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UNIVERSITÉ DE PARAKOU

FACULTÉ DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE


COURS DE FINANCES PUBLIQUES DEUXIEME ANNEE
Dr HOUNTONDJI Éric, Maitre-Assistant

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INTRODUCTION
Le budget de l’État, qui après son vote par l’Assemblée Nationale, porte aussi le
nom de loi de finances, est le document comptable qui prévoit et autorise, pour chaque
année civile, le niveau des ressources et des charges de l’État. Son élaboration et son
exécution sont de la compétence du pouvoir exécutif qui, en fixant le montant des
dépenses nécessaires à la conduite de sa politique, détermine les objectifs de rentrées
fiscales. Le budget constitue un élément déterminant de l’activité économique d’un
pays et de la politique de redistribution des revenus. Il ne se réduit pas à sa seule
nature de document comptable. C’est l’un des moyens utilisés par les gouvernements
afin d’encadrer, à défaut de pouvoir contrôler, l’évolution de la conjoncture
économique. Ainsi, la politique fiscale d’un Etat n’est jamais neutre puisqu’elle
détermine les priorités que l’Etat entend imprimer à la politique qu’il conduit. C’est
d’ailleurs pourquoi l’actuelle crise économique mondiale qui s’observe depuis juin
2008 et la récession économique généralisée qui en est la première conséquence vont
profondément bouleverser, dans les années à venir, les acquis et bases théoriques des
finances publiques actuelles.
Dans ses différentes phases, de la conception au contrôle, le budget fait
intervenir de multiples acteurs, qui sont à la fois politiques (gouvernement, parlement),
administratifs (fonctionnaires spécialisés), ou juridictionnels (juridictions chargées des
contrôles de constitutionnalité des budgets et de la régularité de l’exécution
budgétaire).
Historiquement, les notions de budget et de consentement à l’impôt qui sont
devenues consubstantielles sont apparues en Grande Bretagne avec la Magna Carta
(Grande Charte) de 1215, par laquelle le Roi Jean Sans Terre admettait qu’il ne pourra
lever l’impôt qu’avec le consentement des représentants des contribuables puis avec le
Bill of Rights (Pétition des droits) de 1689 qui consacre définitivement, outre le
consentement à l’impôt, la périodicité de ce consentement et l’utilisation de
l’impôt conformément au consentement donné. Aux Etats-Unis, c’est au nom de
l’exigence « No representation, no taxation » que les treize colonies sont rentrées en
rébellion, d’abord fiscale contre l’Angleterre. En France, c’est l’article 14 de la
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 qui proclame que :

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« tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs
Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en
suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. »
C’est cette définition relativement moderne qui pose les principes budgétaires
cardinaux lesquels se sont affermis et perfectionnés au fil du temps par l’apparition
notamment, de règles précises inspirées par l’idée et la volonté d’assurer une saine
gestion des deniers publics.
Ce cours va s’articuler autour de 4 Parties subdivisées en Chapitres ainsi qu’il
suit :
PREMIÈRE PARTIE :
LE CADRE JURIDIQUE DU BUDGET.
Chapitre I : L’annualité Budgétaire.
Chapitre II : L’universalité Budgétaire.
Chapitre III : L’unité Budgétaire.
Chapitre IV : La spécialité Budgétaire.
Chapitre V : La sincérité Budgétaire.
DEUXIÈME PARTIE :
LA CONCEPTION ET LE VOTE DU BUDGET.
Chapitre I : L’élaboration du Budget.
Chapitre II : La présentation du Budget.
Chapitre III : Les délais de présentation et d’adoption du Budget.
Chapitre IV : L’examen et le vote du Budget.
TROISIÈME PARTIE :
L’EXÉCUTION DE LA LOI DE FINANCES.
Chapitre I : La séparation des Ordonnateurs et des Comptables.
Chapitre II : Les aménagements au principe de la séparation des Ordonnateurs
et des Comptables.
Chapitre III : La sanction du principe de séparation des Ordonnateurs et des
Comptables.

QUATRIÈME PARTIE :

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LE CONTRÔLE DE L’EXÉCUTION DE LA LOI DE FINANCES.
Chapitre I : Les contrôles internes.
Chapitre II : Les contrôles juridictionnels.
Chapitres III : Les contrôles politiques.

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PREMIÈRE PARTIE : LE CADRE JURIDIQUE DU BUDGET.
Aujourd’hui, le fondement juridique du budget de l’Etat repose principalement,
sur quatre séries de normes, écrites ou non écrites, de valeur constitutionnelle, supra
législatives ou règlementaires.
Ainsi, la première norme est au Bénin, la loi n° 90-32 du 11 décembre 1990
portant Constitution de la République du Bénin, qui, en fondant le cadre juridique
du budget, détermine de manière générale et constitutionnelle un certain nombre de
principes au rang desquels le consentement à l’impôt (article 96 de la constitution),
tout en prévoyant que l’Assemblée Nationale, par la loi, fixe les règles concernant
l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature
(articles 98 et 99 de la constitution.) Par ailleurs, les articles 110 à 113 de la
constitution prévoient les conséquences du non-respect par l’Assemblée Nationale des
délais d’adoption de la loi de finances ainsi que des procédures de contrôle de son
exécution.
Cependant, la constitution, tout en réglant certains aspects de la procédure
législative relative au vote du Budget notamment (art. 109 à 112), ne détermine pas
les conditions d’élaboration du Budget et renvoie en cette matière, à une loi organique.
Il s’agit en l’occurrence de la Loi Organique n° 2013-14 du 27 Septembre 2013
Relative aux Lois de Finances(LORLF) qui est ainsi, la deuxième norme
d’encadrement du Budget, suivie de la jurisprudence constitutionnelle (troisième
norme) qui constate la constitutionnalité, donc la régularité de la mise en application
de ces dispositions constitutionnelles et organiques, de la loi de finances de l’année
elle-même et enfin, du Décret n° 2014-571 du 07 Octobre 2014 Portant Règlement
Général sur la Comptabilité Publique ( RGCP, quatrième norme). On pourra
ajouter à ce cadre juridique, l’ensemble des normes communautaires de l’UEMOA
en matière budgétaire, financière et comptable.
Il découle de ce cadre juridique, quatre grands principes budgétaires auxquels
s’ajoute un cinquième, celui de sincérité, qui depuis 2002 est applicable en France et
dans la plupart des pays les plus développés et que nous n’examinerons plus dans un

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souci de circonvolution, mais comme un principe dont la valeur se révèle de plus en
plus capitale au regard de la crise économique actuelle qui depuis août 2008, remet en
cause les fondements mêmes des finances publiques tels que mis en œuvre
actuellement.

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CHAPITRE I : LE PRINCIPE DE L’ANNUALITÉ BUDGÉTAIRE.
A- Définition et justification du principe.
1- Définition du principe.
La règle de l’annualité est traditionnelle dans l’histoire budgétaire et signifie que le
Budget est voté chaque année et pour une année par le Parlement et qu’il doit être
exécuté dans l’année par le Gouvernement, dans la mesure où les crédits ouverts au
titre d’un budget ne créent aucun droit au titre du budget suivant.
En générale, l’année budgétaire coïncide avec l’année civile et s’étend du 1 er
janvier au 31 décembre. Il en est ainsi au Bénin et en France par exemple. Cependant,
certains Etats dissocient leur exercice budgétaire de l’année civile. Ainsi, le point de
départ de l’année budgétaire est fixé au 1 er avril au Japon ou en Grande-Bretagne, au
1er juillet en Suède et au 1er octobre aux Etats-Unis.
Par ailleurs, d’autres Etats disposent de la faculté d’organiser un budget
pluriannuel. C’est le cas de la constitution allemande de 1949 qui est certes
inemployée, mais qui prévoit l’adoption d’un budget pour deux ans mais séparément
par année. De même l’ONU et certaines organisations internationales utilisent la
technique du budget biennal.
2- Les justifications du principe.
L’annualité budgétaire et le fait qu’elle recouvre l’année civile, sont
traditionnellement justifiés par des considérations qui sont d’ordre politique,
administratif et économique. Cela permet tout d’abord un contrôle régulier des
finances de l’Etat par le Parlement, un contrôle de leur utilisation, qu’une période plus
longue rendrait plus difficile et plus aléatoire. L’administration, ensuite, est astreinte à
produire ses comptes avec une périodicité annuelle afin que les instances chargées de
vérification et de contrôles puissent apprécier la bonne et régulière gestion des deniers
publics. Enfin, l’annualité correspond à un rythme social et économique qui se fonde
sur les bilans annuels des entreprises, des sociétés, et l’extension de la période
budgétaire rendrait plus incertaines, les prévisions économiques qui sont déjà
suffisamment aléatoires dans le simple cadre d’une année civile.

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Cependant, en raison de sa rigidité, le principe de l’annualité budgétaire comporte
des dérogations ainsi qu’il suit.

B- Les exceptions au principe de l’annualité budgétaire.


Elles sont classifiables en deux grands groupes qui permettent de distinguer les
dérogations au vote annuel du budget, des dérogations à son exécution annuelle
conformément à la définition du principe.
1- Les dérogations au vote annuel.
Elles sont constituées principalement :
 Des Douzièmes provisoires.
La pratique révèle qu’il est fréquent d’observer des retards souvent minimes dans
l’adoption de la loi de finances. Aussi, pour assurer la continuité de l’Etat, il est fait
usage de la technique dite des douzièmes provisoires qui consiste à voter la
reconduction des crédits budgétaires sur la base d’un douzième par mois de retard des
crédits accordés au titre de l’année précédente. Toutefois, elles n’autorisent pas
l’exécution des investissements publics.

 De la loi de finances rectificatives ou collectifs budgétaires.


Les articles 50 et 51 de la Loi Organique n° 2013-14 du 27 septembre 2013
prévoient que seules les Lois de Finances rectificatives peuvent, en cours d’année,
modifier les dispositions de la Loi de finances initiale et qu’elles doivent être
présentées en totalité ou en partie, dans les mêmes formes que la Loi de finances
initiale.
Ces textes également appelés Collectifs Budgétaires, permettent de corriger ou de
modifier, en cours d’exécution, le contenu et les options de la loi de finances initiale,
qui est un acte prévisionnel, et de procéder ainsi, à des ajustements conjoncturels. La
présentation formelle de la loi de finances rectificative est donc identique à celle de la
loi de finances initiale et doit faire état d’un rapport présentant les évolutions de la
situation économique et budgétaire justifiant les ajustements et les dispositions qu’elle
comporte, de même qu’une annexe explicative détaillant les modifications de crédits

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proposés, les tableaux récapitulant les mouvements intervenus par voie réglementaire
et relatifs aux crédits de l’année en cours. Dès que le collectif budgétaire est voté et
mis en application, il rend caduque la loi de finances initiale ; il la remplace pour le
nombre de mois restant à courir, au titre de la gestion concernée.

2- Les dérogations à l’exécution annuelle.


Elles sont constituées principalement :
 Des crédits de report.
Le report de crédit est l’opération par laquelle les crédits accordés à un ministère
ou à une institution de l’Etat pour une année donnée et non consommés en tout ou
partie peuvent venir s’ajouter à la dotation correspondante du budget de l’année
suivante, alors même que les crédits ouverts au titre d’une année, ne créent aucun droit
au titre des années suivantes. Il s’agit donc d’une exception qui vise à
l’assouplissement de cette règle de l’exécution annuelle du Budget et qui permet à un
service, sous certaines conditions, d’utiliser l’année suivante, le reliquat des crédits
non utilisés. En effet, s’il n’était possible de déroger au principe de l’annualité du
budget, certains services seraient tentés de gaspiller des crédits par crainte de les voir
annulés en fin d’année. Par ailleurs, certains évènements indépendants de la volonté
des ministères dépensiers peuvent engendrer des retards dans l’exécution de certains
projets. Il en est ainsi des reports de crédits de paiement et des reports de crédits liés
aux fonds de concours qui sont autorisés par Arrêté du Ministre chargé des Finances.
Les crédits ouverts au titre des douzièmes provisoires constituent un type spécial de
report de crédits qui est autorisé par voie législative.

 Des opérations de régularisation.


L’article ?? de la Loi organique n° 2013-14 précise en substance que les recettes
sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont
encaissées par un comptable public et que les dépenses sont prises en compte au titre
du budget de l’année au cours de laquelle les Ordonnances ou Mandats sont visés par
les comptables assignataires et qu’elles doivent être payées sur les crédits de ladite
année quel que soit la date de la créance. Toutefois, le même article apporte des

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dérogations en son alinéa 4 et ces exceptions concernent les opérations de
régularisation qui permettent de réintégrer à l’exercice budgétaire auquel ils se
rapportent, les crédits et les débits chevauchant deux exercices budgétaires, en
effectuant, l’ajustement comptable nécessaire.
 La période complémentaire d’exécution du budget.
L’exécution du budget ne s’achève plus, obligatoirement comme auparavant, au 31
décembre de l’année d’exercice considérée. Elle peut se poursuivre si la loi de finances
en dispose ainsi, quelques jours durant le mois de janvier de l’exercice n+1. En effet,
aux termes de l’article 9 de la directive n° 06/2009/CM/UEMOA, l’autorisation de
percevoir les impôts est certes annuelle, mais, « la perception de ces taxes au-delà du
31 décembre de l’année de leur établissement est autorisée chaque année par une loi
de finances. » Cette période complémentaire permet de rattacher à l’exercice
considéré, des opérations qui le nécessitent, notamment les lois de finances
rectificatives adoptées en décembre ou fin décembre. Il faut souligner à ce propos que
contrairement à la loi organique relative aux lois de finances française (Lolf) du 1 er
août 2001 qui limite ce délai complémentaire à 20 jours, la Directive de l’UEMOA
n’impose aucune limitation dans le temps. Cependant, la pratique du système de
gestion rénové permet de limiter cette période à 2 mois.
 Les engagements par anticipation
Les engagements par anticipation permettent l’utilisation de crédits qui ne seront
ouverts qu’avec la loi de finances de l’exercice n+1. Ils sont autorisés par l’article 20
de la nouvelle directive, celle n° 06/2009/CM/UEMOA. Cependant, il faut souligner
que cet article renseigne peu sur la procédure des engagements par anticipation et il
faut alors voir dans la lolf à l’article 9 pour s’en faire une idée plus précise. En effet,
c’est cet article qui prévoit que « les conditions dans lesquelles des dépenses peuvent
être engagées par anticipation sur les crédits de l’année suivante sont définies par une
disposition de loi de finances ».
 Les autorisations d’engagement et les crédits de paiement.
Les autorisations d’engagement permettent d’envisager une dépense sur une
période dépassant le cadre annuel et de distinguer, pour chaque année, les crédits de
paiement correspondant à la tranche qu’il conviendra de payer pour l’année

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considérée. Cette technique favorise ainsi, la répartition de la charge de
l’investissement sur plusieurs exercices budgétaires, cette charge étant répartie sur
autant d’exercices qu’il est nécessaire à la réalisation de l’investissement. En d’autres
termes, ne seront dégagées dans le cadre du budget, que les sommes nécessaires au
paiement de la fraction de l’investissement à réaliser au titre de l’année considérée.
Selon l’article 18 de la directive n° 06, de 2009, les autorisations d’engagement
constituent la limite « supérieure des dépenses pouvant être juridiquement engagées au
cours de l’exercice pour la réalisation des investissements prévues par la loi de
finances. » Elles couvrent une tranche unique individualisée pour les opérations
d’investissement directement exécutées par l’Etat et pour les contrats de partenariats
publics-privés, la totalité de l’engagement juridique. Les autorisations d’engagement
s’accompagnent de crédits de paiement lesquels constituent « la limite supérieure des
dépenses pouvant être ordonnancées ou payées au cours de l’exercice » aux termes de
l’article 19 de la directive ci-dessus citée.
Les autorisations d’engagement permettent ainsi à l’Etat de planifier ses
dépenses en investissement. Cependant, elles doivent être utilisées à juste escient en ce
qu’elles engagent l’Etat sur plusieurs années, ce qui doit nécessairement être pris en
compte dans le cadre d’une politique plus que jamais actuelle, de maîtrise de la dette
publique et d’encadrement stricte des déficits.

