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UNIVERSITE DE LOME

FACULTE DE DROIT

LICENCE GENERALE
DROIT PUBLIC (SEMESTRE 4)

2022-2023
Comptabilité publique

Cours
assuré par
Monsieur Ibouraïm ADOYI
ANNEE UNIVERSITAIRE

Docteur en droit public


Assistant à l’UL
Titulaire du CAPA
Conseiller fiscal
Bibliographie indicative

Nicaise MEDE, Finances publiques : espace UEMOA/UMOA, Dakar : Harmattan,


2017, 548 p.
Louis BAHOUGNE, Aurélien CAMUS, Droit de la comptabilité publique, 1ère éd.,
Paris : PUF, 2020, 498 p.
Damien CATTEAU, Finances publiques 2022-2023 : Droit budgétaire, comptabilité
publique, 1ère éd., Paris : Hachette Supérieur, 2022, 168 p.
Stéphanie DAMAREY, Droit de la comptabilité publique, 1ère éd., Paris : Gualino,
2017, 144 p.
Paul HERNU, La comptabilité publique : Théorie, pratique et évolution du système
de comptabilité publique en France, 1ère éd., Paris : Gualino, 2017, 384 p.

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Introduction générale

1. Définition de la comptabilité publique

Très longtemps, la comptabilité publique a été définie comme recouvrant


l’ensemble des dispositions relatives à la tenue des écritures retraçant les opérations
financières des collectivités publiques ainsi que celles devant être respectées lors de
l’exécution et du contrôle de ces opérations.
Au Togo, aucun texte ne définit clairement la notion de comptabilité publique.
Le décret n°2015-054/PR du 27 août 2015 portant Règlement général sur la
comptabilité publique ne définit pas la notion de comptabilité publique.
En France, l’article 52 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la
gestion budgétaire et comptable publique a quant à lui donné comme définition de la
comptabilité publique “ un système d’organisation de l’information financière
permettant de saisir, de classer, d’enregistrer et de contrôler les données des
opérations budgétaires, comptables et de trésorerie afin d’établir des comptes
réguliers et sincères ; de présenter des états financiers reflétant une image fidèle du
patrimoine, de la situation financière et du résultat à la date de clôture de l’exercice ;
de contribuer au calcul du coût des actions ou des services ainsi qu'à l'évaluation de
leur performance. Elle est également organisée en vue de permettre le traitement de
ces opérations par la comptabilité nationale”.
Au Togo, l’article 1er du décret n°2015-054/PR du 27 août 2015 portant
Règlement général sur la comptabilité publique précise que ces règles sont
applicables à l’État et à ses établissements publics à caractère administratif. Il
indique que les collectivités territoriales et leurs groupements et établissements
publics ainsi que les organismes de sécurité sociale sont régis par des textes
particuliers qui s’inspirent, néanmoins, des règles fondamentales fixées dans le
décret.

2. Cadre juridique

La formalisation du cadre juridique de la comptabilité publique est


relativement récente au Togo.
En effet, elle remonte d’abord à la Constitution du 14 octobre 1992 qui a
institué la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes qui sont
chargées, en vertu 107 et suivants de la Constitution, de juger les comptes des
comptables publics, assurent la vérification des comptes et de la gestion des

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établissements publics et des entreprises publiques et d'assurer, dans leur ressort
territorial, le contrôle des comptes et la gestion des collectivités territoriales et leurs
établissements publics.
À ce cadre constitutionnel s'est rapidement venue s'ajouter une kyrielle de
textes détaillant la façon dont les agents de l’État doivent tenir la comptabilité afin
de retracer le mieux possible le maniement effectué de l’ensemble des deniers publics
et précisant l’organisation et le fonctionnement des organismes chargés de contrôler
l’exécution des opérations financières publiques. Il s’agit de :

• la loi organique n° 98-014 du 10 juillet 1998 portant organisation et


fonctionnement de la Cour des comptes
• la loi organique n° 2014-013 du 27 juin 2014 relative aux lois de finances
• la loi n° 2014-009 du 11 juin 2014 portant code de transparence dans la gestion
des finances publiques
• le décret 2015-054/PR du 27/08/2015 portant règlement général sur la
Comptabilité publique
• le décret n° 2017-117/PR portant attributions, organisation et fonctionnement
de la direction nationale du contrôle financier
• décret n° 2011-118/PR du 06 juillet 2011 portant organisation et
fonctionnement des régies de recettes, des régies d’avances de l’Etat et des
autres organismes publics
• décret n° 2008-092/PR du 29 juillet 2008 portant régime juridique applicable
aux comptables, publics ;
• décret n° 2008-095/PR du 29 juillet 2008 portant création de la recette générale
du trésor ;
• décret n° 2001-155/PR du 20 août 2001 portant organisation et attributions de
la direction générale du trésor et de la comptabilité publique
• décret n° 2001-155/PR du 20 août 2001 portant organisation et attributions de
la direction générale du trésor et de la comptabilité publique
• décret n°2008-093/PR portant création, organisation, attributions et modalités
de fonctionnement de l’inspection générale des finances
• décret n° 2008-92 du 29 juillet 2008 portant régime juridique applicable aux
comptables publics
• arrêté n° 032/MEF/SG/DGTCP/DCP du 28 février 2012 portant nomenclature
des pièces justificatives des dépenses de l’Etat
• arrêté n°077/MEF/DGTCP du 6 Avril 2009 portant organisation,
fonctionnement et prérogatives des structures de contrôle de la Direction
Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique
• arrêté n° 341/MEF/IGF du 11 décembre 2008 portant organisation des services
de l’Inspection Générale des Finances

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• instruction comptable n°016/MEF/SG/CP/DCP/2012 du 19 septembre 2012
relative à la reddition des comptes de gestion des comptables des collectivités
territoriales

Le décret 2015-054/PR du 27/08/2015 portant règlement général sur la


Comptabilité publique marque la période décisive de l’évolution de la tenue des
comptes de l’Etat. En effet, il a été adopté à la suite de la loi organique relative aux
lois de finances de 2014 qui a rénové la gestion financière au Togo. En plus, il a
introduit dans les formalités administratives et dans la justification des dépenses de
fonctionnement et les simplifications compatibles avec l'intérêt de l'État et les
garanties nécessaires à la régularité de la perception et au bon emploi des deniers
publics.

Le décret n° 2017-117/PR portant attributions, organisation et fonctionnement de


la direction nationale du contrôle financier est quant à lui venu modifier le cadre de
conception et de mise en œuvre des finances publiques en précisant le statut et le rôle
du contrôle financier au sein des administrations de l'État.

À cela s'est ajouté un net affermissement du droit de l'Union économique et


monétaire ouest africaine (UEMOA) qui a aussi adopté diverses directives pour
conduire les Etats membres à moderniser la gestion de leurs finances publiques.

La jurisprudence de la Cour des comptes, des chambres régionales des comptes,


de la Cour de discipline budgétaire et financière et du Conseil d'État vient enfin
compléter les sources du droit de la comptabilité publique.

3. Changement de nature

On a longtemps expliqué que la comptabilité publique reposait sur des dispositifs


tout à fait singuliers par rapport à celles utilisées par les entreprises ; spécificité qui
tenait en particulier au principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables.
Cela dit, on constate au cours de ces dernières années, certains rapprochements entre
la comptabilité publique et la comptabilité privée.

En France, ce changement a débuté au niveau local. C'est plus exactement dans


le courant des années 1950, au moment d'une refonte des instructions ministérielles,
que l’État a posé le principe selon lequel le système comptable des communes puis
celui des départements devaient s’inspirer du Plan comptable général des
entreprises, élaboré en 1947. À l'époque, il s'agissait de maintenir les objectifs
traditionnels de la comptabilité publique, c'est-à-dire assurer un contrôle efficace de
la comptabilité publique. Mais on cherchait également à atteindre de nouveaux

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objectifs. Cette réforme devait en effet permettre d'aller vers une agrégation de
l’ensemble des comptes locaux pour mieux alimenter les statistiques nationales et
avoir une meilleure connaissance du coût des services rendus par l'administration.
Ce rapprochement entre les modes de gestion du secteur privé et du secteur public
sera consacré au moment de l'adoption du décret du 29 décembre 1962. Celui-ci
prévoit que le droit public comptable, notamment local, doit s'inspirer des règles
comptables utilisées par les entreprises du secteur privé.

Ce souci de rapprocher les règles comptables publiques de celles utilisées par les
entreprises emporte différentes conséquences. En premier lieu, la comptabilité
publique locale repose désormais sur une comptabilité d’exercice ou d’engagement.
Les opérations sont prises en compte au titre de l'exercice auquel elles se rattachent,
indépendamment de leur date de paiement ou d'encaissement. Cette nouvelle
pratique conduit les collectivités à retracer, à travers leurs écritures comptables,
leurs flux financiers et un état de leur patrimoine. Les collectivités doivent en second
lieu veiller à l’application du principe de prudence. À l’image d’une personne
responsable ou d'un bon chef d'entreprise, les collectivités ont l'obligation de
pratiquer des amortissements qui constatent la dépréciation du patrimoine ainsi que
des provisions destinées à faire face à des opérations à risques. Elles doivent enfin
présenter des comptes réguliers, sincères, donnant une image fidèle de leur
patrimoine et de leur situation financière. À l'image des entreprises privées, les
comptes des collectivités sont désormais conçus comme un système permettant de
donner une information sur leur situation financière, leur passif et leur actif. Cette
image doit ensuite être certifiée par les juridictions financières ou des commissaires
aux comptes comme c’est le cas des entreprises.

Seulement, à la différence des entreprises, la comptabilité locale n'a pas pour


finalité de rendre compte à des actionnaires. Elle s’attache à informer le contribuable
sur l’emploi des fonds publics mais aussi les partenaires et les prêteurs de la
collectivité quant à sa capacité d’investissement, sa rentabilité et sa solvabilité. Cette
remarque témoigne de ce que l’alignement de la comptabilité locale sur les règles de
la comptabilité commerciale n’est que partiel. Cela tient à ce que les entreprises
ignorent l’impôt comme ressource, l’obligation de dépôt des fonds libres des
collectivités au Trésor ou encore la séparation ordonnateur/comptable. De leur côté,
les collectivités restent étrangères au concept de capital social, d’actions ou de prise
de participation. Tous ces éléments constituent des spécificités des personnes
publiques qui montrent qu’on ne peut pas tenir leur comptabilité strictement comme
on tient celle des entreprises. Mais au-delà de ces considérations techniques, cette
spécificité tient à des différences fondamentales quant aux finalités poursuivies par
les entreprises et les collectivités locales. En effet, une collectivité ne constitue pas
une entreprise, dont le but ultime est de réaliser des bénéfices. Cet alignement partiel

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des règles comptables locales sur celles des entreprises entraînent différentes
conséquences. Tel est notamment le cas de la dualité des comptabilités qui perdure
et qui n'existe pas en droit privé. C’est encore le cas de la pratique des
amortissements. Le droit fiscal des affaires prévoit des conditions de mise en œuvre
différentes de celles applicables aux amortissements pratiqués par les collectivités.

En France, l’alignement de la comptabilité publique sur la comptabilité privée a


été élargie aux comptes de l’Etat par la loi organique relatives aux lois de finances du
1er août 2001.

Au Togo, cet alignement a été immédiatement recherché par la loi organique


relative aux lois de finances de 2014 et le décret portant règlement général sur la
comptabilité publique de 2014.

Afin de renforcer la transparence l’information du Parlement sur les opérations


financières réalisées par l'État et de permettre à la Cour des comptes de certifier les
comptes de l'État, la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances
impose aux administrations publiques de tenir une comptabilité, en trois dimensions,
à savoir une comptabilité des recettes et des dépenses budgétaires, une comptabilité
générale et, enfin, une comptabilité destinée à analyser les coûts des différents
programmes.

Une comptabilité budgétaire fait état des opérations de dépense au moment où


elles sont payées et des opérations de recette au moment où elles sont encaissées. Il
s’agit d’une comptabilité de caisse, c’est-à-dire d’une comptabilité d’encaissement et
de décaissement, dont les opérations sont prises en compte selon le principe de la
gestion.

Une comptabilité générale retrace la situation patrimoniale de l’État, c’est-à-dire


l’ensemble de ce qu’il possède ou lui est dû (terrains, immeubles, créances) et de ce
qu’il doit (emprunts, dettes). La synthèse des informations contenues dans la
comptabilité générale figure dans un compte de résultat et un bilan. Cette
comptabilité est fondée sur le principe de la comptabilité d’engagement c’est-à-dire
de la constatation des droits et obligations. Ce qui signifie que les opérations sont
prises en compte au titre de l'exercice auquel elles se rattachent, indépendamment
de leur date de paiement ou d'encaissement. Les règles applicables à cette
comptabilité, qui est destinée à donner une image fidèle du patrimoine et de la
situation financière de l'État, ne se distinguent pas en principe de celles applicables
aux entreprises.

Enfin, l'État a été doté d'une comptabilité d'analyse des coûts qui a pour objet
‘'informer le Parlement, dans le cadre des projets et des rapports annuels de

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performances, de l'ensemble des moyens alloués, directement ou indirectement, à la
réalisation de chacune des actions des programmes et de permettre le rapprochement
entre ces moyens et les résultats obtenus. Elle se fonde sur les données de la
comptabilité budgétaire et de la comptabilité générale.

En tout état de cause, il apparaît que le système comptable des personnes


publiques a subi de profondes transformations. Même s’il conserve quelques
particularités, il ressemble de plus en plus fortement à celui appliqué par les
entreprises privées.

En raison de ce rapprochement de la comptabilité des entreprises privées, le


système comptable des personnes publiques est aujourd’hui fortement influencé par
les normes comptables internationales.

4. L’internationalisation des normes de comptabilité publique

Afin d’assurer une bonne tenue des comptes des personnes publiques en
s’approchant des normes comptables de droit privé, il a été nécessaire d’adapter les
normes comptables qui s’appliquent aux personnes publiques.

En plus, il a été nécessaire de créer des institutions comptables pour réfléchir sur
la nomenclature comptable applicable aux personnes publiques. C’est le cas en France
du conseil de normalisation des comptes publics.

Dans le même sens, des institutions internationales ont été créées pour proposer
es réformes et émettre des avis sur les normes comptables applicables aux personnes
publiques et aux personnes privées. En application du point 5.4 de la directive
n°01/2009/CM/UEMOA portant code de transparence dans la gestion des finances
publiques, les comptes publiques « sont établis dans le respect des principes , règles
et pratiques comptables internationalement reconnus ».

La création de l’international public sector accounting standards board au sein de


l’international fedaration of accountants a permis l’élaboration de normes
internationales de comptabilité publique. Un manuel de référence a été élaboré par
l’IFAC qui comporte 26 normes établies selon le système de droits constatés et la
norme unique relative à la comptabilité de caisse.

Le présent cours sera subdivisé en trois parties consacrées respectivement à la


comptabilité publique classique c’est-à-dire à l’exécution des opérations financières
publiques (Partie 1), à la nouvelle comptabilité publique qui concerne la tenue des

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comptes publics (Partie 2) et enfin à la mise en œuvre de la comptabilité publique qui
concerne la comptabilisation des opérations financières publiques (Partie III).

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Partie 1 : La comptabilité publique classique : l’exécution des opérations financières
publiques

La comptabilité publique désigne traditionnellement l’ensemble des règles


juridiques applicables à l’exécution, à la description et au contrôle des opérations
financières des personnes publiques.

L’exécution des opérations financières des collectivités publiques est régie par le
principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables. En application de ce
principe, les ordonnateurs prescrivent, ordonnent les opérations financières tandis
que les comptables les exécutent après avoir contrôlé leur régularité de sorte que
seuls les comptables sont habilités à recevoir, détenir ou manier les fonds (monnaie
métallique, fiduciaire ou scripturale) et valeurs (titres de créances, actions,
obligations…). De nouveaux acteurs sont apparus ces derniers temps pour mettre en
œuvre les opérations financières publiques, qu'il s'agisse des opérations de dépenses,
de recettes et de trésorerie.

Les personnes publiques sont dans l’obligation de mettre en œuvre des procédures
précisément définies pour exécuter des dépenses publiques, percevoir des recettes ou
bien encore des opérations de trésorerie.

Les différentes comptabilités tenues par les personnes publiques font l’objet de
différents contrôles qui connaissent d’importantes mutations.

Dans la mesure où la comptabilité publique concerne l’ensemble des règles


relatives à l’exécution, à la description et au contrôle des opérations financières
publiques, le plus efficace consiste sans doute à aborder successivement les acteurs
chargés de l’exécution des opérations (Chapitre 1), les procédures d’exécution de
celles-ci (Chapitre 2) et, enfin, le contrôle de l’exécution des opérations financières
publiques (Chapitre 3).

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Chapitre I. – Les acteurs chargés de l’exécution des opérations financières publiques

L’exécution des opérations financières est effectuée principalement par les


ordonnateurs et les comptables publics. Elle repose sur le principe cardinal de séparation
des ordonnateurs et des comptables publics. Les ordonnateurs et les comptables publics ne
sont pas pour autant les seuls à jouer un rôle important dans l’exécution des opérations
financières. On note l’apparition de nouveaux acteurs de la comptabilité publique
notamment les régisseurs d’avances et de recettes, les contrôleurs budgétaires et
comptables (les contrôleurs financiers), les contrôleurs internes.
Nous allons présenter les acteurs principaux de la comptabilité publique à savoir les
ordonnateurs et les comptables publics en mettant l’accent sur le principe de leur
séparation (Section 1) avant de présenter les nouveaux acteurs de la comptabilité publique
(Section 2).

Section 1. Les acteurs principaux de l’exécution des opérations financières publiques : les
ordonnateurs et les comptables publics

L'exécution des opérations financières repose sur le principe cardinal de séparation


des ordonnateurs et des comptables publics : chacun de ces deux acteurs publics
poursuivant des missions différentes mais complémentaires.
Le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables publics implique que
ces deux catégories d’agents aient des rôles différents, qu’ils appartiennent à des corps
distincts et qu’ils soient soumis à des régimes de responsabilités propres.
Il convient de présenter le principe de la séparation des ordonnateurs et des
comptables publics (§1), d’énumérer ses justifications (§2) et enfin d’indiquer les exceptions
à ce principe (§3).

§1. La présentation du principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables


publics

L’exécution des opérations financières des collectivités publiques nécessite


l’intervention de deux catégories d’agents qui occupent des fonctions incompatibles et
indépendantes : les ordonnateurs et les comptables publics. Le principe de séparation des
ordonnateurs et des comptables publics suppose non seulement une incompatibilité des
fonctions d’ordonnateur et de comptable publics (A), mais aussi l’indépendance des deux
acteurs vis-à-vis de l’autre (B).
A. Incompatibilité des fonctions d'ordonnateur et de comptable public

L’incompatibilité des fonctions d’ordonnateur et de comptable est actuellement


énoncée à l’article 5 du décret 2015-054/PR du 27/08/2015 portant Règlement général sur
la comptabilité publique aux termes duquel “les fonctions d'ordonnateur et de comptable
public sont incompatibles”. L’ordonnateur ne peut donc pas assurer les fonctions du
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comptable public et vice-versa. Cette incompatibilité s’étend à la famille de l’ordonnateur
puisque l’article 5 précité précise que « les conjoints, les ascendants et les descendants des
ordonnateurs ne peuvent être comptables des organismes auprès desquels ces ordonnateurs
exercent leurs fonctions ». Cette incompatibilité se traduit par une dualité des fonctions et
des acteurs (1), mais également par une dualité d’actes comptables (2).
1. Dualité des fonctions et des acteurs
Le principe de séparation des ordonnateurs et des comptables publics implique une
dualité de fonctions et des acteurs. Nous allons présenter les fonctions et la classification
des ordonnateurs d’une part (a) et celles des comptables publics d’autre part (b).
a. Le rôle et la classification des ordonnateurs
On abordera successivement le rôle (i) et la classification des ordonnateurs (ii).
i. Le rôle des ordonnateurs

Les ordonnateurs sont chargés d’établir et de mettre en recouvrement les droits et


les produits ainsi que d’engager, liquider et ordonnancer les dépenses.
Aux termes de l’article 11 décret 2015-054/PR du 27/08/2015 portant règlement
général sur la Comptabilité publique, “les ordonnateurs prescrivent l’exécution des
dépenses”. Par omission, l’article ne mentionne pas l’exécution des recettes qui entre
pourtant dans le champ de compétences de l’ordonnateur. L’ordonnateur est donc l’agent
qui ordonne, qui donne l’ordre, d’où le nom d'ordonnateur, l'opération prévue et autorisée
par le budget sans l’exécuter.
L’alinéa 2 de l’article 11 précité précis que « sous réserve des dispositions
particulières de l'article 10 du présent décret, ils procèdent aux engagements, liquidations
et ordonnancements. Les ordonnateurs émettent les ordres de mouvement affectant les
biens et matières de l'Etat. ».
En France, l’article 11 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 détaille
davantage les fonctions de l’ordonnateur en ces termes : “les ordonnateurs constatent les
droits et les obligations, liquident les recettes et émettent les ordres de recouvrer. Ils
engagent, liquident et ordonnancent les dépenses. Le cas échéant, ils assurent la
programmation, la répartition et la mise à disposition des crédits. Ils transmettent au
comptable public compétent les ordres de recouvrer et de payer assortis des pièces
justificatives requises, ainsi que les certifications qu'ils délivrent. Ils établissent les
documents nécessaires à la tenue, par les comptables publics, des comptabilités dont la
charge incombe à ces derniers”.
L’ordonnateur dispose en réalité d’un pouvoir de décision plus ou moins étendu
suivant qu’il prescrit une dépense ou une recette.

