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Objectifs :
● Réfléchir à la problématique de l'adaptation, à la fois du point de vue de la
transposition générique et formelle, mais aussi de l'interprétation que peut
donner un réalisateur moderne ou contemporain d'une œuvre patrimoniale ;
● Analyser les démarches comparatives à l’œuvre dans l'étude d'un texte et
d'un film ;
● Approfondir la connaissance des techniques d'étude du langage
cinématographique.
Démarche :
I La problématique de l'adaptation
II Un cas d'école : La Princesse de Clèves
III La Princesse de Montpensier
I La problématique de l'adaptation
→ problématique de l'adaptation / adaptation
problématique...
A) Historique :
A) Historique :
Quand ? Quoi ? Rapproc Crise Pourquoi ?
hement
Adaptation
B) Définitions / modalités Vol / dissimulation
Traduction /
illustration
Jeu
Littérarité / littéralité
Lecture
Adaptation
Appropriation /
vampirisme
Trahison /
déplacement
Rencontre
C) Tensions
→ 2 démarches associées à la polémique, la même année, en 1991 :
- L'adaptation de Madame Bovary par Claude Chabrol (scénariste et réalisateur) irrite les amoureux de
Flaubert et les cinéphiles.
- Après avoir réalisé des films inclassables, Marguerite Duras publie L'Amant de la Chine du Nord contre
l'adaptation de L'Amant que vient de réaliser Jean-Jacques Annaud. Le livre se présente comme une
contre-adaptation, de même que le cinéma de Duras refuse d'illustrer le texte ou de le soumettre à l'image
ou au récit.
Plus largement, le film de Chabrol et ceux de Duras incarnent deux conceptions antithétiques de
l'adaptation, et peut-être deux pôles :
3 approches [ cf. Analyser une adaptation, Jullier et Cléder, 2017, p. 222-239 < Jean Rousset et G.
Genette] :
- la fable : des personnages exceptionnels, un conflit entre fidélité et désir, entre dire et voir...
- On pourrait y ajouter un contexte (de la fable / d'écriture) qui va rencontrer celui de l'adaptation :
modernisation, rupture, dialogue...
==> Quels partis les adaptateurs tirent-ils de ces caractéristiques (qui ne doivent pas
être confondues avec des contraintes) ?
Afficher ses
intentions
L'affiche doit mettre en
relation le film avec le
roman, avec son public.
Elle expose un projet, des
intentions.
5 adaptations du roman ;
une de la nouvelle.
II Quels choix
esthétiques ?
Composition, échelle
des plans, couleurs,
technique ?
1. La Princesse de Clèves, J. 2. La Lettre, adapté et réalisé par M. 3. La Fidélité, adapté et réalisé
Delannoy, adaptation et de Oliveira, avec l'assistance de J. par A. Zulawski, 2000
dialogues J. Cocteau, 1961 Parsi, 1999 6
I Qui / quoi ?
Comment ?
Chap. 4 (début → 00.30) → les deux scènes se succèdent au cours de la même séquence.
… à l'autre
III La Princesse de Montpensier
A) LE PROJET
Supports : Madame de Lafayette, Histoire de la princesse de Montpensier (1662), Folio ; Bertrand TAVERNIER,
La Princesse de Montpensier (scénario coécrit avec Jean Cosmos et François-Olivier Rousseau), Paris,
Flammarion, 2010 ; avec une préface de l'auteur.
Le scénario est réédité en 2017 par L'Avant-Scène.
- Après plusieurs lectures du scénario, il découvre la nouvelle → donne la tonalité, la tessiture de la suite ;
- Nouvelle qui frappe BT par son sens de la progression dramatique, sans les artifices habituels ;
- Un objectif : retrouver la complexité des personnages inventés par Mme de L., déchirés entre des tentations
contradictoires ;
- « L'adaptation devait avant tout chercher la signification réelle des expressions, donc celle des scènes, pour les
traduire de manière concrète » ;
- Simplification du dialogue ;
Cette confrontation sera conduite en fonction des démarches identifiées (cf. I et II) :
- Lecture : le lecteur-adaptateur s'arrête sur une phrase : « Mlle de Mézières, tourmentée par ses parents,
voyant qu'elle ne pouvait épouser M. de Guise et connaissant par sa vertu qu'il était dangereux d'avoir pour
beau-frère un homme qu'elle souhaitait pour mari, se résolut enfin d'obéir à ses parents et conjura M. de
Guise de ne plus apporter d'empêchements et oppositions à son mariage. » (p. 21) → chap. 3.
