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Droit Budgétaire (Pr.

SAMIR TADA)

La deuxième partie : Les principes budgétaires applicables au budget de l’Etat

Les principes fondamentaux du budget répondent à la nécessité du Parlement de disposer


moyens nécessaires, qui lui permettent d’accomplir ses missions de base de contrôle de
l'Exécutif en ce qui concerne l'autorisation de perception les impôts et le suivi de l'exécution
des fonds publics. Ces principes qui sont confirmés par la LOF 130-13 peuvent être classés en
deux catégories, les principes budgétaires classiques (d’annualité, d’unité, d’universalité, de
spécialité) et les principes budgétaires modernes (d’équilibre, de sincérité).
I. Les principes budgétaires classiques
1. Le principe d'annualité budgétaire :
C’est une règle traditionnelle en droit budgétaire du fait qu’il est lié au principe du consentement
à l’impôt. Historiquement, il fut le 1er des principes budgétaire à s’imposer dans la gestion
budgétaire classique.
A. La portée et consécration :
Ce principe a été pensé afin d'assurer l'annualité de l'autorisation budgétaire, accordée par le
Parlement d'une part, et a supposé également, d'autre part, une annualité de l'exécution
comptable de la LF. Cette règle signifie que le budget est établi pour la durée d'une année civile
(1 janvier au 31 décembre), dans la majorité des pays.
Actuellement au Maroc, les fondement juridiques de ce principe sont :
➢ L’article 75/3 de la constitution "si, à la fin de l'année budgétaire, la LF n'est pas votée" ;
➢ L’article 1er de la LOF 130-13 "La LF de l'année prévoit, évalue, énonce et autorise,
pour chaque année budgétaire, l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat" ;
➢ L’article 3/2 de la LOF "L'année budgétaire commence le 1er janvier et se termine le 31
décembre de la même année" ;
B. Les justifications de la règle d'annualité budgétaire
La limitation de la durée du budget dans un cadre annuel a été imposée par des considérations
politiques et pratiques dont les plus importants sont :
➢ Le cadre annuel permet une maitrise de la gestion financière ;
➢ L'annualité du budget facilite le contrôle régulier des finances de l'Etat ;
➢ L'annualité permet au gouvernement d'obtenir une autorisation parlementaire annuelle de
percevoir les recettes et d'effectuer les dépenses ;
C. Les dérogations à la règle d'annualité
Le principe d'annualité rencontre des limites qui ont exigé des aménagements permettant
notamment de dépasser le cadre annuel fixé à l'exécution des opérations de dépenses ou de
recettes (LOF 130-13) :
➢ Les conventions engageant les finances de l'Etat ;
➢ Les garanties accordées par l'Etat ;
➢ La dette publique et la dette viagère ;
➢ Les autorisations d'engagement par anticipation ;
➢ Les crédits d'engagement ;
➢ Les programmes pluriannuels ;
2. Le principe d'unité budgétaire
Le principe d'unité budgétaire répond à l'exigence du Parlement de voit l'ensemble des recettes
et des dépenses de l'Etat groupées dans un document unique.
A. La portée et consécration du principe
Cette règle consiste à élaborer un seul et unique document permettant au Parlement d'avoir une
vision précise et globale de l'ensemble des finances publiques en vue de l'adoption du budget
de l'Etat. Ceci signifie que l'unité budgétaire suppose une présentation intégrale des ressources
et des charges, au niveau du projet de LF de l'année pour répondre à un double souci, tout
d'abord, d'éviter le morcellement budgétaire en vue d'assurer la clarté des comptes de l'Etat et
ensuite de permettre un contrôle efficace du Parlement.
Au Maroc, la consécration juridique de ce principe se base sur la LOF 130-13 "toutes les
recettes et toutes les dépenses sont imputées au budget général".
B. Les justifications de la règle d'unité
Sur le plan technique, la règle de l'unité permet d'avoir une vision claire des finances de l'Etat,
en mettant en exergue le volume globale des recettes et des dépenses publiques afin d'en
apprécier l'utilité.
Sur le plan politique, la règle de l'unité facilite le débat parlementaire sur l'ensemble de la
politique financière du gouvernement, en plus du contrôle du Parlement sur ce dernier.
C. Les dérogations à la règle d'unité
L'accroissement des tâches de l'Etat moderne, la diversité des dépenses et des recettes publiques
et l'assouplissement de la gestion de certains services publics ont engendré une débudgétisation
de certaines opérations. De ce fait, le budget de l'Etat se trouve décomposé en trois comptes, en
Budget Général (BG), en Services d'Etat Gérés de Manière Autonome (SEGMA), en Comptes
Spéciaux du Trésor (CST).
SEGMA (1ère dérogation) : constituent des services de l'Etat, non dotés de la personnalité
morale, dont certaines dépenses, non imputées sur les crédits du budget général, sont couvertes
par des ressources propres. L'activité de ces services doit tendre essentiellement à produire des
biens ou à rendre des services donnant lieu à rémunération (LOF 130-13). Le nombre de