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CHAPITRE II : L’UNIVERSALITE BUDGETAIRE
A- Définition du principe d’universalité.
Les articles 34 et 35 de la Loi Organique n° 2013-14 du 27 septembre 2013
précisent que « Sous réserve des dispositions concernant les budgets annexes et les
comptes spéciaux du Trésor, toutes les recettes et toutes les dépenses budgétaires de
l’Etat sont retracées dans le budget général » d’une part et que d’autre part, « Il est
fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les
dépenses. L’ensemble des recettes assurant l’exécution de l’ensemble des dépenses,
toutes les dépenses sont imputées au budget général ». De ces dispositions, on déduit
que le principe d’universalité budgétaire peut se définir comme le rassemblement en
une seule masse documentaire, de l’ensemble des recettes publiques brutes sur laquelle
doit s’imputer l’ensemble des dépenses publiques brutes, formant ainsi, une unité
juridique soumise à des règles particulières. Il découle de ce principe d’universalité,
deux règles importantes du droit budgétaire : La non compensation et la non
affectation.
1- La règle de non compensation.
Cette règle consiste en l’inscription au budget de toutes les dépenses et de toutes
les recettes pour leur montant intégral. Cette règle dite du « produit brut » fait obstacle
à l’inscription d’un produit net c’est-à-dire du seul solde, après contraction des
dépenses et des recettes.
La description dans le budget de toutes les ressources et charges permanentes de
l’Etat et l’interdiction de compenser les unes par les autres ont pour fonction de
permettre un contrôle budgétaire plus efficace du Parlement puisque aucune
dissimulation des dépenses n’est possible au moyen de compensations. Par ailleurs,
elles empêchent les administrations de se procurer des ressources qui ne seraient pas
dûment répertoriées et pourraient être dilapidées ou détournées. En outre, elle fait

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obstacle à la pratique de « débudgétisation » qui vise à transférer certaines charges en
dehors du budget afin d’alléger le déficit budgétaire.

2- La règle de non affectation.


Elle signifie que toutes les recettes sont indistinctement destinées à la
couverture de l’ensemble des dépenses inscrites au budget et qu’ainsi, aucune recette
ne peut être affectée au financement d’une dépense particulière. Il n’y a donc aucun
lien juridique et financier entre une recette fiscale perçue par l’Etat et une dépense
budgétaire, même si sur le plan politique, le gouvernement peut justifier un impôt
nouveau par la nécessité de financer une action particulière. Par exemple en France en
1988, la création de l’impôt de solidarité sur la fortune a été présentée comme une
recette destinée à financer le revenu minimum d’insertion.
B- Les dérogations au principe d’universalité.
Elles se répartissent en deux grandes catégories qui permettent de distinguer les
affectations dans le budget général et les affectations hors du budget général.
1- Les affectations dans le budget général.
Aux termes de l’article 36 de la Loi Organique n° 2013-14 du 27 septembre
2013, « …des procédures particulières permettent d’assurer une affectation au sein du
Budget Général.
Ces procédures sont la procédure du fonds de concours et la procédure de
rétablissement des crédits…» Aussi, les affectations dans le Budget général sont-elles
constituées par :
 Les fonds de concours.
Ils constituent une exception à la règle de la non affectation en ce qu’ils autorisent
des affectations directes de recettes à certaines dépenses, notamment en faveur de
procédures comptables particulières. L’article 36 de la Loi Organique n° 2013-14 du
27 septembre 2013 prévoit que les fonds de concours sont directement portés en
recettes au Budget Général et un crédit supplémentaire de même montant est ouvert

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sur le programme concerné par arrêté du ministre en charge des finances. Mais il peut
s’agir en fait soit du Budget général, soit du Budget annexe ou même d’un compte
spécial considéré. Les recettes à ce titre sont prévues et évaluées par la Loi de finances
alors même qu’il est presque impossible de connaître à l’avance, le montant des crédits
qui seront versés.

On distingue deux sortes de catégories de fonds de concours à savoir :


 Les fonds de concours « par nature ».
Ce sont des fonds versés par des personnes physiques ou morales et notamment par les
partenaires techniques et financiers (PTF) pour contribuer avec ceux de l’Etat à des
dépenses d’intérêt public. Cette procédure permet d’assurer à ceux qui souhaitent
participer à une dépense publique particulière que leurs fonds seront bien affectés à
cette opération. C’est notamment le cas des Collectivités locales, des établissements
publics… qui versent des fonds à l’Etat pour le financement de certains
investissements précis tels la construction d’une Université, d’infrastructures
routières… D’autre part, aux termes de l’article 36 alinéa 3ème de la Loi Organique n°
2013-14 du 27 septembre 2013, les produits de legs et donations attribués à l’Etat ou
aux administrations publiques constituent également des fonds de concours.
 Les fonds de concours « par assimilation ».
Ils sont prévus par décrets et concernent le produit des recettes à caractère non
fiscal. Ce sont les plus importants en volume : par exemple, les remboursements par
les collectivités locales des frais d’assiette et de recouvrement des impôts locaux sont
des fonds de concours par rattachement, et sont affectés aux dépenses de matériels et à
la rémunération des travaux accomplis par les agents chargés de l’assiette (base de
calcul d'un droit ou d'un impôt : l'assiette fiscale), du contrôle et du recouvrement de
ces impôts.
 Les rétablissements de crédits.
Prévus par l’article 36 alinéa 5ème de la Loi Organique, le rétablissement de crédits
consiste à verser à un service de l’Etat, des sommes qu’il avait indûment ou
provisoirement payées et qui lui sont réaffectées. Pour ce faire, les dépenses initiales
sont annulées et les autorisations consommées sont rétablies. En France, environ deux

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milliards d’Euros sont ainsi chaque année rétablis. Cette régularisation d’ordre
comptable intervient, par exemple, lorsqu’un fonctionnaire change d’administration et
perçoit deux traitements, l’un de son premier poste et l’autre du deuxième. Il devra
alors reverser son premier traitement et ce crédit sera rétabli au profit du budget de son
administration d’origine.

 Les affectations exceptionnelles.


L’article 36 dernier alinéa de la Loi Organique prévoit que « L’affectation par
procédure particulière au sein du budget général, d’un budget annexe ou d’un compte
spécial du Trésor, ne peut résulter que d’une disposition de la loi de finances,
d’initiative gouvernementale ».
2- Les affectations à côté du Budget général.
Elles sont constituées principalement par :
 Les budgets annexes.
Ils sont prévus et organisés par les articles 37 et 38 de la Loi Organique relative
aux lois de finances. Les budgets annexes figurent dans la loi de finances mais sont
présentés à côté du budget général et représentent une dérogation à la règle de la non
affectation dans la mesure où ils disposent de recettes affectées à leurs dépenses
d’exploitation et à leurs dépenses d’investissement.
 Les comptes spéciaux du Trésor.
Aux termes de l’article 39 alinéa 3ème de la Loi organique, les comptes spéciaux du
Trésor comprennent les comptes d’affectation spéciale ; les comptes d’affectation
spéciale ; les comptes de commerce ; les comptes de règlement avec les
gouvernements ou autres organismes étrangers ; les comptes de prêts ; les comptes
d’avances et les comptes de garanties et avals. Comme les budgets annexes, les
comptes spéciaux du Trésor figurent dans la Loi de finances mais sont présentés à côté
du Budget général et des budgets annexes. Certains d’entre eux constituent une
dérogation à la règle de la non affectation car ils réalisent une affectation de recettes et
de dépenses (comptes d’affectation spéciale par exemple), d’autres représentent une
dérogation à la fois à la règle d la non affectation et à celle de non compensation dans
la mesure où leurs opérations se compensent (exemple des comptes de commerce.).

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CHAPITRE III : L’UNITÉ BUDGÉTAIRE.
A- Définition du principe d’Unité budgétaire.
Le principe d’unité est un principe applicable au budget de l’Etat, et au-delà, aux
budgets des autres personnes publiques comme les Collectivités locales. D’une façon
générale et aux termes des articles 34 et 35 de la Loi organique relative aux lois de
finances, la loi de finances de l’année prévoit et autorise l’ensemble des recettes et des
dépenses budgétaires de l’Etat et surtout que toutes les recettes et les dépenses sont
imputées à un compte unique intitulé Budget Général. Le principe d’unité est donc la
présentation en un seul document appelé Budget Général, de toutes les recettes et de
toutes les dépenses de l’Etat pour une année donnée. Il faut toutefois remarquer aux
termes de l’article 33 de la Loi organique, que si la loi de finances regroupe l’ensemble
des recettes et des dépenses de l’Etat, celles-ci sont cependant retracées à travers trois
comptes différents qui composent le Budget général. Il s’agit du budget général, des
budgets annexes et des comptes spéciaux du Trésor.
Ce principe vise à faciliter le contrôle parlementaire dans la mesure où le
recensement de la totalité des ressources et des charges et leur présentation dans un
document synthétique reprenant à un compte unique les additions des recettes et
dépenses, permet aux parlementaires d’avoir une vue d’ensemble de la situation
budgétaire de l’Etat.
B- Les aménagements du principe d’unité.
Il s’agit principalement comme nous l’avons souligné, des budgets annexes et des
comptes spéciaux du Trésor.
1- Les budgets annexes.
Les budgets annexes retracent les opérations des services de l’Etat que la loi n’a
pas dotés de la personnalité morale et dont l’activité tend à produire des biens ou des

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prestations de services donnant lieu au paiement de redevances, lorsqu’elles sont
effectuées à titre principal. Leur création ou suppression est décidée par une loi de
finances.
Les budgets annexes sont présentés selon les normes du plan comptable en deux
sections, l’une retraçant les recettes et dépenses de gestion courante, l’autre, les
recettes et dépenses relatives aux opérations d’investissement et aux variations de
l’endettement.
Les budgets annexes ne représentent pas de véritables dérogations au principe
d’unité dans la mesure où le Parlement les vote en même temps que la loi de finances
dans laquelle ils figurent. L’aménagement au principe d’unité qu’ils représentent est
lié à leur présentation comptable spécifique, à côté du budget général.
2- Les comptes spéciaux du Trésor.
La technique des comptes spéciaux du Trésor a longtemps permis de dissimuler
certaines opérations au Parlement dans la mesure où ces comptes étaient ouverts hors
budget. C’est pourquoi aujourd’hui, ils sont réintégrés dans la loi de finances par la
Loi organique en son article 39 qui précise que les comptes spéciaux du Trésor « …ne
peuvent être ouverts que par une loi de finances… » Tandis que les articles qui suivent
disposent que les opérations inscrites aux comptes spéciaux du Trésor sont prévues,
autorisées et exécutées dans les mêmes conditions que les opérations du Budget
général.
Comme les budgets annexes, ils ne constituent pas de véritables dérogations au
principe d’unité, puis qu’ils sont intégrés dans la loi de finances, mais ne sont que de
simples aménagements de présentation en ce qu’ils sont distinctement présentés à côté
du budget général.
Toutefois, ils constituent une exception au principe d’universalité budgétaire car
les comptes spéciaux concernent les dépenses qui bénéficient d’une affectation
particulière de recettes et aussi, des opérations qui présentent, sauf exceptions, un
caractère temporaire.

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CHAPITRE IV : LA SPÉCIALITÉ BUDGÉTAIRE
A- La définition du principe de spécialité.
Le principe de la spécialité budgétaire signifie que les crédits ouverts par les lois de
finances pour couvrir chacune des charges budgétaires de l’Etat sont regroupés par
missions relevant d’un ou plusieurs services d’un ou plusieurs ministères faisant
qu’ainsi, les crédits sont spécialisés par programme ou par dotation.
On distingue ainsi,
1- La spécialisation des crédits par programme.
La budgétisation est aujourd’hui orientée vers les résultats, à partir d’objectifs
définis et non plus par nature des dépenses. Les crédits sont donc spécialisés par
programme qui regroupe les crédits destinés à mettre en œuvre, une action ou un
ensemble cohérent d’actions relevant d’un même ministère et auquel sont associés des
objectifs précis en fonction de finalités d’intérêt général, ainsi que des résultats
attendus et faisant l’objet d’une évaluation.
Les programmes sont regroupés au sein des missions qui comprennent un ensemble
de projets et activités concourant à la politique publique définie et qui relèvent d’un ou
plusieurs services, d’un ou plusieurs ministères. Les missions sont créées par une
disposition de la loi de finances d’initiative gouvernementale. Les programmes sont
placés sous la responsabilité d’un seul ministre, mais les missions peuvent être
interministérielles. Par exemple, la mission « sécurité » comptera deux programmes :
la gendarmerie nationale et la police nationale et ce dernier, peut comprendre six
actions (ordre public, sécurité et paix publiques, sécurité routières, police des étrangers

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et sûretés des transports internationaux, police judiciaire, commandement, la formation
et la logistique…).
Les crédits destinés aux pouvoirs publics (présidence de la République, Assemblée
Nationale…) ou destinés à faire face à des dépenses accidentelles et imprévisibles et
ne finançant pas des actions auxquelles des objectifs peuvent être associés sont des
dotations, unité de spécialité par exception.

2- Le redéploiement des crédits entre les titres.


Il signifie qu’au sein d’un programme, le gestionnaire à la faculté de redéployer les
crédits entre les titres. Comme titres, on peut citer les dotations des pouvoirs publics,
les dépenses de personnel, les dépenses de fonctionnement, la charge de la dette, les
dépenses d’investissement, les dépenses d’intervention, les dépenses d’opérations
financières.
3- La majoration des crédits d’un programme.
Les crédits d’un programme peuvent être majorés en gestion au moyen d’un certain
nombre d’instruments. Il s’agit du rattachement des fonds de concours et d’attribution
de produits, le rétablissement de crédits, la répartition par décrets des crédits globaux
de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles, la répartition par arrêté du
ministre des finances des crédits globaux, de la dotation pour mesures générales en
matière de rémunérations, le report, virement, transfert ou le décret d’avance.
B- Les dérogations au principe de spécialité.
On distingue les dérogations d’ordre politique et les dérogations d’ordre
budgétaire.
1- Les dérogations d’ordre politique.
Elles sont principalement constituées par les fonds spéciaux.
 Les fonds spéciaux.
Le principe de spécialité n’est pas applicable aux fonds spéciaux appelés
communément « fonds secrets ». Le Parlement vote leur montant global qui est inscrit
dans une sous action de l’action Coordination de la sécurité et de la défense au sein du

19
Programme Coordination de l’Action Gouvernementale de la Mission Direction de
l’action du Gouvernement. Ces fonds spéciaux sont en espèces et mis à la disposition
du Président de la République qui en dispose librement sans aucun contrôle. Ces fonds
sont généralement couverts par le « secret défense » et servent à des opérations dont il
est pratiquement impossible de dresser une liste exhaustive.

