Magazine école

Séquence Société
Institut Français de Presse
Master 2
Promotion 2010

Rédaction et édition, dossier réalisé par :

Coraline Bertrand, Gwénola de Coutard, Rémi Dupré,
Yann Leon, Fabien Ortiz

Rédaction en chef : Eric Pelletier, Fabien Rocha

Directeur de la publication : Rémy Rieffel

Responsable administrative : Laurence Durry

Institut français de presse

Université Panthéon-Assas-Paris II
4 rue Blaise-Desgoffe, 75 006 Paris
01 53 63 53 20
DOSSIER La coke part à l’assaut du marché français
Le boss, les « mules »
la blanche
et
Quinze prévenus comparaissent jusqu’au 23 mars
devant le tribunal correctionnel de Paris pour un trafic
de cocaïne entre le Sénégal et la région parisienne
D
’ un côté, les
hommes, dé-
tenus. Visages
fermés,
gards durs et
re-
crânes rasés,
ils affichent un air sombre.
De l’autre, les femmes, sous
contrôle judiciaire. Apprêtées
et maquillées, elles semblent
se demander ce qu’elles font
là. Sept trentenaires, organi-
sateurs du trafic, face à huit
jeunes femmes que l’appât du
gain a transformé en «  mu-
les  », des passeuses selon le
jargon du milieu.
Au total, une centaine de kilos
de cocaïne a été acheminée en
France par ce réseau, de 2005
à 2007. Importée de Colom-
bie, la drogue transitait par la
Guyane, le Sénégal, la Gui-
née-Bissau, la Côte d’Ivoire
ou le Mali, ce qui confirme le
rôle désormais prépondérant
de l’Afrique de l’Ouest dans
le trafic de cocaïne (lire p.4).
La came passait ensuite par les
Pays-Bas ou la Belgique avant
d’être écoulée en région pari-
sienne.
Le président de la 14e chambre
correctionnelle du tribunal de
Paris, Thierry de Bonnefon,
hérite d’un dossier relative-
ment simple. Écoutes, aveux,
saisies  : tous les éléments à
charge concordent. Les «  mu-
les  » reconnaissent les faits.
Et les trafiquants se rendent à
l’évidence. Alors qu’il a nié
pendant toute l’instruction, le
présumé chef du réseau, Mo-
hamed Benazzouz, admet son
rôle de leader. Oui, il était
l’organisateur du trafic. Oui,
il récupérait la marchandise,
2 - Société Magazine IFP Mars 2010
la vendait et en consommait
beaucoup.
Silhouette élancée, boule à zéro
et regard d’acier, Mohamed ris-
que gros. Récidiviste – à l’instar
de ses co-prévenus – il savait gé-
rer son business. Le « big boss »
possédait un bel appartement à
Amsterdam (Pays-Bas), une su-
perbe Ferrari, une luxueuse villa
à Dakar (Sénégal), un énorme
4x4 Hummer… Colérique, in-
timidant et à l’insulte facile,
Mohamed Benazzouz faisait
pression sur ses «  filles  ». La-
mia en a fait l’expérience.
Aujourd’hui mère d’un bébé
de deux mois, elle a touché
10 000 € pour l’acheminement
de 22  kg de drogue. Léger ma-
quillage, cheveux lissés et gros-
ses boucles d’oreilles créoles,
elle lui réclamait une rallonge
pour avoir transporté plus de
coke que prévu. « Comment ça,
tu veux plus de thune  ?! (…)
Sale pute, tu t’prends pour qui ?
T’es pas assez payée, pétasse  ?
T’as qu’à aller porter plainte
au commissariat ! » Impassible,
le président poursuit sa lecture
du rapport d’écoutes, sans sour-
ciller. Les avocats ricanent.
« J’ai été naïve, je regrette   »,
s’excuse d’emblée Nadia.
Doyenne des passeuses, elle aura
46 ans en mai. En un an, elle a
transporté 10,5 kg de cocaïne en
plusieurs voyages au Sénégal et
en Guyane. Un business allé-
chant, à 2 000 € le kilo rapporté.
Ce kilo sera pourtant revendu 60
000 € au consommateur.
Divorcée et mère d’un gar-
çon de 9 ans, Nadia a accepté
ce  «  job » pour l’argent. Elle
« Une centaine
de kilos
de cocaïne
a été acheminée
en France
en deux ans »
précise : « Si c’était à refaire, je
les dénoncerais à la police. » Le
président ironise sur sa naïveté.
La lecture –  fastidieuse  – des
écoutes menées par les enquê-
teurs révèle une « mule » prête à
négocier sa rémunération com-
me une «  femme d’affaires  ».
«  Si je recrute une fille, j’veux
un pourcentage sur ce qu’elle
gagne. »
La cocaïne du boss, condition-
née en petits sachets, elle l’a
scotchée sur sa peau. Comme
Fatoumata, Kadidiatou ou Btis-
sam. Amies ou cousines, ces
femmes présentent le même pro-
fil. Jeunes (de 25 à 28 ans), non
toxicomanes, célibataires pour
la plupart, parfois mères : elles
vivent chez leurs parents et peu
d’entre elles ont un emploi.
Seule Btissam, bientôt 27 ans et
mariée depuis neuf mois, avait
déjà eu maille à partir avec la po-
lice. Barmaid au moment de son
interpellation en juillet 2007, elle
perçoit aujourd’hui le Revenu de
solidarité active. Vêtue de noir,
avec un foulard couvrant pudi-
quement ses cheveux, elle confir-
me ses dépositions. Et raconte
comment avec son amie, Farida,
elles ont été draguées dans la rue
par l’un des prévenus, Sidi, qui
leur a rapidement proposé d’en-
trer dans la combine.
Mais de Dakar, Farida n’a ra-
mené qu’un pouce amoché,
après une embrouille entre les
Magazine IFP Mars 2010 3 - Société
De l’Amérique
latine
à l’Europe
La coke est désormais
la deuxième drogue
la plus consommée
en Europe, après le
hachisch. Produite en
Amérique latine, elle est
acheminée par petites
quantités grâce à des
passeurs surnommés
« mules », via les vols
commerciaux. Les
stocks les plus impor-
tants passent par voie
maritime dans des
cargos ou des bateaux
de plaisance. Dans ce
trafic transatlantique,
l’Afrique de l’Ouest
occupe aujourd’hui une
place majeure. Ci-con-
tre, l’interception d’un
hors-bord par la marine
nationale.
deux femmes. Face aux risques
encourus, elle a choisi de se dé-
Tandis que les passeuses se suc-
cèdent à la barre avec le même
révèle un président atypique.
«  Il a le mérite d’être juste dans
sister. Btissam, elle, est revenue discours, Thierry de Bonnefon ses décisions. Alors que ses as-
avec 11 kg de cocaïne. rappelle la gravité des faits, pour sesseurs…  », confie la défense.
