II. Eaux contaminées. À l'état liquide, l'eau constitue de 50 à 75 % du poids des végétaux, 70 % du poids du corps humain. Intimement intégrée dans des groupes fonctionnels, elle apparaît dans la dégradation de certaines substances comme les sucres. L'eau naturelle est en général souillée par des impuretés minérales et organiques, et pratiquement toujours par des gaz dissous (air et dioxyde de carbone CO2). Un litre d'eau à 20 °C dissout 19 millilitres d'air. Celui-ci s'y enrichit en oxygène (de 20,9 à 34 % en volume). L'eau de montagne contient surtout des produits minéraux mais peut être très pure. L'eau des plaines contient peu de dioxyde de carbone ; moins minéralisée, elle est souvent polluée par des substances organiques (albuminoïdes qui s'y dégradent) et par des micro-organismes. Les mers bordières, épicontinentales et intracontinentales contiennent de quelques grammes à plusieurs décagrammes de sels par litre d'eau. La salinité moyenne de l'océan mondial est de l'ordre de 35 grammes par litre. • La qualité d'une eau est caractérisée par sa dureté rapportée à la teneur en carbonate de calcium (CaCO3). À ce critère, on préfère souvent une étude complète de la composition ionique. • On traite les eaux naturelles en vue de l'obtention d'eaux potables et d'eaux à usage industriel ou agricole. L'eau potable peut contenir jusqu'à 600 milligrammes de sels par litre. L'eau des chaudières doit être de faible dureté. Figure : définition et exemple d’une mer bordière Figure: Exemple d’une mer épicontinentale Figure: Exemple d’une mer intracontinentale • La méthode la plus efficace de désionisation est l'échange d'ions. La distillation en récipient de silice et à l'abri de l'air (absence de dioxyde de carbone CO2) conduit à l'eau la plus pure, dite eau de conductivité. dessaler l’eau de mer de manière à la rendre consommable, c’est possible. On dispose même aujourd’hui de nombreux systèmes dont beaucoup ont atteint le stade industriel. Les deux procédés les plus couramment utilisés sont la distillation et l’osmose inverse. Leur principe est simple. La distillation consiste à évaporer l’eau de mer, soit en utilisant la chaleur des rayons solaires, soit en la chauffant dans une chaudière. Seules les molécules d’eau s’échappent, laissant en dépôt les sels dissous et toutes les autres substances contenues dans l’eau de mer. Il suffit alors de condenser la vapeur d’eau ainsi obtenue pour obtenir une eau douce consommable. Figure: Schéma d’un dispositif de dessalement d’eau de mer par distillation • L'osmose inverse nécessite quant à elle de traiter au préalable l’eau de mer en la filtrant et en la désinfectant afin de la débarrasser des éléments en suspension et des micro- organismes qu’elle contient. Le procédé consiste ensuite à appliquer à cette eau salée une pression suffisante pour la faire passer à travers une membrane semi-perméable : seules les molécules d’eau traversent la membrane, fournissant ainsi une eau douce potable. Figure: Schéma illustrant un dispositif de dessalement d’eau de mer par osmose inverse. L’inconvénient majeur de ces systèmes est qu’ils sont très coûteux. Les installations sont peu rentables : les quantités d’énergie nécessaires au chauffage ou à la compression de l’eau sont trop élevées, et les volumes d’eau produits trop faibles. L’utilisation de cette technique de production d’eau potable reste donc encore très marginale. • Les contaminations microbiologiques d’origine fécale sont principalement liées aux activités anthropiques : assainissement, élevage, eaux pluviales urbaines… • Ces contaminations entraînent des risques sanitaires pour les activités littorales comme la conchyliculture ou la baignade. La majorité de ces TIAC (Toxi-infection alimentaires collectives) sont d’origine bactérienne ou virale, mais les phycotoxines, ou certains parasites pathogènes pour l’homme peuvent être incriminés. Virus
• Parmi les virus incriminés, les plus fréquents
sont les Norovirus et l’Hépatite A. Les Norovirus sont reconnus comme le principal agent des épidémies transmises par la consommation de coquillages et sont à l’origine de 43% des épidémies mondiales (AFSSA, 2008). • Le virus de l’Hépatite A représente 25 % des épidémies mondiales associées à la consommation de coquillages (AFSSA, 2008). • Ce virus est à l’origine d’épidémies massives. La plus importante épidémie liée à la consommation de coquillages jamais décrite est une épidémie d’hépatite A responsable de 300 000 cas (dont 47 décès) survenue à Shanghaï en 1988 (Tang et al, 1991 ; Halliday et al, 1991 ; Xu et al, 1992 ; Cooksley, 2000). Bactéries
