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ÉDITION 2017 – NOUVELLE FORMULE

Réviser son bac


HORS-SÉRIE

avec
TERMINALE, SÉRIE S

SCIENCES DE LA VIE
ET DE LA TERRE
C AH
IER S
PÉCI
AL
16
pour pages
avan se teste
t le b r
ac

L’ESSENTIEL DU COURS DES SUJETS DE BAC DES ARTICLES DU MONDE UN GUIDE PRATIQUE

- Des fiches synthétiques. - Des questions types. - Le texte intégral - La méthodologie


- Les points et définitions - L’analyse des sujets. des articles du Monde. des épreuves.
clés du programme. - Les plans détaillés. - Un accompagnement - Des astuces et
- Les repères importants. - Les pièges à éviter. pédagogique des articles. conseils de révision.

En partenariat avec
Réviser son bac
avec
TERMINALE, SÉRIE S

SCIENCES DE LA VIE
ET DE LA TERRE
Une réalisation de

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
C AH
IER S
PÉCI
AL
16
pour pages
avan se teste
t le b r
ac

Avec la collaboration de :
Manon Corbin
Marie-Noël Morin-Ganet
Sandrine Henry
Mary Sroda

En partenariat avec
AVANT-PROPOS

Cet ouvrage, consacré au programme spécifique de Sciences de la vie et de la Terre de terminale S et conçu
par des professeurs enseignant ce niveau, constitue une préparation originale et efficace à l’épreuve écrite du
baccalauréat en SVT.
Pour vous préparer au mieux au baccalauréat, vous trouverez à la fin de l’ouvrage, dans le Guide pratique, la
présentation détaillée de l’épreuve de SVT, les exigences des correcteurs et des recommandations – y compris des
conseils de méthode et d’organisation – pour réussir cette épreuve.
Dans la double page de L’essentiel du cours, les principales notions de chaque chapitre, accompagnées de
schémas, sont expliquées et présentées de manière structurée et synthétique, dans le respect du contenu et de
l’esprit du programme officiel de SVT de terminale S. Dans les colonnes, sont précisément définis les mots et
les notions clés du cours et des zoom sur certains points du programme vous permettent d’approfondir vos
connaissances.
Dans Un sujet pas à pas, un sujet complet vous est proposé, accompagné de son corrigé et des conseils de
l’enseignant sur les principaux pièges à éviter. Pour chaque chapitre, c’est l’un des trois exercices de l’épreuve
écrite de SVT qui est traité. L’ensemble des sujets couvre les différents exercices de l’épreuve écrite de SVT
au baccalauréat  : partie  1 (restituer ses connaissances lors d’une question de synthèse ou d’un QCM), partie  2
exercice 1 (raisonner dans le cadre d’un problème scientifique) et partie 2 exercice 2 (pratiquer une démarche
scientifique). Cette rubrique se révèle donc être un outil efficace pour s’entraîner tout au long de l’année à
l’épreuve du baccalauréat.
Pour chaque chapitre, des articles issus du quotidien Le Monde, ont été sélectionnés pour leur intérêt et
leur pertinence au regard d’une ou de plusieurs notions abordées dans le cours. Il s’agit d’articles récents, qui

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montrent combien les problématiques des Sciences de la vie et de la Terre s’inscrivent dans l’actualité, suscitent
des polémiques ou des controverses, que ce soit dans le domaine de la santé ou dans celui de l’environnement. Ces
articles montrent également la rapidité de l’évolution des connaissances en biologie et en géologie notamment.
Les articles choisis vous permettent d’approfondir les notions du cours, d’étayer vos propos lors des épreuves,
grâce à des exemples issus du Monde, d’alimenter votre réflexion critique et, finalement, d’appréhender les
sciences comme un savoir toujours en construction.
Cet ouvrage est une aide précieuse pour réussir l’épreuve de SVT, et au-delà, pour découvrir la richesse des
Sciences de la vie et de la Terre.

M.-N. M.-G.

Message à destination des auteurs des textes figurant dans cet ouvrage ou de leurs ayants-droit : si malgré nos efforts, nous
n’avons pas été en mesure de vous contacter afin de formaliser la cession des droits d’exploitation de votre œuvre, nous vous
invitons à bien vouloir nous contacter à l’adresse plusproduit@lemonde.fr.

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Complétez vos révisions du bac sur www.assistancescolaire.com :


méthodologie, fiches, exercices, sujets d'annales corrigés...
des outils gratuits et efficaces pour préparer l'examen.
SOMMAIRE

Génétique et évolution p. 5
chapitre 01 – Le brassage génétique et sa contribution à la diversité génétique p. 6

chapitre 02 – Diversification génétique et diversification des êtres vivants p. 12

chapitre 03 – De la diversification des êtres vivants à l’évolution de la biodiversité p. 18

chapitre 04 – Un regard sur l’évolution de l’homme p. 24

chapitre 05 – Les relations entre organisation et mode de vie,

résultat de l’évolution : l’exemple de la vie fixée chez les plantes p. 30

Le domaine continental et sa dynamique p. 37


chapitre 06 – La caractérisation du domaine continental :

lithosphère continentale, reliefs et épaisseur crustale p. 38

chapitre 07 – Contexte de la formation des chaînes de montagnes et disparition des reliefs p. 44

chapitre 08 – Le magmatisme en zone de subduction :

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une production de nouveaux matériaux continentaux p. 50

Enjeux planétaires contemporains p. 55


chapitre 09 – Géothermie et propriétés thermiques de la Terre p. 56

chapitre 10 – La plante domestiquée p. 60

Le maintien de l’intégrité de l’organisme :


quelques aspects de la réaction immunitaire p. 65
chapitre 11 – La réaction inflammatoire, un exemple de réponse innée p. 66

chapitre 12 – L’immunité adaptative, prolongement de l’immunité innée p. 72

chapitre 13 – Le phénotype immunitaire au cours de la vie p. 78

Neurone et fibre musculaire : la communication nerveuse p. 83


chapitre 14 – Le réflexe myotatique, un exemple de commande réflexe du muscle p. 84

chapitre 15 – Motricité volontaire et plasticité cérébrale p. 88

Le guide pratique  p. 93
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sac amniotique

A
NT
GÉNÉTIQUE ET ÉVOLUTION
AC
PL
E
cordon
ombilical

vaisseaux

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
sanguins
fœtaux

partie
maternelle

cordon
ombilical utérus
maternel
L'ESSENTIEL DU COURS

Le brassage génétique et sa contribution


à la diversité génétique
Tous les individus appartenant à une même espèce possèdent le même nombre de
chromosomes et les mêmes gènes, occupant la même position le long de l'ADN. Au
cours de l’évolution, des mutations peuvent conduire à l’apparition de différentes
versions des gènes : les allèles. Différents brassages au cours de la reproduction
sexuée expliquent que chaque individu (hormis les jumeaux vrais) soit génétique-
ment unique, c’est-à-dire possède une combinaison unique d’allèles.