2- Les dérogations d’ordre budgétaire.


Elles sont constituées par les provisions, les virements de crédits et les transferts de
crédits.
 Les provisions.
Elles sont constituées par les dotations réservées aux dépenses accidentelles et
imprévisibles dont les crédits sont répartis par décret, dans l’année et par programme
d’une part, et aux dotations relatives aux rémunérations publiques d’autre part.
 Les virements de crédits.
Les virements peuvent modifier la répartition de crédits entre programmes d’un
même ministère. Toutefois, le montant cumulé, au cours d’une même année, des
crédits ayant fait l’objet de virement, ne peut excéder 2% des crédits ouverts par la loi
de finances de l’année pour chacun des programmes concernés.
Les virements sont effectués par décret, après information de la commission des
finances de l’Assemblée Nationale.
 Les transferts de crédits.
Ils modifient la répartition des crédits entre programmes de ministères distincts,
dans la mesure où l’emploi des crédits ainsi transférés, pour un objet déterminé,
correspond à des actions du programme d’origine. Ces transferts peuvent être assortis
de modifications de la répartition des emplois autorisés entre les ministères concernés.
Les transferts suivent le régime juridique des virements. Ils sont en effet opérés par
décret après information de la commission des finances de l’Assemblée.

20
CHAPITRE V : LA SINCÉRITÉ BUDGÉTAIRE.
Elle représente à la fois un concept et un principe nouveau en droit budgétaire.
Elle est née de son évocation récurrente par certaines décisions du Conseil
Constitutionnel français depuis les années quatre-vingt-dix et est consacrée par les
articles 27 et 32 d la Loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances et
applicable depuis 2002 en France.
A- Définition du principe de sincérité.
Bien que le Conseil constitutionnel français n’ait jamais prononcé une
déclaration de non-conformité pour non-respect du principe de sincérité du budget, le
Conseil a accepté depuis les années 1990, de répondre au grief d’insincérité des lois de
finances dont il est saisi. Ce principe permet au Conseil d’examiner la validité des
prévisions de recettes, de contrôler les évaluations chiffrées des projets des lois de
finances, de vérifier que les lois de finances ne font pas l’objet d’artifices comptables
et de s’assurer de la lisibilité des opérations financières de l’Etat.
Véritable transposition d’un principe du droit financier applicable aux
collectivités locales, le principe de sincérité recouvre des exigences différentes selon
qu’il s’agit du budget ou des comptes.
En ce qui concerne la sincérité du Budget, aux termes de l’article 32 de la Loi
organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances françaises, « Les lois de
finances présentent de façon sincère, l’ensemble des ressources et des charges de
l’Etat… » Leur sincérité s’apprécie « …compte tenu des informations disponibles et

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des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler… » Il résulte de cette
exigence que les moyens pour lesquels est sollicitée une autorisation parlementaire
doivent correspondre aux charges prévisibles et doivent être à la fois suffisants pour
permettre à l’Etat d’honorer ses dettes et doivent être calculés au plus juste des besoins
de manière à ne pas laisser inemployés, les crédits votés. En outre, si en cours
d’examen de la loi de finances, des informations nouvelles de nature à remettre en
cause les grandes lignes de l’équilibre budgétaire parvenaient au Gouvernement,
l’obligation de sincérité lui impose de porter ces informations à la connaissance du
Parlement.

Quant à la sincérité des comptes, l’article 27 alinéa 3 ème prévoit que les comptes
de l’Etat doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine
et de sa situation financière. Applicable depuis 2006, la sincérité des comptes de l’Etat
est ici comprise dans le sens traditionnel que lui donne la doctrine comptable car elle
s’entend de l’exactitude des comptes.
B- La portée du principe de sincérité.
Le Conseil constitutionnel français a estimé, à propos de la sincérité, qui doit
s’apprécier compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent
raisonnablement en découler, qu’elle se caractérise par une absence d’intention de
fausser les grandes lignes de l’équilibre déterminé par la loi de finances. Cependant,
compte tenu des aléas inhérents aux évaluations des recettes et charges de l’Etat de
même que des incertitudes relatives à l’évolution des situations économiques, une
marge d’erreur peut être admise.

22
DEUXIÈME PARTIE : LA CONCEPTION ET LE VOTE DU BUDGET.
L’élaboration du Budget relève de la compétence exclusive du pouvoir
Exécutif. Le budget constitue la traduction de la politique du Gouvernement et à ce
titre, il paraît légitime que ce dernier soit chargé de ce texte. En outre, seul le
gouvernement dispose des ressources techniques et humaines nécessaires à la mise au
point du budget qui se déroule sur une période plus ou moins longue allant de cinq à
huit mois et parfois plus. Quant au vote du budget ou de la Loi de finances, il relève de
la compétence exclusive du Parlement qui est l’organe constitutionnellement chargé de
légiférer.

23
CHAPITRE I : L’ÉLABORATION DU BUDGET.
A- Les auteurs du Budget.
L’initiative de l’élaboration des textes budgétaires, est un monopole du
gouvernement. En effet, l’article 109 de la constitution béninoise du 11 déc. 1990
énonce que « L’Assemblée Nationale vote le projet de loi de finances dans les
conditions déterminées par la loi… » et à aucun moment, la constitution ne fait
référence à une ou des propositions de lois de finances d’émanation parlementaire.
L’un des rares exemples réellement significatifs d’initiative parlementaire en matière
budgétaire est celui des Etats-Unis où, en raison du principe rigide de séparation des
pouvoirs induit par le régime présidentiel, le Président ne dispose pas de la faculté de
déposer des projets de lois, du moins directement.
Au Bénin donc, il revient à l’Exécutif l’initiative des lois de finances, à travers des
projets de lois de finances qui font intervenir dans leur élaboration plusieurs acteurs.
1- Le Président de la République.
L’article 54 de la constitution béninoise du 11 déc. 1990 en son alinéa 1 er stipule
que « Le Président de la République est le détenteur du pouvoir exécutif. Il est le chef
du Gouvernement, et à ce titre, il détermine et conduit la politique de la Nation. Il
exerce le pouvoir réglementaire… » Par ailleurs, à l’article 55 de la même
constitution, il est précisé que le Président de la République préside le Conseil des
ministres qui délibère obligatoirement entre autres, sur les décisions déterminant la

24
politique générale de l’Etat et les projets de lois. Ces articles constitutionnels confient
ainsi au Président de la République, l’autorité de conduire la politique de la Nation, ce
qui inclut évidemment la politique budgétaire en ce qu’elle est la traduction financière
des objectifs politiques, économiques et sociaux du gouvernement. En effet, c’est lui
qui fixe la stratégie budgétaire, à partir des grands choix qui lui sont proposés par le
ministre des finances, et qui rend les arbitrages sur les différends pouvant opposer le
ministre des finances aux ministres « dépensiers ».
En outre, même si aucun texte ne confère au Président de la République, des
prérogatives particulières dans le domaine budgétaire, compte tenu de la place
éminente qu’il occupe institutionnellement, son influence sur la politique budgétaire
est plus ou moins marquée en fonction des objectifs de la politique nationale générale,
des situations politiques et de la personnalité propre du Président de la République. En
tout état de cause, le Président suit toujours attentivement l’élaboration du Budget et
les indications ou les vœux qu’il formule restent rarement sans effets budgétaires.
Dans la pratique, cette mission est assurée par le Ministre des Finances qui est
mandaté par le Chef du Gouvernement pour déclencher et suivre le processus de
préparation de l’avant-projet de Loi de Finances.
2- Le ministre des finances.
Seul chargé, sous l’autorité du Président de la République, de la politique
budgétaire de l’Etat, de la politique économique et monétaire, le Ministre des
Finances définit, pour chaque année, les grandes orientations budgétaires et le
cadre macro-économique pour élaborer le dossier de débat d’orientation qu’il fait
adopter par le Conseil des Ministres. La place du ministre des finances est assez
particulière puisqu’il est dans une situation d’égalité juridique avec ses collègues, mais
occupe une position de supériorité de fait. Cette prééminence résulte principalement
des fonctions qui lui sont dévolues dans la préparation et l’exécution du budget. Il
dispose à cet effet, d’une administration spécialisée (Régies Financières, DGB,
DGTCP, DGAE) qui assure toute la procédure administrative en matière budgétaire.
Par ailleurs, lors de la mise en œuvre du budget (exécution), le pouvoir du ministre
des finances trouve sa traduction dans le contreseing qu’il doit apposer sur tous les
textes réglementaires ayant une incidence financière. Il dispose également d’agents

25
spécialisés placés auprès de chaque ministre, les contrôleurs financiers qui exercent un
contrôle sur la régularité des dépenses des ministres. Enfin, le ministre des finances est
placé dans une position de garant de l’intérêt général face aux autres ministres
dépensiers qui sont souvent les porte-parole d’intérêts sectoriels, sinon catégoriels.
3- Les autres ministres.
Ils sont appelés les ministres « dépensiers » et ne sont pas des acteurs de premier
plan mais participent néanmoins à l’élaboration du budget en qualité de « demandeurs
de crédits ». En effet, les services financiers de chaque ministère réalisent leurs
prévisions budgétaires pour le prochain exercice qui sont transmises à la Direction du
Budget avec laquelle ils seront en négociation durant plusieurs mois. Toutefois, sauf
exceptions, les inflexions budgétaires que les ministres peuvent provoquer en leur
faveur au cours de la phase d’élaboration sont en général modestes.
B- La préparation du Budget.
La préparation du budget peut être décomposée en plusieurs phases qui se
déroulent sur les neufs premiers mois de l’année. Cette préparation est une procédure
purement interne à l’Administration, au cours de laquelle interviennent les discussions
et négociations entre la Direction du Budget et les ministères. Toutefois, à l’initiative
du Gouvernement, le Parlement peut être associé à cette élaboration et formuler des
suggestions.
1- La programmation pluriannuelle. (art 56 de la Loi organique)
Elle est contenue dans un Document de Programmation Budgétaire et Economique
Pluriannuelle (DPBEP), qui est un instrument de programmation pluriannuelle glissant
pour l’ensemble des recettes et des dépenses. Couvrant une période minimale de trois
(03) ans, la première correspondant à l’exercice visé par le projet de loi de finances
que le (DPBEP) accompagne.
Il se compose de deux parties : une partie décrivant les perspectives de recettes
décomposées par grandes catégories d’impôts et de taxes et l’autre partie consacrée
aux dépenses budgétaires décomposées par grandes catégories de dépenses.
Ce sont ces plans et programmes qui fournissent et définissent les hypothèses
macro-économiques pluriannuelles permettant notamment, d’évaluer l’évolution

26
spontanée des recettes fiscale étroitement liées à l’évolution économique et les
projections des dépenses confrontées aux évaluations des recettes.
Cette première étape de programmation débouche sur la rédaction en début
d’année, d’un programme pluriannuel d’évolution des finances publiques nationales et
d’une note de programmation stratégique du Directeur du Budget.
2- Le cadrage.
Il s’agit de la stratégie d’ensemble qui sera suivie en matière des finances publiques
de l’Etat et est présentée au gouvernement à l’occasion du bilan sur les finances
publiques et les comptes sociaux. C’est cette stratégie d’ensemble qui va fonder la
lettre de cadrage qui fixe les orientations et les normes de maîtrise générales des
dépenses publiques que le ministre en charge des finances, adressera aux ministres
dépensiers afin de leur fixer les options économiques, financiers et politiques à faire.
3- La phase d’examen des perspectives budgétaires.
Elle se subdivise dans un premier temps, en réunions d’économies structurelles qui
sont une phase d’examen conjoint des perspectives budgétaires, des projets de réforme
et des économies qui leur sont associées. Ces réunions permettent en effet au ministre
des finances, d’organiser avec chaque ministre dépensier, des concertations visant à
examiner les projets de réforme des différentes politiques publiques et d’en tirer les
conséquences en termes de crédits, d’effectifs et de recrutements.
Dans un deuxième temps, il s’agira de réunions budgétaires pour instruire les
demandes de crédits qui intégreront les prescriptions de la lettre de cadrage.
L’ensemble des crédits exprimés par chaque ministre sera examiné ainsi que les
effectifs et objectifs de recrutements et permettront in fine de valider la nomenclature
budgétaire au niveau le plus fin.
4- La phase de restitution.
Elle se déroule en trois temps ainsi qu’il suit :
a-) L’appréciation des propositions budgétaires.
Elle consiste en des réunions de restitution entre le ministre des finances et les
ministres dépensiers afin d’apprécier les propositions budgétaires par rapport au
cadrage d’ensemble.
b-) Les lettres plafonds.

27
A l’issue de l’appréciation des propositions budgétaires, le ministre des finances
adresse à chaque ministre dépensier, une lettre arrêtant les plafonds en crédits à partir
d’une nomenclature en missions et en effectifs, et fixant les principales réformes
structurelles à mettre en œuvre. Ces lettres sont transmises à la Commission des
Finances de l’Assemblée Nationale.
c-) La répartition des crédits par programme.
Elle est faite par la Direction du Budget qui procède à la répartition par programme
des plafonds des crédits arrêtés entre les services des ministères. Cette répartition a
lieu après la finalisation de la liste des objectifs et indicateurs du projet de loi de
finances et la fixation des cibles de résultats à atteindre.
5- La mise au point définitive et l’adoption en Conseil des ministres.
Elle consiste en la finalisation des documents budgétaires à destination de
l’Assemblée Nationale, en particulier dans les aspects relatifs à la justification des
crédits et à la présentation de l’ensemble des projets annuels de performance.
Comme tous les projets de loi, le projet de loi de finances, conformément à l’article
105, alinéa 2ème de la constitution du 11 décembre 1990 et à l’article 55 de la Loi
organique relative aux lois de finances, est délibéré en Conseil des ministres, après
avis consultatif du Conseil Economique et Social avant son dépôt sur le Bureau de
l’Assemblée Nationale.
C- L’évaluation du Budget.
L’évaluation des masses budgétaires de l’Etat, qu’il s’agisse des dépenses ou des
recettes, est soumise à des contraintes de tous ordres, mais principalement politiques
pour les dépenses et économiques pour les recettes.
1- L’évaluation des dépenses.
Elle se fait grâce aux services votés et au caractère limitatif des dépenses.
a-) Les services votés.
Ils représentent le minimum de dotations que le Gouvernement juge
indispensable pour poursuivre l’exécution des services publics dans les conditions
approuvées l’année précédente par l’Assemblée Nationale. Il s’agit en quelque sorte
des dépenses incompressibles au sein des dépenses totales du Budget. Cependant, les
services votés ne peuvent excéder le montant des crédits ouverts par la dernière loi de

28
finances. Ces crédits nécessaires au fonctionnement de l’Administration sont
déterminés par le budget de l’année précédente (loi de finances, éventuellement
rectifiée par la ou les lois de finances rectificatives) et actualisé pour tenir compte de
l’inflation et/ ou de l’évolution de la situation économique ou des projections
économiques ou politiques. S’y ajoutent, les extensions en année pleine, des mesures
acquises au cours de l’année précédente (augmentation des fonctionnaires par
exemple…) et les mesures nouvelles inéluctables annoncées par le gouvernement.