Parmi les bactéries, les salmonelles et les
vibrions sont les agents pathogènes le plus souvent incriminés au niveau mondial. • Les vibrions isolées lors des épidémies liées à la consommation de coquillages sont principalement Vibrio parhaemolyticus, Vibrio cholerae O1, Vibrio vulnificus et Vibrio hollisae. • Salmonella a également été identifiée dans les TIAC liées à la consommation de coquillage. • Les coquillages ont, au 19ème et début du 20ème siècle, été à l’origine de grandes épidémies de fièvre typhoïde en Europe (Desenclos, 1996 ; Morabia et Hardy, 2005) et aux États-Unis (Allen, 1899). Shigella, Listeria, Campylobacter sont d’autres bactéries qui peuvent être à l’origine d’épidémies de la consommation de coquillages. • Les Phycotoxines sont elles responsables de 24% des cas de TIAC à coquillages, et 9% des cas sont d’origine inconnue. • Il est à noter que les parasites pathogènes comme Cryptosporidium, Giardia et Toxoplasma gondii ne paraissent pas impliqués dans les TIAC, mais probablement par défaut de recherche spécifique de ces agents comme cause d’infection (AFSSA, 2008). En effet, leur présence est avérée dans les coquillages (Schets et al, 2007 ; Li et al, 2006). • L’épidémie du choléra au Yémen (2017-2018) a été enregistrée comme l’épidémie la plus dangereuse jamais décrite avec plus de 500000 malades et plus de 2000 morts. Eaux minérales naturelles
L'eau dans la nature n'est jamais totalement
stérile. Dans la nappe souterraine des sources même les mieux protégées, l'eau en mouvement constant contient toujours en quantité variable mais limitée, un certain nombre de germes ne dépassant que rarement le nombre de 1 à 10 bactéries par millilitre. Lorsque cette eau est captée et mise en bouteilles, elle passe dans un système fermé en "vase clos". La flore s'y multiplie naturellement conformément à la physiologie des microorganismes qui la composent. Ce sont des bactéries oligotrophes, capables de se développer en présence de substances organiques à l'état de traces. Maladie Microorganisme pathogène
Fièvre typhoïde et paratyphoïde Salmonella tiphy
Salmonella paratyphy A et B
Dysenterie bacillaire Shigella sp.
Choléra Vibrio cholerae
Gastro-entérites aiguës et diarhées Escherichia coli entérotoxinogène
Campylobacter jejuni/coli
Yersinia enterocolitica
Salmonella sp.
Shigella sp.
Tableau: maladies d’origines bactérienne et microorganismes
responsables. Maladie Virus pathogène
Hépatite A et E Virus de l’hépatite A et E
Poliomyélite Virus poliomyélitique
Gastro-entérites aiguës et diarrhées Virus de Norwalk
Rotavirus
Astrovirus
Calicivirus
Adenovirus
Tableau: Maladies d’origines virales et leurs virus responsables.
Maladie Parasite pathogène
Dysenterie amibienne Antamoeba histolitica
Gastro-entérite Giardia lamblia
Cryptosporidium parvum
Tableau : Maladies d’origine parasitaire et leurs parasites
pathogènes responsables. Les légionelles La présence de certaines espèces bactériennes comme Legionella pneumophila, Pseudomonas aeruginosa doit être analysée avec une certaine prudence. Depuis 1976, date à laquelle la maladie des légionnaires a été individualisée cliniquement au cours de la fameuse épidémie de Philadelphie, on s'est particulièrement intéressé à l'écologie des Legionella (Leclerc, 1986). Ce sont des bactéries thermophiles que l'on peut retrouver dans les eaux des stations thermales à des taux de 103 à 106 colonies par litre comme le signalent Bornstein et coll. (1987). Figure: Schéma illustrant le cycle infectieux de Legionella pneumophila. Il apparait donc clairement, que les dispositions concernant l'usage de l'eau minérale dans les stations thermales doivent être établies en tenant compte de ces incidences épidémiologiques. Le risque éventuel dû à la présence de Pseudomonas aeruginosa doit être évalué avec le même souci, d'autant que le rôle entéropathogène de cette bactérie paraît, dans l'état actuel des connaissances, assez mal défini (Pollack, 1984). Masson et Michel (1978) ont montré que ce germe pouvait se multiplier abondamment dans les eaux minérales embouteillées, mais sa croissance serait en