Les débats s’éternisent. Le pré- éviter toute banalisation de l’af- «  L’envoyer en prison ruinerait
sident Bonnefon prend le temps faire. Soudain, il s’enflamme. sa vie », plaide un avocat.
de décortiquer toutes les écoutes «  Ce réseau s’inscrit dans un
téléphoniques, de vérifier cha- système de véritables mafias, de Clope et éclats de rire
que déposition des prévenues. trafics à grande échelle… C’est Fatoumata a touché 8  000  €
Une question revient en boucle : grave  ! Et cette affaire repré- pour le transport de 4  kilos de
«  Vous vous souvenez avoir dit sente un boulot de dingue, on coke et 2  000  € pour avoir re-
ça  ? » s’avale des kilomètres de dos- cruté une amie. Son avocat dé-
siers ! Vous êtes jugée devant un plore les lenteurs de la justice :
Un président atypique tribunal correctionnel alors que «  Sa situation a évolué depuis
Alors que l’assistance pique les assises devraient en prendre son interpellation, il y a deux
du nez, le président revigore leur part. » ans. Elle a un enfant de dix
le prétoire par des remarques Les avocats bondissent, scanda- mois, un emploi et s’occupe de
incongrues. En plein interroga- lisés par une éventuelle crimina- sa mère, malade. L’envoyer en
toire d’une passeuse, il passe du lisation de l’affaire, prévue par prison ruinerait sa vie  ! Trois
coq‑à‑l’âne et évoque d’autres af- l’article 469 du code de procédu- ans pour porter cette affaire
faires concernant Benazzouz.  Il re pénale. Le président s’amuse devant la justice, c’est scanda-
lui reproche de ne pas connaître de ce grabuge. Sans crier gare, leux. À vous dégoûter du mé-
les personnes citées. Personne le procureur tance vertement le tier. » Commis d’office dans ce
ne voit où le président veut en magistrat  : «  Nous ne sommes dossier, le jeune avocat n’exer-
venir. Un avocat : « C’est révé- pas là pour vous écouter remet- ce que depuis cinq ans.
lateur de ce qu’il a dans la tête. tre en cause la compétence de ce Les bancs du public ne désem-
Pour lui, l’affaire est pliée. » Le tribunal ! » plissent pas. On y devine des
prévenu fronce les sourcils, il Grisonnant, l’allure bonhomme, amis, de la famille et beaucoup
ne comprend pas non plus. Le Thierry de Bonnefon s’est fait de curieux. Il y a même un ou
président précise qu’il plaisante. une réputation par ses petits ré- deux enfants. « Si tu touches à
Sans convaincre. clats, son humour décalé. Il se la drogue, voilà ce qui va t’arri-
ver  ! », plaisante un avocat.
Harassées par une après-midi
« J’étais la bonne poire » d’interrogatoire, les passeuses
décompressent en plaisantant à
la sortie du tribunal. Une clope,
« Lourde toxicomane », selon le président Bonnefon, Sylvie, des éclats de rires. Il faut bien
47 ans, sort d’une cure de désintoxication. Cette femme au penser à autre chose. Les jeunes
visage fatigué gérait le transport de la drogue de Belgique ou des femmes risquent jusqu’à dix ans
Pays-Bas jusqu’en France. Seule prévenue d’origine européenne, de prison. Récidivistes, les dé-
inconnue de la police, elle pense avoir été choisie pour ne pas tenus encourent vingt ans de ré-
éveiller les soupçons. Aujourd’hui, Sylvie estime s’être « fait clusion. Fin de l’audience le 23
avoir ». «  Je consommais. Mais je risque la prison pour des mars. l
mecs qui me payaient au lance-pierre. J’étais la bonne poire »,
se plaint l’ex-cocaïnomane. C.B. Coraline BERTRAND
DOSSIER La coke part à l’assaut du marché français
Les nouvelles routes
de la cocaïne
Pour Michel Gandilhon, chargé d’études à l’Office français
des drogues et des toxicomanies, l’Afrique est devenue
une plaque tournante du trafic au milieu des années 2000
L’
Afrique de
l’Ouest s’im-
pose comme
zone de tran-
sit pour la
cocaïne desti-
née à l’Europe. Depuis quand
observez-vous ce phénomène ?
Michel Gandilhon  : Globa-
lement, depuis 2005. Cette
année-là, 50 tonnes de cocaïne
avaient été saisies en Afrique de
l’Ouest contre une tonne pour
l’ensemble du continent, en
2000. En cinq ans, les chiffres
ont explosé. Et il faut noter que
ces saisies ne correspondent
sans doute qu’à 15  % ou 20  %
de toute la cocaïne transitant
par la région.
Quels pays sont concernés ?
La Guinée-Bissau, le Sénégal, le
Mali, la Côte d’Ivoire ou encore
le Nigeria. Les trafiquants ont
choisi des territoires aux gouver-
nements faibles, corrompus, qui
contrôlent peu. Les Colombiens
–  qui fournissent la moitié des
1 000 tonnes de cocaïne produi-
tes chaque année avec le Pérou
et la Bolivie – s’y sont installés
à la suite de l’intensification de
la surveillance de l’Europe sur
sa façade atlantique. Les voies
terrestres s’avèrent plus discrè-
tes que les voies maritimes. La
drogue est acheminée par le sud
de l’Espagne et le Maghreb, où
les dealers de hachisch se sont
mis au trafic de cocaïne. Tout
est question de rentabilité  : le
gramme de coke se vend douze
fois plus cher que la résine de
cannabis – 60 € contre 5 € pour
le hachisch.
4 - Société Magazine IFP Mars 2010
« Les dealers
de hachisch
se sont mis
à ce trafic »
Observe-t-on un «  partena-
riat » entre trafiquants ?
Il n’y a pas de tradition de tra-
fic de drogue dans l’Ouest afri-
cain. Seul le Nigeria est connu
pour l’héroïne. Et les étrangers
ne cherchent pas à s’acoquiner
avec les locaux. Les Africains
ne sont pas des partenaires
mais des « petites mains », des
« mules », qu’on n’a pas de mal
à convaincre. La misère et la
pauvreté en font des proies
faciles.
L’Afrique de l’Ouest est-t-elle
un nouveau marché ?
La cocaïne reste inabordable.
Les Africains utilisent d’autres
drogues. En revanche, le transit
risque de s’y développer de ma-
nière accrue, dans les années à
venir. Actuellement, on estime
que 30 % de la cocaïne qui dé-
barque en Europe sont passés
par le continent noir.
Les Français en consomment-
ils beaucoup ?
Notre pays sert plutôt de zone
de transit vers l’Europe du
Nord, l’Angleterre ou l’Allema-
gne. Les Français se situent en
deçà de la moyenne européen-
ne, en termes de consomma-
tion. Seul 1,3 % des 15-34 ans
interrogés par l’Observatoire
européen des drogues et des
toxicomanies lors de ses en-
quêtes déclare avoir consommé
de la cocaïne un an auparavant.
