Vous êtes sur la page 1sur 4

Conclusion de la seconde partie

623. Cette seconde partie a mis en évidence l’existence


de trois types de règles de politique économique et monétaire.
Les règles d’objectif désignent les objectifs macroéconomiques
que le traité assigne aux politiques économiques et monétaire me-
nées dans l’Union. Il s’agit de la stabilité monétaire lato sensu
(prix, change et marchés financiers), de la soutenabilité des fi-
nances publiques, de la convergence durable des économies, de la
convergence des politiques économiques et, depuis la stratégie de
Lisbonne de 2000, la croissance et l’emploi. Les règles d’objectif
fixent uniquement des programmes de sorte qu’elles produisent
un effet juridique fort limité. Pour atteindre les objectifs, le Traité
définit des règles d’encadrement de politique économique et mo-
nétaire et des règles opérationnelles.
Les règles d’encadrement définissent le comportement
que l’Union européenne et / ou les États membres sont invités
ou, plus rarement, sont tenus, d’adopter lorsqu’ils prennent des
mesures de politique économique et monétaire. Ce faisant, ces
règles sont destinées à encadrer l’action de politique économique
et monétaire afin que celle-ci puisse avoir un effet sur l’écono-
mie en permettant la réalisation d’une situation de fait. À défaut
de pouvoir régir directement les phénomènes économiques, le
droit introduit une « autolimitation » afin que l’action politique
se limite elle-même en fonction de la nature de ce qu’elle fait (les
mesures de politique économique et monétaire) et de ce sur quoi
elle porte (l’économie). En conséquence, la nature juridique de
ces règles est singulière, illustration de l’altération que connaît
la discipline juridique au contact des réalités économiques. La
politique économique et monétaire est le règne de l’incertitude,
de l’indéterminé, de l’aléatoire ; elle se laisse difficilement sai-
sir dans les catégories figées du droit (4543). C’est en matière
de politique monétaire que l’on trouve les règles d’encadrement
juridiquement les plus accomplies. L’indépendance de la banque

(4543) Voy. H auriou , « Le droit administratif de l’aléatoire », op. cit., pp. 215-222 ; T ruchet ,
D., « Réflexions sur le droit économique en droit français », RDP, 1980, pp. 1032-1038.

bruylant

Université Paris Saclay / Université Paris Saclay (195.221.160.2)


Conclusion de la seconde partie
www.stradalex.eu - 23/02/2024
1094 L’ ordre économique et monétaire de l ’U nion européenne

centrale se définit comme une interdiction de faire imposée aux


tiers, et en premier lieu aux institutions de l’Union et aux États
membres. La règle de transparence monétaire habilite la BCE
à communiquer avec les marchés dans des conditions déroga-
toires du droit commun. Enfin, la règle de stratégie monétaire,
par laquelle la BCE s’impose la réalisation d’un taux d’inflation,
ne produit qu’un effet indirect ; les décisions de politique moné-
taire sont mises en œuvre par les banques centrales nationales à
travers la conclusion de contrats avec les opérateurs de marché
(« contrepartie »). En matière de politique budgétaire, les États
membres sont tenus par la règle d’objectif de soutenabilité des
finances publiques et doivent, à cet effet, éviter les déficits exces-
sifs. En premier lieu, ils sont invités à respecter la règle de l’équi-
libre budgétaire à moyen terme sous peine de faire l’objet d’une
recommandation qui ne les lie pas. En second lieu, lorsque le dé-
ficit excessif a été juridiquement constaté, le Conseil adresse des
recommandations de politique budgétaire à l’État membre sous
peine, au terme d’une procédure délicate ponctuée de recomman-
dations plus précises, de se voir infliger une sanction. Cependant,
ce n’est pas tant par la menace d’une sanction que par l’exercice
d’une pression sur l’État membre que la règle d’encadrement de
politique budgétaire produit un effet juridique. En matière de po-
litique de change, les règles d’encadrement prévues par le traité
(accords de l’article 219 TFUE) demeurent inutilisées ; ce sont le
FMI et l’OCDE qui surveillent la conduite des politiques écono-
miques dans les États membres et l’Union en exerçant une pres-
sion tout au plus politique. Dans l’Union, les relations de change
entre la zone euro et les États faisant l’objet d’une dérogation sont
régies par le mécanisme politique du MCE II. Ce n’est qu’en cas de
situation de crise que les règles d’encadrement deviennent plus
étoffées. À l’instar du FMI avec lequel elle coordonne désormais
son action, l’Union dispose du moyen d’imposer à l’État membre
un comportement de politique économique par le mécanisme de
la conditionnalité : l’État s’engage à respecter ses engagements
de politique économique fixé par un programme sous peine de
se voir retirer le bénéfice d’une aide financière. C’est également
un mécanisme de conditionnalité, cette fois non financière, qui
s’applique, au moyen des règles d’encadrement que constituent
les critères de convergence de l’article 140, paragraphe 1, TFUE.
Le respect de ces règles conditionne l’application ou non à l’État

bruylant

Université Paris Saclay / Université Paris Saclay (195.221.160.2)


