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QUI EST NADJA?

...« C'est si grand M'amour cette union de nos deux âmes, si profond et si froid cette (sic)
abîme où je m'enfonce sans jamais rien attendre s'en rien étreindre de l'au-delà, et puis
quand je reviens toi tu es là et tes grands yeux me fixent et je te touche te reviens, tu es
tout ce qu'il y a de mieux et je t'étreins toi, toi tu es là, mais la mort elle aussi est là, oui
elle est là derrière toi... ».
« Mon chéri. Le chemin du baiser était beau n'est-ce pas. Et Satan fut si tentant... Mais
qu'est-ce que cela après avoir passé une nuit noire... noire ?... ou blanche ! Vraiment je
ne sais plus... Mais je redescends toujours seulette l'escalier qui a conduit au bonheur »...

... « Mon feu. J'aurai voulu vous téléphoner mais, je suis par trop nerveuse et je crains de
vous sentir anxieux. Je ne sais ce qui me donne ces idées. C'est peut être d'avoir trop
pensé - ou pas assez - puisque je ne sais... Je n'ai pourtant plus de force - oh tant pis - ce
n'est pas assez, j'aurai voulu savoir, savoir ce que tu penses, mon adoré... pardonnes tu
sais que je suis ton esclave et que tu es mon tout mais je veux encore plus, je voudrais
prendre toutes tes peines, souffrir à ta place je veux que tu sois heureux. Tu es fort,
beau, bon, il faut aussi que tu sois le maître et que tous te respectent comme je t'aime
»...
« Il pleut encore, ma chambre est sombre, le cœur dans un abîme ma raison se meurt »...
« Merci, André j'ai tout reçu... je ne veux pas te faire perdre le temps nécessaire à des
choses supérieures - tout ce que tu feras sera bien fait - que rien ne t'arrête - il y a assez
de gens qui ont mission d'éteindre le Feu... il est sage de ne pas s'appesantir sur
l'impossible »...

1° Quelques menues remarques : Nadja….


*Celle qui donne son titre au livre….
*Dont le nom est exotique et féminin du fait du redoublement
de la voyelle "a"
*qui n'occupe qu'une place limitée dans l'ensemble du texte
*qui occupe une position centrale
*qui apparaît à retardement
*qui apparaît et qui disparaît
*qui n'est donc qu'une passante
*qui est annoncée
*qui annonce
*et cette question extraordinaire que pose Breton dans
l'épilogue de ses rencontres avec Nadja -question dont on pourrait
attendre qu'il puisse l'instruire avec suffisamment d'éléments : "Qui est la
vraie Nadja…. 113

On ne s'occupe pas de la personne de Nadja, de la Nadja réelle, mais de la


Nadja telle qu'elle apparaît dans l'œuvre de Breton

2° Portrait de Nadja ou tentative pour "fixer" Nadja


a) ce que le texte dit de son physique

-Au bilan assez peu de choses. On ne saura jamais


vraiment à quoi ressemble Nadja. Breton n'a jamais fait le portrait de
Nadja. Pori savoir à quoi elle ressemble, il faut tacher de rassembler
quelques maigres informations. Evidemment, on connaît les réticences de

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Breton à l'égard de la description, sa volonté de remplacer la description
littéraire par la photographie, pourtant il n'a pas jugé bon dans l'édition de
1928 de faire figurer une image de Nadja ; il a fallu attendre l'édition de
1962 pour voir apparaître une image de Nadja, mais singulière ;
photographie métonymique puisque les "yeux de fougère" valent pour
Nadja… Nadja mais incomplète et encore plus déréalisée du fait du
montage-photo… Encore plus déréalisée qu'en 1962… Nadja est déjà
morte…. Nadja est donc une sorte de fantôme… Elle échappe à ce qui
veut, essaye, prétend la fixer ou la figer…. Tout juste hante-t-elle le livre
de Breton… Nadja est à ce point passante que Breton n'a pas voulu la
saisir. En tous les cas, le parti pris de Breton "déréalise" Nadja, lui ôte son
corps, sa présence charnelle, sa présence terrestre, terrienne, son poids…
Nadja en devient légère, aérienne, oiseau sans aucun doute : "J'ai pris, du
premier au dernier jour, Nadja pour un génie libre, quelque chose comme
un de ces esprits de l'air que certaines pratiques de magie permettent
momentanément de s'attacher, mais qu'il ne saurait etre question de se
soumettre" 112