Une multitude de gamètes différents homologues se placent côte à côte : ils s’apparient. En métaphase I (3), les
Chez les organismes diploïdes, la reproduction sexuée implique la chromosomes se disposent sur le plan équatorial, au centre de la cellule.
En anaphase I, les deux chromosomes de chaque paire se séparent et
formation de cellules reproductrices, ou gamètes haploïdes, contenant
chacune la moitié de l’information génétique de l’individu qui les produit.
À l’exception des gamètes, chacune des cellules d’un organisme diploïde 1 X
Y 4
possède des paires de chromosomes homologues : l’un d’origine paternelle A1 A2
C1 C2
et l’autre d’origine maternelle. La première étape de la formation des B1 B2
D1 D2
gamètes est une double division cellulaire appelée méiose, qui permet
d’obtenir quatre cellules haploïdes à partir d’une cellule diploïde. Elle Séparation de la cellule en deux cellules
Cellule à 3 paires à 3 chromosomes à 2 chromatides
est précédée d'une copie à l’identique du matériel génétique (réplication de chromosomes (un de chaque paire)

de l’ADN). Chaque chromosome passe alors d’une chromatide à deux


chromatides sœurs. La méiose est une double division cellulaire (2). La 2
première division de méiose se déroule en plusieurs étapes. Au cours de 5

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A1
la prophase  I, les chromosomes se condensent, puis les chromosomes B1
C2
D2
A2 C1

B2 D1

Quantité d’ADN par cellule A1 C2 C1 A2

B1 D2 D1 B2

Formation d’une chromatide


sœur pour chaque chromosome
4Q Séparation des chromatides sœurs
Réplication Séparation des chromosomes par réplication de l’ADN
dans chaque cellule issue de la première
de l’ADN homologues division de méiose
La deuxième division de méiose aboutit

Séparation des
3 à 4 cellules possédant chacune un chromosome
de chaque paire à une chromatide

chromatides sœurs
2Q

Chr omatide
Chromatide sœur

Q Réplication Gène A
Allèles du gène A
de l’ADN
1ère division 2e division
de méiose de méiose Répartition des chromosomes Gène B
au centre de la cellule. Allèles du gène B
Temps Les chromosomes de chaque paire
Interphase Méiose
se répartissent aléatoirement d’un côté
ou de l’autre du plan équatorial Chromosome
Variation de la quantité de matériel chromosomique lors de la méiose

MOTS CLÉS ZOOM SUR…


ALLÈLES DIPLOÏDE (2N) LE BRASSAGE LE BRASSAGE
Versions différentes d’un même Qui possède deux représentants INTERCHROMOSOMIQUE INTRACHROMOSOMIQUE
gène, caractérisées par de légères homologues de chaque chromo- Il correspond à la migration indé- Il augmente la diversité des gamètes
différences au niveau de leur sé- some, c’est-à-dire des paires de pendante des différentes paires en formant des chromatides recom-
quence nucléotidique. chromosomes. de chromosomes au cours de la binées par crossing-over en prophase
première division de méiose. On de première division de méiose. Les
CHROMOSOMES GAMÈTE peut le mettre en évidence en gamètes de type recombiné pos-
HOMOLOGUES Cellule reproductrice haploïde
analysant les résultats de croise- sèdent une nouvelle combinaison
Chromosomes appartenant à (ovule chez la femelle, sperma-
ments étudiant des gènes portés d’allèles qu’aucun des parents ne
une même paire dans le caryo- tozoïde chez le mâle).
par des paires de chromosomes présentait. On peut mettre en évi-
type d’une espèce diploïde. Ils
portent les mêmes gènes, au
HAPLOÏDE (N) différentes (gènes indépendants). dence ce brassage en analysant les ré-
Qui possède un seul exemplaire sultats de croisements étudiant des
même locus, mais pas forcément
de chaque chromosome. gènes portés par une même paire de
les mêmes allèles.
chromosomes (gènes liés).

6 Génétique et évolution
L'ESSENTIEL DU COURS

migrent chacun aléatoirement vers l’un des pôles de la cellule. Les chro- empêcher le déroulement des divisions de l’embryon et conduire à un
mosomes d’origine paternelle ou maternelle se répartissent au hasard, avortement spontané.
les paires étant indépendantes les unes des autres. C’est le brassage
interchromosomique. En fin de télophase I, deux cellules haploïdes, ne Les anomalies au cours de la méiose : sources de troubles
portant plus qu’un seul chromosome de chaque paire, sont formées (4). mais aussi de diversification
La seconde division de méiose ressemble à une mitose : les deux chroma- Lors de la méiose, deux chromosomes (méiose I) ou deux chromatides
tides sœurs de chaque chromosome sont séparées. Une cellule en méiose (méiose II) peuvent migrer vers le même pôle de la cellule. Dans ce cas,
donnera donc quatre cellules différentes, contenant une copie de chaque certains gamètes porteront un chromosome de moins, et d’autres un
gène, soit l’allèle d’origine paternelle, soit l’allèle d’origine maternelle (5). chromosome surnuméraire. Ces gamètes peuvent être fécondants, mais
le zygote ne possédera pas le nombre de chromosomes spécifique de son
Crossing-over entre chromosomes homologues en prophase de première division de méiose
espèce : s’il est viable, l’individu sera porteur d’une anomalie chromoso-
Chiasma mique, comme une monosomie (45 chromosomes au lieu de 46) ou une
trisomie (47 chromosomes).

Enjambement des chromatides Échange de matériel génétique


Chromosomes remaniés

Le brassage intrachromosomique

Les chromosomes homologues sont si étroitement accolés lors de


la prophase I que des échanges de matériel génétique peuvent se
produire entre chromatides : c’est le brassage intrachromosomique.
Au hasard, les chromatides chevauchantes se coupent, puis le bras coupé
se ressoude avec l’autre chromatide. C’est le crossing-over.
Ainsi, à partir d’une cellule mère de gamètes mâles, on obtient quatre sperma-
tozoïdes génétiquement différents. Pour les gamètes femelles, les divisions Anomalie de répartition des chromosomes homologues en première
sont inégales car seule une cellule garde tout le cytoplasme ; les autres division de méiose : la moitié des cellules filles aura un chromosome
dégénèrent. Si dans les gamètes mâles la méiose est achevée, pour les gamètes surnuméraire, l’autre moitié aura un chromosome en moins
femelles, la méiose est arrêtée en cours de processus et s’achèvera après la
fécondation (avant la fécondation on parle donc d’ovocyte et non d’ovule). Lors des crossing-over, des morceaux de chromatides peuvent être échan-

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gés de façon inégale : les gamètes qui résultent de ces divisions peuvent
soit ne plus porter certains gènes (on parle de délétion de gènes), soit en
Le hasard de la fécondation
avoir deux copies (on parle alors de duplication de gènes). Si la fécondation
Les brassages au cours de la méiose permettent d’obtenir une grande diversité
implique un gamète portant l'une de ces anomalies, l’embryon peut ne
de gamètes contenant chacun une combinaison unique et nouvelle d’allèles.
pas survivre ou présenter des malformations dues à cette anomalie géné-
Chez chaque parent, un seul de ces gamètes sera impliqué dans la fécondation.
tique. Dans certains cas, la duplication de gènes a permis de créer des fa-
Dans une fratrie humaine, la probabilité que deux individus non jumeaux
milles multigéniques, comme les gènes du complexe majeur d’histocom-
vrais soient génétiquement identiques est quasiment nulle.
patibilité (CMH) ou les gènes codant pour les globines. 
Dans l’espèce humaine, la migration indépendante des chromosomes
(brassage interchromosomique) permet théoriquement la formation de
223 types de gamètes différents et la rencontre au hasard avec un gamète de
l’autre sexe conduit à chaque fécondation à (223)2, soit 70 000 milliards de
combinaisons possibles pour une cellule-œuf ou zygote. Ce chiffre est très
sous-évalué car il ne tient pas compte du brassage intrachromosomique UN ARTICLE DU MONDE À CONSULTER
dû aux crossing-over. Une quasi-infinité de combinaisons génétiques
différentes sont en réalité possibles. • Chromosomes – Le complexe du « Y » p. 10-11
Toutefois, seule une fraction de ces zygotes est viable et peut poursuivre (Florence Rosier, Le Monde daté du 30.04.2014)
son développement. Une anomalie chromosomique peut par exemple

