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Introduction à la Courbe des Taux

Année 2006

Florian Ielpo

25 septembre 2007

1
Table des matières
1 Quelques mots d’introduction 4

2 Mathématiques financières 4
2.1 Principal et Intérêts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
2.1.1 Intérets Simples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
2.1.2 Intérets Composés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
2.2 Taux proportionnels et taux équivalents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
2.2.1 Taux proportionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
2.2.2 Taux équivalents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
2.3 Intérets en temps continu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
2.4 Conventions de calcul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
2.5 Valeur Future et Valeur Actuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
2.6 Critères de décision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2.6.1 Valeur Actuelle Nette . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2.6.2 Taux Interne de Rentabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

3 Les obligations et la courbe des taux 13


3.1 Quelques définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
3.2 Caractéristiques d’une obligation à taux fixe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
3.3 Bestiaire des produits obligataires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
3.4 Les produits américains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
3.5 Les marchés obligataires américains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

4 Evaluation d’un produit obligataire 16


4.1 Evaluation d’une obligation ZC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
4.1.1 Calcul du prix de l’obligation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
4.1.2 Calcul du rendement de l’obligation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
4.2 Autour de la courbe des taux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
4.3 Evaluation d’une obligation à coupon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
4.4 Calcul d’un coupon couru . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

5 Couverture 24
5.1 Quelques mots d’introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
5.2 La couverture en duration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
5.2.1 $ duration et duration modifiée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
5.2.2 La duration : calcul et interprétation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
5.2.3 Couverture en duration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
5.3 Au delà de la duration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
5.3.1 Grandes variations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
5.3.1.1 La couverture avec la convexité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
5.3.2 Variations non parallèles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
5.3.2.1 Le cross-hedge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
5.4 Le cadre général et quelques approches astucieuses . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

2
6 Selection 40
6.1 Stratégies passives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
6.2 Stratégies actives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
6.2.1 Un exemple de market timing . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
6.2.2 Quelques stratégies classiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

7 Retour sur la courbe des taux 43


7.1 Dérivation de la courbe des ZC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
7.1.1 La méthode théorique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
7.1.2 La méthode du bootstrap . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
7.2 Rendre la courbe des taux continue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
7.3 La courbe des taux forward . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

Bibliographie 47

3
1 Quelques mots d’introduction
Les marchés obligataires constituent à l’heure d’aujourd’hui un marché riche, liquide et innovant.
C’est également l’un des secteurs les plus anciens de la finance : le mécanisme pret/emprunt est
certainement vieux comme le monde et de nombreux ouvrages historiques traitant de ces ques-
tions sont disponibles. Il n’est ici pas question d’entrer dans ces considérations : l’ambition de
cette courte introduction est de fournir les outils de base permettant de comprendre les idées
les plus simples de la gestion de taux.

Comme c’est le cas pour de nombreux secteurs de la finance, deux niveaux d’explications et
donc d’enseignement sont disponibles pour les produits de taux. Le premier niveau - ce dont
il sera question ici - présente globalement les méthodes d’évaluation, de sélection et de cou-
verture de produits de taux à versement futurs certains. De nombreux concepts essentiels à la
compréhension de toute la finance sont exposés à cette occasion : celui d’actualisation, de pri-
cing, de risk management, de duration, de sensibilités... Il s’agit de concepts tant théoriques que
pratiques, et par conséquent nécessaires à la gestion au quotidient en salle de marché (desk fixed
income ou ALM).

Il existe cependant un second niveau de compréhension, plus exigeant et vaste que le précédent,
intégrant le caractère aléatoire des versements futurs et par conséquent du prix des actifs. Il
n’en sera pas question ici, dans la mesure où ce type d’approche nécessite de solides pré-requis
de calcul stochastique.

Ces notes de cours s’inspirent de nombreux ouvrages disponibles sur les produits de taux. A
chaque début de section, il sera fait référence précisement aux chapitres d’intéret de ces ou-
vrages. Jarrow (2002) est un excellent petit ouvrage en langue anglaise, rédigé par l’un des
fondateurs des modèles de taux. Cet ouvrage couvre les deux niveaux d’approches évoqués
précédement et présente une approche extrement pédagogique. Martellini and Priaulet (2004)
est un ouvrage en français couvrant de nombreux aspects de ce cours : de prix abordable, il
présente de façon tant théorique que pratique les différents éléments abordés dans le cadre de ce
cours. Martellini et al. (2003) est la version anglaise, chez Wiley, de l’ouvrage précédent. Il ne
s’agit pas simplement d’une traduction : l’ouvrage a été considérablement épaissi et agrémenté
d’exemples pratiques. Cairns (2004) est un ouvrage dans la même veine que celui de Jarrow,
présentant les deux niveaux de compréhension des produits de taux. L’ouvrage est d’excellente
facture et très pédagogique. Tuckman (2002) présente enfin de façon très pratique l’ensemble
des concepts abordés au cours de ce polycopier. Il offre l’avantage ( ?) d’utiliser un minimum de
mathématiques financières et un maximum d’intuition.

Ces notes de cours emprunte à l’ensemble de ces ouvrages, et espère en avoir retiré les éléments
les plus pédagogiquement viables. Ce polycopier est susceptible d’évolutions, d’améliorations...
Bref, tout commentaire constructif est le bienvenu.

2 Mathématiques financières
Avant toute chose, il est tout d’abord nécessaire de présenter quelques outils du calcul financier
basique. Il n’existe pas de pré-requis particulier pour cette section, si ce n’est la ”maitrise” de
l’addition, la multiplication et un minimum de bon sens. Les ouvrages cités précédement ne

4
présentent ces différents éléments que de façon diffuse, sans consacrer un chapitre spécial à ces
éléments. C’est pourquoi il n’est pas fourni de références précises.

Il sera principalement question de taux d’intéret dans ce qui suit. L’intéret est fréquement appelé
la valeur temps de l’argent, c’est à dire la valeur accordée aujourd’hui au fait de ne pas utiliser
l’argent dont on dispose pour une utilisation immédiate (i.e. la consommation). Le fait de re-
noncer à consommer aujourd’hui pour préter de l’argent a un prix, et ce prix peut être assimilé
au taux d’intéret. On revient dans ce qui suit sur les principes de capitalisation, d’actualisation
et de critère de décision (à partir de quel niveau de taux choisit-on de ne pas consommer ?
Comment choisir entre différents projets d’investissement ?).

2.1 Principal et Intérêts


L’idée de base de cette section est extrêment simple : imaginons que vous investissiez un mon-
tant de 100 euros sur une durée d’un an dans un placement qui rapporte 3% par an. A la fin de
cette année d’investissement, vous serez alors l’heureux(se) détenteur(trice) de 103 euros. Vous
avez ainsi accru votre capital de 3%. De façon général, en investissant un montant M à un taux
r%, vous vous retrouvez avec M (1 + r) à la fin de l’année. Ce principe relativement simple,
se complexifie légèrement lorsque l’on dépasse l’horizon d’investissement d’un an. On distingue
alors les intérets simples des intérets composés.

2.1.1 Intérets Simples


Les intérets simples constituent la méthode la plus simple de calcul des intérets. Il s’agit d’une
règle de proportionnalité : les intérets au bout de n années sont égaux à n fois les intérets au
bout d’une période.

Plus précisément, en reprenant l’exemple précedent, et en investissant dans un projet d’horizon


3 ans, on obtient :

– des intérets de M r la première année


– des intérets de M r la deuxième année
– des intérets de M r la troisième année,

soit 3 × M r au terme des trois ans (la somme des trois versements d’intérets). Le capital au
bout de 3 ans est ainsi égal à M (1 + 3r).

L’idée est ici que les intérets perçus chaque année ne donnent pas lieu à la perception d’intérets
sur les intérets. Ceci expliquant la dénomination d’intérets simples : on se contente de calculer les
intérets chaque année comme si il s’agissait d’un nouveau projet d’investissement d’un horizon
d’un an.

Notez que jusqu’ici les taux d’intérets sont exprimés en base annuelle : il s’agit des intérets liés
à des projet d’un horizon d’un an. Il s’agit d’une pratique extremement courante et généralisé à
l’ensemble des marchés.

5
2.1.2 Intérets Composés
Par opposition aux intérets simples, les intérets composés permettent de percevoir à la fois les
intérets et les intérets des intérets. En reprenant l’exemple précedent, on investit M au taux
annuel r% sur 3 ans, avec des intérets composés. On obtient alors :

– des intérets égaux à M r% au bout d’un an


– au bout de deux ans, on obtient à la fois M r%, comme dans le cas précédent. On ajoute
à cela le fait que l’on ait réinvestit les intérets de la première année au même taux, soit :
M r%(1 + r%)
– il en va de même la dernière année : on obtient classiquement les M r%, auxquels s’ajoutent
les intérets des intérets perçus au cours de la première et deuxième année : soit M r%(1 +
r%)(1 + r%) pour ceux de la première année et M r%(1 + r%) pour la deuxième année.

Au total, on obtient alors :


M + M r% + M r%(1 + r%)(1 + r%) + M r%(1 + r%) = M (1 + r%(1 + r%) + r% + r%(1 + r%)2 ) (1)
= M ((1 + r%)(1 + r% + r%(1 + r%))) (2)
3
= M (1 + r%) (3)

Ainsi, dans le cas des intérets composés, le capital accumulé s’écrit à l’aide de puissances et
non du produit comme c’était le cas pour les intérets simples. Encore une fois, il s’agit pour le
moment de capitalisation annuelle. On verra plus loin une méthode permettant de capitaliser
sur des intervalles situés dans R+
∗.

Remarque 1 (Point de vocabulaire). Le capital initiallement investi est appelé généralement


principal. Ce terme reste inchangé en anglais.

2.2 Taux proportionnels et taux équivalents


Il arrive très souvent de devoir capitaliser des intérets sur des période différentes de l’année :
capitalisation sur une semaine, un mois, trois mois... ou pour des périodes plus complexes telles
que deux mois, trois semaine et deux jours. Il est alors nécessaire de déterminer le taux qui s’ap-
plique à cette capitalisation, à partir du taux annuel de capitalisation. Il est possible d’utiliser
les taux proportionnels ou les taux équivalent, selon l’approximation que l’on souhaite mettre
en oeuvre.

2.2.1 Taux proportionnels


Comme on l’a fait remarquer, les taux d’intérêt sont fréquemment exprimés en base annuelle
(plus rarement en base semestrielle). Lorsque l’on considère une période de capitalisation inférieure
à l’année (par exemple le mois ou le trimestre), le taux d’intérêt prévalant pour cette période
doit être calculé de manière proportionnelle :

r : taux en base annuelle (4)


rm : taux période si l’on considère qu ’il y a m périodes de capitalisation pendant l’année
(5)

6
On a alors :
r
rm = (6)
m
Un exemple numérique permettra de clarifier les choses : soit un investissement de 10 000 euros
au taux de 12% avec capitalisation mensuelle des intérêts. Le taux est exprimé en base annuelle.
On a alors :

10000 × (1 + 1%) au bout d’un mois (7)


2
10000 × (1 + 1%) au bout de deux mois (8)
12
10000 × (1 + 1%) au bout d’un an (9)

Ceci vient naturellement du fait que le taux mensuel proportionnel au taux annuel de 12% est :
12%
r12 = = 1% (10)
12

2.2.2 Taux équivalents


Dans le cas où l’on travaille sur un intervalle de temps supérieur à l’année, on a généralement re-
cours aux taux équivalents. Deux taux correspondant à des périodes de capitalisation différentes
sont équivalents quand ils donnent à intérêts composés la même valeur acquise au bout du même
temps de placement. Autrement dit, l’équivalent annuel de ces deux taux doit être le même. On
détaille la méthode et on présente là encore un exemple nuémrique simple.

Ainsi, considérons :

r le taux d’intérêt en base annuelle pour m périodes de capitalisation (11)


ra le taux annuel équivalent (avec période annuelle de capitalisation) (12)

L’égalité des valeurs acquises au bout d’un an entre les deux placements s’écrit :
 r m
(1 + ra ) = 1 + (13)
m
r m
ra = (1 + ) − 1 (14)
m

r = m( m 1 + ra − 1) (15)

La méthode de calcul est ici légèrement plus complexe que pour les intérets proportionnels, mais
l’approximation est meilleure.

Remarque 2. On notera qu’intuitivement, les intérets proportionnels correspondent à une ca-


pitalisation à intérets simples, alors que les taux équivalents correspondent à une capitalisation
à intérets composés. On utilise ainsi davatage les intérets simples pour des périodes inférieures
à l’année et les intérets composés pour des périodes supérieures à l’année.

Là encore, un exemple numérique : soit un taux trimestriel de 1.5%. Ce taux correspond au taux
annuel équivalent de :

ra = (1 + 1.5%)4 − 1 = 6.14% (16)

7
Inversement on peut chercher le taux trimestriel équivalent à un taux annuel de 6%.

(1 + 6%) = (1 + rm )4 ⇒ rm = 1.47% (17)

Ce court exemple permet de se faire une idée de l’écart existant entre taux proportionnel et
taux équivalent. 1.5% correspond à un taux annuel proportionnel de 6%, mais à un taux annuel
équivalent de 6.14%. Plus le nombre de périodes est important (mois, semaine, jours...) et plus
cet écart se creuse. Globalement le taux proportionnel est inférieur au taux équivalent corres-
pondant.

Remarque 3 (Taux effectif). On appelle également ce taux équivalent taux effectif, dans la
mesure où dans l’hypothèse d’une capitalisation composée, le véritable loyer de l’argent est le
taux d’intéret ainsi calculé. Le terme anglais est effective rate.
Le taux annualisé (i.e. r), tel qu’il apparait dans les bases de données est appelé taux nominal
ou nominal rate.

