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TABLE DES MATIERES

TABLE DES MATIERES…………………………………………………………………………………………………………………………1


CHAP. I : INTRODUCTION A L'HISTOIRE DE L'ART DE L'ARCHITECTURE…………………………………………………2
CHAP. II : L'ARCHITECTURE COMME ART………………………………………………………………………………………..……5
II.1 INTERPRETATIONS DE L'ART... ………………………………………………………………………………………….5
Il.2 LE SUJET OU FONCTION……………………………………………………………………………………………………6
II.3 L'EXPRESSION…………………………………………………………………………………………………………………..6
II. 4 LA FORME………………………………………………………………………………………………………………………..7
II. 5 LA COMPOSITION…………………………………………………………………………………………………………….8
II. 6 LA COULEUR…………………………………………………………………………………………………………………….9
II.7 LES MATERIAUX………………………………………………………………………………………………………………10
II.8 LA GEORGRAPHIE... ………………………………………………………………………………………………………..11
II.9 L'ECONOMIE…………………………………………………………………………………………………………………..12
II. 10 LA RELIGION. ……………………………………………………………………………………………………………….13
CHAP. III : L'ARCHITECTURE PREHISTORIQUE. …………………………………………………………………………………..14
III. 1 GENERALITES………………………………………………………………………………………………………………..14
III.2 LES PROCEDES……………………………………………………………………………………………………………….16
III.3 ORNEMENTS………………………………………………………………………………………………………………….19
III.4 MONUMENTS………………………………………………………………………………………………………………..26
III.5 QUESTIONS DE CHRONOLOGIE ET LES PREMIERS FOYERS DE L'ARCHITECTURE………………28
CHAP. IV : L'HISTOIRE DE L'ARCHITECTE…………………………………………………………………………………………….30
CHAP. V : LA TECHNOLOGIE DE CONSTRUCTION DANS L'HISTOIRE…………………………………………………….36
CHAP.VI : LES MATERIAUX DE CONSTRUCTION DANS L'HISTOIRE... …………………………………………………..39
CHAP.VII : LA REPRESENTATION EN ARCHITECTURE. …………………………………………………………………………45
CHAP.VIII: LES STYLES EN ARCHITECTURE. …………………………………………………………………………………………49
CHAP.IX: ESPACE ARCHITECTURAL…………………………………………………………………………………………………….54
CHAP. X : PATRIMOINE ET CONSERVATION... …………………………………………………………………………………….59
CHAP. XI LE PATRIMOINE ARCHITECTURAL DE KINSHASA………………………………………………………………….63
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CHAP. I : INTRODUCTION A L'HISTOIRE DE L'ART DE L'ARCHITECTURE

Nous sommes les héritiers et les bénéficiaires des siècles d'histoire de l'architecture.
Cet héritage est riche et vient du monde entier. Nous devons nous demander si en nous serons les
continuateurs ou les liquidateurs. Le choix nous appartient. Il est capital.

Le cours de l'histoire de l'architecture va bien au-delà de la simple vue d'ensemble des


styles d'architecture, puisqu'il tente, pas à pas, de percer les mystères de la création architecturale qui
nous sont quotidiennement soumis, de démonter le décor de bois, de pierre, de brique, de fer, de
verre ou de béton qui forme l'accomplissement de toutes les minutes de notre existence.

Ce cours a pour but de permettre une meilleure compréhension du langage de


l'architecture, de façon à pouvoir en apprécier les réalisations.

Il prouve que les mêmes formes architecturales et le même langage ont sans cesse
réapparu pour être à nouveau interprétés par les générations successives.
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Temple de la Concorde à Sicile,432 Bav. J-C Poggio a Caiano, villa médicis de Sangallo, xv è siècle

Villa rotonda à Vincenne, Palladio, 1567 Maison-Blanche, James Hoban, 1800

Valhalla en Allemagne, Klenze, 1842N

Dans le domaine architectural, il existe néanmoins une tradition vivante de la


construction et de nombreuses survivances de l'architecture classique.

Le monde ancien nous a également légué, intacte, toute une série de travaux
théoriques, comme le traite de l'architecture, écrit par l'ingénieur et architecte romain Vitruve, Marcus
Vitruvius Pollio (1ers. av. J.C). Les idées de Vitruve et les termes qu'il utilise constituent encore de nos
jours la base d'un grand nombre de théories architecturales.

Il affirme qu'un édifice obéit à trois conditions : il doit être sain (firmitas) sur le plan
structural, il doit avoir une fonction pratique (utilitas) et doit répondre à des critères esthétiques
(venustas). Chacun de ces trois aspects a donné lieu à des études séparées, mais même les auteurs
modernes démontrent que la forme définitive d'un bâtiment dépend du respect de ces trois règles.
Cependant, en fonction des époques, l'aspect social, esthétique ou technologique a pu l'emporter sur
les autres.

Dès le début de la Renaissance, Brunelleschi et Alberti ont utilisé les règles de Vitruve
pour étudier les ruines des constructions romaines ; le traité de reaedifficatoria (imprimé en 1485)
écrit par Alberti, qui exerça une grande influence, n'est rien d'autre qu'un plagiat des travaux de
Vitruve. Alberti se montre caustique à propos de certaines erreurs de l'architecte romain. Il n'en reste
pas moins que le développement de l'architecture de la Renaissance eût été impossible sans cette base
théorique.
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Même au milieu du XIXe siècle, un précurseur tel que Gottfried Semper commence
son ouvrage Der Stil (1860-1863) par une discussion sur la symétrie et l’eurythmie ; Le Modulor de Le
Corbusier, publié en 1950, constitue une tentative pour créer une échelle plus souple de proportions
nouvelles. Fondée sur les dimensions humaines, elle devait remplacer le système de Vitruve codifié
par la Renaissance.

Les traités et les ouvrages théoriques n'ont été qu'un moyen de transmission des idées
sur l'architecture. Ce moyen a souvent dicté la forme définitive des constructions. Néanmoins, la
source la plus évidente des concepts réside dans l'étude effective des bâtiments, puis dans celle des
modèles et des représentations bidimensionnelles.

Le développement de la représentation bidimensionnelle à l'aide de plans et de coupes


a eu également une très grande importance, même si ce système s'est révélé peu sûr comme moyen
de transmission. Il a surtout concentré les développements sur la forme extérieure des bâtiments, car
il est beaucoup plus difficile de représenter l'espace intérieur. Les nouvelles idées qui pouvaient être
illustrées par de simples plans ont souvent joué un rôle déterminant.

Le Moyen-âge a utilisé simultanément les règles géométriques et les plans de détail.


Mais l'invention de l'imprimerie permit la diffusion d'un plus grand nombre de traités d’architecture ;
beaucoup de détails, souvent inappropriés, peuvent être attribués à la copie naïve des exemples
fournis par ces livres. Si l'imitation fidèle a donné lieu à une architecture stérile, les erreurs de
compréhension et les adaptations ont entraîné la naissance de véritables styles locaux.

A partir du milieu du XVIIIe siècle, on commence à publier des livres qui illustrent non
seulement le style de l'époque, mais aussi les styles de toutes les périodes et de tous les peuples. La
mentalité du XIXe siècle, qui établit le culte du musée, classe, répertorie et multiplie les exemples.
L'architecte est désorienté, mais les illustrations lui permettent d'être certain que, quel que soit le
modèle choisi, il obtiendra un résultat convenable du moins quant aux extérieurs des édifices.

Nous pourrions nous « passer » (c'est peut-être un sacrilège) des romans de grands
auteurs et des symphonies de virtuoses. Mais, nous ne pouvons nous passer de quatre murs et d'un
toit - ceux d'une hutte, d'une cabane ou d'une ferme, d'un temple ou d'une cathédrale, d'un atelier ou
d'une usine, d'un château, d'un pavillon de banlieue ou d'un gratte-ciel. A l'homme sa maison, que ce
soit sur terre ou ailleurs, c'est la condition première de sa vie et de sa survie à laquelle confusément il
aspire. L'histoire de l'architecture, c'est donc l'histoire de la condition humaine depuis la préhistoire.

L'histoire de l'architecture, écrite à travers les siècles par le génie des architectes et
constructeurs, est indissociable de notre destin.
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CHAP. II : L'ARCHITECTURE COMME ART

L'art correspond à un besoin fondamental de l'homme. Son premier objet est une
interprétation plus complète de la vie dans toute sa plénitude. Il lui arrive, il est vrai, de servir d'autres
fins : religieuses, politiques, sociales, symboliques, mais ces fins louables ou non, sont étrangères à la
fonction première de l'art et peuvent même constituer un obstacle à son accomplissement. L'art ne
contribue pas à la satisfaction des nécessités premières de la vie. L'humanité ne peut vivre sans
nourriture, sans abri et sans vêtements ; elle peut subsister sans art. Lorsque l'existence même de
l'homme est en jeu, l'art, qui n'a aucune valeur immédiate ou pratique, peut être subordonné à des
besoins plus urgents.

Néanmoins, le désir de s'exprimer à travers l'art est si profondément humain que,


depuis la préhistoire, il est manifesté sans interruption sur toute surface du globe. Tout ce que nous
savons sur l'homme des premiers temps - mis à part ce que ses ossements nous ont appris - nous les
devons à l'artisanat. Celui-ci témoigne de son désir de conférer aux objets quelque chose de plus qu'un
simple caractère d'utilité. Leur décoration lui a coûté du temps et du travail. Cependant, seul l'aiguillon
du besoin l'amènera à renoncer au plaisir de voir et de manier des objets faits avec soin et destinés
non seulement à répondre à une nécessité utilitaire mais à réjouir le toucher, la vue, l'esprit et le cœur.

II.1 INTERPRETATIONS DE L'ART

Peu d'activités humaines sont sujettes à autant d'interprétations diverses que l'art,
dont la signification varie pour chacun. Aristote y trouve les éléments d'une théorie esthétique ;
Spengler y voir le reflet d'une civilisation. Un savant ou un ingénieur ne s'intéressera peut-être qu'à
son aspect technique alors que d'autres seront plus sensibles à l'expression personnelle. L'harmonie
des formes qui se manifeste dans la peinture, la sculpture ou l'architecture séduire l'esprit de l'esthète,
tandis que la beauté globale de ces formes accroîtra le plaisir que tout homme retire des objets qui
l'entourent. Le créateur ou l'amateur très sensible trouvera dans l'art une catharsis(purification)de ses
sentiments.

La variété et la complexité des voies d'accès à la compréhension de l'art doivent nous


inciter à la tolérance. Les théories esthétiques sont pareilles aux coutumes ; chacune d'elles est valable
en son temps et en son lieu. Tant que l'humanité sera composée d'individus, chacun choisira la voie
d'accès qui lui convient. Certaines sont ouvertes à tous, quelle que soit la formation acquise ; d'autres
exigent de l'expérience ou des connaissances, ou les deux. Forcément, celui qui dispose du plus grand
nombre de moyens d'approche a le plus de chances d'avoir une jouissance totale de l'art.

L'œuvre d'art est comme un triangle dont les côtés seraient le sujet, l'expression et la
forme. Ces trois éléments sont interdépendants mais pas nécessairement égaux. Un artiste peut
s'attacher à un aspect plutôt qu'à un autre. Puisqu’aucun de ces éléments n'a, en soi, plus de valeur
que les autres, accentuer l'aspect formel n'est ni pire ni meilleur que d'accorder une importance
capitale à l'élément expressif ou au sujet.
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Sujet

Forme Expression

Les côtés de notre triangle ne doivent pas être confondus avec les moyens techniques
de l'art - ligne, masse, volume, espace, couleur et matière - qui permettent à l'artiste de matérialiser
le sujet, l'expression et la forme.

II.2 LE SUJET OU FONCTION

Examinons chaque côté séparément en commençant pas le sujet ou le contenu.


Presque toutes les peintures et sculptures ont un sujet ; elles « représentent » quelque chose, quoique,
depuis l'art abstrait, sujet, expression et forme ne se distinguent plus nécessairement.

L'élément figuratif n'intervient pas en architecture, ni dans la plupart des arts dits
mineurs ; sont équivalente est alors la fonction, c'est-à-dire le service que doit rendre l'édifice ou
l'objet. L'architecture diffère des arts figuratifs par l'importance accordée à ce facteur. Dans le domaine
de la peinture et de la sculpture, le sujet - terme que nous employons pour définir des possibilités
descriptives - peut être primordial ou négligeable. Par contre, sauf quelques rares exceptions, la
fonction est vitale en architecture. Il est indispensable que toute construction puisse être utilisée
efficacement. Un édifice qui répond à sa fonction n'est pas toujours esthétiquement réussi, mais sa
construction est inutile lorsqu'il n'y répond pas.

II. 3 L'EXPRESSION

Par expression on entend l'interprétation du sujet ou du thème. Théoriquement,


l'artiste peut se servir de la couleur ou de la matière pour essayer de donner une image objective de
ce qu'il voit, « photographier » en quelque sorte un événement ou un objet en deux ou trois
dimensions. Dans la pratique, une telle objectivité se rencontre rarement.

En effet, l'expression n'est rien d'autre que l'analyse du modèle, du sujet par l'artiste.
Le choix du sujet implique déjà un jugement de l'artiste puisqu'il indique ce qui lui parait important ou
esthétiquement intéressant. En général, de nombreux autres facteurs entrent également en jeu. Deux
artistes réagissent rarement de la même façon à un même sujet. Un incident de la vie quotidienne
peut paraître amusant à un artiste, tragique à un autre ; un troisième y trouvera prétexte à juger la
société. Cette grande variété de réactions met en lumière la personnalité de chaque artiste. La réaction
est parfois si individuelle que seuls des hommes au tempérament semblable peuvent la comprendre
entièrement. A la limite, puisque chaque personnalité est unique, l'expression peut être si particulière
qu'elle n'est plus compréhensible que pour l'artiste lui-même.
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Qu'est-ce que le caractère expressif en architecture ? La mise en lumière de la


destination d'un édifice par son aspect. Nous nous attendons à ce qu'une église ait l'air d'une église,
et une banque l'air d'une banque. C'est à la fonction de déterminer le plan d'un bâtiment, lequel régit
à son tour l'aspect extérieur de l'édifice et révèle sa nature. Ainsi la nature de toute construction
devrait, en théorie, être liée à un plan bien conçu.

En pratique, la destination d'un bâtiment nous est souvent suggérée par l'image
traditionnelle que nous nous en faisons, image conditionnée par nos connaissances.

Nous nous attendons à ce qu'une école ait non seulement l'air d'une école mais qu'elle
ressemble aux écoles qui nous sont familière, ce qui est malencontreux lorsque les bâtiments que nous
identifions comme écoles ne correspondent pas à cette fonction. De plus, nous pouvons demander au
plan d'exprimer la spiritualité dans une église, le divertissement dans un théâtre. Cette notion de
spécificité se retrouve aussi parfois dans la peinture et la sculpture.

Doit-on écrire église, usine ou habitation pour le savoir ?

II. 4 LA FORME

La forme constitue le troisième côté de notre triangle, c'est-à-dire l'organisation d'une


œuvre au-delà des exigences du sujet et de l'expression. Cet élément n'est pas essentiel à la clarté
narrative ou explicative ; en fait il peut même s'y opposer. Il n'accroît pas en lui-même les possibilités
d'expression. Il peut impliquer différents facteurs tels que la composition, les proportions, l'échelle
(dans certains cas) et d'autres qualités qui en elles-mêmes réjouissent la vue. S'il est parfois difficile de
faire la distinction entre sujet et expression, il est totalement impossible de séparer la forme de ces
deux facteurs.
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Les chaudes couleurs des vitraux du Moyen Age sont extrêmement décoratives. On y
trouve des arbres et des plantes jaune or, bleus ou violets, non pas parce que le vert n'était pas
disponible - on les trouve parfois dans le même vitrail - ni parce que l'artiste a vu des buissons violets,
mais parce que ces couleurs, ainsi associées, créent un ensemble hautement décoratif. Il en va le même
pour l'étonnante gamme de coloris des miniatures persanes.

Ces trois éléments, sujet, expression et forme, se retrouvent ainsi dans les œuvres
d'art. L'artiste peut donner la priorité à un seul ou les associer selon le but qu'il se propose ; son choix
peut être déterminé par des facteurs historiques (conceptions esthétiques et techniques de son temps)
; quoi qu'il en soit, il doit arriver à une unité qui permette à l'observateur de saisir essentiel de son
œuvre.

En ce qui concerne le contenu, il arrive que l'artiste traite plusieurs sujets à la fois,
comme l'intrigue principale et les intrigues secondaires dans un roman. On peut avoir un immeuble
avec appartements, bureaux et commerce, mais généralement un sujet central prédomine.
L'introduction d'un sujet accessoire, quelle qu'en soit la valeur expressive ou formelle, tend à
détourner l'attention du thème principal. Cependant, des détails secondaires bien choisis peuvent
enrichir le sujet. L'artiste peut également ajouter à dessein des objets contrastants pour accentuer
l'effet qu'il recherche.

II. 5 LA COMPOSITION

L'unité esthétique d'une œuvre d'art s'obtient par la composition, c'est-à-dire la


coordination visuelle des différents éléments. A la composition concourent trois facteurs qui ne sont
pas nécessairement réunis. Le premier, l'harmonie, désigne la création d'un certain ordre par la
répétition de motifs esthétiques. Le rythme constitue le second élément de la composition et peut
être définie comme la répétition régulière d'un motif. Ce facteur se confond souvent avec l'harmonie
puis celle-ci implique aussi une certaine régularité, mais il n'en est pas moins distinct.

Le troisième facteur de la composition, l'équilibre, se présente également sous deux


formes. L'équilibre axial, ou symétrie, désigne la reproduction des mêmes motifs de part et d'autre
part d'une ligne ou d'un point central imaginaire. L'expression équilibre asymétrique désigne la
disposition de motif dont la forme, les dimensions, la couleur, etc., quoique différentes, s'organisent
en un certain équilibre autour d'un point donné.

Les éléments de la composition offrent un champ infini de possibilité, que tout artiste
met en application, instinctivement ou non. On en retrouve les principes non seulement dans les arts
plastiques mais dans d'autres formes d'expression artistique et dans la nature même. L'organisation
de la nature en général est si complexe qu'elle défie toute analyse, mais elle nous offre des illustrations
innombrables de l'harmonie, du rythme et de l'équilibre. La symétrie d'un pin et la réparation
équilibrée des feuilles de chaque côté de la tige de certaines plantes sont des exemples bien connu.

L'ordre des couleurs de l'arc-en-ciel, la disposition radiale des pétales de la pâquerette,


la longueur progressive des plumes de l'aile d'un oiseau viennent directement à l'esprit. L'harmonie
est si universelle qu'il suffit de citer les masses ondoyantes des cumulus, les traînées dispersées des
cirrus pour prouver son existence. Parfois, la nature détruit sa propre organisation ; plus fréquemment
les activités de l'homme parviennent au même résultat. Le désordre que produit un incendie de forêt,
l'abattage d'une futaie ou le passage d'un ouragan détruit l'ordre du paysage.
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Les éléments de la composition se retrouvent également dans les autres disciplines


artistiques, parfois sous un autre nom. Le rythme et la rime de la poésie ne sont rien d'autre qu'un
élément d'harmonie ; la rime est souvent à cadence alternée. Dans le domaine musical, la répétition
de phrases ou les variations sur un thème visent le même but. Pour la danse comme pour la musique,
le facteur temps met en relief la cadence, le rythme.

II. 6 LA COULEUR

Pour parler de la couleur avec plus de précision, il faut savoir que ce terme implique
trois propriétés dont les noms peuvent varier. La première est la couleur proprement dite : rouge, bleu
ou jaune, etc. Cependant, chacune d'elles peut être utilisée en plusieurs tons, par exemple bleu de
Prusse, bleu outremer, bleu gris, etc., ayant chacun un éclat propre que l'on nomme intensité.
Finalement la couleur peut être plus ou moins claire et changer ainsi de valeur. La gamme complète
des tons est infinie mais un artiste peut en déterminer les limites pour une œuvre déterminée, créant
ainsi des possibilités d'harmonie.

Les artistes égyptiens pratiquèrent une peinture rigoureusement à deux dimensions et


dessinèrent leurs personnages sous forme de silhouettes, en fournissant peu d'indications de
perspectives ou de recul. La ligne définissait alors la forme des figures. Dans les arts à trois dimensions,
comme la sculpture et l'architecture, la ligne peut aussi jouer un rôle important ; c'est le cas par
exemple pour toute statue se silhouettant sur un fond. Cependant, cette silhouette varie selon l'angle
de vision, et donc le jeu des lignes, mais l'ensemble des silhouettes définit la forme de la statue, ses
volumes. Les volumes de certaines sculptures sont essentiellement suggérés par une structure linéaire.
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Giotto, lui estime que la solidité, autrement dit le volume de ses modèles, est plus
importante que la surface plane de son mur. Il suggère donc, par la couleur, différents degrés de
luminosité pour créer une sensation de masse. De même, Maillol met l'accent sur la masse, le poids
de la femme assise ; ces mêmes éléments sont mis en valeur par les pyramides de Gizeh. Toutefois, le
volume peut être aussi bien léger que massif. La forme du Bauhaus de Dessau est presque aussi simple
que celle des pyramides mais l'observateur perçoit l'espace contenu à l'intérieur, contrastant avec la
densité de la pyramide.

Lorsque Giotto vit ses personnages comme des volumes, il lui fut nécessaire de créer
pour eux un espace à trois dimensions. Chez lui cet espace est encore limité, mais plus tard un Pozzo
parviendra à créer dans ses fresques une illusion de très grande profondeur. De même les trois figures
de la Madone del Cardellino de Raphaël forment une pyramide compacte, se détachant dans l'espace
illimité du paysage, tandis que les personnages de l'embarquement pour Cythère de Watteau se
fondent dans l'espace. Le Parthénon d'Athènes et la cathédrale de Reims présentent la même
opposition. Le premier est un prisme se détachant sur l'espace environnant alors que la plupart irriter
est conçu comme un tour indépendant de l’extérieur ; dans les architectures modernes, les murs de
verre constituent une séparation minimum entre l'intérieur et l'extérieur, si bien que deux espaces s'y
rejoignent.

II. 7 LES MATERIAUX

Enfin, l'artiste pour s'intéresser à la matière. En principe, chaque matériau offre


seulement certaines possibilités à cause de ses propriétés physiques solidité et poids de la pierre,
légèreté et maniabilité du bois, résistance du métal.

La palette d'un peintre de fresque est moins étendue que celle d'un peintre à l'huile,
de même que les possibilités de la peinture à l'huile diffèrent de celles de l'aquarelle. Dans le domaine
de la sculpture, le choix de la pierre impose une conception plus stylisée du modèle. Les limites se sont
néanmoins considérablement élargies.

Quoique le choix des matériaux n'exerce pas une influence plus grande sur
l'architecture que sur la sculpture ou la peinture, les conséquences de ce choix sont plus perceptibles.
Le bois, matière fibreuse relativement solide par rapport à son poids, peut être taillé en longueur pour
former des poutres ou des colonnes. D'étroits montants de bois supportant des poutres allongées
donnent des rectangles plus larges que hauts. Dans la salle de conférence de Tôshodaiji dont la
charpente est en bois, ces rectangles apparaissent dans les proportions et dans tous les détails de la
construction. Le poids de la pierre appelle une destination différente.

Un linteau en pierre aussi long et étroit que les pièces en bois de l'édifice japonaise
rompait sous son propre poids et ne pourrait certainement pas supporter la charge supplémentaire
d'un toit ou d'un étage. Les linteaux en pierre doivent par conséquent être courts et les supports
rapprochés. Des facteurs identiques expliquent les proportions plus lourdes des colonnes en pierre.

Il en résulte des rectangles verticaux plus hauts que larges. Les premiers exemples
d'architecture, comme le site préhistorique de Stonehenge illustrent cette esthétique de la pierre. Ce
cercle de monolithes réunis par des linteaux forme une série de rectangles verticaux. Jusqu'à
l'invention du béton, la majeure partie de l'architecture occidentale était basée sur la construction en
pierre. Certains styles comme le Georgien du dix-huitième siècle aux Etats-Unis, firent souvent appel
au bois, mais les proportions et le vocabulaire architectural étaient influencés par ceux de la
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maçonnerie. Certains détails étaient cependant adaptés aux matériaux : colonnes amincies au point
qu'elles n'auraient pu être exécutées en marbre.

Stonehenge

Le rapport existant entre les matériaux employés et la réalisation n'apparaît pas


seulement dans la distinction entre bois et pierre, mais se retrouve dans la différence entre le
traitement du chêne ou de l'acajou, du granit ou du marbre. La durée du granit incitera l'artiste à
employer des lignes plus stylisées, avec peu de reliefs. Le temple du Sphinx à Gizeh témoigne d'une
grandeur solennelle avec ses blocs prismatiques supportent des linteaux de style simple. Le Parthénon
d'Athènes a permis plus de détails, le marbre étant plus facile à travailler.

II. 8 LA GEORGRAPHIE

Jusqu'à présent nous nous sommes intéressés aux problèmes propres à l'artiste. Si
celui-ci œuvrait dans le vide, eux seuls compteraient. Mais ce n'est pas le cas ; d'autres facteurs
influencent sa création, liée à l'époque et au pays où son œuvre voit le jour, et déterminent aussi bien
sa façon d'aborder les problèmes esthétiques que sa pensée.

L'élément géographique, quoique son influence soit souvent surestimée, joue un


certain rôle, surtout en architecture. Ici, tout d'abord, le site choisi pour une construction peut
déterminer son orientation et son aspect. Sauf dans le cas d'une incidence prédominante du soleil ou
du vent, un édifice construit en rase campagne peut être orienté dans n'importe quel sens. Un terrain
en pente restreint cette liberté. Par conséquent, un édifice conçu pour les grandes plaines peut ne pas
convenir à un terrain boxé ou accidenté.