ZOOM SUR…
LES ANOMALIES LES FAMILLES de manière indépendante sur quatre chaînes polypeptidiques.
CHROMOSOMIQUES MULTIGÉNIQUES les différents duplicatas, per- Au cours de sa vie, l’organisme
Des perturbations du déroulement • Certains ensembles de gènes mettrait d’expliquer l’existence humain fabrique plusieurs types
de la méiose peuvent conduire à se caractérisent par de grandes des familles multigéniques. La d’hémoglobines, constituées de
des anomalies chromosomiques similitudes au niveau de leurs sé- duplication d’un gène constitue chaînes de globines différentes :
dont quelques-unes peuvent être quences. Ces gènes sont situés à une source de diversification car chaînes zêta, epsilon, alpha, bêta,
viables : trisomie 21, trisomie 18 des locus différents sur un même la protéine codée par gène peut gamma ou delta. Les six gènes
(mortalité avant l’âge de 1 an) ou chromosome ou sur des chromo- acquérir de nouvelles fonctions codant pour ces globines sont si-
trisomie 13 (décès in utero ou avant somes différents. Une ressem- par mutations du gène dupliqué, tués sur des locus différents sur
3 mois). Elles peuvent aussi toucher blance de plus de 20 % n’est pas le sans que le gène et la protéine les chromosomes 16 et 11. La com-
les chromosomes sexuels : triso- fait du hasard, mais d’une paren- d’origine ne soient affectés. paraison des séquences d’acides
mie XXY (syndrome de Klinefelter, té. Ces gènes résulteraient de du- • L’exemple de la famille des glo- aminés des différentes globines
homme stérile), trisomie XYY, tri- plications à partir d’un gène an- bines chez l’homme. permet de constater leur grande
somie XXX ou monosomie X (syn- cestral. Ce mécanisme, associé à L’hémoglobine est une protéine ressemblance.
drome de Turner, femme stérile). des mutations qui se produisent constituée de l’association de

Génétique et évolution 7
UN SUJET PAS À PAS

Partie 1 : La méiose


Le document suivant représente le caryotype d’un enfant atteint d’une
anomalie chromosomique.
6. Le caryotype ci-dessous
peut avoir pour origine :
Le QCM
a) une duplication du chro-
Cochez la proposition exacte pour chaque question de 1 à 6.
mosome 21 lors de la méiose.
1. Cette photographie représente une cellule à :
b) une non-disjonction de la
paire chromosomique n° 21
Une cellule d’anthère de lys en division
lors de la division I de la
méiose.
c) une non-disjonction de la
paire chromosomique n° 21
lors de la division II de la
méiose.
d) un accident génétique uni-
quement lors de la formation
des gamètes femelles.
a) 2n = 24, en anaphase d’une mitose.
b) 2n = 24, en anaphase I d’une méiose. Le sujet de question de synthèse
c)2n = 12, en métaphase d’une mitose. La diversité du vivant a pour origine de nombreux mécanismes dont
d) 2n = 12, en anaphase II d’une méiose. certains sont d’origine génétique.
2. La mitose : En prenant comme exemple la transmission de deux gènes liés, montrez
a) est source de diversité génétique. comment lors de la méiose il peut s’effectuer un brassage de l’information
b) donne naissance à 4 cellules à partir d’une cellule. génétique.
c) conserve toutes les caractéristiques du caryotype. Votre exposé sera accompagné de schémas.
d) permet la production des gamètes.
3. La méiose produit : Le corrigé
a) 4 cellules haploïdes à partir d’une cellule diploïde.
QCM  : 1. b), 2. c), 3. a), 4. d), 5. d) 6. b)
b) 2 cellules diploïdes à partir d’une cellule diploïde.

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c) 4 cellules diploïdes à partir d’une cellule diploïde.
d) 2 cellules haploïdes à partir d’une cellule diploïde.
L’analyse du sujet de question de synthèse
La précision « deux gènes liés » permet de limiter le sujet au brassage
4. La réplication de l’ADN a lieu :
intrachromosomique. Il s’agit alors de trouver un génotype parental
a) entre les deux divisions de la méiose.
b) uniquement avant une mitose.
pertinent (hétérozygote) pour deux couples d’allèles portés par la
c) uniquement avant une méiose. même paire de chromosomes, puis de représenter les phases de
d) avant la première division de la méiose la méiose appropriées, en insistant sur différents moments de la
5. Lors d’une méiose se déroulant sans anomalie, il peut s’effectuer : prophase I (crossing-over).
a) un brassage intrachromosomique entre chromosomes non ho-
mologues. Proposition de corrigé
b) un brassage interchromosomique entre chromosomes homologues. Introduction  : La méiose est définie comme la division cellulaire
c) un brassage interchromosomique puis un brassage intra­ permettant la production de gamètes haploïdes ne portant qu’un
chromosomique. allèle pour chaque gène sur les deux que possède le parent.
d) un brassage intrachromosomique puis un brassage inter­ Problématique générale  : Comment expliquer que des parents ne
chromosomique. puissent engendrer que des descendants génétiquement différents ?

NOTIONS CLÉS
CONVENTIONS D’ÉCRITURE signifie que la drosophile porte un homozygote récessif, c’est-à- celui qui s’exprime au niveau du
EN GÉNÉTIQUE des ailes normales. Le génotype dire porteur des allèles récessifs phénotype est appelé « allèle do-
En génétique, les différents allèles s’écrit entre parenthèses. Les deux des gènes considérés. Le croise- minant ». L’autre est récessif. Si les
d’un gène sont désignés par une allèles que possède l’individu di- ment test permet, par l’étude du deux allèles s’expriment, comme
ou deux lettres. ploïde sont séparés par deux traits phénotype des descendants, de dans l’exemple du groupe sanguin
L’allèle dominant est écrit en ma- dont chacun représente l’un des mettre en lumière le génotype des AB, ils sont dits « codominants ».
juscule ou minuscule et porte le chromosomes homologues. Ex. : gamètes du parent présentant le
signe (+) en exposant ; l’allèle ré- HOMOZYGOTE/
le génotype d’une drosophile hé- phénotype dominant. HÉTÉROZYGOTE
cessif est écrit en minuscules et térozygote s’écrit (vg+//vg).
ne porte pas de signe. Ex. : chez DOMINANCE/RÉCESSIVITÉ/ Un individu peut posséder deux
la drosophile, les ailes peuvent CROISEMENT TEST, CODOMINANCE allèles identiques pour un gène :
être vestigiales (allèle vg) ou nor- TEST CROSS Lorsque les deux chromosomes il est alors homozygote pour ce
males (allèle vg+). Le phénotype Croisement d’un individu présen- homologues portent des allèles gène. S’il possède deux allèles dif-
s’écrit entre crochets. Ex. : [vg+] tant le phénotype dominant avec différents pour un même gène, férents, il est hétérozygote.

