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Dîners-Débats du GICAM

« Développement des
télécommunications : que gagnent
le pays, les entreprises et les
usagers ? »

Exposé de Jean-Claude OTTOU,


DGA de MTN Cameroon

Douala, le 21 avril 2011

Dîners-Débats du GICAM : Exposé Jean-Claude Ottou 1


Monsieur le Ministre des Postes et Télécommunications,

Monsieur le Président du Groupement Inter-Patronal du

Cameroun,

Mesdames et Messieurs les Directeurs Généraux,

Chers Membres du GICAM,

Distingués Invités,

Mesdames et Messieurs

Je suis particulièrement heureux de me retrouver ici parmi vous,

au nom du Directeur Général de MTN Cameroon, Philippe

VANDEBROUCK qui aurait aimé prendre part à ce dîner – débat,

mais qui est actuellement en Afrique du Sud, retenu par des

obligations liées à sa charge.

C’est un grand honneur de prendre la parole à cette prestigieuse

tribune. Nous ne pouvons que nous féliciter de l’organisation de

cette manifestation destinée à donner aux entreprises l’éclat

qu’elles méritent.

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Permettez – moi, avant toutes choses, de remercier au nom des

opérateurs privés du secteur des télécommunications, le

Groupement Inter-Patronal du Cameroun pour l’attention et

l’intérêt qu’il porte à notre secteur dont certaines des

préoccupations sont d’actualité et capitales pour le développement

économique national.

La question nous est posée de savoir ce que le pays, les entreprises

et les usagers gagnent au développement des télécommunications

au Cameroun. Pour y répondre, je présenterai d’abord les

bénéfices que le pays a pu tirer de l’expansion de la téléphonie

mobile, sous l’impulsion des opérateurs privés. Ensuite, au regard

des difficultés rencontrées par les opérateurs privés, j’indiquerai

les écueils tant techniques que réglementaires, qu’il faut encore

surmonter pour un développement des télécommunications

profitable à tous.

A- La Téléphonie mobile, une expansion porteuse de

richesses ?

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Les télécommunications connaissent un essor certain au

Cameroun, avec en particulier l’expansion de la téléphonie mobile

que nous observons depuis l’année 2000. L’option prise par le

Gouvernement camerounais dès 1998, de libéraliser ce secteur a

permis l’arrivée d’opérateurs privés dont les investissements

dynamisent significativement notre économie et font de la

téléphonie mobile, un moteur de croissance pour le Cameroun et

un outil de développement du pays.

Entre 2000 et 2010, les opérateurs privés MTN et ORANGE ont

investi plus de 800 milliards de francs CFA dans la construction

d’infrastructures modernes qui permettent de renforcer les liens

et de désenclaver les zones même les plus reculées. Aujourd’hui,

près de 8 Camerounais sur 10 vivent à portée d’un réseau de

téléphonie et on dénombre officiellement 9 millions d’abonnés à la

téléphonie mobile dans le pays au 30 novembre 2010, contre 5 000

à peine, avant la libéralisation effective du secteur.

Les deux opérateurs sont par ailleurs devenus de gros

contributeurs de l’Etat au titre de taxes et impôts payés.

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Au plan social, la téléphonie mobile s’est révélée être un

important réservoir d’emplois. Les deux opérateurs privés ont

créé plus de 2000 emplois directs rémunérateurs et ont développé,

grâce à leur activité, un réseau de PME de sous-traitance, de

fournitures diverses et de distribution, dont la main d’œuvre est

évaluée à plus de 300 000 personnes.

D’autres secteurs de la vie nationale, les mouvements sportif et

culturel notamment, tirent grand avantage du dynamisme des

opérateurs de la téléphonie mobile.

Et que dire de l’engagement sociétal des entreprises du secteur qui

sont si fières de contribuer au mieux-être des communautés. Aux

côtés des pouvoirs publics, nous nous battons au quotidien pour

de grandes causes : la santé, l’éducation, le développement

communautaire, l’environnement.

