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UE 1.1.

S1
LE DÉVELOPPEMENT DE LA
PERSONNALITÉ
-
L’ENFANT DE 6 A 11 ANS

Véronique Gilbert
Psychologue clinicienne
Hôpital Necker-Enfants Malades
Introduction :

-> un grand défi : l’entrée dans le monde des


« grands »
= début officiel de l’expression des
capacités d’apprentissage de l’enfant

apprendre = thème dominant


//
une affectivité moins débordante
en apparence… !
I. L’évolution psycho-affective pendant la
période de latence :

Longtemps, on a pensé à l’enfant d’âge scolaire comme


un enfant épanoui, sans conflits, paisible…
= image projetée par les adultes, résultat de leur
propre travail de refoulement
OR les faits sont bien plus contrastés !
C’est en tout cas une période capitale pour le
développement psychique et la préparation aux
remaniements de l’adolescence
1. Définition :

Période concernée : du déclin de la sexualité infantile


jusqu’à la puberté, donc environ de 6 à 11-12 ans.
Caractéristiques principales :
- les activités sexuelles diminuent
- désexualisation des relations d’objet et des
sentiments
- apparition de sentiments comme le dégoût, la
pudeur…
- apparition d’aspirations morales, esthétiques
Le refoulement s’intensifie -> amnésie infantile
Définition du refoulement : « opération par laquelle
le sujet cherche à repousser ou à maintenir dans
l’inconscient des représentations (pensées, images,
souvenirs) liées à une pulsion »
= processus défensif normal, universel

=> développement psychosexuel dit « biphasé »


Donc sortie de la période mouvementée de l’Œdipe pour
aborder la latence, vers 6-7 ans.

2. Reprise rapide du conflit oedipien :


Ce conflit doit s’apaiser pour rendre l’enfant disponible pour
les apprentissages.
L’enfant voit ses vœux oedipiens insatisfaits = blessure
narcissique : immaturité (mais promesse oedipienne)
Donc temps d’arrêt entre 2 poussées de la libido:
- celle de la période pré-génitale (pré-oedipienne et
oedipienne)
- celle de la puberté
Rappel :
- le garçon SORT de l’Œdipe sous l’effet de la
menace de la castration
- la fille ENTRE dans l’Œdipe sous l’effet du
complexe de castration => recherche du pénis puis de
son équivalent, un enfant, auprès du père
Elle en sort par crainte de perdre l’amour de sa mère.

=> formation du Surmoi (chez les deux) par


intériorisation des interdits
Attention : il s’agit bien d’une période, d’une phase, et
non d’un stade, car il n’y a pas de nouvelle
organisation de la sexualité

3. Que devient la pulsion ?


La pulsion sexuelle ne disparaît pas MAIS
son énergie est détournée vers d’autres buts
= sublimation
Définition de la sublimation : « la pulsion sexuelle est
dite sublimée dans la mesure où elle est dérivée vers
des buts non sexuels et des objets socialement
valorisés

Comme elle ne disparaît pas, il faut s’en défendre


plus « énergiquement » => formations réactionnelles
(attitude psychique de sens opposé à un désir refoulé
et constitué en réaction à celui-ci)

Sublimation + formations réactionnelles


= les digues psychiques (Freud)
qui servent à lutter contre 3 sortes de « dangers » :
- le danger pulsionnel (pré-génital et génital)
- le danger intérieur (Surmoi)
- le danger extérieur (réalité)
=> enfant plus fragile (psychiquement jusque
vers 8 ans
=> angoisse de séparation ravivée, peur de la
mort…
Puis les choses s’apaisent : poussées sexuelles moins
fortes, Surmoi moins rigide, satisfactions tirées de la
vie réelle, défenses plus solides
4. Les autres défenses à la latence :

* La régression :
retour temporaire vers la pré-génitalité, rassurante
car connue
MAIS période maintenant frappée d’interdit après la
traversée de l’Œdipe => s’adapter autrement

* La projection :
« Expulsion hors de soi et localisation chez l’autre de
qualités, de sentiments, de désirs que l’on méconnaît
ou refuse en soi »
Plus forte en début de latence = projeter vers
l’extérieur les pulsions non encore assez refoulées
* L’inhibition :
Normale à la latence, concerne toute activité trop
connotée du côté de la sexualité
Attention à une inhibition trop faible
(fonctionnement pulsionnel, pas de gestion du conflit
psychique)
trop forte (invalidante
car paralyse toute activité)

* L’obsessionnalisation des conduites :


Normale aussi, se montre davantage en 2ème partie de
latence.
Il s’agit toujours de tenter de maîtriser la pulsion
Là aussi, attention si elle est trop faible (risques de
passages à l’acte comme absence de « gestion » de la
pulsion)
trop forte (étouffe tout
le fonctionnement psychique)

