Chapitre 3

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Chapitre III : Les prévisions fondées sur les matrices input-output

Au-delà de « l’application » de la théorie de l’équilibre général, formule relativement vague en


soi, ce que vise Leontief, c’est de rendre compte et de représenter l’interdépendance entre les
unités productives de l’économie, y compris les ménages. Le principe sous-jacent à l’analyse
input-output est une intuition simple : la production de chaque bien3 nécessite des inputs qui
sont eux-mêmes produits à partir d’autres biens et ainsi de suite. Par conséquent, un
changement, par exemple dans la demande finale d’électricité en cas de reprise économique,
entraîne, par un effet de chaîne, des modifications dans la consommation et la production des
inputs nécessaires à la production d’électricité, entre autres de charbon, de gaz, d’eau, de travail,
etc. Les modifications des productions de ces derniers éléments ont à leur tour des effets sur les
inputs nécessaires à leur production, y compris l’électricité, le travail, et ainsi de suite.
Comment représenter et rendre compte de ces liaisons, enchaînements et circularités ? C’est ce
que l’étude des relations intersectorielles permet de traiter, à la fois du côté des quantités
produites, et du côté des prix puisque ces relations input-output répercutent les changements
conjoncturels ou structurels à travers les coûts entrants dans la composition de chaque bien.
Aussi, quand le tableau entrées-sorties permet de traiter de manière statistique les volumes des
biens et leur distribution dans l’économie, le modèle mathématique permet d’effectuer les
calculs nécessaires pour répondre aux questions du type : Si la production (ou la demande ou
la technique associée) du bien X change, quel est l’impact sur le reste de l’économie, sur les
prix et sur les quantités ?
Présentons le tableau entrées-sorties dans le cas d’une économie à trois secteurs (ou trois
branches) : l’agriculture, l’industrie et les ménages. Ce tableau à trois branches a été conçu par
Leontief en 1966 à des fins pédagogiques et est fidèle à l’esprit du tableau publié en 1936
notamment pour ce qui est du traitement de la demande finale et des ménages qui y sont un
secteur comme les autres. Les ménages consomment des biens provenant de l’agriculture et de
l’industrie et produisent des services. Ici les services se réduisent à du travail, mais peuvent
inclure les services entrepreneuriaux et les services de capital. Les deux premiers secteurs
consomment des biens et services provenant des autres secteurs, ou de leur propre
production(autoconsommation). Ils produisent des biens distribués et consommés dans
l’ensemble de l’économie. Pour simplifier, on ne tient pas compte des variations de stock, du
capital fixe et de la formation de capital fixe (voir infra). Enfin, on se situe dans le cadre d’une
économie fermée, sans importations ni exportations, et sans État. Ces restrictions sont levées
dans les tableaux input-output complets.

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Tableau 1. Tableau entrées-sorties en valeur
Secteur 1 : Secteur 2 : Secteur 3 : Production
Agriculture Industrie Ménages totale (en $)
Secteur 1 : 50 40 110 200
Agriculture
Secteur 2 : 70 30 150 250
Industrie
Secteur 3 : 80 180 40 300
Ménages
Input total $ 200 250 300

Ce tableau à double entrée donne lieu à une lecture en ligne et une lecture en colonne :
 En ligne, on trouve la production et les débouchés de chaque secteur. Une ligne détaille
la manière dont la production totale d’un secteur est distribuée dans l’économie. En
prenant le secteur 1, l’agriculture, la production agricole va à l’agriculture elle-même
pour 50 $, à l’industrie pour 40 $, et aux ménages, en consommation finale, pour 110 $.
Au total, la valeur de la production agricole est de 200 $. Chaque ligne exprime donc
un équilibre emplois / ressources sectoriel ;
 En colonne, sont détaillés les montants de chaque input entrant dans la fabrication de
l’output d’un secteur. Par exemple, pour le secteur 2, l’industrie, la production de250 $
d’output industriel nécessite la consommation de 40 $de produits de l’agriculture, 30 $
de produits industriels, et180 $ de services des ménages (du travail).
Remarquons que, pour chaque secteur, le montant total des inputs employés, le total en colonne,
est égal à la valeur de l’output du secteur. Par exemple, pour l’industrie, les dépenses en inputs,
soit (40 + 30 + 180 $), sont égales au produit sectoriel, soit le total en ligne (250 $). Cette égalité
est d’ordre comptable et exprime l’équilibre comptable entre les coûts (la valeur des inputs y
compris le travail) et les recettes (la valeur de l’output) pour chaque secteur.

En 1936, Leontief est en mesure de publier un tableau de l’économie américaine pour 1919 à
quarante-six secteurs. À partir de la Seconde Guerre mondiale, ce tableau intersectoriel va
connaître un succès fulgurant dans le cadre du développement de la comptabilité nationale et
de la planification. En quoi le projet input-output de Leontief s’inscrit-il dans la tentative de «
branchement » entre théorie économique et statistique ? Pour répondre à cette question, il faut
comprendre comment ce tableau a été conçu, non pas dans une perspective de comptabilité
nationale, mais de modélisation mathématique et de calcul économique.