- Traduction / illustration : « L'adaptation devait avant tout chercher la signification réelle des
expressions, donc celle des scènes, pour les traduire de manière concrète » ==> traduire jusqu'aux
ellipses ? → chap. 2, 00.15-00 – 00.16.45 (Marie entre les hommes) ; chap. 9, 00.22 – 00.25 (la rivière).
- Trahison / déplacement : rôle central accordé à Chabannes → chap. 1 ; vision féministe de l'héroïne →
chap. 16, 02.02.15 – 02.11.00 (fin du film).
- Vol / dissimulation : Stendhal, Dumas (et La Princesse de Clèves ?) → chap.10, 1.24 – 1.29.37 (le
Louvre).
Objectifs :
- réexploiter les démarches et notions abordées auparavant (cf. I et II) de manière à envisager l'adaptation
comme un processus pluriel (au delà de la stricte approche comparative) ;
- confronter non seulement le film à la nouvelle, mais également au projet du cinéaste et à d'autres
références (hypotextes, persona de l'acteur...) ;
- proposer plusieurs outils (planche-contact, découpage technique, photogramme, plan au sol) et
démarches pour l'analyse filmique.
B) CONFRONTATION ENTRE LE PROJET DE BERTRAND TAVERNIER ET LE FILM
Cette confrontation sera conduite en fonction des démarches identifiées (cf. I et II) :
- Lecture : le lecteur-adaptateur s'arrête sur une phrase : « Mlle de Mézières, tourmentée par ses parents,
voyant qu'elle ne pouvait épouser M. de Guise et connaissant par sa vertu qu'il était dangereux d'avoir pour
beau-frère un homme qu'elle souhaitait pour mari, se résolut enfin d'obéir à ses parents et conjura M. de
Guise de ne plus apporter d'empêchements et oppositions à son mariage. » (p. 21) → chap. 3.
Un mot frappe particulièrement BT : « tourmentée » = approche lexicale → évocateur et frappant / flou
sémantique, polysémique = supplicier (sens médiéval dont la permanence pour les lecteurs du XVIIe est
attestée par l'historien Didier le Fur) ; « faire vivre dans l'angoisse » → rapport extériorité-intériorité ;
assaillir/ennuyer de manière répétée.
Une phrase = approche syntaxique → se retrouve la structure récurrente de La Princesse de Clèves
articulant intensité et conséquence : « tourmentée... se résolut enfin... », mais l'excès est ici l'outil de la
répression et non son objet (# scènes où s'exprime la passion) ; itération implicite (sens du verbe
« tourmenter », usage des participes passé et présent, structure énumérative).
==> S'il part de cette phrase, le lecteur-adaptateur doit exprimer : la répétition / la fragmentation (une
phrase / plusieurs scènes) / la diversité (intériorité / extériorité, révolte / soumission, passion / vertu) /
l'évolution. Mais il doit le faire en tenant compte des particularités du cinéma : l'expression de l'intériorité ou
de l'itération, si simple dans le roman, s'y complique singulièrement.
Comment sont transcrites les virtualités de la phrase – et du mot – identifiées par l'adaptateur-
lecteur ?
→ scénario : scènes 24-30 (pas de sc. 29, donc 6 scènes, devenues 8 dans le film).
Traduire l'esprit à travers un espace : Marie déchirée entre deux hommes, entre soumission et passion →
chap. 2, 00.15-00 – 00.16.45 → mise en scène dictée par le lieu (Positif, n°597, p. 12) : le château du
Plessis-Bourré :
→ plan au sol :
1
Marie : Ma
2
Mézières : Me
3
Montpensier : Mo
Chabannes : Ch 5
Guise : G
6
Cardinal : C
Déplacements : → 7
Caméra : < 8
9
- Traduction / illustration : « L'adaptation devait avant tout chercher la signification réelle des expressions,
donc celle des scènes, pour les traduire de manière concrète » ==> traduire jusqu'aux ellipses ? (la nuit de
noce) → chap. 2, 00.15-00 – 00.16.45 (Marie entre les hommes) ; chap. 9, 00.22 – 00.25 (la rivière).