* L’activité fantasmatique :
Normale aussi, se montre davantage en 2ème partie
de latence.
Il s’agit toujours de tenter de maîtriser la pulsion
=> développement des grands fantasmes
structuraux tels que le roman familial
C’est une activité intense de symbolisation
DONC : l’enfant vit une période en général plus
calme, et pose moins de problèmes à son
entourage

Ciccone -> période également caractérisée par


les processus d’autonomisation (cf + loin),
question qui infiltre toute la vie quotidienne de
l’enfant en période de latence
II. La position d’apprentissage :
enjeux narcissiques :

Conditions du « pouvoir apprendre » : des


représentations suffisamment désexualisées

1. Le développement de l’intelligence :

-> capacités de classification (tri, critères)


= logique, abstraction, rigueur
-> capacité de décentration
-> notions de temps (scansion), d’espace, distance
-> dénombrement
Vers 7 ans :
-> latéralisation
-> réversibilité
-> notion de mort

De 7 à 12 ans :
-> élaboration de la pensée, établissement de liens
entre divers événements
-> développement de la motricité (coordination des
mouvements, schéma corporel)
= intelligence opératoire de Piaget
2. Apprentissage, confiance et estime de soi :

Enjeux : * devenir compétent


* éviter le sentiment d’infériorité (échec)

Ne pas sous-estimer l’impact narcissique et


affectif de la rencontre avec le principe
d’évaluation
l’enfant est encore très porteur
des attentes parentales
3. Projections parentales :

- porteur des projections idéales ET des angoisses


- conforter / réparer le narcissisme parental
Nécessité d’une fierté réciproque entre l’enfant et
ses parents => tonalité très narcissique des relations
à cette période
=> déstabilisation facile
Une sur-stimulation peut entraîner un
retentissement:
- sur la vie fantasmatique (angoisses, troubles du
sommeil, de l’alimentation…)
- et possiblement sur les fonctions physiologiques
(états dépressifs, burn-out…)
Aparté sur le Moi à la latence :

. L’équilibre entre les instances psychiques est remis


en cause (Ça plus discret, Surmoi qui vient renforcer
le Moi)
. Ce que vit l’enfant dans la réalité peut conforter
ou fragiliser l’image de lui-même
. L’enfant a besoin de s’identifier à un parent pour
devenir comme lui => idéalisation des imagos
parentales, avec lesquelles les relations se
désexualisent partiellement
. L’enfant trouve aussi à l’extérieur de la famille des
espaces hors de la problématique oedipienne, qui vont
également soutenir son sentiment d’identité
4. Estime de soi et confiance en l’autre :

* Importance de la qualité des expériences


relationnelles précoces
=> supporter le risque narcissique
de la position d’apprentissage
= différer le plaisir + supporter la réalité
immédiate
* Confiance en l’autre primordiale également
=> si l’on rate, il ne va pas s’effondrer
cf l’objet d’étayage de Winnicott (moi-auxiliaire)
III. Développement psycho-social :

1. La bande de copains :

La décentration affective devient possible MAIS


on ne se mélange pas ! CAR :
- évitement des excitations
- fragilité identitaire qui nécessite un « repli » sur
les relations qui servent les processus d’identification
=> être différent (protéger l’activité psychique)
// semblable (conforme)
2. Relations aux autres adultes :

* Investissement ambivalent : entre


autonomisation et dépendance
* Découverte d’autres organisations familiales =>
questionnement du fonctionnement de sa propre
cellule familiale

3. Le temps de l’ambivalence :

* Le coût psychique du « penser seul » = s’éloigner


des parents => va-et-vient entre des positions
contraires
= travail non exempt d’angoisses
+ blessure narcissique ré-éprouvée : il n’est pas unique
ni exceptionnel
besoin de phases de repos, de
ré-assurance, donc souvent de
régression
= un retour régulièrement possible vers
sa base de sécurité
=> s’assure également que l’investissement tendre
de ses parents ne se dément pas lorsqu’il s’éloigne
…. avant « le coup de tonnerre dans un ciel serein » !
Et la latence de nos jours ?
Travail de Chagnon -> 3 plans d’analyse de la période
de latence aujourd’hui :
* Surplus d’excitations de la société actuelle :
Favorise les modalités de décharge aigues
(motrices), d’autant que les structures familiales
contemporaines sont moins pare-excitantes
* Les exigences narcissiques parentales :
Car baisse de l’autorité, carence paternelle,
désinstitutionnalisation de la famille => augmentation
des exigences narcissiques dont le poids est
potentialisé par le refus du conflit (ne pas perdre
l’amour du parent)
* L ’effacement des limites liées à l’autorité :
Effacement relevant de conduites de séduction
narcissique et d’emprise parentale => difficulté à
s’autonomiser autrement que par des formes violentes
 augmentation des passages à l’acte au détriment de
la pensée, diminution de l’efficacité de la culpabilité
 augmentation de l’intolérance à la frustration,
l’attente
 fonctionnement plus fréquent selon le principe de
plaisir
 dépendance plus forte aux objets externes (peu de
vie intérieure)

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