Les mesures exceptionnelles prises l’année précédente et qui par définition ne


sont pas reconduites, sont retranchées de la masse ainsi obtenue.
Mais de plus en plus, le maintien de la notion des services votés s’inscrit dans
l’éventualité des recours aux procédures d’ouverture de crédits en urgence en cas
d’échec du vote de la loi de finances dans les délais prévus.
b-) Le caractère limitatif des dépenses. (Art. 22 de la Loi organique)
L’exactitude des évaluations des dépenses représente un impératif dans la
mesure où les crédits sont limitatifs, en ce que les dépenses ne peuvent être engagées
et ordonnancées que dans la limite des crédits ouverts, sous réserve de quelques
dérogations et atténuations. En pratique, les crédits limitatifs concernent par essence
ceux qui financent les investissements publics.
c-) Les dérogations au caractère limitatif. (Art. 22 alinéa 3ème de la Loi organique)
Les crédits évaluatifs permettent d’imputer des dépenses au-delà des crédits
ouverts. Ces crédits concernent les charges liées à la dette de l’Etat, les
remboursements, restitutions et dégrèvements d’impôts, ou la mise en jeu des garanties
accordées par l’Etat. Ils sont ouverts sur des programmes dotés de crédits limitatifs.
Le ministre chargé des Finances doit informer la commission de finances du
Parlement des motifs du dépassement et des perspectives d’exécution jusqu’à la fin de
l’année. Les dépassements de crédits évaluatifs font l’objet de proposition d’ouverture
de crédits dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l’année concernée.
d-) Les exceptions au caractère limitatif.
Les articles 25 et 26 de la Loi Organique prévoient deux exceptions au caractère
limitatif des crédits. Il s’agit dans un premier temps, des crédits globaux ouverts par

29
décret pour des dépenses accidentelles et imprévisibles et dans un deuxième temps,
des crédits supplémentaires ouverts par décrets d’avances pris en Conseil des
ministres en cas d’urgence et de nécessité impérieuse d’intérêt national.
2- L’évaluation des recettes.
a-) La méthode d’évaluation.
Au XIXe siècle, l’évaluation des recettes reposait sur l’application de la règle
dite « de la pénultième année » qui consistait à prendre pour base de calcul, les
résultats du dernier exercice budgétaire connu, c’est-à-dire de l’avant-dernière année.
Cette méthode a été abandonnée très tôt en raison de son imprécision croissante car
elle supposait, pour se révéler efficace, une grande stabilité économique.
Aujourd’hui, les recettes sont évaluées par les services du ministère des
Finances selon une méthode directe : la Direction Générale des Impôts et la Direction
Générale des Douanes et des Droits Indirects procèdent à des simulations fiscales
appuyées sur les données économiques fournies par les services de la planification et
de la prospective économique. En effet, la plus grande contribution en recettes au
budget général provient des recettes fiscales et parmi ces dernières, quatre impôts,
deux directs : impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés ; deux indirects : taxe sur la
valeur ajoutée et taxe intérieure sur les produits pétroliers qui produisent l’essentiel des
ressources.
Enfin, la méthode de prévision des subventions et aides budgétaires : elle
consiste à obtenir la confirmation des négociations devant accorder les subventions et
aides budgétaires ou leur libération suivant la signature d’une convention de
financement ou d’un acte de donation, avant d’inscrire leur montant dans les
prévisions. Sinon, elles sont inscrites pour mémoire (PM) au projet de Budget de la
Collectivités Publique. Les subventions et aides budgétaires ici concernées sont les
fonds de concours, les dons et legs en espèce.
b-) Les difficultés d’évaluation.
Si l’évaluation des impôts directs est plus aisée à réaliser dans la mesure où
l’administration fiscale reçoit et enregistre les déclarations lors de l’élaboration du
projet de loi de finances, et peut donc à partir de cela, affiner ses simulations, il n’en
va pas de même pour l’évaluation des impôts indirects et notamment de la TVA qui

30
représente à elle seule, un pourcentage très élevé des recettes fiscales de l’Etat et qui
dépend essentiellement de la conjoncture économique.
Aussi, l’évaluation des recettes peut-elle être affectée ou bouleversée par
l’évolution législative (suppression ou révision de certains taux…), un événement
imprévisible (comme un choc pétrolier par exemple), ou par une dégradation (ou une
embellie, hélas plus rare) de la situation économique… autant de facteurs qui peuvent
concourir à fausser les prévisions de recettes.

CHAPITRE II : LA PRÉSENTATION DU BUDGET.


La LORLF en son article 47 prévoit précisément la présentation matérielle de la
loi de finances et impose que celle-ci soit accompagnée d’un certain nombre de
documents (annexes) qui l’accompagnent et qui en font partie intégrante. Pour
exemple, le nombre de documents budgétaires édités par l’Imprimerie Nationale de la
France et distribué aux parlementaires est de plus de 70 documents volumineux
d’environ 100 kilogrammes pour chacun des 908 parlementaires en 2007.
A- La loi de finances.
L’article 48 de la Loi organique n ° 2013-14 dispose que « La loi de finances de
l’année comprend deux parties distinctes… » dont les contenus respectifs sont
précisés. L’article 50 alinéa 2ème de la même loi pour sa part précise que « Les lois de
finances rectificatives sont accompagnées : d’une annexe décrivant l’évolution de la
conjoncture économique.. ; d’une annexe récapitulant l’ensemble des mouvements de
crédits et des mesures de régulation budgétaire… ; d’un tableau récapitulatif de
l’exécution du budget de l’Etat,..». Les règles applicables aux budgets initiaux
s’appliquent donc également aux collectifs budgétaires dont le texte comprend
également deux parties identiques à celles de la loi de finances initiale.
1- La première partie de la loi de finances.
Dans la première partie, la loi de finance de l’année : prévoit et autorise les recettes
budgétaires et les ressources de trésorerie de l’Etat ; autorise la perception des impôts

31
affectés aux collectivités locales et aux établissements publics ; fixe les plafonds de
dépenses du budget général et de chaque budget annexe, les plafonds des charges de
chaque catégorie de comptes spéciaux du Trésor ainsi que le plafond d’autorisation des
emplois rémunérés par l’Etat ; arrête les dispositions nécessaires à la réalisation,
conformément aux lois en vigueur, des opérations d’emprunt destinées à couvrir les
charges de trésorerie ; arrête les données générales de l’équilibre budgétaire et
financier présentées dans un tableau d’équilibre faisant apparaître : le solde budgétaire
global et le solde budgétaire de base et approuve le tableau de financement
récapitulatif, pour la durée de l’exercice, les prévisions de ressources et de charges de
trésorerie.

2- La deuxième partie des lois de finances.


Dans la seconde partie, la loi de finances de l’année : fixe, pour le budget général,
par programme et par dotation, le montant des crédits de paiement et, le cas échéant,
des autorisations d’engagement ; détermine, par ministère et par budget annexe, le
plafond des autorisations d’emplois rémunérés par l’Etat ; fixe, par budget annexe et
par compte spécial du Trésor, le montant des crédits de paiement et, le cas échéant, des
autorisations d’engagement ; définit les modalités de répartition des concours
financiers de l’Etat aux autres administrations publiques ; autorise l’octroi des
garanties et des avals accordés par l’Etat ; approuve les conventions financières
conclues par l’Etat et comporte, le cas échéant, toutes règles fondamentales relatives à
l’exécution des budgets publics, à la comptabilité publique et aux responsabilités des
agents intervenant dans la gestion des finances publique.
B- Les documents annexes.
L’article 49 de Loi organique n ° 2013-14 prévoit qu’un certain nombre de
documents doit être joint au projet de loi de finances. Il s’agit d’un rapport définissant
l’équilibre économique et financier et faisant état des résultats connus et des
perspectives d’avenir ; d’un plan de trésorerie prévisionnel et mensualisé de
l’exécution du budget de l’Etat ; d’une note analytique sur le programme de
développement ; du document de programmation budgétaire et économique

32
pluriannuelle ; du document de programmation pluriannuelle des dépenses ayant servi
de base à la préparation des budgets des ministères ; du document de stratégie
d’endettement, des annexes explicatives dans le souci d’informer avec précision, les
députés de l’Assemblée Nationale.

CHAPITRE III : LES DELAIS DE PRÉSENTATION ET D’ADOPTION DU


BUDGET.
La loi de finances est le seul texte dont le dépôt et l’adoption sont enfermés
constitutionnellement dans des délais stricts et expressément précisés.
A- Nellement fs de présentation.
L’article 109 de la constitution précise que l’Assemblée Nationale est saisie du
projet de loi de finances au plus tard une semaine avant l’ouverture de la session
d’octobre. Or l’article 87 de la même constitution prévoit que l’Assemblée se réunit de
plein droit en deux sessions ordinaires par an, l’une dans la première quinzaine du
mois d’avril et la seconde dans le cours de la seconde quinzaine du mois d’octobre. Le
délai de présentation du projet de loi de finances est encore précisé par l’article 60 de
la loi organique n°2013-14 qui stipule que le projet de loi de finances de l’année, y
compris le rapport et les annexes explicatives est déposé sur le bureau de l’Assemblée
Nationale au plus tard une semaine avant l’ouverture de la session budgétaire (soit le
31 octobre de l’année qui précède l’année d’exécution du Budget).
Ce délai doit permettre aux députés de disposer de l’information budgétaire la
plus complète en temps utile et d’avoir ainsi connaissance des grandes tendances
budgétaires.
B- Les délais d’adoption.
Conformément à l’article 110 de la constitution, la loi organique n° 2013-14 en
son article 61 alinéa 2ème, précise que « Lorsque le projet de loi déposé dans les délais
sur le bureau de l’Assemblée Nationale, il doit être adopté au plus tard à la date de
clôture de la session budgétaire ». Il s’agit donc là encore du seul texte pour lequel le

33
parlement doit constitutionnellement se prononcer dans des délais préfixés au risque
de se voir sanctionné par son dessaisissement en vertu de l’article 110 de la
constitution.
C- La sanction du non-respect des délais.
En la matière, le Gouvernement a la part belle puisqu’il n’est pas directement
sanctionné pour le non-respect des délais de présentation du projet de loi de finances.
Lorsqu’il accuse un certain retard dans cette présentation du projet de loi de finances,
le gouvernement aux termes de l’article 111 de la constitution, demande d’urgence au
parlement, l’autorisation d’exécuter les recettes et les dépenses de l’Etat par douzièmes
provisoires.
Mais, s’agissant de l’Assemblée Nationale, la méconnaissance des délais
d’adoption est son dessaisissement par le gouvernement qui peut mettre en vigueur
par ordonnance, les dispositions du projet de loi de finances, après avoir convoqué en
session extraordinaire, le parlement aux fins de ratification du projet de loi de finances
dans un délai de quinze jours. Même là encore, à l’expiration de ce délai de quinze
jours sans que l’Assemblée n’ait ratifié le projet de loi de finances, ce dernier est
définitivement établi par ordonnance. (Art. 110 de la constitution et Art. 61 alinéas 3,
4, 5 et 6 de la loi organique n°2013-14).

34
CHAPITRE IV : L’EXAMEN ET LE VOTE DU BUDGET.
Ils s’effectuent à travers une procédure parlementaire particulière qui limite les
prérogatives de l’Assemblée Nationale. Cela s’explique par des exigences d’efficacité,
de rapidité, de maintien de l’équilibre financier et par la volonté de contenir
d’éventuelles dérives dépensières. Mais il faut surtout noter que le budget étant
l’expression financière et économique de la politique du gouvernement, la discussion
budgétaire au niveau du parlement de même que le vote du budget ne sauraient
s’avérer des occasions de blocage de la politique gouvernementale. C’est ce qui justifie
le caractère dissuasif et radical par exemple de la sanction du non-respect des délais
d’adoption du budget.
A- La discussion du budget.
Les conditions du débat budgétaire, marquées notamment par la priorité accordée à
l’Assemblée Nationale, sont étroitement encadrées par les dispositions de la
constitution croisées avec celles de la loi organique et du règlement intérieur de
l’Assemblée Nationale. En effet, ces conditions confèrent au gouvernement des
prérogatives procédurales importantes et restreignent notablement, l’initiative
budgétaire des députés. Cette rationalisation dictée par un souci d’efficacité et de
contrôle excessif voire pointilleux, n’empêche toutefois pas que la discussion
budgétaire soit l’occasion d’un débat de fond entre le gouvernement et le parlement.
La discussion budgétaire commence par un examen en commissions (Commission des
Finances principalement et autres commissions intéressées par certaines dispositions
ou programmes) pour se poursuivre et se conclure par une discussion en séance
publique.

35
1- L’examen en commissions.
a-) La commission des finances.
Elle joue un rôle primordial dans l’examen, l’analyse et la discussion du budget.
Cette commission entend au besoin, les ministres et hauts fonctionnaires pour des
explications complémentaires et des questionnaires au gouvernement. Elle procède
également à des investigations sur pièces et sur place au besoin. Toutes ces procédures
aboutissent à la rédaction d’un rapport général sur le projet de loi de finances par ladite
commission et est une analyse globale du budget. Ce sont les conclusions de cette
commission des finances qui seront présentées en séance plénière, de même que les
amendements des députés. Les modalités de discussions au sein de la Commission des
finances de l’Assemblée sont régies par l’article 95 du règlement intérieur de
l’Assemblée. Cet article renvoie en cette matière aux articles 110 et 111 de la
constitution, à la loi organique n° 2013-14 et au Chapitre VI du Titre II du règlement
intérieur. Par ailleurs, il précise que les autres commissions peuvent désigner un ou
plusieurs de leurs membres aux fins de participer, avec voix consultative, aux travaux
de la commission des finances.
b-) Les autres commissions.
Si la Commission des finances est par nature saisie de l’ensemble du projet de
loi de finances, les autres commissions permanentes (au nombre de cinq en plus de la
commission des finances) ne sont saisies du projet de loi de finances que pour les
parties qui entrent dans leur domaine de compétence. Ainsi par exemple, la
Commission des relations Extérieures, de la Coopération au Développement, de la
Défense et de la Sécurité de l’Assemblée ne sera saisie pour avis que du budget
concernant la Mission défense. Ces commissions sont donc chargées d’étudier le projet
de loi de finances sous l’angle sectoriel qui les concerne.
2- La discussion en séance plénière
Comme tout projet ou proposition de loi, le projet de loi de finances fait l’objet
d’un débat général. Le rapporteur de la Commission des finances expose en présence
du ministre des finances, ses analyses du budget de même que les travaux effectués. Le
ministre des finances rappelle le contexte économique dans lequel s’inscrit le budget et
explique les grands axes de la politique budgétaire. Les représentants de chaque

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groupe politique ont ensuite la faculté de faire part des réflexions positives ou
négatives que leur inspire le projet du budget, le ministre ou le rapporteur pouvant
répondre aux questions posées ou donner des éclaircissements sur certains aspects du
budget.

