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Syria

Antiquités syriennes.
Henri Seyrig

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Seyrig Henri. Antiquités syriennes.. In: Syria. Tome 37 fascicule 3-4, 1960. pp. 233-252;

doi : https://doi.org/10.3406/syria.1960.5487

https://www.persee.fr/doc/syria_0039-7946_1960_num_37_3_5487

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ANTIQUITÉS SYRIENNES
PAR

HENRI SEYRIG

(PL. IX)

78. — Les dieux de Hiérapolis.


à Daniel Schlumberger
souvenir de Membidj, 1925
1. Cylindres représentant une enseigne sacrée. — Seize cylindres, gravés
dans la première moitié du IIe millénaire (1), et dont on trouvera plus loin
l'image et la description, représentent un objet de culte assez singulier.
C'est une hampe verticale, dressée sur un petit socle, et à laquelle sont
fixés deux masques, toujours de profil, l'un au sommet de la hampe, l'autre
à mi-hauteur. Sur un seul cylindre (N° 8), de facture assez négligée, le
masque inférieur a été omis. Les deux masques sont toujours imberbes. Celui
du haut porte une longue chevelure, qui forme en arrière un grand arc,
comme une anse qui serait fixée au dos de la hampe. Sur le front se dresse
une corne qui parfois semble être un simple artifice de la chevelure (N08 2, 4,
5, 8, 16), et tantôt constitue une petite pointe verticale très aiguë (N08 1, 2, 8,
10, 12, cf. 11). Le masque inférieur a les cheveux courts, sans corne ni anse.
Très souvent (N08 3, 4, 6, 8, 10, 12, 15), la hampe est couronnée par un oiseau
aux ailes ouvertes, perché sur le masque supérieur (2).

(!) Je dois beaucoup de gratitude à Mlle Edith sans elle. Je tiens à remercier aussi M. Julius
Porada, qui non seulement m'a guidé par ses Lewy, qui m'a renseigné, avec sa science accou-
avis dans un domaine qu'elle connaît mieux que tumée, sur tout ce qui concerne l'empreinte
personne, mais encore a attiré mon attention cappadocienne N° 1.
sur les cylindres N08 14 et 15, et sur les emprein- (a) On remarquera que l'oiseau manque sur
tes cappadociennes, qui m'auraient échappé les deux empreintes de Kultépé (N08 1 et 2).
234 SYRIA

Malgré quelques variantes de détail, tous ces cylindres représentent


évidemment le même objet. Certains savants ont cru y voir une arme, une
hache, un cimeterre, mais n'ont appuyé ces définitions d'aucune
comparaison valable. Il est bien plus juste d'y voir un emblème divin (von der
Osten, Ravn), ou une enseigne cultuelle (Porada), comme il y en a beaucoup
d'exemples dans la glyptique orientale (1).
De ces cylindres, qui vont être décrits, les numéros 1 et 2 ne sont connus
que par leur empreinte, les numéros 3 à 13, et 16, sont en hématite, les
numéros 14 et 15 sont en steatite.
1. Empreinte sur deux tablettes de Kultépé (Kanesh) (2) (fig. 1). L'enseigne, sans oiseau, fait face
à une femme assise, vêtue d'une robe à volants, qui lève la main vers elle. Derrière la femme, une

Fig. 1
petite figure nue, debout, de face, lève elle aussi la main dans la même direction. Il paraît difficile de
dire si ces personnages sont liés avec l'enseigne par un rapport intentionnel.
2. Empreinte sur une autre tablette de Kultépé (3). L'enseigne, sans oiseau, est plantée sur le dos
d'un lion, et fait face à un personnage debout, tenant un vase.
3. Collection Moore (G. Eisen, Ane. Or. Seals in the Coll. of Mrs. Moore, N° 132 (pi. IX).
L'enseigne, surmontée de l'oiseau, est posée sur un lion, et fait face à une femme debout, en robe à

(*) Voir par ex. H. H. von der Osten, Ane. ressent ici. Le sceau est celui de Innâa, fils
Or. Seals in the Coll. of E. T. Newell, p. 139, de Elâ-(i)li. Ce personnage était un Amorrhéen
fig. 25 (divers types d'enseigne) ; E. Porada, assyrianisé (cf. J. Garelli, Journ. of Sem.
Corpus of Near Eastern Seals, I, N08 911; 912 Studies, III, 1958, p. 300). — Sur les empreintes
(enseigne surmontée d'un oiseau). de Kultépé, voir A. Moortgat, Die bildende
(2) Je dois à l'amabilité de M. Julius Lewy Kunst des alten Orients u. die Bergvôlker,
les informations suivantes. Le dessin ici repro" pp. 16 et suiv. ; Vorderas. Rollsiegel, pp. 47 et
duit a été publié par B. Hrozny, Inscript, suiv.; E. Porada, Berytus, VII, 1942, pp. 57
cunéif. de Kultépé, I, Prague, 1952, pi. LXX et suiv.
(cet ouvrage ne m'est pas accessible) . Le dessin, (3) T. et N. ÔzgCç, Ausgrabungen in Ktil-
qui n'est pas exact dans tous ses détails, tepe 1949 (Ankara 1953), pi. LXII, 697.
l'est cependant pour ceux qui nous
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volants, qui lève la main vers elle. — Je dois l'empreinte de ce cylindre à Mlle P. Oliver,
conservatrice au Musée métropolitain de New York, où la pièce est aujourd'hui conservée en vertu
d'un prêt du Rév. Paul Moore.
4. Inédit (17 X 11 mm., flancs concaves; pi. IX). Commerce à Beyrouth. Dieu debout à droite,
posant le pied sur un taureau; il est probablement barbu; il tient dans la main droite un glaive ou
une massue dressée; il porte une tiare à cornes, mais dont la coiffe se prolonge en arrière par un long
panache en volute. Devant ce dieu, et lui faisant face, l'enseigne, surmontée de l'oiseau. Derrière
l'enseigne, homme debout à gauche, levant une main vers l'enseigne. Sous ce personnage, buste imberbe
à gauche, posé par terre. Un deuxième sujet est formé par une scène d'adoration. — Plusieurs motifs
ont des affinités nettement syriennes : dieu au taureau, lièvre aux longues oreilles, petit homme un
genou en terre. Le style rappelle de très près un cylindre de la Bibliothèque nationale (N° 457), que
H. Frankfort (Cyl. Seals, pp. 238 et suiv.; pi. XL e) attribuait à la « glyptique périphérique ».
5. Collection Morgan (E. Porada, Corpus of Near Eastern Seals, I, N° 918; H. Ward, Seal Cyl.,
N° 1017) (pi. IX). L'enseigne, sans oiseau, fait face à un dieu imberbe, long-vêtu, une jambe
émergeante, levée comme pour gravir une pente; ce dieu est tête nue, et tient deux épieux (?), l'un dans sa
main gauche levée, l'autre dans sa droite abaissée.
6. Collection Newell (H. H. von der Osten, Ane. Or. Seals in the Coll. of E. T. Newell, N° 164).
L'enseigne, surmontée de l'oiseau, fait face à un dieu debout, barbu, drapé, tenant un sceptre (?)
dressé. Derrière elle, une figure féminine, debout, paraît faire un geste d'hommage.
7. Collection Newell (ibid., N° 312). L'enseigne (avec ou sans oiseau?) fait face à une femme debout
qui paraît lui rendre hommage. — Dans un registre inférieur, l'artisan a gravé une frise de lièvres et une
frise de têtes humaines. Ces motifs, ainsi disposés, rappellent le deuxième groupe syrien, placé par
Frankfort entre 1700 et 1200, mais dont la chronologie exacte, et le rapport au premier groupe, restent
à établir. Les deux registres sont séparés par un cordonnet.
8. Inédit (18 X 9 mm; pi. IX). Commerce à Hama. L'enseigne, qui porte un seul masque, est
surmontée de l'oiseau. Elle semble occuper le dernier rang dans un groupe de trois figures divines, qui
reçoivent l'hommage d'un individu présenté par le dieu Shamash. Dans le champ, un curieux
animal assis, sorte de lièvre à queue de lion, aux longues oreilles. Les stries obliques qui traversent le
champ paraissent dues à une mutilation intentionnelle.
9. Musée Britannique (H. Ward, Seal Cyl., N° 932; moulage dû à l'obligeance de R. D. Bar-
nett) (pi. IX), N° 898.48. L'enseigne, peut-être jadis surmontée de l'oiseau, fait face à une déesse nue
abritée sous un arc que forme un cordon entre filets.
10. Louvre (L. Delaporte, Catal. des cyl. or.
du Musée du Louvre, A 894; H. Ward, op. cit.,
840; H. Frankfort, Cyl. Seals, p. 258, note 2;
pi. XLIe) (fig. 2). Quatre registres verticaux,
dont l'un est entièrement occupé par l'enseigne,
seule, surmontée de l'oiseau.
11. Inédit (19 X 11 mm; pi. IX). Commerce
à Beyrouth. Six registres verticaux, dont l'un
est entièrement occupé par l'enseigne, seule,
sans l'oiseau.
12. Inédit (22 X 11 mm; pi. IX). Chez un FlG 2
courtier de Khan Cheikhoun, au Nord de Hama.
L'enseigne, avec l'oiseau, encadrée dans un très élégant méandre de torsades, forme à elle seule le sujet
du cachet.
236 SYRIA