2.3 Intérets en temps continu


De nombreux modèles d’évaluation de produits de taux reposent sur une modélisation en temps
continu de la capitalisation. Ces modèles ne seront pas abordés dans le cadre de ce cours, mais
une excellente revue de la littérature, tournée principalement vers le développement des modèles
Heath-Jarrow-Morton (HJM) est disponible dans Jarrow (2002). Il en va de même pour Cairns
(2004). Une version française plus succinte est disponible dans Martellini and Priaulet (2004).

Imaginons qu’il soit possible d’augmenter toujours davantage m, le nombre de périodes compo-
sant une année : il serait possible en théorie d’utiliser le mois comme intervalle, ou la semaine,
le jours, l’heure, voire la minute... et de déterminer ainsi le taux équivalent pour une unité de
temps tendant vers 0 (et par conséquent un nombre de périodes tendant vers +∞). Considérer
une composition continue revient à considérer qu’il est possible de capitaliser sur une période
de temps infinitésimale. Ainsi, à partir de la capitalisation suivante :
1 m
(1 + ) (18)
m
une capitalisation continue revient à faire tendre n vers l’infini : on obtient un intervalle de taux
infiniment petit. La limite de cette expression est alors :
1 m
lim (1 + ) =e (19)
m→∞ m
C’est ce qu’on observe sur la figure 1 (page 9).
Une autre façon de le voir est de faire un développement limité de eu au voisinage de 0 :

eu ∼ 1 + u (20)

On obtient de même cette approximation pour (eu )n , capitalisation sur n périodes :

(eu )n = eun ∼ (1 + u)n (21)

On peut ainsi calculer la capitalisation d’une somme quelconque pour une période de temps
quelconque, en temps continu. Notons t une variable permettant de compter le temps en base
annuelle. Ainsi t = 1 correspond à une année, t = 0.25 à un trimestre et t = 1/52 à une semaine.

8
Convergence vers l’exponentielle

2.7
2.6
2.5
2.4
dem

2.3
2.2
2.1
2.0

0 50 100 150 200

Index

Fig. 1 – Convergence vers l’exponentielle

En divisant l’année en m périodes comme précédement, on est alors en mesure de trouver une
relation approximativement bonne entre les variables t et m. On a ainsi :
k
t= (22)
m
où k est le nombre de périodes de m nécessaire pour reconstituer à proximativement t. Par
exemple, si t = 0.25 et que m = 12 (la période choisie est le mois), on a alors k = 3 :
k 3
t= = = 0.25 (23)
m 12
Plus m est important (plus le nombre de périodes est important) et plus l’approximation de t
par k/m est bonne. En faisant tendre m vers l’infini, celle-ci devient quasi parfaite, et on a :
h r ik h r imt
1+ = 1+ (24)
m m
h r im t
= 1+ → ert (25)
m
(26)

Ceci tient naturellement au fait que k ∼ mt. On trouve ainsi une expression de la capitalisation
en temps continu d’un montant quelconque au taux annuel proportionnel r. Encore une fois ce
type de capitalisation ne sert que dans le cas de modèles en temps continu, qui restent monnaie
courante en finance. Notons que le temps continu revient précisement à opérer cette partition
infinitésimale du temps.

2.4 Conventions de calcul


Tous les calculs précédents font intervenir la durée du placement. Il existe des conventions
précises pour la calculer, qui diffèrent selon les marchés et les produits. Voici pelle-mèle quelques
unes de ces règles de calcul :

– La base renseigne sur la durée entre deux paiements et sur le nombre de jours considéré dans
une année.

9
– Un placement sur une période d’intérêt entre deux dates d1 et d2 est supposé inclure la date
d1 et exclure la date d2.
– Les intérets sont perçus en fin de période de capitalisation, i.e. pour une capitalisation annuelle,
à la fin de chaque année. On parle parfois d’intérets post-comptés.
– Les principales bases sont :

– Base Exact/360 (Actual /360) : nombre exact de jours calendaires entre deux dates divisé
par 360 ; elle est utilisée sur le marché monétaire avec des taux proportionnels.
Entre le 01/08/1999 et le 03/09/2001 : 764 jours.

– Base Exact/Exact (Actual/Actual) : nombre exact de jours calendaires entre les deux dates.
La base comprend 365 ou 366 jours selon les années calendaires ; elle est utilisée pour le
calcul des coupons courus des obligations.
Entre le 01/08/1999 et le 03/09/2001 : 152/365 + 1 + 246/365 = 2.0904
Entre le 01/08/2000 et le 03/09/2002 : 152/366 + 1 + 246/365 = 2.0892

– Base 30/360 : année divisée en 12 mois de 30 jours. On compte le nombre de mois calendaires
pleins + les fractions de mois ; elle est utilisée sur le marché des swaps.
Entre le 01/01/2001 et le 25/03/2001 : 2 × 30 + 24 = 84 jours
Entre le 15/01/2001 et le 31/05/2001 : 16 + 4 × 30 = 136 jours
Entre le 31/01/2001 et le 31/05/2001 : 4 × 30 jours = 120 jours

2.5 Valeur Future et Valeur Actuelle


Imaginons que l’on vous propose un investissement d’un montant initial de 100 euros, qui vous
rapporte un taux annuel de 4% sur deux ans. Vous vous interrogez : quelle sera la valeur future
de mon placement ? Par valeur future, on entend naturellement la valeur de votre patrimoine
atteinte in fine grace à cet investissement. Rien n’est plus simple. Vous avez qu’avec des intérets
composés, vous obtiendrez au bout des deux ans :

V2 = 100(1 + 4%)2 (27)

On appelle V2 la valeur future de votre placement. En déterminant la valeur future de différents


placements à deux ans, vous serez alors en mesure de les comparer à l’heure d’aujourd’hui. En
revanche, si vous souhaitez choisir entre différents placements d’horizons différents (un an ,deux
ans, trois ans...), les projets n’étant pas de même maturité, il ne vous est pas possible de procéder
comme précédement. La valeur future n’est pas la bonne approche.

Si le fait de capitaliser les flux à l’aide d’intérêts composés permet d’obtenir in fine la valeur
future du placement étudié, alors il est possible de déterminer la valeur présente d’un placement
fournissant une valeur future de Vf dont on connait les modalités de versement, autrement dit,
la valeur qu’il est nécessaire d’investir aujourd’hui pour obtenir Vf en fin de vie du produit
obligataire.

Ceci revient à dire qu’un euro aujourd’hui n’a pas la même valeur aujourd’hui et demain. Si il
est possible d’investir cet euro à un taux de 6% aujourd’hui, il est possible sur une période de
deux ans d’obtenir :

Vf = (1 + 6%)2 = 1.1236 (28)

10
Autrement dit, la valeur actuelle de 1.1236 euros dans deux ans est 1 euro aujourd’hui. On
obtient Vp , la valeur présente comme suit :

1.1236
Vp = =1 (29)
(1 + 6%)2

Cette notion est essentielle, dans la mesure où elle constitue la base de l’ensemble des méthodes
de valorisation des actifs (financiers). Elle sera fort utile pour le calcul des critères de décisions
développés plus bas. Ainsi pour comparer la valeur de différents investissement, vous allez
déterminer l’ensemble des projets à la valeur présente et comparer cette valeur présente à l’in-
vestissement nécessaire. Il s’agit du point de départ des Valeurs Actualisées Nettes et des Taux
Internes de Rentabilité.

2.6 Critères de décision


On présente dans cette section deux méthodes de calculs qui serviront lorsque l’on attaquera le
vif du sujet : il s’agit de la valeur actuelle nette et du taux interne de rentabilité. Les concepts
de valeur actuelle nette et de taux de rendement interne sont développés de façon pédagogique
dans Brealey and Myers (2003, 2005)[Chapitre 2, 3 et 5]).

2.6.1 Valeur Actuelle Nette


La Valeur Actuelle Nette est une méthode simple permettant de juger de l’intéret d’un place-
ment. C’est une méthode largement présentée, sinon utilisée, lors de la sélection de différents
investissements. L’idée est simple : on actualise les flux de revenu futurs occasionés par le pla-
cement et on les compare au montant initial de l’investissement. La formule peut sembler a
première vue complexe, mais il n’en est rien.

Un exemple permettre d’éclaircir les idées : imaginons que vous vous lanciez dans un placement
(sur les conseils d’un ami bien avisé) qui nécessite une mise de départ de 100 euros, et vous
rapporte au bout d’un an 5 euros, en plus de votre mise de départ. Vous allez voir votre ban-
quier et vous lui demandez le taux d’intéret qu’il vous servirait pour un placement sur une durée
équivalente. La réponse : 4%. Avez vous intéret à investir dans ce placement ?

Une façon de répondre revient à déterminer la valeur actuelle du placement : cette valeur actuelle
est naturellement égale à :
105
Vp = = 100.96 euros (30)
1 + 4%
En clair : vous avez le choix entre votre placement et pretter votre argent à la banque. Vous savez
qu’en prettant 100 euros vous obtiendrez 105 euros in fine avec le placement de votre ami. Dans
le cas où vous pretteriez de l’argent à votre banque, combien faudrait il pretter pour obtenir in
fine 105 euros ? La réponse est solution de :
105
x(1 + 4%) = 105 ⇔ x = (31)
1.04
soit la réponse donnée initiallement. On compare alors la somme initiale à investir pour obtenir
105 euros dans un an pour les deux placements. Celui dont la somme est la plus faible (mise de

11
départ initiale la plus réduite) est le placement le plus intéressant. En fait, on vient de comparer
les valeurs présentes des deux investissements, en répondant à la question : combien faut-il que
j’investisse aujourd’hui pour obtenir un montant donné dans le futur.

Il est possible de généraliser la formule de la VAN à des flux mutliples, tels que : recevoir 5
euros dans un an, puis 5 euros dans deux ans et enfin 105 euros dans trois ans, pour une mise
de départ de 100 euros. Dans ce cas, on procède comme précédement : quel serait le montant à
investir à 4% aupres de la banque pour obtenir ces flus ? On ne résout pas à nouveau le système,
on se contente de calculer la valeur actuelle :
5 5 105
+ 2
+ = 102.78 euros (32)
1, 04 1, 04 1, 043
Là encore le placement de votre ami est bien plus intéressant. Notez au passage que l’actualisation
a conduit à actualiser chacun des flux indépendement des autres. La formule générale de la VAN
est la suivante :
n
X Fp
V AN = −I + (33)
(1 + r)p
p=1

Fp : Flux net de trésorerie de la période p (34)


I : Le capital investi (35)
n : durée de vie du projet (36)
r : taux d’intéret. (37)

Ce principe n’est pas utile en tant que tel pour les produits de taux, mais sa démarche est
essentielle pour comprendre le fonctionnement des principes de base de l’évaluation des produits
de taux. Le taux interne de rentabilité est également un principe essentiel.

2.6.2 Taux Interne de Rentabilité


Le taux interne de rentabilité s’interroge quant à la rentabilité d’un placement. Combien me
rapporte en terme d’intéret le placement précédent ? On connait la chronique des cash-flows,
mais on ne connait pas encore le taux de rentabilité du projet. Quelques calculs évident montrent
que ce taux de rentabilité n’est rien d’autre que le taux d’actualisation qui permet d’égaliser la
somme des cash flows futurs actualisés et le montant initiallement investi. Il s’agit donc du taux
d’actualisation pour lequel la VAN est égale à 0. Autrement dit, c’est le taux x pour lequel il y a
équivalence entre le capital investi et l’ensemble des cash flows. Sa formule est donc la suivante :
n
X Fp
I= (38)
(1 + x)p
p=1

Remarque 4. Les critères de la VAN et du TIR reposent sur des hypothèses de ré-investissement
des flux de trésorerie pendant toute la durée de la vie du projet. Selon les critères de la VAN,
le réinvestissement se fait au taux d’actualisation alors que pour le TIR le réinvestissement des
flux de trésorerie s’effectue au taux interne lui-même.

Ces quelques mots autour de la VAN et du TIR prouveront dans ce qui suit toute leur utilité :
l’actualisation est à la base du calcul obligataire simple.

12
3 Les obligations et la courbe des taux
Cette section sera l’occasion de présenter l’ensemble des produits obligataires standards. Il sera
également question de méthodes de valorisation ainsi que du concept de courbe des taux, concept
essentiel s’il en est.

Cette section s’appuie sur différents chapitres des livres précédement cités. Leur lecture est
conseillée. La première partie de cette section est inspirée de Martellini et al. (2003)[Chapitre
XX]. La partie consacrée au bestiaire des produits obligataires emprunte à Jarrow (2002)[Cha-
pitre 1]. La partie consacrée à l’analyse rich and cheap est tirée de Martellini and Priaulet
(2004)[pages 166-168].

3.1 Quelques définitions

Definition 1 (Les obligations). Les obligations sont des titres de créance détenus par un ou
plusieurs porteurs à l’encontre d’un emprunteur.

Derrière cette définition se cache une idée très simple : quand un particulier souhaite emprunter
de l’argent pour financer l’achat de sa maison de son appartement, la somme empruntée est
dérisoire, au regard des réserves dont dispose la banque. Lorsqu’une entreprise souhaite financer
un projet d’investissement, le coût est très largement supérieur. La banque n’est alors plus en
mesure de fournir seule la somme requise sans se mettre dramatiquement en danger. Une solution
simple à ce problème consiste à découper la somme à pretter en autant de petites sommes qu’il
le faut, et à proposer ces micro-prets sur un marché organisé : le marché obligataire. Chacun de
ces micro-prets est appelé obligation et porte des intérêts appelés coupon.