En matière de dépenses, l’ordonnateur dispose de manière générale d’une large


marge d’appréciation pour créer la dépense à la condition toutefois de rester dans la limite
des crédits qui lui ont été alloués par le budget. Il sera, par exemple, juge de l’opportunité
d’acheter ou de ne pas acheter tel matériel, de passer ou de ne pas passer tel contrat
engageant les finances de la collectivité publique.
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En matière de recettes, la liberté d’appréciation de l’ordonnateur est moins
importante puisque ce dernier est, en principe, tenu de faire procéder au recouvrement des
recettes autorisées par la législation en vigueur.

Il faut noter que les ordonnateurs peuvent déléguer par arrêté ministériel tout ou
partie des crédits dont ils ont la charge à des agents publics. Ceux-ci vont agir pour le
compte et sous la responsabilité de l’ordonnateur, dans le cadre d’une délégation de
signature ou d’une délégation de gestion.

ii. La classification des ordonnateurs

Il résulte de l’article 8 du décret 2015-054/PR du 27/08/2015 portant règlement


général sur la comptabilité publique plusieurs types d’ordonnateurs : les ordonnateurs
principaux, les ordonnateurs secondaires, les ordonnateurs délégués, les ordonnateurs
suppléants.
Tous les ordonnateurs, leurs suppléants ainsi que les personnes auxquelles ils ont
délégué leur signature sont accrédités auprès des comptables publics assignataires relevant
de leur compétence en notifiant à ceux-ci dès leur installation leurs acte de nomination et
leurs spécimens de signature.
➢ Les ordonnateurs principaux

Les ordonnateurs principaux sont les agents publics qui bénéficient de la qualité
d’ordonnateur en vertu de leur statut sans avoir besoin d’une quelconque délégation.
Au Togo, pour ce qui concerne l’État, les ordonnateurs principaux sont :

• le ministre chargé des Finances est ordonnateur principal unique des recettes du
budget général, des comptes spéciaux du Trésor et de l'ensemble des opérations' de
trésorerie. Il est aussi ordonnateur principal des crédits, des programmes et des
budgets annexes de son ministère.
• les ministres sont ordonnateurs principaux des crédits, des programmes et des
budgets annexes de leur ministère. Ils exercent leurs attributions d'ordonnateurs par
le moyen d’ordonnateurs délégués au niveau des administrations centrales et
d'ordonnateurs secondaires au niveau des services déconcentrés de l'Etat.
• les présidents des institutions constitutionnelles sont ordonnateurs principaux des
crédits, des programmes et des budgets annexes de leur institution. C’est le cas du
Président de la Cour des comptes, du Président de la Cour constitutionnelle. Ils
exercent leurs attributions d'ordonnateur par le moyen d'ordonnateurs délégués au
niveau des administrations centrales et d'ordonnateurs secondaires au niveau des
services déconcentrés de l'Etat.
• le Premier ministre est ordonnateur principal pour les services sur lesquels il exerce
une autorité directe ;

Pour les collectivités territoriales, ceux qui ont la qualité d’ordonnateur principal
sont :

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• le maire pour la commune
• le président du conseil régional pour la région

Dans les établissements publics, la qualité d’ordonnateur principal revient au


président de l’organe exécutif de l’Établissement public. Il s’agit :

• des directeurs des établissements publics nationaux. C’est le cas du directeur de


l’Institut national d’assurance maladie (INAM).
• des Présidents des universités publiques
• des directeurs de l’établissement pour les établissements publics de santé

➢ Les ordonnateurs secondaires

Les ordonnateurs secondaires sont les agents qui tiennent leur qualité d’ordonnateur
d’une délégation de pouvoirs d’un ordonnateur principal.
La délégation de pouvoirs entraîne le transfert de compétence au profit non pas d’une
personne dénommée, mais d’une personne titulaire d’une fonction déterminée.
Dans le cadre de la délégation de pouvoirs, le délégant est dessaisi des attributions
qu’il délègue. Il en résulte que, tant que la délégation de pouvoirs n’est pas évoquée, c’est le
délégataire et non plus le délégant qui est seul responsable des décisions qu’il est amené à
prendre.
Il y a donc, dans le cas de la délégation de pouvoirs, un véritable transfert de pouvoirs
et de compétence.
Ainsi :
- Le préfet est ordonnateur secondaire des services déconcentrés des
administrations civiles de l’État
- L’ambassadeur est ordonnateur secondaire des administrations de l’État dans
le pays où il est accrédité.
- Sauf disposition législative contraire, le président d'une autorité
administrative indépendante a la qualité d’ordonnateur secondaire.
Les collectivités territoriales et leurs établissements publics n'ont pas d'ordonnateurs
secondaires et ne connaissant que des ordonnateurs délégués ou suppléants.
➢ Les ordonnateurs délégués

Les ordonnateurs délégués sont les agents qui tiennent leur qualité d’ordonnateur
d’une délégation de signature des ordonnateurs principaux ou secondaires pour exercer
leurs fonctions en leur nom.
La délégation de signature ne dessaisit pas l’autorité délégante de ses pouvoirs, tant
que l’autorité déléguée ne s’est pas régulièrement prononcée.
En ce qui concerne l’Etat, le Ministre de l’Economie et des Finances a délégué son
pouvoir au directeur des finances qui est ordonnateur délégué du budget de l’Etat.

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En ce qui concerne les collectivités territoriales, les possibilités de délégation sont
limitées puisque seuls les adjoints au maire ou les vice‐président de région peuvent être
ordonnateurs délégués ou suppléants selon les dispositions de l’article 366 de la loi sur la
décentralisation et les libertés locales du 26 juin 2019.

➢ Les ordonnateurs suppléants

Les ordonnateurs suppléants sont des sont les agents qui suppléent les ordonnateurs
en cas d'absence ou d'empêchement.

b. Le rôle et la classification des comptables publics

Avant d'être installés dans leur premier poste comptable, les comptables publics
doivent, au terme de l' article 52 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la
gestion budgétaire et comptable publique, prêter serment par lequel ils jurent de “
s'acquitter de leurs fonctions avec probité et fidélité, et de se conformer exactement aux lois
et règlements qui ont pour objet d'assurer l'inviolabilité et le bon emploi des fonds publics”
(Instr. 3 mars 2004, modifiant l'instruction générale du 16 août 1966 modifiée sur
l'organisation du service des comptables publics).
On envisagera le rôle (i) et la classification (ii) des comptables publics.
i. Le rôle des comptables publics

Le comptable public a pour mission traditionnelle d’exécuter et de contrôler les


opérations financières des ordonnateurs des différentes personnes publiques. Leurs
fonctions ont connu d’importantes mutations ces dernières années, à travers les contrôles
modernes qui sont le contrôle hiérarchisé et le contrôle partenarial des dépenses.
➢ Fonctions traditionnelles

Le cœur du métier de comptable consiste à exécuter les opérations de recettes ou de


dépenses prescrites par les ordonnateurs ainsi qu’à conserver les fonds et valeurs
appartenant ou confiés aux collectivités publiques.
L’article 15 du décret de 2015 relatif au Règlement général sur la comptabilité publique
dispose ainsi que « est comptable public tout agent public régulièrement habilité pour
effectuer, à titre exclusif, au nom de l’Etat ou d’un organisme public, des opérations de
recettes, de dépenses ou de maniement de titres, soit au moyen de fonds et valeurs dont il
a la garde, soit par virement interne d'écritures, soit par l’intermédiaire d’autres
comptables. »

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L’article 17 du décret de 2015 portant Règlement général sur la comptabilité publique
dispose ainsi que les comptables deniers et valeurs sont seuls habilités à effectuer les
opérations ci-après décrites :
- la prise en charge et le recouvrement des rôles, titres de perception, bulletins de
liquidation et ordres de recettes non fiscales qui lui sont remis par un ordonnateur, des
créances constatées par un contrat ou un marché public, un titre de propriété ou 'tout autre
titre ou acte dont il assure la conservation ainsi que l’encaissement des droits au comptant
et des recettes de toute nature que les administrations publiques sont habilitées à recevoir;
- le visa, la prise en charge et le règlement des dépenses, soit sur ordre émanant d'un
ordonnateur accrédité, soit au vu des titres présentés par les créanciers, soit de sa propre
initiative, ainsi que la suite à donner aux oppositions et autres significations;
- la, garde et la conservation des fonds, valeurs et titres appartenant ou confiés à l'Etat
ou aux autres administrations publiques ;
- le remaniement des fonds, les mouvements des comptes de disponibilités et l’exécution
des autres opérations de trésorerie ;
- la conservation des pièces justificatives des opérations et des documents de
comptabilité ;
- la tenue de la comptabilité du poste qu’il dirige.
Les comptables publics exécutent également toutes opérations de recettes et de dépenses
du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux, toutes opérations de
trésorerie et, d’une manière générale, toutes autres opérations financières incombant à
l’État.
Au niveau des collectivités locales, l’article 370 de la loi de 2014 sur la Décentralisation
et les libertés locales indique, pour les communes, que « Le comptable tient, pour le compte
de la collectivité, la comptabilité des deniers et des valeurs conformément aux dispositions
des lois et textes réglementaires ».
Le Conseil d'État a eu l’occasion d’indiquer que « le principe de l’exclusivité de
compétence du comptable public pour procéder au recouvrement des recettes et au paiement
des dépenses publiques doit être regardé comme un principe général des finances publiques
applicable à l’ensemble des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ».
Partant, « dans les cas où la loi n'autorise pas l'intervention d'un mandataire, les
collectivités territoriales et leurs établissements publics ne peuvent décider par convention
de faire exécuter une partie de leurs recettes ou de leurs dépenses par un tiers autre que
leur comptable public » (CE, avis, 13 févr. 2007, n° 373788 ).
Toutefois, les comptables publics ne sont pas de simples exécutants des décisions prises
par les ordonnateurs ni leurs subordonnés. Ils sont tenus, avant de procéder à leur
exécution, de vérifier de manière systématique et exhaustive la régularité des opérations
qui leur sont prescrites par les ordonnateurs.
Le contrôle de régularité exercé par le comptable, qui s'appuie sur un certain nombre de
pièces justificatives, ne saurait être assimilé à un contrôle de l’opportunité de l’opération
financière à réaliser.

16
L’article 26 du décret de 2015 indique à cet égard que le comptable public est tenu
d’exercer :
➢ S’agissant des ordres de recouvrer, un contrôle de :

o « l’autorisation de percevoir les recettes pour l’Etat et chaque catégorie


d’administrations publiques dans les conditions prévues par les lois et
règlements ;
o de la mise en recouvrement et de la liquidation des créances ainsi que de
la régularité des réductions et des annulations de titres de recettes, dans
la limite des éléments dont ils disposent.
➢ En ce qui concerne les ordres de payer, le comptable doit s’assurer :

o de la qualité de l’ordonnateur ou de son délégué et de l'assignation de la


dépense;
o de la validité de la créance portant sur :
▪ la justification du service fait, résultant de la certification délivrée
par l’ordonnateur ainsi que des pièces justificatives produites;
▪ l’intervention préalable des contrôles, autorisations, approbations,
avis ou visas réglementaires;
▪ la production des justifications et, le cas échéant, du certificat de
prise en charge à l’inventaire;
▪ l’application des règles de prescription et de déchéance ;
▪ du caractère libératoire du règlement incluant le contrôle de
l’existence éventuelle d’oppositions, notamment de saisies-arrêts ou
de cessions;
La loi du 26 juin 2019 relative à la décentralisation et aux libertés locales prévoit une
règle équivalente pour les comptables locaux en son article 371 qui dispose que : « le
comptable ne peut, en aucun cas, subordonner ses actes de paiement à une appréciation de
l’opportunité des décisions de l’ordonnateur. Il soumet les actes financiers de l’ordonnateur
au contrôle de régularité en vertu de la responsabilité personnelle et pécuniaire qui lui
incombe. »
Le contrôle de régularité du comptable public ne doit pas non plus être confondu avec
un contrôle de légalité de la décision de l’ordonnateur tel qu’effectué par le juge
administratif. Dans un arrêt du 5 février 1971, le Conseil d’État a établi que si « les
comptables publics doivent en application des articles 12 et 13 du décret du 29 décembre
1962 contrôler la validité des créances et si, à ce titre, ils doivent exercer leur contrôle sur
la production des justifications, ils n’ont pas le pouvoir de se faire juges de la légalité des
décisions administratives » (CE, 5 févr. 1971, n° 71173). En 2009, il a estimé que « la Cour
des comptes commet une erreur de droit en constituant des comptables débiteurs au motif
qu'ils s'étaient abstenus d'exiger, à l’appui des mandats, la production de pièces
justificatives attestant du rattachement des dépenses au service, une telle obligation de
contrôle de la légalité de l’acte administratif à l'origine des dépenses excédant les pouvoirs
des comptables publics » (CE, 21 oct. 2009, n° 306960). Le Conseil d’État a eu récemment
l’occasion de rappeler qu’il « appartient au comptable, devant [une] insuffisance apparente
des pièces produites pour justifier la dépense correspondant à un marché public sans
formalités préalables faisant nécessairement l'objet d'un contrat écrit en vertu de la
17
réglementation applicable, de suspendre le paiement et de demander à l'ordonnateur la
production des justifications nécessaires ; qu'en revanche, dès lors que l'ordonnateur a
produit, en réponse à cette demande, un certificat administratif par lequel il déclare avoir
passé un contrat oral et prend la responsabilité de l'absence de contrat écrit, il appartient
au comptable, qui n'a pas à se faire juge de la légalité de la passation du marché en cause,
de payer la dépense » (CE, 8 févr. 2012, n° 340698).
Les comptables publics locaux ne peuvent pas aussi soumettre les actes de l’ordonnateur
au contrôle de légalité.
Le comptable doit néanmoins refuser de payer si l’ordre de paiement est entaché d’une
incompétence évidente (C. comptes, 6 mai 1998, Cne Meymac). Il s’agissait dans cet arrêt
d’une décision prise par le maire au lieu du conseil municipal. Le comptable doit aussi
refuser de payer si l’ordre de paiement est entaché d’une illégalité manifeste ou s'il est
manifestement illégal (C. comptes, 5 déc. 1996, Cne Saint-Jouin-Bruneval). Il s’agissait
dans cet arrêt d’une dépense ayant un objet étranger à l’intérêt communal.
Il est à noter que le comptable peut, sous certaines conditions, voir sa décision motivée
de suspendre le paiement d'une dépense levée par l’ordonnateur qui dispose d’un pouvoir
de réquisition du comptable, celui-ci devant se conformer aussitôt à l’ordre de réquisition.
En cas de réquisition, l’ordonnateur engage sa responsabilité propre de sorte que sa
responsabilité se trouve substituée à celle du comptable.
➢ Évolutions du rôle du comptable public

En matière d’exécution des opérations financières publiques locales, les comptables


publics ne se contentent plus d’exercer un contrôle exhaustif et systématique de la
régularité des actes de l’ordonnateur.
Ce type de contrôle ayant été en partie remplacé par un contrôle hiérarchisé ou
partenarial. Ces nouveaux contrôles se substituent au contrôle exhaustif et systématique
de la dépense. À cela s’ajoutent des évolutions organisationnelles qui se traduisent par un
rapprochement des fonctions d’ordonnateur et de comptable. En outre, le comptable public
se présente dans les finances locales comme un conseiller financier.
Le contrôle hiérarchisé de la dépense est une méthode consistant pour un comptable
public à proportionner ses contrôles à des risques et à des enjeux. L’ordonnateur peut être
associé à l’appréciation de ces risques et enjeux. Le comptable public peut opérer les
contrôles de manière hiérarchisée, en fonction des caractéristiques des opérations relevant
de la compétence des ordonnateurs et de son appréciation des risques afférents à celles-ci.
À cet effet, il adapte l’intensité, la périodicité et le périmètre de ses contrôles en se
conformant à un plan de contrôle établi suivant les règles fixées par arrêté du ministre
chargé du budget. L’ordonnateur peut être associé à l’appréciation de ces risques. Le
ministre chargé du budget précise par arrêté les conditions de ce contrôle allégé en
partenariat. La mise en œuvre de ce dispositif doit se traduire par une modulation du
moment (contrôle a priori ou a posteriori), du champ (contrôle exhaustif ou par sondage) et
de l’intensité des contrôles qu’il opère.
Le contrôle hiérarchisé de la dépense est censé permettre la mise en œuvre de
procédures de dépenses mieux maîtrisées (normalisation des procédures et amélioration
18
des dispositifs de contrôle interne), plus simples (réduction du nombre de pièces
justificatives produites à l’appui des ordres de paiement) et plus rapides (réduction du délai
de paiement grâce à l’allégement des contrôles sur les dépenses présentant des risques et
des enjeux moindres). Ces nouvelles modalités du contrôle de la régularité des opérations
effectué par le comptable ne modifient en rien le régime de sa responsabilité, le juge des
comptes continuant à examiner objectivement les comptes du comptable et prononçant sa
mise en débet en cas d'irrégularité constatée dans le compte. Aussi, le comptable a toujours
la possibilité, et même l’obligation, de revenir à un contrôle exhaustif et a priori sur
l’intégralité des opérations dès lors qu’il constate une dégradation de la qualité et de la
fiabilité des procédures mises en œuvre par l’ordonnateur et les gestionnaires de crédits.
Le comptable public est également autorisé à mettre en œuvre un contrôle partenarial
de la dépense publique. C’est une démarche réalisée par l’ordonnateur et le comptable
public pour s’assurer de la maîtrise des risques relatifs à la régularité de l’émission des
ordres de paiements. Le comptable public acquiert cette connaissance en réalisant un audit
du dispositif de contrôle interne des procédures mises en place par l’ordonnateur. L’audit
ainsi réalisé lui donne une assurance raisonnable sur la qualité de l’organisation, des
procédures et du dispositif de contrôle interne à l’origine de la production de l’ordonnateur.
Le comptable maintient son contrôle exhaustif et systématique dans les seuls cas où
existent des risques.
Le comptable public est aussi désormais le garant de la sincérité comptable de l’État. La
loi organique relative aux lois de finances de 2014 exige en son article 71 que l’Etat tienne
désormais une comptabilité générale qui doit permettre d’avoir des comptes réguliers,
sincères et qui donnent une image fidèle du patrimoine et de la situation financière de
l’Etat. Dans cette perspective, les comptables publics chargés de la tenue et de
l’établissement des comptes de l'État veillent au respect des principes et règles qui
gouvernent la tenue des comptes publics. Ils s'’ssurent notamment de la sincérité des
enregistrements comptables et du respect des procédures.

En vue de garantir la qualité des comptes de l’État, et sans préjudice des compétences
de l’ordonnateur, le comptable public s’assure, par ses contrôles sur les biens, droits et
obligations qui doivent être enregistrés dans le compte général de l'État, de la qualité du
contrôle interne comptable et du respect des principes et des règles comptables.

Le comptable public est enfin Conseiller financier des collectivités territoriales.


Très tôt, le comptable a été chargé d’informer l’ordonnateur de la situation financière de la
collectivité en lui indiquant notamment les dettes en cours et les valeurs disponibles. Il a
aussi été contraint d’informer quotidiennement l'ordonnateur de la situation de la
trésorerie de la collectivité. Ainsi, les receveurs des collectivités sont autorisés à fournir des
prestations de conseil et d’assistance en matière budgétaire, financière et comptable.
L’article 362 de la loi sur la Décentralisation et les libertés locales de 2019 énonce à cet effet
que : « Les recettes d’une collectivité territoriale sont exclusivement affectées aux dépenses
de celle‐ci. Le comptable public et l’ordonnateur conviennent du niveau de la trésorerie en
fonction des disponibilités pour faire face aux dépenses programmées. Ils établissent, en
fonction de ces disponibilités, un plan de trésorerie auquel ils sont tenus de se conformer. ».
Dans le même sens, l’alinéa 3 de l’article 370 de cette loi prévoit que : « Le comptable donne
des avis techniques et financiers, notamment en matière d’engagement de dépenses ».

19
La mission de conseil du comptable n’a cessé de se développer. Les comptables publics
procèdent en effet de plus en plus à de l’analyse financière. Sans pour autant influer sur la
décision de l’ordonnateur, cette mission donne la possibilité au comptable public de faire
état, de manière rétrospective ou prospective, de la situation financière de la collectivité.

Les comptables doivent procéder à la réalisation des recouvrements et des paiements


après s'être assurés de la régularité de l'opération à réaliser au regard d'un certain nombre
de règles de la comptabilité publique. En d'autres termes, les ordonnateurs prescrivent les
opérations financières tandis que les comptables les exécutent après avoir contrôlé leur
régularité de sorte que seuls les comptables sont habilités à recevoir, détenir ou manier les
fonds publics.

ii. La classification des comptables publics

On distingue plusieurs catégories de comptables publics selon le critère de comparaison.


L’article 16 du décret portant Règlement Général sur la Comptabilité Publique retient deux
catégories principales à savoir les comptables deniers et valeurs, d’une part et les
comptables d’ordre, d’autre part. Il existe d’autre distinctions qui ressortent implicitement
de ce décret. Ainsi, du point de vue de leur statut, on distingue les comptables publics
principaux et les comptables publics secondaires. Du point de vue de leur compétence, on
distingue les comptables publics centralisateurs et les comptables non centralisateurs. Du
point de vue du rattachement au trésor, on distingue les comptables directs du Trésor et
les autres comptables publics. Du point de vue de la qualité du comptable, une distinction
peut être faite entre les comptables de fait et les comptables patents.
Les comptables publics des collectivités locales sont appelés les receveurs.