Ensuite, lorsque l'architecture est particulière à une région, nous pouvons nous
attendre à trouver un toit à faible pente ou plat dans les pays méridionaux, un toit à forte inclination
dans le nord. La faible pente du toit du Parthénon est suffisante pour évacuer la plume, mais elle serait
bien moins appropriée s'il fallait tenir compte d'importantes chutes de neige. Le toit fortement incliné
des chalets de Haute-Savoie convient au climat de la région. Dans le désert, les édifices présentent
toujours des tous plats : villages pueblos du Nouveau-Mexique ou temples égyptiens. Néanmoins, bien
d'autres considérations peuvent intervenir : vent, type de construction, matériaux employés,
transmission d'un style architectural d'une région à une autre, etc.

Enfin, un troisième effet géographique, et le plus important (surtout dans le passé à


cause des méthodes primitives de transport), est l'existence des matériaux proprement dit. Là où le
bois abonde, c'est lui qui sera utilisé et qui définira la conception. La Grèce développa une architecture
en pierre à cause de ses carrières de marbre. La Mésopotamie, n'ayant ni pierre ni bois, utilisa l'argile,
et ainsi un style déterminé par la brique vit le jour.
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II. 9 L'ECONOMIE

Il faut enfin tenir compte de la diffusion des styles artistiques d'un pays à l’autre : l'art
doit beaucoup plus aux voies commerciales et à certains voisinages qu'on ne l'imagine.

Les conditions économiques jouent un rôle encore plus déterminant. Une longue
période de chaos économique peut éliminer l'art. La guerre de Cent Ans, en France, mit fin à la
construction des cathédrales et fut relativement stérile en œuvres d'art. La guerre de Trente ans laissa
derrière elle une Allemagne artistiquement desséchée. Les siècles de misère et de confusion qui
déferlèrent sur l'Europe occidentale après la chute de l'Empire Romain éteignirent presque la flamme
créatrice. Quelques édifices insignifiants, de rares manuscrits, des sculptures en ivoire, des émaux et
d'autres petits objets sont le seul héritage que nous possédions de cette période en Occident. Il est
vrai qu'avant l'occupation romane beaucoup de ces régions possédaient un art autochtone très
primitif.

Il ne s'ensuit pas qu'une période de prospérité économique soit automatiquement une


période riche en œuvre d’art ; simplement, l'homme doit posséder un peu plus que le minimum vital
pour qu'une activité artistique soit possible. Par ailleurs, en règle presque générale, toute expression
culturelle retarde d'une génération ou plus sur une amélioration politique ou économique ; il faut
parfois des années avant que les hommes ne s'adaptent à leur propre progrès et y puissent une
nouvelle liberté intellectuelle.

D'autre part, il peut y avoir des ruptures entre vie économique et art. Le passage de la
technique artisanale à la technique mécanisée dans la production des matériaux de construction est,
dans une certaine mesure, à l'origine du style architectural contemporain, mais ce passage ne s'est pas
fait sans hésitations ou oppositions.

Le régime politique en soi a sans doute moins d'importance et son influence peut le
plus souvent se ramener à des facteurs économiques. Lorsque les impôts se calculèrent d'après le
nombre ou dimensions des fenêtres, les constructeurs en tinrent évidement compte. De même,
l'impôt perçu sur le nombre d'étages amena la construction de mansardes, stratagème permettant
d'ajouter un étage sous le toit. Par contre, l'appui de certains groupes sociaux a toujours été un facteur
décisif. La richesse et la puissance de l'église au Moyen Age expliquent l'art essentiellement sacré de
cette époque.

De même en France, l'appui officiel et les encouragements de l'Académie


contribuèrent à former le goût et le style classiques au dix-septième et dix-huitième siècles. Cependant
les résultats obtenus par l'Académique ne furent pas toujours brillants, surtout au dix-neuvième siècle,
lorsque les progrès furent réalisés à l'encontre des positions officielles.

Mais de tous ces éléments, la structure sociale d'une époque est sans doute le plus
important, puisque c'est elle qui, en dernière analyse, définit ses critères. La puissance Rome impériale
créa une civilisation, et par conséquent un art, à son image : dimensions colossales, marbres aux
couleurs somptueuses, effets grandioses. Les démocrates aristocratiques de la Grèce, avec leur
propension aux discussions philosophiques et esthétiques, devaient fatalement développer un art
équilibré, délicat et raffiné. L'importance accordée aux salons, pendant le dix-huitième siècle français,
produisit un art de boudoir aux dimensions réduites, badin, sans lois précises mais jamais vulgaire.
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II. 10 LA RELIGION

Pour finir, la religion a souvent orienté l'évolution artistique, notamment lorsque


religion et pouvoir se sont confondus. L'architecture égyptienne, telle que nous a connaissons, s'est
surtout attachée à la construction de temples et de tombeaux ; et c'est pour eux que fut réalisée la
majorité des sculptures et peintures. Presque toute la sculpture grecque est inspirée par la mythologie.
En cette matière, chaque croyance détermine une expression spécifique. Le contraste fondamental
entre un temple grec et une cathédrale gothique réside dans la conception différente que deux
civilisations eurent de Dieu. De même, dans le domaine de l'art chrétien, la liturgie a joué un rôle
important.

Si l'art naît de l'esprit d'une époque, il façonne aussi la culture de cette époque et des
temps à venir. Tout comme Homère cristallisa dans ses vers les conceptions éthiques des Grecs, les
cathédrales romanes et gothiques, nées des rites et de la foi, confirmèrent ces rites et consolidèrent
cette foi. Après les innovations de Giotto dans le domaine de la peinture, les italiens de la renaissance
ne purent plus concevoir l'homme comme on l'avait fait jusqu'alors. C'est peut-être par un tel pouvoir
que l'art apporte sa plus grande contribution à l'histoire de l'humanité.

Dans la mesure où une période constitue une entité historique, le régime, la religion
et la structure de la société contribuent à l'expression artistique, engendrent un style. C'est ainsi que
nous pouvons parler d'une période gothique, de la renaissance ou du style baroque, indiquant de la
sorte qu'il existe certaines similitudes dans les créations d'une époque déterminée. Mais, si certaines
constantes sont valables pendant une période donnée et dans des régions géographiques relativement
étendues, d'autres ne le sont pas en ces mêmes lieux, où leur importance varie à l'intérieur de zones
plus restreintes. C'est ainsi que l'on peut considérer le style gothique ou celui de la renaissance dans
leur ensemble, mais aussi constater, par exemple, qu'il y a des dissemblances entre le gothique anglais
et le français, entre le baroque flamand et l'italien.

Un Michel-Ange et un Raphaël ne réagissent pas de la même façon à leur époque ; tous


deux sont cependant caractéristiques de la haute Renaissance italienne, mais leur personnalité
imprime un sceau bien individuel à leur œuvre.

C'est à l'action conjuguée de l'époque, du lieu et de la personnalité que l'histoire de


l'art, à travers les siècles, doit son infinie variété.
14

CHAP. III : L'ARCHITECTURE PREHISTORIQUE

IX. 1 GENERALITES

L'homme ignore encore la domestication des animaux et la vie pastorale :


essentiellement chasseur, il se déplace suivant les saisons à la poursuite du gibier, et surtout du renne
dont il fait sa principale nourriture. L'habitation devient nécessaire et avant tout, elle doit être mobile.
Les outils qui permettent de l'exécuter sont, comme pendant la période antérieure, des outils de silex,
mais déjà montés sur manches et qui accusent par la diversité de leurs formes, une remarquable
spécialisation de fonctions : haches, scies, perçoirs, grattoirs, etc. On commence à fabriquer des
cordages en même temps que des tissus.

A la fin de la période glaciaire se produit une émigration en masse des populations de


l’Europe : à mesure que les glaces tendent à se confiner dans les régions polaires, le renne se retire
vers le Nord ; l'homme chasseur le suit et laisse la place libre à une invasion, probablement venue de
la haute Asie, qui apporte avec elle les principes de tout un état social nouveau.

Les envahisseurs connaissent la domestication des animaux et même la métallurgie.


Avec eux commence la vie pastorale et agricole, avec eux les armes, les outils de métal font leur
apparition. Le silex, dont ils continuent l'usage, n'est plus seulement éclaté mais poli. Ils emploient le
feu pour durcir l'argile et fabriquer la poterie.

Les métaux que nous leur devons sont le cuivre et le bronze, en attendant le fer dont
l'introduction sera plus tardive. Leurs arts sont surtout ceux où le feu intervient, leur époque celle d'un
des plus surprenants efforts de l'activité inventive : ces mêmes hommes qui nous ont donné les métaux
se présentent à nous comme les créateurs d'une mécanique assez puissante pour, permettre la
manœuvre des blocs monstres qui seront les premiers monuments de l'architecture.

Les premières œuvres peintes, gravées ou sculptures, datent des temps obscurs de la
préhistoire, alors que les glaciers recouvraient encore la plus grande partie de l'Europe septentrionale.
Les archéologues en ont découvert des vestiges dans de nombreux sites d'Europe, d'Afrique et d'Asie.
Les exemples les plus connus et les plus frappants de cet art se trouvent dans certains abris souterrains
et grottes du sud de la France et de l'Espagne septentrionale et orientale, habités à la fin du
Paléolithique (période glaciaire), c'est-à-dire il y a environ douze mille à vingt mille années.

Le climat, la faune et la flore différaient alors beaucoup de ceux d'aujourd'hui.


Pendant une partie de cette période il fit extrêmement froid et sec : mammouths bisons, rennes et
chevaux sauvages étaient l'abondant gibier de ces premiers chasseurs. C'est pourquoi, les figures
animales gravées ou peintes prédominent, surtout dans les grottes du nord de l'Espagne et de la France
; plusieurs sites renfermaient également des statuettes sculptées en ronde bosse dans des os, des
andouillers, de l'ivoire, de la pierre ou de l'argile. Nous connaissons l'existence de l'art paléolithique
depuis un siècle seulement ; mais depuis lors la découverte graduelle et souvent accidentelle de plus
15

d'une centaine de grotte nous a permis d'acquérir des connaissances de plus en plus approfondies sur
l'homme de la Préhistoire et son art.

Un peu partout dans le monde l'homme primitif creusa, grava ou peignit les parois
rocheuses de ses abris ou grottes : en Afrique méridionale, centrale et septentrionale ; dans les régions
occidentales des Etats-Unis ; en Océanie, en Australie et en de nombreuses autres contrées. Toutes
ces manifestations d'art rupestre ne datent pas de la même époque ; en fait, les archéologues sont
souvent réduits à émettre de pures hypothèses sur
leur âge ; néanmoins, en de nombreux points du Les principaux représentants de la faune
globe, cet art primitif présente des caractères pléistocène étaient des animaux
communs. Sa première expression (la plus actuellement éteints dont :
représentative) fut probablement celle du
paléolithique supérieur en Europe du Sud-ouest. • Sculptures
• Bas-reliefs
On distingue deux centres d'art
• Le grand hippopotame
primitif européen, celui du nord de l'Espagne et du
• Le mammouth
sud-ouest de la France, ou région franco-
• Le rhinocéros à narines
cantabrique, et, plus au sud, celui, un peu moins Cloisonnées
ancien, de l'Espagne orientale ou région levantine. • Le grand ours des cavernes
Le centre franco-cantabrique correspond à • Le grand cerf d'Irlande
l'Aurignacien et au Magdalénien, à la première et à • L'urus
la troisième période du Paléolithique supérieur, qui • L'hyène des cavernes
doivent leurs noms à des sites du sud-ouest de la
France. Les œuvres d'art de cette contrée furent en
général retrouvées dans des grottes profondes, alors que celles de la zone méridionale apparaissent
sur les parois rocheuses d'abris sous roche.

Dernière période de l'âge paléolithique

• Chasse
• Pêche
Activités • Fabrication d'arme
• Fabrication d'instrument d'os et de silex

• Rites magiques et propitiatoire (voir ornement)


Manifestations religieuses
• Sculptures
• Bas-reliefs
Manifestations artistiques • Graffiti
• Peintures rupestres
16

IX.2 LES PROCEDES

A. LE TRAVAIL DU BOIS

Les emplois du bois réduits à ce qui peut s'exécuter à l'aide de la hache et de la scie de
silex, sont bien restreints : la charpenterie proprement dite suppose au moins des instruments de
bronze. Et, même à leur aide, la taille des assemblages est pénible ; elle l'est à ce point, qu'on voit les
constructions creuser leurs pirogues dans des troncs d'arbres plutôt que de les composer de pièces
ajustées. Lorsqu'il s'agit de bâtir des huttes, les assemblages sont autant que possible remplacés par
des ligatures plus ou moins semblables à celles qui fixent les instruments de silex à leurs manches : la
vannerie, qui n'exige aucun outil, doit avoir précédé la charpente ; et la charpente par ligatures
devance nécessairement la charpente d'assemblage. Planter des poteaux dans le sol, et relier à ces
poteaux à l'aide de harts des traverses de planches ou de toitures, voilà en somme le résumé de la
charpente préhistorique.

B. LA PIERRE

La pierre était d'un emploi plus difficile encore : le tranchant du silex se brise par les
chocs. Le bronze même entame mal le roc et permet moins de le tailler que de l’« étonner » par
percussion, toutefois, rend-il le travail possible ; l'architecture de pierre n'était praticable qu'à l'époque
des métaux : de là sa tardive apparition.

Les éolithes

La preuve incontestable de l'existence de l'homme dès le début du pléistocène étant


acquise, certains préhistoriens portèrent leurs recherches plus avant dans la formation de l'ère
tertiaire. Ils crurent reconnaitre les traces d'un travail intentionnel sur des silex recueillis non
seulement dans le pliocène et le miocène mais jusque dans l'oligocène. Il ne s'agit pas encore, il est
vrai, d'outils proprement dits, mais de simples blocs
et éclats de silex utilisés pour frapper, couper, racler Polissage de la pierre
ou percer et seulement un peu accommodés et
retouchés. Les spécimens de cette reçu le nom Le polissage ne s'exerçait que sur une
industrie embryonnaire ont d'éolithes. certaine catégorie d'objet, comprenant la
hache et ses dérivés.
Il est maintenant bien démontré que
des actions purement naturelles peuvent donner aux L'instrument était, une fois dégrossi, poli par
silex les apparences de taille, de l'utilisation et de la frottement sur des pierres dures et à l'aide
retouche humaine ; il convient, vu la gravité de la de l'eau et de sable.
question d'être circonspect en matière d'éolithes.
Les polissoirs sont ordinairement en grès ou
Le mégalithisme aux temps préhistoriques.
en quartzite. On en connaît deux sortes: les
Au moment de ses débuts polissoirs mobiles, de dimensions parfois très
l'architecture de pierre présente un aspect réduites et les polissoirs fixes, gros blocs
caractéristique, qui est le mégalithisme : elle procède souvent adhérents au sol.
par blocs énormes ; partout les masses remuées
préexistent aux masses construites. Et cela même,
nous allons le reconnaître, est une conséquence de
l'état de l'outillage.
17

Pour nous, il est commode de débiter la pierre en petits blocs de forme


régulière et d'un maniement facile ; aux âges préhistoriques, il était plus simple de l'employer
par grandes masses entièrement brutes ; on éclatait le bloc en carrière à l'aide de coins, pour
le transporter au moyen de leviers. Rien de plus aisé que cette manœuvre ; la figure 1 en
expliquera les détails.

fig. 1.

Veut-on soulever le bloc ? Il suffit de lui adapter une série jointive de leviers
qu'on charge en queue (croquis M) ;

Au moment où les leviers abattus (position N), on cale la pierre (croquis N) ;


Puis, par un terrassement indiqué en M', on exhausse les points d'appui des leviers ;
Et ainsi de suite.
On peut de cette sorte faire monter la pierre à volonté.

Veut-on la faire cheminer ? On donnera (fig.2) au massif qui la porte une légère
inclinaison, et on rendra glissante la surface d'appui en la revêtant d'un corroi d’argile ; cela
18

fait, il suffira d'abandonner la pierre à elle-même : si l'inclinaison du plan de glissement est


convenablement réglée, le bloc descendra par son poids comme un navire sur une cale de
lançage.
La pierre est parvenue au terme de sa descente ; on renouvelle l'opération
(croquis B et C) ; et ainsi de suite. Et il est à remarquer que le procédé permet (variante R) de
cheminer même au rebours de la pente naturelle du sol.

fig.2

S'agit-il de dresser la pierre à la manière d'un obélisque ? La solution figure 3 se


présente d'elle-même.

On installe en sous-œuvre un pivot A fait d'un tronc d'arbre et une glissière G


en argile savonneuse ; puis on affouille progressivement le remblai sur lequel le bloc repose :
par le seul effet de son poids, le bloc bascule et se dresse. L'opération n'exige ni mécanisme
ni cordages.

fig. 3

Elle est lente, mais on sait combien le temps compte peu chez les peuples
primitifs. Elle demande une somme de travail énorme, mais le fait seul de ces monuments
sans utilité matérielle témoigne d'une formidable organisation autoritaire : le mégalithisme,
où la dépense de travail compense la pénurie d'outils, est bien l'architecture de populations
19

encore demi-sauvages au service d'une toute-puissante volonté. Le mégalithisme est à la fois


une conséquence du manque d'outils et un indice du régime des sociétés naissantes.
La pierre excavée.
Une autre façon d'utiliser la pierre, est de l’excaver : on creuse des cellules dans
le roc des falaises dès qu'on dispose de métaux permettant de l'attaquer. Dans le cas des
roches tendres et stratifiées, les couches qui plafonnent risque de s'ébouler ; le profil le plus
convenable pour prévenir ce danger est un profil surhaussé ; de là cette section en ogive plus
ou moins régulière qui a été signalée dans un grand nombre de cavernes artificielles.
C. CONSTRUCTIONS D'ARGILE
La pierre, avons-nous dit, est rebelle aux outils de silex, le bois leur résiste,
l'argile n'exige pour être mise en œuvre que la main qui la pétrit ; l'argile permet de bâtir non
seulement des murs, mais des abris voûtés réalisables là même où le bois fait défaut : elle dut
être un des premiers matériaux de l'habitation humaine. Si loin qu'on puisse remonter,
partout on trouve la brique, mais employée sans cuisson : la brique durcie au feu partait
originaire de ces contrées asiatiques où tous les arts du feu ont pris naissance et, en pleine
période historique, elle restera localisée dans les régions de l'Asie à l'est de l'Euphrate.
A Troie, les premiers explorateurs ont confondu avec des constructions de terre
cuite des murs d'argile que l'incendie avait durcie. C'est également d'argile crue qu'étaient
faites ces maisons de Santorin qui nous sont parvenues, comme les restes de Pompéi, sous la
couche protectrice des cendres d'un volcan. Un détail de ces maisons mérite une mention
spéciale : leurs murs d'argile reposent sur un soubassement de moellons plus ou moins
irréguliers dont les interstices sont comblés par un remplissage d'argile : nous trouvons là le
premier exemple connu d'un mode de construction qui sera plus tard la maçonnerie.
IX.3 ORNEMENTS
Les époques de progrès et de décadence de l'art figuré ne répondent nullement
à celles de l'industrie constructive.
L'homme de l'âge glaciaire, qui bâtissait à peine, occupait les loisirs de son
existence de chasseur à reproduire sur ses armes les formes animales, et rendait avec une
frappante vérité le mouvement, la vie ; par une étrange exclusion, jamais il n'empruntait ses
modèles aux formes végétales.
Les grottes paléolithiques décorées de la région franco-cantabrique n'étaient
pas habitées puisque les traces d'occupation humaine ne se rencontrent qu'à leur entrée ou
non loin de là. Les peintures et incisions ont souvent été réalisées dans des salles presque
inaccessibles au fond des grottes, ce qui permet de penser que ces salles étaient des
sanctuaires ou des lieux de cérémonie, et fuirent sans doute utilisées comme tels pendant de
très longues périodes. Il faut se contenter d'hypothèses sur la nature des croyances qui
donnèrent naissance à cet art, mais puisque les sujets représentés sont, à quelques exceptions
près, les animaux dont se nourrissaient ces peuplades primitives, on peut y voir des
représentations magiques destinées à assurer une chasse fructueuse
20

Plusieurs théories d'explication de l'art préhistorique


❖ L'Art pour l'art
Théorie désuète qui présente les hommes préhistoriques comme des esthètes à la recherche
du « Beau ». (Gabriel de Mortillet)
La grande majorité de l'art pariétal se situe dans des grottes, au fond des galeries, et presque
toujours sans lumière naturelle. Comment, dans ce cas, imaginer que cette recherche et cette
création de décoration (d'ornements) soient quasiment inaccessible ?

❖ Le totémisme
Théorie qui proclame qu'à chaque clan correspondrait un animal totémique objet de
prohibitions, alimentaires en particulier, et parfois objet d'une sorte de culte.
→ un nombre certain d'animaux est porteur de flèches ou de blessures incompatibles avec la
prohibition propre aux animaux totémiques.
❖ Le structuralisme
Aux années 60, A. Leroi-Gourhan (1911-1986), proclame que derrière le désordre apparent de
l'art pariétal il existe un ordre, une structuration de la grotte dans son ensemble avec des
figures d'entrée et de fond, une organisation des panneaux avec des figures centrales et
périphériques, et surtout une dualité fondamentale femelle/mâle représentée par le couple
symbolique bison-aurochs/cheval, à la fois opposé et complémentaire.
Une cinquantaine d'années s'est maintenant écoulée sans que la structure tant cherchée n'ait
pu être mise en évidence de manière sure. Bien au contraire certaines recherches ont abouti
à une dualité bison/cheval mais de polarité sexuelle inverse.
❖ Le pouvoir magique et la chasse
Hypothèse soutenue par l'Abbé Breuil (1877-1961). L'ancêtre est présumé être un chasseur
affamé, certains animaux paraissent atteints par des flèches, les figures mi-animales mi-
humaines sont vues comme des chasseurs travestis pour approcher le gibier. Cette théorie de
la chasse magique suppose une relation d'identité entre l'image et son sujet. Le bison dessiné
est symboliquement tué avant de l'être réellement. Théorie de chasse magique plutôt que
religion primitive (Grotte Lascaux : Chapelle Sixtine de la Préhistoire).
→ Quelques animaux paraissent effectivement blessés par des flèches. Cependant les
animaux blessés ne sont pas très nombreux, surtout les fouilles montrent que le bestiaire
représenté ne correspond pas à ce qui était réellement consommé par les paléolithiques
(échantillon culinaire).
→ Ce pouvoir magique est contredit également par les nombreuses représentations
d'animaux et d'éléments sans rapport avec la chasse (mains, figures humaines, ...)
21

On pense en général que les premières manifestations d'art préhistorique


furent de petites statuettes ou des incisions. Le plus souvent ces statuettes ont été retrouvées
parmi les débris déposé sur le sol des cavernes, mêlées à des outils en pierre taillée dont les
archéologues ont pu déterminer l'âge. Cet art est le plus souvent animalier s ce n’est quelques
statuettes représentant des corps
féminins très stylisés, dont Pourquoi décorait-on les parois de ces souterrains
certaines parties ont été fortement obscurs et malaisés et conséquemment impropres
exagéré. Les exemples les plus à l'habitation ?
connus sont la Vénus de
Willendorf, statuette de 11cm La magie semble expliquer mieux que toute
autre hypothèse, l'origine de l'art paléolithique et le
taillée dans le calcaire et retrouvée
but de ces graffiti et de ces peintures.
en Basse-Autriche près du Danube,
les Vénus de Lespugue et de On remarque en effet que les motifs
Laussel, trouvées dans le sud-ouest empruntés au monde animal y sont de loin les plus
de la France. Les représentations nombres et que les animaux représentés sont presque
animales nombreuses pendant la toujours les animaux les plus utiles. Et l'on sait d'autre
période aurignacienne et les part, la croyance très répandue chez beaucoup de
époques ultérieures sont, sauvages actuels que le fait de reproduire, par le
contrairement aux figures dessin, un être quelconque, donne, celui qui en fixe
humaines plus symboliques, d'un ainsi l'image, une sorte de prise ou de pouvoir magique
réalisme saisissant. sur cet être.

A partir des Il est donc permis de supposer que les


caractéristiques stylistiques de primitifs ont gravé et peint sur les parois de leurs ces
plusieurs centaines d’œuvres animaux désirables dans intension magique c'est-à-
peintes ou sculptées de la région dire dans le but de se les procurer par ce moyen ou
franco-cantabrique, on peut d'en multiplier l'espèce.
valablement supposer qu'elles
datent des premières et troisièmes Ces gravures et ces peintures seraient
l'expression d'une religion très grossière, mais très
périodes du paléolithique
intense, faite de pratiques magiques ayant pour unique
supérieur. La période la plus
objet la conquête de la nourriture quotidienne.
ancienne est caractérisée par des
formes géométriques, par des Les cavernes apparaissent donc comme ayant
silhouettes animales dessinées été des sortes de sanctuaires où l'on faisait des
avec les doigts sur les parois invocations, et non des demeures.
argileuses humides, et par des
mains peintes en négatif sur un
fond rouge ou noir. Viennent alors les images incisées ou peintes dont les contours ont été
grattés ; ces représentations d'animaux s'accompagnent parfois de motifs géométriques,
probablement symboliques. L'éléphant de la grotte du Castillo, dans les Pyrénées espagnoles,
est un exemple typique d'art aurignacien.
22

Zone image

Les contours, en ocre rouge, sont très stylisés et l'artiste a dessiné seulement
deux pattes. Aucun détail n'a été indiqué à l'intérieur de la silhouette. L'incision un peu plus
récente de la grotte des Combarelles, en Dordogne, représente un mammouth de profil, les
quatre pattes sont visibles en perspective et des lignes brisées évoquent les longs poils de la
bête. La grotte des Combarelles, découverte en 1901, referme uniquement des figures
gravées mais les caractères du style paléolithique y apparaissent clairement : lignes continues
ou brisées, emploi de petits traits gravés pour évoquer les aspérités du corps.
Les figures animales de la préhistoire (ronde-bosse, relief, incision ou peinture)
ont toutes un style d'un réalisme absolu et saisissant. Cet art vibrant est caractérisé par une
conception (visuelle » et dynamique de l'animal.