8 Génétique et évolution
UN SUJET PAS À PAS

Problématique limitée au sujet : Dans le cas de gènes liés, comment III. Les échanges entre chromosomes homologues
expliquer que des descendants puissent porter des associations Les recombinaisons ont lieu en prophase I de méiose, au moment de
d’allèles différentes de leurs parents ? l’appariement des chromosomes homologues. Des crossing-over se for-
Point de départ : Une cellule souche de gamète d’un parent hétéro- ment et les chromosomes échangent des portions de chromatides : c’est
zygote pour deux gènes portés par la même paire de chromosomes. le brassage intrachromosomique. Cependant, pour un couple de gènes
I. Deux gènes liés sont censés migrer ensemble lors de l’anaphase I donné, les recombinaisons homologues n’ont lieu que dans un certain
de la méiose pourcentage des méioses au moment de la formation des gamètes.
Résultat : on peut former deux types de gamètes seulement concer- Conclusion : L’étude de croisements concernant un couple de gènes
nant les deux gènes étudiés. liés permet de mettre en évidence le brassage intrachromosomique,
II. Les résultats expérimentaux révèlent des recombinaisons qui augmente la diversité possible des gamètes. Si l’on considère
Les analyses de croisements entre un hétérozygote et un double l’ensemble des chromosomes et des gènes d’un individu, la combinai-
homozygote récessif effectués en laboratoire, chez la drosophile son du brassage intrachromosomique et du brassage interchromoso-
par exemple, montrent que les parents hétérozygotes produisent mique (migration indépendante des différentes paires de chromo-
en réalité quatre types de gamètes, mais dans des proportions qui somes en méiose I) permet de produire une infinité de gamètes
ne sont pas équivalentes : une majorité de gamètes « parentaux » et différents. La fécondation réunira au hasard deux gamètes parmi de
une minorité de gamètes « recombinés » qui portent des associations nombreuses possibilités. 
d’allèles qui n’existaient pas chez le parent.

2 couples
I. Deux gènes liés migrent ensemble
lors de l’anaphase I de la méiose.
Ce qu’il ne faut pas faire
a+ a+ a a
d’allèles • Cocher plusieurs réponses par question dans le QCM : une seule
2 gènes liés a+ a+ a a
Gène A : est exacte.
allèles a+ et a • Confondre brassage interchromosomique (métaphase et ana-
Gène B :
b+ b+ b b
allèles b+ et b phase I) et brassage intrachromosomique (prophase I).
b+ b+ b b
• Négliger les schémas ou représenter des chromosomes trop pe-
Cellule souche de gamète Télophase I tits.
du parent hétérozygote
• Se tromper en plaçant les allèles sur les chromosomes de la cel-
a+ a+ a a
lule parentale de départ.
• Omettre d’évoquer le brassage interchromosomique même si,
en considérant uniquement deux gènes liés, ce brassage n’est pas
visible.

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
b+ b+ b b

Télophase II • Traiter la fécondation alors que le sujet ne porte que sur la méiose.

Les échanges entre Chromatides parentales


chromosomes homologues gamètes «parentaux»
Prophase I
crossing-over

a+ a a+ a
a+ a
AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC SUR CE THÈME
Partie 1 : Synthèse sans documents
b+ b – Discutez des conséquences possibles des anomalies survenues
b+ b+ b b lors de la méiose et de la fécondation. (schémas attendus)
Fin de
Chromatides recombinées Partie 2.1 : Rédigé (tableau à compléter)
gamètes «recombinés»
Prophase I
– Ordonnez et annotez des clichés d’observation de différentes
a a+
a+ a a+ a phases de la méiose.
Partie 2.1 : QCM avec document 
– Étude d’un graphique représentant l’évolution de la quantité
b+ b+ b b b+ b d’ADN au cours de la méiose et de la fécondation.

ZOOM SUR… DATES CLÉS


LA DROSOPHILE, L’HISTOIRE DE LA GÉNÉTIQUE posent que les chromosomes • 1944 : Avery, McLeod et McCarty
ORGANISME • 1866 : Mendel, prêtre et bota- soient les porteurs de l’informa- découvrent que l’ADN est le sup-
MODÈLE EN GÉNÉTIQUE niste, élabore les premières lois tion génétique. port de l’information génétique
La mouche drosophile est devenue • 1906 : Johanssen introduit le chez la bactérie.
de la transmission des caractères
un organisme modèle en géné- terme « gène » pour désigner un • 1953 : Watson et Crick élaborent
héréditaires.
tique depuis le début du XXe siècle. facteur héréditaire. le modèle de la structure en
• 1879 : Fleming observe le com-
Elle présente notamment l’avan- • 1915 : Morgan apporte les double hélice de l’ADN grâce aux
portement des chromosomes au
tage de n’avoir qu’un petit nombre preuves expérimentales de la travaux de Franklin.
de chromosomes. Les résultats cours de la mitose. théorie chromosomique de l’hé- • 1959 : Lejeune met en évidence
obtenus ont pu être extrapolés • 1888 : Strasburger observe le rédité grâce à ses études sur les l’anomalie chromosomique de la
aux autres organismes. Ce sont comportement des chromosomes drosophiles. trisomie 21 (syndrome de Down).
notamment les travaux sur la dro- au cours de la méiose. • 1941 : Beadle et Tatum éta- • 1988 : lancement du projet Gé-
sophile qui ont permis de faire le • 1901 : De Vries introduit la no- blissent qu’un gène est respon- nome humain.
lien entre les chromosomes et les tion de mutation. sable de la synthèse d’une en- • 2003 : achèvement du séquen-
caractères héréditaires. • 1902 : Sutton et Boveri pro- zyme (protéine). çage complet du génome humain.

Génétique et évolution 9
L’ARTICLE DU

Chromosomes – Le complexe du « Y »


C’est le plus petit de nos chromosomes. Le « Y » est l’apanage des hommes. Certains pré-
disent sa disparition, d’autres soulignent sa résilience. Des études récentes relancent le
débat. Premier volet d’une enquête sur science, sexe et genres.