SEGMA est à 205 services, répartis entre 8 domaines (santé, enseignement, pêche, forêt,
transport, eau...). Exemple : L'Ecole Nationale de la Santé Publique, la Direction de
l'Imprimerie Officielle, le Complexe Sportif de Fès...
Les Comptes Spéciaux de Trésor (2ème dérogation) : constituent aux côtés du BG et SEGMA
et les fonds publics, les composants du Budget de l'Etat (BE). Ces comptes sont créés par la
LOF 130-13. Toutefois, en cas d'urgence et de nécessité impérieuse, de nouveaux CST peuvent
être créés conformément à la LOF. Ces CST sont au nombre de 5 catégories :
➢ Les comptes d'affectation spécial (CAS) ;
➢ Les comptes d'adhésion aux organismes internationaux (CAOI) ;
➢ Les comptes de financements (CF) ;
➢ Les comptes d'opérations monétaires (COM) ;
➢ Les comptes de dépenses sur dotation (CDD) ;
3. Le principe de spécialité budgétaire
L'efficacité du contrôle exercé par le Parlement, lors du vote de la LF suppose que les
parlementaire connaissent précisément le destination des crédits budgétaire càd leurs
affectations. Ce principe impose que la LF spécifie l'objet de chaque dépense et son montant.
A. La portée et la consécration
Ce principe consiste à ne pas conférer à l'autorisation de dépenses accordée au gouvernement
un caractère absolu, lui permettant de disposer des crédit ouvert en toute liberté. Cette
autorisation se concrétise par l'obligation d'affecter des fonds, sous forme de crédit ouverts, à
la couverture de dépenses déterminées et limitées dans leurs montants. Cela signifie également
qu'aucune dépense ne peut être engagée que dans la mesure où elle est préalablement autorisée.
Le principe de spécialité signifie que les crédits sont spécialisés par programme, qui regroupe
les crédits destinés à mettre en œuvre un projet ou une action relevant d'un même département
ministériel ou institution (la LOF 130-13).
A cet égard, il est à signaler que les applications de la règle de la spécialité imposent au
gouvernement de n'engager les dépenses que dans les aspects qui leurs sont désignés et dans la
limite des crédits ouvert.
B. Les exception du principe
Le principe de la spécialité des crédits budgétaire connait qlq dérogations qui offrent, sous
certaines conditions, une marge de manœuvre au gouvernement dans la gestion de ces crédits.
De ce fait, le gouvernement dispose de la faculté d'apporter des aménagements au cours de
l'année des crédits qui sont initialement affectés à des dépenses déterminées et précises.
Ces aménagements se concrétisent dans les cas suivants :
➢ Le premier cas concerne deux chapitres budgétaire qui ne sont affectés à aucun service :
o Le chapitre des dépenses imprévues : permet d'ouvrir par décret des crédits
supplémentaires, à des besoins urgents lors du l'élaboration du budget ;
o Le chapitre des charges communes : comprend les crédits budgétaires destinés à
l'ensemble des services de l'Etat ou à plusieurs d'entre eux, et qui ne peuvent être
inscrit dans le budget d'un ministère particulier ;
➢ Le deuxième cas concerne les virements de crédits : la technique des virement de crédits
permet au gouvernement de changer, au cours de l'année, l'affectation initiale des crédits. Il
s'agit de prélever une partie des crédits d'une rubrique afin de la réaffecter à une autre
rubrique d'un même chapitre ;
II. Les principes budgétaire modernes
Le principe de sincérité : En France, l'apparition de l'exigence de sincérité en matière de
finances publiques est intimement liée à la prise de conscience par le pouvoir législatif de ses
intérêt distincts de ceux du pouvoir exécutif. Ce principe affirme les prérogatives du Parlement
de contrôler de manière efficace et pertinente le contenu des budgets.
A. La portée du principe :
Ce principe signifie que les prévisions budgétaires et les comptes de l'Etat doivent refléter une
image fidèle, exacte et transparente. Par ailleurs, la sincérité ne s'apprécie pas seulement lors
de la présentation de la LF, elle s'apprécie également lors du vote de la LR. En effet, la
problématique de la sincérité a bien entendu un lien avec la vieille question du contrôle de
régularité des denier publics à laquelle est associé le budget de moyens.
Le sincérité intéresse les prévisions budgétaires dont l'évaluation doit être réalisée avec bonne
foi, aussi exactement que possible, que les comptes qui doivent être réguliers, exacts et fiables.
B. La consécration juridique du principe
Ce principe renvoie à la sincérité budgétaire et à la sincérité comptable contribuant ainsi au
renforcement de la bonne gouvernance financière publique.
Selon l'article 10 de la LOF, la sincérité budgétaire signifie que le gouvernement doit évaluer
les ressources et les charges de l'Etat de façon sincère, compte tenu des informations qui sont à
sa disposition et des prévisions qui peuvent raisonnablement en résulter. Ainsi, les dépenses
comme les recettes ne doivent être ni sous-estimées ni surévaluées.