Les colorants utilisés pendant le paléolithique étaient à base d'ocre


(généralement des oxydes minéraux), la gamme des tons allant du rouge au noir en passant
par plusieurs nuances de brun ; un noir plus profond s'obtenait au moyen d'ossements
carbonisés. Les pigments étaient employés en bâtonnets (pour le dessin) ou broyés et
mélangés de la graisse animale (pour les grandes fresques murales). L'essentiel de la forme
était ainsi noté avec, éventuellement, quelques détails significatifs représentés de mémoire à
partir d'observations faites pendant la chasse.

Zone image
23

Les grottes d'Altamira furent les premières découvertes, en 1868, non loin de
Santander dans le nord de l'Espagne. Ce n'est cependant qu'en 1819 qu'une petite fille
remarque les peintures sur les parois et la voûte. L'immense caverne d'environ 300 mètres de
long est ornée d'incisions et de peintures animales ; certaines sont cernées de noir, d'autres
sont entièrement peintes en rouge ou en noir, d'autres encore sont polychromes. La peinture
la plus importante, et la plus connue, est la « Grande fresque » de la voûte, mesurant environ
14 mètres. On y voit plus d'une vingtaine d'animaux de la fin du Paléolithique, comme le cerf,
le sanglier le bison ; ces figures qui peuvent mesurer de 1 à 2 mètres, sont presque toutes
polychromes et ont été incisées avant d'être peintes. Le réalisme de ces animaux en pleine
course, blessés ou aux abois, est saisissant. La gamme de couleurs est particulièrement riche
et les irrégularités géologiques ont été habilement incorporées aux formes animales pour leur
donner plus de relief.

Zone image
24

Parmi les diverses grottes franco-cantabriques, celles de Fond-de-Gaule


découverte en 1901, et de Lascaux découverte en 1940, toutes deux en Dordogne, revêtent
une signification particulière. Les nombreuses galeries et salles de Lascaux renferment
presque tous les styles préhistoriques de peinture et d'incision, du début de l'Aurignacien à la
fin du Magdalénien, cette grotte est d'ailleurs considérée, à juste titre, comme un des sites
paléolithiques les plus significatifs que nous connaissons.

La superposition de nouvelles figures aux dessins plus anciens, et donc


estompés, ainsi que l'absence de tout élément de composition, sont caractéristiques de l'art
franco-cantabrique. Lascaux, Altamira et Fond-de-Gaume constituent le sommet de l'art
paléolithique.

L'art rupestre de l'Espagne orientale diffère en de nombreux points de celui du


nord. Dans cette région, les peintures, de dimensions relativement réduites, se trouvent dans
des abris sous roche plutôt que dans des grottes profondes. Les fresques sont monochromes,
généralement rouges, parfois noires. Il s'agit de véritables scènes empruntées à la vie des
hommes et des animaux, et donc narratives. Les animaux, comme le cerf, le cheval sauvage,
le sanglier et l'antilope, sont représentés surtout de profil, dans un style rapide et dépouillé
qui contraste avec l'impression de profondeur et de dynamisme créée par l'art franco-
cantabrique. Les figures humaines, rarement évoquées dans le nord, sont ici de taille réduite
; leurs formes entièrement coloriées sont souvent stylisées jusqu'à l'abstraction. Les
superpositions étant fréquentes, il semble que les sites de l'Espagne orientale aient eux aussi
été des sanctuaires ou des lieux de culte.

Mais ces représentations, si différents des peintures franco-cantabriques, sont


fort probablement postérieures à l'art glaciaire du nord et avaient peut-être d'autres
significations. Les scènes de danse, de chasse et de guerre, où interviennent homme et animal,
se distinguent nettement des figures quasi exclusivement animales des grottes franco-
cantabriques ; certaines peintures, comme celle de Cogul, où des femmes en jupe dansent
autour d'un homme nu, pourraient symboliser ou représenter une danse d'initiation ou de
fertilité. Ces femmes portant des vêtements apparaissent également dans l'immense fresque
de la grotte de la Vieja, près d’Alpera ; plusieurs sites d'Espagne orientale, notamment la
grotte de Valtorta, montrent des chasseurs dans des attitudes stylisées et énergiques. Cet art
est surtout caractérisé par l'intensité dramatique du mouvement ; l'artiste ne cherche pas à
rendre les formes réelles mais des schémas ; il exprime en signe – en symbole chasseurs sont
souvent munis d'arcs et de flèches, armes qui n'apparaissent pas dans les œuvres franco-
cantabriques.

Il est probable qu'au moins certaines personnes rupestres de l'Espagne


orientale sont postérieures à celles de l'époque glaciaire du nord et datent de la période
néolithique. Cet art particulièrement intéressant est d'une valeur esthétique certaine et
témoigne de nombreuses similitudes avec l'art rupestre de l'Afrique centrale et méridionale.
25

Les chefs-d'œuvre de l'art du paléolithique supérieur ont souvent été attribués à


l'homme de Cro-Magnon, mais nous savons actuellement que celui-ci n'était qu'un membre parmi
d'autres de l'espèce homo sapiens, toute entière responsable de cet art. Le Mésolithique, qui succéda
il y a environ dix à douze mille ans au Paléolithique, et fut marqué par l'apparition progressive de
caractéristiques climatiques et géographiques proches des nôtres, semble avoir été une époque moins
propice à l'expression artistique.

En Europe centrale et occidentale, une période néolithique relativement longue (de


3500 à 1700 av. JC env.) succéda au Mésolithique. C'est au cours de cette époque que furent jetées les
bases de la plupart des civilisations postérieures. Le Néolithique fait usage d'outils et d'armes en pierre
polie, donc plus efficaces. Le plus significatif de ces outils néolithiques est le poignard de pierre ou celui
en silex dont la surface polie et le tranchant bien affûté font un instrument nettement supérieur aux
pierres taillées des peuplades paléolithiques.

L'homme du Néolithique domestiqua animaux et plantes, plus particulièrement les


céréales. Ces deux victoires l'amenèrent à se fixer de façon permanente dans des villages ou
communautés, rompant ainsi avec une vie errante saisonnière basée sur les migrations du gibier.
L'existence de fosses servant à stocker la nourriture montre que ces groupes disposaient de réserves
permettant la survie et l'augmentation de la population. Il est en outre évident que l'homme du
Néolithique fut amené à mieux organiser ses combats agressifs et défensifs. Il fit de ses outils des
objets d'art et trouva dans la céramique de nouveaux modes d'expression. La poterie, d'abord
confectionnée à la main, était grossière et dépourvue de décorations, mais plus tard la technique de
fabrication fut améliorée et les récipients s'ornèrent de motifs géométriques imprimés ou gravés ; plus
tard encore apparurent les objets et les vases modèles.

L'invasion qui apporte les métaux coupe court à ce premier essor : avec elle,
l'art imitatif disparaît brusquement. L'homme de l'âge de la pierre polie, des mégalithes et des
métaux, devient absolument étranger aux représentations figurées. Dès l'apparition de ce
peuple asiatique, l'idée du grand efface l'idée du beau abstrait, le métier supplante l'art : la
perfection du travail remplace l'élégance des décorations. A l'âge antérieur on ciselait les
armes, désormais on en lisse les surfaces au polissoir ; et, par un phénomène de survivance
bien digne de remarque, nous voyons les premiers instruments de bronze reproduire par pure
imitation les formes traditionnelles des instruments de silex : ainsi verrons-nous l'art grec lui-
même rappeler dans son architecture de pierre les formes de la construction en bois.

A dater du jour où les métaux interviennent, à dater du jour où l'industrie


commence, l'ornement se réduit à des formes purement conventionnelles et d'une pauvreté
de conception extrême : telles ces lignes ondulées qui couvrent les dalles du dolmen de
Gavrinis.

La difficulté matérielle de façonner le roc fut longtemps un obstacle au


développement de la sculpture architecturale. A Gavrinis, le guillochis ornemental est
appliqué sur des pierres à parement mal dressé : l'instrument de silex ou de bronze suffisait
pour graver, ou pour aplanir ; et, lorsque le bloc s'est montré trop résistant, l'ouvrier a renoncé
à l'orner, il l'a laissé brut : les lacunes de la décoration de Gavrinis ne sont autre chose qu'un
aveu de l'insuffisance des moyens.
26

A ces naïfs essais succèdent, dans l'Europe du Nord, les runes qui sont déjà des
écritures figurées ; des scènes navales gravées d'un trait expressif et ferme sur les rochers de
la Scandinavie ; et, aux antipodes de notre Europe, les colosses de l'île de Pâques.

Ces statues océaniennes d'un si puissant relief, ces têtes d'une facture franche,
sûre et vraiment monumentale, ne sont-elles pas les productions récentes d'un art issu
peuvent être de quelque continent disparu, où la sculpture en plein relief gardait les libres
allures que la gravure a traduites aux STATIONS TERRESTRES, LACUSTRES OU
premiers âges de l'humanité ? PALUSTRES

Concurremment à Les Néolithiques vivent à l'air libre, dans les huttes sur
l'architecture austère des dolmens, il les plateaux et les sommets escarpés pourvus des
aurait existé dans ces lointains régions sources et au bord de l'eau, sur les versants en pente
douce exposés au midi ou au levant.
une architecture où les
représentations de la nature vivante Ils construisirent aussi au-dessus des lacs, des étangs et
jouaient leur rôle, et qui un jour peut des marécages, des cabanes sur pilotis.
être prendre sa place dans l'histoire
des origines de l'art. Les grottes et les abris sous-roche ne servent plus guère
que d'asile aux morts.
IX.4 MONUMENTS Les huttes néolithiques étaient en partie souterraines.
Elles consistaient en une excavation ronde ou ovale
Les édifices se classent d'étendue et de profondeur variables creusée dans le sol
comme des témoins marquant le et recouverte d'un toit fait des branchages et revêtue de
genre de vie et l'état moral de gazons ou d'une épaisse couche d'argile. Une entrée le
plus souvent en plan incliné, donnait accès à l'intérieur
l'humanité chacun de ses âges :
de la hutte ; la fumée du foyer s'échappait sans doute
par une ouverture aménagée au-dessus du toit.
A l'âge préglaciaire le
climat, avons-nous dit, n'impose ni Les emplacements des huttes, les fonds de cabane, se
l'existence nomade ni l'abri construit. présentent sous la forme de cuvettes creusées dans le
Les seuls indices des stations sol vierge et remplies de terres noires ou noirâtres,
coloration due au centre du foyer et aux matières
préglaciaires sont des foyers,
organiques décomposés, débris des cuisines, os,
ordinairement creusés en contrebas détritus. On y retrouve habituellement des pierres des
du sol, où se sont accumulés des foyers, des ustensiles en silex et en os, des fragments de
charbons, des cendres, les ossements poterie, de meules à broyer les grains et parfois aussi les
des animaux sauvages dont nos débris de torchis c'est-à-dire des morceaux d'argiles
accidentellement durcis par le feu et porte des
premiers ancêtres faisaient leur
empreintes souvent très nettes de bois et des
nourriture. branchages dont le toit de la hutte était constitué.

Lorsqu'à l'époque Les Néolithiques, qui, les premiers ont appris à connaitre
glaciaire la rigueur du climat rend les bienfaits du développement et de la vie sociale
nécessaire un abri, l'homme, encore groupent leurs huttes en villages terrestres ou lacustres.
exclusivement chasseur, cherche dans
ses migrations cet abri sous les surplombs des falaises, ou bien à l'entrée des grottes naturelles
; il faut descendre jusqu'à l'âge actuel, l'âge.
27

INTERPRETATION

On a vu dans ces enfilades de pierres des enceintes sacrées ou des signes servants, à
défaut d'écriture, à perpétuer la mémoire de quelque grand événement. Ces pierres, éclatées comme
les silex, semblent de gigantesques simulacres de l'arme primitive. Le deutéronome nous représente
les hébreux dressant en souvenir d'une victoire des pierres non taillées et semblables aux mégalithes
de la Bretagne : reste à savoir si ce caractère commémoratif doit s'étendre à la famille entière de ces
mystérieux monuments.

D'autres conjectures ont cours sur la destination des pierres levées, des tumuli et des
dolmens :

L'orientation de certaines avenues a fait penser qu'elles pouvaient être des symboles
astronomiques.

En ce qui concerne les tumuli, on a remarqué que fort souvent, d'un tumulus la vue
s'étend à plusieurs autres : ce qui a suggéré l'hypothèse d'une utilisation comme buttes à signaux.

Des dolmens à l'air libre ont été considérés comme des tables de sacrifices, des autels
; mais est-il sûr que des terres autrefois accumulées au-dessus d'eaux n'aient pas disparu ?

Dans toutes ces conjectures il peut y avoir une part de vérité, et aucune d'elles n'est
incompatible avec l'idée de monuments dont la destination principale eût été de consacrer un
souvenir.

Mais ce qu'on ne saurait trop remarquer, c'est le choix pittoresque des sites : la plupart
des tumuli s'élèvent bien en vue, sur des croupes de collines d'où se découvrent de larges horizons :
les auteurs de ces primitifs monuments avaient tout au moins l'art d'associer la nature à leurs œuvres.

Une partie des alignements du Ménec. Ici, chaque menhir mesure entre 1 et 2 mètres

Stonehenge. Espace cultuel orienté en fonction des cycles solaires et lunaires.


L'édification de Stonehenge s'étendit jusqu'au début de l'âge du Bronze
28

Alignement de Kermario à Carnac

A Stonehenge, près de Salisbury (Angleterre) se trouvent les vestiges d'une des


plus célèbres constructions de ce genre. Malgré son délabrement actuel, ce monument très
complexe est extrêmement impressionnant. Il semble avoir été érigé entre 1700 et 1500 av.
Jésus Christ et daterait donc d'un peu après la fin du Néolithique. Il s'organisait à l'origine en
une série de cercles concentriques de mégalithes réunis par des linteaux de pierre maintenus
en place au moyen de tenons et de mortaises ; au centre, des menhirs plus petits, puis cinq
paires distinctes de mégalithes de plus de 7 mètres de haut reliés par des linteaux et disposés
en fer à cheval. Ce dernier plan était repris par une nouvelle rangée intérieure de petits
menhirs entourant une grande calle de plus de 4 mètres de long sur environ 1 mètre de large,
suggérant un autel. La destination et la signification de Stonehenge ne nous sont pas connues
; mais ce site semble avoir été un lieu culturel réservé aux cérémonies ou peut être à des
sacrifices.

Menhirs et dolmens, ni même l'ensemble de Stonehenge, ne peuvent être


considérés comme de l'architecture. Ils témoignent cependant d'un souci de commérer
certains événements de façon durable, et suggèrent l'existence d'un rituel lié au culte des
morts. C'est grâce à de tels vestiges, et indépendamment de leur seule valeur esthétique, que
nous pouvons essayer de pénétrer dans la pensée et la vie des hommes de la préhistoire.

IX.5 QUESTIONS DE CHRONOLOGIE ET LES PREMIERS FOYERS DE L'ARCHITECTURE

A. DIFFUSION ET SURVIVANCES DE L'ART PREHISTORIQUE

Les pierres levées, les dolmens, ces monuments d'un art à la fois si rude si
imposant, répondent en fait à des dates très variables : telle contrée possédait une
architecture relativement savante au moment où d'autres étaient encore à la période des
essais ; on peut assimiler les groupes humains à des individus qui parviennent à la même date
aux différents degrés de leur croissance.
29

Les monolithes de la Bretagne pareils à ceux du pays de Galles, appartiennent à une


époque où la navigation était assez développée pour permettre d'une rive à l'autre de la Manche des
relations suivies : c'étaient des œuvres de marins ayant à leur disposition les ressources de la
machinerie navale, et peut être ne remonte-elles qu'à peu de siècles avant l'ère chrétienne.

Les dolmens les plus anciens, si l'on en juge par les armes et les outils de silex qu'ils
renferment, appartiennent aux premiers temps de la pierre polie, les plus récents sont
contemporaines des civilisations historiques. En plein moyen âge des dolmens s'élevaient dans les
contrées scandinaves ; les Germains, lors des invasions qui mirent fin à l'empire romain, se servaient
encore d'armes de silex ; la tradition des palafittes s'est continuée dans les îles de l'Océanie jusqu'à
nos jours : gardons-nous donc de conclure de la similitude des procédés à la communauté des dates.
Gardons-nous aussi d'inductions trop faciles sur l'histoire des races humaines : un type de construction
en désaccord avec les matériaux d'une contrée nouvelle ne saurait s'y perpétuer, et la différence des
procédés n'implique souvent autre chose que la variété des ressources. Ce qui du moins parait hors de
doute, c'est qu'il y eut une époque où régnait d'un bout du monde à l'autre le même outillage, qui
implique dans le mode de bâtir d'inévitables ressemblances. L'aspect des silex taillés est à bien peu
près le même de l'Amérique au japon ; tout fait présumer des communications incessantes à travers
des continents peut être disparus, une transmission d'idées que la vie errante des chasseurs établit
entre les contrées les plus lointaines.

On s'est demandé si les mégalithes sont le propre d'une race, d'un peuple à part ?
Qu'on les rapporte sur une carte, on les voit jalonner une ligne parfois interrompue, allant du Japon
au pays de Galles et du pays de Galles au Maroc, avec quelques rameaux branchés sur la direction
principale : ces traînées paraissent indiquer une transmission d'influences. Et d'ailleurs un argument
puissant en faveur de l'hypothèse d'un peuple des mégalithes, réside dans la nécessité d'une méthode.
Les procédés sont simples, mais nullement instinctifs ; ils supposent une tradition commune, et
donnent au moins la vraisemblance à l'hypothèse d'une commune origine.

B. LES PREMIERS FOYERS DES ARCHITECTURES HISTORIQUES

Sur le fond préhistorique se détachent peu à peu deux grandes architectures :


elles naissent l'une en Egypte, l'autre en Chaldée ; et toutes les deux, par une rencontre qui
certainement n'est pas fortuite, se développent dans des contrées où l'argile fut la matière
des plus anciennes constructions. L'Egypte pousse aux limites du possible l'art mégalithique,
mais de tout temps elle conservera l'usage d'un mode de construire reposant sur l'emploi de
l'argile, et la vraisemblance est que ce mode simple fut celui de ses premières époques :
Egypte aurait dû son avance sur tant d'autres nations à la facilité qu'elle trouvait à bâtir même
avant la création du plus rudimentaire outillage.

L'autre foyer est la Chaldée et là aussi nous sommes sur un sol d'argile où
l'homme put être constructeur avant d'être outillé.

Nous examinerons en premier lieu l'art dans ces deux grands foyers, pour
étudier ensuite le rayonnement qui en émane, les foyers secondaires qui interviennent et les
architectures qui naissent de leurs mutuelles influences.
30

CHAP. IV : L'HISTOIRE DE L'ARCHITECTE

Du latin architectus, lui-même du grec α (du préfixe α indiquant la


supériorité hiérarchique et de  le charpentier), le chef des charpentiers. Selon Hatzfeld
(dictionnaire de la langue française), l'architecte est « celui qui dresse les plans d'un édifice et en dirige
la construction ». Cette définition témoigne de l'évolution de la notion portée par ce terme
tardivement introduit dans les sociétés occidentales. A maints égards, le rôle de l'architecte moderne
est différent de celui du bâtisseur de jadis. Cependant, la relation triangulaire - client, architecte,
constructeur reste la même. Découvrons cette évolution.

Dans l'antiquité le statut du chef des ouvriers est incertain de nombreuses inscriptions
montrent que dans l'Egypte des premières dynasties, il était directement lié au milieu sacerdotal
honoré pour son savoir mathématique et astrologique. L'image de l'architecte que donne la littérature
grecque (Platon, Aristote, Lucien...) est ambivalente. Il science, la plus prestigieuse, des
mathématiques. A l'époque classique, son rôle et son est à la fois utilisé comme paradigme de l'artisan
qui informe la matière et est associé à prestige personnel sont effacés par ceux des hommes politiques
qui font appel à lui. Il en est de même à Rome où le cas d'Apollodore de Damas, architecte de Trajan
constitue une exception ; le panthéon est lié au nom de l'empereur Hadrien ; on ignore celui de son
architecte. Le panégyrique de l'architecte composé par Vitruve dans le De architectura (dédié à
Auguste), est un plaidoyer pro domo pour l'obtention d'un statut « libéral » admis par quelques rares
auteurs, tels Pline et Cicéron. A la faveur d'une formation intellectuelle spécialisée, ce statut paraît
admis à la fin de l'Empire romain, et notamment à Byzance jusque vers le VIIe siècle.

Vitruve considéré comme un architecte était un ingénieur militaire qui aspirait à être
un artiste. Il demandait à l'architecte de faire preuve d'imagination et d'avoir une formation. Pour lui,
celui-ci devait non seulement connaître les données pratiques et théoriques de la construction, mais
encore savoir dessiner, utiliser les instruments de géométrie, connaître l'optique, l'arithmétique,
l'histoire, la philosophie, la musique, la médecine, le droit et l'astronomie. Certaines raisons invoquées
par Vitruve pour justifier l'étendue de ce savoir sont assez surprenantes. Il estimait que la connaissance
de la musique est nécessaire pour s'assurer de la tension égale des cordes d'une catapulte et pour
évaluer aussi l'acoustique d'un théâtre...

La plupart des architectes romains avaient une formation d'ingénieur. Leur rang social
était moins élevé que celui des architectes de la Grèce antique qui, elle, a conservé en grande partie
le nom de ses bâtisseurs. Il semble qu'ils aient été responsables à la fois des dessins et de la supervision
des constructeurs. A Rome, et même au Moyen Age, le rôle de l'architecte est passé de celui d'un
artiste à celui d'un technicien formé aux arts mécaniques. Les édifices de cette période portent plus
souvent le nom du client que celui de l'architecte. Le client a souvent joué le rôle le plus important
dans la construction. Ainsi, pour le toit de l'abbaye de Saint-Denis (années 1140 et suivantes), il fallait
du bois de construction de plus de 10 mètres de long pour fabriquer des entraits, et l'abbé Suger, le
client, effectua lui-même les recherches pour trouver le bois approprié.

Le terme architecte avait disparu au Moyen Age. Les édifices romans et gothiques
montrent cependant, à l'évidence, que la fonction de directeur de la construction demeure. Celui qui
l'assume et dont les connaissances mathématiques et stéréotomiques apparaissent dans des
documents comme les Carnets de Villard de Honnecourt ou des dessins d'exécution tels ceux
conservés au Musée de l'œuvre de la cathédrale de Strasbourg, est alors appelé magister fabricae
31

(maitre d'œuvre, expression demeuré en usage) ou encore magister artificium (maitre en chef
des artisans). Cette terminologie révèle la relation étroite entretenue par le maître (maçon ou
charpentier) avec la pratique et le chantier d'une part, avec le système corporatif de l'autre.
Elle sous-entend également le rôle joué par les clercs qui commandent les œuvres.

Malgré tout, nous connaissons le nom d'un grand nombre de maîtres d'œuvre
du Moyen Age ; les renseignements dont nous disposons sur la façon dont ils étaient
rémunérés prouvent qu'ils jouissaient d'une haute considération. C'était, au sens propre du
terme, des ingénieurs-architectes, maîtres de leur art, bien que la notion d'artiste tel que nous
le concevons de nos jours n'existât pas encore. Les dimensions des grandes cathédrales,
abbayes et châteaux étaient telles que les maîtres d'œuvre voyaient rarement l'achèvement
de leurs travaux. Cela étant, nul n'avait alors conféré à un plan une valeur d'œuvre d'art à
laquelle rien ne pourrait être ajouté ou enlevé.

Au cours du Moyen Age, la construction fut souvent considérée comme un


ensemble dont les plans étaient modifiés en modernisés au fur et à mesure de son évolution
; le tout était subordonné à un concept tantôt pour toute une catégorie de constructions.
L'étude de l'industrie de construction au Moyen Age met à jour une structure sociale
complexe. Elle se compose d'ouvriers qui pratiquaient souvent des mesures sélectives lorsque
la situation était bonne, de maîtres maçons ou d'ingénieurs architectes qui recevaient de
hautes récompenses et qui jouissaient du respect général pour leurs travaux, sans toutefois,
récolter les lauriers de l'artiste. La récompense finale revenait toutefois au client,
ecclésiastique, noble ou royal, à l'église, à la ville, à la dynastie ou à la couronne.

C'est en Italie, avant la Renaissance, que le changement commence à se


produire. Les termes Architectus et architector réapparaissent
incidemment, au XIIIe siècle comme synonyme de magister
lorsque le peintre et mosaïste Giotto (1266-1337) est nommé
architecte, pour la cathédrale et la ville de Florence⁶ : il assure
ainsi la direction de tous les travaux d'architecture et
d'urbanisme, et commence alors le campanile.

Giotto se rattache au courant artistique de la Pré-


Renaissance, dont il est l'un des maîtres, qui se manifeste en
Italie, au début du XIVe siècle. En cette fin du Moyen Âge, Giotto
est le premier artiste dont la pensée et la nouvelle vision du
monde aidèrent à construire ce mouvement, l'humanisme, qui
place l'homme à la place centrale de l'univers et le rend maître
de son propre destin.

