D O S S I E R
Mastectomie avec conservation de l’étui cutané :
mise au point
Skin sparing mastectomy: update
● I. Garrido*, G. Ferron*, D. Gangloff*, P. Martel*, D. Querleu*
L’
amÈlioration des rÈsultats cosmÈtiques des reconstruc-
tions mammaires níest pas seulement liÈe au dÈvelop-
pement des techniques de reconstruction. Ainsi, les
techniques de mastectomie ont, elles aussi, ÈvoluÈ. Nous utilisons
aujourdíhui une technique de mastectomie qui conserve un maxi-
mum de tissu cutanÈ, et donc amÈliore le rÈsultat cosmÈtique des
reconstructions. Cette technique est appelÈe mastectomie avec
conservation de líÈtui cutanÈ (MCEC) quíil ne faut pas confondre
avec la mastectomie sous-cutanÈe.
Jusquíau milieu du XXe siËcle, une seule intervention Ètait
pratiquÈe : la classique mastectomie de Halstedt, dÈcrite en
1892 (1). Sein, grand pectoral, petit pectoral et líensemble des
ganglions des trois Ètages de Berg Ètaient emportÈs. Patey (2),
en 1950, dÈcrit une technique moins morbide qui respecte le
grand pectoral.
Cette technique, modifiÈe par Madden (3) en 1970, est la tech-
nique de rÈfÈrence. Elle consiste ‡ enlever toute la glande
mammaire en respectant les muscles pectoraux. Initialement,
líincision se faisait dans un fuseau cutanÈ vertical allant du
sillon sous-mammaire au pÙle supÈrieur de la glande mam-
maire. Aujourdíhui, líincision est plutÙt oblique ou horizon-
tale. Si la tumeur est situÈe dans la moitiÈ infÈrieure du sein,
certains ont proposÈ díutiliser le tracÈ des mammoplasties de
rÈduction, pour aboutir ‡ une cicatrice verticale courte, ou ‡
une cicatrice en T inversÈ.
En parallËle, dans les annÈes 1970, et jusque dans les annÈes
1980, síest dÈveloppÈe une technique qui allait Ítre le prÈcur-
seur de la MCEC : la mastectomie sous-cutanÈe. La glande
mammaire Ètait emportÈe en conservant la peau et la plaque
arÈolo-mamelonnaire. Une certaine Èpaisseur de tissu sous-cutanÈ
Ètait laissÈe en place afin díobtenir un rÈsultat esthÈtique satisfai-
sant. Cette technique níest plus utilisÈe aujourdíhui pour des rai-
sons carcinologiques, en effet elle laissait en place une quantitÈ
importante de tissu mammaire qui Ètait ‡ líorigine de rÈcidives
locales.
Afin de combiner la ìradicalitÈî de la mastectomie selon Patey et
une partie des avantages de la mastectomie sous-cutanÈe, Toth et
Lappert (4) ont dÈcrit en 1991 cette nouvelle technique de mastec-
tomie avec conservation de líÈtui cutanÈ (ou Skin sparing
Mastectomy des Anglo-Saxons).
* Institut Claudius-Regaud, Toulouse.
10
Cette mastectomie, rÈalisÈe par voie pÈriarÈolaire plus ou moins
Èlargie, comprend líablation de la glande mammaire, de la plaque
arÈolomamelonnaire et les cicatrices de tumorectomies ou de biop-
sies chirurgicales. Elle respecte un maximum díÈtui cutanÈ et de
sillon sous-mammaire (figure1). Elle nía díindication que dans le
cadre de la reconstruction mammaire immÈdiate.
Elle doit rÈpondre aux impÈratifs de la reconstruction mammaire
immÈdiate, ‡ savoir: une morbiditÈ proche de celle díune simple
mastectomie, ne pas retarder un Èventuel traitement adjuvant, ne
pas retarder le diagnostic de rÈcidive locale. Une sÈlection rigou-
reuse des patientes est indispensable. Tous les procÈdÈs de recons-
truction peuvent Ítre utilisÈs. Les reconstructions prothÈtiques qui
peuvent Ítre associÈes ‡ un geste controlatÈral díaugmentation
(figure 2) ou de diminution (figure 3). Les reconstructions auto-
logues pures (TRAM, DIEP ou lambeau de grand dorsal) peuvent
donner díexcellents rÈsultats (figure 4).
Sur le plan carcinologique, on a critiquÈ la MCEC comme la mas-
tectomie sous-cutanÈe en raison du risque de laisser un taux impor-
tant de glande rÈsiduelle. Cependant, il faut se rappeler quíune
mastectomie classique laisse 3 ‡ 5 % de glande mammaire.
Lorsque líon voit líÈvolution du sacrifice cutanÈ dans les mastecto-
mies dites ìclassiquesî, souvent rÈduites ‡ un fuseau en regard de
la tumeur initiale et de líarÈole, on peut penser que la diffÈrence de
tissu glandulaire rÈsiduel sous líÈtui cutanÈ est trËs proche de celui
conservÈ lors díune MCEC correctement rÈalisÈe (9).
La faÁon la plus objective de dÈmontrer sa fiabilitÈ sur ce point
est de vÈrifier que cette nouvelle technique níaugmente pas le
taux de rÈcidive. Il níy a pas eu díessai comparatif randomisÈ,
mais de nombreuses Ètudes rÈtrospectives mettent en Èvidence
líabsence díaugmentation du risque de rÈcidive locale et gÈnÈrale
par rapport ‡ la mastectomie ìclassiqueî de Patey (5, 9-17).
Nous reprenons dans le tableau ci-dessous les rÈsultats de
quatre de ces Ètudes, qui comparent le pourcentage de rÈcidive
locale dans le cadre de reconstructions mammaires immÈdiates
par mastectomie ìclassiqueî ou MCEC.
Tableau. Risque de rÈcidive locale.
MCEC (%) Intervention de Patey (%) Réf.
Rivadeneira (2000) 5,6 3,25 (13)
Simmons (1999) 3,9 3,9 (14)
Kroll (1997) 6,7 7,4 (11)
Carlson (1997) 4,8 9,5 (5)
La Lettre du Sénologue - n° 26 - octobre/novembre/décembre 2004
 a