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Du tableau intersectoriel à la matrice comptable. De la matrice au modèle
Remarquons d’abord que, si ce tableau est dorénavant un tableau standard de la comptabilité
nationale, ce n’est pas pour autant un tableau comptable au sens habituel du terme. En effet,
nous n’avons pas là un tableau qui représente un compte en T avec, pour chaque secteur, d’un
côté les ressources et, de l’autre, les emplois. Plutôt qu’un compte en T, c’est un tableau à
double entrée, mieux décrit comme une matrice comptable. Cette manière de représenter
l’économie convient mieux aux économistes qu’aux comptables nationaux (voir Vanoli 2002).
Si le tableau entrées-sorties (TES) se présente comme une matrice comptable, c’est qu’il est
construit afin de mesurer les éléments du modèle mathématique qui est lui-même conçu à l’aide
de matrices mathématiques, comme nous le verrons un peu plus loin.
Une contrainte imposée par la représentation matricielle du TES est l’égalité entre le nombre
de colonnes et de lignes. Cette contrainte est imposée afin de permettre l’usage du calcul
matriciel. Quand le tableau contient autant de lignes que de colonnes, il correspond à une
matrice carrée. Quand le nombre de colonnes est plus ou moins grand que le nombre de lignes,
alors il correspond à une matrice rectangulaire. D’un point de vue mathématique, les matrices
carrées offrent de nombreuses propriétés extrêmement utiles pour réaliser des calculs et
manipuler les données du tableau. C’est le caractère matriciel du tableau qui permet d’en tirer
des inférences statistiques. C’est pour cette raison que, dès son premier TES de 1936, Leontief
construit un tableau carré de quarante-six lignes et quarante-six colonnes.
La contrainte mathématique d’égalité entre lignes et colonnes pèse et satisfait mal la logique
comptable. Dans cette perspective mathématique, cela suppose que toute introduction d’un
élément supplémentaire en colonne, par exemple, donne lieu à l’introduction d’un élément
correspondant en ligne, ce qui n’a pas toujours un intérêt évident pour l’enregistrement
comptable. Parfois, une telle procédure peut se faire sans trop d’aménagement : en introduisant
en colonne les dépenses publiques, on peut associer, en ligne, les taxes et les prélèvements (qui
seront donc comptabilisés parmi les coûts et dépenses des secteurs) ; de même, en introduisant
les relations avec le reste du monde, on peut placer en colonne les exportations et en ligne les
importations. En introduisant ces deux nouveaux éléments, on obtient un tableau à cinq lignes
et cinq colonnes (en ne comptant pas les totaux). En revanche, le traitement de la demande
finale, et notamment de la consommation finale et de l’investissement, peut conduire à obtenir
plus de colonnes que de lignes. Par exemple, on peut dissocier les services des opérations des
ménages, en appelant le secteur 3 « services » (au sens habituel du terme) et en créant une
colonne supplémentaire « consommation finale des ménages » qui, dans ce cas, aurait comme
élément correspondant en ligne, la « valeur ajoutée » : mais le total de la consommation finale

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ne sera pas égal au total de la valeur ajoutée. De plus, si l’on ajoute en colonne l’investissement
auprès de la consommation finale, des dépenses publiques et des exportations, on se doit
d’introduire réciproquement une ligne supplémentaire, par exemple d’amortissement du capital
fixe, mais sans qu’il y ait une égalité comptable entre cette ligne et la colonne « investissement
». Dans ces deux cas, on parvient à maintenir l’égalité du nombre de lignes et de colonnes mais
les totaux obtenus en ligne et en colonne ne sont plus nécessairement égaux.
Plus problématique est la distinction entre les produits et les secteurs. En effet, un secteur peut
produire plusieurs produits, soit sous forme de produits joints soit de produits secondaires. Il
serait alors pertinent de représenter en ligne les produits disponibles dans l’économie et, en
colonne, les secteurs de l’économie qui produisent et consomment ces produits. Dans ce cas, le
tableau sera rectangulaire et il y aura plus de lignes que de colonnes puisqu’il y a plus de
produits que de secteurs. Ce problème soulève des questions autant en termes de logique
comptable que d’analyse économique. Le choix de Leontief, premièrement, de placer les
secteurs en ligne comme en colonne, deuxièmement, de représenter autant de secteurs en ligne
qu’en colonne et, troisièmement, de supposer que chaque secteur produit un bien unique et,
inversement, que chaque bien est produit par un seul secteur, est une contrainte qui se comprend
quand on conçoit que le tableau input-output est d’abord là pour fournir des données à un
modèle mathématique d’équilibre général.