À titre de comparaison, ils sont
5,5 % en Espagne et 4,5 % aux
États-Unis, considérés comme
des pays de forte consomma-
tion. Les Anglais et les Italiens
sont également très deman-
deurs. Les mafias importent
beaucoup.
La cocaïne se démocratise.
Comment l’expliquer ?
Dans les années 1990, cette dro-
gue était essentiellement desti-
née aux Américains. Le marché
s’est saturé. L’offre s’est alors
développée pour trouver de nou-
veaux débouchés. Hommes d’af-
faires, les trafiquants ont démar-
ché d’autres clients. La demande
est forte, le produit se diffuse
et, inévitablement, son coût di-
minue. En 1999, le gramme de
coke se négociait 150 €, il s’est
stabilisé à 60, depuis quelques
années. Conséquence directe,
la cocaïne a quitté le monde du
show-biz et des gens fortunés
pour infiltrer tous les milieux :
cadres, étudiants ou marginaux.
Les consommateurs sont aussi
de plus en plus jeunes. Il s’agit
d’une tendance lourde, difficile
à enrayer. l souvent la nocivité. Elle peut provoquer des
Propos recueillis par
Coraline BERTRAND
Coke
en chiffres
25 000
jeunes de
17  ans ont
expéri-
menté la
cocaïne en 2008, selon les chif-
fres-clés publiés par l’Office
français des drogues et des toxi-
comanies, soit 3,3 % de cette
classe d’âge. De 2000 à 2008,
cette proportion d’usagers a
triplée.
1 %
des Français âgés
de 15 à 39 ans a
consommé de la
cocaïne en 2005,
La consommation de cocaïne n’est pas un phénomène récent, comme sur ce cliché daté de 1930 (DR)
soit 200 000 personnes.
« J’en sniffe 5 214
personnes
ont été in-
avant d’aller au boulot »
t e r p el lé e s
en France
par les forces de l’ordre pour
usage de cocaïne ou de crack
(dérivé bon marché de la co-
Un usager de 29 ans, cadre dans une société caïne) en 2008.
pharmaceutique, témoigne de son addiction
4,2
tonnes de cocaïne
«Il
ont été saisies en
y a six mois, À mon avis, si je me fie à mes tage l’air de jeunes délinquants. 2007 par les doua-
j’en sniffais uni- fréquentations personnelles, La qualité est plutôt bonne, nes françaises.
quement pour la coke est plutôt l’apanage de surtout pour le prix  ! Je paye La tendance depuis 2000 est
faire la fête, gens friqués. C’est un peu com- 60  € les 2  grammes. En 2007, la hausse (+28,5 % de 2006 à
avant d’aller en boîte, avec mes me un marqueur social, un signe je déboursais la bagatelle de 2007, avec 3,3 tonnes saisies).
amis. Mais depuis, j’ai forte- distinctif. Certains de mes amis 15  euros pour à peu près trois
60 €
ment augmenté ma consomma- achètent de la méthadone en lignes. A ce prix-là, même les
tion. J’en prends pratiquement pharmacie [les effets seraient si- adolescents pouvaient s’en pro- c’est le prix
tous les deux jours avant d’aller milaires à la cocaïne, ndlr], c’est curer facilement ! moyen d’un
au boulot. J’en consomme seul évidemment beaucoup moins Je me suis déjà fait très peur. À gramme de co-
ou accompagné. Ces prises se cher, de l’ordre de 2  euros les l’issue d’une soirée particulière- caïne acheté en
font souvent avec des collègues. dix pilules. Mais il paraît que ment chargée, pendant laquelle France. Stable depuis cinq ans,
La plupart hauts cadres, ayant les effets secondaires sont as- j’ai consommé de nombreux ce prix a été divisé par deux de-
sous leur responsabilité de nom- sez désagréables. On m’a parlé rails de coke. J’ai fait un blac- puis 1990.
breuses personnes. Je ne pense de diarrhée : comme la coke, la kout, une sorte d’overdose. Je
305
pas que cela ait affecté ma pro- méthadone serait coupée avec suis tombé dans les pommes. Il
ductivité. Au contraire cela agit des produits laxatifs pour bébé. paraît que je saignais du nez. J’ai surdoses mortel-
un peu comme un dopant, un
bon remplacement au Red Bull.
Pour m’approvisionner, je vais
voir un dealer en Seine-Saint-
passé six jours à l’hôpital. J’avais
aussi pris de l’ecstasy. »
les en France en
2006. En majorité
J’utilise aussi la cocaïne pour
me débloquer le nez en cas de
Denis. Il cultive un look plutôt
smart. À l’inverse, ses associés Propos recueillis
liées au mélange
de drogues, on ne peut pas les
gros rhume (rires). sont plus dilettantes, ont davan- par Fabien ORTIZ imputer à la seule cocaïne.
Des risques sous-estimés pour la santé
Excitante, stimulante… Depuis une di- L’Office européen des drogues et des toxi- En Europe, les patients admis en traitement
zaine d’années, la cocaïne se démocratise comanies estime qu’un quart des infarctus pour consommation excessive sont essentiel-
et son image de drogue dure s’estompe. du myocarde non mortels chez les 18-45 ans lement des hommes (cinq pour une femme).
Les consommateurs la perçoivent comme est imputable à une «  consommation fré- La moitié en a pris pour la première fois
une substance positive et en sous-estiment quente  » de ce stupéfiant. De même, dans avant 20 ans. Enfin, 63 % des cocaïnomanes
les pays fortement dépendants comme traités sont polytoxicomanes : ils l’accom-
troubles cardiovasculaires, psychiatriques, l’Espagne, le Royaume-Uni ou l’Italie, la pagnent d’alcool, de cannabis ou d’héroïne.
neurologiques ou encore des risques d’acci- plupart des urgences hospitalières liées à la Combinés, les effets de ces substances se
dents et de violence. drogue concernent la cocaïne. révèlent encore plus ravageurs. C.B.
Magazine IFP Mars 2010 5 - Société
Une diversité
Régionales Le premier tour du scrutin a lieu dimanche
de façade
En politique, les « minorités visibles » restent marginales.
Elles servent souvent de faire-valoir à des partis soucieux
d’améliorer leur image
Mauvaise foi, frilosité ou stratégie électorale, les assemblées restent composées d’élus du sérail. Ici un vote au Conseil régional de
Bourgogne (DR)
U
n seul député la présence et la position des
et moins de dix candidats noirs, d’origine arabo-
maires issus de maghrébine ou asiatique. Selon
la diversité  : le Cran, on compte aujourd’hui
en France 48 conseillers régionaux issus
métropolitaine, de ces «  minorités visibles  »
la représentativité des élus dans les 22 régions, sur un
laisse à désirer. La tendance total de 1  716, soit près de
ne devrait pas être bouleversée 3%. Patrick Lozès, le président
lors des élections régionales, du Cran, pense qu’ils seront
dont le premier tour se tiendra à peine 6  % d’élus après les
ce dimanche. Le Conseil régionales, alors que selon lui,
représentatif des associations ils représentent environ 20  %
noires (Cran) a publié en début de la population. Le résultat
de semaine une étude sur la de la frilosité des principales
représentativité des listes, sur formations politiques.