Le chromosome mâle est-il menacé d’extinction ? Si petit mais ornithorynques, les “diables de Tasmanie” [des marsupiaux carnivores
précieux, ténu mais têtu, le « Y » est-il, comme le prétendent certains à l’apparence de petits chiens] et les “lézards-dragons”, nous aide à
généticiens, condamné à s’amenuiser encore et encore, jusqu’à finir retracer l’histoire évolutive de nos chromosomes sexuels, mais aussi à
par s’effacer ? Ou bien est-il enfin devenu stable et résistant, comme comprendre leur caractère si étrange. Le chromosome X est ainsi rempli
l’affirment d’autres experts ? Depuis une dizaine d’années, le débat, de gènes brain and balls. »
souvent animé, parfois « haut en couleur » mais toujours élégant, Brain, en anglais, désigne le cerveau. Quant au mot balls, il qualifie
oppose les meilleurs spécialistes du domaine. Il est aujourd’hui ravivé – en un terme fleuri que la décence interdit de traduire ici – les glandes
par plusieurs études, dont deux publiées le 24 avril dans Nature. génitales mâles. De fait, le chromosome X a accumulé, semble-t-il, des
Confondant paradoxe : c’est un bien chétif chromosome, fragile et gènes importants dans la cognition et les fonctions reproductives
peut-être éphémère, qui détermine le sexe fortiche. En soi, le Y est un mâles et femelles. Si bien que, dès 2002, Jenny Graves le qualifiait de
oxymore : il est le frêle support du sexe fort, le socle gracile du sexe chromosome « smart and sexy » (« intelligent et sexy »).
aux muscles si habiles, l’évanescent déterminant du sexe puissant… Et la généticienne de poursuivre : « Les gènes du X ont joué un rôle
Bref rappel préliminaire : dans l’espèce humaine aujourd’hui, comme important dans l’évolution rapide de l’espèce humaine. De son côté,
chez la plupart des mammifères placentaires et des marsupiaux, les le Y humain est devenu un chromosome pathétiquement petit : il a perdu
individus masculins sont XY (dotés d’un chromosome sexuel X et la plupart de ses gènes, hormis le gène de détermination du sexe mâle
d’un chromosome sexuel Y) et les individus femelles, XX (dotés de [le gène SRY]. Il se dégrade rapidement et pourrait bien avoir entièrement
deux chromosomes X). disparu dans les prochains millions d’années, avec des conséquences
« À votre gauche, le grand et majestueux chromosome X. Sur sa droite, le inconnues pour notre espèce. »

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minuscule et discret chromosome Y… Pourquoi riez-vous ? J’ai passé toute Pour comprendre la suite, il nous faut revenir sur la fascinante histoire
ma carrière scientifique à défendre l’honneur du chromosome Y, face évolutive de nos chromosomes sexuels. Cette saga débute il y a environ
aux insultes qui pleuvaient sur sa nature et ses perspectives d’avenir », 300 millions d’années. Auparavant, nos très lointains ancêtres étaient-
témoignait, pince-sans-rire, le très distingué professeur David Page lors ils hermaphrodites ? Leur sexe était-il déterminé par des facteurs de
d’une conférence TED (technology, entertainment, design) à Boston, le l’environnement – comme la température, aujourd’hui encore, chez le
11 janvier 2013. crocodile ? Quoi qu’il en soit, il n’y avait alors que des chromosomes
La soixantaine élégante, le directeur du prestigieux Whitehead Insti- non sexuels (chromosomes autosomes). Mâles et femelles étaient
tute (MIT, Cambridge, Massachusetts) porte haut le style de Harvard strictement semblables, d’un point de vue chromosomique.
– jusque dans cet accent aristocratique qui signe l’upper-class de la Mais chez un ancêtre commun à tous les mammifères, il y a 300 mil-
Nouvelle-Angleterre. David Page est surtout l’un des plus éminents lions d’années, la mutation d’un gène (SOX3) a créé un nouveau gène,
spécialistes du chromosome Y. C’est lui qui, en 1999, identifiait la SRY, qui a déterminé les caractères du sexe mâle. Ce gène a surgi sur
première mutation d’un gène du Y responsable d’une infertilité un des chromosomes d’une paire d’autosomes : l’ancêtre primitif du Y,
masculine. Lui qui, en 2003, achevait le séquençage de ce chromosome. ou « proto-Y ». L’autre chromosome de cette paire est devenu l’ancêtre
L’un des plus brillants défenseurs du plus exigu de nos chromosomes. du X : le « proto-X ». A ce stade, ces deux chromosomes restaient
Face à lui, en avocate générale : la flamboyante Jenny Graves, 73 ans, pourtant très semblables, hormis le gène de détermination du sexe.
qui n’a rien de l’austérité attendue d’un accusateur public. Volontiers Mais l’acquisition du gène SRY a entraîné l’accumulation progressive,
provocatrice, elle aussi fait autorité dans son domaine : la génétique évo- sur le proto-Y, de mutations. Celles, bénéfiques pour le mâle, ont été
lutive. « Une scientifique très impressionnante », estime Eric Pailhoux, de conservées. Avec pour effet une divergence croissante entre le proto-Y
l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) à Jouy-en-Josas et le proto-X. Devenus trop différents, ces deux chromosomes ont
(Yvelines). « Une forte personnalité, passionnée et très attachante, mais alors perdu la capacité de se « recombiner » entre eux – c’est-à-dire
aussi très respectée », dit Edith Heard, professeure au Collège de France d’échanger des fragments de chromosome, lors de la formation des
et spécialiste du chromosome X à l’Institut Curie (Paris). cellules reproductives. Or cet échange est crucial pour l’autoréparation
Professeure émérite à l’Université nationale australienne, Jenny Graves des chromosomes.
prédit depuis plus de dix ans la « fin programmée » du chromosome Y : Le proto-Y ne pouvant plus se recombiner avec un partenaire, il est
dans 10 millions d’années, annonçait-elle en 2002 dans Nature. Dans devenu vulnérable aux accumulations d’« accidents » génétiques. Il a
cinq millions d’années, prophétise-t-elle depuis 2009, tout en affûtant ainsi collectionné les séquences d’ADN répétées, inversées, amplifiées
les arguments de cette sombre prophétie. (« amplicons ») ou en miroir (« palindromes »). D’où le surnom que
Lors d’une « lecture », donnée le 28 janvier 2010 à la Carnegie lui a donné David Page : « Le Palais de cristal génétique ». Et cette
Institution for Science, à Washington, Jenny Graves décrivait ainsi accumulation a entraîné son amenuisement progressif. « Selon Jenny
son approche : « La comparaison entre les mammifères et d’autres Graves, lorsqu’un chromosome comme le Y est bourré de séquences
vertébrés partageant un lointain ancêtre, tels les kangourous et les répétées, sa dégénérescence est inéluctable », explique Edith Heard.