-Quelles informations nous donne le texte ? :


*que Nadja est blonde (page 64) que ses cheveux
sont couleur "avoine" 72)
*que Nadja est jeune (64)
*que Nadja est frêle (64)
*Breton évoque de manière vague son visage et
son sourire (64)
*En revanche, une particularité du physique de
Nadja devient un thème : celui des yeux de Nadja. La première mention
des yeux est accompagnée d'un jugement absolu de Breton : "Je n'ai
jamais vu de tels yeux" (64). Mais on se rend vite compte que Breton est
moins préoccupé par les yeux "réels" de Nadja (couleur, forme…sinon le
très métaphorique ""yeux de fougère" 112) que par le fait qu'ils sont
comme des écrans, comme un lieu d'activité intense.
Les yeux de Nadja sont moins des moyens de voir
le réel que des moyens d'accéder à autre chose : "Que
peut-il bien passer de si extraordinaire dans ses yeux ?"
65.
Trois autres exemples indiquent bien le double
"fonctionnement" des yeux de Nadja : "A la fin du second quatrain ses
yeux se mouillent et se remplissent de la vision d'une forêt" (72). Les
larmes semblent presque convoquées pour "laver" les yeux du réel et de
les préparer ainsi à l'autre vision…
Le second est indiqué par Nadja elle-même
lorsqu'elle évoque le jeu auquel elle se livre : "Un jeu : Dis quelque chose.
Ferme les yeux et dis quelque chose. N'importe, un chiffre, un prénom.
Comme ceci (elle ferme les yeux)(74). Fermer les yeux au réel, c'est se
donner la possibilité d'une autre vision…
Le troisième exemple est à nouveau donné par
Nadja lorsqu'elle évoque sa fille : "avec cette idée de toujours enlever les
yeux des poupées pour voir ce qu'il y a derrière ces yeux" (88)

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Breton va meme plus loin dans l'épilogue du
journal des rencontres avec Nadja : pour lui, il y a un avant et un après
Nadja :"J'ai vu ses yeux de fougère s'ouvrir (en italiques) le matin sur un
monde où les battements des ailes de l'espoir immense se distinguent à
peine des autres bruits qui sont ceux de la terreur et, sur ce monde, je
n'avais vu encore que des yeux se fermer" 112

b) ce que le texte dit de son être social


*difficultés d'argent : "m'entretient bien avec
insistance de difficultés d'argent qu'elle éprouve" 64 "l'argent me fuit"
(91) "sa situation matérielle est tout à fait désespérée" (91) "en butte aux
menaces du tenancier de son hôtel et à ses suggestions effroyables"
*son apparence vestimentaire médiocre : assez
grand dénuement de sa mise" 65 ; "elle tremblait hier, de froid peut-être.
Si légèrement vêtue." (89)
*son souci de travailler :
*la mention de ses "protecteurs" : Nadja n'hésite
jamais à évoquer les hommes de sa vie : le jeune étudiant lillois (65); le
"Grand Ami" (73; l'Américain (73), l'homme qui s'est offert de l'épouser
(88), le président d'assises ce "G"
*le déclassement social :
-la prostitution : "elle ne fait aucun mystère
du moyen qu'elle emploierait, si je n'existais pas, pour se procurer de
l'argent… (91) "Sans lui -son grand ami- je serais maintenant la dernière
des grues" (99)
-le trafic de drogue : "deux jours plus tard, je
ramenais près d deux kilos de drogue dans mon sac" (91)
-la consommation occasionnelle de drogue :
"Je l'ai gardée pour moi. Je te jure que depuis longtemps c'est fini" (92)
-la violence qu'elle suscite : ""Une histoire de
coup de poing en plein visage qui avait fait jaillir le sang, un jour, dans un
salon de la brasserie Zimmer, de coup de poing reçu d'un homme à qui
elle se faisait le malin plaisir de se refuser…" (114)