6 - Société Magazine IFP Mars 2010
François Bayrou l’avait annoncé
dès le mois de décembre. Pour
ces élections, son parti miserait,
lui, sur la diversité.
Le Modem, bon élève
Les candidats issus des
«  minorités visibles  » sont
plus nombreux sur ses listes.
Surtout, ils sont placés en
position avantageuse, comme
Alain Dolium, tête de liste en
Ile-de-France, et Azouz Begag
en Rhône-Alpes. La formation
centriste est la seule à avoir osé
ce pari. (lire ci-contre)
Pour Fadila Mehal, tête de liste
du Modem à Paris, ce n’est pas un
hasard. « Le Modem est un parti
jeune, qui a connu beaucoup de
désertions. Ça fait des places à
prendre pour les gens comme
nous  », explique-t-elle sans
détours. A ses yeux, les blocages
persistent au sein de l’UMP et du
PS à cause d’arguments éculés :
« L’opinion n’est pas prête » ou
« Vous ne pouvez pas rassembler
la totalité de nos électeurs  ».
Il y aurait, selon elle, des prés
carrés où seraient cantonnés les
candidats de la diversité  : les
zones populaires, mais jamais
les arrondissements bourgeois de
l’Ouest parisien. L’exemple de
Rama Yade est probant. L’UMP
voulait l’imposer dans le Val-
d’Oise. Elle a dû combattre pour
rester dans les Hauts-de-Seine
et particulièrement à Colombes,
où elle souhaite s’implanter
durablement.
Pour Patrick Lozès, deux
mouvements contradictoires
sont à l’œuvre  : «  D’une part,
une exigence de diversité
dans la société et, d’autre
part, des stratégies de parti
qui privilégient le spectacle  ».
Saliou Dallio, porte-parole du
Club équité, qui défend cette
cause au sein du Parti socialiste,
le confirme. «  On cherche des
symboles, des people, et on
nie la qualité de gens issus de
la diversité qui militent au PS
depuis plus de 20 ans, regrette-t-
il. Viviane Romana, par exemple,
[candidate en Seine-Saint-
Denis, ndlr] a certes beaucoup
lutté contre le racisme, mais
elle n’a jamais eu sa carte au
Parti socialiste. C’est le fait du
prince  : la direction soumet au
vote des militants les candidats
qu’elle a choisis sur une liste
unique. »
Les baronnies locales, souvent
fortes dans les partis majoritaires,
bloquent l’ascension logique
Alain Dolium, le « coup » de Bayrou
Le
froid mord les
orteils et le jour
se lève à peine.
Ils sont déjà là,
devant la gare de Fontenay-sous-
Bois (Val-de-Marne), à faire
concurrence aux distributeurs de
journaux gratuits. Aux passants
empressés, une poignée de
militants du Modem tend des
tracts en attendant un renfort
de poids  : Alain Dolium, leur
tête de liste pour ces élections
régionales en Ile-de-France.
« Alain, on l’aime pour
son naturel, ses idées, son
pragmatisme, explique Philippe
Lhuzière, qui conduit la liste
dans le Val-de-Marne. Et aussi
un peu parce qu’il est issu de
la diversité. » Diversité, le mot
est lâché, mais l’intéressé, s’en
agace. «  C’est un marqueur
crétin.  Regardez, le pays est
pluriel, dit-il en désignant les
gens autour de lui. La vraie
diversité n’est pas qu’une
question de couleur de peau,
mais de mixité sociale. »
La voix de ce quadra à l’allure
élancée sonne jeune, tout comme
son engagement en politique.
Approché par Bernard Lehideux,
le bras droit du « chef », il fait
Magazine IFP Mars 2010 7 - Société
des militants issus des minorités
visibles au fil des ans. Du coup,
ceux-ci se trouvent contraints à
rester au bas de l’échelle, ou à
l’inverse, à servir d’affichage en
période électorale.
« Un manque de volonté »
« Il y a un manque de volonté des
partis d’imposer de nouveaux
visages. C’est dû au cumul
des mandats, déplore Dogad
Dogoui, président du Cercle
de la diversité, créé au sein de
l’UMP en 2006. La machine est
très lourde à bouger ».
A l’inverse, quand les partis
forcent la main des personnalités
locales, ça coince. L’UMP
Michel Voisin a mal digéré le
Longuet et le « corps traditionnel »
A trois jours du premier tour
des régionales, le patron des
sénateurs UMP, Gérard Longuet,
a dérapé à propos du socialiste
Malek Boutih pressenti pour
succéder à Louis Schweitzer à la
tête de la Haute autorité de lutte
contre les discriminations et
pour l’égalité (Halde) : « Malek
Boutih est un homme de grande
qualité mais ce n’est pas le bon
personnage. […] Schweitzer,
c’est parfait ! Un vieux
protestant, parfait ! […] Parce
Alain Dolium, candidat du Modem, sur le marché de Fontenay-
sous-Bois, dans le Val-de-Marne (Photo : Yann Leon)
connaissance avec François
Bayrou en septembre 2009.
«  Une rencontre d’hommes  »,
répète-t-il mécaniquement aux
médias. Après la déconfiture
des européennes, le numéro
un du Modem avait annoncé
vouloir «  faire un coup  » aux
régionales en Ile-de-France.
Une surprise nommée Alain
Dolium. Alors, n’est-il qu’un
« produit d’appel » ?
« On cherche
des symboles,
des people. On
nie la qualité de
ces militants »
parachutage de Damien Abad,
jeune loup du Nouveau Centre
atteint d’une maladie rare,
l’arthogrypose, pour conduire
la liste dans l’Ain. Sans nier
les compétences de ce dernier,
un cadre du parti lâche tout de
qu’il vaut mieux que ce soit le
corps français traditionnel qui
se sente responsable de l’accueil
de tous nos compatriotes. C’est-
à-dire, si vous voulez, les vieux
Bretons et les vieux Lorrains
– qui sont d’ailleurs en général
Italiens ou Marocains – doivent
faire l’effort sur eux-mêmes de
s’ouvrir à l’extérieur. » Après
une polémique qui a provoqué
la fureur de Nicolas Sarkozy,
Gérard Longuet a présenté ses
excuses. G.C.
Qu’on ne vienne pas reprocher à
ce chef d’entreprise son manque
d’expérience. Il défie quiconque
d’oser l’affronter sur les dossiers
de la région : transports, emploi,
lycées… C’est en manager qu’il
compte diriger l’Ile-de-France.
Le candidat assure envisager la
présidence du conseil régional.
Enfant de Malakoff et du Plessis-
Robinson (Hauts-de-Seine),
il a voté PS jusqu’en 2007 par
go : « Un handicapé, ça faisait
bien. » Michel Voisin assure que
la loyauté envers l’UMP a repris
le dessus, mais confirme que
«  parmi les militants, certains
renâclent ».