➢ Du point de vue du décret : distinction entre comptables deniers et valeurs et


comptables d’ordres

Les comptables deniers et valeurs sont des personnes habilitées, affectées au maniement
et à la conservation des fonds publics, des valeurs qui sont des valeurs de portefeuille, bons,
traites, obligations, rentes actions de sociétés. Il s’agit des comptables directs du Trésor,
des comptables des administrations financières et les agents comptables des établissements
publics.
Les comptables d’ordre sont ceux qui centralisent et présentent dans leurs écritures et
leurs comptes les opérations financières exécutées par d’autres comptables.
Il faut noter qu’un même comptable peut être à la fois comptables deniers et valeurs et
comptables d’ordre, car il n’y a pas d’incompatibilité.

20
➢ Du point de vue du statut : distinction entre comptables publics principaux et
comptables publics secondaires

Les comptables publics principaux centralisent les opérations faites pour le compte de
l’État par les autres comptables publics, les régisseurs et les correspondants locaux du
Trésor ainsi que les opérations faites pour leur compte par d’autres comptables publics. Ils
sont tenus de produire un compte de gestion et sont justiciables devant la Cour des comptes
c’est-à-dire qu’ils répondent de leurs actes devant la cour des comptes.
Les comptables secondaires sont, quant à eux, ceux dont les opérations sont centralisées
par un comptable principal. Ils ne sont pas tenus de produire un compte et ne sont pas
conséquent pas justiciables devant la Cour des comptes.

➢ Du point de vue des compétences : distinction entre les comptables publics


centralisateurs et les comptables publics assignataires.

Un comptable centralisateur est un comptable chargé de centraliser, à une périodicité


donnée, l’ensemble des opérations de l’Etat exécutées par des comptables qui lui sont
territorialement rattachés.
Un comptable assignataire est un comptable habilité à constater l’imputation définitive
d’une opération, qu’elle soit budgétaire ou non. Le principe qui en découle est que tout
comptable qui réalise une opération dont il n’est pas assignataire doit la transférer au
comptable assignataire, seul compétent pour en assurer l’imputation définitive. Un
comptable centralisateur peut être un comptable assignataire ou non. S’il est à la fois
centralisateur et assignataire, il va assurer non seulement l’imputation définitive des
opérations, mais aussi leur centralisation.

➢ Du point de vue du trésor, : distinction entre les comptables directs du Trésor et les
autres comptables publics

Les comptables directs du Trésor constituent les comptables de droit commun dans la
mesure où ils exécutent toutes les opérations financières dont l’État est chargé à l’exception
de celles dont l’exécution est expressément confiée à d'autres comptables publics.
En revanche, les autres comptables publics sont chargés, dans les conditions fixées par
arrêté du ministre chargé du budget, de toutes opérations de recettes, de dépenses et de
trésorerie du budget général et, de manière générale, de toutes autres opérations
financières incombant à l’État. C’est le cas des comptables des administrations financières
des impôts et des douanes qui sont des fonctionnaires ou agents chargés en particulier du
recouvrement d'impôts, de droits, de redevances et de recettes diverses ainsi que des
pénalités fiscales et des frais de poursuites dans les conditions fixées par le code général
des impôts, le code des douanes, le code du domaine de l'Etat, ainsi que les lois et
règlements.
21
➢ Du point de vue de la qualité du comptable : distinction entre les comptables
publics patents et les comptables publics de fait

Un comptable patent est un comptable qui a la qualité pour exécuter les opérations
comptables à ce titre.
Un comptable de fait est une personne qui réalise qui réalise les opérations comptables
sans avoir la qualité de comptable public ni bénéficier d’une délégation de pouvoir ou de
signature.

➢ Du point de des collectivités locales : distinction entre le receveur municipal et le


receveur régional

Un receveur municipal est un comptable principal d’une commune.


Un receveur régional est un comptable principal d’une région.

2. Dualité des actes comptables

Qu’il s’agisse de la comptabilité de l'État ou celle des collectivités territoriales, les


ordonnateurs et les comptables sont à l'origine d'une dualité des actes comptables.
Pour l’ordonnateur, il s’agit du compte administratif. Pour le comptable public, c’est
le compte de gestion.
S’agissant de l’État, la tenue d'une comptabilité générale, prévue par la loi organique
relative aux lois de finances de 2014 nécessite un enregistrement comptable dès la
naissance d’une dépense ou d’une recette, d’un droit ou d’une obligation.

La fonction comptable repose ainsi sur l’ordonnateur qui initie l’écriture en


comptabilité générale lors de l’émission du dossier de liquidation (pour les services
centraux) ou du mandat (pour les services déconcentrés).

De même, dans la réalisation des travaux d’inventaire de fin d’année, indispensables


à la détermination de la situation patrimoniale et financière de l'État, l’ordonnateur joue
un rôle majeur dans le recensement des biens et créances. Les ordonnateurs “établissent
les documents nécessaires à la tenue, par les comptables publics, des comptabilités dont la
charge incombe à ces derniers”.

Il en va de même s’agissant de collectivités territoriales. L’ordonnateur tient une


comptabilité administrative, retraçant les engagements et les mandatements, d’où découle
un compte administratif. L’article 369 de la loi de 2019 sur la Décentralisation et les libertés
locales prévoit, pour les communes, que l’ordonnateur « tient la comptabilité
administrative, conformément aux textes en vigueur. Il dresse en fin d’exercice, le compte
administratif qui retrace les opérations d’exécution du budget ».
22
Le comptable établit quant à lui un compte de gestion qui décrit la situation
patrimoniale de la collectivité publique dont il est responsable et l’exécution budgétaire.

Conformément à l’article 14 du le décret 2015-054/PR du 27/08/2015 portant


règlement général sur la Comptabilité publique, « les actes des ordonnateurs, engagement,
liquidation et ordonnancement sont retracés dans la comptabilité budgétaire permettant
de suivre le déroulement des opérations budgétaires et d'effectuer le rapprochement avec
les écritures des comptables publics ».

Les mêmes règles s’appliquent aux collectivités locales. En effet, l’article 373 de la loi
de 2014 sur la Décentralisation et les libertés locales indique que « le comptable principal
tient la comptabilité de la collectivité conformément aux dispositions des textes en vigueur.
II produit en fin d’exercice le compte de gestion ».

Le compte de gestion est remis par le comptable de la commune au maire pour être
joint au compte administratif comme pièce justificative et servir au règlement définitif des
recettes et des dépenses de l’exercice clos et doit être visé par l’ordonnateur, qui certifie que
le montant des titres à recouvrer et des mandats est conforme aux écritures de la
comptabilité administrative.

B. Indépendance des fonctions d'ordonnateur et de comptable public

Pour garantir la bonne utilisation des deniers publics et l'efficacité des contrôles
opérés par le comptable, la fonction d'ordonnateur et de comptable est placée dans un
rapport d'indépendance (statutaire et fonctionnelle) l'une vis-à-vis de l’autre.

§2. La justification du principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables


publics

On peut trouver quatre justifications à la règle de séparation des ordonnateurs et des


comptables : le principe de précaution (1), la différence de préoccupation entre ces deux
acteurs (2), la division du travail (3) et la facilitation du contrôle (4).

A. Le principe de précaution

Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses le,
le pouvoir arrête le pouvoir. Ce vieux précepte de Montesquieu trouve à s’appliquer ici aussi.
La séparation des fonctions d’ordonnateur et de comptable répond à la même préoccupation
qui sous-tend la thèse de la séparation des pouvoirs dans l’Etat. Pour celui qui cumule les
fonctions d’ordonnateur et de comptable et donc qui liquide, ordonnance, paie une dépense
ou recouvre une recette, la tentation naturelle est d’abuser de ses compétences. Le risque
est grand que l’abus se traduise par un gaspillage de deniers publics ou un usage de la

23
dépense ou de la recette qui se révèle contraire à l’intérêt général. La séparation des
fonctions est une précaution, un pari sur la gestion modérée des finances publiques

B. La différence de préoccupation entre l’ordonnateur et le comptable

L’ordonnateur est dans l’action et doit prendre des décisions. Sa fonction


d’ordonnateur n’est que l’accessoire d’une fonction administrative de décideur public.
L’ordonnateur a le souci de fonctionnement de son administration et de réalisation
d’investissements, l’appréciation de l’opportunité et des choix. Le comptable se préoccupe
des deniers de l’Etat, de la régularité de leur gestion.
C. La division du travail

Les opérations financières publiques comportent quatre phases : l’engagement, la


liquidation, l’ordonnancement et le paiement ou recouvrement. L’ordonnateur est
compétent sur les trois premières phases tandis que le comptable ne peut exécuter les
opérations de paiement et de recouvrement.
D. La facilitation du contrôle

Les juridictions financières ouest-africaines francophones sont compétentes à la fois


pour juger les comptables publics mais aussi pour juger les comptables publics mais aussi
pour juger les ordonnateurs pour les cas de fautes de gestion. Les ordonnateurs produisent
en fin d’exercice budgétaire leurs compte administratifs tandis que les comptables
établissent des comptes de gestion. La confrontation de ces deux comptes permet à la
juridiction d’exercer plus aisément son contrôle.

§2. Les exceptions au principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables


publics

Ces exceptions concernent des cas de cumul de fonctions soit au profit de


l’ordonnateur (A) soit au profit du comptable public (B). Ces exceptions sont développées
dans le chapitre suivant relatif à l’exécution des opérations financières publiques.

A. Le cumul de fonctions d’ordonnateur et de comptable au profit de l’ordonnateur

1. En matière de dépense

On peut citer les cas de cumul des fonctions suivants :


- La gestion des régies d’avance : ces sommes sont mises à disposition des
ordonnateurs pour assurer une flexibilité des opérations de décaissement. Les
régisseurs d’avance sont placés sous l’autorité de l’ordonnateur.
24
- La gestion de fonds spéciaux : leur nature de fonds destinés à finance des
opérations réputées discrètes fait qu’ils sont placés sous le contrôle de
l’ordonnateur et gérés discrétionnairement
- La gestion des commissaires des navires de l’Etat, qui exécutent les opérations
liées aux approvisionnements de l’équipage.

2. En matière de recettes

On peut citer les cas suivants :


- Le recouvrement des droits et taxes de douane suivant le régime de
recouvrement des droits au comptant.

- Le recouvrement des droits et taxes par les services des impôts en lieu et
place du trésor public.

B. Le cumul des fonctions d’ordonnateur et comptable au profit du comptable

1. En matière de dépense

- Paiement des dépenses sans ordonnancement : frais de justice


- Paiement sans ordonnancement préalable : pension de retraite, salaires des
fonctionnaires

2. En matière de recettes

Les recettes recouvrées sans titre tels que les recettes non fiscales mais
régulièrement autorisées et recouvrées par des régisseurs sans émission préalable de titre
de créance. Ces recettes sont recouvrées contre la délivrance de quittance : droits d’examen,
droit d’inscription aux concours et tests de recrutement de personnel, droits de timbre, droit
de visite technique des véhicules. Première avance mise à disposition des régisseurs
d’avance.

§4. Les sanctions du non-respect du principe de séparation des ordonnateurs et des


comptables publics : la responsabilité des ordonnateurs et des comptables publics

Nous allons étudier successivement la responsabilité des ordonnateurs (A) et celle


des comptables publics (B).

A. La responsabilité des ordonnateurs

25
Le régime de la responsabilité des ordonnateurs est défini à l’article 13 du décret de
2015 portant Règlement Général sur la Comptabilité Publique qui indique que : “les
ordonnateurs sont personnellement responsables des contrôles qui leur incombent dans
l’exercice de leurs fonctions. Ils encourent une responsabilité qui peut être disciplinaire,
pénale ou civile, sans préjudice des sanctions qui peuvent leur être infligées par la Cour des
comptes à raison des fautes de gestion”.
Cet article précise que les ministres et les Présidents des institutions
constitutionnelles encourent les responsabilités que prévoit la Constitution.

Le régime de responsabilité des ordonnateurs est donc étendu et varié. Nous allons
examiner la responsabilité pour gestion de fait (1), la responsabilité disciplinaire (2), la
responsabilité civile (3), la responsabilité pénale (4) et la responsabilité politique (5).

1. Responsabilité pour gestion de fait

a. Définition

Les ordonnateurs qui viendraient à se comporter ou à agir comme un comptable public


seront qualifiés de comptable de fait et verront leur responsabilité personnelle et pécuniaire
être engagée.

À l’inverse, lorsqu'un ordonnateur manie ou détient des fonds appartenant à des


personnes privées ne sera pas qualifié de comptable de fait (C. comptes, 7 juill. 2003. –
C. comptes, 14 oct. 2004, CH Esquirol à Saint-Maurice).

b. Éléments constitutifs de la gestion de fait

La gestion de fait est définie par l’alinéa 3 de l’article 15 du décret de 2015 portant
Règlement Général sur la Comptabilité Publique qui dispose que : « est comptable de fait,
toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public ou sans agir sous le contrôle
et pour le compte d'un comptable public, s'immisce dans la gestion de deniers publics ».

La gestion de fait recouvre donc l’accomplissement d’une quelconque fonction dévolue


aux comptables publics sans aucune habilitation légale ou réglementaire. Il peut s’agir du
paiement d’une dépense publique, du recouvrement d’une recette publique…

L’auteur d’une opération qui sera qualifiée de gestion de fait ne doit pas disposer d'un
titre légal l'habilitant à manier des deniers publics. Les régisseurs de recettes ou d'avances
disposent ainsi d'un titre légal et ne peuvent être déclarés gestionnaires de fait. De même,
les gestionnaires de services publics peuvent être habilités à percevoir des recettes
publiques et à les employer en dépenses (C. comptes, 24 oct. 1991, Cne Antony : Rec.
C. comptes 1991, p. 89). Les personnes régulièrement habilitées deviennent toutefois
comptables de fait si elles excèdent leur habilitation. Tel sera par exemple le cas si un
régisseur de recettes s'ingère dans la perception de recettes autres que celles prévues dans
l’acte constitutif de la régie ou encore si, n'ayant pas la qualité de régisseur d'avances, il

26
procède à des paiements (C. comptes , 26 nov. 1981. – C. comptes, 7 oct. 1982, Centre de
loisirs Cne Beaune : Rec. C. comptes 1982, p. 220).

c. Illustration concrète

La gestion de fait recouvre les cas dans lesquels un ordonnateur (y compris une personne
privée) :

• décide, par convention ou non, de percevoir ou de faire percevoir des recettes ou des
dépenses publiques lui-même ou par un tiers autre que leur comptable public, lequel
dispose d'une compétence exclusive pour procéder au recouvrement des recettes et
au paiement des dépenses publiques (Ch. rég. comptes de Rhône -Alpes, 11 janv.
2006, n° 2005-11, Cne Ville-sous-Anjou) ;
• extrait irrégulièrement des deniers publics de la caisse d’un comptable ( C. comptes,
29 nov. 2007, n° 49996, G. Flosse c/ Collectivité d'outre-mer Polynésie française, CE,
30 déc. 2013, n° 351750, Fanon-Alexandre c/ Dpt Martinique) ;
• ordonnance une dépense en l'absence de service fait ou en cas de service fait
mensongé (CE, 30 juill. 2003, n° 250649, CE, 27 juill. 2005, n° 261819 et n° 287942) ;
• ordonnance une dépense sans autorisation budgétaire (C. comptes , 19 oct. 2006,
n° 46493, Synd. intercnal d'assainissement Bellecombe).

La gestion de fait peut également résulter de la décision de l’ordonnateur d’accorder une


subvention à une association qui la restituera par la suite, en tout ou en partie, à la
collectivité publique en vue de la constitution d’une « caisse noire » ou qui se chargera, sur
ordre de cette collectivité, de régler certaines dépenses de cette dernière (C. comptes, 4 août
1944, Lamirand).

La gestion de fait apparaîtra encore lors de l’attribution de subventions à des


associations qualifiées de « transparentes » dans la mesure où ces dernières constituent,
dans les faits, comme des prolongements de la personne publique dispensatrice de la
subvention.

Les ordonnateurs coupables de gestion de fait supportent les mêmes responsabilités


qu’un comptable patent, donc ils sont soumis au régime de la responsabilité personnelle et
pécuniaire.

En vertu de l’article 30 portant Règlement Général sur la Comptabilité Publique, ils


peuvent aussi être condamnés par la Cour des comptes à une amende, en raison de leur
immixtion dans les fonctions de comptable public. Cette amende est calculée suivant
l'importance et la durée de la détention ou du maniement des deniers. Son montant ne
pourra dépasser le total des sommes indûment détenues ou maniées.

2. Responsabilité disciplinaire

La responsabilité des comptables de fait peut-être mise en œuvre par le ministre des
Finances à travers un arrêté de débet qui commande à la personne concernée de reverser

27
dans les caisses publiques la somme ayant été maniée contrairement aux prescriptions du
portant Règlement Général sur la Comptabilité Publique.

Cette responsabilité peut être engagée devant la Cour de discipline budgétaire et


financière.

Cette voie administrative n’est pas exclusive d'un apurement juridictionnel des comptes.

3. Responsabilité civile

a. La mise en cause de la responsabilité civile

La responsabilité civile vise à faire réparer par l’ordonnateur les préjudices qu’il
cause à la personne publique du fait de sa gestion.
Les maires sont responsables envers la commune des dépenses qu'ils ont engagées
en dépit du refus du conseil municipal d'ouvrir des crédits (CE, 21 nov. 1879 , Pastré :
Lebon, p. 725). De même, les maires engagent-ils leur responsabilité à l'égard de la
commune lorsqu'ils font exécuter des travaux sur crédits budgétaires mais dans leur intérêt
personnel (CE, 8 mars 1935, Magnon). Par contre, les dépenses engagées sans crédits mais
dans l'intérêt de la commune restent à la charge de celle-ci (CE, 21 nov. 1930 , Kervéguen).
Lorsque la responsabilité de l'ordonnateur se trouve engagée vis-à-vis de la
collectivité publique, cette dernière émettra à l'encontre de l'agent incriminé un titre de
perception qu'il appartiendra à l'ordonnateur concerné de contester devant le juge
administratif seul compétent dans cette hypothèse. En ce qui concerne les ordonnateurs
principaux, la procédure dont il s'agit reste, par conséquent, assez aléatoire car on voit assez
mal un ministre, un maire ou un président de conseil départemental ou régional établir
contre lui-même un titre de perception.

b. L’action des contribuables en réparation de leur préjudice

En France, il faut préciser qu'en vertu des articles L. 2132-5 à L. 2132-7, L. 3133-1
et L. 4143-1 du Code général des collectivités territoriales, les contribuables des communes,
des départements et des régions peuvent se faire autoriser par le tribunal administratif à
agir, au nom de la collectivité intéressée, contre le chef de l'exécutif local afin d'obtenir de
cette dernière réparation du préjudice qu'il pourra avoir causé, en sa qualité d'ordonnateur,
à ladite collectivité.
Cette action n’est pas explicitement prévue au Togo. Mais, elle peut être défendue.
4. Responsabilité pénale

Les ordonnateurs peuvent voir leur responsabilité pénale être engagée par les
juridictions pénales en cas d’infractions pénales comme les prises illégales d’intérêts.

28
5. Responsabilité politique

Cette responsabilité peut être mise en œuvre par le Parlement pour les ordonnateurs
de l’Etat et par le Conseil local pour les ordonnateurs locaux.

B. La responsabilité des comptables publics

Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des


actes et contrôles qui leur incombent. Il convient de présenter les caractéristiques de la
responsabilité du comptable public (1) avant de ressortir ces limites (2).

1. Caractéristiques de la responsabilité du comptable

Hormis des aspects civils et pénaux, la responsabilité financière du comptable public


présente deux grandes caractéristiques. C’est une responsabilité mise en œuvre par les
débets (a) et c’est une responsabilité personnelle et pécuniaire (b).
a. Une responsabilité mise en œuvre par débet

La responsabilité personnelle et pécuniaire est mise en jeu par des débets, qu'ils
soient administratifs (émis par l'autorité hiérarchique du comptable) ou juridictionnels
(émis par le juge), qui ne visent pas à sanctionner un comportement fautif du comptable
mais à constater qu'il existe un manquant dans les caisses publiques, qu'une recette n'a pas
été recouvrée ou qu'une dépense a été irrégulièrement payée. La responsabilité qui pèse sur
le comptable public est donc objective et automatique.
L’article 107 de la Constitution énonce cette règle en ces termes : « la Cour des
Comptes et les Cours régionales des comptes jugent les comptes des comptables publics ».
Cette règle avait été énoncée par le commissaire du gouvernement Romieu dans ses
conclusions rendues dans le cadre de l'affaire Nicolle qui sera jugée par le Conseil d'État en
1907 et aux termes desquelles : « la Cour des comptes juge le compte, elle ne juge pas le
comptable » (CE, 12 juill. 1907).
L’objectivité de ce système de responsabilité encourue par le comptable public conduit
en principe à ce qu'elle soit engagée alors même que celui-ci n'aurait commis aucune faute
dans la tenue de sa comptabilité. La Cour des comptes a d'ailleurs eu l'occasion de préciser
que la qualification de comptable patent « porte sur des faits précis d'ordre comptable, ne
constitue aucunement une condamnation du comportement général, ni une négation des
qualités professionnelles de ceux qui en sont frappés » (C. comptes , 30 nov. 2010, n° 59672,
Université François Rabelais de Tours).
Le simple fait de constater un manquant en caisse justifie ipso facto la mise en œuvre
de la responsabilité du comptable public.