Figure 1. ProcÈdure MCEC par voie pÈri-arÈolaire et reconstruction

par prothËse.
a. Aspect du sein enlevÈ.
b. Cicatrice pÈriarÈolaire.
c. ProthËse de type anatomique avant sa mise en place.
d. Couverture hermÈtique de la prothËse par le muscle grand pectoral.
e. Fermeture sur un redon de Jost dans le plan sous-cutanÈ.
c

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a b

Figure 2. a. MCEC par voie pÈriarÈolaire et reconstruction mammaire immÈdiate par prothËse associÈe ‡ une augmentation mammaire. b. RÈsul-
tat ‡ 2 mois.

a b

Figure 3. a et b. MCEC et reconstruction mammaire immÈdiate par TRAM.

c d

Figure 3. c.d. MCEC et reconstruction mammaire immÈdiate par prothËse du sein droit avec cicatrice en T inversÈ. Plastie mammaire de diminution du
sein gauche avec greffe mamelonnaire (avant tatouage) dans un second temps. RÈsultat ‡ trois mois de la symÈtrisation.

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 a b

Figure 4. a. MCEC avec une incision pÈriarÈolaire emportant la cicatrice de tumorectomie en externe. Reconstruction mammaire immÈdiate par lambeau
musculocutanÈ abdominal (TRAM) unipÈdiculÈ controlatÈral. b. RÈsultat ‡ 5 mois.

Les suivis vont de 2 ‡ 6 ans, avec des tumeurs de stade 0 ‡ 4.