3- Les limitations de la compétence financière de l’Assemblée


Nationale.
La constitution, par ses dispositions générales, la loi organique et le règlement
intérieur de l’Assemblée, par leurs dispositions particulières, limitent notablement les
prérogatives parlementaires en matière budgétaire. Qu’elles soient liées au contenu
même de la loi de finances, qu’elles tiennent aux règles spécifiques de la procédure
budgétaire ou qu’elles résultent des multiples prérogatives détenues par le
gouvernement dans le cadre de la procédure législative, ces restrictions visent la
préservation de l’équilibre financier que les parlementaires pourraient être tentés de
malmener (Art. 61 à 66 de la Loi organique).
a-) Les irrecevabilités financières.
Aux termes de l’article 107 de la constitution du 11/12/1990, « Les propositions
et amendements déposés par les députés ne sont pas recevables lorsque leur adoption
aurait pour conséquence, soit une diminution des ressources publiques, soit la
création ou l’aggravation d’une charge publique, à moins qu’ils ne soient
accompagnés d’une proposition d’augmentation de recettes ou d’économies
équivalentes. » Cette interdiction faite aux parlementaires d’augmenter les dépenses a
une portée générale et s’applique à la fois aux amendements susceptibles d’être
introduites dans une loi de finances ou dans une loi ordinaire.
b-) L’interdiction de diminuer les ressources publiques.
Un amendement peut-être frappé d’irrecevabilité lorsqu’il engendre une perte
de ressources certaine et directe même si celle-ci n’est que future. La base de référence
pour apprécier la diminution de ressources est le texte en discussion. En la matière,
l’article 107 de la constitution ne vise que les ressources publiques existantes et s’il

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s’agit d’une ressource entièrement nouvelle, dont la création est demandée au
parlement, le droit d’amendement peut s’exercer librement et tendre à la réduction
voire à la suppression de ladite ressource.
c-) L’interdiction de la création ou de l’aggravation d’une charge publique.
La charge publique, c’est-à-dire la dépense dont l’article 107 de la constitution
interdit l’aggravation doit être certaine et directe même si sa réalisation paraît
seulement éventuelle ou facultative. Les dispositions relatives aux charges de l’Etat
sont plus restrictives que celles relatives aux ressources. Alors que la compensation
d’une diminution de ressources est possible, sous certaines conditions, la
compensation de la création ou de l’aggravation d’une charge est dans tous les cas,
prohibée.
4- Le contrôle des irrecevabilités.
Il s’effectue dans un premier temps dans les instances parlementaires et dans un
second temps au niveau de la Cour Constitutionnelle.
Au niveau des instances parlementaires, le président de la Commission des
finances est compétent pour statuer sur la recevabilité des amendements présentés en
commission des finances par les membres de celle-ci. Les amendements adopté par les
autres commissions sont soumis à la présidence de l’Assemblée qui les adressent au
président de la commission des finances, lequel exprime son avis par un visa apposé
sur les amendements : cet avis est de fait toujours suivi par le président de l’Assemblée
qui met alors en distribution, les amendements recevables et renvoi à leurs auteurs les
amendements irrecevables. Pour les amendements dont l’irrecevabilité est soulevée
après leur dépôt, et notamment en séance plénière, le président de la Commission des
finances est appelé à conseiller le président de séance, son conseil étant
traditionnellement suivi.
S’agissant du contrôle de la Cour Constitutionnelle, il est postérieur et ne s’exerce
qu’à l’occasion d’une saisine soulevant une inconstitutionnalité soit procédurale
lorsque le gouvernement oppose l’irrecevabilité à tout amendement qui n’est pas du
domaine de la loi, ou même une inconstitutionnalité au fond contre la loi de finances.
B- Les restrictions

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Les restrictions apportées aux pouvoirs du Parlement sont liées au contenu même
de la loi de finances, mais aussi aux règles générales de la procédure législative
prévues par la constitution, qui confèrent au gouvernement, des prérogatives décisives.
1- Les prérogatives procédurales du gouvernement.
En dehors de celles précédemment évoquées, les principales prérogatives dont
bénéficie le gouvernement visent à empêcher ou contraindre, dans le cadre de la
procédure législative, le vote de tout ou partie du texte. Ainsi, le gouvernement, après
ouverture des débats peut s’opposer à l’examen de tout amendement qui n’a pas été
antérieurement soumis à la commission compétente (commission des finances en
matière budgétaire par exemple), ce qui lui permet d’éviter les amendements-surprise.
2- Le nombre de votes.
Le budget était voté par chapitre, ce qui nécessitait plusieurs votes. Mais de nos
jours, il y a une globalisation des votes. Ainsi, la première partie de la loi de finances
qui doit être adoptée avant la deuxième partie est votée article par article avec pour
chaque article, la discussion des amendements. Il y a donc autant de votes que
d’articles. Pour les autres parties, il faut noter que les évaluations des recettes font
l’objet d’un vote d’ensemble pour le budget général, les budgets annexes et les
comptes spéciaux. Les évaluations de ressources et de charges de trésorerie font l’objet
d’un vote unique. La discussion des crédits du budget général donne lieu à un vote par
mission. Ces votent portent à la fois sur les autorisations d’engagement et sur les
crédits de paiement. Les crédits des budgets annexes et les crédits ou les découverts
des comptes spéciaux sont votés par budget annexe et par compte spécial du Trésor.
C’est ainsi que l’ensemble du projet de loi de finances est voté pour devenir la
loi de finances de l’année dès sa promulgation et sa publication au Journal officiel.
Il faut noter pour conclure cette partie que dès la promulgation de la loi de
finances, le gouvernement prend des décrets de répartition pour ventiler, par
programme ou par dotation, les crédits ouverts sur chaque mission, budget annexe ou
compte spécial du Trésor.

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TROISIÈME PARTIE : L’EXÉCUTION DE LA LOI DE FINANCES
Si les procédures de conception et de vote des lois de finances sont régies par
des dispositions de valeur constitutionnelle (constitution et loi organique), les
opérations d’exécution du budget sont essentiellement organisées par un texte
réglementaire, le Décret n° 2014-571 du 07 Octobre 2014 portant Règlement
Général sur la Comptabilité Publique (RGCP). L’exécution juridique du budget se
décompose en plusieurs phases, certaines impliquant des actes administratifs, d’autres
une manipulation matérielle de fonds. Il a semblé préférable, pour éviter les confusions
et les fraudes et faciliter les contrôles, que ce soit deux types d’agents qui réalisent ces
opérations : L’exécution du budget est ainsi gouverné par un principe fondamental,
celui de la séparation des ordonnateurs et des comptables (Art. 67 à 77 de la Loi
organique).

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CHAPITRE I : LA SÉPARATION DES ORDONNATEURS ET DES
COMPTABLES.
A- Les agents d’exécution du budget.
L’exécution du budget doit être réalisée conformément aux autorisations prévues
dans la loi de finances et précisées dans les décrets de répartition. Une division des
tâches d’exécution est organisée entre les Ordonnateurs, chargés de prendre les actes
administratifs prescrivant notamment les dépenses, et les Comptables, chargés des
opérations matérielles de maniement de fonds et notamment, du paiement de la
dépense. Ces fonctions sont nettement séparées selon le principe de l’incompatibilité
des fonctions d’ordonnateurs et de comptables publics.
Les ordonnateurs sont des administrateurs dont les fonctions sont délimitées (Art. 9
RGCP). Est ordonnateur toute personne ayant qualité, au nom de l’Etat, de prescrire
l’exécution des recettes et/ou des dépenses inscrites au budget ou de donner des ordres
de mouvements des matières. Ils prescrivent l’exécution des recettes et des dépenses et
à cet effet constatent les droits des organismes publics, liquident les recettes, engagent
et liquident les dépenses et procèdent à leur ordonnancement.
Les comptables publics sont plus clairement définis (Art. 16 à 27 RGCP) que les
ordonnateurs ; ce qui s’explique par le fait qu’il s’agit de fonctionnaires spécialisés,
nommés ou agréés par le ministre des finances. Est comptable public, tout agent public

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régulièrement habilité pour effectuer, à titre exclusif, au nom de l’Etat ou d’un autre
organisme public, des opérations de dépenses, de recettes, de maniement de titres, soit
au moyen de fonds et valeurs dont il a la garde, soit par virements internes, soit par
l’intermédiaires d’autres comptables publics.
1- Les Ordonnateurs.
On en distingue essentiellement trois sortes :
a-) Les ordonnateurs principaux.
L’ordonnateur est un décideur au sens où il est l’autorité administrative qui
prend la décision de la dépense et qui ordonne au comptable le paiement de celle-ci.
Les ministres et les présidents des institutions constitutionnelles sont ordonnateurs
principaux des crédits, des programmes, des budgets annexes et des matières de leur
ministère ou institution. Toutefois, les Directeurs des services dotés de budgets
annexes et des administrations centrales peuvent se voir conférer la qualité
d’ordonnateur principal.
Le ministre chargé des finances est ordonnateur principal unique des recettes du
budget général, des comptes spéciaux du Trésor et de l’ensemble des opérations de
trésorerie.
b-) Les ordonnateurs secondaires.
Ce sont ceux qui reçoivent délégation d’une partie des attributions des
ordonnateurs principaux en matière financière. Ce sont généralement les
administrateurs des services déconcentrés de l’Etat, les représentants de l’Etat à
l’étranger… qui reçoivent un transfert de compétence pour agir en lieux et places des
ordonnateurs principaux.
c-) Les ordonnateurs délégués.
Ce sont les membres des cabinets ministériels ou fonctionnaires auxquels les
ordonnateurs principaux ou secondaires peuvent accorder des délégations de signature.
En dehors de ces catégories classiques d’ordonnateurs, certains fonctionnaires
peuvent se trouver dans la situation de suppléance de leur supérieur hiérarchique et à
ce titre se voient délégués de façon circonstancielle, la charge d’ordonnateur suppléant.
2- La responsabilité des ordonnateurs.

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Ils sont responsables de la légalité, de la régularité et de l’exactitude des
certifications qu’ils délivrent (article 15 du RGCP). Ils encourent une responsabilité
qui peut être politique, pénale, disciplinaire sans préjudice des sanctions qui peuvent
leur être infligées par la juridiction des comptes à raison des fautes de gestion.
a-) La responsabilité politique.
Elle engage à titre principal, les ordonnateurs principaux. Ainsi, les ministres et
les présidents des institutions constitutionnelles encourent, à raison de l’exercice de
leurs attributions, les responsabilités que prévoient la constitution et les textes
subséquents, qui est une responsabilité politique du gouvernement. Par ailleurs, il est
interdit aux ministres, sous peine de commettre une forfaiture sanctionnée par la
dégradation civique, de prendre sciemment des mesures ayant pour objet, d’engager
des dépenses qui dépassent les crédits qui leur sont ouverts ou des mesures qui ne
résultent pas de l’application ni des lois de finances, ni des lois en général.
En dehors de cette responsabilité politique, les ordonnateurs peuvent être
poursuivis au pénal.
b-) La responsabilité pénale.
Elle engage tous les ordonnateurs. Au niveau des ministres ou personnalités
politiques en exercice, elle se fonde sur l’article 136 de la constitution qui prévoit une
juridiction spéciale, la Haute Cour de Justice pour les juger.
S’agissant des autres ordonnateurs, ils sont soumis aux règles de droit commun
pénal qui mettent en œuvre leur responsabilité lors qu’ils ont sciemment transgressé
les règles d’engagement des dépenses, ou lorsqu’ils ont violé les règles de la
comptabilité publique dans un intérêt personnel.
c-) La responsabilité civile et disciplinaire.
L’ordonnateur étant un fonctionnaire et une personne physique, lorsqu’il
méconnaît ses obligations de fonctionnaire, il est sanctionné par son autorité
hiérarchique avec des conséquences sur le déroulement et la gestion de sa carrière,
sans préjudice des sanctions civiles qui peuvent consister en des déchéances.
Au-delà de ces sanctions, et de façon générale, un agent d’exécution du budget
qui se rend coupable d’opérations financières irrégulières créant un préjudice à l’Etat

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ou à la collectivité publique, ce dernier doit rembourser sur ses fonds propres, les
sommes mises en cause.
3- Les comptables.
Les comptables publics sont comptables deniers et valeurs, comptables des
matières ou comptable d’ordre (Art. 17 RGCP).
Les comptables d’ordre sont ceux qui centralisent et présentent dans leurs
écritures et leurs comptes les opérations financières et les mouvements des matières
exécutés par d’autres comptables. Toutefois, les fonctions de comptable d’ordre ne
sont pas incompatibles avec celles de comptable deniers, valeurs et des matières.
Les comptables des matières sont des personnes habilitées à assurer la gestion
des matières, la tenue de la comptabilité, la garde et la conservation des matières.
Les comptables deniers et valeurs sont des personnes habilitées, affectées au
maniement et à la conservation des fonds publics, des valeurs qui sont des valeurs de
portefeuille, bons, traites, obligations, rentes et actions de société.
Les comptables deniers et valeurs sont :
a-) Les comptables directs du Trésor.
Il existe plusieurs catégories de comptables publics (réseau comptable) au
premier rang desquels figurent les Comptables directs du Trésor qui sont les plus
nombreux et qui ont la charge d’exécuter toutes opérations de recette et de dépense du
budget général et des comptes spéciaux du Trésor, toutes opérations de trésorerie, et
toutes opérations financières de l’Etat à l’exception de celles dont l’exécution est
expressément confiée à d’autres comptables publics. Comptables de droit commun et
dotés d’une compétence générale, les comptables du Trésor relèvent de la Direction
Générale de la Comptabilité Publique qui constitue l’une des grandes directions du
ministère des finances.
A l’intérieur de cette grande catégorie, on distingue les Comptables principaux
qui rendent directement leur compte à la Cour des Comptes et les Comptables
secondaires dont les opérations sont centralisées par un comptable principal.
Ainsi, l’Agent Comptable du Trésor, comptable principal, procède aux mêmes
opérations que tout comptable direct du Trésor, mais également, centralise les
opérations budgétaires et financières réalisées l’année précédente par tous les

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comptables principaux. Et passe les écritures de fin d’année permettant de dresser les
comptes annuels de l’Etat, desquels résultera le Compte général de l’administration
des finances.
Les Trésoriers-payeurs généraux disposent également de la qualité de
comptable principal et centralisent au niveau départemental, les opérations réalisées
par les comptables secondaires.
b-) Les comptables secondaires.
Ils sont ceux dont les opérations sont centralisées par le Trésorier-payeur
général, comptable principal. Les Receveurs des finances, comptables supérieurs bien
que secondaires, centralisent eux-mêmes au niveau de chaque démembrement des
départements, les opérations réalisées par les comptables subordonnés qui sont en fait
les trésoriers.
c-) Les autres catégories de comptables.
Il s’agit des Comptables des budgets annexes qui procèdent aux opérations
découlant de l’exécution de ces budgets ; les Comptables spéciaux du Trésor qui ne
disposent que d’une compétence d’attribution contrairement aux Comptables directs
du Trésor qui ont une compétence générale sont créés par décrets pour exécuter
certaines catégories particulières d’opérations de recettes et dépenses (par exemple de
recouvrer les sanctions pécuniaires par certaines cours…) ; les Comptables des
administrations financières qui sont chargés du recouvrement de certains impôts, taxes,
droits, redevances, produits et recettes diverses et des pénalités fiscales y afférant
(cette fonction est assurée par les receveurs des impôts ou des douanes selon la nature
des recettes).
Il est important de noter que tout Comptable public est nommé par le ministre
des finances ou avec son agrément ou son accord.
4- La responsabilité des comptables.
La responsabilité du Comptable, du fait de son rôle spécifique (manier les
deniers publics, tenir la comptabilité de son poste, exercer certains contrôles) peut être
engagée beaucoup plus largement que celle des ordonnateurs (Art. 34 à 37 RGCP et
Art. 102 et 103 LORLF). En principe, sa responsabilité personnelle et pécuniaire est
engagée pour les opérations dont il est chargé à savoir, recouvrement des recettes,