De la matrice comptable au calcul économique : un exemple


Dès sa conception dans les années 1930 par Leontief, le tableau entrées-sorties est conçu
comme une matrice comptable input-output et cela dans le but de réaliser des calculs
économiques que n’auraient pas permis des comptes en T (ressources / emplois). Prenons un
exemple de calcul économique auquel se prête la matrice comptable input-output, ce qui nous
amènera à « faire fonctionner » la logique sous-jacente du tableau, à savoir les interdépendances
input-output entre les secteurs dans un cadre de double équilibre prix / coût et emplois /
ressources. Cela nous conduira naturellement vers la formulation du modèle mathématique
input-output.
À titre d’exemple, imaginons que notre économie à trois secteurs connaisse un gain de
productivité des travailleurs résultant d’un meilleur niveau d’éducation et qui élève le revenu
national de 300 $ à 320 $9. Quel est le nouvel équilibre de cette économie et donc le nouveau
tableau entrées-sorties ? Répondre suppose de déterminer la nouvelle production totale, les
productions de chaque secteur et les volumes de chaque bien et service consommés par chacun
des secteurs. Dit autrement, parmi les douze chiffres du tableau input-output à trois secteurs,

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nous en connaissons maintenant un seul, le revenu national égal à320 $, et nous cherchons à
déterminer les onze manquants en respectant les équilibres en ligne et en colonne. Pour ce faire,
nous allons procéder de manière itérative.
Commençons par tirer les conséquences de cette augmentation du revenu national sur la
consommation finale des ménages, c’est-à-dire sur la colonne du secteur 3. Dans cette colonne,
il apparaît que lorsque le revenu national est égal à 300, la consommation de produits de
l’agriculture par les ménages est égale à 110, celle de produits industriels à 150 et celle de
services à 40. Leontief suppose, à la manière de l’analyse de la consommation chez Keynes,
qu’il existe une relation linéaire entre le revenu courant (le revenu de l’année) et la
consommation des ménages : on peut donc calculer des coefficients de consommation qui
ressemblent à la propension à consommer de Keynes. On déduit de la sorte que pour 1 $ de
revenu, les ménages consomment 0.3666… $de produits agricoles (= 110/300) et l’on note ce
coefficientĉ13 qui se lit « montant de bien 1 consommé par unité d’output des Ménages »
(l’output des ménages étant équivalent au revenu national) ; de même, le coefficient de
consommation de produits industriels est ĉ23 = 0.5 $(= 150/300), et le coefficient de
consommation des services est ĉ33 = 0.1333… $ (= 40/300). Puisque le revenu est dorénavant
de 320 $, et les coefficients de consommation étant supposés constants, la nouvelle
consommation de produits agricoles s’élève à 117,33… $ (= 0.3666… x 320), celle de produits
industriels est de 160 $ (= 0.5 x 320), et celle de services est de 42.666… $ (= 0.1333… x 320).
On peut alors, dans un premier temps, reporter dans le tableau ces nouvelles données, en
conservant les chiffres dans les autres cellules :

Tableau 2. Équilibrage par itération


Secteur 1 : Secteur 2 : Secteur 3 : Production
Agriculture Industrie Ménages totale (en $)
Secteur 1 : 50 40 110 +7.4 200 +7.4
Agriculture
Secteur 2 : 70 30 150 +10 250 +10
Industrie
Secteur 3 : 80 180 40+2.6 [302,6]
Ménages
Input total $ 200 250 300 +20

Dans ce tableau, l’équilibre est établi pour la colonne du secteur 3. Le reste du tableau présente
des déséquilibres comme, par exemple, la ligne emplois-ressources du secteur 3 avec, d’un côté,

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un montant de services distribués de (80 + 180 + 42.6…) = 302.6… $ alors que, pour respecter
l’équilibre, il devrait être égal à 320 $. Il nous faut donc poursuivre « l’équilibrage » du tableau.
D’un point de vue économique, ce déséquilibre est dû au fait que l’augmentation du revenu
national a généré une augmentation de la consommation finale, que nous avons intégrée au
tableau, et celle-ci implique à son tour une augmentation de la production de produits agricoles
(passant de 200 $ à 207.4 $), de produits industriels (de250 $ à 260 $) et de services (de 300 $
à 302.6 $). Or, si ces outputs augmentent, cela implique que chacun des secteurs associés
emploie plus d’inputs, et il nous faut donc corriger la consommation d’inputs du secteur 1
(colonne 1) et celle du secteur 2 (colonne 2). La question qui se pose est la suivante : si, par
exemple dans le secteur 1, la production augmente d’un certain montant, de combien
augmentent les inputs consommés ? L’hypothèse de Leontief est que, comme pour la
consommation finale des ménages, dans les secteurs productifs de l’économie, il existe une
relation linéaire simple entre input et output. Ainsi, lorsque la production agricole était de 200
$, la consommation du secteur agricole de son propre bien était de 50 $, alors on suppose que
pour chaque dollar de bien agricole produit, il faut employer0.25 $ de produit agricole (=
50/200). On note ce ratio â11, le montant de bien 1 nécessaire à la production d’un dollar de
bien 1. De même, dans le secteur 1, il faut employerâ21 = 0.35 $ de produits industriels (=
70/200) pour chaque dollar de biens agricoles produits ; enfin, il faut employerâ31 = 0.4 $ de
services (= 80/200) pour chaque dollar de biens agricoles produits. Par conséquent, pour
produire207.4 $ de produits agricoles, le secteur 1 doit consommer 51.85$ (= 207.4 x 0.25) de
son propre produit, 72.59 $ (=207.4 x 0.35) de produits industriels, et 82.96 $(= 207.4 x 0.4) de
services. On peut alors corriger la première colonne dans notre tableau input-
output10.Procédons de la même manière avec le secteur 2 de manière à réaliser la production
établie dans le tableau précédent, de 260 $. En modifiant les deux premières colonnes, le tableau
est comme suit :