On pourrait multiplier les allusions à des épisodes de la vie


"réelle" de Nadja, on pourrait dire à la vie triviale ("reprise par le tourbillon
de la vie" comme l'écrit breton à la page 115) de Nadja : on la verrait
empetrée dans les problèmes d'une vie banale, bien peu glorieuse. En fait,
Nadja de Breton offre l'image d'un femme double : cette "duplicité " de
Nadja est mise en évidence par Breton à la page 113-114 : Nadja est-elle
-"inspirée et inspirante qui n'aimait qu'être
dans la rue, pour elle seul champ d'expérience valable, dans la rue, à
portée d'interrogation de tout être humain lancé sur une grande
chimère…"
-"celle qui tombait (en italiques) parfois parce
que d'autres s'étaient crus autorisés à lui adresser la parole, n'avaient su
voir en elle que la plus pauvre de toutes les femmes et de toutes la plus
mal défendue ?" 114

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à la fois libre et prisonnière (l'internement final de Nadja offrant
l'image la plus aboutie malheureusement de cet enfermement);
à la fois aérienne, légère et lourde;
à la fois ascendante et tombante. ("le monde de Nadja où tout
prenait si vite l'apparence de la montée et de la chute" 135) ("Je ne
voulais pas mourir mais j'éprouvais un tel vertige… Je serais certainement
tombée si on ne m'avait pas retenue" 82)
à la fois extraordinaire et banale ("les péripéties les plus
lamentables de sa vie" 135)
Cette double caractérisation de Nadja
-motive la brièveté et l'impossibilité de la relation de
Breton et de Nadja ("à vrai dire nous sommes nous jamais entendus" 134)
-motive l'imperfection de Nadja qui à ce titre ne fait
qu'annoncer l'X de la troisième partie
-diminue, réduit la culpabilité de Breton
-explique que la Femme idéale doit parler à l'esprit et au
cœur du poète. Nadja ne convenait à Breton qu'intellectuellement

3° Où l'on constate que Nadja est fuyante, insaisissable


La tentative pour cerner Nadja a fait long feu. Insaisissable,
erratique, fantomale, errante, passante, telle est Nadja. Voyons quelle
formes prend ce motif, ce thème

Remarquons d'emblée que le caractère fuyant, insaisissable de


Nadja se repère aux "noms" de l'héroïne :
-Nadja est le nom qu'elle se donne et qui est un nom
d'emprunt
-Léna par l'ami américain " (73)

a) Nadja erre
-c'est un motif qui va être récurent et qui caractérise on
ne peut mieux Nadja
-la rencontre initiale dans la rue : "venant en sens
inverse, en marchant, elle se rend…(64)
-la réponse à la question de Breton "Qui est-vous ?" et la
réponse de Nadja "Je suis l'âme errante" (71)
-son occupation du soir :"le soir, vers sept heures, elle
aime à se trouver dans un compartiment de métro" 68
-l'endroit où elle dîne : "mais là ou là, où je suis, voyons"
71
-la rencontre du 6 octobre : "Une des premières
passantes que je m'apprête à croiser est Nadja" (76)
-la rencontre du 7 octobre : "Soudain, alors que je ne
porte aucune attention aux passants, je ne sais quelle rapide tache, là, sur
le trottoir de gauche, à l'entrée de la rue Saint Georges, me fait presque

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mécaniquement taper au carreau. C'est comme si Nadja venait de passer"
(90)
-l'évocation bilan de Nadja : "je veux dire la créature
inspirée et inspirante qui n'aimait qu'être dans la rue, pour elle seul
champ d'expérience valable, dans al rue, à portée d'interrogation…" (113)

b) Nadja est "différente" n'est pas comme les autres


Lors de leur première rencontre, Breton met tout de
suite en évidence ce motif de l'extrême singularité de Nadja. Nadja
échappe aux règles communes ; on ne peut la "saisir" si on l'observe
comme si elle appartenait à la communauté…