13. Collection H. von Aulock (H. H. von der Osten, Altor. Siegelsteine der Samml. H. S. v. Aulock,
N° 303). L'enseigne est sans oiseau, dressée entre deux femmes debout, qui semblent la considérer
avec respect. Cette scène, dont l'enseigne est la figure centrale, est elle-même encadrée entre : 1° un dieu
marchant, porteur du sceptre à têtes de lion; 2° un génie ailé à tête d'oiseau, le genou en terre.
14. Inédit. Université américaine de Beyrouth, N° 3521 (pi. IX). Steatite noire, hauteur 16 mm.
L'enseigne, sans l'oiseau, est dressée sur le dos d'un animal difficile à définir, haut sur pattes, à
tête peut-être humaine, barbu, portant au front une corne, et sur la tête un appendice sinueux de
nature douteuse; à la croupe, petite protubérance comme la queue d'une chèvre ou d'un bouc,
peut-être fortuite; au-dessus de la croupe, objet globuleux, mal défini, surmonté d'un croissant
renversé; devant l'animal, objet analogue, mais sans croissant. — En outre, groupe antithétique de
deux bouquetins, retournant la tête, dressés de part et d'autre d'une hampe ou plante mal définie.
Sous ce groupe torsade rudimentaire.
15. Inédit. Ibid., N° 6212 (pi. IX). Steatite brune, hauteur 19 mm. Déesse assise à droite sur un
tabouret, tenant une coupe. Devant elle se présente un personnage de petite taille, suivi (et peut-être
présenté) par trois autres : 1° dieu de taille normale, en vêtement mi-long et tiare à cornes; 2°
l'enseigne, avec l'oiseau, plantée sur le dos d'un lion; 3° dieu de taille normale, court-vêtu, tenant dans
chaque main un épieu dressé. Dans le champ : au-dessus du petit personnage, globule dans croissant;
entre les personnages 1 et 2, long objet terminé en bas par une masse ovoïde (cf. E. Porada, Journ.
of Near East. Stud., XVI, 1957, pi. XXX, 2). — Je tiens à remercier M. Baramki, conservateur du
musée de l'Université américaine, de m'avoir permis de publier ici ce cylindre et le précédent.
16. Voir l'appendice, p. 251.
Des quinze cylindres qui viennent d'être décrits, douze appartiennent
— dans la plupart des cas, d'une manière évidente — à la glyptique
syrienne, et cela s'accorde heureusement aux données qu'on a sur
l'origine de trois d'entre euxrHama (N° 8), Khan Cheikhoun (N° 12), et Syrie
(N° 16). Les trois autres (Nos 1, 2 et 4) appartiennent au groupe syro-
cappadocien (1), et deux d'entre eux (N08 1 et 2) sont représentés par leur
empreinte sur des tablettes de Kultépé. J'ai vainement cherché un exemple
de la même représentation dans les autres domaines de la glyptique.
Les tablettes de Kultépé remontent à peu près au xixe siècle avant notre
ère (2), mais la date des cylindres syriens ne peut pas être fixée avec précision
dans l'état présent des études. Plusieurs (par exemple les Nos 5 et 8)
pourraient remonter à une époque voisine de celle des tablettes. D'autres
semblent plus tardifs, et l'on ne peut oublier que certains cylindres syriens de
style excellent présentent la trace d'influences égéennes difficilement anté-
(1) Sur ce groupe : E. Porada, Corpus, I, commerçants assyriens établie à Kultépé.
p. 114. C'est le groupe que N. Ûzguç (2) Sur la date de ces empreintes, voir en
(op. cit., pp. 234 et suiv.) préfère nommer dernier lieu T. et N. Ôzgïïç, op. .ci., p 215;
Syrisierender Kolonie-Stil, expression où le K. Balkan, Observ. on the Chronological
mot Kolonie se réfère à la colonie de Problems of the Karum Kanish, p. 46.
SYRIA, XXXVII (1960), 3-4 PL IX

N° 5. Hauteur 15 mm.
N° 4. Hauteur 17 mm.

N° 8. Hauteur 18 mm. N° 9. Hauteur 19 mm.

N° 3. Hauteur 16 mm.
No 11. Hauteur 19 mm.

No 12. Hauteur 22 mm.

N° 14. Hauteur 16 mm. N° 15. Hauteur 19 mm.