Tableau 3. Équilibrage par itération (suite)


Secteur 1 : Secteur 2 : Secteur 3 : Production
Agriculture Industrie Ménages totale (en $)
Secteur 1 : 51.85 41.6 117.4 210.85
Agriculture
Secteur 2 : 72.59 31.2 160 263.79
Industrie
Secteur 3 : 82.96 187.2 42.6 312.76
Ménages

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Input total $ 207.4 260 320

Le tableau n’est pas encore équilibré puisque, pour chaque secteur, les totaux en ligne ne sont
pas égaux aux totaux en colonne. Il nous faut continuer à évaluer les effets en cascade des
augmentations des productions sectorielles. Le simple fait d’avoir tenu compte de ce que la
production du secteur 1avait augmenté suite à l’augmentation de la consommation finale des
ménages, a conduit à une augmentation de la demande de chacun des biens et des services, y
compris du secteur 1, ce qui relance le processus pour intégrer cette nouvelle augmentation de
la production de bien 1 suite à une augmentation… de la production de bien 1. De même, ce
même principe doit être appliqué au secteur 2.
De manière itérative, en tenant compte de ces effets en cascade, on obtient au fur et à mesure
des augmentations de moins en moins importantes de chacun des inputs consommés et des
outputs produits. Ce processus itératif rappelle celui en œuvre dans le mécanisme du
multiplicateur keynésien. Quel est le résultat final ? C’est ici que le modèle mathématique
s’avère utile. En effet, plutôt que cette laborieuse procédure itérative, un modèle mathématique
permet de répondre directement à notre question et d’obtenir le nouvel équilibre de cette
économie (s’il existe). Ce modèle a été publié en 1937 par Leontief et est connu comme le
modèle fermé de Leontief.

Le modèle fermé de Leontief


Le modèle fermé permet de calculer les volumes des productions sectorielles et des inputs
consommés dans chaque secteur ainsi que les prix relatifs. Alors que l’analyse en équilibre
partiel permet de déterminer le prix et la quantité d’équilibre pour un secteur donné i, (Pi, Qi),
le modèle de Leontief permet de déterminer simultanément les prix et les quantités pour
l’ensemble des secteurs. En effet, si l’on reprend notre présentation du tableau input-output à
trois secteurs, nous avons indiqué qu’en colonne il établit un équilibre recette = coût qui peut
se décomposer en prix et quantités physiques (P x Q), et, en ligne, en un équilibre emplois =
ressources qui se décompose également en prix et quantités physiques. On obtient ainsi deux
systèmes d’équations :
 En colonne, l’équilibre recette = coût : PiQi = P1Q1i + P2Q2i + P3Q3i, pour chaque
secteur i allant de 1à 3, avec Pi le prix du bien i, Qi la quantité physique de bien i, et Qji
la quantité de bien j consommée pour produire le bien i. Par exemple11, pour le secteur
1, l’agriculture, on obtient :200 = 50 + 70 + 80 $ ;

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 et en ligne, l’équilibre emplois-ressources :PiQi = PiQi1 + PiQi2 + PiQi3 pour chaque
secteur i allant de 1 à312. Par exemple, pour le secteur 1, l’agriculture, on obtient :200
= 50 + 40 + 110 $.