-"la tête haute, contrairement à tous les autres passants"

-le 10 ocotbre : "(au restaurant Delaborde) : "le garçon


se signale par une maladresse extrème : on le dirait fasciné par Nadja" 97

En dépit de ses tentatives de s'intégrer dans le tissu


social, de ses tentatives pour être comme tout le monde, Nadja semble
n'appartenir à aucun groupe, à aucune classe. Nadja est "désenchaînée"
(page 69 expression de Breton); Plus loin, Breton la décrit encore comme
"libre de tout lien terrestre"

c) Nadja est un être de théâtre :


-annoncée par l'Etreinte de la pieuvre
-annoncée par Les détraqués
-son entrée dans le roman est théâtrale
-"curieusement fardée" (64) et breton ne peut
s'empêcher de rapprocher alors Nadja de Blanche Derval dans le rôle de
Solange et d'évoquer le théâtre
-le pseudonyme qu'elle se choisit : "elle me dit son nom,
celui qu'elle s'est choisi" 66
-les mensonges à sa mère à propos des sœurs de
Vaugirard 67
-sa seconde rencontre : "Nadja n'est plus la même" 72
-l'adresse qu'elle donne lors de la rencontre du 6 octobre
: "adresse du Théâtre des Arts" (78) ; l'Hotel où elle descend et où Breton
la retrouve : "Hotel du théâtre", rue de Chéroy (94)
-l'identification au personnage d'Hélène du Poisson
Soluble : "lui donne l'impression d'y avoir participé vraiment et d'y avoir
joué le rôle, pour le moins obscur, d'Hélène" (79) (CF. la note de la page
79 "Hélène c'est moi dit Nadja")

-le travestissement : "Nadja qui a rejeté un pan de sa


cape sur son épaule se donne , avec une étonnante facilité, les airs du
Diable, tel qu'il apparaissait dans les gravures romantiques…" (102)

-en général, tous les "roles" qu'elle pense avoir joué


(dans la suite de Marie-Antoinette, Mme de Chevreuse…)

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d) Nadja est difficile à comprendre, est énigmatique

-son assimilation au Sphinx "énigme que pose le début


de sa confession" 65 ; le rapprochement que suggère Nadja elle-même
dans le choix qu'elle fait de l'épisode des Pas perdus (L'esprit nouveau qui
raconte la rencontre entre Aragon, Breton et une femme inconnue "ce
véritable sphinx" (77)

-la rencontre du 6 octobre : "se montre incapable


d'expliquer sa présence dans cette rue"; "Nadja observe envers moi
certaines distances, se montre soupçonneuse"

-les modalisateurs que Breton est contraint d'employer


pour décrire Nadja ou pour formuler sur elle des hypothèses : "(une
certaine lutte paraît aussi se poursuivre en elle" 78) ("une certaine
confusion a du s'établir dans son esprit" 79) "mais ceci, semble-t-il,
plutôt en manière d'excuse et pour expliquer l'assez grand dénuement de
sa mise"…(65) "Peut-Être n'a -t-elle rien moins voulu faire que l'apologie
du travail" (70) "c'est ainsi qu'elle retourne mon chapeau, sans doute pour
y lire les initiales de la coiffe, bien qu'elle prétende le faire
machinalement…" (76) "une certaine lutte paraît aussi se poursuivre en
elle" (78) "une certaine confusion a du s'établir dans son esprit" 79
"Devant nous fuse un jet d'eau dont elle paraît suivre la courbe…" 87
"Elle reste quelques instants silencieuse, je crois qu'elle a les larmes aux
yeux." (à propos des baisers envoyés par des hommes, le soir du 12
octobre) "elle reçoit avec complaisance ces sortes d'hommages. Ils ne lui
manquent jamais et elle paraît y tenir beaucoup." 109

-les alternances chez Nadja de volubilité et de retenue ;


