées
qui les ont précédées.
Comme le montre le rapport sur la lutte contre les discrimina-
tions et la prise en compte de la diversité dans l’administration
publié tous les deux ans par la DGAFP (24), les initiatives se
multiplient mais les mentalités n’évoluent que lentement.

S ection 4. De l’ENA à l ’INSP

244. La gestion des cadres supérieurs s’est effectuée dans le


cadre installé en 1945 avec des tensions entre, d’une part, la
gestion interministérielle symbolisée par l’ENA et le corps des
administrateurs civils et, d’autre part, les politiques de chaque
ministère tendant à maîtriser leur recrutement et à renforcer leur
attractivité par des primes. Les liens entre cabinets ministériels
et haute fonction publique ont été critiqués de même qu’en sens
inverse, la tendance à l’autonomie des hauts fonctionnaires. Les
réformes de l’ENA (§ 1) et son remplacement par l’Institut natio-
nal du service public (INSP) (§ 2) témoignent de ces tensions.

§ 1. Les réformes de l’ENA


245. L’École Nationale d’Administration a été créée en
1945 pour assurer la formation des cadres supérieurs de l’État.
Celle-ci devait être républicaine, unifiée et de très haut niveau.
L’objectif principal était de mettre fin aux différents systèmes
de recrutement par filières privilégiant la cooptation sociale et
ne garantissant que très inégalement les compétences. L’École
a progressivement élargi son domaine d’action à la formation

(23) Ordonnance n° 2021‑238 du 3 mars 2021 et décret n° 2021‑239 du même jour.


(24) Voy. rapport relatif à la lutte contre les discriminations et la prise en compte de la diver-
sité de la société française dans la fonction publique avec la contribution du Défenseur des droits,
DGAFP, 2021. Voy. aussi le rapport de Martine Filleul et Dominique Vérien sur les femmes et les
postes à responsabilité, Sénat, 21 juin 2022.

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242 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

continue, à l’accueil d’étudiants étrangers et à la recherche, sans


modifier en profondeur son fonctionnement. Celui-ci semblait
donner satisfaction en fournissant au pays les cadres qui lui ont
permis de se moderniser. Le type des hauts fonctionnaires fran-
çais, les « grands commis de l’État », a été longtemps érigé en
modèle, signe de l’excellence de la fonction publique à la fran-
çaise : une bonne culture générale et juridique, une certaine
polyvalence, une aptitude à la synthèse, une grande capacité
de décision, un grand sens de l’État, de l’intérêt général et du
service public. Le concours d’entrée et le classement de sortie
semblaient donner des garanties d’objectivité et de reconnais-
sance des mérites. Après 1968, le système a cependant subi des
critiques de plus en plus fortes : incitation au conformisme,
absence d’apprentissages utiles à l’exercice des fonctions, uni-
formisation des élites allant de pair avec un cloisonnement et
une hiérarchisation des administrations, effets disproportionnés
du rang de classement sur la carrière des fonctionnaires (les pre-
miers choisissent presque systématiquement le Conseil d’État, la
Cour des comptes et l’Inspection générale des finances et auront
une carrière plus brillante que celle de leurs collègues moins
bien classés), discrimination sociale, divorce entre la société et
la classe dirigeante qualifiée de « technocratie », c’est-à-dire de
groupes exerçant un pouvoir illégitime fondé sur des savoirs
spécialisés. Ces critiques émanent aussi bien de milieux universi-
taires (Pierre Bourdieu étudie la noblesse d’État (25)), politique
(Jacques Mandrin, pseudonyme de J.-P. Chevènement, fustige
l’énarchie (26)) ou populaire.

DOCUMENT n° 34 : À l’ENA, seuls 6 % des élèves sont fils d’ouvriers


Article du Parisien Libéré du 18 avril 2019 par Matthieu Pelloli
À l’ENA, seuls 6 % des élèves sont fils d’ouvriers
Les deux tiers des élèves de l’École nationale d’administration
sont des fils de cadres alors que les enfants d’agriculteurs, d’arti-
sans, d’ouvriers et d’employés ne représentent que 15 % des effectifs
de chaque promo.
Selon la Cour des comptes, 72,2 % des anciens élèves de l’ENA
sont enfants de cadres.

(25) P. Bourdieu, La noblesse d’État : grandes écoles et esprit de corps, Paris, Éditions de Minuit,
1989.
(26) J. Mandrin, L’énarchie ou les mandarins de la société bourgeoise, La Table Ronde, 1964, 1980.

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de l ’ administration du personnel à la grh 243

Depuis que le président de la République a l’ENA dans sa ligne de mire,


une question brûle les lèvres des Français : au fond, à quoi sert l’École
nationale d’administration ? L’école, dont est issu un président de la
5e République sur deux, 10 % des inscrits au Who’s Who et sept des
patrons du CAC 40, est chargée d’assurer la sélection et la formation
des hauts fonctionnaires. Mais ces énarques, qui sont-ils ? Dernière
étude de référence en date : en 2015, à l’occasion des 70 ans de
l’école, une enquête de l’École des Hautes études en sciences sociales
(EHESS) a passé à la loupe le profil et le parcours des anciens
élèves des promotions 1985 à 2009.
Les énarques, majoritairement des « héritiers ». Les étudiants de l’ENA
sont pour beaucoup ce que le sociologue Pierre Bourdieu appelle
des « héritiers », c’est-à-dire des enfants des milieux les plus favo-
risés… Quid des fils d’ouvriers, d’agriculteurs ? Bref, de la France
d’en bas ? À l’ENA, sur une promo de 80, la moitié des élèves
entre par le concours externe, ouvert aux étudiants, notamment de
Sciences-po, 30 par le concours interne réservé aux fonctionnaires et
une dizaine par un troisième, réservé celui-là aux salariés du privé.
Même si certains profils se démarquent, les origines sociales restent
très homogènes : selon la Cour des comptes, 72,2 % des anciens
élèves sont enfants de cadres – à titre de comparaison, la part est de
74,7 % à Polytechnique. Seuls 9,6 % sont enfants d’agriculteurs et
d’artisans et 6 % enfants d’ouvriers et d’employés. Leur part était
de 10 % en 1985 et elle est montée à près de 20 % en 1998. « Cela
n’implique pas que nous sommes coupés du pays réel », se défend
un étudiant. La crise des Gilets jaunes, par exemple, a profondé-
ment mobilisé les élèves.
La politique comme un aimant… L’ENA fait valoir que, parmi les
anciens élèves, moins de 5 % choisissent une carrière politique.
Certaines promotions – Voltaire (celle de François Hollande),
Senghor (celle de Macron) – agiraient comme un miroir grossissant
dans l’opinion publique, parce qu’elles ont propulsé dans l’arène
politique de nombreux ténors (Philippe, Royal, de Villepin, etc.).
Alors simple effet loupe ? Pas seulement… Un tiers des anciens
élèves est passé par les cabinets ministériels.
Un statut, des devoirs, et de généreux droits. Les élèves de l’ENA sont
rémunérés. En contrepartie, ils s’engagent à servir l’État pendant
une durée minimum de 10 ans. Mais ils peuvent aussi prétendre…
à 10 ans de mise en disponibilité, et aller exercer leurs talents dans
la finance ou les grandes entreprises, sans perdre leur statut.

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244 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Le reproche du « pantouflage ».
D’ailleurs, les meilleurs ne résistent pas toujours aux sirènes
du privé, où les salaires sont plus généreux que dans la fonction
publique… Emmanuel Macron, par exemple, a bénéficié de la mise
en disponibilité à l’Inspection générale des finances pour devenir
banquier d’affaires chez Rothschild, rappelle Vincent Jauvert, l’au-
teur de « Les Intouchables d’État » (2018, Robert Laffont). « La
proportion des anciens élèves ayant définitivement quitté le service
public est limitée à 8 % », argue l’école.
246. La délocalisation de l’École à Strasbourg décidée en 1991
dans le cadre du plan de délocalisations des administrations pari-
siennes et la fusion avec l’Institut international d’administration
publique (IIAP) en 2002 n’ont pas modifié fondamentalement
l’École. Des tentatives pour réformer substantiellement la for-
mation, le classement de sortie et les règles d’affectation n’ont
pas abouti. Toutefois, des évolutions importantes ont été effec-
tivement réalisées : introduction d’enseignements relatifs au
management et au dialogue social ; stages en entreprises et en
ambassades ; troisième concours ouvert aux responsables écono-
miques, aux élus et aux responsables associatifs (loi n° 90‑8 du
2 janvier 1990) ; classes préparatoires égalité des chances créées
en 2009.
Un plan de transformation a été présenté par le directeur
nommé en 2017 et mené à bien jusqu’en 2021 : multiplication
des classes préparatoires, refonte de la formation axée sur le
développement des compétences et non plus sur l’acquisition
des connaissances, ouverture de mastères spécialisées en mana-
gement, quatrième concours ouvert aux doctorants en 2018,
partenariat avec l’Université Paris Sciences et Lettres. Mais ces
adaptations ne touchaient que modérément à l’essentiel : la diver-
sification du recrutement et l’affectation dans les grands corps
en fonction du classement.

TÉMOIGNAGE n° 9 : Un « énarque » parmi d’autres


D’origine modeste (mon père était typographe), inspecteur des
impôts dans la Meuse, (non par vocation mais parce que l’admi-
nistration rémunérait ses stagiaires pendant toute la durée de leur
parcours en licence), j’ai été orienté vers l’ENA par mon direc-
teur départemental des services fiscaux. J’ai réussi le pré-concours
qui ouvrait la porte de la préparation organisée par le Centre de

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de l ’ administration du personnel à la grh 245

formation professionnelle du ministère (le CFPP devenu l’IGPDE)


et le concours en 1974. Je suis devenu ancien élève de l’ENA (promo-
tion André Malraux) en 1977 selon la plaisanterie bien connue : «
On entre à l’ENA une fois, on en sort toute sa vie ». Je ne faisais
donc pas partie de ceux que j’appelais les « prédestinés », non parce
que j’avais le sentiment que les épreuves de classement n’étaient pas
objectives mais parce qu’ils avaient une aisance et un naturel pour
se mouvoir dans ce microcosme que je n’ai jamais eus. La scolarité
était de peu d’intérêt. Quelle que soit la matière, on nous appre-
nait à transformer un volumineux dossier en une note claire, sans
aspérités, élégante et débouchant sur des solutions « pragmatiques et
réalistes » (le plus souvent, la poursuite des études préalables et la
création d’une commission ad hoc) et destinée à éclairer les « déci-
deurs » (ministres, directeurs d’administration centrale, préfets)
auprès desquels nous étions « mis en situation ». L’enseignement
était assuré par de jeunes anciens élèves qui devaient nous ser-
vir de modèles. Les stages étaient plus utiles. J’ai été pendant un
an stagiaire à la préfecture du Pas-de-Calais (mais aussi dans
deux sous-préfectures et à la mairie de Lens…) et trois mois à la
Chambre de commerce de Paris (mais aussi à la CCI de Boulogne-
sur-Mer). Le statut de « stagiaire de l’ENA » permettait d’ouvrir
facilement les portes et d’organiser de nombreuses rencontres avec
des personnalités les plus diverses (élus locaux, chefs d’entreprise,
services de proximité et même administrés…). Je dois donc à l’ENA
d’être sorti de mon milieu (le concept de « transfuge de classes » (27)
n’avait pas encore été inventé), de m’insérer dans une hiérarchie,
de savoir m’adapter en toutes circonstances, de comprendre assez
vite les problèmes et de pouvoir inventer des dispositifs administra-
tifs pour les gérer, sinon les résoudre. Sorti cinquantième sur 150
élèves, j’ai ensuite fait une carrière diversifiée et intéressante. Le
bilan est donc loin d’être négatif. Certes, ce n’est pas de là que me
sont venus l’esprit critique et le goût de la recherche mais ceux-ci
sont demeurés intacts. L’accusation, souvent formulée contre l’ENA
de « formatage » ou de « moule », n’est peut-être pas dépourvue de
pertinence mais elle est très exagérée.

(27) P. Bourdieu, Esquisse pour une auto-analyse, Paris, Raisons d’agir, 2004 ; C. Jaquet, Les
transclasses ou La non-reproduction, Paris, PUF, 2014.

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246 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

§ 2. Le remplacement de l’ENA par l’INSP


247. La suppression de l’École Nationale d’Administra-
tion et des grands corps a été annoncée par le Président de
la République le 25 avril 2019 dans le programme qui a suivi
l’action des Gilets jaunes et a été conduite rapidement après
un rapport de Frédéric Thiriez. L’École Nationale d’Adminis-
tration est remplacée par l’Institut national du service public
(INSP) à compter du 1er janvier 2022. Ses missions s’inscrivent
dans la continuité. Elles sont relatives au recrutement, à la for-
mation initiale et à la formation continue des cadres supérieurs
de l’État ainsi qu’au renforcement des liens avec la recherche et
avec les pays étrangers (ordonnance du 2 juin 2021, décret du
1er décembre 2021, décrets et arrêtés du 23 novembre 2022) (28).
La réorganisation des recrutements vise à renforcer la diversité
sociale, géographique et académique des candidats, notamment
en professionnalisant les épreuves des concours et en diversifiant
les voies d’accès. Le nouvel institut devra rénover la formation
initiale en utilisant des méthodes pédagogiques modernes et
motivantes et en favorisant une culture commune des hauts
fonctionnaires par l’organisation d’un tronc commun de for-
mation initiale partagé entre quatorze écoles de service public.
L’Institut coordonnera la formation continue des hauts fonc-
tionnaires, y compris par des formations diplômantes ou quali-
fiantes. Enfin, par des partenariats ouverts avec les universités
et à l’international, il contribuera à la recherche et au rayon-
nement international de la France. Parallèlement, un grand
corps interministériel des administrateurs de l’État est créé,
ce qui implique à terme la suppression de treize grands corps
(inspection des finances, corps préfectoral, corps diplomatique,
administrateurs des finances publiques) qui sont placés en voie
d’extinction sans que leurs missions en soient affectées. La dis-
parition de certains corps a suscité des réactions, par exemple
au Quai d’Orsay, où on craint l’abandon de certains particula-
rismes.
La gestion par cadres d’emplois est généralisée et la gestion des
cadres supérieurs est confiée à une délégation interministérielle
à l’encadrement supérieur de l’État (DIESE) dont l’action est

(28) Ordonnance n° 2021‑702 du 2 juin 2021, décret n° 2021‑1556 du 1er décembre 2021, décrets
nos 2022‑1452, 1453, 1454, 1455 et quatre arrêtés du 23 novembre 2022.

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de l ’ administration du personnel à la grh 247

relayée par des délégués ministériels à l’encadrement, notamment


en matière d’offre de bilans de compétence, d’organisation de la
mobilité, de promotion de l’égalité.
248. La réforme de l’ENA était nécessaire car l’objectif de
démocratisation était de moins en moins bien rempli et la société
contestait de plus en plus fortement la légitimité des dirigeants
trop éloignés de ses préoccupations quotidiennes. Il était devenu
impératif de supprimer le quasi-monopole de la filière passant par
Science Po Paris, le classement sur la base d’épreuves irréalistes, la
rente à vie des premiers du classement de sortie. Or toutes les ten-
tatives précédentes de réformes un peu radicales avaient échoué en
raison de l’opposition des membres des grands corps et de l’asso-
ciation des anciens élèves. On peut penser qu’il est regrettable de
renoncer à la « marque ENA », notamment à l’international, et
qu’il est un peu démagogique d’annoncer la suppression de l’École
pour la remplacer par un institut dont les missions sont presque
identiques. Mais c’était indispensable pour parvenir au résultat
attendu. C’est aussi l’occasion de rénover les programmes et les
méthodes pédagogiques et de décloisonner la haute administra-
tion. Les décrets et arrêtés du 23 novembre 2022 ont précisé ces
différentes orientations, notamment la suppression du classement
de sortie de l’INSP et l’harmonisation des rémunérations au sein
du corps des administrateurs de l’État. La création de l’INSP ne
résoudra pas, par miracle ou par magie, l’ensemble des problèmes
de la haute administration mais c’est une belle opportunité, parmi
d’autres, de retisser des liens entre la société et les gouvernants.

DOCUMENT n° 35 : Décret n° 2021‑1556 du 1er décembre 2021


relatif à l’organisation et au fonctionnement de l’Institut national
du service public
Article 1 – L’Institut national du service public est un établisse-
ment public de l’État à caractère administratif placé sous la tutelle
du Premier ministre.
Son siège est à Strasbourg.
Article 2 – L’Institut national du service public :
1° Organise des formations préparatoires aux concours d’accès :
a) Aux corps de l’encadrement supérieur de la fonction publique
dans l’objectif notamment de permettre la diversification des
recrutements ;

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248 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

b) Aux organisations européennes ;


2° Organise les concours d’entrée à l’Institut ;
3° Assure :
a) La formation initiale des élèves fonctionnaires issus des con-
cours qu’il organise en s’appuyant, le cas échéant, sur d’autres
écoles de service public ou des services ministériels de forma-
tion ;
b) La mise à disposition d’une offre de formation professionnelle
continue, notamment en vue de l’accès aux emplois de direction
de l’État, à l’attention des personnes exerçant ou ayant vocation
à exercer des fonctions d’encadrement supérieur ;
c) L’organisation de formations, y compris diplômantes ou cer-
tifiantes, dans les domaines de l’action publique ;
4° Pilote et coordonne l’élaboration et la diffusion de formations
conçues en collaboration avec d’autres écoles de service pub-
lic, des services ministériels de formation et des organismes
en charge de la formation continue, destinées à développer la
culture commune de l’action publique des élèves de ces écoles
ainsi que des personnes exerçant ou ayant vocation à exercer
des fonctions d’encadrement supérieur ;
5° Conduit et finance des activités de recherche dans les domaines
de l’action publique. L’Institut accompagne les chercheurs dont
il finance les travaux dans leurs demandes de communication
de données détenues par les administrations, les organismes
publics ou les organismes privés chargés d’une mission de ser-
vice public ;
6° Contribue au rayonnement de la recherche et des forma-
tions françaises et assure la valorisation de ses activités à
l’international, notamment au travers :
a) De l’accueil de fonctionnaires, d’élèves, d’étudiants et de sta-
giaires étrangers ;
b) De collaborations pédagogiques et scientifiques avec des institu-
tions et établissements étrangers ;
c) De la diffusion de ses travaux de recherche ;
7° Concourt à la coopération européenne et internationale dans
le domaine de l’administration publique et dans le cadre de la
politique étrangère du Gouvernement français.

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de l ’ administration du personnel à la grh 249

DOCUMENT n° 36 : La réforme de la haute fonction publique.


Communication au Conseil des ministres du 23 novembre 2022
En avril 2021, le Président de la République a lancé le chan-
tier de la réforme de l’encadrement supérieur de l’État afin de
renforcer la capacité de la haute fonction publique à faire face
aux défis contemporains qui imposent que l’État soit plus efficace
et plus proche des citoyens et ce, en rendant les carrières plus
dynamiques et attractives et en suscitant une prise de responsa-
bilité accrue.
Ainsi, dans le sillage de l’ordonnance du 2 juin 2021, cette
réforme a conduit à la création du corps des administrateurs
de l’État, de l’Institut national du service public (INSP) en
lieu et place de l’École nationale d’administration et de la
Délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État
(DIESE).
La deuxième étape de cette réforme, aujourd’hui mise en œuvre,
doit parachever les évolutions engagées il y a dix-huit mois, en
définissant une nouvelle politique de rémunération pour l’encadre-
ment supérieur de l’État, en transformant en profondeur le mode
de recrutement par les administrations des élèves formés à l’INSP
et le contenu de leur formation initiale et en refondant, en lien avec
la DIESE, la formation continue afin de renforcer les perspectives
de carrière du haut encadrement.
Cette nouvelle étape s’inscrit dans une politique d’ensemble visant
à renforcer l’attractivité de la fonction publique. Elle s’appuie sur
l’adoption de plusieurs textes réglementaires réformant le système
de rémunération et la procédure de sortie de l’INSP.
1. Réforme de la politique de rémunération de la haute fonction
publique qui se mettra en place dès janvier 2023
La nouvelle politique de rémunération consolide la logique de
refondation engagée en 2021, qui fait du nouveau corps des admi-
nistrateurs de l’État l’espace de construction des parcours pro-
fessionnels commun à l’ensemble des filières « d’administration
générale » de la haute fonction publique de l’État. Elle vise à pro-
mouvoir l’interministérialité, la mobilité et la diversification des
parcours et des expériences au sein des services centraux comme
au niveau territorial. Elle s’attache à valoriser la prise de respon-
sabilités et le développement de compétences des cadres supérieurs
et dirigeants.

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250 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Les administrateurs et les emplois supérieurs de l’État relevant


de la réforme engagée depuis 2021 bénéficieront ainsi d’un même
référentiel de rémunération, harmonisé (mêmes grille indiciaire et
régime indemnitaire), transparent et plus attractif.
La réforme vise une amélioration de la qualité du management
et la meilleure reconnaissance des talents. La différenciation de
la rémunération dépendra moins du corps d’appartenance que du
parcours effectivement accompli, de la valorisation de la prise de
risque, des responsabilités exercées et de la reconnaissance des résul-
tats. La part variable en fonction des résultats représentera jusqu’à
30 % du montant des primes.
2. Réforme de la scolarité et de la procédure de sortie de l’INSP
Cette nouvelle étape de la réforme de la haute fonction publique
s’appuie sur une transformation en profondeur de l’INSP : le
Gouvernement engage ainsi la suppression du classement de sor-
tie, laquelle rend possible la refonte en profondeur de la formation
initiale.
Il est ainsi mis fin à un système qui figeait dès l’origine la
carrière et surdéterminait la nature même de la scolarité et des
épreuves. La nouvelle procédure de sortie redonne également la
faculté pour les employeurs de sélectionner dans le vivier des élèves
les talents et profils qui correspondront le mieux aux besoins de
l’État employeur. Elle s’appuiera sur un dispositif d’apparie-
ment, comportant des garanties d’impartialité, de transparence
et d’efficience très strictes. Il en sera ainsi grâce, notamment, à
l’anonymisation des dossiers en début de processus, à la mise
en place d’un référentiel interministériel de compétences, ainsi
qu’à l’intervention d’une instance collégiale. Composée de huit
personnalités qualifiées indépendantes de l’INSP, celle-ci suivra
l’intégralité du processus afin d’en garantir l’impartialité et le
professionnalisme.
La formation initiale sera pleinement réorientée vers la logique
d’une formation d’application et de développement des compétences-
clés attendues de la part des futurs hauts fonctionnaires. Elle visera
la compréhension et l’appropriation des grands enjeux des poli-
tiques publiques ainsi que l’acquisition des savoir-faire mana-
gériaux nécessaires à la conduite des équipes et des projets. Elle
permettra également de mieux personnaliser leurs cursus pour les
préparer à leur futur métier.

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Chapitre 8. - De l’administration du personnel à la GRH
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La réforme de la formation initiale et des conditions de sortie


sera applicable à compter de 2024.
Les modalités d’accès au corps des administrateurs de l’État
sont réformées pour répondre aux enjeux d’ouverture et de diver-
sification des profils, à travers la modification des épreuves du
concours d’entrée à l’INSP en 2024, recentrées sur les savoir-
faire et les pratiques opérationnelles, la montée en puissance du
dispositif « Talents » dont l’expérimentation est prévue jusqu’en
2024, et le développement de la promotion interne, dès 2023,
qui devra tenir compte des viviers de candidats qui bénéficiaient
de voies particulières de promotion dans les corps fusionnés ou
mis en extinction : inspecteurs des finances publiques, attachés
économiques, attachés du ministère de l’intérieur, secrétaires des
affaires étrangères.
3. Élargissement de la réforme aux autres corps et cadres d’em-
plois de l’encadrement supérieur afin qu’ils soient pleinement béné-
ficiaires de la dynamique engagée depuis 2021
Il en sera plus particulièrement ainsi pour les grands corps
techniques, en tenant compte des enjeux d’attractivité qui leur sont
propres. Ils s’intégreront à la réforme générale de l’encadrement
supérieur de l’État dont ils constituent le second pilier. Cette réforme
répond aux besoins de l’État de « réarmer » ses capacités d’exper-
tise technique et scientifique, y compris dans des champs comme le
numérique, et de les conserver.
Ainsi, le Gouvernement renforcera la diversité des voies d’accès
à travers notamment la création d’une voie « Talents », celle d’un
concours dédié à des ingénieurs expérimentés, et l’ouverture élargie
du recrutement à de nouvelles écoles d’ingénieurs. Des pôles de déve-
loppement de compétences à vocation interministérielle seront mis
en place, sous le pilotage de la DIESE pour diversifier et enrichir
les parcours et la mobilité des ingénieurs.
Un processus de rapprochement des statuts puis des rémunéra-
tions sera engagé. Ces chantiers seront menés en 2023 et donneront
lieu à une première évaluation dès 2024.
En outre, des travaux seront engagés à partir de 2023 avec les
autres employeurs publics pour décliner de manière adaptée la
réforme aux membres des juridictions administratives et financières,
ainsi qu’à l’encadrement supérieur des deux autres versants de la
fonction publique.

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252 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Enfin, et de manière transversale à l’ensemble de la haute fonction


publique, la réforme continuera à pleinement inclure des objectifs
touchant à l’égalité des chances, des rémunérations et des perspec-
tives de carrière, quels que soient le genre, l’origine ou la situation
sociale, ou bien encore la situation de handicap, pour l’exercice de
postes d’encadrement supérieur ou dirigeant.
C’est un enjeu autant d’éthique et d’exemplarité que de perfor-
mance du service public.
Un effort accru sera ainsi conduit pour viser l’égalité profession-
nelle entre les femmes et les hommes, notamment avec le renforcement
des exigences liées au dispositif des nominations équilibrées (DNE).

Pour en savoir plus

Ouvrages

Bourdieu P., La noblesse d’État : grandes écoles et esprit de corps,


Paris, Éditions de Minuit, 1989.
Conseil d’État, Perspectives pour la fonction publique, 2003.
Cour des comptes, La masse salariale de l’État, enjeux et leviers,
2015.
Cour des comptes, Les agents contractuels dans la fonction publique,
2020.
DGAFP, Rapport relatif à la lutte contre les discriminations et
la prise en compte de la diversité de la société française dans la
fonction publique avec la contribution du Défenseur des droits,
2021.
DGAFP, Rapports annuels sur l’état de la fonction publique.
Ducasset P., Du bon usage des fonctionnaires… à l’intention de
ceux qui voudraient s’en débarrasser, Paris, Belfond, 1990.
Grégoire R., La Fonction Publique, 1re éd., Paris, Armand Colin,
1954.
Kesler J.-F., L’ENA la société l’État, Paris, Berger-Levrault,
1985 ; Le Pire des systèmes à l’exception de tous les autres, De
l’énarchie, de la noblesse d’État et de la reproduction sociale,
Paris, Albin Michel, 2007.

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Chapitre 8. - De l’administration du personnel à la GRH
www.stradalex.eu - 23/04/2024
de l ’ administration du personnel à la grh 253

Kessler M.-Ch., L’ENA. La politique de la haute fonction publique,


Presse de la FNSP, 1978.
Mandrin J., L’énarchie ou les mandarins de la société bourgeoise,
La Table Ronde, 1964, 1980.
Paul P. et Dominique S. avec le concours de L. Saurin, Conférence
sur les perspectives salariales dans la fonction publique. Restitu-
tion des travaux, 14 mars 2022.
Pinet M. (dir.), Histoire de la fonction publique, vol. 3, Nouvelle
Librairie de France, 1993.
Plantey A., Réformes dans la fonction publique, Paris, LGDJ, 1978.
Rondin J., Le sacre des notables, Paris, Fayard, 1985.
Rouban L., La fonction publique, Paris, La Découverte, 2004.
RFAP, Fonction publique, Les statuts à l’épreuve de la gestion,
n° 49, janvier-mars 1989.
RFAP, Gérer les carrières ?, Jeannot G. (coord.), n° 116, 2005.
Salon S. et Savignac J.-C., La fonction publique, Paris, Sirey,
1985.
Silicani L., Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique, Paris,
La Documentation française, 2008.
Thiriez F., Rapport Mission haute Fonction Publique, 2020.
Thoenig J.-C., L’ère des technocrates, Paris, L’Harmattan, 1987.
Vallemont S., Moderniser l’administration, gestion stratégique et
valorisation des ressources humaines, Paris, Nathan, 1992.

Articles

Jeannot G., « De la gestion prévisionnelle des effectifs, des


emplois et des compétences (GPEEC) aux cadres statutaires :
la progressive émergence de la notion de “métier” dans la
fonction publique d’État en France », RFAP, n° 116, 2005,
p. 595.
Le Vert D., « Le statut des fonctionnaires et la modernisation
de la fonction publique : vrais enjeux et faux débats », RFAP,
n° 49, janvier-mars 1989, p. 17.
Pochard M., « Nouvelles perspectives sur la fonction publique »,
PMP, vol. 26 (1), 2008, pp. 3-14.

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Chapitre 8. - De l’administration du personnel à la GRH
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254 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Rouban L., « Les hauts fonctionnaires sous la Ve République :


idées reçues et perspectives analytiques », RFAP, n° 104, 2002 ;
« La norme et l’institution : les mutations professionnelles des
énarques de 1970 à 2010 », RFAP, nos 151‑152, mars-avril 2014.

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Chapitre 8. - De l’administration du personnel à la GRH
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Chapitre 9.
LA RÉORGANISATION DE L’ADMINISTRATION

249. Dans une organisation hiérarchique et normée comme


l’est l’administration française, la question de la répartition
interne des pouvoirs est essentielle, qu’il s’agisse des compétences
formelles ou des jeux d’influences. L’ensemble administratif n’est
pas monolithique. Il comprend les administrations centrales et
les services déconcentrés placés sur le terrain ; les administra-
tions de l’État, celles des collectivités territoriales et celles des
autres organismes publics. Les enjeux d’éventuelles réorganisa-
tions sont donc considérables. Ils ont des répercussions sur le
fonctionnement des administrations et sur leurs relations avec la
société. Ils font l’objet d’une recherche permanente d’équilibres,
par nature évolutifs. La démarche de réforme de l’organisation
administrative par la voie juridique s’est d’abord développée
au sein de l’État par transfert de pouvoirs des administrations
parisiennes vers les services de terrain, c’est la déconcentration
largement amorcée à partir de 1964 (section 1). Plus audacieux
et plus tardif a été le mouvement de renforcement des pouvoirs
des collectivités locales : la décentralisation, notamment à par-
tir de 1981 (section 2). À un moindre degré, les administrations
centrales ont fait aussi l’objet de réformes plus disparates (sec-
tion 3). Les démembrements de l’administration ont été envisa-
gés à certaines périodes (section 4), de même qu’une politique
de délocalisation, voisine et complémentaire mais distincte des
précédentes (section 5).

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Chapitre 9. - La réorganisation de l’administration
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256 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

S ection 1. La déconcentration

250. La déconcentration vise à modifier la répartition des


attributions entre les différents niveaux de l’administration de
l’État en renforçant les pouvoirs des échelons locaux, en premier
lieu, ceux du préfet. Elle est donc une démarche bien différente de
la décentralisation qui conduit à transférer des attributions aux
collectivités territoriales. Pendant un temps, les gouvernements
ont d’ailleurs préféré la déconcentration qui ménage les pouvoirs
de l’État, à la décentralisation qui les réduit. Le Second Empire
a, par exemple, renforcé les pouvoirs des préfets de départements
chargés d’assurer la tutelle sur les collectivités locales (1). La
déconcentration a fait l’objet d’une très importante réforme en
1964 (2) qui a posé deux orientations majeures et durables : d’une
part, le rôle interministériel du préfet, d’autre part, la montée en
puissance du préfet de région assisté d’organes consultatifs : les
conférences d’action régionale (CAR) et les commissions de déve-
loppement régionales (Coder). La déconcentration des décisions
en matière d’investissement public est organisée par le décret
du 13 novembre 1970. À cette époque, la déconcentration est
« en avance » sur la décentralisation. Elle en est même concur-
rente puisqu’elle a partiellement pour objet d’éviter celle-ci ou
d’en retarder le mouvement. Elle sera reprise par les décrets du
10 mai 1982 en complément de la très importante réforme de la
décentralisation (§ 1), puis le concept nouveau d’administration
territoriale de l’État sera consacré dans le cadre de la RGPP et
fera l’objet d’ajustements ultérieurs (§ 2).

§ 1. La déconcentration, complément de la décentralisation


251. À partir des grandes lois de décentralisation de 1982, la
décentralisation et la déconcentration ont été conçues parallèle-
ment. Un renforcement du rôle du préfet est apparu nécessaire,
d’une part, pour que l’État conserve une présence territoriale
afin d’accompagner et contrôler les collectivités locales, d’autre
part, le ministère de l’Intérieur s’est efforcé de compenser, par

(1) B. Le Clère et V. Wright, Les préfets du Second Empire, Paris, Armand Colin, Cahiers de
la Fondation nationale des sciences politiques, 1973.
(2) Décret n° 64‑250 du 14 mars 1964 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation des ser-
vices de l’État dans les départements et à l’organisation administrative ; décret n° 64‑251 relatif à
l’organisation des services de l’État dans les circonscriptions d’action régionale.

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Chapitre 9. - La réorganisation de l’administration
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la réorganisation de l ’ administration 257

la déconcentration, la perte de pouvoir des membres du corps


préfectoral consécutive à la décentralisation. Ainsi le commissaire
de la République de région se voit définitivement installé dans le
paysage par le décret n° 82‑390 du 10 mai 1982 (3). L’autorité
ou le contrôle des commissaires de la République sur les ser-
vices de l’État sont réaffirmés dans le prolongement des textes
précédents, les exceptions du décret de 1964 étant confirmées
(assiette et recouvrement des recettes publiques, statistiques,
éducation…). Des fonctions concrètes de coordination sont pré-
cisées en matière de patrimoine, de gestion de personnel et des
matériels, de présidence des commissions locales, de gestion des
investissements. Un comité interministériel de l’administration
territoriale (CIATER) est créé pour proposer toutes mesures de
déconcentration ultérieures. Le Commissaire de la République de
département devient « l’instance de concentration des pouvoirs
déconcentrés ».

DOCUMENT n° 37 : Décret n° 82‑389 du 10 mai 1982 relatif


aux pouvoirs des commissaires de la République et à l’action des
services et organismes publics de l’État dans les départements
Article 1 – Le représentant de l’État dans le département porte le
titre de commissaire de la République. Il est dépositaire de l’autorité
de l’État dans le département. Délégué du Gouvernement, il est le
représentant direct du Premier ministre et de chacun des ministres.
Il dirige sous leur autorité les services des administrations civiles
de l’État, dans les conditions définies par le présent décret.
Il a la charge des intérêts nationaux, du respect des lois et de
l’ordre public. Il veille à l’exécution des règlements et des décisions
gouvernementales.
Article 2 – Le commissaire de la République assure le contrôle
administratif des communes, des départements et de leurs établis-
sements publics qui ont leur siège dans le département. Il assure
également, sous réserve des dispositions de l’article 7 ci-dessous,
le contrôle administratif des établissements et organismes publics
de l’État dont l’activité ne dépasse pas les limites du département.

(3) Décret n° 82‑389 du 10 mai 1982 relatif aux pouvoirs des commissaires de la République et
à l’action des services et organismes publics de l’État dans les départements ; décret n° 82‑390 du
10 mai 1982 relatif aux pouvoirs des préfets de région, à l’action des services et organismes publics
de l’État dans la région et aux décisions de l’État en matière d’investissement public.

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Chapitre 9. - La réorganisation de l’administration
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258 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Article 6 – Le commissaire de la République prend les décisions


dans les matières entrant dans le champ des compétences des admi-
nistrations civiles de l’État exercées à l’échelon du département.
Il dirige, sous l’autorité de chacun des ministres concernés, les
services déconcentrés des administrations civiles de l’État dans le
département. Il a autorité directe sur les chefs des services, les délé-
gués ou correspondants de ces administrations, quelles que soient
la nature et la durée des fonctions qu’ils exercent.
Article 6‑1 – Le commissaire de la République arrête, confor-
mément aux orientations définies conjointement par les ministres
intéressés et le ministre chargé de la réforme de l’État, et après
avoir recueilli les propositions des chefs de service, l’organisation
des services déconcentrés de l’État dans le département.
Article 13 – Le commissaire de la République préside de droit
toutes les commissions administratives qui intéressent les services
de l’État dans le département.
Article 14 – Dans chaque département, et sous réserve des matières
mentionnées à l’article 7 du présent décret, seul le commissaire de
la République a qualité pour recevoir les délégations des ministres
chargés des administrations civiles de l’État, ainsi que les pouvoirs
de décision nouveaux dont viendraient à être investis des services
qui exercent leur activité à l’échelon du département.
Article 15 – Le commissaire de la République est l’unique ordon-
nateur secondaire des services déconcentrés des administrations
civiles de l’État dans le département.
252. On peut se demander alors si la logique nouvelle n’im-
plique pas que le « local » constitue le niveau d’administration de
droit commun. L’administration centrale ne conserverait que des
compétences définies par la loi et, bien entendu, ne recevrait que
les moyens correspondant à ses compétences d’attribution. En
1989, la Commission « Efficacité de l’État » du Xe plan a souhaité
que « la déconcentration devienne la règle et la centralisation
l’exception » et sera beaucoup plus audacieuse en ce qui concerne
le rôle du corps préfectoral. Elle prend explicitement parti pour
le renforcement de l’échelon régional avec une autorité du préfet
de région sur les préfets de départements ; elle formule de nom-
breuses propositions qui seront progressivement mises en appli-
cation : doter les préfets d’un pouvoir hiérarchique réel sur les
services locaux de l’État portant sur l’organisation, les moyens

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Chapitre 9. - La réorganisation de l’administration
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la réorganisation de l ’ administration 259

et la notation de leurs chefs ; regrouper géographiquement les


services extérieurs de l’État ; doter les préfectures d’un organi-
gramme opérationnel ; interconnecter, voire mettre en commun,
les moyens techniques des services (automobiles, informatique,
bâtiments…) ; gérer certains emplois de manière déconcentrée
et interministérielle ; faire disparaître à terme les dérogations
fonctionnelles aux pouvoirs des préfets, à l’exception des fonc-
tions judiciaires. Ces propositions rencontrent l’approbation du
ministre de l’intérieur mais suscitent de très fortes réticences de
la part de l’ensemble des autres ministères, pour une fois alliés
objectifs du budget. Le corps préfectoral s’adaptera assez vite
au nouveau contexte. Le leadership des préfets sera désormais
posé moins en termes de pouvoirs juridiques et plus en termes de
capacité d’animation (4). Le ministère de l’Intérieur saisira toutes
les occasions pour renforcer le rôle des préfets à l’égard des autres
services de l’État. Malgré les réticences du ministère des Finances
et des corps techniques, cette réforme finira par aboutir. Sans
qu’une contrepartie souvent évoquée, le rattachement des préfets
au Premier ministre, n’ait vu le jour.
253. Au séminaire gouvernemental du 21 septembre 1989, qui
s’inscrit dans le renouveau du service public, une relance de la
déconcentration est amorcée : globalisation des budgets de fonc-
tionnement, procédures de rétablissement de crédit, centres de
responsabilité, projets d’administration territoriale prévoyant
des réorganisations de services et la mise en commun de moyens.
254. L’administration territoriale va devenir progressivement
le niveau de droit commun de l’organisation administrative. La
loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la
République (5) pose ce principe pour la première fois puisque sont
réservées à l’administration centrale : « [L]es seules missions qui
présentent un caractère national ou dont l’exécution, en vertu
de la loi, ne peut être déléguée à un échelon territorial ». Elle
comporte, par ailleurs, d’importantes dispositions relatives à la
coopération intercommunale et à la participation des habitants
à la vie locale. Le passage de la notion de déconcentration à celle
d’administration territoriale de l’État n’est pas sans signification,

(4) Voy. par exemple les ouvrages du préfet P. Bernard, L’État et la décentralisation (Du préfet au
commissaire de la République), Paris, La Documentation française, 1983 ; Le préfet de la République,
Le chêne et l’olivier, Paris, Economica, 1992.
(5) Loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République.

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Chapitre 9. - La réorganisation de l’administration
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260 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

d’une part, elle « met en scène » le rôle de l’État dans les territoires,
d’autre part, elle indique que la réforme ne porte pas seulement
sur la répartition juridique des pouvoirs mais peut concerner éga-
lement les structures des administrations, leur champ d’activité
par rapport au secteur privé, leurs modes de gestion…

DOCUMENT n° 38 : Loi d’orientation n° 92‑125 du 6 février


1992 relative à l’administration territoriale de la République
Art. 1er. – L’administration territoriale de la République est assu-
rée par les collectivités territoriales et par les services déconcentrés
de l’État.
Elle est organisée, dans le respect du principe de libre adminis-
tration des collectivités territoriales, de manière à mettre en œuvre
l’aménagement du territoire, à garantir la démocratie locale et à
favoriser la modernisation du service public.
TITRE Ier
DE L’ORGANISATION TERRITORIALE DE L’ÉTAT
Art. 2. – Placées sous l’autorité du Premier ministre et de chacun
des ministres, les administrations civiles de l’État se composent
d’administrations centrales et de services déconcentrés.
La répartition des missions entre les administrations centrales
et les services déconcentrés s’organise selon les principes fixés par
la présente loi.
Sont confiées aux administrations centrales les seules missions
qui présentent un caractère national ou dont l’exécution, en vertu
de la loi, ne peut être déléguée à un échelon territorial.
Les autres missions, et notamment celles qui intéressent les rela-
tions entre l’État et les collectivités territoriales, sont confiées aux
services déconcentrés dans les conditions fixées par les articles 34 et
79 de la loi no 82‑213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés
des communes, des départements et des régions.
Le décret du 1er juillet 1992 portant charte de la déconcentra-
tion (6) rassemble l’essentiel des textes réglementaires relatifs
l’administration territoriale, il rappelle le rôle de coordination
des préfets, ouvre la possibilité de désigner des chefs de projet et
d’organiser des pôles de compétence, définit la mission principale
de chaque échelon.

(6) Décret n° 92-604 du 1er juillet 1992 portant charte de la déconcentration.

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DOCUMENT n° 39 : Décret n° 92‑604 du 1er juillet 1992 portant


charte de la déconcentration
Art. 1er. – La déconcentration est la règle générale de répartition
des attributions et des moyens entre les différents échelons des admi-
nistrations civiles de l’État.
Art. 2. – Les administrations centrales assurent au niveau natio-
nal un rôle de conception, d’animation, d’orientation, d’évaluation
et de contrôle.
À cette fin, elles participent à l’élaboration des projets de loi et de
décret et préparent et mettent en œuvre les décisions du Gouvernement
et de chacun des ministres, notamment dans les domaines suivants :
1 La définition et le financement des politiques nationales, le
contrôle de leur application, l’évaluation de leurs effets ;
2 L’organisation générale des services de l’État et la fixation des
règles applicables en matière de gestion des personnels ;
3 La détermination des objectifs de l’action des services décon-
centrés de l’État, l’appréciation des besoins de ces services et
la répartition des moyens alloués pour leur fonctionnement,
l’apport des concours techniques qui leur sont nécessaires,
l’évaluation des résultats obtenus.
Art. 3. – La circonscription régionale est l’échelon territorial :
1 De la mise en œuvre des politiques nationale et communau-
taire en matière de développement économique et social et
d’aménagement du territoire ;
2 De l’animation et de la coordination des politiques de l’État
relatives à la culture, à l’environnement, à la ville et à l’espace
rural ;
3 De la coordination des actions de toute nature intéressant plu-
sieurs départements de la région.
Elle constitue un échelon de programmation et de répartition des
crédits d’investissement de l’État ainsi que de contractualisation
des programmes pluriannuels entre l’État et les collectivités locales.
Art. 4. – Sous réserve des dispositions des articles 3 et 5 et sauf
disposition législative contraire ou exception prévue par décret en
Conseil d’État, la circonscription départementale est l’échelon terri-
torial de mise en œuvre des politiques nationale et communautaire.
Les moyens de fonctionnement des services départementaux de
l’État leur sont alloués directement par les administrations centrales.

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Art. 5. – L’arrondissement est le cadre territorial de l’animation


du développement local et de l’action administrative locale de l’État.
Un très important décret du 29 avril 2004 (7) a renforcé les
pouvoirs du préfet de région chargé désormais « d’animer et de
coordonner l’action des préfets de départements ». Mais le dépar-
tement reste l’échelon de base de l’administration. Un décret du
5 octobre 2004 (8) a organisé les administrations de l’État par
pôles pour renforcer la logique horizontale au profit des préfets
sans remettre en cause la logique verticale des relations des minis-
tères avec leurs services déconcentrés. Un décret du 14 octobre
2004 (9) prévoit la mise en place de délégations de gestion pour
favoriser l’interministérialité.

DOCUMENT n° 40 : Décret n° 2004‑374 du 29 avril 2004 relatif


aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services
de l’État dans les régions et départements (art. 1)
Article 1
Le préfet de région dans la région, le préfet de département dans
le département, est dépositaire de l’autorité de l’État.
Ils ont la charge des intérêts nationaux et du respect des lois.
Ils représentent le Premier ministre et chacun des ministres.
Ils veillent à l’exécution des règlements et des décisions gouver-
nementales.
Ils dirigent, sous l’autorité des ministres et dans les conditions
définies par le présent décret, les services déconcentrés des admi-
nistrations civiles de l’État.
Article 2
Le préfet de région est le garant de la cohérence de l’action des
services de l’État dans la région. À ce titre, il fixe des orientations
générales qu’il élabore avec les préfets de département dans la région.
Il anime et coordonne l’action des préfets de département.

(7) Décret n° 2004‑374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à
l’action des services de l’État dans les régions et départements.
(8) Décret n° 2004‑1053 du 5 octobre 2004 relatif aux pôles régionaux de l’État et à l’organisation
de l’administration territoriale dans les régions.
(9) Décret n° 2004‑1085 du 14 octobre 2004 relatif à la délégation de gestion dans les services
de l’État.

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Article 3
Le préfet de région détermine les orientations nécessaires à la
mise en œuvre dans la région des politiques nationales et commu-
nautaires de sa compétence.
Il les notifie aux préfets de département qui s’y conforment dans
leurs décisions et lui en rendent compte.
Article 9
Sous réserve des compétences du préfet de région, le préfet de
département met en œuvre dans le département les politiques natio-
nales et communautaires.
Article 11
Le préfet de département a la charge de l’ordre public, de la
sécurité et de la protection des populations.
Article 14
Le sous-préfet d’arrondissement est le délégué du préfet dans
l’arrondissement.
Il assiste le préfet dans la représentation territoriale de l’État.
Article 15
Le préfet prend les décisions dans les matières relevant des attri-
butions des services déconcentrés des administrations civiles de
l’État dans la région ou dans le département.
Article 16
Sous réserve des dispositions de l’article 33, le préfet a seul qualité
pour recevoir les délégations des ministres chargés des administra-
tions civiles de l’État et les pouvoirs de décision relatifs aux attribu-
tions des services déconcentrés des administrations civiles de l’État.
Article 17
Le préfet de région a autorité sur les chefs des services décon-
centrés, les délégués ou les correspondants à l’échelon régional des
administrations civiles de l’État, quelle que soit la nature ou la
durée de leurs fonctions.
Il en va de même pour le préfet de département sur les chefs
des services déconcentrés, délégués ou correspondants à compétence
départementale.
Article 19
Le préfet est responsable de la gestion du patrimoine immobilier
et des matériels des services de l’État placés sous son autorité.

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Article 20
Le préfet est l’ordonnateur secondaire des services déconcentrés
des administrations civiles de l’État.

§ 2. La réforme de l’administration territoriale de l’État (RÉATE)


255. En 2010, la réforme de l’administration territoriale de
l’État (RÉATE), qui est un volet de la RGPP, a été effectuée
par le décret du 16 février 2010 modifiant le décret du 29 avril
2004 (10). La RÉATE a renforcé les pouvoirs des préfets de
région, regroupé les administrations territoriales de l’État, créé
des directions départementales interministérielles et développé
les mutualisations. La logique institutionnelle qui prévalait a été
infléchie en affirmant l’autorité, et non plus la simple mission de
coordination, du préfet de région sur les préfets de département
(à l’exception de l’ordre public et du contrôle administratif) et
a renforcé l’autorité du préfet sur les services déconcentrés de
l’État. Les vingt-trois directions régionales préexistantes sont
remplacées par huit grandes directions (cinq directions régio-
nales dans le périmètre de la RÉATE : la direction régionale des
entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et
de l’emploi (Direccte), la direction régionale de l’environnement,
de l’aménagement et du logement (Dreal), la direction régionale
de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS),
la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de
la forêt (Draaf) et la direction régionale des affaires culturelles
(Drac) ; trois directions hors RÉATE : rectorat, direction régio-
nale des finances publiques, agence régionale de santé). Au niveau
départemental, deux ou trois (selon la taille des départements)
directions départementales interministérielles regroupent des
services (direction départementale des territoires, de la pro-
tection des populations et/ou de la cohésion sociale) à côté de
l’inspection académique, de la direction départementale des
finances publiques, de la délégation départementale de l’agence
régionale de santé et de trois unités territoriales rattachées à
des directions régionales (architecture et patrimoine, travail-
emploi, installations classées). Les directeurs départementaux
interministériels sont nommés sur avis des préfets. La stratégie

(10) Décret n° 2010‑146 du 16 février 2010 modifiant le décret n° 2004‑374 du 29 avril 2004
relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’État dans les régions
et départements.

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de l’administration territoriale de l’État est arrêtée en comité de


l’administration régionale (CAR). Le préfet reçoit des pouvoirs
budgétaires pour donner un avis sur les budgets opérationnels de
programme et répartir leurs crédits entre les actions et les uni-
tés opérationnelles des directions placées sous son autorité. Les
mutualisations sont encouragées dans les domaines des moyens
de fonctionnement, de la stratégie immobilière, de la gestion pré-
visionnelle des ressources humaines. Un projet d’action straté-
gique des services de l’État (PASER) doit être élaboré au niveau
régional. L’extension des missions des SGAR les éloigne de leur
mission d’impulsion et de prospective économique pour en faire
des répartiteurs de moyens.

DOCUMENT n° 41 : Décret n° 2010‑146 du 16 février 2010


­ odifiant le décret n° 2004‑374 du 29 avril 2004 relatif aux
m
­pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de
l’État dans les régions et départements
Article 1 – Le décret du 29 avril 2004 susvisé est modifié confor-
mément aux dispositions des articles 2 à 49 du présent décret.
Article 2 – L’article 2 est remplacé par les dispositions suivantes :
Art. 2.-I. – Le préfet de région est le garant de la cohérence de
l’action de l’État dans la région. Il a autorité sur les préfets de
département, sauf dans les matières définies aux articles 10, 11 et
11‑1. L’autorité du préfet de région sur les préfets de département
ne peut être déléguée.
Le préfet de région est responsable de l’exécution des politiques
de l’État dans la région, sous réserve des compétences de l’agence
régionale de santé, ainsi que de l’exécution des politiques commu-
nautaires qui relèvent de la compétence de l’État.
À cet effet, les préfets de département prennent leurs décisions
conformément aux instructions que leur adresse le préfet de région.
Le préfet de région peut également évoquer, par arrêté, et pour
une durée limitée, tout ou partie d’une compétence à des fins de
coordination régionale. Dans ce cas, il prend les décisions corres-
pondantes en lieu et place des préfets de département.
Article 4 – L’article 9 est remplacé par les dispositions suivantes :
Art. 9. – Le préfet de département met en œuvre les politiques
nationales et communautaires dans les conditions définies à l’ar-
ticle 2.

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Article 21 – L’article 35 est remplacé par les dispositions sui-


vantes :
Art. 35. – Le préfet de région préside le comité de l’administration
régionale qui est composé :
1° Des préfets de département ;
2° Du ou des recteurs d’académie ;
3° Du directeur régional des finances publiques ;
4° Du secrétaire général placé auprès du préfet du département
où se situe le chef-lieu de la région ;
5° Du secrétaire général pour les affaires régionales ;
6° Du directeur régional de l’alimentation, de l’agriculture et de
la forêt ;
7° Du directeur régional de l’environnement, de l’aménagement
et du logement ;
8° Du directeur régional de la jeunesse, des sports et de la cohé-
sion sociale ;
9° Du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la
consommation, du travail et de l’emploi ;
10° Du directeur régional des affaires culturelles ;
11° Le cas échéant, du directeur interrégional de la mer.
Le directeur général de l’agence régionale de santé est membre du
comité de l’administration régionale.
Le préfet de région associe, en tant que de besoin, les responsables
d’établissements publics et services de l’État ayant leur siège dans
la région ou dont l’activité s’exerce au-delà de la région. Il peut
proposer aux chefs de cour et de juridiction d’assister aux travaux
du comité de l’administration régionale. Il peut inviter toute per-
sonne qualifiée à être entendue.
Le secrétariat du comité de l’administration régionale est assuré
par le secrétaire général pour les affaires régionales.
256. La RÉATE a ainsi organisé une dissociation de la struc-
ture des administrations aux niveaux national, régional et
départemental… L’intérêt de ce dispositif est de renforcer la coor-
dination sous l’autorité du préfet et de permettre une adaptation
locale. L’inconvénient est de briser la chaîne de commandement
et la tuyauterie budgétaire du sommet de l’État vers la base et
de générer un certain désordre qui est apparu rapidement, par
exemple dans le fonctionnent des services de la concurrence et de

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la consommation au sein des directions régionales des entreprises,


de la concurrence, du travail et de l’emploi (DIRECTE) et dans
les services vétérinaires rattachés aux directions départementales
de la protection des populations (DDPP). Par ailleurs, l’absence
de réformes radicales des administrations centrales a freiné la
responsabilisation des managers locaux. Les conséquences de la
décentralisation accrue n’ont pas toutes été tirées. Les questions
d’harmonisation statutaire et des conditions de travail, de réor-
ganisation des services en contact avec les usagers, de fusion des
budgets ont été différées (11).
257. Après la RGPP, le système issu de la RÉATE a telle-
ment fragilisé les administrations déconcentrées que les gou-
vernements ultérieurs n’ont pas osé remettre en cause cette
organisation byzantine. Ainsi, le comité interministériel de la
modernisation de l’action publique du 17 juillet 2013 n’engage
pas de nouvelles réformes de structure, il accentue l’autorité du
préfet de région (responsable des budgets opérationnels – BOP –
interministériels) et prend des mesures périphériques par rapport
à ce sujet essentiel : cohérence avec les opérateurs, relations avec
les administrations centrales et les échelons de mise en œuvre
(circulaires de cinq pages maximum ; distinction explicite entre
l’échelon de conception et de pilotage) ; regroupement de services
infra-départementaux dans des « maisons de l’État » ; création
d’espaces mutualisés de services au public combinant présence
physique et ressources numériques.
258. L’organisation territoriale de l’État est fixée par le décret
n° 2015-510 du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration (12)
qui abroge la précédente rédaction du 1er juillet 1992. Sa formu-
lation renforce le principe de subsidiarité posé par le décret de
1992. Le texte esquisse une répartition fonctionnelle des différents
échelons qui s’inscrit dans la logique antérieure : conception et ani-
mation au niveau national, animation et coordination au niveau
régional, mise en œuvre au niveau départemental, animation du
développement local au niveau de l’arrondissement. Les préfets
voient une fois de plus leurs pouvoirs se renforcer en matière
de mise en cohérence et d’adaptation des services locaux. Une

(11) M. Le Clainche, « Le changement dans la fonction publique de l’État : l’exemple des services
déconcentrés », in D. Espagno-Abadie et A. Penerenda (dir.), Fonction(s) publique(s) : le défi du
changement, Paris, Presses EHESP, 2018.
(12) Décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration.

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importante circulaire du 18 novembre 2015 précise sur certains


points l’application de la charte de la déconcentration, notamment
en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines. Le
rôle de direction et de coordination du préfet de région est, une fois
de plus, réaffirmé, de même que les mutualisations de services en
matière d’immobilier, d’achats, de systèmes d’information.

DOCUMENT n° 42 : Décret n° 2015‑510 du 7 mai 2015 portant


charte de la déconcentration
Article 1 – La déconcentration consiste à confier aux échelons
territoriaux des administrations civiles de l’État le pouvoir, les
moyens et la capacité d’initiative pour animer, coordonner et mettre
en œuvre les politiques publiques définies au niveau national et
européen, dans un objectif d’efficience, de modernisation, de sim-
plification, d’équité des territoires et de proximité avec les usagers
et les acteurs locaux.
Elle constitue la règle générale de répartition des attributions et
des moyens entre les échelons centraux et territoriaux des adminis-
trations civiles de l’État.
Elle implique l’action coordonnée de l’ensemble des services
déconcentrés et des services territoriaux des établissements publics
de l’État.
Article 2 – Placées sous l’autorité du Premier ministre et de cha-
cun des ministres, les administrations civiles de l’État se composent,
d’une part, d’administrations centrales et de services à compétence
nationale, d’autre part, de services déconcentrés.
La répartition des missions entre les administrations centrales,
les services à compétence nationale et les services déconcentrés s’or-
ganise selon les principes fixés par le présent décret.
Sont confiées aux administrations centrales et aux services à com-
pétence nationale les seules missions qui présentent un caractère
national ou dont l’exécution, en vertu de la loi, ne peut être déléguée
à un échelon territorial.
Les autres missions, notamment celles qui intéressent les rela-
tions entre l’État et les collectivités territoriales, sont confiées aux
services déconcentrés.
Article 3 – I. – Les administrations centrales assurent, au niveau
national, un rôle de conception, d’animation, d’appui des services
déconcentrés, d’orientation, d’évaluation et de contrôle.

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À cette fin, elles participent à l’élaboration des projets de loi et de


décret et préparent et mettent en œuvre les décisions du Gouvernement
et de chacun des ministres, notamment dans les domaines suivants :
1° La définition et le financement des politiques nationales, le
contrôle de leur application, l’évaluation de leurs effets ;
2° L’organisation générale des services de l’État et la fixation des
règles applicables en matière de gestion des personnels ;
3° La détermination des objectifs de l’action des services à com-
pétence nationale, des services déconcentrés et des organismes
publics rattachés à l’État, auxquels elles fixent des directives
pluriannuelles ; pour les services déconcentrés de l’État, ces
directives sont déclinées au niveau des circonscriptions ter-
ritoriales de l’État ;
4° L’apport des concours techniques qui sont nécessaires aux ser-
vices déconcentrés et l’évaluation des résultats obtenus.
II. – Elles peuvent également se voir confier des missions opéra-
tionnelles qui présentent un caractère national.
Article 4 – Les services à compétence nationale peuvent se voir
confier des fonctions de gestion, d’études techniques ou de formation,
des activités de production de biens ou de prestation de services ainsi
que toute autre mission opérationnelle qui présente un caractère
national et correspond aux attributions du ministre sous l’autorité
duquel ils sont placés.
Un décret en Conseil d’État fixe les principes d’organisation des
services à compétence nationale.
Article 5 – Sauf disposition législative contraire ou exception
prévue par décret en Conseil d’État, la circonscription régionale
est l’échelon territorial :
1° De l’animation et de la coordination des politiques de l’État ;
2° De la mise en œuvre des politiques nationales et de l’Union
européenne en matière d’emploi, d’innovation, de recherche, de
culture, de statistiques publiques, de développement économique
et social, et d’aménagement durable du territoire ;
3° De la coordination des actions de toute nature intéressant plu-
sieurs départements de la région ;
4° De la conduite d’actions de modernisation des services décon-
centrés dans les domaines de la simplification de leur activité
administrative et de l’amélioration de leurs relations avec les
usagers ;

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5° De la définition du cadre stratégique de la politique immobil-


ière des services déconcentrés de l’État.
Elle constitue également un échelon de programmation et de
répartition des crédits de l’État ainsi que de contractualisation des
programmes pluriannuels entre l’État et les collectivités locales.
Article 6 – Sauf disposition législative contraire ou exception pré-
vue par décret en Conseil d’État, la circonscription départementale
est l’échelon territorial de mise en œuvre des politiques nationales
et de l’Union européenne.
Article 7 – Sauf disposition législative contraire ou exception
prévue par décret en Conseil d’État, l’arrondissement est le cadre
territorial de l’animation du développement local et de l’action
administrative locale de l’État.
259. Après les élections présidentielles, des orientations nou-
velles ont été données aux préfets dans le discours prononcé par
le Président de la République le 5 septembre 2017 et dans la
feuille de route présentée par le ministre de l’Intérieur : concept
du « préfet-entrepreneur », renforcement de la déconcentration en
matière budgétaire et de gestion des ressources humaines, appro-
fondissement de la réforme territoriale, organisation d’un service
public numérique de proximité.
260. Le 11 décembre 2017, la Cour des comptes a publié
son rapport public thématique sur les services déconcentrés de
l’État (13). Elle estime que, malgré des réformes successives, ces
services ont du mal à assurer leurs missions. Les 49 recommanda-
tions sont organisées autour de trois axes. En premier lieu, recen-
trer les services sur leurs missions essentielles, ce qui implique,
par exemple, de simplifier la répartition des compétences dans les
domaines du logement, des routes, de la jeunesse et des sports,
de l’action sociale, de l’action économique, de l’emploi, de la
formation professionnelle et du tourisme. Ensuite, la Cour pré-
conise une meilleure utilisation des opportunités du numérique
et une adaptation de l’organisation territoriales des services :
regroupement des directions régionales au chef-lieu de région ;
redéfinition des fonctions de préfet de région ; création de préfets
du département-chef-lieu dans les quatre plus grandes régions ;
rationalisation des réseaux départementaux des sous-préfectures,
des services des impôts, des douanes, des circonscriptions de

(13) Cour des comptes, Les services déconcentrés de l’État, décembre 2017.