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paiement des dépenses, garde de fonds et valeurs, maniements des fonds, conservation
des pièces justificatives et des documents comptables, tenue de la comptabilité et
contrôles en matière de recettes et dépenses.
La responsabilité du comptable peut être engagée dans les situations suivantes :
un déficit de caisses ou un manquement en valeurs ou dans les matières a été constaté ;
une recette n’a pas été recouvrée faute de diligences de la part du comptable public ;
une dépense a été irrégulièrement payée, en manquement aux obligations de
contrôles ; par la faute du comptable public, l’organisme public a dû procéder à
l’indemnisation d’un autre organisme public ou d’un tiers.
Le Comptable principal est ainsi, responsable de plein droit des opérations des
comptables secondaires dont il centralise les opérations, ce qui n’exclut pas
évidemment, la responsabilité propre des comptables secondaires mis en cause. En
outre, le comptable est responsable des opérations réalisées par les régisseurs, dans la
limite des contrôles qu’il est tenu d’exercer sur ces derniers et des actes accomplis par
les comptables de fait s’il a eu connaissance de ces actes et ne les a pas signalés à son
supérieur hiérarchique.
Le comptable peut également voir sa responsabilité mise en jeu à raison de la
gestion de ses prédécesseurs pour les opérations prises en charge sans réserve à son
arrivée dans le poste comptable ou qu’il n’aurait pas contestées dans les six mois
suivant cette arrivée.
Toutefois, la responsabilité des comptables est expressément dégagée pour les
erreurs commises dans l’assiette et la liquidation des droits qu’ils recouvrent hormis
les cas de mauvaise foi et dans l’hypothèse où ils ont effectué des opérations sur
réquisition régulière d’un ordonnateur
Par ailleurs, le comptable encourt également en cas de fautes graves, une
suspension, des sanctions disciplinaires et peut faire l’objet de poursuites pénales, les
trois procédures pouvant être conjointement déclenchées. De même, ils peuvent voir
leur responsabilité pécuniaire mise en jeu par le ministre des finances qui émet dans le
cas échéant, un ordre de reversement qui contraint le comptable à verser
immédiatement sur ses deniers propres, la somme correspondante de telle sorte que en
France par exemple, l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 a prévu

46
qu’avant d’être installés dans leur fonction, les comptables publics sont tenus de
constituer des garanties qui peuvent constituer en un cautionnement déposé par le
comptable à la Caisse des Dépôts et Consignations et dont le montant est fixé par le
ministre des finances en fonction de l’importance du poste géré par le comptable. Au
Bénin, conformément à l’article 28 alinéa 3ème du RGCP, un arrêté du ministre chargé
des finances fixe les conditions de constitution, de gestion et de libération des
garanties des comptables publics.

B- Les opérations d’exécution du budget.


Les opérations d’exécution du budget obéissent à une réglementation précise et
s’inscrivent dans des procédures minutieuses faisant intervenir successivement, lors de
la phase administrative l’ordonnateur, et lors de la phase comptable, le comptable
public, mais ces procédures ne sont pas symétriques et connaissent certains
aménagements selon qu’il s’agit des dépenses ou des recettes.
Les dispositions de la loi organique de 2001 prévoient une nouvelle organisation
comptable : tout ce qui a trait au suivi de l’exécution budgétaire restera, comme
actuellement, suivi en fonction des encaissements et des paiements effectués, par les
comptables publics (article 28), à côté de cette comptabilité d’exécution budgétaire, la
loi organique (article 30) pose le principe de la mise en place d’une véritable
comptabilité patrimoniale inspirée des règles de la comptabilité privée, dans ce
contexte, toutes les ressources et les charges de l’Etat seront enregistrées non en
fonction des dates de paiement ou d’encaissement mais selon le principe de la
constatation des droits et rattachés à l’exercice.
1- L’exécution des dépenses.
a)- Les opérations administratives de l’ordonnateur.
Avant d’être payées, les dépenses sont engagées, liquidées et le cas échéant
ordonnancées, ce qui correspond aux trois opérations réalisées par ordonnateurs. (Art.
56 RGCP).
 L’engagement.

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L’engagement se définit comme l’acte par lequel un organisme public créé où
constate à son encontre une obligation de laquelle résultera une charge. L’engagement
est le fait générateur de la dépense, qui résulte d’un acte volontaire (passation d’un
marché, d’une commande, attribution d’une subvention, nomination d’un
fonctionnaire..) ou involontaire (l’administration est condamnée par une juridiction à
réparer un dommage causé à un administré). L’engagement se traduit de façon
comptable par l’affectation des crédits nécessaires au règlement de la dépense.

Seul l’ordonnateur chargé du chapitre budgétaire d’imputation de la dépense a


qualité pour procéder à l’engagement dans la limite des crédits disponibles, et après
visa préalable du contrôleur financier central pour les ordonnateurs principaux, ou
après visa préalable ou examen global du contrôleur financier déconcentré pour les
ordonnateurs secondaires.
 La liquidation.
La liquidation a pour objet de vérifier la réalité de la dette et d’arrêter le
montant de la dépense. L’ordonnateur doit s’assurer que le service a été fait (travaux
réalisés, commande livrée…), généralement au moyen de pièces justificatives qui
attestent de la réalisation de la prestation.
 L’ordonnancement.
L’ordonnancement en finances publiques est défini comme l’acte administratif,
donnant, conformément au résultat de la liquidation, l’ordre de payer la dette. Cet
ordre donné au comptable de payer se traduit, pour l’ordonnateur principal, par une
Ordonnance de paiement (que l’on appelle, pour un ordonnateur secondaire, un
mandat de paiement, qui donne donc lieu à mandatement et non à ordonnancement).
L’ordonnance, accompagnée des pièces justificatives, doit être préalablement
revêtue du visa du contrôleur financier, avant être adressée au comptable. Toutefois,
certaines dépenses peuvent être payées sans ordonnancement préalable ou faire l’objet
d’un ordonnancement de régularisation après paiement : l’exemple le plus significatif
est celui paiement des traitements des fonctionnaires, assuré informatiquement par les
trésoreries générales, et qui pour des raisons de rapidité, ne donne pas lieu à
ordonnancement préalable.

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b)- les opérations du comptable.
Le paiement est l’acte par lequel l’organisme public se libère de sa dette. Le
comptable procède tout d’abord aux vérifications prévues, c’est- à dire qu’il contrôle la
qualité de l’ordonnateur, la disponibilité des crédits, l’exacte imputation de la dépense
et la validité de la créance (justification du service fait et exactitude du calcul de la
liquidation). Il vise ensuite l’ordonnance ou le mandat en s’assurant que le paiement a
un caractère libératoire, c'est-à-dire qu’il est effectué au profit du véritable créancier et
qu’il n’y a pas d’obstacles juridiques au règlement, le paiement est réalisé selon les cas
en espèces, par chèque, par virement…dans les conditions prévues par le décret relatif
aux modes et procédures de règlement des dépenses des organismes publics.
2- Les opérations d’exécution des recettes.
a)- Le recouvrement des impôts directs.
La procédure habituelle en matière de recouvrement est amiable.
 Les opérations administratives.
Les opérations administratives incombant à l’ordonnateur sont réalisées par les
services de la Direction Générale des Impôts : il est tout d’abord procédé à la
constatation des droits, c'est-à-dire à la détermination de la matière imposable,
conformément aux dispositions fiscales contenues dans la loi de finances. Les services
procèdent ensuite à la liquidation de l’impôt, ce qui signifie que le montant de l’impôt
dû par chaque contribuable est calculé : les impôts directs étant des impôts de quotité,
la liquidation est assurée en fonction d’un taux appliqué à la matière imposable. Enfin,
les services fiscaux émettent un ordre de recettes représenté par un rôle nominatif,
comportant la liste des contribuables, l’assiette de l’impôt et son montant ; le rôle est
rendu exécutoire par arrêté préfectoral, le préfet pouvant déléguer ce pouvoir au
directeur des services fiscaux. Certains impôts (sur les sociétés, par exemple), ne sont
toutefois pas perçus par voie de rôle et sont recouvrés directement par les comptables
du Trésor.
 Les opérations comptables.
Le recouvrement des impôts est confié aux comptables publics compétents et
les ordres de recettes sont pris en charge par les comptables : les rôles homologués pris
en charge par les comptables du Trésor Public rendent ces derniers personnellement et

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pécuniairement responsables du recouvrement des impôts. Le recouvrement s’effectue
à l’amiable (le débiteur paie de son plein gré) ou par recouvrement forcé (pour les
débiteurs récalcitrants). Dans ce cas, les comptables recourent de façon usuelle à la
procédure de « l’avis à tiers détenteur », qui permet d’appréhender entre les mains
d’un tiers (employeur, notaire, banque…) les sommes que ce dernier détient pour le
compte du débiteur retardataire ; dès la notification de l’avis, la créance ou les fonds
deviennent immédiatement la propriété du Trésor Public.
b)- Le recouvrement des impôts indirects.
En matière d’impôts indirects, la séparation entre ordonnateur et comptable est
pratiquement inexistante et supprime les phases préliminaires d’assiette et d’émission
de titre de perception, le comptable recouvrant directement les recettes : les impôts
indirects (TVA, TIPP, droits de douanes…) sont en effet calculés par le redevable qui
les paie au comptant en même temps qu’il effectue sa déclaration. Toutefois, en cas de
litige avec le contribuable, un titre de recette exécutoire est adressé au contribuable et
les comptables compétents assurent le recouvrement forcé.
Le recouvrement est opéré par les comptables d’une même administration
financière, c'est-à-dire, dans la plupart des cas et pour les impôts les plus importants en
volume, soit la Direction générale des impôts, soit la Direction générale des douanes et
des droits indirects.
Le transfert à des trésoreries de la comptabilité publique, de l’exercice de
certaines compétences de la Direction générale des douanes et droits indirects est
autorisé et prévoit que l’assiette et le recouvrement des contributions indirectes, droits,
taxes, redevances et impositions obéissant aux mêmes règles sont transférés, dans
certaines localités et circonscriptions administratives, dont la liste est fixée par arrêtés
ministériels, aux trésoreries et trésoreries générales.
c)- Le recouvrement des autres recettes.
Les recettes domaniales sont recouvrées par les comptables de la Direction
générale des impôts (Service des domaines) mais les recettes résultant des ventes de
coupes de bois sont perçues par le comptable de l’Office National du Bois (ONAB) ou
par les comptables du Trésor.

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Le recouvrement des condamnations pécuniaires (amendes civiles, pénales,
administratives, fiscales, de justice…) est obtenu en vertu des procédures particulières
précisées par le décret relatif au recouvrement des amendes et condamnations
pécuniaires par les comptables directs du trésor (avertissement, mise en demeure,
hypothèque…).
d)- Les exceptions au recouvrement.
Lorsqu’une recette non fiscale, non domaniale ou qui ne représente pas le
caractère d’une condamnation pécuniaire n’a pu être recouvrée par le comptable pour
des raisons indépendantes de sa volonté et rendant impossible le recouvrement
(débiteur insolvable, introuvable…), l’admission en non- valeur de la créance
irrécouvrable est prononcée par l’ordonnateur concerné, ou par les préfets et
ambassadeurs par délégation des ministres. La demande d’admission en non- valeur
est présentée par le comptable à l’autorité compétente. En l’absence de réponse sous
six mois, la demande d’admission est réputée acceptée, et en cas de refus d’admission,
la décision doit être motivée. Si l’admission est refusée, le ministre des finances peut
demander un nouvel examen au ministre concerné (dont l’absence de réponse sous six
mois vaut acceptation de l’admission ou mettre en jeu la responsabilité pécuniaire du
comptable).
Pour les impôts directs, les comptables du Trésor chargés de leur recouvrement
peuvent demander leur admission en non-valeur lorsqu’ils sont irrécouvrables : le
trésorier payeur général (ou, par délégation, le Receveur des finances) doit statuer sur
les demandes des comptables du trésor dans les trois mois ; à défaut, et pour les
sommes inférieures à des seuils fixés par arrêté ministériel, la non réponse du trésorier
payeur général vaut acceptation de la demande. Pour les impôts indirects, les décisions
relatives aux admissions en non-valeur sont prises, par les directeurs des services
fiscaux ou par les directeurs régionaux des douanes et droits indirects.

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CHAPITRE II : LES AMENAGEMENTS AU PRINCIPE DE LA
SEPARATION DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES.
Si le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables souffre de
certaines atténuations consistant par exemple, pour un comptable, à payer des
dépenses sans ordre préalable de l’ordinateur (ordonnancements globaux), ou pour un
comptable à émettre l’ordre de recettes et percevoir directement celles-ci (receveurs
des douanes, trésoreries…) ou enfin pour un ordonnateur (premier ministre) à manier
les fonds spéciaux mis à sa disposition, des aménagements au principe de séparation
ont été organisés en vue d’habiliter des agents dépendant de l’ordinateur, mais
dépourvus de la qualité de comptable public, à encaisser des recettes et à effectuer des
dépenses. Il s’agit principalement de l’instauration de régies de recettes ou de régies
d’avances qui fait ainsi perdre au comptable l’exclusivité du maniement de deniers
publics.
A- LES REGIES.
Des régisseurs peuvent être chargés pour le compte des comptables publics
d’opérations d’encaissement ou de paiement. Les régies sont instaurées dans un but
essentiellement pratique pour payer ou encaisser des sommes qui, en raison de leur
urgence ou de leur faible montant, peuvent l’être sans que soit suivie la procédure
ordinaire. Les régies constituent en quelque sorte une inversion des différentes phases
habituelles de recettes et de dépenses : s’agissant des recettes, le régisseur liquide et
recouvre directement la recette et le comptable régularise a posteriori les opérations en
les reprenant dans ses écritures et dans ses comptes, alors qu’en principe, ces fonctions
sont successivement assurées par un ordonnateur (qui constate et liquide) et par un
comptable (qui recouvre). S’agissant des dépenses, le régisseur paie la dépense qui est
ensuite ordonnancée, alors qu’en principe l’ordonnancement (ou le mandatement) est
préalable au paiement.
Les collectivités territoriales, pour leur part, peuvent également constituer des
régies.