Traduire l'esprit à travers un espace : Marie déchirée entre deux hommes, entre soumission et passion →
chap. 2, 00.15-00 – 00.16.45 → mise en scène dictée par le lieu (Positif, n°597, p. 12) : le château du
Plessis-Bourré :
→ plan au sol : synthèse à partir de 00.15.40 :
1
Marie : Ma
2
Mézières : Me
3
G Montpensier : Mo
C
Chabannes : Ch 5
Guise : G
6
Cardinal : C
Ma
Déplacements : → 7
Mo
Mop Caméra : < 8
Ch
9
1-6-8
Traduire le texte en images : la scène de la rivière → film : chap. 9, 00.22 – 00.25 //
nouvelle : p. 28-30 → des activités possibles :
travail sur la vraisemblance : comment adapter « une chose de roman » (p. 28)
dans un art – le cinéma – et un genre (la fiction historique) davantage soumis au réalisme ?
→ « Quel charmant hasard » dixit le duc d'Anjou (85').
Musique dramatique
3 (extra-diégétique). 5
Musique dramatique.
Galop des chevaux.
4
13
Silence.
Souffle de Chabannes.
21
- Trahison / déplacement : début du film → Comment est introduit Chabannes dans le récit ?
Au premier plan, de dos à Cris, fracas des épées. L'action, bcp plus développée
gauche, un papiste combat à que dans la nouvelle, découle du
13 l'épée contre Chabannes qui lui conflit religieux < Histoire.
fait face (plan américain). Toujours recherche du mvt. :
caméra portée.
Contre-plongée : plan rapproché Bruit (off) de l'épée Proche du plan subjectif.
de la jeune mère, la bouche blessant la mère. Précision du scénario : tuer une
20 ouverte : elle est blessée à mort. Silence. femme enceinte = « crime
monstrueux à l'époque ».
→ Dumas : → chap.10, 1.24 – 1.29.37 (le Louvre) : les duels sans règles, la représentation de C. de Médicis.
→ (et La Princesse de Clèves ?) → si Marie est une anti Princesse de Clèves, son mari ne pourrait-il pas
être un nouveau M. de Clèves ?
- jeunesse (aspect disparu chez Delannoy-Cocteau), fragilité (écriture du personnage, nudité, choix de
Grégoire Leprince-Ringuet → interprète du rôle de M.de Clèves/Otto dans l'adaptation d'Honoré).
Plus largement, il est possible de prendre en compte la manière dont la
persona (image issue aussi bien des films que des médias) des acteurs
intervient dans l'écriture du film (Leprince-Ringuet, choisi dès le départ
pour sa modernité, son introversion) ou sa réception, pour les plus
célèbres d'entre eux : Gaspard Ulliel, et surtout Lambert Wilson. Star (si
le mot a encore du sens) dans la mesure où sa persona concilie des
aspects antithétiques : austérité et flamboyance, passion et religiosité,
quête d'absolu → ses rôles chez Téchiné, Zulawski, Wajda, Beauvois...
l'adaptation :
BAZIN André, Qu'est-ce que le cinéma ?, Paris, Les Editions du Cerf (1976), 2011 → un recueil d'articles
fondateurs, qui ont influencé la Nouvelle Vague et les théoriciens.
CLEDER Jean, JULLIER Laurent, Analyser une adaptation, Du texte à l'écran, Paris, Flammarion, Champs
arts, 2017 → un chapitre est consacré spécifiquement aux adaptations de La Princesse de Clèves.
L'ouvrage offre par ailleurs une synthèse théorique et méthodologique.
PLANA Muriel, Roman, théâtre, cinéma, Adaptations, hybridations et dialogue des arts, Paris, Bréal, 2004 →
une synthèse claire et illustrée d'exemples d'hybridations et d'adaptations. Contrairement à la plupart des
autres ouvrages, l'adaptation de textes théâtraux n'est pas oubliée.
la narratologie filmique :
GAUDREAULT André, JOST François, Le Récit cinématographique, Films et séries télévisées,
Paris, Armand Colin, (1990), 2017 (nouvelle édition)
l'analyse filmique :
AUMONT Jacques, Le Cinéma et la mise en scène, Paris, Armand Colin, 2010
AUMONT J., MARIE Michel, L'Analyse des films, Paris, Armand Colin, 2015 → une synthèse historique et
théorique.
BORDWELL David, THOMPSON Kristin, L'Art du film, une introduction, Bruxelles, De Boeck Supérieur, 2014
→ l'ouvrage, assez épais, réunit beaucoup d'informations historiques, théoriques, génériques : pratique et
relativement complet.