Pour les régionales, la loi
impose des listes composées
alternativement d’une femme et
d’un homme. Mais sur près de
300 listes déposées à la fin de
février, 59 sont emmenées par
une femme et le plus souvent
dans les partis minoritaires.
Au PS par exemple, Hélène
Mandroux en Languedoc-
Roussillon, Ségolène Royal
en Poitou-Charentes et Marie-
Guite Dufay en Franche-Comté
sont les seules à briguer une
présidence de région.
Si Fadila Mehal, la fondatrice
de l’association les Mariannes
de la diversité reconnaît que
« Sarkozy a fait beaucoup avec
ses nominations de femmes au
gouvernement », elle tempère :
« Tant qu’elles n’auront pas de
position éligible, et donc tant
qu’elles ne seront pas élues,
leur légitimité restera faible. »
Après le deuxième tour, le 21
mars, les présidences de régions
devraient, en majorité, revenir à
des hommes du sérail. l
Gwénola de COUTARD
& Yann LEON
«  ancrage sociologique », tout
en étant gêné par les propositions
socialistes sur l’économie et
l’emploi.
« Ascenseur social grippé »
Face à un «  ascenseur social
grippé  », il raconte avec fierté
son parcours  : bac, école de
commerce puis une carrière dans
plusieurs multinationales (DHL,
CBS France) avant de créer
OBAD, sa société spécialisée
dans le marketing en téjléphonie
mobile. Lui à qui on a toujours
répété que «  ça ne sera pas
possible. »
Alors sa chance, en politique
aussi, il y croit. Surtout au
sein du Modem, le seul parti
qui, selon lui, s’attaque au
«  caractère monolithique du
pouvoir  » en ouvrant ses listes
à des candidats «  non-issus du
sérail ».
Un président de la République
noir, pour lui, « la France y est
prête, plus que l’on ne l’imagine,
mais pas les élites. » Et comme
Alain Dolium envisage de
s’engager «  dans la durée  »,
peut-être y pensera-t-il, un jour,
en se rasant le matin…
G.C. & Y.L
SPORT Le XV de France affronte l’Italie dimanche au Stade de France
Le rugby
donne l’exemple
A contre-pied d’un football bling-bling miné
par ses débordements, ce sport de contact impose
ses valeurs : fair-play, proximité, humilité
Folklore régional et liesse collective: en 2005, le champion de France Biarritz salue ses supporters (Photo : François Bouchon)
S
amedi 13 février, un
match du Tournoi
des 6 nations scelle
au stade de France
une réconciliation
diplomatique. A l’is-
sue d’un succès éloquent contre
l’Irlande (33‑10), les Tricolores
fraternisent avec un XV du trèfle
qui, malgré la défaite, leur offre
une haie d’honneur. Fin d’une
friction politique née un soir de
novembre dans la même encein-
te. Ou l’art d’enterrer une faute de
main non sifflée lors d’un match
de barrage qualificatif pour le
prochain Mondial de football qui
avait fait couler beaucoup d’encre
verte. Cet après-midi là, le rugby
est venu sauver la dignité du sport
français pollué par les frasques du
ballon rond.
Depuis quelques mois, le foot-
ball hexagonal pâtit d’un envi-
ronnement délétère. De la fronde
8 - Société Magazine IFP Mars 2010
nationale contre les protégés de
Raymond Domenech aux violen-
ces dans les tribunes de ligue1, le
sport le plus populaire de France
voit son intégrité morale remise
en cause. En marge d’un PSG-
OM caniculaire, les affrontements
entre supporters d’un même club
ont relancé le débat sur la néces-
sité d’une énième loi anti-vio-
lence dans les stades. « A l’heure
actuelle, je n’amènerais pas mes
enfants au Parc », assénait le por-
tier parisien Grégory Coupet au
lendemain des incidents.
Aux antipodes de ces tumultes,
le rugby français connaît une
vague de popularité inédite. On
vient au match en famille sans
crainte. Ethique de vie, cham-
pionnat attrayant, modération
budgétaire et proximité avec le
public forgent le succès de ce
jeu pourtant rugueux. Loin des
litiges émaillant les rencontres
balle au pied, le rugby a tou-
jours misé sur son cadre moral.
N’a-t-il pas institué, parmi les
premiers, l’arbitrage vidéo  ?
Des stars internationales
Avec les belles performances du
XV de France au Tournoi des
6 nations, le rugby tend à incarner
une discipline positive et modé-
rée. « La respectabilité du ballon
ovale est ancrée dans ses propres
racines historiques, décode Jacky
Lorenzetti, président-mécène du
Racing Metro  92. Ce sport de
contact génère des sensations
apaisantes dans les tribunes à
l’inverse du football. Absence de
simulation, humilité des joueurs
et arbitrage placé au-dessus des
soupçons  : le rugby revêt une
droiture indiscutable. »
Hormis sa probité, le rugby fran-
çais bénéficie d’un autre atout  :
l’attractivité de son champion-
nat d’élite. Le Top 14 pulvérise
ses records d’affluence dans les
stades cette saison (13 000 spec-
tateurs en moyenne par jour-
née). Des tribunes bondées et
folkloriques qui restent à l’abri
des heurts. «  L’organisation de
la phase finale du championnat
donne lieu à une transhumance
de supporters. Cet échange en-
tre les régionalismes préserve
le rugby des débordements. Le
top  14 est un sanctuaire  », pré-
cise Pierre-Yves Revol, président
de la Ligue nationale de rugby.
Avec l’arrivée de stars interna-
tionales comme Wilkinson (Tou-
lon) ou Steyn (Racing Metro),
le niveau de la compétition s’est
élevé. Chaque week-end, des
rugbymen au train de vie raison-
nable piétinent ses pelouses. En
dehors de quelques icônes publi-
citaires, les joueurs perçoivent
un salaire moyen (10 000 euros
nets mensuels) très éloigné des
revenus somptuaires des joueurs
de ligue 1.
A l’écart des dérives inflation-
nistes d’un football en crise, le
rugby bénéficie d’une image
vertueuse de pondération finan-
cière. En 2011, l’introduction
d’un Salary Cap, qui interdira à
chaque club de dépenser plus de
8  millions d’euros annuels pour
les rétributions des rugbymen, va
renforcer cette régulation.
Clé de voûte de l’Ovalie, la
proximité entrenue par les
joueurs avec le public contri-
bue à cette réputation bien-
veillante. Invité d’honneur du
Rugby Park de la RATP, Sébas-
tien Chabal loue cette spécifi-
cité : «  Il n’est pas rare qu’on
aille boire un verre avec les
supporters ou parler aux en-
fants. » Malgré la vague publi-
citaire autour du ballon ovale,
ses éminents ambassadeurs res-
tent accessibles (lire ci-contre).
«  Ces nouveaux gladiateurs
sont les substituts des arènes
antiques, des joueurs qu’on
peut encore toucher  », relève
Jean-Roger Delsaud, rédacteur
en chef du bi-hebdomadaire Mi-
di-Olympique.