CYLINDRES SYRIENS
DIEUX DE HIÉRAPOLIS 237

rieures au xve siècle (1). C'est à une époque avancée que nous
attribuerions par exemple notre N° 12, avec son pompeux système de torsades.
On verra du reste que la date exacte de chaque cylindre n'importe pas
essentiellement à l'objet limité de la présente étude, et qu'il suffît de savoir que
nos pièces s'échelonnent peut-être sur une durée de cinq ou six siècles, entre
1900 et — disons — 1400 ou 1300.
Dans ce cadre géographique et chronologique assez rudimentaire,
plusieurs questions se posent : quelle était la fonction de l'enseigne? quelles
raisons l'ont fait graver, parfois seule, sur certains cylindres? est-il possible
enfin de l'attribuer à un culte particulier?
Le rôle cultuel de l'enseigne ressort nettement de sa participation à
certaines scènes. Sur le cylindre N° 8, un adorateur, accompagné d'un dieu,
se présente devant un groupe formé de deux divinités (peu caractérisées)
et de l'enseigne : celle-ci paraît bien recevoir sa part de l'hommage. Sur le
cylindre n° 16, un autel est posé devant l'enseigne, qui reçoit les dévotions
d'un adorant. Ailleurs on rencontre un homme ou une femme debout,
la main levée, devant ou derrière l'enseigne (Nos 3, 4, 6), ou une femme
debout devant l'enseigne dans une attitude respectueuse (N° 7), ou
l'enseigne encadrée entre deux acolytes féminines dans la même attitude
(N° 13). L'enseigne était donc manifestement un objet de vénération.
Au reste elle est plantée quatre fois (Nos 2, 3, 14 et 15) sur le dos d'un
animal sacré, à la manière d'un dieu, ce qui ne laisse pas de doute sur
le culte qu'elle recevait.
Outre son rôle dans le culte, l'enseigne avait des vertus apotropaïques
qui paraissent bien ressortir des trois cylindres où elle n'est associée à
personne. Ce sont d'abord deux sceaux (Nos 10 et 11) dont la surface, divisée
en registres verticaux, contient uniquement des symboles comme ceux qui
sont d'habitude semés dans le champ entre les personnages : poissons,
oiseaux, petites têtes humaines, têtes de cerf, de lièvre aux longues oreilles (2).
Si l'on admet, comme il est probable, que ces symboles ont une valeur autre
que décorative, ce doit être une valeur prophylactique. Or nos deux cylin-

f1) Syria, XXXII, 1955, pp. 34 et suiv. Clercq, I, N° 296; A. Moortgat, Vorderas
(8) Autres exemples : J. Menant, Coll. de Rollsiegel, N08 532; 533.
SYRIA. T. XXXVII. FASC. 3-4. 16
238 SYRIA
dres réservent un registre entier à l'enseigne. Sans doute son image
participait-elle du même genre de sainteté que les symboles qui l'entourent. —
D'un troisième cylindre (N° 12), l'enseigne forme à elle seule le sujet,
entourée d'un méandre de torsades, apparemment destiné à renforcer son effet
tutélaire.
Quant à l'attribution à un culte particulier, les cylindres pourraient la
faciliter en montrant à quelles divinités on associait de préférence l'enseigne,
mais ils sont trop peu nombreux, et le choix de leurs motifs trop disparate,
pour qu'on ose fonder sur ces rencontres une conclusion solide. L'enseigne
est une fois associée à un dieu de l'orage, montant sur son taureau (N° 4) ;
ou bien elle fait face à une déesse assise (Nos 1 et 15), ou à la déesse nue
(Nos 9). Ailleurs, elle se trouve avec des divinités mal caractérisées (Nos 5,
6, 8, 16), mais dans un cas (N° 15), elle accompagne le dieu à deux épieux,
bien connu dans la plastique syrienne (1). Quatre cylindres enfin montrent
l'enseigne, non pas plantée sur son petit socle habituel, mais sur le dos d'un
lion (Nos 2, 3 et 15), et sur le dos d'un animal cornu (Nos 14), qui n'est pas
un lion, ni même un lion cornu, mais à la rigueur un taureau. — Malgré
plusieurs détails notables, tout ça n'est pas très concluant.
C'est ici que semble pouvoir intervenir un texte grec, tiré du petit
traité De la déesse de Syrie, attribué à Lucien de Samosate (2). Décrivant
les idoles du temple de Hiérapolis, l'ancienne Mabog, il s'arrête
principalement à celles de Zeus et de Héra, c'est-à-dire à celles de Hadad et d'Atar-
gatis, puis il continue (3) : Entre ces deux images se dresse une troisième idole
d'or, qui ne ressemble aux autres en rien. Elle na pas de forme propre, mais
porte les figures des (deux) autres dieux. On V appelle V Enseigne, même chez
les Syriens, et ceux-ci ne lui ont pas donné de nom particulier, ni ne disent
rien de sa genèse ou de sa figure. Certains la font remonter à Dionysos, d'autres
à Deucalion, a" autres à Sémiramis ; et elle porte bien, en effet, à son sommet

(x) E. Porada, Berytus, VII, 1942, pp. 57 et sible de voir dans les naïvetés de l'auteur la
suiv. feinte et l'humour qu'il faudrait y attendre. —
(a) Dans les pages qui suivent, le nom de Ce jugement ne change d'ailleurs rien, autant
Lucien est employé par commodité. Sans vouloir que je puisse voir, à la date présumée de l'opus-
entrer ici dans le détail d'une discussion, je cule, ni à la valeur de son information,
dois dire que tout l'esprit du traité me semble (8) Lucian., De dea syria, 33; plus loin,
étranger à celui de Lucien, et qu'il m'est impos- p. 242.
DIEUX DE HIÉRAPOLIS 239

une colombe d'or, à cause de laquelle on raconte que c'est à Sémiramis que
V Enseigne appartient. Et elle fait deux fois par an un voyage à la mer, pour
convoyer Veau dont j'ai déjà parlé. — Les derniers mots concernent une
procession, dont il sera question plus loin.
Il serait difficile, je crois, de trouver de notre objet de culte une
description plus exacte que celle qu'en donne Lucien : une enseigne, dénuée en soi
de toute forme divine, mais porteuse d'effigies divines, surmontée d'une colombe.
Il pourra d'abord sembler téméraire de vouloir expliquer une image par
un texte qui lui est postérieur à peu près de quinze siècles, mais cette
objection n'est pas valable en principe. Le culte chrétien possède aujourd'hui
des reliques tout aussi vénérables, et telle icône byzantine ne diffère pas
essentiellement de celle qu'un moine grec peint encore dans son couvent.
Aucune raison ne permet de croire que les cultes syriens fussent moins
tenaces dans leur iconographie.
Une autre objection pourrait être soulevée du fait que l'enseigne sacrée
de Hiérapolis n'est pas seulement connue par la description de Lucien, mais
aussi par des monnaies et par un bas-relief (1), qui lui donnent la figure
banale d'une enseigne militaire romaine : une hampe surmontée d'un oiseau,
et le long de laquelle sont suspendues des phalères rondes, probablement
ornées d'images divines en relief. Mais cette forme ne saurait évidemment
remonter plus haut que la romanisation de la Syrie, et il est peu probable
que l'objet lui-même, qui présidait au rituel très archaïque de la descente
à la mer, ait attendu cette époque pour apparaître dans le culte. Il devait
au contraire, mais sous un autre aspect, remonter à la nuit des temps :
les gens ne savaient pas s'il avait été légué au temple par Dionysos, par
Deucalion, ou par Sémiramis.
Nous avons réuni seize cylindres qui représentent l'enseigne, mais
il y en a sûrement d'autres dans les collections. L'enseigne jouissait donc
d'une grande notoriété. C'est aussi ce qui lui a permis de devenir un simple
emblème de bon augure, apparemment compris de tous. Le récit de Lucien
sur la descente à la mer explique très bien cette célébrité, en insistant sur
le fait qu'il ne s'agissait pas d'un simple rite local, mais au contraire d'une
cérémonie où accouraient des populations éloignées (2) : En souvenir de
(*) Voir plus loin, p. 242. (8) Lucian., op. cit., 13.
240 SYRIA

cette histoire (du déluge), (les gens de Hiérapolis) font ce qui suit. Deux fois
par an, Von voit arriver dans le temple Veau de la mer. Or ceux qui V apportent
ne sont pas seulement les prêtres : bien au contraire la Syrie tout entière, et
V Arabie, et une foule de gens d outre- Euphr ate vont jusqu'à la mer, et tous