Definition 2 (Les coupons). Les coupons correspondent, dans le cas d’une obligation, au ver-
sement des intérêts à intervalles fixes.

Les coupons correpondent donc aux tombées d’intérets régulieres. Les intervalles entre deux
coupons peuvent être variables. Ils sont en général semi-annuel ou annuel. Le taux de coupon,
i.e. le taux d’intéret de référence pour calculer le coupon, est négocier à l’émission de l’obligation.

Il existe de multiples catégories d’obligations segmentées selon différents critères :

– Les obligations à taux fixe / les obligations à taux variable selon la nature fixe ou variable du
taux de coupon

– Les obligations d’Etat / les obligations corporate selon la nature publique ou privée de
l’émetteur

– Les obligations à coupon / les obligations zéro-coupon selon l’existence ou non de coupons
intermédiaires dans l’échéancier de remboursement

– Les obligations sans clause optionnelle / les obligations à clause optionnelle (obligations
convertibles...) selon l’existence ou non d’options associées au produit purement obligataire

13
– Les obligations AAA / les obligations BBB selon la nature du rating de l’émetteur

Dans ce qui suit, on ne considèrera que la classe d’obligation la plus standard ( plain vanilla
bond ou bullet bond ). Ce sont des obligations qui présentent les caractéristiques suivantes :

– à taux fixe

– sans risque de défaut ou rating AAA i.e. émises généralement par l’un des Etats membres du
G7

– le plus généralement à coupons

– sans clause optionnelle

Ces obligations ne sont naturellement pas émises par des entreprises privées. Une entreprise est
quoiqu’il arrive soumise à un risque de défaut, si faible soit il. Le risque de faut correspond
simplement au fait que l’entreprise ne rembourse pas l’argent qu’elle a emprunté à l’échéance du
pret. Ces obligations vanilles sont principalement le fait des Etats : eux aussi ont de très larges
besoins de financement. Pour les principaux pays du G7, le risque de défaut est quasi-nul et par
abus de langage est considéré comme nul. Ce rique est bien évidement quasi nul dans la mesure
où des événements géopolitiques peuvent encore et toujours éclater.

3.2 Caractéristiques d’une obligation à taux fixe


Les obligations à taux fixe présentent un certain nombre de caractéristiques qu’il convient d’avoir
en tête avant de passer aux choses sérieuses :

Emetteur : il s’agit de l’emprunteur. L’emprunteur peut être une entreprise, l’Etat, une col-
lectivité locale... S’il s’agit d’une entreprise, elle doit avoir au moins deux ans d’existence, deux
bilans régulièrement approuvé par les actionnaires et un capital entièrement libéré. La taille de
l’émission correspond au montant emprunté initialement par l’emprunteur.

Montant principal ou nominal : il s’agit de la taille de l’émission divisé par le nombre to-
tal d’obligations mis sur le marché. Exemple : Une entreprise émet un million d’obligations de
montant nominal égal à 100 euros. La taille initiale de l’émission est égale à 100 millions d’euros.

Taux de coupon : c’est le taux d’intérêt versé périodiquement au détenteur de l’obligation.


On appelle coupon le montant égal au taux de coupon multiplié par le montant nominal.

Fréquence de tombée des coupons : fréquence selon laquelle l’emprunteur versera des
intérêts au détenteur de l’obligation. Les fréquences les plus classiques sont une fois par an
et deux fois par an à des dates fixées lors de l’émission obligataire. Les coupons sont perçus jus-
qu’à échéance de l’obligation Exemple : Une entreprise émet une obligation de montant nominal
100 euros qui verse annuellement des intérêts. Le taux de coupon est fixé à 5%. Le coupon versé
tous les ans à date anniversaire est donc égal à 5 euros.

Base : elle renseigne sur la durée entre deux dates et sur le nombre de jours considéré dans une
année. La base la plus souvent utilisée est la base Exact/Exact (Actual/Actual) qui prend en

14
compte le nombre exact de jours calendaires entre 2 dates et 365 ou 366 jours selon les années
calendaires.

Échéance : il s’agit de la date à laquelle l’obligation n’existe plus. L’emprunteur a remboursé à


cette date l’intégralité de ce qu’il devait au détenteur de l’obligation. Classiquement, l’emprun-
teur rembourse le montant nominal à l’échéance.

Echéancier des remboursements : il correspond à l’échéancier des versements effectués par


l’emprunteur au prêteur.

Exemple : Soit une obligation de montant nominal 100 euros émise le 05/04/01, de maturité 3 ans, de
taux de coupon 10% versé annuellement et qui rembourse le montant nominal à échéance. L’échéancier
de cette obligation est le suivant :

– 05/04/02 : versement d’un coupon de 10 euros

– 05/04/03 : versement d’un coupon de 10 euros

– 05/04/04 : versement d’un coupon de 10 euros et du montant nominal égal à 100 euros

Devise d’émission : elle correspond le plus souvent à la devise du pays d’appartenance de


l’émetteur.

Secteur d’activité : il s’agit simplement du secteur d’activité de l’émetteur de l’obligation.

Rating de l’émetteur : Il est une mesure de la capacité de l’émetteur à rembourser les intérêts
et le montant principal de l’obligation. Autrement dit, il mesure le risque de défaut ou crédit de
l’émetteur. Il est fourni par les agences de notations (Standard & Poors, Moodys,...). La figure
?? donne un bref aperçu de ce que sont les différentes notes.

3.3 Bestiaire des produits obligataires


On présente dans cette section un certain nombre de produit obligataires essentiels à la compréhension
du travail effectué par n’importe quel trader taux en salle. Il ne sera ici question que des produits
les plus standards sur le marché américain.

3.4 Les produits américains


Les produits obligataires émis par le Trésor américain (bonds, notes and bills) sont des dettes
obligataires garanties par l’Etat américain. On les considère donc en général comme ”sans
risque”. L’ampleur du déficit public américain garantit un approvisionnement conséquent du
marché obligataire.

Il existe globalement deux types de produits du Trésor :

– les coupon bonds qui sont des obligations payant un coupon tous les six mois et dont le prin-
cipal (ou face value) est payé au terme du contrat.

15
– les zero-coupon bons qui ne servent pas d’intérêt et qui payent à maturité le principal.

Remarque 5. Par convention historique, le Trésor émet des 0-coupons sur des maturités
inférieures à l’année. Les coupon-bonds sont émis sur des maturités supérieures à l’année.
Les zero-coupons sont appelés bills. Les coupon-bonds sont appelés notes si leur maturité est
comprise entre deux et dix ans et bonds pour des maturités supérieures à 10 ans. Chaque type
de produit a un type de cotation particulier (voir Jarrow (2002)[pages 8-11]).

En plus de ces trois produits, et à la demande des intervenants du marché, le Trésor émet
des titres synthétiques, les STRIPS (Separate Trading of Registered Interest and Principal of
Securities) depuis août 1985. Il s’agit de la cotation à part des coupons ou du principal de
différents coupon bonds. Il s’agit en fait de zéro-coupons synthétiques de maturité supérieure à
un an, permettant de compléter la courbe des zéro-coupons pour des maturités allant jusqu’à
30 ans.

3.5 Les marchés obligataires américains


Il existe trois marchés pour les produits obligataires simples :

– le marché des taux spot, avec livraison immédiate du produit. On parle sur ces marchés de
taux spots ;

– le marché des taux forward : un contrat forward est un contrat par lequel un acheteur et un
vendeur s’engage à échanger un produit à une date future connue et à un prix (un taux) fixé
aujourd’hui. On parle de taux forward dans ce cas ;

– le marché des taux futures : un contrat de futures est un contrat proche du contrat forward,
mais pour lequel les règlements s’effectuent au jour le jour par des mécanismes de compensa-
tions journalières. On parle de daily installments/settlements et le fait de réaliser ces appels
de marge est appelé marking the market.

4 Evaluation d’un produit obligataire


Comme précisé en introduction, l’ambition générale de la finance est triple : il s’agit d’une part
de parvenir à donner un prix (évaluer), sélectionner et couvrir le risque d’un produit financier,
produit n’existant pas naturellement dans la nature. Commençon simplement par s’interroger
sur la valeur d’une obligation. A la question ”quelle valeur a l’obligation X ?”, il est possible de
fournir deux types de réponses : d’une part, il est possible de s’interroger sur le prix de marché
de cette obligation. Les obligations sont cotées en continu et il est possible à tout moment d’une
journée de trading d’obtenir le prix de marché, sorte de consensus autour de la valeur d’un titre.
Dans premier temps donc, il sera question du mode de calcul de ce prix de marché. Dans un
second temps, il est également possible que le trader ait un avis différent du marché quant au
prix de l’obligation et décide par conséquent de prendre une position (acheter/vendre) ce produit
en espérant que son opinion se realisera dans le futur. Cette second question sera brievement
abordée dans le cadre de l’analyse rich and cheap : le manque de temps ne permet pas d’aller
plus loin.

16
Il est à présent question d’apporter quelques éléments tournant autour de la première réponse :
comment calcule-t-on un prix de marché d’une obligation ? D’une façon générale, les obligations
à taux fixe sont cotées de deux façons différentes :

– cotation en prix ;

– cotation en taux de rendement.

Il n’existe donc une seule et unique façon de calculer le prix d’une obligation. On détaille ces
deux approches dans le cadre d’une obligation zéro coupon.

4.1 Evaluation d’une obligation ZC


4.1.1 Calcul du prix de l’obligation
Le prix d’une obligation zéro coupon emprunte à ce qui a été présenté dans le cadre de la VAN :
le prix d’un ZC est l’actualisation de son unique flux en fin de vie au taux correspondant.

Entrons néanmoins dans les détails : l’étalement des flux dans le temps se présente comme suit1 :

P
|
|
N

où P est le prix payé pour acheter l’obligation ZC, N est le nominal et C l’unique coupon qui lui
est attaché. Un raisonnement approximatif permet de se faire rapidement une idée du prix de
ce ZC. Imaginons que le taux d’actualisation soit de r%. Afin de déterminer si il est intéressant
d’acquérir cette obligation, pourquoi ne pas calculer sa VAN ? Sa VAN est alors :
N
V AN = −P + (39)
(1 + r%)n

n est ici le délai jusqu’à maturité de l’obligation, i.e. le nombre de jours, de mois ou d’années
avant le remboursement. Ici r% est exprimé en base annuelle. A quelle condition est il intéressant
N
d’acquérir cette obligation ? Réponse : si sa VAN est positive, i.e. P < (1+r%) n . Si tel est le cas,
que se passe-t-il alors ? Les intervenants décelant cette opportunité achètent l’obligation et son
prix se met alors naturellement à monter jusqu’à ce que V AN = 0. Dans le cas où la VAN est
négative, un processus de vente conduit naturellement à la baisse du prix de marché.

Ainsi, sur un marché suffisament actif (on parle parfois de marché efficient, suivant E. Fama),
on devrait avoir en permanence, pour chaque titre V AN = 0. Dans un tel cas, le prix de marché
est toujours et partout le flux futur actualisé. On a ainsi :
N
P = (40)
(1 + r%)n
1
Attention ! Cette version du polycopier corrige la grosse coquille que j’avais laissé dans le précédent : un ZC
ne verse QUE le nominal en fin de vie (à maturité), et non le nominal et un coupon, comme il en serait le cas
pour un obligation à coupon d’une maturité d’un an et versant ses coupons sur une base annuelle...

17
Cette idée est à la base du calcul obligataire : une obligation à taux fixe est un produit pour
lequel on connait à l’avance le montant des flux futurs. Le prix d’un tel actif est simplement
l’actualisation des flux futurs à un taux d’actualisation particulier : le taux zéro-coupon.

4.1.2 Calcul du rendement de l’obligation


Les produits obligataires peuvent être indifférement cotés en prix ou en rendement. Sachant ce
qui vient d’être dit, cette idée ne pose aucun problème. En effet, on sait que le prix d’un ZC
s’établit de façon à ce que sa VAN soit nulle. Le taux d’actualisation permettant d’obtenir cette
VAN nulle n’est donc rien d’autre que le TIR. Dans le cas du calcul obligataire, on parle non
pas de TIR mais de yield to maturity.

Il s’agit donc du taux solution de :


N
P = (41)
(1 + r%)n

On appelle également ce taux, dans le cas des zéro-coupons, taux zéros-coupon. Il est parti-
culièrement important pour donner un prix à une obligation à coupon.

4.2 Autour de la courbe des taux


Dans ce qui vient d’être dit, on a pu donner l’impression que le taux ZC était unique, quel que
soit la maturité. Ceci est bien entendu extrêment faux : il existe (en principe) autant de taux
que de maturité. Ainsi, pretter de l’argent à l’Etat américain sous forme de ZC à 1 mois ne se
fera pas au même taux qu’à 1 an.

L’ensemble des couples (maturité , taux correspondant) est appelé courbe des taux : il s’agit
d’un concept fondamental pour la suite de ce cours. La figure 2 présente l’évolution de la courbe
des taux depuis juillet 1996. Cette courbe des taux est appelée courbe spot, dans la mesure où
elle correspond à l’ensemble des taux par maturité, ayant pour dénominateur commun un départ
du pret immédiat. Il existe d’autres courbes des taux, notamment des taux forwards. Il en sera
question plus loin.

Pour le moment, contentons-nous de constater deux points :

– Il existe un certains nombre de ZC pour des maturités faibles (un jour à un an), ainsi que
certains substituts pour ce qui est de la suite de la courbe.