Quels sont alors les prix relatifs et les quantités physiques dans l’économie que nous étudions
? Y répondre suppose d’être à même de distinguer entre prix et quantités physiques. Même si
certains tableaux input-output sont construits à partir des relevés des quantités physiques
échangées, en pratique toutefois, les comptables nationaux reportent rarement les quantités
physiques échangées. En revanche, c’est un exercice commun de relever les prix ou de
construire des indices de prix pour chaque type de bien. Supposons alors que les prix dans notre
économie soient les suivants, en considérant que chaque secteur produit un bien homogène avec
le blé pour l’agriculture, le tissu pour l’industrie et le travail pour les ménages : le prix d’un
quintal de blé est de 2 $, celui d’un mètre de tissu de 5 $ et celui d’une année-homme14 de 1 $.
On en déduit alors le tableau input-output physique suivant :

Secteur 1 : Secteur 2 : Secteur 3 : Production totale (en $)


Agriculture Industrie Ménages
Secteur 1 : 25 20 55 100 quitaux de blé
Agriculture
Secteur 2 : 14 6 30 50 mètres de tissu
Industrie
Secteur 3 : 80 180 40 300 années-hommes de
Ménages
travail

Dans ce cas, il n’y a plus de sens à calculer un total d’input, dans la dernière ligne du tableau,
puisque cela supposerait d’additionner, en colonne, des quantités physiques hétérogènes, des
quintaux de blé avec des mètres de tissu et des années-homme de travail. À partir des prix et du
tableau en unités monétaires, on parvient à construire le tableau input-output des quantités
physiques.
Ce tableau est particulièrement utile pour déterminer les relations techniques entre les outputs
et les inputs puisque les coefficients calculés précédemment à partir des valeurs monétaires,
seraient modifiés si les prix relatifs changeaient dans l’économie. Or, ce qui détermine le
montant d’un input demandé par secteur, c’est en premier lieu l’état de la technique et donc des
relations physiques. Les coefficients techniques doivent donc refléter les relations techniques,
c’est-à-dire des relations entre des quantités physiques et quine sont modifiées qu’en cas de
progrès technique. On peut calculer ainsi, en prenant le secteur de l’industrie, que pour produire
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un mètre de tissu il faut employer a12 = 0.4 quintal de blé (= 20/50), a22 = 0.12 mètre de tissu
eta32 = 0.8 année-homme de travail15. Ce sont les coefficients techniques, en quantités
physiques, caractérisant le secteur 2, l’industrie. En opérant les mêmes calculs pour les autres
secteurs, on obtient le tableau des coefficients techniques (appelés coefficients de
consommation dans le cas des ménages)

Tableau 5. Matrice des coefficients techniques en quantités physiques


Secteur 1 : Secteur 2 : Secteur 3 :
Agriculture Industrie Ménages
Secteur 1 : a11=0.25 a12=0.40 a13=0.18033…
Agriculture
Secteur 2 : a21=0.14 a22=0.12 a23=0.100
Industrie
Secteur 3 : a31=0.80 a32=3.60 a33=0.133
Ménages

Ces coefficients techniques et de consommation peuvent être reportés dans les deux systèmes
d’équations établis précédemment. On se contentera ici d’examiner les équations relatives aux
quantités, en laissant de côté les prix. L’équation d’équilibre des quantités est obtenue à partir
de l’équilibre emplois / ressources en ligne :
PiQi = PiQi1 + PiQi2 + PiQi3 pour chaque secteur i allant de 1 à3, (2.1)

En simplifiant par le prix Pi, on obtient une équation ne contenant que des quantités physiques:
Qi = Qi1 + Qi2 + Qi3.Par exemple, dans le cas du secteur 1, l’agriculture, on trouve100 = (25
+ 20 + 55) quintaux de blé. Or, nous savons que les 25 quintaux de blé consommés par
l’agriculture contribuent à produire 100 quintaux de blé, ce rapport25/100 étant déterminé par
le coefficient techniquea11 = 0.25 tel que 25 = 0.25 x 100 ; de même pour les20 quintaux de
blé consommés par l’industrie selon le coefficient technique a12 = 0.40 tel que 20 = 0.40 x 50;
enfin, les 55 quintaux de blé consommés par les ménages s’expliquent par le coefficient de
consommationa13 = 0.1833… tel que 55 = 0.1833… x 300. On peut alors réécrire l’équation
d’équilibre emplois-ressources des quantités physiques :100 = 0.25 x 100 + 0.40 x 50 +
0.1833… x 300. En reprenant nos notations, on obtient : Q1 = a11Q1 + a12Q2 + a13Q3. En
appliquant le même principe à chaque secteur, on obtient le système d’équation d’équilibre des
quantités physiques suivant :

9
Partant d’un simple équilibre emplois-ressources (2.1), nous avons introduit un principe
explicatif des relations input- output, les coefficients techniques et de consommation, et l’on
aboutit à un système beaucoup moins intuitif qu’initialement, le système (2.3), mais qui indique
simplement que les emplois déduits des ressourcess’annulent. Nous obtenons un système
d’équations linéaires, typique de la modélisation économique de la théorie de l’équilibre général
de Walras ou Cassel. C’est que, dès 1927, Leontief a repris explicitement à Cassel ses
coefficients techniques ainsi qu’à Walras (Leontief 1927,1937a).
Trait caractéristique de l’approche de Leontief, il exprime ce système d’équations en langage
matriciel. En plaçant d’un côté les paramètres du modèle, les coefficients techniques, et de
l’autre les variables à expliquer, les quantités physiques, on obtient le système suivant :