Des tribunes
bondées
mais à l’abri
des heurts
Encore peu démocratisé, l’en-
seignement du rugby reste tou-
tefois localisé dans le Sud-Ouest
de l’Hexagone. La promotion
des bienfaits comportementaux
de ce sport astreint aussi les
professionnels à une très grande
exemplarité. Ainsi, l’étoile mon-
tante du Stade français Matthieu
Bastareaud traînera longtemps
derrière lui son mensonge de
l’été 2009. Lors d’une tournée
en Nouvelle-Zélande, le joueur
du XV de France avait prétexté
une agression par des badauds
de Wellington. Le coquard du
jeune homme était simplement
dû à une virée éthylique.
Dépositaire d’une éthique de
vie, sur et en dehors des ter-
rains, ce sport peut-il atténuer
les phénomènes de violence
notamment chez les jeunes  ?
Partenaire du XV de France, la
RATP milite pour l’ouverture
dans les banlieues franciliennes
d’ateliers pédagogiques autour
du ballon ovale. But avoué  :
éloigner les 13‑17 ans de la ten-
tation des violences urbaines.
La mêlée a aussi ses règles. l
Rémi Dupré
Magazine IFP Mars 2010 9 - Société
France-Italie,
le grand chelem en ligne de mire
(Photo : François Bouchon)
La pub drague le ballon ovale
En
contrebas des
escalators de la
station de RER
Auber à Paris,
une centaine de supporters
peinturlurés agite des éten-
dards ciel et blancs. Une char-
mante cacophonie accompagne
la présence de cinq joueurs du
Racing Metro  92, club huppé
des Hauts-de-Seine et brillant
promu du Top  14. Mercredi
3 mars, le Rugby Park orches-
tré par la Ratp s’apparente à
une chaleureuse scène de mar-
keting.
Première cible des clameurs,
Sébastien Chabal, engoncé
dans un smoking classieux,
s’installe pour une séance de
dédicaces. L’icône sportive au
look néanderthalien, flanquée
du capitaine du XV de France
Lionel Nallet, salue les fans
euphoriques. Photos avec les
enfants et démonstration de
mêlée sur une machine élec-
tronique : le deuxième-ligne
vedette au physique granitique
s’exécute avec professionna-
lisme. Partenaire historique
de la fédération française de
rugby et du Racing Metro, la
RATP permet ainsi aux usagers
de côtoyer l’idole le temps
d’un changement de ligne. Et
de sensibiliser les voyageurs
au civisme incarné par le bal-
lon ovale.
Depuis le Mondial 2007, le
sportif préféré des Français
cristallise les attentions des
annonceurs. Dernière en date :
sa prestation en talons aiguilles
pour les pansements Urgo.
« Les marques ont érigé une lé-
gende à partir d’un malenten-
du. Outre son look, l’humilité
de Chabal alimente pourtant la
notoriété de ce sport », précise
AMPOULES
Mon partenaire
performance
ULTRA
DISCRET S É B A S T I E
soutient le X V de France
Sébastien Chabal (en haut)
pour Urgo, et la marque
Eden Park mettent à profit la
nouvelle image du rugby
Pascal Irastorza, responsable
marketing du joueur.
Au-delà de la « Chabalmania »
publicitaire, de nombreuses
entreprises s’approprient les
valeurs du rugby. Unique assu-
reur des 350 000 licenciés de la
fédération française du rugby
depuis vingt-cinq ans, la GMF
entretient ce juteux sponsoring.
« Ce sport collectif, proche du
terroir, diffuse des notions de
respect et de convivialité. Dans
Avec déjà trois victoires
contre l’Ecosse (18‑9),
l’Irlande (33‑10) et le Pays
de Galles (26‑20), la pers-
pective d’un grand chelem
français se dessine...
Prochaine étape, le match
de dimanche 14 mars
(en direct sur France 2
à 15h20) contre un XV
italien qui peine à exister
depuis son entrée dans
les six nations en 2000.
Manière de se jauger avant
le choc du 20 mars contre
l’Angleterre au Stade de
France. R.D.
la prévention des accidents,
nous tenons à montrer l’image
d’un professionnalisme dénué
de violence et à l’abri des dé-
gâts financiers  », analyse Syl-
vie Lagourgue, directeur mar-
keting de la GMF.
Certaines enseignes tirent
même leurs origines du « sport
à l’olive  ». Autour du demi
d’ouverture du XV de France
Franck Mesnel et d’une poi-
gnée de rugbymen déjantés,
la création en 1987 de la mar-
que de Sportwear Eden Park a
N C H A B A L
ouvert une brèche. Mais « mal-
gré l’effet de mode autour de
ce sport, nous n’égalerons
jamais les recettes issues du
football », tempère la direction
d’Eden Park.
Des recettes toujours
inférieures à celles du foot
Peu pratiqué dans les zones ur-
www.eden-park.com - photo : Greg Soussan
baines, le rugby dispose d’une
couverture télévisuelle néan-
moins étoffée. Malgré des rè-
gles difficilement accessibles au
profane, le ballon ovale est très
Franck Mesnel
exposé. En marge des matches
du XV de France retransmis
par le service public, le groupe
Canal+ dispose jusqu’en 2011
des droits télévisuels pour le
Top 14. Nouvel acteur du mar-
ché, l’opérateur téléphonique
Orange propose, quant à lui, des
vidéos à la demande des mat-
ches du championnat de France
à ses abonnés depuis 2008. Se-
cond sport télévisé en France,
le rugby élargit son audience.
A son échelle. Même baladé
par l’Espagne, le onze de Do-
menech se paye encore le luxe
de faire mieux qu’un pimpant
XV  de France au Tournoi des
6 nations.
R.D.
Tendance La BD japonaise se diversifie. Et les tirages s’envolent
Un manga sentimental
et féministe à la fois
Flânerie à Paris avec une passionnée de shôjo
O
n l’attendait en
minijupe scin-
tillante et couet-
tes. Pia Jacq-
mart, 25 ans,
fan de manga
depuis son enfance, s’est visi-
blement assagie. Aujourd’hui
journaliste, cette petite brune
se présente en jeans, baskets
et blouson de cuir pour nous
promener dans le Ier arrondis-
sement de Paris, sur les lieux
de sa passion.
On croyait le manga réservé
aux garçons boutonneux et
mal dans leur peau. Pour-
tant, de plus en plus de filles
s’y mettent. « Le tournant,
c’était au début des années
2000, à la parution de Nana,
une série de shôjo [manga pour
filles ndlr] qui a vraiment bien
marché ici », explique-t-elle.