Incontestablement donc, la téléphonie mobile a apporté de la

modernité, du progrès et de la richesse au Cameroun et aux

Camerounais au cours des dix dernières années. Le

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développement des télécommunications au Cameroun n’est pas

achevé pour autant. Loin de là. Les Camerounais expriment encore

des attentes nombreuses, vis-à-vis des télécommunications.

Certaines de ces attentes sont même pressantes, comme par

exemple :

- Rendre la téléphonie mobile davantage accessible

géographiquement et financièrement ;

- Faciliter l’accès du plus grand nombre à Internet.

S’agissant de l’accès plus facile à la téléphonie mobile. Il est

loisible de constater que les communications coûtent aujourd’hui

cinq fois moins cher qu’il y a 9 ans. La concurrence étant

particulièrement rude entre les opérateurs, il est dans la logique

du marché que les communications coûtent demain encore moins

cher qu’aujourd’hui. La téléphonie mobile est d’ailleurs le secteur

dont les prix baissent naturellement chaque année, alors que la

tendance est plutôt à la hausse dans plusieurs autres secteurs.

Evidemment, on compare toujours notre situation à celle d’autres

pays, particulièrement d’Afrique de l’Ouest où les prix seraient

plus bas. Mais, comparaison n’est pas nécessairement raison.

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Notre activité s’exerce au Cameroun dans un contexte particulier

et à des conditions que d’autres ne connaissent pas ailleurs. Ici, les

opérateurs ont reçu des cahiers de charges parmi les plus

contraignants de la sous-région pour favoriser un égal accès des

Camerounais à la téléphonie mobile. Cela implique la construction

des tours pour les stations-relais; cela implique la construction des

routes d’accès à ces stations. Cela signifie aussi que les opérateurs

ont parfois été conduits à installer des antennes dans des zones où

l’alimentation en énergie électrique est très fluctuante, voire dans

d’autres où l’électricité n’est pas encore disponible. La plupart de

ces sites fonctionnent avec des groupes électrogènes alimentés au

gasoil, ce qui multiplie par trois les coûts de fonctionnement et de

maintenance du réseau.

De façon générale, l’accès aux infrastructures au Cameroun est

deux à trois fois plus onéreux que dans d’autres pays de la sous-

région. Ce qui a inéluctablement un impact sur la bourse du

consommateur final et limite considérablement le déploiement des

opérateurs privés dans les zones reculées.

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En ce qui concerne l’accès pour tous à Internet, le challenge est de

taille. Le taux de pénétration d’Internet au Cameroun était

officiellement de 2% l’année dernière ; très en dessous de la

moyenne africaine (4,72%) et loin derrière des pays de taille

comparable comme le Gabon (5,76%) ou le Sénégal (6%). Ici aussi,

les infrastructures sont en cause. Les capacités offertes sont

insuffisantes et très onéreuses. L’acquisition de la bande passante

représente en moyenne 37% des coûts des opérateurs exerçant au

Cameroun, contre seulement 12 à 15% pour ceux installés dans des

pays comme le Sénégal, la Côte-d’Ivoire ou le Ghana.

Il y a là un handicap à lever, Internet étant un outil essentiel pour

les économies modernes et un réservoir de croissance que nous

devons explorer. Une augmentation de 10 abonnés à Internet pour

100 habitants, pourrait induire une croissance du PIB par tête de

0,59% dans un pays en développement comme le nôtre.

B- La problématique des infrastructures

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Manifestement, les attentes du Cameroun et des Camerounais

quant au développement optimal des télécommunications sont

liées à la problématique des infrastructures.

Ce qui est en cause c’est la nature des infrastructures utilisées.

Elles sont inadaptées et très onéreuses. Le backbone national pour

le transport des communications entre les villes et vers

l’international est constitué en grande partie par le faisceau

hertzien qui offre de très faibles capacités avec des coûts

d’exploitation très élevés. Le satellite utilisé comme voie

alternative est lui aussi très coûteux pour le transport interurbain

des signaux de télécommunications.

