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Dans cet extrait, Voltaire semble remettre en cause la morale française qui se dresse

comme un rempart entre l’Ingénu et Mademoiselle de Saint-Yves, ce qui inscrit cet extrait
dans le registre satirique.

Voltaire fait de la satire sociale en opposant le point de vue de l’Ingénu à ceux de


Mlle de Saint-Yves et de son frère ; si pour ces derniers le mal est représenté par la loi
naturelle et la satisfaction du désir, pour l’Ingénu c’est au contraire la loi positive et la morale
qui représentent le mal. Ainsi, quand l’Ingénu est entré par effraction dans la chambre de sa
bien-aimée, le narrateur mentionne une femme vertueuse en abordant « l’honnêteté d’une
personne qui a de l’éducation » quand Mlle de Saint-Yves s’était débattue pour éloigner
L’Ingénu. Mais pour ce dernier, la vertu est de tenir sa parole et de ne pas « manquer aux
premières lois de l’honneur ». Les deux points de vue se valent mais le personnage attachant
de l’Ingénu use d’une rhétorique qui met l’abbé de Saint-Yves dans la confusion. En effet,
quand l’abbé signifia à l’ingénu par une figure d’accumulation qu’il fallait « des notaires, des
prêtres, des témoins, des contrats, des dispenses » pour pouvoir épouser sa sœur, l’Ingénu lui
répondit que toutes ces précautions signifiaient qu’ils étaient « bien malhonnêtes gens », une
réponse qui met l’abbé dans une difficulté qu’il a eu « de la peine à résoudre ». De plus,
Voltaire utilise le style direct pour mettre en valeur les propos de l’Ingénu, comme s’il
s’adressait directement au lecteur.
Voltaire use également d’une satire à la fois politique et religieuse ; il va plus loin en
mettant au jour la cruauté des autorités politiques et religieuses. En effet, l’abbé de Saint-
Yves va envoyer sa sœur dans un couvent présenté dans l’extrait comme une « espèce de
prison » de façon à ce que le lecteur comprenne que cette idée de « prison » est partagée à la
fois par le personnage de l’Ingénu et son créateur. Mais l’idée d’envoyer la jeune fille dans
un couvent vient d’un bailli, représentant du roi, qui voulait que son fils soit l’époux de la
fille en question, ce qui souligne la malhonnêteté des gens du pouvoir. Par ailleurs, Voltaire
compare l’abbé de Saint-Yves à un roi cruel issu de la mythologie grecque, sous-entendant
que la décision de l’abbé de s’opposer au mariage des deux amants est cruelle. Mademoiselle
de Kerkabon, quant à elle, est « épouvantée », elle considère paradoxalement que l’Ingénu est
sous l’emprise du diable depuis qu’il s’est fait baptiser, comme si l’amour était l’ennemi de
dieu, ce qui n’a pas de sens puisque le batême est sensé éloigner le diable, Voltaire se
moquant ainsi de la croyance religieuse.
La moquerie de Voltaire fait tourner en ridicule une situation pourtant triste et
sérieuse. En effet, Voltaire utilise le comique de situation quand l’Ingénu débarque chez
Saint-Yves qui se réveille en criant dans la confusion totale, pire encore l’Ingénu annonce de
façon directe à sa bien-aimée : « Je t’épouse », sous-entendant qu’il tente de consommer son
amour avec elle dans l’immédiat, cette situation devient encore plus ridicule quand l’abbé, sa
gouvernante, un domestique et un prêtre se joignirent à la scène digne d’une pièce de
comédie. A cela s’ajoute le comique de gestes quand mademoiselle de Saint-Yves se réajusta
en rougissant, ou quand elle repoussait l’Ingénu « avec toute l’honnêteté d’une personne qui a
de l’éducation », supposant une raillerie de Voltaire puisque son héroïne rougit plus loin et
semble être encore plus amoureuse de l’Ingénu. Mais cela n’empêche pas le sérieux de la
situation qui rend l’ingénu furieux au point de vouloir brûler le couvent dans lequel se trouve
son amante ou même se bruler avec elle. Cela souligne l’absurdité des traditions françaises
qui se veulent ennemies d’un amour pourtant pur et innocent.

Ainsi, Voltaire critique la société française et les privilégiés de la politique et de


l’Église en mettant en parallèle la simplicité naturelle de l’Ingénu avec la complexité des lois
et des traditions françaises en usant d’une situation comique qui pousse le lecteur à la
réflexion.

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