Il níexiste pas díhomogÈnÈitÈ des sÈries sur ces critËres ni sur
le type de reconstruction mammaire (voir tableau p. 11).
Au vu des diffÈrentes Ètudes, on peut penser que le risque de rÈci-
dive locale, en cas de tumeur níenvahissant pas líhypoderme, ne
dÈpend pas de la quantitÈ de peau rÈsÈquÈe, mais quíil est directe-
ment liÈ ‡ la taille de la tumeur, ‡ son agressivitÈ intrinsËque et
aux marges díexÈrËse.
Líavantage majeur de la conservation de líÈtui cutanÈ est un rÈel
bÈnÈfice esthÈtique (5, 6).
1. périaréolaire 2. raquette de tennis
En effet, la forme du sein est dÈterminÈe par líenveloppe cutanÈe
et par les structures de soutien du sein, qui incluent le sillon
sous-mammaire et axillaire (7). Ainsi, avec la prÈservation de
la peau et du sillon, il est plus facile díobtenir un sein compa-
rable en forme et en volume au sein prÈexistant. En Èpurant le
concept, la reconstruction du sein consiste ‡ remplir le volume
contenu dans líÈtui cutanÈ sans se soucier de sa forme. Par
ailleurs, il existe une nette diminution de la taille des cicatrices,
qui, ‡ terme, sont camouflÈes en partie, voire en totalitÈ, par la
reconstruction de la plaque arÈolomamelonnaire (5, 8).
3. ellipse modifiée 4. réduction
Cette technique peut síadapter ‡ toutes les localisations tumo-
rales et aux diffÈrents types de seins. Carlson (5) a proposÈ une Figure 5. Types díincision de mastectomie avec conservation de líÈtui
classification des diffÈrents types díincision possibles (figure 5) cutanÈ (díaprËs [5]).
avec laquelle il est toujours possible de rÈaliser un curage axil- 1. Líincision pÈriarÈolaire est utilisÈe sur des seins de petite taille avec une ptose
modÈrÈe. La perte de substance ainsi crÈÈe peut Ítre soit suturÈe en suture
laire, bien que, le plus souvent, les indications carcinologiques directe, soit en bourse qui est laissÈe en cicatrisation dirigÈe. Les avantages de
bÈnÈficiant de la reconstruction mammaire immÈdiate níen nÈcessi- la bourse sont líabsence de cicatrices et le bourrelet, qui, une fois cicatrisÈ, peut
tent pas puisquíil síagit de carcinomes intracanalaires. servir ‡ reconstituer le mamelon. LíinconvÈnient en est le centre du bourrelet,
mis en cicatrisation dirigÈe et qui peut Ítre une porte díentrÈe pour les germes.
Díun point de vue technique, le risque principal est la nÈcrose Ainsi, ce type díincision est ‡ Èviter en cas de reconstruction par implants du
cutanÈe des lambeaux de mastectomie : il est invariablement prÈ- fait du risque infectieux. Cette perte de substance peut aussi Ítre remplacÈe par
sent, avec cependant des pourcentages Èquivalents ‡ ceux de la un patch cutanÈ díun lambeau musculocutanÈ dÈsÈpidermisÈ, futur site de la
mastectomie selon Patey (environ 5 % des cas). Il peut Ítre rÈduit reconstruction arÈolomamelonnaire.
2. Le prolongement latÈral de líincision pÈriarÈolaire permet une meilleure exposi-
en sÈlectionnant de faÁon rigoureuse les patientes pouvant en tion lors de la mastectomie et du curage axillaire.
bÈnÈficier. Il faut donc rechercher les facteurs de risque majeurs: 3. Líincision elliptique est utilisÈe en cas de sein ptosÈ : líexÈrËse ovalaire est díautant
tabac, index de masse corporelle ÈlevÈ, diabËte, etc. plus large et longue que le sein est volumineux et ptosÈ. Líutilisation díimplants est
possible, car la suture est Ètanche : le surjet froncÈ permet de camoufler en partie
Un antÈcÈdent díirradiation du sein (aprËs primo traitement la cicatrice lors de la reconstruction de la plaque arÈolo-mamelonnaire.
conservateur) est une contre-indication thÈorique ‡ ce type de 4. Líincision de mammoplastie en ìT inversÈî est dangereuse du fait du risque
mastectomie. Cíest líÈtat de líÈtui cutanÈ qui est avant tout pris en important de nÈcrose cutanÈe ‡ líunion des cicatrices horizontale et verticale, sur-
tout en cas de reconstruction par implant. Elle permet pourtant, dans les cas de
compte. sein trËs ptosÈ, un redrapage de líÈtui cutanÈ impossible avec les autres types
Enfin, bien que cette technique de mastectomie donne de díincision.