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l’éducation nationale ; développement de nouvelles maisons


de services aux publics. La Cour formule des propositions pré-
cises pour améliorer la gestion et la mutualisation des moyens
en matière de ressources humaines, de fonctions supports et de
déconcentration des crédits.
261. Le Premier ministre, par une circulaire du 24 juillet 2018,
trace les orientations d’une réforme de l’organisation territoriale
de l’État, qui fait explicitement référence au rapport du Comité
Action publique 2022 et invite les préfets de région à lui faire
part pour la deuxième quinzaine d’octobre de leurs avis et pro-
positions de réorganisation. Première orientation : clarification
et simplification des compétences respectives de l’État et des
collectivités territoriales, dans le cadre d’une réaffirmation de
l’échelon départemental et d’une plus grande cohérence avec les
opérateurs. La deuxième orientation vise à réorganiser les ser-
vices sur la base de principes de déconcentration, de modularité
et de mutualisation. La circulaire prévoit également de repenser
le modèle des points de contact de proximité, de renforcer l’ac-
compagnement des agents dans leurs transitions professionnelles
et d’instituer un intéressement aux économies réalisées. Dans
une autre circulaire du 12 juin 2019, relative à la mise en œuvre
de la réforme de l’organisation territoriale de l’État, le Premier
ministre énonce ses décisions autour de plusieurs objectifs. Le
désenchevêtrement des compétences de l’État, des collectivi-
tés territoriales, des opérateurs ou des acteurs hors de la sphère
publique doit intervenir dans plusieurs domaines : l’intervention-
nisme économique où l’État ne conserve que l’accompagnement
des entreprises en difficulté et le suivi de filières stratégiques,
des politiques d’innovation et de transformation numérique ;
l’urbanisme ; la gestion des pupilles de l’État ; le soutien aux
industries culturelles. La différenciation sera consacrée au niveau
constitutionnel. Une concertation devra ouvrir la perspective de
nouvelles rationalisations et d’une contractualisation en matière
sociale. Certains partages de compétence au sein de l’État sont
clarifiés : liquidation de la taxe d’aménagement à la DGFiP,
gestion de la main-d’œuvre étrangère aux préfectures. Le deu-
xième objectif vise à réorganiser l’administration territoriale de
l’État en privilégiant le département comme échelon de mise en
œuvre des politiques publiques : création d’un service public de
l’insertion par regroupement des DIRRECTE et des DRCSJS

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et création des directions départementales de l’insertion, de la


cohésion sociale, du travail et de l’emploi ; transfert à l’éducation
nationale des missions relatives à la jeunesse, au sport, à l’éduca-
tion populaire et à la vie associative. Le troisième objectif renforce
les mutualisations et la coopération interdépartementale : fusion
des programmes 333 (moyens mutualisés) et 307 (administration
territoriale de l’État) dont le responsable de BOP sera le SGAR ;
secrétariats généraux communs aux préfectures et aux directions
départementales interministérielles chargés de gérer les achats,
les ressources humaines et l’immobilier ; politique immobilière
de l’État ; mutualisations interdépartementales. L’accueil de
proximité sera renforcé par le déploiement du réseau de Maisons
France services qui fait l’objet d’une circulaire distincte. Chaque
préfet de région proposera d’ici la fin octobre un projet de réor-
ganisation des services de l’État adaptée au contexte local. Le
préfet de région présidera un comité interministériel régional des
transformations des services publics. Il présentera chaque année
en réunion interministérielle une revue de la mise en œuvre des
politiques publiques de l’État dans la région.
262. Une série de textes mettent en œuvre ces décisions. Le
pilotage et la gestion des directions départementales interminis-
térielles sont transférés du Secrétariat général du Gouvernement
au ministère de l’Intérieur (décret du 26 avril 2019), puis ces DDI
sont directement rattachées à ce ministère (décret du 14 août
2020). Des secrétariats généraux communs départementaux
(SGCD) sont organisés (circulaire du 2 août 2019 et décret du
7 février 2020) (14). Le SGCD « est un service déconcentré de
l’État à vocation interministérielle relevant du ministère de l’in-
térieur ». Il est placé « sous l’autorité du préfet de département et
sous l’autorité fonctionnelle des chefs de services pour l’exécution
à leur bénéfice de ces missions ». Il assure la gestion des fonctions
et moyens mutualisés en matières « budgétaires, d’achats publics,
d’affaires immobilières, de système d’information et de commu-
nication, de logistique, de ressources humaines, de relations avec
la médecine de prévention et de mise en œuvre des politiques
d’action sociale au bénéfice des agents ». Il pourra exercer la ges-
tion mutualisée d’autres fonctions sur simple décision du préfet
de département. Cette mutualisation concerne les services des

(14) Décret n° 2019‑377 du 26 avril 2019 ; décret n° 2020‑1050 du 14 août 2020 ; circulaire n° 6104/
SG du 2 août 2019 et décret n° 2020‑99 du 7 février 2020.

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la réorganisation de l ’ administration 273

préfectures et des directions départementales interministérielles


et peut être étendue par le préfet de département, après accord
du préfet de région, à des services régionaux de l’État et, sur déci-
sion conjointe des ministres concernés, aux services des finances
publiques ou de l’éducation nationale. Un comité interministé-
riel régional de la transformation des services publics formé du
comité de l’administration régionale auquel sont adjoints les
responsables régionaux d’établissements publics nationaux est
créé par un décret du 24 juillet 2019 (15). Le Comité délibère sur
les projets significatifs de réorganisation des administrations et
donne un avis sur les projets des établissements publics sur le
territoire régional. Deux décrets du 9 décembre 2020 (16) pour-
suivent la réorganisation de l’administration territoriale de l’État
en créant un service public de l’insertion par une extension des
missions des anciennes DIRECCTE qui deviennent des directions
régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solida-
rités et par la reconstitution de directions départementales de
l’emploi, du travail et des solidarités (et, le cas échéant, de la
protection de population). Les services chargés de la jeunesse, de
la vie associative et des sports sont intégrés aux rectorats et aux
directions départementales des services académiques. Un décret
du 19 février 2020 (17) réorganise la préfecture de la région Île-
de-France. Le Préfet de la région est assisté de trois préfets : le
secrétaire général aux politiques publiques, le secrétaire général
aux moyens mutualisés, le directeur de cabinet. Une trentaine
de sous-préfets à la relance sont créés à l’été 2020 pour accélérer
la mise en œuvre du plan de relance et « lever les blocages admi-
nistratifs ».
263. Le mouvement de renforcement des pouvoirs des préfets
sur les services déconcentrés se poursuit dans les domaines par-
ticulièrement importants dans la vie administrative : la gestion
des crédits et celles des personnes. Dans une circulaire du 10 mars
2021, le Premier ministre, Jean Castex, qui a par ailleurs annoncé
la création de 2.500 emplois dans les services déconcentrés,
impulse ce mouvement de « réarmement de l’État dans les terri-
toires » et organise une « refonte profonde des relations entre les
administrations centrales et les administrations déconcentrées ».

(15) Décret n° 2019‑769 du 24 juillet 2019.


(16) Décrets n° 2020‑1545 et n° 2020‑1542 du 9 décembre 2020.
(17) Décret n° 2020‑139 du 19 février 2020.

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274 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Sur le plan budgétaire, le fléchage et le ciblage des crédits sont


proscrits, les centres de gestion financière seront généralisés,
de nouveaux crédits d’intervention et d’investissement seront
déconcentrés, une nouvelle maquette budgétaire mieux adaptée
à l’organisation territoriale de l’État sera établie. En matière
de ressources humaines, le Premier ministre annonce l’octroi de
nouvelles marges de manœuvre aux responsables pour engager
des agents indépendamment des clivages ministériels, recruter
des contractuels, gérer les carrières de leurs collaborateurs, ren-
forcer la mobilité à l’intérieur des bassins d’emploi grâce à une
garantie de maintien des primes, bénéficier de postes d’experts
de haut niveau ou de directeurs de projet, renforcer l’attracti-
vité de certains territoires. Une autre circulaire n° 6259/SG du
19 avril 2021 organise les feuilles de route interministérielles des
préfets qui exposeront les principaux axes de l’action de l’État
dans le territoire pour mettre en œuvre les réformes et politiques
prioritaires de l’État et les projets locaux structurants.
264. Une innovation importante vient rompre le dogme
de l’égalité territoriale : l’idée de différenciation. Un décret
n° 2017‑1845 du 29 décembre 2017 a octroyé à titre expéri-
mental un pouvoir de dérogation aux normes réglementaires à
deux préfets de région et à plusieurs préfets de département.
D’après un rapport sénatorial déposé par Jean-Marie Bockel et
Mathieu Darnaud (18), 61 arrêtés préfectoraux ont permis de
raccourcir des délais et d’alléger certaines procédures et, dans
quelques cas, de sauver des projets compromis. Un décret du
8 avril 2020 généralise l’expérimentation à l’ensemble des pré-
fets sur tout le territoire et leur permet de déroger aux normes
réglementaires en vigueur. Les dérogations pourront intervenir
dans des domaines très larges mais devront être justifiées par
des motifs d’intérêt général et des circonstances locales, avoir
pour effet de faciliter les démarches administratives, être com-
patibles avec les engagements internationaux de la France, ne
pas porter atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité,
ni une atteinte disproportionnée aux objectifs des dispositions
auxquelles il est dérogé (19).

(18) Rapport n° 560, du 11 juin 2019, déposé par les sénateurs Jean-Marie Bockel et Mathieu
Darnaud, Réduire le poids des normes en aval de leur production : interprétation facilitatrice et
pouvoir de dérogation aux normes.
(19) Décret n° 2017‑1845 du 29 décembre 2017 ; décret n° 2020‑412 du 8 avril 2020.

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la réorganisation de l ’ administration 275

265. Le statut des préfets et sous-préfets a été profondément


modifié par la réforme des cadres supérieurs de l’État applicable en
2023. La création du corps des administrateurs de l’État implique
la suppression du corps préfectoral. Un décret du 6 avril 2022 (20)
organise la gestion des emplois fonctionnels de préfet et de sous-
préfet qui restent rattachés au ministère de l’Intérieur. Il prévoit la
poursuite d’un recrutement diversifié, des garanties de déroulement
de carrière tout en facilitant les mobilités. Les préfets ne peuvent
exercer continument leur emploi pendant plus de neuf ans.
Dans le cadre du renforcement de la présence des services
publics sur le territoire, la création ou la réinstallation de six
sous-préfectures a été annoncée en octobre 2022.

S ection 2. L a décentralisation

266. Le projet de loi soumis au référendum du 27 avril 1969


prévoyait la création des régions en tant que collectivité territo-
riale dotée de larges compétences dans les domaines économique,
social et culturel. Le préfet de région en était l’exécutif. L’échec
du référendum, qui provoqua le départ du général de Gaulle, n’a
pas ralenti le débat sur le thème de la décentralisation, c’est-à-
dire du transfert de pouvoirs de l’État aux collectivités territo-
riales. II est étudié par exemple par le Club Jean Moulin (21), par
la Commission pour le développement des responsabilités locales
(rapport Guichard) de 1976 (22), par les sciences administratives
et la sociologie qui vont s’intéresser tout particulièrement au sys-
tème des relations entre l’État et les collectivités territoriales.
Par exemple, le Centre de sociologie des organisations montre
la complexité des rapports de pouvoirs entre le préfet, représen-
tant de l’État dans les territoires, et « ses notables », dont il peut
devenir le porte-parole. De plus en plus de voix s’élèvent pour
renforcer le niveau régional ou pour dénoncer l’émiettement com-
munal. C’est ainsi que prendront forme les premiers actes de la
décentralisation (§ 1), puis viendra le temps des adaptations (§ 2).

(20) Décret n° 2022‑491 du 6 avril 2022.


(21) Club Jean Moulin, Les citoyens au pouvoir, 12 régions, 2000 communes, Paris, Seuil, 1968.
(22) O. Guichard (dir.), Vivre ensemble, Paris, La Documentation Française, 1976.
J.-P. Worms, « Le Préfet et ses notables », Sociologie du travail (3), 1966 ; P. Grémion, Le pou-
voir périphérique : Bureaucrates et notables dans le système politique français, Paris, Seuil, 1976 ;
J.-C. Thoenig et F. Dupuy, L’administration en miettes, Paris, Fayard, 1985.

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276 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

§ 1. Les premiers actes de la décentralisation


267. Les pouvoirs publics ne sont pas indifférents à ces appels
et diverses mesures d’adaptation sont adoptées telles que la glo-
balisation des prêts de la Caisse des dépôts qui préfigure celle des
subventions.
268. La réforme régionale de 1972 a eu une portée très limi-
tée : la loi du 5 juillet 1972 (23) érige la région en un établisse-
ment public spécialisé (l’établissement public régional, EPR).
Le conseil régional est composé d’élus : les parlementaires de
la région et, en nombre égal, des représentants désignés par les
conseils généraux et les principales municipalités. Un conseil éco-
nomique et social régional doté d’un pouvoir consultatif associe
les forces vives. Même si la région n’est toujours pas une col-
lectivité locale, elle commence à s’affirmer comme instance de
réflexion, de prospective, de mise en cohérence des politiques
économiques et d’aménagement du territoire.

DOCUMENT n° 43 : Loi n° 72‑219 du 5 juillet 1972 portant


création et organisation des régions
Article 1 – Il est créé, dans chaque circonscription d’action régio-
nale, qui prend le nom de « région » un établissement public qui
reçoit la même dénomination.
Article 3 – Le conseil régional, par ses délibérations, le président
du conseil régional, par l’instruction des affaires et l’exécution
des délibérations, le Comité économique et social, par ses avis,
concourent à l’administration de la région.
Article 4-I – L’établissement public a pour mission, dans le
respect des attributions des départements et des communes et, le
cas échéant, en collaboration avec ces collectivités et avec l’État, de
contribuer au développement économique, social et culturel de la
région par :
1° toutes études intéressant le développement régional ;
2° toutes propositions tendant à coordonner et à rationaliser les
choix des investissements à réaliser par les collectivités pub-
liques ;
3° la participation volontaire au financement d’équipements col-
lectifs présentant un intérêt régional direct ;

(23) Loi n° 72‑619 du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions.

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la réorganisation de l ’ administration 277

4° la réalisation d’équipements collectifs présentant un intérêt


régional direct, avec l’accord et pour le compte de collectivités
locales, de groupements de collectivités locales, d’autres étab-
lissements publics ou de l’État ;
5° toute participation à des dépenses de fonctionnement liées à
des opérations d’intérêt régional direct ;
6° toutes interventions dans le domaine économique, dans les
mêmes conditions et limites que celles prévues pour les com-
munes par l’article 5 de la loi n° 82‑213 du 2 mars 1982
relative aux droits et libertés des communes, des départements
et des régions, sans préjudice des dispositions des 7° et 8° du
présent article.
Ces mesures doivent faire l’objet d’une consultation préalable des
conseils municipaux et des conseils généraux concernés ;
7° l’attribution pour le compte de l’État d’aides financières que
celui-ci accorde aux investissements des entreprises concourant
au développement régional et à l’emploi dans des conditions
prévues par décret ;
8° la participation au capital des sociétés de développement
régional et des sociétés de financement interrégionales ou pro-
pres à chaque région, existantes ou à créer, ainsi que des socié-
tés d’économie mixte.
III – L’établissement public exerce en outre :
1° les attributions intéressant le développement régional que l’État
lui confie dans des conditions fixées par décret en Conseil
d’État ;
2° les attributions, autres que les tâches de gestion, que des col-
lectivités locales ou des groupements de collectivités locales
décident de lui confier avec son accord.
L’État et les collectivités locales ou groupements de collectivités
locales assurent à l’établissement public des ressources correspon-
dant aux attributions qu’ils lui transfèrent en application des dis-
positions du présent paragraphe.
269. Il paraît encore bien audacieux de s’attaquer au modèle
français de Nation construite autour de son État, mais les outils
sont disponibles et seront largement utilisés au début des années
1980 au moment de l’alternance politique. 1981 sera « l’acte 01 »
de la décentralisation qui est un des axes forts du programme du
nouveau Gouvernement et une des mesures phares du premier

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278 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

septennat de François Mitterrand. Les « grands maires », bien


représentés au sein du gouvernement (Pierre Mauroy, maire de
Lille, Gaston Deferre, maire de Marseille, Roger Quilliot, maire
de Clermont-Ferrand), se plaignent des tutelles directes ou indi-
rectes exercées par les préfets, les trésoriers-payeurs généraux
et les directeurs départementaux de l’équipement (contrôles
a priori, financements conditionnés, monopole de l’expertise tech-
nique). Les lois du 2 mars 1982 relatives aux droits et libertés des
communes, des départements et des régions et du 7 janvier 1983
relative à la répartition des compétences entre les communes, les
départements, les régions et l’État (24) en posent les principes,
toujours en vigueur : substitution du contrôle de légalité à la
tutelle administrative des préfets, contrôle juridictionnel exercé
par les tribunaux administratifs et les chambres régionales des
comptes nouvellement créées, région érigée en collectivité locale
de plein exercice, exécutif élu dans toutes les collectivités locales,
compétences et moyens répartis entre les différents niveaux, prin-
cipe de compensation des transferts de compétence…

DOCUMENT n° 44 : Loi n° 82‑213 relative aux droits et libertés


des communes, des départements et des régions du 2 mars 1982
Article 1 – Des lois détermineront la répartition des compétences
entre les communes, les départements, les régions et l’État, ainsi
que la répartition des ressources publiques résultant des nouvelles
règles de la fiscalité locale et des transferts de crédits de l’État aux
collectivités territoriales, l’organisation des régions, les garanties
statutaires accordées aux personnels des collectivités territoriales,
le mode d’élection et le statut des élus, ainsi que les modalités de la
coopération entre communes, départements et régions, et le dévelop-
pement de la participation des citoyens à la vie locale.
Titre Ier : Des droits et libertés de la commune
Chapitre Ier : Suppression de la tutelle administrative.
Article 2 – Les actes pris par les autorités communales sont exé-
cutoires de plein droit dès qu’il a été procédé à leur publication ou
à leur notification aux intéressés ainsi qu’à leur transmission au
représentant de l’État dans le département ou à son délégué dans
l’arrondissement.

(24) Lois n° 82‑213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départe-
ments et des régions et n° 83‑8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les
communes, les départements, les régions et l’État.

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la réorganisation de l ’ administration 279

Article 3 – Le représentant de l’État dans le département défère


au tribunal administratif les actes mentionnés au paragraphe II
de l’article précédent qu’il estime contraires à la légalité dans les
deux mois suivant leur transmission.
Titre II : Des droits et libertés du département (Articles 26 à 58)
Titre III : Des droits et libertés de la région (Articles 61 à 82)
Titre IV : Dispositions communes et relations entre l’État, les
communes, les départements et les régions (Articles 86 à 103)
Titre V : Dispositions diverses (Articles 104 à 108)
270. Cette réforme suscite bien des réticences et va bouleverser
provisoirement les grands corps de l’État (notamment le corps
préfectoral qui voit effectivement disparaître une partie impor-
tante de ses pouvoirs juridiques (25)), puis elle s’inscrira dans le
paysage malgré certains volets inachevés : la faible incitation
au regroupement communal, l’enchevêtrement des compétences,
l’inadaptation des finances locales, la faible participation des
citoyens, la persistance de techniques de recentralisation insi-
dieuses (financements croisés, politiques contractuelles, reconcen-
trations, négociations directes avec les élus)… Une loi du 5 janvier
1988 « d’amélioration de la décentralisation » (26) n’apportera à
l’édifice que des retouches marginales et dans un sens restrictif
(coopération intercommunale, compétence des chambres régio-
nales des comptes, encadrement du pouvoir financier).

TÉMOIGNAGE n° 10 : Monsieur le Commissaire-adjoint de la


République
En 1983 et 1984, j’ai exercé les fonctions de commissaire-adjoint
de la République de l’arrondissement d’Étampes, secteur semi-rural
de 100.000 habitants au sud de l’Île-de-France. J’ai donc participé
aux débuts de la nouvelle vague de décentralisation et j’ai pu observer
in situ les réactions des élus. La restauration de la belle appellation
républicaine des commissaires de la République a été plus heureuse
au niveau des préfets qu’à celui des sous-préfets qualifiés assez
souvent de « sous-commissaire » par des interlocuteurs embarrassés.
La fin de la tutelle n’a pas été une bonne nouvelle pour des élus

(25) J.-E. Vié, La décentralisation sans illusion, Paris, PUF, 1982 ; Les sept plaies de la décentra-
lisation, Paris, Economica, 1986. En sens contraire, P. Bernard, L’État et la décentralisation (Du
préfet au commissaire de la République), Paris, La Documentation française, 1983 ; Le préfet de la
République, Le chêne et l’olivier, Paris, Economica, 1992.
(26) Loi n° 88‑18 du 5 janvier 1988 d’amélioration de la décentralisation.

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280 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

habitués à recevoir les conseils judicieux et désintéressés d’un sous-


préfet qui les connaissait bien. J’ai entendu quelquefois : « C’était
mieux du temps d’Alfred ! », même de la part des élus de gauche. Ils
ne comprenaient guère d’être « trainés devant les tribunaux » (cinq
déférés au tribunal administratif en deux ans, notamment pour des
questions de tarification des services publics, et quelques saisines de
la chambre régionale des comptes pour des retards dans le vote du
budget). Autre sujet difficile, pour des collectivités qui réalisaient
peu d’investissements, la globalisation des subventions d’équipement
s’est traduite par une diminution apparente du montant de l’aide
de l’État : Il était plus intéressant pour des petites communes de
bénéficier de 15 % sur le coût de la construction d’une école que
de 2 % sur l’ensemble du budget d’investissement. Ces obstacles
ont été surmontés avec beaucoup de pédagogie et par l’adaptation
de la fonction de conseils. Le sous-préfet a continué d’exercer ses
missions polyvalentes sur une infinité de sujets : annulation d’une
élection municipale, protection d’une vallée préservée entre des pôles
urbains, approvisionnement en eau de qualité des villages de la
Beauce, protection d’une rivière menacée par des déchets industriels,
médiation dans des conflits sociaux ou pour la gestion d’un foyer
de travailleurs migrants, gestion de manifestation d’agriculteurs,
hold-ups dans les stations-services, accident de bus scolaire, arres-
tation d’un forcené armé avec un otage, recherche d’un avion perdu
par les radars, décoration d’anciens poilus de 14‑18, cérémonie
du 800e anniversaire d’une commune, visites de ministres… Pour
l’avenir, il me semble plus utile de conserver les sous-préfets que
les sous-préfectures.
271. Le mouvement de décentralisation est devenu irréversible
et s’inscrit dans un contexte européen. La Charte européenne de
l’autonomie locale adoptée en 1985 par le Congrès des pouvoirs
locaux et régionaux du Conseil de l’Europe garantit l’autonomie
des collectivités locales et le principe de subsidiarité. Mais sa por-
tée effective est limitée en France dont le dispositif constitution-
nel laisse une large marge de manœuvre au législateur.
272. L’équilibre entre les libertés locales et les orientations de
l’aménagement du territoire fixées au niveau national, notam-
ment en ce qui concerne les regroupements géographiques, est
difficile à organiser. La loi d’orientation pour l’aménagement et
le développement des territoires du 4 février 1995 (loi Pasqua)
contient des ajustements divers concernant les administrations

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la réorganisation de l ’ administration 281

de l’État ou les collectivités locales : institutionnalisation des


pays, coopération intercommunale, péréquation. Elle sera
complétée par la loi d’orientation pour l’aménagement et le
développement durable des territoires du 25 juin 1999 (loi
Voynet) (27).
273. La loi constitutionnelle n° 2003‑376 du 28 mars 2003,
complétant l’article 72 de la Constitution, inscrit le caractère
décentralisé de l’organisation de la République à l’article 1er de
la Constitution. Elle substitue l’expression « collectivités territo-
riales » à celle de « collectivités locales ». Elle précise le concept de
libre administration des collectivités territoriales, notamment en
matière financière (notion de ressources propres, règle de com-
pensation des transferts de compétence, principe de péréquation).
Elle inscrit le principe de subsidiarité dans la Constitution. Elle
constitutionnalise le référendum local et le droit de pétition et
contient des dispositions importantes concernant les collectivités
ultra-marines.

DOCUMENT n° 45 : Loi constitutionnelle n° 2003‑276 du 28 mars


2003 relative à l’organisation décentralisée de la République
Article 1 – L’article 1er de la Constitution est complété par une
phrase ainsi rédigée :
« Son organisation est décentralisée ».
Article 5 – L’article 72 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 72. – Les collectivités territoriales de la République sont
les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut
particulier et les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74.
Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant
en lieu et place d’une ou de plusieurs collectivités mentionnées au
présent alinéa ».
« Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions
pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises
en œuvre à leur échelon ».
« Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’admi-
nistrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir
réglementaire pour l’exercice de leurs compétences ».

(27) Loi n° 95‑115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement du territoire et loi
n° 99‑533 du 25 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du
territoire.

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282 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

« Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque


sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté
publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collecti-
vités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le
cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre expérimental
et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives
ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences ».
« Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur
une autre. Cependant, lorsque l’exercice d’une compétence nécessite
le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut auto-
riser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les
modalités de leur action commune ».
« Dans les collectivités territoriales de la République, le représen-
tant de l’État, représentant de chacun des membres du Gouvernement,
a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du
respect des lois ».
274. Ces dispositions sont précisées par d’importantes lois
organiques relatives à l’expérimentation par les collectivités terri-
toriales (loi du 1er août 2003), au référendum local (loi du 1er août
2003) et à l’autonomie financière des collectivités territoriales
(loi du 29 juillet 2004) (28). La loi du 13 août 2004 relative aux
libertés et responsabilités locales (29) a eu pour but de clarifier
l’enchevêtrement des compétences en amorçant la constitution
de blocs de compétence : économie et aménagement à la région,
action sociale aux départements, services de proximité aux com-
munes, mais sans parvenir à définir des critères clairs de réparti-
tion. Elle transfère de nouvelles compétences aux régions : aides
économiques individuelles aux entreprises, personnel non ensei-
gnant des lycées, formation professionnelle, politique touristique,
transports ferroviaires régionaux, gestion de certains ports et
aéroports. Les départements se voient attribuer la gestion et le
pilotage du revenu minimum d’insertion, la gestion d’une grande
partie du réseau routier national, la gestion du logement social.
La loi organise les transferts de services et de personnels entre
l’État et les collectivités ainsi que les compensations des trans-
ferts de compétences.

(28) Loi n° 2003‑704 du 1er août 2003, loi n° 2003‑705 du 1er août 2003 et loi n° 2004‑758 du
29 juillet 2004.
(29) Loi n° 2004‑809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

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la réorganisation de l ’ administration 283

§ 2. Le temps des adaptations


275. Parallèlement à la RGPP, Nicolas Sarkozy souhaite
apporter sa marque à la réforme des collectivités territoriales. Un
comité présidé par l’ancien Premier ministre Édouard Balladur
formule de nombreuses propositions qui, après diverses négocia-
tions notamment au Sénat, donnera lieu à la loi n° 2010‑1563 du
16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales.
Elle comporte de nombreuses innovations qui vont dans le sens
d’une rationalisation du dispositif. Celle-ci était devenue néces-
saire, notamment en raison de l’enchevêtrement des compétences
générant inefficacité et doublons, du coût global des transferts
d’attributions dès lors que les dépenses supplémentaires dans la
collectivité qui reçoit ne sont pas toujours compensées par des
économies dans l’organisation qui cède, de l’absence d’économies
d’échelle due à des territoires trop étroits dans certains domaines.
La nouvelle étape de la décentralisation est organisée autour de
deux couples : région et département, intercommunalité et com-
mune : création du conseiller territorial qui siègerait à la fois au
conseil régional et au conseil départemental, suppression de la
clause de compétence générale des régions et des départements,
création des métropoles et des pôles métropolitains, élection au
suffrage universel des délégués des communes dans les établis-
sements publics de coopération intercommunale, procédures de
fusions de collectivités, schéma d’organisation des compétences
et limitation des financements croisés. Simultanément, la loi de
finances pour 2010 réforme la fiscalité locale en supprimant la
taxe professionnelle remplacée par la contribution économique
territoriale et une loi du 3 juin 2010 réforme l’organisation
des transports en Île-de-France en créant la société du Grand
Paris (30).
276. L’acte III de la décentralisation sera joué sous l’impulsion
du nouveau Président de la République, François Hollande, qui
prononce plusieurs grands discours sur ce thème, notamment le
5 octobre 2012 devant les États généraux de la démocratie locale
et le 18 janvier 2014 à Tulle. Il formule un constat proche de celui
de son prédécesseur : « L’organisation administrative est devenue
trop compliquée, trop lourde, trop couteuse ». Ce sujet entre dans
les compétences de la ministre de la Modernisation de l’action

(30) Loi n° 2010‑597 du 3 juin 2010 relative au grand Paris.

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publique (nouvelle appellation de la réforme de l’État) et de la


décentralisation. L’objectif principal est de clarifier la répartition
des compétences, de renforcer les régions et les intercommunali-
tés. La loi du 17 mai 2013 (31) supprime le conseiller territorial
commun au département et à la région et modifie les règles des
élections locales : pour les communes, la proportionnelle est la
règle dès le seuil de 1.000 habitants au lieu de 3.500 ; pour les
intercommunalités, les conseillers sont élus au suffrage direct en
même temps que les conseillers municipaux ; pour les départe-
ments, les électeurs votent pour des binômes homme et femme. La
loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique ter-
ritoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) (32) rétablit
la clause générale de compétence des départements et des régions,
crée des conférences territoriales de l’action publique chargée
de coordonner l’exercice des compétences, remanie le statut des
métropoles et crée les métropoles du Grand Paris, d’Aix-Marseille
Provence et de Lyon (qui n’est juridiquement pas une métropole
mais une collectivité territoriale à statut particulier qui exerce
sur son territoire les compétences du département du Rhône).
Quatorze autres agglomérations accèdent au statut de métropoles
qui exercent de larges compétences en matière de développement
économique, d’aménagement, de transport, de logement et d’en-
vironnement et peuvent se voir déléguer d’autres compétences
par l’État, les régions ou les départements. La question de la
suppression des départements dont les compétences pourraient
être réparties entre les régions et les métropoles est vivement
discutée mais abandonnée. Une loi du 16 janvier 2015 (33) fait
passer le nombre de régions métropolitaines de 22 à 13. Des dis-
positions assez diverses portant notamment sur les compétences
sont contenues dans la loi n° 2015‑991 du 7 août 2015 portant
nouvelle organisation territoriale de la République (notRe) (34)
qui supprime à nouveau la clause de compétence générale des
régions et des départements, s’efforce de clarifier la répartition
des compétences en renforçant celle des régions, chef de file en
matière d’aménagement et de développement, et réduisant celles

(31) Loi n° 2013‑403 du 17 mai 2013.


(32) Loi n° 2014‑58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et
d’affirmation des métropoles (MAPTAM).
(33) Loi n° 2015‑29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régio-
nales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
(34) Loi n° 2015‑991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République
(notRe).

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la réorganisation de l ’ administration 285

des départements garant d’une solidarité territoriale et sociale


de proximité. Les régions ont désormais un large domaine d’acti-
vité (aménagement du territoire, développement économique,
formation professionnelle, apprentissage et emploi, transports
régionaux, lycées, tourisme, politique de la ville) et vont jouer
un rôle croissant comme le montre l’exemple des contrats de plan
États-Régions (CEPR) qui donnent lieu à des négociations équili-
brées avec l’État (35). Cette loi rationalise les intercommunalités
dont le seuil de population minimum est élevé à 15.000 habitants
et les compétences étendues. La loi du 28 février 2017 (36) réor-
ganise le statut de Paris et crée sept nouvelles métropoles (soit
21 au total plus celle de Lyon qui est sui generis).
277. Des efforts, encore insuffisants, ont été faits pour réduire
le « mille feuilles » territorial en favorisant les regroupements et la
coopération entre collectivités. Ils ne seront pas remis en cause.
Au 1er janvier 2022, le pays compte 1.254 établissements publics
de coopération intercommunale à fiscalité propre qui se répar-
tissent en 21 métropoles (plus Lyon qui a un statut dérogatoire),
14 communautés urbaines, 227 communautés d’agglomération,
992 communautés de communes. Chacune des 35.955 communes
appartient à un EPCI, sauf 4 situées sur des îles et regroupant
6.373 habitants qui demeurent isolées. On compte 101 départe-
ments. Le nombre de régions a été réduit à 18.
278. Les allers et retours sur la question de la clause de com-
pétence générale des départements et des communes, le renfor-
cement des compétences des régions ou la notion de chef de file
autour de compétences privilégiées n’ont pas permis une clari-
fication totale ou une répartition rationnelle des compétences,
ni entre l’État et les collectivités territoriales, ni entre les dif-
férentes catégories de collectivités. La Cour des comptes, dans
un rapport de 2013 sur l’organisation territoriale de l’État (37),
souligne l’absence de vision d’ensemble et les incohérences qui en
résultent. Elle appelle à une clarification des compétences entre
l’État et les collectivités territoriales, à faire de la région le pivot

(35) M. Leroy, La logique financière de l’action publique conventionnelle dans le contrat de plan
État-Région, Paris, L’Harmattan, 2000 ; M. Leroy, « Les contrats de plan État-Régions en France :
quelles leçons pour le développement des territoires », Revue Gestion et Finances Publiques, novembre-
décembre 2017, n° 6, pp. 13‑24.
(36) Loi n° 2017‑257du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain.
(37) Cour des comptes, L’organisation territoriale de l’État, 2013.

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de l’organisation de l’administration territoriale, à restructurer


les administrations départementales, à renforcer le pilotage stra-
tégique.
279. Les relations entre les gouvernements d’Emmanuel
Macron et les collectivités territoriales ont été plutôt tendues,
malgré l’absence de projets d’envergure, à cause des finances
locales. Le 17 juillet 2017, une conférence nationale des terri-
toires a jeté les bases d’un « pacte financier » entre l’État et les
collectivités territoriales. Le Gouvernement, comme ses prédéces-
seurs, a eu le souci de faire contribuer les collectivités à l’effort
d’assainissement des finances publiques. Il a renoncé au dispositif
antérieur de réduction a priori des dotations et a mis au point un
dispositif d’encadrement contractuel (les « contrats de Cahors »)
assez mal accepté. Par ailleurs, la décision de faire disparaître
la taxe d’habitation sur les habitations principales a ouvert des
discussions sur les compensations, en dotations ou en transfert
d’impôt, et sur une réforme d’ensemble de la fiscalité locale. Les
promesses de souplesses de gestion et d’allègements des normes
ne sont pas apparues suffisantes pour atténuer ce qui pouvait
apparaître comme un recul de l’autonomie locale (voy. nos 404
et s.). Dans ce contexte, la Conférence nationale des territoires
instaurée en 2018 n’a pu, après 2019, conduire sa mission d’orga-
nisation d’une négociation constante et confiante entre l’État et
les associations d’élus.
280. Dans sa conférence de presse du 25 avril 2019, le Président
de la République s’est montré plus attentif aux préoccupations
des élus locaux et des territoires que par le passé et a annoncé
un projet de loi portant un nouvel acte de décentralisation pour
le premier trimestre 2020. Il met l’accent sur la cohérence entre
les compétences « qui doivent être claires en supprimant les dou-
blons et en transférant les financements et la responsabilité qui
va avec », ce qui suppose par exemple de transférer aux échelons
locaux la totalité des compétences en matière de logement, de
transport et de transition écologique et pose la question des com-
pétences des départements dans la conception et la mise en œuvre
des politiques sociales. Il évoque l’idée de différenciation entre
les territoires qui rompt avec le « principe », généralement admis
de l’égalité entre collectivités qui avait considérablement limité
les velléités de déconcentration et de décentralisation dès lors
que chaque mesure nouvelle devait s’appliquer uniformément à

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la réorganisation de l ’ administration 287

toutes les collectivités et à tous les échelons relevant d’une même


catégorie juridique. En pratique, cette règle non écrite interdisait
toute expérimentation et toute adaptation locale et ne supportait
que quelques exceptions, en dehors de celles relatives à la taille
des collectivités : compétences optionnelles des établissements
publics de coopération, statuts particuliers de certaines collectivi-
tés (Paris, Marseille, Lyon, la Corse…), dérogations pour certains
territoires fragiles en zone rurale ou en banlieue, mais la norme
égalitaire est longtemps demeurée intangible malgré les demandes
des associations d’élus locaux. Après la réforme constitutionnelle
de 2008, la différenciation a d’abord pris la forme d’un droit de
dérogation accordé à titre expérimental à quelques préfets, puis
généralisé (voy. n° 264). Un exemple en matière de collectivités
territoriales a été mis en œuvre : un décret du 27 février 2019
regroupe à compter du 1er janvier 2021, les départements du Bas-
Rhin et du Haut-Rhin en une « collectivité européenne d’Alsace »
qui demeure au sein de la région Grand Est. Une loi du 2 août
2019 précise les compétences de la nouvelle collectivité qui pourra
intervenir, en application du principe de différenciation, dans les
domaines de la coopération transfrontalière, du bilinguisme, du
tourisme et des transports routiers sur le réseau non concédé (38).
281. Le projet de loi constitutionnelle pour un renouveau
de la vie démocratique présenté au Conseil des ministres du
28 août 2019 prévoit de modifier l’article 72 de la Constitution
pour renforcer le droit à la différenciation au profit des collec-
tivités territoriales. Ces dispositions permettraient à une collec-
tivité d’exercer des compétences dont les autres collectivités de
la même catégorie ne disposent pas et de déroger, pour un objet
limité, aux lois et aux règlements en vigueur, éventuellement
après expérimentation. Ces droits ne seraient ouverts que lorsque
les lois et règlements les ont prévus et à l’exclusion des garan-
ties essentielles d’exercice des libertés publiques ou de droits
constitutionnellement garantis. Sans attendre la modification
de la Constitution, un projet de loi organique relatif au droit
à l’expérimentation a été présenté au Conseil des ministres du
29 juillet 2020. La loi organique n° 2021‑467 du 19 avril 2021 (39)
modifie la loi organique du 1er août 2003 qui n’avait été appliquée
que pour quatre expérimentations. Elle simplifie la procédure,

(38) Décret n° 2019‑142 du 27 février 2019 et loi n° 2019‑816 du 2 août 2019.


(39) Loi organique n° 2021‑467 du 19 avril 2021.

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288 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

organise une évaluation et assouplit les possibilités de généralisa-


tion. Ce dispositif a été renforcé par la loi du 21 février 2022 (40),
dite « 3DS », comme différenciation, décentralisation, déconcen-
tration et simplification qui a fait l’objet de très longs travaux
préparatoires. Présenté initialement comme un nouvel acte de la
décentralisation, le texte modifie certains mécanismes : ainsi les
expérimentations locales pourront intervenir dans des domaines
plus larges et les collectivités pourront en tirer des conséquences
plus diversifiées. Les collectivités recevront un pouvoir réglemen-
taire autonome dans quelques domaines limitativement énumé-
rés. Certaines attributions de compétence sont précisées dans le
domaine de la transition écologique et des routes, la recentrali-
sation du revenu minimum d’activité sera expérimentée avec des
départements volontaires, la loi SRU est pérennisée. Le rôle du
Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la
mobilité et l’aménagement (Céréma) comme soutien à l’ingénie-
rie locale sera développé et certaines procédures sont simplifiées
(par exemple, le droit de la publicité foncière pourra être modifié
par ordonnance). Les parlementaires ont enrichi le texte sur des
sujets divers (implantation des éoliennes, transfert de la gestion
des routes aux collectivités, répartition des compétences entre
les intercommunalités et les communes) qui est passé de 83 à
271 articles.

DOCUMENT n° 46 : Loi n° 2022‑217 du 21 février 2022 relative


à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et por-
tant diverses mesures de simplification de l’action publique locale
Titre Ier : LA DIFFÉRENCIATION TERRITORIALE (Articles 1
à 24)
Article 1 – Le chapitre Ier du titre unique du livre Ier de la pre-
mière partie du code général des collectivités territoriales est ainsi
modifié :
4° Après l’article L. 1111‑3, il est inséré un article L. 1111‑3-1
ainsi rédigé :
« Art. L. 1111‑3-1. – Dans le respect du principe d’égalité,
les règles relatives à l’attribution et à l’exercice des compétences
applicables à une catégorie de collectivités territoriales peuvent être

(40) Loi n° 2022‑217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la décon-


centration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.

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la réorganisation de l ’ administration 289

différenciées pour tenir compte des différences objectives de situa-


tions dans lesquelles se trouvent les collectivités territoriales relevant
de la même catégorie, pourvu que la différence de traitement qui
en résulte soit proportionnée et en rapport avec l’objet de la loi qui
l’établit ».
Article 5 – Après le premier alinéa de l’article L. 1111‑2 du
code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa
ainsi rédigé :
« Dans les conditions prévues par la loi, ils disposent d’un pou-
voir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences ».
282. À l’occasion de la gestion de la crise sanitaire, de nouvelles
tensions sont apparues entre l’État et les collectivités territoriales
mais le « binôme préfet-maire » a permis une adaptation locale
des mesures nationales. L’État a apporté un soutien remarquable
aux finances locales ébranlées par la crise, estimé à 10 milliards
d’euros. Le plan de relance a été l’occasion d’une illustration de la
nouvelle volonté gouvernementale de territorialiser les politiques
publiques dans le cadre de comités régionaux de pilotage et de
contrats de relance. Le 24 novembre 2022, intervenant devant le
congrès des maires, le Président de la République a une nouvelle
fois annoncé une loi de décentralisation prévoyant des transferts
de compétences, de financement et de pouvoir normatif.
283. En définitive, la décentralisation, malgré les très nom-
breuses réformes, reste inachevée et confuse. Une tension perma-
nente entre la volonté de renforcer l’administration de proximité
et les inerties centralisatrices bloque toute réforme d’envergure.

Section 3. L a réorganisation des administrations centrales

284. La réforme administrative a plutôt épargné les adminis-


trations centrales. La principale raison tient à leur capacité de
résistance au changement qui est plus forte que celle des adminis-
trations déconcentrées, plus éloignées du pouvoir et moins bien
pourvues en cadres supérieurs appartenant aux grands corps de
l’État.
285. De nombreuses réorganisations ponctuelles ont cependant
eu lieu, par exemple à l’occasion d’une volonté de réforme d’un
ministre sectoriel (E. Pisani à l’agriculture en 1961, A. Juppé
aux affaires étrangères en 1993), de la création de nouveaux

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290 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

départements ministériels (ex. l’environnement en 1971, les


droits de la femme en 1981), d’une redistribution des tâches
gouvernementales (ex. fusion des administrations des travaux
publics, des transports et de la construction en 1967, création
du grand ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie
en 1998 et du ministère chargé la fois de l’Écologie, de l’Énergie,
du Développement durable et de l’Aménagement du territoire
en 2007).
286. Dans les années 1980, un processus systématique visant
à réduire le poids et le volume des administrations centrales a
été organisé dans le cadre de la réforme de l’État à travers la
Mission d’organisation des administrations centrales (MODAC)
en 1983, puis de la Mission Belin-Gisserot en 1986. Au total, 16
directions d’administration centrale, 5 délégations et 21 sous-
directions ont été supprimées. Plusieurs établissements publics
ont été également supprimés ou fusionnés. Ce mouvement a été
partiellement repris à partir de 2002 dans le cadre de la RGPP
avec la création de la direction générale de la modernisation de
l’État, de la direction générale du Trésor et de la direction géné-
rale des finances publiques fusionnant les administrations des
impôts et de la comptabilité publique en 2008.
287. Une réforme spécifique est à souligner : la recréation
des secrétaires généraux des ministères placés à l’articulation
entre le niveau politique et celui des directions. L’institution
est ancienne : elle existe aux Affaires étrangères depuis 1920 et,
sous le gouvernement de Vichy, 21 secrétaires généraux ont été
nommés dans les ministères. Pendant la présidence du général
de Gaulle, des secrétaires généraux ont été institués, soit pour
assurer certaines fonctions spécifiques (aviation civile, marine
marchande, PTT, police) d’un niveau élevé mais infra-ministériel,
soit pour assurer une coordination effective des directions de
grands ministères (Défense, Éducation nationale). L’institution,
qui concurrençait en partie les cabinets ministériels et en partie
les directeurs des grandes administrations, était pratiquement
tombée en désuétude. Un secrétariat général, à l’effectif réduit
mais doté de pouvoirs effectifs de coordination, a été recréé en
2000 à Bercy après l’échec des réformes internes du ministère
de l’Économie et des Finances. La formule est généralisée à
partir d’une circulaire du Premier ministre du 2 juin 2004 don-
nant mission aux secrétaires généraux de piloter les stratégies

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la réorganisation de l ’ administration 291

ministérielles de réforme, de gérer l’encadrement supérieur du


ministère, de coordonner l’action des directions. Très rapide-
ment, les nouveaux secrétaires généraux assurent l’ensemble des
fonctions-supports dévolues jusqu’alors aux directions d’adminis-
tration générale (budget, personnel, organisation). Certains sont
communs à plusieurs ministères (ex. les ministères économiques
et financiers ou les ministères sociaux). L’institution, dotée de
larges prérogatives renforcées par la mise en oeuvre de la LOLF
et des programmes de modernisation, est désormais bien ancrée
dans le paysage administratif.
288. Dans le cadre du projet de transformation de l’ac-
tion publique, le Premier ministre s’est attaché à réformer les
méthodes aussi bien que les structures des administrations cen-
trales. Une importante circulaire du 5 juin 2019 relative à la
transformation des administrations centrales et aux nouvelles
méthodes de travail est adressée par le Premier ministre aux
ministres. Établie sur la base des propositions des ministres suite
à une précédente circulaire du 24 juillet 2018, elle annonce sept
axes de réforme. Pour renforcer l’efficacité des administrations
centrales, il est demandé aux responsables d’adapter les organi-
grammes, de réduire les échelons hiérarchiques et de constituer
des équipes de projets. Pour simplifier le paysage administra-
tif, il est demandé de supprimer ou de fusionner des agences,
opérateurs et autres organismes rattachés aux administrations
centrales et de supprimer des organismes consultatifs. Pour rap-
procher les administrations des citoyens et des territoires, il est
prévu de relancer les délocalisations en régions, de développer
les modes de participation des citoyens à la conception des poli-
tiques publiques et au suivi des réformes. Pour aller le plus loin
possible dans la déconcentration, il est demandé aux ministères
de se préparer à déconcentrer l’essentiel des décisions administra-
tives individuelles et de transférer davantage de compétences en
matière de gestion des ressources humaines et de gestion finan-
cière. Pour améliorer l’efficacité du travail interministériel, il est
souhaité que les directeurs d’administration centrale renforcent
la coopération entre services et directions en ne faisant remon-
ter aux réunions interministérielles que des points de désaccord
subsistants accompagnés de propositions de décision. Pour enca-
drer et revoir l’usage des circulaires, il est prévu d’en réduire le
nombre, de réserver leur signature aux ministres, de laisser une

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large marge d’initiative aux services déconcentrés, de remplacer


les circulaires de commentaires des normes par la publication
d’une documentation sur internet. Pour mieux suivre l’impact
des réformes, un suivi des indicateurs d’avancement et d’impact
des plans ministériels de transformation de l’action publique est
organisé et les projets de loi devront être accompagnés de cinq
indicateurs d’impact.
289. Pour faciliter la réorganisation des administrations cen-
trales, un décret du 24 juillet 2019 (41) relatif aux secrétaires
généraux des ministères et à la transformation des administra-
tions centrales confie la gestion des emplois supérieurs aux secré-
taires généraux. Avant le 31 décembre 2019, chaque ministre
doit identifier, sur le rapport du secrétaire général, les adapta-
tions à apporter à l’organisation de l’administration centrale
pour faciliter la conduite de projets et supprimer les fonctions
redondantes. Enfin, la portée d’une innovation récente reste à
apprécier : le Commissariat général au Plan a été recréé en 2020.
Un décret n° 2020‑1101 du 1er septembre 2020 (42) institue un
Haut-commissaire au Plan « chargé d’animer et de coordonner les
travaux de planification et de réflexion prospective conduits pour
le compte de l’État et d’éclairer les choix des pouvoirs publics
au regard des enjeux démographiques, économiques, sociaux,
environnementaux, sanitaires, technologiques et culturels ». Il
dispose notamment de France Stratégie, organisme créé par un
décret n° 2013‑333 du 22 avril 2013 (43), qui avait succédé au
Conseil d’analyse stratégique qui avait lui-même pris la suite du
Commissariat général du Plan en 2006. Un nouvel organisme, le
secrétaire général pour la planification écologique, est créé par
un décret du 6 juillet 2022.
La suppression des organismes consultatifs devenus inutiles
est une constante de cette politique qui trouve ses limites dans
la création permanente de nouveaux organismes (voy. n° 204).

DOCUMENT n° 47 : Les multiples organismes de veille sanitaire


Pendant la crise sanitaire, le Conseil scientifique et le Conseil
d’orientation de la stratégie vaccinale ont été créés pour éclairer
les décisions du gouvernement et du Conseil de défense. En août

(41) Décret n° 2019‑760 du 24 juillet 2019.


(42) Décret n° 2020‑1101 du 1er septembre 2020.
(43) Décret n° 2013‑333 du 22 avril 2013.

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Chapitre 9. - La réorganisation de l’administration
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la réorganisation de l ’ administration 293

2022, ils ont été remplacés par un organisme unique : le Conseil de


veille et d’anticipation des risques sanitaires. Selon sa présidente, le
nouvel organisme devra « coordonner les activités de veille sanitaire
des autres instances que sont :
– la Haute autorité de santé
– le Haut conseil de la santé publique
– Santé publique France
– l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de
l’environnement et du travail
– l’École des hautes études en santé publique…
Nous serons un élément de liaison. Un représentant de chacune de
ces organisations sera invité de façon permanente à nos réunions.
L’idée est d’avoir la souplesse et l’agilité nécessaires pour tirer le
signal d’alarme au bon moment ».
(Entretien avec Brigitte Autran, propos recueillis par Florence
Rosier, le Monde du 30 août 2022, p. 8).

S ection 4. L’émiettement administratif

290. L’évolution de l’organisation de l’administration se rat-


tache principalement aux démarches de réformes d’inspiration
juridique : la répartition des compétences, le degré d’autonomie
des services, les relations entre les différentes entités sont trai-
tées en général par référence à une conception normative de la
répartition des pouvoirs exprimée notamment par les théories de
la déconcentration et de la décentralisation. Toutefois, certaines
formes d’organisation ont été plus directement inspirées par des
considérations managériales tenant, par exemple, à une indivi-
dualisation des problèmes, à la bonne gestion, au rapprochement
avec des acteurs du secteur privé ou à l’indépendance nécessaire
des dirigeants. Il en a été ainsi dans le passé avec la création puis
la multiplication des établissements publics, la théorie des ser-
vices publics industriels et commerciaux, le développement des
entreprises publiques et de l’économie mixte. À partir des années
1960, ce souci d’individualiser certaines organisations publiques
a pris des formes nouvelles : à l’intérieur de l’administration
centrale, administrations de mission, centres de responsabilité,
service à compétence nationale (§ 1) ; à l’extérieur, les agences
et les autorités administratives indépendantes constituent un

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démembrement de l’administration tout en répondant à de nou-


veaux besoins fonctionnels. Le point extrême de cette politique
est la modification du périmètre de l’administration (§ 2).

§ 1. L’autonomisation des services à l’intérieur de l’administration


centrale

a) L’administration de mission
291. Une des premières formes de services distincts des admi-
nistrations centrales classiques a été l’administration de mission.
La théorie en a été exposée en 1956 par Edgard Pisani (44). Cette
expression désigne des organismes qui appartiennent incontesta-
blement à l’administration centrale de l’État mais qui exercent
des fonctions de réflexion ou de pilotage par opposition aux fonc-
tions de gestion, activité prédominante de la plupart des direc-
tions des ministères. Elles présentent quelques caractéristiques
communes : structures légères, effectifs réduits, haut niveau de
recrutement, ouverture sur l’extérieur sous forme de partenariat,
de recrutement de contractuels ou d’instances de concertation,
positionnement interministériel. De grands organismes créés
parfois bien antérieurement ont ainsi mis en œuvre et poursuivi
après 1970 la politique de reconstruction et de développement
économique et social d’après-guerre pour accompagner la fin des
« trente glorieuses », puis elles ont été supprimées et remplacées
par d’autres organismes porteurs d’ambitions plus restreintes et
mieux adaptées à une économie moins dirigiste : le Commissariat
général du Plan (créé en 1946, supprimé en 2006, remplacé dans
sa mission prospective par France Stratégie et recréé sous une
forme très allégée en 2020) ; la Délégation à l’aménagement du
territoire et à l’action régionale (la DATAR, créée en 1963, sup-
primée en 2014 et remplacée partiellement par le Commissariat
général à l’égalité des territoires devenu l’Agence nationale de
cohésion des territoires) ; la mission interministérielle d’amé-
nagement touristique du littoral du Languedoc-Roussillon. Le
bilan de ces administrations de mission est très positif. Elles ont
réussi leur insertion dans le système politico-administratif et sont
parvenues dans leurs domaines respectifs à des résultats remar-
quables. Si une adaptation pouvait être justifiée par une posture

(44) E. Pisani, « Administration de gestion, administration de mission », Revue française de science


politique, avril-juin 1956, p. 315.

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nouvelle de l’État, leur suppression n’a pas permis de conserver le


meilleur de leurs traditions (par exemple, la concertation perma-
nente avec les parties prenantes instaurée dans le cadre du plan).

b) Les centres de responsabilité


292. Les centres de responsabilité sont une forme d’individua-
lisation de l’action administrative qui se situe aussi à l’intérieur
de l’administration classique. La notion de centre de responsa-
bilité a fait l’objet d’un rapport du Conseil d’État en 1973 et a
été remise au goût du jour par le développement des agences à
la mode britannique. C’est un des trois outils dont l’usage est
préconisé par la circulaire de Michel Rocard du 13 février 1989
sur le renouveau du service public et précisé par une circulaire du
25 janvier 1990. Le Premier ministre propose une interprétation
« à la française » du dispositif : on y retient l’idée d’une autonomie
de gestion conférée à des entités fonctionnelles, notamment du
point de vue budgétaire par une globalisation des crédits, des
facilités de report et une contractualisation des objectifs. Les
responsables sont invités à utiliser les méthodes modernes de ges-
tion. Mais, les centres, encore « expérimentaux », ne disposent pas
d’une personnalité juridique propre, ils ne sont pas indépendants,
leurs dirigeants sont responsabilisés (par la fixation d’objectifs et
la reconnaissance d’une certaine autonomie de gestion) mais non
dispensés de tutelle. Plus de 200 centres de responsabilité seront
rapidement identifiés.

c) Les services à compétence nationale


293. Les services à compétence nationale (SCN) se situent à
mi-chemin entre les administrations centrales et les administra-
tions déconcentrées. Ces services exercent des attributions au
niveau national dont l’exécution ne peut être déléguée à un éche-
lon territorial. Mais ils se distinguent également des services cen-
traux, car leurs missions ont un caractère opérationnel dans des
domaines très divers : gestion, études, formation, production de
biens ou services… Ils bénéficient d’une certaine autonomie. Les
services à compétence nationale ont été mis en place par le décret
du 9 mai 1997 (modifié par le décret du 30 juillet 2008) (45). Le
texte a modifié la loi du 6 février 1992 relative à l’administration

(45) Décret n° 97‑463 du 9 mai 1997 et décret n° 2008‑772 du 30 juillet 2008.

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territoriale de la République, qui ne distinguait que deux types


d’administrations : les administrations centrales et déconcen-
trées. On peut citer parmi les nombreux SCN : les Archives natio-
nales, le Service central de l’état-civil ; au ministère chargé de
l’Économie et des Finances : l’Agence France Trésor, l’Agence
des participations de l’État (1998), l’Agence pour le patrimoine
immatériel de l’État (2015), l’Agence pour l’information finan-
cière de l’État (2005), Tracfin (2006), le Service des retraites
de l’État (2009), le Service d’enquêtes judiciaires des finances
(2019) ; dans le domaine du numérique : l’Agence du numérique,
et plusieurs grands projets informatiques : Accord, le Système de
ressources humaines (SIRH), l’Opérateur national de paie (ONP).

§ 2. Les démembrements de l’administration

a) Les agences
294. Les agences se sont développées à partir des années 1970,
sous l’influence de l’exemple anglais et de la théorie managériale
de l’agence qui prône de séparer les organes de conception et
d’exécution. Le Conseil d’État y a consacré une importante étude
en 2012 (46). La distinction entre les établissements publics tradi-
tionnels et les « vraies » agences n’est pas aisée. La différence tient
à l’autonomie de gestion (les établissements publics sont placés
sous la tutelle d’une autorité ministérielle), au suivi des résultats
et à la responsabilisation des dirigeants. Les statuts peuvent être
divers (services à compétence nationale, établissements publics
administratifs ou industriels et commerciaux, société d’économie
mixte…). Les appellations sont plus une forme d’affichage qu’un
label. On peut ainsi citer les Agences de bassin (1964), devenues
Agences de l’eau en 1992, l’Agence nationale pour l’emploi deve-
nue Pôle emploi (1967‑2008), l’Agence nationale pour l’amélio-
ration de l’habitat (Anah, 1971), l’Agence de l’environnement
et de la maîtrise de l’énergie (Ademe, 1991), l’Agence nationale
de rénovation urbaine (Anru, 2003), l’Agence nationale de la
cohésion sociale et de l’égalité des chances (Acsès, 2006‑2015).
L’une des plus récentes, l’Agence nationale de cohésion des ter-
ritoires, a été créée par la loi du 22 juillet 2019 et le décret du
18 novembre 2019 (47) pour offrir des services d’ingénierie aux

(46) Conseil d’État, Les agences, une nouvelle gestion publique ?, 2012.
(47) Loi n° 2019‑753 du 22 juillet 2019 et décret n° 2019‑1190 du 18 novembre 2019.

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collectivités territoriales. Elle est issue de la fusion d’une partie


du Commissariat général à l’égalité des territoires, de l’Agence du
numérique et de l’Établissement public pour l’aménagement des
espaces commerciaux et artisanaux (Epareca). L’Agence conclut
des conventions pluriannuelles de partenariats avec l’Ademe,
l’Anah, l’Anru, le Cerema et la Caisse des dépôts. Le préfet de
département sera le délégué territorial de l’agence et c’est à lui
que devront s’adresser les collectivités pour demander les ser-
vices de l’agence afin d’accompagner leurs projets. Un comité
local de cohésion sociale fixera la feuille de route départementale
de l’agence. Le préfet de région animera un comité régional des
financiers.

b) Les autorités administratives et les autorités publiques


indépendantes
295. Les autorités administratives indépendantes (AAI) s’ins-
crivent dans ce mouvement de morcellement de l’administration.
Leur création par la loi répond à une logique juridique plutôt que
gestionnaire. Une structure particulière est dotée d’un pouvoir de
décision (et éventuellement de pouvoirs consultatifs, réglemen-
taires ou juridictionnels). Elle est indépendante du gouvernement
pour des motifs de neutralité, du caractère très particulier de son
domaine d’intervention ou des procédés qu’elle met en œuvre qui
relèvent de la régulation plus que de la réglementation. Les pre-
mières autorités indépendantes ont été créées dans le domaine
des nouveaux droits des usagers : commission nationale de l’in-
formatique et des libertés, commission d’accès aux documents
administratifs, Médiateur de la République. Puis, elles se sont
développées dans des secteurs qui doivent être régulés sans interfé-
rence politique, économique ou sociale : Haut conseil de l’audiovi-
suel, Autorité des marchés financiers, Autorité de la concurrence,
Haute autorité pour la transparence de la vie politique, Médiateur
national de l’énergie, Commission nationale du débat public…
296. La multiplication de ces organes (une quarantaine dans
les années 2000) a pu inquiéter car l’activité de ces autorités
échappe à la plupart des contrôles habituels : pas de rattachement
ministériel, éloignement du Parlement, contrôle financier allégé.
Le Conseil d’État a publié une étude approfondie en 2000 (48)

(48) Conseil d’État, Les autorités administratives indépendantes, 2000.

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pour suggérer un meilleur encadrement et des parlementaires ont


pris l’initiative d’élaborer des règles communes constituant une
sorte de statut des AAI et d’en fixer une liste limitée à 25 auto-
rités administratives ou autorités publiques indépendantes, les
secondes disposant de la personnalité morale. La loi organique et
la loi du 20 janvier 2017 (49) ont fixé une définition et un statut
général de ces entités qui ne peuvent être créées que par la loi.
Des fusions sont intervenues pour créer par exemple le Défenseur
des droits, l’Autorité des marchés financiers, la Haute autorité
pour la transparence de la vie publique. Ainsi cadrées, ces institu-
tions ont trouvé leur place dans le paysage administratif qui reste
d’une très grande complexité. Une nouvelle catégorie a même fait
son apparition sous l’impulsion des règles de coordination budgé-
taire européennes : les institutions financières indépendantes dont
l’exemple français est le Haut conseil des finances publiques (50).

c) Les privatisations et l’externalisation


297. La question du périmètre du secteur public est à la fron-
tière des domaines politique et administratif. Les politiques de
nationalisation ou privatisation, c’est-à-dire le transfert de la
propriété d’organismes exerçant des activités publiques, sont
essentiellement dictées par des considérations politiques, éco-
nomiques et sociales. Les nationalisations du Front Populaire
et de la Libération constituent les précédents de référence. Au
cours de la période étudiée, les nationalisations de 1981‑1982,
prévues par le programme commun de la gauche, ont été suivies
d’une vague de privatisations sous le gouvernement de Jacques
Chirac en 1986‑1987, puis par une certaine immobilité : le « ni-ni »,
et enfin, une reprise de privatisations ciblées et non systéma-
tiques. Ces transferts ont concerné principalement des sociétés
industrielles et des banques. Certaines ont cependant touché des
administrations rendant des prestations individualisées pouvant
être gérées autrement que par un monopole public. La mise en
concurrence de certains services publics est exigée par l’Union
européenne, notamment dans les entreprises de réseau (télécom-
munications, transports…).

(49) Loi organique n° 2017‑54 et loi n° 2017‑55 du 20 janvier 2017.


(50) M. Le Clainche, « Les institutions financières indépendantes pour une nouvelle gouver-
nance des finances publiques », in Les institutions financières indépendantes, Gestion & Finances
Publiques, n° 4, 2019.