29
Le juge des comptes ne peut dès lors pas fonder une mise en débet sur d'autres
fondements que des éléments ressortant de la tenue des comptes ; cette responsabilité ne
pouvant être appréciée à la lumière du comportement personnel du comptable. Le Conseil
d'État considère ainsi, selon une jurisprudence constante, que « La Cour des comptes, qui
est compétente (…) pour juger les comptes des comptables publics, ne peut légalement
fonder les décisions qu'elle rend dans l'exercice de sa fonction juridictionnelle que sur les
éléments matériels des comptes soumis à son contrôle, à l'exclusion notamment de toute
appréciation du comportement personnel des comptables intéressés ». Les règles de la
comptabilité publique ne sauraient ainsi permettre au juge des comptes de « se fonder, pour
juger les comptes des comptables publics, sur les fautes respectivement commises par ces
comptables et par les régisseurs dont les opérations se rattachent à leur compte » (CE, ass.,
20 nov. 1981, min. Budget).
Les article 83 de la loi organique relative aux lois de finances et l’article 28 du décret
de 2015 portant Règlement Général sur la Comptabilité Publique énoncent les situations
dans lesquelles la responsabilité du comptable publique pourrait être engagée. Il en est
ainsi si :
- un déficit de caisse ou un manquant en deniers ou en valeurs a été constaté;
- une recette n'a pas été recouvrée;
- une dépense a été irrégulièrement payée, en manquement aux obligations de
contrôles nécessaires;
- par la faute du comptable public, l'organisme public a dû procéder à
l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers.
La bonne foi du comptable ne saurait, en elle-même l'exonérer, devant le juge des
comptes, de sa responsabilité (C. comptes, 11 mars 2015, n° 71792 , Institut nat. prévention
et éducation à la santé [INPES]).
Le juge des comptes ne prend pas non plus en considération des éléments tenant aux
conditions de travail du comptable. La Cour des comptes considère qu'un comptable ne peut
s'exonérer de sa responsabilité au regard du « désordre ayant empêché la production du
compte (…) et du fait qu'il ne produit aucun élément établissant une défaillance de son
successeur ; que les mesures d'éloignement du poste comptable ne revêtaient pas un
caractère extérieur à sa personne et ne l'exonéraient pas des obligations que le règlement
général sur la comptabilité publique met à sa charge » (C. comptes , 27 mai 2010, n° 58003,
Lycée polyvalent Galilée de Gennevilliers [Hauts-de-Seine]).
La responsabilité des comptables publics présente, en dépit de ces dernières
évolutions, une seconde caractéristique. Elle a une nature personnelle et pécuniaire.
b. Une responsabilité personnelle et pécuniaire

L’article 82 de la loi organique relative aux lois de finances de 2014 dispose que : « les
comptables publics patents sont personnellement et pécuniairement responsables des
opérations dont ils ont la charge et des contrôles qu’ils sont tenus d’effectuer ».
Le Conseil d'État a eu l'occasion de se prononcer sur l’étendue de cette responsabilité
personnelle en précisant que « tout comptable public assumant la direction d'un poste
30
comptable, qu'il soit principal ou secondaire, est responsable des opérations qu'il accomplit
ainsi, le cas échéant, que de celles accomplies, sous son autorité, par d'autres comptables
publics ou des régisseurs ; que, s'agissant des opérations des comptables publics
secondaires, c'est-à-dire de ceux dont la comptabilité est centralisée dans les comptes d'un
comptable public principal, la responsabilité du comptable public principal ne peut être
engagée que dans la limite des contrôles qu'il est tenu d'exercer ».
Le Conseil d'État indique également qu'il appartient « au juge des comptes
d'examiner si la responsabilité du comptable principal doit être mise en jeu, soit au titre
des opérations du poste comptable qu'il dirige, de celles des comptables publics qui sont
placés sous son autorité ou de celles des régisseurs, soit au titre des opérations des
comptables publics secondaires dont il centralise la comptabilité dans la mesure où celles-
ci sont soumises à son contrôle ; qu'à défaut de pouvoir mettre en jeu la responsabilité de
ce comptable public principal à ce dernier titre, il appartient au juge des comptes de mettre
en jeu la responsabilité des comptables secondaires dont la comptabilité était centralisée
dans les comptes du comptable principal » (CE, 24 févr. 2017, n° 376384).

En tout état de cause, afin d'éviter tout risque d'insolvabilité, le législateur impose
aux comptables publics de constituer des garanties dans l'hypothèse où sa responsabilité
viendrait à être engagée.

Le montant du cautionnement est calculé par référence soit au traitement indiciaire,


soit au budget ou à la comptabilité de l'organisme concerné. Le cautionnement est constitué
par un dépôt de numéraire, de rentes sur l'État ou d'autres valeurs du trésor. Il peut être
remplacé par l'engagement d'une caution solidaire constituée par l'affiliation du comptable
à une association de cautionnement mutuel agréée par le ministre chargé du budget. Le
cautionnement est déposé à la caisse des dépôts et consignations. La valeur des rentes et
autres valeurs du trésor est calculée d'après le cours officiel à la bourse de Paris du jour de
la constitution du cautionnement sans que cette valeur puisse dépasser le pair.

2) Limites de la responsabilité du comptable

Il convient toutefois de préciser que le régime de la responsabilité du comptable


public comporte un certain nombre de limites. La limite principale est la réquisition par
l’ordonnateur (a). Il peut aussi s’agir de l’admission en non-valeur (b), des éléments de
subjectivisation de la responsabilité (c) et la décharge ministérielle (d).
a. Réquisition du comptable par l’ordonnateur

En premier lieu, les comptables publics ne sont pas personnellement et


pécuniairement responsables des opérations qu'ils ont effectuées sur réquisition régulière
des ordonnateurs.
L’article 29 du décret portant RGCP dispose en effet que : « Les comptables publics
ne sont pas tenus de déférer aux ordres irréguliers qui engagent leur responsabilité

31
personnelle et pécuniaire, sauf réquisition émanant de l'ordonnateur principal ». Cet article
précise que « dans ce cas, la responsabilité de ce dernier se substitue à celle du comptable ».
Dans le même sens, l’article 372 de la Loi sur la Décentralisation et les libertés locales
énonce que « en cas de réquisition, la responsabilité de l’ordonnateur se substitue à celle du
comptable. ».

b. Admission en valeur

En deuxième lieu, lorsqu'une recette publique n'a pu être recouvrée pour des raisons
qui ne mettent pas en cause les diligences du comptable, il peut être demandé qu'elle soit
admise en non-valeur.
L’admission en non-valeur est fréquemment justifiée par l'insolvabilité du débiteur
ou sa disparition, le décès des débiteurs laissant toutefois subsister les créances qui sont
exigibles de leurs héritiers. Ce dispositif n'a pas pour effet d'éteindre la créance concernée
et n'exonère donc pas le débiteur de sa dette. Il n4éteint pas le rapport juridique existant
entre le débiteur et le créancier public, mais correspond à une mesure d'ordre budgétaire et
comptable qui a pour seul effet de dégager le comptable public de sa responsabilité en
matière de recouvrement des créances qui lui sont assignées, ce dernier n'ayant pu, malgré
toutes les diligences nécessaires, procéder à ce recouvrement pour cause d'irrécouvrabilité
de la dette. À l'inverse, un comptable négligent pouvant être sanctionné par le juge des
comptes en dépit de l'admission en non-valeur ( C. comptes, 24 mars 1988, TPG Haute-
Savoie, C. comptes, 26 juin 1996, Comptable IGN , TA Clermont-Ferrand , 15 avr. 2010,
n° 15-04-2010, Jeanine Vinatie et Alain Binet).
c. La prise en compte des éléments subjectifs

En troisième lieu, on assiste à une subjectivisation du régime de responsabilité des


comptables publics. Par là on veut que le juge des comptes doit, aux termes de différentes
dispositions législatives et réglementaires, prendre d'autres éléments que ceux ressortant
du compte pour juger qu'un comptable public est un comptable patent.

Par ailleurs, lorsque le manquement du comptable n'a pas causé de préjudice


financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une
somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce.

En revanche, lorsque le manquement du comptable a causé un préjudice financier à


l'organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l'organisme public a dû
procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un
commis d'office pour produire les comptes, le comptable doit immédiatement verser la
somme correspondante à partir de ses deniers personnels. Tel est le cas si un comptable
commet aucune diligence pour procéder au recouvrement d'une recette publique (C.
comptes, 4 mars 2015, n° 72009, Trésorier-payeur général de Mayotte) ; étant entendu que
le Conseil d'État considère que, « lorsqu'un comptable public n'a pas recouvré une recette
qu'il a prise en charge, le juge des comptes apprécie, d'abord, s'il y a lieu d'engager sa
responsabilité. À ce titre, si le juge des comptes doit s'abstenir de toute appréciation du
32
comportement personnel du comptable intéressé et ne peut fonder ses décisions que sur les
éléments matériels des comptes, il lui appartient de se prononcer sur le point de savoir si
le comptable s'est livré aux différents contrôles qu'il lui incombe d'assurer et s'il a exercé
dans des délais appropriés toutes les diligences requises pour le recouvrement de la
créance » (CE, 27 juill. 2015, n° 370430). Tel sera encore le cas si le juge constate un
manquant en monnaie ou en valeurs (C. comptes, 6 sept. 2016, n° S 2016-2855, Trésorerie
générale et DRFIP de Picardie et du Dpt Somme) ou un versement d'une prime non prévue
par aucun texte (CE, 27 mai 2015 , n° 374708 ) .

d. Décharge ministérielle

• les sommes allouées en remise gracieuse aux régisseurs ou celles dont ceux-ci ont été
déclarés responsables mais qui ne pourraient pas être recouvrées ne peuvent être
mises à la charge du comptable assignataire par le juge des comptes ou le ministre,
sauf si le débet est lié à une faute ou une négligence caractérisée commise par le
comptable public à l'occasion de son contrôle sur pièces ou sur place ;
• lorsque le ministre dont relève le comptable public, le ministre chargé du budget ou
le juge des comptes constate l'existence de circonstances constitutives de la force
majeure, il ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable
public.

Section 2. Modernisation et apparition d'autres acteurs de la comptabilité publique

Le droit de la comptabilité publique prévoit, dans le prolongement de la loi organique


de 2014 relative aux lois de finances, un certain nombre de dispositifs censés mettre en
partie fin à la relation de méfiance entre l'ordonnateur et le comptable.
Les besoins de célérité et d’efficacité ont aussi conduit à moderniser l’exécution des
opérations financières publiques.
Cette modernisation s’est accompagnée de l’apparition de nouveaux acteurs de la
comptabilité publique. Il s’agit d’une dérogation au principe de la séparation des
ordonnateurs et des comptables en permettant d'accorder des avances de fonds à des agents
qui n'avaient pas la qualité de comptable public. Ces acteurs sont traditionnellement les
régisseurs d’avances et les régisseurs de recettes. Mais, la loi organique relative aux lois de
finances a introduit un nouveau acteur qui est le contrôleur financier.
Faisant exception au monopole du comptable pour le maniement et la détention des
deniers publics, les régisseurs d’avances et de recettes constituent un statut qui trouve un
fondement juridique à l’article 21 du décret de 2015 portant RGCP qui indique que « les
comptables peuvent avoir sous leur autorité des régisseurs de recettes et d'avances » et
précise que « ces régisseurs de recettes et d'avances sont habilités à exécuter des opérations
d'encaissement ou de décaissement. Ils sont personnellement et pécuniairement
responsables de leurs opérations. ».
Les modalités de création et de fonctionnement des régies de recettes et des régies
d'avances ainsi que les conditions de nomination des régisseurs sont fixées par le décret

33
n° 2011-118/PR du 06 juillet 2011 portant organisation et fonctionnement des régies de
recettes, des régies d’avances de l’Etat et des autres organismes publics.
Nous allons présenter successivement les régisseurs d’avances (§1), les régisseurs de
recettes (§2) et les contrôleurs financiers (§3).

§1. Régisseurs d'avances

L'institution des régies d'avances correspond au souci de l'administration de faciliter


et d'accélérer le paiement des dépenses courantes et de faible importance.
Pour ce type de dépenses, il est admis que des agents, qui n'ont pas la qualité de
comptable public et que l'on appelle régisseurs d'avances, peuvent effectuer un paiement
direct. À cet effet, les régisseurs d'avances reçoivent, en avances, d'un comptable public des
sommes limitées quant à leur montant et quant à leur durée d'utilisation.
A. Modalités de création

Les régies d’avances sont créées par arrêté conjoint du ministre du Budget et du
ministre intéressé.
Toutefois, des régies peuvent être créées par arrêté ministériel ; par arrêté du préfet
après avis du directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques
pour les régies d'État ; par décision du directeur de l'établissement public national.
Elles peuvent être également créées par décision du directeur de l'établissement
public national si elles correspondent à des normes fixées par arrêté du ministre du Budget.
Par ailleurs, les régies de recettes et les régies d'avances des établissements publics locaux
d'enseignement sont créées, dans les conditions fixées par arrêté conjoint du ministre du
Budget et des ministres intéressés, par décision du directeur de l'établissement.
Avant d'entrer en fonctions, le régisseur est tenu de constituer un cautionnement
pour le montant fixé par le ministre du Budget ou avec son accord. Toutefois, les régisseurs
d'avances sont dispensés de la constitution d'un cautionnement lorsque le montant mensuel
des avances consenties ou des recettes encaissées n'excède pas un seuil fixé par arrêté du
ministre du Budget.
La méconnaissance de ces règles entraîne la cessation immédiate des fonctions du
régisseur.
B. Compétences du régisseur d'avances

Les dépenses pouvant être payées directement par les régisseurs sont :

• les dépenses de matériel et de fonctionnement, dans la limite d'un montant fixé par
arrêté du ministre du Budget ;
• la rémunération des personnels payés sur une base horaire ou à la vacation, y
compris les charges sociales y afférentes,
• les secours urgents et exceptionnels ;

34
• les frais de mission et de stage, y compris les avances sur ces frais ;
• pour les opérations à l'étranger, toute autre dépense nécessaire au bon
fonctionnement du service situé à l'étranger ;
• les dépenses d'intervention et subventions ;
• pour les opérations des établissements publics nationaux qui, dans le cadre de leur
mission, exercent des activités bancaires et financières, toutes dépenses réalisées au
Togo et à l'étranger nécessaires au bon fonctionnement des services concernés.

Chaque régisseur se voit mettre à sa disposition une avance dont le montant est fixé par
le texte ayant institué la régie et, le cas échéant, révisé dans la même forme.

L'avance est versée par le comptable assignataire sur demande du régisseur visée par
l'ordonnateur.

Les régisseurs effectuent le paiement des dépenses par virement, par chèque, par
mandat-carte, en numéraire ou par carte de paiement.

Le régisseur remet les pièces justificatives des dépenses payées par ses soins, soit à
l'ordonnateur, soit au comptable assignataire, suivant les règles propres à chaque catégorie
d'organismes. Sauf dérogation accordée par le ministre du Budget, la remise de l'ensemble
des pièces justificatives intervient au minimum une fois par mois. L'ordonnancement
intervient pour le montant des dépenses reconnues régulières.

C. Contrôle des régies d'avances

Les régisseurs d'avances sont soumis aux contrôles du comptable assignataire et de


l'ordonnateur auprès duquel ils sont placés.
Ils sont également soumis aux vérifications de l'inspection générale des finances et à
celles des autorités habilitées à contrôler sur place le comptable assignataire et
l'ordonnateur.

§2. Régisseurs de recettes

A. Modalités de création

Les mêmes règles que celles qui régissent les régisseurs d’avances s’appliquent.
B. Compétences du régisseur de recettes

Sauf dérogation accordée par le ministre du Budget, les impôts, taxes et redevances
prévus au Code général des impôts, au Code des douanes et au Code foncier et domanial ne
peuvent être encaissés par l'intermédiaire d'une régie.

35
Toutefois, cette disposition n'est pas applicable aux régies de recettes de l'État à
l'étranger.
Dans les mêmes conditions que les comptables publics, les régisseurs encaissent les
recettes réglées par les redevables par versement en numéraire, par remise de chèques ou
par versement ou virement à un compte de disponibilités ouvert ès qualités.
Les régisseurs de recettes sont autorisés à disposer d'un fonds de caisse permanent
dont le montant sera mentionné dans l'acte constitutif de la régie. Les régisseurs justifient
au comptable assignataire, au minimum une fois par mois, les recettes encaissées par leurs
soins.
C. Contrôle des régies de recettes

Les régisseurs de recettes de l'État sont soumis aux contrôles du comptable


assignataire et de l'ordonnateur auprès duquel ils sont placés. Ils sont également soumis
aux vérifications de l'inspection générale des finances et à celles des autorités habilitées à
contrôler sur place le comptable assignataire et l'ordonnateur.

§3. Les contrôleurs financiers

Les contrôleurs financiers sont institués par l’article 69 de la loi organique relative
aux lois de finances de 2014 qui dispose que « les contrôleurs financiers relèvent du ministre
chargé finances et sont nommés par celui-ci ou à son initiative auprès des ordonnateurs. Ils
sont chargés des contrôles o priori des opérations budgétaires. Ils peuvent donner les avis
sur la qualité de la gestion des ordonnateurs et sur la performance des programmes ».
Ils sont soumis à l’autorité du Ministre de l’Economie et des Finances et placés auprès
de chaque ordonnateur.
Ils assurent un contrôle administratif interne auprès de l’ordonnateur. Ils sont ainsi
amenés à assurer de nombreuses missions qui sont traditionnellement confiées
exclusivement aux comptables publics.
Les développements sur les contrôleurs financiers seront faits dans le chapitre sur le
contrôle de l’exécution des opérations financières publiques.
.

36
Chapitre II. Procédures d'exécution des opérations financières

Tous les textes régissant la comptabilité publique ont fait une place importante aux
procédures d’exécution des opérations financières ; la procédure servant ici essentiellement
à organiser l'utilisation des fonds publics sans lesquels les structures administratives ne
peuvent fonctionner.
On distingue les procédures d’exécution des opérations de dépenses
publiques (Section 2), de recettes publiques (Section 3), et de trésorerie (Section 4). Avant
d’examiner ces procédures, il convient de présenter le principe de non-affectation des
recettes aux dépenses (Section 1) qui est au cœur de l’exécution des recettes et des dépenses.

Section 1. Le principe de non-affectation des recettes aux dépenses

Les recettes du budget sont fongibles. Elles constituent une masse compacte et
indifférenciée qui doit servir à financer les dépenses de façon tout aussi indifférenciée, sans
relier une recette particulière à une dépense particulière. Ainsi, l’article 36 du décret de
2015 portant RGCP dispose que : « il est fait recette au budget de l'Etat du montant intégral
de tous les produits, quelle qu'en soit la provenance et sans contraction entre les recettes et
les dépenses ».
L’affectation systématique des recettes précises à des dépenses non moins précises
pourrait créer une distorsion dans le rendement des impôts et taxes. Les contribuables
paieraient plus volontiers les contributions reliées à des dépenses plus populaires ou qui les
concernent directement. Ceci créerait une hiérarchie entre les impôts et taxes du fait de
l’affectation du produit de ces contributions à des dépenses populaires ou non. Par ailleurs,
par nécessité technique, l’affectation a pour conséquence que lorsque les ressources
affectées sont supérieures au montant des dépenses, il y aurait gaspillage alors que si les
ressources affectées sont inférieures au montant des dépenses l’Etat devra trouver des
recettes additionnelles pour compenser.
Il faut noter que ce principe ne s’applique véritablement qu’au budget général des
Etats. Les budgets annexes et les comptes spéciaux du trésor sont alimentés par des
recettes affectées dans la loi de finances ou autorisées par elle. Les budgets des collectivités
locales comportent aussi une section de fonctionnement comportant des dépenses de
fonctionnement payées par des recettes de fonctionnement et une section d’investissement
qui comprend des dépenses d’investissement payées avec les recettes d’investissement.

Section 2. Les opérations de dépenses

C'est au cours de l'opération d'exécution des dépenses que le souci de protection des
fonds publics apparaît avec le plus de netteté. En témoignent les différentes étapes qui
conditionnent sa régularité. Par ailleurs, les collectivités publiques disposent, en la matière,
de privilèges dont ne bénéficient pas les personnes privées. Enfin, le droit de la comptabilité
publique organise un régime tout à fait particulier pour certaines dépenses obligatoires.
37
Nous allons présenter d’abord les différentes catégories de dépenses publiques (§1),
ensuite les différentes procédures d’exécution des dépenses publiques (§2) et enfin le régime
spécifique de certaines dépenses publiques (§3).
§1. Les différentes catégories de dépenses

A. Les différentes catégories de dépenses de l’Etat

Les dépenses de l’Etat se répartissent en dépenses de fonctionnement (achats de


fournitures stockables et non stockables, dépenses de personnel, dépenses de transport…)
et des dépenses d’investissement et d’équipement (les immobilisations, les constructions de
routes….).
B. Les différentes catégories de dépenses des collectivités locales

Les dépenses des collectivités locales sont prévues par la loi sur la Décentralisation
et les libertés locales. Cette loi distingue les dépenses de fonctionnement (1) d’une part, et
les dépenses d’investissement et d’équipement (2) d’autre part.
1. Les dépenses de fonctionnement

Concernant les dépenses de fonctionnement, on distingue les dépenses de


fonctionnement obligatoires et les dépenses de fonctionnement facultatives.
Aux termes de l’article 337 de la loi sur la Décentralisation et les libertés locales :
« Sont considérées comme obligatoires, les dépenses ci‐après et celles que la loi aura
déclarées comme telles :
• les traitements et les indemnités du personnel en fonction dans les services de la
collectivité ;

• les frais de fonctionnement des services ;


• les indemnités des élus et les dépenses de fonctionnement du conseil ;
• les primes d’assurance obligatoire ;

• les cotisations des collectivités aux organismes de sécurité sociale et de retraite de


leur personnel ;
• les dépenses d’entretien du patrimoine ;

• les dépenses pour la salubrité et la qualité de l’environnement ;


• le remboursement des intérêts d’emprunts ;
• les frais issus de l’exécution des décisions de justice exécutoires ;

• l’amortissement du déficit du dernier exercice clos ;


• la dotation aux comptes d’amortissements et de provisions ;

• les frais de mission.