– Il n’existe cependant pas des taux ZC pour un continuum de maturité : la courbe des taux
n’est pas continue en pratique, même si la plupart des modèles le supposent. Il sera donc
nécessaire de parvenir à fournir une forme continue à cette courbe des taux lorsque l’on vou-
dra donner un prix à n’importe quel actif. Ce point n’est que brievement abordé dans ces
notes de cours.

Ces éléments seront abordés avec plus de détails dans la Section consacrée à la courbe des taux.
Pour l’instant, contentons-nous d’imaginer que l’on dispose d’une courbe des taux ZC pour toute
maturité, et que cette courbe des taux est continue.

18
6
taux

4
19

2
30
25
500 20

ite
15

ur
1000

at
da

m
te 1500 10
s
2000 5

Fig. 2 – Courbe des taux depuis juillet 1996


4.3 Evaluation d’une obligation à coupon
On sait à présent valoriser une obligation ZC : il est assez aisé de passer des ZC aux obligations
à coupons. On rappelle que la différence fondamentale entre les deux types d’obligations est que
le ZC ne délivre pas de coupons avant la maturité.

Pour donner un prix à une obligation à coupon, il suffit d’observer le timing des versements
attachés à une obligation à coupon. C’est ce qu’on représente sur la figure suivante :

P
|
| | |
C C ... C+N

On a déjà idée que le prix de cette obligation a de fortes chances d’être une somme de ses flux
futurs actualisés... mais à quel taux ? Pour répondre à cette question, il suffit de remarquer
qu’il est possible d’imiter les différents paiements de ce titre à l’aide de ZC. Il suffit pour cela
d’investir dans une série de ZC payant in fine C pour les différents horizons correpondant aux
tombées de coupons, ainsi que dans un ZC versant C+N in fine pour une maturité exactement
égale à celle de l’obligation à coupon.

Ce ”cocktail” de ZC fournit exactement les mêmes versements que l’obligation à coupon initiale.
Le prix payé pour ce cocktail est simplement la somme des prix des différents ZC, i.e. le flux du
ZC actualisé au taux ZC correspondant. Peut il exister une différence entre le cocktail de ZC et
l’obligation initiale ? Si l’obligation à coupon est plus cher que le cocktail, alors il est intéressant
d’acheter le cocktail est de vendre l’obligation à coupon. On réalise ainsi un arbitrage : on a un
portefeuille de coût négatif, versant 0 in fine. Il suffit de profiter de cet arbitrage pour le faire
disparaitre : sur un marché raisonnablement liquide et informé, ce type d’opportunité d’arbi-
trage n’a aucune raison d’exister. Il est possible de formuler le même raisonnement pour le cas
où le prix du cocktail est supérieur à celui de l’obligation à coupon.

Ce petit raisonnement permet d’arriver à une conclusion bien pratique : on sait que le prix
de l’obligation à coupon est nécessairement une actualisation de ses versemements futurs. Le
problème est alors de connaitre le taux à utiliser pour actualiser ces flux : d’après ce qu’on vient
de dire, ce sont les taux ZC pour des maturités correspondantes aux versements qui doivent être
utilisées pour l’actualisation. D’où le théorème suivant :

Théorème 1. En l’absence d’opportunité d’arbitrage, le prix d’une obligation à coupon, de


maturité n, de nominal N et de coupons C est nécessairement égal à :
C C C C +N
P = + 2
+ 3
+ ... + (42)
1 + r(1) (1 + r(2)) (1 + r(3)) (1 + r(n))n
où r(i) est le taux ZC correspondant à la maturité i.
Ce découpage de l’obligation à coupon en autant d’obligations ZC qu’il y a de flux est ap-
pelé démembrement. Chacun des ZC synthétique ainsi créé est appelé strip, du nom des actifs
synthétiques cotés sur le marché US permettant d’obtenir une courbe des taux ZC plus fournie.
STRIPS signifie : Separate Trading of Registered Interest and Principal Securities.

20
Il est courant d’adopter une autre convention de présentation pour présenter l’actualisation de
ces flux : les facteurs d’escompte (en anglais : Discount Factor ). Un facteur d’escompte permet
de transformer des valeurs futures en valeurs actuelles. Il s’agit donc simplement d’un outil basé
sur l’actualisation des flux. On sait qu’un euro recu dans un an vaut aujourd’hui :
1
VA= (43)
1 + r(1)
où V A signifie valeur actuelle. Le facteur d’escompte à un an est exactement défini comme cette
V A. On le note en général B(τ ) où τ est l’horizon d’actualisation. Il offre des propriétés assez
intéressantes : que vaut 1000 euros dans un an à l’heure d’aujourd’hui ? Réponse :
1000
VA= = 1000 × B(1) (44)
1 + r(1)
Dans le même ordre d’idée, un actif versant un coupon C dans un an et le nominal N et le
second coupon C dans deux ans vaut :
C C +N
P = + (45)
1 + r(1) (1 + r(2))2
= C × B(1) + (C + N ) × B(2) (46)
Ainsi, ce DF permet de transformer des futurs euros en euros aujourd’hui. Le DF pour un horizon
T , en base annuelle s’écrit comme suit :
1
B(T ) = (47)
(1 + r(T ))T
Ce type de notation peut simplifier les formules de valorisation d’obligations à coupons.

Exemple 1. Soit l’obligation de montant nominal 100 euros, de maturité 3 ans et de taux de
coupon 10%. Les taux ZC correspondants aux maturités de 1 an, 2 ans et 3 ans sont respecti-
vement 7%, 9% et 10%. Le prix P de l’obligation est égal à :
10 10 110
P = + 2
+ (48)
1 + 7% (1 + 9%) (1 + 10%)3
= 10B(1) + 10B(2) + 110B(3) (49)
= 100, 407 (50)
Notons pour conclure cette section qu’il est possible de déterminer de la même façon que
précédement un yield to maturity pour l’obligation à coupon. En notant ce taux r, il s’agit
simplement de la solution de :
n
X Fi
P = (51)
(1 + r)i
i=1

Cette fois-ci, le YTM ne correpond pas le moins du monde au taux ZC : il s’agit simplement
du taux de rendement interne de l’investissement. En achetant une obligation à coupon, en
supposant que l’on peut réinvestir les coupons au taux r, le taux de rendement obtenu sur l’in-
vestissement est r. Autrement dit, le rapport Valeur future
Prix est égal à 1 + r.

Ceci peut simplement se montrer sur un exemple. Soit une obligation de durée de vie 4 ans. Le
nominal est de 100 euros et le taux de coupon est de 5%. Le YTM est de 3%. Le tableau suivant
présente la capitalisation et l’actualisation des différents flux sur la durée de vie de l’obligation.

21
1˚ année 2˚ année 3˚ année 4˚ année Somme
Flux 5 5 5 105 -
Flux capitalisés au YTM 5,463635 5,3045 5,15 105 120,918135
Flux actualisés au YTM 4,85436893 4,71297955 4,5757083 93,29114 107,434197

Le fait de capitaliser les flux au YTM matérialise l’hypothèse implicite de réinvestissement des
flux perçus sur la durée de vie résiduelle de l’obligation. Chacun des flux est ainsi capitalisé sur sa
durée de vie résiduelle et actualisée de la date de maturité jusqu’à aujourd’hui. On obtient ainsi
la valeur actuelle des flux capitalisés. Ce calcul revient en fait strictement à actualiser les flux
jusqu’à aujourd’hui, en négligeant l’étape préalable de capitalisation. Ceci n’est bien évidement
vrai qu’à la condition que le YTM soit bien le taux auquel on réinvestit les flux, ce qui n’est en
réalité généralement pas le cas.

De façon plus formelle, pour une obligation de durée de vie n, un flux F perçu en date n1 sera
ainsi capitalisé sur n − n1 , puis actualisé jusqu’à aujourd’hui :

Capitalisation : F (1 + r)n−n1 (52)


F (1 + r)n−n1 F
Puis actualisation : = (53)
(1 + r)n (1 + r)n1

On retrouve ainsi bien le calcul que l’ona maintenant l’habitude de mettre en oeuvre. Revenons
maintenant à nos moutons : on a capitalisé l’ensemble des flux perçus et calculé la somme de
ces flux (120,92) ; de même on a déterminé le prix de l’obligation (somme des flux actualisés),
i.e. 107,43 euros. On cherche à présent le rendement de l’opération.

Le rendement de cette opération est naturellement solution de :


120, 92
= (1 + Rdm)4 (54)
107, 43
120, 92 1/4
 
⇔Rdm = − 1 = 3% (55)
107, 43

On retrouve donc bien le YTM : il s’agit donc du rendement espéré de l’opération d’achat de
l’obligation, à la condition de pouvoir réinvestir les flux intermédiaires à un taux égal au YTM.

Cette hypothèse de réinvestissement n’est bien évidement jamais vérifiée, faisant peser un risque
de réinvestissement sur le portefeuille obligataire. Ce risque ne sera pas ou peu abordé dans le do-
cument. Le lecteur soucieux d’obtenir quelques éclaircissements lira Martellini et al. (2003)[cha-
pitre 3].

Remarque 6. Quand le taux de rendement de l’obligation est égal à son taux de coupon,
l’obligation cote au pair. En effet, la somme actualisée de son flux futur est naturellement égal
au nominal du contrat.

Démonstration. Cette dernière remarque est très facile à prouver de façon formelle pour un zéro-
coupon : il suffit de se rappeler que C = i × N , où i est le taux de coupon. Si i = r, autrement

22
dit, si le taux de coupon est égal au taux d’actualisation, alors on a :
C +N
P = (56)
1+r
i×N +N
= (57)
1+r
N (1 + i)
= (58)
1+r
D’où si i = r, on a :

N (1 + r)
P = =N (59)
1+r
(60)

4.4 Calcul d’un coupon couru


On revient brievement dans ce qui suit sur les conventions de cotation du marché. La cotation en
prix s’exprime en général en pourcentage du montant du nominal. Il est donné pied de coupon,
par opposition à coupon couru. Il s’agit d’une convention visant ne pas tenir compte dans le prix
de cotation de la part du coupon revenant au détenteur de l’obligation.

Entre deux dates de tombée de coupon, le porteur d’une obligation bénéficie du coupon qui a
couru pendant la période où il détient l’obligation. Un petit exemple permettra d’éclaircir les
idées.

Exemple 2 (Coupon couru). Soit une obligation de montant nominal 100 euros, de taux de
coupon 5%, d’échéance le 25/06/2004 qui est détenu par un porteur entre le 26/06/2001 et le
25/09/2001. Le porteur a droit au coupon qui a couru entre le 26/06/01 et le 25/09/01. On le
calcule de la façon suivante :
91
Coupon couru = 100 × 5% 365 = 1.247

Plus généralement, à une date t donnée on calcule le coupon couru depuis la dernière date de
tombée de coupon. L’acheteur de l’obligation doit verser au vendeur à la date t le prix incluant
ce coupon couru.

Exemple 3. Au 25/09/01, l’acheteur doit acquitter le prix de l’obligation égal au prix pied de
coupon auquel on rajoute le coupon couru.

Remarque 7 (Prix bid/ask). Il n’existe pas un prix unique mais une fourchette bid-ask qui
fournit le prix auquel l’intermédiaire financier est prêt à acheter et vendre l’obligation. Le prix
à l’achat (bid) est bien sûr inférieur au prix de vente (ask). Il est fréquent de calculer le prix
moyen entre le prix bid et le prix ask que l’on appelle ”prix mid”.

Remarque 8 (Cotations US). Aux Etats-Unis, il est fréquent de coter la décimale du prix en
fraction par rapport à 32.
Exemple : 111-14 est en fait égal à 111 + 14/32 = 111.4375

23
5 Couverture
La couverture est l’une des grandes problématiques de la finance de marché. Les marchés fi-
nanciers sont faits d’aléa, exposant les intervenants à de sérieuses déconvenues. La couverture
a précisement pour objet de controler le niveau des risques attaché à un portefeuille donné.
Dans la présentation classique du calcul obligataire, la courverture est basé sur les notions de
duration, de sensibilité et de convexité.

5.1 Quelques mots d’introduction


Le point de départ de cette partie est le suivant : il s’agit de parvenir à quantifier le risque
de taux, i.e. l’impact de la variation des taux ZC sur le prix d’un portefeuille obligataire. La
grande question de cette partie d’introduction sera donc : pourquoi une obligation à taux fixe
expose-t-elle son détenteur à un risque de taux ? Un corrolaire évident de cette question sera
bien évidement : pourquoi une obligation à taux variable n’expose-t-elle pas son détenteur à un
risque de taux ?

Les lectures recommandées pour cette section sont : Martellini and Priaulet (2004)[chapitre 2],
Martellini et al. (2003)[chapitre 5], Jarrow (2002)[partie 1, chapitre 2] et Tuckman (2002)[cha-
pitre 7]. Chacun de ces ouvrages apporte des éléments différents et des regards différents sur ce
problème commun qu’est la couverture.

Commençons tout d’abord par matérialiser quelque peu ce qu’est le risque de taux. Les trois
tables suivantes présentent les quelques intuitions qu’il est nécessaire d’avoir lorsque l’on cherche
à couvrir le risque de taux. Rappelons que l’on a affaire à des produits obligataires à taux fixe,
et que c’est précisement le fait qu’il s’agisse d’un produit à taux fixe qui fait que l’on a à faire
face à un risque.