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298. La transformation de l’administration des Postes et


Télécommunications en entreprises s’est effectuée en plusieurs
étapes. À partir d’un ministère dédié et de grandes directions
d’administration centrale chapeautant un vaste réseau territo-
rial, deux entreprises autonomes de droit public ont été créées en
1989. Elles ont été privatisées partiellement puis majoritairement
à partir de 1997. Cette administration rendait des prestations
qui pouvaient être mises sur le marché sous réserve d’un service
public minimum. Elle était gérée par des ingénieurs et était déjà
en pointe sur les techniques de management public.
299. La construction et la gestion des autoroutes sont une
autre illustration. Ces fonctions mobilisent des investissements
très importants dont la rentabilité ne se concrétise qu’à long
terme. La gestion administrative et le financement budgétaire
ont été rapidement remplacés par la constitution de sociétés
d’économie mixte bénéficiant de concessions pour la construction
et l’exploitation des équipements et financées par des emprunts
garantis par l’État. Ces sociétés ont été privatisées entre 2002 et
2005 au profit principal de trois grands groupes privés de travaux
publics. Cette politique est contestée par ceux qui reprochent
aux sociétés de confisquer la « rente autoroutière » alors que les
investissements initiaux sont amortis ; cependant les sociétés font
valoir la nécessité de financer l’amélioration du réseau existant
et la construction de tronçons moins rentables mais intéressants
du point de vue de l’aménagement du territoire.
300. Les techniques juridiques utilisées pour l’externalisation
sont très classiques (concessions, marchés publics) ou plus inno-
vantes (par exemple, les contrats de partenariats publics-privés
largement utilisés pour la construction de prisons ou de gendar-
meries qui mettent à la charge du cocontractant la construction
mais aussi l’exploitation des ouvrages). Au-delà des structures,
la question du contrôle est essentielle. Dès 1967, le rapport Nora
avait insisté sur l’intérêt d’une gestion dynamique, diversifiée et
autonome des entreprises publiques et sur la distinction entre les
orientations stratégiques et la conduite des organismes.
301. Ces techniques ont débordé sur l’ensemble de la gestion
publique dans le cadre du Nouveau Management public sous la
forme de recommandations sur le recentrage des administra-
tions sur leur cœur de métier par l’externalisation de certaines
fonctions. Certaines fonctions-supports (la gestion du parc

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automobile, le nettoyage des bureaux), des fonctions annexes


ou même de missions comprises dans le service public peuvent
être déléguées ou externalisées (par exemple, le recouvrement
de l’écotaxe sur les transports routiers de marchandise devait
être concédé à une société privée italienne). Cette conception est
encore prédominante dans le rapport Action publique 2022 rédigé
à la demande du gouvernement en 2017.
302. Les résultats ne sont pas toujours convaincants car des
motifs idéologiques ont pris le pas sur les données économiques et
politiques : les coûts ne sont pas toujours maîtrisés et, dans cette
situation, les missions de service public ont parfois été sacrifiées,
comme des exemples l’ont montré dans les secteurs de la sécurité
ou de l’hébergement des personnes âgées (51). L’exploitation des
gisements de données pour améliorer les services d’intérêt général
(mobilité, santé, éducation) est un nouvel enjeu avec le risque de
« privatisation numérique » (52).

S ection 5. Les délocalisations

303. Les délocalisations ne s’inscrivent ni dans la logique


managériale conduisant à l’autonomisation de services responsa-
bilisés, ni dans la logique juridique de répartition des compétences
bien qu’elles soient parfois confondues avec la déconcentration.
Leur point commun est bien l’exercice des compétences admi-
nistratives sur le territoire mais la déconcentration organise une
répartition juridique entre le centre et la périphérie alors que les
délocalisations ne visent qu’une répartition matérielle et géogra-
phique de services qui appartiennent toujours à l’entité centrale.
La délocalisation de l’École Nationale d’Administration de Paris
à Strasbourg décidée en 1991 est un exemple emblématique de
cette politique. Traditionnellement, de tels transferts étaient très
limités et justifiés souvent par la volonté de conférer un avantage
d’ordre économique à la circonscription d’origine d’un ministre ;
ainsi Valéry Giscard d’Estaing a délocalisé l’École nationale des
impôts de Paris à Clermont-Ferrand en 1966. Cette politique a
pris un tour plus systématique en 1992 sous l’impulsion d’Edith

(51) J. Gervais, C. Lemercier et W. Pelletier, La valeur du service public, Paris, La


Découverte, 2021.
(52) G. Jeannot et S. Cottin-Marx, La privatisation numérique. Déstabilisation et réinvention
du service public, Paris, Raisons d’agir, 2022.

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la réorganisation de l ’ administration 301

Cresson, Premier ministre, et a été justifiée par des objectifs


d’aménagement du territoire. Elle a été ensuite périodiquement
réactivée, par exemple une circulaire du Premier ministre du
16 juin 2019 a prescrit à chaque ministre de proposer la déloca-
lisation d’un service central pour « rapprocher l’administration
des territoires ». En 2020, le ministère chargé du Budget et des
Comptes publics a appliqué cette politique à certains services
centraux de la direction générale des finances publiques et l’a
transposé au niveau régional. Un programme de « relocalisation »
et de « démétropolisation » de 2.500 emplois dans plus de 60 villes
moyennes a été organisé sur une base volontaire et progressive.
Les services concernés n’auront pas de contact direct avec le
public mais seront des services de soutien ou d’appui qui travail-
leront à distance (« back office ») tels que des centres de renseigne-
ments téléphonés, des services d’appui à la publicité foncière, des
antennes de services des impôts des entreprises implantés dans
les grandes villes, des pôles d’appui au contrôle fiscal, des centres
de contact et de gestion des paies et des retraites.
Les résultats des délocalisations sont limités. Elles créent loca-
lement des emplois directs et indirects mais les personnels ont
souvent refusé de suivre leur service et il a parfois été nécessaire
de garder une antenne parisienne (par exemple celle de l’ENA
dont le siège principal a été transféré à Strasbourg).

Pour en savoir plus

Ouvrages

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Pontier J.-M., « La réforme territoriale et le couple déconcentration-
décentralisation », in De la Réforme territoriale à la réforme de
l’État, Presses universitaires de Grenoble, 2011, p. 271.

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Chapitre 9. - La réorganisation de l’administration
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la réorganisation de l ’ administration 305

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Chapitre 9. - La réorganisation de l’administration
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Chapitre 10.
LA RATIONALISATION DES MÉTHODES
ADMINISTRATIVES

304. La mise en œuvre de nouvelles méthodes de management


dans l’action publique, assez largement inspirées de la gestion
des entreprises, constitue le cœur de la démarche managériale de
réforme dans le domaine administratif et financier. Elle s’épanouit
dans les années 1980‑2000 et domine alors la conception et la pra-
tique des réformes. Elle apporte incontestablement des progrès
dans la gestion publique : rationalité, adaptation, pragmatisme.
Mais des excès d’un « managérialisme » issu d’une transposition
sans précaution des principes du New Public Management ont
été critiqués, parfois à juste titre : dégradation du service, perte
du sens de la mission, perte de contrôle, dérive des coûts. Ces
démarches nouvelles, souvent importées du monde anglo-saxon,
avaient des précédents en France (section 1). Deux démarches
de rationalisation des méthodes ont laissé une empreinte parti-
culière : le suivi et le contrôle de la performance (section 2) et
l’évaluation des politiques publiques (section 3).

Section 1. L es précurseurs : O&M, CCECRSP, RCB

305. Les initiatives d’introduction d’une plus grande rationa-


lité dans les décisions administratives se sont développées après
la Seconde Guerre mondiale et ont laissé des traces jusqu’à une
période récente, d’abord avec les concepts des nouvelles méthodes
de gestion (organisation et méthodes, coût et rendement) (§ 1),
puis avec la rationalisation des choix budgétaires) (§ 2).

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Chapitre 10. - La rationalisation des méthodes administratives
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308 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

§ 1. Les nouvelles méthodes de gestion


306. Après la Libération, les techniques de gestion américaines
pénètrent les élites dirigeantes françaises et laissent quelques
traces dans l’administration. Ainsi, les techniques d’organisa-
tion et méthodes (O&M) sont portées par un service rattaché
au ministère des Finances, le Service central d’organisation et
méthodes (SCOM) qui s’efforce d’introduire des méthodes ration-
nelles d’analyse et de résolution de problèmes tels que l’écoute des
usagers ou la conception des formulaires administratifs, par des
études, des groupes de travail, des formations, des interventions.
307. Ultérieurement, les quelques spécialistes et les consul-
tants lanceront différentes techniques de gestion qui reviennent
toutes à la même démarche : une analyse la plus complète du
problème, l’exploration des solutions possibles et l’évaluation
ex post des décisions prises. Ainsi on parlera un moment d’ana-
lyse de la valeur en attendant la vogue des cercles de qualité.
Ces réflexes élémentaires commencent à forger dans le secteur
public une culture de la rationalité alors que les réformes admi-
nistratives ponctuelles résultent encore souvent de diagnostics
très sommaires des dirigeants politiques et administratifs.
308. Le Comité central d’enquête sur le coût et le rendement
des services publics (CCECRSP), créé en 1946 auprès du Président
du Conseil, puis rattaché à la Cour des comptes, poursuit ses tra-
vaux jusqu’en 2017. Chargé à l’origine de formuler des proposi-
tions pour réduire les coûts et améliorer le rendement et la qualité
des services publics, il élargit son champ d’activité sous l’impul-
sion de ses secrétaires généraux, en contribuant à une meilleure
connaissance du fonctionnement réel de l’administration et à
la diffusion de méthodes rationnelles. Par exemple, en 1990, le
Comité lance une enquête sur le coût des formalités administra-
tives. Cette étude révèle la lourdeur et le coût des procédures
de remboursement des frais de santé par l’assurance-maladie
au moyen du système des « feuilles de sécurité sociale » et des
vignettes. Sur une estimation de 500 millions de dossiers annuels,
18 millions sont refusés pour des raisons de forme et sont régu-
larisés à l’issue d’un échange de courriers. Cette procédure coûte
beaucoup plus cher à la sécurité sociale en contrôles tatillons et
en frais de courrier qu’elle ne rapporte en termes de lutte contre
la fraude. Cette notion de « coût » des formalités pour les admi-
nistrés et de coût social global est assez novatrice et a constitué

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Chapitre 10. - La rationalisation des méthodes administratives
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la rationalisation des méthodes administratives 309

un puissant moteur de réformes simplificatrices sur des sujets


à forts enjeux tels que les feuilles de sécurité sociale, les décla-
rations de taxes assises sur les rémunérations, les déclarations
des revenus, les timbres fiscaux. Une étude du Centre d’études
des systèmes d’information dans l’administration (CESIA) en
1987 avait estimé le coût pour les entreprises du remplissage et
du traitement des formulaires à 0,63 % du PIB. Le comité s’est
intéressé aussi à la taxe professionnelle, à la taxe d’apprentissage,
à l’ouverture de droits et remboursements d’assurance-maladie,
aux cotisations sur les emplois à domicile, à la mensualisation
du recouvrement de l’impôt sur le revenu.

§ 2. La rationalisation des choix budgétaires


309. La rationalisation des choix budgétaires (RCB) est, comme
son nom l’indique, d’abord une réforme de la procédure d’élabo-
ration des budgets mais elle sera aussi la première tentative de
réforme globale de l’administration au cours de la période étu-
diée. Fondée sur une démarche venue des États-Unis et transpo-
sée du secteur privé, le Planning, Programming, Budgeting System
(PPBS), elle est lancée à la fin des années 1960. Une équipe est
constituée en 1968 au ministère de l’Économie et des Finances
sous l’impulsion de la direction du budget et de la direction de
la prévision. Des ministères (Défense, Équipement et Finances)
lancent des opérations-pilotes ; des séminaires de formation sont
organisés avec un fort soutien politique ; un pilotage interminis-
tériel est organisé en 1970 par la création de la Commission de
rationalisation des choix budgétaires (1). Cependant, la RCB ne
sera pas imposée par un texte de portée générale mais diffusée
sur un mode pédagogique. Elle sera généralisée à la plupart des
ministères et donnera lieu à de nombreuses études sectorielles
dans des domaines aussi divers que la sécurité routière, l’amé-
nagement urbain, la gestion des demandes de logement, la vac-
cination par le BCG.
310. Les promoteurs de la RCB poursuivent un objectif sédui-
sant qui anticipe les développements futurs du management
public : faire reposer les décisions politiques sur des bases ration-
nelles. En ce sens, elle dépasse le cadre budgétaire et vise, à terme,
à transformer complètement le fonctionnement et l’organisation

(1) Décret n° 70‑1092 du 25 novembre 1970.

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310 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

administrative. Elle repose sur une critique pertinente des proces-


sus budgétaires en vigueur : annualité, nomenclature de moyens,
non explicitation des objectifs, absence de regroupement fonc-
tionnel et d’indicateurs d’efficacité, reconduction des crédits
de fonctionnement, absence d’examen des choix alternatifs et
de priorités explicites, contrôle limité aux aspects comptables
et juridiques. Elle repose sur des outils novateurs : analyse des
objectifs accompagnée d’indicateurs chiffrés ; analyse de système
et modélisation des relations entre les moyens et les objectifs ;
mise au point de programmes alternatifs ; évaluation des pro-
grammes par des méthodes adaptées aux caractéristiques des
différentes politiques publiques : coûts actualisés, coût-efficacité,
coûts-avantages, analyses multicritères ; budget de programmes ;
contrôle des résultats et analyse des écarts. Certaines de ces
méthodes sont inspirées de celles en usage dans les entreprises
telles que la direction par objectifs ou la comptabilité analytique.
Mais la RCB prend en compte les spécificités du secteur public.
À la notion de profit, base du calcul économique dans le sec-
teur privé, elle substitue des méthodes de calcul des coûts et des
avantages qui, même s’ils sont quantifiés et modélisés, tiennent
compte des objectifs d’intérêt général. Les analystes seront même
amenés à introduire des calculs de la valeur de la vie humaine
dans des études sur la sécurité routière ou sur la lutte contre le
cancer de l’utérus.
311. Cette hyper-rationalité a été critiquée et la complexité du
dispositif d’analyse a été mal comprise. En outre, l’ambition des
promoteurs de la RCB était sans doute excessive. À partir des
choix budgétaires et de proche en proche, ses promoteurs visaient
à réformer l’organisation et les méthodes de l’ensemble du sec-
teur public (par exemple : articulation plan-budget, regroupe-
ments fonctionnels de services, déconcentration sur la base d’une
direction par objectifs…). Bénéficiant, au départ, du soutien du
ministre des Finances et d’un fort investissement d’un groupe
de fonctionnaires modernistes, elle a rapidement échoué, victime
de sa complexité, des résistances de la bureaucratie et d’un por-
tage politique insuffisant sur la durée. Elle n’a donc pas été un
levier majeur de la lutte contre la routine et la bureaucratie. Mais
elle a laissé quelques institutions très utiles (les budgets de pro-
grammes, les procédures de choix des investissements publics…)
et surtout une certaine nostalgie chez les hauts fonctionnaires

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Chapitre 10. - La rationalisation des méthodes administratives
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la rationalisation des méthodes administratives 311

réformateurs qui ont continué à rêver à une réforme globale de


l’administration à partir d’une réforme des outils de la gestion
publique. La loi organique relative aux lois de finances reprendra
de nombreux éléments de la RCB sans aucune reconnaissance de
cet apport des pionniers de la rationalité budgétaire.

Section 2. L e suivi et le contrôle de la performance

La rationalisation de l’action administrative s’est notamment


fondée sur les notions d’objectifs et d’indicateurs transposés du
secteur privé (§ 1). Ces outils ont été intégrés dans des démarches
plus complexe dérivées du contrôle de gestion (§ 2).

§ 1. La direction par objectifs


312. La direction par objectifs est une technique de manage-
ment exposée par l’auteur américain Peter Drucker en 1954 et
acclimatée en France par Octave Gélinier en 1968 sous le nom de
« direction participative par objectifs » (2). L’idée simple est de
fixer aux salariés et aux équipes des buts à atteindre. Ce mode de
commandement est plus motivant que des instructions détaillées
et peut laisser aux exécutants une certaine marge d’appréciation
sur les moyens à mobiliser pour obtenir le résultat attendu. Le
suivi des objectifs est réalisé à partir d’indicateurs qui peuvent
être purement quantitatifs ou comporter des éléments qualitatifs.
Les objectifs peuvent être plus ou moins négociés. Le suivi impose
un « reporting » plus ou moins détaillé et plus ou moins fréquent
et la définition d’un mode de réflexion sur les résultats atteints
afin d’améliorer la performance.
313. Ces outils se sont peu à peu développés au sein du secteur
public car ils sont à première vue parfaitement compatibles avec
les finalités d’intérêt général. C’est ainsi que les programmes de
la RCB pouvaient être assortis d’indicateurs de résultats, que
la LOLF a prévu trois sortes d’indicateurs dans les documents
d’analyse de la performance (indicateurs d’efficacité, d’efficience
et de pertinence) (voy. n° 357). La déconcentration des décisions
et le développement des agences repose aussi sur l’idée qu’une
détermination des objectifs garantirait mieux la performance

(2) P. Drucker, The practice of mangement, New York, Harper, 1954 ; O. Gélinier, « Direction
participative par objectifs », Revue Hommes et Techniques, n° spécial 281, 1968.

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312 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

qu’une gouvernance intrusive et tatillonne. Selon la théorie du


contrôle de gestion, un bon indicateur doit être « S.M.A.R.T » :
simple, mesurable, atteignable, réaliste, limité dans le temps, et
aussi, pertinent par rapport à l’objet de l’activité, ce qui n’est
pas toujours le cas (voy. nos 317‑318).

DOCUMENT n° 48 : Les objectifs des projets annuels de


­performance (Direction du budget)
Trois types d’objectifs expriment les priorités stratégiques de
chaque programme :
• des objectifs d’efficacité socio-économique qui expriment les
bénéfices attendus des politiques publiques pour le citoyen
comme par exemple : réduire la délinquance générale pour le
programme « Police nationale » ;
• des objectifs de qualité du service à l’usager comme par exem-
ple : rendre des décisions de qualité dans des délais raison-
nables pour le programme « Justice judiciaire » ;
• des objectifs d’efficience qui rendent compte aux contribuables
de la qualité de la gestion des moyens de l’État comme par
exemple : optimiser la gestion des grands projets informatiques
pour le programme « Conduite et pilotage de la politique de la
justice ».
Les objectifs des projets annuels de performances (PAP) sont
déclinés en objectifs opérationnels, déclinés à leur tour jusque dans
le travail quotidien des services – ou des opérateurs de l’État – char-
gés de mettre en œuvre le programme.
Ces objectifs et les actions menées pour les atteindre, sont mesurés
au moyen d’indicateurs concrets et vérifiables, les indicateurs de
performance. Chaque gestionnaire public, devra, à son niveau de
responsabilité, rendre compte de ses résultats.

§ 2. Les différentes formes de contrôle de gestion


314. La direction par objectifs peut être organisée dans le
cadre d’une démarche globale : le contrôle de gestion. Celui-ci
a pour objet d’analyser la mobilisation des moyens au service
de l’activité de l’organisme et d’en tirer de leçons pour le pilo-
tage et pour la stratégie. Il repose sur la définition de cibles, le
recueil d’indicateurs et la construction de tableaux de bord. Il
est mis en œuvre par des techniciens spécialisés qui rapportent à

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Chapitre 10. - La rationalisation des méthodes administratives
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la rationalisation des méthodes administratives 313

la direction. Introduit dès 1960 dans certains secteurs, il se déve-


loppe dans les années 1980, notamment au ministère de l’Équi-
pement. La LOLF lui donne un nouvel essor. Une circulaire du
21 juin 2001 des ministres chargés des Finances et de la Réforme
de l’État prescrit la création d’un dispositif de contrôle de gestion
dans tous les ministères. Cette technique est largement dévelop-
pée dans le secteur public. Dans les organismes les plus avancés,
on utilise le « balanced score card » ou tableau de bord prospectif
qui a pour ambition de documenter les résultats de l’activité selon
différents axes (finances, clients, processus internes, apprentis-
sage et développement…).

DOCUMENT n° 49 : Circulaire du 21 juin 2001 relative à la


généralisation du contrôle de gestion
Le comité interministériel de la réforme de l’État du 12 octobre
2000 a donné une nouvelle impulsion à cette démarche en faisant
de la généralisation du contrôle de gestion dans les administrations
de l’État un des axes centraux de la modernisation de la gestion
publique.
Il a inscrit cette démarche dans la perspective de la réforme de
l’ordonnance organique du 2 janvier 1959. L’orientation de la bud-
gétisation vers les résultats rend en effet indispensable l’existence
au sein des administrations d’un système de contrôle de gestion
permettant le pilotage des services et la restitution des éléments
d’appréciation des résultats des politiques publiques. Il importe
donc que, dès à présent, chaque administration se prépare aux nou-
velles règles de gestion induites par la réforme en développant et en
généralisant en son sein le contrôle de gestion.
Dans le cadre de la réforme de l’ordonnance, le comité interminis-
tériel de la réforme de l’État a décidé la mise en place d’une struc-
ture de pilotage interministérielle, à laquelle il vous est demandé
de participer, mais aussi d’une structure de pilotage propre à votre
ministère destinée à préparer votre administration aux adaptations
qu’impose l’orientation vers les résultats tant de la gestion interne
que de la budgétisation.
Le contrôle de gestion est un système de pilotage mis en œuvre
par un responsable dans son champ d’attribution en vue d’amélio-
rer le rapport entre les moyens engagés – y compris les ressources
humaines – et, soit l’activité développée, soit les résultats obtenus
dans le cadre déterminé par une démarche stratégique préalable

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Chapitre 10. - La rationalisation des méthodes administratives
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314 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

ayant fixé des orientations. Il permet d’assurer tout à la fois le pilo-


tage des services sur la base d’objectifs et d’engagements de services
et la connaissance des coûts, des activités et des résultats.
Conformément à la décision du CIRE du 12 octobre 2000 le
contrôle de gestion devra être généralisé dans l’ensemble des admi-
nistrations centrales, déconcentrées ou à compétence nationale d’ici
à 2003.
315. L’audit se situe dans le prolongement du contrôle de
gestion en visant plus particulièrement la maîtrise de l’activité
(maîtrise de risques) et la mesure performance de l’organisme
(audit de performance). Cette fonction peut être exercée par des
auditeurs externes ou par des cadres de l’organisation (audit
externe ou interne), mais elle doit toujours bénéficier d’une cer-
taine indépendance. Elle est relayée en continu dans l’organi-
sation par le contrôle interne qui peut être général ou limité à
certaines fonctions, par exemple le contrôle interne comptable.
Ces analyses reposent sur une étude complète de l’activité, des
attentes des publics ainsi que des opportunités ou des points
faibles de l’organisme. L’audit de performance s’intéresse à l’ef-
ficience (mobilisation des moyens par rapport aux résultats), à
l’efficacité (résultats par rapport aux objectifs), à la pertinence
des actions entreprises. Un décret du 28 juin 2011, précisé par
une circulaire du 30 juin 2011 (3) prévoit la généralisation de
l’audit dans les administrations et institue un Comité d’harmo-
nisation de l’audit interne (CHAI).

DOCUMENT n° 50 : Décret n° 2011‑775 du 28 juin 2011 relatif


à l’audit interne dans l’administration
Article 1 – Dans chaque ministère, un dispositif de contrôle et
d’audit internes, adapté aux missions et à la structure des ser-
vices et visant à assurer la maîtrise des risques liés à la gestion
des politiques publiques dont ces services ont la charge, est mis
en œuvre.
Le contrôle interne est l’ensemble des dispositifs formalisés et per-
manents décidés par chaque ministre, mis en œuvre par les respon-
sables de tous les niveaux, sous la coordination du secrétaire général
du département ministériel, qui visent à maîtriser les risques liés
à la réalisation des objectifs de chaque ministère.

(3) Décret n° 2011‑775 du 28 juin 2011 ; circulaire n° 5540/SG du 30 juin 2011.

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la rationalisation des méthodes administratives 315

Pour le ministère de la Défense, le contrôle interne est mis en


œuvre sous l’autorité du chef d’état-major des armées, du délégué
général pour l’armement et du secrétaire général pour l’adminis-
tration dans leurs domaines de compétences respectifs.
L’audit interne est une activité exercée de manière indépendante
et objective qui donne à chaque ministre une assurance sur le degré
de maîtrise de ses opérations et lui apporte ses conseils pour l’amé-
liorer. L’audit interne s’assure ainsi que les dispositifs de contrôle
interne sont efficaces.
Si les finalités de contrôle de l’activité de l’organisation sont
communes à ces techniques, leur superposition est peu claire et
pourrait aboutir à un « surcontrôle » au moment même où une
plus grande autonomie des gestionnaires est prônée de toutes
parts. La distinction entre l’audit et le contrôle interne s’est un
peu précisée, le premier étant plus général, plus indépendant et
devant s’assurer de la qualité du second. Celui-ci est davantage
centré sur la maîtrise des risques dont la cartographie est l’élé-
ment de base du dispositif. En conséquence, un nouveau cadre
réglementaire abrogeant le précédant et rappelant les définitions
de base a été défini par un décret du 22 avril 2022 (4).
316. Les consultants ont aussi mobilisé les indicateurs pour
proposer différentes modalités de rationalisation de la gestion
tels que, par exemple, le benchmarking, comparaisons normalisées
entre organisations, la réingénierie de processus, réorganisations
générales ou ponctuelles des procédures internes à l’organisa-
tion (5) ou le lean management, méthode pour produire mieux
avec moins de ressources inspirée directement du système Toyota.
317. La mode des indicateurs a touché la politique de réforme
administrative et même l’ensemble de la politique gouvernemen-
tale. Le suivi des programmes de la RGPP a fait l’objet d’indi-
cateurs de couleur, verts, orange ou rouges, qui donnaient l’état
d’avancement des travaux. Les Présidents Sarkozy et Macron
ont évoqué l’idée d’une évaluation de l’activité des ministres
au moyen d’indicateurs publics (voy. n° 102). Le baromètre
des politiques publiques est l’application la plus récente et la
plus sophistiquée de la direction par objectifs à la politique
gouvernementale. Le baromètre est institué et mis en ligne le

(4) Décret n° 2022‑634 du 22 avril 2022.


(5) M. Hammer et J. Champy, Le reengineering, Paris, Dunod, 1993.

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316 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

13 janvier 2021 et complété le 7 mai. Il décrit l’avancement de


36 politiques touchant la vie quotidienne des Français au moyen
d’indicateurs très concrets : nombre de contrats d’apprentissage,
nombre de bénéficiaires de primes de rénovation des logements,
délai d’instruction pour l’attribution de l’allocation pour adultes
handicapés, taux de numérisation des PME, nombre d’actions de
rénovation des centres-villes… Il permet de repérer des éventuels
blocages et de procéder à des comparaisons entre départements et
types de territoires. Le dispositif est animé par la ministre char-
gée de la Fonction et de la Transformation de l’action publique.
Le programme « Services publics + » est assorti d’une batterie
d’indicateurs de satisfaction des usagers. Au Conseil des ministres
du 10 novembre 2022, la nouvelle Première ministre a présenté les
22 chantiers de la planification écologique assortis de nombreux
indicateurs de résultat, de moyens et d’impact.
318. Cependant, le mauvais usage de la direction par objectifs
qui a accompagné la mise en œuvre de la LOLF et l’extension
du management public ont été dénoncés par des experts (6).

TÉMOIGNAGE n° 11 : La dictature des indicateurs


Dans les années 2000, dans ma pratique quotidienne de respon-
sable de services déconcentré, j’ai vu (et combattu) les excès de la
direction par objectifs et du recours aux indicateurs. Dans le pro-
longement de la LOLF, l’habitude avait été prise de formaliser les
objectifs des services et de leur associer des indicateurs quantifiés
(par exemple le taux de recouvrement des impôts doit être supérieur
à x %, le nombre d’arrestations pour délit d’atteinte aux biens ou à
la sécurité des personnes doit augmenter de y %, le taux de réussite
à tel examen ne doit pas être inférieur à z % …). Rapidement, on a
vu le nombre d’indicateurs augmenter, les tableaux de bord prendre
de l’ampleur et les obligations de reporting devenir de plus en plus
lourdes. Le système a été développé par les administrations centrales
qui voyaient là un moyen commode pour encadrer l’activité des
services de base. En 2012, un directeur d’administration centrale,
lors de son entrée en fonction, a été étonné par les critiques relatives

(6) Voy. par exemple les travaux de Jean-René Brunetière : « Les indicateurs de la LOLF : une
occasion de débat démocratique ? », RFAP, n° 117, 2006, p. 95 ; « Les objectifs et les indicateurs de
la LOLF quatre ans après… », RFAP, n° 135, 2010, p. 477 ; « Indicateurs, évaluation et typologie
des objectifs : contrôle de gestion et performance sociale », RFAP, n° 148, 2013, p. 967 ; « Heurs et
malheurs du contrôle de gestion en politique – Pour un “nouveau management politique” », RFAP,
n° 155, 2015, p. 745.

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la rationalisation des méthodes administratives 317

aux indicateurs formulées par les syndicats et les responsables des


services déconcentrés. Il a organisé une réunion de ses principaux
collaborateurs sur le sujet avec quelques responsables de services
déconcentrés. Il a découvert alors que ses services centraux avaient
conceptualisé trois catégories d’indicateurs (ceux de la LOLF, ceux
du plan stratégique et les autres) et que chaque entité verticale avait
bâti son propre dispositif. Il a supprimé sans dommage plus de la
moitié des indicateurs.
L’une des déviations vient de ce qu’on a considéré que les indi-
cateurs représentaient parfaitement l’activité des services et à en
faire l’objet principal du dialogue de gestion. Ainsi, j’ai entendu
un autre directeur d’administration centrale déclarer : « Ce qui ne
se mesure pas n’existe pas ! » oubliant ainsi que ses agents étaient
particulièrement sensibles à des valeurs qualitatives telles que la
qualité de la relation avec les usagers, la compétence profession-
nelle, le respect du droit… Le système a inévitablement généré des
effets pervers : les services se sont mis à « travailler pour l’indica-
teur » : les tâches déclarées prioritaires et aisément chiffrables ou
les missions les plus faciles ont été privilégiées au détriment des
autres ; les travaux de fin d’année ont été consacrés à l’amélioration
des tableaux de bord… Ces déviations ont entraîné en réaction un
perfectionnisme des indicateurs. À l’occasion d’une formation de
cadres à laquelle j’assistai, le consultant donna l’exemple d’une
direction qui, pour éviter la tentation de frauder, avait assorti cer-
tains objectifs d’indicateurs contradictoires ! Une autre direction a
créé des indicateurs composites tellement complexes qu’ils étaient
devenus ininterprétables. La déclinaison des objectifs au niveau le
plus fin de l’action administrative (le commissariat, le centre des
finances publiques, l’école) a souvent été faite sans tenir compte des
contextes et des marges de manœuvre effectives des équipes. Difficile
ensuite de prétendre que la direction par objectifs avait pour prin-
cipal objet de donner du sens à l’action des services.
Ces observations vécues sur l’usage des indicateurs complètent
la critique de leur qualité qui a été faite par de nombreux experts :
indicateurs de moyens plus que de résultats, indicateurs modifiés
biaisant les comparaisons, indicateurs sur des sujets non maîtrisés
par les agents du service.
319. La direction du budget s’est efforcée année après année
de diminuer le nombre des indicateurs de performance budgé-
taire et de les perfectionner mais les administrations centrales

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318 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

ont pris la mauvaise habitude de les multiplier et d’en faire l’un


des piliers du management. Ces critiques ne remettent pas en
cause l’idée même de quantifier des objectifs mais elles montrent
comment l’idéologie managériale a entraîné la déviation de ces
outils (7). En outre, le poids des tableaux de bord et l’énergie
qui leur est consacrée n’ont pas eu pour contrepartie une plus
grande autonomie de moyens. La multiplication des dispositifs
de supervision et de contrôle sans retour aux acteurs de terrain
a contribué à une recentralisation insidieuse sans aider les mana-
geurs intermédiaires et de proximité. Beaucoup de fonctionnaires
y ont vu l’émergence d’une administration « hors sol », relayée
par un encadrement complaisant ou impuissant et délibérément
ignorante de la « réalité du terrain ». On peut y voir un effet de la
tendance générale au « gouvernement à distance » (8) ou au « gou-
vernement par les nombres » (9) qui simplifie à l’excès le débat
et crée plus de contraintes que d’espaces de liberté. L’intérêt de
la détermination et du suivi des objectifs dans le management
public est évident. Toutefois, il faut prendre garde à une repré-
sentation trop simpliste de l’action administrative.

S ection 3. L’évaluation des politiques publiques

320. L’évaluation des politiques publiques, technique elle aussi


importée des pays anglo-saxons mais propre au secteur public, a
connu des évolutions non linéaires. Après une période d’expan-
sion de 1989 aux années 2000 (§ 1), l’évaluation des politiques
publiques a connu un certain déclin puis un renouveau (§ 2).

§ 1. L’introduction de l’évaluation des politiques publiques


321. Un dispositif d’évaluation des politiques publiques figure
pour la première fois dans la circulaire fondatrice de Michel
Rocard du 23 février 1989 qui, à la suite du rapport de Patrick
Viveret (10), a posé quelques principes de base : indépendance,

(7) Voy. aussi : M. Benzaraf, L. Garcin, P. Gibert et J.-F. Gueugnon, « Le mangement par
objectifs met-il fin à l’ambiguïté dans la gestion publique ? », PMP, 28 (3), 2011.
(8) R. Epstein, « Gouverner à distance. Quand l’État se retire des territoires », Esprit, novembre
2005.
(9) A. Supiot, La gouvernance par les nombres, 2012-2014, Paris, Fayard, 2015 ; A. Pariente
(dir.), Les chiffres en finances publiques, Paris, Mare & Martin, 2019.
(10) P. Viveret, L’évaluation des politiques et des actions publiques, Rapport au Premier ministre,
La Documentation française, 1989.

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la rationalisation des méthodes administratives 319

compétence, transparence, pluralité. Il a été organisé par un


décret du 22 janvier 1990 (11). Pour les auteurs du décret,
« évaluer une politique, c’est rechercher si les moyens juridiques,
administratifs et financiers mis en œuvre permettent de produire
les effets attendus de cette politique et d’atteindre les objectifs
qui lui ont été fixés ». Le décret organise un système complexe
reposant sur un comité interministériel et un conseil scientifique
de l’évaluation (CSE). Le CSE doit donner son avis sur le projet
d’évaluation et sur le résultat des travaux et garantit l’indépen-
dance et la qualité scientifique des études. Dix-huit évaluations
sur des grands sujets (le revenu minimum d’insertion, la maîtrise
de l’énergie, l’informatisation de l’administration, la réhabilita-
tion du logement social…) ont été conduites entre 1990 et 1998.
La méthode s’est avérée très féconde pour piloter des politiques
publiques complexes, faire exprimer les objectifs poursuivis et
faire mieux prendre conscience des effets de l’action administra-
tive : effets immédiats ou à moyen terme ; effets quantifiables
ou impacts qualitatifs sur les comportements ; effets voulus ou
« pervers » ; effets directs ou impacts diffus. Elle est apparue à
certains égards comme complémentaire des mécanismes démocra-
tiques et des modes de contrôle traditionnels de l’action publique.
322. Mais les principes ont été appliqués avec un peu trop de
rigueur. Certains acteurs ont été découragés par le coût et la lour-
deur du dispositif. Les rapports d’évaluation étaient souvent très
éloignés de préoccupations concrètes, financières par exemple,
même si l’excès inverse a été constaté ensuite. Le développement
d’une culture de l’évaluation au sein des services publics aurait
pu être davantage encouragé. De nombreuses déclinaisons de
cette idée simple qui consiste à vérifier, simultanément à l’action
administrative ou a posteriori, son impact sur les publics, même
au moyen de techniques peu sophistiquées (enquête auprès des
agents d’accueil ou des usagers, par exemple) sont faciles à orga-
niser. En somme, on aurait dû mieux distinguer l’évaluation des
politiques publiques de niveau quasi scientifique des démarches
évaluatives plus modestes, plus diffuses et moins rigoureuses. La
Commission « Efficacité de l’État du Xe Plan » a placé au centre
de son projet d’importants développements relatifs à une rationa-
lisation des décisions publiques et à l’évaluation de leurs résultats.
Elle se réfère au décret précité intervenu pendant ses travaux

(11) Décret n° 90‑82 du 22 janvier 1990.

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et complète ce dispositif par diverses propositions : créer dans


chaque ministère une cellule prospective et d’aide à la décision
à la charnière entre l’administration et le cabinet du ministre ;
faire précéder chaque décision publique d’envergure d’une étude
de faisabilité, nourrie d’avis contradictoires d’experts ; dévelop-
per le rôle des inspections générales dans le développement des
démarches évaluatives…
323. Un décret du 18 novembre 1998 (12), précisé par une
circulaire du Premier ministre du 20 décembre 1998, a simplifié
le système en le rendant plus opérationnel et plus proche des
préoccupations des administrations. Douze évaluations ont été
réalisées selon ce nouveau modèle (lutte contre le sida, sécurité
routière, développement rural…). Mais l’évaluation de politiques
publiques, en partie éclipsée par la LOLF et la RGPP qui ont
promu des démarches sommaires et orientées clairement vers
les économies budgétaires, devient plus discrète pendant une
dizaine d’années. D’autres dispositifs d’évaluation de politiques
publiques ont été créés en marge du comité interministériel :
comité national d’évaluation de la recherche ; comité d’éva-
luation de la politique de la ville ; Mission d’évaluation et de
contrôle à l’Assemblée nationale, Comité d’évaluation des poli-
tiques publiques au Sénat ; multiples expériences d’évaluations
de politiques publiques locales…).

DOCUMENT n° 51 : Décret n° 90‑82 du 22 janvier 1990 relatif


à l’évaluation des politiques publiques
Article 1 – Il est créé un comité interministériel de l’évaluation
chargé de développer et de coordonner les initiatives gouvernemen-
tales en matière d’évaluation des politiques publiques.
L’évaluation d’une politique publique au sens du présent décret a
pour objet de rechercher si les moyens juridiques, administratifs ou
financiers mis en œuvre permettent de produire les effets attendus
de cette politique et d’atteindre les objectifs qui lui sont assignés.
Article 2 – Le comité interministériel de l’évaluation arrête, sur
avis favorable du Conseil scientifique de l’évaluation, les projets
d’évaluation relevant d’un ou plusieurs départements ministériels
et bénéficiant du Fonds national de développement de l’évaluation,
sans préjudice des dispositions de l’article 6 ci-dessous.

(12) Décret n° 98‑1048 du 18 novembre 1998 relatif à l’évaluation des politiques publiques.

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Les projets d’évaluation peuvent porter sur tous les domaines de


l’activité administrative, à l’exception des sujets de caractère secret
touchant à la défense nationale, à la politique extérieure et à la
sûreté intérieure et extérieure de l’État.
Peuvent saisir le comité interministériel de l’évaluation le Premier
ministre, les ministres, le Conseil d’État, la Cour des comptes et le
Médiateur de la République.
Les projets d’évaluation soumis au comité définissent l’ensemble
des modalités nécessaires à leur mise en œuvre et précisent les cri-
tères en vertu desquels seront choisis les opérateurs publics ou privés
chargés de procéder à l’évaluation.
Le comité interministériel délibère, après avoir pris connaissance
des résultats des évaluations, sur les suites qu’il convient de leur
donner.
Il est tenu informé des politiques d’évaluation menées par les
ministres et par les organismes placés sous leur tutelle.

§ 2. Les développements récents de l’évaluation des politiques


publiques
324. La nomination en juin 2007 d’un secrétaire d’État auprès
du Premier ministre chargé de la Prospective et de l’Évaluation
aurait pu donner une impulsion décisive mais cette innovation
fut éphémère. L’évaluation des politiques publiques a repris
une nouvelle vigueur avec sa consécration constitutionnelle par
la révision du 23 juillet 2008 qui a renforcé le statut de l’éva-
luation des politiques publiques en modifiant les articles 24 et
47 de la Constitution qui confient cette mission au Parlement
et au Gouvernement avec l’assistance de la Cour des comptes.
L’évaluation des politiques publiques a continué à faire son che-
min, le plus souvent dans une conception assez étroite. Le renou-
veau de l’évaluation se traduit par de multiples initiatives de la
Cour des comptes, des inspections générales et des cabinets de
consultants. Ainsi, le rapport d’activité du SGMAP pour l’année
2014 fait état de 59 évaluations qui ont généré 5 milliards d’euros
d’économies. Ce sont des évaluations proches de simples audits,
effectuées par les inspections générales avec une forte colora-
tion de recherche d’économies budgétaires. Le Conseil d’État a
recensé, entre 2007 et 2017, 2.600 « évaluations », tous acteurs
confondus.

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325. Aujourd’hui, le problème n’est plus celui de la quantité, ni


même de la qualité des évaluations de politiques publiques mais
celui de leur utilisation effective dans le processus de décision gou-
vernemental ou parlementaire. C’est moins les techniques d’éva-
luation qui font débat que l’absence d’une culture de l’évaluation
chez l’ensemble des décideurs, gouvernementaux, administra-
tifs ou parlementaires. Le Conseil d’État (13) et des rapports
parlementaires (14) ont formulé des propositions pour mieux
programmer les évaluations, garantir leur qualité, revaloriser le
rôle du Parlement et diffuser la culture correspondante au sein
des services publics. L’objectif est d’éclairer les choix politiques
qui sont trop souvent le fruit d’analyses sommaires et intuitives.
L’évaluation des politiques publiques peut aider à préparer de
vraies réformes, et pas seulement des demi-mesures résultant
trop souvent d’attitudes de prudence et de marchandages qui ne
sont ni rationnelles, ni démocratiques. S’il faut prendre garde au
pouvoir des experts (l’épistocratie (15)), la démocratie a tout à
gagner à l’organisation de démarches d’évaluation qui éclairent le
débat public, parlementaire ou citoyen. Un décret du 8 décembre
2022 (16) a organisé l’évaluation des politiques publiques terri-
toriales confiée aux chambres régionales des comptes. Celles-ci
peuvent s’autosaisir ou agir à la demande des exécutifs ou des
organes délibérants des collectivités.

DOCUMENT n° 52 : Loi constitutionnelle n° 2008‑724 du 23 juil-


let 2008 de modernisation des institutions de la Ve République
Article 9 – L’article 24 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 24.-Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du
Gouvernement. Il évalue les politiques publiques ».
Article 22 -II. – Après l’article 47‑1 de la Constitution, il est
inséré un article 47‑2 ainsi rédigé :
« Art. 47‑2. – La Cour des comptes assiste le Parlement dans le
contrôle de l’action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le
Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et

(13) Conseil d’État, Conduire et partager l’évaluation les politiques publiques, 2020.
(14) Morel à L’Huissier Pierre, Petit Valérie, Rapport sur l’évaluation des politiques publiques,
rapport, n° 771, Assemblée nationale, 15 mars 2018.
(15) Sur le débat entre démocratie et expertise voy. D. Estlund, L’autorité de la démocratie. Une
perspective philosophique, Paris, Hermann, 2011.
(16) Décret n° 2022‑1549 du 8 décembre 2022 relatif à l’évaluation des politiques publiques
territoriales.

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la rationalisation des méthodes administratives 323

de l’application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi


que dans l’évaluation des politiques publiques. Par ses rapports
publics, elle contribue à l’information des citoyens ».

Pour en savoir plus

Ouvrages

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Collectif, Le Comité central sur le cout et le rendement des services
publics : soixante ans de dialogue au service de la réforme de
l’État, RFAP, Hors-série, 2007.
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Chapitre 11.
LES NOUVELLES TECHNOLOGIES

326. L’évolution des technologies a modifié les modalités d’exer-


cice des missions de l’administration. Le phénomène est ancien.
On a oublié les transformations des administrations induites par
l’apparition et la généralisation de l’électricité, de l’automobile ou
du téléphone… On a aussi oublié ce qu’était l’administration dans
les années 1960‑1970, avant l’informatisation et avant l’internet.
Le développement des technologies a été considérable. En 1966,
on ne comptait que 250 ordinateurs en service au sein de l’admi-
nistration française dont 100 appareils scientifiques et seulement
20 au ministère des Finances (1). L’évolution des techniques n’est
pas en elle-même une réforme administrative et ne relève ni du
domaine juridique, ni d’une démarche managériale. Elle touche
l’ensemble de la société et atteint les services administratifs par
contagion. À ce moment, elle peut faire l’objet d’une politique
publique qui s’appuie sur le levier technique pour réformer. Les
effets sur la relation avec les usagers et sur l’organisation peuvent
être importants et aller dans plusieurs sens opposés : développe-
ment de l’information publique mais éloignement des services
de proximité, simplification des formalités mais complication
d’autres démarches, amélioration de la productivité des services
mais réduction des effectifs, personnalisation de la relation mais
standardisation des processus, décentralisation des responsabi-
lités mais nouvelles exigences de remontée d’informations. Les
enjeux sont donc considérables et méritent d’être analysés et
débattus. Depuis les années 1970, successivement l’informatisa-
tion et les débuts de l’internet (section 1) et l’essor du numérique
(section 2) ont contribué de plus en plus à la transformation de
l’administration. Ils ouvrent de nouvelles perspectives (section 3).

(1) G. Mignot et P. D’Orsay, La machine administrative, Paris, Seuil, 1968.

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Chapitre 11. - Les nouvelles technologies
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330 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Section 1. L’informatique et les débuts de l ’ internet

L’informatique a considérablement modifié le fonctionnement


de l’administration dans ses processus internes et dans ses relations
avec les usagers (§ 1). Ce mouvement a préparé l’émergence de l’in-
ternet qui, dans un premier temps, a prolongé l’informatique (§ 2).

§ 1. L’informatisation
327. L’informatisation de la société (le rapport de Simon Nora
et Alain Minc est présenté en 1978) et celle de l’administration
s’accélèrent dans les années 1980. L’informatique pénètre dans
les bureaux.

TÉMOIGNAGE n° 12 : les objets du bureau


En cinquante de vie administrative, j’ai vu disparaître les lettres
manuscrites, les machines à écrire, les papiers-carbones, les sten-
cils, les fichiers cartonnés, la documentation administrative sur
feuillets mobiles, les registres cotés et paraphés, les calculettes à
manivelle… et j’ai vu apparaître (et parfois disparaître) les listings
sur « bandes carole », les pointeuses ou badgeuses, les microfiches,
les post-it, les surligneurs, les calculettes électriques, le minitel,
les télex, les photocopieurs, les machines de traitement de textes,
les téléphones à clavier, les ordinateurs, les micro-ordinateurs, les
téléphones portables, les micro-ordinateurs portables… avant les
révolutions d’internet et des smartphones.
328. L’informatique prend d’abord la forme de gros ordina-
teurs centralisés et implantés dans des centres informatiques
sécurisés et climatisés qui déversent des flots de papier dans les
services ; puis de micro-ordinateurs qui, dans un premier temps,
ne sont que des terminaux rattachés aux gros systèmes, et seront
dispersés dans les bureaux.
329. À la fin des années 1970, l’informatique centralisée a per-
mis de faire face à l’accroissement du nombre de dossiers (dans les
services fiscaux ou sociaux, par exemple) et a généré de notables
simplifications de formulaires (déclaration fiscale de revenus ou
feuille de remboursement de soins de la sécurité sociale) ou de
procédures (suppression du pointage à l’ANPE ; paiement auto-
matique de certaines prestations). L’informatique « répartie » a
ensuite offert de nouvelles possibilités : délivrance plus rapide des

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Chapitre 11. - Les nouvelles technologies
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les nouvelles technologies 331

pièces d’identité et des cartes grises aux guichets des préfectures,


expérimentation des premiers bureaux de poste automatisés, for-
malités douanières très simplifiées.
330. Des rapports sur les perspectives de la bureautique et de
l’informatique dans l’administration sensibilisent les pouvoirs
publics. Pas moins de quinze rapports sur l’administration élec-
tronique ont été publiés entre 1995 et 2003. Des réflexions sur le
« bureau du futur », sur « l’administration sans papier » ou sur la
dématérialisation intégrale des relations avec les usagers voient
le jour. En 1984 est créé un Comité interministériel pour l’infor-
matique et la bureautique dans l’administration (CIIBA) qui
anime et coordonne le dispositif jusqu’en 1995 (2).
331. Les premières expérimentations de dématérialisation des
formulaires et des procédures à l’aide des procédés d’échanges de
formulaires informatisés (EFI) puis d’échanges de données infor-
matisés (EDI), dans le cadre du programme « Transfert de don-
nées sociales » piloté par le Secrétariat général du Gouvernement,
sont prometteuses, mais lourdes à mettre en route.

§ 2. Les nouvelles technologies de l’information et de la


communication (NTIC)
332. À la fin des années 1980 vont émerger les « nouvelles
technologies de l’information et de la communication ». Après
un détour par la promotion du minitel (de 1980 à 2012, ce dispo-
sitif de communication inventé par l’administration française des
télécommunications et fortement soutenu par l’État sera utilisé
par 6,5 millions de foyers avant d’être concurrencé par l’inter-
net), puis la création d’infrastructures (les autoroutes de l’infor-
mation), le mouvement est amorcé par les rapports du sénateur
Laffitte et du député Martin-Lalande (3) et par des réseaux
associatifs en ligne (Admiroute et Adminet). Une circulaire du
15 mai 1996 prescrit aux ministères de créer des sites Web et de
renforcer leur présence sur les « nouveaux réseaux de télécom-
munications ». Le discours de Lionel Jospin à Hourtin le 25 août
1997 et le Programme d’action pour la société de l’information

(2) Décret n° 84‑468 du 18 juin 1984.


(3) P. Lafitte, Rapport sur les réseaux grands débits et l’entrée dans la société de l’information,
n° 213 du 6 février 1997 au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et tech-
niques, 1996 ; P. Martin-Lalande, L’internet, un vrai défi pour la France, Paris, La Documentation
française, 1997.

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Chapitre 11. - Les nouvelles technologies
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332 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

(PACSI) adopté au comité interministériel pour la société de


l’information du 16 janvier 1998 jettent les bases d’une politique
publique autour de quelques grandes orientations : diffuser sur
internet les données publiques essentielles, doter chaque service
administratif d’une adresse internet, généraliser la messagerie et
l’intranet dans l’administration, former et sensibiliser les agents
aux nouvelles technologies, dématérialiser les procédures admi-
nistratives. Ces orientations seront précisées par les comités inter-
ministériels suivants présidés par le Premier ministre.
333. Le site portail www.internet.gouv.fr. est créé ; dans la
foulée, suivent les créations de Légifrance en février 1998 qui
assure un accès fiable, rapide et gratuit au droit public et du
service www.admifrance.fr ouvert en juin 1998 qui offre aux
usagers de nombreux services d’information pratique sur l’ad-
ministration. L’annuaire des responsables administratifs et les
téléprocédures se mettent en place. Chaque ministère élabore
son programme ministériel pour la société de l’information ; à
cet effet, il peut recevoir l’appui d’une Mission interministérielle
de soutien technique pour le développement des technologies
de l’information et de la communication dans l’administra-
tion qui deviendra en 2003, l’Agence pour le développement
de l’administration électronique. Le site internet du ministère
www.finances.gouv.fr. est ouvert en octobre 1996. Dès le début,
il contient l’équivalent de 100.000 pages de documents, offre
des services interactifs de simulation du calcul des impôts, des
formulaires téléchargeables, des messageries. Le site intermi-
nistériel service-public.fr est ouvert en 2000. La loi du 3 mars
2000 facilite la dématérialisation en reconnaissant la validité
des signatures électroniques. Une loi de simplification du droit
du 9 décembre 2004 (4) fixe le cadre de la dématérialisation des
procédures administratives. Une ordonnance du 6 novembre
2014 (5) donne aux usagers le droit de saisir l’administration
par voie électronique.

DOCUMENT n° 53 : Discours de Lionel JOSPIN à l’Université


de la Communication d’Hourtin, le 25 août 1997
Cinquième priorité : la mise en réseau des services publics consti-
tue un enjeu démocratique.

(4) Loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit.


(5) Ordonnance n° 2014‑1330 du 6 novembre 2014.

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Chapitre 11. - Les nouvelles technologies
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les nouvelles technologies 333

L’amélioration des relations entre l’administration et le citoyen


doit être un souci constant du gouvernement.
Dans cette perspective, je souhaite que les expériences engagées
pour permettre à chacun de trouver sur Internet les formulaires
administratifs indispensables à l’accomplissement de certaines
démarches soient généralisées.
L’allègement des formalités est aussi un enjeu fort, à la fois pour
les entreprises et pour les particuliers, qui passe notamment par
l’extension rapide des téléprocédures.
À terme, chacun devra pouvoir, par exemple, remplir et envoyer
par le réseau sa déclaration d’impôt ou faire renouveler sa carte
grise.
Pour répondre à l’exigence démocratique de transparence de
l’État, un accès plus aisé à l’information publique est par ailleurs
indispensable.
Depuis près de vingt ans, l’accès aux documents administratifs
est devenu une véritable liberté publique ; aujourd’hui, la techno-
logie facilite les conditions de leur diffusion.
Les données publiques essentielles doivent désormais pouvoir être
accessibles à tous gratuitement sur Internet. Ainsi, puisque « nul
n’est censé ignorer la loi », je ferai en sorte que ce soit le cas du
contenu du Journal officiel de la République française.
J’entends privilégier une conception ambitieuse du droit à l’infor-
mation du citoyen : la diffusion internationale de nos documents
publics doit à cet effet être favorisée.
Au-delà de l’accès aux informations des administrations, Internet
peut offrir de véritables services à nos concitoyens. Je pense par
exemple à l’accès aux offres d’emploi de l’ANPE, disponibles depuis
aujourd’hui sur Internet et qui peut faciliter les rapprochements
sur le marché du travail.
Le développement des services au public sur les réseaux d’infor-
mation ne doit cependant pas se traduire par une nouvelle inégalité
d’accès entre les usagers.
L’équipement des lieux publics avec des moyens permettant l’ac-
cès aux services en ligne proposés par les administrations constitue
ainsi un corollaire indispensable à cette politique, qu’il s’agisse,
par exemple, des bureaux de poste ou des agences locales pour
l’emploi.

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334 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

334. À partir des années 2005, internet bouleverse la donne


de la réforme administrative. Un plan pour l’administration
électronique (Adèle) couvre la période 2004-2007 et prévoit 140
mesures pour permettre aux usagers d’accomplir l’ensemble
des démarches administratives à distance à l’horizon 2006 (ser-
vice unique de changement d’adresse, carte nationale d’identité
électronique, dématérialisation des achats publics…). Le plan
« France numérique 2012 » s’y substituera avec quatre priorités :
permettre à tous les Français d’accéder aux réseaux et aux ser-
vices numériques ; développer la production et l’offre de contenus
numériques ; diversifier les usages et les services numériques ;
rénover la gouvernance et l’écosystème de l’économie numérique.
Dans ce cadre, 76 % des procédures les plus attendues par les
usagers sont dématérialisées, un référentiel général d’interopé-
rabilité valorisant les standards ouverts est publié, la politique
d’ouverture des données publiques est amorcée.
335. La direction interministérielle des systèmes d’information
et de communication, créée par un décret du 21 février 2011, est
chargée d’une mission d’orientation, d’animation et de coordina-
tion visant à améliorer l’efficacité des services rendus par les sys-
tèmes d’information et de communication. Un décret du même
jour crée une mission « Etalab » chargée de créer un portail unique
interministériel destiné à mettre les informations publiques à
la disposition libre et gratuite du public (6). Elle sera rattachée
au nouveau Secrétariat général à la modernisation de l’action
publique (SGMAP) et sera remplacée par une délégation aux
usages de l’internet.

S ection 2. L e numérique

336. Le numérique est peu à peu devenu le vecteur essentiel


de la modernisation de l’administration (§ 1). C’est une nouvelle
conception des interventions publiques qui est en germe avec
l’émergence de la notion d’État-plateforme (§ 2).

(6) Décrets n° 2011-193 et n° 2011‑194 du 21 février 2011.

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les nouvelles technologies 335

§ 1. La numérisation de l’administration
337. La stratégie numérique est désormais une partie essen-
tielle de tous les programmes de réforme administrative. Le
numérique devient un outil essentiel du « choc de simplification »
annoncé en mars 2013. La plupart des mesures de simplification
annoncées à partir de 2014 reposent sur la dématérialisation des
procédures et la numérisation des contacts. L’Agence du numé-
rique est créée par le décret du 13 février 2015 (7). La saisine
de l’administration par voie électronique est envisagée pour 9
démarches sur 10 pour la fin 2015. Un identifiant unique avec
mot de passe (France Connect) permet d’accéder à tous les ser-
vices publics en ligne. Le site interministériel service.public.fr
est entièrement refondu. En 2017, le plan « préfectures nouvelle
génération » vise à dématérialiser au maximum la délivrance des
titres usuels (permis de conduire, carte grise, passeport, carte
d’identité). Sa mise en place sera difficile, soulignant ainsi l’im-
portance des mesures d’accompagnement à l’intention des agents
et du public.
338. La transformation numérique est l’un des cinq chan-
tiers transverses du programme Action publique 2022 lancé
par Édouard Philippe, Premier ministre, le 13 octobre 2017.
Elle est animée par la nouvelle direction interministérielle du
numérique et des systèmes d’information et de communication
(DINSIC) placée sous l’autorité d’un secrétaire d’État dédié. Un
décret du 5 octobre 2019 (8) lui substitue la direction du numé-
rique (Dinum), placée sous l’autorité de la ministre chargée de
la Transformation et de la Fonction publiques. Les programmes
sont décrits dans des « feuilles de route » : dématérialisation des
procédures (ciblage de 250 démarches usuelles suivies dans un
« observatoire de la dématérialisation », développement de France
Connect qui assure un accès unifié et sécurisé aux services publics
(objectif 2022 : 30 millions d’utilisateurs, 1.300 services connec-
tés), poursuite du programme « Dites le nous en une seule fois »
et des échanges d’informations entre administrations (décret du
28 janvier 2018 et décret du 16 avril 2021 (9)), développements
d’applications nouvelles, ouverture des codes sources et des
bases de données, infrastructures nouvelles mutualisées (réseau

(7) Décret n° 2015‑113 du 13 février 2015.


(8) Décret n° 2019‑1088 du 5 octobre 2019.
(9) Décrets n° 2019‑31 du 28 janvier 2019 et n° 2021-464 du 16 avril 2021.

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336 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

interministériel de l’État, cloud interministériel), pilotage de


consultations citoyennes en ligne, baromètres et sites d’expres-
sions des usagers (monavis.numérique.gouv.fr et Vox usagers.
gouv.fr), nouveaux outils pour les agents (vision conférence,
messagerie instantanée, outils collaboratifs, téléphone sur IP),
développement des innovations (lab interministériel intelligence
artificielle, start-ups de l’État). Sur le plan financier, le Fonds
pour la transformation de l’action publique et le plan de relance
apportent en 2021 un soutien déterminant aux projets les plus
innovants tels que le nouveau poste de travail de l’agent public,
la continuité pédagogique, la cybersécurité et la future identifi-
cation numérique régalienne.

§ 2. L’État-plateforme
339. Le numérique va ouvrir de nouveaux horizons qui
dépassent très largement la simple dématérialisation des procé-
dures mais ira même jusqu’à une nouvelle conception de l’inter-
vention publique. L’ouverture des données publiques a été un
nouveau pas important. On s’était interrogé longtemps sur les
conditions d’accès et d’utilisation des données administratives,
notamment sur le niveau de tarification légitime compte tenu
des investissements publics réalisés en amont et du droit de la
concurrence. Puis l’accès aux données publiques et la possibilité
de leur réutilisation ont été ouverts mais limités (ordonnances du
6 juin 2005 et du 17 mars 2016 (10)). Ils ont été érigés en principe
par la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique (11).
Un administrateur général des données est nommé pour animer
et impulser la politique d’open data au sein des administrations
de l’État. Les données stockées par 1.200 organismes étaient
disponibles en janvier 2018 sur le portail www.data.gouv.fr. Le
deuxième plan pour un gouvernement ouvert comporte 21 enga-
gements en faveur de la transparence de l’action publique, de
l’ouverture des données publiques, de la participation citoyenne.
Conformément à la loi, la mission Etalab a créé une plate-forme
open.data.gouv pour regrouper et rendre accessibles les codes
sources des logiciels libres du secteur public et a publié un guide
juridique des logiciels libres exposant les règles de publication des
codes sources des administrations. La plateforme met en ligne,

(10) Ordonnances n° 2005‑650 du 6 juin 2005 et n° 2016‑307 du 17 mars 2016.


(11) Loi n° 2016‑1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

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les nouvelles technologies 337

en 2022, 42.906 jeux de données provenant de 229.950 ressources


qui ont fait l’objet de 3.215 réutilisations. Les données les plus
visitées sont les demandes de valeurs foncières (DVF), le réper-
toire national des associations, le fichier SIREN des entreprises,
la liste publique des organismes de formation, la base nationale
des codes postaux. Le rapport du député Eric Bothorel remis
le 23 décembre 2020 (12) propose des réformes de la politique
d’ouverture des données et des codes sources et d’utilisation des
logiciels libres qui doit bénéficier d’un second souffle. Il préco-
nise notamment un portage politique et administratif plus fort
(comité interministériel), l’organisation d’un réseau d’administra-
teurs des données, des algorithmes et des codes sources, un ren-
forcement du pouvoir de sanction de la CADA et des compétences
de conseil de la CNIL, le développement d’une politique adap-
tée d’acculturation et de formation. Une circulaire du Premier
ministre du 27 avril 2021 demande aux ministres de s’impliquer
davantage dans l’ouverture des données.
340. Couplée avec l’intelligence artificielle, l’open data ouvre la
voie à des transformations encore plus radicales vers une admi-
nistration plus fluide, plus accessible, plus agile, résumée dans le
concept encore flou « d’État plateforme » dont la DINSIC définit
ainsi les caractéristiques : « Les développements informatiques
des administrations doivent pouvoir être utilisées dans leurs mis-
sions par d’autres services et ouverts à la société civile chaque
fois que cela est utile ». Le programme d’action 2018-2022 pour
un gouvernement ouvert prévoit la création d’une « méga pla-
teforme numérique sécurisée » exploitant les données publiques.
L’Estonie est devenue un nouveau modèle. Le Conseil d’État
dans son rapport de 2017 consacré à « Puissance publique et pla-
teformes numériques : accompagner l’ubérisation » estime que
ce développement est positif et peut simplifier et améliorer la
vie des citoyens. On ne parle plus en ce domaine de « réforme »
administrative mais « d’innovation ». Les données constituent un
gisement qu’il faut exploiter au moyen d’algorithmes, à l’inté-
rieur des services publics ou avec le concours d’opérateurs exté-
rieurs. France Connect, service d’identifiant sécurisé qui permet
l’accès à une gamme sans cesse élargie de services, a été créé en
2015. Fin 2021, il permet de saisir 1.208 services et il a été utilisé

(12) E. Bothorel, Pour une nouvelle ère pour la politique publique de la donnée, rapport au
Premier ministre, décembre 2020.

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338 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

par 33 millions d’utilisateurs. Depuis un décret du 29 novembre


2021 (13) , le service « Mon France connect » permet d’accéder à
des informations et des conseils personnalisés et d’obtenir divers
justificatifs. L’État-plateforme abrite des applications (les API)
conçues par des startups d’État ou privées ou des « entrepreneurs
d’intérêt général » abrités temporairement au sein du SGMAP
puis de la DITAP et « coproduites » avec les citoyens.
341. Des appels à projet et des financements divers sont mobi-
lisés (plan d’investissement d’avenir, fonds pour la transforma-
tion de l’action publique, plan de relance). Les projets lauréats
sont très divers : système de détection automatique des irrégu-
larités dans l’application du droit des sols ; aide au contrôle de
légalité des actes des collectivités territoriales ; identification des
fausses déclarations douanières ; aide à l’implantation d’entre-
prises artisanales ; détection des séries de requêtes devant le
Conseil d’État ; détection de clauses abusives dans les contrats,
devis et factures ; identification des divergences de jurisprudence
judiciaire ; versement automatique d’aides sociales ; compte
numérique des agents et des administrés regroupant l’ensemble
de leurs formalités.
342. Dans un proche avenir, la conception de services nou-
veaux, résolument adaptés aux attentes des publics et fondés
sur la réutilisation de données publiques et sur le recours à des
algorithmes, pourrait couvrir un très large champ d’intervention
(santé mais aussi des services régaliens tels que l’administration
fiscale (voy. n° 385), la police, la justice ou l’éducation) et modi-
fier les conditions d’exercice de l’action publique. Ce phénomène
d’ubérisation de la vie publique entraînerait des modifications
« disruptives » dans la prestation de services publics présentant
des avantages et des dangers certains : adaptation fine aux
publics, dématérialisation totale, perte de monopole des admi-
nistrations même dans les domaines régaliens, « privatisation
numérique » (14).
343. Cette utilisation massive des données par les services
publics appelle des solutions de stockage qui doivent remplir
diverses conditions techniques et avoir la caractéristique de ne
pas être exposées à des lois extraterritoriales qui permettraient le

(13) Décret n° 2021‑1538 du 29 novembre 2021.