Il est aujourd’hui admis par tous les acteurs du secteur que la

solution au problème des infrastructures réside dans le

déploiement de la fibre optique qui est de loin, le meilleur moyen

de transport des communications en termes de qualité, de

capacités offertes, de coût d’exploitation et même de durée de vie.

Dans la plupart des pays modernes, le développement des

télécommunications est porté par la fibre optique. Au Cameroun,

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la fibre optique ne représente encore qu’une faible portion du

backbone national.

Ce qui est également en cause, c’est la nature de la

réglementation nationale sur les infrastructures de

télécommunications, qui limite les investissements privés.

Depuis 6 ans, les opérateurs privés demandent à l’Etat de leur

donner la possibilité d’investir pour le développement de la fibre

optique au Cameroun. Sans avoir reçu de réponse positive à ce

jour. L’Etat accorde l’exclusivité sur les infrastructures nationales

de télécommunications, dont la fibre optique, à l’opérateur public

CAMTEL. Une exclusivité assez étonnante dans un secteur

hautement concurrentiel où tous les compétiteurs devraient être

placés sur le même pied d’égalité.

L’opérateur historique, si ses activités ne sont pas menées dans un

cadre réglementaire transparent, se retrouverait de fait dans une

situation exceptionnelle de juge et partie. En effet, il est fournisseur

des autres opérateurs en capacités à des prix pas toujours

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compétitifs ; il est en même temps le concurrent de ces opérateurs

pour la commercialisation de la téléphonie mobile et de l’Internet.

Plus préoccupant pour les opérateurs, il leur est demandé de

démanteler leurs infrastructures pour utiliser celles construites par

l’opérateur historique durant l’exclusivité. Ce qui s’apparente à

une quasi nationalisation des infrastructures des opérateurs

privés. Ils perdraient ainsi tout contrôle sur la qualité de service et

le développement de leurs réseaux, et perdraient dans le même

temps les investissements réalisés sur les infrastructures de

transmission.

C- La nouvelle loi

La nouvelle loi sur les communications électroniques promulguée

le 21 décembre 2010, ne résoud pas la problématique des

infrastructures et semble même alourdir davantage le fardeau des

opérateurs privés :

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D’abord, la nouvelle loi maintient un régime contraignant pour

l’établissement des réseaux de transmission. Ainsi, les activités

suivantes relèvent du domaine de l’Etat, bien qu’il soit prévu une

possibilité de concession :

- la construction et l’exploitation sur toute l’étendue du

territoire national, des points d’atterrissements des câbles

sous-marins ;

- la construction et l’exploitation de téléports vers un ou

plusieurs réseaux satellites.

Je parlais d’une possibilité de concession : cette disposition réitère

simplement que ces activités relèvent de l’Etat. L’Etat peut les

concéder à un opérateur sur la base du droit exclusif ou à

plusieurs opérateurs sur la base de l’ouverture du marché.

En cas d’octroi d’une exclusivité de ces activités à un opérateur,

une telle approche serait contraire au règlement de la CEMAC qui

interdit le principe même des exclusivités et prescrit aux Etats

membres l’abrogation de « toutes les dispositions accordant des droits

exclusifs et spéciaux dans l’exercice d’activités de communications

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électroniques, y compris pour l’établissement et l’exploitation de réseaux

de communications électroniques ouverts au public et la fourniture de

services téléphoniques au public ».

Ensuite, la nouvelle loi alourdit davantage les charges des

opérateurs privés. Deux conventions de concession sont

dorénavant nécessaires pour exercer une activité complète

d’opérateur de communications électroniques : une pour

l’établissement et l’exploitation des réseaux de communications

électroniques et l’autre pour l’établissement et l’exploitation de

réseaux de transport (L’article 9 prévoit que l’Etat peut délivrer ces

concessions « en tout » c’est à dire les 2 activités ; ou en partie,

c'est-à-dire pour une seule activité). En fait une concession « en

tout » est unique.