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1- L’organisation des régies.
Les modalités de création, de fonctionnement des régies de recettes et des régies
d’avances ainsi que les modalités de nomination des régisseurs sont fixées par un
arrêté du ministre chargé des finances.
a)-La création des régies.
Les régies sont créées par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du
ministre intéressé ; toutefois, dans les limites et conditions fixées par un arrêté conjoint
du ministre des finances et du ministre intéressé, des régies peuvent être créées par
arrêté ministériel : par exemple en France, un arrêté conjoint du 31 décembre 1993 a
habilité le ministre de la défense à instituer des régies de recettes et des régies
d’avances auprès de tout service ou établissement relevant de son autorité.
Par arrêté conjoint du ministre des finances et du ministre intéressé, des régies
peuvent être créées par un arrêté du préfet, pris après avis du trésorier-payeur général :
par exemple, un arrêté conjoint du 1er février 1994 modifié par un arrêté conjoint du 20
février 1997 a habilité les préfets de région à instituer des régies d’avances et des
régies de recettes en France auprès des directions interdépartementales du ministère
des Anciens Combattants et Victimes de Guerre.
Des sous régies peuvent également être créées par arrêté ministériel.
b)- La nomination des régisseurs.
Le régisseur est nommé par arrêté ou décision de l’ordonnateur de l’organisme
public auprès duquel la régie est instituée : selon le cas, un arrêté ministériel, un arrêté
préfectoral ou une décision du directeur d’un établissement public national nomme le
régisseur mais dans tous les cas, la nomination est soumise à l’agrément du comptable
assignataire, c’est-à-dire pour le compte duquel la régie fonctionnera.
Avant d’entrer en fonctions, le régisseur est tenu de constituer un cautionnement
dont le montant est fixé par un arrêté du ministre des finances et qui varie en fonction
du montant mensuel des avances consenties ou des recettes encaissées. En outre,
lorsqu’une régie temporaire est créée, pour une période inférieure à six mois pour une
opération particulière, le régisseur pourra être dispensé de constituer un cautionnement
sur décision de l’ordonnateur avec agrément du comptable assignataire. Comme les
comptables publics, les régisseurs peuvent également souscrire une assurance

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personnelle volontaire. Les régisseurs bénéficient d’une indemnité annuelle de
responsabilité, dont les montants sont précisés par arrêté et varient en fonction de
l’importance des avances et recettes gérées.
2- Le fonctionnement des régies.
a)- Les régies de recettes.
 La nature des recettes.
Sauf dérogation accordée par le ministre en charge des finances, les impôts, taxes
et redevances prévus au code général des impôts, au code des douanes et au code du
domaine de l’Etat ne peuvent être encaissés par l’intermédiaire d’une régie, sauf pour
les régies de recettes instaurées à l’étranger. La nature des recettes à encaisser est fixée
dans l’acte constitutif de la régie et ne concerne, en général, que de petites sommes.
C’est l’exemple des universités nationales béninoises en ce qui concerne les droits
d’inscription et les droits d’accès aux restaurants universitaires.
 Les obligations du régisseur.
Le régisseur exerce des fonctions de caissier en principe dévolues au comptable,
mais elles consistent essentiellement en des tâches matérielles d’exécution, c’est -à-
dire de perception de fonds : il encaisse, dans les mêmes conditions qu’un comptable,
les recettes réglées par les redevables par versement en numéraire, par remise de
chèques ou par versement ou virement à un compte. Les chèques doivent être remis à
l’encaissement au plus tard le lendemain de leur perception. Les régisseurs de recettes
sont autorisés à disposer d’un fonds de caisse permanent dont le montant est
mentionné dans l’acte constitutif de la régie.
b)- Les régies d’avances.
 La nature des dépenses.
La régie d’avances consiste, pour le comptable assignataire, à faire une avance de
fonds au régisseur, afin que ce dernier puisse payer certaines dépenses. Ainsi, les
dépenses de matériel et de fonctionnement peuvent être payées par un régisseur
d’avances lorsqu’elles n’excèdent pas une somme fixée par opération, par arrêté
(fournitures, frais de carburant et d’entretien des véhicules administratifs, frais
postaux, abonnements à des revues, frais de réception…)

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Peuvent également être payées par un régisseur d’avances les dépenses liées à la
rémunération des personnels payés sur une base horaire ou à la vacation, les secours
urgents et exceptionnels, les frais de mission et de stage et les avances sur ces frais, et
pour les opérations à l’étranger toute autre dépense nécessaire au bon fonctionnement
du service.
Par dérogation accordée par le ministre chargé des finances, certaines autres
dépenses peuvent être payées par un régisseur d’avances : par exemple, l’arrêté
modificatif du 20 février 1997 habilitant en France les préfets de région à instituer des
régies auprès des directions interdépartementales du ministère des Anciens
Combattants et Victimes de Guerre, prévoit que les régisseurs d’avances pourront
payer les dépenses occasionnées par l’appareillage des mutilés, les frais de
déplacement des personnes convoquées au centre d’appareillage, les frais de transport
des corps aux familles des pensionnées décédés au cours d’une hospitalisation, les
dépenses des colonies de vacances organisées en faveur des enfants du personnel du
ministère et les frais de voyage…
 Les opérations du régisseur.
Les régisseurs paient les dépenses par virement, mandat, en numéraire ou par carte
de paiement. Le régisseur remet les pièces justificatives des dépenses payées, soit à
l’ordonnateur, soit au comptable assignataire, suivant les règles propres à chaque
catégorie d’organismes : sauf dérogation accordée par le ministre des finances, la
remise des pièces justificatives intervient au moins une fois par mois.
L’ordonnancement intervient pour le montant des dépenses reconnues régulières.
B- LE CONTRÔLE DES REGIES.
Bien que ne disposant pas de la qualité de comptable public, le régisseur manie des
fonds publics et comme tel, sa gestion est susceptible d’être assujettie à de multiples
contrôles, au même titre qu’un comptable. Le régime de sa responsabilité est au reste
assez proche de celle des comptables, étant observé que la responsabilité d’un
comptable assignataire peut être engagée pour une faute commise par un régisseur.

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1- Les contrôles internes.
a)- Par le comptable assignataire.
Le contrôle du comptable, qui peut s’exercer sur pièce et sur place, porte sur
l’ensemble des opérations de recettes et dépenses effectuées pour son compte par le
régisseur, sur leur régularité et leur conformité au texte institutif de la régie, et compte
tenu de leur importance, sur les pièces justificatives et les délais de celles-ci.
Le régisseur qui cesse ses fonctions peut demander un certificat de libération
définitive des garanties qu’il a constituées (cautionnement) sous la condition, pour une
régie de recettes, d’avoir versé au comptable assignataire la totalité des recettes
encaissées et de ne pas avoir été constitué en débet. Pour une régie d’avances, d’avoir
justifié de l’emploi de l’intégralité des avances mises à sa disposition, que ces
justifications aient été admises par le comptable, et de ne pas avoir été constitué en
débet. Le certificat de libération définitive est délivré par le comptable, qui dispose de
six mois pour se prononcer sur la demande. Passé ce délai, le comptable assignataire
ne peut refuser le certificat que s’il demande à l’autorité qualifiée la mise en débet du
régisseur. Le certificat sera accordé dès l’apurement du débet.
Le régisseur est également soumis au contrôle de l’ordonnateur auprès duquel il
est placé, mais sans méconnaître l’importance de cette possibilité, notamment pour les
ordonnateurs secondaires, force est de reconnaître que c’est surtout le comptable,
premier intéressé par la gestion du régisseur, qui exerce le contrôle le plus scrupuleux.
b)- Par les autres autorités de contrôle.
Les régisseurs sont également soumis aux vérifications de l’inspection générale
des finances et à celles des autorités habilitées à contrôler sur place le comptable
assignataire et l’ordonnateur (trésorier payeur général notamment).

2- La responsabilité des régisseurs et des comptables.


a)- La responsabilité des régisseurs du fait de ses opérations.
Ladite responsabilité pose le principe de la soumission des régisseurs aux
règles, obligations et responsabilité des comptables notamment en ce qui concerne la

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garde et la conservation des fonds et valeurs qu’ils recueillent ou qui leur sont
avancés, le maniement des fonds et mouvements de comptes de disponibilité, la
conservation des pièces justificatives et la tenue de la comptabilité des opérations. Un
régisseur peut également voir sa responsabilité engagée à un autre titre et à l’issue
d’une procédure différente en cas de gestion de fait.
La responsabilité du régisseur est mise en jeu au cours d’une procédure amiable
par un ordre de versement émis par l’ordonnateur principal après avis du comptable
assignataire. L’ordre de versement est émis pour une somme égale au montant de la
perte de recettes ou de la dépense payée à tort. Dans un délai de quinze jours à
compter de la notification de l’ordre de versement, le régisseur peut solliciter un sursis
de l’autorité qui a émis l’ordre de versement : cette autorité se prononce dans le délai
d’un mois et passé ce délai, le sursis est considéré comme accordé. La durée du sursis
est limitée à un an, mais si le régisseur a présenté un demande de décharge de
responsabilité ou un demande en remise gracieuse, la durée du sursis peut être
prolongée jusqu’à la date de notification de la décision statuant sur la demande.
Si le régisseur n’a pas acquitté la somme réclamée et s’il n’a pas obtenu le
sursis, ou si celui- ci est venu à expiration, un arrêté de débet, qui se substitue à l’ordre
de versement, est pris à son encontre. Le régisseur mis en débet peut obtenir soit la
décharge totale ou partielle, soit la remise gracieuse de sa responsabilité selon la même
procédure que celle en vigueur pour les comptables (demande adressée au ministre des
finances…). La demande du régisseur doit être assortie de l’avis de l’ordonnateur
principal intéressé et du comptable assignataire.
b)- la responsabilité du comptable du fait des opérations du régisseur.
La responsabilité pécuniaire des comptables s’étend aux opérations des
régisseurs. Toutefois les sommes allouées en décharge au régisseur, ou dont celui-ci
est déclaré responsable mais qui ne pourraient être recouvrées, sont mises à la charge
du comptable assignataire si le débet est lié à certaines fautes ou négligences
caractérisées commises par le comptable : avances consenties sans justification de
cautionnement ou au-delà du maximum autorisé, versements de recettes hors délai et
non réclamées immédiatement par le comptable, opérations irrégulières acceptées sans
réserve par le comptable, rejet de pièces justificatives intervenu tardivement et

57
excluant de ce fait toute possibilité de régularisation, faute ou négligence dans
l’exercice du contrôle sur pièces et sur place.
Toutefois, la responsabilité étant personnelle on évite autant que possible, la
mise en cause systématique de la responsabilité personnelle et pécuniaire, du
comptable au titre d’un déficit constaté dans une régie, mais leur responsabilité
subsidiaire n’est nullement remise en cause. En effet dès lors qu’un déficit sera
constaté dans une régie par l’émission d’un ordre de reversement et éventuellement
d’un arrêté de débet à l’encontre du régisseur, que ce dernier ait ou non obtenu remise
gracieuse ou décharge de responsabilité ou que le débet n’ait pas pu être recouvré, le
comptable assignataire pourra voir sa responsabilité engagée à ce titre, par le juge des
comptes ou le ministre s’il a commis une faute ou négligence caractérisée à l’occasion
de son contrôle.
Enfin, tout déficit affectant une régie et qui n’avait pas fait l’objet d’une mise en
cause du régisseur par l’émission d’un ordre de versement, et éventuellement d’un
arrêté de débet peut entraîner la mise en débet du comptable pour le montant concerné.
Cette responsabilité subsidiaire et conditionnelle du comptable s’explique par le
fait que le régisseur est placé sous la surveillance du comptable assignataire, qui
dispose de pouvoirs de contrôle sur la gestion de la régie, et toute défaillance dans
l’exercice de ses obligations se traduit par la mise en jeu de sa responsabilité propre.
En outre, certaines opérations irrégulières d’un régisseur se répercutent
mécaniquement dans les écritures et les comptes du comptable qui les reprendrait sans
réserve. La Cour des comptes, qui ne connaît que les comptes des comptables et non
ceux des régisseurs (qui sont repris dans ceux des comptables) applique la théorie de la
« transparence de la régie » et peut ainsi sanctionner les comptes d’un comptable
intégrant sans réserve les opérations irrégulières d’un régisseur. C’est cette
dissociation qui permet d’engager la responsabilité du comptable du fait régisseur
quand bien même ce dernier aurait obtenu du ministre une remise gracieuse.
CHAPITRE III : LA SANCTION AU PRINCIPE DE SÉPARATION DES
ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES.
La méconnaissance du principe de séparation des ordonnateurs et des
comptables fiat encourir à toute personne, quelle que soit sa qualité (ordonnateur,

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comptable, régisseur, fonctionnaire, personne physique, personne morale de droit
privé..) une accusation de gestion de fait, dès lors qu’elle se sera indûment immiscée
dans des fonctions en principe dévolues au comptable public ou qu’elle aura ordonné,
organisé, connu et toléré ces irrégularités. Toute personne déclarée comptable de fait
est assujettie aux mêmes règles de responsabilité que celles applicables aux
comptables patents, cette responsabilité étant assortie de sanctions pécuniaires
spécifiques, et dans certains cas, de sanctions pénales et politiques.
A- LA GESTION DE FAIT.
La gestion de fait constitue à la fois une infraction aux règles de la comptabilité
publique et un délit pénal. S’agissant purement comptable, la notion de gestion de fait
est apparue très tôt sous l’Ancien Régime (ordonnance royale de 1319 sur la chambre
des comptes), puis a été précisée à partir du XIXe siècle par une jurisprudence profuse
de la cour des comptes. Actuellement la gestion de fait est légalement définie et sa
portée amplifiée par la jurisprudence financière. Toutefois, une prescription de dix ans
pour l’action en déclaration de gestion de fait est aujourd’hui établie.
1-La définition légale de la gestion de fait.
a)- L’ingérence dans le recouvrement de recettes.
Toute personne qui sans avoir la qualité de comptable public ou sans agir sous
son contrôle s’ingère dans le recouvrement de recettes affectées ou destinées à un
organisme public doté d’un poste comptable doit, indépendamment des poursuites
pénales pouvant être engagées de ce chef, rendre compte au juge financier de l’emploi
des fonds et valeurs qu’elle a irrégulièrement détenus ou maniés.
Ce premier élément constitutif de la gestion de fait consiste donc, pour un
comptable de fait, à s’immiscer indûment dans une opération de recouvrement de
recettes qui ne peut être réalisée que par un comptable patent, c’est- à dire par un
comptable public habilité. Cette hypothèse concerne fréquemment les ordonnateurs
locaux ( maires …) qui encaissent directement des recettes communales (redevances,
participations…) et ne les reversent pas ou les reversent tardivement à la caisse de le
commune, ou qui recouvrent des recettes illégalement établies, par exemple, mais
aussi, pour les finances de l’Etat, les ingérences d’agents dépourvus de la qualité de
comptable public dans le recouvrement de fonds de concours versés à l’administration

59
par des personnes morales ou physiques. De la même façon, un régisseur de recettes
régulièrement nommé mais qui ne respecte pas les règles de fonctionnement de sa
régie, peut être déclaré comptable de fait par exemple en cas de non-respect de la
périodicité de reversement à la caisse du comptable assignataire auquel il est rattaché,
ou qui effectue des opérations de recouvrement excédant sa compétence.
Dans certains cas, une collectivité publique peut confier une mission à un
organisme privé par voie contractuelle, le contrat valant titre légal pour encaisser des
recettes (par exemple, des contrats de gestion déléguée, concession, affermage…,
permettant de collecter des taxes et redevances) mais une déclaration de gestion de fait
pourra toutefois être prononcée si l’objet du contrat n’est pas régulier, ou s’il porte sur
des opérations étrangères à la vocation du cocontractant ou si ses stipulations relatives
au reversement des fonds encaissées ne sont pas respectées.
b)- Le maniement de fonds irrégulièrement extraits d’une caisse publique.
Peut également être déclarée comptable de fait toute personne qui reçoit ou
manie directement des fonds et valeurs extraits irrégulièrement de la caisse d’un
organisme public, ou procède à des opérations portant sur des fonds ou valeurs
n’appartenant pas aux organismes publics, mais que les comptables publics sont
exclusivement chargés d’exécuter en vertu de la réglementation en vigueur.
Ce second élément constitutif d’une gestion de fait distingue tout d’abord les
deniers publics et les deniers réglementés ; ces derniers sont des fonds privés que seuls
les comptables publics sont habilités à détenir, à conserver et à manier, en vertu de
textes spéciaux : fonds et valeurs déposés à l’hôpital par les malades hospitalisés,
cautionnements ou dépôts de garantie constitués par les locataires de logements
sociaux… Les opérations peuvent concerner l’encaissement, le paiement de dépenses,
la réalisation d’opérations de trésorerie, mais la simple détention de ces deniers sans
titre légal suffit pour caractériser la gestion de fait.