(14) G. Jeannot et S. Cottin-Marx, La privatisation numérique. Déstabilisation et réinvention
du service public, Paris, Raisons d’agir, 2022.

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Chapitre 11. - Les nouvelles technologies
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les nouvelles technologies 339

transfert et la communication de données sensibles à l’étranger.


L’Agence pour la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) a,
dès 2014, entrepris de publier un référentiel de sécurité révisé en
2016 et 2018 et de labelliser les meilleures solutions du marché.
Le gouvernement a publié une doctrine d’utilisation du cloud « Le
cloud au centre », en dernier lieu le 17 mai 2021, qui s’applique
aux administrations et organismes publics. Ils pourront utiliser
les offres commerciales pour le stockage des données non sensibles
et, pour les données sensibles, soit les clouds interministériels de
l’État, soit des services labellisés « cloud de confiance » et certifiés
Secu Num Cloud par l’ANSSI.
344. La crise sanitaire a donné lieu à de nombreuses initiatives
numériques originales. Si la première application de traçage « stop
Covid-19 » n’a pas rencontré un grand succès et était incompatible
avec les applications des pays voisins, « Tous anticovid », site sécu-
risé de signalement et d’information lancé en octobre 2019, a été
largement téléchargé. Des applications issues d’initiatives privées
ont contribué à l’organisation du service public telles que Doctolib,
Covid Tracker et Vitemadose pour faciliter la prise de rendez-vous, la
connaissance de l’évolution de l’épidémie et le suivi des ­vaccinations.
345. Parallèlement, le numérique est une opportunité de « redé-
couvrir » le citoyen derrière l’usager. Ces innovations permettent
de remettre au goût du jour de vieilles techniques déjà expéri-
mentées dans les programmes de simplification des formalités, des
comités d’usagers ou des cercles de qualité mais en leur donnant
la nouvelle caution des neurosciences, une efficacité certaine et
une dimension nouvelle. L’habitude commence à se prendre de
consulter les usagers en ligne sur les projets de textes (de grandes
réformes comme celles de la loi sur la société numérique ou des
mesures courantes comme les projets de réformes fiscales ou
d’adaptation du Code des marchés publics). L’article 16 de la
loi du 17 mai 2011 (15) de simplification et d’amélioration de la
qualité du droit a renforcé l’autorité des consultations en ligne.
Le Secrétariat général à la modernisation de l’action publique et
ses successeurs, la DINSIC et la DITAP, mettent en œuvre des
actions nouvelles de « participation » : ateliers citoyens, expéri-
mentations, fablabs, « hackathon ». Les Fab Labs sont des lieux
propices à la créativité implantés au sein des organisations. Ils
remplacent la dynamique de groupe et les réunions « métaplan »
(15) Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.

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340 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

des années 1970. Un « hackathon » est une sorte de concours


ouvert à des « start-ups » pour inventer des applications utiles
aux usagers à partir des jeux de données rendues publiques.
L’innovation publique est devenue un nouveau thème de la
réforme administrative.

DOCUMENT n° 54 : Bilan de l’amélioration et de la numéri-


sation des services publics. Conseil des ministres du 25 août 2021
La ministre de la Transformation et de la Fonction publiques a
présenté un point sur l’amélioration et la numérisation des services
publics.
Depuis le début du quinquennat, le Gouvernement a engagé une
démarche ambitieuse d’amélioration des services publics qui consti-
tuent le premier lien entre les Français et l’administration. Le taux
de satisfaction des usagers à l’égard des services publics est ainsi
passé de 72 % en 2017 à 76 % aujourd’hui. La crise sanitaire
a par ailleurs renforcé leurs attentes pour des services publics en
ligne de qualité, simples et faciles d’utilisation, ce qui constitue une
priorité du Gouvernement depuis 2017.
La démarche d’amélioration des services publics portée par le
Gouvernement s’inscrit dans le cadre du programme « Services
Publics + », lancé par la ministre de la Transformation et de la
Fonction publiques le 28 janvier 2021. Celui-ci présente sur service-
public.fr les résultats de chaque service public dans chaque territoire.
Il met en valeur les engagements de qualité de service communs à
l’ensemble des administrations et encourage les usagers à contribuer
directement à l’amélioration du service au public, grâce au dispositif
Voxusagers qui permet de donner son avis sur une démarche, un
formulaire ou un courrier administratif, et d’obtenir une réponse
de l’administration en retour. Le droit à l’erreur, mis en place par
le Gouvernement dans le cadre de la loi du 10 août 2018 pour un
État au service d’une société de confiance dite loi ESSOC, a égale-
ment été largement déployé : près de 335.000 droits à l’erreur ont
d’ores et déjà été accordés depuis 2019. Les surfacturations de tous
les numéros de téléphone publics ont été supprimées.
L’observatoire de la qualité des démarches en ligne présente le
suivi de la numérisation des 250 démarches administratives du
quotidien des Français, selon huit critères de qualité. Alors que fin
2017, seules 63 % des démarches administratives étaient disponibles
en ligne, 85 % le sont aujourd’hui. La mesure de la satisfaction

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les nouvelles technologies 341

des usagers a été généralisée et est désormais disponible pour 81 %


des démarches, par rapport à seulement 3 % des démarches en juin
2019. Cette mesure permet de constater que les Français apprécient
les services publics en ligne auxquels ils accordent une note moyenne
de satisfaction de 7,35/10. Des efforts majeurs sont entrepris sur
la mise en place de canaux d’assistance aux usagers pour les aider
à réaliser leurs démarches : plus de 53 % des démarches en ligne
proposent au moins deux canaux de support avec un agent, contre
seulement 27 % en juin 2019. Des financements de France Relance
permettent d’accélérer la numérisation des démarches, dans le cadre
du fonds de transformation numérique de l’État et des territoires.
Le Gouvernement est également mobilisé pour simplifier la
connexion aux sites publics grâce au déploiement accéléré de
FranceConnect, qui permet d’utiliser un seul compte et un seul mot
de passe pour se connecter à près de 1.000 services publics en ligne.
Alors qu’en 2017, seuls 500.000 Français utilisaient ce dispositif,
plus de 27 millions de nos concitoyens s’en servent aujourd’hui.
Chaque semaine, FranceConnect est ainsi utilisé par plus d’un
million de Français pour obtenir leur attestation de vaccination
sur le site de l’Assurance maladie.
Le Gouvernement reste pleinement mobilisé pour l’amélioration
et la numérisation des services publics. Il s’est engagé à l’occa-
sion du 6e comité interministériel de la transformation publique du
23 juillet à finaliser d’ici la fin de l’année 2021 le déploiement du
programme Services Publics +, en particulier de Voxusagers, et à
atteindre 100 % des démarches numérisées en 2022, conformément
aux engagements pris par le Président de la République.

S ection 3. Bilan et perspectives

Le numérique a pris une place de plus en plus importante dans


le fonctionnement de l’administration et dans ses relations avec
ses publics. Cette situation est encore en pleine évolution. Un
bilan fait ressortir les apports de ces technologies (§ 1) et ses
limites (§ 2).

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§ 1. Les apports du numérique


346. Le baromètre du numérique, établi chaque année par le
CREDOC pour les pouvoirs publics, montre la progression de
l’usage du numérique public pour les démarches administratives
et fiscales : 71 % des personnes interrogées et 76 % des inter-
nautes ont effectué au moins une démarche administrative en
ligne au cours des douze derniers mois précédant l’enquête 2022.
347. L’informatique, puis le numérique, ont permis la réali-
sation de progrès considérables dans l’amélioration des relations
avec les administrés : accessibilité d’une information fiable et
actualisée, dématérialisation des procédures, échanges d’infor-
mations entre services publics, identifiants communs, « guichets
uniques », transparence de la gestion des dossiers… Les gains
d’efficacité, constatés aussi bien pour les usagers que pour les
administrations, correspondent à des techniques entrevues pré-
cédemment mais alors difficiles à réaliser. La Carte Vitale ou
la déclaration des revenus préremplie sont des exemples très
concrets du début de transformation des relations avec les
citoyens. On commence à imaginer des gisements de simplifica-
tions, des relations plus fluides avec les usagers et entre services,
une déconcentration des responsabilités fondée sur une informa-
tion abondante et partagée.

§ 2. Les limites du numérique


348. L’inégal accès des citoyens à la maîtrise des outils numé-
rique constitue l’un des principales limites au développement
du numérique public. Parallèlement, une vigoureuse politique
de lutte contre la fracture numérique est donc nécessaire. En
effet, de plus en plus de formalités administratives sont obliga-
toirement dématérialisées alors qu’on estime que 13 millions de
Français n’utilisent pas ou peu internet et sont victimes « d’il-
lectronisme ». Un rapport du 3 septembre 2018 et une décision
n° 2018‑226 du 3 septembre 2018 du Défenseur des droits, publiée
le 17 janvier 2018, sont consacrés à la dématérialisation des for-
malités administratives et aux inégalités d’accès aux services
publics (16). Il estime que 36 % des personnes éprouvent des
inquiétudes à l’égard des démarches administratives en ligne et

(16) Défenseur des droits, Rapport 2019, Dématérialisations et inégalités d’accès aux services
publics ; Rapport 2022, Dématérialisation des services publics, où en est-on trois ans après ?

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les nouvelles technologies 343

met en exergue les difficultés particulières des personnes âgées,


détenues, en situation de précarité, étrangères ou des jeunes
ne maîtrisant pas les codes de l’administration. Il formule plu-
sieurs recommandations de bon sens : conserver toujours une
voie d’accès non dématérialisée aux démarches administratives ;
déployer une partie des économies réalisées grâce à la dématé-
rialisation vers l’accompagnement des personnes ; en cas de
problèmes techniques, ne pas tenir les usagers responsables du
non-aboutissement de leurs démarches ; pour éviter le développe-
ment de services privés et payants d’assistance, généraliser l’iden-
tifiant unique et faire la publicité de la gratuité des démarches ;
renforcer la formation des travailleurs sociaux et des agents
d’accueil ; prendre en compte les publics spécifiques. Le gouver-
nement a présenté le 13 septembre 2018 un plan national pour un
numérique inclusif. Il repose sur l’initiative privée mobilisée via
des appels à projet pour détecter, conseiller et outiller les acteurs
de terrain et créer des ateliers numériques (projet « Hub France
connectée »). Des actions de formation sont organisées et sont
financées par un « pass numérique », 4.000 conseillers numériques
auprès des collectivités territoriales, des maisons France services
et des associations sont recrutés pour organiser des ateliers d’ini-
tiation et de perfectionnement au numérique sur tout le terri-
toire. Les intermédiaires qui accompliront des démarches pour
le compte d’autrui pourront bénéficier d’une connexion sécurisée
par « France connect aidants ».
349. Des réserves sont aussi émises sur les risques de déperson-
nalisation des relations entre l’administration et les usagers, sur
l’accompagnement insuffisant des équipes de base, sur les dangers
d’un accès inégal aux services, sur la nécessité de mieux associer
les usagers aux changements de procédures et sur la priorité qui
pourrait être donnée aux économies budgétaires et aux réduc-
tions d’effectif. Les juridictions administratives ont commencé à
définir une doctrine d’utilisation des téléservices qui implique que
des garanties soient offertes aux usagers, notamment à l’occasion
de procédures complexes (17).
350. Par ailleurs, la menace de la mainmise des multinatio-
nales (GAFA) sur ces nouveaux services et les risques pour la
protection de la vie privée nécessitent de nouvelles régulations

(17) Conseil d’État, décisions nos 452798, 452806 et 454716 du 3 juin 2022 ; avis nos 461694, 461695
et 461922 du 3 juin 2022.

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telles que la transposition du Règlement général sur la protection


des données européen du 27 avril 2016 qui impose la désignation
de délégués à la protection des données, le consentement explicite
et préalable et le privacy by design, c’est-à-dire l’intégration de
ces finalités d’intérêt général dès la conception des services. Des
progrès restent à faire en matière de stratégie numérique, de défi-
nition précise de la donnée et de son statut, des règles de sécurité.
351. Dans son rapport de février 2016 « Relations avec les
usagers et modernisation de l’État : vers une généralisation des
services numériques » (18), la Cour des comptes estime que le
numérique aurait pu être davantage utilisé comme un levier de
modernisation. Elle souhaite une généralisation effective de ser-
vices publics numériques qui doivent devenir rapidement et dans
tous les domaines le mode d’accès de droit commun aux services
publics. Le Conseil d’État adopte le même point de vue à propos
de l’ubérisation et de l’intelligence artificielle (19).
Exemple le plus récent d’adaptation du numérique aux exi-
gences nouvelles, le décret du 26 avril 2022 (20) a créé le Service
de garantie de l’identité numérique qui repose sur des données
biométriques enregistrées sur une carte à puce et non plus, comme
le système antérieur Alicem, sur la reconnaissance faciale.

Pour en savoir plus

Ouvrages

Algan Y. et Cazenave T. (dir.), L’État en mode start-up, Paris,


Eyrolles, 2017.
Baquiast J.-P., Internet et les administrations, Paris, Berger-
Levrault, 1999.
Bégon-Tavera H., La transformation numérique des administra-
tions, Paris, La Documentation française, 2021.
Berthollet C. et Létourneau L., Übérisons l’État avant que
d’autres ne s’en chargent, Paris, Armand Colin, 2017.

(18) Cour des comptes, Relations aux usagers et modernisation de l’État. Vers une généralisation
des services publics numériques, janvier 2016.
(19) Conseil d’État, Puissance publique et plateformes numériques, accompagner l’ubérisation, 2017 ;
Conseil d’État, L’intelligence artificielle pour un meilleur service public, 30 août 2022.
(20) Décret n° 2022‑676 du 26 avril 2022.

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Chapitre 11. - Les nouvelles technologies
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les nouvelles technologies 345

Bothorel E., Pour une nouvelle ère pour la politique publique de


la donnée, rapport au Premier ministre, décembre 2020.
Cercle de la réforme de l’État, Où en est la stratégie numérique
publique ?, 2021.
Colin N. et Verdier H., L’âge de la multitude. Entreprendre et
gouverner après la révolution numérique, Paris, Armand Colin,
2015.
Conseil national du numérique, Administration numérique, Pour
une politique française et européenne de la transition numérique,
juin 2015.
Conseil d’État, Administration et nouvelles technologies de l’infor-
mation, 1988.
Conseil d’État, Internet et les réseaux numériques, 1997.
Conseil d’État, Le numérique et les droits fondamentaux, 2014.
Conseil d’État, Puissance publique et plateformes numériques,
accompagner l’ubérisation, 2017.
Conseil d’État, L’intelligence artificielle pour un meilleur service
public, 30 août 2022.
Cour des comptes, Relations aux usagers et modernisation de
l’État. Vers une généralisation des services publics numériques,
janvier 2016.
de La Coste P., L’hyper République : l’administration électronique
au service du citoyen, Paris, Berger-Levrault, 2003.
Défenseur des droits, Rapport 2019, Dématérialisations et inégali-
tés d’accès aux services publics.
Défenseur des droits, Rapport 2022, Dématérialisation des services
publics, où en est-on trois ans après ?
Jeannot G. et Cottin-Marx S., La privatisation numérique. Désta-
bilisation et réinvention du service public, Paris, Raisons d’agir,
2022.
Martin-Lalande P., L’internet, un vrai défi pour la France, Paris,
La Documentation française, 1997.
Mehl L. et Buffet P., La bureautique dans l’administration fran-
çaise, 1983.
Nora S. et Minc A, L’informatisation de la société, 1978.
Pezziardi P. et Verdier H., Des start-ups d’État à l’État plate-
forme, Fondapol, 2017.

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346 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

RFAP, Administration et nouvelles technologies de l’information,


expériences comparées France-Québec, n° 81, janvier-mars 1997.
RFAP, L’administration électronique, Maisl H. et du Marais B.
(coord.), n° 110, 2004.
RFAP, Les données publiques, Cluzel-Métayer L. (coord.),
n° 167, 2018.
Sénat, L’informatisation de l’État. Pour un État en ligne avec
tous les citoyens, Rapport d’information n° 422 (2003‑2004) de
M. Jean Arthuis, fait au nom de la commission des finances,
déposé le 21 juillet 2004.
Souloumiac A., Les perspectives de l’informatisation de l’adminis-
tration, 1983

Articles

Baquiast J.-P., « Le Comité interministériel de l’informatique et


de la bureautique dans l’administration », La Revue du Trésor,
n° 6, 1985, p. 297.
Belhali-Bernard H., « La pratique de la consultation sur inter-
net par l’administration », RFAP, nos 137-138, 2011, p. 181.
Bion R., « Le rôle des technologies de l’information dans la
réforme de l’État », RFAP, n° 81, janvier-mars 1997, p. 25.
Bonnafy P., « L’Informatique et l’Administration », La Revue du
Trésor, n° 6, 1974, p. 5.
Braibant G., « L’informatique dans l’administration », Cahier de
l’IFSA, n° 4, 1969.
Centre d’analyse stratégique, Comment utiliser les technologies
numériques pour poursuivre l’amélioration des relations entre l’ad-
ministration et ses usagers ?, Note d’analyse n° 317, janvier 2013.
Chevallier J., « Vers l’État-plateforme ? », RFAP, n° 167, 2018,
p. 627.
Fialaire J., « L’évolution des politiques d’informatisation de
l’administration publique en France. Quelles articulations
entre services centraux et déconcentrés de l’État ? », PMP,
1992, 10 (4).
Hertzog R., « L’impact des nouvelles technologies sur l’adminis-
tration », RFAP, n° 26, 1983, p. 335.

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les nouvelles technologies 347

Jeannot G., « Vie et mort de l’État plateforme », RFAP, n° 173,


2020, p. 165.
Lequesne-Roth C., « Le politique au défi des sciences. Réflexions
sur la légitimité algorythmique », in Husson-Rochcongar C.
(dir.), La légitimité en finances publiques, Paris, Mare & Martin,
2022.
Maisl H., « Les relations entre les administrations et les citoyens
à l’heure des technologies de l’information », in Administra-
tion : droits et attentes des citoyens, colloque de l’IFSA des 4 et
5 décembre 1997, Paris, La Documentation française, 1998,
p. 95.
Pezziardi P. et Collombet I., « Numérique et services publics :
la transition numérique est une réforme du management », in
Bance Ph. et Fournier J. (dir.), Numérique, action publique et
démocratie, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2021.

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Chapitre 11. - Les nouvelles technologies
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CONCLUSION DE LA TROISIÈME PARTIE :
APRÈS LA MODE DU MANAGÉRIALISME

Les années 1980 ont vu l’expansion, et même la domination,


des approches managériales. La nouvelle gestion publique a
conduit à développer la GRH, à réorganiser les services, à mettre
en œuvre les outils du NPM et à utiliser massivement l’infor-
matique puis le numérique. La pensée unique véhiculée par les
consultants et l’encadrement a cependant suscité des réactions. Si
ce mouvement a amélioré l’efficacité de l’administration, ce qui
est profitable à l’usager, il a conduit aussi à des excès : déperson-
nalisation des rapports, perte de sens, éloignement des services,
baisse inquiétante des effectifs dans certains secteurs. En deçà
des ambitions parfois démesurées, il reste cependant de nom-
breux outils, tels que l’évaluation des politiques publiques ou la
dématérialisation des procédures, dont les effets positifs peuvent
être mis au service d’un service public efficace tout en restant
proche des citoyens. Plusieurs conditions doivent cependant être
réunies : dépasser l’approche instrumentale et solutionniste pour
penser globalement la relation avec les usagers, veiller à com-
penser les effets négatifs du développement des nouveaux outils
(par exemple, lutter contre la facture numérique et la désertifi-
cation rurale ; garantir la protection des données personnelles),
maintenir des espaces de relations personnalisées, développer les
marges d’autonomie des cadres, encourager les initiatives des
agents publics et les associer aux réformes.

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Conclusion de la troisième partie : après la mode du managérialisme
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le budget et la fiscalité 353

352. Les bases du système financier ont été rénovées au début


de la Ve République et sont restées stables jusque bien après
1970, sous réserve d’adaptations régulières mais relativement
mineures. Elles ont évolué cependant sous l’influence des nou-
velles doctrines managériales puis de l’essor du numérique. Les
procédures budgétaires et comptables héritées des débuts de la
Ve République ont longtemps été considérées comme un frein à la
modernisation. Leur réforme a été, à plusieurs reprises, présentée
comme la clé de la réforme de l’État. En réalité, les règles finan-
cières ont été adaptées pour répondre à plusieurs objectifs : amé-
liorer la gestion publique, gagner en productivité, mieux prendre
en considération les usagers, faire face à la progression des défi-
cits. Il n’est pas certain que ces réformes aient créé les conditions
d’une administration plus légère, plus performante, plus efficace
du point de vue du service public. Les procédures budgétaires
et comptables ont été mises au service d’une meilleure gestion
publique, d’abord par la LOLF (chapitre 12), puis par divers
aménagements des procédures d’exécution et de contrôle budgé-
taires (chapitre 13). L’administration fiscale a cherché à renforcer
son efficacité (chapitre 14). Le système fiscal a été progressive-
ment complexifié (chapitre 15).

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[Introduction]
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Chapitre 12.
LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE AU SERVICE
D’UNE MEILLEURE GESTION PUBLIQUE

353. La procédure budgétaire a fait l’objet d’une très impor-


tante réforme au début de la Ve République par l’ordonnance
n° 59‑2 du 2 janvier 1959 qui, dans l’esprit du parlementarisme
rationnalisé, consacrait les prérogatives de l’exécutif et l’encadre-
ment des pouvoirs parlementaires. Très critiqué, ce texte a fait
l’objet de plusieurs dizaines de propositions de réformes qui n’ont
pas abouti. Deux étapes de modernisation ont cependant exercé
une influence considérable sur toute la réforme administrative : la
rationalisation des choix budgétaires (RCB), tentative échouée de
réforme managériale vers 1970 étudiée dans le chapitre consacré à
la rationalisation de l’action administrative (voy. nos 308‑310) et
la loi organique relative aux lois de finances au début des années
2000 (section 1). Les limites de celle-ci sont apparues et des pre-
miers compléments sont intervenus depuis (section 2).

Section 1. L a loi organique relative aux lois de finances


du 1er août 2001 (LOLF)

354. Dans le domaine financier, l’ordonnance n° 59‑2 du 2 jan-


vier 1959, reprenant une partie des réformes apportées par le
décret-loi de 1956, a été unanimement considérée comme un frein
à la modernisation bien que les praticiens s’y soient fort bien
adaptés (1). Ainsi, en 1989, la Commission Efficacité de l’État
du Xe Plan s’est montrée particulièrement critique à l’égard
des procédures budgétaires et comptables. Elle recommande

(1) À ce propos, le doyen Vedel avait exposé la « loi des brodequins : au début cela fait mal puis
on s’y habitue et on ne veut plus en changer » rappelée par Benoît Chevauchez in « La loi organique
de 1959, trente ans après », RFFP, n° 26, 1989.

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356 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

de « privilégier une logique de mise en œuvre par rapport à une


logique d’exécution » et préconise diverses mesures techniques :
une programmation pluriannuelle des dépenses, l’extension des
possibilités de report de crédits de certains chapitres, des ins-
truments de contrôle a posteriori reliés à la loi de règlement, une
recherche de l’efficacité de la gestion assortie de sanctions effec-
tives sur la carrière des dirigeants. Ces propositions ont suscité
l’opposition de la direction du budget et l’indifférence des autres
administrations et cabinets ministériels (2). Ces idées préparaient
pourtant l’avènement d’une réforme budgétaire plus radicale.
355. La conjonction d’un rapport de forces politiques favorable
à l’Assemblée nationale et à la tête du ministère des Finances
produira une grande réforme budgétaire qui vient compléter les
réformes administratives proprement dites. La loi organique rela-
tive aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001 (3) a pour
ambition de substituer une logique de résultats à une logique de
moyens. Ses dispositions se substituent à l’ensemble des normes
régissant le budget de l’État alors en vigueur en introduisant de
nombreuses innovations qui ont un double objectif : première-
ment, améliorer la qualité de la gestion budgétaire et renforcer les
pouvoirs budgétaires du Parlement (débat d’orientation budgé-
taire, meilleure information des parlementaires, assouplissement
des limitations au droit d’amendement, revalorisation de la loi de
règlement) ; ensuite, rendre la gestion publique plus simple et plus
fluide en responsabilisant les services gestionnaires. Elle introduit
toute une série de nouveaux outils budgétaires et financiers dont
certains seront précisés par le décret GBCP du 7 novembre 2012
sur la gestion budgétaire et comptable publique (4) qui est le
complément indispensable de la LOLF.
356. La présentation du budget est radicalement modifiée. On
passe d’un budget décrivant les moyens de l’action publique à
un budget fonctionnel qui décrit mieux les différentes politiques
publiques à travers une nomenclature nouvelle par missions,
programmes et actions et déclinables par budgets opérationnels
de programmes. L’examen des crédits n’est plus encadré par
la distinction entre les services votés et les mesures nouvelles

(2) M. Le Clainche, Rapport sur le suivi de certaines propositions de la Commission « Efficacité


de l’État » du Xe plan, Commissariat général du Plan, DGAFP, 1990.
(3) Loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).
(4) Décret n° 2012‑1246 du 7 novembre 2012 sur la gestion budgétaire et comptable publique
(décret GBCP).

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Chapitre 12. - La procédure budgétaire au service d’une meilleure gestion publique
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la procédure budgétaire 357

qui incitaient à la reconduction quasi automatique de 90 % des


crédits de certains chapitres. La budgétisation au premier euro
oblige les services à justifier intégralement leurs demandes de
crédits. La globalisation des crédits de fonctionnement, hors
crédits de personnel, désignée par l’expression barbare de fon-
gibilité asymétrique, doit faciliter la gestion des enveloppes par
des gestionnaires réellement responsabilisés. La généralisation
des autorisations d’engagement facilite la gestion de projets plu-
riannuels. L’introduction d’une comptabilité générale de l’État,
proche de la comptabilité des entreprises, et la certification des
comptes par la Cour des comptes visent à s’assurer un suivi plus
qualitatif de la situation financière de l’État. La LOLF pose les
principes nouveaux de sincérité budgétaire et de sincérité comp-
table : les documents budgétaires doivent présenter de façon
sincère l’ensemble des ressources et des charges de l’État ; les
documents comptables doivent être réguliers, sincères, et don-
ner une image fidèle du patrimoine et de la situation financière
de l’organisme public. Le contrôle de la dépense publique est
adapté par la création de modes de contrôle plus ciblés et plus
partenariaux : le contrôle hiérarchisé de la dépense et le contrôle
allégé en partenariat.
357. Le volet spécifique de la LOLF relatif à la gestion publique
prévoit la description des politiques publiques dans des projets
annuels de performance et un suivi au moyen de rapports annuels
de performance. Ces documents comportent des données chiffrées
fixant des objectifs au moyen d’indicateurs de performance qui
sont de trois types : indicateurs d’efficacité socio-économique,
indicateurs de la qualité du service rendu, indicateurs d’efficacité
de la gestion (voy. n° 312). L’organisation administrative est
adaptée à la nouvelle architecture budgétaire. Des responsables
financiers sont désignés : responsables de programmes, le plus
souvent des directeurs d’administration centrale en charge de
la politique couverte par la mission budgétaire ; responsables de
budgets opérationnels de programme au niveau d’un service cen-
tral ou d’une direction déconcentrée. Les documents budgétaires
et de gestion peuvent devenir le support d’un dialogue de gestion
a posteriori qui facilite une certaine déconcentration.

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Chapitre 12. - La procédure budgétaire au service d’une meilleure gestion publique
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358 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

DOCUMENT n° 55 : Loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001


relative aux lois de finances
Article 7 -I. – Les crédits ouverts par les lois de finances pour
couvrir chacune des charges budgétaires de l’État sont regroupés
par mission relevant d’un ou plusieurs services d’un ou plusieurs
ministères.
Une mission comprend un ensemble de programmes concourant
à une politique publique définie. Seule une disposition de loi de
finances d’initiative gouvernementale peut créer une mission.
Un programme regroupe les crédits destinés à mettre en œuvre
une action ou un ensemble cohérent d’actions relevant d’un même
ministère et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonc-
tion de finalités d’intérêt général, ainsi que des résultats attendus
et faisant l’objet d’une évaluation.
II. – Les crédits sont spécialisés par programme ou par dotation.
Les crédits d’un programme ou d’une dotation sont présentés
selon les titres mentionnés à l’article 5.
La présentation des crédits par titre est indicative. Toutefois,
les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel de chaque
programme constituent le plafond des dépenses de cette nature.
III. – À l’exception des crédits de la dotation au 2o du I, les
crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel sont assortis
de plafonds d’autorisation des emplois rémunérés par l’État. Ces
plafonds sont spécialisés par ministère.
Article 8 – Les crédits ouverts sont constitués d’autorisations
d’engagement et de crédits de paiement.
Les autorisations d’engagement constituent la limite supé-
rieure des dépenses pouvant être engagées. Pour une opération
d’investissement, l’autorisation d’engagement couvre un ensemble
­cohérent et de nature à être mis en service ou exécuté sans adjonc-
tion.
Les crédits de paiement constituent la limite supérieure des
dépenses pouvant être ordonnancées ou payées pendant l’année
pour la couverture des engagements contractés dans le cadre des
autorisations d’engagement.
Pour les dépenses de personnel, le montant des autorisations
d’engagement ouvertes est égal au montant des crédits de paiement
ouverts.

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Chapitre 12. - La procédure budgétaire au service d’une meilleure gestion publique
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la procédure budgétaire 359

Article 32 – Les lois de finances présentent de façon sincère


l’ensemble des ressources et des charges de l’État. Leur sincérité
s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévi-
sions qui peuvent raisonnablement en découler.

DOCUMENT n° 56 : Exemples d’objectifs et d’indicateurs des


programmes d’action prioritaires (PLF 2021)
Programme 307 : Sécurité et éducation routières
Objectif 1 : Mobiliser l’ensemble de la société sur la sécurité rou-
tière pour réduire le nombre d’accidents et de tués sur les routes
– Indicateur1.1 : nombre annuel de tués
Objectif 2 : Améliorer le service du permis de conduire dans le
cadre du développement de l’éducation routière tout au long de la vie
– Indicateur 2.1 : Délai d’attente médian et coût unitaire d’obten-
tion du permis de conduire
Programme 140 : Enseignement scolaire public du premier degré
Objectif 1 : Conduire tous les élèves à la maîtrise des connais-
sances et compétences du socle commun exigibles au terme de la
scolarité primaire
– Indicateur 1.1 Proportion d’élèves maîtrisant, en fin de CE2,
les principales composantes du domaine 1 « les langages pour pen-
ser et communiquer » du socle commun ;
– Indicateur 1.2 Proportion d’élèves entrant en sixième avec au
moins un an de retard ;
– Indicateur 1.3 Scolarisation des élèves du 1er degré en situation
de handicap
Objectif 2 : Promouvoir un aménagement équilibré du territoire
éducatif en optimisant les moyens alloués
– Indicateur 2.1 Nombre d’académies bénéficiant d’une dotation
globale équilibrée parmi les 30 académies ;
– Indicateur 2.2 Écarts de taux d’encadrement à l’école primaire
entre éducation prioritaire (EP) et hors EP et proportion d’ensei-
gnants avec 5 ans et plus d’ancienneté en EP.
358. Le décret GBCP du 7 novembre 2012 rassemble les
dispositions réglementaires relatives à la gestion financière
publique. Il s’agit, soit de textes d’application de la LOLF
(par exemple, précisions sur les différentes comptabilités de

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l’État), soit des compléments à la LOLF (par exemple, les res-


ponsables de la fonction budgétaire ministérielle ; les budgets
opérationnels de programmes, subdivision des programmes
sur des champs fonctionnels ou territoriaux ; les unités opéra-
tionnelles), soit des précisions relatives à d’autres dispositions
financières classiques (fonctions respectives des ordonnateurs
et des comptables), soit d’outils nouveaux (contrôle hiérarchisé
et en partenariat de la dépense ; services facturiers ; allègement
du contrôle budgétaire a priori ; création des contrôleurs bud-
gétaires et comptables ministériels ; contrôles internes, budgé-
taires et comptables).

DOCUMENT n° 57 : Décret n° 2012‑1246 du 7 novembre 2012


relatif à la gestion budgétaire et comptable publique
Article 64 – Un budget opérationnel de programme décline les
objectifs et les résultats attendus d’un programme selon un critère
fonctionnel ou géographique. Les crédits du programme et, le cas
échéant, ses autorisations d’emplois sont répartis entre un ou plu-
sieurs budgets opérationnels de programme.
Article 65 – Pour son exécution, un budget opérationnel de pro-
gramme se compose d’une ou plusieurs unités opérationnelles entre
lesquelles sont répartis et au sein desquelles sont consommés les
crédits et, le cas échéant, les autorisations d’emplois.
Article 69 – Pour chaque ministère, un responsable de la fonction
financière ministérielle est désigné par le ministre. Ce responsable
coordonne la préparation, la présentation et l’exécution du budget.
À ce titre et sans préjudice des autres fonctions que ce ministre
peut lui confier :
1° Il collecte les informations budgétaires et comptables et en
opère la synthèse ;
2° Il s’assure de la mise en œuvre des règles de gestion budgétaire
et comptable et veille à leur correcte prise en compte dans les
systèmes d’information propres à son ministère ;
3° Il valide la programmation effectuée par les responsables de
programme et il en suit la réalisation ;
4° Il établit, en liaison avec les responsables de programme, le
document de répartition initiale des crédits et des emplois prévu
à l’article 67 et le document prévisionnel de gestion des emplois
et des crédits de personnel prévu à l’article 68 ;

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la procédure budgétaire 361

5° Il propose au ministre, le cas échéant, les mesures néces-


saires au respect du plafond des dépenses et des autorisa-
tions d’emplois ainsi que les mouvements de crédits entre
programmes ;
6° Il coordonne l’élaboration des projets et rapports annuels de
performances prévus par la loi organique du 1er août 2001 ;
7° Il veille, en liaison avec les responsables de programme, à la
transmission au ministre chargé du budget des informations
relatives au périmètre des budgets opérationnels de programme
et des unités opérationnelles ;
8° Il s’assure de la mise en œuvre des dispositifs de contrôle
interne budgétaire et comptable ainsi que, le cas échéant, de
comptabilité analytique.
Article 70 – Pour chaque programme, un responsable est désigné
par le ministre à la disposition duquel les crédits du programme
ont été mis.
Le responsable de programme établit le projet annuel de perfor-
mances prévu à l’article 51 de la loi organique du 1er août 2001.
Il présente dans ce document les orientations stratégiques et les
objectifs du programme et justifie les crédits et les autorisations
d’emplois demandés.
Il définit le périmètre des budgets opérationnels de programme et
des unités opérationnelles et en désigne les responsables.
Dans le cadre d’un dialogue de gestion, en liaison avec les res-
ponsables des budgets opérationnels de programme :
1° Il établit la programmation prévue à l’article 66 ;
2° Il décline les objectifs de performance au niveau du budget
opérationnel de programme ;
3° Il détermine les crédits et, le cas échéant, les autorisations
d’emplois que, sous réserve des dispositions du I de l’article 21
du décret du 29 avril 2004 relatives aux compétences des préfets
de région et de département, il met à la disposition de ces
responsables.
Il établit le rapport annuel de performances prévu à l’article 54
de la loi organique du 1er août 2001.
Article 71 – Le responsable de budget opérationnel de programme
propose au responsable de programme la programmation des crédits
et des emplois du budget opérationnel de programme.

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Sous réserve des dispositions du II de l’article 21 du décret du


29 avril 2004, il arrête la répartition des crédits des budgets opé-
rationnels de programme entre les unités opérationnelles et met ces
crédits et, le cas échéant, les autorisations d’emplois à la disposition
de leurs responsables.
Il rend compte au responsable de programme de l’exécution du
budget opérationnel de programme ainsi que des résultats obtenus.
Les dispositions du présent article sont applicables sans préjudice
des compétences des préfets de région et de département mentionnées
aux articles 1er et 21 du décret du 29 avril 2004 susvisé.
Article 72 – Sans préjudice des compétences des préfets de région
et de département mentionnées aux articles 1er et 21 du décret du
29 avril 2004, le responsable d’unité opérationnelle prescrit l’exécu-
tion des recettes et des dépenses de cette dernière et en rend compte
au responsable du budget opérationnel de programme.
Article 73 – Le responsable de la fonction financière ministérielle,
le responsable de programme, le responsable de budget opérationnel
de programme et le responsable d’unité opérationnelle doivent avoir
la qualité d’ordonnateur ou être bénéficiaires de la délégation de
signature d’un ordonnateur principal ou secondaire.

TÉMOIGNAGE n° 13 : La préparation de la mise en œuvre de


la LOLF
La loi organique relative aux lois de finances a été votée en 2001.
Mais elle ne s’est appliquée que pour l’exercice budgétaire 2006.
L’intervalle a été utilisé pour mobiliser les responsables et mettre
au point certains dispositifs. La formation a été intense et a touché
une large part des cadres. Cette mise à niveau financière était néces-
saire. Elle a contribué à diffuser une nouvelle culture de la dépense
publique, plus soucieuse d’efficacité que de prestige. Elle a parfois
frisé la propagande quand les jeunes enseignants exagéraient la
portée des innovations et leurs effets potentiels sur la modernisation
des administrations. J’ai eu l’occasion de remplacer – une seule
fois – un collègue à « l’école de la LOLF » et, pour changer de la
langue de bois, j’ai intitulé mon cours « LOLF story, si la LOLF
était un film ».
Diverses expérimentations ont été lancées. Responsable d’un ser-
vice déconcentré, j’ai eu l’autorisation d’expérimenter la fameuse
« fongibilité asymétrique » : fongibilité entre les lignes de crédit

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la procédure budgétaire 363

qui signifiait que le budget était considéré comme une enveloppe


globale au sein de laquelle le fléchage des crédits était purement
indicatif ; asymétrique, parce que les économies sur les dépenses ne
pouvaient avoir pour effet de permettre l’augmentation des dépenses
de personnel qui, compte tenu de leur poids et de leur inertie, res-
taient fermement encadrées ; en revanche, les économies de crédits
de personnel pouvaient financer d’autres dépenses de fonctionne-
ment. L’administration centrale ayant envisagé de supprimer les
petites recettes des finances, échelon intermédiaire d’animation du
réseau des trésoreries au niveau de l’arrondissement, j’entrepris de
supprimer une grosse recette des finances au moment du départ à la
retraite du receveur. Le non-remplacement de ce haut fonctionnaire
et diverses économies liées à ce projet me permirent de financer la
réinstallation d’autres services et des équipements informatiques.
Malheureusement, l’administration centrale mit fin rapidement à
cet « intéressement » des services aux économies qui leur laissait
trop d’initiative.
359. Alors que la RGPP et la LOLF se sont mis en œuvre
simultanément et parallèlement sans grandes interférences, la
démarche Action publique 2022 comprend un volet de moderni-
sation de la gestion budgétaire et financière de l’État et des opé-
rateurs. La première étape est réalisée par la révision du décret
GBCP relatif à la gestion budgétaire et comptable du 7 novembre
2012 par un décret du 24 septembre 2018 (5). Le texte supprime
la comptabilité d’analyse des coûts qui sera remplacée par une
« vraie » comptabilité analytique. Il simplifie les règles applicables
aux organismes. Il supprime le contrôle de régularité des actes de
gestion du personnel par les contrôleurs budgétaires et ouvre la
possibilité d’une modulation des contrôles en fonction des résul-
tats du contrôle interne budgétaire et des contrôles antérieurs.
Il ouvre la possibilité d’une adaptation des contrôles du service
fait et la possibilité d’expérimentations de dérogations à certaines
règles du décret GBCP.

(5) Décret n° 2018‑803 du 24 septembre 2018.

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364 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Section 2. L es limites de la LOLF et évolution de la procédure


budgétaire après la LOLF

360. La réforme budgétaire, qui est entrée en vigueur à par-


tir de 2006, a bénéficié de plusieurs années de préfiguration et
d’un intense effort de formation. Ses promoteurs ont insisté sur
le caractère « révolutionnaire » des dispositions nouvelles et sur
leurs capacités à transformer la gestion publique. Après une
période au cours de laquelle l’attrait de la nouveauté et l’enthou-
siasme des promoteurs de la réforme l’ont emporté sur l’examen
des lacunes ou des difficultés d’application, vers 2010 la LOLF
a commencé à faire l’objet de discours critiques et de réserves.
On s’aperçut que la rupture proclamée n’était qu’un alignement
tardif sur les standards de gestion budgétaire des pays com-
parables et qu’elle s’est inscrite dans une certaine continuité
avec les progrès du management public accomplis depuis les
années 1980, par exemple en matière de direction par objectifs,
de contrôle de gestion ou de suivi des coûts. Par ailleurs, l’affir-
mation, beaucoup entendue à l’époque, selon laquelle la réforme
budgétaire devait entraîner la réforme de l’État dans son sillage,
ambition identique à celle de la RCB, n’a pas été vérifiée. Si la
contrainte budgétaire a toujours été un moyen efficace pour
faire évoluer l’administration, cet impératif ne peut tenir lieu
de ligne directrice exclusive en matière de réforme : la qualité
du service rendu aux usagers ou la participation des citoyens
sont tout aussi essentielles. Il y a toujours aussi un risque que
le prisme budgétaire fasse prévaloir le court terme et l’appa-
rence sur le long terme et la réforme en profondeur. La filiation
de la LOLF avec le « nouveau management public » et la réfé-
rence aux pays de l’OCDE pouvaient en outre justifier la crainte
d’une réforme résolument néo-libérale pouvant déterminer ou,
au minimum, accompagner une révision radicale du périmètre
de l’État, une multiplication des agences, une réduction très
importante du nombre de fonctionnaires, une remise en cause
des garanties statutaires. Les premiers mois d’expérimentation
et d’application ont révélé les « péchés de jeunesse » de la LOLF :
un débat parlementaire désespérément classique, le maquis des
budgets opérationnels de programmes et des unités opération-
nelles, la bureaucratie des indicateurs, le dialogue de gestion
réduit parfois à un simple monologue, l’impossibilité pratique

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la procédure budgétaire 365

de faire jouer la fongibilité au niveau le plus opérationnel, les


tendances diverses à une certaine recentralisation, l’imperfection
des systèmes d’information.
361. Le véritable échec de la LOLF, à ce jour, concerne la
responsabilisation des gestionnaires. Il a été impossible de conci-
lier le mythe, souvent implicite mais largement répandu, d’une
administration pilotée rationnellement au niveau central au vu
de tableaux de bord déclinés à tous les niveaux avec la volonté de
responsabiliser les manageurs de terrain et de motiver les équipes.
Deux principaux ordres de difficultés ont été rencontrés : d’une
part, l’autonomie des services opérationnels est restée très enca-
drée par l’administration centrale (suppression progressive de
budgets opérationnels locaux qui reconnaissaient une certaine
individualisation de la gestion au niveau d’un service régional ou
départemental, suppression de fait de la fongibilité asymétrique
qui permettait aux services de récupérer une partie des économies
réalisées sur les dépenses de fonctionnement, fléchage de crédits
par l’administration centrale, normalisation des conditions d’exer-
cice des missions par des instructions détaillées ou des dispositifs
contractuels, « monologue de gestion »). D’autre part, les excès de
la direction par objectifs et la multiplication des indicateurs ont
engendré des effets pervers. Didier Migaud et Alain Lambert, les
« pères » de la LOLF, auront, plus tard, de multiples occasions (6)
de déplorer que le volet de modernisation et de responsabilisation
des gestionnaires se soit heurté aux résistances bureaucratiques et
centralisatrices et à une conjoncture budgétaire impliquant une
rigueur stricte en matière de finances publiques.
362. La LOLF a sans aucun doute fait progresser la gestion
(globalisation et délégation plus rapide de crédits, plafonds
d’emplois globaux…) et a contribué à répandre une culture de
l’évaluation et des résultats. Personne ne souhaite revenir en
arrière. Mais la « révolution » annoncée par les promoteurs de la
réforme n’a pas eu lieu, la LOLF reste encore à appliquer ou à
réformer sur bien des points. Il est d’ailleurs significatif que la
RGPP y ait fait si peu référence alors que les dispositifs auraient
pu s’articuler.

(6) Par exemple : D. Migaud, Allocution lors de la rentrée solennelle de la Cour des comptes en
2015 ; Le bilan de dix années de mise en œuvre de la LOLF, GFP, n° 6, 2016 ; La LOLF du 1er août
2001 : des avancées considérables, une application qui s’est éloignée peu à peu des objectifs initiaux,
des évolutions souhaitables, RFFP, n° 158, mai 2022, p. 17 ; A. Lambert, Les ministres de Bercy,
pilotes ou otages de la structure ?, Pouvoirs Bercy, n° 168, Paris, Seuil, 2019.

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366 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

363. On a aussi remarqué que la LOLF qui, selon ces promo-


teurs, avait pour ambition de fonder la « constitution financière
de la France », ne prend pas en compte une dimension nouvelle
et incontournable de la procédure budgétaire : l’encadrement
du budget national par le droit de l’Union européenne. En effet,
les traités et notamment le traité sur la solidarité, la coordina-
tion et la gouvernance au sein de l’Union européenne (TSCG) du
2 mars 2012 et différents textes complémentaires constituant le
Pacte budgétaire européen ont réformé en profondeur la procé-
dure d’adoption et le contenu même des budgets nationaux. La
gouvernance des finances publiques françaises a été modifiée en
conséquence par la loi organique du 17 décembre 2012 (7). Des
règles non prévues dans la LOLF doivent donc être respectées :
programmation pluriannuelle, calendrier budgétaire, ratio de
déficit courant et structurel, ratio d’endettement public, exa-
men des programmes de stabilité et des plans budgétaires par
la Commission dans le cadre du semestre européen, avis d’une
autorité financière indépendante, le Haut conseil des finances
publiques. Après le choc de la crise sanitaire, la question de la
révision des ratios de déficit et d’endettement devenus inappli-
cables et de l’ensemble de ces règles européennes d’encadrement
des budgets nationaux a été posée, sans concrétisation immé-
diate.
364. Vingt ans après, le bilan de la LOLF parait en demi-
teinte. En 2020, une véritable floraison de propositions de
réformes de la gouvernance des finances publiques a vu le
jour ; en partie en raison de l’expérience acquise et aussi sous
l’influence des conséquences de la crise sanitaire. Les recom-
mandations de la Cour des comptes (8), de parlementaires et
même du ministre des Finances portent notamment sur une
programmation pluriannuelle plus contraignante, sur une vision
plus globale des finances de l’ensemble des administrations
publiques (loi de programmation des finances locales, coordi-
nation entre les lois de finances et les lois de financement de
la sécurité sociale), sur une revalorisation du débat parlemen-
taire, notamment à l’occasion de la loi de règlement, sur un

(7) Loi organique n° 2021‑1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gou-


vernance des finances publiques.
(8) Cour des comptes, Finances publiques, Pour une réforme du cadre organique et de la gouver-
nance, novembre 2020.

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la procédure budgétaire 367

encadrement de la progression des dépenses publiques, sur une


meilleure articulation entre le calendrier budgétaire national et
celui du semestre européen.
365. La commission sur l’avenir des finances publiques, pré-
sidée Jean Arthuis et composée de dix personnalités qualifiées,
est installée en décembre 2020, pour proposer des scénarios de
rééquilibrage des finances publiques et plus généralement pro-
poser les voies d’amélioration des règles de gouvernance et des
outils de pilotage des finances publiques. Son rapport de mars
2021 préconise notamment de créer un objectif pluriannuel des
dépenses publiques et un rapport au Parlement sur l’évolution de
la dette publique. Un rapport d’information n° 2210 du député
Laurent Saint-Martin sur la mise en œuvre de la LOLF formule
quarante-cinq propositions pour renforcer l’efficacité de la pré-
paration et de l’exécution de la loi de finances. Parmi les grandes
priorités, le document propose de renforcer les débats parlemen-
taires, d’améliorer la préparation, le contenu et la discussion de la
loi de finances, de préciser la démarche de performance. À la suite,
des propositions de loi organique et de loi ordinaire nos 780 et 781
relatives à la modernisation de la gestion des finances publiques
sont déposées au nom d’Éric Woerth et de Laurent Saint-Martin
et sont votées après débats et modifications en décembre 2021.
366. La loi du 6 décembre 2021 et la loi organique du
28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des
finances publiques (9) sont entrées en vigueur lors de l’examen
du projet de loi de finances pour 2023. Sans avoir l’ampleur, ni
le souffle de la LOLF, elles pourraient améliorer la gouvernance
des finances publiques sur de nombreux points, notamment le
pilotage des finances publiques et les conditions d’intervention du
Parlement. De nouveaux outils complètent le suivi et l’encadre-
ment de la dépense et de la dette publique : extension du champ
des avis du Haut conseil des finances publiques à l’appréciation
de la cohérence des prévisions de recettes et de dépenses du gou-
vernement avec les prévisions macro-économiques disponibles,
création d’un objectif annuel de dépenses publiques en euros dans
les lois de programmation des finances publiques (qui restent indi-
catives), élargissement du contenu de l’article liminaire des lois
de finances, présentation des équilibres budgétaires distinguant

(9) Loi 2021‑1577 du 6 décembre 2021 et loi organique n° 2021‑1836 du 28 décembre 2021 relative
à la modernisation de la gestion des finances publiques.

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368 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

les charges d’investissement et les charges de fonctionnement,


limitation des reports de crédits, projet de budget triennal associé
à chaque projet annuel de performances (PAP), rapport sur la
dette publique remis au mois de septembre et pouvant donner
lieu à débat parlementaire. En second lieu, les parlementaires
ont veillé à faciliter leur participation à l’élaboration des lois de
finances : fusion du débat d’orientation des finances publiques et
de l’examen du programme de stabilité, examen de l’ensemble des
recettes (y compris les taxes affectées) dans la première partie de
la loi de finances ; substitution de la loi relative aux résultats de
la gestion et portant approbation des comptes de l’année à la loi
de règlement ; création des lois de finances de fin de gestion qui
remplaceront les collectifs budgétaires de fin d’année et qui ne
pourront pas comporter des mesures fiscales nouvelles ; dépôt des
jaunes budgétaires et des documents de politique transversale dès
le premier mardi d’octobre ; nouvel état présentant, pour chaque
mission, les crédits, les dépenses fiscales, les ressources fiscales et
les autres dépenses concourant aux objectifs de la mission.
367. Une meilleure coordination entre les lois de finances ini-
tiales et les lois de financement de la sécurité sociale est nécessaire
depuis que des transferts d’impôts sont organisés au profit de la
protection sociale en contrepartie d’allègements de cotisations.
La fusion de la partie recettes des deux projets de loi a été sug-
gérée. Une proposition de loi organique concernant les lois de
financement de la sécurité sociale a été déposée par le député
Thomas Mesnier le 4 mai 2021 (proposition n° 4111) afin de com-
pléter les dispositions des lois organiques du 22 juillet 1996 et du
2 août 2005 et de coordonner le calendrier et le contenu des LFI
et des LFSS en matière de recettes de la sécurité sociale. En défi-
nitive, les lois organique et ordinaire du 14 mars 2022 relatives
aux lois de financement de la sécurité sociale (10) ont une portée
plus limitée : elles créent une loi d’approbation des comptes de
la sécurité sociale, elles renforcent l’information du Parlement
sur l’exécution de la LFSS, elles prévoient le dépôt du projet
de loi le premier mardi d’octobre en même temps que le PLF.
L’extension du périmètre des LFSS à l’assurance chômage et aux
retraites complémentaires obligatoires et le caractère contrai-
gnant de l’équilibre des comptes sociaux n’ont pas été retenus.

(10) Lois organique et ordinaire nos 2022‑354 et 355 du 14 mars 2022 relatives aux lois de finan-
cement de la sécurité sociale.

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la procédure budgétaire 369

Il faut aussi relever les premiers efforts pour enrichir l’informa-


tion budgétaire dans de nouvelles directions : le premier « budget
vert » de l’État et les premières mesures de l’impact du budget
sur l’égalité des femmes et des hommes (programme annuel de
performance 137) ont vu le jour en 2021.
Malgré ces améliorations de procédure soutenues par la faci-
litation de l’accès aux documents par la numérisation, l’infor-
mation budgétaire, touffue et abondante, reste mal utilisée par
les parlementaires et par la presse (11). Il faudrait imaginer un
organisme d’études à la disposition du Parlement, indépendant
de l’exécutif et doté de moyens pour faciliter la diffusion et la
compréhension de la documentation budgétaire.

Pour en savoir plus

Ouvrages

Barilari A. et Bouvier M., La nouvelle gouvernance financière de


l’État, Paris, LGDJ, 2004.
Camby J.-P., La réforme du budget de l’État, Paris, LGDJ, 2004.
Catteau D., La LOLF et la modernisation de la gestion publique,
Paris, Dalloz, 2007.
Cour des comptes, La mise en œuvre de la loi organique relative
aux lois de finances (LOLF) : un bilan pour de nouvelles pers-
pectives, 2011.
Cour des comptes, Finances publiques, Pour une réforme du cadre
organique et de la gouvernance, 2020.
Damarey S, La loi organique du 1eraoût 2001 relative aux lois de
finances, 2e éd., Paris, Ellipses, 2016.
Dussart V. (dir.), La Lolf a 20 ans !, Presses de l’Université Tou-
louse 1 Capitole, 2022.
GFP, La LOLF, une révolution silencieuse ?, Legrand G. et Pissa-
loux J.-L. (coord.), n° spécial 7, juillet 2006.
GFP, Le décret Gestion Budgétaire et Comptable Publique, GBCP,
nos 2-3, février-mars 2013.

(11) M. Le Clainche, « La communication, source de légitimité des économies budgétaires ? »,


in C. Husson-Rochcongar (dir.), La légitimité des finances publiques, Paris, Mare & Martin, 2022.

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Chapitre 12. - La procédure budgétaire au service d’une meilleure gestion publique
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370 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

GFP, La LOLF, dix ans de pratique, Le Clainche M. et ­Mordacq F.


(coord.), n° 6, novembre-décembre 2016.
Lambert A. et Migaud D., La mise en œuvre de la loi organique
relative aux lois de finances à l’épreuve de la pratique, insuffler
une nouvelle dynamique à la réforme, rapport au Gouvernement,
Paris, La Documentation française, octobre 2006.
Mordacq Frank (coord.), La lolf : un nouveau cadre budgétaire
pour réformer l’État, Paris, LGDJ, 2006.
RFAP, Réformes budgétaires et réformes de l’État, Le Clainche M.
(coord.), n° 117, 2006.
RFFP, Réforme des finances publiques : Réforme de l’État, col-
loque du 6 septembre 2000, n° 73, janvier 2001.
RFFP, La loi organique relative aux lois de finances, n° 76,
novembre 2001.
RFFP, Mettre en œuvre la loi organique relative aux lois de finances,
n° 82, 2003.
RFFP, Manager la LOLF, colloque du 22 septembre 2016, n° 137,
février 2017.
RFFP, Les 20 ans de la LOLF, colloque du 25 novembre 2021,
n° 158, mai 2022.
Rivoli J., Le budget de l’État, Paris, Seuil, 1978.
Sy A., La transparence dans le droit budgétaire de l’État en France,
Paris, LGDJ-Lextenso, 2017.

Articles

Catteau D., « LOLF et modernisation de la gestion publique : le


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la procédure budgétaire 371

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Chapitre 12. - La procédure budgétaire au service d’une meilleure gestion publique
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Chapitre 13.
L’EXÉCUTION ET LE CONTRÔLE
DES OPÉRATIONS BUDGÉTAIRES

368. Les services administratifs mettent en œuvre quotidien-


nement les décisions budgétaires par des actes juridiques et des
opérations matérielles. Ces modalités d’exécution du budget ont
souvent fait l’objet de récriminations de la part des gestionnaires
publics les accusant d’être un obstacle à la bonne gestion : la
segmentation des opérations, la séparation des intervenants, la
lourdeur des pièces justificatives, les nomenclatures comptables,
la multiplication des contrôles ont été dénoncées tout à tour. Des
simplifications et allègements importants ont été décidés dans
le prolongement de la LOLF. Elles portent principalement sur
l’exécution de la dépense publique (section 1) et sur la compta-
bilité publique et le régime de responsabilité des gestionnaires
publics (section 2).

Section 1. L’exécution de la dépense publique

369. La chaîne de la dépense publique est traditionnellement


segmentée en quatre phases en application du principe de sépara-
tion des ordonnateurs et des comptables : engagement, liquidation,
ordonnancement, paiement. Ce principe posé par les règlements
généraux de la comptabilité publique depuis le XIXe siècle est
aujourd’hui réaffirmé par le décret du 7 novembre 2012 relatif à
la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP) (1). Les ges-
tionnaires (ministres, préfets, directeurs) décident des opérations
et les comptables publics rattachés au ministère des Finances en
assurent le paiement après en avoir vérifié la régularité financière.

(1) Décret n° 2012‑1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique
(GBCP).

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374 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Ce principe assure un contrôle de régularité efficace mais il est


régulièrement critiqué par les gestionnaires comme facteur de
complexité.

DOCUMENT n° 58 : Les critiques des procédures budgétaires et


comptables par la Commission « Efficacité de l’État » du Xe Plan
en 1989 (2)
Dans un chapitre intitulé « passer de l’état de procédure à l’admi-
nistration de la responsabilité », la Commission présente ses orien-
tations à propos des procédures budgétaires et comptables : « Gérer
les fonds publics en conciliant responsabilité, contrôle et initiative ».
Elle énumère les « pesanteurs de la logique d’exécution ». En voici
quelques extraits :
1. Les effets pervers de l’excès de spécialisation des crédits et de
l’annualité budgétaire
… Incarnée dans une procédure budgétaire rigide et contraig-
nante, cette primauté du contrôle peut se révéler coûteuse, con-
traire à l’efficacité et source d’effets pervers multiples…
2. Les à-coups budgétaires de la régulation économique
3. Des règles financières et comptables trop détaillées
… Cette logique d’exécution, renforcée par la centralisation de
l’État, s’appuie sur des règles financières et comptables qui,
pour certaines catégories de recettes et de dépenses, fixent chaque
détail de manière uniforme, laissant aux ordonnateurs fort peu
de latitude pour s’adapter aux besoins des services. L’allocation
des moyens financiers est de surcroît minutieusement gérée par
l’administration centrale. Les services opérationnels se retrou-
vent ainsi dans un état de dépendance très décourageant. Plus
grave : le procédé les dispense de tout effort d’économie.
4. Les lacunes du système comptable
5. Une initiative entravée
Au total, toutes ces procédures financières et comptables ont des
effets négatifs, largement reconnus par la Commission. Qui plus
est, ceux qui sont chargés de les appliquer connaissent relativement
mal les multiples règles à incidence financière, se perdent dans leur
complexité, en maîtrisent mal les mécanismes… Dans bien des cas,
les gestionnaires semblent n’avoir le choix qu’entre l’inefficacité ou

(2) Commissariat général au Plan, Le parti de la responsabilité, Rapport de la Commission


Efficacité de l’État, présidée par François de Closets, La Documentation française, Payot, 1989.

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Chapitre 13. - L’exécution et le contrôle des opérations budgétaires
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l ’ exécution et le contrôle des opérations budgétaires 375

l’irrégularité. Inefficacité lorsqu’ils se soumettent à des règles tatil-


lonnes, à des procédures lourdes et inadaptées. Irrégularité lorsqu’ils
se rebellent et tentent de contourner les règles ».
370. Des éléments de souplesse sont intervenus ces dernières
années en organisant une meilleure coopération entre les ordon-
nateurs et des comptables, principalement grâce à l’automati-
sation des opérations. Après une très difficile période de rodage,
le logiciel Chorus a permis d’intégrer toutes les opérations de la
dépense de l’État, de réduire le nombre de contrôle dont certains
sont désormais réalisés automatiquement, de répartir différem-
ment les tâches entre les ordonnateurs et les comptables, de créer
des centres de services financiers et des services facturiers qui
rationnalisent l’exécution des fonctions d’achat et comptables.
371. L’allègement des contrôles a été aussi longtemps demandé
par les gestionnaires et s’est très progressivement imposé. Dans le
cadre de la mise en application de la LOLF, le décret GBCP du
7 novembre 2012 a institué dans les ministères des contrôleurs
budgétaires et comptables ministériels (CBCM) qui remplacent
les contrôleurs financiers et substituent un conseil relatif à la
soutenabilité du budget au contrôle préventif des dépenses enga-
gées. Le décret du 24 décembre 2018 (3) supprime le contrôle
de régularité des actes de gestion du personnel par les contrôleurs
budgétaires et ouvre la possibilité d’une modulation des contrôles
en fonction des résultats du contrôle interne budgétaire et des
contrôles antérieurs. Il ouvre la possibilité d’une adaptation des
contrôles du service fait et la possibilité d’expérimentations de
dérogations à certaines règles du décret GBCP.
Le contrôle des comptables sur les actes de paiement a été
modernisé par le décret GBCP du 7 novembre 2012 organisant
notamment le contrôle hiérarchisé de la dépense qui substitue
au contrôle exhaustif un contrôle ciblé en fonction des risques et
des précédents et un contrôle allégé en partenariat qui consiste à
simplifier les contrôles en fonction des conclusions d’audits com-
muns des opérations de dépenses. Ces procédés qui supposent
une étroite collaboration entre les services gestionnaires et comp-
tables sont largement utilisés bien qu’ils aient suscité des réserves
de la part des juridictions financières.

(3) Décret n° 2018‑80 du 24 décembre 2018.

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Section 2. L a comptabilité publique et les comptables publics

La comptabilité publique s’est progressivement mise au ser-


vice de la qualité de la gestion comptable (§ 1). La réforme de
la responsabilité des comptables publiques va contribuer à la
moderniser (§ 2).