'
apportent de Veau, quils versent d'abord dans le temple, et qui descend ensuite
dans la crevasse. Et la crevasse, bien quelle soit petite, prend de vastes quantités
d'eau. Ce faisant, ils déclarent que Deucalion a établi cette loi dans le sanctuaire,
en mémoire de leurs malheurs, et de son bienfait (1).
On conçoit qu'un rite aussi populaire, une procession si lointaine, et qui
rassemblait si souvent les dévots, ait eu un grand retentissement; et l'on
s'explique, non seulement la fréquente rencontre de l'enseigne sur les
cylindres syriens, mais aussi son adoption dans la glyptique de Kultépé (2). —
On a remarqué, tout à l'heure, que l'enseigne était associée sur un de
nos cylindres (N° 4) à un dieu au taureau, et que sur trois autres (Nos 2,
3 et 15), elle était plantée sur un lion. Ces deux animaux se trouvent être
justement ceux des deux grands dieux syriens, Hadad et Atargatis,
entre les images desquels le sêmeion était planté dans le grand temple de
Mabog.
Je n'incline donc pas à attribuer au hasard la coïncidence surprenante
qui lie le texte de Lucien aux représentations de la glyptique, mais bien
plutôt à croire que les cylindres nous ont conservé l'image d'un ancêtre
très lointain du fameux sêmeion de Hiérapolis. On s'est beaucoup ingénié à
construire aux dieux de Mabog une généalogie étrangère : anatolienne (3),
hittite (4), hourrite (5), babylonienne (6). Si mon interprétation des cylindres
est correcte, il semblera que le culte, dont la forte racine se laisse mainte-

(*) La torsade est parfois utilisée pour figurer caractéristique à ceux qui ont été relevés sur
l'eau courante (H. Hall, Sculpt, babyl. et les cylindres cappadociens : H. Frankfort,
assyr., pi. LII, 3), et l'on a proposé d'appliquer Cylinder Seals, p. 244; E. Porada, Corpus, l,
cette exégèse à certaines torsades de la p. 114; N. OzGtJç, op. cit., pp. 234 et suiv.
glyptique (P. Amiet, Rev. d'assyr., LIV, 1960, (3) Ed. Meyer, Gesch. des Altertums, I, 2,
pp. 7 et suiv.). Je ne sais si cette application 4e éd., pp. 730 et suiv.; II, 2, 2e éd., p. 165.
est recevable, mais elle conviendrait assez (4) J. Garstang et H. A. Strong, The
bien, dans notre hypothèse, à notre cylindre Syrian Goddess, Londres 1913. — Traduction
N° 12, où l'enseigne chargée de convoyer l'eau extraordinairement inexacte.
de la mer serait encadrée d'un méandre d'eau. (6) G. Goossens, Hiérapolis de Syrie, p. 53.
(a) Si notre hypothèse paraît acceptable, (•) R. Dussaud, Notes de mythol. syrienne,
elle ajoutera même un élément syrien très p. 115.
DIEUX DE HIÉRAPOLIS 241

nant suivre jusqu'au début du IIe millénaire, mérite au contraire d'être


regardé comme un culte autochtone dans tout le sens que l'on donne
habituellement à ce mot.

2. La prétendue triade de Hiérapolis. — Le traité de Lucien Sur la déesse


de Syrie a donné au culte de Hiérapolis une notoriété dont ne jouit aucun
autre culte syrien. Tout en suscitant, comme il arrive, plus de questions
encore qu'il n'en résout, ce petit ouvrage jette un jour précieux, notamment
sur le local et le rituel du sanctuaire. Mais ce qu'il enseigne sur les dieux
est malheureusement plus vague, et a donné lieu à bien des conjectures.
Chose curieuse, une des conclusions les moins certaines qu'on en puisse
tirer a eu le privilège de réunir le consentement presque universel des savants :
c'est la présence, au centre du culte, d'une triade formée d'un grand-dieu,
d'une grande-déesse, et d'un parèdre mineur — ou, s'il faut employer la
terminologie courante, d'un dieu-fils (1).
Cette théorie, mais surtout le texte qui en est l'objet, méritent d'être
examinés avec soin.

Tout le monde reconnaît que les deux principaux dieux de Mabog sont
Hadad et Atargatis, que Lucien nomme Zeus et Héra. Les difficultés
naissent devant le troisième membre de la triade, qui passe pour être attesté
dans le chapitre que Lucien a consacré au sêmeion, dressé dans le temple

(*) R. Dussaud, Notes de mythologie syr., sens, Hiérapolis de Syrie, p. 53; H. Ingholt,
p. 115; Rev. de l'histoire des relig., CXXVI, Parthian Sculptures from Hatra, pp. 20 et suiv.
1943, pp. 130 et suiv.; W. W. Baudissin, — Parmi les savants qui ont résisté au mirage
Adonis und Esmun, p. 16, note 1; Ed. Meyer; de la triade, citons : J. Garstang, The Syrian
Gesch. des Altert., I, 2, 4e éd., pp. 730 et suiv. Goddess, qui suppose un couple divin d'origine
F. J. Dolger, Ichthys, II, p. 247; P. V. Baur, hittite, et regarde le sêmeion comme une espèce
dans Excav. ai Dura, Third Season, p. 122; d'autel; H. Zimmern, dans Islamica, II, 1926,
C. Clemen, Lukiaris Schrift tiber die syr. pp. 574 et suiv., qui met en doute le rapport
Gôttin, p. 43; F. Cumont, Relig. orientales, de Simi et du sêmeion; A. B. Cook, Zeus, I,
4e éd., p. 114; 262, note 77; O. Eissfeldt, pp. 586 et suiv., qui paraît supposer aussi un
Tempel und Kulte syr. Stâdte, p. 57; G. Goos- couple divin.
242 SYRIA

entre les idoles des deux grands dieux (1). Nous avons donné plus haut la
traduction de ce passage : nous en donnerons ici le texte grec.

év (xécrqj Se à(z<poTép<ov éWrçxev £6avov ôcXXo xp^ssov, oùSajxà rouit, àXXoicri £oàvoi<ri
etxsXov. tô Se (xopçTjv (xèv ISbjv oûx êxst» 9°ps£& Se tûv àXXtov Gscov sl'Ssa. xaXéexat, Se
CTY][X7]tov xal uTt'auTwv 'Aaaupicov, ouSé ti oovofxa iSiov aÙT<}> è'ôevTo, àXX'ooSè ysvé<noç
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To{5vsxa St] fU)0éovTat Ssfxtpàjxioç è'pifxsvai xoSe CTTjfjnQiov. à.Tzo§y\\i.izi Sè Sic sxàcTTou ërsoç
èç GàXaacrav êç xo[jLiSr]V tou eÏ7rov uSaroç (2).