Delcourt, l’éditeur français de
Nana, confirme : « On en sort
deux albums par an. Au départ,
on tirait à 10 000 exemplaires à
peine, aujourd’hui à 60 000. »
« La collectionnite,
une maladie japonaise »
Adepte de la première heure, elle
avoue tout de même avoir bien
collé au cliché : « Si mon adoles-
cence n’avait pas été si ingrate,
je n’aurais peut-être jamais
aimé les mangas ! Je n’avais
pas beaucoup d’amies, j’étais
moche, mais je m’entendais bien
avec les garçons, qui m’ont fait
découvrir cet univers. » Un goût
heureusement compris par sa
mère, qui lui offre ses premiers
albums et objets dérivés. « Il y
avait tout un tas de cartes, qui
ne servaient à rien, sinon à les
accumuler : la collectionnite,
c’est une maladie japonaise »,
convient-elle. Encyclopédie
vivante, Pia explique ce qui l’a
séduite : « Dans le shôjo, c’est
toujours un peu la même his-
toire. Celle d’une petite fille
qui connaît des épreuves mais
en sort toujours grandie parce
qu’elle persévère, ou parfois
grâce à des pouvoirs magiques.
C’est sentivmental et féministe à
la fois. » Comme beaucoup de
10 - Société Magazine IFP Mars 2010
Le Cosplay, des
fans déguisées en
leurs héroïnes
préférées (DR)
fillettes de sa génération, son hé-
roïne favorite fut Sailor Moon,
la guerrière de la lune du dessin
animé éponyme diffusé sur TF1
au début des années 1990. « J’ai
eu plusieurs de ses sceptres; ils
sont toujours cachés sous mon
lit », confie-t-elle.
En déambulant rue Sainte-An-
ne, Pia s’arrête devant le restau-
rant japonais Higuna. « C’est ici
qu’ils font les meilleurs ramen.
C’est ce que mange Son Goku
dans Dragonball, une sorte de
bouillon dans lequel flottent des
nouilles, et éventuellement de la
viande ou des légumes », pré-
vient-elle. Quelques mètres
plus loin, rue des Petits-Champs,
elle rentre chez Komikku. La
boutique propose une large
sélection de manga, ainsi
que des petits gadgets du
quotidien nippon : des emporte-
pièces Hello Kitty, des moules
à sushi, des bento... Son pro-
priétaire, Sam Souibgui, a été
l’un des premiers à introduire
en France ces petites boîtes à
casse-croûte aux couleurs vives,
très utilisées au Japon.
Bustier en vinyle
et bottes à lanières
Une pause au café Royal opéra
est l’occasion, au milieu de
nombreux touristes japonais,
de parler cosplay. Comprenez
costume player, une mode
venue des Etats-Unis et très en
vogue chez les fans de manga,
qui reproduisent la tenue de
leur héros. Evidemment, Pia
l’a pratiquée. Elle nous en livre
quelques truculents souvenirs,
évoquant cet ensemble culotte-
bustier en vynile, agrémenté
de bottes à lanières enroulées
sur les cuisses... Alors en
école de stylisme, elle l’avait
fait elle-même et porté lors
d’une « convention », un
rassemblement d’initiés. « On
était seulement quelques filles au
milieu des garçons. Aujourd’hui,
je réalise qu’on avait un sacré
mauvais goût ! Heureusement
l’ambiance était très bon
enfant malgré nos tenues
plutôt limite », rigole-t-elle.
Des concours « d’anime  »,
des clips réalisés à partir de
dessins animés manga, y
étaient aussi organisés. C’est
là qu’elle a rencontré Yann, la
superstar du genre à l’époque,
devenu son mari.
Notre balade s’achève avec un
passage par Junkudo, une li-
brairie japonaise située rue des
Pyramides. Au sous-sol, dans la
lumière blafarde des néons, les
BD en format de poche s’ali-
gnent jusqu’au plafond, en fran-
çais ou en japonais. Les shôjo
se repèrent facilement, avec
leurs couvertures forcément
acidulées et brillantes. Comme
dans les autres types de manga,
les personnages se ressemblent
tous. Le nez et le menton sont
petits, et les yeux extraordi-
nairement grands, mangeant
parfois plus de la moitié du
visage. « C’est un code d’écri-
ture : seuls les yeux disent les
émotions », explique la jeune
fille. Les shôjo sont générale-
ment écrits par des femmes,
tout comme les yaoi, un genre
plus récent qui met en scène des
homosexuels. « Le yaoi, c’est lu
surtout par des filles, mais ça
a mauvaise réputation. On dit
que c’est pour les “cageots”,
celles qui n’assument pas leur
féminité et préfèrent s’extasier
sur de beaux mâles sensibles
sans jamais agir », juge-t-elle
en souriant. Assurément, Pia ne
fait pas partie de celles-là. De-
venue adulte, elle ne s’autorise
qu’un petit shôjo, « de temps
en temps », en souvenir de son
adolescence.
Gwénola de COUTARD
Art nippon, sauce créole
Parisienne, Elodie Koeger vient de publier les Iles du vent,
le premier manga qui se déroule aux Antilles
Lo
rsqu’il a fallu
s’orienter vers
un métier, Elo-
die Koeger a
choisi le manga « un peu par
effet de mode ». « Depuis toute
petite, j’ai un goût prononcé
pour le dessin et les histoi-
res  », confie-t-elle. Elle quitte
son Alsace natale il y a quatre
ans direction Paris et Eura-
siam, la seule école d’Europe
à enseigner cet art graphique
originaire du Japon.
Un exode inattendu
A 21 ans, Elodie Koeger fait
partie de la « génération Club
Dorothée », l’émission qui a
introduit le dessin animé japo-
nais en France. « Je n’y prêtais
pas tellement attention, mais
quand je me suis intéressée au
manga sur papier, j’en avais
déjà les codes », s’amuse-t-
elle. Ces codes, la dessinatrice
les a transposés dans l’univers
inattendu de la Guadeloupe
avec le tome 1 des Îles du vent,
son premier ouvrage. Sorti dans
les librairies en octobre dernier,
ce manga traite de l’immigra-
tion haïtienne dans les Antilles
françaises, un exode dont elle
l n’avait pas conscience jusque-
là.
« C’est une œuvre de comman-
Magazine IFP Mars 2010
de », convient Élodie. Son édi
teur, Florent Charbonnier, a eu
« l’idée de ce premier manga
antillais ». Pour le scénario, il
a fait appel au romancier ultra-
marin Hector Poullet.
« Elle sortait du lot »
Faute de le trouver le dessi-
nateur en Guadeloupe, il le
cherche à Paris. « Elodie sor-
tait du lot, c’est quelqu’un que
je sentais à même de mener le
projet », se souvient-il. Une ré-
sidence de six mois est offerte
à la dessinatrice « pour avoir
un aperçu de la culture guade-
loupéenne et capter les petites
choses », explique l’éditeur.
Après « un léger temps d’adap-
tation au climat, au décalage
horaire et à la planche à dessin
qui colle aux bras » sous l’effet
de la chaleur, Élodie Koeger
s’attelle à « transformer le
texte ». Avec une difficulté de
taille : « J’ai un style très ca-
ricatural, très manga, avec des
personnages qui ont le menton
très pointu. J’ai dû me limiter
pour toucher un public plus
large », dit-elle, sans l’once
d’un regret.