§ 1. Les réformes comptables


372. La coopération entre les ordonnateurs et des comptables
se manifeste aussi dans la conception et l’utilisation de la comp-
tabilité qui, dans la logique de la LOLF, est précisée sur plusieurs
points. La LOLF définit, à côté de la comptabilité nationale et
de la comptabilité budgétaire, une comptabilité générale et une
comptabilité d’analyse des coûts proches de la comptabilité des
entreprises et directement utilisables pour éclairer les décisions des
gestionnaires (art. 27). Elle a précisé que cette comptabilité géné-
rale était conforme à la comptabilité des entreprises sauf exceptions
justifiées par les spécificités de l’action publique : par exemple, les
impôts constituent une recette publique et non une charge (art. 30,
al. 2). La Cour des comptes, qui a relevé la qualité des travaux
comptables entrepris sur ces nouvelles bases, a regretté qu’ils ne
soient pas davantage utilisés pour améliorer la gestion (4).
373. En précisant dans son article 27, alinéa 3 que la compta-
bilité publique doit être régulière, sincère et donnant une image
fidèle de la situation financière de l’organisme, formule reprise
dans l’article 47, alinéa 2 de la Constitution issu de la révision de
2008, la LOLF a défini la qualité comptable. Celle-ci est garantie
par des procédures de contrôle interne et d’audit comptables et,
a posteriori, par une certification des comptes qui vise à confier à
un tiers indépendant la mission de délivrer une assurance raison-
nable de la qualité des enregistrements comptables. La compta-
bilité générale de l’État et des organismes de sécurité sociale est
certifiée par la Cour des comptes, celle d’autres organismes publics
est assurée par des commissaires aux comptes. Des expérimenta-
tions sur la certification des comptes des principales collectivités
locales, prévue par la loi MAPTAM du 27 janvier 2014, sont en
cours d’expérimentation sous l’autorité de la Cour des comptes.

(4) Cour des comptes, La comptabilité générale de l’État, dix ans après : une nouvelle étape à
engager, 2016.

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374. La suppression de la responsabilité personnelle et pécu-


niaire des comptables publics donnera une impulsion nouvelle
et très positive à la coopération entre les ordonnateurs et comp-
tables pour unir leurs compétences afin d’améliorer la gestion
publique, au niveau national, comme au niveau local dans la
perspective du compte financier unique.

DOCUMENT n° 59 : Loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001


relative aux lois de finances
Article 27 – L’État tient une comptabilité des recettes et des
dépenses budgétaires et une comptabilité générale de l’ensemble de
ses opérations.
En outre, il met en œuvre une comptabilité destinée à analyser les
coûts des différentes actions engagées dans le cadre des programmes.
Les comptes de l’État doivent être réguliers, sincères et donner
une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière.
Article 30 – La comptabilité générale de l’État est fondée sur le
principe de la constatation des droits et obligations. Les opérations
sont prises en compte au titre de l’exercice auquel elles se rattachent,
indépendamment de leur date de paiement ou d’encaissement.
Les règles applicables à la comptabilité générale de l’État ne se
distinguent de celles applicables aux entreprises qu’en raison des
spécificités de son action.
Article 31 – Les comptables publics chargés de la tenue et de
l’établissement des comptes de l’État veillent au respect des principes
et règles mentionnés aux articles 27 à 30. Ils s’assurent notam-
ment de la sincérité des enregistrements comptables et du respect
des procédures.

DOCUMENT n° 60 : Décret n° 2012‑1246 du 7 novembre 2012


relatif à la gestion budgétaire et comptable publique
Article 53 – La comptabilité publique est un système d’organi-
sation de l’information financière permettant :
1° De saisir, de classer, d’enregistrer et de contrôler les données
des opérations budgétaires, comptables et de trésorerie afin
d’établir des comptes réguliers et sincères ;
2° De présenter des états financiers reflétant une image fidèle du
patrimoine, de la situation financière et du résultat à la date
de clôture de l’exercice ;

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3° De contribuer au calcul du coût des actions ou des services


ainsi qu’à l’évaluation de leur performance.
Elle est également organisée en vue de permettre le traitement de
ces opérations par la comptabilité nationale.
Article 56 – La comptabilité générale retrace l’ensemble des mou-
vements affectant le patrimoine, la situation financière et le résultat.
Elle est fondée sur le principe de la constatation des droits et
obligations.
Elle est tenue par exercice s’étendant sur une année civile.
Elle inclut, le cas échéant, l’établissement de comptes consolidés
ou combinés.
Les règles de comptabilité générale applicables aux personnes
morales mentionnées à l’article 1er ne se distinguent de celles appli-
cables aux entreprises qu’en raison des spécificités de l’action de
ces personnes morales.
Article 58 – La comptabilité budgétaire retrace l’ouverture et la
consommation des autorisations d’engager et de payer, ainsi que
l’enregistrement des recettes autorisées.
Elle permet de rendre compte de l’utilisation des crédits et, le
cas échéant, des emplois mis à la disposition des ordonnateurs,
conformément à la spécialisation de ces crédits et de ces emplois.
Elle est organisée, selon les règles propres à chaque personne
morale mentionnée à l’article 1er, de façon à permettre la compa-
raison entre l’autorisation donnée et son exécution.
Article 59 – La comptabilité analytique est fondée sur la compta-
bilité générale. Elle a pour objet, sous les réserves et dans les condi-
tions propres à chaque catégorie de personnes morales mentionnées
à l’article 1er, de mesurer les coûts d’une structure, d’une fonction,
d’un projet, d’un bien produit ou d’une prestation réalisée et, le
cas échéant, des produits afférents en vue d’éclairer les décisions
d’organisation et de gestion.

§ 2. La réforme de la responsabilité des gestionnaires publics


375. La responsabilité personnelle et pécuniaire des comp-
tables publics (RPP) est le type même de procédure juridique-
ment très sophistiquée, sans cesse perfectionnée et de plus en
plus décalée par rapport aux réalités administratives. Ce sys-
tème découle du principe de séparation des ordonnateurs et des

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l ’ exécution et le contrôle des opérations budgétaires 379

comptables issu du droit de la comptabilité publique du milieu


du XIXe siècle. Il vise à garantir le respect des règles financières,
en recette comme en dépenses, sans immixtion du juge finan-
cier dans le champ des compétences des décideurs politiques et
administratifs. Il fait donc reposer le contrôle de la régularité
financière sur les comptables publics qui ont le monopole de l’exé-
cution des dépenses et des recettes publiques. Les comptes de ces
comptables sont eux-mêmes examinés par des juges administra-
tifs spécialisés, les juridictions financières, c’est-à-dire la Cour des
comptes et, depuis 1982, les chambres régionales et territoriales
des comptes qui jugent les comptes des principaux comptables
publics locaux. Le dispositif de RPP des comptables publics a,
en dernier lieu, été fixé par une loi de 1963. Il avait fait l’objet
d’un important complément en 1948 par l’institution d’une juri-
diction spécialisée chargée de porter un jugement sur certaines
fautes des ordonnateurs : la Cour de discipline budgétaire et
financière. L’ensemble de ce dispositif a fait l’objet d’une abon-
dante et parfois subtile jurisprudence, largement commentée par
la doctrine. Bien que complexe et abstrait, il a été maintenu grâce
à la vigilance de la Cour des comptes, à l’extension progressive
de la remise gracieuse accordée par le ministre aux comptables
dans les cas où la mise en cause personnelle de celui-ci pouvait
apparaître inéquitable et à la vigilance du Conseil d’État, juge
de cassation, qui a limité certaines dérives juridiques. Malgré
les projets ambitieux exposés par le Premier Président Philippe
Séguin en 2005 (5), le système n’a été réformé qu’à la marge par
la loi du 28 octobre 2008 relative à la Cour des comptes et aux
chambres régionales des comptes (6) pour rendre la procédure
devant les juridictions financières conforme aux principes de la
Convention européenne des droits de l’homme et, en 2011, pour
mieux distinguer les sanctions selon que les manquements repro-
chés aux comptables publics ont causé ou non un préjudice à
la collectivité (7). Ce système est censé assurer la régularité des
opérations financières tout garantissant aux comptables publics
une procédure rigoureuse et impartiale d’examen des comptes.
Fondé sur une construction abstraite, il est apparu de plus en plus

(5) Ch. Descheemaeker, « Fonction publique et responsabilité, l’autre réforme, colloque du 5


et 6 avril 2005 », La Revue du Trésor, n° 7, 2005, p. 347.
(6) Loi n° 2008‑1091 du 28 octobre 2008 relative à la Cour des comptes et aux chambres régio-
nales des comptes.
(7) Art. 90 de la loi n° 2011‑978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011.

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380 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

décalé des réalités. Ainsi la Cour des comptes juge les comptes
et non les comptables, ce qui signifie qu’elle peut ne pas tenir
compte des « circonstances de l’espèce » qui pourraient atténuer la
responsabilité du comptable (par exemple, le manque de moyens,
la faute d’un collaborateur ou celle de l’ordonnateur). Elle est
subie par des comptables publics chargés d’un contrôle exhaustif
et formaliste des actes des ordonnateurs symbolisé par la liste des
pièces justificatives de la dépense, chef-d’œuvre bureaucratique
régulièrement mis à jour (en dernier lieu par un décret du 23 mars
2022 (8)). La culture des comptables est d’autant plus rigoureuse
sur les questions de forme qu’ils sont soumis à une responsabilité
extrêmement large qui couvre les actes de leurs collaborateurs
et dans certaines conditions ceux de leurs prédécesseurs. Elle
est commandée par une série de raisonnements juridiques sub-
tils (distinction entre contrôle de la légalité interne et contrôle
de la régularité financière, entre manquements préjudiciables et
les autres…). Ce dispositif a fait l’objet de critiques diverses du
point de vue de la gestion publique : l’irresponsabilité de fait des
ordonnateurs est inéquitable pour les comptables et ne favorise
pas une bonne gestion des crédits publics ; il fait porter la charge
de la régularité à un seul des acteurs de l’exécution budgétaire qui
est celui qui se trouve en bout de chaîne ; il est inadapté aux exi-
gences d’un management moderne qui exige prise en compte des
enjeux, coopération, transversalité, rapidité, et il est incohérent
par rapport aux objectifs de la LOLF visant à responsabiliser
les gestionnaires. En effet, il se limite à garantir la régularité
formelle sans s’intéresser à l’essentiel : la qualité de la gestion.

TÉMOIGNAGE n° 14 : Audiences de jugement à la Cour des


comptes
Comptable public pendant 14 ans comme trésorier-payeur général
puis directeur départemental et régional des finances publiques, mes
comptes ont été soumis au jugement de la Cour des comptes. Depuis
les réformes de 2018, ces jugements sont rendus en audience publique
et j’ai tenu à être présent aux deux audiences me concernant. Ce
sont les moments les plus insolites de ma carrière. J’ai entendu des
magistrats disserter longuement sur les fautes qui m’étaient repro-
chées ainsi qu’aux autres collègues jugés ces jours-là : ne pas avoir
persister à poursuivre à l’étranger après plusieurs actes infructueux

(8) Décret n° 2022‑505 du 23 mars 2022.

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l ’ exécution et le contrôle des opérations budgétaires 381

un porteur de parts d’une société civile immobilière pour une taxe


foncière ; avoir payé, sur instruction du ministre des Finances, une
prime de restructuration à des fonctionnaires parce qu’elle n’avait
pas été instituée selon la bonne procédure ; avoir réglé des frais de
déplacement outre-mer tenant compte du trajet effectif avec escale (le
seul possible) alors que le texte prévoyait l’indemnisation du trans-
port en ligne directe… Ergotages sans rapport avec les enjeux et le
fonctionnement réel des services, à propos d’affaires sans intérêt et
sur des montants infimes par rapport au total des opérations, dans
un décor et dans un langage surannés, sans regard, ni attention
pour « le » comptable public présent et sans que le moindre dia-
logue puisse s’établir. Bien entendu, une partie des sommes mises
à ma charge ont été couvertes par mes assurances. Comment un tel
système, pourtant contesté par les comptables publics (9), a-t-il
pu se maintenir pendant plus d’un siècle ? Probablement parce
qu’il était devenu inopérant par le jeu des remises gracieuses et
des assurances, parce que l’administration des finances craignait
que l’édifice, plutôt protecteur de ses intérêts, soit ébranlé par une
réforme, parce que les membres de la Cour des comptes ne voulaient
pas prendre le risque de voir menacé leur statut de magistrat, parce
que l’étude de la subtile jurisprudence financière tenait une bonne
place dans les ouvrages et revues universitaires. Bel exemple de
résistances au changement.
376. Une réponse possible était d’aménager le système en mini-
misant certains de ces inconvénients, en clarifiant les notions-clés,
en « subjectivant » le contrôle des comptes par le juge qui pren-
drait en considération les circonstances concrètes d’exercice des
missions, en supprimant la remise gracieuse ministérielle et en
complétant la RPP des comptables publics par une responsabilité
financière des ordonnateurs plus large que celle qui a été organisée
en 1948. Le sujet a repris une certaine actualité après 2018. Il a
été évoqué par le rapport Action Publique 2022, a donné lieu à
divers articles et colloques puis à des rapports demandés par le
Gouvernement à Jean Bassères, ancien directeur de la comptabi-
lité publique et directeur de Pôle emploi et à Stéphanie Damarey,
professeure de droit public. Le rapport de Jean Bassères, ins-
pecteur général des finances, rendu public le 16 décembre 2021,

(9) M. Le Clainche, « La responsabilité financière des comptables publics et des ordonnateurs


dans la Revue du Trésor (1921‑2008) », GFP, n° 5, 2021 ; « Responsabilité des comptables publics et
management public », GFP, n° 5, 2017 ; M. Le Clainche et F. Gaulier-Camus, « La responsabilité
des gestionnaires publics : quelles réformes ? », GFP, n° 3, 2020, p. 46.

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382 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

préconise une suppression de la responsabilité personnelle et pécu-


niaire des comptables publics, l’organisation d’une responsabilité
managériale effective des gestionnaires et un régime unifié de res-
ponsabilité des ordonnateurs et des comptables devant la Cour
de discipline budgétaire et financière dont la composition serait
élargie à des personnalités qualifiées. La responsabilité financière
serait limitée aux fautes graves. Les sanctions seraient propor-
tionnées aux fautes, non assurables et plafonnées à trois mois du
traitement indiciaire. Le 4 février 2021, le Premier président de
la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a présenté à la presse un
projet stratégique des juridictions financières baptisé « JF2025 »
qui s’organise autour de 12 orientations destinées à rendre les
travaux des juridictions financières plus diversifiés et accessibles,
à moderniser les métiers du juge financier et à rendre plus agile
et intégré le fonctionnement des juridictions financières. Il donne
son accord de principe à la réforme envisagée.
377. L’article 168 de la loi du 30 décembre 2021 de finances
pour 2022 (10) habilite le Gouvernement à instituer un système
unifié de responsabilité des gestionnaires et comptables publics
sur la base des principes suivants qui ont reçu l’agrément de la
Cour des comptes. La responsabilité des ministres et des élus reste
essentiellement politique et ne relève pas du nouveau régime.
La responsabilité serait engagée seulement pour fautes graves
relatives à l’exécution des recettes et des dépenses ou à la ges-
tion des biens et à condition que ces fautes provoquent des pré-
judices financiers significatifs. La responsabilité personnelle et
pécuniaire des comptables publics est abrogée. Les fautes légères
ou purement formelles ne relèveront donc plus d’une responsa-
bilité devant le juge mais d’une responsabilité managériale ou
disciplinaire qui reste à organiser. Le juge pourra prononcer des
peines d’amendes non rémissibles pouvant aller jusqu’à six mois
de rémunération et des peines complémentaires d’interdiction
d’exercer les fonctions. La Cour des comptes sera le seul juge
de première instance. Sa chambre contentieuse, créée par le
décret du 18 mai 2021 (11), sera renforcée par des magistrats des
chambres régionales des comptes, celles-ci perdant leur compé-
tence juridictionnelle. La Cour de discipline budgétaire et finan-
cière est supprimée. Une juridiction d’appel sera présidée par le

(10) L’article 168 de la loi n° 2021‑1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.
(11) Décret n° 2021‑604 du 18 mai 2021.

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l ’ exécution et le contrôle des opérations budgétaires 383

Premier président de la Cour et constituée de quatre membres


de la Cour, de quatre membres du Conseil d’État et de deux per-
sonnalités qualifiées. Les pourvois en cassation seront examinés
par le Conseil d’État comme actuellement. La réforme doit entrer
en vigueur le 1er janvier 2023. Le texte des ordonnances et les
premiers jugements devront préciser de nombreux éléments :
définitions de la faute grave et des préjudices significatifs, arti-
culation du nouveau système avec la responsabilité managériale
et la responsabilité pénale, modalité d’indemnisation des collec-
tivités victimes de préjudices. Par ailleurs, la direction générale
des finances publiques devra préciser les nouvelles relations à
établir entre les gestionnaires, notamment les élus locaux, et les
comptables publics et les modalités de contrôle managérial de
l’activité de ces derniers. Un décret du 22 décembre 2022 (12)
prend diverses mesures de coordination : suppression de toutes
les références à la RPP dans les codes en vigueur, abrogation de
la Cour de discipline budgétaire. Sous réserve de ces modalités
d’application, cette réforme, qui fait l’objet de critiques diverses,
paraît très positive dès lors qu’elle ouvre la voie à une coopéra-
tion des différents acteurs de l’exécution budgétaire en vue d’une
gestion publique régulière et plus efficace.

DOCUMENT n° 61 : Loi n° 2011‑1978 du 28 décembre 2011


de finances rectificative pour 2011 (responsabilité des comptables
publics)
Article 90 -I. L’article 60 de la loi portant loi de finances pour
1963 (n° 63‑156 du 23 février 1963) est ainsi modifié :
1° Le début du premier alinéa du I est ainsi rédigé :
« I. – Outre la responsabilité attachée à leur qualité d’agent public,
les comptables… (le reste sans changement) » ;
2° Le premier alinéa du IV est supprimé ;
3° Le VI est ainsi rédigé :
« VI. – La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue au I
est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable, le
ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les con-
ditions qui suivent. Les ministres concernés peuvent déléguer
cette compétence ».

(12) Décret n° 2022‑1605 du 22 décembre 2022.

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384 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

« Lorsque le manquement du comptable aux obligations mention-


nées au I n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme
public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter
d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte
des circonstances de l’espèce. Le montant maximal de cette
somme est fixé par décret en Conseil d’État en fonction du
niveau des garanties mentionnées au II ».
« Lorsque le manquement du comptable aux obligations mention-
nées au I a causé un préjudice financier à l’organisme public
concerné ou que, par le fait du comptable public, l’organisme
public a dû procéder à l’indemnisation d’un autre organisme
public ou d’un tiers ou a dû rétribuer un commis d’office pour
produire les comptes, le comptable a l’obligation de verser immé-
diatement de ses deniers personnels la somme correspondante ».
« Toutefois, le comptable public peut obtenir le sursis de verse-
ment de la somme fixée au troisième alinéa du présent VI ».
« Lorsque le ministère public près le juge des comptes requiert
l’instruction d’une charge à l’égard du comptable public, ce
dernier a la faculté de verser immédiatement de ses deniers
personnels une somme égale soit au montant de la perte de rec-
ette subie, de la dépense irrégulièrement payée, de l’indemnité
versée de son fait à un autre organisme public ou à un tiers,
de la rétribution d’un commis d’office par l’organisme public
intéressé, soit, dans le cas où il en tient la comptabilité matière,
à la valeur du bien manquant » ;
4° Le premier alinéa du IX est remplacé par deux alinéas ainsi
rédigés :
« Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et
pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au deuxième
alinéa du VI ne peuvent obtenir du ministre chargé du budget la
remise gracieuse des sommes mises à leur charge ».
« Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et
pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième
alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la
remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de
décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l’appréciation
du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses,
aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable
public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise
en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant

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l ’ exécution et le contrôle des opérations budgétaires 385

dans l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme


au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième
alinéa dudit VI ».
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er juillet 2012. Les
déficits ayant fait l’objet d’un premier acte de mise en jeu de la
responsabilité d’un comptable public ou d’un régisseur avant cette
date demeurent régis par les dispositions antérieures.

DOCUMENT n° 62 : Loi n° 2021‑1900 du 30 décembre 2021


de finances pour 2022 (responsabilité des gestionnaires publics)
Article 168 -I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la
Constitution, le Gouvernement est autorisé, afin de créer un régime
juridictionnel unifié de responsabilité des gestionnaires publics et
des gestionnaires des organismes relevant du code de la sécurité
sociale, à prendre par voie d’ordonnance toutes mesures relevant
du domaine de la loi permettant :
1° Sans préjudice des dispositions du code pénal, de définir un
régime d’infractions financières sanctionnant la faute grave
relative à l’exécution des recettes ou des dépenses ou à la ges-
tion des biens des entités publiques ou des organismes relevant
du code de la sécurité sociale leur ayant causé un préjudice
financier significatif, ainsi que de réformer le régime des autres
infractions prévues par le code des juridictions financières et
celui de la gestion de fait ;
2° D’instaurer l’organisation juridictionnelle suivante pour juger
de ces infractions :
a) Au sein de la Cour des comptes, une chambre composée de
magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales
et territoriales des comptes, compétente en première instance ;
b) Une cour d’appel financière, présidée par le premier prési-
dent de la Cour des comptes et composée de quatre membres
du Conseil d’État, de quatre membres de la Cour des comptes
et de deux personnalités qualifiées désignées par le Premier
ministre en raison de leur expérience dans le domaine de la
gestion publique ;
c) Le Conseil d’État comme juge de cassation ;
3° De définir les règles procédurales de ce nouveau régime, en
garantissant les droits des justiciables, le caractère suspen-
sif de l’appel ainsi que la célérité des procédures, ainsi que

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386 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

d’adapter le rôle du ministère public et la liste des autorités


ou des personnes habilitées à lui déférer des faits ressortissant
à ce nouveau régime ;
4° De définir le régime des amendes applicables à ces infractions,
dont le montant sera fixé en fonction de la rémunération des
agents concernés et plafonné au plus à six mois de rémuné-
ration, et de définir une peine complémentaire d’interdiction
d’exercer les fonctions de comptable ou d’avoir la qualité
d’ordonnateur pour une durée déterminée ;
5° D’abroger les dispositions relatives à la responsabilité person-
nelle et pécuniaire des comptables prévues à l’article 60 de
la loi de finances pour 1963 (n° 63‑156 du 23 février 1963)
et toute autre disposition législative organisant un régime de
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables ;
6° De garantir la séparation des ordonnateurs et des comptables
et l’effectivité de la vérification par ces derniers de la régularité
des opérations de recettes et de dépenses.

Pour en savoir plus

Ouvrages

Barilari A. et Prat M., Les contrôles financiers, comptables, admi-


nistratifs et juridictionnels des finances publiques, Paris, LGDJ,
2003.
Bassères J. et Pacaud M., Responsabilisation des gestionnaires
publics, rapport, 2020.
Cour des comptes, La comptabilité générale de l’État, dix ans
après : une nouvelle étape à engager, 2016.
Gaulllier-Camus F., La responsabilité financière des gestionnaires
publics, Paris, LGDJ-Lextenso, 2020.
Huby B., La certification des comptes de l’État, Paris, L’Harmat-
tan, 2010.
Huron D. et Spindler J., Management et finances publiques, Paris,
L’Harmattan, 2019.
Kott S., Droit et comptabilité, La spécificité des comptes publics,
Paris, Economica, 2017.

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l ’ exécution et le contrôle des opérations budgétaires 387

Kott S. et Millot J.-P., Les comptes publics, objets et limites,


Paris, LGDJ, 2019.
Magnet J., Comptabilité publique, Paris, PUF, 1977.
Mattret J.-B., La comptabilité publique, manuel, Bruxelles,
Bruylant, 2016.
Prada M. et Sonrié A., La comptabilité publique, Paris, Berger-
Levrault, 1978.
RFAP, Rendre des comptes, rendre compte, Lafarge F. (resp.),
n° 160, 2016.

Articles

Damarey S., « La réforme de la responsabilité du comptable public


et ses conséquences jurisprudentielles », GFP, n° 2, 2016, p. 42.
Degron R., « Le contrôle financier de l’État, un système multi-
acteur en pleine mutation », RFFP, n° 160, 2022, p. 131.
Descheemaeker Ch., « Fonction publique et responsabilité,
l’autre réforme, colloque du 5 et 6 avril 2005 », La Revue du
Trésor, n° 7, 2005, p. 347.
Diyani R., « Le système d’information Chorus : développements
et perspectives », GFP, n° 1, 2017, p. 102.
GFP, Dossier : La réforme de la RPP : Premier bilan, mai-juin
2015, p. 61.
GFP, Dossier : La réforme de la RPP des comptables publics
(suite), novembre-décembre 2015, p. 74.
GFP, Dossier : La certification et la transparence des comptes
publics, colloque 24 novembre 2015, n° 5, 2016, p. 6.
GFP, Dossier : JF 2025, La réforme des juridictions financières,
n° 2, 2022, p. 10.
GFP, La réforme des juridictions financières, Séminaire de la
Société Française de finances publiques, n° 2, 2022, p. 10.
Johannet G., « La refonte de la responsabilité des gestionnaires
et des comptables publics », GFP, n° 2, 2019, p. 56.
Lambert A., « Liberté, confiance et responsabilité : la triade
de l’éthique du nouveau gestionnaire public », in Baudu A.,
Cabannes X. et Le Clainche M., « Le renouveau des finances
publiques nationales », RFAP, n° 182, 2022.

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388 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Lascombe M. et Vandendriessche X., « Plaidoyer pour le succès


d’une réforme. La loi organique et la nécessaire refonte de la
responsabilité des ordonnateurs et des comptables », RFDA,
2004, p. 308.
Le Clainche M., « Redevabilité financière et redevabilité mana-
gériale : séparation, concurrence ou complémentarité ? »,
RFAP, n° 160, 2016, p. 1093.
Le Clainche M., « Responsabilité des comptables publics et
management public », GFP, n° 5, 2017, p. 98.
Le Clainche M. et Gaulier-Camus F., « La responsabilité des ges-
tionnaires publics : quelles réformes ? », GFP, n° 3, 2020, p. 46.
Le Clainche M., « La responsabilité financière des comp-
tables publics et des ordonnateurs dans la Revue du Trésor
(1921‑2008) », GFP, n° 5, 2021, p. 28.
Limal B., « Chorus : Quelle évolution pour l’organisation de la
gestion financière de l’État ? », Revue du Trésor, n° 11, 2007,
p. 952.
Mourroux J. et Pain P., « Le nouveau régime de la responsabilité
financière des gestionnaires publics », GFP, n° 6, 2022, p. 19.
Tanguy F., « Du décret GBCP à Action publique 2022, cinq ans
de modernisation de la gestion budgétaire et comptable »,
GFP, n° 2, 2019, p. 64.

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Chapitre 13. - L’exécution et le contrôle des opérations budgétaires
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Chapitre 14.
LES RÉFORMES DE L’ADMINISTRATION FISCALE

378. Les réformes de l’administration fiscale sont intéressantes


à observer aussi bien pour le spécialiste des finances publiques
que pour celui qui étudie les réformes administratives. Par sa
taille (près de 100.000 agents), sa répartition sur le territoire, son
importance dans la vie quotidienne des entreprises et des parti-
culiers, cette administration est à la fois le moteur et le reflet de
l’ensemble des conceptions de la réforme administrative. Celle-ci
peut être entendue du point de vue interne. Comment a évolué
une grande administration régalienne, centralisée et hiérarchi-
sée ? On peut aussi retenir le point de vue des relations avec
l’environnement. Cette administration de contrôle a-t-elle modi-
fié l’exercice de ses missions dans une société plus mobile, plus
ouverte et plus autonome ? L’organisation de l’administration
fiscale a notamment évolué ces dernières années à l’occasion de
la fusion organisée à l’époque de la RGPP et sous l’influence de
l’informatisation et de la numérisation de ses activités (section 1).
Les relations avec les contribuables se sont également transfor-
mées tout au long de la période avec l’extension des droits des
contribuables et les mutations du contrôle fiscal (section 2).

Section 1. L’organisation de l ’ administration

379. Après la création de la direction générale des impôts en


1948, la grande réforme de l’administration fiscale a été la fusion
de la DGI et de la DGCP pour créer la DGFiP en 2008 (§ 1).
L’essor du numérique a ensuite commencé à modifier profondé-
ment le fonctionnement de cette administration (§ 2).

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Chapitre 14. - Les réformes de l’administration fiscale
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390 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

§ 1. La création de la DGFiP
380. Le sujet du rapprochement des deux administrations qui
contribuent à la gestion de l’impôt est ancien. En raison d’une
interprétation rigoureuse du principe de séparation des ordonna-
teurs et des comptables dans la première moitié du XIXe siècle,
une distinction organique a été opérée entre les services chargés
respectivement de l’assiette et du contrôle des impôts (régies
financières puis en 1948 direction générale des impôts) et ceux
chargés du recouvrement (direction de la comptabilité publique)
aussi bien au niveau central que dans les services en relation avec
les publics. L’organisation n’était pas aussi simple : la sépara-
tion était à peu près appliquée en matière d’impôts directs mais
méconnue dans le domaine des impôts indirects et des droits
d’enregistrement dont l’assiette et le recouvrement relevaient des
régies financières. Par ailleurs, diverses attributions extra-fiscales,
notamment celles rattachées à la comptabilité publique et rela-
tives à la gestion financière de l’État, des collectivités locales et
des établissements publics, ont rendu le découpage administratif
plus complexe. En 1948, les différentes régies financières ont été
fusionnées pour constituer la puissante direction générale des
impôts. Cette réforme n’a été achevée qu’en 1970 par la réorga-
nisation des services de base. En 1990, après une grande grève,
dans le contexte de l’ouverture européenne et du renouveau du
service public, une nouvelle vague de modernisation est interve-
nue (1). De son côté, la direction de la comptabilité publique
se modernisait également notamment par l’informatisation des
comptabilités et du recouvrement. Elle continuait d’exercer des
missions très diverses de normalisation et de centralisation comp-
tables, de tenue des comptes de l’État, des collectivités locales et
des établissements publics, de payeur de la plupart des dépenses
publiques, de contrôle de la régularité financière et, enfin, du
recouvrement des impôts directs des particuliers. Une clarifica-
tion s’imposait. Le système administratif était trop complexe
pour être compris des contribuables, il empêchait la mise en com-
mun de moyens, il était incompatible avec une informatisation
performante de la gestion des impôts. Une nouvelle organisation
pouvait être fondée sur la distinction classique entre l’assiette
et le recouvrement en élargissant les missions de recouvrement

(1) M. Leroy, « La modernisation de la bureaucratie fiscale », Gestion et Management Publics,


vol. 6, novembre 2008.

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Chapitre 14. - Les réformes de l’administration fiscale
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les réformes de l ’ administration fiscale 391

exercées par les comptables publics. Mais une telle organisation


n’aurait pas simplifié le parcours des contribuables et n’aurait
pas empêché les problèmes de frontières entre les deux services.
La piste la plus efficace était donc un rapprochement, voire une
fusion des deux directions et une redistribution des fonctions
sur des bases plus rationnelles. En 1999, une première tentative
de rapprochement de la direction générale des impôts et de la
direction générale de la comptabilité publique, dite « mission
2003 », s’est soldée par une grève massive et par la démission
des ministres. Ce fut un échec monumental du point de vue de
la gestion d’une réforme administrative : elle a souffert d’une
approche trop technicienne, d’une insuffisance de concertation
et de négociation, d’une attention excessive portée aux questions
de répartition des compétences, d’un moindre intérêt pour les
ressources humaines, d’une absence de perspectives précises avec
des inconnues importantes relatives par exemple à l’informatique
et à l’immobilier (2).

TÉMOIGNAGE n° 15 : L’échec de la réforme du ministère en


1999
Membre des cabinets des ministres de l’Économie et du Budget
lors du lancement de la réforme du ministère en 1999, j’ai assuré
la communication de la mission qui en était chargée en qualité
de directeur de la communication du ministère dans les mois qui
ont suivi et, à ce titre, j’ai été membre du comité de pilotage de la
réforme. J’avais le souvenir de l’accompagnement de la réforme
des PTT conduite par Hubert Prévost en 1989 et à laquelle j’avais
participé : un flux d’informations constant, une écoute des person-
nels et des usagers, des dispositifs de communication innovants et
interactifs. Sous la direction du cabinet du ministre, j’ai produit
des journaux internes, des kits de communication, des réunions
d’information. J’ai organisé une tournée dans les régions de la
Mission 2003 animée par Thierry Bert, le chef de l’inspection des
finances et Paul Champsaur, le directeur de l’INSEE. J’ai com-
mandé des études de terrain. Malheureusement, les promoteurs de

(2) J.-P. Sereni et Ch. Villeneuve, Le suicide de Bercy. La réforme est-elle impossible en France ?,
Paris, Plon, 2002. Le point de vue de l’animateur du projet : Th. Bert, Mission 2003, Construire
ensemble le service public de demain, Paris, La Documentation française, janvier 2000. Th. Bert,
« La réforme de Bercy, paralysie ou suicide collectif », in R. Fauroux et B. Spitz (dir.), Notre État,
Paris, Robert Laffont, 2000. Pour une analyse plus sereine : J.-M. Pernot, « Le ministère des finances
et la mission 2003, Regards sur une réforme manquée », Revue de l’IRES, n° 39-2, 2002, p. 115.

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392 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

la réforme ne parvinrent pas à convaincre le corps social du minis-


tère du bien-fondé de la fusion entre les directions des impôts et de
la comptabilité publique et ne surent pas trouver le chemin d’une
négociation à laquelle les syndicats n’auraient pas été opposés. Une
grève de plusieurs mois paralysa le ministère et, sur instruction du
Premier ministre, il fallut abandonner le projet qui sera repris huit
ans plus tard avec une autre méthode.
381. L’échec de la réforme « 2003 » a contribué à faire mûrir
les esprits et à inciter à rechercher pragmatiquement des syner-
gies entre les services (liaisons entre les services d’assiette et de
recouvrement ; transferts de l’administration des domaines à la
DGCP et du recouvrement de l’impôt sur les sociétés à la DGI ;
création des services de fiscalité des entreprises et de la direction
des grandes entreprises ; projet informatique commun Copernic ;
regroupement de services dans des hôtels des finances…). D’autre
part, la nouvelle fusion, lancée en 2007, a été conduite avec
méthode et habileté tactique : un cap clair donné par le ministre
dans son discours du 4 octobre 2007, une équipe de projet légère
et bien informée, une concertation très ouverte sur les modalités,
le respect des valeurs et des métiers de chaque direction, des expé-
rimentations et des préfigurations, une mise en place progressive,
le contournement provisoire des sujets difficiles. Elle aboutit au
décret n° 2008‑510 du 3 avril 2008 créant une direction unique, la
direction générale des finances publiques au niveau national, dans
les régions et dans les départements et organisant un nouveau
découpage des services chargés de la gestion des impôts regrou-
pant les fonctions d’assiette et de recouvrement par catégories
de contribuables (entreprises, particuliers). En quelques mois,
la fusion est devenue irréversible et la réforme a été un succès.
Dans son contenu, elle est un bon exemple de savant mélange de
techniques classiques de gestion (fusion des organigrammes et des
corps de fonctionnaires ; maintien de l’intégralité des missions ;
alignement des régimes indemnitaires par le haut – tactique
gagnante qui est plus facile à réaliser aux Finances qu’ailleurs)
et d’approches managériales plus ou moins innovantes (gestion
des carrières par filières, professionnalisation de l’accueil, « gui-
chets uniques », spécialisation par types d’usagers, organisation
« front office/back office », réingénierie de processus, informatisa-
tion, contrôles internes, audit).

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les réformes de l ’ administration fiscale 393

382. Cette réforme institutionnelle a été prolongée par de nom-


breuses autres mesures : consolidation des innovations par une
démarche stratégique lancée en 2012 ; modernisation et intégra-
tion des systèmes informatiques ; concentration du réseau territo-
rial ; développement des services aux usagers notamment grâce à
un vigoureux effort de numérisation des procédures. La Cour des
comptes dans son rapport sur « La DGFiP, 10 ans après la fusion »
a dressé un bilan contrasté de la réforme, évoquant la « juxtapo-
sition des services », critiquant le maintien et même l’aggrava-
tion des rigidités dans la gestion des personnels, dénonçant une
qualité de service insuffisante en matière d’accueil téléphonique
et de services aux collectivités territoriales. Elle recommande de
revoir le périmètre de certaines missions, de recentrer les missions
de conseil, de tirer davantage parti du numérique et de resser-
rer l’organisation territoriale. Quoi qu’il en soit, cette réforme
marque une étape importante dans la « débureaucratisation » des
administrations financières (au sens d’un assouplissement des
comportements normatifs et routiniers) et dans la transforma-
tion d’une administration régalienne en organisation de services ;
cette dernière révolution est loin d’être achevée.
383. Dans le prolongement du rapport du Comité Action
publique 2022, le ministre de l’Action et des Comptes publics a
annoncé plusieurs orientations nouvelles pour la DGFiP dans un
discours prononcé le 11 juillet 2018 devant les cadres du minis-
tère : transfert du recouvrement de certains impôts de la Douane
à la DGFiP, renforcement des budgets informatique et numé-
rique, suppression de 25 taxes à faible rendement, adaptation du
réseau des petites trésoreries, généralisation du compte unique
des collectivités territoriales, expérimentations d’agences comp-
tables dans les grandes collectivités, délocalisations de services
dans les territoires, poursuite des suppressions d’emplois. Une
des réformes originales a été la recherche d’une nouvelle organi-
sation des services territoriaux qui concilie une plus grande effi-
cacité avec le maintien d’une certaine proximité. Cette direction,
forte de 94.669 agents, d’un budget de 7,5 milliards d’euros et
de 4.000 implantations locales, a défini l’évolution de son nou-
veau réseau de proximité en juin 2018. Le projet, conçu à horizon
2022 avec une mise en place progressive, transforme les points
de contact avec les usagers actuellement assurés par les petites
trésoreries en nouvelles maisons France services ou les implante

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394 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

dans l’une d’entre elles. Le service aux collectivités territoriales


sera regroupé dans des services de gestion comptable à l’échelon
des intercommunalités complétés par des conseillers des décideurs
locaux entièrement dédiés à cette mission. Les autres services
(service d’imposition des particuliers ou des entreprises, trésore-
ries hospitalières) pourront être regroupés. La délocalisation de
services implantés dans les métropoles sera étudiée. Les direc-
teurs départementaux ont communiqué des cartes-cibles à leurs
interlocuteurs et ouvert une concertation interne et externe. Les
agents concernés bénéficieront des dispositifs d’accompagnement
(prime de restructuration de service, prise en charge des frais de
changement de résidence, garantie de maintien des rémunéra-
tions, indemnité de départ).
384. Une autre réforme en préparation pourrait avoir une
grande portée : le rapprochement des systèmes de recouvrement
en matière fiscale et sociale qui améliorerait son efficacité, génè-
rerait des gains de productivité, faciliterait les démarches des
entreprises et des particuliers. Une mission « France recouvre-
ment » et un service à compétence nationale ont été institués par
un décret du 10 septembre 2019 (3) avec pour mission d’unifier
le recouvrement dans chacun des secteurs, d’harmoniser les pro-
cédures fiscales et sociales, de déployer un portail informatique
unique. La perspective d’une agence unique du recouvrement a
été évoquée par le ministre. Le transfert d’attributions en cours
entre la Douane et la DGFiP pour les accises et entre les direc-
tions du territoire et la DGFiP pour les taxes d’aménagement (4)
ainsi que la déclaration unique (fiscale et sociale) des revenus des
professions libérales vont également dans le sens de l’unification
des procédures et des organisations fiscales.

§ 2. La numérisation de l’administration fiscale


385. L’administration fiscale gère un nombre considérable
d’informations concernant, par exemple en 2021, l’ensemble
des 39.887 millions de foyers imposables à l’impôt sur le revenu

(3) Décret n° 2019‑949 du 10 septembre 2019.


(4) L’article 155 de la loi n° 2020‑1102 du 29 décembre 2020 de finances pour 2020, l’ordonnance
n° 2022‑883 du 14 juin 2022 et le décret n° 2022‑1102 du 1er août 2022 organisent le transfert de la
gestion des taxes d’aménagement et de la part logement de la redevance d’archéologie préventive
à la DGFiP. L’article 80 de la loi n° 2022‑1720 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 prévoit
d’autres transferts de recouvrement au profit de la DGFiP (infractions constatées par la douane, taxe
sur les employeurs de main-d’œuvre étrangère et, pour 2025, accise sur les carburants (ex-TICPE).

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les réformes de l ’ administration fiscale 395

et des 7,5 millions d’entreprises redevables de la TVA. Elle a


naturellement été en pointe pour l’informatisation. Les premiers
ordinateurs de l’administration ont été installés rue de Rivoli
dans les années soixante du temps du ministre Antoine Pinay.
De multiples systèmes ont été créés successivement en fonction
des besoins : traitement de la liasse fiscale qui résume la comp-
tabilité des entreprises, gestion de la TVA, logiciels de tenue de
la comptabilité de l’État, logiciels de gestion des dépenses des
collectivités territoriales. Ces dispositifs étaient centralisés, ne
communiquaient pas entre eux et étaient très difficiles à adapter.
Peu à peu, les systèmes ont été rapprochés et unifiés par secteur
(par exemple, le projet Hélios unifiant la gestion des collectivités
locales) et le ministère des Finances s’est ouvert à des dispositifs
interministériels tels que le projet Transfert des données fiscales
et sociales (TDS) construit autour de la déclaration annuelle
des salaires. Après l’échec de la première tentative de fusion des
directions générales des impôts et de la comptabilité publique, le
système Copernic a eu l’ambition de constituer un ensemble de
processus dématérialisés relatifs à la gestion fiscale et communs
aux services d’assiette, de recouvrement, de contrôle, de rensei-
gnement et même aux contribuables. Fondé sur des identifiants
communs et sur le décloisonnement des applications, il a préparé
la fusion des services réalisée à partir de 2008.
386. Après la création de la DGFiP, l’essor du numérique a été
la base d’un second souffle de modernisation assurant la pour-
suite de la recherche d’une meilleure performance, d’un service
aux usagers de plus grande qualité et d’une gestion plus produc-
tive. Le numérique a été ainsi un des points forts de la démarche
stratégique engagée en 2012‑2014, l’ambition de la DGFiP étant
de devenir « l’administration numérique de référence ». Elle se
fonde sur une dématérialisation complète et de bout en bout des
procédures, un service « omnicanal » permettant à l’usager de
choisir son mode de contact avec les services, une réorganisation
des systèmes d’accueil, un compte unifié du contribuable partagé
entre celui-ci et l’administration, une gestion numérique des car-
rières des agents. La généralisation de la déclaration en ligne, la
dématérialisation des timbres fiscaux, la création de nouveaux
centres d’accueil téléphonique qui pourront traiter des dossiers,
la mutation en cours du contrôle fiscal résultent directement de
ces travaux.

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396 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Les contribuables ont perçu ces changements à travers la


modernisation de la gestion de l’impôt sur le revenu : décla-
ration en ligne, déclaration préremplie, paiement en ligne ou
même par smartphones. Le prélèvement à la source, mis en
place le 1er janvier 2019 après un report d’un an, a nécessité
un fort investissement pour rassembler automatiquement les
données de chaque foyer et a simplifié considérablement l’ac-
complissement des obligations fiscales qui peuvent s’effectuer
désormais « sans papier ». À partir de 2020, il a même permis à
un nombre important de contribuables de bénéficier du verse-
ment anticipé des crédits d’impôts et même de la déclaration
« automatique » approuvée tacitement. En 2022 (revenus de
2021), selon un communiqué du 1er août du ministre délégué
chargé des Comptes publics, le prélèvement à la source a donné
lieu à un remboursement pour 13,7 millions de contribuables
(35 % des déclarants) et à un complément de paiement pour
10,7 millions (28 %) alors que 14,2 millions de contribuables
(37 %) ont été prélevés pour la somme exactement due. Par
ailleurs, 23,9 millions de foyers fiscaux ont déclaré leurs reve-
nus 2020 en ligne et 10,8 millions ont déclaré automatiquement
sans aucune démarche. 14,7 millions de contribuables ont opté
en 2021 pour la dématérialisation totale de la déclaration et du
paiement de leur impôt sur le revenu.
387. La numérisation transforme d’autres aspects de l’admi-
nistration des finances publiques : l’élaboration des textes avec
des consultations sur internet sur des projets qui sont opposables
dès la phase de prépublication ou avec l’organisation de hacka-
thon sur la réutilisation des données budgétaires, comptables
et fiscales ; le contrôle fiscal avec la sélection des dossiers par le
datamining, le contrôle des comptabilités informatisées, l’accès
des administrations fiscales et douanières aux données publiées
sur internet aux fins de lutte contre la fraude (5), la détection de
piscines ou de constructions non déclarées par interprétation de
photos aériennes au moyen de systèmes d’intelligence artificielle ;
le contrôle prédictif des dépenses publiques. La Cour des comptes,
dans plusieurs de ces récents rapports, a relevé l’insuffisance des
budgets informatiques et numériques et la relative incohérence
des politiques conduites. L’inspection des finances formule le

(5) Accès autorisé à titre expérimental pendant trois ans par l’article 154 de la loi n° 2019‑1479
du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

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les réformes de l ’ administration fiscale 397

même constat d’une « dette informatique » à résorber (6). C’est


en effet l’ensemble de la gestion fiscale qui, à terme rapproché,
sera totalement rénové par la numérisation.

Section 2. L es relations avec les contribuables

Depuis 1972, les droits des contribuables ont été renforcés


conformément à la tendance générale. Ils ont aussi bénéficié des
politiques de relations publiques, d’ailleurs en grande partie ini-
tiées par le ministère des Finances (§ 1). Ces progrès ont même
modifié les conditions d’exercice d’une mission particulièrement
délicate : le contrôle fiscal (§ 2).

§ 1. L’extension des droits du contribuable


388. Depuis une loi du 28 décembre 1959, les contribuables
bénéficient d’une garantie contre les changements de doctrine
de l’administration. D’abord limitée aux réponses aux demandes
d’information ou de renseignements, elle a été étendue par la
jurisprudence à toute prise de position formelle de l’administra-
tion sur une situation de fait au regard du texte fiscal puis, par
l’article 21 de la loi du 9 juillet 1970 codifié à l’article 1649quin-
quies E du Code général des impôts et par la loi du 17 juillet
1987, adoptée à la suite des travaux de la commission Aicardi et
codifiée à l’article L80 A du livre des procédures fiscales (7). Même
si la position de l’administration n’est pas conforme aux textes,
elle est opposable à l’administration dès lors que la législation et
la situation évoquée n’ont pas été modifiées.
389. Un nouveau concept apparaît à la fin des années 1970 :
celui de rescrit. Une mission aux États-Unis de Georges Egret,
chef du service fiscal du CNPF, relayée par Guy Delorme, le
premier directeur général des relations avec le public au minis-
tère des Finances, montre l’intérêt d’un tel dispositif qui per-
met d’obtenir a priori l’analyse de l’administration sur une
situation de fait, position qui lui est opposable et qui l’engage
pour l’avenir. Introduite dans la législation fiscale, d’abord dans

(6) Cour des comptes, La DGFiP dix ans après la fusion, une transformation à accélérer, juin
2018 ; Inspection des finances, Bilan du contrat d’objectifs et de moyens de la DGFiP pour la période
2020‑2022, septembre 2022.
(7) Loi n° 59‑1472 du 28 décembre 1959 ; l’article 21 de la loi n° 70-601 du 9 juillet 1970 codifié
à l’art. 1649quinquies E du Code général des impôts ; loi n° 87‑502 du 17 juillet 1987 (loi Aicardi).

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398 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

des domaines limités (associations, entreprises nouvelles, crédit


impôt-recherche), elle rencontre quelques résistances de la part
de la direction générale des impôts, avant les perspectives de
généralisation qui n’interviendront qu’en 2018 avec la loi pour
un État dans une société de confiance, dite loi ESSOC.
390. En dehors de la garantie contre les changements de doc-
trine, les droits du contribuable ont été sans cesse renforcés par
la loi et la jurisprudence et par la mise en œuvre des recomman-
dations de plusieurs rapports administratifs : la loi Aicardi du
17 juillet 1987 aménage les règles de preuve, les conditions de
la taxation d’office, le fonctionnement de la commission dépar-
tementale des impôts. Elle donne une consécration législative
à la charte du contribuable vérifié lancée en 1975 et sans cesse
complétée et adaptée depuis. Le conciliateur fiscal est créé en
2003. La Commission Fouquet en 2008 fait une quarantaine
de propositions ponctuelles dont l’inscription des principes de
sécurité juridique et de non-rétroactivité dans la Constitution,
l’extension du rescrit, la réécriture de la garantie contre les
changements de doctrine, la création d’un label pour les entre-
prises acceptant de rentrer dans une démarche de confiance
réciproque, la possibilité donnée aux vérificateurs de signaler
les erreurs commises par les contribuables à leur détriment,
l’accélération du traitement des recours juridictionnels. En
2012, une délégation aux simplifications sera créée au sein de
la DGFiP.

DOCUMENT n° 63 : Loi n° 87‑502 du 8 juillet 1987 dite Aicardi


modifiant les procédures fiscales et douanières
Article 21. – Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon
l’interprétation que l’administration avait fait connaître par ses
instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportée
à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun
rehaussement en soutenant une interprétation différente.
391. Les contribuables vont aussi bénéficier des actions initiées
par la direction générale des relations avec le public, devenue
direction de la communication, créée en 1977 notamment pour
répondre à l’agitation antifiscale organisée par le Cid-Unati. Elle
sera à l’origine des dépliants d’information fiscale, des rensei-
gnements fiscaux par téléphone, des services d’assistance à la

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les réformes de l ’ administration fiscale 399

déclaration de revenus animés par des agents assistés de retraités


de l’administration et d’étudiants, de simplification des formu-
laires et de certaines formalités (voy. nos 183 et s.).
392. Le point d’aboutissement de l’évolution des procédures
de contrôle fiscal est la « relation de confiance » qui relève plus du
management de la relation avec les contribuables que de l’amé-
nagement juridique des procédures.

§ 2. Contrôle fiscal et relation de confiance


393. Le contrôle fiscal, et plus généralement la lutte contre la
fraude, répondent au souci d’assurer le mieux possible l’égalité
entre les contribuables en renforçant le consentement à l’impôt
et en améliorant le rendement des recettes publiques. Le contexte
de cette activité a évolué rapidement depuis une dizaine d’années
seulement : mondialisation des échanges économiques, exten-
sion des techniques numériques dans les entreprises et dans les
administrations, déficits budgétaires, réactions de l’opinion face
à l’optimisation fiscale pratiquée par les multinationales, coopé-
ration entre États.
394. La fraude fiscale reste toujours aussi difficile à évaluer.
Le chiffre communément admis se situe aux alentours de 100 mil-
liards d’euros par an mais il reste très approximatif. En mai
2019, le Premier ministre a sollicité la Cour des comptes afin de
« dresser un état des lieux de la fraude fiscale et de son montant en
proposant un chiffrage dont la méthode pourrait être reproduite
dans l’avenir pour suivre l’évolution du phénomène ». La Cour a
considéré qu’une estimation globale et robuste de l’ensemble de
la fraude aux prélèvements obligatoires était impossible à établir
en quelques mois. Elle constate par ailleurs que la France dispose
de l’un des dispositifs juridiques les plus complets de lutte contre
la fraude (8).
395. L’arsenal juridique mis à la disposition de l’administra-
tion pour rechercher et sanctionner les fraudes a été renforcé dans
les dix dernières années. En premier lieu, la loi organique et la
loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fis-
cale et la grande délinquance économique et financière (9) ont
(8) Voy. le document « orange » de politique transversale sur la lutte contre la fraude et l’évasion
fiscales annexé chaque année au projet de loi de finances.
(9) Loi organique n° 2013‑1115 du 6 décembre 2013 et loi n° 2013‑1117 du 6 décembre 2013
relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

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400 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

créé le procureur de la République financier et renforcé diverses


dispositions. Le renforcement des incriminations, l’adaptation
de la procédure pénale, la coordination et la spécialisation des
services d’enquêtes, la réforme des saisies et confiscation, l’orga-
nisation d’une coopération internationale ont donné des résultats
très positifs. La loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre
la fraude (10) renforce encore les moyens de la lutte contre la
fraude fiscale, sociale et douanière, notamment par la création
d’une « police fiscale et douanière » au ministère chargé du Budget
qui sera habilité à constater des infractions pénales et travaillera
en liaison avec le service d’enquêtes rattaché au ministère de
l’Intérieur. Les sanctions sont également renforcées notamment
par la peine complémentaire de publication des condamnations
pour fraude fiscale (naming and shaming). Enfin les articles 36
et 37 modifient la procédure de poursuites pénales pour fraude
fiscale (« verrou de Bercy ») en organisant la dénonciation obli-
gatoire, au procureur de la République par l’administration fis-
cale, des faits de fraude fiscale les plus importants alors qu’elle
n’était que facultative. La loi de finances pour 2020 a élargi
le contrôle des abus de droit visant à écarter les opérations et
actes « à motif principalement fiscal ». La coordination de la lutte
contre la fraude dans les domaines de la fiscalité et des prestations
sociales a été organisée avec la création de la délégation nationale
à la lutte contre la fraude devenue mission interministérielle de
coordination anti-fraude (décrets du 18 avril 2008 et du 15 juillet
2020 (11)). La généralisation de la facturation électronique à
l’horizon 2023‑2025 prévue par l’article 15 de la loi de finances
pour 2020 (12) devrait réduire la fraude à la TVA.
396. Ces adaptations juridiques ont été complétées par une
démarche plus managériale. Ils s’inscrivent dans la ligne de la
« compliance » qui consiste à simplifier les relations courantes
entre l’administration et ses usagers habituels et, en contrepartie,
à mieux cibler les actions répressives sur les contribuables dont
le comportement ou l’activité peut faire présumer la fraude. Dès
2014, les premières expérimentations de « relation de confiance »

(10) Loi n° 2018‑898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude. Le rapport du sénateur
Jean-François Husson, La lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, n° 72, 25 octobre 2022, dresse
un bilan positif de l’application de cette loi.
(11) Décret n° 2008‑371 du 18 avril 2008 et décret n° 2020‑872 du 15 juillet 2020.
(12) Ordonnance n° 2021‑1190 du 15 septembre 2021 ; loi n° 2022‑1157 du 16 août 2022 de finances
rectificative pour 2022, art. 26 ; décret n° 2022‑1299 du 7 octobre 2022.

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les réformes de l ’ administration fiscale 401

avec les entreprises ont été lancées pour accompagner préventive-


ment les entreprises, éviter les contentieux, apaiser les contrôles
fiscaux (extension des rescrits, contrôles à la demande, possibili-
tés de régularisation…). La loi ESSOC du 10 août 2018 a renforcé
et étendu ces nouveaux dispositifs (voy. n° 138) et, le 14 mars
2019, sept mesures pour une « nouvelle relation de confiance » ont
été présentées : accompagnement fiscal personnalisé des PME par
un dialogue hors contrôle (400 PME), partenariat fiscal pour les
entreprises de taille intermédiaire et grande (43 grands groupes
réunissant 2.400 sociétés), démarche spontanée de mise en confor-
mité (2 milliards d’euros de droits en 2020), examen de confor-
mité fiscale par un tiers de confiance, amélioration du dialogue
dans le contrôle (accès direct à l’interlocuteur fiscal en cas de
contrôle sur pièces, opposabilité des prises de position même en
cas d’absence de rectification…). En 2020, l’administration fiscale
a traité 20.033 demandes de rescrit.

DOCUMENT n° 64 : La relation de confiance. Dépliant d’infor-


mation 2 octobre 2013
La relation de confiance : comment ça marche ?
Les étapes de la relation de confiance
Le point de départ : la démarche repose sur le volontariat. C’est
l’entreprise qui fait la démarche auprès de l’administration fiscale.
Le calendrier : la démarche débute avant le dépôt de la décla-
ration d’impôt de l’entreprise au titre de l’impôt sur les sociétés.
L’objectif est d’aboutir à une validation informelle pour l’exercice
qui interviendrait dans les six mois suivant la clôture des comptes.
Les opérations de « validation » ou « révision » des obligations décla-
ratives peuvent ainsi durer entre trois et neuf mois selon la taille
de l’entreprise et la complexité des questions traitées. L’entreprise
communique périodiquement à l’administration les modifications
importantes la concernant. L’équipe en charge de la relation de
confiance est ainsi amenée à éclairer l’entreprise sur ses choix fis-
caux et à apprécier l’importance des opérations qui permettront de
valider les obligations déclaratives suivantes.
Au début de la relation : l’entreprise et l’administration fiscale
déterminent le champ précis de la « revue » (en pratique les diffé-
rents éléments de déclaration fiscale qui intéressent l’entreprise et
qui couvrent l’ensemble des impositions gérées et recouvrées par

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Chapitre 14. - Les réformes de l’administration fiscale
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402 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

la DGFiP). Une convention fixe alors les droits et obligations de


l’administration et de l’entreprise. Sur ces bases, l’entreprise fournit
tous les éléments nécessaires à la compréhension de sa situation
par l’administration fiscale (justificatifs…) et qui constitueraient
la base de ses déclarations fiscales.
La « revue » : un dialogue s’engage alors entre l’administration
et l’entreprise : l’administration peut formuler toutes les questions
nécessaires à la compréhension de la situation de l’entreprise. La
démarche va porter prioritairement sur les principaux risques iden-
tifiés – par exemple les points sur lesquels elle a des incertitudes
sur les dispositions fiscales applicables. Tous les échanges sont
confidentiels et ne peuvent être utilisés dans le cadre d’un conten-
tieux ou d’une procédure ultérieure. L’entreprise peut interrompre
la relation à tout moment si elle le souhaite. La conclusion de la
« revue » : à la fin du processus, l’entreprise peut solliciter une prise
de position formelle de l’administration qui s’engage à la délivrer
dans les 3 mois, ou au plus tard à la fin de la revue.
397. La contrepartie de cette attitude bienveillante à l’égard
des contribuables de bonne foi est un ciblage plus strict et une
recherche encore plus active de la grande fraude. C’est ainsi
qu’est expérimenté depuis 2014 le dépistage des comportements
d’évitement fiscal par algorithmes à partir des données détenues
par l’administration (datamining) ou des informations rendues
publiques sur les réseaux sociaux (art. 153 de la loi de finances
pour 2020 et décret du 11 février 2021). Les systèmes informa-
tiques sont adaptés au traitement de masse de données : plate-
forme « Ciblage de la fraude et valorisation des requêtes » ; projet
de « lac de données ». En 2022, 50 % des contrôles devraient être
issus d’une programmation fondée sur le datamining. La loi de
finances pour 2017 du 29 décembre 2016 (13) a ouvert l’expéri-
mentation de la rémunération d’aviseurs fiscaux qui donne de
bons résultats (6 aviseurs ont permis le recouvrement de 110 mil-
liards d’euros entre 2017 et 2021).
398. Enfin, la lutte contre la fraude a été partiellement réo-
rientée vers la grande fraude internationale au moment même où,
dans le cadre du plan BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) de
l’OCDE et de nouvelles directives de l’Union européenne, de nou-
veaux dispositifs sont mis en place pour lutter contre les paradis

(13) Art. 109 de la loi n° 2016‑1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

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les réformes de l ’ administration fiscale 403

fiscaux et l’optimisation fiscale agressive : liste de paradis fiscaux


et de territoires non coopératifs, contrôle des prix de transfert,
obligation de reporting par pays pour les entreprises multinatio-
nales les plus importantes, élargissement de l’échange d’informa-
tions sur demande entre administrations fiscales, intensification
de l’échange automatique de données fiscales, coopération en
matière de contrôle… Les sommets du G7 et du G20 en 2021
ont acté les travaux de l’OCDE sur les nouvelles règles mondiales
concernant la fiscalité des entreprises qui devraient réduire consi-
dérablement l’intérêt des transferts de bénéfices dans les paradis
fiscaux : partage de l’assiette avec le pays où sont effectivement
réalisées les opérations et taux d’imposition minimum des mul-
tinationales de 15 % (voy. n° 421). L’administration commence
à traiter avec succès les données internationales reçues dans
le cadre de l’échange électronique d’informations ainsi que les
informations contenues dans les rapports pays par pays des très
grandes entreprises. En 2019, la DGFIP a reçu des informations,
provenant de 92 États et relatives à 4,8 millions de comptes à
l’étranger détenus par des contribuables français.
399. Les résultats sont encore mitigés. Les résultats du
contrôle fiscal exprimés en nombre de contrôles et en termes de
sommes supplémentaires effectivement encaissées n’ont guère
augmenté depuis 2015 sauf en 2019 (11 milliards d’euros). Moins
de 54.000 contrôles fiscaux ont été effectués en 2019. Le nombre
de contrôles sur place est en net recul. Mais, après les années
particulières marquées par les perturbations économiques dues
à la crise sanitaire, les nouvelles orientations devraient porter
leurs fruits : en 2021, les encaissements ont quasiment rattrapé
le niveau de 2019 (10,7 milliards d’euros).

Pour en savoir plus

Ouvrages

Aicardi M., Rapport sur l’amélioration des rapports entre le citoyen


et les administrations fiscales et douanières, Paris, La Documen-
tation française, 1986.
Bert Th., Mission 2003, construire ensemble le service public de
demain, Paris, La Documentation française, 2000.

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Boudet J.-F. et Cabannes X., Les finances publiques citoyennes,


Paris, LGDJ-Lextenso, 2013.
Bouvier M. (dir.), La nouvelle administration financière et fiscale,
Paris, LGDJ, 2011.
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nistration fiscale, Xe rapport, Paris, La Documentation fran-
çaise, 2002.
Conseil des prélèvements obligatoires, La fraude aux prélèvements
obligatoires et son contrôle, 2017.
Conseil des prélèvements obligatoires, Le baromètre des prélève-
ments obligatoires en France, 2021.
Cour des comptes, La DGFiP dix ans après la fusion, une trans-
formation à accélérer, juin 2018.
Cour des comptes, La fraude aux prélèvements obligatoires, 2019.
Djourhi M., L’évolution du contrôle fiscal depuis 1945 : aspects
juridiques et organisationnels, Paris, LGDJ, 2012.
Direction du budget, La lutte contre l’évasion fiscale et la fraude
en matière d’impositions de toute nature et de cotisations sociales,
Document de politique transversale annexé aux projets de lois
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Dubergé J., La psychologie sociale de l’impôt, Paris, LGDJ, 1991.
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ministration fiscale et les contribuables : une nouvelle approche,
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Chapitre 14. - Les réformes de l’administration fiscale
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Chapitre 15.
LES RÉFORMES FISCALES

400. Des réformes essentielles du système fiscal avaient eu


lieu au moment de l’institution de la Ve République (impôt sur
le revenu des personnes physiques en 1959) et dans le cadre de
la modernisation de l’économie (généralisation de la TVA en
1968). Le taux de prélèvements obligatoires (impôts et coti-
sations sociales) en France est l’un des plus élevé de l’OCDE.
Dans la période récente, il n’a pas été possible de le réduire au-
dessous de 44 % du PIB. On doit tenir compte qu’il sert à finan-
cer des services publics essentiels qui sont dans d’autres pays
à la charge directe des ménages et des entreprises. Les lois de
finances adaptent régulièrement le système fiscal à la conjoncture
économique et aux choix politiques du moment. Les réformes les
plus significatives d’après 1970 résultent du « perfectionnement »
des impôts existant par les gouvernements successifs aussi bien
pour les impôts d’État que pour les impôts locaux (section 1),
de la création d’impôts nouveaux (impôt sur la fortune, contri-
bution sociale généralisée, fiscalité environnementale, fiscalité
numérique) (section 2) ou des orientations globales de la politique
fiscale (section 3).