En utilisant nos données numériques, nous obtenons :

En notations matricielles, en nommant A la matrice des coefficients techniques (nets), Q le


vecteur colonne des quantités physiques sectorielles, et O le vecteur nul, on écrit AQ = 0. Si le
déterminant de la matrice A est nul (|A| = 0), celle-ci n’est pas inversible et il existe une solution
Q* à cesystème19 (Leontief 1937a). L’usage des matrices a à la fois permis un traitement
rigoureux et pratique du problème posé et offert un langage concis et élégant, apprécié comme
tel par les économistes (Shackle 1966). Ce modèle, aussi simple soit-il, permettra de clarifier,
dans les années 1940-1950, de nombreuses questions dans l’analyse de la production en
équilibre général (voir Arrow 1951 ; McKenzie 1957, 2002 ; Samuelson 1951 ; et Akhabbar
2014c). Nous revenons au chapitre suivant sur les enjeux théoriques du modèle de Leontief.
Avec ce modèle, il est maintenant possible de répondre à la question posée plus haut : pour un
certain montant de revenu national, ici 300 $, quelle est la production physique sectorielle dans
l’économie ? À la suite d’une augmentation de la population, lorsque la quantité de travail passe
à320 années-homme, on calcule que la quantité de produits agricoles augmente à 106,66…
unités physiques, soit une augmentation de 6,66… % ; la production industrielle augmente à

10
53,33… unités, soit une augmentation de6.66… %, le revenu national ayant lui-même augmenté
de6.66… %. De plus, puisque les données techniques n’ont pas changé et donc les relations
produit-coût non plus, on peut supposer que les prix relatifs sont les mêmes et, avec le système
de prix précédent, la production est de 213,33… $pour l’agriculture et 266,66… $ pour
l’industrie. Les coefficients techniques nous permettent également de calculer les inputs
consommés par chaque secteur, et donc d’établir le nouveau tableau input-output de cette
économie :
Tableau 6. Tableau entrées-sorties en quantités physiques
Secteur 1 : Secteur 2 : Secteur 3 : Production
Agriculture Industrie Ménages totale (en $)
Secteur 1 : 26.66… 21.33… 58.66… 106.66 quitaux
Agriculture
de blé
Secteur 2 : 14.93… 6.4 32 53.33 mètres de
Industrie
tissu
Secteur 3 : 85.33… 192 42.66… 320 années-
Ménages
hommes

En valeur monétaire, nous retrouvons le tableau input-output habituel qui permet de s’assurer
que les totaux en colonnes sont bien égaux aux totaux en ligne :
Secteur 1 : Secteur 2 : Secteur 3 : Production totale (en
Agriculture Industrie Ménages $)
Secteur 1 : 53.33… 42.66… 117.33… 213.33…
Agriculture
Secteur 2 : 74.66… 32 160 266.66 mètres de tissu
Industrie
Secteur 3 : 85.33… 192 42.66… 320
Ménages
Input total en $ 213.33 266.66 320

Notons que le cas que nous avons traité, celui d’une augmentation du revenu national de 20 $,
peut aussi s’interpréter comme une augmentation de la consommation finale (ou plus
généralement de la demande finale) de 20 $, soit une augmentation de 6.66…% de la demande
finale – par exemple à la suite d’une politique budgétaire expansionniste. Or, comme le
montrent les résultats numériques obtenus, cette augmentation de 6.66…% n’a pas généré une
augmentation plus importante du revenu national ou de la production totale : si le mécanisme
qui se met en branle lorsque la demande d’un bien augmente ressemble à celui d’un
multiplicateur keynésien, l’effet final n’est pas un effet multiplicateur. Il est néanmoins courant