à certains moments, Nadja s'épanche, étale sa vie (passée surtout) et à
d'autres moments, se tait, peut-être "ment" et refuse de parler ou se
refuse : "La conversation est pourtant devenue plus difficile et commence,
par ne pas aller, de sa part, sans quelques hésitations" (72) ; "elle me dit
être à la recherche de bonbons hollandais" (76) "Nadja observe envers
moi certaines distances, se montre soupçonneuse" (76) "ceci dit, elle se
montre très réticente" 91

-Autre trait du caractère énigmatique de Nadja, ce sont


les énoncés sibyllins qu'elle profère comme si elle était une prophétesse
inspirée : Breton en donne toute une série aux pages 116-117

e) Nadja "égarée

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-Il apparaît rapidement qu'on attrape pas Nadja
aisément, qu'elle échappe à qui veut la fixer, la tenir, l'immobiliser. Elle-
Même semble le plus souvent "perdue". Bien entendu, ce thème de
l'égarement culminera dans la folie où Nadja se perd vraiment ; mais bien
avant, cette "chute" dans la maladie mentale, Nadja apparaît souvent
comme égarée…. Ne se définit-elle pas elle-même comme une "âme
errante", s'assimilant au fantôme qui, hantant tel ou tel lieu, n'a pas de
place à lui où reposer ; qui, hantant telle ou telle personne, n'a pas de
"personnalité" propre

-au 8 octobre : "je redoute plus que jamais sa


disparition…" 94

-le matin du 9 octobre : "A la personne venue à


l'appareil, qui lui demandait de ma part comment l'atteindre, elle a
répondu : "On ne m'atteint pas" 96

-Breton finit par le comprendre qui écrit : ""Que puis-je


faire sinon me rendre vers six heures au bar où nous nous sommes déjà
rencontrés? Aucune chance de l'y trouver, naturellement que… Mais "à
moins que…" n'est-ce pas là que réside la grande possibilité d'intervention
de Nadja?" 90

-ce sont les "retards" de Nadja ou les évitements : "De


plus Nadja est arrivée en retard et je ne m'attends à rien d'exceptionnel
de sa part" 105

-dans l'épilogue au journal des rencontres, Breton revient


sur l'aptitude de Nadja à se "perdre" "je sais que ce départ (en italiques),
pour Nadja, d'un point où il est déjà si rare, si téméraire de vouloir arriver,
s'effectuait au mépris de tout ce qu'il est convenu d'invoquer au moment
où l'on se perd…"

4° Nadja, passante, passeuse : entre passé et présent, entre


présent et futur

Nadja assume rapidement deux aptitudes, deux pouvoirs


-celui de ramener le passé, de retrouver le passé
sous le présent, dans le présent
-celui d'appeler le futur, de l'installer dans le
présent

7
*Nadja est capable de rappeler le passé : on
remarquera que ce passé concerne des lieux (Paris) et surtout des
personnages (le plus souvent liés à la royauté). Plus précisément, c'est
l'errance dans Paris qui va faire revenir, remonter le passé lié à la royauté.
Par ses visions, ses intuitions, Nadja va ajouter à la réalité de Paris une
autre dimension
C'est le 6 octobre que Nadja, sur la place Dauphine, se
souvient, voit ce qui "s'est déjà passé sur cette place et qui s'y passera
encore" (81)
Le même jour, le passage devant la Conciergerie et un
commissariat de Police amène Nadja à s'interroger : "Moi aussi j'ai été en
prison ?. Qui étais-je ? Il y a des siècles. Et toi, alors qui étais-tu ?" (85)
Le même jour : "Elle se demande qui elle a pu être dans
l'entourage de Marie-Antoinette" 85
Le 12 octobre, lors du voyage en train au Vésinet : "En
passant devant le château (Saint-germain en Laye), Nadja s'est vue en
Mme de Chevreuse

*Nadja est capable également d'annoncer l'avenir,


de l'appeler comme si, c'était à ses paroles qu'il accourait

-rencontre du 6 octobre : ""Vois-tu là-bas cette fenêtre ?