Une fortune trop rare a voulu que des monuments figurés vinssent
donner à ce texte une pleine confirmation. Quelques monnaies de Hiéra-
polis (3), et un bas-relief de Doura (4), montrent les idoles de Zeus et de
Héra, et, planté entre elles, un objet semblable en tout point aux enseignes
de l'armée romaine. Les phalères attachées à la tige de cet objet expliquent
les seuls mots obscurs de la description de Lucien : elles se prêtent
parfaitement, en effet, à porter les figures des autres dieux, en ce sens que ce
devaient être des phalères de métal repoussé, avec des images divines,
comme on en connaît beaucoup.
Le texte n'offre donc pas d'équivoque; il est intelligible par le simple
bon sens; il est conforme aux images antiques. On a voulu néanmoins
substituer à son exégèse candide une exégèse savante et l'on a supposé

(') Lu ci an., De dea syr., 33. tion ne contredit pas la phrase précédente de
(2) II est arbitraire de traduire ce passage, Lucien, d'après laquelle les Syriens ne trouvent
à l'instar de beaucoup de savants, comme si rien à dire sur la genesis de l'enseigne : il ne
Lucien avait dit que le sêmeion était le simulacre s'agit pas là de son premier propriétaire ou
de Dionysos, ou de Deucalion, ou de Sémiramis. donateur, mais proprement de sa genèse.
Le texte ne le dit pas, et d'autre part ces trois (3) Outre les catalogues de monnaies, voir
personnes sont celles que Lucien vient de citer H. A. Strong et J. Garstang, The Syrian
(chap. 12, 14, 16) comme fondateurs du Goddess, frontisp. et p. 70; A. B. Cook, Zeus, I,
temple : ce n'est pas par hasard qu'elles se pp. 586 et suiv. et P. V. Baur (note suivante).
retrouvent ici, mais bien parce que c'est aussi (4) P. V. Baur, Excav. at Dura, Third Season,
à elles qu'on attribuait la fondation du sêmeion : pp. 100 et suiv.; M. Rostovtzeff, Caravan
c'est ce qu'ont bien vu H. Stocks, Berytus, IV, Cities, p. 217; pi. XXX, 2; H. Bossert et
1937, p. 16; R. du Mesisil du Buisson, Rev. R. Naumann, Altsyrien, n° 564.
des arts asiat., XI, 1937, p. 76. Cette
DIEUX DE HIÉRAPOLIS 243

que le mot sêmeion ne signifiait pas seulement une enseigne, mais pouvait
signifier aussi une « idole de Simi » (1). Les faits sont les suivants.
Une homélie syriaque, qui usurpe le nom de Méliton de Sardes, et qui
a probablement été rédigée à Hiérapolis sous Caracalla ou Élagabale,
raconte, sous une forme evhémériste, que les mages chargèrent Simi, fille
de Hadad, de puiser de Veau de la mer et de la verser dans le puits (2). On a
reconnu dans Simi une déesse vénérée près de Béryte sous le nom de Sima,
et en Émésène sous celui de Sêmea (3) : le rapprochement est vraisemblable,
et l'allusion du texte au rite de la descente à la mer, évidente. En d'autres
termes, le rite est lié d'une part au sêmeion par le texte de Lucien, et d'autre
part à Simi par celui du pseudo-Méliton. On en a conclu que le mot sêmeion
désignait l'idole de Simi, tout comme le mot adônion désignait parfois une
idole d'Adonis. Ainsi s'expliquait que Lucien ait pu écrire, dans le texte
cité plus haut, que V enseigne était appelée sêmeion jusque par les Syriens
eux-mêmes.

(x) F. Lenormant, Gaz. archéol, IV, 1878, Inscr. de Bordj el-qay : IGLSyr., V, 2089.
p. 77; Th. Noldeke, Zeitschr. der d. morgenl. — Une inscr. de Doura a été regardée comme
Gesellsch., XLII, 1888, p. 473; et le nommant Sêmia : R. du Mesnil du Buisson,
commentaire du même à CIL, III, 6669; S. Ronze- Rev. des arts, asiat., XI, 1937, p. 80; M.
valle, Rev. archéol., 1903, II, pp. 31 et suiv.; Rostovtzeff, Journ. of Rom. Stud., XXXII, 1942,
F. J. Dôlger, Ichthys, II, p. 244; S. A. Cook, pp. 101 et suiv. Il s'agit d'un grafïite tracé sur
The Religion of Palestine in the Light of un autel dont la face porte l'image d'un vexil-
Archaeology, p. 151; Ed. Meyer, Gesch. des Altert., I, lum, gravée à la pointe ; on lit [av (^067) ) Tfl SY)[xtqc.
§ 487, note; P. Perdrizet, Rev. de Vhist. La construction de cette formule avec le datif
des relig., CV, 1932, p. 195; C. Clemen, n'est peut-être pas impossible, mais n'est
Lukian's Schrift, p. 43; R. Dussaud, Rev. de attestée nulle part : on a toujours {jlW)o6y) 7tp6ç t6v
Vhist. des rel., CXXVI, 1943, p. 130; Id., dans 0e6v, ou encore ènl toû 6eoû (voir M.
Mana, II, p. 394; M. Rostovtzeff, Journ. of Rostovtzeff et C. B. Welles, dans Excav. at Dura,
Rom. Stud., XXXII, 1942, pp. 101 et suiv.; Ninth Season, III, p. 33, et M. Rostovtzeff,
H. Ingholt, loc. cit. — On ignore loc. supra cit., p. 102, note 29). Mal pour mal,
généralement, d'ailleurs, que Th. Noldeke, sur la fin au-dessus d'un tableau qui représente un
de sa vie, mettait fort en doute sa théorie sur vexillum, il me semble prudent de traduire
Simi et le sêmeion : E. Honigmann, Syria sêmeia par étendard, plutôt que par le nom d'une
(Pauly-Wissowa), p. 1576. déesse encore très obscure, et d'y voir un
(2) Traduction française dans J. Bidez et monument du culte militaire, comme le propose R. du
F. Cumont, Mages hellénisés, II, p. 94. Mesnil. L'autel en question ne vient pas du
(8) Inscr. de Deir el-qala, haut-lieu de sanctuaire d'Atargatis : il était remployé dans
Béryte : S. Ronzevalle, Rev. arch., 1903, II, la porte principale de la ville, lieu militaire
pp. 29 et suiv.; Ch. Clermont-Ganneau, par excellence.
Recueil d'arohéol. orient., VI, pp. 35 et suiv. —
244 SYRIA

Ces déductions, jusqu'ici, n'ont rien que de logique. Récemment,


néanmoins, une étude de M. André Caquot sur les équivalents araméens
du mot sêmeion a montré que cette enseigne pouvait être désignée dans cette
langue par des termes homophones de sêmeion, formés sur la racine
sémitique SYM (1). La nécessité de chercher dans sêmeion le nom de Simi n'est
donc pas inéluctable, et il reste à décider, entre son interprétation par la
déesse Simi et son interprétation par les termes araméens qu'a réunis
M. Caquot, celle qui paraîtra la plus plausible.
L'introduction de Simi dans une « triade hiérapolitaine » ne va pas sans
difficultés. D'abord elle installe dans cette triade, non pas un dieu-fils,
mais une déesse-fille, ce qui — les tenants de cette interprétation le
reconnaissent — ne s'est encore jamais vu en Syrie. Mais n'importe, disent-ils,
le sexe n'est pas décisif. Et d'aller chercher dans les montagnes de l'Antio-
chène un certain dieu Simios (2), pour le substituer à Simi dans la prétendue
triade. Par malheur, une nouvelle et grave difficulté surgit aussitôt : le seul
texte qui nomme Simios, bien loin d'en faire le dieu-fils qu'il faudrait, fait
de lui le chef d'une triade, en somme probablement l'équivalent de Hadad.
— Voilà deux incompatibilités, que plus d'un observateur jugera sans doute
à elles seules dirimantes.
On aura aussi quelque peine, si le sêmeion est l'idole de Simi, à expliquer
que Lucien, si attentif à énumérer tant de dieux secondaires, ait négligé
de mentionner une divinité] qui était la troisième du temple, et qui
conduisait même un rituel dont il parle à trois reprises, alors que le pseudo-
Méliton, écrivant à peu près un demi-siècle plus tard, en était informé à
souhait.
Faut-il enfin attribuer aii simple hasard le fait que l'objet décrit par
Lucien, et représenté sur les monuments, ait eu à la fois le nom d'une