⁶Ce fut le 12 avril 1334 que la commune de Florence honora Giotto du titre de « Magnus magister (Grand maître) et le
nomma architecte en chef (capomaestro) de Santa Maria del Fiore, appelée alors Santa Reparata. Comme architecte et
comme sculpteur, Giotto a laissé à Florence un monument d'une élégance et d'une harmonie incomparables, le campanile
de la cathédrale.
32

Mais le terme architecte ne retrouve réellement son usage qu'au XVe siècle, en Italie
dans le cadre d'une réorganisation et d'une réévaluation des savoirs et des pratiques, sous l'influence
de l'humanisme. L'architecte est alors investi d'un nouveau statut intellectuel et social, défini pour la
première fois dans De réaedificatoria d'Alberti : « ce n'est pas un ordinaire charpentier que j'appelle
architecte mais ... celui qui est l'égal des hommes les plus éminents dans les autres disciplines (et qui)
au moyen d'une méthode sûre et parfaite, s'assigne à la fois de concevoir par l'esprit et le
raisonnement et de réaliser par la construction » (prologue). Trois traits spécifient désormais la figure
de l’architecte : il devient grand ordonnateur du cadre bâti dans son ensemble, sa tâche n'étant pas
limitée à l'édification des bâtiments individuels, sa discipline est fondée en théorie ; la finalité de sa
pratique est esthétique. Il est promu théoricien et artiste.

Néanmoins, un grand nombre d'artistes-architectes n'ont pas de formation


architecturale spécifique ; en tout cas ils ne la reçoivent pas par l'intermédiaire des guildes⁷ de métiers
du Moyen Age. Là où le style de la Renaissance n'a pas encore été adopté, le travail architectural est
toujours confié à des contrôleurs et à des maitres maçons.

Dans les autres pays d'Europe, le titre d'architecte est introduit avec un décalage d'un
siècle. Il marque l'apparition plus tardive de la renaissance et il est lié à l'introduction de la nouvelle
architecture, venue de l'Italie. En France, le terme d'architecte ou architecteur est réservé dans la
première partie du XVIe siècle, aux artisans italiens (Fra Giocondo, Domenico da Cortona, S. Serlio)
appelés par les souverains. Chambriges qui dirige les travaux de Chambord, demeure un magister
fabricae. Philibert de Lorme (1568) s'enorgueillit le premier de ce titre qui l'oppose aux artisans,
entrepreneurs et ouvriers. Son homologue anglais est J.Shute (the first chief grounds of architecture,
1563, qui fait éloge de l'architecte (sic) or mayster of building: ni l'un ni l'autre ne sont d'ailleurs issus
de la tradition des maîtres maçons.

L'émergence de la Bourgeoisie marchande a grandement aidé à la formation du type


d'architecte que nous connaissons aujourd'hui. Néanmoins avant le 19è siècle la relation de
l'architecte et du bourgeois est basée sur la fidélité plutôt que l'intérêt. L'architecte sert alors de
conseiller et dit au bourgeois de ne pas vivre en rat, de construire une villa. En effet, en ville, la vie
n'est pas facile, on s'empoisonne et on se tue. Les bourgeois vont petit à petit acheter des espaces aux
seigneurs féodaux qui acceptent le jeu de l'intérêt et vendent les terrains. Ils les mettent en location
chez les fermiers et construisent leurs villas, répliques de la symbolique du château. Le succès de
Palladio par exemple repose dans le réinvestissement des Vénitiens dans la terre après la conquête de
Byzance par les Turcs. Cet architecte a construit une centaine des villas pour les bourgeois. Dans sa
villa, le bourgeois réunit les artistes, les poètes, les écrivains, l'architecte. Léon Batista Alberti par
exemple est issu d'une famille des marchands et se retrouvait dans la cour des Médicis.

Au XVIIe siècle, le Dictionnaire de l'Académie française définit l'architecte comme celui


qui exerce l'art de l'architecture, artiste qui trace le plan d'un édifice, en dirige l'exécution, en assure
la défense. Cette définition (curieusement conservée jusqu'à l'édition de 1924 de ce Dictionnaire)
reflète avec précision la vocation de l'architecte, théoricien-concepteur, constructeur, et artiste, telle
que la définissait Alberti et que l'âge classique l'a adoptée.

⁷ Guilde, gilde ou ghilde : association de marchands, d'artisans, etc., au Moyen Age.


33

Longtemps s'est maintenue une double tradition d'architectes-humanistes, tel Claude


Perrault, qui était également un médecin et un anatomiste célèbre, et d'architectes qui, en dépit de
leur qualité « libérale » et de leurs ouvrages théoriques, conservaient un contact étroit avec la pratique
manuelle du chantier, comme en avaient donné l'exemple Filarète, Serlio, du Cerceau.

La plupart des premiers ouvrages anglais sur l'architecture sont destinés aux arpenteurs⁸
géomètres et présentent les instruments mathématiques dont ils avaient besoin, mais c'est la
prolifération de ces écrits qui permit à l'amateur de dessiner des bâtiments. Les mêmes connaissances
de base se trouvèrent alors à la portée de l'amateur éclairé, du maçon, du constructeur ou du
charpentier avertis. L'ingénieur-architecte n'avait pas disparu. On doit se souvenir que parmi les trois
plus grands virtuoses du baroque, deux, Borromini et Guarini, avaient été formés dans la tradition
gothique et l'autre, Balthasar Neumann était ingénieur militaire. L'église de Vierzehnheiligen
(Allemagne), œuvre de Balthasar Neumann (1742-1772), fut achevé au cours de la même décennie où
fut construit le célèbre pont en fer de Coalbrookdale (1779) ⁹.

Toutefois, en particulier, sous l'influence des Académies, la dimension esthétique tend


peu à peu à l'emporter sur les autres, en particulier en France. Dès le XVIIIe siècle, « les Ingénieurs du
Roy », puis les ingénieurs des ponts et chaussées, enfin les ingénieurs polytechniciens, s'avèrent
concurrents dans le domaine du génie et de l'aménagement. La perte du contact avec la réalité
quotidienne et avec les problèmes de construction est intuitivement saisie dans une charge d'A. De
Musset : « l'architecte, qui a dans son pupitre des milliers de plans admirables, ne peut soulever de
terre le premier pavé de son édifice quand il vient de se mettre à l'ouvrage avec son dos voûté et ses
idées obstinés ».

La seconde moitié du XVIIIe siècle connaît un développement sans précédent. La


révolution industrielle britannique est à l'origine de l'apparition d'une nouvelle catégorie de
constructions, celle de l'architecture industrielle. Ces nouveaux problèmes ne pouvaient être résolus
par les méthodes traditionnelles, il n'était pas non plus question de faire appel à une architecture
amateur, c'est donc aux ingénieurs qu'il appartenait d'intervenir.

Le problème a pris une acuité dramatique avec la révolution industrielle parce que :

- d'une part, celle-ci donne naissance à de nouvelles techniques de construction, (métal,


verre, béton), maitrisées par les ingénieurs et porteuses d'un nouveau vocabulaire formel. Un grand
débat s'instaure dont les périodiques de l'époque (cf. la Revue générale de l'architecture) se font le
support, entre les architectes et les ingénieurs, accusés par les premiers d'utiliser des matériaux vils et
de manquer à la vocation esthétique de l'art d'édifier.

- D'autre part, la révolution industrielle entraine un bouleversement des activités


humaines et de leur cadre spatial, qui appelle de nouvelles approches et l'avènement de l'urbanisme
comme discipline autonome (Cerda, 1867).

⁸ Arpenteur : celui qui mesure les terres (arpent : ancienne mesure agraire de vingt à cinquante ares)
⁹ Ce pont permit aux ingénieurs et aux architectes de se rendre compte des possibilités structurales en fer.
34

Lorsque l'architecte allemand Karl Friedrich Von Schinkel (1781-1841) parcourt


la Grande-Bretagne en 1826, il est plus impressionné par leur travail que par celui des
architectes. Malgré l'engouement du XIXe siècle pour le Moyen Age, l'idée d'ingénieur-
architecte médiéval n'est pas reprise. Bien au contraire, les médiévistes sont largement
responsables de la création du mythe de l'architecture médiévale qui aurait jailli de la main
du frère ou du laïc anonyme.
L'espace situé entre l'hôtel et le hangar à trains, à la gare de Saint Pancras
(Londres) est le symbole parfait de l'abîme qui sépare les ingénieurs et les architectes.
L'architecte amateur survécut encore pendant tout le XIXe siècle ; mais il disparut avec les
restrictions officielles ¹⁰, l'élaboration de bâtiments à des fins spéculatives et l'apparition de
nouveaux corps professionnels. Il en fut de même pour le maître constructeur qui dessinait
des maisons édifiées dans le style local traditionnel.

Le mouvement moderne a tenté de redonner à l'architecte le rôle de grand


ordonnateur de l'espace bâti. Sous la double influence des mouvements d'avant-garde et de
la tradition de pensée utopique, les architectes du mouvement moderne ont, d'une part, tenté
de faire table rase des traditions et de leur approche esthétique, et d'adapter les nouvelles
techniques de construction à l'expression architecturale de la société industrielle et
machiniste ; d'autre part, ils ont identifié leur rôle à celui de l'urbaniste et recherché à définir
le cadre global d'une société nouvelle. Ils assumaient ainsi une vocation démiurgique (Le
Corbusier se veut le « guide », le « chef », le « berger » du troupeau), en réalité politique et
sociale, radicalement nouvelle pour l'architecte. Celui-ci en effet de l'antiquité jusqu'à la fin
de l'âge classique avait toujours entretenu avec son commanditaire, individuel ou collectif, le
dialogue indissociable de sa fonction d'édificateur, autrement dit de traducteur en termes
spatiaux d'une demande sociétale.

Depuis les années 1960, le processus de mondialisation sous l'impact de la


révolution électro-télématique, a progressivement fait émerger la figure de l’architecte
« artiste médiatique »

Au cours de notre siècle, le nombre des architectes a augmenté. Aucun travail


de construction ne peut être entrepris sans l'aide d'un architecte qui fournit les plans et qui
obtient les autorisations. Si nous reconsidérons la formation que Vitruve recommandait pour
les architectes, nous constatons qu'elle est encore valable à notre époque. Il fallait connaître
les lettres pour conserver les dossiers ; la philosophie devait améliorer la personnalité de
l’architecte ; le droit lui permettait de comprendre les règlements en matière d'éclairage, de
bruit, de canalisations et d'alimentation en eau, de passer des contrats et d'éviter les litiges.
La médecine devait lui permettre de tenir compte des problèmes d'hygiène et de santé.
L'optique et la musique étaient nécessaires à une bonne connaissance de l'éclairage et de
l'acoustique. Le dessin, la géométrie et l'arithmétique sont également indispensables à tout
architecte.

¹⁰ L'institution du diplôme d'architecte, en 1867, a pour finalité la défense des intérêts professionnels des architectes, face
aux menaces représentées par les corps d'ingénieurs. Les définitions de Dauzat traduisent la banalisation et
l'appauvrissement qui en ont résulté.
35

Mais, au-delà de toutes ces connaissances, l'architecte doit-il être un artiste à


l'esprit inventif, responsable de la rénovation de notre environnement ? Certes, il y a là
confusion. Le même terme ne peut s'appliquer à la fois à l'homme qui exécute des plans pour
construire des rangées de maisons de banlieue en pseudo-style local et à celui qui surveille la
programmation d'un nouvel aéroport, d'un nouveau théâtre national ou d'une métropole. En
même temps, de nombreux constructeurs qui n'ont pas le titre d'architecte ont
considérablement contribué au développement de l'histoire de l'architecture. Actuellement,
on penche pour une architecture dans laquelle l'architecte ne joue pas un rôle prépondérant,
pour des bâtiments « organiques », non-conformistes, qui exigent de faire preuve
d'imagination dans la façon de traiter l'espace en rapport avec leur environnement et leur
fonction sociale. On accorde un intérêt de plus en plus grand à une architecture qui se situe
en dehors de la principale tradition occidentale, et notamment à tous ces styles de
construction locaux de l'Europe.

L'architecture locale, l'architecture sans architecte, n'est pas facile à définir.


Plus exactement, il est difficile de faire une distinction entre la tradition locale et l'ensemble
de la tradition architecturale, d'établir une différence entre l'architecture générale et ce qui
n'est que simple construction. On pourrait comparer celle-ci à la musique « folk ».

Dans ses formes les plus primitives, en effet, l'architecture locale ne correspond
pas aux règles ni aux fondements de l'architecture principale (ce que l'on appelle en musique
le « système diatonique »), mais elle peut s'épanouir dans une période réceptive à ses qualités,
être également modifiée et influencée par le développement stylistique général. Sa
caractéristique essentielle, qui pourrait au moins faire l'objet d'une définition, réside dans le
fait que la contribution de l'individu, qu'il soit anonyme ou non, passe toujours après les
dominantes du style local. Un bâtiment dont l'individualité transcende des vertus locales.
L'organisation sociale, le climat et les matériaux disponibles ainsi que
L’aptitude à les utiliser constituent les facteurs qui donnent sa forme à ce type
d'architecture. Les traditions formelles et décoratives jouent certainement un rôle, mais les
similitudes de formes rencontrées en divers endroits où il ne saurait être question d'influence
suggèrent qu'il s'agit là d'un problème tout à fait secondaire.

Dans le cadre du cours de première et deuxième années, il sera impossible de


fournir des indications concernant l'évolution des centaines de traditions locales du monde ;
toutefois, en analysant les matériaux utilisés pour la construction, nous ferons, dans la mesure
du possible, un rapprochement avec leur utilisation vernaculaire.
36

CHAP. V : LA TECHNOLOGIE DE CONSTRUCTION DANS


L'HISTOIRE

Considérer l'histoire de l'architecture comme une branche de l'histoire de la


technologie conduit à une déformation des valeurs. Il est cependant impossible d'apprécier le travail
des architectes sans posséder au moins certaines connaissances de base. Celles-ci concernent les
propriétés des matériaux de construction, les lois physiques qui régissent la stabilité et les moyens par
lesquels ils peuvent résister au climat et aux intempéries.

La majorité des constructions comportent des murs qui entourent un espace intérieur
et un toit servant de couverture. Les matériaux utilisés dans un bâtiment ont deux fonctions : tout
d'abord, supporter la structure et, ensuite, clore l'espace. Là où l'édifice touche le sol, on construit
généralement une assise intermédiaire dont dépend entièrement la stabilité du bâtiment et qui sert
de fondations.

Ces dernières permettent de transférer la charge de ce bâtiment à la structure


géologique sur laquelle il est construit. Aussi doit-on, en premier lieu, examiner soigneusement le
terrain sur lequel on va bâtir, puis on détermine le type de fondations en fonction de la structure de
l'édifice et de la nature du sol. Normalement, s'il s'agit d'un bâtiment dont les murs sont construits en
dur, les fondations suivront leur tracé. Elles seront creusées de façon suffisamment profonde pour
reposer sur un sol absolument ferme. Dans le cas d'une maison à charpente en bois, où la charge est
concentrée en certains points autour de la base, elles se présenteront généralement sous la forme de
piles, qui peuvent être également en pierre ou en brique, enfoncées dans le sol. Lorsque le sol est
meuble ou marécageux, les fondations constituent parfois une plate-forme, par exemple un radier
posé sur des piles et situé sous le bâtiment, ce qui permet de répartir la charge de façon égale. A
Venise, un grand nombre de constructions sont posées sur une forme spéciale de fondations à radier.
D'une manière générale, les civilisations de l'Antiquité (grecque ou romaine) accordaient beaucoup
d'importance aux fondations. Au Moyen Age, un compagnon devait pouvoir deviner, du sommet d'un
mur, l'épaisseur de celui-ci et trouver la meilleure méthode pour poser les assises du bâtiment.

Malgré tout, un grand nombre d'édifices médiévaux s'appuient sur des fondations
inappropriées. On a souvent employé la maçonnerie pour soutenir l'ensemble de la charge et pour
fournir une enveloppe protectrice à l'intérieur. Si les matériaux résistent à la poussée et si les murs en
maçonnerie demeurent verticaux et ne sont pas soumis à des forces latérales, ils resteront stables. S'ils
sont couverts d'une voûte qui exerce une poussée latérale, il faudra les soutenir à l'aide d'arcs-
boutants ou bien augmenter leur épaisseur. La déformation vers l'extérieur d'un mur en maçonnerie
entraîne des risques importants d'instabilité ; les poutres des planches et des plafonds sont en mesure
d'augmenter la stabilité en jouant le rôle d'entraits et en transférant la charge verticalement le long
du mur. Dans une paroi en dur, les ouvertures peuvent être à linteau droit (bien que dans un mur lourd
le linteau soit soumis à une importante pression au centre). Elles peuvent être contrées, et dans ce
cas, une grande partie de la charge sera transférée aux murs situés de chaque côté de l'ouverture. On
incorpore des arcs de décharge dans la maçonnerie au-dessus de l'ouverture, ce qui libère le linteau
37

ou un arc authentique d'une grande partie de la poussée qui s'exerce sur eux. Les romains pratiquèrent
très souvent cette méthode, par exemple au Panthéon, pour renforcer les murailles.

La construction par ossature est née d'une architecture fondée sur le bois ; elle fut
adaptée aux constructions en maçonnerie au cours de la période gothique. Le XIXe et les XXe siècles
ont vu l'apparition de la charpente en fer (à laquelle on a ajouté du verre), ainsi que la charpente en
acier associée à des murs en béton. Dans un bâtiment de cette espèce, les parois ne supportent pas la
charge. Celle-ci est répartie sur l'ensemble des éléments, les uns sous tension et les autres sous
pression, le tout produisant un équilibre de forces.

Théoriquement, les éléments qui transmettent ces forces sont unidimensionnels, et


les constructions à charpente sont linéaires. Voilà qui est mis en évidence dans un bâtiment à
charpente en bois ; il y a ainsi un contraste entre les parties en bois et les matériaux de remplissage
utilisés dans les espaces intermédiaires ; on le constate dans la maçonnerie gothique entre les fûts des
piliers et les nervures du voûtement. Les galeries en fer et en verre, les hangars de chemins de fer du
XIXe siècle ainsi que les premiers gratte-ciel exhibent leur entrelacement de lignes. En revanche, les
architectes du XXe siècle se sont attachés à montrer que les murs extérieurs ne supportent pas la
charge principale du bâtiment. Ils ont placé leurs constructions sur des pilotis, ouvert une rangée de
fenêtres sur tout un pan du mur, y compris dans les angles, ou bien ils ont construit tous les murs en
verre, ce qui permet d'apercevoir l'ossature qui soutient le bâtiment à l'intérieur. Ce type de
construction, aérée, permet d'économiser beaucoup plus de matériaux que la construction massive.
En outre, il offre une vaste gamme de possibilités techniques, mais il exige par ailleurs des
connaissances plus étendues des architectes, des ingénieurs et des constructeurs.

La construction de surface réside dans l'utilisation de matériaux très fins ; ceux-ci sont
considérés comme éléments structuraux et non comme éléments de revêtement ou de remplissage.
Cette technique, toute récente, est réservée essentiellement aux constructions en coque qui utilise le
béton ; elle permet d'élaborer la forme des toitures. Mais les structures à revêtement faites de tôle et
de bois sont fréquentes de nos jours. Le matériau est utilisé de façon bidimensionnelle et traité comme
s'il n'avait pas d'épaisseur. La construction de surface se caractérise par l'importance accordée au
traitement de la surface elle-même.

Pour les architectes, le problème de la couverture des bâtiments a été bien plus
difficile à résoudre que celui de la construction des murs. La forme de toit la plus simple est celle qui
repose sur le principe du montant et du linteau : un cadre rigide triangulaire est placé au sommet des
murs, ce qui fournit en même temps un plafond plat et un toit en pente assurant une protection contre
les intempéries.

Cette méthode est commune à tous les bâtiments vernaculaires, mais son application
aux grands édifices est limitée par la longueur de bois nécessaire. Jusqu'en 1800 environ, le bois était
le seul matériau disponible pour édifier un toit de ce genre. On imagina des méthodes ingénieuses
pour ne pas avoir recours à des poutres d'une grande longueur et pour accroître la hauteur du plafond
à l'aide de consoles en bois. Il existait pourtant d'autres méthodes, du moins pour les constructions en
maçonnerie, à savoir la voûte et le dôme, son dérivé. La voûte est un arc développé en profondeur
pour couvrir la surface d'un bâtiment.
38

Outre, les problèmes de construction qu'elle soulève, la voûte en berceau produit une
poussée latérale qui nécessite la mise en place d'arcs-boutants extérieurs. Le développement du
voûtement en pierre et le système d'arcs-boutants constituent les meilleures réalisations des
architectes gothiques. Cette méthode ne fut pas contestée jusqu'aux XIXe et XXe siècles, époque à
laquelle les ingénieurs purent couvrir de grandes surfaces avec des voûtes en fer et en verre et, ensuite,
en béton armé.

Zone image

Les romains faisaient preuve de beaucoup d'imagination dans la construction des


dômes. Celui du Panthéons, d'un diamètre intérieur de 43,5 m, a été formé comme une structure
monolithique en béton ; à la différence d'un dôme en maçonnerie, n'exerce aucune charge vers
l'extérieur, puisqu'il est posé sur les murs comme un couvercle. Les structures primitives ont parfois
des couvertures en forme de dôme. Constituées par encorbellement de rangées de maçonnerie, elles
finissent par se rencontrer au centre de l'édifice. La construction de dômes a depuis toujours été
considérée comme l'une des grandes réalisations des architectes. De nombreuses méthodes ont été
utilisées pour surmonter les difficultés esthétiques.

Les techniques modernes de construction ont multiplié les possibilités de couverture


des bâtiments, en utilisant de fine coques en béton, des membranes souples et des structures
suspendues. Actuellement, un bâtiment peut avoir des fondations en maçonnerie (dures et
tridimensionnelles), une charpente (linéaire et unidimensionnelle) et un toit couvert d'un matériau de
surface (bidimensionnel). C'est le résultat de l'exploitation approfondie des matériaux disponibles, et
tous les systèmes structuraux décrits dépendent de leurs propriétés.
39

CHAP. VI : LES MATERIAUX DE CONSTRUCTION DANS L'HISTOIRE

Les matériaux utilisés en architecture ont été choisis pour leurs propriétés
physiques, leur coût et leur disponibilité. On a tout d'abord prix celui qui était à la portée de
la main : le bois.

Le bois se caractérise d'abord par un bon rapport résistance/poids et aussi par


son élasticité. Il résiste à la fois à la tension et à la compression, à la combinaison de forces qui
exercent une pression ou une flexion. Il peut donc être aussi bien utilisé comme montant que
comme poutre ou entrait. Mais il s'altère et il est inflammable. De plus, sa longueur est limitée.
Il n'est pas seulement utilisé pour les poutres, mais aussi pour les planches des toits ou pour
les chevrons, comme matériau de revêtement, comme contreplaqué ou matériau de surface
pour les toits et les plafonds. Il joue cependant un rôle important dans les constructions à
ossature.

L'influence de la situation géographique sur les systèmes régionaux se traduit


par une grande variété de maisons en bois de construction. Au Moyen Age, en France et en
Angleterre, on préférait le chêne. Il est dur, très résistant, mais il est lourd. Il durcit avec le
temps quand il est exposé et résiste bien aux intempéries. On l'utilisait dans les authentiques
constructions en charpente dont les deux exemples types sont la construction en forme de A
et la construction en forme de boite couverte d'un toit. La maison à colombage a une
charpente en bois, les espaces étant remplis de torchis, de clayonnages, de plâtre ou de
brique. Parfois la charpente en bois était recouverte de planches de protection.

En Scandinavie et dans les Alpes, on utilisait plus fréquemment le bois tendre


exploité sous la forme de rondins horizontaux, incorporés dans le mur, ou sous la forme de
planches et de montants. Si l'on fait exception de ces quelques différences, on a mis au point
un grand nombre de formes de toiture. Celles des régions de montagne présentent des
avancées, avec parfois une forte inclinaison du toit. Lorsque l'inclinaison est faible, ce qui peut
entraîner l'accumulation de grandes quantités de neige en hiver, la maison est construite
d'une manière assez solide pour en supporter le poids.

Les habitations en bois avaient des fondations de brique ou de pierre. Elles


pouvaient être placées sur une même base, posée sur ces mêmes fondations ou sur des piles
en bois. Ce type de constructions, avec planches de recouvrement et bardeaux, se retrouve
fréquemment dans la maison rurale de l'Amérique du Nord. Dans les Etats du sud de
l'Amérique, il existe une version différente, avec véranda á colonnade placée sur toute la
longueur de la maison.

Au cours du Moyen Age, on eut besoin de grandes quantités de bois, ce qui


entraîna un déboisement excessif ; ce matériau était utilisé également pour la construction
navale ainsi que comme combustible pour la fonte du fer. Une maison à charpente en bois de
dimensions moyennes nécessitait la coupe de douze chênes, et dans certains cas, il fallut
déboiser des zones entières de forêt. Le manque de bois conduisit les architectes et les
40

charpentiers à imaginer des structures plus complexes avec des bois plus courts. Les entraits
qui enjambaient la nef de l'ancienne basilique Saint-Pierre de Rome avaient 23 mètres de long.
Les piliers de la lanterne de bois de la cathédrale d'Ely (Grande Bretagne) du bois très épais,
donc très lourd. Afin de construire des bâtiments à deux étages et plus, on utilisa le système
des avancées. Les solives étaient placées en encorbellement sur le mur, et les murs des étages
supérieurs construits de façon à dépasser ceux du dessous. Dans les rues d'une ville comme
Paris, les étages supérieurs des maisons se touchaient presque au milieu des rues, ainsi en est-
il encore à Troyes, dans la rue des Chats. Villard de Honnecourt, architecte au milieu du XIIIe
siècle, donne également une description sur la façon de construire un pont en utilisant du bois
de 20 pieds.