La troisième partie : La prise de décision budgétaire

I. L'établissement du projet de LF
L'élaboration du budget est une opération fondamentale du processus budgétaire, dans la
mesure où le budget constitue la traduction de la politique économique, financière et sociale de
l'Etat pour une année. Sur le plan administratif, il s'agit de déterminer les différents acteurs qui
participent à l'élaboration du projet. L'initiative fait intervenir un ensemble d'acteurs selon le
respect d'un calendrier précis, des méthodes d'évaluation des prévisions budgétaires.
1. Le pouvoir du Chef du Gouvernement
Le gouvernement, sous l'égide du CG, dispose d'une compétence exclusive dans la préparation
du projet de LF (La constitution de 2011 et dans la LOF 130-13). En effet, la constitution évoque
les projets de LF, parmi les textes qui sont délibérés au Conseil des Ministres, ce qui exclut
toute proposition de LF émanant des parlementaires. De même, ce monopole de l'exécutif
résulte de la LOF qui prévoit que le MCF prépare les projets de LF sous l'autorité du CG. Cet
article reconnait au CG un pouvoir d'encadrement du fait que l'initiative de préparation de la
LF constitue un moment clé de la mise en œuvre de son programme politique, en déterminant
les grandes orientations et en procédant aux arbitrages sur les problèmes importants pouvant
opposer le MCF aux ministres "dépensiers".
A cet effet, et dans le cadre du processus de préparation du projet de LF de chaque année, le
CG prépare une lettre d'orientation sous forme de circulaire, invitant les départements
ministériels et les institution à établir leurs propositions de dépenses et de recettes pour l'année
budgétaire suivante. Cette lettre d'orientation fixe également les orientations de la politique
budgétaire et les normes de maîtrise des dépenses publiques.
2. Le rôle prépondérant du ministre chargé des finances
Le MCF se trouve au ventre de la procédure de préparation du projet de LF, même si cette
procédure se déroule sous l'autorité du CG. Dans la pratique, le MCF conserve un rôle
prépondérant dans les choix budgétaires et les arbitrages rendus.
La LOF 130-13 prévoit que "sous l'autorité du CG, le MCF prépare les projets de LF,
conformément aux orientations générale, ayant fait l'objet de délibérations au Conseil des
Ministres". En réalité, même si le MCF est soumis à l'autorité du CG, la procédure budgétaire
fait partie de ses attributions. De ce fait, la préparation du budget incombe au MCF.
De même, l'article premier du Décret n 02.07.995 de 2008, dispose que l'autorité
gouvernementale chargée des finances élabore la politique de l'Etat en matière financière,
monétaire, de crédit et des finances extérieures, de rationalisation du secteur public et de
privatisation des entreprises publiques.
La place du MCF est donc assez particulière, puisqu'il est en principe un ministre placé dans
une situation d'égalité juridique avec ses collègues mais occupe une position de supériorité de
fait. S'agissant de la préparation budgétaire, le MCF dispose d'une administration spécialisée,
dont presque toutes les directions sont mobilisées lors de la préparation du projet de LF.
II. La procédure d’examen du Projet de LF
La limitation du pouvoir d'amendement des parlementaires
Il est traditionnel, dans tous les régimes démocratiques, de limiter le pouvoir d'initiative en
matière financière dans les commissions parlementaires et également dans les séances plénières.
Mais cette limitation ne doit pas se traduire par le suppression de tout pouvoir d'amendement.
Aux terme de l'article 77/2 de la Constitution "le Gouvernement peut opposer, de manière
motivée, l'irrecevabilité à toute proposition ou amendement formulés par les membres du
Parlement lorsque leur adoption aurait pour conséquence, par rapport à la LF, soit une
diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique".
Cette restriction est apaisée par la LOF qui dispose que "...des articles additionnelles ou
amendements, qui doivent être justifiés et accompagnés des ajustements nécessaires aux
objectifs et indicateurs relatifs aux programmes concernés, peuvent augmenter ou diminuer les
crédits afférent à un programme, dans la limite des crédits prévus au titre dudit chapitre".
Dans le même sens, cette restriction est consacrée par la constitution, qui attribue au
gouvernement de pouvoir s'opposer à l'examen de tout amendement qui n'a pas été
antérieurement soumis à la commission intéressée.
La quatrième partie : L'exécution de la Loi de Finances