Les dispositions qui feraient des points d’atterrissement des

concessions spécifiques sont manifestement contraires aux

conventions de concession en cours conclues par l’Etat avec les

opérateurs de téléphonie mobile qui ont payé des droits d’entrée

pour une concession prenant en compte les deux types de réseaux

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et pour une durée de 15 ans renouvelable par périodes de 10 ans.

Ces concessions autorisent les mobiles à déployer leurs propres

passerelles internationales (à l’exemple des points

d’atterrissement) pour l’acheminement de leurs communications

internationales.

Il y a là, comme un véritable péril sur le climat des affaires

nécessaire au développement harmonieux des opérateurs privés

de télécommunications. Or la conviction de plusieurs acteurs de la

vie économique nationale est que, dans le développement optimal

des télécommunications aujourd’hui, comme dans l’expansion de

la téléphonie mobile hier, la libéralisation du segment de marché

des infrastructures de transmission haut débit est une alternative

sérieuse susceptible d’impulser des avancées rapides, fructueuses

et durables. Il faut espérer que les textes en préparation pour

l’application de la nouvelle loi, ouvriront la voie à un partenariat

public-privé pour donner davantage de place aux investissements

privés dans le développement des télécommunications au

Cameroun.

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Nous plaidons par conséquent pour :

1- La fin des exclusivités de CAMTEL et la libéralisation

totale du segment du marché des infrastructures de

transmission. Il est indispensable eu égard aux règles de

bonne concurrence, que la situation de CAMTEL soit

clarifiée. Le Cameroun comme la plupart de ses partenaires

d’Afrique Centrale, s’est engagé devant la CEMAC à ouvrir à

la concurrence ses services de télécommunications. Il y est

obligé par ses engagements internationaux. Nous devons le

proclamer avec force : la libéralisation totale des

infrastructures de transmission à l’échelon national

favorisera la couverture des zones reculées, la baisse des prix

et l’enrichissement de la gamme des services. Elle profitera

au consommateur.

2- La définition du statut des nouveaux opérateurs. Il est

indispensable, dans la mise en application de la nouvelle loi

sur les communications électroniques, de veiller à ce que les

‘’nouveaux opérateurs’’ créés par cette loi, les opérateurs

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virtuels et les opérateurs ruraux notamment, ne bénéficient

pas de traitement préférentiel et soient également assujettis

au régime d’obligations et d’investissements.

3- L’attribution de licences 3G aux opérateurs existants afin

de renforcer davantage leur compétitivité et améliorer l’offre

des services dans un environnement convergent.

4- Une plus grande concertation entre l’Etat et les opérateurs.

Les opérateurs privés souhaiteraient particulièrement être

associés aux différents groupes de travail mis en place pour

finaliser les textes d’application de la nouvelle loi.

Notamment pour éviter d’avoir des textes difficilement

applicables, parce que ne prenant pas en compte les

spécificités du terrain.

Au-delà de la concertation autour des textes d’application, nous

souhaitons travailler aux côtés du Gouvernement pour donner

forme à ses ambitions voulues dans le domaine des

télécommunications.

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Il s’agit de voir loin, ensemble, en élaborant une réflexion où les

points de vue et les compétences, au lieu de se développer de

manière cloisonnée, s’entrecroisent et se confortent. Nous savons

que les télécommunications sont au cœur de la politique du

Gouvernement pour insuffler l’élan indispensable à

l’aménagement numérique du territoire, moteur d’une nouvelle

croissance.

En conclusion, gardons à l’esprit que les télécommunications ne

sont plus un simple moyen de communication mais, tendent à

devenir le système sanguin de l’économie et de la société. Ici,

beaucoup plus qu’ailleurs, nous n’avons pas le droit de nous hâter

lentement, sous peine de retarder l’entrée du Cameroun dans le

nouveau monde et d’exclure les Camerounais du partage des

richesses de ce monde.

Je vous remercie de votre bienveillante attention.

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