10 Génétique et évolution
L’ARTICLE DU

« Car ces séquences répétées ou en miroir se recombinent entre elles. et Y ont cessé de se recombiner il y a 180 millions d’années. Mais,
Des boucles se forment, et des fragments d’ADN à l’intérieur de la boucle surtout, ce travail montre que si certains gènes du Y ont subsisté, c’est
sont éliminés. » Le chromosome Y a ainsi perdu les deux tiers de son parce qu’ils sont essentiels : ils gouvernent l’activité d’autres gènes,
matériel génétique ancestral. Le chromosome X, de son côté, a été produisant des « facteurs de transcription ». Ce sont de surcroît des
préservé : les femelles étant dotées de deux X, ceux-ci ont conservé la gènes « sensibles au dosage » : ils ont impérativement besoin d’être
possibilité de se recombiner entre eux – et de s’autoréparer. présents en double exemplaire, à la fois sur le Y et sur le X. D’où leur
Il y a 300 millions d’années, raisonne Jenny Graves, le proto-Y héber- préservation sur le Y.
geait environ 1 500 gènes. Or, aujourd’hui, le Y humain ne compte La seconde étude, publiée par l’équipe de David Page, confirme
plus que quelques dizaines de gènes : il a perdu 97 % de ses gènes l’importance de ces gènes résiduels du Y. Les auteurs ont comparé les
ancestraux. « À ce rythme, calcule Jenny Graves, le chromosome Y aura chromosomes Y de huit mammifères. Ils montrent aussi que la « sen-
totalement disparu d’ici à 5 millions d’années. » Ajoutant, implacable : sibilité de dosage » de ces gènes cruciaux, sur le Y, a créé une pression
« Si le chromosome Y obtient un succès évolutif, c’est en matière de de sélection qui les a préservés. Non seulement ces gènes ancestraux
spirale descendante. » interviendraient dans la formation des testicules et la production du
Publiée dans Science, une étude du 24 novembre 2013 semble lui don- sperme, mais ils seraient aussi essentiels à la viabilité des mâles. Ils
ner raison : chez la souris, seuls deux gènes du Y suffisent pour créer pourraient même jouer un rôle dans certaines maladies liées au sexe.
des mâles. L’équipe de Monika Ward (université de Hawaï) a modifié Ce résultat est peut-être à rapprocher de cette étude suédoise, publiée
génétiquement des souris, les privant de chromosome Y. Puis les cher- le 28 avril dans Nature Genetics. Chez les hommes âgés, la perte du Y est
cheurs ont doté ces souris de seulement deux gènes provenant du Y : fréquente dans les cellules sanguines. Mais l’équipe de Lars Forsberg
le gène SRY, qui gouverne la différenciation des gonades en testicules, montre que les hommes âgés qui ont le plus fort taux de perte du Y,
et un second gène impliqué dans la fabrication des spermatozoïdes. dans ces cellules, ont aussi le plus de risques de cancer. Ils meurent
Or ces souris ont été capables de produire du sperme, avec toutefois en moyenne 5,5 ans plus tôt que ceux qui ont les plus faibles taux de
des anomalies. Mais les précurseurs de leurs spermatozoïdes, après perte du Y.
fécondation in vitro, ont permis la naissance de mâles fertiles. La polémique n’est pourtant pas close, car la thèse de Jenny Graves
De son côté, le chromosome X comporte de nombreux gènes essentiels bénéficie d’un allié de poids, en la minuscule forme de rongeurs
à la spermatogenèse : un rôle qu’on n’attendait pas forcément de ce saugrenus, mâles bien que XX. Décrivant le chromosome Y comme
chromosome. Jenny Graves en déduit que le Y n’est plus indispensable un « accident évolutif », lors d’une conférence donnée le 3 avril 2013
pour assurer ces fonctions « mâles »… Beau joueur, David Page admet devant l’Académie australienne des sciences, Jenny Graves remuait
cette « double vie » du X. Dans un article publié par son équipe dans sans pitié le couteau dans la plaie : « C’est une très triste nouvelle pour

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Nature Genetics le 21 juillet 2013, il montre d’ailleurs que de vastes tous les hommes ici présents. » Adoucissant toutefois son propos : « La
fragments du chromosome X se sont spécialisés dans la production bonne nouvelle, c’est qu’il existe aujourd’hui une multitude de petits
du sperme. Ainsi, le X humain compte 340 gènes uniquement actifs rongeurs qui vivent très bien sans chromosome Y et sans gène Sry. »
dans le testicule. Dans son Prologue aux Poètes, Aragon écrivait : « Tout peut changer
Loin de désarmer, David Page a réuni ses bataillons d’arguments géné- de sens et de nature/ Le bien le mal les lampes les voitures/ Même le
tiques pour sauvegarder l’honneur en péril du Y. La dégénérescence du ciel au-dessus des maisons/ Tout peut changer de rime et de rai-
chromosome Y, affirme-t-il, a été stoppée il y a 25 millions d’années. son/ Rien n’être plus ce qu’aujourd’hui nous sommes/ Tout peut
Avec Jennifer Hughes, il a comparé les chromosomes Y de l’homme changer mais non la femme et l’homme. » L’avenir dira s’il faut croire
et du Macaque rhésus, dont les ancêtres ont divergé à cette époque. l’homme de lettres : la génétique rejoindra-t-elle ici la littérature ?
Leur étude montre que le chromosome Y n’a perdu qu’un seul gène au Seuls nos lointains descendants le sauront.
cours des vingt-cinq derniers millions d’années – mais aucun durant
le dernier million d’années (Nature, 22 février 2012). « Au début de Florence Rosier, Le Monde daté du 30.04.2014
son histoire, le chromosome Y était en chute libre. Ses gènes ont été
d’abord perdus à un rythme incroyablement rapide. Mais le Y s’est
ensuite redressé et depuis il se porte bien. Cet article détruit l’idée POURQUOI CET ARTICLE ?
qu’il pourrait disparaître », commentait alors le chevalier servant du
Cet article reprend des notions de 1re S concernant la mise en
chromosome mâle.
place du phénotype mâle chez les mammifères, et présente
La défense du Y peut aussi s’appuyer sur cette étude parue le 9 également les résultats de recherches menées sur le devenir du
janvier dans PLoS Genetics. Melissa Wilson Sayres, de l’université de chromosome Y. Ce chromosome est apparu il y a environ 300 mil-
Berkeley (Californie), a comparé chez 16 hommes – huit Européens, lions d’années chez un ancêtre commun à tous les mammifères. Il
huit Africains – les séquences d’ADN de 27 gènes du chromosome Y. possède notamment le gène SRY, responsable de la différenciation
Et cette comparaison révèle une étonnante conservation. Les auteurs des gonades en testicules. Accumulant progressivement des mu-
expliquent cette très faible diversité par la « sélection positive » de tations, le chromosome Y a divergé du chromosome X, interdisant
toute possibilité de recombinaison avec celui-ci. Petit à petit, le
gènes importants pour le succès reproductif de l’espèce.
chromosome Y a perdu la majorité de ses gènes, tant et si bien
Publiés le 24 avril dans Nature, deux autres articles font clairement que certains scientifiques prédisent sa disparition d’ici 5 millions
pencher la balance en faveur de la préservation du Y. Dans le commen- d’années. Des études ont montré que le chromosome X possède
taire qui accompagne ces études, Andrew Clark (Cornell University) ainsi de nombreux gènes impliqués dans la spermatogenèse,
conclut ainsi : « Le chromosome Y semble avoir un potentiel d’adap- et chez une espèce de rongeur, on observe même des individus
tation très rapide aux changements évolutifs. » mâles et pourtant XX. D’autres travaux ont cependant mis en évi-
Dans le premier de ces articles, l’équipe d’Henrik Kaessmann (universi- dence le rôle crucial de certains gènes du Y et la préservation de
té de Lausanne) a comparé les gènes actifs du Y de 15 mammifères. Pre- ces gènes au cours du temps. Alors le chromosome Y est-il voué à
disparaître ? La réponse reste en suspens.
mier résultat : chez les mammifères placentaires, les chromosomes X

Génétique et évolution 11
L'ESSENTIEL DU COURS

Diversification génétique et diversification


des êtres vivants
Les mutations et la rencontre au hasard de deux gamètes génétiquement uniques ne
suffisent pas à expliquer la totalité de la diversification des êtres vivants. Celle-ci s’est
réalisée au cours du temps, depuis les premières formes de vie, il y a quatre milliards
d’années. Les mécanismes mis en jeu sont variés et ne sont pas toujours liés à une
diversification génétique.