38
L’article 339 de la loi sur la Décentralisation et les libertés locales énonce que « les
dépenses ne figurant pas dans la catégorie des dépenses obligatoires sont facultatives ».

2. Les dépenses d’investissement et d’équipement

La liste des catégories de dépenses d’investissement et d’équipement est donnée par


l’article 342 de cette loi. En vertu de cet article :
« Les dépenses d’investissement et d’équipement comprennent :
• les équipements et les immobilisations ;

• les annuités de prêts, les avances, les créances à long et moyen termes ;
• les achats de titres et valeurs mobilières ;
• les projets de développement.
§2. Les différentes procédures d’exécution des opérations de dépense

Il existe une procédure de droit commun (A) et des procédures simplifiées d’exécution
des dépenses publiques.
A. La procédure de droit commun

La procédure d'exécution de droit commun des dépenses publiques comporte quatre


phases : engagement, liquidation, ordonnancement et paiement.
Les trois premières phases relèvent de la compétence des ordonnateurs. La dernière
phase ressort de la compétence du comptable public.
En France, le traitement CHORUS, qui a succédé en 2012 à l'Application coordonnée
de comptabilisation, d'ordonnancement et de règlement de la dépense (Accord) permet de
suivre, au sein d'un flux continu d'informations, toutes ces phases d'exécution de la dépense
depuis la mise en place des crédits budgétaires jusqu'au règlement des dépenses.
Nous allons présenter dans l’ordre les quatre phases à savoir l’engagement (1), la
liquidation (2), l’ordonnancement (3) et le paiement (4).

1) Engagement

L’article 44 du décret portant Règlement Général sur la Comptabilité Publique donne


une définition juridique et une définition comptable.
L’engagement juridique est l'acte par lequel l'Etat crée ou constate à son encontre
une obligation de laquelle résultera une charge. Il peut résulter d'un acte volontaire
(passation d'un marché, nomination d'un fonctionnaire…) ou de la constatation d'un fait

39
involontaire (accident causé par un agent public et qui engage la responsabilité de la
collectivité).
L’engagement comptable consiste à affecter des crédits au paiement de la dépense. Il
résulte de l'affectation des crédits budgétaires à la réalisation de la dépense découlant de
l'engagement juridique.
L’article 44 précité précise que Le montant total des engagements ne doit pas
dépasser le montant des autorisations budgétaires et doit demeurer subordonné aux lois et
règlements en vigueur. L’engagement ne peut donc être pris que si les dépenses concernées
ont été autorisées. Il doit respecter l'objet et les limites de l'autorisation budgétaire.
Lorsque l'engagement dépend d'une décision volontaire de l'ordonnateur,
l'engagement comptable précède ou est concomitant avec l'engagement juridique. En
revanche, quand l'engagement trouve son origine dans la survenance d'un événement
indépendant de la volonté de l'ordonnateur, l'engagement juridique précède l'engagement
comptable.

2) Liquidation

La liquidation est définie par l'article 45 du décret portant RGCP comme l'opération
qui a pour objet de vérifier la réalité de la dette et à arrêter le montant de la dépense. Elle
est faite au vu des titres et pièces justifiant la preuve des droits acquis par les créanciers.
Elle comporte la certification du service fait, par laquelle l'ordonnateur atteste la
conformité à l'engagement de la livraison ou de la prestation et la détermination du
montant de la dépense au vu des titres ou décisions établissant les droits acquis par les
créanciers.
Concrètement, cette étape a pour objet de vérifier la réalité de la dette (règle du
service fait) et d’arrêter son montant qui peut être souvent quelque peu différent du
montant prévu lors de l'engagement.
Elle est normalement postérieure à l'exécution du service ou de la prestation due à
l'Administration, mais elle peut parfois être antérieure dans le cas des acomptes ou avances
accordés par l'Administration.
Si la liquidation incombe à l'ordonnateur, il faut néanmoins remarquer que les
opérations matérielles de constatation et de calcul peuvent être réalisées par les
subordonnés de l'ordonnateur.

3) Ordonnancement

L'ordonnancement trouve un fondement juridique à l’article 46 du décret portant


RGCP. Selon cet article, « l’ordonnancement est l'acte administratif par lequel,
conformément aux résultats de la liquidation, l'ordre est donné par l'ordonnateur au
comptable assignataire de payer la dette de l’Etat. ». Il s’agit de l’ordre, quelle qu'en soit la
forme, donné par l'ordonnateur au comptable de payer une dépense.
40
Cet acte porte le nom d’ordonnance lorsqu'il est émis par un ministre et de mandat
lorsqu'il est émis par un autre ordonnateur (maire, président du conseil départemental ou
régional…).

4) Paiement

Le paiement est, en principe, une compétence exclusive du comptable. D'après


l’article 48 du décret de 2015 portant RGCP, « le paiement est l'acte par lequel l'Etat se
libère de sa dette. ».
Sous réserve des exceptions prévues par les lois et règlements, les paiements ne
peuvent intervenir qu'à l'échéance de la dette, après l'exécution du service et au vu de
décisions individuelles d'attribution de subventions, d'allocations ou d'avances.
Il est fait par tout moyen ou instrument de paiement prévu par le Code monétaire et
financier notamment par virement bancaire, par chèque…
Pour effectuer un paiement régulier et éviter que sa responsabilité personnelle et
pécuniaire ne soit engagée, le comptable a l'obligation d'effectuer un certain nombre de
contrôles énumérés par le décret portant RGCP. Il doit s'assurer, à l'appui de pièces
justificatives de :

• la qualité de l'ordonnateur ;
• l'exacte imputation des dépenses au regard des règles relatives à la spécialité des
crédits ;
• la disponibilité des crédits ;
• la validité de la dette ;
• du caractère libératoire du paiement.

Le Conseil d'État a précisé que la circonstance qu'une opération n'a pas été prévue par
la nomenclature des pièces justificatives applicable à l'organisme public concerné ne saurait
dispenser le comptable public d'exercer tous les contrôles qui lui incombent, et notamment
celui du caractère suffisant et cohérent des pièces fournies par l'ordonnateur. Dans une telle
hypothèse, il appartient au comptable public de s'assurer de la production de toute pièce
justificative pertinente, nécessaire à l'exercice des contrôles qui lui incombent en vertu des
lois et règlements.

Pour le juge, les pièces justificatives pertinentes et nécessaires à l'exercice des contrôles
incombant au comptable sont celles qui lui permettent de contrôler la qualité de
l'ordonnateur ou de son délégué, la disponibilité des crédits, l'exacte imputation des
dépenses aux chapitres qu'elles concernent et, au titre du contrôle de la validité de la
créance, la justification du service fait, l'exactitude des calculs de liquidation, l'intervention
préalable des contrôles réglementaires, l'existence du visa des membres du corps du
contrôle général économique et financier, lorsque celui-ci est exigé par les textes, et
l'application des règles de prescription et de déchéance.

41
Il est loisible au comptable d'identifier les pièces justificatives pertinentes et nécessaires
à l'exercice de ses contrôles en se référant, lorsque cela est pertinent, aux prescriptions de
la nomenclature applicable ou de toute autre nomenclature comptable, pour des opérations
similaires (CE, 9 mars 2016 , n° 380105).

Lorsqu'à l'occasion de l'exercice de ces contrôles un comptable public constate des


irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l'ordonnateur, il doit suspendre
le paiement et en informer l'ordonnateur. Ce dernier a toujours la faculté de requérir par
écrit le comptable public de payer. Dans cette hypothèse la responsabilité du comptable
sera alors dégagée pour incomber à l'ordonnateur qui aura usé de son pouvoir de réquisition.

Le Conseil d'État a jugé que le refus de paiement fondé par un comptable public sur la
déchéance quadriennale constitue une décision administrative faisant grief qui peut donc
faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir (CE, 25 oct. 1967, n° 71004 ).

Il faut que même en cas de réquisition, le comptable ne doit pas se conformer à


l’acquisition en cas d'insuffisance de fonds disponibles, de dépense ordonnancée sur des
crédits irrégulièrement ouverts ou insuffisants ou sur des crédits autres que ceux sur
lesquels elle devrait être imputée, d'absence totale de justification du service fait et de
défaut de caractère libératoire du règlement ainsi qu'en cas d'absence de caractère
exécutoire des actes pris.

B) Les procédures simplifiées

Dans un assez grand nombre de cas, la procédure que l'on vient de décrire connaît
certains aménagements.
Certaines dépenses peuvent, eu égard à leur nature ou à leur montant, selon les
besoins propres à chaque catégorie de personnes morales, être payées sans ordonnancement
ou avec ordonnancement sans que celui-ci soit préalable au paiement.
Le comptable public peut par ailleurs opérer ses contrôles de manière hiérarchisée,
en fonction des caractéristiques des opérations relevant de la compétence des ordonnateurs
et de son appréciation des risques afférents à celles-ci. À cet effet, il adapte l'intensité, la
périodicité et le périmètre de ses contrôles ; sachant que l'ordonnateur peut être associé à
l'appréciation de ces risques.
Les collectivités publiques bénéficient de nombreux privilèges en matière d’exécution
des dépenses publiques.
§2° Privilèges des collectivités publiques en matière de dépense

A. La prescription quadriennale

Les collectivités publiques dotées d'un agent comptable bénéficient d’un premier
privilège en vertu duquel leurs dettes se prescrivent dans un délai beaucoup plus bref que
les dettes des personnes privées

42
L’alinéa 1er de l’article 53 prévoit en effet que : « sont prescrites au profit. de l'Etat,
toutes créances de tiers qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du
premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ».
La prescription peut être interrompue en cas de réclamation dans ce délai de 4 ans.
B. L’inapplication de la compensation des créances et des dettes aux personnes publiques

Un autre privilège dont bénéficient les personnes publiques en matière d’exécution


des dépenses publiques est l’inapplication de la compensation des créances et des dettes sur
ces personnes.
L’alinéa 1er de l’article 40 du RGCP prévoit en effet que : « les débiteurs de l'Etat ne
peuvent pas se prévaloir de leurs créances vis-à-vis de l'Etat pour s'opposer au paiement de
leurs dettes. ».
L’alinéa 2 souligne que « par contre, le comptable doit, préalablement à tout
paiement, opérer la compensation légale entre les dettes et les créances assignées sur sa
caisse ».
C. L’inapplication des voies d’exécution du droit commun aux personnes publiques

Un autre privilège des personnes publiques est qu’aucune voie d'exécution du droit
commun, aucune saisie, ne peut obliger l'administration à se libérer de ses dettes, même
lorsque celles-ci sont soumises à un régime de droit privé.
Cette règle trouve son fondement dans l’article 511 du code foncier et domanial qui
dispose que « le domaine public est inaliénable, imprescriptible et insaisissable. ».
Le principe de l’insaisissabilité ne s’étend pas au domaine privé des personnes
publiques. La Cour de cassation a admis que si le principe d'insaisissabilité des biens des
personnes publiques s'oppose à la mise en œuvre, à leur encontre, des voies d'exécution de
droit commun, il ne fait pas obstacle à la cession, fût-elle forcée, des biens dépendant de
leur domaine privé (Cass. com., 21 janv. 2014, n° 12-29.475 ).

§3 ° Régimes propres à certaines dépenses

Certaines dépenses publiques, parce qu'elles revêtent un caractère obligatoire en


vertu de l'autorité de la chose jugée, qu'elles ont trait au domaine public ou parce que le
législateur contraint les collectivités territoriales à les mettre en œuvre, répondent à une
procédure d'exécution spécifique. C’est le cas des dépenses résultant d’une condamnation
pécuniaire de l'État (A), les dépenses liées au domaine public (B) et les dépenses obligatoires
des collectivités territoriales (C).
A. Dépenses résultant d'une condamnation pécuniaire de l'administration

1) Condamnation pécuniaire de l'État

43
Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné l'État
au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette
somme doit être ordonnancée dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la
décision de justice. La date de l'ordonnancement ou du mandatement est portée, le jour
même, à la connaissance du créancier par lettre recommandée avec demande d'avis de
réception. La même lettre comporte la désignation du comptable assignataire de la dépense.

2) Condamnation pécuniaire des collectivités territoriales et de leurs établissements publics

Lorsqu'une collectivité territoriale ou un établissement public local a été condamné


à payer une somme d'argent par décision de justice passée en force de chose jugée,
l'ordonnance ou le mandat de paiement de ladite somme est émis dans un délai de 2 mois à
compter de la notification de la décision à cette collectivité ou cet établissement. La date de
l'ordonnancement ou du mandatement est portée, le jour même, à la connaissance du
créancier par lettre recommandée avec demande d'avis de réception..

C. Dépenses obligatoires des collectivités locales

Les budgets locaux comportent obligatoirement des dépenses publiques, qui sont
prescrites par la loi et dont la liste figure aux articles 337 et suivants de la loi sur la
Décentralisation et les libertés locales. On distingue les dépenses de fonctionnement et les
dépenses d’investissement.

Ces dépenses doivent être obligatoirement inscrites au budget de la Collectivité


locale.

A défaut de mandatement d'une dépense obligatoire par le maire, le président du


conseil départemental ou le président du conseil régional dans le mois suivant la mise en
demeure qui lui en a été faite par le représentant de l'État dans le département, celui-ci y
procède d'office.

Section 2. Les opérations de recettes

En vertu du principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables, l'opération


de perception des recettes publiques comporte, comme l'opération de dépense, une phase
administrative et une phase comptable puisqu’elle implique, normalement, l’émission d’un
titre de recette par l’ordonnateur, qui constate et liquide la créance, et la transmission de
ce titre au comptable en vue du recouvrement.
Le décret 2015-054/PR du 27/08/2015 portant règlement général sur la Comptabilité
publique fixe le cadre général de l'exécution des recettes publiques.
Ce cadre général est détaillé, pour chaque type de recette, par des instruments
juridiques spécifiques notamment le Code général des impôts, le Livre des procédures
fiscales, le Code des douanes, le code de l’urbanisme, la loi sur la Décentralisation et les
libertés locales et, le cas échéant, par les autres lois et règlements non codifiés.

44
Nous allons présenter d’abord les différentes catégories de recettes publiques (§1),
ensuite les différentes procédures d’exécution des recettes publiques (§2), les privilèges des
collectivités publiques en matière de recettes publique (§3) et enfin le régime spécifique de
certaines recettes publiques (§3).

§1. Les différentes catégories de dépenses

A. Les différentes catégories de dépenses de l’Etat

Les recettes de l'Etat comprennent les produits d’impôts, de taxes, de droits, les dons,
décisions de justice ou de conventions et les autres produits autorisés par les lois et
règlements en vigueur.

B. Les différentes catégories de recettes des collectivités locales

Les dépenses des collectivités locales sont prévues par la loi sur la Décentralisation
et les libertés locales. Cette loi distingue les recettes de fonctionnement (1) d’une part, et
les recettes d’investissement et d’équipement (2) d’autre part.
1. Les recettes de fonctionnement

Aux termes de l’article 333 de la loi sur la Décentralisation et les libertés locales, les
recettes de la section de fonctionnement comprennent :

• les recettes fiscales ;


• les recettes des prestations de services des collectivités territoriales ;

• les produits du patrimoine et des activités des collectivités territoriales ;


• les taxes et redevances relatives aux services d’hygiène et de salubrité publique et
aux pompes funèbres ;
• les dotations de l’Etat ;

• les recettes diverses.

2. Les recettes d’investissement et d’équipement

La liste des catégories de recettes d’investissement et d’équipement est donnée par


l’article 336 de cette loi. En vertu de cet article :
« Les ressources de la section d’investissement et d’équipement comprennent :
• les produits des avances ;
• les subventions, les dotations d’investissement et d’équipement allouées par l’Etat;
45
• les produits de l’aliénation des biens patrimoniaux ;

• l’excédent de la section fonctionnement de l’exercice précédent ;


• les prélèvements obligatoires sur les ressources de fonctionnement ;

• les fonds de concours accordés par toute personne physique ou morale ;


• les dons et legs ;

• les emprunts ;
• les recettes diverses.
§2. Les différentes procédures d’exécution des opérations de dépense

Il existe une procédure de droit commun (A) et des procédures simplifiées d’exécution
des recettes publiques.
A. La procédure de droit commun

La procédure d'exécution de droit commun des recettes publiques comporte quatre


phases : la constatation, la liquidation, l’ordonnancement et le recouvrement.
Les trois premières phases relèvent de la compétence des ordonnateurs. La dernière
phase ressort de la compétence du comptable public.
Nous allons présenter dans l’ordre les quatre phases à savoir la constatation (1), la
liquidation (2), l’ordonnancement (3) et le recouvrement (4).

1) La constatation

Selon l’alinéa 2 de l’article 37 du décret portant Règlement Général sur la


Comptabilité Publique, « la constatation a pour objet d’identifier et d’évaluer la matière
imposable ».
Cette définition qui évoque exclusivement « la matière imposable » est trop
restrictive et incomplète, car elle ne prend pas en compte les autres ressources.
La constatation débute par la vérification de légalité générale ensuite un contrôle de
légalité budgétaire et enfin l’ordonnateur du budget ou administrateur des recettes et
dépenses vérifie l’existence et la réalité de la dette du débiteur ainsi que les conditions
d’exigibilité.
La constatation peut prendre plusieurs formes à savoir la constations du fait
générateur d’un impôt comme la date du décès pour les droits de succession, la vente d’un
immeuble pour les plus-values de cession immobilière, la constatation par les services
douaniers. En matière d’emprunt le premier acte juridique de constatation est la signature
de la convention de prêt, et pour les dons la convention de donation.

46
2) Liquidation

La liquidation est définie par l’alinéa 3 de l’article 37 du décret portant RGCP comme
une opération qui a pour objet de déterminer le montant de la créance sur les redevables et
d'indiquer les bases sur lesquelles elle est effectuée.
Elle consiste à rendre la créance liquide et donc d’en arrêter le montant. C’est une
opération réalisée par l'ordonnateur, a pour objet de déterminer le montant de la dette des
redevables.
La liquidation de même que la constatation prend des formes variées selon qu’il
s’agisse d’un emprunt ou d’un don. Les recettes sont liquidées pour leur montant intégral,
sans contraction avec les dépenses. Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration
ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation.
En cas d'erreur de liquidation, l'ordonnateur émet un ordre de recouvrer afin, selon
les cas, d’annuler, d'augmenter ou de réduire le montant de la créance liquidée. Il indique,
le cas échéant, les bases de la nouvelle liquidation. Pour les créances faisant l'objet d'une
déclaration, une déclaration rectificative, indiquant les bases de la nouvelle liquidation, est
souscrite.
3) Ordonnancement

En matière de recettes publiques, l’ordonnancement consiste à émettre l'ordre de


recouvrer. L'ordre de recouvrer fonde l'action de recouvrement et a force exécutoire. C’est
la dernière phase de la procédure administrative d’exécution des recettes. Cette émission
se fait avant le recouvrement. Toutes les recettes s’exécutent par l’émission de titres de
recettes. Dès que les droits de la collectivité ou de l’établissement public local sont
susceptibles d’être constatés, il convient de procéder immédiatement à l’émission des titres.
Les ordonnateurs sont chargés de cette émission. Il peut s’agir de rôles, d’arrêtés ou d’états
de recouvrement.
Cependant, lorsque le recouvrement a lieu sans titre de recette préalable, un titre de
régularisation est émis.