(*) A. Caquot, Syria, XXXII, 1955, pp. 59 que les Syriens appelaient l'objet, eux aussi,
et suiv. — La démonstration de M. Caquot me sêmeion. Les Syriens, en réalité, peuvent fort
semble décisive, mais, quand bien on la contes- bien l'avoir appelé du mot qui désignait une
terait, le passage de Lucien ne demanderait enseigne dans leur langue à eux, et ce mot pour-
aucune autre explication. Je ne sais pourquoi rait avoir eu une tout autre consonnance que
l'on s'obstine à vouloir que Lucien, quand il sêmeion.
écrit que l'objet en question est appelé l'enseigne (a) IGL Syr., II, 376; 383.
(sêmeion), même par les Syriens, ait voulu dire
DIEUX DE HIÉRAPOLIS 245

enseigne (1), l'aspect d'une enseigne, et la fonction d'une enseigne? Faut-il


vraiment croire que l'antique idole d'une déesse, idole dont le nom laissait
transparaître celui de cette déesse, ait un beau jour reçu la figure d'une
enseigne romaine, simplement parce que son nom rappelait celui d'une
enseigne? C'est beaucoup demander. Une enseigne — il faut s'en souvenir —
appartenait au mobilier normal des temples syriens, si intéressés aux
processions. Une enseigne, qui imite comme celle de Hiérapolis les enseignes
romaines, se rencontre quatre fois sur les bas-reliefs de Hatra, où elle est
associée tantôt à un dieu qui retient Cerbère, tantôt à un aigle, tantôt enfin
à un dogue assis et à un dieu juvénile (2). D'autres enseignes du même type
sont fréquemment représentées sur les monuments du culte de Doliché (3).
A Palmyre aussi les enseignes foisonnent, bien qu'elles ne soient pas roma-
nisées : leur hampe porte une petite image divine dan s le culte d'Arsou et
d'Azizou, un croissant dans celui de Gad Taimai, un oiseau dans celui de
Nébo, ailleurs d'autres emblèmes encore (4); mais leur objet reste le même,
et les monuments les représentent aussi bien dans la main des prêtres, que
plantées aux côtés des dieux. Encore n'épuisons-nous pas la liste des
exemples (5).
Tout invite donc à interpréter le texte de Lucien dans son sens le plus
banal, et à ne voir dans le sêmeion rien de plus qu'une enseigne sacrée.
L'objet a pu emprunter une considération et une sainteté particulières à
la célébrité du culte et à l'importance du rite de l'hydrophorie . Mais sa
nature n'en est pas affectée, et rien ne permet de voir en lui autre chose

(*) On arguerait à la rigueur que le mot (*) H. Ingholt, H. Seyrig, J. Starcky,


sêmeion, en grec, peut désigner toute espèce de Recueil des tessères, pp. 199, s. v. enseigne. —
simulacre à forme non-humaine (voir les Une enseigne surmontée d'un croissant se voit
exemples réunis par H. von Prott et L. Ziehen, aussi à côté d'une déesse qui pourrait justement
Leges Graecorum sacrae, II, N° 127). Mais les être Gad Taimai, sur un bas-relief de Khirbet
représentations figurées sont ici décisives. Ramadan : D. Schlumberger, Palmyrène du
(2) Voir H. Ingholt, Parthian Sculptures N.-O., p. 77, pi. XXXV, 2.
from Hatra, pi. VIL Un bas-relief inédit, (6) Sur les enseignes cultuelles, voir M. Ros-
représentant un aigle entre deux enseignes, est tovtzeff, Journ. of Rom. Stud., XXXII, 1942,
cité par A. Caquot, op. cit., p. 266, N° 65. pp. 97 et suiv. ; H. Ingholt, Parthian
(*) P. Merlat, Répertoire des inscr. et monum. Sculptures, p. 22. — Sur les enseignes cultuelles de
du culte de Jupiter Dolichenus, index, s. v. Baalbek, voir Syria, X, 1929, p. 339.
enseigne.
246 SYRIA

qu'un substitut des idoles : dans les processions et les voyages, ce simulacre
portatif assurait la présence des dieux, dont il montrait les images sur ses
phalères et dont il distribuait les bénédictions, tout en recevant les
dévotions des fidèles. C'était assez pour lui valoir, dans la piété populaire, la
place de choix que Lucien lui a donnée dans son livre.
Quant à Simi, le texte du pseudo-Méliton montre tout au moins que
certains mythologues, dans la Hiérapolis du me siècle, lui attribuaient
l'institution de l'hydrophorie. Il se peut que le pseudo-Méliton a établi un
rapport entre elle et le sêmeion (1) ; et il se peut qu'il n'en ait établi aucun, ce
qui expliquerait le plus simplement du monde le silence de Lucien. Mais, à
supposer qu'il l'ait fait, n'est-il pas plus probable de croire qu'il a introduit
Simi dans le mythe parce que son nom ressemblait à celui du sêmeion?
Le récit du pseudo-Méliton ne serait plus alors qu'un simple mythe étio-
logique, destiné à expliquer, par référence à une déesse connue, le simulacre
aussi célèbre qu'anonyme qui accompagnait chaque année la procession
des Hiérapolitains à la mer.

On a parfois argué aussi, en faveur d'une triade hiérapolitaine, de


certaines inscriptions de Délos. Des gens de Hiérapolis avaient fondé dans cette
île, au plus tard en 128 avant notre ère, un temple (2) où l'on a retrouvé
de très nombreuses dédicaces. Quatre de ces textes, et quatre seulement,
nomment à côté de Hadad et d'Atargatis un mystérieux Asclépios (3).
L'exacte identité de ce dieu nous échappe, mais le culte d'Asclépios, très

(1) II en est de même pour le rapprochement avec un plan mis à jour. Les inscriptions dans
que Lucien, dans le passage cité plus haut, IGDélos, N08 2220 à 2304. Sur le culte : M. P.
a peut-être établi entre le nom du sêmeion et Nilsson, Gesch. der griech. Relig., II, pp. 116 et
celui du Sémiramis. suiv. — Voir aussi P. Roussel, Délos colonie
(2) Ce sanctuaire doit être publié par M. Ern. athénienne, pp. 252 et suiv. ; U. Wilcken,
Will dans l'Exploration archéol. de Délos. Zu den syr. Gôttern, dans Festgabe fiir A. Deiss-
En attendant cette publication, le seul exposé mann.
complet est celui du même auteur dans les (8) IGDélos, 2224; 2248; 2261; 2264.
Annales archéol. de Syrie, 1, 1951, pp. 59 et suiv.,
DIEUX DE HIÉRAPOLIS 247

bien attesté en Phénicie (1), ne l'est à peu près pas dans la Syrie
intérieure (2), et ce silence coïncide étrangement avec celui de Lucien, si disert
sur de tels sujets. Probablement la triade syrienne de Délos, si c'en est
une, constitue-t-elle un phénomène local, qui pourrait s'expliquer par
l'influence de la colonie phénicienne de cette île, où les nombreux marchands
établis dans les comptoirs de Béryte et de Sidon(3) devaient adorer Echmoun-
Asclépios comme parèdre mineur de leurs propres triades (4). De toute
manière, elle ne permet, pour l'instant, pas de conclusion sur ce qu'était
le culte à Hiérapolis.