Conclusion de la seconde partie
www.stradalex.eu - 23/02/2024
Conclusion de la seconde partie  1095

membre d’un régime dérogatoire au regard des dispositions du


Traité régissant l’Union monétaire. En matière de politique éco-
nomique générale, les règles d’encadrement prennent la forme
de grandes orientations et de lignes directrices, que les États
membres mettent en œuvre sous la surveillance et avec l’assis-
tance de l’Union. Ici, encore, c’est par la voie de la recomman-
dation que l’État membre est invité à adopter un comportement
de politique économique ; l’effet juridique des recommandations
demeurent pour l’instant fortement limité en ce qu’à une pression
par les pairs est préférée une coopération mutuelle.
Les règles opérationnelles s’imposent à l’État membre
et/ou à l’Union lorsque ces derniers agissent sur le marché en tant
qu’acteur économique. Pour l’État membre, il ressort de la juris-
prudence de la Cour de justice l’exigence d’une séparation nette
entre l’État acteur économique et l’État autorité politique (4544).
L’État est considéré un acteur économique lorsqu’il poursuit, par
son action, des objectifs économiques. Autrement dit, qu’une me-
sure soit motivée par la politique économique est indifférent au
regard du droit de l’Union. Les règles opérationnelles s’imposent
également en matière de politique budgétaire, sous la forme des
interdictions de faire formulées aux articles 123 à 125 TFUE, dont
l’application a pour conséquence d’obliger l’État membre à em-
prunter sur le marché aux conditions de celui-ci. En matière de
politique monétaire lato sensu, les règles opérationnelles, préci-
sées ici par le droit dérivé, conduisent la BCE et, le cas échéant,
l’Union, à n’agir sur le marché qu’aux conditions de celui-ci. Ain-
si, les opérations de politique monétaire, de politique de change,
voire même de stabilité financière, se font, en principe, selon
les conditions du marché. Les règles opérationnelles sont donc
des règles de l’action de politique économique et monétaire sur
le marché et par le marché. C’est uniquement en cas de défail-
lance de ce dernier qu’une dérogation aux règles du marché est
admise. Ces dérogations n’ont cependant vocation qu’à pallier
les dysfonctionnements du marché par la promotion d’une ac-
tion stabilisatrice que ce soit en matière monétaire, de change ou
de stabilité financière. En revanche, les motivations autres que
celles inhérentes au bon fonctionnement du marché, essentielle-
ment la solidarité, ne sont que très accessoirement admises. Mais

(4544) M addalon , La notion de marché dans la jurisprudence de la Cour de justice des


Communautés européennes, op. cit., pp. 243-268.

bruylant

Université Paris Saclay / Université Paris Saclay (195.221.160.2)


Conclusion de la seconde partie
www.stradalex.eu - 23/02/2024
1096 L’ ordre économique et monétaire de l ’U nion européenne

les mécanismes prévus sont si limités qu’il est encore impossible


d’évoquer une action de solidarité.
L’ordre économique et monétaire est défini comme l’en-
semble des règles d’objectif, d’encadrement et opérationnelles,
dont l’agencement permet de limiter le choix de politique écono-
mique et monétaire afin de promouvoir un bien commun macroé-
conomique. Imprégné du principe de l’économie de marché où
la concurrence est libre, ce bien commun désigne en réalité la
stabilité macroéconomique. Ce faisant, cet ordre est essentielle-
ment orienté par le marché. Ce n’est que par l’affermissement des
pouvoirs d’orientation de l’Union que l’ordre peut devenir orien-
table. En faisant converger les choix de politique économique
communautaire et nationaux, on pourrait doter l’Union d’une
action de politique économique générale dont la stratégie serait
européenne et la mise en œuvre nationale.

bruylant

Université Paris Saclay / Université Paris Saclay (195.221.160.2)


Conclusion de la seconde partie
www.stradalex.eu - 23/02/2024

Vous aimerez peut-être aussi