11
d’appeler ce principe le multiplicateur input-output. Il s’agit d’un mécanisme multiplicateur
sans effet multiplicateur.
Le tableau 7, obtenu par le calcul matriciel, est le tableau que nous cherchions à établir. La
méthode itérative initialement employée aurait permis de s’approcher du résultat, de manière
laborieuse et approximative, tandis que le modèle input-output matriciel permet, quand on
détient un calculateur suffisamment puissant, de déterminer directement l’équilibre final. Dans
le cas d’un tableau à trois branches, le calcul se fait à la main aisément, mais dans le cas d’un
tableau à quarante-six secteurs, comme celui publié par Leontief en 1936, d’autres moyens sont
nécessaires : dans les années 1930, Leontief est amené à réduire la dimension de son tableau en
le consolidant à dix secteurs, afin de pouvoir réaliser ses calculs. On voit alors comment se
télescopent le tableau intersectoriel et le modèle matriciel. Le tableau input-output est une
matrice comptable qui permet de réaliser des calculs à partir du modèle mathématique matriciel.
Ce modèle permet notamment d’évaluer l’impact sur l’économie d’un changement dans la
production d’un secteur ainsi que d’un changement d’un coefficient technique ou de
consommation sous l’effet du progrès technique ou du changement des préférences des
consommateurs.
On a examiné la partie du modèle qui explique les quantités physiques en supposant les prix
donnés. Il est important que le lecteur garde à l’esprit que le modèle input-output permet
également d’expliquer les prix relatifs. À côté des équations des équilibres des quantités
physiques, on trouve les équations des équilibres prix = coût. On épargnera au lecteur un exposé
détaillé de ces relations, et il suffit de se souvenir qu’elles dérivent de la lecture en colonne du
tableau. Cette dernière nous avait permis d’établir la relation suivante :
PiQi = P1Q1i + P2Q2i + P3Q3i, pour chaque secteur i allant de 1à 3.
On peut faire apparaître les coefficients techniques dans cette équation. Le lecteur se souvient
que les quantités d’input Qij sont le résultat d’une relation technique de proportionnalité entre
les outputs Qj et les inputs nécessaires à leur production. Alors, en notant P le vecteur-colonne
des prix et AT la matrice transposée des coefficients techniques, on obtient ATP = 0. Cette
égalité indique qu’il est possible de déterminer les prix relatifs dans l’économie à partir des
seules relations techniques et des coefficients de consommation des ménages. Les prix relatifs
changent si et seulement si ces coefficients changent. Dans la mesure où l’ensemble des prix et
des quantités est déterminé simultanément, l’équilibre obtenu est un équilibre général.
En résumé, étant donnés les coefficients techniques établissant les relations structurelles entre
les quantités physiques dans le processus de production, le modèle de Leontief permet de
déterminer les quantités d’équilibre Q* et les prix d’équilibre P* à partir des relations

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matricielles suivantes : AQ = 0 et ATP = 0. Ce modèle est appelé le modèle fermé de Leontief.
Peu connu, il est le premier modèle (Leontief 1937a, 1941, 1951) et, d’un point de vue
théorique, l’un des plus complets. Ce modèle statique offre la photographie d’une économie
donnée à l’équilibre. Il peut servir pour raisonner en termes de statique comparative en
comparant l’équilibre prix-quantité (P*, Q*) pour certaines valeurs numériques des paramètres
structurels A, et l’équilibre (P’, Q’) quand ces paramètres ont été modifiés. On peut ainsi
examiner l’effet sur l’ensemble de l’économie d’un changement de productivité dans un secteur
donné.

À partir de la fin des années 1940, Leontief développe une formulation théorique d’un modèle
dynamique et commence à récolter les données appropriées. Dans le modèle dynamique, le
développement de l’économie est considéré dans le temps, d’une période à l’autre. Le lien
principal entre les périodes est la capacité de production, c’est-à-dire l’investissement et le stock
de capital fixe. On ne suppose plus que chaque secteur nécessite seulement du capital circulant
(les biens intermédiaires) et du travail, mais aussi du capital fixe. Dans un cadre input-output,
il n’existe pas de différence par nature entre capital fixe et capital circulant : tous les biens sont
potentiellement des biens de production à usage alternatif. En revanche, une partie de ces biens
est détruite dans le processus de production, ce sont les biens intermédiaires, tandis qu’une autre
partie est accumulée et forme un stock de capital fixe. D’un point de vue comptable, il faut alors
distinguer entre un tableau des biens consommés dans l’année pour la production ou la
consommation finale, c’est le tableau entrées-sorties standard, et un tableau des biens
accumulés, c’est le tableau du capital fixe. Pour chaque industrie, il devient possible de définir
la quantité nécessaire de biens intermédiaires requise par unité produite, les coefficients
techniques notés (aij), et la quantité nécessaire de biens de capital fixe, les coefficients de capital
notés (bij). Ces derniers coefficients forment la matrice des coefficients de capital B :
Une colonne de coefficients de capital décrivant le « stock »de bâtiments, de machines, ainsi
que le stock de matières premières, de pièces de rechange et autres fournitures utilisées par
un secteur particulier, représente ce qu’on appelle la structure du capital réel. (Leontief,
1966c, p. 148)

En reprenant notre petite économie fermée à trois secteurs, l’agriculture, l’industrie et les
ménages, on peut ajouter à la matrice des coefficients techniques une matrice des coefficients
de capital. En colonne, cette matrice B indiquera pour chaque secteur les stocks de capital requis

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de chaque bien, excepté le travail qui n’est pas considéré comme accumulable. En suivant
Leontief (1966c), on obtient, par exemple :