L’extraction irrégulière de fonds et valeurs de la caisse publique s’effectue


fréquemment par un « mandat fictif », par lequel un ordonnateur demande au
comptable de procéder à un paiement , mais ce mandat, régulier dans la forme
comporte des énonciations qui ne correspondent pas à la réalité du service fait :

60
paiement d’une prestation non réalisée, paiement au profit d’un créancier autre que
celui qui a fourni la prestation, paiement pour une dépense autre que celle qui a été
faite… Le mandat fictif suppose fréquemment une falsification des pièces
justificatives qui doivent l’accompagner, fausseté qui peut être établie par les autorités
administratives ou juridictionnelles compétentes (juridictions judiciaires ou
financières).
L’utilisation, souvent excessive, par les administrations d’associations «para
administratives » bénéficiaires de subventions, constitue un gisement important de
gestion de fait. Pour s’affranchir, notamment, des règles contraignantes de la
comptabilité publique, de la fonction publique, des marchés publics ou des délégations
de gestion de service public, les administrations créent de toutes pièces et
subventionnent des associations dites « transparentes », au sens où l’association
représente en quelque sort un démembrement de l’administration : les représentants de
cette dernière sont massivement présents dans les instances dirigeantes de
l’association, laquelle tire l’exclusivité ou la part prépondérante de ses ressources de
subventions publiques, et exerce en fait des missions dévolues normalement à
l’administration. En France, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Cour des
comptes a étendu la théorie du mandat fictif à l’octroi de subventions
dites « fallacieuses », considérant qu’il s’agissait dans certains cas de détention de
fonds irrégulièrement extraits d’une caisse publique. Nombreux sont en effet les
exemples de gestion de fait opérées par le truchement d’associations para
administratives : associations bénéficiant de subventions destinées au paiement de
dépenses de fonctionnement incombant à l’administration (prise en charge de frais de
personnel, d’indemnités ou de suppléments de rémunérations bénéficiant à des agents
de l’administration…) ou à la réalisation de prestations (travaux, fournitures de
services…) relevant de la compétence de l’administration, notamment. Le juge
financier considère dans ces hypothèses que les fonds versés par l’administration à
l’association, sous l’appellation fallacieuse de subventions, n’ont pas perdues leur
caractère de derniers publics et ont été irrégulièrement extraits de la caisse publique.
2- Les comptables de fait.
a)- Les personnes physiques.

61
Les gestions de fait sont fréquemment dues à plusieurs personnes qui
interviennent simultanément ou successivement dans les opérations. Dans cette
mesure, par-delà ceux qui ont irrégulièrement manié les fonds, la déclaration de
gestion de fait est prononcée contre tous ceux qui ont participé activement ou
passivement à l’irrégularité, qu’il s’agisse notamment du supérieur hiérarchique s’il
était au courant et s’il a facilité ou toléré les agissements, des subordonnés du coupable
s’ils ont pris une part active à l’opération sans se borner à l’exécution des ordres reçus,
du comptable patent s’il a payé en connaissance de cause, des bénéficiaires directs ou
indirects…Les coauteurs des irrégularités sont déclarés conjointement et solidairement
comptables de fait si les opérations sont insusceptibles d’être individualisées,
l’individualisation des irrégularités permettant d’exclure la solidarité. Par exemple, en
France, la Cour des comptes a été saisie d’une affaire concernant une association qui
gérait pour le compte de l’Etat une procédure d’aide aux entreprises, mais une partie
des crédits alloués à l’association pour financer cette activité avait été utilisée pour
prendre en charge des frais de représentation et des dépenses de l’hôtel du ministre de
l’industrie. Le directeur de cabinet et le chef de cabinet du ministre, qui avaient donné
les instructions visant à la prise en charge de dépenses, ainsi que le président et le
directeur général de l’association, pour avoir concouru au paiement de ces dépenses,
ont été déclarés conjointement et solidairement comptables de fait pour avoir manié
des fonds irrégulièrement extraits de la caisse publique (CC, 6 novembre 1995, de
Rosen, Novelli, Thomas et Huré).
De la même façon, la Cour des comptes française a qualifié deux diplomates de
comptables de fait. Des crédits avaient été accordés au consulat d’Oran pour assurer
l’entretien du cimetière français, mais une partie de ces fonds avait été utilisée pour
effectuer les tableaux dans les bâtiments du consulat et à la résidence du consul. A la
faveur de fausses certifications du service de la part du consul général adjoint, les
paiements à des prestataires donnaient lieu à reversements sur un compte ouvert par le
consul général et son adjoint au nom d’une association pour la sauvegarde et la
protection des cimetières. Le consul général, pour avoir connu et toléré ces
agissements, et le consul général adjoint pour avoir été à l’origine de l’extraction

62
irrégulière de fonds publics, ont été déclarés comptables de fait conjoints et solidaires
(CC, 13 décembre 1994, Chambon, et Renouf).
La jurisprudence financière considère qu’il n’est pas nécessaire de manier
personnellement les derniers publics pour être déclaré comptable de fait et distingue
techniquement le maniement dit « de brève main » qui concerne celui qui manie
directement les fonds et le maniement dit « de longue main » qui concerne celui qui a
ordonné ou organisé le maniement irrégulier par personne interposée. En tout état de
cause, le donneur d’ordre et l’exécutant sont coupables de gestion de fait. Par exemple,
la Cour des comptes française a statué sur une affaire concernant la plate-forme
aéroportuaire de Bordeaux-Mérignac, gérée conjointement par la chambre de
commerce et d’industrie et par un service de l’Etat, et dont l’alimentation en électricité
était facturée, pour la part qui lui revenait, à l’Etat ; durant plusieurs années, par accord
entre la chambre de commerce et d’industrie et les responsables du service de l’Etat
(les directeurs de l’aéroport), les dépenses d’électricité incombant à l’Etat avaient été
surévaluées, le surplus étant consacré au règlement de dépenses engagées par les
directeurs de l’aéroport. La Cour des comptes a estimé que cette pratique était
constitutive d’une extraction irrégulière de deniers de l’Etat au moyen de mandats
partiellement fictifs quant à la réalité du service de fait, et déclaré conjointement et
solidairement comptables de fait la chambre de commerce et d’industrie (pour avoir
payé les dépenses engagées par les directeurs de l’aéroport) et les fonctionnaires
concernés (lesdits directeurs) pour avoir détenu et manié de longue main les fonds
ainsi mis à leur disposition- (CC, 11 mai 1992, chambre de commerce et d’industrie de
Bordeaux et Foillard, Bonnier Angélini).
La jurisprudence étend la déclaration de gestion de fait à ceux qui ont connu et
toléré les irrégularités alors qu’ils auraient pu les empêcher ou les faire cesser, cette
extension pouvant s’appliquer à un comptable public. Ainsi un trésorier-payeur
général, comptable supérieur de l’Etat, a été déclaré comptable de fait pour avoir
donné un avis favorable à une convention irrégulière en vertu de laquelle la gestion de
fonds provenant de la Communauté Européenne, et destiné à un service de la
préfecture de région, avait été déléguée à une association, et ouvert dans ses écritures
un compte dans lequel les opérations irrégulières ont été retracées. Pour avoir connu et

63
toléré ces irrégularités, il s’était ainsi associé à la gestion de fait (CC, 21 novembre
1996, Hély, Magimel et Association APIS).
Les ordonnateurs principaux (les ministres) perdent le bénéfice de leur
immunité juridictionnelle devant le juge financier lorsqu’ils sont déclaré comptables
de fait : par exemple, l’ancien ministre de la coopération Christian Nucci, son chef de
cabinet et un fonctionnaire du ministère ont été conjointement et solidairement
déclarés comptables de fait de derniers de l’Etat (pour une somme totale de 7.938.931
euros) du chef d’opérations effectuées par l’association Carrefour du Développement
(CC, 30 septembre 1992, Nucci, Chalier, Trillaud et Association Carrefour du
Développement). Cette association, dont le trésorier était le chef du cabinet du
ministre, avait été constituée pour préparer l’organisation d’un sommet franco-africain
de chefs d’Etat et avait bénéficié à cet effet de plus de 12.213.740 euros de
subventions de l’Etat, dont une partie importante avait été détournée de son objet et
utilisée par les intéressés à d’autres fins moins avouables.
b)- Les personnes morales.
Dans la plupart des cas, les personnes morales de droit privé déclarées
comptables de fait sont des associations ; leurs dirigeants, s’ils ont pris
personnellement part aux irrégularités, et tous les coauteurs de celles-ci (ordonnateurs,
comptables, agents de l’administration…) sont souvent déclarés conjointement et
solidairement comptables de fait avec l’association.
Par exemple, les responsables d’un service du Muséum national d’histoire
naturelle, qui avaient créé une association tirant l’ensemble de ses ressources des
produits de l’activité de ce service (vente de publications, contrats…) ont été, ainsi que
l’association elle-même, déclarés conjointement et solidairement comptables de fait
pour ingérence dans le recouvrement de recettes appartenant au Muséum, encaissées
en lieu et place du comptable public de l’établissement (CC, 28 septembre 1994,
Société pour l’inventaire de la faune et de la flore, Groult de Beaufort et Morin).

De la même façon, la Cour des comptes a déclaré la gestion de fait dans


l’affaire dite de l’Opéra de Paris : une association, à la demande et pour le compte de
l’Opéra, vendait de façon exclusive des abonnements et des places individuelles de

64
théâtre à des tarifs majorés pour les spectacles dits « de première » ; l’association
reversait au comptable public de l’Opéra le prix de la billetterie à sa valeur faciale
mais conservait et plaçait les suppléments de tarifs. La Cour des comptes a déclaré
conjointement et solidairement comptables de fait l’association, ses président, vice-
président et trésorier ainsi que le directeur de l’Opéra de Paris : le produit de la vente
des billets de théâtre ayant le caractère de deniers publics, les protagonistes de cette
affaire s’étaient ingérés dans le recouvrement de recettes publiques et avaient détenu et
manié sans habilitation régulière des derniers publics (CC, 10 juillet 1995, Association
pour le rayonnement de l’Opéra de Paris et autres).
Les associations ne sont toutefois pas les seules personnes morales à pouvoir
être accusées de gestion de fait : même si les exemples sont plus rares, les entreprises,
qu’elles soient publiques ou privées, peuvent être déclarées comptables de fait ; par
exemple, la Cour des comptes a engagé une procédure de gestion de fait de l’encontre
d’une société, filiale d’une entreprise publique, qui, recourant aux prestations d’un
service de l’Etat, prenait en charge directement des dépenses de fonctionnement de ce
service au lieu de régler les prestations par voie de fonds de concours : les fonds
conservés par la société et utilisés par elle étaient destinés à la caisse d’un comptable
public. (CC, 19 novembre 1992, Rapport particulier n°1991-285-OC).
Les personnes morales de droit public peuvent également être déclarées
comptables de fait, généralement de manière conjointe et solidaire avec d’autres
coauteurs des irrégularités : par exemple, dans l’arrêt précité rendu par la Cour des
comptes le 11 mai 1992, un établissement public administratif (la chambre de
commerce et d’industrie de Bordeaux) a été conjointement et solidairement déclaré
comptable de fait. La gestion de fait peut être déclarée contre d’autres établissements
publics (universités…).

a. LES CONSEQUENCES DE LA GESTION DE FAIT.


La facilité déconcertante avec laquelle les agissements d’une personne, quelquefois
inspirée des meilleurs intentions, peuvent tomber sous le coup d’une accusation de

65
gestion de fait, tant les conditions de constitution de cette « gestion occulte » sont
étendues, entraîne certaines obligations pour le comptable de fait et de multiples (et
redoutables) conséquences pour sa situation personnelle.
1- Les obligations du comptable de fait.
a)- La reddition des comptes.
Les comptables de fait sont assujettis aux mêmes obligations que les
comptables patents, c’est-à-dire à l’établissement et la production du compte de leurs
opérations au juge financier, assorti de toutes pièces justificatives. Toutefois, le juge
des comptes, sauf dans le cas de mauvaise foi, peut prendre en compte le fait que le
comptable de fait peut ne pas avoir agi dans un intérêt personnel ou privé mais pas
croyance dans l’intérêt du service, par erreur ou inexpérience et le juge des comptes
peut ainsi moduler sa décision en tenant compte de ces facteurs subjectifs, ce qu’il ne
peut d’ailleurs faire lorsqu’il juge la gestion des comptables patents.
Si plusieurs personnes sont déclarées conjointement et solidairement
comptables de fait, l’obligation de production du compte doit être remplie
solidairement et chacune d’elles doit signer le compte. Si le ou les comptables de fait
ne produisent pas ce compte dans le délai fixé par la juridiction financière, ou
produisent un compte incomplet, la Cour peut prononcer une amende pour retard. Si le
compte ne peut être obtenu du ou des comptables de fait, le juge des comptes peut
demander qu’il soit produit par un « commis d’office », désigné par l’autorité
administrative (ministre des finances) ; le fonctionnaire désigné par le ministre devra
établir, en lieu et place du ou des comptables de fait, le compte qui sera signé par le ou
les comptables de fait avec la mention éventuelle « pour les opérations qui le
concernent ».
b)- L’apurement du débet.
Le juge des comptes examine le compte et par un arrêt, fixe « la ligne provisoire
de compte » de la gestion de fait, c’est-à-dire vérifie les recettes et dépenses, en
rajoute ou en retranche en fonction des justifications produites. Il convient de
souligner que lorsque la Cour des comptes fixe la ligne de compte de la gestion de fait
et met le comptable en débet, elle ne statue pas en matière pénale.

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Le débet (administratif ou juridictionnel) est apuré si le comptable de fait verse la
somme mise à sa charge, ou en cas de déclaration de gestion de fait conjointe et
solidaire, si l’un des comptables de fait verse la somme, ou si le ministre des finances
accorde une remise gracieuse de la dette : la cour des comptes prononce alors un arrêt
d’apurement définitif de la gestion de fait et déclare l’intéressé (ou les intéressés)
quitte et libéré de ladite gestion de fait. A défaut d’apurement, le débet est recouvré par
la trésorerie générale des créances spéciales du trésor.
2- Les sanctions encourues par le comptable de fait.
a)- Les amendes.
Outre la sanction financière que peut constituer le débet, le juge des comptes
peut prononcer des amendes pour retard dans la production des comptes et ou pour
sanctionner la gestion de fait elle –même, c’est-à- dire l’immixtion dans les fonctions
dévolues à un comptable public. Le montant des amendes pour gestion de fait est
variable, la juridiction financière tenant compte de l’importance et de la durée des
opérations irrégulières, du préjudice subi par l’organisme public, et d’éventuelles
circonstances atténuantes ou aggravantes. La Cour des comptes rend tout d’abord un
arrêt provisoire fixant le montant de l’amende pour gestion de fait, puis après
explication et justification de l’intéressé (ou des intéressés), rend un arrêt définitif sur
le montant de l’amende, qui peut être réduit par rapport au montant initialement fixé.
Comme les débets, les amendes prononcées par la cour sont recouvrées par la
trésorerie générale des créances spéciales du trésor.
S’agissant des fonctionnaires ou agents publics comptables de fait, les
différentes sanctions pouvant leur être applicables peuvent être parallèlement assorties
de sanctions disciplinaires prises par l’autorité hiérarchique selon les procédures en
vigueur dans la fonction publique. Il faut enfin souligner que dans certains cas, une
déclaration de gestion de fait peut entraîner des sanctions politiques.

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