Le transfert horizontal de gènes d’une absence de réduction du nombre de chromosomes lors de la


Le transfert vertical qualifie la transmission de matériel génétique formation des gamètes ou d’un doublement des chromosomes suite
d’une génération à une autre. Des transferts horizontaux sont pos- à une erreur dans une mitose ou une méiose.
sibles entre des bactéries qui ne descendent pas les unes des autres, L’engrain sauvage et l’égilope faux épeautre sont diploïdes (ils ont
qu’elles appartiennent ou non à la même espèce. Par exemple, des 7 paires de chromosomes) et ont été croisés. Cela a d'abord donné
gènes de résistance aux antibiotiques sont portés par des plasmides, un hybride stérile qui a pu ensuite subir une polyploïdisation et
courtes molécules d’ADN circulaires. Deux bactéries peuvent s’échan- donner une plante tétraploïde (2 × 7 paires, soit 28 chromosomes),
ger directement du matériel génétique plasmidique grâce à des ponts qui a été elle-même croisée avec un plant diploïde. Cela a donné, après
cytoplasmiques. Une bactérie acquiert alors la résistance à certains hybridation suivie de polyploïdisation, deux sortes de céréales à 42
antibiotiques à partir d’une autre bactérie. Il s’agit d’un mécanisme chromosomes (3 × 7 paires). La domestication a eu plusieurs effets,
de diversification rapide. L’usage excessif de traitements antibiotiques Chromosome bactérien
a favorisé le développement de populations bactériennes de plus en Copie à l’identique du plasmide

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portant le gène de résistance
à un antibiotique
plus résistantes.
Plasmide
portant le gène
Hybridation et polyploïdisation R
de résistance à
R
R
l’antibiotique
Deux espèces végétales voisines peuvent être interfécondes. Leur
Bactérie A résistante Bactérie B sensible
croisement, naturel ou artificiel, peut donner des hybrides présentant à un antibiotique à un antibiotique

des critères variés, susceptibles d’intéresser les agriculteurs : producti- Pont entre les deux
vité, goût, résistance au froid, à un insecte… Parmi les plants issus des bactéries, permettant
le passage du plasmide
R

copié
graines obtenues à partir de ces croisements seront sélectionnés ceux
qui expriment les caractères les plus intéressants pour l’agriculture. R

Les céréales destinées à la consommation, comme le blé ou le maïs, R R

sont issues d’une succession de croisements. Dans le cas de ces végé- Bactérie A résistante Bactérie B résistante
à un antibiotique au même antibiotique
taux, il y a eu augmentation du nombre de chromosomes : on parle que la bactérie A

de polyploïdisation. Ce phénomène est fréquent chez les végétaux,


Transfert d’un plasmide portant un gène de résistance à un antibiotique,
mais beaucoup plus rare chez les animaux. Il peut notamment résulter d’une bactérie résistante à une bactérie non résistante (conjugaison)

MOTS CLÉS NOTIONS CLÉS


CELLULES GERMINALES PLASMIDE LES GÈNES un seul chromosome chez les
Cellules à l’origine des gamètes. Leur Chez les procaryotes, un plasmide est HOMÉOTIQUES insectes, ils forment une famille
patrimoine génétique est transmis- une molécule d’ADN surnuméraire Les gènes homéotiques, ou ar- multigénique. Les séquences de
sible à la descendance de l’individu. généralement circulaire pouvant chitectes, sont impliqués dans ces gènes sont si ressemblantes
être transférée à d’autres bactéries. l’identité cellulaire le long de entre les différentes espèces qu’il
CELLULES SOMATIQUES l’axe antéropostérieur lors du peut être possible, par manipula-
Toutes les cellules d’un organisme à PLOÏDIE développement embryonnaire. tion génétique, de remplacer un
l’exception des cellules germinales. Nombre de lots de chromosomes gène homéotique d’insecte par
L’expression de chacun d’entre
que possède une cellule. son homologue de vertébré, sans
HYBRIDATION eux est restreinte à un groupe de
Croisement de deux individus POLYPLOÏDE cellules délimité dans l’espace, ce conséquence sur le phénotype.
appartenant à deux espèces dif- Se dit d’un organisme qui possède qui détermine le plan d’organi-
férentes ou deux variétés diffé- plus de deux exemplaires de cha- sation. Répartis sur quatre chro-
rentes d’une même espèce. cun de ses chromosomes. mosomes chez les vertébrés et

12 Génétique et évolution
L'ESSENTIEL DU COURS

telle l’augmentation de la taille de l’épi mais également du nombre est exprimé au cours du développement embryonnaire, plus le bec
de grains par épi. La productivité a donc été améliorée. de ces oiseaux devient robuste, ce qui a des conséquences sur leur
alimentation. La protéine BMP4 est le produit de l’expression de ce
Généalogie du blé gène, elle agit sur la différenciation des cellules lors du développement

Engrain sauvage Aegilops speltoides embryonnaire.


Triticum urartu Diploïde Si un gène homéotique s’exprime à un endroit inapproprié, les consé-
Diploïde 2n = 14 quences sont visibles sur le plan d’organisation. Chez les serpents, le
2n = 14 gène Hox6, responsable de la formation de côtes, s’exprime tout le
long de l’axe antéropostérieur, contrairement à ce qui se passe chez
Amidonnier T. tauschii = Ae. squarrosa
les autres vertébrés. Ceci explique la présence de côtes sur toutes les
Ancêtre des blés durs Diploïde
2n = 14 vertèbres des serpents.
T. turgidum
2n = 4x = 28 Les variations de la localisation, de la chronologie et de l’intensité de
Tétraploïde
l’expression des gènes homéotiques sont une source importante de
diversification des êtres vivants.
Froment = blé tendre Épeautre = blé rustique
T. aestivum 2n = 6x = 42 T. aestivum ssp spelta Des associations entre espèces différentes
Hexaploïde = 42 chromosomes Hexaploïde 2n = 6x = 42 Une diversification des êtres vivants est possible sans modification
de leur génome, par l’association d’espèces différentes. Dans le cas
L’infection par un virus des symbioses, les deux individus tirent un avantage à s’associer :
Près de 10 % du génome des mammifères proviennent de virus. Ils sont
échanges de substances nutritives, protection, hébergement, défense…
des parasites intracellulaires : leur génome s’insère dans celui des cel-
sont des exemples de bénéfices réciproques.
lules infectées. Cet ajout de matériel génétique peut être défavorable,
mais aussi procurer un avantage transmissible à la descendance s’il La transmission de comportements nouveaux
s’agit de cellules germinales. Chez les oiseaux, le chant est indispensable au choix des mâles par les
femelles pour la reproduction. Il s’agit d’un comportement transmis
Des variations dans l’expression de certains gènes

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par les parents aux jeunes par apprentissage.
Chez les chimpanzés, le choix et l’utilisation de cailloux pour casser
des noix sont transmis des adultes aux jeunes de certaines commu-
nautés seulement, durant un apprentissage de cinq années.
Les comportements nouveaux sont transmis de génération en géné-
ration par voie non génétique. 