S ection 1. La complexité croissante du système fiscal

Les impôts existants n’ont pas cessé d’être adaptés aux circons-
tances, ce qui a engendré une complexité croissante qui confine à
l’impossibilité de comprendre ou de maîtriser le système fiscal. Ce
constat se vérifie pour les impôts de l’État (§ 1) et, plus encore,
au niveau des finances locales (§ 2).

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Chapitre 15. - Les réformes fiscales
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408 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

§ 1. Les impôts d’État


La TVA, l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés repré-
sentaient 90 % des recettes fiscales de l’État avant l’instauration
de la CSG. Leur cadre général est resté stable depuis 1970 mais
ils ont été notablement modifiés.

a) La TVA
401. La TVA est créée en 1954 et généralisée en 1968. Ces prin-
cipes n’ont pas été modifiés pendant toute la période, sous réserve
du régime de la TVA intra-européenne qui, depuis 1992, est
acquittée dans le pays d’origine et non dans le pays de consom-
mation des biens et services. Son rendement, indexé sur l’acti-
vité des entreprises, a considérablement augmenté pour en faire
la première ressource fiscale (de 108 milliards d’euros en 1983 à
153,8 milliards d’euros dans le PLF 2022). Le cadre législatif est
désormais harmonisé au niveau européen depuis la 6e directive de
1978 qui laisse une certaine marge de manœuvre aux États, par
exemple en matière de taux à l’intérieur de fourchettes prédé-
terminées. En 1970 les taux étaient les suivants : réduit 7,5 % ;
intermédiaire 17,6 % ; normal 23 % ; majoré 33,33 %. Le taux
majoré, sur les consommations dites de luxe, a été diminué jusque
22 % puis supprimé en 1992. Un taux super-réduit de 2,1 % a été
créé en 1992 sur certains produits de première nécessité (santé,
presse). Depuis 2014, les taux s’établissent ainsi : super-réduit
2,1 % ; réduit 5,5 % ; intermédiaire 10 % ; normal 20 %. Divers
groupes de pression tentent régulièrement d’obtenir le bénéfice de
taux réduits comme l’ont fait le bâtiment et les travaux publics et
la restauration. Le bilan de cet avantage fiscal décidé en 2019 est
très faible : les restaurateurs ont répercuté moins d’un quart de
la baisse de TVA sur les consommateurs et ont créé 6.000 emplois
sur les 20.000 annoncés (1). En 2012, un projet de TVA sociale,
qui consistait à augmenter la TVA pour financer la protection
sociale en remplacement de cotisations assises sur les salaires,
devait avoir pour effet de soutenir l’emploi en réduisant le coût
du travail et de stimuler l’activité des entreprises françaises en
pénalisant les importations. Il a été supprimé par le gouver-
nement d’après les élections présidentielles pour qui la justice

(1) Assemblée nationale, commission des finances, rapport d’information n° 337 relatif aux consé-
quences de la TVA dans la restauration, 30 octobre 2012.

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Chapitre 15. - Les réformes fiscales
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les réformes fiscales 409

fiscale passait plutôt par une augmentation des impôts directs.


Les règles de territorialité doivent évoluer pour tenir compte des
progrès des transactions électroniques transfrontalières. Depuis
2015, les transactions par internet sont taxées dans le pays de
l’acheteur et non dans celui du vendeur. Cette règle pourrait être
généralisée dans le cadre du « régime définitif » de la TVA euro-
péenne.
402. Depuis les années 2000, la TVA n’est plus exclusivement
un impôt d’État. En 2022, elle ne représente plus que 33 % des
recettes de l’État (102,1 milliards d’euros) car elle finance de
plus en plus la sécurité sociale (53,8 milliards d’euros en 2022)
et les collectivités locales (53,2 milliards d’euros dont 8 milliards
d’euros aux intercommunalités pour compenser la suppression
de la taxe d’habitation, 15 milliards d’euros aux départements
pour compenser le transfert de la taxe foncière aux communes,
9,8 milliards d’euros aux régions pour compenser la réduction
du taux de la CVAE qui s’ajoutent à 4,8 milliards d’euros pour
compenser la suppression de la DGF en 2008). En 2023, 10 mil-
liards d’euros supplémentaires seront affectés aux départements
et au bloc communal pour compenser la suppression de la CVAE.

2) L’impôt sur le revenu


403. L’impôt général sur le revenu a été créé en France en
1914, après un premier impôt sur les valeurs mobilières en 1872.
Il a été réformé et simplifié en 1948 puis en 1959 où un impôt
unique sur l’ensemble des revenus des personnes physiques est
créé. Après 1970, la structure générale de l’impôt reste stable
mais de très nombreuses modifications interviennent chaque
année, soit sur le barème progressif, soit sur l’assiette. Le rende-
ment de l’impôt en est affecté mais augmente depuis 2010. La
recette nette en 2022 est estimée à 86,8 milliards d’euros dans le
PLF 2023. Le nombre de tranches est progressivement réduit :
de 14 en 1975 à 5 en 2021. Le taux marginal resté longtemps
stable de 1946 à 1982 à 60 % est réduit jusqu’à 40 % en 2006 puis
relevé à 45 % en 2013. Le bas de barème fait l’objet d’adapta-
tions fréquentes (création puis suppression de la décote, tranche
à taux zéro, ristourne exceptionnelle) qui aboutissent à réduire le
nombre de contribuables effectifs (46 % des contribuables théo-
riques). Le régime des revenus de capitaux mobiliers et des plus-
values mobilières et immobilières oscille périodiquement entre

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Chapitre 15. - Les réformes fiscales
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410 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

une imposition forfaitaire proportionnelle et une application du


barème progressif avec des abattements pour réduire les doubles
impositions. Ainsi, les revenus de capitaux qui avaient été sou-
mis au barème sous François Hollande, « comme les revenus du
travail », ont été, en 2018, sortis de la somme des revenus impo-
sables et soumis à un prélèvement forfaitaire unique de 30 %
regroupant impôt sur le revenu et prélèvements sociaux. Malgré
quelques efforts de simplification, les règles d’assiette et de calcul
de l’impôt sont complexifiée par toutes sortes d’avantages par-
ticuliers, de réductions, d’abattements, de crédits d’impôts et
autres niches fiscales. Ces dispositifs dérogatoires sont justifiés
par des considérations historiques, sociales ou économiques
(demi-part pour les veuves, crédits d’impôts pour les services à
la personne, encouragement à l’investissement dans le logement
locatif, réductions pour les économies d’énergie ; inversement,
l’abattement de 20 % sur les salaires a été supprimé en 2006)
que les gouvernements successifs ne parviennent pas à limiter
sérieusement. La tranche à 75 % sur les très hauts revenus a été
une innovation très temporaire. Proposé par François Hollande
lors de la campagne présidentielle, le dispositif fut rejeté par le
Conseil constitutionnel faute de prendre en compte les revenus et
charges de famille et fut transformé en une taxation exception-
nelle et temporaire des employeurs versant des très hauts revenus
en 2012 et 2013. Le quotient familial, institué en 1945, est un
sujet de controverse périodique. Cette réduction d’impôt, qui a
pour seul objet de compenser les charges de famille, a été critiquée
car elle bénéficie davantage en valeur absolue aux familles ayant
des revenus élevés et ne contribue pas à la progressivité. Pour
cette raison, l’avantage a été progressivement plafonné dès 1974
avec une amplification en 1982 et 2012 mais sa suppression serait
probablement inconstitutionnelle. La conjugalisation (addition
des revenus du foyer divisés ensuite par le nombre de parts pour
atténuer la progressivité du barème) est aussi remise en cause
par ceux qui soutiennent que ce dispositif a pour effet indirect
de réduire l’autonomie financière des femmes en favorisant les
couples dont les revenus sont très inégaux. Une option pour l’im-
position individuelle est désormais possible. Une réforme d’enver-
gure a été proposée dans les années 2000 mais sans succès : la
fusion de l’impôt sur le revenu, impôt progressif, familiarisé, à
l’assiette complexe avec la contribution sociale généralisée, impôt
proportionnel, individuel, pesant sur tous les revenus. Bien que

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les réformes fiscales 411

complémentaires et portant sur la même assiette théorique, les


caractéristiques propres de chaque impôt rendaient très incer-
tains les bénéfices de la fusion (2). Le projet n’a donc pas été pour-
suivi. Une vraie simplification est intervenue en 2019 après des
années d’hésitation : le prélèvement à la source qui, sans éliminer
totalement les obligations déclaratives, simplifie le paiement de
l’impôt, permet des contrôles automatiques, rend possible des
ajustements en fonction des revenus réellement perçus, accélère
les réductions et crédits d’impôts, coordonne les dispositifs fis-
caux et sociaux, dispense même de déclaration les contribuables
dont la situation n’a pas changé d’une année sur l’autre.

3) L’impôt sur les sociétés


404. L’impôt sur les bénéfices des sociétés a été créé en 1948
au taux de 24 %, porté à 50 % en 1968. Il a été réduit progres-
sivement ensuite : 33,30 % en 1993 ; 28 % en 2020, 25 % au
1er janvier 2022. Un taux réduit de 15 % s’applique aux petites et
moyennes entreprises. L’IS rapportait 59 milliards d’euros (res-
source nette) en 2022. Les principales règles d’imposition ont peu
évolué. En revanche, de multiples taxes annexes portant princi-
palement sur les grandes entreprises se sont succédé : imposition
forfaitaire annuelle indépendante des bénéfices réalisés de 1973
à 2014 ; contribution à l’impôt sur les sociétés de 1995 à 2005 ;
contribution exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés de 2011 à
2016 ; contribution sociale à l’impôt sur les sociétés depuis 2000 ;
contribution sociale de solidarité des sociétés qu’il est envisagé
de supprimer dans le cadre de l’allègement des impôts de pro-
duction. En sens inverse, des réductions d’impôts importantes
viennent encourager des comportements vertueux notamment le
crédit d’impôt recherche institué par la loi de finances pour 1983
et réformé à plusieurs reprises et le crédit d’impôt compétitivité
emploi, réduction de charges sur les bas et moyens salaires crée
par une loi de finances rectificative pour 2012 et remplacé en 2019
par un allègement de charges sociales. Une certaine harmonisa-
tion de l’imposition des sociétés est envisagée au niveau européen
dans le cadre du projet d’assiette commune consolidée (ACCIS).
La lutte contre l’optimisation fiscale des multinationales est orga-
nisée au sein de l’OCDE et du G20 qui sont parvenus à un accord
international en 2021 sur une meilleure répartition territoriale des
(2) Conseil des prélèvements obligatoires, Impôt sur le revenu, CSG, quelles réformes ?, 2015.

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412 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

impositions en fonction de la réalité du marché et sur un taux


minimum de 15 % (voy. n° 421), mais il n’est pas encore entré
en application.

§ 2. Les finances locales


405. La question des finances locales n’est pas sans rapport
avec la décentralisation. L’autonomie financière est en effet un
des éléments fondamentaux de la libre administration des collec-
tivités territoriales. Jusque dans les années 1970, les collectivités
locales ont été maintenues sous une stricte tutelle financière. Les
budgets, les investissements et les emprunts des collectivités fai-
saient l’objet de contrôles a priori et étaient conditionnés par des
décisions des représentants directs ou indirects de l’État : préfets,
trésoriers payeurs généraux, directeurs de l’équipement, caisse
des dépôts et consignation. Dans les années 1970, une certaine
autonomie de gestion a été progressivement reconnue, notam-
ment par la globalisation des prêts et celle des subventions dont
le dispositif est rationnalisé par la création de la dotation globale
de fonctionnement en 1979. Les critiques persistantes des asso-
ciations d’élus contre l’excès de centralisme visaient notamment
ces aspects financiers. Les réformes de 1981 et les actes succes-
sifs de décentralisation ont peu à peu élargi les compétences et
l’autonomie de décision en matière de dépenses des collectivi-
tés. Toutefois, la nécessité de faire contribuer le secteur local à
l’effort de maîtrise des finances publiques a conduit à un retour
de l’encadrement de la dépense publique locale. Les transferts de
l’État se sont complexifiés. Ils sont devenus moins transparents et
ont été réduits par divers mécanismes de sous-indexations ou de
plafonnement. En 2014, le Président de la République François
Hollande annonce, en même temps qu’un « choc fiscal », un effort
de réduction de la dépense publique qui passe notamment par
une réduction sur plusieurs années de 50 milliards d’euros des
dotations de l’État aux collectivités locales. La réduction sera en
définitive moindre qu’annoncé mais les rapports entre l’État et
les collectivités sont devenus plus tendus. Le Président Macron a
tenté de mettre en œuvre une technique plus souple en garantis-
sant le maintien du niveau des dotations complété par un encadre-
ment contractuel. La loi de programmation des finances publiques
du 18 janvier 2018 fixe un objectif global d’évolution des dépenses
de fonctionnement des collectivités (ODEDEL) et institue des

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Chapitre 15. - Les réformes fiscales
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les réformes fiscales 413

contrats de maîtrise des dépenses de fonctionnement comportant


des objectifs de dépenses assortis de sanctions financières et des
cibles d’endettement (les « contrats de Cahors »). Ils ont été impo-
sés aux 322 collectivités les plus importantes. Cette régulation
forcée a été fort critiquée, les élus dénonçant des « contrats léo-
nins » ou des « lettres de cachet » notifiées par les préfets. Mais elle
a porté ses fruits : les dépenses de fonctionnement ont été conte-
nues. Lors de la crise sanitaire, bien que de multiples incidents
aient opposé des collectivités à l’État, celui-ci a bien couvert les
pertes de recettes et les dépenses supplémentaires des collectivités
par une suspension du dispositif d’encadrement et par diverses
aides évaluées pour 2020 à 10 milliards d’euros. Dans le cadre
de la discussion du projet de loi de programmation des finances
publiques 2023‑2027, le gouvernement avait envisagé de rétablir
un objectif de dépenses de fonctionnement (inflation -0,5 %) puis
y a renoncé devant l’hostilité des associations d’élus et du Sénat.
406. Cependant, la réduction de leur pouvoir fiscal a été la
principale source d’inquiétude des élus au cours de la période étu-
diée. L’évolution de la fiscalité locale n’a pas suivi le mouvement
émancipateur de la décentralisation. En 1970, la fiscalité directe
locale ressemble encore à celle qui est issue de la Révolution fran-
çaise. Les contributions mobilières, foncières et des patentes sont
des impôts de répartition calculés sur la base de centimes addi-
tionnels à des impôts d’État disparus (les « principaux fictifs »).
Leur assiette (principalement la valeur locative des terrains, des
immeubles et des équipements) est anti-économique et peu évo-
lutive. Les modes de calcul sont complexes et mal compris des
contribuables. La modernisation de ces « quatre vieilles » sera
très lente. Une ordonnance n° 59‑108 du 7 janvier 1959 a prévu
le remplacement de ces impôts par des taxes foncières sur les pro-
priétés bâties et sur les propriétés bâties, une taxe d’habitation
et une contribution des patentes sans que les mesures d’applica-
tion soient prises. Tant que les besoins de financement étaient
faibles, les impôts locaux restaient modérés mais, dès que le poids
de l’impôt local s’est élevé en fonction des nouveaux besoins et
des nouvelles compétences, l’archaïsme du système est devenu
insupportable et indéfendable. Les nouvelles taxes foncières
et taxes d’habitation prévues en 1959 ne seront effectivement
créées que par une loi du 31 décembre 1973 complétée par une
loi du 18 juillet 1974 qui prévoit une mise à jour régulière des

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414 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

valeurs locatives. La patente, au tarif complexe et générateur de


distorsions, est remplacée par la taxe professionnelle par la loi
n° 75‑618 du 29 juillet 1975. Son assiette repose sur des grandeurs
économiques (salaires, valeur des immobilisations) évolutives
mais qui pénalisent l’emploi et l’investissement. Les tentatives
d’adaptation de cette fiscalité (révision des valeurs locatives,
taxe complémentaire sur la valeur ajoutée, remplacement de la
valeur locative par la valeur vénale, taxe départementale sur le
revenu) n’aboutissent pas. La loi du 10 janvier 1980 organise le
vote direct des taux par les collectivités sous réserve d’un enca-
drement assez strict, ce qui accompagnera opportunément la
décentralisation de 1981. La révision des valeurs locatives de
1990 ne sera pas intégrée aux bases en raison des transferts de
charge entre catégories de contribuables. La part salariale de la
taxe professionnelle est supprimée progressivement entre 1999
et 2003. La loi de finances pour 2010 actera la suppression de la
taxe professionnelle remplacée par la contribution foncière des
entreprises, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises
et plusieurs autres taxes telles que l’imposition forfaitaire des
entreprises de réseau. L’architecture des recettes des collectivités
territoriales se complexifie : multiplication des taxes, systèmes
de péréquation, dotations de l’État en remplacement des impôts
supprimés, transfert d’impôt d’État (part de TVA aux régions,
part de droits de mutation à titre onéreux aux départements
et parts représentatives des frais de gestion). Ces impôts sont
répartis entre les différents niveaux de collectivités. Une révision
des valeurs locatives des locaux professionnels est intégrée dans
les bases à partir de 2017 alors que la révision des valeurs des
locaux d’habitation est reportée à 2026. La fiscalité indirecte
et la multitude de taxes diverses frappant telle ou telle activité
(taxes d’urbanisme, droits de mutation, taxe sur les remontées
mécaniques) sont tout aussi peu maîtrisables.
407. En 2018, les régions ont reçu une attribution de TVA en
compensation de leurs nouvelles compétences économiques, soit
au minimum 450 millions d’euros avec une garantie de progres-
sion de 3 %.
408. Devant la Conférence nationale des territoires en 2019,
Emmanuel Macron annonce une refonte de la fiscalité locale
comprenant la suppression progressive de la taxe d’habitation
pour 80 % des contribuables sans création d’impôt nouveau et le

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Chapitre 15. - Les réformes fiscales
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les réformes fiscales 415

transfert d’impôts d’État tels que la CSG. Sur la base des propo-
sitions de la mission Richard-Bur (3), la loi de finances pour 2020
acte la disparition totale de la taxe d’habitation sur les résidences
principales en 2023 et prévoit l’attribution aux communes de la
part départementale de la taxe foncière ainsi que des transferts
complémentaires d’une part de TVA aux départements et aux
communes.
409. En 2021, les régions étant particulièrement affectées
par la réduction des impôts de production portant principale-
ment sur la CVAE régionale ont reçu une nouvelle attribution
de TVA. Celle-ci devient en 2022 la première ressource des col-
lectivités locales (53,2 milliards d’euros) (voy. n° 402), ce qui
leur assure une ressource dynamique mais réduit encore leur
pouvoir fiscal.
410. Les réformes successives en matière de finances et de fis-
calité locale complexifient encore plus le dispositif mais ne par-
viennent pas à masquer la réduction de l’autonomie fiscale des
collectivités territoriales dont une part de ressources est progres-
sivement remplacée par des dotations de l’État. Selon le Conseil
constitutionnel, cette évolution n’est pas contraire au principe
de libre administration des collectivités territoriales, ni à celui de
leur autonomie financière posés par la révision constitutionnelle
du 28 mars 2003 et la loi organique du 29 juillet 2004 (4). Mais
elle offre moins de garanties aux collectivités et suscite les pro-
testations des associations d’élus. La Cour des comptes, dans un
rapport d’octobre 2022, souligne la complexité et l’illisibilité du
système de financement des collectivités territoriales. Elle sug-
gère de réserver la fiscalité locale au bloc communal, d’orienter
des financements solidaires vers les départements et de partager
des impôts économiques d’État avec les régions (5).

DOCUMENT n° 65 : Loi n° 80‑10 du 10 janvier 1980 portant


aménagement de la fiscalité directe locale
Article 2 -I – À partir de 1981, et sous réserve des dispositions de
l’article 3 de la présente loi, les conseils généraux, les conseils muni-
cipaux et les instances délibérantes des organismes de coopération

(3) Mission « Finances locales », rapport sur la refonte de la fiscalité locale, mai 2018.
(4) Décision n° 2009‑599DC du 29 décembre 2009.
(5) Cour des comptes, Les scénarios de financement des collectivités territoriales, octobre 2022.

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intercommunale dotés d’une fiscalité propre votent chaque année


les taux des taxes foncières, de la taxe d’habitation et de la taxe
professionnelle. Ils peuvent :
– soit faire varier dans une même proportion les taux des quatre
taxes appliqués l’année précédente ;
– soit faire varier librement entre eux les taux des quatre taxes,
sous la réserve que celui de la taxe professionnelle ne peut
excéder celui de l’année précédente corrigé de la variation du
taux moyen des trois autres taxes pondéré par l’importance
relative des bases de ces taxes pour l’année d’imposition.
Article 3 -I – À partir de 1981, les taux des taxes foncières, de
la taxe d’habitation et de la taxe professionnelle votés par une com-
mune ne peuvent excéder deux fois et demie le taux moyen constaté
l’année précédente pour la même taxe dans l’ensemble des communes
du département ou deux fois et demie le taux moyen constaté au
niveau national s’il est plus élevé.

DOCUMENT n° 66 : Conseil constitutionnel n° 2009‑599 DC du


29 décembre 2009
61. Considérant… qu’il ressort de la combinaison de ces dis-
positions que les recettes fiscales qui entrent dans la catégorie des
ressources propres des collectivités territoriales s’entendent, au
sens de l’article 72‑2 de la Constitution, du produit des imposi-
tions de toutes natures non seulement lorsque la loi autorise ces
collectivités à en fixer l’assiette, le taux ou le tarif, mais encore
lorsqu’elle en détermine, par collectivité, le taux ou une part locale
d’assiette ;
64. Considérant, enfin, qu’il ne résulte ni de l’article 72‑2 de la
Constitution ni d’aucune autre disposition constitutionnelle que les
collectivités territoriales bénéficient d’une autonomie fiscale ; que,
dès lors, le grief tiré de ce que les régions perdraient le pouvoir de
fixer le taux d’une de leurs ressources fiscales est inopérant ;
[…].

TÉMOIGNAGE n° 16 : quelques souvenirs fiscaux


J’ai pratiqué la fiscalité à trois reprises dans ma longue carrière :
comme inspecteur-élève puis inspecteur des impôts (1966‑1970),
comme conseiller au tribunal administratif de Paris (1977‑1981),
comme directeur régional des finances publiques (2008‑2014).

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les réformes fiscales 417

À l’école des impôts, fraîchement établie à Clermont-Ferrand, la


formation était totalement polyvalente : on apprenait, en plus de
la comptabilité, toute la législation sur tous les impôts !
J’ai connu les services des contributions directes et la création
des fiscalités d’entreprises en 1970 : on établissait des patentes sans
se préoccuper beaucoup d’appliquer un tarif complexe et désuet ;
on découvrait la TVA, pas encore tout à fait au point (un de mes
contribuables fabriquant des yaourts était lourdement pénalisé par
la règle du butoir modifiée en 1972), et on aidait les collègues venant
des contributions directes.
Au tribunal administratif et à la commission départementale des
impôts de Paris, j’ai connu de belles affaires contentieuses montrant
la complexité de la réglementation, la diversité de la fraude et la
nécessité d’encadrer les pouvoirs de l’administration.
Retrouvant les vérificateurs après 20 ans d’éloignement, je consta-
tais que les conditions d’exercice du métier avaient changé : très
individuel et artisanal dans les années 1970, beaucoup plus enca-
dré avec un bien meilleur ciblage du contrôle fiscal en 2010 du fait
du renforcement des droits des contribuables, de l’informatique, de
l’intervention de services spécialisés, d’une direction concentrée au
niveau interrégional.

Section 2. La création d ’ impôts nouveaux

La créativité fiscale n’a pas de limites. Des impôts nouveaux


ont été créés, notamment l’impôt sur la fortune et la contribution
sociale généralisée (§ 1). Par ailleurs, les contextes technique ou
international modifient considérablement les conditions de mise
en œuvre des impôts et appellent de nouvelles fiscalités, environ-
nementales, numériques ou internationales (§ 2).

§ 1. Les nouveaux impôts

a) L’impôt sur la fortune


411. L’instauration d’un impôt général sur la fortune est une
des principales innovations fiscales de la période. En France,
l’imposition du capital a toujours pris des formes diversifiées :
taxation de la valeur locative des immeubles aux taxes foncières,
imposition des plus-values de cession selon des règles particulières,

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imposition des revenus de capitaux mobiliers à l’impôt sur


le revenu selon des règles dérogeant au barème général, droit
d’enregistrement sur les mutations à titre onéreux, droits sur
les successions et les donations. Ce système est complexe en rai-
son de la superposition d’impôts et des nombreuses dispositions
dérogatoires en matière d’assiette et de taux. Son rendement
est faible en comparaison de pays étranger et il est difficile d’en
apprécier l’équité alors que les inégalités des patrimoines sont
plus fortes que les inégalités de revenus et que leur concentration
au sein des familles aisées s’accroit. Des suggestions de simplifi-
cation, de réduction ou d’augmentation n’ont pas manqué. En
outre, la déclaration des patrimoines peut faciliter le contrôle
des sources de revenus. C’est pourquoi est née l’idée d’un impôt
général sur le patrimoine, à taux modéré, faiblement progressif
avec une assiette la plus large possible. L’impôt sur les grandes
fortunes (IGF) est ainsi inscrit au programme de la gauche pour
les élections présidentielles de 1981 et a été organisé par la loi de
finances du 30 décembre 1981 (6). Malgré un seuil élevé (1.300.000
euros), des exonérations assez larges de l’outil de travail et des
œuvres d’art et des taux modérés (barème de six tranches de 0,5
à 1,5 % de la valeur nette du patrimoine), l’IGF est le symbole
d’une mesure idéologique. On l’accuse de décourager l’initiative
des entrepreneurs et de provoquer l’exil fiscal des plus fortunés.
Il sera donc supprimé en 1987 par le gouvernement de Jacques
Chirac et rétabli par le gouvernement de Michel Rocard en 1989
sous le nom d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Pour éviter
les accusations d’imposition confiscatoire à l’égard des personnes
disposant d’un patrimoine hérité important mais de peu de reve-
nus, un « bouclier fiscal » plafonnant le montant de l’IGF en fonc-
tion des revenus est institué : la somme de l’IGF et de l’ensemble
des impôts sur le revenu ne doit pas dépasser 75 % du revenu net
annuel. De nouvelles exonérations sont décidées. Cet impôt est
ainsi complexifié et son rendement amoindri mais les gouverne-
ments successifs n’osent plus le retoucher… jusqu’à Emmanuel
Macron qui, dans le cadre de sa réforme fiscale de 2018, substi-
tuera à l’IGF un impôt sur la seule fortune immobilière (IFI)
dans le but de favoriser les investissements dans les entreprises
avec, pour l’essentiel, les mêmes règles de calcul mais un rende-
ment qui passe de 5,1 milliards d’euros à 2,1 milliards d’euros

(6) Loi n° 81‑1160 du 30 décembre 1981 de finances pour 1982, art. 2 et s.

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les réformes fiscales 419

et un nombre de contribuables réduit de 358.000 à139.000. La


question des droits de succession, allégés sous la présidence de
Nicolas Sarkozy et relevés par François Hollande, a été à nou-
veau soulevée lors de la campagne présidentielle de 2022 avec les
idées d’alléger les droits pour les héritages « moyens », d’inciter
davantage aux donations, de calculer l’assiette en tenant compte
de l’ensemble des héritages reçus par une personne, et d’augmen-
ter la progressivité du barème.

b) La CSG
412. La création de la contribution sociale généralisée (CSG),
par la loi n° 90‑1168 de finances pour 1991 (7), va contribuer à
bouleverser le financement de la protection sociale. Elle répond
initialement à la volonté d’en élargir la base. À l’origine, assu-
rance professionnelle pour les travailleurs en activité, la protec-
tion sociale devient de plus en plus universelle et le besoin de
financement augmente. Il est donc envisagé de remplacer une
partie des cotisations calculées sur les revenus du travail par un
prélèvement assis sur l’ensemble des revenus quelle qu’en soit
l’origine. Selon Michel Rocard, le Premier ministre de l’époque,
cette nouvelle ressource doit financer des prestations « non contri-
butives » qui ne relèvent pas d’un système d’assurance, telles que
les allocations familiales et elle doit être d’un niveau modéré pour
ne pas augmenter le volume total des prélèvements obligatoires.
Cette nouvelle contribution, affectée spécialement au finance-
ment de la protection sociale, est traitée par le droit européen
comme une cotisation sociale mais peut être aussi assimilée à un
impôt général sur les revenus. À l’origine, il est proportionnel
et d’un taux modéré de 1,1 %. Il est d’autant mieux accepté
qu’il est relativement discret puisque prélevé par les tiers pour
l’essentiel (employeurs, organismes de retraite, caisse de sécurité
sociale, banques…). Au cours des années, l’impôt s’est complexi-
fié et alourdi. On distingue aujourd’hui une contribution sur les
revenus d’activité et de remplacement, une contribution sur les
revenus du patrimoine, une contribution sur les produits de pla-
cement et une contribution sur les jeux. Son produit est passé
de 4,6 milliards d’euros en 1991 à 120 milliards d’euros en 2019,
soit plus que l’impôt sur le revenu. Son assiette a été élargie à
certains revenus de remplacement ou du patrimoine non visés à
(7) Loi n° 90‑1168 du 29 décembre 1990 de finances pour 1991, art. 127 et s.

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420 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

l’origine. En 2019, on comptait plusieurs taux différenciés (7,5 %


sur les revenus d’activité) dont certains sont progressifs (ex. 0 %,
3,8 % et 6,6 % sur les retraites et les allocations de chômage).
Ces augmentations ont parfois compensé des allègements de coti-
sations et, d’autres fois, ont été ajoutées aux autres recettes, y
compris pour financer des prestations contributives (assurance
maladie, Cades). Elle représente aujourd’hui 26 % des recettes
des régimes obligatoires de sécurité sociale. Une part, différente
selon la nature des revenus taxés, est déductible de ceux-ci. Enfin
une contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS)
y a été ajoutée par l’ordonnance n° 96‑50 du 24 janvier 1996
à un taux de 0,5 % pour financer la caisse d’amortissement de
la dette sociale (Cades) qui a été prolongée jusqu’en 2033 alors
qu’elle devait s’éteindre en 2024. Conformément à l’esprit initial,
le Gouvernement a décidé en 2019 de supprimer la part salariale
des cotisations sociales d’assurance maladie et d’assurance chô-
mage et de compenser cet allègement par une augmentation de
la CSG de 1,7 % (soit 9,2 % pour les revenus d’activité). Cette
substitution était favorable à l’ensemble des salariés du secteur
privé mais pénalisait ceux qui ne bénéficiaient pas des allège-
ments de cotisations : retraités et fonctionnaires notamment.
Il s’est ensuivi une série de correctifs qui ont eu pour effet de
compliquer encore la CSG (les retraites de moins de 2.000 euros
ont été dispensées d’augmentation). Cette complexité empêche
de réaliser une intéressante réforme envisagée par des écono-
mistes (8) : la fusion de l’impôt sur le revenu et celle de la CSG.
Ces deux prélèvements obligatoires sur l’ensemble des revenus
présentent en effet des avantages complémentaires (un impôt
progressif, familiarisé et différencié selon les catégories de revenus
et un prélèvement proportionnel individuel sur l’ensemble des
revenus) mais ils sont difficilement superposables, bien que le pré-
lèvement à la source de l’impôt sur le revenu les ait rapprochés.

(8) C. Landais, Th. Piketty et E. Saerz, Pour une révolution fiscale, Paris, Seuil, 2011.

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les réformes fiscales 421

§ 2. Une fiscalité nouvelle

a) La fiscalité environnementale
413. La définition de la fiscalité environnementale a évolué
et elle est encore incertaine. Selon une conception large, cette
expression recouvre tous les impôts et taxes calculées sur la base
d’un indice qui a une incidence sur l’environnement : volume de
déchets, consommation d’énergie… Selon une conception plus
étroite, appelée « fiscalité écologique », ne sont pris en compte que
les impôts qui ont pour objet ou pour effet d’influencer les com-
portements relatifs à l’environnement. Une définition encore plus
rigoureuse ne retient que la fiscalité incitative qui a pour objet
d’augmenter le coût des activités nuisibles à l’environnement en
application du principe pollueur-payeur. Eurostat retient une
définition intermédiaire : les impôts dont l’assiette est constituée
par une nuisance environnementale. La plupart des statistiques
ajoutent aux impôts et taxes les redevances pour services ren-
dus et les dépenses fiscales qui répondent à ces critères. Il reste
d’importantes questions de délimitation. Ainsi des impôts anciens
comme la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, calculée
comme la taxe foncière, n’est pas une taxe écologique mais la
redevance pour enlèvement des ordures ménagères, quand elle
est calculée par rapport au volume des déchets, en est une. La
taxe intérieure de consommation de produits pétroliers (TICP,
ancienne TIPP) est la plus importante des taxes environnemen-
tales (entre 20 et 30 milliards d’euros de produit par an) mais
c’est avant tout une taxe de rendement qui est rarement gérée
en fonction d’objectifs écologiques.
414. Après la redevance des agences de l’eau créée en 1964, une
fiscalité écologique en France se développe dans les années 1990.
Elle est estimée à 50,4 milliards d’euros en 2020, soit 2,19 % du
PIB et 5 % des prélèvements obligatoires, ce qui est inférieur à
la moyenne de l’OCDE. Aux taxes sur la consommation de car-
burants, de gaz et d’électricité, il faut ajouter les diverses taxes
sur les transports, les taxes sur les déchets incluses dans la taxe
générale sur les activités polluantes (TGAP) et les redevances de
bassin. Les niches fiscales sont plutôt défavorables à l’environ-
nement puisque les plus importantes d’entre elles visent à allé-
ger le poids des taxes environnementales sur certaines activités
(agriculture, transports).

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415. Bien qu’elle semble devenue indispensable à la suite de la


prise de conscience environnementale, la fiscalité incitative n’a
jamais trouvé sa place au sein du système français. Les objec-
tifs en sont discutés : le « double dividende » qui résulterait de
la pénalisation des comportements nuisibles et des capacités de
financement supplémentaire est contesté ; la distinction entre
fiscalité de rendement et fiscalité incitative est peu claire ; cette
fiscalité s’ajoute à une pression fiscale déjà très forte ; elle péna-
lise aveuglément certains secteurs économiques (l’industrie) ou
certaines catégories sociales (les automobilistes qui ne sont pas
tous riches) ; le succès éventuel de cette fiscalité se traduirait
à terme par sa disparition, ce qui est contradictoire ; en outre,
cette fiscalité, fondée sur un principe de discrimination selon les
comportements, heurte certains principes traditionnels du droit
fiscal notamment l’égalité entre les contribuables ou la neutralité.
416. C’est pourquoi, les projets de fiscalité écologique les plus
évolués ont connu de graves échecs en France. Les impositions
du carbone destinées à lutter contre les émissions de gaz à effets
de serre ont été rejetées deux fois par le Conseil constitutionnel
(en 2000 et en 2009) pour incohérence du dispositif : la taxation
de l’électricité une première fois (décision du 28 décembre 2000)
et les exonérations trop larges des secteurs industriels en 2009
(décision du 29 décembre 2009) (9).
417. L’échec de la création d’une écotaxe poids lourds mérite
quelque attention sur le plan de la conception et de la gestion des
réformes (10). L’objectif poursuivi en 2012 est l’application du
principe « pollueur-payeur » aux transports routiers de marchan-
dises. Un projet très perfectionné a été élaboré et sa mise en œuvre
devait être résolument « moderne » : le calcul de l’impôt serait
effectué automatiquement à partir des données recueillies par
des capteurs placés sur des portiques implantés sur les principaux
axes routiers (à l’exclusion des autoroutes) et interprétant les
informations enregistrées par des boîtiers fixés dans les camions.
La construction et la gestion de ce dispositif devaient faire l’objet
d’une concession à un opérateur privé chargé des infrastructures
et du recouvrement de l’impôt ; le contrôle de l’ensemble étant
confié à l’administration des douanes. L’automatisation autorisait

(9) Décisions n° 2000‑441 du 28 décembre 2000 et n° 2009‑599 du 29 décembre 2009.


(10) M. Le Clainche, « L’écotaxe poids lourds en France (2007‑2017), l’échec d’une innovation
fiscale », GFP, n° 2, 2019, p. 98.

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les réformes fiscales 423

un raffinement dans le calcul de l’impôt qui dépendait de nom-


breux facteurs : poids du camion, marchandises transportées,
kilométrage… La préparation de la réforme a été menée avec
soin : vote des lois nécessaires, concertation avec les syndicats de
transporteurs routiers, marchés pour la sous-traitance… Ce n’est
qu’au moment de la mise en œuvre concrète de la réforme qu’une
réaction violente est apparue en Bretagne, région directement
touchée par les augmentations du coût des transports générées
par la nouvelle taxe en raison de sa situation géographique et de
sa faible industrialisation. De véritables émeutes opposèrent les
« bonnets rouges » (dénomination rappelant une révolte fiscale du
XVIIe siècle) aux forces de l’ordre. Peu à peu, la revendication
fiscale s’est muée en revendication identitaire spécifiquement
bretonne. Des amendements au dispositif furent proposés mais
jugés insuffisants et le projet a dû être abandonné.
418. Une résurgence de la révolte fiscale est réapparue en 2018
lorsque le gouvernement a voulu procéder à un réalignement de la
fiscalité sur les produits pétroliers en poursuivant plusieurs objec-
tifs environnementaux parfaitement légitimes : inciter les usagers
à emprunter davantage les transports en commun, ne plus avan-
tager les moteurs diesel par rapport à l’essence, réduire divers
avantages fiscaux bénéficiant aux énergies fossiles. Ce projet a
été à l’origine de la révolte des « Gilets jaunes » qui ont fait valoir
que cette surtaxation, aussi rationnelle soit-elle, désavantageait
les ménages modestes et les ruraux qui ne disposaient pas d’alter-
natives à l’usage d’automobiles relativement bon marché mais
polluantes (diesel, voitures d’occasion) (11). Comme celles des
« bonnets rouges », les revendications se sont élargies et ont pris
une dimension sociologique : celle de la crainte d’un déclassement
de la « France périphérique ». Dans les deux cas, des réformes
fiscales parfaitement rationnelles ont été conduites d’une manière
exclusivement technique et se sont heurtées à la complexité des
situations et à des aspects symboliques et sociologiques. L’essor
de la fiscalité environnementale a été durablement freiné par ces
deux échecs.
419. Désormais, une nouvelle taxe écologique ne pourra être
acceptée que si les objectifs en sont définis de manière claire
et transparente, que si elle ne vient pas s’ajouter à la masse

(11) M. Le Clainche, « Les décisions financières et fiscales de crise : le cas des crises sociales »,
GFP, n° 1, 2022, p. 43.

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424 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

des impositions existantes, que si son produit est clairement


affecté à des dépenses environnementales, que si les catégories
économiques ou sociales injustement pénalisées reçoivent des
aides compensatrices. Dans ces conditions, on peut penser que
les impôts indirects écologiques sont condamnés à rester margi-
naux et que d’autres sources de financement des investissements
nécessaires à la transition écologique doivent être recherchées,
par exemple par l’affectation d’impôts sur les revenus ou sur les
patrimoines élevés ou par la création d’un impôt local sur les
pollutions. En outre, il est probable que la question de la fisca-
lité écologique ne pourra être reprise qu’au niveau européen où
elle compléterait le système actuel des quotas d’émission. Ainsi
le principe d’une taxe carbone aux frontières de l’Union a été
adopté fin 2022.

b) La fiscalité des transactions numériques et des multinationales


420. Une taxe sur les transactions financières a été créée par
l’article 5 de la loi n° 2012‑354 de finances rectificative pour 2012
afin d’imposer les achats d’actions de sociétés dont la capitalisa-
tion boursière est supérieure à 1 milliard d’euros. Elle est inspirée
du projet de Taxe Tobin soutenu par de nombreuses organisa-
tions non gouvernementales. Mais son champ d’application, son
taux, et donc son rendement, sont limitées (environ 1,5 milliard
d’euros).
421. Par ailleurs, le Parlement a adopté définitivement la loi
portant création d’une taxe sur les services numériques (Loi
du 24 juillet 2019 (12)). Cette taxe dite « GAFA » (pour Google,
Apple, Facebook et Amazon) devait rapporter 400 millions
d’euros au titre de 2019, puis 550 millions d’euros pour 2020
et 650 millions d’euros pour 2021. Ce texte fait de la France
l’un des premiers États à imposer le chiffre d’affaires des géants
du numérique. Elle concerne les entreprises qui réalisent un
chiffre d’affaires sur leurs activités numériques de plus de
750 millions d’euros dans le monde, dont 25 millions d’euros
pouvant être rattachés à des utilisateurs localisés en France.
Elle impose ces entreprises à hauteur de 3 % du chiffre d’af-
faires réalisé en France, notamment sur la publicité ciblée en
ligne, la vente de données à des fins publicitaires et la mise en

(12) Loi n° 2019‑759 du 24 juillet 2019.

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les réformes fiscales 425

relation des internautes par les plateformes. Ce texte législa-


tif, solution unilatérale à la française, a vocation à n’être que
temporaire, dans l’attente d’un aboutissement de négociations
internationales. Le Gouvernement a suspendu le versement de
certains acomptes et s’est engagé à retirer sa taxe GAFA en
cas d’accord au sein de l’OCDE et à rembourser le trop-perçu
aux entreprises assujetties. Un accord international étant inter-
venu en 2021 sur une imposition minimale et sur une meilleure
localisation des recettes en fonction du lieu de consommation
effective des services des multinationales, la taxe française a
vocation à disparaître au profit d’un dispositif plus large. Cette
très importante réforme est en voie de concrétisation, au moins
à l’échelle européenne puisque les 27 pays membres sont par-
venus le 15 décembre 2022 à un accord unanime sur un taux
minimum de l’IS à 15 % sur les bénéfices des multinationales,
applicable au 31 décembre 2023 (13).

DOCUMENT n° 67 : Un accord pour réformer la fiscalité inter-


nationale. Communiqué de l’OCDE du 8 octobre 2021
Après des années d’intenses négociations dans le but d’adap-
ter les règles fiscales internationales aux réalités du XXIe siècle,
136 juridictions (sur les 140 membres que compte le Cadre inclu-
sif OCDE/G20 sur le BEPS) ont adhéré à la Déclaration sur la
Solution reposant sur deux piliers pour résoudre les défis fiscaux
soulevés par la numérisation de l’économie. Cette Déclaration actua-
lise et finalise l’accord politique conclu en juillet par les membres
du Cadre inclusif visant à réformer en profondeur les règles fiscales
internationales.
La solution reposant sur deux piliers sera présentée en amont
de la réunion des ministres des Finances du G20 à Washington le
13 octobre, puis au Sommet des dirigeants du G20 qui se tiendra
à Rome fin octobre.
L’accord sur l’impôt mondial minimum n’a pas pour objectif
de mettre fin à la concurrence fiscale, mais d’y poser des limites
convenues multilatéralement. Il permettra aux pays de dégager
chaque année environ 150 milliards USD de recettes supplémen-
taires.

(13) P. Saint-Amans, « Innover dans la lutte contre l’optimisation fiscale, une solution à deux
piliers pour réformer la fiscalité internationale », in A. Baudu, X. Cabannes et M. Le Clainche,
Le renouveau des finances publiques nationales, RFAP, n° 182, 2022.

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426 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Le Pilier un garantira une répartition plus équitable entre les pays


des bénéfices et des droits d’imposition concernant les entreprises
multinationales les plus grandes et les plus rentables. Il permettra
de réattribuer une partie des droits d’imposition sur les EMN de
leurs pays d’origine aux marchés dans lesquels elles exercent des
activités commerciales et réalisent des bénéfices, qu’elles y aient ou
non une présence physique. Plus précisément, les entreprises mul-
tinationales dont le chiffre d’affaires mondial dépasse 20 milliards
EUR et dont la rentabilité est supérieure à 10 % – qui peuvent être
considérées comme les grandes gagnantes de la mondialisation –
seront couvertes par les nouvelles règles, et 25 % des bénéfices au-
delà du seuil de 10 % seront réattribués aux juridictions du marché.
Des droits d’imposition sur plus de 125 milliards USD de béné-
fices devraient ainsi, au titre du Pilier Un, être réattribués chaque
année aux juridictions du marché. Les pays en développement
devraient bénéficier d’un surcroît de recettes supérieur à celui des
économies plus avancées, en proportion des recettes existantes.
Le Pilier deux introduit un impôt mondial minimum sur les socié-
tés, dont le taux a été fixé à 15 %. Ce nouveau taux d’imposition
minimum s’appliquera aux entreprises qui réalisent un chiffre
d’affaires d’au moins 750 millions EUR et devrait générer chaque
année environ 150 milliards USD de recettes fiscales supplémen-
taires à l’échelle mondiale. D’autres avantages découleront de la
stabilisation du système fiscal international et de l’amélioration de
la sécurité juridique en matière fiscale pour les contribuables comme
pour les administrations fiscales.
Le numérique a justifié d’autres réformes fiscales, par exemple
les obligations déclaratives imposées aux plateformes de services
afin d’imposer les professionnels de la location meublée.

S ection 3. L es politiques fiscales

422. Les politiques fiscales, agencement de l’ensemble des


prélèvements obligatoires à un moment donné, ne peuvent être
véritablement qualifiées de « réformes financières » mais elles en
constituent le contexte tout au long de la période étudiée. Elles ont
évidemment varié en fonction des objectifs politiques, économiques
et sociaux poursuivis par les gouvernements. Le clivage entre la
droite et la gauche a longtemps perduré. D’un côté une conception

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les réformes fiscales 427

plutôt libérale, hostile aux prélèvements obligatoires, préférant les


impôts proportionnels et indirects, ménageant les entreprises et les
investisseurs ; de l’autre, une conception plus étatiste, justifiant des
taux élevés, attachée à des impôts progressifs sur les revenus ou sur
le capital, n’hésitant pas à taxer les hauts revenus et les grandes
entreprises. En réalité, d’autres éléments participent à la détermi-
nation des politiques fiscales. Ainsi, la construction européenne,
avec le grand marché intérieur, la progression vers la monnaie
unique puis l’encadrement des politiques budgétaires des États, a
imposé des politiques de « sérieux » voire d’assainissement budgé-
taire aux gouvernements de droite comme de gauche (par exemple
entre 2011 et 2013 à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy et au
début du mandat de François Hollande). Les crises économiques
(1973) ou financières (2008 ; 2010) ou sanitaires (2020) ont nécessité
des politiques de soutien aux entreprises et aux ménages qui ont
fait augmenter la dette publique avec une certaine continuité. La
lutte contre l’inflation et la nécessité de contenir la dette ont dicté
une augmentation quasi continue des prélèvements obligatoires
malgré les affichages de réductions d’impôt.

§ 1. Les politiques fiscales entre 1970 et 2012


423. La politique fiscale des gouvernements sous la présidence
de Georges Pompidou (1970‑1974) s’inscrit dans le contexte des
conséquences des accords de Grenelle en mai 1968, des dernières
« trente glorieuses », de la modernisation de l’économie et de la
relance de la politique européenne. On lui doit la garantie contre
les changements de doctrine de l’administration, les centres de
gestion agréés et le Conseil des impôts.
La politique fiscale de Valéry Giscard d’Estaing (1974‑1981),
qui accompagnait une politique économique néo-libérale mais
aussi la crise pétrolière, a été caractérisée par une hausse de l’im-
position des hauts revenus, des plus-values et des successions,
notamment dans le cadre de la politique de rigueur conduite
par le Premier ministre Raymond Barre. Elle s’est traduite par
une hausse significative des prélèvements obligatoires (33,5 %
à 39 %). La modernisation de la fiscalité locale est amorcée en
1975 avec la suppression de la patente.
La politique fiscale sous François Mitterrand (1981‑1995) fut
originale par la création de l’impôt sur les grandes fortunes en
1982, sa suppression en 1986 et son rétablissement en impôt de

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solidarité sur la fortune en 1989 et par la création de la CSG.


Pour le reste, une grande continuité s’impose sous la pression des
contraintes européennes : baisse des impôts sur les entreprises
(le taux de l’impôt sur les sociétés est ramené de 40 à 33,3 %) et
allègement de la taxation de l’épargne, notamment par Pierre
Bérégovoy. Au total, les prélèvements obligatoires sont plutôt
stables autour de 40 % du PIB.
Jacques Chirac (1995‑2007) commence par augmenter les
impôts (taux de TVA, suppression de niches fiscales), puis, dès
1996, pratique une politique d’allègements : baisse de l’impôt
sur le revenu, bouclier fiscal, baisse des droits de succession, ce
qui n’empêche pas une légère augmentation de la pression fiscale
globale.
La politique fiscale des gouvernements de Nicolas Sarkozy
(2007‑2012) traduit dans un premier temps son mot d’ordre
« travailler plus pour gagner plus », notamment par la loi TEPA
d’août 2017 (14) : défiscalisation des heures supplémentaires,
allègement des droits de succession et de donation, allègement de
l’impôt général sur la fortune, déduction des intérêts d’emprunts
immobiliers. La baisse de la TVA dans la restauration peut être
partiellement rattachée à cette orientation. Dans la deuxième
partie du mandat, la crise financière et la hausse considérable de
l’endettement conduira à envisager des hausses d’impôts : taux
de TVA à 7 % ; augmentation de la taxation des plus-values et
des revenus du capital et à concevoir le projet de TVA sociale
pour alléger les charges sur les entreprises.
Les politiques fiscales suivies sous les deux derniers présidents
de la République présentent les mêmes caractéristiques : des poli-
tiques qui s’adaptent en cours de mandat et qui mélangent ori-
ginalité politique proclamée et continuité économique assumée.

§ 2. La politique fiscale de François Hollande


424. La politique fiscale de François Hollande connaît deux
phases. En 2012, le « choc fiscal » est destiné à ramener le déficit
public au-dessous des 3 % prescrits par les règles européennes
et à renforcer la progressivité du système fiscal (maintien du gel
de l’actualisation du barème de l’impôt sur le revenu, taxation

(14) Loi n° 2007‑1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat
(TEPA).

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les réformes fiscales 429

à 75 % des revenus les plus élevés, alignement de l’imposition


des revenus du capital et du travail, rétablissement du barème
de l’ISF, remise en cause des allègements de droits de succession
et de donation, remise en cause de la TVA sociale). Dès 2013,
l’accent est mis sur la compétitivité des entreprises avec la créa-
tion du crédit d’impôt compétitivité-emploi qui allège les charges
salariales des entreprises de plus de 10 milliards d’euros par an et
par la programmation d’une réduction de l’impôt sur les sociétés.
À partir de 2014, l’impôt sur le revenu des foyers modestes et des
classes moyennes est allégé (décote, ristourne exceptionnelle). Au
total, pendant le quinquennat, les ménages supportent 43,9 mil-
liards d’euros d’impôts supplémentaires et les entreprises voient
leurs charges réduites de 11,1 milliards d’euros. En août 2013,
le ministre des Finances, Pierre Moscovici, évoque lui-même le
« ras-le-bol fiscal » des Français.

§ 3. La politique fiscale d’Emmanuel Macron


425. Au nom d’une meilleure reconnaissance du travail et
d’un soutien à la compétitivité des entreprises, le quinquennat
d’Emmanuel Macron est marqué par une baisse sensible des pré-
lèvements obligatoires, sur les ménages et sur les entreprises,
estimée à 44 milliards d’euros. La loi de finances pour 2018 a
introduit diverses réformes fiscales importantes qui avaient été
annoncées dans le programme du candidat à la présidence de la
République. Pour les ménages : prélèvement forfaitaire unique
de 30 % sur les revenus de capitaux mobiliers et les plus-values
alors que François Hollande avait soumis les revenus financiers
au barème de l’impôt sur le revenu sans abattement ; rempla-
cement de l’impôt de solidarité sur la fortune par l’impôt sur la
fortune immobilière (15) ; dégrèvement de la taxe d’habitation
sur la résidence principale sous condition de revenus pour 80 %
des ménages avec une première tranche en 2018 (la suppression
totale de la taxe sur l’habitation principale en 2023 a été décidée
en 2020) ; transfert des cotisations salariales d’assurance mala-
die et d’assurance chômage sur la CSG ; convergence des prix de
l’essence et du diesel par augmentation différenciée de la taxe
intérieure sur la consommation de produits énergétiques. Pour

(15) Une évaluation de ces mesures par France Stratégie parue en octobre 2022 indique qu’elles
ne semblent pas avoir eu l’effet attendu d’augmentation des investissements dans les entreprises.
En revanche, elles ont induit une augmentation des dividendes et une diminution de l’exil fiscal.

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430 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

les entreprises : poursuite de la baisse de l’impôt sur les sociétés


à 25 % en 2022 avec une trajectoire différenciée selon la taille
des entreprises, puis transformation du CICE créé en 2014 en
réduction de charges sociales sur les bas et moyens salaires pour
réduire les charges des entreprises. À l’exception de la fiscalité
environnementale qui a déclenché la révolte des Gilets jaunes,
ces réformes ont été maintenues malgré diverses contestations.
Après la crise sanitaire, le gouvernement n’a pas souhaité revenir
sur les allègements d’impôts décidés précédemment et a refusé
l’instauration de prélèvements nouveaux ou exceptionnels pour
alléger la dette publique et accélérer le retour à un meilleur équi-
libre des finances publiques après l’augmentation des dépenses
dues au « quoiqu’il en coûte ». Il a, au contraire, amorcé dans la
loi de finances pour 2021 une baisse des impôts de production de
10 milliards d’euros (contribution sur la valeur ajoutée des entre-
prises et contribution foncière des entreprises) pour favoriser la
reprise de l’activité économique. Il a de même refusé en 2022 une
taxation des « super-profits » résultant des conséquences de la
guerre en Ukraine et de la reprise de l’inflation en souhaitant une
décision européenne sur ce point et il a maintenu la disparition
totale de la CVAE en l’étalant sur deux ans (16).

Pour en savoir plus

Ouvrages

Bouvier M., L’impôt sans le citoyen ?, Paris, LGDJ-Lextenso,


2019.
Bouvier M., Les finances locales, Paris, LGDJ, 2005.
Caruana N., La fiscalité environnementale, Paris, L’Harmattan,
2015.
Caudal S., La fiscalité de l’environnement, Paris, LGDJ, 2014.
Conseil des impôts, La TVA, 2011.
Conseil des impôts, Fiscalité et environnement, 2015.

(16) Toutefois, la loi n° 2022‑1720 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 (art. 40) prévoit
une contribution des entreprises du secteur des énergies fossiles de 33 % sur les profits supérieurs
de 20 % à la moyenne des années précédentes. L’article 55 de la même loi organise la suppression
de la CVAE (dont le taux avait été divisé par deux en 2021) sur les exercices 2023 et 2024.

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les réformes fiscales 431

Conseil des prélèvements obligatoires, Impôt sur le revenu, CSG,


quelles réformes ?, 2015.
Conseil des prélèvements obligatoires, La taxe à la valeur ajoutée,
2015.
Conseil des prélèvements obligatoires, Adapter l’impôt sur les
sociétés à une économie ouverte, 2017.
Conseil des prélèvements obligatoires, Les prélèvements obliga-
toires sur le capital des ménages, 2018.
Conseil des prélèvements obligatoires, La taxe sur les transactions
financières et sa gestion, 2018.
Conseil des prélèvements obligatoires, Adapter la fiscalité des
entreprises à une économie mondiale numérique, 2020.
Conseil des prélèvements obligatoires, Quel taux pour l’impôt sur
les sociétés en France ?, 2021.
Cour des comptes, Les scénarios de financement des collectivités
territoriales, octobre 2012.
Dao C., La fiscalité environnementale unifiée. Une solution struc-
turelle à l’urgence écologique et climatique, Bruxelles, Bruylant,
2021.
Didier M. et Ouvrard J.-F., L’impôt sur le capital au XXIe siècle,
Paris, Economica-COE Rexecode, 2016.
Douet F., Fiscalité 2.0, fiscalité du numérique, Paris, LexixNexis,
2018.
GFP, Dossier : L’autonomie financière des collectivités territoriales,
Leroy M. (dir.), n° 2, 2017, p. 5.
GFP, Dossier : La fiscalité locale : regards comparatifs, colloque du
10 octobre 2019, n° 2, 2020, p. 5.
GFP, Dossier : Fiscalité et lutte contre la fraude, Le Clainche M. et
Sivieude O. (dir.), n° 3, 2018, p. 33.
GFP, Dossier : La fiscalité environnementale, séminaire de Lille,
décembre 2020, p. 12.
GFP, Finances publiques vertes : illusion ou révolution ?, n° spé-
cial, décembre 2022.
Lambert Th., L’impôt dans une économie mondialisée, contribu-
tion à une théorie générale de l’impôt, Bruxelles, Bruylant, 2021.
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Villemot D., Le débat fiscal : une passion française, Paris, L’Har-
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A rticles

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Le Clainche M., « L’écotaxe poids lourds en France (2007‑2017),
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Leroy M., « Essai de sociologie de la réforme fiscale », Leroy M.
(dir.), Regards croisés sur le système fiscal, Paris, L’Harmattan,
2005.
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mie financière », RFFP, n° 119, septembre 2012, p. 49.
Oliva E., « La conception de l’autonomie fiscale, Quel contenu ?
Quelle effectivité ? », GFP, n° 2, 2017, p. 13.
Orsoni G., « Les jeux des acteurs dans les processus de réforme »,
RFFP, n° 60, novembre 1997, p. 59.
Saint-Amans P., « Innover dans la lutte contre l’optimisation
fiscale, une solution à deux piliers pour réformer la fiscalité
internationale », in Baudu A., Cabannes X. et Le Clainche M.,
Le renouveau des finances publiques nationales, RFAP, n° 182,
2022 ; Propos d’ouverture, in Dossier L’OCDE a-t-elle une poli-
tique fiscale ?, REIDF, n° 3, 2022, p. 267.
Sterdyniak H., « La grande réforme fiscale, un mythe français »,
Revue de l’OFCE, 2015/3, n° 139, p. 333.
Toulemont B., « La taxe professionnelle, un impôt imbécile ? La
CET, un impôt intelligent ? », RFFP, n° 131, 2015, p. 23.

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Chapitre 15. - Les réformes fiscales
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CONCLUSION DE LA QUATRIÈME PARTIE :
L’INÉVITABLE COMPLEXITÉ

426. Les réformes dans les domaines financiers ont suivi une
dynamique propre liée par exemple à la situation budgétaire
ou à la conjoncture économique. Elles ont aussi entretenu des
rapports étroits avec les autres réformes administratives. La
LOLF et l’évolution des procédures comptables ont eu pour but
d’améliorer la qualité de la gestion publique en enrichissant les
objectifs et les données sur l’action publique et en permettant
un meilleur pilotage des politiques publiques. Les réorganisa-
tions de l’administration fiscale, l’amélioration des relations
avec les contribuables, même à l’occasion du contrôle fiscal, et
l’inventivité fiscale sont en symbiose avec les réformes de la ges-
tion publique qui tendent à donner une plus grande autonomie
aux acteurs. Ces réformes, intervenant des domaines régaliens,
manifestent combien l’administration et le dispositif public sont
capables de s’adapter aux évolutions sociales : les impulsions poli-
tiques mais aussi les obligations internationales et européennes,
les réalités économiques sont autant de facteurs de changement
pas toujours maîtrisés par les décideurs. Les limites de l’action
réformatrice apparaissent également : les réformes réalisées sont
souvent assez éloignées des réformes annoncées (exemple, la CSG
qui devait rester modérée et réservée au financement de la pro-
tection sociale), les réformes sont souvent des mesures partielles,
fruit de compromis provisoires (par exemple, la responsabilité des
comptables, la fiscalité verte), les réformes ne sont guère durables
dès lors qu’un train de réformes chasse l’autre (l’ISF). Malgré
des progrès, les objectifs espérés de simplification, d’équilibre
des rapports avec les citoyens, de rationalisation de la gestion
publique semblent toujours hors d’atteinte. La complexité effec-
tive, qui n’est pas propre au domaine financier mais qui y est

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Conclusion de la quatrième partie : l’inévitable complexité
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436 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

plus manifeste, est croissante malgré les discours volontaristes.


Elle ne doit pas conduire à renoncer aux efforts de simplification
des règles et procédures et aux méthodes de rationalisation de
la gestion qui sont au contraire d’autant plus nécessaires pour
éviter les excès bureaucratiques toujours possibles.

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Conclusion de la quatrième partie : l’inévitable complexité
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les programmes transversaux 439

427. Il arrive assez rarement qu’un gouvernement accorde une


priorité particulière à la réforme administrative et financière. Ce
sujet est en général délégué à un ministre dédié ou, plus souvent,
en charge d’un sujet voisin (la Fonction publique ou le Budget).
Cependant, l’intérêt personnel du Premier ministre ou un lien
particulier de la réforme administrative avec d’autres priorités
gouvernementales ont conduit à l’élaboration de programmes
de réformes présentant une certaine cohérence dans leur présen-
tation, bénéficiant d’un appui politique marqué et assorti d’un
dispositif spécifique d’élaboration et de suivi. De ce point de vue,
la RCB a été un programme inaugural tant son ambition était
vaste. Elle n’a cependant pas dépassé le stade de l’adoption de
quelques outils nouveaux dans la procédure budgétaire (voy.
n° 308) puis a été abandonnée après quelques années. Mais elle
a laissé le souvenir d’une possibilité de réforme administrative et
financière globale. Cette ambition ne s’est retrouvée qu’en 1989
avec le renouveau du service public (chapitre 16), puis en 1995
avec la réforme de l’État (chapitre 17). En 2007, la révision géné-
rale des politiques publiques était clairement un des éléments forts
de la politique néo-libérale du Président Sarkozy (chapitre 18).
Après la RGPP, une réaction s’est traduite par des programmes
plus modestes à l’inspiration plus diversifiée : la modernisation
de l’action publique en 2012 (chapitre 19), puis la transformation
de l’action publique à partir de 2017 (chapitre 20).