L'hypothèse d'une triade hiérapolitaine serait malgré tout justifiée, si


l'on pouvait croire à l'existence nécessaire, ou même probable, d'une
triade dans toutes les villes syriennes. Mais tel est encore bien loin d'être
le cas. Le livre de Baudissin sur Echmoun et Adonis, ce modèle de critique
prudente et consciencieuse, a montré combien peu de triades sont vraiment
attestées comme des réalités cultuelles (5). Depuis lors, assurément, notre
connaissance des cultes syriens s'est accrue. Mais s'il est vrai que cet
accroissement ait mis hors de doute une certaine popularité des triades (surtout
dans la contrée même qu'étudiait Baudissin), il est bien loin d'en avoir

(1) Aradus : E. Renan, Miss, de Phénicie, deux régions, je ne puis me souvenir d'aucun
p. 37. — Carné : monnaies hellénistiques. — vestige du culte d'Asclépios. Le bas-relief du
Marathus : id. — Byblos : E. Renan, pp. 255 et Djebel Riha (H. C. Butler, Architecture and
suiv. — Béryte : Damasc, ap. Phot., Biblioth. Other Arts, p. 284; cf. Mél. de la Fac. orient., I,
(Migne, Patr. gr., CIII, pp. 1304 et suiv.); 1906, p. 161, pi. II, 6) représente un dieu, à
E. Babelon, Mil. numismat., IV, pp. 140 et tout le moins incertain.
suiv. — Sidon : Pausan., VII, 23, 8; W. von (*) P. Roussel, Délos colonie athénienne,
Landau, Mitt. der Vorderasiat. Gesellsch., IX, 5, pp. 89 [et suiv.; voir aussi les IGDélos,
1904, pp. 38 et suiv. — Ptolémaïs : monnaies notamment la liste d'éphèbes 2598.
impériales. — Sur tous ces témoignages, voir (4) Echmoun a déjà été reconnu sous cet
les analyses de W. W. Baudissin, Adonis und Asclépios par Sal. Reinach, Bull, de corresp.
Esmun, index. hellén., VII, 1883, p. 366.
(2) II faut excepter la Décapole et le Hauran, (6) W. W. Baudissin, Adonis und Esmun,
pays fortement pénétrés d'influences pp. 15 et suiv.
phéniciennes : voir p. 249. — Mais en dehors de ces
248 SYRIA

rendu vraisemblable l'usage général. Dans l'état présent de notre


information, on discerne au contraire des aspects régionaux, qu'il est très malaisé
de réduire à un type unique.
Un premier groupe comprend les triades phéniciennes. Baudissin
observait qu'aucune d'entre elles n'apparaît au complet dans un même
document, mais que l'on aperçoit une tendance à placer au centre du culte un
grand-dieu, une déesse-mère, et un dieu juvénile. Il évoque ainsi, non sans
prudente réserve, la triade de Sidon (Baal de Sidon, Astarté, Echmoun) (1)
et celle de Byblos (El-Kronos, Baalat, Adonis). Depuis lors la triade de
Baalbek, formée sur le même type ( Jupiter- Hadad, Vénus- Atargatis,
Mercure), a jeté une nouvelle clarté sur cet usage. Création théologique
tardive, remontant peut-être seulement à l'intervention des Romains
vers 16 avant notre ère, cette triade semble transplanter au-delà du Liban
une institution proprement phénicienne, et représente sans doute l'état
où le panthéon phénicien était parvenu en ce temps (2). Elle donne
certainement par là beaucoup de consistance aux triades que l'intuition de
Baudissin avait su discerner à Byblos et à Sidon. — Depuis lors, aussi,
les fouilles de Délos ont rendu au jour l'établissement des Posidoniastes
de Béryte, où trois chapelles étaient visiblement installées pour recevoir

(*) Je ne sais s'il ne faudrait pas rattacher face principale, alors que les deux faces latérales
à cette triade de Sidon quelques monuments du portent respectivement un buste barbu, jovien,
Hauran qui représentent un dieu militaire et le buste d'une déesse voilée. On a tout à fait
tenant un sceptre où s'enroule un serpent l'impression d'une triade, dont a Asclépios »
(W. W. Baudissin, op. cit., p. 299, pi. IX; serait le dieu juvénile. — Le Hauran était
L. Jalabert, Mél. de] la Fac. orient, I, 1906, desservi par le port de Sidon, et le territoire de
p. 157, pi. II). Ce dieu est nommé Asclépios par cette ville s'étendait jusque sur les pentes
les modernes, dont l'avis pourrait recevoir orientales de l'Hermon (Syria, XXVIII, 1951,
quelque confirmation du fait que l'image p, 107) : il est donc possible que l'influence
ressemble exactement à celle du dieu palmy- de Sidon s'y soit étendue, comme celle de Tyr sur
rénien Shadrafa (Berytus, III, 1936, pp. 137 et la Décapole (plus loin, p. 249, note 3). —
suiv., pi. XXX; P. Collart, Museum helvet., Ajoutons, puisque nous parlons de cette
XIII, 1956, pp. 109 et suiv.), lequel se trouve dernière région, que 0. Eissfeldt (Tempel u.
être justement un dieu guérisseur lui aussi Kulte syr. Stâdte, p. 25) a proposé de reconnaître
(A. Caquot, Syria, XXIX, 1952, pp. 74 et à Gérasa une triade qui comprendrait Pakeidas,
suiv.). Or D. Sourdel a récemment publié Héra et Dusarès.
(Cultes du Hauran, p. 47, pi. I) un autel du (2) En dernier lieu : Syria, XXXI, 1954,
Hauran qui représente cet Asclépios sur sa pp. 86 et suiv.; 94 et suiv.
DIEUX DE HIÉRAPOLIS 249

les trois personnes d'une triade : celle-ci ne peut avoir été composée que
du grand dieu local (Poseidon), d'Astarté et d'Echmoun (Asclépios) (1). —
A Tyr également, il ne semble pas imprudent de grouper en une triade les
dieux que nomme Eudoxe de Cnide quand il parle d'Héraclès (Melqart),
fils de Zeus (Baalshamên?) et d'Astérie (Astarté) (2). Cette triade était
peut-être adorée aussi à Philadelphie de la Décapole, contrée toujours liée
à Tyr par des relations étroites (3). — Tous ces exemples sont relativement
récents. Le plus ancien, donné par le texte d' Eudoxe de Cnide sur Tyr,
remonte au ive siècle avant notre ère. L'établissement des Posidoniastes
de Béryte à Délos est du 11e siècle avant notre ère. Les triades de Byblos,
de Béryte et de Sidon, qui ne sont nommées au complet dans aucun
document, ne se laissent pas saisir à une époque plus ancienne.
Un autre groupe est formé par les triades de Palmyre, au nombre de
deux au moins (Bel, Iarhibôl, Aglibôl; et Baalshamin, Aglibôl, Malakbêl),