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meilleurs rÈsultats cosmÈtiques, il ne faut pas oublier le vÈcu psy-
chologique de la patiente.
Líannonce díun cancer du sein avec nÈcessitÈ de mastectomie
modifie forcÈment líÈquilibre et les modes rÈactionnels des
patientes : le discours du chirurgien oncologue est toujours prÈdo-
minant par rapport ‡ celui du plasticien. Le chirurgien plasticien
doit donc Ítre le plus clair possible sur les possibilitÈs, les limites
ainsi que sur les contingences díune reconstruction mammaire
immÈdiate afin díÈviter les dÈceptions postopÈratoires malheureu-
sement frÈquentes.
La reconstruction mammaire immÈdiate a ÈtÈ longtemps dÈnigrÈe
pour sa chronologie interdisant le deuil du sein reconstruit (18,
19). Ces affirmations sont depuis controversÈes par de nom-
breuses Èquipes. Ainsi, il existe une diminution de líanxiÈtÈ par
un meilleur respect de líintÈgritÈ corporelle (20, 21) et un travail
de deuil moins douloureux. La reprise de líactivitÈ profession-
nelle est plus rapide et la conservation de líÈtui cutanÈ amÈliore le
degrÈ de satisfaction (5, 6).
Pour une meilleure rÈussite de cette intervention, on prÈconise de
respecter certaines rËgles (22-24) :
ñ la reconstruction mammaire immÈdiate doit Ítre proposÈe mais
jamais imposÈe ;
ñ malgrÈ la relative urgence du geste, un certain dÈlai de rÈflexion
entre la remise díinformation et líintervention doit Ítre respectÈ ;
ñ líamalgame entre cancer et esthÈtique, frÈquent chez les
patientes demandeuses, doit Ítre ÈvitÈ ;
ñil faut Èviter de dÈplacer líangoisse de la maladie cancÈreuse sur
la reconstruction afin díÈviter des suites postopÈratoires compli-
quÈes.
En conclusion, on peut dire que la MCEC est aujourdíhui la
technique de mastectomie qui permet de donner les meilleurs
rÈsultats cosmÈtiques tout en offrant, chez les patientes bien
sÈlectionnÈes, des conditions carcinologiques optimales par
rapport ‡ nos standards actuels. Líexigence esthÈtique de la
patiente et du chirurgien est plus importante quíen cas de
reconstruction mammaire diffÈrÈe. Il ne faut pas oublier que la
MCEC níest quíune technique de mastectomie. La reconstruc-
tion mammaire associÈe ‡ cette technique utilisait jusquí‡ prÈ-
sent les procÈdÈs habituels. Cependant, il semble que díautres
moyens de reconstruction pourraient se dÈvelopper spÈcifique-
ment pour ce type de mastectomie. Il síagit sans doute du
challenge le plus prometteur de ces vingt derniËres annÈes en
matiËre de reconstruction mammaire. ■ tic outcome after pedicled or free TRAM flap breast surgery. Plast Reconstr Surg
R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S
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ATELIERS INTENSIFS D’IMAGERIE MAMMAIRE

Montpellier – 13-15 janvier 2005
Renseignements et inscriptions (inscription limitée) :
• Hôpital Lapeyronie, département d’imagerie médicale, 31, avenue du Doyen Gaston-Giraud,
34295 Montpellier Cedex 5. Tél : 04 67 33 86 01. Fax : 04 67 33 89 49. Internet : p-taourel@chu-montpellier.fr
• Institut montpelliéran d’imagerie médico-biologique et de mastologie, 209, rue des Apothicaires, 34196 Montpellier Cedex 5.
Tél. : 04 67 61 15 05. Fax : 04 67 61 15 10. Internet : imim@wanadoo.fr

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