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[Introduction]
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Chapitre 16.
LE RENOUVEAU DU SERVICE PUBLIC

428. La circulaire du 23 février 1989 de Michel Rocard, alors


Premier ministre, marque le lancement du programme du renou-
veau du service public. Elle se réfère explicitement à l’idée d’une
nouvelle gestion publique, plus moderne et plus efficace, mais sans
copier de modèles et avec des innovations majeures. D’abord, sur
la stratégie : le mouvement de réforme bénéficie d’une appellation
originale et attractive : « Le renouveau » ; elle s’applique au « ser-
vice public », terme plus global et plus convivial que celui d’ad-
ministration ou de personnes publiques ; elle fait référence aux
aspirations des trois catégories de parties prenantes : les usagers,
les agents du service public et les responsables administratifs.
429. Elle innove par son mode de pilotage au plus haut niveau :
implication du Premier ministre, comités interministériels régu-
liers, programmes d’actions, tableaux de suivis… Cette méthode
sera utilisée et perfectionnée ultérieurement à chaque étape
importante de la réforme administrative. Le suivi administratif
n’est pas confié à un organisme ad hoc mais à la direction générale
de l’administration et de la fonction publique qui s’entoure de
conseils pour organiser une vaste opération de communication
et de sensibilisation.
430. Sur le fond, la circulaire décrit trois nouveaux outils de
modernisation de la gestion publique : les centres de responsabilité,
les projets de service et l’évaluation des politiques publiques. Les
centres de responsabilité, idée déjà ancienne qui a fait l’objet d’un
rapport du Conseil d’État en 1973, organisent une certaine autono-
mie de gestion pour des services bien identifiés. Ce mouvement sera
prolongé notamment par les contrats objectifs-moyens et les ser-
vices à compétence nationale (voy. n° 292). Les projets de service
sont un outil particulièrement souple qui incite les responsables à
expliciter une vision prospective des valeurs de leur organisation,

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Chapitre 16. - Le renouveau du service public
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442 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

de leurs missions, de leurs méthodes et des services attendus de


leurs publics. Une démarche participative est vivement recom-
mandée. Plus de 800 projets de service ont été lancés. L’évaluation
des politiques publiques est la troisième importante innovation.
La circulaire en pose les principes fondamentaux dont le Conseil
scientifique de l’évaluation est le garant (voy. n° 319). Des projets
complémentaires sont engagés ou poursuivis : celui de l’améliora-
tion de l’accueil et du service rendu aux usagers (information, sim-
plification, levée de l’anonymat, associations d’usagers) ; celui du
développement du dialogue social et de la rénovation de la gestion
des ressources humaines dans l’administration (gestion prévision-
nelle des emplois, des effectifs et des carrières, formation et accom-
pagnement des nouvelles technologies, étude d’un intéressement
collectif inclus dans la rémunération) ; celui du renforcement de la
déconcentration. Par ailleurs, les Postes et Télécommunications
sont transformées en entreprise publique. Cette administration, qui
avait déjà adopté en interne de nombreuses techniques de manage-
ment, est scindée en deux exploitants autonomes de droit public,
les lignes hiérarchiques sont raccourcies, les classifications du per-
sonnel revues, les services se voient reconnaître une autonomie de
gestion dans un cadre de plus en plus concurrentiel.
431. Le renouveau du service public a incontestablement souf-
flé un vent de modernité sur l’administration française. Deux
réserves importantes peuvent être formulées sur la méthode sui-
vie. D’une part, les usagers ont été peu associés à la démarche.
D’autre part, l’un des slogans du renouveau du service public
selon lequel « des fonctionnaires heureux rendront les usagers
satisfaits » était exagérément optimiste. La relation ne paraît pas
automatique : le « bonheur » des fonctionnaires est sans doute une
condition nécessaire, mais non suffisante, pour assurer celui des
usagers. Mais il s’agissait probablement d’une posture tactique
pour essayer d’obtenir une relative adhésion des syndicats de
fonctionnaires à ces démarches nouvelles et insolites.

DOCUMENT n° 68 : Circulaire du 23 février 1989 relative au


renouveau du service public
PROGRAMME D’ACTION
1. Le dialogue social à l’intérieur de l’administration, sous ses
différentes formes, devra porter sur toute la gamme de mesures
susceptibles de rénover l’action administrative et d’améliorer

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le renouveau du service public 443

les conditions du travail administratif. Le ministre d’État,


ministre de la fonction publique et des réformes administra-
tives, engagera ce mouvement en ouvrant des négociations avec
les organisations syndicales sur la formation continue et la
mobilité des personnels en vue d’aboutir à des accords-cadres
conformes à l’esprit des présentes directives. Sur la base de
ces accords, des discussions auront immédiatement lieu, dans
chaque administration, sur les deux thèmes considérés. En
concertation avec le ministre d’État, ministre de la fonction
publique et des réformes administratives, le ministre de la soli-
darité, de la santé et de la protection sociale et le ministre de
l’intérieur mettront en œuvre une procédure analogue pour les
fonctions publiques hospitalière et territoriale. Les négociations
dans la fonction publique territoriale devront se dérouler en
liaison étroite avec les représentants des élus locaux.
2. L’apprentissage des méthodes modernes de gestion prendra une
place beaucoup plus importante dans les programmes de for-
mation initiale et continue des fonctionnaires de responsabilité.
L’accent sera particulièrement mis sur la gestion du personnel,
sur la connaissance des coûts, le contrôle de gestion et, pour les
corps d’inspection, sur les techniques d’évaluation et d’audit.
Des outils de gestion prévisionnelle des missions, des emplois,
des effectifs et des carrières devront être prioritairement mis
au point dans toutes les administrations. Le ministère de la
fonction publique et des réformes administratives sera progres-
sivement renforcé pour prendre en charge l’animation et la
coordination des nouvelles actions de formation et du dével-
oppement des méthodes modernes de gestion.
3. Un large mouvement de délégation des responsabilités sera
engagé au profit d’unités administratives à taille humaine. À
cet effet, vous êtes invités à susciter, au sein de votre départe-
ment ministériel et, plus particulièrement, dans vos services
extérieurs et dans les services de votre administration centrale
présentant une unité fonctionnelle : des projets de service fédé-
rant autour d’objectifs mobilisateurs, rendus explicites à l’issue
d’une réflexion collective, les imaginations et les énergies ; à
titre expérimental, des centres de responsabilités bénéficiant
d’un assouplissement des modalités de gestion budgétaire, en
contrepartie d’engagements de performance. Parallèlement, un
nouvel essor sera donné à la politique de déconcentration.

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444 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

4. La pratique de l’évaluation et de l’audit interne sera développée


systématiquement, sous l’impulsion du ministre d’État, min-
istre de la fonction publique et des réformes administratives,
et du secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé du
Plan. À cet effet, les capacités d’expertise existant au sein de
l’administration, tant dans les corps d’inspection et de contrôle
que dans les corps techniques devront être renforcées et plus
largement utilisées.
5. Toutes les mesures permettant d’instaurer des relations plus
directes, plus faciles et plus confiantes entre l’administration
et les usagers seront encouragées. À cette fin : des opérations
concrètes seront menées dans toutes les administrations en
contact avec le public, en concertation avec leur personnel,
en vue d’améliorer l’accueil et l’information des usagers. Ces
opérations feront l’objet d’instructions ministérielles précises ;
l’effort de personnalisation des relations entre agents et usagers
sera prolongé et approfondi, sous l’autorité de chacun d’entre
vous ; les actions de simplification des formalités adminis-
tratives seront intensifiées. Leur coordination est confiée au
président de la commission pour la simplification des formali-
tés incombant aux entreprises (Cosiforme) ; l’information du
public en matière de droits et de démarches sera renforcée, sous
l’autorité de chaque ministre, par voie écrite et télématique. La
coordination de ces initiatives est confiée à la commission de
coordination de la documentation administrative (C.C.D.A.) ;
les usagers seront associés à l’amélioration du fonctionnement
des services en contact avec le public sous des formes à déter-
miner au cas par cas.
6. Chaque administration élaborera un plan de modernisation
regroupant de façon cohérente et avec un échéancier de réalisa-
tion, les actions envisagées pour mettre en œuvre les directives
qui précèdent ou les actions déjà engagées dans le même esprit.
Ces plans comprendront un programme de mesures concrètes à
court terme adaptées à la situation propre de chaque ministère.
Ils comporteront un volet relatif à l’utilisation des technologies
de l’information. Les schémas directeurs de l’informatique et
de la bureautique, dont l’établissement est prescrit par le décret
n° 86‑1301 du 22 décembre 1986 relatif au développement de
l’informatique, de du 22 décembre 1986 relatif au développe-
ment de l’informatique, de la bureautique et des réseaux de

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Chapitre 16. - Le renouveau du service public
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le renouveau du service public 445

communication dans l’administration, devront s’y rattacher.


Vous voudrez bien m’adresser, avant le 1er septembre prochain,
une première version de ce plan. Elle devra comporter des
mesures portant sur chacune des quatre orientations de la
présente instruction.
7. Avant le début de l’été, un séminaire gouvernemental fera le
point des travaux engagés et décidera, le cas échéant, d’actions
nouvelles ou correctives.

Pour en savoir plus

Articles

Pécheur B., « France : Bilan et perspectives du renouveau du


service public », RFAP, n° 55, juillet-septembre 1990, p. 425.
Serieyx H., L’État dans tous ses projets. Un bilan des projets de
service dans l’Administration, Paris, La Documentation fran-
çaise, 1995.

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Chapitre 16. - Le renouveau du service public
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Chapitre 17.
LA RÉFORME DE L’ÉTAT ET DES SERVICES PUBLICS

432. La circulaire d’Alain Juppé du 26 juillet 1995 se situe


dans la ligne de la circulaire Rocard et, d’ailleurs, fait rare, elle
renvoie expressément à l’action du prédécesseur du Premier
ministre signataire. Elle est plus marquée par les thèses néo-
libérales, comme en témoignent son souci de limiter le champ
d’intervention de l’État et l’utilisation d’une nouvelle formula-
tion qui connaîtra une certaine longévité : « la réforme de l’État ».
La circulaire « relative à la préparation et à la mise en œuvre de la
réforme de l’État et des services publics » trace cinq orientations :
clarifier les missions de l’État et le champ des services publics,
mieux prendre en compte les besoins et les attentes des citoyens,
changer l’État central, déléguer les responsabilités, rénover la
gestion publique.
433. Un séminaire gouvernemental, tenu le 14 septembre 1995,
prévoit une série de 10 mesures dont la coordination est confiée
au ministre de la Réforme de l’État, de la Décentralisation et
de la Citoyenneté, distinct du ministre de la Fonction publique :
diminuer le nombre de régimes d’autorisation, accélérer les délais
de réponse (décision implicite d’acceptation dans les deux mois
sauf dans les domaines fiscal et financier), codifier les textes
législatifs et réglementaires, examiner l’impact des projets de
lois et de décrets (études d’impact sur l’emploi et sur les finances
publiques), affecter les cadres de l’État en début de carrière dans
les services territoriaux, regrouper des services régionaux et
départementaux, réduire le nombre et les effectifs des directions
de l’administration centrale de l’État, diminuer le nombre de
corps de fonctionnaires, déconcentrer la gestion des personnels de
l’État, créer un fonds de la réforme de l’État pour accompagner
les réorganisations. Une partie de ces mesures se rapporte à une
approche juridique de la réforme administrative mais l’esprit

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448 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

général est bien celui d’un nouveau mode de management. Elles


seront mises en œuvre avec détermination par le Commissariat
à la réforme de l’État qui vient d’être créé.
434. Ultérieurement, quelques initiatives d’une portée plus
réduite font l’objet de circulaires signées des Premiers ministres
et adressées aux membres du gouvernement. En 1998, une cir-
culaire de Lionel Jospin du 3 juin 1998 prescrit des programmes
pluriannuels de modernisation des administrations. Une circu-
laire de Jean-Pierre Raffarin du 25 juin 2003 lance les stratégies
ministérielles de réforme. Ce texte rappelle les quatre axes de la
politique interministérielle de réformes : la déconcentration, la
réforme budgétaire, la simplification des procédures administra-
tives et la rénovation de la prospective. Dans le même esprit, une
circulaire du 29 septembre 2005 de Dominique de Villepin orga-
nise un programme d’audits de modernisation dans les ministères.

DOCUMENT n° 69 : Circulaire du 26 juillet 1995 relative à la


préparation et à la mise en œuvre de la réforme de l’État et des
services publics
Les citoyens de notre pays veulent un État et des services publics
plus efficaces, plus économes et plus accessibles.
Cette volonté est partagée par les fonctionnaires et les agents
publics dont le concours actif à l’entreprise de réforme de l’État
est une condition indispensable du succès.
La France dispose d’une administration et de services publics
d’une qualité élevée. Cette qualité ne peut cependant les dispenser
d’une adaptation aux aspirations de nos concitoyens ainsi qu’aux
exigences nouvelles d’une économie ouverte sur le monde et d’une
société marquée par le développement des phénomènes d’exclusion.
En outre, alors que le redressement du pays et la priorité don-
née à la lutte pour l’emploi exigent de l’ensemble de la collectivité
nationale et de chacune de ses composantes des efforts de solidarité
et de performance, l’État ne saurait s’exonérer de cette discipline
commune.
Ainsi s’explique la volonté du Président de la République de
placer la réforme de l’État et des services publics au premier rang
des préoccupations gouvernementales.
I. – Cinq objectifs prioritaires
1. Clarifier les missions de l’État et le champ des services publics

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Chapitre 17. - La réforme de l’État et des services publics
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la réforme de l ’ état et des services publics 449

2. Mieux prendre en compte les besoins et les attentes des


citoyens
2.1. Une charte des citoyens et des services publics est en cours
de préparation.
2.2. En se référant à ces principes, chaque service en contact
direct avec les usagers établira un programme d’amélioration et
de simplification de ses relations avec le public, en définissant des
objectifs quantitatifs et qualitatifs à atteindre.
Ces objectifs seront accompagnés systématiquement d’indicateurs
permettant de mesurer la qualité du service rendu et la satisfaction
des usagers.
2.3. L’administration doit contribuer à relever les défis de notre
société.
L’implantation et l’organisation des services publics devront
contribuer à l’action en faveur des quartiers urbains en difficulté
ainsi qu’à la lutte contre la désertification rurale et contre l’exclu-
sion.
3. Changer l’État central
3.1. Les tâches de gestion aujourd’hui encore prises en charge
par les administrations centrales devront être résolument transférées
vers les services déconcentrés.
3.2. Dans le même temps, il est nécessaire d’améliorer les capa-
cités de conception et de décision des administrations centrales.
3.3. L’État légifère et réglemente trop et souvent mal : la sécurité
juridique des citoyens est menacée et les entreprises pénalisées.
4. Déléguer les responsabilités
La loi n° 92‑125 du 6 février 1992 relative à l’administration
territoriale de la République a fait de la déconcentration le mode
d’organisation de droit commun de l’administration de l’État. La loi
n° 95‑115 du 4 février 1995 sur l’aménagement et le développement
du territoire a complété et précisé le dispositif.
4.1. Il convient d’abord de bâtir le schéma de réorganisation des
services de l’État prévu par la loi du 4 février 1995.
4.2. Le Gouvernement devra procéder au regroupement fonction-
nel des services territoriaux de l’État d’ici à la fin 1996.
4.3. Les relations entre l’État central et ses opérateurs devront
être profondément rénovées.

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450 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

5. Rénover la gestion publique


5.1. La modernisation de nos fonctions publiques doit être pour-
suivie et accélérée.
5.2. La modernisation de la gestion publique doit aussi concerner
les procédures financières et les règles de la comptabilité publique.
J’ai décidé de confier à un commissaire à la réforme de l’État,
doté des moyens nécessaires, le soin de faire des propositions opé-
rationnelles et de coordonner la mise en œuvre des décisions prises.
Cette structure interministérielle de haut niveau, qui fédérera
certains organismes existants, aura un rôle déterminant à jouer
pour faciliter la mobilisation des administrations. Des décisions
seront prises au cours de l’été pour préciser ses attributions, ses
moyens et la durée de sa mission.
Vous désignerez, au sein de votre administration, un haut fonc-
tionnaire ayant rang de directeur qui sera l’interlocuteur privilégié
du commissariat à la réforme de l’État.
Un comité interministériel de la réforme de l’État sera mis en
place. Il permettra de mieux associer l’ensemble des ministres à la
définition et au suivi des actions engagées. Il reprendra notamment
les missions actuelles du comité interministériel de l’administration
territoriale.

DOCUMENT n° 70 : Circulaire du 25 juin 2003 relative aux


stratégies ministérielles de réforme
La réforme de l’État, au niveau interministériel, repose sur quatre
chantiers : la décentralisation, la réforme budgétaire, la simplifi-
cation des procédures administratives et la rénovation de la pros-
pective. Ces travaux sont engagés. Mais, au-delà de ces chantiers
interministériels, c’est à chacun d’entre vous qu’il revient de piloter
la réforme de son administration.
Par lettre du 2 décembre et lors de nos réunions récentes, je vous
ai indiqué que vous présenteriez devant le Parlement, dès l’automne,
les réformes nécessaires de votre département ministériel. Recentré
sur le cœur de ses missions et s’appuyant sur des structures, une
organisation et des méthodes rénovées, l’État doit, au meilleur coût
pour la collectivité, apporter un meilleur service aux Français et
une plus grande satisfaction à ses agents.
Les stratégies ministérielles de réforme que je vous demande de
préparer doivent nous permettre d’atteindre ces objectifs.

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Chapitre 17. - La réforme de l’État et des services publics
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la réforme de l ’ état et des services publics 451

1. Je vous demande, en premier lieu, de procéder à un réexa-


men systématique de vos missions et des structures qui les servent.
Certaines de ces missions peuvent être déléguées ou abandonnées.
D’autres, au contraire, doivent être renforcées ou exercées diffé-
remment.
Les premières pistes que nous avons examinées lors de nos récentes
réunions sont prometteuses, même si, pour certains ministères, elles
doivent encore être approfondies. J’insiste tout particulièrement
pour que vous vous attachiez à tirer toutes les conséquences pour
vos administrations de la décentralisation et de la mise en œuvre
de la loi organique relative aux lois de finances.
2. Vous vous attacherez, en deuxième lieu, à développer les
démarches qualité. La réforme renforce la légitimité de l’État et
la qualité des services qu’il rend au quotidien aux Français. Nos
administrations doivent ainsi redevenir exemplaires en matière de
qualité de service.
Vous veillerez à présenter rapidement des propositions opération-
nelles dans ce domaine, conformément aux recommandations qui
vous seront adressées par le ministre chargé de la réforme de l’État.
3. En troisième lieu, il est impératif que l’État renouvelle le
pacte qui le lie à ses agents, pour mieux récompenser leurs efforts,
pour simplifier et améliorer le cadre de leur action et pour mieux
mobiliser leur énergie et leurs compétences.
Vos modes de gestion des ressources humaines devront ainsi évo-
luer selon les quatre axes suivants :
– la déconcentration : il s’agit de responsabiliser vos cadres, à
qui vous devrez assigner des objectifs précis, et de gérer les
hommes et les femmes qui servent l’État dans des structures à
taille humaine ;
– la réduction du nombre de corps : il s’agit de sortir d’une ges-
tion formelle des ressources humaines, pour développer une
gestion plus qualitative et faciliter la mobilité ;
– la reconnaissance du mérite : il s’agit de mieux prendre en
compte l’implication des agents et leurs contributions aux pro-
grès de leurs services ;
– la gestion prévisionnelle des postes, des emplois et des car-
rières : il s’agit d’adapter les emplois, les qualifications et les
recrutements en fonction des besoins de demain.

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Chapitre 17. - La réforme de l’État et des services publics
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452 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Votre implication personnelle dans l’élaboration de ces stratégies


est nécessaire. Il vous appartient de conduire le dialogue avec vos
agents, puis de présenter au Parlement votre stratégie de réforme.
Elle fera l’objet d’un suivi et d’une actualisation annuels.

Pour en savoir plus

Article

Chevallier J., « La réforme de l’État et la conception française


du service public », RFAP, n° 77, janvier-mars 1996, p. 25.

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Chapitre 17. - La réforme de l’État et des services publics
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Chapitre 18.
LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES
PUBLIQUES (RGPP)

435. L’idée d’un programme global de réforme de l’État réap-


parait en 2007 sous la forme de la révision générale des poli-
tiques publiques (RGPP) qui verra plusieurs vagues successives
de modernisation se succéder jusqu’en 2012. Le dispositif a été
présenté au Conseil des ministres du 20 juin 2007 et par un dis-
cours du Premier ministre du 10 juillet 2017. Il a été organisé par
une circulaire du Premier ministre du 16 mars 2018. Un conseil
de modernisation des politiques publiques (CMPP) dont le rap-
porteur est le ministre du Budget, des Comptes publics et de
la Fonction publique, se réunit régulièrement. La RGPP s’ins-
pire explicitement des expériences canadiennes et anglaises de
revues de programmes ou revues de dépenses. Son ambition est
vaste puisqu’il s’agit « d’adapter l’administration aux défis du
XXIe siècle » en intervenant sur ses missions, son organisation,
ses modes d’intervention. D’après François-Daniel Migeon, le
directeur de la direction générale de la modernisation de l’État
(DGME) : « il s’agit d’adapter les missions de l’État aux défis
du XXIe siècle » (voy. n° 50). Le champ est théoriquement très
large comme le montre le questionnement exposé au moment
du lancement de la réforme : « Que faisons-nous ? Quels sont les
besoins et les attentes collectives ? Faut-il continuer à faire de la
sorte ? Qui doit le faire ? Qui doit payer ? Comment faire mieux
et moins cher ? Quel scénario de transformation ? ». L’ambition
de la réforme est vite réduite du fait des oppositions à la remise
en cause de politiques publiques sensibles, en premier lieu la poli-
tique familiale.
436. La RGPP emprunte au plan Rocard l’idée d’une impul-
sion politique au plus haut niveau (les cabinets du Président
de la République et du Premier ministre) et d’un suivi très

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Chapitre 18. - La révision générale des politiques publiques (RGPP)
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454 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

rigoureux au moyen d’indicateurs. Le pilotage opérationnel


sera confié au ministère des Finances qui avait déjà récupéré
l’animation de la réforme de l’État en décembre 2005 et qui
devient pour l’occasion le « ministère du budget, des comptes
publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État ». La
direction de la modernisation de l’État coordonne le dispositif
mais le pouvoir de décision appartient au comité de moderni-
sation des politiques publiques présidé par le Président de la
République.
437. Le contenu de la RGPP est difficile à définir. C’est plus
une méthode de réforme qu’une réforme elle-même (1). Elle suivra
une double finalité non exempte d’ambigüités : modernisation
de l’administration et réalisation d’économies budgétaires. Le
dispositif et les outils de la RGPP sont fortement influencés par
le New Public Management : revue des politiques publiques et des
missions de l’État, audits de modernisation, recours aux consul-
tants, rémunération au mérite, fusion d’organisation, partena-
riats publics-privés, direction par objectifs, réduction du nombre
de fonctionnaires…
438. La RGPP s’enorgueillit en 2009 de 332 décisions destinées
à être mises en œuvre avant 2011 et de 150 nouvelles mesures
annoncées pour 2011-2013. Elle remporte de beaux succès en
matière de réformes de structures (création de la DGFiP – qui
avait été décidée avant et a suivi une démarche assez autonome –,
du grand ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement
durable et de l’Aménagement du territoire – issu plutôt des
débats du grenelle de l’environnement –, réorganisation de l’ad-
ministration territoriale de l’État (RÉATE), création de Pôle
emploi, rapprochement police-gendarmerie, création des agences
régionales de santé). Avec la règle du remplacement d’un départ
à la retraite sur deux, elle amorce une réduction du nombre de
fonctionnaires. Sur le plan de la gestion, les mesures sont plus
dispersées : indicateurs de performance et de résultats, mutuali-
sation des fonctions achats et gestion immobilière, autonomie des
établissements d’enseignements, tarification à l’activité dans les
hôpitaux, assouplissements de la gestion des fonctionnaires. La
réforme de l’administration territoriale de l’État (RÉATE) est
l’héritage le plus durable de la RGPP, bien que très contestable

(1) F. Lafarge, « La révision générale des politiques publiques : objet, méthodes et redevabilité »,
RFAP, n° 136, 2010, p. 755.

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Chapitre 18. - La révision générale des politiques publiques (RGPP)
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la révision générale des politiques publiques ( rgpp ) 455

(voy. n° 255). Il s’agit plus d’un exercice de « meccano adminis-


tratif » dicté par les rapports de pouvoirs entre ministères que
d’une réforme managériale.
439. La RGPP a fait l’objet d’évaluations nuancées. Après
les élections présidentielles de 2012, des rapports parlementaires
puis des rapports d’inspections générales commandés par le
Gouvernement et même un rapport de l’OCDE (2) vont mettre
en évidence le décalage entre les ambitions initiales et les résultats
de la RGPP. Comme souvent, l’ambition affichée par les promo-
teurs de la réforme était démesurée. C’est aussi la méthode suivie
qui est en cause : elle était très centralisée, peu transparente et
principalement instrumentale et donc peu porteuse de sens. La
RGPP a été peu coordonnée avec la LOLF mise en œuvre à la
même période. Si la déclinaison française du NPM semble faire
la quasi-unanimité chez les hauts fonctionnaires convertis à la
RGPP, elle fait l’objet de réserves de la part des organisations
syndicales, des agents de base et de nombreux universitaires.
L’une des causes du relatif échec de la RGPP est en effet l’absence
de recherche d’adhésion de la majorité des fonctionnaires et de
leurs syndicats qui y ont été globalement hostiles et l’absence
de concertation avec diverses autres parties prenantes (collec-
tivités territoriales, parlementaires…). En outre, la RGPP n’a
pas entraîné de révision profonde des politiques publiques. Elle
a permis de réaliser une dizaine de milliards d’économies au prix
d’une sérieuse atteinte à l’idéal du service public et au moral des
fonctionnaires.

DOCUMENT n° 71 : La démarche de révision des politiques


publiques. Dossier de presse du 4 avril 2008
Quels sont les objectifs de la RGPP ? La France se distingue en
Europe et dans le monde par le niveau très élevé de ses dépenses
publiques – environ 54 % du PIB, ce qui se traduit à la fois
par un taux de prélèvements obligatoires très élevé, qui pèse sur
la croissance et le pouvoir d’achat et par un déficit qui continue
à alimenter une dette qui a triplé de volume en trente ans. Pour
sortir de cette situation, des réformes sont nécessaires. La réduction

(2) F. Cornut-Gentille et Ch. Eckert, L’évaluation de la révision générale des politiques


publiques, Assemblée nationale, n° 4019, 1er décembre 2011 ; IGA, IGAS, IGF, Bilan de la RGPP et
conditions de réussite d’une nouvelle politique de réforme de l’État, septembre 2012 ; OCDE France,
Une perspective internationale sur la révision des politiques publiques, 28 février 2012.

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Chapitre 18. - La révision générale des politiques publiques (RGPP)
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456 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

du poids de nos dépenses publiques ne peut pas se faire par un


simple rationnement budgétaire, qui conduirait à paupériser le
service public sans pour autant réduire suffisamment le niveau
des dépenses. Ce constat n’est pas original : le Canada, la Suède
l’ont fait avant nous. Il les a conduits à privilégier une remise
en cause profonde des politiques publiques, pour les rénover. Ces
pays ont fait la preuve qu’une révision ordonnée de l’existant
permettait à la fois de réduire le niveau des dépenses publiques et
d’améliorer la qualité du service public. Ils ont ainsi pu financer
leurs nouvelles priorités politiques. L’objectif de la révision géné-
rale des politiques publiques est donc simple : faire mieux avec
moins. Concilier l’amélioration du service public lorsqu’elle est
nécessaire avec l’économie de moyens dès qu’elle est possible. Ceci
passe à la fois par des gains de productivité de l’administration
(en réalisant le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux
partant à la retraite) et sur une meilleure utilisation de chaque
euro d’argent public. Les réformes issues de la RGPP seront tra-
duites dans le premier budget pluriannuel de la France qui cou-
vrira la période 2009‑2011.
Comment procède-t-on ? La démarche repose sur la combinaison
de l’audit et de la décision politique. Vingt-six équipes d’auditeurs,
composées de fonctionnaires issus du corps d’inspections et de
consultants privés, soit plus de 300 personnes, sont mobilisées. Les
auditeurs utilisent tous la même grille de sept questions simples
pour passer au crible les politiques publiques :
Que faisons-nous ? Quels sont les besoins et les attentes collec-
tives ? Faut-il continuer à faire de la sorte ? Qui doit le faire ? Qui
doit payer ? Comment faire mieux et moins cher ? Quel scénario
de transformation ?
Il ne s’agit donc pas en premier lieu de réfléchir en termes de
structures, mais en termes d’objectifs de politiques publiques. Ces
équipes d’audit présentent leurs travaux dans le cadre d’un comité
de suivi coprésidé par le secrétaire général de l’Élysée et le directeur
de cabinet du Premier ministre, qui représentent le président de la
République et le Premier ministre. Les décisions prises en comité
de suivi sont soumises à l’approbation du Conseil de modernisation
des politiques publiques, qui rassemble, autour du président de la
République, l’ensemble du gouvernement et les membres du comité
de suivi.

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Chapitre 18. - La révision générale des politiques publiques (RGPP)
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la révision générale des politiques publiques ( rgpp ) 457

Parallèlement, depuis le premier Conseil de modernisation du


12 décembre, un dispositif rigoureux de suivi des réformes a été mis
en place. Par circulaire du 18 mars 2008, le Premier ministre en
a exposé les principes et défini les modalités. Au-delà du processus
original et particulièrement fertile d’audit et de décision politique,
il s’agit donc bien de mettre en œuvre une nouvelle approche de
la réforme, qui va de sa conception jusqu’à la vérification pré-
cise, au plus haut niveau politique, de sa réalisation. Il ne s’agit
pas seulement d’annoncer, mais également de faire et de vérifier
l’impact. Cette volonté s’accompagne logiquement d’une attention
maximale apportée aux dispositifs d’accompagnement des processus
de réforme, en particulier pour ce qui concerne les réformes tou-
chant aux structures de l’administration. La concertation à tous les
niveaux, dont les modalités feront également l’objet d’une prochaine
circulaire du Premier ministre, l’information de tous les acteurs,
revêtent une importance primordiale. De même, les dispositifs spé-
cifiques d’accompagnement sont prévus dans les textes législatifs et
réglementaires sur la mobilité dans la fonction publique, dispositifs
qui rendront possible dans les diverses administrations une poli-
tique active de management, indispensable autant à la valorisation
du travail des agents qu’à l’amélioration du service rendu.

Pour en savoir plus

Ouvrages

Cornut-Gentille F. et Eckert Ch., L’évaluation de la révision


générale des politiques publiques, Assemblée nationale, n° 4019,
1er décembre 2011.
IGA, IGAS, IGF, Bilan de la RGPP et conditions de réussite d’une
nouvelle politique de réforme de l’État, septembre 2012.
Nemery J.-C. (dir.), RGPP et réforme des collectivités territoriales,
Grale, Paris, L’Harmattan, 2012.
OCDE France, Une perspective internationale sur la révision des
politiques publiques, 28 février 2012.
RFAP, La révision générale des politiques publiques, Lafarge F. et
Le Clainche M. (coord.), n° 136, 2010.

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458 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Articles

Bezes Ph., « Morphologie de la RGPP, une mise en perspective


historique et comparative », RFAP, n° 136, 2010, p. 775.
Dreyfus F., « La révision générale des politiques publiques, une
conception néolibérale du rôle de l’État », RFAP, n° 136, 2010,
p. 857.
Lafarge F., « Le lancement de la révision des politiques
publiques », RFAP, n° 124, 2007, p. 683.
Lafarge F., « La révision générale des politiques publiques :
objet, méthodes et redevabilité », RFAP, n° 136, 2010, p. 755.
Le Clainche M., « Le point sur la révision générale des poli-
tiques publiques : premières annonces », RFAP, n° 125, 2007,
pp. 197‑200.
Migeon F.-D., « Les premiers résultats tangibles de la RGPP »,
GFP, nos 8-9, 2009, p. 635.

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Chapitre 19.
LA MODERNISATION DE L’ACTION PUBLIQUE

440. Le gouvernement nommé par François Hollande après


les élections présidentielles de 2012 a essayé de conserver l’élan
réformateur de la RGPP tout en rectifiant ses orientations. La
méthode est en rupture par rapport à la RGPP mais chacune des
mesures du plan pourrait se recommander d’antécédents d’ins-
piration soit juridique, soit managériale. Le nouveau dispositif
appelé « modernisation de l’action publique » (MAP) a été défini
par des décrets du 30 octobre 2012 publiés après un séminaire
gouvernemental et son contenu a fait l’objet d’une circulaire
du Premier ministre du 9 janvier 2013. L’expression « réforme
de l’État » a été abandonnée pour marquer l’élargissement du
champ d’intervention à l’ensemble de l’action publique (notam-
ment aux collectivités territoriales et aux opérateurs de l’État).
Malgré des éléments de continuité, la MAP n’est pas la poursuite
de la RGPP (1). Un pilotage moins politique et plus adminis-
tratif est organisé par la création d’un Secrétariat général à la
modernisation de l’action publique (SGMAP) et d’une direction
interministérielle pour la modernisation de l’action publique
(Dimap) rattachés au ministère de la Fonction publique et de la
Décentralisation qui regroupe plusieurs services dont la direction
générale de la modernisation de l’État (DGME) qui était à Bercy.
Une nouvelle organisation résulte du décret du 21 septembre 2015
qui regroupe les services du SGMAP en deux directions : une
direction interministérielle de l’accompagnement des transfor-
mations publiques (DITP) et une direction interministérielle du
numérique et des systèmes d’information et de communication de
l’État (DINSIC). Autre différence avec la RGPP, l’action est plus
concertée : les ministères sont mobilisés pour élaborer et mettre

(1) M. Le Clainche, « La modernisation de l’action publique (MAP) n’est pas la poursuite de la


RGPP », RFAP, n° 145, 2013, pp. 203‑208.

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460 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

en œuvre des programmes ministériels de modernisation et de


simplification ; il est prévu d’associer les parlementaires, des élus
locaux, des citoyens, les organisations syndicales et des agents
au nouveau processus. L’association des ministères se traduit
par l’élaboration dans chacun d’eux d’un programme ministé-
riel de simplification et de modernisation (PMSM) prescrit par le
Cimap du 18 décembre 2012, projet stratégique qui peut conte-
nir des dispositifs d’amélioration du service rendu aux usagers,
une rationalisation de l’organisation et du fonctionnement de
l’administration (numérique, fonctions supports, recentrage des
missions, réorganisation des agences et opérateurs, rénovation
du dialogue social…).
441. Sur le plan du contenu, les programmes sont beaucoup
moins orientés vers le « meccano administratif » à tel point que le
Gouvernement renonce à remettre en cause la réforme des admi-
nistrations territoriales de l’État (REATE) dont les dysfonction-
nements sont pourtant notoires. Quatre comités interministériels
(CIMAP) sont réunis les 18 décembre 2012, 2 avril 2013, 17 juillet
2013 et 18 décembre 2013 et concrétisent trois axes de réforme :
simplification de l’action administrative, accélération de la tran-
sition numérique, évaluation des politiques publiques, ce qui est
un des points nouveaux par rapport à la RGPP. 72 études sont
confiées aux inspections générales plutôt qu’à des consultants.
Elles devaient couvrir l’ensemble des politiques publiques et don-
ner des résultats rapides dans une optique assez marquée par la
recherche d’économies budgétaires dans les domaines tels que la
politique familiale, les aides aux entreprises, l’éducation priori-
taire, la formation professionnelle. Le Gouvernement s’efforce de
renouveler les méthodes de la simplification administrative dans
le cadre d’un programme pluriannuel 2014-2016 en s’appuyant
sur des rapports originaux (rapport Mandon sur les entreprises,
rapport Lambert-Boulard sur les collectivités territoriales) (voy.
n° 145). Des chantiers anciens sont relancés, tel celui du Code
des relations entre l’administration et les usagers qui est enfin
mené à bien. Des chantiers neufs sont ouverts tels que « dites-le
nous en une seule fois », le service « France Connect », la décla-
ration sociale nominative ou la nouvelle règle « le silence vaut
approbation » présentée comme une « révolution juridique ».
Des approches « horizontales » nouvelles sont expérimentées :
généralisation des études d’impact, règle du « un pour un », test

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Chapitre 19. - La modernisation de l’action publique
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la modernisation de l ’ action publique 461

PME… D’autres orientations assez diverses apparaissent au fil


des CIMAP : la réduction du nombre de commissions (suppres-
sion de 100 puis 60 commissions), le numérique (avec un projet
de Laboratoire d’innovation publique imité du Danemark et
l’ouverture des données publiques), un nouveau baromètre de
la qualité des services publics, une administration territoriale
au rôle conforté en stabilisant l’organisation territoriale et en
développant les services de proximité (maisons de l’État).
442. Après 2014, la MAP évolue. Le sujet est transféré
en juin 2014 du ministre chargé de la Fonction publique et de
la Décentralisation au Premier ministre assisté d’un secrétaire
d’État dédié. Le CIMAP n’est plus réuni mais l’essentiel des
orientations demeure : la réforme de l’administration territoriale,
la revue des missions de l’État, la poursuite des simplifications,
le numérique.
443. Sur le plan de l’administration territoriale, l’action des
gouvernements du Président François Hollande produit des ajus-
tements importants mais partiels : nouvelle rédaction de la charte
de déconcentration, renforcement du pouvoir de direction et de
coordination des préfets, mutualisation d’activités supports. Des
efforts, encore insuffisants, ont été faits pour réduire le « mille
feuilles » territorial par la création des métropoles, la rationali-
sation de la carte intercommunale, le regroupement des régions
(voy. nos 276 et s.).
444. La politique fiscale de François Hollande connaît deux
phases. Après le « choc fiscal » de 2012, l’accent est mis sur la
compétitivité des entreprises et sur les allègements au profit des
ménages modestes ou intermédiaires, ce qui n’empêchera pas le
sentiment d’un « ras-le-bol » fiscal (voy. n° 424).

DOCUMENT n° 72 : CIMAP du 10 décembre 2012 – Présentation


de la modernisation de l’action publique
Une action publique plus efficace
La modernisation de l’action publique est essentielle à la construc-
tion d’un nouveau modèle français, alliant solidarité et compétiti-
vité. Elle va de pair avec un objectif exigeant : celui du respect de
nos engagements de finances publiques. Cette ambition nous oblige :
c’est bien d’une nouvelle action publique, plus juste, plus efficace,
et plus simple, dont la France a besoin.

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Lors de la première réunion du comité interministériel pour la


modernisation de l’action publique, le Premier ministre a arrêté les
orientations suivantes :
◗ Des mesures concrètes de simplification des normes et des
démarches administratives ont été décidées, qui entreront en
vigueur dès le début de l’année 2013.
◗ Une ambitieuse feuille de route « Administration numérique »
a été adoptée, pour mettre le numérique au service des citoy-
ens, des agents publics et de l’efficacité de l’action publique,
et adapter nos services publics à l’ère du numérique.
◗ Une démarche novatrice d’évaluation de l’ensemble des poli-
tiques publiques a été engagée pour améliorer leur efficacité
et rénover nos services publics dans le respect de nos objectifs
de redressement des comptes publics. Dès 2013, quarante poli-
tiques publiques feront l’objet d’une évaluation. Trois vagues
d’évaluations seront lancées en janvier, en avril et en juillet.
Sur le quinquennat, c’est l’ensemble des politiques publiques
qui sera évalué, en concertation avec les collectivités locales et
les organismes sociaux.
◗ Une méthode de travail a été définie pour rationaliser le pay-
sage des agences et opérateurs rattachés à l’État.
◗ Chaque ministre élaborera, au premier trimestre 2013, un
« programme de modernisation et de simplification », cou-
vrant la période 2013‑2015, pour simplifier l’action de
l’administration en partant des besoins des usagers et ration-
naliser l’organisation et le fonctionnement des administrations.
◗ Plusieurs chantiers de modernisation interministériels ont, par
ailleurs, été engagés dans la perspective du prochain CIMAP :
ils portent sur l’administration territoriale de l’État, la fonc-
tion financière, la politique immobilière et la politique d’achat
de l’État, ainsi que sur la sécurisation des grands investisse-
ments.
L’ensemble de ces travaux sera conduit avec l’ensemble des par-
tenaires de l’État, notamment les associations représentant les col-
lectivités territoriales et les partenaires sociaux. Le Parlement sera
étroitement associé aux travaux. Dans le cadre du PLF 2013, la
commission des finances de l’Assemblée Nationale a adopté à l’una-
nimité un amendement présenté par François Cornut-Gentille et
Christian Eckert pour renforcer les pouvoirs de contrôle et de suivi
du Parlement dans le cadre de la modernisation de l’action publique.

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Chapitre 19. - La modernisation de l’action publique
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la modernisation de l ’ action publique 463

La démarche s’appuiera enfin sur une concertation étroite avec les


agents publics et les organisations représentatives des personnels.
Les discussions ouvertes en septembre dernier par la ministre en
charge de la Réforme de l’État et de la Fonction publique dans le
prolongement de la grande conférence sociale permettront de préciser
les modalités du dialogue social qui accompagnera la modernisation
de l’action publique. Elles doivent également définir des priorités
partagées pour améliorer les conditions de travail, moderniser les
pratiques d’encadrement, enrichir et diversifier les parcours profes-
sionnels des agents publics.

Pour en savoir plus

Articles

Chevallier J., « La “modernisation de l’action publique” en


question », RFAP, n° 158, 2016, pp. 585-598.
Le Clainche M., « La modernisation de l’action publique (MAP)
n’est pas la poursuite de la RGPP », RFAP, n° 145, 2013,
pp. 203‑208.
Le Clainche M., « De la RGPP à la MAP : ruptures et continuité »,
GFP, nos 5/6, mai-juin 2014, pp. 31‑34.

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Chapitre 20.
LA TRANSFORMATION DE L’ACTION PUBLIQUE

445. On pouvait penser que le gouvernement nommé après les


élections présidentielles de 2017 allait renouer avec l’approche
managériale et globalisante de la réforme administrative. Il lance
la nouvelle expression de « transformation de l’action publique »,
il annonce une réduction significative du nombre de fonction-
naires sur la durée du septennat (120.000 dont 50.000 pour
l’État), il nomme un comité chargé de proposer une politique
d’ensemble d’amélioration de l’efficacité de l’administration. Le
Comité Action publique 2022, institué par la circulaire n° 5968/
SG du 26 septembre 2017, comprend des personnalités issues du
secteur privé et de la société civile et peu de hauts fonctionnaires.
Sa mission est définie par trois axes assez classiques : améliorer
la qualité des services, notamment par la numérisation ; offrir
aux fonctionnaires un environnement de travail modernisé en
les impliquant dans la transformation de l’action publique ;
accompagner la baisse des dépenses publiques. Le comité est
aussi chargé d’une revue de missions portant sur vingt-et-une
politiques publiques, pouvant impliquer des transferts aux col-
lectivités territoriales ou au secteur privé, et d’une revue de
dépenses pour détecter des économies significatives et durables.
Cinq chantiers thématiques sont ouverts : simplification et amé-
lioration de la qualité de service ; transformation numérique ;
rénovation du cadre des ressources humaines ; organisation ter-
ritoriale des services publics ; modernisation de la gestion finan-
cière et comptable. Les ministres sont associés aux travaux et
doivent alimenter le comité en propositions.

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Chapitre 20. - La transformation de l’action publique
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466 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

DOCUMENT n° 73 : Le programme Action publique 2022.


Circulaire n° 5968/SG du 26 septembre 2017
La transformation de l’action publique est une priorité de l’action
du Gouvernement. Dans ce but, le programme « action publique
2022 » poursuivra trois objectifs prioritaires :
– améliorer la qualité des services publics, en développant la rela-
tion de confiance entre les usagers et les administrations, et en
travaillant prioritairement sur la transformation numérique ;
– offrir aux agents publics un environnement de travail mod-
ernisé en les impliquant pleinement dans la définition et le
suivi des transformations ;
– accompagner rapidement la baisse des dépenses publiques avec
un engagement ferme : réduire de trois points la part de la
dépense publique dans le PIB d’ici 2022. Je vous demande
d’engager les travaux visant à construire un plan de transfor-
mation dans votre champ de compétences.
Ce plan de transformation ministériel sera nourri par les trois
grands volets du programme Action publique 2022 : les travaux du
Comité Action publique 2022, le Grand Forum de l’action publique
à l’écoute des agents publics et des usagers et cinq chantiers trans-
versaux de transformation.
J’ai chargé le ministre de l’Action et des Comptes publics de pré-
parer et suivre, à mes côtés, l’ensemble de ces travaux. Les objectifs
ambitieux que nous nous sommes fixés en matière de réduction de la
dépense publique impliquent de revoir profondément et durablement
les missions de l’ensemble des acteurs publics que sont l’État, les
opérateurs, les collectivités territoriales, les organismes de sécurité
sociale.
Afin d’appuyer vos réflexions dans cet exercice indispensable
d’examen des politiques publiques, j’ai décidé de mettre en place
un comité de revue des missions et des dépenses publiques. C’est
l’objet du Comité Action publique 2022 (CAP 22).
Composé de personnalités qualifiées françaises ou étrangères, de
chefs d’entreprises, de parlementaires, d’élus locaux et de hauts
fonctionnaires, ce comité sera chargé de produire un rapport d’ici la
fin du 1er trimestre 2018 identifiant des réformes structurelles et des
économies significatives et durables, sur l’ensemble du champ des
administrations publiques. À cette fin, ce Comité s’interrogera sur
l’opportunité du maintien et le niveau de portage le plus pertinent

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Chapitre 20. - La transformation de l’action publique
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la transformation de l ’ action publique 467

de chaque politique publique. Cela pourra notamment le conduire


à proposer des transferts entre les différents niveaux de collectivités
publiques, des transferts au secteur privé, voire des abandons de
missions. Il identifiera également les chevauchements et les doublons
de compétences qui sont source de coûts injustifiés.
Parallèlement aux travaux du Comité, cinq chantiers transver-
saux seront conduits sur les thématiques suivantes : la simplifi-
cation administrative et l’amélioration de la qualité de service, la
transformation numérique, la rénovation du cadre des ressources
humaines, l’organisation territoriale des services publics et la
modernisation de la gestion budgétaire et comptable.
Enfin, afin d’impliquer l’ensemble de nos concitoyens, j’ai égale-
ment décidé d’organiser un Grand Forum de l’action publique dont
l’ambition sera de recueillir les attentes et propositions des citoyens
sur la transformation du service public et de réfléchir avec les agents
publics à un cadre de travail modernisé.
446. Le rapport « Action publique 2022 » comprend des pro-
positions fortes, à connotation nettement néo-libérale : déve-
loppement des agences y compris dans les domaines régaliens,
généralisation des contrats de droit privé pour accéder à la
fonction publique, suppression de dépenses fiscales ou d’aides
peu efficaces, mutualisation et numérisation accélérées. Par ail-
leurs, le rapport Action publique 2022 a étudié, conformément
à la lettre de mission, une vingtaine de politiques sectorielles
pour leur appliquer ses propositions de réforme visant à mieux
cibler l’action publique, à concentrer les efforts, à mettre en place
des réformes de structures durables, à recourir massivement au
numérique. Il est prévu que ces projets de « transformation de
l’action publique » fassent l’objet de « feuille de route » pour
chaque ministère. Certaines réformes sectorielles ont été annon-
cées : politique du logement, indemnisation du chômage, audio-
visuel public, administrations financières. Le Gouvernement
prend ses distances et refuse de publier officiellement le rapport.
Il retient ce qui lui semble indispensable pour améliorer l’effica-
cité de l’action publique et engranger des économies budgétaires :
la réduction des dépenses publiques et du nombre de fonction-
naires est confirmée, le périmètre des administrations de l’État
est soumis à revue dans le but de rechercher une clarification
des rôles, notamment avec les collectivités territoriales, le mou-
vement de déconcentration est relancé en veillant à renforcer les

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Chapitre 20. - La transformation de l’action publique
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468 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

départements et les services publics de proximité. En revanche,


ne sont pas retenus, la généralisation des contrats de droit privé
dans l’administration, le transfert du recouvrement des impôts
à une agence, l’élagage des niches fiscales et des taux réduits de
TVA. L’expression « Action publique 2022 » sera en voie d’extinc-
tion et progressivement supplantée par celle de transformation
de l’action publique.
447. Le contenu du programme de transformation de l’action
publique, comme avant lui celui de la modernisation de l’action
publique, résulte davantage d’une juxtaposition de logiques que
d’une vision d’ensemble : on y trouve des réformes managériales
et d’organisation mais aussi des réformes d’inspiration plus juri-
dique notamment en vue d’améliorer les relations avec les usa-
gers (allègement des normes, droit à l’erreur, développement de
la conciliation et de la médiation, suppression de commissions
consultatives, simplifications…).
448. Le nouveau dispositif de transformation de l’action
publique est officialisé par deux décrets du 20 novembre 2017
qui suppriment le SGMAP et créent un comité interministériel
(CITP), un délégué interministériel, une direction interministé-
rielle de la transformation de l’action publique (DITP). Il est
prévu de réunir deux CITP par an dont le secrétariat est assuré
par le délégué interministériel à la transformation publique. La
DITP vise à développer une « action publique plus simple, plus
proche et plus efficace », ce but étant décliné en deux objectifs :
placer le citoyen au centre de l’action publique et libérer les éner-
gies publiques. La DITP apporte une impulsion, une expertise
et un suivi sur une multitude de chantiers. L’accent est très
opportunément mis moins sur les effets d’annonce que sur la
mise en œuvre effective. Chaque thème fait l’objet d’objectifs
précis et d’indicateurs de suivi. Cette politique de l’indicateur
est systématisée même au niveau gouvernemental. Des dizaines
de politiques publiques font l’objet d’indicateurs concrets, natio-
naux et territoriaux (circulaire du 18 novembre 2020). Le Fonds
de la transformation de l’action publique (FTAP), qui dispose
d’un crédit de 700 millions d’euros jusqu’à 2022 dont une partie
est déconcentrée, apporte une aide financière déterminante à des
dizaines de projets, notamment dans le domaine du numérique
et de l’intelligence artificielle. Cette organisation a assuré une
continuité de l’action de réforme avec les programmes précédents

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Chapitre 20. - La transformation de l’action publique
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la transformation de l ’ action publique 469

et par-delà le changement de gouvernement intervenu en 2020.


Lorsque Jean Castex succède à Édouard Philippe, la trans-
formation de l’action publique est expressément confiée à la
ministre chargée par ailleurs de la Fonction publique, Amélie
de Montchanin, qui obtient une définition large de ses missions
(autorité sur la direction du numérique) et les exercera avec
dynamisme. Les comités interministériels se sont tenus, les enga-
gements ont été suivis, des politiques plus ou moins innovantes
ont été effectivement mises en place. L’énumération des orien-
tations et des engagements serait fastidieuse d’autant plus qu’il
est parfois difficile de distinguer dans les communiqués officiels
le bilan des engagements antérieurs des décisions nouvelles. En
revanche, on peut, au-delà des formulations évolutives, en retra-
cer les lignes directrices, notamment à partir des circulaires du
Premier ministre et des listes de décisions des CITP. Deux volets
importants concernent l’organisation et le fonctionnement des
administrations.
449. En ce qui concerne l’administration territoriale, le Premier
ministre Édouard Philippe, par une circulaire du 24 juillet 2018,
trace des orientations qui se situent dans le prolongement des
orientations des gouvernements précédents avec quelques points
de rupture : le renforcement de l’échelon départemental alors
que la région avait longtemps été privilégiée, la notion de dif-
férenciation territoriale, l’accent sur les services de proximité.
Dans une nouvelle circulaire du 12 juin 2019, relative à la mise
en œuvre de la réforme de l’organisation territoriale de l’État, le
Premier ministre énonce ses décisions autour de quatre objectifs
(voy. n° 261, doc. n° 70). Le désenchevêtrement et la clarifica-
tion des compétences de l’État, des collectivités territoriales, des
opérateurs ou des acteurs hors de la sphère publique ; la réorga-
nisation de l’administration territoriale de l’État en privilégiant
le département comme échelon de mise en œuvre des politiques
publiques ; le renforcement des mutualisations et de la coopéra-
tion interdépartementale sous l’autorité du préfet dont les pou-
voirs de coordination et d’organisation sont une nouvelle fois
confortés ; l’amélioration de l’accueil de proximité par le déploie-
ment du réseau de Maisons France services. Les CITP acte-
ront diverses décisions d’accompagnement de cette orientation
majeure : feuille de route interministérielle des préfets, comité
interministériel régional et projet d’organisation territoriale des

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Chapitre 20. - La transformation de l’action publique
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470 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

services de l’État en région, transfert de 95 % des décisions indi-


viduelles et de 90 % des décisions en RH aux niveaux déconcen-
trés ; nouvelles marges de manœuvre en matière budgétaire et
de ressources humaines pour les préfets ; création d’emplois dans
l’administration départementale de l’État.
450. Parallèlement, la transformation de l’administration cen-
trale fait l’objet d’une circulaire du 5 juin 2019. Elle annonce
sept axes de réforme (voy. n° 287) qui portent notamment sur
les méthodes de travail : assouplissement et allègement des
organigrammes, suppression d’organismes rattachés ou consul-
tatifs, relance des délocalisations, déconcentrations, réduction
du nombre des circulaires, indicateurs d’impact. Les CITP décli-
neront ces orientations en prévoyant, par exemple, des plans
ministériels de transformation, des trains de suppression de
commissions consultatives et d’organismes rattachés aux admi-
nistrations centrales, des délocalisations d’emplois hors Paris et
hors métropole.
451. Un volet simplification et association des citoyens s’inscrit
dans la continuité des efforts antérieurs (indicateurs de la qualité
de service ; participation à la conception des réformes ; centre
interministériel de participation citoyenne ; publication d’indi-
cateurs de qualité des services d’accueil ; possibilité de donner
un avis sur la qualité de procédures (voxusagers) ; déploiement
du réseau des espaces France services (objectif 2500 en 2022) ;
plans de simplifications ministériels ; ciblage de 10 démarches et
100 formulaires à simplifier rapidement ; accélération du partage
d’informations entre administrations ; généralisation du réfé-
rentiel Marianne ; plan d’action pour une réponse téléphonique
rapide et efficace ; simplification du langage administratif). Ces
démarches prennent place en 2021 dans un programme « services
publics + ».
452. Un volet management comporte des innovations signi-
ficatives (contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens avec la
direction du budget, nouveau régime unifié de responsabilité
financière des ordonnateurs et des comptables, réduction des
contrôles a priori, expérience de rapprochement entre les direc-
teurs des affaires financières et les contrôleurs budgétaires, circu-
laire du 10 mars 2021 réduisant les contrôles a priori et donnant
plus de souplesse aux gestionnaires ; réorganisation de la chaîne
comptable ; renforcement des contrôles internes).

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la transformation de l ’ action publique 471

453. Le volet numérique amplifie la politique antérieure (accé-


lération du projet France Connect et de « Dites-le nous en une
seule fois », dématérialisation des 250 démarches les plus usuelles,
création d’un observatoire de la dématérialisation, pass numérique
pour aider les personnes peu familiarisés avec internet, politique
ambitieuse d’ouverture des données (circulaire du 27 avril 2021),
nouveaux outils numériques pour les agents (messagerie Tchap,
espace collaboratif Osmose, téléconférences, télétravail, lab IA).
454. La même démarche volontariste et pragmatique s’est
appliquée aux règles de gestion de la fonction publique : l’objec-
tif de suppression de 120.000 emplois publics dont 50.000 dans
les services de l’État a été rapidement abandonné. Les principes
d’égalité entre les femmes et les hommes et la promotion de la
diversité ont fait l’objet de mesures concrètes. Les règles statu-
taires ont été assouplies, notamment par la loi n° 2019‑828 du
6 août 2019 de transformation de la fonction publique. L’ENA
a été remplacée par l’INSP (voy. n° 246).
455. Ces actions multiples, relativement discrètes, suivies
avec application ont incontestablement eu des résultats notables
comme en témoigne le discours prononcé par le Président de la
République le 18 avril 2021 devant la Convention managériale
de l’État. Si elles n’ont pas bénéficié d’un effet de souffle, ni
d’annonces, ni d’une vaste vision théorique, elles ont contribué
à faire évoluer concrètement les relations des usagers avec les
services publics.
Dans le gouvernement d’après les élections présidentielles,
l’expression « transformation de l’action publique » est restée
dans le titre du ministre chargé de la Fonction publique mais
n’a pas fait l’objet d’une relance explicite. Le 26 octobre 2022,
un « conseil national de la refondation » sur les services publics
est lancé avec trois thèmes principaux relatifs à l’attractivité de
la fonction publique, à l’accessibilité des services publics et à la
contribution des services publics à la transition écologique.

DOCUMENT n° 74 : le 5e CITP. Dossier de presse du 5 février 2021


Les 12 engagements du 5e CITP
Engagement # 1 Une feuille de route interministérielle sera éta-
blie pour chaque préfet, de région ou de département, et servira de
base à l’évaluation de ces derniers.

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Engagement # 2 Les créations nettes d’emploi seront prioritaire-


ment dirigées vers l’échelon départemental. En 2021, 2.500 emplois
seront créés dans les services départementaux sans augmentation
globale des effectifs de l’État. La démétropolisation sera poursuivie
et amplifiée.
Engagement # 3 Les services déconcentrés disposeront de marges
de manœuvre accrues en matière financière et RH pour adapter leur
organisation et leurs ressources aux besoins des territoires.
Engagement # 4 De l’expertise supplémentaire et de l’ingénierie
seront déployées pour porter ou accompagner les grands projets
dans les territoires.
Engagement # 5 Le baromètre des résultats de l’action publique
sera mis à jour tous les trimestres et sera étendu à 40 réformes d’ici
juillet 2021. Dès avril, le baromètre sera enrichi de 11 réformes
prioritaires.
Engagement # 6 Une politique publique de la donnée ambitieuse
sera mise en œuvre par tous les ministères pour mieux exploiter,
ouvrir, partager et valoriser les données publiques, au bénéfice de
la transparence et de l’efficacité de l’action publique.
Engagement # 7 10 démarches et 100 formulaires administratifs
seront simplifiés significativement avec un impact mesurable en
janvier 2022.
Engagement # 8 Un accès téléphonique sans surfacturation sera
garanti pour tous les services publics. Tous les sites Internet publics
afficheront un numéro de téléphone pour pouvoir être contactés par
téléphone. Les réseaux s’engagent à converger vers un taux de décro-
ché de 85 %.
Engagement # 9 Le partage d’informations entre administrations
sera accéléré pour simplifier les démarches en ligne et éviter de
demander de nombreuses fois la même chose aux Français.
Engagement # 10 Accroître les marges de manœuvre et la res-
ponsabilité des gestionnaires publics grâce à une réforme de l’orga-
nisation financière, une transformation de la chaîne comptable, un
contrôle unifié des ordonnateurs et des comptables.
Engagement # 11 4 100 % des agents dont les fonctions sont
télétravaillables seront dotés d’un poste de travail portable avec les
outils de travail à distance nécessaires en 2021 et un accord avec
les syndicats représentatifs de la fonction publique de l’État sera
recherché d’ici l’été.

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la transformation de l ’ action publique 473

Engagement # 12 La prise de décision sera rendue plus rapide,


plus fluide et plus efficace grâce à une administration « sans
papier ».

DOCUMENT n° 75 : Déclaration de M. Emmanuel Macron, le


8 avril 2021à la Convention managériale de l’État
La Nation française a été bâtie par l’État et avec les personnels
de l’administration. Peu de pays ont cette spécificité. Et donc, cela
explique que l’on attende tout, parfois trop peut-être, de l’admi-
nistration et on lui reproche de ce fait souvent beaucoup, même
injustement, ce qui ne dépend pas d’elle. Alors, s’il ne faut pas se
laisser intimider par cette situation, il faut tout de même savoir
entendre et tirer les conséquences qui s’imposent.
Notre administration, celle que vous dirigez dans toutes ses com-
posantes, l’action publique que vous menez, je le disais, est le socle
de l’unité de notre Nation, de notre intérêt général que vous défen-
dez, d’un service du public et au public qui, tout à la fois protège
le pays, le prépare à l’adversité et qui, avec des fonctionnaires dont
nous devons être fiers, porte des valeurs qui sont le fruit de son
histoire, de loyauté, de neutralité, de défense de l’intérêt général et
bâtit par l’engagement de chacune et chacun, la force des réponses
qui sont les nôtres. Mais cette lucidité à laquelle je nous invite doit
aussi nous conduire à voir nos insuffisances, parfois nos ratés, et
à essayer de comprendre en quoi il nous faut continuer ce travail
de réformes de nos propres organisations, de notre propre action. Il
y a des décennies maintenant que l’on parle de la réforme de l’État
ou de l’action publique, il ne faut pas désespérer collectivement de
poursuivre ce chemin. Il nous faut en effet, et je crois que c’est la
tâche de notre génération : bâtir l’action publique qui correspond
au siècle qui s’ouvre.
Je voudrais devant vous en définir les principes, essayer de
nous donner quelques objectifs, mais aussi vous dire comment
j’entends que le Gouvernement puisse vous donner les moyens de
cette transformation qui a été engagée depuis le printemps 2017,
qui s’appuie aussi sur un travail depuis plusieurs années, mais
dans la sortie de crise sanitaire, doit nous inviter à aller encore
plus vite et plus fort.
Pour bâtir cette action publique du XXIe siècle, il y a évidemment
des invariants, si je puis dire, nos valeurs, nos principes. L’intérêt
général, la défense de la neutralité, la loyauté des fonctionnaires,

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Chapitre 20. - La transformation de l’action publique
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474 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

ces valeurs qui se sont sédimentées à travers le temps constituent


la base de ce qu’est le service public et doivent demeurer. Elles sont
d’une modernité inoxydable. Ce sont des repères qu’il vous faut
défendre avec beaucoup de fierté.
En même temps, nous avons devant nous un monde en trans-
formation profonde depuis plusieurs années, transformation qui
s’accélère et évidemment questionne. D’abord, le numérique qui vient
transformer tout à la fois, les usages et le regard qui est porté sur
l’action publique… L’autre grand élément de bouleversement que
nous devons prendre en compte pour bâtir l’action publique dans
le siècle qui est le nôtre, c’est un environnement de défiance.
Et sur la base de ces invariants, mais aussi des changements
que je viens d’évoquer, nous devons construire, parfois rebâtir
l’action publique du XXIe siècle, et donc, les soubassements et
l’organisation de notre administration. Et donc, fort de ce double
constat, je voudrais ici revenir sur plusieurs jalons qui ont été
posés depuis le début du quinquennat, à partir desquels je veux
que nous puissions rebâtir l’action publique. Le premier, c’est
plus de proximité, je dirais d’humanité. Le deuxième, c’est plus
d’efficacité. Et le troisième, c’est plus de simplicité et en même
temps d’innovation.
Plus de proximité et d’humanité d’abord. Je crois qu’il nous
faut continuer d’avoir une administration, une action publique à
portée de femmes et d’hommes et représenter, incarner par celles
et ceux qui, sur le terrain, dans les compétences qui leur sont don-
nées, traduisent cette action publique pour nos concitoyens. Il y a
ce besoin de proximité, je dirai, au fond de bienveillance de cette
action publique. Nous avons en France un débat permanent autour
de la question de la décentralisation. Je pense que cette question est
bien souvent mal posée. La question n’est pas en effet de savoir s’il
faut décentraliser telle et telle compétence. Ce qui est demandé, c’est
une plus grande proximité des services, une plus grande capacité
à décider au plus près du terrain. Ce qui est demandé, ce sont des
visages familiers, humains qui portent ces décisions en responsa-
bilité aux côtés de nos concitoyens.
Le deuxième axe de réforme du service public, que nous poursui-
vons depuis le début du quinquennat et qui est à mes yeux essentiel,
c’est l’efficacité, c’est-à-dire avoir le souci constant de l’exécution et
du respect des engagements pris.