4) Le recouvrement

C’est la phase comptable de la procédure d’exécution des recettes. Le comptable fait


les diligences pour assurer la rentrée des créances constatées et liquidées en prenant en
charge les titres de recette.
Le comptable public muni d'un titre exécutoire peut poursuivre l'exécution forcée de
la créance correspondante auprès du redevable, dans les conditions propres à chaque
mesure d'exécution. Le cas échéant, il peut également poursuivre l'exécution forcée de la
créance sur la base de l'un ou l'autre des titres exécutoires énumérés par l' article L. 111-3
du Code des procédures civiles d'exécution.
Dans l’exercice de ces fonctions de recouvrement le comptable est habilité à :
47
• se prévaloir des privilèges qui lui sont accordés par les textes
• faire une compensation entre créances et dettes

• apprécier l’efficience de l’opération à travers le rapport intérêt/coût


• impossibilité de faire le recouvrement pour des raisons tenant à l’ancienneté
de la recette ou à l’insolvabilité du débiteur.
Le règlement des sommes dues aux personnes publiques est fait, auprès du
comptable public, par tout moyen ou instrument de paiement prévu par le Code monétaire
et financier. Toutefois, les redevables peuvent s'acquitter de leur dette par dation en
paiement, remise de valeurs, de timbres, formules ou fournitures ou encore par exécution
de prestations en nature.
Tout versement en numéraire donne lieu à la délivrance d'un reçu ; sauf lorsque le
redevable reçoit en échange de son versement des timbres, formules et, d'une façon
générale, une fourniture dont la possession justifie à elle seule le paiement des droits. Il
n'est pas non plus délivré de reçu s'il est donné quittance sur un document restitué ou remis
au redevable.
Sous réserve des dispositions particulières prévues par le Code général des impôts,
Livre des procédures fiscales et le Code des douanes, le débiteur est libéré de sa dette s'il
présente un reçu régulier, s'il justifie du bénéfice de la prescription ou s'il établit la réalité
de l'encaissement des sommes dues par un comptable public.
Le cadre fixé par le décret de 2015 portant RGCP ne doit pas faire oublier que les
créances publiques comme les créances privées s'éteignent par le paiement du débiteur.
Elles peuvent aussi s'éteindre, sans avoir donné lieu à paiement, par la prescription, à la
suite d'une remise gracieuse accordée par l'administration ou encore à la suite d'une
admission en non-valeur.
B. Les procédures simplifiées

Dans un assez grand nombre de cas, la procédure que l'on vient de décrire connaît
certains aménagements.
Certaines recettes peuvent, eu égard à leur nature ou à leur montant, selon les
besoins propres à chaque catégorie de personnes morales, être recouvrement sans
ordonnancement ou avec ordonnancement sans que celui-ci soit préalable au recouvrement.
Après, il convient de régulariser.
D’autres recettes ne donnent pas lieu à l’émission d’un titre. Il s’agit des recettes
perçues en vertu d’actes permettant d’eux-mêmes le recouvrement : jugements, baux,
contrats, testaments, titres de ventes, etc.
A noter encore que les comptables sont amenés à percevoir avant émission d’un titre
certaines recettes comme les subventions. Les ordonnateurs sont avertis de ces
encaissements et, en règle générale, ils sont appelés à viser les documents descriptifs des
recettes correspondantes.

48
L’encaissement immédiat des amendes forfaitaires et des consignations, en ce qui
concerne des amendes pour contraventions de police, peut être fait entre les mains des
agents centralisateurs. Les sommes encaissées sont reversées à la caisse du comptable du
Trésor.
Les collectivités publiques bénéficient de nombreux privilèges en matière d’exécution
des dépenses publiques.
§3. Privilèges des collectivités publiques en matière de recettes

Les collectivités publiques disposent des privilèges pour faire exécuter leurs recettes
publiques. Lorsque les débiteurs ne payent pas spontanément les créances dues aux
personnes publiques, les comptables publics peuvent les mettre en demeure de payer. S’ils
ne paient pas malgré la mise en demeure, les comptables publics mettent en œuvre des
dispositifs pour assurer l’exécution forcée. Il s’agit notamment du commandement (A),
A. Le commandement

Le premier acte de poursuite est le commandement. Il s’agit de l’acte par lequel


l’Administration somme le contribuable de payer et lui déclare qu’à défaut par lui de se
libérer de sa dette il y sera contraint par la saisie et la vente forcée de ses biens.
Les poursuites sont exercées par ministère d’huissier ou sont effectuées par des
agents de poursuites porteurs de contraintes faisant fonction d’huissier. La contrainte est
le pouvoir de poursuivre donnée à l’agent par le comptable chargé du recouvrement. Les
agents de poursuite doivent prêter serment devant le ministre chargé des finances ou son
délégué. Ils doivent être commissionnés par ce ministre. La commission des porteurs de
contrainte peut être permanente. Elle doit indiquer la résidence de l’agent et l’étendue du
ressort de sa compétence.
Les frais de poursuite sont déterminés par Arrêté du ministre chargé des finances.
Ces frais sont mis à la charge de la partie saisie et recouvrés comme les droits ou pénalités
auxquels il se rapporte. Les poursuites comprennent les deux degrés suivants :

❖ Premier degré : la saisie


❖ Deuxième degré : la vente
La saisie intervient 12 jours francs après la mise en demeure valant commandement. Les
ventes ne peuvent avoir lieu que 8 jours après autorisation du ministre chargé des finances.
Les saisies peuvent être effectuées suivant les formes ci-après : saisies exécution, saisie-
arrêt, saisie immobilière, avis à tiers détenteur, vente globale de fonds de commerce.

B. La saisie exécution

La saisie exécution est une saisie mobilière pratiquée par un huissier après que celui-
ci ait invité une nouvelle fois le débiteur à se libérer. Cette saisie doit tenir compte de la
liste des biens insaisissables énumérés par l’article 311 du code de procédure civile à savoir
notamment :

49
- Les vêtements du saisi et des personnes à sa charge jusqu’à une valeur de 25 000
FCFA ;

- Le mobilier nécessaire au coucher du saisi et de sa famille ;


- Les provisions alimentaires nécessaires à la consommation du saisi et de sa famille
pendant un mois ;

- Les livres, documents et outils indispensables à la profession du saisi jusqu’à une


valeur de 50 000 FCFA à son choix ;

- La part des salaires déterminée insaisissables par le code du travail.

C. La saisie-arrêt

La saisie-arrêt est une saisie des effets mobiliers dont le débiteur est propriétaire mais
qui sont détenus par des tiers. Elle peut porter sur des salaires, mais elle est effectuée par
l’intermédiaire d’un huissier dans le respect des dispositions du code de procédure civile.

D. La saisie immobilière

Une saisie immobilière est une saisie judiciaire qui permet de vendre aux enchères
publiques un bien immobilier dont le débiteur est propriétaire afin de rembourser des
créanciers. Le comptable public chargé du recouvrement peut demander que les biens
immobiliers appartenant au contribuable soient vendus. Cette mesure ne peut être exécutée
que sur autorisation préalable de l’Administration fiscale.

E. L’avis à tiers détenteur

Des mesures particulières telles que avis à tiers détenteur peuvent être appliquées
pour assurer le recouvrement des créances publiques. L’avis à tiers détenteur est un acte
de procédure qui permet au comptable, sur simple demande d’obliger un tiers à lui verser
sur les fonds dont il est dépositaire, détenteur ou débiteur à l’égard d’un redevable, les
impôts dus par ce dernier.
1. Les revenus concernés par l’avis à tiers détendeur

L'avis à tiers détenteur peut être utilisé pour tous les droits qui bénéficient de l'un des
privilèges généraux du trésor. L'ATD ne peut porter que sur des sommes appartenant ou
devant revenir au débiteur. Il peut aussi porter sur l’ensemble des comptes sauf les comptes
titres et ne concerne pas les coffres –forts. Les revenus qui peuvent être concernés sont
notamment le salaire, les honoraires, pension de retraite, les allocations de retraite en tout
ou en partie.
En revanche, ne peuvent pas être concernés par l'ATD les minima sociaux, les
prestations familiales.
50
Malgré l'ATD, vous pourrez effectuer des retraits des comptes où ces sommes sont
versées dans la limite de leur montant si vous justifiez à la banque de leur origine.
2. Procédure

▪ Le trésor informe le banquier par pli recommandé avec accusé de réception. Le


contribuable est informé de l’ATD par les mêmes moyens

▪ Si le ou les comptes sont débiteurs, l’ATD est sans effet.


▪ Lorsque la banque reçoit l'ATD, elle indique au Trésor Public si le solde du
compte permet le paiement total ou partiel de l'ATD :

▪ Si le solde du compte est créditeur, la banque procède au blocage des comptes


pendant un délai de 15 jours ouvrables. Ce délai lui permet de calculer le solde
effectivement disponible sur les comptes en fonction des opérations en cours.
Sauf mainlevée donnée par le Trésor Public ( au cas où la dette est réglée par un autre
moyen), les fonds saisis sont versés au Trésor dans un délai de 2 mois.

3. Les effets de l'ATD

L'ATD a pour effet d'affecter dès réception, les sommes dont le versement est demandé
au paiement des impositions privilégiées quelle que soit la date à laquelle les créances
deviennent exigibles. Lorsqu'une personne est simultanément destinataire de plusieurs
avis établis au nom du même débiteur, elle doit en cas d'insuffisance des fonds, exécuter ces
avis en proportion de leur montant.
4. La responsabilité du tiers détenteur

Le tiers détenteur qui ne défère pas à la demande du comptable devient personnellement


responsable sur ses biens des sommes réclamées, à concurrence des fonds qu'il détient pour
le compte du redevable ou qu'il lui doit.
5. Mainlevée des avis à tiers détenteur

Lorsque, après la notification d'un avis à tiers détenteur, le redevable vient à n'être plus
débiteur des impositions réclamées, le service ne doit pas manquer de donner aussitôt
mainlevée de son opposition.

F. La vente globale de fonds de commerce

Le fonds de commerce peut être défini comme étant un ensemble de biens mobiliers,
corporels et incorporels qu’un commerçant (personne physique ou morale) affecte à une
activité commerciale. Le fonds comprend en effet des éléments corporels (notamment le
mobilier commercial, le matériel, l’outillage, la marchandise...), mais aussi des éléments
51
incorporels ( l’enseigne, le nom commercial, la clientèle, les droits de propriété industrielle,
littéraire et artistique) .La vente globale de fonds de commerce doit répondre aux conditions
de capacité, de consentement et de prix ainsi qu’aux autres conditions exigées par le code
civil (accord parfait entre l’acheteur et le vendeur sans vice de consentement : erreur, dol
ou violence).

G. La contrainte par corps

La contrainte par corps est une mesure d'exécution légale qui consiste à appréhender
de plein droit, un condamné afin qu'il s'acquitte de son dû (article 523 du code de procédure
pénale). Elle n’est utilisée que dans des cas très exceptionnels. Elle peut être prononcée par
le tribunal à la requête de l’Administration lorsque le contribuable a été taxé d’office à
l’impôt sur le revenu ou aux taxes sur le chiffre d’affaires et qu’il change fréquemment de
domicile pour échapper au paiement de l’impôt. Elle peut également être décidée par le
tribunal qui a prononcé une condamnation pénale à l’encontre des dirigeants d’une société
pour fraude fiscale.
La réquisition aux fins de contrainte par corps est adressée au Ministère Public par
le comptable du Trésor chargé du recouvrement à l’égard des débiteurs solvables, après
épuisement sur les biens et l’envoi d’un commandement signifié à personne. L’initiative de
la contrainte par corps appartient au Ministère Public.

§4. Le régime spécifique de certaines recettes publiques

Les comptables examinent sous leur responsabilité les titres qui leur sont transmis
par les ordonnateurs. Ils doivent faire toute diligence pour assurer la rentrée des produits
aux échéances déterminées par les termes des conventions ou des règlements qui régissent
ces produits.

Les comptables délivrent quittance pour toutes les sommes qui leur sont versées et
émargent les titres.

Les comptables sont tenus, sous leur responsabilité personnelle, de faire contre les
débiteurs en retard, les exploits, significations et poursuites nécessaires, d’avertir les
ordonnateurs de l’expiration des baux, d’empêcher les prescriptions, de veiller à la
conservation des domaines, droits, privilèges, hypothèques, gages et nantissements, de
requérir l’inscription de tous titres susceptibles d’hypothèques ou autres sûretés réelles.

Il y a lieu de s’assurer de la force du titre en vertu duquel les poursuites vont être
engagées.

Il faut, en effet, distinguer les recettes qui figurent sur un rôle exécutoire ou qui résultent
d’un contrat ou d’un jugement exécutoire et celles qui ont donné lieu à émission d’un titre.
Il faudra rendre exécutoire le titre s’il doit y avoir recouvrement forcé.

A. Recettes assises, liquidées et recouvrées par les services fiscaux

52
Quelle que soit l'importance de la collectivité, il n'existe pas, en droit togolais, de
services fiscaux propres aux collectivités locales de sorte que c'est toujours l'État, par
l’intermédiaire de l’Office Togolais des Recettes (OTR), qui est en charge des impôts y
compris ceux perçus au profit des collectivités territoriales ou de la sécurité sociale.
Les impôts directs nationaux (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés) ou locaux
(taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, taxe d'habitation et patente) sont
perçus par voie de rôles rendus exécutoires par le commissaire général de l’OTR et
recouvrés par les comptables des administrations financières des impôts et des douanes.
Les impôts indirects (TVA, ISF, droits de succession notamment) doivent être versés
spontanément par les contribuables aux services fiscaux. Ces derniers n'émettant un avis
de mise en recouvrement que dans l'hypothèse où le contribuable ne se serait pas acquitté
volontairement de son obligation fiscale. Le titre de recette, que constitue l'avis de mise en
recouvrement, comme l'impôt spontanément versé, n'est pas acquitté entre les mains d'un
comptable direct du Trésor mais auprès comptables des administrations financières des
impôts et des douanes.
Les redevables peuvent former une opposition à l'exécution en cas de contestation de
l'existence de la créance, de son montant ou de son exigibilité. Il s'agira d'une opposition à
poursuites en cas de contestation de la régularité de la forme d'un acte de poursuite.
L'opposition à l'exécution et l'opposition à poursuites ont pour effet de suspendre le
recouvrement de la créance.
B. Amendes et condamnations pécuniaires

Les amendes et condamnations pécuniaires, entendues comme les amendes pénales,


civiles, les confiscations, réparations, restitutions, dommages et intérêts, frais ayant le
caractère de réparation et intérêts moratoires ainsi que les frais de justice et les droits fixes
de procédure, répondent à des procédures propres.

• d'une part, il y est précisé que le recouvrement des amendes et condamnations


pécuniaires est poursuivi contre les condamnés, les débiteurs solidaires, les
personnes civilement responsables et leurs ayants cause ;
• d'autre part, lorsqu'un débiteur bénéficie d'une mesure d'amnistie ou de grâce qui
n'est pas subordonnée au paiement des amendes et condamnations pécuniaires, le
recouvrement de celles-ci est abandonné. Le recouvrement des amendes et
condamnations pécuniaires est également abandonné lorsque le débiteur a exécuté
les conditions d'une transaction ou lorsqu'il justifie du bénéfice de la prescription ;
• enfin, les amendes pour contraventions de police et délits concernant la circulation
peuvent, dans les conditions fixées soit par le Code de procédure pénale, soit par le
Code de la route, faire l'objet d'un paiement immédiat entre les mains des agents
verbalisateurs. Il en est de même des amendes soumises à la procédure d'amende
forfaitaire. Les sommes encaissées par les agents verbalisateurs sont versées à la
caisse d'un comptable public de l'État.

C. Arrêté de débet

53
Le débet est l’obligation pour l’agent public de réparer sur ses deniers propres, le
préjudice qu’il a causé à la collectivité publique. L’arrêté de débet est un titre exécutoire,
un « fondement juridique à une obligation faite à une personne de payer une créance
publique » (CE, 20 nov. 1970, n° 73583 ).
De par sa nature, cet acte administratif a un périmètre d'application strictement
délimité. Il est émis par les seuls ministres, pour les seules créances de l'État, à l'exclusion
des créances des collectivités territoriales, à l'encontre d'un comptable public, d'un titulaire
de marché public ou d'une personne tenue de rendre compte soit de l'emploi d'une avance
reçue, soit de recettes destinées à l'État.
La Cour des comptes est seule compétente pour se prononcer définitivement sur la
responsabilité des comptables publics et, a fortiori, sur leur mise en débet.
Le Conseil d'État a eu l'occasion de préciser que la requête tendant à l'annulation
d'un jugement rejetant une demande d'annulation contre un arrêté de débet est par sa
nature un litige de plein contentieux, rendant ainsi obligatoire le ministère d'avocat ( CE,
23 juin 1965, n° 66474).
D. Créances non fiscales des collectivités territoriales et de leurs établissements
publics

Les produits des collectivités locales, qui ne sont pas assis et liquidés par les services
fiscaux de l'État en exécution des lois et règlements en vigueur, sont recouvrés soit en vertu
de jugements ou de contrats exécutoires, soit en vertu de titres de recettes ou de rôles émis
et rendus exécutoires par le maire en ce qui concerne la commune.

Section 3. Les Opérations de trésorerie

L’exécution des opérations de trésorerie repose sur le principe de l’unité de trésorerie


(§2) et est effectuée exclusivement par les comptables publics (§3). Avant de présenter ces
deux principes, il convient d’identifier les opérations de trésorerie (§1).

§1. L’identification des opérations de trésorerie

Les opérations de trésorerie désignent tous les mouvements de numéraires, de


valeurs mobilisables, de comptes de dépôts, de comptes courants et de comptes de créances
et de dettes à court, moyen et long termes.

L’article 54 du décret portant Règlement Général sur la Comptabilité Publique qui a


fixé la liste des opérations de trésorerie.

Selon cet article, elles comprennent :

- les opérations d'encaissement et de décaissement;


- l'approvisionnement et le dégagement en fonds des caisses publiques;
- l'escompte et l'encaissement des traites et obligations émises au profit de
l'Etat dans le cadre de la réglementation en vigueur ;
- la gestion des fonds déposés par les correspondants et les opérations faites
54
pour leur compte;
- les tirages sur financements extérieurs, l'émission, la conversion, la gestion et
le remboursement des emprunts publics à court, moyen et long termes; -les
opérations de prêts et avances;
- l'encaissement des produits des cessions d'actifs.

La loi organique relative aux lois de finances de 2014 distingue les ressources de
trésorerie (A) et les charges de trésorerie (B).

A. Les ressources de trésorerie

En vertu de l’article 27 de la loi organique relative aux lois de finances, les ressources
de trésorerie de l’Etat comprennent :

- les produits provenant de la cession d’actifs ;


- les produit des emprunts à court, moyen et long terme ;
- les dépôts sur les comptes des correspondants ;
- les remboursements de prêts et d’avances

B. Les charges de trésorerie

Selon l’article 28 de la loi organique relative aux lois de finances de 2014, les
charges de trésorerie sont :

- Le remboursement des produits des emprunts à court moyen et long terme


- Les retraits sur les comptes des correspondants
- Les prêts et les avances

§2. Le principe de l’unité de trésorerie

A. L’énoncé du principe de trésorérie

Les opérations de trésorerie reposent sur un principe cardinal, celui de l'unité de


trésorerie. Ce principe signifie que toutes les recettes publiques perçues doivent être
versées dans une caisse unique permettant de procéder, en tout point du territoire, au
paiement de toutes les dépenses publiques.
L’alinéa 2 de l’article 56 du décret portant RGCP précise que : « l’unité de trésorerie
est le principe selon lequel le Trésor a un seul compte ouvert à la banque centrale dans
lequel toutes les ressources de l'Etat sont déposées et duquel tous les décaissements sont
effectués. »
L’alinéa 1er de ce décret dispose que : « les fonds détenus par les comptables publics
sont gérés selon le principe de l'unité de caisse. Un poste comptable dispose, sauf dérogation
expresse du ministre chargé des Finances, d'une seule caisse, d'un seul compte courant
bancaire ou postal quel que soit le nombre d'unités administratives dont il assure la
gestion ».

55
Tous les fonds publics, y compris les ressources extérieures mobilisées au titre des.
projets sont déposés dans un compte unique du Trésor public ouvert dans les livres de la
Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO).
La règle de l’unité de trésorerie s’applique aux collectivités locales et à l’ensemble
des organismes publics. En effet, l’article 29 de la loi organique relative aux lois de finances
dispose que « sauf dérogation accordée par décret les organismes publics autres que l’Etat
sont tenus de déposer toutes leurs disponibilités au Trésor public. ».
Loin d'être théorique, cette règle a reçu une application contentieuse extensive. Il a
en effet été jugé que des fonds dégagés en fin d'exercice après exécution du budget, qui
correspondent à des disponibilités qui excédent les besoins immédiats de la collectivité, sont
soumis à la règle de dépôt au Trésor. Dès lors, en accordant directement aux communes qui
en font la demande des avances financières remboursables sans intérêt, à partir de ces
fonds disponibles, et ne les déposant pas sur le compte unique du Trésor ouvert aux
collectivités locales, et sans justifier ni même soutenir avoir obtenu une autorisation
ministérielle dérogatoire, un département méconnaît ladite règle du dépôt unique et
centralisé au Trésor (CAA Marseille, 30 mai 2000, n° 98MA00346, n° 98MA00393,
n° 98MA00394, n° 98MA00395, n° 98MA00396 et n° 98MA0039, préfet Alpes-de-Haute-
Provence).
B. Les aménagements au principe de l’unité de trésorerie

Bien que fondamentale, cette règle souffre de quelques aménagements.

Hormis le cas particulier des régies d’avances et de recettes, il est prévu un régime
général de dérogations à l’obligation de dépôt auprès du Trésor public pour les recettes
exceptionnelles (primes d'assurance, sommes perçues à l'occasion d'un litige ou d'un
contentieux…).

Par ailleurs, le ministre chargé des Finances peut autoriser l'ouverture de comptes :

- sur le territoire national, à la BCEAO ou dans une banque commerciale pour y déposer
les fonds mobilisés dans le cadre de conventions de financement des bailleurs de fonds.

Dans ce cas, la convention de financement prévoit les modalités de gestion desdits


comptes :

- sur le territoire national, dans des banques commerciales situées dans des localités
non desservies par des agences de la BCEAO;
- à l'étranger, dans des institutions financières agréées par le ministre chargé des
Finances.

§3. Monopole et étendue des attributions des comptables

L’article 55 du décret portant RGCP énonce le monopole des comptables publics pour
exécuter les opérations de trésorerie en ces termes : « les opérations de trésorerie sont
exécutées exclusivement par les comptables publics, soit à leur propre initiative, soit sur
56
l'ordre du ministre chargé des Finances, soit encore à la demande des tiers qualifiés pour
leur compte. ». Il en résulte que seuls les comptables publics de l'État sont habilités à
manier les fonds du Trésor et seuls les comptables publics et les régisseurs de recettes ou
d'avances peuvent ouvrir un compte de disponibilités.
Les opérations de trésorerie pouvant être effectuées par les comptables sont
notamment le mouvement des disponibilités de l'organisme ; l'escompte et l'encaissement
des effets de toute nature émis au profit de l'organisme ; la gestion des fonds au nom et pour
le compte de tiers ; l'émission, la conversion, la gestion et le remboursement des emprunts
et autres dettes de l'organisme.