Le développement des structures en bois de construction s'est poursuivi depuis


Philibert de l'Orme, au XVIe siècle, dont la méthode consistait à fournir une ossature en bois
incurvé pour disposer les arcs et les domes en fixant ensemble de courtes planches disposées
en couches successives. Cette méthode se perpétue au XIXe siècle dans certains ouvrages de
charpente, et jusque dans les agglomérés qui sont employés de nos jours. L'architecte finnois
Alvar Aalto a fait preuve d'imagination dans l'utilisation du bois tant pour les intérieurs que
pour les extérieurs. Le bois a joué également un rôle important dans les intérieurs de Frank
Llyod Wright et dans l'œuvre de nombreux adeptes de la tradition organique en matière
d'architecture.

Les matériaux propres à la construction des murs en dur sont tirés de la terre :
boue, tourbe, brique et pierre. Les constructions en boue, tourbe et pisé ont rarement survécu
; il est pourtant certain qu'à l'époque où le bois n'était pas utilisé pour les constructions
régionales ces matériaux étaient plus fréquemment employés. Les murs de ces constructions
n'étaient pas assemblés, mais la caractéristique de la maçonnerie en brique et pierre réside
dans le fait que les ensembles individuels sont réunis pour former une structure cohérente.
La stabilité et la résistance aux intempéries dépendent de la qualité des assemblages.
Normalement, on cimente les ensembles avec du mortier, bien que l'on trouve des murs en
pierre sèche dans certaines régions. Comme les ouvertures d'un mur en dur diminuent sa
résistance, il existe moins de fenêtres dans les constructions en maçonnerie que dans les
maisons à ossature en bois. Rares sont les bâtiments primitifs en pierre qui ont survécu : les
trulli de l'Apulie, en forment de ruche d'abeille et faits en pierre taillée grossièrement,
constituent une exception.

La pierre demeure le matériau le plus prisé pour l'architecture monumentale


dans la plus grande partie de l'Europe. De même, les conditions géographiques ont également
joué un rôle considérable et l'architecture de diverses régions est caractérisée par une couleur
et une texture qui sont celles de la pierre locale. Il est que les formes des bâtiments varient
beaucoup moins que dans l'architecture.

Les Grecs de l'Antiquité avaient déjà dominé les techniques du travail de la


pierre ; normalement, ils habillaient la pierre après l’achèvement e la construction. Outre leurs
connaissances techniques, les Grecs exploitaient les qualités expressives de ce matériau utilisé
41

comme base de sculpture architecturale. L'introduction par les romains de l'arc en maçonnerie
dans les formes de l'architecture élargit considérablement le champ de la construction en
pierre et en brique. Les ponts ont exigé une virtuosité particulière dans des techniques qui
sont, par la suite, devenues une partie du langage architectural. En Europe du Nord, il faut
attendre le XIIe siècle pour que la pierre domine largement dans la construction des maisons
individuelles. Simultanément, le style gothique se développe ; il exploite dans ses diverses
formes les qualités structurales, expressives et décoratives de la pierre.

La qualité de la pierre varie beaucoup ; elle va du silex aux granits très durs, en
passant par les marbres, les grès (d'une couleur crème pâle aux rouges éclatants), dont
certains sont doux et d'autres d'une grande dureté, les pierres volcaniques et les diverses
variétés d'argile (la fameuse pierre de l'Ile-de-France et de Caen a fourni les matériaux
nécessaires à la construction d'un grand nombre de cathédrales gothiques). La pierre de
France fut exportée en Angleterre pendant très longtemps et utilisée pour la construction de
la tour de Londres, l'abbaye de Westminster, la cathédrale de Cantorbéry et de nombreux
édifices importants. Cependant, l'habileté nécessaire au travail de la pierre rend son utilisation
moins fréquente que celle du bois de construction.

Les romains se servaient beaucoup de la brique, en général pour recouvrir le


béton. Elle fut également employée par les maçons du Moyen Age, notamment pour
remplacer la pierre dans certaines régions. On la trouve dans le nord-est de l'Allemagne au
XIIe siècle. A partir de 1700 environ, la production de briques fut industrialisée en Europe du
Nord. Ainsi, au cours du XIXe siècle, des milliers de rangées de maisons furent construites dans
les villes et la brique devint l'un des principaux matériaux de l'architecture des chemins de fer
et des autres industries. On l'emploie encore très souvent de nos jours comme matériaux de
construction, bien que ce soit surtout pour les revêtements plutôt que pour l'ossature elle-
même. La construction en brique n'est pas toujours une répétition monotone d'éléments
standards ; elle peut permettre des variations décoratives et créer des effets plastiques sur le
plan monumental.

Jusqu'aux XIXe siècle, le bois, la brique et la pierre sont les principaux éléments
structuraux de l'architecture, bien qu'il existe d'autres matériaux de construction. Ceux qui
servaient à édifier les toits jouaient un rôle dans l'aspect définitif d'un bâtiment. Dans les
constructions régionales, ils déterminaient même la pente du toit. Ainsi, les toitures en
ardoises avaient une pente inférieure à celle des toitures en tuiles. Le chaume était également
très tuilé. Le chaume était également très utilisé compte tenu de ses qualités d'isolation et de
sa légèreté. Pour se protéger contre les intempéries, les murs étaient souvent recouverts d'un
matériau protecteur. Dans ce cas également, le climat et les ressources naturelles jouaient un
rôle prépondérant dans le choix des formes et des matériaux. L'utilisation de planches en bois
est typique de l'Amérique du Nord, mais dans les habitations urbaines l'usage du stuc ou du
plâtre était plus fréquent. On a souvent choisi le plâtre à des fins décoratives dans
l'architecture rurale, et ce, depuis le Moyen Age ; mais let stuc modelé de façon à imiter la
pierre couvre des millions de maisons urbaines dans le monde entier. Quand la maçonnerie
42

n'est pas apparente dans les intérieurs, le bois et le plâtre restent les matériaux les plus
courants ; tous deux ont donné naissance à un grand nombre de styles décoratifs.

La combinaison du fer et du verre est utilisée dans les ossatures du XIXe siècle,
bien que ces deux matériaux aient été largement mis en œuvre dans le passé. Le fer avait servi
depuis l'Antiquité à lier la maçonnerie (bien que la préférence ait été donnée au bronze, moins
corrosif) ; son rôle fut déterminant dans la construction de nombreux bâtiments, du dôme de
la cathédrale de Florence, construit par Brunelleschi (1377-1446), jusqu'au Panthéon,
construit par Soufflot (1713-1780) à Paris. Le verre entre tout d'abord dans la construction des
fenêtres, à l'époque romaine, sous la forme de boudines encastrées dans une ossature en
bois. En installant l'arc dans les murs en dur, l'architecture romaine développe les possibilités
de la fenêtre, élément conducteur de lumière dans toute architecture qui accorde
l'importance aux espaces intérieurs. Normalement, les fenêtres auraient dû être closes par
des volets, mais on s'habitua à les revêtir d'un matériau transparent. Les fenêtres en verre
furent très souvent utilisées dans les établissements de bains ainsi que dans les maisons. On
employait également du sélénite. A Ravenne, capitale byzantine de l'Italie, elles furent dotées
de panneaux d'albâtre transparent. Dans ce cas, le verre était utilisé à des fins décoratives. De
la même façon, les mosaïques qui couvraient les murs étaient constituées de toutes petites
tessères de verre. Il y avait de plus en plus de verre dans les mosaïques murales depuis le 1er
siècle. Celles-ci tirent profit de la qualité spéciale de ce matériau riche en reflets. Lorsque les
fenêtres d'albâtre, couleur de miel, de Ravenne, illuminent le verre, celui-ci donne aux
mosaïques une intensité extraordinaire.

Au cours du moyen âge, les fenêtres des bâtiments séculiers sont généralement
couvertes de membranes animales (comme le parchemin) ou de toile huilée, mais dès le XIe
siècle, le développement des vitraux va de pair avec celui de l'architecture chrétienne.
Normalement, le verre était coloré au cours de sa fabrication (bien que l'on posa
généralement du rouge sur de verre blanc pour l'empêcher de devenir trop dense) ; de plus,
les morceaux de verre étaient généralement soufflés plutôt que coulé, selon la technique
employée à l'époque romaine. Ainsi pouvait-on obtenir des panneaux plus grands et plus
résistants. Au cours du moyen âge, les panneaux avaient au maximum 50 cm environ.

Pendant la période gothique, on assembla ces vitrages à l'aide de plomb, et on


obtint des panneaux d'une surface maximale de 20 cm pour leur permettre de rester rigides.
Les développements de la fenêtre gothique, qui est à la base du style du même nom, est dû
aux techniques de construction des fenêtres à réseaux et à meneaux.

Dans son Utopie, ouvrage paru en 1516, Thomas More, décrit encore des
fenêtres revêtues de toile huilée qui se substitue au verre dans les maisons de sa cité idéale.
Celui-ci est utilisé de plus en plus au XVIe siècle pour les grandes maisons. Harrdwick Hall
(1590-1596) est un exemple de développement de la technique du verre appliquée à une
maison privée à la fin du XVIe siècle. Cent ans plus tard, Wren dispose de panneaux de 74 sur
53 centimètres pour le salon de la reine à Hampton Court (Grande Bretagne).
43

Dès le début de la révolution industrielle en Angleterre, et avec la construction


du pont en fer coulé de Coalbrookdale, on assiste au mariage du fer et du verre qui offre aux
architectes un nouveau matériau structural. En même temps, la production industrielle du
verre permet son utilisation dans presque toutes les maisons. Au début du XIXe siècle, on voit
se développer les vitrines des boutiques et les passages couverts. Nous parlerons plus loin de
la tôle du fer, de l'acier et du verre dans l'architecture des deux derniers siècles ; cependant,
il faut se souvenir qu'à l'exception de la brique, ce sont les premiers matériaux connus sous
une forme préfabriquée dans l'architecture. Le gratte-ciel et le mur-rideau, qui ne supporte
pas de charge, ont dicté la forme d'une grande partie de l'architecture du XXe siècle. Ils
dépendent dans une large mesure de ces matériaux dont le choix pour les structures
architecturales est relativement récent.

Les romains se servaient du béton comme matériau structural ; le dôme en


béton du Panthéon constitue l'un des triomphes de la technique romaine. Ce matériau
présente l'avantage de pouvoir absorber la plupart des contraintes internes qui sont
inhérentes à la construction de voûtes et de dômes en maçonnerie. Cependant, il faut
attendre le développement du béton armé, à partir du milieu du XIXe siècle, pour que celui di
redeviennent un matériau architectural important", La possibilité de le renforcer avec de
l'acier est due au fait que tous deux ont le même coefficient de dilatation ; autrement le
matériau serait instable lors des changements de température. Grâce à cette union, il combine
la résistance du ciment à l'écrasement avec la résistance de l'acier à la traction.

Ainsi une poutre en béton armé peut-elle absorber une plus grande contrainte
qu'une poutre en maçonnerie ou en acier ordinaire. Afin de rendre ce procédé efficace, il est
important que le renforcement en acier soit effectué aux endroits où le ciment absorbera le
mieux les contraintes. Comme ce renforcement a pour but de fournir une résistance à la
traction, les câbles (parfois placés dans des conduits ou dans des gaines) qui sont étirés soit
avant, soit après le coulage du béton peuvent offrir une meilleure résistance que les tiges
d'acier.
En outre, ce procédé est plus rentable. Le béton précontraint s'est révélé
particulièrement utile à la construction de structures de longue portée, telles que les ponts,
On peut l'adapter à presque tous les climats ; il est cependant nécessaire de l'envelopper d'un
revêtement destiné à le protéger des intempéries.

Bien que le béton puisse être utilisé pour de simples constructions, les
bâtiments à ossature continue et à assemblages rigides donnent naissance à des ensembles
monolithiques qui permettent de mieux répartir les contraintes, et la structure dans son
ensemble contribue à supporter des charges qui sont localisées en certains points. L'ossature
en béton permet d'obtenir une grande variété de formes de base (y compris le simple
encorbellement). Les structures linéaires qui reposent sur des nervures en béton en
découlent. Le développement de telles structures, essentiellement bidimensionnelles, qui
reposent sur une dalle ou une coque, est le résultat des travaux des ingénieurs, comme ceux
du suisse Robert Maillart (1872-1940).
44

Les ponts de Maillart eurent une très grande influence dans le développement
de la technique du béton. Ils encouragèrent l'emploi de dalles, économiques et élégantes, du
même matériau placé en encorbellement. Maillart est également à l'origine du système des «
piliers champignons » ; ceux-ci ne supportent pas le plancher comme un poteau le fait pour
une poutre, mais font partie de la structure, la dalle étant renforcée en tous points. La
construction de panneaux et de minces coquilles en béton qui permettent une grande liberté
de forme, en particulier pour les toits, dérive de l'utilisation structurale de la dalle en béton.
Les structures en coquille ont souvent été préférées en raison de la rigidité donnée par la
forme de la double courbure.

Tout cela montre la force que peut apporter le béton dans un ensemble
structural. Mais on peut également l'utiliser pour ses qualités sculpturales. Les travaux des
expressionnistes, certaines réalisations de Le Corbusier et même, en poussant les choses à
l'extrême, le mur de l'atlantique construit par les allemands permet de se rendre compte de
cette force. En plus, ce matériau précolé à l'usine a élargi le domaine d'application de la
préfabrication ; sa souplesse d'utilisation est apparue très récemment dans les édifices de
grande hauteur qui comprennent, dans leur construction, une partie centrale en béton
supportant la charge et abritant tous les services. D'autres matériaux ont suggéré de nouvelles
formes structurelles, comme les structures dites « minimales » de Frei Otto et d'autres
architectes (grandes tentes à couverture suspendue supportées par des poteaux et des
câbles).

La suspension par câble a été utilisée très efficacement par Kenzo Tange, au
Japon, pour soutenir des toits. La « structure spatiale » de Buckminister Füller ne repose pas
sur une nouvelle application des matériaux, mais sur un principe structural qui permet aux
forces internes d'être absorbées. Ainsi, les domes peuvent être construits dans des
dimensions pratiquement sans limite.

Comme nous l'avons vu, le développement de la technologie a eu une influence


sur l'histoire de l'architecture, et cela, de diverses manières. Mais, dans les périodes
d'innovations techniques, les besoins des architectes ont souvent conditionné l'exploitation
des possibilités des matériaux dans la plus large mesure possible. Nous le constatons chez les
romains dans le domaine de la maçonnerie et du béton, au haut moyen âge dans les structures
en pierre, bois et verre, au XIXe siècle avec les grands hangars en verre et en fer, dans notre
siècle avec les constructions en béton armé.

¹¹Joseph Monier dépose des brevets relatifs à la fabrication de tuyaux en béton arme (1868), de panneaux (1869), de
colonnes et poutres (1877), et de ponts précoulés (1880). Dans les années 1880, l'ingénieur François Hennebique
commence à travailler sur des planchers en béton armé, et vers 1891, François Coignet construit à Biarritz un plancher
soutenu par des poutres en béton précoulés.
45

CHAP.VII : LA REPRESENTATION EN ARCHITECTURE


Ce qui explique l'intérêt manifesté par l'historien social pour l'architecture, c'est que
chaque bâtiment possède une histoire. L'architecture comme les autres arts visuels est représentative
et son objet réside dans la fonction qu'elle doit remplir12. Il s'agit à la fois d'un problème pratique et
symbolique. La fonction pratique, qui est la plus évidente pour un bâtiment, réside dans son utilisation
comme demeure, et sa forme variera en fonction du groupe social qu'il doit abriter. Les maisons, les
cottages d'un village, une ville, une ferme, un château, un monastère, une maison de campagne, un
palais, une rangée de maisons urbaines, un bloc d'appartements sont essentiellement des habitations,
mais ils représentent aussi divers types d'organisation sociale. De la même mise au point pour d'autres
types de construction, depuis l'église chrétienne jusqu'aux installations sportives...

Par définition, les maisons vernaculaires appartiennent


à un type commun, et leurs caractéristiques sont celles qui représentent
les fonctions les plus importantes : la porte, l'âtre (qui dicte l'organisation
intérieure) et le toit. En élaborant des variations sur les formes de base
qui symbolisent la maison (toit, âtre...), l'architecte peut commencer à
exprimer la signification du bâtiment individuel qu'il est en train de
dessiner.

En reliant à la mode ou au style en vigueur, il peut annoncer clairement ses


intentions, ainsi que celles de son client. Les choix qu'il opère sur des sujets tels que l'échelle, la
hauteur, les matériaux (locaux ou importés), le style (conservateur ou novateur), la décoration (riche
ou dépouillée) permettront à la fonction utilitaire ou symbolique de prédominer ; mais dans tout
bâtiment, le langage de la forme comporte une signification.

Il est possible de dépasser ce langage purement architectural et de produire une


architecture à symbole qui soit représentative dans un sens littéral. Par exemple, l'église du début du
moyen âge (notamment dans le monde byzantin) s'était certainement donné pour but la description
de la Jérusalem céleste. L'or des mosaïques et la richesse des décorations étaient destinés à rehausser
cette image. Parfois, la dimension descriptive a été plus évidente ; d'une façon générale, les résultats
ont été désastreux (est-ce que le projet conçu par Ledoux d'une « architecture parlante » aurait pu
dépasser ceci ?) Pourtant, le style marin du Portugal manuélin ou certaines des idées les plus
extravagantes du rococo allemand ont donné parfois de bons résultats. En fait, le langage symbolique
de l'architecture est plus puissant que ces détours.

Le choix des modèles que fait l'architecte ou la manière dont il les imite ou les
dépasse nous apprennent beaucoup de choses: Lorsque la rivalité a été très forte, la compétition a eu
tendance à se concentrer sur un type de bâtiment soit en portant la forme à ses limites (en particulier
dans les clochers et les voûtes gothiques ou dans les gratte-ciel comme l'empire State Building par
exemple), soit en essayant d'atteindre la perfection dans un cadre très étroit, comme dans les temples
grecs classiques. Une telle rivalité peut donner naissance à une grande variété dans un seul style, mais
d'une façon générale, elle manquera tout à fait de créativité et tendra à se cristalliser sur un genre de
construction.

¹²Voir chapitre II
46

Certes, l'originalité est caractéristique des groupes ou des individus qui


demandent des changements de grande envergure dans les périodes d'instabilité et qui
rejettent en même temps le goût et les idéaux de l'époque. Le mouvement moderne du XXe
siècle en est l'exemple le plus évident. Mais l'architecture du début de la renaissance, œuvre
d'artistes hostiles au gothique, a eu le même caractère révolutionnaire. Cependant, Is
renaissance était également un mouvement de renouveau, et l'architecture occidentale se
caractérise par ce retour continuel aux sources. Lorsque Charlemagne voulait consciemment
recréer l'empire romain en installant sa nouvelle capitale à Aix-la-Chapelle, le plan de s
cathédrale qu'il voulait y construire est basé sur celui de Saint-Vital de Ravenne (capitale de
Justinien) et il fit apporter des colonnes de Ravenne et Rome à Aix-la-Chapelle.

Originalité de la renaissance prend la forme d'un renouveau de l'architecture


romaine appliquée aux constructions chrétiennes ; ce qui est conforme au mariage de la
chrétienté et de l'humanisme proposé par les théologiens et les philosophes, idée que l'Eglise
s'empressa de rependre. C'est ce qui explique pourquoi les églises réformées de l'Europe du
Nord évitèrent les styles de la renaissance. Cette réaction conduisit à un point de vue
totalement puritain, rejetant toute forme d'art religieux. La Bible écrite en langue nationale
ainsi que les hymnes luthériens remplacèrent l'imagerie visuelle, et quand ce fut possible, les
iconoclastes détruisirent les images pieuses. Au contraire, la contre-réforme utilisa tous les
effets visuels, et surtout ceux qui pouvaient suggérer une dimension métaphysique. Si l'on fait
une comparaison entre les églises catholiques et protestantes aux Pays-Bas, on s'aperçoit de
la force dont le langage architectural était doté au XVIIe siècle.

Le style néo-palladien anglais des XVIIe et XVIIIe siècles fournit un autre


exemple des significations claires, mais changeant, exprimées dans les formes architecturales.
Le style de Burlington et de Kent était fondé sur celui de Inigo Jones (Londres 1573-1652), lui-
même fondé sur celui de Palladio (Padoue 1508- Vicence 1580), dont les travaux constituaient
une interprétation des bâtiments décrits par Vitruve. Pour la noblesse du XVIIIe siècle, le style
palladien représentait toutes les vertus de l'époque d'Auguste et la rapprochait des
propriétaires terriens de l'Antiquité tels que Pline, Lucrèce, Virgile et Horace. En attendant, les
constructeurs locaux qui souhaitaient satisfaire les exigences de leur client sur le plan de la
mode puisèrent des modèles de décoration dans des livres italiens ou flamands ; c'est ainsi
qu'ils construisirent des cheminées avec des arcs gigantesques ou recouvrirent leurs façades
d'ornementations entrelacées et de motifs grotesques. C'est de cette façon que les styles
commencèrent à perdre leur signification existante et à en acquérir de nouvelles au fur et à
mesure qu'ils étaient absorbés par la tradition vernaculaire. L'architecture possède un langage
vivant et ses caractéristiques stylistiques sont toujours prêtes à être porteuses de nouvelles
significations. Seule le XIXe siècle, avec sa manie de la classification, définit les styles
architecturaux de façon catégorique qu'ils sont souvent peu expressifs et peu conformes à la
réalité.
A cette époque, le mariage de la forme et de la fonction sert à désigner
l'association symbolique de l'utilisation pratique avec un style historique approprié.
Cependant cette association a un sens plus fort lorsqu'elle est reprise par les pionniers du
Mouvement moderne avec la formule « la forme suit la fonction ».
47

Dans le climat matérialiste du XXe siècle, on estimait que le rôle de la construction est
de s'harmoniser avec les exigences pratiques de la vie sociale et de les. Refléter tant dans la forme que
dans l'expression. Bien entendu, le renouveau d'intérêt pour l’architecture locale est directement
associé à cette vue. Alors qu'un tel principe devrait donner naissance à l'architecture la plus humaine
qui soit, il n'est que trop facile pour la forme de l'habitation de dicter le cadre de vie qu'elle doit
refléter. Le spectre de la machine qui passe du rôle de domestique à celui de maître nous est trop
connu pour que nous puissions apprécier la définition donnée par le Corbusier de la maison, « machine
a habiter ». Il est encourageant de constater que l'architecture des dix dernières années s'est de plus
en plus préoccupé de la vie propre des habitants dans ces bâtiments, qu'ils soient clients ou non. Pour
Philibert de l'Orme, architecte français de la renaissance, il était préférable qu'un architecte fasse des
erreurs dans la décoration, dans les proportions et les façades plutôt que dans les domaines pratiques.
Les bâtiments mal dessinés auraient rendu malheureux ceux qui y habitaient.

Les formes fondamentales des bâtiments qui n'étaient pas conçus pour y vivre furent
(comme pour les demeures) dictées par leur utilisation. Les formes des temples grecs ou romaines et
des églises chrétiennes sont liées aux cultes qui y sont célébrés. D'autres lieux de rassemblement, tels
ceux réservés au commerce, au travail, etc. (bureaux, installations sportives, théâtres), reçurent une
forme adaptée aux relations qu'auraient entre eux leurs utilisateurs. Les exigences prises en compte
sur le plan de l'aspect, de l'acoustique, des possibilités d'accès, du mode de vie des personnes en
général imposèrent une présentation qui devint complètement nouvelle après élaboration. Elle servit
de base à la création d'autres modes d'expression qui suivaient la norme ou s'en écartaient.

Avant le XIXe siècle, il existait peu de types distincts de construction, alors que de nos
jours elles ont d'une grande variété. Cependant, le langage architectural a été appauvri plutôt
qu'enrichi par ce phénomène. L'uniformité de l'architecture contemporaine, avant le milieu du siècle,
et l'augmentation du maniérisme formel depuis cette époque ne nous ont pas laissé de
caractéristiques spéciales qui permettraient de faire une distinction entre les divers types de
bâtiments. La seule variété de construction qui échappe peut-être à cette règle est l'installation
sportive où s'accomplit ce qui est pour la majorité la plus importante des fonctions de la communauté
de nos jours.

A la tendance moderne qui insiste sur une forme exprimant une fonction utilitaire
correspond une tendance à insister sur une forme qui met authentiquement en valeur la structure et
les matériaux. Le message moral de ce respect de la vérité de la nature a été prêché avec tant de force
qu'il serait impossible de le mettre en doute s'il n'était pas aussi contradictoire. Le temps semble
donner du cachet à ce qui est factice prétentieux et sans valeur. Des bâtiments que le moraliste,
condamnait absolument passent pour être charmants aux yeux des conservateurs romantiques. Adolf
Loos (1870-1933) décrivait Vienne comme la ville de Potemkine en se référant aux façades en bois
érigées par l'amant de Catherine la grande en vue de l'impressionner. Non seulement les édifices de la
Ringstrasse de Vienne étaient construits dans des styles d'emprunt, mais même la maçonnerie de
pierre sculptée s'avéra être du stuc. On constate avec ironie que des bâtiments comme le parlement
de Londres ou l'Opéra de Paris sont devenus les symboles populaires de la ville qu'ils embellissent ou
trahissent. Cependant, le mensonge délibéré est moins fréquent que la flatterie. Les styles empruntés
à d'autres courants et utilisés d'une façon inappropriée par des constructeurs qui imitaient leurs
modèles avec naïveté sont plus des incongruités que des tromperies. Le « trompe-l’œil » du baroque
affirmait l'illusion théâtrale, et le cinéma des années 1930 présentait des idées fantaisistes qui
48

n'avaient pas le moindre rapport avec la réalité. Les grands bâtiments électriques du XIXe siècle étaient
plus souvent un hommage au passé que l'expression d'une prétention quelconque.