Elle est noire, comme toutes les autres. Regarde bien. Dans une minute
elle va s'éclairer. Elle sera rouge". La minute passe. La fenêtre s'éclaire. Il
y a en effet des rideaux rouges"

-rencontre du 10 octobre : au restaurant Delaborde, elle


est capable d'annoncer les conséquences de la maladresse du garçon :
"Nadja rit sous cape et m'annonce que ce n'est pas fini" (98) et Nadja
ajoute (style indirect rapporté par breton) : "Elle se connaît ce pouvoir sur
certains hommes, entre autres ceux de race noire, qui, où qu'elle soit, sont
contraints de venir lui parler." 98

6° Nadja dedans et dehors

7° Dans son genre, Nadja est une artiste

L'un des attraits de Nadja est son aptitude à comprendre la


création artistique. La chose pourrait surprendre compte tenu des origines

8
de Nadja, des rencontres ultérieures (aucun des hommes qu'elle dit avoir
rencontré ne semble avoir exercé d'influence sur elle dans ce domaine).
Or, dès le début de sa rencontre avec Breton, on la voit s'intéresser aux
œuvres artistiques. Mais, faisons deux remarques :

*Nadja ne s'intéresse à elles que pour autant qu'elles


concernent André Breton

*Nadja ne s'intéresse à elles que dans la mesure où elle


peut les interpréter et y trouver une sorte d'aliment à sa représentation du
monde et des choses

On la voit en artiste à travers les comportements


suivants

*comme lectrice et exégète :


-lecture et interprétation du poème de Jarry
-lecture des Pas perdus

*comme amateur d'art


-

*comme enchanteresse du monde

*comme créatrice et dessinatrice

8° Nadja est un réflecteur

9° Nadja est une femme "dangereuse"

-le danger du court-circuit : aux "alentours" de Nadja, à


proximité d'elle, de son voisinage, se "déclenche" des "secousses" des
"saccades" de

-Nadja ou le diable

-le danger de la folie

9
-le danger de la sexualité

10° Insuffisances de Nadja

Assez vite, on comprend que, pour Breton, si la rencontre avec


Nadja est capitale, on perçoit également très rapidement que quelque
chose manque dans cette relation entre Breton et Nadja.
Dès le 7 octobre, Breton confie : "je suis mécontent de moi. Je
l'observe trop, comment faire autrement?…Il est impardonnable que je
continue à la voir si je ne l'aime pas. Est-ce que je ne l'aime pas? Je suis
tout en étant près d'elle, plus près des choses qui sont près d'elle" (89)
De cette confidence -un peu inquiète, voire angoissée où sourd
un sentiment de culpabilité, en tout les cas, la conscience d'une
dissymétrie- on peut tirer les affirmations suivantes :

*l'intérêt de Breton pour Nadja est avant tout intellectuel


: il le dit à la page 109 :"Poursuite de quoi, je ne sais, mais poursuite, pour
mettre ainsi en œuvre tous les artifices de la séduction mentale"

*une composante fait défaut : celle de l'amour : Breton,


dans le bilan épilogue l'énonce clairement : "Quelque envie que j'en ai
eue, quelque illusion peut-être aussi, je n'ai peut être pas été à la hauteur
d ce qu'elle me proposait. Mais que me proposait-elle ? N'importe. Seul
l'amour au sens où je l'entends -mais alors le mystérieux, l'improbable,
l'unique, le confondant et l'indubitable amour -tel enfin qu'il ne peut être
qu'à toute épreuve, eut pu permettre ici l'accomplissement du miracle."
136

Le même jour, Breton, autant occupé à analyser ses


sentiments qu'à interroger Nadja, ajoute : "Que faire tantôt, si je ne la vois
pas ? Et si je ne la voyais plus. J'aurais donc mérité de ne plus savoir. Et
cela ne se retrouverait jamais." (90). La confidence se fait de plus en plus
explicite, de plus en plus claire : pour Breton, Nadja est avant tout un
"moyen" de savoir. On remarquera la rencontre phonétique -quasi
étymologique- entre voir et savoir… On pourrait dire que Breton "voit"
Nadja parce qu'elle "voit"; que Nadja est vue en train de "voir" pour que
Breton soit à meme de "savoir". Il resterait alors à se poser la question de
la nature de ce savoir..

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