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Les tentatives de mise au pas d’ONG trop
«politiques» se multiplient en Allemagne
PAR THOMAS SCHNEE
ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 1 AVRIL 2019
Un activiste d'Attac, dans une église de Francfort, pour «commémorer» les dix ans
de la crise financière de 2008, le 15 septembre 2008 © Reuters / Ralph Orlowski.
Attac a perdu son statut d’association d’utilité
publique en Allemagne parce qu’elle serait trop «
politique ». L’association, qui pourrait être confrontée
à de sérieux ennuis financiers, n’est pas la seule à se
trouver dans la ligne de mire de députés conservateurs
et libéraux.
Berlin (Allemagne), de notre correspondant.- Pour
l’ONG altermondialiste Attac Deutschland, le
couperet est tombé le 26 février. Les juges de la Cour
fédérale des finances, qui statuent en dernière instance
sur les cas touchant la fiscalité et les douanes, ont
estimé que l’association avait dépassé une ligne rouge.
Selon le tribunal, le militantisme de l’association
constitue « une ingérence dans la formation de l’avis
politique et de l’opinion politique […] qui ne remplit
aucun rôle d’utilité publique ».
L’avis a été renvoyé pour application au tribunal
régional de Hesse (un Land de l’ouest de
l’Allemagne), chargé de l’affaire. Dans les semaines
qui viennent, Attac va donc perdre son statut « d’utilité
publique ». « Pour une association, c’est la perte
d’une sorte de label de confiance, mais aussi la fin
d’avantages fiscaux importants, comme la possibilité
de défiscaliser les dons. Par ailleurs, sans ce statut,
une association ne peut détenir des biens obtenus par
des dons et doit, en fonction de ce que prévoient ses
statuts, se débarrasser à terme de son patrimoine »,
explique Stefan Diefenbach-Trommer, président de
l’Alliance pour la sécurité juridique de la formation
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de la volonté politique, une union de défense qui
réunit une quarantaine de petites et grandes ONG
allemandes.
Dès que le tribunal hessois aura acté cette perte
de statut, la situation d’Attac Deutschland risque de
devenir critique : « Ce jugement est grave. Il colle au
code fiscal et ignore la dimension sociale et politique
de l’affaire. Il y a un refus total de prendre en compte
ce qui constitue le débat démocratique. Cela s’inscrit
dans une tendance actuelle autoritariste qui tend à
vouloir réduire le droit à la parole de la société
civile », estime Stefan Diefenbach-Trommer.
Un activiste d'Attac, dans une église de Francfort, pour «commémorer» les dix ans
de la crise financière de 2008, le 15 septembre 2008 © Reuters / Ralph Orlowski.
Outre-Rhin, le code fiscal définit de nombreuses
règles et 25 domaines thématiques (éducation,
défense de l’environnement, sport, préservation des
traditions, carnaval, aide à la jeunesse et à la
vieillesse, etc.) qui permettent sans trop de difficulté
d’obtenir le statut d’utilité publique. Le code précise
que les associations concernées peuvent exprimer
publiquement des opinions politiques, mais seulement
pour expliquer leurs positions et leurs actions dans
le champ thématique de leur choix. En revanche, le
code n’accepte pas qu’une association qui prétend à
un statut d’utilité publique formule des revendications
politiques trop généralistes et les défende de manière
active.
« Notre champ thématique, c’est l’éducation à la
démocratie », était la réponse d’Attac, qui n’a
pas convaincu les juges fédéraux. Le cas d’Attac,
l’ONG qui dérange trop souvent le « capitalisme
financier » dans le quartier des banques de Francfort,
n’est pas isolé. La semaine dernière, Campact, une
ONG spécialiste des pétitions politiques monstres
sur Internet, a annoncé que ses actions et son statut
d’utilité étaient également en cours d’examen.
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« Nous pouvons nous permettre de ne pas réagir
à l’intimidation, car nos revenus proviennent de
centaines de milliers de petits donateurs. Mais quand
une organisation est soutenue par un modèle de
fondation, la question fiscale est problématique. Il faut
alors accepter de limiter ses engagements politiques
ou se retrouver dans une situation périlleuse… Le
jugement Attac est donc véritablement une muselière
pour une société civile critique », explique Damian
Ludewig, membre de la direction de Campact.
La remise en cause du travail de certains milieux
associatifs ne concerne pas seulement les ONG un peu
trop généralistes, mais également celles qui rentrent
a priori parfaitement dans le cadre défini par le code
fiscal. Ainsi, la branche allemande de PETA, l’ONG
anglo-saxonne bien connue de défense du « droit des
animaux », se retrouve elle aussi sur le banc des
accusés, harcelée par quelques députés du parti libéral
(FDP) qui remettent en cause le statut de l’association
dans une motion déposée devant la commission des
finances du Bundestag.
PETA est accusée de commettre des délits en diffusant
des films sur la souffrance animale tournés en secret
dans des fermes ou des abattoirs allemands. PETA, qui
considère légale la diffusion de ces films, nie avoir
commandité les actions.
Parmi les ONG prises en chasse, il reste un
gros poisson que pas mal de monde aimerait
ferrer actuellement. Il s’agit de l’ONG Deutsche
Umwelthilfe (DUH) qui a couvert en Allemagne le
scandale de fraude aux émissions de carbone chez
Volkswagen, le « Dieselgate ».
C’est aussi elle qui a porté plainte contre de multiples
villes allemandes pour non-respect des limitations de
pollution de l’air. Ces plaintes, qui irritent au plus haut
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point le gouvernement fédéral, le lobby automobile et
certaines villes du pays, ont pour la plupart abouti à
des jugements obligeant les communes impliquées à
interdire tout ou partie de leurs centres-villes aux vieux
moteurs diesels trop polluants.
Lors de son dernier congrès national, le parti
conservateur de la chancelière Angela Merkel (CDU)
a ainsi adopté une motion qui prévoit l’examen du
statut d’utilité publique de DUH : « Cela va être
dur d’y parvenir, car le DUH est clairement dans
les clous du code fiscal. Il vient par ailleurs de voir
son statut d’utilité publique renouvelé pour cinq ans.
C’est pour cela que certains députés conservateurs
veulent changer la loi », explique Stefan Diefenbach-
Trommer.
Ce que confirme le député conservateur bavarois
Stefan Müller (CSU, allié de la CDU) pour qui il est
insupportable que de « petits groupuscules de militants
harcèlent des pans entiers de la société en exploitant
tous les recours juridiques ». Et d’insister : « Nous
avons besoin de règles plus sévères pour empêcher les
abus, comme dans le cas de Deutsche Umwelthilfe, qui
empêchent l’élaboration de solutions consensuelles »,
affirme-t-il.
La nouvelle présidente de la CDU, Annegret Kramp-
Karrenbauer, a pour sa part évoqué la possibilité
d’exclure l’ONG de contrats publics de recherche.
Selon Stefan Diefenbach-Trommer, il n’est pas trop
tard pour parer aux attaques de ce type et bloquer cette
dérive autoritaire qui n’est, selon lui, pas majoritaire
au sein de la classe politique allemande : « Il est
cependant essentiel de voir ce qui se passera quand
le jugement Attac sera définitif. Selon les décisions
du ministère fédéral des finances […], cela pourrait
déboucher sur une nouvelle vague d’examens »,
s'inquiète-t-il.
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