La première colonne de cette matrice indique « qu’il faudrait ajouter 0.20 unité de produits
agricoles et 0.01 de produits manufacturés aux stocks de capital détenus par l’agriculture si la
capacité de production de ce secteur devait être augmentée de manière à permettre un
accroissement d’une unité de sa production annuelle » (ibid., p. 151-152). Dit autrement, les
coefficients de capital interviennent uniquement quand un secteur connaît un accroissement de
la production qui nécessite une augmentation de sa capacité de production.
Le produit entre les coefficients de capital B = (bij) et le vecteur des accroissements des
productions sectorielles, noté ΔQ, donne une mesure des investissements dansl’économie20, I
= BΔQ. Le modèle dynamique s’écrit simplement en ajoutant cette quantité requise de biens
supplémentaires pour l’accroissement de la production aux équations d’équilibre emplois-
ressources amenant à AQ + BΔQ = 0. En introduisant le taux d’intérêt, noté ρ, on détermine les
prix relatifs par l’égalité ATP + ρBTP = 0.
Le modèle dynamique permet de décrire le développement d’une économie, pour chacun de ses
secteurs, période après période, année après année, aussi bien pour les flux annuels
(consommations intermédiaires, formation de capital fixe et consommation finale) que pour les
stocks de capital accumulés. Pour Leontief, « les relations structurelles entre les stocks et les
flux constituent la base théorique sur laquelle repose l’approche input-output de l’analyse
empirique du processus d’accumulation et de la planification du développement » (1966c, p.
148). Le type de relation établi par le dispositif input-output entre théorie et observation est
particulier, comparé notamment à celui mis en place par l’économétrie, et il convient
d’examiner en détail l’empirisme de Leontief.
Le dispositif input-output : une articulation particulière entre concepts et observations
Afin de saisir le projet de Leontief tel qu’il le présente dans « Les mathématiques dans la science
économique » (1954), il est important de prendre au sérieux l’articulation qui est établie entre
le tableau intersectoriel comme matrice comptable et le modèle mathématique input-output.
C’est une manière particulière d’établir le « branchement » entre les concepts théoriques et les
observations statistiques. Le modèle de Leontief, comme un modèle d’interdépendance des
secteurs en équilibre général, vise à expliquer pour chaque secteur le prix d’équilibre, Pi, et la
quantité physique produite Qi. Ensemble, ces données permettent d’expliquer les montants
observés dans les tableaux entrées-sorties et mesurés en unités monétaires (PiQi). Dans le

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modèle, les prix et les quantités sont organisés dans des matrices-colonnes, notées P pour les
prix et Q pour les quantités, et sont calculés à partir des coefficients techniques regroupés dans
la matrice structurelle, A. Dans le modèle fermé statique, on écrit AQ = 0 et ATP = 0. Les deux
tableaux ci-dessous exposent les données numériques du modèle dans le cas de notre économie
à trois branches.

Tableau 8. Tableaux des données input-output

Tableau intersectoriel en quantité physiques Matrice des coefficients techniques


(Qij) (Q) (A)
Secteur 1 Secteur 2 Secteur 3
Secteur 1 Secteu 2 Secteur 3 Production
totale (en
$) 0.25 0.40 0.1833
Secteur 1 : 25 20 55 100
Agriculture
quintaux
de blé 0.14 0.12 0.100
Secteur 2 : 14 6 30 50 mètres
Industrie
de tissu
Secteur 3 : 80 180 40 300 années 0.80 3.60 0.133
Ménages homme de
travail

Ce sont ces données numériques des tableaux input-output, qui sont implémentées dans les
matrices du modèle, comme celles des systèmes (2.4) et (2.5) ci-dessus.
Souvent, l’analyse input-output est soit assimilée exclusivement au tableau entrées-sorties seul,
soit exclusivement au modèle mathématique input-output. Si le premier réductionnisme est
aujourd’hui courant, le second a été le fait du tropisme des économistes mathématiciens des
années 1940-1960. Dans un cas comme dans l’autre, le résultat est de briser les relations de
correspondance entre les concepts du modèle mathématique et les mesures statistiques. Dit
autrement, développer le tableau intersectoriel dans une pure logique de comptabilité nationale
revient probablement à un meilleur enregistrement comptable des opérations économiques mais
risque de rendre les données non exploitables par un modèle économique. Inversement,
développer le modèle mathématique, de manière, par exemple, à rendre compte du choix des
techniques entre différentes activités possibles, peut conduire à un modèle dont les paramètres
et les variables ne sont plus mesurables par les tableaux input-output disponibles.

La réception de ce dispositif montre que, c’est bien l’articulation entre le tableau entrées-sorties
(TES) et le modèle mathématique qui a fait son succès en raison de la puissance de calcul qu’il
offre. Par ailleurs, réduire le dispositif input-output à l’un ou l’autre de ses composants, c’est
ignorer l’articulation particulière que Leontief établit entre concepts et données et qui est la

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raison d’être du dispositif tableau-modèle. Or c’est bien cette dernière que légitime son discours
méthodologique et l’article reproduit à la suite de notre essai. L’épistémologie de Leontief et
les recommandations méthodologiques qu’il en tire, trouvent leur légitimité et leur mise en
œuvre dans ce dispositif à travers cette articulation, simple et directe, entre les données
numériques du TES et le modèle input-output.

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