La table 1 présente l’évolution du prix d’une obligation en fonction de son YTM. Imaginons une
obligation avec un nominal égal à 100 euros, un taux de coupon de 5% et un YTM actuel de 8%.
La durée de vie résiduelle est de 5 ans et la fréquence de versement des coupons est annuelle. Le
prix d’une telle obligation est 88.02 euros (calcul aisé, avec les éléments précédents). La question
est : si le niveau des taux change (i.e. si le YTM change), comment évolue le prix de l’obligation ?
La table 1 fournit la variation (en pourcentage) du prix de l’obligation en fonction du change-
ment du YTM. On constate qu’il existe une relation inverse entre l’évolution du YTM et du prix
de notre obligation : autrement dit, plus les taux montent et moins les prix sont importants.
Mais ce n’est pas tout : pour un nombre de points de base égal (0.01% vaut 1 bp), une baisse
des taux a davantage d’impact qu’une hausse des taux. En partant de 8%, une baisse du taux
de 300 bp conduit à une variation du prix de 14%, alors qu’une hausse de 300 bp conduit à une
baisse du prix de 12%. Ainsi, le prix est affecté par davantage de mouvement lorsque les taux
baissent que lorsqu’ils montent.

La table 2 montrent que cet effet a tendance à s’amplifier lorsque le time to maturity augmente.
On a calculer la valeur d’une obligation similaire à la précédente, avec un YTM de base de 8%,
mais avec un time to maturity variable. L’effet asymétrique relevé plus haut est très largement
amplifié pour des maturités croissantes, allant du simple au double pour une obligation à 20 ans.

Dernier fait stylisé, la table 3 présente la variation de cet effet asymétrique d’une maturité sur

24
YTM ∆ du prix ∆ du taux ∆ du prix/∆ du taux
1,03 0,24 -0,05 -4,80
1,04 0,19 -0,04 -4,67
1,05 0,14 -0,03 -4,54
1,06 0,09 -0,02 -4,41
1,07 0,04 -0,01 -4,29
1,08 0,00 0,00 -
1,09 -0,04 0,01 -4,07
1,10 -0,08 0,02 -3,96
1,11 -0,12 0,03 -3,86
1,12 -0,15 0,04 -3,76
1,13 -0,18 0,05 -3,67

Tab. 1 – Variation de prix d’une obligation en fonction du YTM


YTM 1 an 3 ans 5 ans 10 ans 15 ans 20 ans
1,03 4,85% 14,51% 24,01% 46,56% 66,68% 83,93%
1,04 3,85% 11,39% 18,67% 35,36% 49,51% 61,02%
1,05 2,86% 8,38% 13,61% 25,20% 34,55% 41,75%
1,06 1,89% 5,48% 8,82% 15,99% 21,48% 25,49%
1,07 0,93% 2,69% 4,29% 7,62% 10,04% 11,72%
1,08 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00%
1,09 -0,92% -2,59% -4,07% -6,94% -8,83% -10,01%
1,10 -1,82% -5,10% -7,93% -13,26% -16,62% -18,59%
1,11 -2,70% -7,51% -11,58% -19,04% -23,50% -25,98%
1,12 -3,57% -9,84% -15,06% -24,32% -29,60% -32,36%
1,13 -4,42% -12,09% -18,36% -29,15% -35,01% -37,91%

Tab. 2 – Variation du prix d’une obligation avec le YTM en fonction de la maturité

l’autre. Le pourcentage présenté est le résultat du calcul suivant :


∆P rix2 /∆P rix1 − 1
(61)
M aturite2 − M aturite1
On remarque que si l’effet s’amplifie avec la maturité, cet amplification se fait à un taux de
croissance qui décroit. Autrement dit, l’impact de l’effet est de moins en moins important au fur
et à mesure que la maturité s’accroit.

YTM 3 ans/1 an 5 ans/ 3 ans 10 ans/5 ans 15 ans/10 ans 20 ans/15 ans
1,03 39,78% 13,10% 18,78% 8,64% 5,18%
1,04 39,21% 12,79% 17,89% 8,00% 4,65%
1,05 38,65% 12,48% 17,04% 7,42% 4,17%
1,06 38,11% 12,19% 16,25% 6,87% 3,73%
1,07 37,58% 11,90% 15,49% 6,37% 3,34%
1,08 - - - - -
1,09 36,56% 11,36% 14,11% 5,47% 2,66%
1,10 36,07% 11,10% 13,47% 5,06% 2,37%
1,11 35,59% 10,84% 12,87% 4,69% 2,11%
1,12 35,12% 10,60% 12,29% 4,34% 1,87%
1,13 34,66% 10,36% 11,75% 4,02% 1,66%

Tab. 3 – Variation de la variation du prix en fonction du YTM et de la maturité

Ces quelques faits stylisés sont détaillés dans Martellini et al. (2003) sous la forme de théorèmes.

25
On se contente ici de rappeler ces quelques points de façon synthétique :

– Il existe une relation décroissante entre le niveau des taux et le prix d’une obligation : plus les
taux montent et plus le prix des obligations existantes diminue.

– La variation du prix d’une obligation est plus importante dans le cas d’une baisse des taux que
dans le cas d’une hausse.

– Ce dernier effet asymétrique s’accroit avec le time to maturity d’une obligation : plus la ma-
turité est éloignée et plus une obligation amplifiera les mouvements de baisse des taux que les
mouvements de hausse.

– La croissance de l’effet asymétrique en fonction du time to maturity s’effectue à une rythme


lui-même décroissant : la variation de l’effet tend à ralentir au fur et à mesure que la maturité
s’accroit.

Bien évidement, l’ensemble de ces commentaires ne tient qu’à la condition de raisonner toutes
choses égales par ailleurs : aucun autre facteur de mouvement du prix d’une obligation ne doit
varier pour parvenir à percevoir ces effets. Autant dire qu’ils constituent davantage une somme
de points de repère une fois sur le terrain, davantage que des préceptes établis et aisément re-
connaissables dans les mouvements de prix des obligations.

La première de ces remarques est évidement la plus importante : le risque de taux vient
précisement du fait que le prix des obligations varie en fonction du niveau des taux. Cette
relation est ancienne et connue par un public étendu, au nombre duquel les économistes. En
1936, J.M. Keynes expliquait cette relation décroissante de la façon suivante : lorsque les taux
montent, les anciennes obligations versent alors un taux de coupon inférieur à ce qui se pratique
désormais sur le marché. Les détenteurs d’anciennes obligations se débarrassent alors de leurs
obligations pour en acheter de nouvelles, au taux de coupon plus élevé. Le fait de vendre ces
obligations conduit nécessairement à la baisse de leur prix, par le jeu de l’offre et de la demande.

Une autre façon de voir les choses consiste plus simplement à calculer la variation du prix d’une
obligation par rapport au taux d’intéret servant à actualiser ses flux. Il s’agit donc simplement
de calculer une dérivée de la formule de valorisation d’une obligation par rapport au taux
d’actualisation. On sait que le prix d’une obligation s’exprime en fonction de ses différents flux
et taux ZC de la façon suivante :
T
X Fi
Pt ({ri }) = (62)
(1 + ri )i−t
i=t+1

En principe, afin de déterminer les évolutions possibles du prix de notre obligation, il devrait
être nécessaire de déterminer la différentielle totale de la précédente expression, qui se réduit
(à l’ordre 1) à la somme des dérivées par rapport à chacun des taux d’intérêt. Ce type de
démarche ne garantit malheureusement de résultats intéressants : le nombre de dérivées peut être
réellement important et la couverture de n facteurs de risques nécessite d’utiliser n intruments
de couverture... Bref, tout devient très rapidement très compliqué. On prefera (en première
approche) se contenter d’utiliser le YTM comme unique facteur de risque. On travaillera donc

26
sur la différentielle totale de l’expression suivante :
T
X Fi
Pt (rt ) = (63)
(1 + rt )i−t
i=t+1

où rt est le YTM de l’obligation à la date t. Cette vision est certainement réductrice mais elle
présente néanmoins un certain nombre de vertus pédagogiques et pratiques.

5.2 La couverture en duration


Le premier objet de cette sous-section est de parvenir à quantifier le risque lié à la détention
d’une obligation versant n flux, à l’aide de son YTM. Le second objet sera de proposer une
couverture contre ce risque : on tentera de construire un portefeuille immunisé contre le risque
mis à jour.

On rappelle brièvement la formule de Taylor, avant de développer son usage pour les produits
fixed income.

Rappel 1 (Formule de Taylor). Une fonction f n fois dérivables et dont les dérivées sont
continues (fonction C n sur R) admet le développement suivant au voisinage de x0 :
∂f 1 ∂2f 1 ∂nf
f (x)|x0 = f (x0 ) + (x0 )(x − x0 ) + 2
(x0 )(x − x0 )2 + ... + (x0 )(x − x0 )n + o((x − x0 )n+1 ) (64)
∂x 2! ∂x n! ∂xn
L’idée est donc d’utiliser cette fonction afin de déterminer le sens et l’ampleur de la variation du
prix d’une obligation lorsque son YTM évolue de façon infinitésimale. En supposant que P (rt )
est C 2 sur R, on est en mesure d’appliquer la formule de Taylor en s’arrétant délibérément à
l’ordre 1 :
∂P (r)
P (r) = P (r0 ) + (r − r0 ) + o((r − r0 )2 ) (65)
∂r
∂P (r)
⇔P (r) − P (r0 ) = (r − r0 ) + o((r − r0 )2 ) (66)
∂r
∂P (r)
⇔dP (r) = dr + o((r − r0 )2 ) (67)
∂r
Cette dernière équation tient naturellement à condition que r − r0 soit suffisament proche de 0.
On a ainsi une idée de l’influence des mouvements du YTM sur le prix de l’obligation. Il reste
néanmoins à calculer P ′ (r) et à fournir une interprétation en terme de risque et de couverture
de ce qu’on a trouver.

5.2.1 $ duration et duration modifiée


Commencons tout d’abord par revenir sur quelques questions de notations. Dans ce qui suit,
comme pour ce qui précède, on s’appuie sur Martellini et al. (2003)[chapitre 5]. La lecture en est
fortement recommandée. On rappelle la formule permettant de donner un prix à une obligation
à coupons, en fonction des différents taux ZC :
T
X CFi
Pt = (68)
(1 + r(ti ))ti −t
i=1

27
Est il raisonnable de se lancer dans le calcul d’une dérivée du prix de l’obligation en fonction de
chacun des taux ZC ? Une obligation à coupons de maturité 3 ans sera exposée au risque que cha-
cun de ses trois versements actualisés change de valeur actuelle : en effet, les trois actualisations
de la formule de valorisation de cette obligation sont susceptibles de varier et de d’entrainer avec
elles le prix d’ obligation. La différentielle totale se compose donc de trois dérivées partielles...
et tout devient très vite compliqué. L’idée serait plutot de synthétiser l’ensemble de ces taux en
un unique taux et de faire dépendre le prix de l’obligation de cet unique taux. On connait déjà
un taux présentant ce type de caractéristique : le yield to maturity.

Il est possible de réécrire la formule de valorisation d’une obligation à coupons en fonction de


YTM :
T
X CFi
Pt = (69)
(1 + rytm )ti −t
i=1

Evidement, le yield to maturity n’est presque jamais un bon résumé de l’ensemble de la courbe
des taux. A vrai dire, il n’existe qu’un unique cas pour lequel le ytm est un bon résumé : le
cas d’une courbe des taux dite plate, i.e. pour laquelle l’ensemble des taux, quelle que soit leur
maturité, sont égaux. On rappelle sur la figure 3 quelques unes des différentes formes que peut
prendre la courbe des taux. La cas d’une courbe plate est historiquement rare. Cependant, le
ytm est un raccourci pratique permettant de poser les premières pierres de la couverture du
risque de taux.

Dans ce qui suit, on notera r le ytm, afin d’alléger les notations. La dérivée du prix par rapport
au ytm est alors :
T
∂P (r) X (ti − t)CFi
=− (70)
∂r (1 + r)ti −t+1
i=1

Cette expression est relativement triviale à obtenir. Une fois réinjectée dans l’équation (67), on
obtient alors l’expression de la variation du prix de l’obligation pour une variation du ytm égale
à dr :
T
X (ti − t)CFi
dP (r) ≈ − dr (71)
(1 + r)ti −t+1
i=1

Naturellement, la dérivée du prix d’une obligation par rapport à son ytm est négative : lorsque
le ytm augmente, on actualise davantage les euros que l’on percevra demain, ceci expliquant
que la somme de ces valeurs actualisées se réduise et que le prix baisse. Une autre façon de
voir les choses est la suivante : imaginons que vous déteniez une obligation avec un ytm de 3%
en portefeuille. Un jour plus tard, une nouvelle obligation est émise, identique à la votre, mais
avec un ytm de 4%. Que se passe t’il ? Naturellement, le mouvement de vente de la première
obligation fait baisser son prix et monter son ytm.