57
Chapitre III. - Contrôle de l'exécution des opérations financières publiques

L’exécution des opérations financières publique est soumise à des contrôles variés
afin de s’assurer que les règles et principes posés sont respectés et de garantir une bonne
gestion des deniers publics. Le contrôle peut être exercé à priori, concomitamment (en cours
d’exécution) ou à postériori. Le contrôle à priori s’effectue avant l’encaissement ou le
décaissement de l’argent public, le contrôle concomitant s’effectue en cours d’exécution et le
contrôle à postériori se réalise après l’encaissement et le décaissement.
Le contrôle de l’exécution des opérations financières des personnes publiques est
traditionnellement confié à une juridiction.
Mais ce contrôle exercé par le juge des comptes n'exclut pas d'autres contrôles
effectués au sein de l'administration ou par des assemblées délibérantes.
Nous allons étudier dans un premier temps les contrôles administratifs (Section 1),
dans un deuxième temps le contrôle juridictionnel (Section 2) et dans un troisième temps
le contrôle politique (Section 3).

Section 1. Contrôles administratifs

L'exécution des dépenses et des recettes prévues par les budgets des administrations
publiques suppose que l'ordonnateur et le comptable mettent en œuvre des contrôles qui
ont, en raison du moment où ils sont réalisés, une nature préalable.
Au-delà de ces contrôles réciproques, il est prévu des contrôles qui sont effectués par
d’autres institutions de l’administration. Il s’agit des contrôles administratifs dans la
mesure où ils sont effectués par des institutions administratives. Ils peuvent être réalisés
à priori, pendant l’exécution ou à posteriori.
Le contrôle administratif s’exerce soit sous la forme d’un contrôle hiérarchique, soit
sous la forme de contrôle assuré par des institutions bien déterminées.
Nous allons présenter successivement le contrôle administratif hiérarchique (§1) et
le contrôle administratif assuré par d’autres institutions administratives (§2).
§1. Le contrôle administratif hiérarchique

Le contrôle administratif hiérarchique de l’exécution des budgets publics est assuré


directement par le Ministre de l’Economie et des Fiances (A) et par les contrôleurs
financiers internes (B).
A. Le contrôle assuré par le Ministre de l’Economie et des Finances

Le Ministre de l’Economie et des Finances est un acteur clé de l’exécution des


procédures budgétaires en général et des opérations financières publiques en particulier.
Sur ce second plan, il assure un contrôle non seulement sur les ordonnateurs de l’Etat (1),
mais aussi sur les comptables publics (2).

58
1. Le contrôle sur les ordonnateurs de l’Etat

Le Ministre de l’Economie et des Finances exerce un contrôle sur les ordonnateurs


de l’Etat en vertu de son pouvoir de régulation budgétaire et de garantie de l’équilibre de
l’exécution budgétaire.
L’article 10 du décret portant RGCP énonce les prérogatives qu’il peut exercer à ce
titre. Ainsi, selon cet article, le ministre chargé des Finances peut :
- annuler un crédit devenu sans objet au cours de l’exercice;
- annuler un crédit pour prévenir une détérioration de l'équilibre budgétaire et
financier de la loi de finances.
- subordonner l’utilisation des crédits par les ordonnateurs aux disponibilités de
trésorerie de l’Etat.
Ce contrôle peut paralyser le fonctionnement de certains ministères ou institutions en
cas de rigueur excessive du ministre de l’Économie et des finances. En pratique, ces
difficultés peuvent être arbitrées par le Premier ministre et, si nécessaire, le Président de
la République.

2. Le contrôle sur les comptables publics

Les comptables publics relèvent du ministère de l’économie et des finances. A ce titre,


ils sont soumis à l’autorité de celui-ci qui exerce un contrôle sur eux.
Ainsi, en cas de refus de paiement d’une dépense publique par un comptable public,
lorsqu’il fait l’objet de la réquisition, il doit informer le ministre de l’Économie et des
finances. C’est en cas d’accord de celui-ci qu’il peut payer la dépense pour laquelle il a été
requis.
Dans le même sens, les comptables publics sont tenus de transmettre un certain
nombre de pièces de l’exécution budgétaire au ministre de l’Economie et des Finances.
Il faut aussi rappeler que le ministre de l’Economie et de Finances peut prendre
l’initiative d’une procédure de débet si la responsabilité personnelle et pécuniaire du
comptable public est engagée.

B. Le contrôleur financier interne

Dans le prolongement de la mise en œuvre de la loi organique de 2014 relative aux


lois de finances, les administrations centrales ont installé, auprès des ordonnateurs
principaux de l'État, un contrôleur financier ministériel, placé sous l'autorité du ministre
chargé des Finances.

59
Conçu comme l'interlocuteur dédié du ministère chargé des Finances auprès des
ministères, il dispose d'une vision globale et a pour mission l'amélioration de la sécurité et
de la fiabilité de la chaîne d'exécution de la dépense publique.
Nous allons analyser le statut du contrôleur financier (1), ses compétences (2) et sa
responsabilité (3).
1. Statut du contrôleur financier

Le statut du contrôleur financier a été fixé par le décret n° 2017-117/PR portant


attributions, organisation et fonctionnement de la direction nationale du contrôle financier
Le contrôleur financier et à la fois contrôleur budgétaire et comptable public.

2. Rôle du contrôleur financier

Les contrôleurs financiers exercent des contrôles a priori et a posteriori des


opérations budgétaires de l’Etat. Ils sont placés auprès des ordonnateurs.
Leur rôle consiste à analyser la situation financière des ministères, de détecter et de
maîtriser les risques financiers, d'évaluer la sincérité des prévisions des dépenses
publiques.
Ils peuvent effectuer, soit un contrôle à priori (a), soit un contrôle à posteriori (b).
a. Le contrôle à priori du contrôleur financier

Le contrôle à priori du contrôleur financier est un contrôle effectué avant


l’ordonnancement. Aux termes de ce contrôle, si tout lui paraît correct, le contrôle financier
émet un visa pour valider l’opération. Le cas contraire, il refuse l’opération en n’émettant
pas de visa.
Ainsi, tous les actes des ordonnateurs portant engagement de dépenses, notamment,
les marchés publics ou contrats, arrêtés, mesures ou décisions émanant d'un ordonnateur
sont soumis au visa préalable du contrôleur financier.
Dans le cadre de ce contrôle à priori, le contrôleur financier examine les actes qui lui
sont soumis au regard de :
- l’imputation exacte de la dépense,
- la disponibilité des crédits,
- l’application des dispositions d'ordre financier, des lois et règlements,
- leur conformité, avec les autorisations parlementaires
- des conséquences que les mesures proposées peuvent avoir sur les finances
publiques.
L’alinéa 4 de l’article 88 du décret portant Règlement Général sur la Comptabilité
Publique dispose que : « toute ordonnance de paiement, tout mandat de paiement ou
60
toute délégation de crédits ne peut, être présenté à la signature de l'ordonnateur
qu'après avoir été soumis au visa du contrôleur financier ou de son délégué. Les
ordonnances ou mandats de paiement et les délégations de crédits non revêtus du visa
du contrôleur financier ou de son délégué sont nuls et de nul effet ». L’alinéa 5 précise
que « le contrôleur financier ou son délégué s'assure notamment que les ordonnances et
les mandats se rapportent à un engagement de dépenses déjà visé par lui ».
Néanmoins, le contrôleur financier peut adapter les conditions de mise en œuvre de
ses contrôles au regard de la qualité et de l'efficacité du contrôle interne ainsi que du
contrôle de gestion mis en œuvre par l'ordonnateur.
Le contrôleur financier ou son délégué tient la comptabilité des dépenses engagées
afin de suivre la consommation des crédits et de déterminer la disponibilité ou non des
crédits suffisants pour de nouveaux engagements de dépenses.
b. Le contrôle à posteriori du contrôleur financier

Aux termes de l’article 90 du décret portant RGCP : « les contrôleurs financiers


évaluent a posteriori les résultats et les performances des programmes, au regard des
objectifs fixés et des moyens utilisés et de l’organisation des services des ordonnateurs ». Il
s’agit du contrôle de performance qui est réalisé par le contrôleur financier.

3. La responsabilité du contrôleur financier

Les contrôleurs financiers sont responsables aux plans disciplinaire et pénal et civil
sans préjudice des sanctions qui peuvent leur être infligées par la cour des comptes , de visa
qu’ils apposent sur les actes portant engagement de dépenses ou les ordonnances mandats
de paiement ou de délégation de crédits.
Le contrôleur financier est personnellement responsable des contrôles portant sur la
disponibilité des crédits, la vérification des prix par rapport à la mercuriale en vigueur et,
au titré de la validité de la créance, sur l'exactitude des calculs de liquidation de la dépense.
Si les mesures proposées lui paraissent entachées d'irrégularités au regard des
dispositions qui précèdent, le contrôleur financier refuse son visa. En cas de désaccord
persistant, il en réfère au ministre chargé des Finances. Il ne peut être passé outre au refus
de visa que sur autorisation écrite du ministre chargé des Finances. Dans ce cas, la
responsabilité du ministre chargé des Finances se substitue à celle du contrôleur financier.
De même, lorsque le contrôleur financier délivre une autorisation écrite permettant
de passer outre le refus de visa de son délégué auprès d'un ministère, d'une institution ou
d'une autre administration publique centrale ou déconcentrée, la responsabilité du
contrôleur financier se substitue à celle de son délégué.

s'appuie, pour l'exercice de ses missions, sur deux départements distincts, l'un de
contrôle budgétaire, l'autre de contrôle comptable, L'action de ces deux services, placée sous

61
l'autorité du contrôleur budgétaire et comptable ministériel, permet d'avoir une vision
globale des processus financiers et d'harmoniser les contrôles.
156. – Le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique est venu donner une nouvelle impulsion à cet acteur du processus
d'exécution de la dépense publique.
157. – En premier lieu, le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 rappelle que le contrôle
budgétaire est exercé, sous l'autorité du ministre chargé du budget, par un contrôleur
budgétaire. Il précise que le contrôle opéré porte sur l'exécution des lois de finances et a
pour objet d'apprécier le caractère soutenable de la programmation, effectuée en application
de l'article 66, et de la gestion en cours, au regard des autorisations budgétaires, ainsi que
la qualité de la comptabilité budgétaire. Il concourt ainsi à l'identification et à la prévention
des risques encourus, ainsi qu'à l'analyse des facteurs explicatifs de la dépense et du coût
des politiques publiques.
158. – En deuxième lieu, le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 précise les missions
que le contrôleur budgétaire et comptable ministériel poursuit :

• il vise le document de répartition initiale des crédits et des emplois ; document qui
lui est transmis par le ministre, à compter du 1er décembre de l'année précédente,
ainsi que toutes les modifications intervenues entre la transmission initiale et la
publication des décrets de répartition des crédits ouverts en loi de finances. Son visa
est délivré après les vérifications suivantes : total des crédits de chaque programme,
répartis entre les budgets opérationnels de programme ; total des autorisations
d'emplois du ministère réparties entre les programmes correspond au plafond
ministériel d'autorisations d'emplois ; cohérence des répartitions ainsi opérées ;
cohérence entre les emplois alloués par programme et les crédits de personnel
correspondants ; caractère soutenable de la répartition de la mise en réserve de
crédits prévue à l'article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 ;
• il vise le document prévisionnel de gestion des emplois et des crédits de personnel.
Le visa porte sur le respect du plafond d'autorisation d'emplois exprimé en équivalent
temps plein travaillé et du plafond des crédits de personnel ouverts en loi de finances.
Il porte sur la compatibilité des prévisions de recrutement avec la variation des
effectifs exprimés en équivalent temps plein présentée dans les projets annuels de
performances, le cas échéant corrigée des amendements adoptés lors de l'examen du
projet de loi de finances par le Parlement. Ce visa est préalable au visa des
autorisations et actes de recrutement. Toutefois, en cas d'urgence avérée, le visa des
autorisations et actes de recrutement peut intervenir préalablement à celui du
document prévisionnel de gestion ministériel prévu à l'article 68, sous réserve qu'ils
soient compatibles avec la variation des effectifs mentionnée au troisième alinéa. Le
contrôleur budgétaire délivre son visa dans un délai de quinze jours à compter de la
réception du document prévisionnel de gestion. Lorsqu'il ne délivre pas son visa dans
ce délai, il saisit le ministre chargé du budget qui peut l'autoriser à procéder au visa
d'autorisations et actes de recrutement ;
• il rend un avis sur le caractère soutenable du budget opérationnel de programme, en
prenant en compte la couverture des dépenses obligatoires et inéluctables ; la
cohérence entre le montant des crédits inscrits dans le document de répartition
initiale des crédits et emplois ; les conséquences budgétaires de cette programmation
62
sur les années ultérieures. Sauf autorisation expresse du contrôleur budgétaire et
comptable ministériel, tant que l'avis du contrôleur budgétaire sur le budget
opérationnel de programme n'est pas rendu, le responsable de ce budget ne peut
consommer plus de 25 % des montants des autorisations d'engagement et des crédits
de paiement prévus par le document de répartition initiale des crédits ;
• il procède à la mise en réserve des crédits prévue par le 4° bis de l' article 51 de la loi
organique n° 2001-692 du 1er août 2001. Il effectue la levée partielle ou totale de la
réserve sur instruction du ministre chargé du budget. Lorsqu'il a connaissance des
projets d'annulation ou de mouvements de crédits envisagés en application des
articles 12, 13 et 14 de la loi organique du 1er août 2001 et de leurs conséquences sur
le budget de son ministère, le contrôleur budgétaire et comptable ministériel donne
un avis sur ces projets et procède à titre conservatoire au blocage des crédits
nécessaires à leur mise en œuvre jusqu'à la date de publication du décret procédant
à l'annulation ou au mouvement de crédits ;
• il émet un avis sur tout projet de répartition de crédits ayant pour effet de diminuer
le montant des crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel d'un programme
dépendant de son ministère ;
• les décisions d'engagements et les décisions d'affectation de crédits à une opération
d'investissement peuvent, eu égard à la nature ou au montant de la dépense, être
soumises au visa ou à l'avis préalable du contrôleur budgétaire ;
• les autorisations et actes de recrutement ainsi que les actes de gestion des personnels
peuvent être soumis au visa ou à l'avis préalable du contrôleur budgétaire ;
• lorsqu'ils sont soumis à son visa ou à son avis préalable, le contrôleur budgétaire
examine les projets d'autorisations et d'actes au regard de la disponibilité des crédits
et des emplois, des dispositions statutaires ou indemnitaires applicables, de la
hiérarchie des emplois et des rémunérations au sein du ministère et de leurs
conséquences budgétaires ;
• le contrôleur budgétaire peut contrôler a posteriori des actes non soumis à visa ou
avis préalable et procéder à des analyses portant sur les circuits et procédures des
dépenses des ordonnateurs ;
• le contrôleur budgétaire s'assure de la qualité des éléments de
lacomptabilitébudgétaire relevant de l'ordonnateur ;
• dans le cadre de ses contrôles, le contrôleur budgétaire s'assure de la réalité, de
l'exhaustivité, de la correcte évaluation et du bon rattachement des affectations et
des engagements. Il s'assure également, en liaison avec le comptable public, de leur
correcte imputation. Le cas échéant, il saisit l'ordonnateur, à des fins de correction,
des erreurs ou insuffisances dont il a connaissance.

3° Statut particulier du contrôleur interne

Depuis l'entrée en vigueur du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, dans chaque


organisme a été mis en place un dispositif de contrôle interne budgétaire et de contrôle
interne comptable.
160. – Le contrôle interne budgétaire a pour mission de maîtriser les risques afférents à la
poursuite des objectifs de qualité de lacomptabilitébudgétaire et de soutenabilité de la
programmation et de son exécution.

63
Le contrôle interne comptable a pour objet la maîtrise des risques afférents à la poursuite
des objectifs de qualité des comptes, depuis le fait générateur d'une opération jusqu'à son
dénouement comptable.

L'audit interne budgétaire et comptable, exercé de manière indépendante et objective, a


pour objet de donner à chaque organisme une assurance raisonnable sur le degré de
maîtrise des opérations budgétaires et comptables qu'il conduit, ainsi qu'une appréciation
de la qualité du contrôle interne budgétaire et comptable.

L'organe délibérant arrête un programme d'audit. Le cas échéant, il met en place un comité
d'audit, chargé de porter une appréciation sur la qualité du contrôle interne budgétaire et
comptable et de faire toutes propositions tendant à l'amélioration de ce dernier. Le
programme d'audit est soumis à ce comité.

161. – Lorsque l'organisme ne dispose pas d'audit interne, l'évaluation de la maîtrise des
opérations budgétaires et comptables ainsi que l'appréciation de la qualité du contrôle
interne budgétaire et comptable sont réalisées par des auditeurs placés sous l'autorité du
ministre chargé du budget ou du ministre de tutelle de l'organisme.
162. – Le comptable centralisateur des comptes de l'État est destinataire des rapports
établis à l'issue des missions d'audit réalisées.

§2. Le contrôlé exercé par des institutions administratives spécialisées

Le contrôle de l’exécutions des opérations financières publique est aussi assuré par des
institutions administratives spécialisées que l’exécutif peut créer. ). Il s’agit en pratique
des inspections de contrôle qui peuvent intervenir sur les aspects financiers.
Ces institutions assurent un contrôle administratif interne. Ce contrôle peut se faire sur
pièce ou sur place. Il est contradictoire.
L’article 95 du décret portant RGCP exige que le résumé des rapports qui sont produits
par les organes de contrôle soient mis à la disposition du public.
Il existe plusieurs institutions administratives de contrôle notamment l’inspection
générale des finances, l’inspection générale de l’Etat.
Nous allons axer les développements sur le contrôle exercé par l’Inspection général des
finances (A) et par l’Inspection Générale de l’Etat (B).

A. Contrôle exercé par l'Inspection générale des finances

L’Inspection générale des finances été créé par Décret n°2008-093/PR du 29 juillet 2008
portant création, organisation, attributions et modalités de fonctionnement de l’inspection
générale des finances.
C’est un corps de hauts fonctionnaires choisis parmi les fonctionnaires de la catégorie A
des services économiques et financiers ayant servi pendant au moins quinze (15) ans dans
64
une administration centrale du ministère chargé des finances. Ils sont placés directement
sous l'autorité du ministre des Finances.
L’inspection générale des finances exerce une mission générale de contrôle, d’audit,
d’étude, de conseil et d’évaluation en matière administrative, économique et financière. Les
inspecteurs des finances ont une mission de contrôle particulièrement étendue puisque leur
contrôle s'exerce sur les comptables, sur les ordonnateurs autres que les ministres et sur
les comptes des organismes publics ou même semi-publics dès lors qu'ils sont soumis au
contrôle de l'État. Ils procèdent au contrôle financier et comptable, à l’audit et à l’évaluation
des procédures administratives et de gestions des établissements publics nationaux, des
sociétés d’Etat et de tous autres organismes sous tutelle ou bénéficiaires des concours
financiers de l’Etat ou des collectivités territoriales publiques.
Les contrôles de l'Inspection générale des finances peuvent avoir lieu à l'improviste,
c’est-à-dire de façon inopinée. Néanmoins, ils présentent toujours un caractère
contradictoire dans la mesure où le service contrôlé a la possibilité de se justifier.
L’article 20 du décret n°2008-093/PR du 29 juillet 2008 portant création, organisation,
attributions et modalités de fonctionnement de l’inspection générale des finances prévoit
que : « au terme de chaque mission, un rapport est établi et signé par le ou les inspecteurs
ayant procédé à l’enquête, à la vérification ou à l’audit. Le rapport est adressé par
l’inspecteur général au service contrôlé, lequel doit exercer son droit de réponse dans un
délai maximum de trente (30) jours à compter de la date de réception du rapport. Passé ce
délai, le rapport est considéré comme définitif ».
Selon le principe de la distinction entre la constatation et l'action, l'inspecteur des
finances constate la situation du poste comptable. Cependant, en cas de déficit, l'inspecteur
peut prendre des mesures conservatoires.
A la fin d’une mission de contrôle, l’Inspection Générale des Finances produit un rapport
qu’il transmet au ministre dont relève la structure administrative qui a été contrôlée et au
ministre chargé des Finances. Conformément à l’article 95 du décret portant RGCP, le
résumé de ces rapports doit être mis à la disposition du public.
L’IGF peut également transmettre le rapport au ministère public près la Cour des
comptes pour que soit engagée une procédure juridictionnelle d’examen du compte contesté.
Un arrêté de débet peut être adressé au comptable public pour que son poste comptable
soit régularisé.
Enfin, en cas de découverte d'une infraction pénale, l'inspection générale des finances
peut transmettre le dossier ainsi constitué au ministère public qui confiera l'enquête à la
brigade de répression de la délinquance astucieuse.
B. Contrôles réalisés par l’Inspection Générale de l’Etat

L’Inspection Générale des Finances été créé par décret n° 72 – 192 du 15 septembre 1972
portant création, organisation, attributions et modalités de fonctionnement de l’inspection
générale des finances.
L’Inspection Générale d’Etat (IGE) a pour mission d’exercer, pour le compte du
Président de la République, sur tous les organismes identifiés par le décret, le contrôle
65
destiné à sauvegarder les intérêts de l’Etat et les droits des particuliers et à suivre
l’exécution des lois et des règlements qui régissent les secteurs administratifs, économique
et financier.
Sur le plan financier, le contrôle de l’IGE s’applique aux opérations des budgets de l’Etat
et des collectivités secondaires, à leurs budgets annexes, à ceux des entreprises, offices et
établissements publics ainsi qu’aux opérations sur fonds d’emprunts et d’aide extérieure.
L’inspection générale d’Etat fonctionne sous l’autorité directe du Président de la
République qui décide, par des directives spéciales, des missions permanentes ou
occasionnelles à confier aux inspecteurs d’Etat.
Ils peuvent pénétrer librement dans tous établissements dépendant de l’Etat pur y
procéder aux constatations nécessaires à l’accomplissement de leur mission, prendre
connaissance sur place de tous documents, quelle que soit leur classification, en possession
des organismes vérifiés, ou se faire remettre ces documents contre reçu, à l’exception des
pièces rectificatives des comptes des comptables et des documents secrets.
A la fin de leur mission, ils élaborent un rapport à destination du Président de la
République.