Le moraliste sévère rejetait tout ceci. Théoricien français, l'abbé Marc Antoine Laugier
(1713-1769) insistait sur l'utilisation correcte et naturelle de la colonne son rôle est de supporter une
poutre ; elle ne doit jamais soutenir un arc et le pilastre est contre nature ; la décoration qui n'a pas
été consacrée par l'usage qu'en ont fait les Grecs doit être complètement condamnée. Si pour lui le
clinquant de l'architecture baroque a été prisé par "Europe pendant plusieurs siècles, fallait-il le
condamner avec moins de sévérité ? Les extravagances de Borromini sont-elles plus supportables
parce qu'elles sont été acceptées par Rome et qu'elles ont été copiées avec affectation ? Le succès des
arts repose sur un principe, sinon, il n'y a pas de règles, il n'y a que des innovations poser une règle
fixe à laquelle l'architecte devra se conformer et qui aura pour conséquence d'éliminer ses idées
capricieuses.

Remarquons que Laugier avait fait figurer l'observation suivante dans son index : << Le
préjugé n'est pas l'origine de la beauté ». Pour lui, l'architecture devait être << naturelle »>, c'est-à-
dire qu'elle devait nécessairement dériver de l'architecture grecque celle-ci, en effet, trouve son
origine dans la nature même qui serait la source de toute forme de construction. La critique de Laugier
que fait le jeune Goethe est plus proche de la vérité Ainsi se moque-t-il de sa théorie sur les origines
de l'architecture en soulignant que les maisons sont faites de murs et non de colonnes.

Autrement dit, l'abbé Laugier apparaît comme cherchant à imposer un système d'idées
qui ne correspondent pas à nos vrais besoins. Pour Goethe, il faut la vérité et non des systèmes, car
l'art véritable découle de l'unité de la conception. Mais le principe du respect de la nature peut justifier
toutes les formes d'architecture. Il est certain que la stérilité du néo-classicisme monumental, pour
lequel plaide Laugier, est égalée par les étendues de béton brut souillées par la pollution urbaine.

La vertu de l'intégrité est indéniable. Bien qu'elle soit utilisée par Goethe pour
défendre le gothique (allemand) contre le classique (français et italien), son application est plus large.
L'intégrité implique l'unité en soi, ce qui signifie une relation visuelle et spatiale entre l'intérieur et
l’extérieur ; elle implique également relation entre un bâtiment et son cadre ; l'utilisation des
matériaux locaux peut, à cet égard, se révéler bénéfique. Malgré tout, trop d'insistance sur ce point
peut trahir une ignorance du rôle des matériaux de revêtement en matière de décoration et de
protection.

L'économie de matériaux et l'expression rationnelle de la structure sont deux vertus


néo-classiques qui contribuent à l'intégrité d'un bâtiment. Mais nous devons distinguer entre l'illusion
utilisée au cours du XVIIe siècle pour exprimer une réalité métaphysique et le trompe-l’œil. Dans son
essai ornementation et crime, Adolf Loos ne condamnait pas la décoration en tant que telle ; il pensait
qu'elle ne correspondait pas au goût austère du jour. Lui-même préférait les choses simples, mais il se
rendait aussi incompressibilité pour un homme du XVe siècle que s'il avait demandé à son cordonnier
de lui fabriquer une paire de souliers dépourvus d'ornements. Loos était préoccupée par le problème
des architectes toujours en quête d'un style, c'est-à-dire d'un genre d'ornement.
49

CHAP.VIII: LES STYLES EN ARCHITECTURE


La notion de style commence à apparaître au début du XIXe siècle ; pendant le siècle
suivant ; elle obsèdera non seulement les architectes, mais aussi les critiques et les historiens de
l'architecture. Les premiers renouveaux, y compris celui de la renaissance, avaient été considérés
comme des renouveaux de traditions anciennes. Au XVIIe siècle, on assiste à une fragmentation de
l'architecture. Chaque tradition est cependant assez cohérente pour que l'architecte ne soit pas
confronté à un grand choix stylistique. Au XVIIIe siècle apparaissent tous les genres d'exotisme, mais
les critiques se préoccupent essentiellement des questions de goût et, plus tard, de moralité.

Cependant, vers 1828, Heinrich Hübsch publie un livre sur l'architecture religieuse
intitulé dans quel style devrions-nous construire ? Et le XIXe siècle développe le concept de style, en
utilisant le mot pour indiquer les caractéristiques générales d'une époque et d'un lieu particuliers,
découlant des matériaux et des ressources techniques disponibles. Voilà qui peut même apparaître
comme du déterminisme historique dans les œuvres de William Morris et de Semper, même si ce
dernier souligne que la forme est la manifestation de l'idée, en harmonie avec les ressources
matérielles, mais sans être déterminées par elles. Adolf Loos, au début du XXe siècle, attaque les
tentatives du style Sezession et du Werkbund en Allemagne et en Autriche. Pour lui, il est superflu de
vouloir créer un style « pour notre époque » en prétendant que « chaque période a son propre style,
mais pour ce qui est de la nôtre, on lui a même dénié le droit d'en avoir un ».

Initialement, le mot « style » signifie écriture manuscrite. Et celle-ci ne peut pas être
comparée à un gant que l'on enfile. Contrairement aux prétentions des critiques déterministes, il ne
faut pas confondre la main et l'écriture. La main est ce qu'elle est, compte tenu des divers événements
extérieurs. Mais c'est elle qui est guidée par un esprit original et indépendant pour produire l'écriture,
c'est-à-dire le style. Ni les normes ni les conventions n'ont jamais enfermé l'artiste original ; de la même
façon, elles n'ont jamais permis à l'artiste de seconde zone de réaliser des œuvres d'art. Au cours de
l'histoire de l'architecture occidentale, c'est l'interférence de l'originalité et de la tradition qui a permis
d'obtenir ces constructions qui peuvent nous émouvoir aujourd'hui et qui sont porteuses de messages
sociaux, politiques, artistiques et religieux.

Il existe une école moderne d'architecture et de critique qui rejette totalement le


concept de norme. Il s'agit de l'architecture dont les règles sont gouvernées d'abord par la fonction,
puis par la structure et les matériaux (le tout en rapport avec les personnes auxquelles elle est
destinée). On repousse la symétrie et les décisions a priori. Par conséquent, la tradition est, elle aussi,
rejetée. Quand il est mis en pratique avec discipline, comme c'est le cas dans les travaux de Frank Lloyd
Wright, on ne peut rien reprocher à un tel idéal, mais cet idéal ne peut pas avoir une application
universelle, pas plus que les autres systèmes créent dans le passé, puisqu'il s'agit d'une variation du
concept d'architecture naturelle. On peut discuter pour savoir si le manque de normes conduit à la
licence (Laugier aurait dit « caprice ») ou à la liberté et pour savoir si les normes produisent la discipline
ou la stérilité.

Les normes formulées pendant la renaissance n'ont pas arrêté le développement des
formes architecturales, pas plus que ne l'avait fait la géométrie du moyen âge. Il est vrai que les
constructions d'Alberti et de Palladio étaient différentes des idées qu'ils exprimaient dans leurs écrits.
Cependant, Bramante (1444-1514), architecte de la renaissance italienne, utilisait encore le langage
de l'architecture romaine comme un langage vivant qui élargissait l'imagination de l'architecte. Ce
50

mode d'expression classique a pu être considéré comme un langage vivant jusqu'au XIXe siècle
par des architectes comme Sir John Soane (1753-1837) et l'Allemand Karl Friedrich Schinkel
(1781-1841). Même au cours de ce siècle, Lutyens se sentit soumis à l'influence des anciens
Grecs alors qu'il travaillait dans le style dorique. Cependant, la tendance actuelle est opposée
aux normes. Le langage de l'architecture contemporaine se reflète aussi bien dans le style des
critiques que dans le goût contemporain. Il est déterminé par notre préoccupation pour les
personnes qui vivront dans les bâtiments et non pour ceux qui les ont commandités, par notre
souci de l'environnement, par notre rejet de l'austérité et du pur fonctionnalisme, par notre
préférence pour les structures organiques qui conditionnent notre attitude envers
l'architecture présente et passée.

Nous considérons la symétrie, la grille cartésienne et une échelle surhumaine


comme des caractéristiques d'une architecture totalitaire qui offre une solution
particulièrement facile au spéculateur.

Les créateurs modernes sont les architectes qui ont brisé les normes, les
architectes grecs et médiévaux pour qui les principes n'étaient pas des a priori, des
préconceptions, mais une attitude d'application de leur expérience pratique; Brunelleschi,
Michel-Ange, Borromini qui ont personnellement contribué à l'enrichissement du langage
classique; Telford, Bogardus, Eiffel, Maillart dont les travaux ont transcendé l'argumentation
mesquine à propos du style; Morris, l'urbaniste; Camillo Sitte, Sullivan, Wright qui réagirent
contre la schématisation de la programmation qu'on leur imposait, prévoyant
l'agrandissement au-delà de la cellule centrale. Nous apprécions l'architecture vernaculaire
industrielle du XIXe siècle et d'autres styles historicistes. Certains de nos principaux inventeurs
ont été abhorrés dans le passé, mais nous devons faire preuve d'objectivité pour comprendre
ce que l'on a voulu dire autrefois par l'expression << architecture devant être fidèle à la nature
ou dont la forme doit épouser la fonction ».

Relevons cette phrase dans un manuel d'architecture contemporaine qui


traduit bien la conception en vigueur : « il n'est pas surprenant que la nature fournisse les
meilleurs exemples de matériaux et de formes structurales entièrement développées ; aussi
devrons-nous continuer à chercher d'autres antécédents naturels qui permettent de trouver
des solutions à nos problèmes d'environnement ».

Renaissant Rococo
51

Gothique International

Index par période

Préhistoire

Le Néolithique avec le palafitte, la caverne artificielle, la hutte souterraine, l'habitation perchée et


surtout les monuments mégalithiques.

Antiquité (-3500-400)

• Architecture mésopotamienne, sumérienne, babylonienne, perse, assyrienne.


• Architecture égyptienne
• Architecture grecque
• Architecture romaine

Moyen Age (400-1400)

Au sens large, le Moyen Age se réfère aux mille ans entre la fin de la domination de l'Empire romain et
la renaissance des idéaux classiques qui a commencé avec la Renaissance au XVe siècle en Italie.

• Architecture préromane (750-950)


Caractérisée par leurs petits bâtiments de plans droits, proches des basiliques romaines

• Architecture romane (950- 1250)


Les voûtes de pierre et les constructions aux murs de pierre épais sont caractéristiques de cette
architecture. Les techniques sont héritées de l'architecture romaine.

• Architecture gothique (1130-1500)


Caractérisée par des nefs très élevées avec arcs-boutants, des ponts de pierre, et de grandes baies
vitrées divisées en petites sections par des croisillons de pierre. Les arcs sont en ogives, les sculptures
très détaillées, et les portes très ouvragées.

Renaissance (1420-1620)

Période en Europe à partir de la fin du quatorzième au XVIe siècle, caractérisée par un regain d'intérêt
dans l'art classique centrée sur l'homme, de la littérature, et de l'apprentissage.
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Renouveau (et adaptation) de l'architecture grecque et romaine, avec des dômes, des colonnes
rectangulaires (pilastre) souvent intégrées aux murs. Voir aussi l'humanisme.

Classique (XVIIe siècle)

Au XVIIe siècle, dans les pays du nord de l'Europe et en France s'épanouit le style classique, empruntant
ses formes à l'architecture antique (colonnes, trophées, frontons...). Les lignes sont rectilignes, la
symétrie et les rigueurs de la géométrie sont respectées. Dans le nord de l'Europe (pays protestants),
les églises ont un décor simple. Leur style tranche avec les exubérances du baroque.

Baroque (1600-1750)

Un style dominant de l'art en Europe au XVIIe siècle caractérisé par le jeu théâtral ou dramatique,
l'utilisation de la lumière et la couleur, par ses formes ornées, et par son mépris des principes
classiques de la composition. Ce style se développa surtout en Italie mais eu une influence dans toute
l'Europe (exemple : église Saint-Paul à Paris).

Rococo (1700-1750)

Ce baroque tardif (c. 1715-1775) style chargé utilisé dans la décoration intérieure et de la peinture
caractérisée par des formes curvilignes, des sculptures complexes, les couleurs pastel et la lumière,
souvent frivole objet. Ce style d'art était populaire dans les trois premiers quarts du 18e siècle,
notamment en France, mais a eu un impact dans le sud de l'Allemagne ainsi

Néoclassicisme (1750-1840)

Un regain de forme classique grecque et romaine dans l'art, la musique et la littérature, en particulier
pendant les XVIIIe et XIXe siècles en Europe et en Amérique. Il faisait partie d'une réaction aux excès
du baroque et rococo.

Architecture de l'âge industriel (1840-1900)

Architecture historiciste et d'ingénierie. Elle est animée par la tendance à l'Éclectisme.


• Le style Beaux-arts
• Le Style Second Empire ;
• L’historicisme : néo roman et le néogothique
• L'ingénierie

La montée des Genres (XVIIIe siècle)

Ne pas confondre avec les « genres » (les catégories en général). Lorsqu'ils sont utilisés dans l'art, la
peinture, le terme « genre » le plus souvent décrit un tableau assez petit, réaliste qui a pour objet les
événements quotidiens, les gens, ou leur entourage. Ces peintures ne sont pas religieuses, historiques,
mythologiques ou abstraite, ils ne sont pas des portraits.

19e siècle (1800-1899)

Le 19ème siècle, une époque de grands changements et de bouleversements conduit au mouvement


romantique, ainsi que réveils nostalgie inspirée des idéaux classiques et formes, Dans la juxtaposition
de ces deux, le réalisme recherché des bases plus solides et une évaluation honnête de l'art pour lui-
même.
53

Art moderne (1880-1945)

Théorie et pratique d'art à la fin du XIXe et du XXe siècle, qui veut que chaque nouvelle génération
doive s'appuyer sur styles du passé dans de nouveaux moyens ou rupture avec le passé afin de rendre
la prochaine contribution historique majeur. Caractérisée par l'idéalisme, considéré comme « grand
art », comme différenciée de l'art populaire. Dans la peinture, il est le plus clairement exprimé dans
les travaux des postimpressionnistes, en commençant en 1885 ; dans l'architecture, il parait plus
évident dans les travaux du Bauhaus et le Style international, du début 1920 environ.

• Le mouvement Arts and Crafts. (1860-1910)


• L'école de Chicago (1879
• L'Art nouveau : apparu dans les années 1890
• Le style d'Héliopolis, Au début du 20° siècle (1905-c.1935).
• Le Mouvement moderne, (années 1920-1940)
• Le style « Bauhaus », (années 1920-1930)
• L'Art déco : (années 1920-1930)

Post Modern Art (1945-)

Une attitude ou la tendance des années 1970, 1980 et 1990, dans lequel les artistes et les architectes
d'accepter tout ce qui rejette la modernité. En architecture, l'éloignement ou au-delà de ce qui était
devenu ennuyeux adaptations du style international, en faveur d'une approche imaginative et
éclectique. Dans les autres arts visuels, le post-modernisme se caractérise par une acceptation de
toutes les époques et styles, y compris le modernisme, et une volonté de combiner des éléments de
tous les styles et les époques. Bien que le modernisme fasse des distinctions entre le grand art et le
goût populaire, post-modernisme ne fait pas de tels jugements de valeur.

Tendances actuelles

• Le Style international
• Le Brutalisme
• L'Architecture high-tech
• Le Post-modernisme,
• Architecture verte

Zone image
54

CHAP.IX: ESPACE ARCHITECTURAL

De même que la pensée moderne a conditionné notre réaction esthétique devant un


bâtiment (ce que Vitruve appelle venustas), de même elle a nuancé notre point de vue concernant sa
fonction pratique et représentative. Nous pensons que l'espace est le principal moyen dont dispose
l'architecte et cependant la notion de l'espace architectural est relativement récente. Depuis
l'antiquité classique et jusqu'au XIXe siècle, la théorie a été fondée sur les proportions et la disposition
rythmique des éléments.

L'espace a été défini par les mesures linéaires. L'attention s'est portée sur l'harmonie
de celles-ci, même si le système de Pythagore, qui est à la base de l'architecture médiévale et classique,
donne à l'harmonie des mesures linéaires une unité plus abstraite.

L'historien de l'art autrichien Alois Riegl a été le premier, peu avant 1900, considérer
l'histoire de l'architecture en partant de l'espace interne des bâtiments. Plus récemment, notion
d'espace et de temps dérivée des idées d'Einstein et de Minkowski été appliquée à l'espace
architectural. Nous considérons maintenant celui-ci non comme un ensemble statique, mais comme
un élément qui a une relation dynamique avec l'observateur. Chaque bâtiment contient de l'espace
et il est contenu dans un espace plus grand. Il existe pour qu'on le traverse et pour qu'on s'y déplace,
et ce mouvement couvre à la fois l'espace et le temps. Le temps est simultanément une dimension de
l'architecture et de la musique. En outre, il paradoxal de constater que notre perception de cet espace
dynamique est immédiate.

On pourrait penser qu'il est anachronique de parler d'architecture d'un lointain passé
avec cette notion moderne d'espace dynamique ou d'espace actif, mais elle est utilisée pour décrire
un aspect fondamental de l'architecture, qui a toujours préoccupé les hommes de l'art. Les
constructions ne permettent pas d'avoir de doutes à cet égard. De plus, c'est une base essentielle pour
tout langage qui se rapporte à l'architecture contemporaine et à celle du passé.

Comment percevons-nous l'architecture ? C'est une expérience qui n'a pas beaucoup
de rapport avec la façon dont nous percevons la photographie d'un bâtiment. Elle a défié tous les
moyens de reproduction mécanique. Par conséquent, elle garde son impact unique. Celui-ci a été
partiellement détruit par les enregistrements, la radio, la télévision, en ce qui concerne la musique, la
peinture et même la sculpture.

Quand nous approchons d'un bâtiment, nous sommes conscients qu'il influence tout
son voisinage, comme un champ magnétique. En fonction du volume ou impression d'une partie de
celui-ci. Il peut se révéler de lui-même, nous fournir une indication en ce qui concerne sa taille, sa
fonction, sa structure et ses matériaux, et nous avons une idée de l'intérieur. Lorsque nous y
pénétrons, nous comprenons presque tout de suite s'il s'agit d'un espace simple ou complexe et la
direction dans laquelle nous devons nous diriger. D'autres impressions suivent rapidement.

Notre perception de ce qui entoure l'espace vient après notre première perception de
l'espace lui-même. En définitive, ce n'est pas seulement notre première impression, mais aussi notre
plus grande impression ; la principale préoccupation esthétique.
55

CHAP. X : PATRIMOINE ET CONSERVATION


La notion « moderne » de patrimoine serait née, dans le monde occidental, au
XIXe siècle. Toutefois, Jean-Pierre Babelon et André Chastel, dans La notion de patrimoine,
sont remontés aux premiers temps de l'Antiquité tardive, en associant la notion de patrimoine
au culte chrétien des reliques⁸. Quant à Françoise Choay, dans L'allégorie du patrimoine, elle
a amorcé son étude avec la Renaissance⁹. Ces chercheurs ont toutefois démontré que la
notion moderne » du patrimoine découle d'une désignation qui impliquerait la conservation
des objets repérés. Pour Choay, ce ne fut qu'« à partir de 1820¹⁰, [que] le monument
historique [fut] inscrit sous le signe de l'irremplaçable, les dommages qu'il subit [furent]
irréparables, sa perte irrémédiable¹¹ ». Cette prise de conscience aurait défini le patrimoine,
alors appelé « monument historique », et justifié, en partie, les mesures prises pour contrer
sa disparition. Cependant, seuls des vestiges jugés exceptionnels se trouvaient épargnés.
L'architecture vernaculaire, par exemple, restait à la merci du réaménagement des villes et du
tissu urbain. Les termes « patrimoine » et « monument historique », dans le sens actuel de
leurs désignations, sont apparus dans la même période, au lendemain de la française¹². Le
premier, « patrimoine », ne s'est imposé en France, selon André Desvallées, que dans les
années 1970¹³. Entre ces deux dates, le terme « monument historique fut utilisé. Le patrimoine
est resté cantonné dans la sphère de la familial et du on parlait, par exemple, du patrimoine
légué à ses enfants. Au cours du XIXe siècle, l'usage du mot prit une valeur plus générale : on
évoqua dès lors « ce qui est transmis à une personne, à une collectivité par les ancêtres, les
générations précédentes (1823) ¹⁴ ». Par la suite, l'acception actuelle du mot, porteuse du
caractère sacré d'un trésor à préserver, et évocatrice du temps et de la filiation, s'est
surimposée à cette définition. La Charte de Venise de 1964, texte incontournable pour la
conservation du patrimoine au XXe siècle, stipulait : « chargées d'un message spirituel du
passé, les œuvres monumentales des peuples demeurent dans la vie présente le témoignage
vivant de leurs traditions séculaires¹⁵ ». Dans la Charte du patrimoine bâti vernaculaire, ratifiée
en 1999¹⁶, le patrimoine est défini comme : un reflet de la vie contemporaine et un témoin de
l'histoire de la société », tandis que dans la Déclaration de Deschambault (charte du
patrimoine québécois adoptée en 1982), il est : l'ensemble des créations et des produits
conjugués de la nature et de l'homme, qui constituent le cadre de notre existence dans le
temps et dans l'espace. Une réalité, une propriété à dimension collective et une richesse
transmissible qui favorisent une reconnaissance et une appartenance¹⁷ ». Une gamme forte
large de biens peut, à l'évidence, correspondre à cette définition, qui reste d'évocation
récente : pendant le XXe siècle, en effet, la pratique n'utilisa que très rarement le mot
« patrimoine ».

Le chemin qui conduirait à cette définition n'était pas sans méandres. Le terme
a monument historique » a dominé les désignations jusqu'à tout récemment. Les deux mots
qui composent l'expression ne sont pas innocents : le premier – « monument » – se référait à
une valeur de signal attachée à l'objet ; l'adjectif accolé – « historique » – conférait la
dimension temporelle du « souvenir ». Alois Riegl, au début du XXe siècle, au premier proposé
une définition du monument passant par le processus de sa constitution. Dans son esprit
s'opposaient le monument « intentionnel » et le monument « historique ». Ce dernier,
perverti de sa destination originelle pour devenir objet de remémoration, n'était pas, au
contraire du monument « intentionnel », créé ou édifié « dans le but précis de conserver
toujours présent et vivant dans la conscience des générations futures le souvenir de telle
56

action ou de telle destinée (ou la combinaison de l'un et de l’autre) ¹⁸ ». Le monument


historique devait adopter ce rôle, toujours selon Riegl, par son obsolescence. L'historique
devenait monument parce qu'une collectivité choisissait qu'il le devienne. Cependant, la
filiation entre monument et monument historique obligeait à tenir compte.

De la dimension monumentale, qu'elle soit réelle ou figurée. En somme, pour


qu'il soit élevé au rang de monument historique, les valeurs symboliques rattachées à l'objet
historique devaient être assez puissantes pour qu'il pût être qualifié comme tel. Sa définition
le condamnait à une vision beaucoup plus étroite que celle portée par le patrimoine.

Le patrimoine culturel se définit comme l'ensemble des biens, matériels ou


immatériels, ayant une importance artistique et/ou historique certaine, et qui appartiennent
soit à une entité privée (personne, entreprise, association, etc.), soit à une entité publique
(commune, département, région, pays, etc.); cet ensemble est généralement préservé,
restauré, sauvegardé et montré au public, soit de façon exceptionnelle soit de façon régulière
(château, musée, église, etc.), gratuitement ou au contraire moyennant un droit d'entrée et
de visite payant.

• Le patrimoine dit « matériel » est surtout constitué des paysages construits, de


l'architecture et de l'urbanisme, des sites archéologiques et géologiques, de certains
aménagements de l'espace agricole ou forestier, d'objets d'art et mobilier, du
patrimoine industriel (outils, instruments, machines, bâti, etc.).
• Le patrimoine immatériel peut revêtir différentes formes : chants, costumes, danses,
traditions gastronomiques, jeux, mythes, contes et légendes, petits métiers,
témoignages, captation de techniques et de savoir-faire, documents écrits et
d'archives (dont audiovisuelles), etc.

Le patrimoine fait appel à l'idée d'un héritage légué par les générations qui nous
ont précédés, et que nous devons transmettre intact ou augmenté aux générations futures,
ainsi qu'à la nécessité de constituer un patrimoine pour demain. On dépasse donc largement
la simple propriété personnelle (droit d'user « et d'abuser » selon le droit romain). Il relève du
bien public et du bien commun.

Apparue au XIIe siècle, la notion de « patrimoine » (du latin patrimonium,


héritage du père) se définit étymologiquement par extension comme étant l'ensemble des
biens hérités de la famille. On peut citer comme précurseur, au XVIe siècle, le collectionneur
François Roger de Gaignières (1642-1715) qui parcourt toute la France pour sauver la mémoire
du Moyen Âge en faisant dessiner les monuments et objets d'art et en accumulant des copies
de documents historiques dans la lignée des bénédictins mauristes des manuscrits,
médailles... Finalement, il a dressé l'inventaire du patrimoine français vers 1700 et a créé un
musée réputé. Il a aussi voulu, en vain, créer un service public de protection des monuments.