On appelle sensibilité ou $ duration la dérivée première du prix de l’obligation par rapport au


ytm. On a donc :

dP (r) ≈ $ duration dr (72)

Cette formule permet de déterminer les Profit and Loss associées à un mouvement de taux. Il
s’agit simplement de déterminer le montant absolu perdu ou gagné suite à un mouvement de

28
6
5
4
Taux

3
2
1

Plate Upward sloping

Downward sloping Creux/bosse


0

0 5 10 15 20 25 30

Maturites

Fig. 3 – Exemples de formes de la courbe des taux

29
taux, dans le cas où on choisirait de vendre l’obligation dans la minute suivant le mouvement
de taux. En notant ∆r le mouvement du taux subit par l’obligation, on a :
Absolute P &L = $ duration ∆r (73)
Une fois le concept de Absolute Profit and Loss compris, il peut sembler relativement intuitif de
calculer un relative P&L. Pour cela, il suffit de diviser dP (r) par le prix lui même : on obtient
ainsi l’expression de la variation du prix de l’obligation en fonction des mouvements du ytm. On
obtient ainsi :
dP (r) P ′ (r)
≈ dr (74)
P (r) P (r)

où P ′ (r) = ∂P (r) P (r)
∂(r) . On appelle duration modifiée ou modified duration l’expression − P (r) . Il s’agit
naturellement d’une expression qui est positive, dans la mesure où les prix sont toujours positifs.
En notant M D(r) la duration modifiée associée au ytm r, on a donc :
dP (r)
≈ −M D(r)dr (75)
P (r)
Cette duration modifiée permet de calculer les P&L relatives, notées relative P&L :
Relative P&L = −M D(r) ∆r (76)
Remarque 9 (Coupon semi-annuel). De nombreuses obligations présentent la particularité de
verser des coupons de façon semi-annuelle. Le prix d’une obligation versant des coupons semi
annuels, calculé à l’aide de son ytm est le suivant :
T
X CFi
Pt = (77)
i=1
(1 + 2r )2(ti −t)

avec CFi étant égal (hors dernier versement) 21 N c, avec c le taux de coupon annualisé et N le
nominal. Dans cette formule, les ti sont des fractions d’année. Dans ce cas, la sensibilité (ou $
duration) devient :
T
X CFi
P ′ (r) = − (ti − t) r 2(ti −t)−1 (78)
i=1
(1 + 2)

et l’ensemble des calculs précédents sont utilisables.

5.2.2 La duration : calcul et interprétation


Il existe un troisième type de duration, connue sous le nom de duration ou de duration de
Macaulay. Il s’agit simplement de la capitalisation de la duration modifiée sur une période au
ytm. En notant D cette duration, on a donc :
D = (1 + r)M D (79)
P ′ (r)
= −(1 + r) (80)
P (r)
PT (ti −t)CFi
i=1 (1+r)ti −t+1
= (1 + r) (81)
P (r)
PT (ti −t)CFi
i=1 (1+r)ti −t
= (82)
P (r)

30
En adoptant la notation suivante :
CFi
(1+r)ti −t
ωi = (83)
P (r)

on est alors en mésure de réécrire la duration comme suit :


T
X
D= ωi (ti − t) (84)
i=1

Dans la mesure où :


T
X
ωi = 1 (85)
i=1

on comprend que la duration est alors une somme pondérée des différentes maturités des coupons
portés par l’obligation2 . Cette interprétation est courante : la duration correspond à une durée de
vie moyenne de l’obligation. Il existe une seconde interprétation de cette quantité. On remarque
que :
∂P (r)
∂r
D= (1 + r) (86)
P (r)
∂P (r)
∂(1+r)
= (1 + r) (87)
P (r)
∂P (r)
P (r)
= ∂(1+r)
(88)
(1+r)

La duration peut donc s’interpréter comme une sensibilité du prix aux variations de taux,
économiquement parlant. Il est inutile de préciser qu’il ne faut pas confondre la duration comme
sensibilité aux variations de taux et la sensibilité. On retrouve ces deux interprétations dans
Jarrow (2002)[chapitre 2].

La duration présente un certain nombre de caractéristiques intéressantes dont on détaille cer-


taines :

1. La duration d’une obligation est toujours inférieure ou égale à la maturité de l’obligation.

Démonstration. On sait que (ti − t) ≤ (tT − t), ∀i ∈ [1P : T ]. On en déduit


Pque ωi (ti − t) ≤
T T
ωi (tT − t). En sommant pour les différents i, il vient : i=1 ωi (ti − t) ≤ i=1 ωi (tT − t) =
(tT − t). Ce qui complète la preuve.

2. La duration est un opérateur linéaire : la duration d’un portefeuille composé d’une obli-
gation A et d’une obligation B est égale à la somme pondérée des deux durations. [Voir
Martellini et al. (2003) pour la preuve].
3. La duration d’un ZC est égal à son time to maturity.
2
Pour faire les choses propremement, il est également nécessaire de prouver que ωi ≥ 0, ∀i.

31
N
tT −t
Démonstration. Dans le cas d’un ZC, on a D = (tT − t) (1+r)
P (r) = (tT − t). Ceci vient du
fait que ytm et taux ZC dans le cas d’un ZC coincident exactement ainsi que de la formule
de valorisation d’un ZC.

Pour terminer, notons que la duration a la particularité suivante : un investisseur ayant un hori-
zon d’investissement égal à la duration de l’obligation qu’il détient sera (relativement) immunisé
contre les variations de taux de faible ampleur. Cf. exemple numérique de la feuille d’exercice.

5.2.3 Couverture en duration


La dernière étape de cette première approche du risk management est la couverture en dura-
tion : la question est à présent de savoir comment couvrir le risque de taux, maintenant que
l’on dispose d’une modélisation basique mais pratique. L’idée de base de la couverture est de
construire un portefeuille conçu de façon à neutraliser le risque de l’un des actifs en portefeuille.
On se placera ici dans le cas où l’on dispose de deux obligations (A et B) et que l’on souhaite
construire un portefeuille immunisé.

Definition 3 (Portefeuille immunisé). Un portefeuille immunisé est un portefeuille de valeur


G, dépendant de n facteurs de risque, tel que :

dG = 0 (89)

Dans notre cas, on va donc composer un portefeuille avec une unité de l’obligation A et un
montant γ investi dans l’obligation B. On suppose que le seul facteur de risque de chacune de
ces obligations est son yield to maturity. Evidement, ce ytm varie selon l’obligation. En notant
rA et rB le ytm de chacune des obligations A et B, on peut écrire la valeur du portefeuille G
comme suit :

G(rA , rB ) = PA (rA ) + γPB (rB ) (90)

Le calcul de la différentielle totale est aisé :

dG(rA , rB ) = PA′ (rA )drA + γPB′ (rB )drB (91)

En supposant que drA = drB = dr, autrement dit que les variations des ytm sont parallèles, il
vient :

dG(rA , rB ) = (PA′ (rA ) + γPB′ (rB ))dr (92)

On égale cette différentielle à 0, et on termine la résolution :

dG(rA , rB ) = 0 (93)
⇔(PA′ (rA ) + γPB′ (rB ))dr =0 (94)
⇔PA′ (rA ) + γPB′ (rB ) = 0 (95)
P ′ (rA )
⇔γ = − A′ (96)
PB (rB )
$duration (PA )
⇔γ = − (97)
$duration (PB )

32
On est ainsi parvenu à calculer le montant à investir dans l’obligation B pour obtenir un por-
tefeuille immunisé contre le risque de taux. Bien évidement, il est nécessaire de se souvenir que
ceci ne fonctionne qu’aux conditions suivantes :

1. La courbe des taux est plate.


2. Il s’agit de petites variations de taux (dr proche de 0).
3. Les variations de taux sont parallèles (drA = drB ).

Dans la suite de ce chapitre, on verra comment il possible de relacher certaines de ces hypothèses
et d’améliorer l’appréhension du risque ainsi que sa couverture. Evidement, ce qui vient d’être
dit est un habile mélange de théorie et de pratique. Dans une optique de pure pratique, la
couverture du risque de taux se fait principalement à l’aide de futures et de swaps. Martellini
et al. (2003) détaillent la couverture du risque de taux à l’aide de ces outils, notamment dans
les chapitres 5, 10 et 11.

5.3 Au delà de la duration


Dans la section précédente, on a supposé que les changements de taux étaient infinitésimaux (1
bp) et que les mouvements de la courbe des taux étaient parallèles. L’idée sous-jacente à cette
section est de relacher progressivement ces deux hypothèses en introduisant la convexité ainsi
que le cross-hedge.

5.3.1 Grandes variations


Les condidérations présentées dans le cadre de ce chapitre peuvent être retrouvées dans Martellini
et al. (2003)[pages 182-188]. Lorsque les mouvements de taux que l’on anticipe ne sont pas
infinitésimaux, mais d’une ampleur plus importante. Pour cela, on étend la formule de Taylor
utilisée précédement en incluant un terme d’ordre deux. Ce terme permet d’introduire une
correction de convexité. Avec la formule de prix pour une obligation quelconque suivante :
T
X CFi
Pt (r) = (98)
(1 + r)ti −t
i=1

La différentielle totale incluant des termes d’ordre 2 devient alors :


∂Pt (r) 1 ∂ 2 Pt (r)
dPt (r) = dr + (dr)2 + o((dr)2 ) (99)
∂r 2 ∂r2
En reprenant les notations précédentes, on a :

1 ∂ 2 Pt (r)
dPt (r) = $Durdr + (dr)2 + o((dr)2 ) (100)
2 ∂r2
En notant :
∂ 2 Pt (r)
$Conv = (101)
∂r2

33
On obtient alors :
$Conv
dPt (r) ≈ $Durdr + (dr)2 (102)
2
La dérivée seconde du prix par rapport au taux est, avec la formule de prix donnée plus haut,
la suivante :
T
∂ 2 Pt (r) X CFi
2
= (ti − t)(ti − t + 1) (103)
∂r (1 + r)ti −t+2
i=1

Comme précédement, il est possible de déterminer l’évolution relative du prix de l’obligation en


fonction des évolutions du taux, en divisant dP par P. On obtient alors :
dP 1
≈ −M Ddr + RC(dr)2 (104)
P 2
où RC est appelée Relative Convexity de l’obligation. Naturellement, on a :
$Conv
RC = (105)
P
Là encore, il est possible de déterminer les Profit & Loss et Relative Profit & Loss en remplaçant
dr dans les formules par ∆r, la véritable variation observée sur la journée, le mois ou l’année de
trading. On a alors :
$Conv
P&L = $Dur∆r + (∆)2 (106)
2
1
Relative P&L = −M D∆r + RC(∆r)2 (107)
2
Les exercices de TD vous permettront d’évaluer le gain obtenu dans l’appréhension du risque
au travers de l’introduction de la convexité. Cette convexité dispose d’un certain nombre de
caractéristiques que l’on détaille ici :

1. La $ convexité ou convexité relative sont positives. Sachant de plus que (dr)2 est également
toujours positif, la correction introduite dans dP est toujours positive.
2. Sachant ce qui vient d’être dit, l’introduction de la convexité permet de prendre en compte
de l’asymétrie dans la réaction des prix aux changements de taux. En effet, si dr < 0
(dr > 0), alors $ Durdr > 0 ($ Durdr < 0). En ajoutant la convexité, on a alors :
dP |dr<0 > dP |dr>0 .
3. La convexité en valeur absolue et relative s’accroit avec le time to maturity. On retrouve
donc l’accroissement de l’effet asymétrique souligné lors de l’introduction.
4. La convexité est un opérateur linéaire : la convexité d’une somme d’obligation est également
à la somme des convexités pondérées par le poids des obligations dans la valeur du porte-
feuille.

5.3.1.1 La couverture avec la convexité Comme précédement, il est possible de déterminer


la composition d’un portefeuille d’obligations tel que sa différentielle totale intégrant les éléments
d’ordre deux soit approximativement égale à 0. On obtient ainsi un portefeuille dont le risque
est supposé être nul.

34
Dans le cas précédent, on utilisait un portefeuille composé de deux obligations, dont l’une des
deux permetttait de neutraliser le risque associé à la détention de la première. Avec une formule
de Taylor tronquée à l’ordre un, on a implicitement réduit le risque de taux à un seul et unique
facteur : la $ duration. Ici, l’addition d’un second terme dans la formule de Taylor conduit à la
nécessité de neutraliser deux facteurs de risque : la $ duration et la convexité.

Un principe important de la couverture est le suivant : pour convrir n risques différents (on ne
peut écrire l’un des risques comme combinaison linéaire des autres sources de risque). Ici, on est
face à deux sources de risque différentes : un risque de premier ordre (la $ duration) et un risque
de second ordre (la convexité). On a donc besoin de deux obligations pour couvrir les risques
associés à l’obligation que l’on souhaitait détenir initialement.

Soit les obligations A, B et C, de prix respectif PA , PB et PC , de ytm rA , rB et rC , de $


duration respectives $DurA , $DurB et $DurC et de $ convexité respective $ConvA , $ConvB et
$ConvC . Soit un portefeuille G composé de ces trois obligations, donc une unité de l’obligation
A. Pour immuniser ce portefeuille contre le risque de taux, l’une des stratégies qu’il est possible
de mettre en oeuvre est de tenter d’égaliser la différentielle totale au second ordre à 0. Ce n’est
pas celle qui est implémentée en général : on préférera rendre le portefeuille neutre à la convexité
d’une part et neutre à la duration d’autre part.

Le portefeuille à immuniser a la valeur suivante :

G = PA (rA ) + φB PB (rB ) + φC PC (rC ) (108)

La neutralisation à la duration est identique dans sa formulation à celle présentée dans la section
précédente :

$DurA drA + φB $DurB drB + φC $DurC drC = 0 (109)

Sur le même principe, la neutralisation de la convexité prend la forme suivante :

$ConvA drA + φB $ConvB drB + φC $ConvC drC = 0 (110)

On obtient ainsi un systeme de deux équations... à 5 inconnues (on ne connait pas drA , drB
et drC ). Pour rendre le système identifiable, il est nécessaire d’aouter une hypothèse afin de
se débarasser des ytm de chacune des obligations. Comme précédement, on supposera que les
mouvements de la courbe des taux sont parralèles : on a alors dr = drA = drB = drC .