(1) Voir plus haut, p. 000, note 00. Au moment lement Astérie. Cette rencontre avec le texte
de la publication du monument, la triade de d' Eudoxe et le culte de Tyr est frappante.
Béryte était mal connue, et l'on a pu supposer Tyr servait à la Décapole de voie d'accès et
que le parèdre mineur était Héraclès tyrien de débouché sur la mer; elle la pourvoyait
{Ch. Picard, l'Établissement des Posidoniastes de abondamment en numéraire d'argent, comme
Berytos, p. 70; même opinion dans P. Roussel le prouvent encore aujourd'hui les nombreux si-
et M. Launey, IGDélos, 1774). On ne peut cles de Tyr qui aboutissent au bazar d'Amman,
douter aujourd'hui que ce ne fût Echmoun- qui a succédé à Philadelphie. Une influence
Asclépios. — Poseidon, Astarté (Tyché) et cultuelle paraît très vraisemblable dans ces
Echmoun sont tous trois figurés sur les conditions. Il est vrai que les monnaies de
monnaies. Philadelphie ne représentent jamais Zeus. Mais
(2) Eudox. Cnid. ap. Athen., IX, 47, p. 392 d; on peut restituer son culte sans imprudence
cf. Cic, De nat. deor., III, 16, 42. Zeus est dans toute ville syrienne, et surtout dans la
probablement ici Baalshamem, attesté dans le Décapole, où il est abondamment attesté. —
traité du roi Baal de Tyr avec Asharaddon Dans son Adonis und Esmun, W. W. Baudissin
(cf. O. Eissfeldt, Zeitschr. fur die alttest. Wiss., a été conduit à s'occuper accessoirement de
XVI, 1939, pp. 1 et suiv.); Astérie est le nom Philadelphie (p. 16, note 1; pp. 307 et suiv.)
grécisé d'Astarté; et Héraclès est évidemment et a cru pouvoir y restituer une triade, qui
Melqart, dont le « réveil », célébré à Tyr, aurait eu Héraclès pour chef, et Astérie et
convient particulièrement bien au parèdre Asclépios pour parèdres. Mais Asclépios n'est
mineur : W. W. Baudissin, op. cit., index, attesté à Philadelphie que par une inscription
s. v. Melkart-Auferstehung ; Ch. Clermont- très banale, rédigée en latin et donc
Ganneau, L'Égersis d'Héraclès, dans Rec. probablement émanée d'un étranger. Et à en juger par
d'archéol. orient., VIII, pp. 149 et suiv. Tyr, Héraclès-Melqart semble plus apte au
(3) Les monnaies attestent le culte d'Héraclès rôle d'un parèdre mineur : voir la note
et celui d'une déesse qu'elles nomment précédente.
250 SYRIA

et peut-être trois (X., Aglibôl, Arsou?) (1). Entièrement viriles, elles sont
d'un tout autre type que les phéniciennes, et rappellent plutôt certaines
triades babyloniennes : celles-ci ont pu leur servir de modèle, dans une
ville formée bien davantage sous l'influence de la Basse Mésopotamie
que sous celle de la Syrie. — Les monuments de Palmyre étant très récents,
il est impossible de dire à quelle époque ces triades remontent : les deux
premières existaient en tout cas vers le début de notre ère.
La triade de Hatra, récemment découverte dans des documents du
11e siècle après notre ère, comprend trois divinités qui ne sont identifiées
jusqu'ici que par un lien de famille : « Notre Seigneur, notre Dame, et le Fils
de nos seigneurs » (2). Cette constitution rappelle la Phénicie. Mais la
coïncidence est-elle profonde? La distance qui sépare Hatra de la Phénicie,
et l'absence de triades analogues dans les pays intermédiaires (3), doit nous
rendre très circonspects. Quelle que soit l'origine de la triade de Hatra, il
serait fort imprudent, à cette heure, de l'attribuer à des influences
occidentales.
Voilà donc trois groupes de triades, apparemment distincts,
apparemment tardifs, et qui n'ont en commun que la trinité de leur contenu. Celle-ci
crée entre eux un lien vague, mais enfin un lien, qui indique chez les
peuples sémitiques du Levant — les seuls dont nous ayons à nous occuper ici —
une certaine tendance à placer à la tête de leur panthéon un groupe de trois
divinités. Il paraît difficile de pénétrer plus loin.
Mais il est aussi possible de citer au moins un culte syrien où n'apparaît

(*) Sur les triades palmyréniennes : Syria, un autre, demanderait à être élucidé lui-même.
XIII, 1932, pp. 190 et suiv. ; XIV, 1933, pp. 239- — On songera peut-être à une inscription
253 (notamment p. 242, sur les triades non- araméenne de Nérab, près d'Alep, qui invoque
palmyréniennes, de composition analogue) ; dans une imprécation le dieu lunaire Sahar,
XXVI, 1949, pp. 30 et suiv. sa parèdre Nikal, et leur fils Nusk (G. A. Cooke,
(2) A. Caquot, Syria, XXIX, 1952, p. 104 Textbook of North-Semitic Inscr., N° 65). Mais
(d'après la publication arabe de F. Safar) ; un autre texte (ibid., N° 64) insère Shamash
H. Ingholt, Parthian Sculptures from Hatra, entre Sahar et Nikal, cependant qu'à Harrân
p. 28. (Carrhes), les trois mêmes divinités sont
(8) On ne trouve dans la Syrie du Nord qu'une régulièrement associées à Sadarnunna, fille du
seule triade, celle de Kafr Nebo, composée de dieu lunaire et de sa parèdre. On ne peut donc
Simios, Symbetylos et Leôn (IGLSyr., 376; guère parler d'une triade (C. J. Gadd, Anatol.
383). Mais ce culte, avant de servir à en éclairer Stud., VIII, 1958, pp. 47 et suiv.).
DIEUX DE HIÉRAPOLIS 251

aucune triade. Une proposition négative de ce genre ne se laisse


naturellement prouver que dans le cas rare d'un culte aux monuments très nombreux.
Mais tel est justement le culte de Doliché, originaire par surcroît d'une
région qui n'est pas trop éloignée de Hiérapolis. Les inscriptions et les
images de ce culte se bornent à nommer ou représenter un couple divin,
sous le nom de Jupiter et de Junon : nulle part il n'est question d'un troisième
dieu <«.

Ainsi ni les textes de Lucien et du pseudo-Méliton, ni les monuments


figurés, ni les inscriptions de Délos, ni enfin aucun usage général ne
paraissent offrir une base plausible et prudente à l'hypothèse d'une triade hiéra-
politaine. D'après les monuments accessibles aujourd'hui, le culte de Mabog
s'adressait à Hadad et à Atargatis, sans adjonction d'un parèdre mineur.

Henri Seyrig.

(*) Voir P. Merlat, op. cit.

Appendice.
Au moment d'imprimer, je prends connaissance de la publication des
cylindres orientaux du Musée national de Copenhague, où se trouve, sous

Fig. 3.
252 SYRIA

le n° 129, un exemplaire important de notre série. En voici la description,


à laquelle je joins une photographie (fig. 3), très aimablement communiquée
par la Direction du musée.
16. Musée national, Copenhague (O. E. Ravn, A Calai, of Oriental Cylinder Seals and
Impressions in the Danish National Museum, Copenh. 1960, p. 104, n° 129). Provenance syrienne. Hauteur
19 mm., diam. 9 mm. Devant l'enseigne est dressé un autel, sur lequel est posé un objet indistinct.
Un personnage imberbe, debout, lève la main en un geste d'adoration vers l'autel et l'enseigne.
Derrière l'enseigne, un dieu debout, apparemment coiffé d'une tiare à cornes, fait le même geste,
qui pourrait être ici un geste de bénédiction : le dieu et l'enseigne seraient alors associés, et
recevraient tous deux l'hommage de l'adorant.

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