Dès le XVIIIe siècle, on commence à considérer le patrimoine. C'est la


Révolution française qui lance la protection des biens culturels. Lors d'un de ses rapports à la
Convention, l'abbé Grégoire (1750-1831), juriste et homme politique révolutionnaire affirme
que « le respect public entoure particulièrement les objets nationaux qui, n'étant à personne,
57

sont la propriété de tous (...) Tous les monuments de sciences et d'arts sont recommandés à
la surveillance de tous les bons citoyens. »

Mais cette protection du patrimoine ne se fera que progressivement. Les


premiers éléments intégrés dans cette appréciation sont les œuvres d'art (tableaux et
sculptures) conservées et parfois exposées dans les premiers musées et les livres. Les livres et
plus généralement les bibliothèques sont protégées au titre de l'instruction du peuple. Les
œuvres architecturales, et notamment ecclésiastiques ou seigneuriales, ne bénéficient quant
à elles lors de la Révolution française d'aucune protection et sont bien souvent vendues à des
particuliers, libres de les démolir pour en revendre les matériaux de construction ou de les
transformer en logements, usines, étables... En revanche, cette même Révolution s'attache à
la protection des biens culturels. Confisqués aux émigrés, aux ordres religieux ainsi qu'aux
institutions dissoutes : seuls parmi les biens nationaux, les objets d'art et les livres sont
protégés de la vente et leur conservation est organisée : des dépôts révolutionnaires sont
créés dans chaque département, des comités successifs sont chargés de s'assurer du
traitement des livres qui font l'objet de circulaires et de conseils concernant leur conservation
et leur catalogage. L'abbé Grégoire suit particulièrement la gestion et le traitement des
collections de livres, regroupées dans des dépôts littéraires départementaux. Claude Henri de
Rouvroy de Saint-Simon fut l'un des principaux << promoteurs » de ce type d'entreprise.

Le XIXe siècle a apporté tant de modifications à l'architecture occidentale qu'il


est permis de penser que l'unification de la tradition occidentale s'est achevée avec
l'introduction des nouveaux matériaux et l'abandon des derniers vestiges des ordres grecs. Il
est vrai qu'un grand nombre des pionniers des années 1920 voulaient dans une large mesure
s'écarter du passé. Mais depuis 1945, les architectes se sont de plus en plus intéressés aux
constructions historiques. On a éprouvé le besoin de renouer plus étroitement avec le passé
non pas par une imitation des styles, mais dans un but de réelle continuité. A cet égard, les
architectes ont montré la voie. Les travaux de Giancarlo De Carlo à Urbino et les divers efforts
faits ces dernières années pour étudier la structure sociale et physique de Bologne sont sans
précédent. Cependant, il faut savoir que le mouvement de conservation architecturale est
aussi le résultat de l'aliénation ressentie vis-à-vis de l'architecture récente.

Au cours de l'histoire, seuls ont survécu les bâtiments pour lesquels on a pu


trouver une utilisation au fur et à mesure des changements de la société. Même ceux qui
étaient l'objet d'un engouement particulier ont subi des modifications et une modernisation ;
travaux indispensables pour qu'ils restent des bâtiments vivants au lieu de devenir des pièces
de musée. C'est pourquoi, il est nécessaire de faire un effort d'imagination historique si l'on
veut évoquer non seulement la société du passé, mais aussi les bâtiments sous leur forme
originale. Les constructions ont été soumises à des modifications et à des destructions au
cours des cent cinquante dernières années. Compte tenu de l'espace qu'elles occupent, on ne
peut pas, à l'inverse des tableaux, les stocker dans des caves jusqu'à ce que la mode change.
De plus, qu'il fasse partie d'un environnement planifié ou qu'il soit le résultat d'une croissance
organique, chaque bâtiment doit être en harmonie avec ceux qui l'entoure. Cependant, même
dans un monde qui dépend de la circulation routière, l'environnement et les édifices doivent
être représentatifs de la vie telle qu'elle est vécue. Quand les vieux bâtiments ne
correspondent plus à l'époque, doit-on les restaurer et les adapter pour un nouvel usage ?
Doit-on les supprimer et les remplacer, ou bien les incorporer dans un nouveau projet ?
58

Quelles sont les restrictions que l'on imposera aux architectes lorsqu'il sera nécessaire de
construire de nouveaux bâtiments ?

Les résultats ont été trop souvent désastreux. La pression exercée pour
conserver chaque chose a conduit à la préservation de constructions médiocres. D'autres qui
étaient, au contraire, magnifiques et occupaient de beaux sites ont été détruits. On impose
tellement de restrictions aux architectes que toute chance de succès dans la création d'une
nouvelle architecture est compromise dès le départ. La puissance économique a été l'origine
de la désacralisation des centres historiques. Il eût presque mieux valu laisser une entière
liberté à tout le monde. La nouvelle brasserie Truman de Londres est un signe encourageant
à cet égard. Dans cet exemple, l'ancienne architecture a été incorporée dans un nouveau
concept sans aucun compromis.

Nous devons comprendre que l'architecture doit évoluer avec la société, car les
changements étant rapides, elle est vite périmée. Seule une infime partie des ouvrages
architecturaux existant à l'heure actuelle ont conservé la fonction pratique et symbolique
qu'ils avaient il y a soixante-dix ans. Les églises, les palais, les fermes, les écoles et les gares
doivent être adaptées à une structure de société nouvelle. Cependant, dans le passé, le travail
de l'architecture devait toujours être considérés à long terme. La croissance des églises
médiévales ou des châteaux était, comme celle des
villes, organique. Le dôme prévu par Arnolfo Di Cambio
pour la cathédrale de Florence, à la fin du XIIIe siècle,
fut dessiné et réalisé au XVe siècle par Brunelleschi.

Aucune réalisation de ce dernier ne nous


est parvenue intacte, il en est de même pour les
œuvres de Michel-Ange. Néanmoins, lorsque le
concept spatial survit, le même génie de l'architecte se
manifeste. Sans aucun doute, certains bâtiments
perdent la majeure partie, si ce n'est la totalité de leur valeur quand ils ont cessé d'accomplir
leur fonction originelle. Mais la grande architecture, comme la grande musique, peut être
réinterprétée, et l'observateur en sera conscient, même dans les œuvres inachevées. Les
bonnes constructions seront définies par leur utilisation subséquente et auront des formes
ouvertes, adaptables aux modifications du goût et de la société, qui échappent à toute
planification rationnelle. Ainsi peuvent-elles transcender les conditions temporelles de leur
création.

La tradition de la restauration des monuments historiques, fondée en France


par Viollet-le-Duc, est toujours pratiquée. La création d'un fossé au pied de la colonnade du
Louvre en témoigne. Toutefois, là, on restaura un monument tel qu'il aurait dû être. Ainsi a-t-
on, au Portugal, détruit nombre de retables baroques, au nom de l'unité de style Ces abus
régressent au profit de remises en état plus mesurées, comme celle de l'ancien quartier du
Marais à Paris. A l'heure actuelle, aucun des chefs-d'œuvre de l'humanité n'est préservé : pas
plus le Parthénon que Venise. Aussi, des initiatives privées, comme les « chantiers de
sauvegarde » en France, ou des conventions internationales comme l'UNESCO concourent à
sauvegarder la beauté des ouvrages d'architecture et des sites.
59

CHAP. XI : LE PATRIMOINE ARCHITECTURAL DE KINSHASA


Les œuvres architecturales sont les témoins les plus parlants de la civilisation humaine.
Que ce soit en Asie, en Europe, ou même en Afrique, elles sont porteuses de cultures matérialisées,
visibles et pleines de signification.

D'ailleurs, c'est souvent la découverte des temples, des tombes somptueuses, des
marchés, des places qui signalent l'existence des grandes civilisations. Ces édifices sont des miroirs du
passé qui permettent d'examiner les croyances, la culture, les talents artistiques et techniques des
peuples d'autrefois

L'Europe s'est constituée un patrimoine culturel plein de signification qui permet à la


fois un enseignement de l'histoire de l'architecture et un tourisme. Un grand nombre des styles en
architecture européenne sont d'inspiration gréco-romaine. Cela satisfait un besoin identitaire et
permet aux architectes modernes de s'inspirer de leur passé et de donner une âme à leurs œuvres.

Dans nos écoles d'architecture, nous enseignons presque exclusivement cette


architecture sans trop de référence à ce qui est ici. Beaucoup de nos étudiants demandent s'il n'y a pas
eu une architecture sur la terre de nos ancêtres, La réponse si ne suffit pas. Les enseignants de l'histoire
de l'art de l'institut Supérieur d'Architecture et Urbanisme ont réfléchi sur la possibilité de rendre cet
enseignement plus attrayant et d'aider les étudiants à s'approprier ces trésors lointains. Beaucoup
d'entre eux ont participé à l'élaboration d'une carte touristique du patrimoine architectural de
Kinshasa et du Bas-Congo avec les enseignants de l'Université Libre de Bruxelles.

Dans ce chapitre, nous proposons d'enseigner à partir de ce qui est palpable et visible,
ce qui entoure les étudiants et leur montrer qu'ici, dans la ville de Kinshasa, il y a un riche patrimoine
architectural qui peut leur permettre de côtoyer les notions qui semblent lointaines et insaisissables.
Nous parlons de plusieurs styles enseignés en deuxième année en mentionnant des bâtiments à
Kinshasa.

Le but que poursuit le chapitre n'est pas seulement pédagogique ou méthodologique.


C'est une appropriation. Une connaissance des bâtiments qui font l'histoire de notre ville permettra
d'éveiller des sentiments pour la sauvegarde et la requalification du patrimoine architectural et
favorisera un meilleur usage et le tourisme, car il y aura des personnes capables, comme des guides
touristiques, de faire visiter la ville en commentant son architecture, son urbanisme et donc sa valeur.
La requalification pour une meilleure utilisation et le tourisme sont liés au développement, à
l'économie du pays et tout ce qui peut y contribuer devrait être notre souci.

Comme en occident, les autorités gouvernementales décideront peut-être de faire de


l'architecture une question d'intérêt public Nos futurs chercheurs pourront plus facilement étendre
leur intérêt sur l'architecture vernaculaire et sur les traces encore visibles sur les palimpsestes de notre
passé architectural. Plus que tout, notre histoire résistera à l'assaut de

Assistant a l'ISAU
¹³Un certain nombre de commentaires, d'images de cet article se réfèrent à ce travail ou à cette cane qui mentionnent 112
points d'intérêt architectural ou urbanistique Les auteurs enseignants sont José BAMENIKIO, Richard VIBILA, Ko BOKO
TEKE, Alexis TSHIUNZA, Philippe LECOQ et Yves ROBERT avec la participation de plusieurs étudiants.
¹⁴Résolution du Conseil de l'Union Européenne sur la qualité architecturale dans l'environnement urbain et rural du 12
février 2001 (2001/C73/04) rappelant les objectifs assignes à la Communauté en vertu de l'article 151 du traité et de la
directive 85/384/CEE Les détails au point 5.
60

son effacement comme cela est plusieurs fois arrivé dans le passé. Nous ne pourrons qu'être plus fiers
de notre identité et proposer des projets enracinés dans notre histoire et notre culture.

1. Définition des concepts-clé

1.1. Développement durable

Le développement, la croissance, le progrès est durable quand il qui concilient les


aspects économique, écologique, social et culturel des activités humaines.

Trouver un équilibre cohérent et viable à long terme entre ces trois enjeux, le progrès
économique (1), la justice sociale (2) et la préservation de l'environnement (3), est la finalité du
développement durable. Si une activité peut générer des revenus ou être bénéfique, tout suit des
schémas en respectant la nature et en promouvant le social, alors elle est durable.

Ces trois aspects, qualifiés de piliers, sont les éléments à prendre en compte dans la
définition de la durabilité d'un projet.

Source : Wikipédia

Il n'y a rien de plus lié à la durabilité que l'architecture. Depuis avant Vitruve I'UTILITAS,
c'est-à-dire le service social ou économique que doit rendre l'édifice, est au cœur du travail de
l'architecte. Les projets se nomment hôpital, école, appartement, usine, bureau...etc. Et si en
recherchant le VENUSTAS, par son expression des façades ou de la perspective, il nous permet
d'identifier le service que rend le bâtiment (une église, une habitation...etc.), c'est assurément parce
que cela est lié à une image traditionnelle culturelle, que nous en avons déjà 16. Que le mot durable
soit pris dans la temporalité ou dans la soutenabilité", il répond à l'exigence du FIRMITAS, car les
matériaux, les structures, tout le travail de l'architecte ne durera que s'il est solide et respecte
l'environnement. Même si le terme écologie est à la mode depuis peu, l'architecte a toujours cherché
à faire des bâtiments qui se fondent dans leur paysage, qui répondent au climat et qui permettent le
maximum d'hygiène. C'est aussi lui qui choisit les matériaux les moins chers qui soient les plus en
adéquation avec son projet et qui durent dans le temps. Il permet aux ouvriers de trouver du travail. Il
laisse des œuvres qui lui survivent des siècles et qui sont les témoins vivants de la culture et du mode
de vie passé. N'est-ce pas cela le durable ?

¹⁵ Ruth SLAVID, 10 principles of architecture, VIVAYS PUBLISHING, CHINE, 2012, p. 12. Marcus Vitrivius a dit que le bâtiment
devait répondre à trois grandes exigences : être utile (utilitas), beau (venustas) et solide (firmitas) et cela reste vrai jusqu'à
nos jours quelles que soient les théories artistiques et styles proposées après. 16 EVERARD UPJOHN, PAUL WINGERT, JANE
MAHLER, Histoire mondiale de l'art, les arts de la préhistoire à la Grèce antique, édition Marabout, Belgique, 1975, p.13
Une forme francisée de Sustainability (en anglais) qui emporte l'idée d'une exploitation des ressources naturelles sans
détruire l'équilibre écologique de la région.
61

1.2. Patrimoine architectural

« Le patrimoine est un mot à la fois plein et obscur¹⁸ ». A l'origine, c'est un héritage


Dans ce sens, tout bâtiment peut le devenir. Néanmoins, certains bâtiments, quoiqu'appartenant à des
individus ou à un état, possèdent des valeurs dans lesquelles un plus grand nombre de gens se
reconnaissent. Parce que d'une façon ou d'une autre, ils ont été le théâtre de l'histoire, parce qu'ils
sont exceptionnels du fait de leur qualité ou de la renommée de leur concepteur, certains bâtiments
devraient devenir des biens communs C'est dans ce sens que le mot patrimoine est aujourd'hui
largement connu. « Le mot anglais héritage signifie peut-être mieux que le mot patrimoine français
que le bien en question, s'il est un legs du passé, il est aussi une provision pour l'avenir¹⁹. La notion de
patrimoine architectural fait donc référence à un édifice qui est porteur d'une valeur esthétique et
d'une signification historique. D'ailleurs, les fermes patrimoine et monument historique » dans le sens
actuel de leurs désignations, sont apparus dans la même période, au lendemain de la Révolution
française. Il s'agissait de protéger les bâtiments importants, des monuments menacés de destruction.
Jusque vers 1970, c'est le terme monument historique qui était employé pour désigner le patrimoine²⁰.
Le terme patrimoine a donc, dès son origine, eu la dimension monumentale²¹ et historique²². On parle
aussi de la valeur patrimoniale.

Pour établir la valeur patrimoniale des bâtiments à Kinshasa, il nous faut nous servir
des critères utilisés par l'UNESCO pour le patrimoine mondial²³ :

• Représenter un chef-d'œuvre du génie créateur humain ;

• Témoigner d'un échange d'influences considérable sur le développement de l'architecture ou


de la technologie, des arts monumentaux, de la planification des villes ou de la création de
paysages,

• Apporter un témoignage unique, ou du moins exceptionnel, sur une tradition culturelle ou une
civilisation vivante ou disparue ;

• Offrir un exemple éminent d'un type de construction ou d'ensemble architectural ou de


paysage illustrant une ou des périodes significatives de l'histoire humaine ;

• Constituer un exemple éminent d'établissement humain ou d'occupation du territoire qui soit


traditionnel et représentatif d'une culture (ou de cultures) surtout quand il devient vulnérable
sous l'effet de mutations irréversibles.

André CHASTEL, Architecture et Patrimoine. Chroniques parus dans LE MONDE, éd Monuments Nationaux,
France, 2012, p.185 19 Bernard QUENEE et Gilles MARTINET, Le Patrimoine produit du Développement Durable
in LERM INFOS n 22, Décembre 2011, consulte le 16 novembre 2012 sur le site http://www.lerm.fr ²⁰ Martin
DROUIN, le Combat du patrimoine, presse de l'université du Québec, Canada, 2007, p.4 Même la célèbre
Charte de Venise (1964) sur la conservation utilise le terme « monument historique et non patrimoine.
Les monuments sont les églises, les mosquées, les édifices publics, les résidences de haut-rang, les mémoriaux
et autres structures analogues. Ils forment un contraste avec leur contexte, discret ou spectaculaire selon les
cas. Les bâtiments formant le tissu urbain sont utilisés pour les résidences ordinaires et les commerces. Dans
les villes qui fonctionnent bien, ces bâtiments forment une structure physiquement cohérente, qui révèle le
tissu social sous-jacent. Matthew FREDERICK, 101 petits projets qui font les grands projets, édition DUNOD,
Paris, 2012, p.89 22 Certains bâtiments sont construits avec l'intention d'en faire des patrimoines. On parle
alors de patrimoine intentionnel. Ce sont souvent des monuments au sens littéral. 23 Microsoft Encarta 2009.
62

• Etre directement ou matériellement associé à des événements ou des traditions vivantes, des
idées, des croyances ou des œuvres artistiques e littéraires ayant une signification universelle
exceptionnelle

La patrimonialisation des édifices est en totale harmonie avec les idées du


développement durable qui vise autant à faire durer les réalisations qu'à articuler le présent de la
société avec son passé et son avenir dans une perspective de transmission et d'économie des
moyens²⁴ »

Quelques bâtiments à Kinshasa répondent à ces critères et mériteraient une attention


particulière car non seulement, ils peuvent aider à l'enseignement de l'histoire de l'architecture et sont
généralement des monuments, mais ils peuvent aussi contribuer au développement durable.

2. Un riche patrimoine architectural

Marc GEMOETS, urbaniste et enseignant belge, avec son équipe ont relevé 400
bâtiments et sites exceptionnels rien qu'à Kinshasa²⁵.

Pour démontrer que nous avons un riche patrimoine digne du touriste et de


l'enseignement de l'histoire de l'architecture, passons en revue quelques bâtiments an les
commentant du point de vue de styles ou courants artistiques enseignés en deuxième année
architecture. Nous prouvons que l'enseignement de l'histoire de l'art donne certaines clés à la
compréhension de l'histoire, une meilleure compréhension du langage de l'architecture et peut plaider
la cause du développement durable en permettant à plusieurs générations d'apprécier la valeur des
réalisations architecturales. Nous poursuivons l’objectif de donner une partie du cours avec des
exemples locaux.

2.1. La Cité-jardin et le bungalow tropical

Pour situer le contexte de cette histoire, le plan d'urbanisme des architectes beiges
prévoit une zone pour les belges, une autre pour les indigènes et un zone tampon ou sanitaire. La
partie indigène est un plan en damier et celle belge est construite en cité jardin.

Soria y Mata et Ebenezer Howard avaient lancé, peu avant, le concept de ville-jardin
qui est faite de bâtiments entourés par un jardin ou de la verdure. La notion a évolué et de petits
espaces ont pu être aménagés avec ce concept. Il s'agit alors de construire des immeubles éparpillés
dans un espace entouré de verdure ou jardin.

²⁴Bernard QUENEE et Gilles MARTINET, op.cit. Consulté le 16 novembre 2012 sur le site http://www.lem.fr 25
Laure EGGERICX, « Un belge au Congo aujourd'hui », in les nouvelles du patrimoine n°128 (les architectes
belges au Congo), éd. Les Amis de l'UNESCO, Bruxelles, 2010, p. 43 26 Les mouvements artistiques d'avant-
garde, dadaïste, cubiste, futuriste, constructiviste, néo-plasticienne, apporté une contribution importante à
l'architecture. (EVERARD UPJOHN, PAUL WINGERT, JANE MAHLER, Histoire mondiale de l'art, les arts primitifs,
l'art moderne, édition Marabout, Belgique, 1975, p.191) Mais nous ne parlerons qu'en passant de leurs
influences sur l'architecture dans cet article, quoique cela soit donné aux étudiants en deuxième. Un
commentaire aux touristes ne ferait que rehausser la compréhension de l'évolution du bâtiment tant ici
qu'ailleurs. 27 Mikael Raeburn (dir), Op.cit. p.234
63

Zone image

LOGEMENTS SCTP LOGEMENTS Royal


Source TSHIUNZA. Source UBL/ISAU

En exemple, nous mentionnons la cité-jardin de la SCTP près de la gare. L'image d haut


indique la présence de trois bâtiments identiques repartis dans un grand espace leur permettant de
ne pas se faire écran et laissant beaucoup d'espace a la verdure. Les immeubles près de Royal ont été
construits suivant le même esprit.

Avant cet urbanisme, il y avait déjà plusieurs bâtiments assez éparpillés dans le style
bungalow et préfabriqué. Le type bungalow tropical avec les éléments préfabriqués métalliques a été
préféré et construit par les européens pour répondre au besoin d'acclimatation Mentionnons :

- deux maisons de type bungalows préfabriqués, sur pilotis métalliques avec véranda, de la
BMS (Baptist Missionnary Society), sur avenue Kalemie à Gombe, parmi les premières
habitations de Kinshasa, 1880²⁸.
- La commune de Ngaliema, qui était l'hôpital de la Croix-Rouge, sur l'ancienne route de
caravane, 1899
- Une ancienne maison pour fonctionnaire sur avenue de la Justice, de structure métallique et
de type bungalow, devenu bureau de la Croix-Rouge, 1910.

Zone image

PAVILLON CRO-ROUGE
Source ULBISAU

MAISON DEMONTABLE BEAUX-ARTS


Source ULB/ISAU

²⁸ Le territoire du Congo ne sera attribué au Roi des Belges officiellement qu'en 1885
64

COMMUNE DE NGALIEMA
Source ULB/ISAU

Dans les années vingt, d'autres styles rattachés aux pays d'origine des propriétaires
apparaissent.

Citons en exemple :

- les maisons dites hollandaises sur l'avenue Tombalbaye (1925-1930), avec frontons de style «
Cape Dutch ».
- le Casino Restaurant Bingo Royal, 1925-1928 avec les frontons portugais mezzanines et
colonnes.
- Le supermarché Mikael, ex-African-Lux, de l'architecte Callebout, 1925. Avec la coupole
orientale.

MAISON HOLLANDAISE. CASINO BINGO ROYAL


Source : ULB/ISAU Source : TSHIUNZA

Plus tard, il y aura rarement ce genre de construction c'est-à-dire dans un style


préfabriqué ou typique d'un peuple. Il y en exemple, une maison démontable en métal dans l'enceinte
de l'Académie des Beaux-arts, de l'Architecte COPAYE (1951) et l'Eglise Orthodoxe Saint Nicolas (1953),
inspiré du style byzantin dans la concession de la communauté hellénique sur le boulevard du 30 juin,
avec le narthex, le tambour, la décoration murale intérieure.

Voyons maintenant la richesse patrimoniale de la ville de Kinshasa en termes de styles


enseignés en deuxième année architecture.

3.1. Le Néoroman

Le Néoroman est le renouveau architectural du style roman au XVIIe et XIX. Comme le


roman, l'arc en plein cintre et l'emploi privilégié du mur le caractérisent.
65

INSTITUT DE PHILOSOPHIE SAINT-PIERRE CANISIUS EGLISE SAINT-PIERRE


Source : ULB/ISAU Source : ULB/ISAU

L'église Saint-Pierre au croisement des avenues KABAMBARE et KASA VUBU


dans la commune de Kinshasa, bâti en 1933 par frère Henri BECKERS et l'institut de Philosophie
Saint-Pierre Canisius de KIMWENZA, 1954 sont des beaux exemples Remarquez notamment
les arcs en plein cintre, les parois doublées de contreforts, les arcatures aveugles, les
chapiteaux à décor géométriques et les colonnettes des baies géminées

Il y aussi deux bâtiments dans le centre paroissial Saint-Anne, au côté de la


cathédrale Reygarts dont nous parlons au point suivant.

3.2. Le Néogothique

Renouveau du gothique médiéval, ce style architectural a intéressé les


architectes du XIXe siècle et est passé pour le style le plus approprié pour les églises, surtout
dans l'empire britannique et aux Etats-Unis.

CHAPELLE SIMS CATHEDRALE REYGARTS


Source : ULB/ISAU Source : TSHIUNZA

On comprend pourquoi à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, les protestants


(plus présents dans les pays anglophones) venus au Congo, particulièrement la Communauté
Baptiste du Fleuve Congo a construit des églises dans ce style. Mentionnons la première
chapelle protestante de Kinshasa, la chapelle SIMS, sur avenue de l'Avenir à NGALIEMA, dédié
au Révérend Aaron SIMS et construit en 1891 et le l'Eglise du Christ Roi, sur avenue LUKUSA,
à Gombe, temple construit en 1915.

Du côté catholique, dans le style néogothique très tardif, sur avenue de la


libération ou Pierre MULELE (ex 24 novembre), il y a la Cathédrale Notre-Dame qui est une
66

église construite en briques en 1948, et sur avenue Isiro, le centre paroissial Sainte-Anne dont
la cathédrale REYGARTS, construit entre 1913 et 1914. On peut faire remarquer les arcs en
ogive, les vitraux, les contreforts, … etc. caractéristiques du gothique.

3.3. Le style victorien et éclectique

L'éclectisme est un style empruntant ses éléments constitutifs à divers styles


historiques entre 1830 et 1870²⁹. Nous l'associons au style victorien qui désigne le renouveau
éclectique d'un ensemble des styles architecturaux d'inspiration ancienne pendant le règne
de la reine Victoria (1837-1901).

On retrouve à Kinshasa, sur avenue de Avsenir à Ngaliema, une ancienne


maison de la Société CHANIMETAL, très belle architecture, construite au XIXe siècle, avec
beaucoup d'éléments préfabriqués importés avec des fenêtres françaises. Mentionnons aussi
l’immeuble de bureaux Safmarine, ex-Galeries du Fleuve, sur l’avenue Équateur avec une
architecture historiciste, construite en 1920.

MAISON CHANIMETAL SAFMARINE


Source : ULB/ISAU Source : TSHIUNZA

3.4. Art nouveau

Vers les années 1890, le mouvement Art Nouveau se développe et s’identifie


plus par sa décoration faisant un large usage du fer comme élément structurel et décoratif³⁰.
Cette décoration « comprend une combinaison des motifs aux formes sinueuses empruntées
au monde végétal, avec des représentations stylisées de fleurs soutenues par des longues
tiges enlacées³¹ ».