Le système obtenu alors est le suivant :



$DurA + φB $DurB + φC $DurC = 0
(111)
$ConvA + φB $ConvB + φC $ConvC = 0

Le résolution de ce type de programme à l’aide d’Excel est aisée, à l’aide des commandes
Inversemat et Produitmat, en remarquant qu’il est possible d’écrire ce programme de façon
matricielle comme suit :

AΦ = B ⇒ Φ = A−1 B (112)

35
où on a :
 
$DurB $DurC
A= (113)
$ConvB $ConvC
 
−$DurA
B= (114)
−$ConvA
 
φB
Φ= (115)
φC

Ce système n’admet de solution que si la matrice A est de plein rang (pas de colonnes colinéaires).
Ceci a un sens financier particulier : il est nécessaire pour convrir deux risques différents de dis-
poser de deux actifs qui ne soient pas colinéaires (i.e. il ne portent pas le même risque, ici mesuré
à l’aide de la convexité et de la duration). Il est donc nécessaire que les deux actifs ne portent
pas exactement le même risque, défini comme le rapport entre la duration et la convexité pour
chacun des actifs.

On rappelle pour le traitement des exercices que pour une matrice de dimension 2,2 de la forme :
 
a b
A= (116)
c d

Son inverse est alors donnée de façon explicite3 par :


 
−1 1 d −b
A = (117)
ad − bc −c a

où la quantité ad − bc est le déterminant de la matrice A.

Naturellement, cette couverture ne fonctionne correctement qu’à la condition que :


1. La courbe des taux soit plate.
2. Les variations de la courbe des taux sont parallèles.
On va finalement relacher cette dernière hypohtèse, en explicitant le principe général et en pro-
posant une appication particulière.

5.3.2 Variations non parallèles


Dans cette section, on présente une méthode simple permettant de relacher l’hypothèse très
restrictive de variations parallèles de la courbe des taux. Il est ici essentiel de ne pas confondre
le fait que pour deux ytm rA et rB , relatifs à une obligation A et B, on a :

drA = drB = dr (118)

avec le fait que la courbe des taux est pour le moment considérée comme correctement résumée
par le ytm pour une obligation donnée. On s’attache ici à relacher d’une façon simple l’hypothèse
présentée dans l’équation (118) d’une façon simple.

3
Et, oui, il nécessaire d’avoir cette formule en tête pour le partiel, à moins que vous n’ayez envie d’inverser la
matrice à la main pendant votre épreuve finale.

36
Supposons que l’on veuille détenir une obligation A, de prix PA et de ytm rA . On souhaite
couvrir son risque à l’ordre un (en $ duration, donc) à l’aide d’une seconde obligation B, de
prix PB et de ytm rB . On décide d’acheter une quantité θ de cette second obligation, de façon
à couvrir le risque de la première obligation. On retrouve donc très classiquement la dynamique
du portefeuille G constitué de ces deux obligations que l’on avait détaillé dans les précédentes
sections :

dG = $DurA drA + φ$DurB drB (119)

Jusqu’à présent, on a supposé que l’hypothèse introduite dans l’équation (118) s’appliquait et la
solution du système était ridiculement simple. A présent, on est convaincu que cette hypothèse
est mauvaise. Une alternative possible (et empiriquement nettement moins fausse) serait de dire
que drB est une fonction inconnue de drA . Ceci se résume de la façon suivante :

drB = f (drA ) (120)

La valeur du portefeuille en date d’aujourd’hui doit alors être revue : la $ duration de chacune
des obligations s’écrie à l’aide de son ytm. Le fait que l’un des ytm soit une fonction de l’autre
doit permettre de réércrire les chose simplement :

G = PA (rA ) + φPB (f (rA )) (121)

La dynamique est alors :


∂PA ∂PB ∂f
dG = drA + φ drA (122)
∂rA ∂rA ∂rA
Il suffit alors d’égaler cette dynamique à 0 pour obtenir un portefeuille couvert à l’ordre 1. On
obtient alors :
∂PA
∂rA
φ = − ∂P (123)
B ∂f
∂rA ∂rA

Ce qui est tout à fait différent de ce qu’on obtenait dans le cas où l’on admettait que les variations
de la courbe des taux étaient parallèles. Le problème est que l’on ne sait pour le moment pas
grand chose de cette fonction f .

5.3.2.1 Le cross-hedge Une façon simple de procéder revient à dire que rB est une fonction
affine de rA de la forme :

rB = α0 + α1 rA + ǫ (124)

où ǫ est le plus souvent une erreur de mesure ou de modèle, qui a la bonne propriété d’être
nulle en moyenne. Reste alors à déterminer la valeur des deux paramètres α0 et α1 . La méthode
généralement appliquée revient à les choisir de façon à ce qu’ils minimisent la somme des ǫ au
carré :
n n
(rB − α0 − α1 rA )2
X X
ǫ2i = (125)
i=1 i=1

En réécrivant sous forme matricielle ce système, on a :


n
X
ǫ2i = (rB − Xα)T (rB − Xα) (126)
i=1

37
où on a les matrices suivantes :
1
 
rB
rB =  ...  (127)
 

rBn
 
α0
α= (128)
α1
1
 
1 rA
 1 r2 
A 
X= . .  (129)

.
 . .  .
n
1 rA
Pour minimiser ce produit matriciel, il suffit de le dériver une fois en fonction de α, puis d’égaler
la dérivée à 0. L’idéal est évidement de bien vérifier que l’on est face une problème strictement
convexe. On obtient finalement :
(rB − Xα)T (rB − Xα)
= −X T (rB − Xα) (130)
∂α
Et finalement en égalant à 0, il vient :

− X T (rB − Xα) = 0 (131)


 −1  
α = X TX X T rB (132)

Encore une fois, le calcul matriciel avec Excel étant aisé, il est extrèmement facile d’implémenter
ce type de calcul dans une feuille quelconque.

Dans ce cas linéaire, la quantité de l’obligation B que l’on doit acheter pour obtenir un porte-
feuille couvert est alors :
∂PA
∂rA
φ = − ∂P (133)
B ∂f
∂rA ∂rA
∂PA
∂r
= − ∂P A (134)
∂rA α1
B

(135)

5.4 Le cadre général et quelques approches astucieuses


On se place ici dans le cadre le plus général possible, relachant toutes les hypothèses du modèle
précédent. Soit une obligation dont le prix dépend de l’ensemble des taux ZC permettant d’ac-
tualiser ses cashs flows. On a donc :
n
X CFi
Pt (rt1 , ..., rtn ) = (136)
(1 + rti )ti
i=1

Sa dynamique à l’ordre 2 peut être approximée de la façon suivante :


n n
n X
X ∂P X 1 ∂2P
dP ≈ drti + drt drt (137)
∂rti 2 ∂rti rtj i j
i=1 i=1 j=1

38
On se contente dans cette section de construire un portefeuille de couverture pour les n sources
de risques. Soit un portefeuille G composé de n obligations, tel que :
n
X
G= φj P i (138)
i=1

où Pi est le prix de la ième obligation. Ajoutons l’obligation de prix P à ce portefeuille. Cette
obligation est l’obligation dont on souhaite couvrir le risque. On a alors un portefeuille G*
composé comme suit :
n
X
G∗ = P + φj P j (139)
j=1

Ici encore, on a acheté une unité de l’obligation que l’on souhaite couvrir et l’on cherche les
quantité φ1 , ..., φn que l’on doit détenir pour couvrir ce portefeuille. On se content de couvrir les
risques à l’ordre 1 de ce portefeuille. Sa différentielle est approximativement égale à :
n n
n X
X ∂P X ∂P j
dG∗ = drti + φj drti (140)
∂rti ∂rti
i=1 j=1 i=1

En regroupant les termes de cette expression, on obtient :


 
n n j
 ∂P + ∂P 
X X
dG∗ = φj drti (141)
∂rti ∂rti
i=1 j=1

Comme précédement, la couverture se fait risque par risque. On cherche donc à avoir :
n
X ∂P j
∂P
+ φj = 0, ∀i = {1, ..., n} (142)
∂rti ∂rti
j=1

En adoptant les notations suivantes :


∂P 1 ∂P n
 
∂rt1 ... ∂rt1

G′ =  .. .. .. 
(143)
. . .

 
∂P 1 ∂P n
∂rtn ... ∂rtn
 
φ1
 .. 
Φ= .  (144)
φn
 
∂P
− ∂r t1

P′ =  .. 
(145)
.

 
∂P
− ∂r t n

il est possible de réécrire notre problème de façon matricielle, comme suit :

G′ Φ = P ′ (146)

et de le résoudre très simplement par la même occasion :

Φ = (G′ )−1 P ′ (147)

39
Où est alors le problème ? Pourquoi présenter la couverture en utilisant le ytm comme résumé
de la courbe des taux, et l’ensemble des hypothèses très restrictives faites au cours de cette
section ? Le problème ne tient pas au fait qu’il faille calculer un nombre croissant de dérivées
pour couvrir ce portefeuille : un ordinateur peut accomplir cette tache en l’espace de quelques
secondes tous les jours. Le problème principal vient du fait qu’il soit nécessaire d’utiliser n actifs
pour convrir une seule obligation. Le cout d’une telle couverture est bien évidement prohibitif.

De plus, cette méthode ne se justifie pas entièrement : il est nécessaire d’utiliser n actifs de
couverture, à la condition que la matrice H ′ soit inversible, autrement dit, que chacun des actifs
et chacun des risques soit en risque à part entière : il n’est pas possible d’écrire un seul de ces
risques comme combinaison linéaire des autres. La courbe des taux est en général le résultat
de 3 facteurs de risques différents : un risque de niveau (facteur 1), un risque de pentification
(facteur 2) et un risque de concavité (facteur 3).

Il est donc possible d’écrire chacun des drti comme une combinaison linéaire de ces trois risques.
Ceci reduit dramatiquement le nombre d’actif de couverture dont on a besoin : on passe de n
risques à 3 risques différents. Ce type de résultat est aisé à obtenir à l’aide d’une analyse en
composantes principales, mais ceci reste trop avancé pour le niveau de ce cours et sera réservé à
l’année prochaine. Un apercu de cette méthode est néanmoins disponible dans Martellini et al.
(2003).

6 Selection
Dernière étape dans ce cours sur la courbe des taux et les produits obligataires : la sélection.
L’idée est de décrire (très) brievement la formation d’une stratégie de taux, qu’elle soit active
ou passive. Une stratégie de taux peut être définie comme suit :

Definition 4. Une stratégie de taux est un vecteur Φ = {φ1 , ..., φj } où φi représente la
pondération d’une obligation i dans le portefeuille obligataire.

6.1 Stratégies passives


Une stratégie passive se définit simplement comme une stratégie ayant pour but de faire aussi
bien que le marché, i.e. générer un gain qui reste en ligne avec les gains générés naturellement
par le marché. Il n’est pas question ici de rechercher une surperformance dans le marché. Ce type
de stratégie, comme présenté dans Martellini et al. (2003)[chapitre 7], se focalise sur la réduction
des coûts liés à la couverture. L’idée est donc de parvenir à suivre un indice de marché, tout en
réajustant le moins possible le portefeuille.

Ceci revient à supposer que le marché est efficient, une hypothèse dont il sera question dans
d’autre cours que celui-ci. L’idée globale de cette hypothèse est qu’il n’est pas possible de
dégager davantage de rentabilité en espérance qu’un incide de marché, suffisament représentatif
du marché en question.

6.2 Stratégies actives


Une stratégie active est une stratégie visant à générer des rentabilités anormales dans le por-
tefeuille. Une rentabilité anormale est une rentabilité qui dépasse la rentabilité d’un indice

40
représentatif du marché. Ces rentabilités sont en général mesurées par rapport à un modèle.
Dans le cadre du marché action, la première référence est celle du CAPM, dont il sera question
dans d’autres cours.

Dans le cas des fixed income securities, il est possible de distinguer deux types de gestions actives :

– il est tout d’abord possible de jouer sur des inefficiences de marché, i.e. sur le fait que le marché
soit mal arbitré à un instant donné. On pensera ici simplement à ce que l’on appelle l’ana-
lyse reach and cheap, visant à réévaluer l’ensemble des obligations d’un marché à l’aide de la
courbe ZC théorique et à déterminer la différence entre le prix de marché et le prix théorique
des obligations. Lorsqu’une obligation a un prix de marché inférieur à son prix théorique,
on achète cette obligation jusqu’à ce que l’anomalie disparaisse. Une fois revenue à son prix
théorique, le gain est égal à la différence entre le prix de vente et d’achat de l’obligation. Cette
classe de stratégie est appelée bond picking.

– il est ensuite possible de comparer la prévision implicite dans les taux de marché du futur de
la courbe des taux, avec des prévisions de taux tirées des avis des économistes de banque ou
des responsables de salle. Il est alors possible de mettre en oeuvre des stratégies permettant
de tirer parti des divergences entre les deux scénarii de taux. Cette classe de stratégie est
appelée market timing.

6.2.1 Un exemple de market timing


Les stratégies de market timing reposent sur trois types d’ingrédients, dont la qualité fera na-
turellement l’intéret de la méthode :

1. Il est tout d’abord nécessaire de concevoir un modèle permettant d’extraire de la courbe


des taux spots les taux forwards pour des maturités variées.
2. Il est ensuite indispensable de bénéficier de prévision de la courbe des taux qui soit en un
sens plus efficiente que celles du marché.
3. Enfin, il est essentiel de savoir construire une stratégie de taux permettant de tirer parti
de divergences relevées entre les prévisions du marché et celle des économistes.