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Chapitre 20. - La transformation de l’action publique
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la transformation de l ’ action publique 475

L’action publique est aujourd’hui surdéterminée par trois mala-


dies qui sont les nôtres : la norme, le primat du budgétaire et la
multiplication des priorités qui se sédimentent. Ce qui fait que pour
nombre d’entre vous, je le sais, votre quotidien est surdéterminé par
ce qu’on appelait encore naguère les services votés et, au fond, ce qui
n’est pas rappelé chaque jour mais constitue la multiplication des
priorités qu’on a assignées aux unes et aux autres. Face à cela, je
pense qu’il nous faut collectivement mener un effort en profondeur.
Le premier, c’est un effort qui doit s’appliquer avant toute chose
au Gouvernement, mais qui est de retrouver vis-à-vis des admi-
nistrations centrales, des services déconcentrés, de l’ensemble des
opérateurs de l’État, retrouver cette culture de l’efficacité qui passe
par quelques principes simples : la clarté des objectifs et leur hié-
rarchisation, et donc leur sélectivité ; la pluriannualité dans la
capacité à bâtir l’action publique. Si on donne des objectifs, on les
donne sur plusieurs années et on donne les moyens aux dépositaires
de l’action publique et à ses cadres de les mettre en œuvre et donc on
ne surdétermine pas ses leviers. On leur laisse la possibilité de les
décider. Et donc nous devons remettre en œuvre ce qui a été progres-
sivement rerigidifié depuis la LOLF qui est la capacité à avoir de la
fongibilité, à avoir des latitudes quel que soit le titre, quel que soit le
programme pour les décideurs. C’est la culture de la responsabilité
clairement définie, de l’évaluation enfin qui va avec celle-ci. Clarté
des objectifs et sélectivité, pluriannualité, responsabilité et latitude
de manœuvre, évaluation. Enfin, sur ce deuxième axe d’action, je
demande au Premier ministre et au Gouvernement de procéder à
une revue de la cohérence de l’action publique.
Le troisième axe d’action sur lequel je souhaite nous engager
collectivement et que nous avons poursuivi et qui, là aussi, n’a pas
attendu ce quinquennat pour être commencé, porté, c’est celui de la
simplification et de l’innovation.
Proximité, bienveillance, responsabilité, efficacité et transpa-
rence, simplification et innovation, nous n’avons cessé de mener ce
travail depuis maintenant 4 ans, malgré les aléas, nous n’avons
jamais perdu le fil de cette réforme, jamais cessé d’agir pour amé-
liorer l’action publique et je veux ici en remercier l’ensemble des
ministres et des fonctionnaires qui, sans relâche, ont porté ce travail.
Nous devons aujourd’hui massivement l’accélérer. Pourquoi ?
Parce que la crise pose la question de l’action publique dans
des termes parfois très durs pour nous tous et donc il nous faut

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Chapitre 20. - La transformation de l’action publique
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476 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

nous-mêmes en être les acteurs à tous les niveaux, suivant ses prin-
cipes d’action que je viens de dire étant lucide sur notre force et nos
insuffisances, car si nous ne la pensons pas nous-mêmes, alors des
gens qui n’aiment pas l’action publique, qui n’aiment pas l’État,
la menaceront malgré nous. À nous donc de faire. Mais dans ce
moment et je finirai mon propos sur ces points, je veux aussi vous
donner les moyens d’agir davantage.
Nous devons aujourd’hui changer radicalement la manière dont
on recrute, dont on forme, dont on sélectionne, dont on construit les
parcours de nos hauts fonctionnaires.

Pour en savoir plus

Ouvrages

Action publique 2022, Notre stratégie pour la transformation de


l’action publique, octobre 2018.
Comité Action publique 2022, « Service public : se réinventer pour
mieux servir – Nos 22 propositions pour changer de modèle »,
juillet 2018.

Articles

Chevallier J., « La politique de transformation de l’action


publique de 2017 à 2021 », RFAP, n° 180, 2021, pp. 1091‑1104.
Le Clainche M., « La transformation de l’action publique
(2017‑2022) : un premier bilan », GFP, n° 5, 2022, pp. 41 et s.

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Chapitre 20. - La transformation de l’action publique
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CONCLUSION DE LA CINQUIÈME PARTIE :
L’ABSENCE DE MÉMOIRE ET DE CONTINUITÉ

456. Les programmes transversaux présentent un intérêt


particulier parce qu’ils sont le résultat d’une volonté politique
déterminée et font l’objet d’une présentation cohérente. Ils ont
l’ambition de se distinguer les uns des autres et prennent soin d’af-
ficher un vocabulaire propre, de mettre en avant des instruments
nouveaux, de se référer le moins possible à leurs prédécesseurs, à
l’exception notable de la circulaire Juppé. Ils n’ont cependant pas
eu l’exclusivité des mesures de réforme puisque nombre d’entre
elles ont emprunté d’autres voies : celle des réformes budgétaires,
celle des trains de simplifications, celle d’actions plus ponctuelles
et moins spectaculaires sans compter les évolutions spontanées
qui ne viennent pas d’une impulsion politique expresse. Même si,
en dehors des discours volontaristes, on perçoit certaines lignes
directrices entre toutes les réformes lancées depuis cinquante
ans, l’absence de mémoire dans la conception des réformes et
de continuité dans l’action a sans aucun doute beaucoup nui à
l’efficacité des actions réformatrices.

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Conclusion de la cinquième partie : l’absence de mémoire et de continuité
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CONCLUSION GÉNÉRALE

457. Du général de Gaulle à Emmanuel Macron, de la nou-


velle société à la transformation de l’action publique, des suites
données au mouvement de mai 1968 aux réponses à la révolte
des Gilets jaunes, des conséquences des accords de Grenelle au
conseil national de la refondation, de l’organisation et méthodes
au management public, de la déconcentration à la différenciation,
de la mécanographie au tout-numérique, de la RCB à la LOLF,
de l’impôt sur la fortune à la taxation internationale des GAFA…
la cinquantaine d’années écoulées entre 1972 et 2022 a vu éclore
et disparaître de très nombreuses réformes.
458. Tout au long de la période, les réformateurs se sont ins-
pirés soit des approches juridiques enrichies par les apports de
la sociologie, soit des approches managériales, complétées par
l’appel à d’autres expériences. Cependant, les deux approches
n’ont, à aucun moment, été exclusives. Elles ont inspiré simulta-
nément les gouvernants dont les programmes comprenaient des
mesures inspirées de l’une ou l’autre démarche avec des domi-
nantes correspondant à l’idéologie du moment. Chacune des
approches, juridique ou managériale, semble avoir suivi le même
cycle d’expansion puis de déclin. Avec un peu de recul, les oppo-
sitions entre les deux approches sont moins tranchées. Le droit
et le management ont fini par se combiner (1). En fait, chacun
des programmes développés depuis 1968 est marqué du sceau
du « pragmatisme » qui permet au gouvernement de picorer dans
le répertoire des réformes et de présenter l’ensemble comme une
approche innovante, voire « révolutionnaire ». En effet, combien
de fois, au cours de cette période de cinquante ans, a-t-on entendu
le Président de la République, le Premier ministre ou le ministre
chargé de la Réforme administrative déclarer qu’il faut changer
l’administration, promettre d’engager une véritable révolution et,
ensuite, promouvoir quelques recettes qui empruntent largement
à ses prédécesseurs mais baptisées par un néologisme flatteur.

(1) J. Caillosse, La constitution imaginaire de l’administration, Paris, PUF, 2008.

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Conclusion générale
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480 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

459. Peut-on tirer de cette succession de programmes une


problématique générale et des leçons pour l’avenir ? Trois
questions invitent à la réflexion. La première est celle du bilan
de cette accumulation de réformes. Comment comprendre les
causes de succès ou d’échec de l’ensemble ou de certaines
réformes ? La seconde est la recherche d’un nouveau para-
digme synthétique qui présiderait à un nouveau mouvement
de réformes adapté à notre temps. Cette recherche est-elle
vaine ou porteuse de nouveaux horizons ? La troisième est
celle du bien-fondé de la notion de programme de réformes.
La recherche systématique de bonnes recettes juridiques ou
managériales présentées dans une formulation cohérente ne
conduit-elle pas à une impasse ?

1) Un bilan : des résultats mais un défaut de continuité

Le bilan global des réformes entreprises est nécessairement


nuancé. Sur le long terme, il est incontestable que des progrès
considérables ont été accomplis dans l’efficacité de l’action
administrative comme dans l’amélioration de la qualité du
service rendu. En témoignent de très nombreux exemples : la
simplification de la déclaration de revenus qu’il est désormais
possible de supprimer pour un grand nombre de contribuables
(summum de la simplification des formalités, leur suppression !),
les remboursements de frais de santé pris en charge automati-
quement par l’assurance-maladie, le dédouanement ultra-rapide
des marchandises, les accueils sur rendez-vous, l’information
administrative en ligne, la réduction du non-recours aux pres-
tations sociales… Toutefois, ces réussites doivent être nuan-
cées par la montée dans l’opinion d’un sentiment très fort de
dégradation de la qualité des services publics qui se fonde sur
de multiples expériences dans des secteurs divers : la santé,
l’éducation, le fret ferroviaire, l’approvisionnement en éner-
gie, la vie en milieu rural et dans les banlieues (2). Les causes
en sont multiples, notamment l’excès de vision à court terme
pour des raisons politiques et budgétaires ainsi que les dérives
du managérialisme.

(2) J. Gervais, C. Lemercier et W. Pelletier, La valeur du service public, Paris, La Découverte,


2021.

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Conclusion générale
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conclusion générale 481

460. La réponse à la question de savoir pourquoi certaines


réformes ont réussi et d’autres ont échoué n’est pas simple.
Les échecs sont nombreux. Pour les programmes transversaux,
l’échec de la RCB et les résultats mitigés de la RGPP montrent les
limites d’une approche globale à partir de préoccupations finan-
cières. Les succès du plan Rocard ou de la LOLF sont réels mais
partiels. Pour les démarches plus spécifiques, les simplifications
demeurent un mythe de Sisyphe, les progrès dans la transparence
de l’action publique sont inachevés, l’état actuel de la décon-
centration et de la décentralisation résultent d’une très longue
marche semée d’obstacles, la fiscalité locale est devenue incom-
préhensible et irréformable, le succès apparent du numérique
cache encore de sérieuses difficultés d’application. Les réforma-
teurs ont souvent attribué ces échecs relatifs à la « résistance au
changement », résultant notamment du poids des habitudes et de
l’action des syndicats pour défendre les « droits acquis ». On a vu
bien d’autres foyers de résistance : les stratégies des grands corps
administratifs, les intérêts divergents des ministères, les associa-
tions d’élus locaux… L’érosion du sens collectif n’a pas non plus
créé un climat favorable à l’expansion des services publics.
461. Ce ne sont pas les idées de réforme qui manquent. Les
diagnostics et les propositions sont abondamment documentés
dans les rapports des parlementaires, du Conseil d’État, de la
Cour des comptes et de bien d’autres organismes. Il faut donc
s’interroger sur les méthodes des réformateurs. Les facteurs de
succès d’une réforme sont multiples et forment un ensemble com-
plexe qui évolue en fonction des circonstances. Pour réussir à
implanter durablement une nouvelle façon d’administrer, il faut
un contexte favorable manifesté par trois facteurs.
D’abord, une forte volonté politique comme celle qui a été affi-
chée pour la décentralisation en 1981‑1983 ou au moment du
renouveau du service public en 1989‑1990. Celle-ci est d’autant
plus exceptionnelle que l’opinion s’intéresse peu à ces sujets. Il
faut aussi un minimum de continuité. La priorité accordée à
l’horizon budgétaire de court terme ou à l’ambiance politique
du moment a trop souvent conduit à une succession de modes. La
durée de l’action réformatrice a, par exemple, manqué à la RGPP,
mais a permis les bons résultats de l’administration de l’équipe-
ment dans les années 1980‑1990 et de la création de la DGFiP à
partir de 2018. Enfin, la réforme administrative ou financière doit

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Conclusion générale
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482 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

être en adéquation avec l’environnement politique, technique et


social. Elle doit prendre en compte les contextes, les enjeux, les
valeurs portées par les différentes parties prenantes. Comme ce
fut le cas pour les réformes juridiques des années 1978 (aspira-
tions à la transparence), la décentralisation en 1981, la réforme
budgétaire de 2001 (accord du Parlement et du Gouvernement)
ou l’essor du numérique aujourd’hui. Il est certain que le facteur
temps joue aussi un rôle prépondérant. Si le temps de la réflexion,
de la concertation, des ajustements n’est pas organisé en amont
de la réforme, il sera nécessaire de prévoir des adaptations et des
clauses de revoyure après les premiers textes.
462. En dehors de quelques exemples résultant d’un concours
de circonstances souvent très provisoire, la plupart des grands
programmes décrits sont une accumulation de mesures d’inspi-
rations assez disparates sans qu’une ligne directrice apparaisse
clairement. On a pu parler de shopping ou de zapping managérial
dans la démarche de constitution des programmes de réformes (3).
Le résultat est une relative discontinuité des efforts et une suc-
cession d’effets de mode qui n’ont qu’une prise limitée sur la
réalité des rapports entre l’administration de base et les citoyens
« lambda » : absence de continuité, absence de mémoire et de capi-
talisation, redémarrage à zéro, démotivation des réformateurs et
des agents de base, scepticisme généralisé ont ralenti ou atténué
des résultats néanmoins positifs. Au minimum, on a l’impres-
sion qu’on aurait pu faire beaucoup mieux et qu’on aurait pu
mobiliser moins de moyens (on pense aux énormes dépenses de
consultants) avec moins d’affichages, un peu plus de continuité et
de rationalité. En somme, les réformes administratives et finan-
cières ont été le fruit d’une succession de « coups » plus ou moins
réussis plutôt que d’une politique publique explicite, débattue et
continue. Dans ces conditions, la relative discrétion de la trans-
formation de l’action publique, après l’épisode du rapport Action
publique 2022, a été parfois critiquée mais devrait être plutôt
portée à son actif.

(3) Ph. Bezes et Ch. Muselin, « Le new public management entre rationalisation et marchandi-
sation ? », in L. Boussaguet, S. Jacquot et P. Ravinet (dir.), Une « French touch » dans l’analyse
des politiques publiques ?, Presses de Sciences Po, 2015 ; D. Huron et J. Spindler, Management et
finances publiques, Les marqueurs du New Public Management, Paris, L’Harmattan, 2019.

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Conclusion générale
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conclusion générale 483

2) La recherche d ’ un nouveau modèle

463. Les programmes les plus récents de réforme adminis-


trative additionnent des mesures d’inspiration juridique et des
mesures d’inspiration managériales. Il est tentant de dépasser
cette attitude « pragmatique » et de rechercher une possible syn-
thèse. Celle-ci est-elle possible ? Au-delà de la concurrence entre
les deux approches, il y a en effet des complémentarités évidentes.
L’hypothèse d’une convergence reste ouverte. Ce qui dégage des
perspectives tant pour la philosophie des réformes que pour le
renouvellement du droit public dont on peut espérer que l’une
et l’autre puissent s’émanciper à la fois des conceptions bureau-
cratiques et des conceptions néolibérales.
464. Plus personne ne conteste que le modèle bureaucratique
d’administration décrit par Max Weber a vécu : l’administré ne
peut plus être considéré comme le sujet impersonnel d’une orga-
nisation hiérarchisée. Mais le modèle technocratique de gestion
publique ne suffit pas davantage pour répondre aux exigences de
notre temps : les notions d’efficacité et d’efficience n’épuisent pas
tous les ressorts du service public. On peut donc chercher à concep-
tualiser une administration qui s’écarterait, d’une part, du modèle
traditionnel d’administration dépersonnalisée et autoritaire et,
d’autre part, du modèle managérial orienté vers la rentabilité et
l’individualisme. Du premier type, il est indispensable de conserver
les valeurs de respect du droit et de l’égalité qui assurent une admi-
nistration légale et au service de tous. Le second nous apporte une
rationalisation des méthodes, une attention à l’usager qui est indis-
pensable pour que l’administration ne soit pas un frein au dyna-
misme social. Aujourd’hui, il est tentant d’emprunter à l’une et à
l’autre démarche. Une telle synthèse donnerait un cap clair et fort
à la réforme administrative et financière. Sommes-nous en marche
vers un « management du troisième type » entre bureaucratie et
néo-libéralisme (4) ? Des auteurs tels que Jacques Caillosse pour le
droit (5), Jacques Chevallier pour les sciences administratives (6)
et Michel Bouvier pour les sciences financières (7) appellent à une

(4) Référence à G. Archier et H. Serieyx, L’entreprise du troisième type, Paris, Seuil, 1984.
(5) « Les figures croisées du juriste et du manager dans la politique française de réforme de l’État »,
RFAP, nos 105/106, 2003, pp. 121‑134.
(6) J. Chevallier, L’État post-moderne, 4e éd., Paris, LGDJ-Lextenso, 2017.
(7) M. Bouvier, « L’État, les métropoles, l’impôt, le numérique : quel équilibre du politique dans
un monde en transition ? », in Mélanges en l’honneur de Gilbert Orsoni, 2018, p. 373.

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réconciliation du juriste et du manager ou à un État post-moderne


ou encore à un nouveau paradigme des finances publiques dans un
contexte de contestation de la souveraineté des États, de la mon-
dialisation et de la numérisation. Tout comme la fin de l’histoire,
cet aboutissement est loin d’être certain et n’est pas parfaitement
perceptible aujourd’hui.
La prise de conscience des défis de la transition écologique et
la dernière crise sanitaire conduisent aussi à revoir la conception
de l’action publique, du rôle de l’État, de la solidarité interna-
tionale et intergénérationnelle. Les réformes administratives et
financières à envisager ne sont donc plus seulement des ajuste-
ments techniques dont le succès serait dépendant d’une méthode
continue et rationnelle mais elles doivent aussi procéder d’une
conception nouvelle et si possible globale des relations entre les
citoyens et les pouvoirs publics.
465. Parmi les modèles possibles, les juristes ont souvent pré-
conisé un retour aux principes du service public, éventuellement
modernisés. L’égalité serait conçue d’une manière moins formelle
pour tenir compte de situations concrètes des différentes catégo-
ries d’usagers et du besoin d’équité, si souvent mis en avant par
le Médiateur de la République. La continuité et l’adaptabilité
devraient permettre de progresser dans la voie de la personnalisa-
tion et de l’accès effectif aux droits et de la différenciation territo-
riale. De manière un peu prospective, on pourrait aller plus loin et
se poser la question de savoir si la notion nouvelle de « biens com-
muns » pourrait renouveler la façon de penser l’action publique (8).
466. On peut aussi se référer à un modèle humaniste tourné
vers l’usager. L’enjeu serait de faire évoluer le système de relations
entre l’administration et ses publics pour passer d’un mode inéga-
litaire de domination à un mode plus équilibré par une revalorisa-
tion du rôle de l’usager. Les idées d’administration « partenaire »
ou « participative » ont ainsi été émises. L’idée de démocratie
renouvelée peut aussi inspirer les réformateurs puisque la fron-
tière entre les démarches politiques et les démarches administra-
tives est peu pertinente à ce niveau de conception de la politique
publique de réformes. Les modes de régulation et de décision
politiques conservent toute leur raison d’être. Mais ils ne peuvent

(8) E. Ostrom, Gouverning the commons (1990), La gouvernance des biens communs, Bruxelles,
De Boek, 2020 ; J. Tirole, Économie du bien commun, Paris, PUF, 2016.

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conclusion générale 485

que gagner à être complétés et vivifiés par un circuit court qui


permet aux citoyens de s’exprimer et d’être associés à l’évolution
des services qui jouent un rôle essentiel de solidarité et de progrès.
467. Les techniques de management public trouveraient ainsi
un nouveau fondement. Un modèle de service public focalisé sur
ses usagers donnerait davantage la parole aux citoyens ; il serait
organisé en réseau plutôt qu’en pyramide ; il ferait appel à la
prospective, à l’expérimentation, aux nouvelles technologies,
sans oublier de rechercher la simplicité pour l’usager ; il ferait
confiance à des agents formés et responsabilisés ; il assumerait
pleinement ses missions de protecteur de l’environnement, de
garant de la solidarité, de précurseur du long terme. Ainsi se
dessinent les contours d’un nouveau management public qui
s’inspire directement et sans honte du management des grandes
organisations tout en défendant les notions de service public.
Dans un modèle d’administration plus moderne, plus diversifiée,
plus proche du terrain, plus souple, plus horizontale, les agents
publics disposeront de marges d’initiatives et de responsabilités
plus larges pour servir la collectivité tout en rendant service à
des citoyens qui, peut-être un jour, s’intéresseront davantage
à son fonctionnement. Une administration où on reconnaîtrait
aux responsables de terrain une marge d’autonomie qui s’étende
à l’exercice de pouvoirs de décision, à l’agencement des moyens
et à l’utilisation d’enveloppes budgétaires. Dans le même temps,
on peut espérer que des citoyens mieux informés, conscients des
possibilités dont ils disposent pour se faire entendre et faire
valoir leurs droits, seraient moins tentés par le discours anti-
fonctionnaires et la revendication égoïste (9). Cette orientation
est approfondie par Annie Bartoli et Sylvie Trosa dans leur livre,
Les paradoxes du management par le sens (10).
468. Les contributeurs de cet ouvrage donnent des clés « pour
la reconstruction d’un management cohérent » autour d’un débat
ouvert sur les finalités de l’organisation et sur la gestion des para-
doxes. En reposant sur l’implication des acteurs et des parties
prenantes de l’action publique, le management public préco-
nisé s’efforce de mettre en place des processus de débat sur le

(9) M. Le Clainche, « Du fonctionnaire bureaucrate au citoyen bureauphile », Pouvoirs locaux,


n° 8, mars 1991, pp. 105‑109.
(10) A. Bartoli et S. Trosa (coord.), Les paradoxes du management par le sens, Presses de
l’EHESP, 2016.

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486 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

« pourquoi » des réformes, des formulations transparentes sur le


« quoi » modifier, et des marges de manœuvre importantes sur le
« comment changer ».

3) Des programmes ou des stratégies de réformes ?

469. On peut s’interroger sur la pertinence de la recherche


d’une réforme globale et synthétique qui dépasserait l’opposi-
tion entre les deux démarches juridiques ou managériales. Il faut
peut-être renoncer à l’illusion d’un paradigme unique et de la
solution miracle comme le recommande Annie Bartoli dans son
ouvrage sur le management des organisations publiques (11) :
« Aucune solution miracle ne saurait être trouvée, et tous les axes
de modernisation engagés renvoient aux mêmes exigences d’en-
gagement politique, de pilotage stratégique du changement et
d’évaluation de la politique et de l’action publiques, ainsi que de
leurs impacts… L’actualité est par conséquent aujourd’hui celle
d’un retour du politique et de l’éthique publique, cette dernière
ne pouvant être laissée au marché ou renvoyée à l’individu ». Il
est clair que l’approche purement instrumentale et « solution-
niste » qui a souvent prévalu est insuffisante. Il faut donc aller
plus loin, si l’on veut essayer de comprendre le relatif échec des
« révolutions » administratives successives et se demander si les
notions de réformes et de programmes sont les mieux adaptées
pour promouvoir une administration efficace au service des usa-
gers.
470. Dès 1992, Patrick Gibert et Jean-Claude Thoenig avaient
déjà noté que « la définition centralisée d’un système de gestion
publique est vouée à l’échec… ; l’esprit de système n’est pas la
solution » (12). Pour Michel Crozier, dans son dernier livre de
1995 (13) : « Il est temps de se rendre compte que l’idée de réforme
telle que nous l’avons figée dans notre tradition hiérarchique est
devenue complètement archaïque et dangereuse… Le problème à
résoudre n’est plus celui de la bonne réforme comme s’il suffisait
de former et de re-former les institutions et les hommes, c’est celui

(11) A. Bartoli, Management dans les organisations publiques, 3e éd., Paris, Dunod, 2009.
(12) P. Gibert et J.-C. Thoenig, « La gestion publique : entre l’apprentissage et l’amnésie »,
PMP, vol. 11 (1), 1993.
(13) M. Crozier, La crise de l’intelligence, Essai sur l’impuissance des élites à se réformer, Paris,
Interéditions, 1995.

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conclusion générale 487

de l’investissement bien préparé par une analyse préalable et bien


calculé dans une réflexion stratégique qui permettra au système
humain en question de se transformer ». Deux rapports publiés en
2022 préconisent, eux aussi, un renouvellement des démarches de
réforme : un rapport de France Stratégie, Soutenabilités, orches-
trer et planifier l’action publique (14), et une note de Terra Nova,
Services publics et transition : réformer la réforme de l’État (15).
Ces deux travaux collectifs, d’origines différentes, préconisent de
prendre des distances par rapport aux démarches managériales
issues du NPM, d’abandonner l’idée de programmes de réformes
venus d’en haut, de mieux prendre en compte les enjeux de long
terme et les dimensions écologiques, sociales et culturelles, de
définir un cadrage global et prospectif de l’action publique, de
penser la réforme administrative en même temps que l’adaptation
des politiques publiques et les projets d’action collective, d’asso-
cier résolument les citoyens. Pour Terra nova, il faut « passer de
la réforme de l’État à la fabrique des réformes » ; pour France
Stratégie, il est nécessaire de « démocratiser le temps long ».
471. Il est dans doute indispensable de penser les réformes au
plus près des réalités de chaque service et de mieux intégrer les
innovations à la gestion de chaque domaine (c’est le nouveau
sens du « design » des politiques publiques, voy. n° 191) mais un
mouvement d’ensemble reste nécessaire pour donner une impul-
sion et assurer un suivi. On s’accordera donc sur la nécessité de
définir une stratégie plutôt qu’un programme et d’organiser un
pilotage de l’action qui laisse une large autonomie aux acteurs.
Tout en renonçant à décrire ou même à esquisser l’administration
du futur, deux leviers d’action paraissent aujourd’hui les plus
porteurs de changement dans l’approche des réformes adminis-
tratives et financières : le nouveau contexte créé par le numérique
et un renouveau de la participation des citoyens. Ils présentent
la caractéristique d’être exogènes à l’administration, ce qui leur
donne plus de force pour vaincre les obstacles et les résistances.
Il est en effet bien tentant de prédire une administration qui
serait, notamment grâce au numérique, d’un côté plus ouverte,
plus participative, plus démocratique et d’un autre côté, plus
efficace, plus agile, plus économe.

(14) France Stratégies, Soutenabilités : Orchestrer et planifier l’action publique, mai 2022.
(15) V. Feltesse et S. Soriano, Services publics et transitions, réformer la réforme de l’État,
Terra Nova, mai 2022.

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488 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

472. Toutefois, le regard sur cinquante ans de réformes


administratives et financières incite à se garder des illusions
« révolutionnaires » formulées d’ailleurs le plus souvent par des
conservateurs ou par des « pragmatiques » qui cachent parfois des
présupposés idéologiques. Il serait donc présomptueux d’énoncer
des certitudes sur l’avenir des réformes et sur l’administration
elle-même dans un monde en bouleversement. La leçon la plus
importante est peut-être que, quelle que soit l’impression d’ur-
gence, la réforme doit s’inscrire dans un horizon de long terme. Il
faut probablement abandonner l’illusion d’une réforme octroyée,
descendante et sans rapport avec ce qui la précède. Il faut tenir
compte des hommes, des rapports de force, des cultures, c’est-
à-dire se donner le temps de la réforme. En même temps, on
peut regretter que la France ne se soit jamais donné les moyens
d’une action vigoureuse, continue, bien relayée, bien program-
mée. Entre les modes fugitives et l’enlisement sur une longue
période, le rythme n’a jamais été trouvé. La réforme du temps
de l’administration reste une autre piste de la réflexion antibu-
reaucratique (16).

Pour en savoir plus

Ouvrages

Bartoli A. et Trosa S. (coord.), Les paradoxes du management


par le sens, Presses de l’EHESP, 2016.
Barouch G., Où va la modernisation ? Dix années de modernisation
de l’Administration de l’Etat en France, Paris, ­L’Harmattan,
1993.
Chevallier J., L’État post-moderne, 4e éd., Paris, LGDJ-Lextenso,
2017.
Crozier M., La crise de l’intelligence, Essai sur l’impuissance des
élites à se réformer, Paris, Interéditions, 1995.
Feltesse V. et Soriano S., Services publics et transitions, réformer
la réforme de l’État, Terra Nova, mai 2022.

(16) F. Massé, Urgences et lenteur, quel management public à l’aube du changement du monde,
Paris, Éditions Fauve, 2018.

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conclusion générale 489

France Stratégies, Soutenabilités : Orchestrer et planifier l’action


publique, mai 2022.
Gervais J., Lemercier C. et Pelletier W., La valeur du service
public, Paris, La Découverte, 2021.
Ostrom Elinor, Governing the commons. The evolution of institu-
tions for collective action, Cambridge University Press, 1990 ;
La gouvernance des biens communs, Bruxelles, De Boeck, 2010.
Soriano S., Un avenir pour le service public, Paris, Odile Jacob,
2020.
Tirole J., Économie du bien commun, Paris, PUF, 2016.
Trosa S., Vers un management post bureaucratique, la réforme de
l’État, une réforme de la société, Paris, L’Harmattan, 2006.

Articles

Bouvier M., « L’État, les métropoles, l’impôt, le numérique :


quel équilibre du politique dans un monde en transition ? »,
Mélanges en l’honneur de Gilbert Orsoni, 2018, p. 373.
Barouch G., « Un second souffle pour la modernisation des admi-
nistrations de l’État : analyses et propositions », PMP, 1994,
vol. 12 (4), pp. 143-156.
Brachet P., « Problématique du partenariat de service public »,
PMP, vol. 13 (1), 1995, pp. 87-105.
Caillosse J., « Les figures croisées du juriste et du manager dans
la politique française de réforme de l’État », RFAP, nos 105/106,
2003, pp. 121-134.
Chevallier J., « L’État régulateur », RFAP, n° 111, 2004, p. 473.
Gibert P. et Thoenig J.-C., « La gestion publique entre l’appren-
tissage et l’amnistie », PMP, 1993, vol. 11 (1), pp. 3-21.
Le Clainche M., « Du fonctionnaire bureaucrate au citoyen
bureauphile », Pouvoirs locaux, n° 8, mars 1991, pp. 105‑109.
Padioleau J.-G., « L’action publique post-moderne. Le gouver-
nement politique des risques », PMP, vol. 17, n° 4, décembre
1999.

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ANNEXE 1 : CHRONOLOGIE DES PRINCIPALES
RÉFORMES ET DES MINISTRES CHARGÉS
DES RÉFORMES ADMINISTRATIVES

1969 :PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE :GEORGES POMPIDOU


Premier ministre : Jacques Chaban-Delmas (RATIONALISATION
DES CHOIX BUDGÉTAIRES)
1969-1971 : Philippe Malaud, secrétaire d’État, chargé de la
Fonction publique et des Réformes administratives
1971-1972 : Roger Frey, ministre d’État, chargé de la Réforme
administrative
Premier ministre : Pierre Messmer (MÉDIATEUR)
1973-1974 : Alain Peyrefitte, ministre d’État, chargé de la
Réforme administrative
1974 : PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE : VALÉRY GISCARD
D’ESTAING
Premier ministre : Jacques Chirac
1974 : Jean-Jacques Servan-Schreiber, ministre des Réformes
Premier ministre : Raymond Barre (LOIS SUR LA TRANS-
PARENCE, TRAINS DE SIMPLIFICATION)
1978-1980 : Raymond Barre, Premier ministre, chargé des
Réformes administratives
1980-1981 : Jean-François Deniau, ministre délégué auprès du
Premier ministre, chargé des Réformes administratives
1981 : Raymond Barre, Premier ministre, chargé des Réformes
administratives
1981 : PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE : FRANÇOIS
MITTERRAND
Premier ministre : Pierre Mauroy (DÉCRET 18 NOVEMBRE
1983, DÉCENTRALISATION, NOUVELLE CITOYENNETÉ)
1981 : Catherine Lalumière, secrétaire d’État auprès du Premier
ministre, chargée de la Fonction publique et des Réformes admi-
nistratives

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Annexe 1 - Chronologie des principales réformes et des ministres chargés des Réformes administratives
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492 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

1981-1984 : Anicet Le Pors, ministre délégué auprès du Premier


ministre, chargé de la Fonction publique et des Réformes admi-
nistratives
Premier ministre : Laurent Fabius (LEVÉE DE L’ANONY-
MAT, OPÉRATION ADMINISTRATION À VOTRE SER-
VICE)
1984-1986 : Jean Le Garrec, secrétaire d’État auprès du Premier
ministre, chargé de la Fonction publique et des Simplifications
administratives
Premier ministre : Jacques Chirac (CERCLES DE QUALITÉ)
1986-1988 : Camille Cabana, ministre délégué auprès du Premier
ministre, chargé de la Réforme administrative
1988 : PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE : FRANÇOIS
MITTERRAND
Premier ministre : Michel Rocard (RENOUVEAU DU SERVIC
PUBLIC)
1988-1991 : Michel Durafour, ministre puis ministre d’État
chargé de la Fonction publique et des Réformes administra-
tives
Premier ministre : Edith Cresson (MAISONS DE SERVICE
PUBLIC)
1991-1992 : Jean-Pierre Soisson, ministre d’État, ministre de
la Fonction publique et de la Modernisation administrative
Premier ministre : Pierre Bérégovoy (CHARTE DES
RELATIONS DE L’ADMINISTRATION ET DES USAGERS)
1992‑1993 : Michel Delebarre, ministre d’État, ministre de la
Fonction publique et des Réformes administratives
Premier ministre : Édouard Balladur
1993‑1995 : André Rossinot, ministre de la Fonction publique
1995 : PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE : JACQUES CHIRAC
Premier ministre : Alain Juppé (RÉFORME DE L’ÉTAT,
COMMISSARIAT À LA RÉFORME DE L’ÉTAT)
1995 : Claude Goasguen, ministre de la Réforme de l’État, de
la Décentralisation et de la Citoyenneté
1995-1997 : Dominique Perben, ministre de la Fonction
publique, de la Réforme de l’État et de la Décentralisation

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Annexe 1 - Chronologie des principales réformes et des ministres chargés des Réformes administratives
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annexe 1 493

Premier ministre : Lionel Jospin (LOI SUR LES RELATIONS


ENTRE L’ADMINISTRATION ET LE PUBLIC, LOI
ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES,
PROGRAMME GOUVERNEMENTAL D’ACTION POUR LA
SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION)
1997-2000 : Emile Zucarelli, ministre de la Fonction publique,
de la Réforme de l’État et de la Décentralisation
2000-2002 : Michel Sapin, ministre de la Fonction publique et
de la Réforme de l’État
2002 : PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE : JACQUES CHIRAC
Premier ministre : Jean-Pierre Raffarin (ACTE 2 DE LA
DÉCENTRALISATION)
2002-2004 : Jean-Paul Delevoye, ministre de la Fonction
publique, de la Réforme de l’État et de l’Aménagement du ter-
ritoire et Henri Plagnol, secrétaire d’État, chargé de la Réforme
de l’État
2004-2005 : Renaud Dutreil, ministre de la Fonction publique
et de la Réforme de l’État et Eric Woerth, secrétaire d’État,
chargé de la Réforme de l’État
Premier ministre : Dominique de Villepin (DIRECTION
GÉNÉRALE DE LA MODERNISATION DE L’ÉTAT, AUDIT
DE MODERNISATION)
2005-2007 : Jean-François Copé, ministre chargé du Budget et
de la Réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement
2007 : PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE : NICOLAS
SARKOZY
Premier ministre : François Fillon (RGPP, DGFiP, RÉATE)
2007-2009 : Eric Woerth, ministre du Budget, des Comptes
publics, de la Fonction publique et Eric Besson, secrétaire
d’État, chargé de la Prospective et de l’Évaluation des politiques
publiques (puis du développement de l’économie numérique)
2009-2010 : Eric Woerth, ministre du Budget, des Comptes
publics, de la Fonction publique et de la Réforme de l’État
2010-2011 : François Baroin, ministre du Budget, des Comptes
publics, de la Fonction publique et de la Réforme de l’État
2011-2012 : Valérie Pécresse, ministre du Budget, des Comptes
publics et de la Réforme de l’État

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Annexe 1 - Chronologie des principales réformes et des ministres chargés des Réformes administratives
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494 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

2012 : PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE : FRANÇOIS


HOLLANDE
Premier ministre : Jean-Marc Ayrault (MODERNISATION
DE L’ACTION PUBLIQUE)
2012-2014 : Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de
l’État, de la Décentralisation et de la Fonction publique
Premier ministre : Manuel Valls
2014-2015 : Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de la
Réforme de l’État et de la Simplification
2015 : Clotilde Valter, secrétaire d’État chargé de la Réforme
de l’État et de la Simplification
Premier ministre : Bernard Cazeneuve
2016-2017 : Jean-Vincent Placé, secrétaire d’État chargé de la
Réforme de l’État et de la Simplification
2017‑2022 : PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE : EMMANUEL
MACRON
Premier ministre : Édouard Philippe (ACTION PUBLIQUE
2022, TRANSFORMATION DE L’ACTION PUBLIQUE,
GRAND DEBAT NATIONAL)
2017-2020 : Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des
Comptes publics
2017‑2020 : Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du
ministre de l’Action et des Comptes publics
Premier ministre : Jean Castex (TRANSFORMATION DE
L’ACTION PUBLIQUE, DIFFÉRENCIATION, FRANCE
SERVICES, RÉFORME DE LA HAUTE FONCTION
PUBLIQUE)
2020‑2022 : Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation
et de la Fonction publique
Première ministre : Elisabeth Borne
AUGMENTATION DU POINT D’INDICE, COMITÉ
NATIONAL DE REFONDATION
2022 : Stéphane Guérini, ministre de la Transformation et de
la Fonction publiques.

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Annexe 1 - Chronologie des principales réformes et des ministres chargés des Réformes administratives
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ANNEXE 2 : LISTE DES DOCUMENTS
PAR CHAPITRES

Les documents encadrés dans le texte sont des extraits. Les


textes sont publiés dans leur version initiale sans tenir compte
des modifications ultérieures. Les numéros entre parenthèses
renvoient au numéro de paragraphe dans lequel sont insérés les
documents.
Introduction
– n° 1 Discours de Jacques Chaban-Delmas à l’Assemblée
Nationale, le 16 septembre 1969 (18)
Chapitre 1. Sources et typologie des réformes
– n° 2 Un exemple de discours managérial : F.-D. Migeon,
directeur général de la modernisation de l’État (2010) (50)
Chapitre 2. Les acteurs et le pilotage des réformes
– n° 3 Les services publics vus par les Français et les usagers,
Baromètre de l’Institut Paul Delouvrier (71)
– n° 4 La crise de « notre État « vue par Roger Fauroux (82)
– n° 5 Décret n° 95‑1007 du 13 septembre 1995 relatif au
comité interministériel pour la réforme de l’État et à la déléga-
tion interministérielle à la réforme de l’État (96)
– n° 6 Décret n° 2005‑1792 du 30 décembre 2005 portant créa-
tion d’une direction générale de la modernisation de l’État au
ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie (98)
– n° 7 Décret n° 2012‑1198 du 30 octobre 2012 portant créa-
tion du secrétariat général pour la modernisation de l’action
publique (99)
– n° 8 Décret n° 2017‑1584 du 20 novembre 2017 relatif à la
direction interministérielle de la transformation publique et à la
direction interministérielle du numérique et du système d’infor-
mation et de communication de l’État (101)
– n° 9 Circulaire du 3 octobre 2019 relative au suivi des prio-
rités de l’action gouvernementale (102)

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Annexe 2 - Liste des documents par chapitres
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496 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Chapitre 3. La diversification des recours


– n° 10 Loi n° 73‑6 du 3 janvier 1973 instituant un média-
teur (109)
– n° 11 Loi constitutionnelle n° 200‑724 du 23 juillet 2008
relative à la modernisation des institutions de la Ve République
(Défenseur des droits) (117)
– n° 12 Loi organique n° 2011‑333 du 29 mars 2011 relative
au Défenseur des droits (117)
Chapitre 4. Les droits des usagers dans la procédure adminis-
trative
– n° 13 Loi n° 78‑17 du 6 janvier 1978 relative aux fichiers, à
l’informatique et aux libertés (122)
– n° 14 Loi n° 78‑753 du 17 juillet 1978 portant diverses
mesures d’amélioration des relations entre l’administration et
le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et
fiscal (128)
– n° 15 Loi n° 2018‑727 du 10 août 2018 pour un État au
service d’une société de confiance (139)
Chapitre 5. Les simplifications administratives
– n° 16 Décret n° 90‑1125 du 18 décembre 1990 relatif aux
simplifications administratives (142)
– n° 17 Conseil des ministres du 3 février 2016 : bilan des
mesures de simplification (152)
– n° 18 Conseil des ministres du 5 février 2020 : accélération
et simplification de l’action publique (160)
Chapitre 6. Les démarches centrées sur les usagers
– n° 19 Dossier de presse du 3 novembre 2003 : les cinq enga-
gements de la Charte Marianne (171)
– n° 20 Circulaire n° 6094/SG du 1er juillet 2019 : création de
France Services (175)
– n° 21 Logos Bison Fûté (1976) (186)
– n° 22 Charte graphique gouvernementale. Bloc-marque
République Française 1999 (189)
– n° 23 Un sondage d’opinion (BVA, septembre 2019), syn-
thèse des résultats (190)
– n° 24 Publicité : Montpellier la surdouée (1980) (190)

SDOC UNIVERSITE PARIS-SACLAY / Université Paris Saclay (195.221.160.2)


Annexe 2 - Liste des documents par chapitres
www.stradalex.eu - 23/04/2024
annexe 2 497

– n° 25 Dossier de presse « Services publics + » (janvier 2021)


(197)
Chapitre 7. L’association des usagers
– n° 26 Fiche : les grandes étapes du grenelle de l’environne-
ment (2007‑2010) (207)
– n° 27 Conseil des ministres du 13 février 2019 : point d’étape
sur le grand débat national (209)
– n° 28 Fiche « Vie publique » : la convention citoyenne sur le
climat juin 2020 (210)
– n° 29 Bilan du lancement des conseils nationaux de la refon-
dation, Communication au Conseil des ministres du 2 novembre
2022 (210)
– n° 30 Loi organique n° 2021‑27 du 15 janvier 2021 relative
au Conseil économique, social et environnemental (213)
– n° 31 Loi constitutionnelle n° 2008‑724 du 23 juillet 2008 de
modernisation des institutions de la Ve République (référendum
d’initiative partagée) (214)
Chapitre 8. De l’administration du personnel à la gestion des
ressources humaines
– n° 32 L’évolution du nombre de fonctionnaires de 1980 à
2020 (222)
– n° 33 Loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant statut général
de fonctionnaires (224)
– n° 34 À l’ENA, 6 % des élèves sont fils d’ouvriers, article
du Parisien Libéré (245)
– n° 35 Décret n° 2021‑1556 du 1er décembre 2021 relatif à
l’organisation et au fonctionnement de l’Institut national du
service public (247)
– n° 36 La réforme de la haute fonction publique,
Communication au Conseil des ministres du 23 novembre 2022
(247)
Chapitre 9. La réorganisation de l’administration
– n° 37 Décret n° 82‑389 du 10 mai 1982 relatif aux pouvoirs
des commissaires de la République et à l’action des services et
organismes publics de l’État dans les départements (251)
– n° 38 Loi d’orientation n° 92‑125 du 6 février 1992 relative
à l’administration territoriale de la République (254)

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Annexe 2 - Liste des documents par chapitres
www.stradalex.eu - 23/04/2024
498 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

– n° 39 Décret n° 92‑604 du 1er juillet 1992 portant charte de


la déconcentration (254)
– n° 40 Décret n° 2004‑374 du 29 avril 2004 relatif aux pou-
voirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de
l’État dans les régions et départements (254)
– n° 41 Décret n° 2010‑146 du 16 février 2010 modifiant le
décret n° 2004‑374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des pré-
fets, à l’organisation et à l’action des services de l’État dans les
régions et départements (255)
– n° 42 Décret n° 2015‑510 du 7 mai 2015 portant charte de
la déconcentration (258)
– n° 43 Loi n° 72‑219 du 5 juillet 1972 portant création et
organisation des régions (268)
– n° 44 Loi n° 82‑213 du 2 mars 1982 relative aux droits et
libertés des communes, des départements et des régions (269)
– n° 45 Loi constitutionnelle n° 2003‑276 du 28 mars 2003
relative à l’organisation décentralisée de la République (273)
– n° 46 Loi n° 2022‑217 du 21 février 2022 relative à la dif-
férenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant
diverses mesures de simplification de l’action publique locale (281)
– n° 47 Les multiples organismes de veille sanitaire (288)
Chapitre 10. La rationalisation des méthodes administratives
– n° 48 Les objectifs des projets annuels de performance
(Direction du budget) (312)
– n° 49 Circulaire du 21 juin 2001 relative à la généralisation
du contrôle de gestion (313)
– n° 50 Décret n° 2011‑775 du 28 juin 2011 relatif à l’audit
interne dans l’administration (314)
– n° 51 Décret n° 90‑82 du 22 janvier 1990 relatif à l’évaluation
des politiques publiques (322)
– n° 52 Loi constitutionnelle n° 2008‑724 du 23 juillet 2008 de
modernisation des institutions de la Ve République (324)
Chapitre 11. Les nouvelles technologies
– n° 53 Discours de Lionel Jospin à l’Université de la
Communication d’Hourtin, le 25 août 1997 (332)
– n° 54 Conseil des ministres du 25 août 2021 : Bilan de l’amé-
lioration et de la numérisation des services publics (334)

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Annexe 2 - Liste des documents par chapitres
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annexe 2 499

Chapitre 12. La procédure budgétaire au service d’une meilleure


gestion publique
– n° 55 Loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative
aux lois de finances (357)
– n° 56 Exemples d’objectifs et d’indicateurs des programmes
d’actions prioritaires (PLF 2021) (357)
– n° 57 Décret n° 2012‑1246 du 7 novembre 2012 relatif à la
gestion budgétaire et comptable publique (358)
Chapitre 13. L’exécution et le contrôle des opérations budgé-
taires
– n° 58 Critique des procédures budgétaires et comptables par
la Commission Efficacité de l’État du Xe Plan (369)
– n° 59 Loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative
aux lois de finances (comptabilités publiques) (374)
– n° 60 Décret n° 2012‑1246 du 7 novembre 2012 relatif à
la gestion budgétaire et comptable publique (comptabilités
publiques) (374)
– n° 61 Loi n° 2011‑1978 du 28 décembre 2011 de finances rec-
tificative pour 2011 (responsabilité des comptables publics) (377)
– n° 62 Loi n° 2021‑1900 du 30 décembre 2021 de finances pour
2022 (responsabilité des gestionnaires publics) (377)
Chapitre 14. Les réformes de l’administration fiscale
– n° 63 Loi n° 87‑502 du 8 juillet 1987 dite Aicardi modifiant
les procédures fiscales et douanières (390)
– n° 64 Dépliant d’information 2 octobre 2013 : la relation de
confiance (396)
Chapitre 15. Les réformes fiscales
– n° 65 Loi n° 80‑10 du 10 janvier 1980 portant aménagement
de la fiscalité directe locale (410)
– n° 66 Conseil constitutionnel n° 2009‑599 DC du 29 décembre
2009 (autonomie financière des collectivités territoriales) (410)
– n° 67 Communiqué OCDE du 8 octobre 2021 : la commu-
nauté internationale conclut un accord fiscal sans précédent
adapté à l’ère du numérique (421)
Chapitre 16. Le renouveau du service public
– n° 68 Circulaire du 23 février 1989 relative au renouveau du
service public (431)

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500 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Chapitre 17. La réforme de l’État et des services publics


– n° 69 Circulaire du 26 juillet 1995 relative à la préparation
et à la mise en œuvre de la réforme de l’État et des services
publics (434)
– n° 70 Circulaire du 25 juin 2003 relative aux stratégies minis-
térielles de réforme (435)
Chapitre 18. La révision générale des politiques publiques
(RGPP)
– n° 71 Dossier de presse du 4 avril 2008 : la démarche de la
révision générale des politiques publiques (439)
Chapitre 19. La modernisation de l’action publique
– n° 72 CIMAP du 10 décembre 2012 : présentation de la
modernisation de l’action publique (444)
Chapitre 20. La transformation de l’action publique
– n° 73 Circulaire n° 5968/SG du 26 septembre 2017 : le pro-
gramme Action publique 2022 (445)
– n° 74 CITP du 5 février 2021 : dossier de presse (455)
– n° 75 Discours d’Emmanuel Macron devant la Convention
managériale de l’État, le 18 avril 2021 (455)

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Annexe 2 - Liste des documents par chapitres
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TABLE DES MATIÈRES

M es remerciements ............................................................................... 7
P réface ................................................................................................. 9
A vant - propos ......................................................................................... 13
L iste des abréviations utilisées ............................................................ 17
S ommaire ............................................................................................... 21
I ntroduction ......................................................................................... 23
Définitions : Les réformes administratives et financières...................................... 23
L’administration................................................................................................ 23
La réforme administrative............................................................................... 24
Les réformes financières................................................................................... 27
Réforme administrative et réformes sectorielles.................................................... 28
Réforme administrative, réforme de l’État, action publique.................................. 29
Réforme et révolution................................................................................................. 30
Réforme administrative en France et à l’étranger................................................... 30
Méthodes et plan de l’ouvrage :................................................................................. 31
Le travail d’un « spectateur engagé ».............................................................. 31
Approche chronologique : 1972‑2022.............................................................. 34
Approche thématique : les réformes juridiques
et les réformes managériales.................................................................. 40
Présentation de l’ouvrage.................................................................................. 43
B ibliographie générale ......................................................................... 45

Première partie
La conception des réformes :
des approches juridiques
aux approches managériales

Chapitre 1. Sources et typologies des réformes........................................................ 53


Section 1. La conception juridique des réformes.................................................... 53
§ 1. Les sources......................................................................................... 54
a) Le droit public.................................................................................. 54
b) Les sciences politiques................................................................... 55
c) La sociologie des organisations..................................................... 56
d) Les sciences administratives......................................................... 57
e) Les sciences financières................................................................. 57
§ 2. Les limites de l’approche juridique complétée par l’approche
sociologique........................................................................................ 58

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516 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Section 2. La conception managériale des réformes.............................................. 59


§ 1. Les théories du management public................................................ 60
§ 2. La critique et la postérité du New Public Management............... 65
Section 3. Les différentes figures de l’administré.................................................... 68
§ 1. De l’usager au client.......................................................................... 69
a) Le public, l’administré, l’usager.................................................... 69
b) Le contribuable.............................................................................. 70
c) Le citoyen......................................................................................... 71
d) Le client........................................................................................... 73
§ 2. Les facettes multiples de l’administré............................................. 73
Pour en savoir plus................................................................................... 76

Chapitre 2. Les acteurs et le pilotage des réformes................................................. 83

Section 1. L’administration et la réforme administrative....................................... 83


§ 1. Réforme administrative et politique................................................ 84
§ 2. Les fonctionnaires et les autres acteurs.......................................... 86
Section 2. Le pilotage des réformes.......................................................................... 92
§ 1. Mesures diverses et programmes transversaux............................. 92
§ 2. L’administration de la réforme......................................................... 94
Pour en savoir plus................................................................................... 106

Conclusion de la première partie : le pragmatisme l’emporte. ................................. 109

Deuxième partie
Les relations avec les usagers : du médiateur à la démocratie
administrative

Chapitre 3. La diversification des recours.................................................................. 115

Section 1. Le Médiateur.............................................................................................. 115


Section 2. Le Défenseur des droits............................................................................ 120
Section 3. Le traitement des réclamations et le règlement amiable
des litiges.............................................................................................................. 124
Pour en savoir plus................................................................................... 126

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table des matières 517

Chapitre 4. Les droits des usagers dans la procédure administrative. ................... 129

Section 1. La protection contre les dangers de l’informatique et du numérique...... 130


§ 1. La loi informatique et libertés.......................................................... 130
§ 2. Le règlement général de protection des données (RGPD)........... 132
Section 2. La transparence administrative............................................................... 133
§ 1. L’accès aux documents administratifs............................................ 133
§ 2. Le droit à l’information dans le droit de l’environnement............ 137
Section 3. La formalisation de la procédure administrative.................................. 139
§ 1. Vers un code de procédure administrative..................................... 139
§ 2. Après le Code de procédure administrative................................... 142
Pour en savoir plus................................................................................... 145

Chapitre 5. Les simplifications administratives........................................................... 147

Section 1. Le pilotage et la stratégie.......................................................................... 147


Section 2. Les mesures de simplification................................................................. 152
§ 1. Les premiers « trains » de simplification (1977‑2012)................... 152
§ 2. Le renouveau des simplifications après la RGPP.......................... 154
a) Les simplifications dans le cadre de la modernisation
de l’action publique (2012‑2017).................................................. 154
b) Les simplifications dans la transformation de l’action publique
(2017‑2022)...................................................................................... 158
Section 3. La lutte contre l’inflation normative....................................................... 162
Pour en savoir plus................................................................................... 166

Chapitre 6. Les démarches centrées sur la relation avec les usagers. .................. 169

Section 1. L’accueil du public.................................................................................... 169


§ 1.les politiques d’amélioration de l’accueil dans les services........... 170
§ 2. L’accès aux services publics et la facilitation des démarches..... 172
Section 2. La communication publique..................................................................... 178
§ 1. Les politiques d’information et de communication....................... 178
§ 2. Le marketing public........................................................................... 182
Section 3. Les démarches qualité.............................................................................. 190
§ 1. La transposition des techniques du secteur privé......................... 190
§ 2. Charte et engagement de qualité dans les services publics.......... 190
Pour en savoir plus................................................................................... 194

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518 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Chapitre 7. L’association des usagers. ......................................................................... 199

Section 1. Consultation et concertation................................................................... 199


Section 2. La démocratie participative..................................................................... 202
§ 1. Les grandes consultations publiques, le Grenelle
de l’environnement............................................................................. 202
§ 2. Le grand débat national..................................................................... 204
§ 3. La conférence citoyenne sur le climat............................................ 208
§ 4. Le conseil national de la refondation.............................................. 211
§ 5. La réforme du Conseil économique, social et environnemental.... 213
§ 6. Le référendum.................................................................................... 215
§ 7. La participation au niveau local....................................................... 218
Pour en savoir plus................................................................................... 220

Conclusion de la deuxième partie : l’usager n’est pas « au centre »........................ 223

Troisième partie
La gestion publique : du statut de la fonction publique
à l’administration numérique

Chapitre 8. De l’administration du personnel à la GRH............................................ 229

Section 1. Du statut de la fonction publique à la négociation collective.............. 231


§ 1. Du statut au code............................................................................... 231
§ 2. La négociation collective.................................................................. 234
Section 2. Des règles de plus en plus diversifiées................................................... 234
§ 1. Rémunérations et carrières.............................................................. 234
§ 2. Les obligations.................................................................................... 237
Section 3. L’émergence des ressources humaines dans la fonction publique..... 238
§ 1. La formation professionnelle........................................................... 238
§ 2. La lutte contre les discriminations.................................................. 240
Section 4. De l’ENA à l’INSP...................................................................................... 241
§ 1. Les réformes de l’ENA....................................................................... 241
§ 2. Le remplacement de l’ENA par l’INSP............................................ 246
Pour en savoir plus................................................................................... 252

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table des matières 519

Chapitre 9. La réorganisation de l’administration..................................................... 255

Section 1. La déconcentration................................................................................... 256

§ 1. La déconcentration, complément de la décentralisation.............. 256


§ 2. La réforme de l’administration territoriale de l’État (RÉATE)..... 264
Section 2. La décentralisation.................................................................................... 275

§ 1. Les premiers actes de la décentralisation....................................... 276


§ 2. Le temps des adaptations.................................................................. 283
Section 3. La réorganisation des administrations centrales.................................. 289

Section 4. L’émiettement administratif..................................................................... 293

§ 1. L’autonomisation des services à l’intérieur de l’administration


centrale................................................................................................ 294
a) L’administration de mission.......................................................... 294
b) Les centres de responsabilité....................................................... 295
c) Les services à compétence nationale........................................... 295
§ 2. Les démembrements de l’administration........................................ 296
a) Les agences..................................................................................... 296
b) Les autorités administratives et les autorités publiques
indépendantes................................................................................ 297
c) Les privatisations et l’externalisation........................................... 298
Section 5. Les délocalisations.................................................................................... 300

Pour en savoir plus................................................................................... 301

Chapitre 10. La rationalisation des méthodes administratives................................. 307

Section 1. Les précurseurs : O&M, CCECRSP, RCB............................................... 307

§ 1. Les nouvelles méthodes de gestion................................................. 308


§ 2. La rationalisation des choix budgétaires........................................ 309
Section 2. Le suivi et le contrôle de la performance............................................... 311

§ 1. La direction par objectifs.................................................................. 311


§ 2. Les différentes formes de contrôle de gestion............................... 312
Section 3. L’évaluation des politiques publiques..................................................... 318

§ 1. L’introduction de l’évaluation des politiques publiques................ 318


§ 2. Les développements récents de l’évaluation des politiques
publiques............................................................................................. 321
Pour en savoir plus................................................................................... 323

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520 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Chapitre 11. Les nouvelles technologies. ................................................................... 329

Section 1. L’informatique et les débuts de l’internet............................................... 330


§ 1. L’informatisation................................................................................ 330
§ 2. Les nouvelles technologies de l’information
et de la communication (NTIC)........................................................ 331
Section 2. Le numérique............................................................................................. 334
§ 1. La numérisation de l’administration................................................ 335
§ 2. L’État-plateforme............................................................................... 336
Section 3. Bilan et perspectives................................................................................. 341
§ 1. Les apports du numérique................................................................ 342
§ 2. Les limites du numérique.................................................................. 342
Pour en savoir plus................................................................................... 344

Conclusion de la troisième partie : après la mode du managérialisme..................... 349

Quatrième partie
Le budget et la fiscalité : de la LOLF au projet d’impôt mondial
sur les sociétés

Chapitre 12. La procédure budgétaire au service d’une meilleure gestion


publique............................................................................................................................ 355
er
Section 1. La loi organique relative aux lois de finances du 1 août 2001 (LOLF).... 355
Section 2. Les limites de la LOLF et évolution de la procédure budgétaire
après la LOLF....................................................................................................... 364
Pour en savoir plus................................................................................... 369

Chapitre 13. L’exécution et le contrôle des opérations budgétaires..................... 373

Section 1. L’exécution de la dépense publique........................................................ 373


Section 2. La comptabilité publique et les comptables publics............................. 376
§ 1. Les réformes comptables.................................................................. 376
§ 2. La réforme de la responsabilité des gestionnaires publics........... 378
Pour en savoir plus................................................................................... 386

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table des matières 521

Chapitre 14. Les réformes de l’administration fiscale.............................................. 389

Section 1. L’organisation de l’administration........................................................... 389


§ 1. La création de la DGFiP.................................................................... 390
§ 2. La numérisation de l’administration fiscale................................... 394
Section 2. Les relations avec les contribuables....................................................... 397
§ 1. L’extension des droits du contribuable........................................... 397
§ 2. Contrôle fiscal et relation de confiance.......................................... 399
Pour en savoir plus................................................................................... 403

Chapitre 15. Les réformes fiscales............................................................................... 407

Section 1. La complexité croissante du système fiscal........................................... 407


§ 1. Les impôts d’État............................................................................... 408
a) La TVA.............................................................................................. 408
2) L’impôt sur le revenu..................................................................... 409
3) L’impôt sur les sociétés................................................................. 411
§ 2. Les finances locales........................................................................... 412
Section 2. La création d’impôts nouveaux............................................................... 417
§ 1. Les nouveaux impôts......................................................................... 417
a) L’impôt sur la fortune.................................................................... 417
b) La CSG............................................................................................. 419
§ 2. Une fiscalité nouvelle........................................................................ 421
a) La fiscalité environnementale........................................................ 421
b) La fiscalité des transactions numériques
et des multinationales................................................................... 424
Section 3. Les politiques fiscales............................................................................... 426
§ 1. Les politiques fiscales entre 1970 et 2012....................................... 427
§ 2. La politique fiscale de François Hollande....................................... 428
§ 3. La politique fiscale d’Emmanuel Macron........................................ 429
Pour en savoir plus................................................................................... 430

Conclusion de la quatrième partie : l’inévitable complexité.................................... 435

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522 les réformes administratives et financières en france ( 1972-2022 )

Cinquième partie
Les programmes transversaux : du renouveau du service public
à la transformation de l’action publique

Chapitre 16. Le renouveau du service public. ............................................................. 441

Pour en savoir plus................................................................................... 445

Chapitre 17. La réforme de l’État et des services publics........................................ 447

Pour en savoir plus................................................................................... 452

Chapitre 18. La révision générale des politiques publiques (RGPP)....................... 453

Pour en savoir plus................................................................................... 457

Chapitre 19. La modernisation de l’action publique................................................... 459

Pour en savoir plus................................................................................... 463

Chapitre 20. La transformation de l’action publique................................................ 465

Pour en savoir plus................................................................................... 476

Conclusion de la cinquième partie : l’absence de mémoire et de continuité........... 477


C onclusion générale.. ........................................................................... 479
1) Un bilan : des résultats mais un défaut de continuité....................................... 480
2) La recherche d’un nouveau modèle..................................................................... 483
3) Des programmes ou des stratégies de réformes ?............................................. 486
Pour en savoir plus................................................................................... 488

A nnexe 1 : chronologie des principales réformes et des ministres


chargés des R éformes administratives .................................................. 491
A nnexe 2 : liste des documents par chapitres ....................................... 495
A nnexe 3 : liste des témoignages par chapitres .................................... 501
I ndex des matières ................................................................................ 503
I ndex des personnes citées ................................................................... 511

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