Les acteurs chargés de l'exécution de la LF


L'exécution de la LF désigne l'ensemble des opérations qui consistent à mettre en œuvre les
dispositions de l'autorisation du Parlement à dater du 1 janvier qui suit son vote définitif et sa
promulgation au BO. Cette phase d'exécution des budgets présente une originalité du fait que
les opérations financières publiques incombent aux ordonnateurs et aux comptables publics.
1. Les ordonnateurs
Le Décret Royal n 330-66 du 1967 a défini l'ordonnateur public, de recettes et de dépenses,
comme étant toute personne ayant qualité au nom d'un organisme public pour engager,
constater, liquider ou ordonner soit le recouvrement d'une créance, soit le paiement d'une dette.
L'ordonnateur est ainsi l'autorité qui détient le pouvoir de décision en matière financière car il
est habilité à apprécier l'opportunité d'une dépense ou à constater l'existence d'une recette. A
cet égard, il est à signaler qu'il existe plusieurs catégories d'ordonnateurs à savoir :
➢ Les ordonnateurs principaux : le Décret Royal attribue le qualité d'ordonnateurs principaux
aux ministres ;
➢ Les ordonnateurs : les directeurs généraux ou les directeurs peuvent être institués par Décret
précité ;
➢ Les ordonnateurs délégués : les ordonnateurs peuvent déléguer leurs signatures à des
ordonnateurs délégués, par voie d'arrêté ;
➢ Les sous-ordonnateurs (ordonnateurs secondaires) : les ordonnateurs peuvent instituer, par
voie d'arrêté, des sous-ordonnateurs par le biais de délégations de pouvoirs ;
Force de constater que les ordonnateurs, leurs délégués, ainsi que les sous ordonnateurs
désignés doivent être accrédités auprès des comptables assignataires des recettes et des
dépenses dont ils prescrivent l'exécution.
2. Les comptables
Le Décret Royal a défini le comptable public comme étant tout fonctionnaire ou agent ayant
qualité pour exécuter au nom d'un organisme public des opérations de recettes et de dépenses.
De ce fait, la mission du comptable public consiste à assurer la régularité des opérations de
dépenses et de recettes tant au regard des dispositions légales et réglementaires. Il est chargé du
paiement de la dépense ou du recouvrement de la recette. En fait, le corps des comptables
publics relève de l'autorité directe ou indirecte du MCF. A ce niveau, on note ces catégories :
Les comptables du trésor : ils constituent un corp hiérarchiquement structuré sous l'autorité du
trésorier général ayant la qualité du comptable supérieur du Royaume. Les comptables qui font
partie du trésor sont : Les trésoriers ministériaux, régionaux, préfectoraux ou provinciaux ; Les
percepteurs ; Les agents comptables centraux des chancelleries diplomatiques et consulaires ;
Les autres comptables : ils ont une compétence spéciale. Parmi eux, on trouve les receveurs de
l'Administration Fiscale, les receveurs comptables des douanes et impôts indirects... ;
Les comptables de fait : toute personne qui effectue, sans avoir la qualité, des opérations de
recettes ou de dépenses intéressant un organisme public est comptable de fait.

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