Ici, on s’intéressera principalement au premier de ces trois points, en présentant la construction


d’une courbe des taux spots à l’aide d’une fonctions polynomiale de la maturité de ce taux. On
se restreindra ici à la classe de Nelson et Siegel, augmentée par Svensson. L’idée de départ de
cet exemple est la suivante : selon ce que l’on appelle l’expectation hypothesis, les taux forwards
correspondent à la prévision du marché du futur des taux spot sur la période correspondante.
Ainsi, en notant rt le taux court (taux à un jour) pour la date t et f (t, T ) le taux court forward
en date T , alors on a :

f (t, T ) = E[rT ] (148)

dans la mesure où rT est inconnu en date t. Jarrow (2002) fournit davantage de détails relative-
ment à la profondeur de cette hypothèse et ses multiples déclinaisons.

41
Ainsi, en calculant les taux forward courts pour des maturités variées, on devrait être en mesure
de connaitre la prévision du marché du taux court pour différentes maturités. Mieux, sachant
que :
t2
Y
f (t, t1 , t2 ) = f (t, k) (149)
k=t1

il est possible de retrouver l’ensemble des taux forward de départ t1 et de maturité t2 .

Svensson montre qu’en estimant la courbe des taux spots à l’aide d’un jeu de 6 paramètres avec
la forme fonctionnelle suivante :
         
1 − exp − τT1 1 − exp − τT1 T 1 − exp − T
τ2 T
R(t, T ) = β0 + β1 T
+ β2  T
−  + β3  T
− 
τ τ
τ1 τ
τ2
1 1 2

(150)
il est alors possible de donner une expression simple au taux forward court :
     
T T T T T
f (t, T ) = β0 + β1 exp − + β2 exp − + β3 exp − (151)
τ1 τ1 τ1 τ2 τ2
Ceci est extrêment pratique d’utilisation : cette forme fonctionnelle est capable d’accomoder la
plupart des formes de la courbe des taux. L’estimation peut se faire naturellement par moindres
carrés.

L’intéret de cette approche repose sur le fait que le taux court spot (un jour) est égal (au moins
pour l’euro et le dollar) au taux cible de la banque centrale majoré d’un spred dit ”spread refi-jj ”
(le refi est un autre nom du taux cible de la banque centrale). L’idée est donc de déterminer le
taux forward de réunion des banquiers centraux en reunions et de juger de la pertinence de la
prévision du marché. Cette section sera pleinement développée dans le cadre du cours.

6.2.2 Quelques stratégies classiques


Pour terminer cette section, il est possible de distinguer plusieurs types de stratégies :

1. Une stratégie de roll-over est une stratégie visant pour un investissement de maturité n à
répéter des investissement sur des horizons ni < n, de façon à tirer parti de la hausse ou
de la baisse des taux.
2. Un bullet portfolio est un portefeuille composé de titres ayant des maturités très proches.
On joue ici sur un mouvement anticipé d’un point de la courbe des taux.
3. Un barbell portfolio est un portefeuille composé de titres de maturités courtes et longues,
mais pas intermédiaires. L’idée est ici de profiter des mouvements de concavité de la courbe.
4. Un butterfly portfolio résulte de la combinaison des deux précédents portefeuilles : le bul-
let constitue le corps du papillon (le pivot de la stratégie) et le barbell constitue les ailes.
L’idée est de tirer parti de mouvements autour du bullet, tout en profitant d’un mouve-
ment de niveau sur bullet.

Pour terminer : notons qu’un portefeuille bullet et un portefeuille barbell de duration égale,
n’auront pas la même convexité. Le barbell a une convexité plus importante, puisque somme de
deux convexité différentes élevées au carré.

42
7 Retour sur la courbe des taux
Definition 5 (La courbe des taux). La structure par terme des taux d’intérêt (ou courbe des
taux ou encore gamme des taux) est la fonction qui à une date donnée et pour chaque maturité
en abscisse, indique le niveau du taux d’intérêt associé en ordonnée.

Il existe trois grands types de courbe de taux zéro-coupon :

– la courbe Trésor (ou courbe d’Etat)

– la courbe interbancaire

– et les courbes ”corporate”.

On ne se préocuppera ici que de la courbe Trésor : une fois la construction de cette courbe
comprise, le reste des courbe ne pose aucune difficulté. La courbe Trésor est construite à partir
des obligations émises par l’Etat (OAT, BTAN et BTF en France, T-bills, T-notes et T-bonds
pour les USA).

Il s’agit de la courbe dite sans risque dans les pays du G7 dans la mesure où les Etats de ces
pays sont censés ne jamais faire défaut. Les Etats de ces pays sont notés AAA par les agences
de rating, i.e. disposent de la meilleure notation possible.

La courbe Trésor est construite à partir d’obligations d’Etat. Il est important de faire une
sélection rigoureuse des titres qui servent à la reconstitution. Il faut éliminer :

– les titres qui présentent des clauses optionnelles car la présence d’options rend le prix de ces
titres non homogènes avec ceux qui n’en contiennent pas.

– les titres qui présentent des erreurs de prix, typiquement dues à des erreurs de saisie.

– les titres qui sont soit illiquides, soit surliquides, et présentent donc des prix qui ne sont pas
dans le marché.

Il ne faut pas tracer la courbe des taux sur des segments de maturité où l’on ne dispose pas de
titres. Par exemple, ne pas tracer la courbe sur le segment [20-30 ans] si l’on ne dispose pas de
titres de maturités supérieures à 20 ans dans le panier.

7.1 Dérivation de la courbe des ZC


On présente dans ce qui suit deux méthodes pour tirer les taux 0-coupon à partir du prix des
obligations : la méthode théorique de reconstitution de la courbe, ainsi que le bootstrap.

7.1.1 La méthode théorique


Elle permet de déduire directement les taux zéro-coupon des obligations à coupons. Elle requière
les deux conditions suivantes :

43
– elles ont les mêmes dates de tombée de coupon

– elles ont des maturités multiples de la fréquence de tombée des coupons.

Remarque 10. Cette méthode n’est que théorique car dans la pratique il est très rare de
pouvoir trouver un échantillon d’obligations ayant ces deux caractéristiques.

Notations et résolution

Soit Pt = (Pt1 , Pt2 , ..., Ptn ) le vecteur des prix des n obligations. (152)
F = (Fij ) la matrice n x n correspondant aux flux des n titres pour les n tombées de flux.
(153)
Les dates de tombées des flux sont identiques pour tous les titres. (154)
Bt = (B(t, t1 ), B(t, t2 ), , ....., B(t, tn )) le vecteur des facteurs d’actualisation (155)

Par absence d’opportunité d’arbitrage, notre problème prend la forme suivante :

Pt = F Bt′ ⇔ Bt = (F −1 Pt )′ (156)

On extrait le vecteur des taux zéro-coupon à l’aide de la relation suivante :


  1
1 ti −t
R(t, ti − t) = −1 (157)
B(t, ti )

Si l’on souhaite utiliser des taux continus, on utilise alors :


1
R(t, ti − t) = − ln(B(t, ti )) (158)
ti − t
Exemple 4. Soit les obligations suivantes :
Coupon Maturité Prix
Titre 1 5 1 101
Titre 2 5,5 2 101,5
Titre 3 5 3 99
Titre 4 6 4 100
Tirez les prix des 0-coupons sous-jacents, puis les taux zéro-coupon.

7.1.2 La méthode du bootstrap


Il s’agit d’une procédure en plusieurs étapes qui permet de reconstituer une courbe zéro-coupon
au comptant ”pas à pas”, i.e. segment par segment de maturité.

1. Pour le segment de la courbe inférieur à 1 an :

Extraction des taux zéro-coupon grâce aux prix des titres zéro-coupon cotés sur le marché
puis obtention d’une courbe continue par interpolation.

44
2. Pour le segment de la courbe allant de 1 an à 2 ans :

Parmi les obligations de maturité comprise entre 1 an et 2 ans, on choisit l’obligation


à l’échéance la plus rapprochée. Ce titre verse deux flux. Le facteur d’actualisation du
premier flux est connu grâce à l ’étape 1. Le facteur d’actualisation du second flux est
solution de l’équation non linéaire :
P = CB(0, t1 ) + (100 + C)B(0, t2 ) avec t1 ≤ 1 et 1 < t2 ≤ 2 (159)

On obtient alors un premier point de courbe sur ce segment. On réitère alors le même
procédé avec l’obligation de maturité immédiatement supérieure mais toujours inférieure
à 2 ans.

3. Pour le segment de la courbe allant de 2 ans à 3 ans :

On réitère l’opération précédente à partir des titres ayant une maturité comprise entre 2
ans et 3 ans.

...etc...
Exemple 5. Soit les données suivantes :

Coupon Maturité
Titre 1 5% 1 an et 2 mois
Titre 2 6% 1 an et 9 mois
Titre 3 5,50% 2 ans
Maturité ZC
Overnight 4,40%
1 mois 4,50%
2 mois 4,60%
3 mois 4,70%
6 mois 4,90%
9 mois 5%
1 an 5,10%
Tirez les zéro-coupons pour des maturités supérieures à un an. On donne un début de solution :

Le taux à un an et deux mois est solution de :


5 105
103, 7 = 1/6
+ ⇒ x = 5.41% (160)
(1 + 4.6%) (1 + x)1+1/6
Le taux à un an et 9 mois s’obtient comme suit :
6 105
102 = 9/12
+ ⇒ x = 5.69% (161)
(1 + 5%) (1 + x)1+9/12
Remarque 11 (Lissage de la courbe). On comprend bien que lors des calculs conduisant à
tracer la courbe des taux, nous sommes contraints par la gamme des échéances disponibles.
Pour obtenir un taux zéro-coupon entre deux dates disponibles, il est possible de procéder à une
interpolation. La convexité/concavité de la courbe des taux rend cependant ce type de calcul
hasardeux (inégalité de Jensen).

45
7.2 Rendre la courbe des taux continue
Sur ce point, voir les splines de Svensson dans la partie stratégie. On ajoute un cours laius sur
les splines cubiques. On suppose que l’on dispose de la courbe des ZC spot sur des maturités
allant de 1 à 30 ans. On souhaite écrire les taux spots sous la forme d’une fonction cubique de
la maturité, continue par morceaux. On a :

 r0 + a1 T + b1 T 2 + c1 T 3 si T ≤ 10

r(T ) = r1 0 + a2 (T − 10) + b2 (T − 10)2 + c2 (T − 10)3 si 10 < T ≤ 20 (162)


 2 3
r2 0 + a3 (T − 20) + b3 (T − 20) + c3 (T − 20) si 20 < T

On réduit le nombre de paramètres à identifier en ajoutant des conditions de continuitée sur


cette fonction par morceaux ainsi que sur les dérivées premières (de façon à ce que la courbe
des taux soit C 2 ). Pour plus de détails, voir Tuckman (2002). Reste ensuite à optimiser par
les moindres carrés pour déterminer les paramètres libres. Il est également possible de faire de
même avec les discount factor (voir Martellini et al. (2003)[chapitre 4]).

7.3 La courbe des taux forward


Definition 6. Le taux forward (ou taux forward zéro-coupon) F (t, x, y − x), déterminé en t,
démarrant en x et d’échéance y, est défini par :
1
(1 + R(t, y))y−t
  y−x
F (t, x, y − x) = −1
(1 + R(t, x))x−t
Pour un emprunt avec remboursement des intérêts et du capital à l’échéance, F (t, x, y − x)
est le taux d’intérêt auquel on peut signer un contrat aujourd’hui, avec un démarrage en x et
l ’échéance en y.

Pour retrouver la formule précédente, il suffit de concevoir le problème en terme d’absence


d’opportunité d’arbitrage.

Definition 7 (AOA). Soit un portfeuille quelconque de titres, de coût nul ou négatif. On dit
qu’il y a absence d’opportunité d’arbitrage si et seulement si il n’est pas possible de réaliser à
terme un profit positif presque surement. Autrement dit, si θ représente la quantités d’actifs en
portefeuille et Pi leur prix en date i, alors :

θP0 ≤ 0 ⇒ P (θPt > 0) = 0

Dans notre cas, imaginons que l’on emprunte aujourd’hui un euro à deux ans et que l’on prête
un euro à un an, puis un euro dans un an pour un an. Les cash-flows de l’opération sont alors
les suivants :

Aujourd’hui Dans 1 an Dans 2 ans


Emprunt 1 0 A = −(1 + R(0, 2)2
Prêt -1 1+R(0,1) B = (1 + R(0, 1)) × (1 + F (0, 1, 1))
Solde Total 0 A+B

En AOA, on doit nécessairement avoir A+B = 0. La résolution de cette dernière équation donné
nécessairement :

46
(1 + R(0, 2)2 )
− 1 = F (0, 1, 1)
(1 + R(0, 1))

Il est donc possible d’inférer cette courbe des taux forward à partir de la courbe des taux 0-
coupon. Il existe naturellement un infinité de courbes forward (autant que d’échéance de départ
du pret/emprunt).

Références
Brealey, R. and Myers, S. (2003). Principes de gestion financière. Person Education.

Brealey, R. and Myers, S. (2005). Corporate finance. Mc Graw Hill.

Cairns, A. (2004). Interest Rate Models : An Introduction. Princeton University Press.

Jarrow, R. A. (2002). Modelling fixed income securities and interest rate options. Mc Graw Hill.

Martellini, L. and Priaulet, P. (2004). Produits de taux d’intérêt : méthodes dynamiques


d’évaluation de couverture. Economica.

Martellini, L., Priaulet, P., and Priaulet, S. (2003). Fixed Income Securities : Valuation, Risk
Management and Portfolio Strategies. Wiley.

Tuckman, B. (2002). Fixed Income Securities : Tools for Today’s Market. Wiley.

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