Section 2. Le contrôle juridictionnel

Le contrôle juridictionnel de l’exécution des opérations financières publiques est


assuré par la Cour des comptes et la chambre régionale des comptes. Ce contrôle est prévu
par la Constitution en ces articles 107 et suivants.
Ce contrôle revêt aujourd'hui deux formes : le contrôle juridictionnel des comptes (§1)
et le contrôle administratif de la gestion (§2). Au Togo, ce contrôle inclut aussi le contrôle
disciplinaire (§3).
§1. Contrôle juridictionnel des comptes

L’article 107 de la Constitution prévoit que : « La Cour des Comptes et les Cours
régionales des comptes jugent les comptes des comptables publics. »
Le contrôle juridictionnel des comptes incombe donc à la Cour des comptes (A) et aux
cours régionales des comptes (B).
A. Le contrôle des comptes assure par la Cour des comptes

Suivant les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 107 de la Constitution, « la Cour des


Comptes et les Cours régionales des comptes assurent la vérification des comptes et de la
gestion des établissements publics et des entreprises publiques ».
Ces dispositions impliquent que les Cours régionales des comptes assurent la
vérification des comptes des établissements publics et des entreprises publiques en premier
ressort. En la matière, la Cour des comptes statue sur les appels formés contre les
jugements prononcés à titre définitif par les cours régionales des comptes.

66
La Cour ne contrôle que les comptes des comptables principaux. Ces derniers étant
eux-mêmes chargés d'assurer l'apurement des comptes des comptables placés sous leur
autorité sous réserve du droit pour la Cour d'évoquer et de réformer les décisions concernant
les comptes ainsi vérifiés et repris par les comptables principaux dans leurs propres
écritures.

Il faut noter que la Cour des comptes n'a pas juridiction sur les ordonnateurs, sauf
sur ceux qu'elle déclare comptables de fait.

Le contrôle juridictionnel des comptes est un contrôle de la régularité des opérations


effectuées par le comptable. Il a donc pour objet de s'assurer de la régularité des opérations
effectuées par le comptable. Il tend donc à vérifier que, d'une part, les comptes sont sincères
et tenus suivant les règles budgétaires et comptables et que, d'autre part, le comptable a
bien exercé l'ensemble des contrôles qu'il doit effectuer et qu'il n'a pas, par sa négligence,
porté préjudice à la collectivité.
Ainsi, si une recette n'a pas été encaissée ou si une dépense a été payée en violation
des règles de la comptabilité publique, le juge des comptes ne peut que le constater et
déclarer le comptable en débet. Il ne doit, en principe en aucune façon prendre en
considération la bonne ou la mauvaise foi du comptable ou encore toutes circonstances
extérieures à sa volonté pour l'exonérer en tout ou en partie de sa responsabilité.
Si un manquement est constaté, le comptable est déclaré responsable comptable
patent.
La responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable relevant de la compétence
de la Cour des comptes est appréciée annuellement par le juge des comptes. En effet, les
comptables publics sont tenus de transmettre d'office, chaque année, leurs comptes afin que
le juge des comptes puisse constater si des irrégularités ont ou non été commises. L’alinéa
2 de l’article 97 du décret portant RGCP indique à cet égard que : « Les comptables
principaux de l'Etat établissent un compte de gestion sur chiffres et sur pièces; par budget
et par exercice budgétaire définitivement clôturé. Ce compte est transmis à la Cour des
comptes au plus tard le 30 juin de l'exercice suivant celui au titre duquel il est établi . »
S’ensuit alors une vérification de l'exécution par le comptable de ses obligations
légales et réglementaires, qu'il s'agisse du paiement des dépenses ou du recouvrement des
recettes.
Après une instruction menée à charge et à décharge, un magistrat établit un rapport
que le président de chambre communique au ministère public près la Cour des comptes. Ce
rapport ne donne pas lieu à un délibéré.
Le ministère public peut, au vu du rapport, considérer qu'il y a lieu de décharger le
comptable, ce qui conduit le président de chambre à rendre une ordonnance de décharge.
L’ordonnance de décharge est notifiée aux comptables concernés et à l'ordonnateur en
fonctions.
À l'inverse, le ministère public peut estimer qu'il existe des présomptions
d'irrégularités et prend un réquisitoire introductif d'une instance contentieuse.

67
La deuxième phase s'ouvre en veillant à respecter le principe du contradictoire. Les
parties à l'instance auxquelles un réquisitoire ou un appel a été notifié peuvent, dès cette
notification, adresser au rapporteur leurs observations écrites ou des documents, dont la
production est notifiée à chaque partie. Ces pièces sont versées au dossier. Les parties à
l'instance sont tenues de déférer aux demandes d'explication ou de production de documents
formulées par le rapporteur jusqu'à la clôture de celle-ci, dans un délai fixé par lui et qui ne
peut être inférieur à 15 jours suivant la réception de cette demande. Les explications et
documents produits sont versés au dossier. Le rapporteur consigne son analyse des
observations, explications et documents produits par les parties à l'instance et ses
propositions de suites à leur donner dans un rapport à fin d'arrêt, qui est déposé au greffe
et communiqué au ministère public. Les parties à l'instance sont informées du dépôt du
rapport qui clôt l'instruction et de celui des conclusions du ministère public ainsi que de la
possibilité de consulter ces pièces.
La juridiction statue par un arrêt qui vise les comptes jugés, les pièces examinées
ainsi que les dispositions législatives et réglementaires dont il fait application. L'arrêt est
motivé et statue sur chacun des griefs du réquisitoire et sur les observations des parties
auxquelles il a été notifié. En appel, il statue sur les moyens soulevés et, s'il y a lieu, ceux
d'ordre public. Mention doit être faite que le rapporteur et, le cas échéant, les parties à
l'instance ont été entendus, et que le représentant du ministère public a conclu. Les noms
des magistrats de la formation de jugement qui ont participé à l'audience publique et au
délibéré y sont mentionnés. L'arrêt mentionne la date de l'audience publique et celle à
laquelle il a été prononcé, les principaux actes de la procédure et les dispositions législatives
et réglementaires dont il est fait application. Les arrêts sont revêtus de la formule
exécutoire.

Le comptable ou ses ayants droit, peut demander, après expiration des délais de
pourvoi en cassation, la révision d'un arrêt ou d'une ordonnance en produisant des
justifications recouvrées depuis l'arrêt ou l'ordonnance. Le pourvoi doit, à peine
d'irrecevabilité, être introduit dans un délai de 2 mois à compter de la notification de l'arrêt
ou de l'ordonnance.

B. Le contrôle des comptes assures par la cour régionale des comptes

D’après les dispositions de l’alinéa 3 de l’article 107 de la Constitution, « les Cours


régionales des comptes sont chargées d'assurer, dans leur ressort territorial, le contrôle des
comptes et la gestion des collectivités territoriales et leurs établissements publics ».
Ainsi, la cour régionale des comptes juge, dans son ressort, les comptes des
comptables publics des collectivités territoriales et des établissements publics locaux. Elle
juge également les comptes des personnes qu'elle déclare comptables de fait.
Il existe aussi une procédure contradictoire devant les cours régionales de comptes
avant de rendre leur jugement.
§2. Le contrôle de gestion

68
Il incombe, comme le contrôle juridictionnel, à la Cour des comptes (A) et aux cours
régionales des comptes (B).
A. Contrôle de gestion assuré par la Cour des comptes

Le contrôle de la gestion opéré par la Cour des comptes est particulièrement étendu.
Il porte non seulement sur les opérations du comptable mais encore sur celles de
l'ordonnateur. Par ailleurs, la Cour doit veiller au respect par les organismes contrôlés des
règles de comptabilité publique mais aussi de la règle de droit en général et du bon usage
des fonds publics. Elle exerce un contrôle sur la gestion des administrations chargées de
l’exécution des programmes et dotations.
Suivant les dispositions de l’article 107, alinéa 2 de la Constitution, la Cour des
compte vérifie la gestion des établissements publics et des entreprises publiques. Ces
dispositions donnent aussi compétence aux Cours régionales des comptes et posent un
problème de conflits de compétence.
Alors que le contrôle juridictionnel ne concerne que la régularité du compte au regard
des règles du droit budgétaire et de la comptabilité publique, la Cour doit, lors du contrôle
de la gestion, s'assurer, en outre, du bon emploi des crédits, fonds et valeurs gérés par les
organismes contrôlés. De la sorte, le contrôle porte non seulement sur la régularité de la
gestion, mais encore sur sa qualité. Il vise à s’assurer de l'emploi régulier des crédits, fonds
et valeurs. En outre, l'examen de la gestion porte sur la régularité des actes de gestion, sur
l'économie des moyens mis en œuvre et sur l'évaluation des résultats atteints par rapport
aux objectifs fixés par l'assemblée délibérante ou par l'organe délibérant. Néanmoins,
l'opportunité de ces objectifs ne peut faire l'objet d'observations. Ce contrôle tend même
parfois à une appréciation de la performance de la gestion. C’est l’exemple du contrôle
réalisé par la Cour des comptes dans son rapport d’audit du fonds de riposte et de solidarité
Covid-19 (FRSC), gestion 2020. La cour a émis des observations sur la gestion en relevant
des irrégularités et en pointant certains qui ne sont pas efficients.
Dans le cadre du contrôle de gestion, la Cour des comptes formule d’abord des
observations provisoires qui sont portées à la connaissance des autorités administratives
concernées et, le cas échéant, du public selon des modalités qui diffèrent en fonction des
destinataires et de l’importance des questions traitées : lettres des présidents de chambre,
notes du procureur général, référés, rapports particuliers, rapport public annuel, rapports
spéciaux. Les autorités concernées transmettent leurs réponses écrites à la Cour qui les
prend en compte pour formuler ses observations définitives et publier son rapport définitif.
Ainsi, après les réponses écrites des ministres sur le rapport provisoire de la Cour des
comptes sur la gestion du fond de riposte et de solidarité Covid 19, la Cour les a prises en
compte et a supprimé certaines irrégularités et recommandations initiales dans son rapport
définitif.
Les irrégularités constatées dans le ce contrôle de gestion peuvent susciter un
contrôle juridictionnel des comptes des comptables publics des organismes dont le contrôle
de gestion est réalisé. Ainsi, le contrôle de gestion peut donner lieu à l’ouverture d’un
contrôle juridictionnel qui vise à qualifier un ordonnateur de comptable de fait ou un
comptable public de comptable patent

69
Il faut souligner que les observations de la Cour peuvent être transmises au
procureur général en application pour engager des actions nécessaires en cas d’infractions
pénales financières.
B. Le contrôle de gestion assuré par la cour régionale des comptes

Selon les dispositions de l’alinéa 3 de l’article 107 de la Constitution, la cour régionale


des comptes assure le contrôle de la gestion des collectivités territoriales et leurs
établissements publics.
La procédure auprès des cours régionales des comptes est presque identique à celle
de la Cour des comptes en matière de contrôle de gestion. En effet, les chambres régionales
des comptes formulent des observations provisoires portées à la connaissance des autorités
concernées. Celles-ci adressent des réponses écrites à la Cour régionale des comptes qui en
tient compte pour formuler ses observations définitives et son rapport définitif.
Le rapport d'observations définitives est communiqué par l'exécutif de la collectivité
territoriale ou de l'établissement public à son assemblée délibérante dès sa plus proche
réunion. Il fait l'objet d'une inscription à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante. Il est
joint à la convocation adressée à chacun des membres de l'assemblée et donne lieu à un
débat.
Les observations formulées par la chambre régionale des comptes peuvent surtout
être transmises au procureur général. Le contrôle de gestion peut donc donner lieu à
l'ouverture d'un contrôle juridictionnel visant à qualifier un ordonnateur de comptable de
fait ou un comptable public de comptable patent.

Section 3. Le contrôle politique

Le droit public financier connaît diverses procédures permettant aux assemblées


délibérantes des différentes personnes publiques d’arrêter annuellement les comptes. À
cette occasion, les membres des organes délibérants sont ainsi appelés à connaître des
conditions dans lesquelles le budget a été exécuté et peuvent vérifier si l'exécutif s'est bien
conformé aux autorisations budgétaires votées l'année précédente.
Tel est le cas de l’article 5 de la loi organique relative aux lois de finances de 2014
qui dispose que « La loi de règlement constate les résultats financiers de chaque année civile
et rend compte de l’exécution du budget ainsi que de l’utilisation des crédits . » Elle « arrête
le montant définitif des encaissements de recettes et des ordonnancements de dépenses ».
En outre, l’article 74 de la loi organique relative aux lois de finances dispose à cet
effet que : « les commissions des finances veillent au cours de la gestion annuelle, à la bonne
exécution des lois de finances. A cette fin, le Gouvernement transmet trimestriellement au
Parlement, à titre d’information, des rapports sur l’exécution du budget et l’application de
la loi de finances. Ces rapports sont mis à la disposition du public. Les informations ou les
investigations sur place que le Parlement pourrait demander ne sauraient lui être refusées.
Il peut procéder à l’audition des ministres. ».

70
C’est dans ce cadre que des ministres ont été auditionnés par l’Assemblée Nationale
du Togo après la publication du rapport provisoire de la Cour des comptes sur la gestion
des fonds de riposte contre Covid 19.
Dans le même sens, au niveau des collectivités locales, l’arrêté des comptes de la
collectivité territoriale est constitué par le vote de l'organe délibérant sur le compte
administratif présenté selon le cas par le maire.

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Partie 2. La nouvelle comptabilité publique : la tenue des comptes des personnes
publiques

Sous l’impulsion de la loi organique relative aux lois de finances de 2014, les comptes de
des personnes publiques sont tenus de la même manière que ceux des entreprises, sous
réserve des spécificités liées aux personnes publiques.

Ainsi, les notions d'enrichissement ou d'appauvrissement, de provisions et


d’amortissements, de bilan etc., commencent à avoir une traduction tant dans la
comptabilité de l'État que dans celles des collectivités publiques locales. C'est l'objet de la
nouvelle comptabilité publique patrimoniale.

Le système comptable des collectivités publiques doit tout à la fois permettre le suivi de
l'exécution des autorisations budgétaires, une bonne connaissance de la situation
patrimoniale et une analyse des coûts. Par conséquent, elles tiennent une comptabilité
budgétaire et une comptabilité générale. Elle respecte aussi la comptabilité analytique,
c’est-à-dire la comptabilité d’analyse des coûts.

En général, la comptabilité des investissements publics permet un suivi des


autorisations de programme et d'engagement dont l'articulation avec la mobilisation des
crédits de paiement est souvent complexe.

La comptabilité de l'actif immobilisé exige la tenue d'un inventaire de la part de


l'ordonnateur et d'un état de l'actif de la part du comptable public, qui seront ajustés en
fonction des acquisitions et cessions de biens publics.

Les techniques comptables des dépréciations et amortissements ont pour objet


d'enregistrer et de tirer les conséquences des effets du temps sur les biens publics.

Afin de se prémunir contre certains risques et charges pouvant affecter leur patrimoine,
les collectivités publiques sont invitées à constituer des provisions.

Pour ce qui concerne l’État, la loi organique relative aux lois de finances impose au
comptable de veiller à la sincérité des enregistrements comptables et au respect des
procédures. Il doit s’assurer non seulement de la régularité des opérations mais doit aussi
veiller à ce que les comptes donnent une image sincère et fidèle du patrimoine et de la
situation financière de l’État.

La nouvelle comptabilité publique organise l’enregistrement des biens et des actifs


publics d'une façon assez spécifique. Sur un plan général, sa finalité est de donner une
image, la plus régulière, sincère et fidèle possible, de la situation financière et de la réalité
économique des administrations. En cela, elle ne diffère pas de la comptabilité privée. Ce
rapprochement entre la comptabilité publique et la comptabilité privée a ses limites.

Les entreprises, par exemple, obtiennent leurs ressources des versements volontaires de
leurs clients, de leurs actionnaires ou des banques et leur but est de réaliser des profits.
Leur comptabilité doit impérativement, à la fois déterminer le résultat de leurs opérations

72
ainsi que leurs conséquences patrimoniales et fournir des informations fiables sur leur
solvabilité.

Du point de vue des collectivités publiques, le rôle de la comptabilité reste différent sur
des points essentiels. Leur financement est dans une très large mesure assuré par des
prélèvements obligatoires sur le patrimoine des contribuables. Ces prélèvements ont été au
préalable, c'est le cas de l'impôt, autorisés par le Parlement ou leurs taux ont été fixés par
des assemblées délibérantes. Surtout, la finalité des administrations publiques n'est pas la
recherche du profit mais la satisfaction de l'intérêt général.

Jusqu'à présent, deux idées dominent. La première est celle de l'autorisation préalable
selon un processus démocratique. Cela a pour conséquence qu'une des premières finalités
de la comptabilité publique est de permettre, aux assemblées délibérantes en général et au
Parlement en particulier, de vérifier si les ressources et les charges publiques ont été
exécutées conformément à leur autorisation présentée dans les budgets publics. C'est cette
prééminence du budget qui explique que la comptabilité des personnes publiques est
organisée prioritairement par des règles budgétaires et qu'elle est qualifiée de comptabilité
budgétaire. La seconde idée est que la comptabilité publique demeure encore aujourd'hui
construite en fonction des nécessités du contrôle. La définition minutieuse que donne le
Règlement général sur la comptabilité publique du rôle respectif et séparé des ordonnateurs
et des comptables publics en est la manifestation la plus évidente.

Si ces aspects sont largement communs à l'État et aux collectivités locales, des facteurs
spécifiques de leurs principes comptables respectifs les séparent et notamment en ce qui
concerne la comptabilisation de certains éléments de leur patrimoine.

Selon l'article 71 de la LOLF et l’article 70 du décret portant RGCP, la comptabilité de


l'État a deux dimensions : l’une budgétaire et la seconde générale. Ainsi non seulement une
comptabilité budgétaire, mais aussi une comptabilité générale.

La comptabilité de l’Etat est d’abord une comptabilité budgétaire. Selon l’article 72 de


la LOLF de 2014, « une comptabilité budgétaire a pour objet de retracer, pour l’exercice
concerné, les opérations d’exécution du budget de l’Etat en recettes et en dépenses,
conformément à la nomenclature de présentation et de vote du budget ». La comptabilité
budgétaire permet en fin d'année de dégager un résultat budgétaire tiré de la comparaison
des encaissements et des décaissements (système de la caisse modifiée). Elle repose donc
sur la comptabilité de caisse qui consiste à enregistrer les opérations de recettes et de
dépenses quotidiennement au fur et à mesure de leur exécution. Elle est le support de
l'autorisation parlementaire et du suivi de son exécution. Elle est complétée par la
comptabilité nationale, laquelle permet en grande partie les comparaisons internationales
entre les différents secteurs publics des États.

La comptabilité de l’Etat est ensuite une comptabilité générale qui est couramment
appelée la comptabilité patrimoniale. L’article 72 alinéa 2 énonce que : « une comptabilité
générale de l’Etat a pour objet de décrire le patrimoine de l’Etat et son évolution ». Il précise
que : « Elle doit être sincère et refléter une image fidèle de la situation financière de l’Etat.
Elle est fondée sur le principe de la constatation des droits et obligations. Les opérations
sont prises en compte au titre de l’exercice auquel elles se rattachent indépendamment de

73
leur date de paiement ou d’encaissement. La comptabilité générale de l’Etat s’appuie sur la
comptabilité des matières. »

La comptabilité générale ou patrimoniale décrit les variations de l'ensemble des droits


et obligations de l'État et fournit le compte de résultat et le bilan de l'État. C'est elle qui
aujourd'hui connaît une forte évolution qu'a accélérée la LOLF par l'amorce d'une évolution
dans le sens d'une réelle création d'une comptabilité d'exercice en « droits constatés ».

Elle permet d'améliorer l'information disponible sur le patrimoine de l'État et sur ses
obligations.

En pratique, cette comptabilité générale, c’est-à-dire la comptabilité patrimoniale » n’est


pas encore mise en œuvre au Togo.

Au niveau des collectivités locales, la tendance aussi consiste à la tenue d’une


comptabilité à la fois budgétaire et générale.

Nous allons étudier dans un premier temps la comptabilité budgétaire pour examiner
concrètement la comptabilisation et l’enregistrement des recettes et des dépenses publiques
(Chapitre 1). Nous étudierons ensuite dans un deuxième temps la comptabilité
générale (Chapitre 2).

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