²⁹ Philippe CROS, les styles en Architecture, et les Essentiels de Milan Fran, 2007, p48
³⁰ Philippe CROS op Ct., p.50
³¹ Mikael Rachum (dir) op. p. 249
67

EX-HOTEL PALACE DETAIL FERRONNERIE


Source TSHIUNZA Source : ULBISAU

Dans ce style, mentionnons le bâtiment de l'ex-Onatra, l'ex-Hôtel ABC ou hôtel Palace,


sur avenue WAGENIA, on l'on trouve des garde-corps en très belles ferronneries art nouveau,
en image avec détails. Remarquons aussi l'usage du fer comme élément structurel et
décoratif.

3.5. Art déco et style paquebot

Style architectural faisant écho à l'Exposition internationale des arts décoratifs et


industriels modernes qui tint en France en 1925, et courant artistique influencé par les
cubistes, les futuristes et les constructivistes, l'Art Déco emploie des volumes simples et des
surfaces planes, des formes géométriques, contrairement à l'art nouveau qui l'a précédé et
contre lequel il réagit.

Mentionnons qu'à part le modernisme, l'art déco est le style le plus rencontré à Kinshasa. Nous
donnons comme exemples, le lycée BOSANGANI ex- Sacré-Cœur, édifié dès 1928 et l'Eglise Saint
Léopold sur avenue des Ecuries a Ngaliema érigé en 1951.

EGLISE SAINT LEOPLOD. EGLISE SACRE-COEUR


Source ULB/ISAU. Source ULB/I

Quant au style « paquebot », c'est de l'Art déco tardif caractérisé par les formes courbes
accentuées, les longues lignes horizontales, et parfois les éléments empruntés à l'univers nautique,
d'où le nom paquebot
68

UN BATIMENT DU COLLEGE BOBOTO


Source : ULB/ISAU

Plusieurs exemples à mentionner dont le Collège BOBOTO, au croisement des avenue


Kisangani et Père BOKA, de l'architecte POPIJN, construit de 1938 à 1547 l'immeuble FORESCOM de
l'architecte Fostier, construit de 1945 à 1948, que la légende urbaine kinoise attribue à tort à Le
Corbusier.

3.6. Le purisme art déco digne du Stijl

Le Stijl, inspiré de Der Stil de Gottfried SEMPER, paraît en octobre 1917 et s'appuie sur le
néoplasticisme. Il encourage l'usage exclusif des lignes droites horizontales ou verticales agencées
parallèlement ou perpendiculairement. Les trois couleurs primaires sont les seuls utilisées. L'art déco
transmet bien la pensée Stijl.

GARE CENTRALE
Source : TSHIUNZA

Remarquons la rigueur de la composition puriste de l'architecte SHOENTJES, avec les lignes


horizontales et verticales dignes du Stijl. Le bâtiment de la Gare centrale construite entre 1936 et 1939
ne rappelle-t-il pas l'hôtel de ville de Hilversum (Pays-Bas) construit entre 1928 et 1932 par DUDOK ?

3.7. Le modernisme

Courant architectural qui rompt avec le style et aboutit à une expression plus libre, le
modernisme est encouragé par un grand nombre d'architecte ayant participé à l'exposition de
Werkbund en 1927 et ayant constitué les Congrès Internationaux d'Architecture Moderne (C.I.A.M).
69

Charles Van Nueten, architecte de la Brasserie de Léopoldville en est membre. Il laisse au Congo une
œuvre d'une esthétique et homogène³².

Ce style propose une approche rigoureuse ou les effets esthétiques sont produits par les
formes, les plans et les ombres comme le disait Le Corbusier : « architecture consiste à rassembler des
masses dans la lumière³³ ».

3.7.1. Le modernisme classicisant et le monumental

Quand le modernisme reprend les vertus classiques telles que les porches monumentaux et
une structure lisible et régulière, il est alors qualifié de classicisant et/ou monumental.

Mentionnons :
- Le bâtiment administratif de la SCTP, Tex-ONATRA, ensemble monumental de Van
- Ackere, 1952-1955
- La Poste Centrale avec un porche monumental, de VERSCHUERE, 1949-1952
- Le Ministère de la Fonction Publique, ensemble monumental, de Genet. 1954-1955,
- UNIKIN (université de Kinshasa) de BOULENGIER, 1952-1960

BATIMENT ADMINISTRATIF DE L'EX-ONATRA POSTE CENTRALE


Source : ULB/ISAU. Source : TSHIUNZA

3.7.2. Le modernisme tropical

Il est qualifié de tropical quand il intègre les dispositifs climatiques. Les éléments de
composition ou les formes sont ainsi choisies pour répondre au besoin climatique des pays. Il s'agit
notamment des espaces semi-ouverts pour apporter l'isolation, l'ombre et la ventilation³⁴.

Parmi les solutions proposées courantes, il y a l'orientation nord-sud, les ailerons (lames pare-
soleil pivotantes), les lamelles en béton, les claustras devant les vitrages, des structures faisant une
deuxième peau comme brise-soleil, les toitures parasol, débordantes ou même dédoublées, les

³² Alice Wallez, CHARLES VAN NUETEN, in les nouvelles du patrimoine n°128 Op.cit p. 25
³³ Mikael Raeburn (dir), Op. Citsss. p. 259
³⁴ DEQUEKER Paul, KANENE MUDIMUBADU Corneille, L'architecture tropicale, théorie et mise en pratique en Afrique
tropicale humide, Centre de Recherches Pédagogiques, 1992, p.5
70

auvents, les dédoublements de mur avec vide entre parois, les revêtements appropriés, les
pilotis...etc.³⁵

MINISTERE PORTEFEUILLE. IMMEUBLES SABENA


Source : BP.BLOGSPOT.COM Source ULBISAU

Plusieurs bâtiments historiques proposant de diverses solutions aux problèmes climatiques


ont retenu notre attention, notamment :

- Ministère de Portefeuille avec un auvent monumental, de HOUYOUX, 1949-1953


- Les immeubles Sabena de Claude Laurens, 1952-1954 sur le Boulevard du 30 juin
- Les Cliniques Kinoises de Van Laarhoven, 1952-1954 sur l'avenue des Cliniques à Gombe
- L'immeuble de l'INSS (Institut National de Sécurité Sociale) de Marcel Lambrichs 1966
- L'église Saint-Augustin à Lemba, de Paul DEQUEKER, 1977

3.7.3. Le style international

Philip Johnson et Henry Russell Hitchock appelle aussi le modernisme, le style international³⁶.
Durant la deuxième république, plusieurs bâtiments sont construits avec des techniques de
construction importées et l'utilisation de la climatisation généralisée. Citons l'actuelle Congo Fleuve
Hôtel, la tour de la RTNC (radiotélévision Nationale du Congo) des architectes Arack et Dougnac.

3.8. Expressionnisme africain

L'expressionnisme prône la liberté en matière de création. Les bâtiments dit expressionnistes


évitent les styles historiques et se caractérisent par le profilage des formes, le contraste entre le
rectangle et la courbe et entre les éléments verticaux et horizontaux. Nous mettons dans ce lot les
bâtiments recherchant le plastique africain ou développant une architecture plus sculpturale et locale.

L'immeuble de l'OGEDEP (Office de la Gestion de la dette, 1980) de l'architecte MAGEMA, la


tour de l'échangeur de Limete qui s'élève à 210 mètres, dessiné par Olivier Cacoub (1970-1974) et
l'immeuble Tour Gécamines (ex SOZACOM) des architectes Strebelle et Jacqmain (1966-1977), sont
des beaux exemples. Le premier immeuble agence les éléments dans un style presque africain, le
second est une vraie sculpture avec des belvédères et le dernier représente une termitière, qui est une

³⁵ CALTAGIRONE Sandra, « Maurice HOUYOUX sous les tropiques », in les nouvelles du patrimoine nº128.Op.cit p. 25
³⁶ Mikael Raeburn (dir), Op.cit. p. 262
71

habitation faite de terres pour symboliser une société bâtie sur l'exploitation minière, des
produits de la terre Bien que le postmoderniste Venturi ait qualifié cela de canard³⁷et³⁸, ce genre de
renouveau esthétique et de production architecturale sont capables de contribuer au patrimoine
mondial par leur différence.

OGEDEP TOUR GECAMINES


Source ULB/ISAU Source ULB/ISAU

3.11. Et aujourd'hui : le postmoderne

Le postmodemisme n'est pas facile à expliquer tant ce n'est pas un style précis qu'une
philosophie. Il encourage plus d'individualité et d'originalité dans la conception architecturale sans
rejeter les styles passés sur lesquels il s'appuie pour une continuité historique. Un de ses pionniers,
sinon son plus grand représentant, Robert Venturi, a écrit dans son livre culte qu'à notre époque, les
bâtiments pouvaient avoir l'intérieur et la façade complètement différents, comme les magasins de
Las Vegas. Il a appelé cela le « hangar décoré³⁹et⁴⁰ ».

³⁷ On a affaire à un canard e Quand les systèmes architecturaux d'espace, de structure et de programme sont submergés
et déformés par une forme symbolique d'ensemble », Robert Venturi, l'enseignement de Los Vegas, éd. Mardaga, Belgique,
2008 p.97
³⁸ Un bâtiment qui exprime de manière littérale sa signification. Matthew FREDERICK, Op.cit, p.94
³⁹On a affaire à un hangar décoré Quand les systèmes d'espace et de structure sont directement au service du programme
et que l'ornementation est appliquée indépendamment d'eux. Robert Venturi, ibidem.
⁴⁰ Un édifice de forme neutre qui transmet sa signification par une signalisation et par un ornement architectural Matthew
FREDERICK, Op.cit, p.95
72

BATIMENT TIGO
Source TSHIUNZA

On retrouve, après rénovation, l'immeuble UTEXAFRICA, occupé par Tigo, avec une façade
travaillée à la manière hangar décoré de Venturi. Le bâtiment reste comme un grand hangar d'usine,
avec ses deux versants de toiture, mais la façade reflète une entreprise de communication.

Nous sommes les héritiers d'un grand patrimoine et beaucoup de constructions actuelles
montrent la volonté d'aller de l'avant et de créer. Les historiens de l'art, les architecturologues et les
architectes auront le plaisir de nous dire dans quels styles nous construisons.

Notons en passant que tout ce qui se fait en dans le monde se retrouve aussi ici. Arrêtons-nous
par exemple sur l'image, ci-dessous, d'un bâtiment près de la gare, une composition dynamique et
équilibrée, avec des expressions déconstructivistes (façades saillantes, fenêtres inclinées, structure
déstabilisante...) et high tech à la fois (le métal et le verre comme matériaux d'enveloppe, des
structures porteuses sophistiquées comme le V portant le toit...). Mais en même temps, des bâtiments
conformes à l'architecture générale de Kinshasa, dans l'esprit art déco et moderniste, continuent
d'être érigés, comme l'immeuble occupé par le MSH.

Nous pourrions nous étendre sur tout le cours de la deuxième année sans finir. Toutefois,
quelques dangers guettent ces patrimoines et il est bien d'en parler avant de voir comment les éviter
et réussir à déterminer une politique appropriée à l'égard des trésors architecturaux.

RESTAURANT BONJOUR. APPARTEMENT MOUILLARD


Source ULBASAU. Source TSHIUNZA
73

3. Les dangers qui guettent notre patrimoine

Nous savons qu'au cours de l'histoire, les bâtiments qui ont survécu sont souvent ceux pour
lesquels on a pu trouver une utilisation au fur et à mesure du changement de la société⁴¹. La difficulté
de l'Afrique vient de cela. Son territoire est un palimpseste où se lit difficilement l’histoire. Celle-ci est
régulièrement effacée pour une réécriture L'Afrique a connu :

• Le remodelage des agglomérations par l'Islam


• L'immense placage urbain d'origine européenne et l'exportation des œuvres d'art africaines à
l'étranger
• La modernisation :

4.2. Le remodelage des agglomérations par l'Islam

L'arrivée de l'islam en Afrique a eu des conséquences sur son urbanisme et son organisation
sociale. La place accordée à un culte animiste, avec des arbres ou autres éléments de la nature comme
temples des ancêtres a été prise par la mosquée. Le cas de Toumbouctou est un bel exemple.
L'empereur Moussa y fit construire en 1325 la prestigieuse mosquée de Djingereiber, par l'architecte
Abou Ishaq es-Sahéli. L’université de Sankoré qui fut fréquentée par plus de vingt-cinq mille étudiants
vit également le jour. On ne peut imaginer, avec de tels changements, retrouver la même architecture.

4.3. L'immense placage urbain d'origine européenne et l'exportation des œuvres d'art africaines à
l'étranger.

Les européens ont succédé aux arabes dans beaucoup de coins de l'Afrique et eux aussi ont
organisé la société. Ils ont créé des villes sur des emplacements des villages et ont apporté la religion
chrétienne. Les Européens ont sauvé beaucoup d’œuvres d'art que les Africains jetaient et n'avaient
nullement intention de réutiliser, d'abord dans un but ethnologique, ensuite comme œuvre d'art,
quand ils y ont décelé des éléments esthétiques⁴².

Les œuvres d'art africaines sont donc dans les musées européens et NON en Afrique. Il faut
rappeler ici que pour la République Démocratique du Congo, la situation est la même. Les œuvres
anciennes de ses artistes ou artisans sont dans le Musée Royal de Tervuren, en Belgique⁴³.

4.4. La modernisation

La République Démocratique du Congo comme beaucoup d'autres pays africains cherchent à


se moderniser. Cela passe souvent par la démolition de ce qui est vieux. Sans un travail préalable sur
le patrimoine, sans une implication des architectes pour donner une valeur, une fonction identitaire,
culturelle, utilitaire, à tous ces édifices anciens, le passé architectural risque d'être de nouveau balayé
comme avec le passage de l'Islam et le placage urbain européen.

Certes les travaux techniques sont indispensables pour que les bâtiments restent vivants au
lieu de devenir des pièces de musée, néanmoins, comment déterminer si on doit restaurer, conserver,
rénover ou reconvertir ?

⁴¹ Mikael Raeburn (dir), Op.cit p. 38


⁴² JOSEPH CORNET, Esthétique, centre de recherche pédagogique, 1968, p. 84
⁴³ République Démocratique du Congo, Mon beau pays, édition Médiaspaul, Kinshasa, 2007
74

PLACE DE LA GARE EX. MONUMENT ROI ALBERT 1er


Source TSHIUNZA. Source inconnu

Par exemple, que devait-on faire de la place de la Gare ? La restaurer et la réhabiliter ou bien la rénover
et la reconvertir, comme c'est le cas ? Quelle approche adopter ? Surtout avant de démolir, comme
l'exige souvent la modernisation, souvenons-nous que les œuvre d'art qui semblent à certains si
inutiles, ne disparaissent pas sans accroitre la solitude et le malheur de ceux qui vivaient, même
distraitement, auprès d'elle⁴⁴.

5. Patrimonialisation

L'approche architecturale à adopter face au patrimoine dépend de ce que l'on veut transmettre aux
générations futures. Répondant à la question << quelle politique patrimoniale pour l'aménagement du
territoire de la République Démocratique du Congo ?», Yves Robert⁴⁵ présente un schéma avec quatre
pôles ou points d'intérêt.

• Si l'intérêt est contemplatif, on restaure autrement dit on répare ce qui est abime pour garder
le bâtiment comme l'original. Les matériaux et si possible les techniques sont ceux utilisés à
l'époque de la construction.

• Si l'intérêt est utilitaire, si on vise la modernisation ou le développement, on rénove (rendre


neuf) ou réhabilite et même on reconvertit c'est-à-dire qu'on adapte à un nouvel usage. C'est
l'histoire même qui montre que les bâtiments ne sont pas des pièces de musées⁴⁶. Ils
résistent mieux quand on les utilise.

• Si l'intérêt est cognitif, on conserve autrement dit on maintient en bon état ou on préserve de
la destruction. On peut alors enseigner sur base du modèle vivant. On peut même reconstruire
et cela répond aussi au pôle suivant.

• Si l'intérêt est identitaire, on valorise. Une patrimonialisation par l'UNESCO par exemple,
donne de la valeur à un édifice et renforce l'identité et la fierté du peuple à qui cela appartient.

⁴⁴ André CHASTEL, op.cit, p 30


⁴⁵ Deuxième édition de la formation continue organisée par la SAC, I'ISAU et l'ULB sur le thème « patrimoine et
restructuration urbaine ». Le schéma a été présenté par Yves Robert. Mais c'est nous qui le commentons.
⁴⁶ Mikael Raeburn, (dir) Op.cit. p. 259
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POLES DE PATRIMONIALISATION
Source : YVES ROBERT

On déterminera donc la politique culturelle et c'est en fonction d'elle qu'on « définira le champ
dans lequel se poseront les questions techniques, et ce sont les valeurs qui sous-tendent les réponses
qui jugeront de la pertinence des solutions pratiques à mettre en œuvre ⁴⁷ ».

Pour revenir à l’exemple de la place de la Gare, c'est certainement la modernité avec


l'approche utilitaire qui a été privilégiée, et cela dépend des décideurs. Mais quelle que soit la politique
adoptée, une implication de tous permettra de mieux réussir, et cela passe par la sensibilisation.

6. La sensibilisation à l'architecture et le tourisme

6.1. Une question d'intérêt public

L'architecture a une dimension immatérielle que les hommes apprécient et cela ajoute de la
valeur aux œuvres architecturales. Celles-ci, tout comme les autres œuvres d'art sont porteuses de
culture matérialisée, transmettent un message significatif, des connaissances, des savoir-faire,
d'imaginaires et de l'émotion. Un bâtiment a d'autant plus de valeur qu'il est vieux et peut renforcer
notre identité. Il peut donc être facile d'éveiller l’intérêt pour l'architecture et cela est de première
importance.

Les européens et les architectes en particulier ont déclaré l'architecture d'intérêt public et
invitent tous à y travailler, notamment dans le patrimoine, pour certaines raisons que nous avons
combiné à notre guise, dont quelques-unes qui suivent :

• l'architecture est un élément fondamental de l'histoire, de la culture et du cadre de vie de


chacun, qu'elle figure comme l'un des modes d'expressions artistiques essentiels dans la vie
quotidienne des citoyens et constitue le patrimoine de demain ;

• Un toit est la première dignité. L'accessibilité du logement est essentielle à son usage
L'esthétique de l'habitat est un droit pour tous et le logement doit être un lieu de créativité et
d'innovation pour chacun.

⁴⁷ Bernard QUENEE et Gilles MARTINET, op.cit. Consulté le 16 novembre 2012 sur le site http://www.lerm.fr
⁴⁸ Résolution du Conseil de l'Union Européenne op.cit. :
⁴⁹ Manifeste droit à l'architecture sur WWW.architecte.org consulté en février 2012
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• La ville est source d'épanouissement culturel et le logement tisse le lien social. La qualité
architecturale est un élément constitutif de l'environnement tant rural qu'urbain. Les villes
doivent offrir la possibilité d'un habitat adapté aux besoins et ressources de chacun tout au
long de la vie ;

• la dimension culturelle et la qualité du traitement physique des espaces doivent être prises en
compte dans les politiques régionales et de cohésion communautaires ; la réhabilitation des
quartiers est préférable à leur destruction violente. L'intérêt général doit présider à
l'aménagement de l'espace et nos concitoyens doivent donner un sens à leur territoire.

• L'architecture est une prestation intellectuelle, culturelle et artistique, professionnelle. Le


service architectural est, par conséquent, un service professionnel à la fois culturel et
économique. Les valeurs du développement durable engagent une architecture responsable
et les villes doivent être la fierté de leurs habitants.

Ces éléments sont en fait la matière qui peut constituer un cours d'initiation à l'architecture,
cours qui peut même se donner depuis l'école primaire pour faire de tous des acteurs avertis de
l'environnement urbain. Cette sensibilisation aboutira à l'acquisition de la culture architecturale⁵⁰ qui
manque tant dans notre ville de Kinshasa et qui est à la base de tant des conflits, de promiscuité et de
pollution.

6.2. Appropriation avant patrimonialisation

La sensibilisation au patrimoine est particulièrement importante quand la population, comme


celle de Kinshasa, ne se sent pas concernée par tous ces bâtiments, fussent-ils œuvrés des architectes
belges ou congolais, inaccessibles pour elle dans la plupart des cas. La population de Kinshasa devrait
être au courant de la valeur de ces œuvres pour vouloir en être progressivement propriétaire et
protectrice-conservatrice, restauratrice ou rénovatrice selon les cas.
Partir de ce qu'elle connaît bien ou utilise déjà serait la meilleure formule pour l'aider à étendre
son intérêt pour le reste. Qui à Kinshasa ne connaît pas les écoles, les logements de l'OCA (Office des
Cités Africaines) ? Intéresser à la question du patrimoine avec cette entrée serait facile car beaucoup
seraient prêts à travailler pour le logement ou l'école qui ont caractérisé leur enfance. Un édifice qui a
sa place dans le mémoire collectif n'a besoin que d'une décision politique ou juridique pour confirmer
ce qu'il est déjà : un patrimoine.
Les bâtiments donnés en illustration ne sont pas aussi vieux que ceux de l'Europe et ne peuvent
pas booster le développement par le tourisme du type européen ou égyptien. De plus, ils sont l'œuvre
des architectes belges pour la plupart, ce qui peut être un handicap pour leur appropriation. Au lieu
de les imaginer comme des pièces de musée ou d'en faire des bureaux comme c'est le cas, un usage
ouvert au public permettrait une meilleure appropriation.

Une fois la conscience patrimoniale réveillée, la population pourra participer au tourisme en


parlant de ce qu'elle possède. Cela contribuera à sortir du ghetto le patrimoine architectural de
Kinshasa.

6.3. Enseignement du patrimoine

Nous croyons comme Chastel que « La vérité artistique de l'architecture ne peut être utilement
dégagée que si l'on subordonne les aspects politique, sociologique, technique, physiologique même
de l'activité édificatrice - si souvent mis en évidence par les théories et

50 Sophie PAVIOL, Mireille SICARD et Marianne VEILLEROT, Transmettre l'architecture en milieu scolaire,
Ecole Nationale Supérieur d'Architecture de Grenoble, France, 2011, p.24
77

Les histoires à celui où s'exerce véritablement l'effort créateur⁵¹ ». Pour cela, il nous faut
connaître les aspects politique, sociologique, technique, et même physiologique de l'acte de bâtir pour
reconnaitre et mieux apprécier le génie créateur Pour les étudiants en architecture, cela nécessite un
enseignement plus poussée sur l'histoire de l'art et sur la sociologie.

De plus, quand les villes sont pleines, la pratique de l'architecture se tourne vers l’existant, la
rénovation, la réhabilitation, la restauration c'est-à-dire le patrimoine. Une connaissance de l'histoire
peut devenir pour eux une question de survie.

Et même quand il y a encore de nouveaux projets de construction. Professeur KABULO en


appelle à la personnalité du concepteur pour donner une âme ou une philosophie, une idée principale
à l’œuvre architecturale. Il peut s'inspirer de l'histoire, des modes traditionnelles de vie d'une
population, des croyances...etc. dit-il, pour ne citer que ce qui m'intéresse, L'essentiel, ajoute-t-il est
de savoir expliquer cette idée-force et faire de celle-ci quelque chose de concret et de beau que l'on
peut appeler art⁵² ».

Il y a donc un avantage, que ce soit pour la sensibilisation ou pour l'exercice de son métier que
le passé préoccupe l'architecte.

Conclusion

Une œuvre n'est pas africaine parce qu'elle est faite sur le sol africain, elle doit porter et
transmettre des valeurs culturelles ancrées en nous pour être qualifiée comme telle. Mais il est aussi
possible de nous approprier ce que les architectes belges nous ont laissé comme héritage parce que
cela nous sert doublement, tant comme habitation, bureau, hôpital...etc. que support pour
l'enseignement.

Nous ne mettrons pas des bâtiments dans des musées, et nous ne devons pas les garder
simplement parce qu'ils sont vieux. Qu'il fasse partie d'un environnement planifié ou qu'il soit le
résultat d'une croissance organique, chaque bâtiment doit être en harmonie avec ceux qui l'entoure.
Une étude du patrimoine facilitera l'intégration.

Une recherche sur le patrimoine, même un assez récent, permettra donc d'élaborer un cadre
pour le tourisme, une valorisation identitaire, des bases pour l'enseignement d'une histoire de
l'architecture et des repères pour que les projets de modernisation et les nouvelles constructions
gardent leur âme et ne détruisent le peu qu'il nous reste de l'histoire.

La tâche de reconstruire l'histoire de l'architecture africaine incombe d'abord aux enseignants


architectes et ensuite aux autres chercheurs de l'histoire en général et de l'architecture en particulier.

Un proverbe asiatique déclare "Si tu fais des plans pour un an, sème des graines. Si tu fais des
plans pour dix ans, plante des arbres. Si tu fais des plans pour cent ans, instruis les gens. La durabilité,
pris dans la temporalité nous oblige à travailler dans l'enseignement, la sensibilisation et la recherche.

Nous sommes conscients que ni l'architecture, ni la sensibilisation de tous à la culture de


l'architecture ne peuvent être réduites à des explications. C'est pourquoi, tant ce qui a été fait dans le
passé que ce qui se fait maintenant mérite d'être conservé, restaure, réhabilité, rénové, reconverti
selon les cas et devenir un héritage dans le sens anglais du terme ou un patrimoine.

⁵¹ André CHASTEL, (extrait du 4 janvier 1952, « apprendre à voir l'architecture ») op.cit., p.77
⁵² KABULO KULUNGUYI, THEORIE DE COMPOSITION, Note du cours d'INITIATION A L'ARCHITECTURE, ISAU 2008

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