Ce premier tome des Îles du
vent a valu à Élodie d’être sé-
lectionnée pour le Prix de la
BD d’actualité et de reportage
de France info. Il lui a aussi
permis de décrocher quelques
illustrations dans des maga-
zines. « La route est encore
longue », juge-t-elle. Après
l’achèvement des deux autres
tomes prévus, elle compte tra-
vailler sur « ses propres histoi-
res ». Dans ses cartons, deux
mangas, l’un qui se déroule
en région parisienne et l’autre
« dans un monde imaginaire ».
Si elle reste assez secrète sur
ces projets, elle évoque une
thématique commune : « l’ac-
ceptation des différences dans
la société ». De quoi encrer des
planches à dessin pendant quel-
ques années…
Yann LEON
Les Iles du vent, tome 1,
d’Elodie Koeger et d’Hector
Poullet, éd. Caraïbéditions,
84 pages, 7 € 90
Les bonnes
adresses
à Paris
Junkudo. Librairie japonaise.
Mangas, romans et revues en
japonais et en français.
18 rue des Pyramides, Paris Ier.
Tél. : 01 42 60 89 12,
www.junku.fr
Komikku. Des mangas et
objets importés directement du
Japon.
1 rue des Petits-Champs, Paris Ier.
Tél. : 01 40 20 93 44,
www.komikku.fr
Manga café. L’établissement
propose boissons, livres Internet
et jeux vidéos à volonté, facturés
4 € de l’heure.
11 bis rue des Carmes, Paris Ve.
Tél. : 01 43 26 50 04,
www.mangacafe.fr
Tonkam. Librairie pionnière
du manga en France, vente en
ligne sur son site.
29 rue Keller, Paris XIe.
Tél. : 01 47 00 78 38,
www.tonkam.com
11 - Société
Portrait
P
etite brune à la
peau blanche dans
un pays d’Afrique
centrale sans accès à
la mer et oublié des
grands medias. À 29 ans, Sonia
Rolley a déjà le parcours d’une
journaliste chevronnée. Elle a
passé plus de trois ans à décrire
au plus près les convulsions
d’un régime d’acier aux prises
avec des forces rebelles, avant
d’être expulsée. « J’ai tendance
à penser que les correspondants
dans des pays difficiles ont une
date de péremption », plaisante-
t-elle, attablée à la terrasse d’un
café parisien. Entre une France
qui peine à rompre avec son
lourd héritage colonial et un
régime tchadien au pouvoir
depuis vingt ans, elle ne sait
toujours pas qui est l’instigateur
de son renvoi.
Franc-parler
Sonia n’a pas froid aux yeux.
Enfants soldats, dérives
autoritaires, meurtres en
catimini, compromission
des groupes humanitaires et
ingérence étrangère : son retour
critique sur la saga de l’Arche
de Zoé et sur le traitement
de l’affaire par les médias et
les hautes instances de l’Etat
français est édifiant. Elle passe en
revue tout les tourments du pays
dans son livre, Retour du Tchad,
Carnet d’une correspondante,
publié en janvier dernier. Elle
utilise le même franc-parler lors
de ses innombrables papiers
et chroniques radio, presse et
télé. Un filet de voix douce pour
commenter une terrible réalité.
« Est-on prêt à mourir pour
55 euros ? », interroge-t-elle.
Cinquante-cinq euros, c’est
le prix d’un « papier » pour
Radio France Internationale
(RFI). Vingt dollars la dépêche
pour l’Agence France Presse
(AFP). « Je suis pigiste, payée
à l’information donnée »,
explique-t-elle. Sans salaire
fixe, elle a couvert, cinq années
durant, le Rwanda et le Tchad
pour RFI, l’AFP ou encore
Libération.
« En arrivant au Rwanda,
je n’avais aucune idée de la
marche à suivre », s’amuse-
t-elle en sirotant son coca.
« Heureusement, j’ai rencontré
une journaliste américaine qui
travaillait pour une agence
humanitaire dans la région des
12 - Société Magazine IFP Mars 2010
Risquer sa
vie pour
55 euros
Sonia Rolley, 29 ans, a été
expulsée du Tchad où elle était
correspondante. Elle raconte l’Arche de Zoé
dans un livre son quotidien de est édifiant
pigiste dans un pays sous
tension. Rencontre
Grands Lacs, se souvient la
jeune femme. Elle m’a appris
que l’on peut dire beaucoup de
choses à condition de savoir
comment le dire ».
Originaire d’Alès dans le
Gard, rien ne la prédisposait
aux grands voyages et à la
correspondance de guerre.
«  J’ai fait l’IEP (Sciences-Po)
sur la saga de
t-elle.
Parachutée dans deux pays
d’Afrique aux destins divergents,
Ci-contre, les
rebelles du
Front uni pour
le changement
démocratique
ont investi
N’Djamena,
en février 2008
(Photos : Sonia
Rolley)
d’Aix-en-Provence et suis partie
au Sénégal faire un stage à Sud
FM, une radio créée en 1994.
Là-bas, j’ai écouté des émissions
de RFI à destination de l’Afrique
noire que j’ai trouvé géniales »,
signale-t-elle avec candeur.
Elle pousse alors les portes de la
rédaction de RFI et demande à
être envoyée au Rwanda. Sonia
se retrouve ainsi à 24 ans dans
un pays qui sort des affres d’un
génocide et qui musèle les voix
trop discordantes, en rupture
avec la vox impérieuse de l’Etat.
« Le Rwanda, c’est pire que le
Tchad ! Le contrôle du politique
y est omniprésent », argumente-
Son retour
Sonia parle avec émotion de ces
deux Etats ravagés par des luttes
fratricides, des guerres civiles
aux dimensions régionales et des
catastrophes humanitaires. Le
Rwanda vit depuis maintenant
plus de quinze ans avec les
traumatismes du pire génocide
que l’Afrique ait connu. Quant
au Tchad, il figure au 170e rang
mondial sur 179 pays pour son
indice de développement, selon
un classement du Programme
des Nations Unies pour le
développement.
Persona non grata
En mars 2008, son franc-
parler lui vaudra d’être
déclaré persona non grata au
Tchad. On l’informe que son
contrat de travail est résilié et
qu’elle n’est désormais plus
bienvenue en territoire tchadien.
Qui est responsable de son
expulsion ? Le président Idriss
Déby qui tente par tous les
moyens d’asseoir son pouvoir
après que les forces rebelles ont
pénétré N’Djamena, la capitale,
en février 2008 ? Ou faut-il y
voir l’excès de zèle de Bruno
Foucher, l’ambassadeur français
avec lequel elle entretient des
relations tendues ? En journaliste
militante, Sonia dénonce avec
vigueur la « Françafrique ». Cela
ne lui a pas valu que des amis.l
Fabien ORTIZ
Retour du Tchad, Carnet d’une
correspondante de Sonia Rolley,
éd. Actes Sud, 174 pages, 23 €