partie inhibée par la flore autochtone (Gonzalez et coll.,1987b). Veron (1989) cite une entérite d'origine hydrique dite fièvre de Shanghaï, qui présenterait un tableau clinique de fièvre typhoïde et surviendrait de façon épidémique ; elle aurait été provoquée par de l'eau de boisson contaminée par Ps. aeruginosa. Le travail de Dive et coll. (1979) réalisé sur les eaux d'alimentation et les eaux embouteillées (y compris les eaux minérales naturelles) a permis de confirmer l'absence générale d'amibes pathogènes et la grande dispersion naturelle des amibes non pathogènes dans le milieu aquatique et dans les eaux d'alimentation. Flore bactérienne autochtone
L'analyse microbiologique des eaux minérales à
l'émergence a toujours révélé la présence de quelques bactéries cultivables (<10 par ml d'eau). Après l'embouteillage, ce taux évolue normalement pour atteindre en quelques jours selon les cas 1000 à 100000 bactéries par millilitre. Les niveaux atteints différeraient peu d'une source à l'autre, mais dépendraient plutôt du matériau (verre ou polychlorure de vinyle (PVC)), et surtout des conditions de dénombrement (milieu de culture, température et durée d'incubation). Croissance bactérienne dans les eaux minérales
Pour accroître leur masse et se multiplier, les
bactéries doivent trouver dans l'eau minérale les éléments nutritifs nécessaires : une source d'énergie, une source de carbone, d'azote et des éléments minéraux : phosphore, soufre, potassium, magnésium, manganèse, fer, calcium, sodium... Les principaux types métaboliques sont définis classiquement en fonction des composés donneurs d'électrons et des composés accepteurs d'électrons. L'énergie des bactéries provient de l'oxydation des composés réduits (donneurs d'électrons) qui peuvent être organiques ou minéraux (hydrogène ou composés réduits de l'azote, du soufre, du fer ou du carbone). Si l'on analyse les constituants des eaux minérales naturelles, on observe que les donneurs d'électrons ne peuvent être que des substances organiques tandis que l'accepteur d'électrons ne peut être que l'oxygène. Les seules bactéries susceptibles de se multiplier appartiennent donc aux organotrophes aérobies (Leclerc et Mossel, 1989). L'aliment organique, source d'énergie est en même temps la source de carbone obligatoire. De ce point de vue, les bactéries sont appelées hétérotrophes pour les opposer aux bactéries autotrophes qui, au contraire, peuvent utiliser le CO2 de l'air, comme seule source de carbone pour leur nutrition. Parmi les bactéries marines, Martin et MacLeod (1984) distinguent les bactéries oligotrophes qui ont une croissance lente lorsque les concentrations de nutriments sont basses, des bactéries "eutrophes" ou "copiotrophes" qui ne se développent qu'en présence de hautes teneurs en composés nutritifs mais qui peuvent survivre dans les conditions précédentes. Par ailleurs, les bactéries des eaux minérales ne nécessitant pas de facteurs de croissance pour leur développement sont qualifiées de prototrophes (Leclerc, 1990a). Les souches possédant une vitesse de croissance lente à très lente sont majoritaires, ce qui constitue une caractéristique physiologique typique des bactéries isolées dans les eaux minérales (Schwaller et Schmidt- Lorenz, 1981 ). Du point de vue de la température, toutes ces bactéries sont psychrotrophes, c'est-à-dire qu'elles peuvent se développer à des températures relativement basses de l'ordre de +4°C et que pour la plupart, leur température optimale de croissance se situerait aux environs de 28°C beaucoup d'entre elles sont incapables de se multiplier à +37°C, et à fortiori (à plus forte raison) à +42°C (Richard et Morita, 1975 ; Schwaller et Schmidt-Lorenz, 1982). Le dénombrement des cellules bactériennes contenues dans l'eau minérale est habituellement réalisé sur des milieux gélosés dont la nature et les conditions d'incubation influeront notablement sur le résultat (Stolp et Starr, 1981 ; Witzel et coll., 1982 ; Williams et coll., 1984). Le milieu proposé par Reasoner et Geldreich en 1985, a constitué un progrès indiscutable dans ce domaine (Staley, 1985 ; Edberg et Smith, 1989). Le nombre de colonies observables étant de loin supérieur à celui obtenu avec tous les autres milieux décrits, le milieu de Reasoner et Geldreich semble être le plus approprié à l'étude de la flore des eaux de boisson.