Géospizes (10 à 20 cm) de gauche à droite : fuligineux – à bec pointu –


modeste – des mangroves DEUX ARTICLES DU MONDE À CONSULTER

Charles Darwin au XIXe siècle, les Grant au XXe siècle ont étudié les • La génétique des moisissures, tout un fromage p. 16
pinsons des Galápagos. On a découvert plus récemment que la forme (Hervé Morin, lemonde.fr, 24.09.2015)
• Casser des noix, une question de culture chez le chimpanzé p. 17
de leur bec était liée à l’expression de certains gènes, dont le gène BMP4 (Jérôme Grenèche, Le Monde daté du 19.05.2012)
(bone morphogenetic protein) : plus intensément et plus tôt ce gène

NOTIONS CLÉS
EMPREINTE Processus d’apprentissage mis en – les lichens sont constitués – les mycorhizes sont une asso-
jeu au cours du développement d’une association entre une algue ciation entre les racines des végé-
des jeunes, et entraînant une mo- unicellulaire et un champignon : taux et des champignons ;
dification durable du comporte- l’algue fournit les produits de – les nodosités des fabacées,
ment, qui peut être héritable mais la photosynthèse, tandis que le comme le haricot, associent les
de manière non génétique. champignon permet la survie racines de ces plantes à des bac-
dans un milieu sec ; téries du genre Rhizobium : la
SYMBIOSE – certaines colonies de fourmis plante fournit les produits de la
Association à bénéfices réciproques sont en symbiose avec des arbres photosynthèse, tandis que les
entre deux organismes apparte- tel le cécropia, elles y sont héber- bactéries apportent les produits
nant à des espèces différentes. gées et nourries tout en partici- azotés issus de la fixation de
Exemples de symbioses : pant activement aux défenses de l’azote atmosphérique.
Chimpanzés l’arbre contre les herbivores ;

Génétique et évolution 13
UN SUJET PAS À PAS

Partie 2.2 : L’origine virale du placenta


L’intitulé complet du sujet effet, les syncytines sont des protéines de surface permettant aux
Chez les mammifères, le placenta constitue une zone d’échanges entre cellules qui les portent de fusionner entre elles, comme le fait un virus
le sang maternel et le sang fœtal, nécessaire au développement du pour entrer dans une cellule. Ces fusions permettent la fabrication
fœtus. En 2009, des chercheurs ont émis l’hypothèse d’une origine d’une « nappe cellulaire » multinucléée*, constituant essentiel du
virale de certains gènes indispensables à la mise en place du placenta. placenta, formée par la réunion de cellules individuelles en des
Proposez les différentes étapes du scénario ayant pu mener à l’ap- « syncytia ». Pour les chercheurs, qui ont publié leurs travaux en juin
parition du placenta chez un ancêtre des mammifères actuels afin 2009, une contamination virale pourrait donc avoir été un événement
de montrer comment les virus peuvent jouer un rôle majeur dans la fondateur dans le passage d’un développement embryonnaire externe,
diversification du vivant. chez les animaux qui pondent des œufs, à un mode « interne ».
*Multinucléée : qui comporte de nombreux noyaux.
Votre réponse s’appuiera sur l’exploitation du dossier. Aucune étude
exhaustive des documents n’est attendue. Source : d’après le journal du CNRS, n° 236, septembre 2009

Document 2 : Le cycle de réplication d’un rétrovirus


Document de référence Un rétrovirus est un virus dont le génome est constitué d’ARN. Sa
Le placenta, une zone d'échanges entre le sang de la mère et le sang
de l'enfant qui nécessite la fusion des cellules particularité est de posséder une enzyme qui permet la « transcrip-
tion inverse » de l’ARN viral du génome en molécule d’ADN « complé-
sac amniotique mentaire » capable de s’intégrer à l’ADN de la cellule-hôte. Il utilise
ensuite la machinerie cellulaire pour se répliquer.
A
NT
E
AC

Document 3 : Des rétrovirus endogènes


PL

cordon
ombilical

vaisseaux
sanguins

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fœtaux

partie
maternelle

cordon
ombilical utérus
maternel

Les documents
Document 1 : Un virus à l’origine du placenta ?
L’apparition des mammifères placentaires, dont l’embryon est alimen-
té et protégé grâce à un placenta, il y a près de 100 millions d’années,
serait-elle liée à une contamination virale ? C’est l’hypothèse que font
des chercheurs après avoir découvert que le gène syncytine A, d’origine
virale, est essentiel au développement du placenta chez la souris. En

ZOOM SUR…
LE CYCLE DE RÉPLICATION ral s’intègre au génome de la cel- d’air, on trouve entre 1,7 et 40 mil- ser, notamment pour identifier des
D’UN RÉTROVIRUS lule-hôte et s’exprime. Ainsi, ARN lions de virus selon les saisons. Pour entités susceptibles de s’attaquer
Un rétrovirus est constitué d’ARN viraux et protéines virales sont pro- les bactéries, la fourchette est plus aux cultures... et aux hommes.
dans une enveloppe protéique. Il duits, permettant l’assemblage de basse : entre 860 000 et 11 millions
nouvelles particules virales qui vont Source : d’après Pierre Barthélémy,
peut infecter les cellules qui pré- d’individus par mètre cube. Au re- Combien de virus inhalez-vous
sentent à leur surface des proté- être disséminées. pos, un adulte pompe en moyenne chaque minute ? sur le blog Passeur
ines auxquelles il peut s’amarrer : 10 litres d’air par minute. À chaque de sciences, le 10 octobre 2012
DES VIRUS… PARTOUT !
ce sont ses cellules-cibles. Le virus L’étude des milieux naturels à partir minute qui passe, entre 17 000 et
peut alors y transférer son maté- des génomes qui s’y trouvent, la mé- 400 000 virus pénètrent ainsi dans
riel génétique en fusionnant avec tagénomique, permet désormais nos poumons… De quoi pousser un
la membrane cellulaire. L’ARN viral le comptage et l’identification des hypocondriaque à cesser de respi-
est converti en ADN par rétrotrans- virus de l’atmosphère, malgré leur rer ! L’atmosphère est un réservoir
cription grâce à une enzyme virale : petite taille, inférieure au micro- de virus encore largement inexplo-
la transcriptase inverse. L’ADN vi- mètre. Résultat : dans un mètre cube ré auquel il serait temps de s’intéres-

14 Génétique et évolution
UN SUJET PAS À PAS

Les rétrovirus infectieux possèdent la propriété remarquable de – Transmission à la descendance via les gamètes porteurs des gènes
s’intégrer dans l’ADN de nos chromosomes. En général, les cellules viraux.
infectées sont des cellules somatiques qui ne sont pas impliquées dans – Certains gènes viraux restent actifs chez les descendants et s’expri-
la transmission de notre patrimoine génétique. Cependant, lorsqu’un ment par la production de protéines virales.
rétrovirus parvient à infecter une cellule de la lignée germinale*,
le rétrovirus intégré peut se transmettre à la descendance comme Exploitation du document 1

n’importe quel gène : il devient alors un « rétrovirus endogène ». Le – Certaines protéines virales de surface, les syncytines, exprimées

génome de tous les vertébrés est ainsi envahi par de telles structures, par les cellules des descendants, permettent leur fusion pour former

et le séquençage systématique d’un grand nombre de génomes, dont des syncytia.

ceux de l’homme et de la souris, montre que les rétrovirus endogènes – Les gènes viraux codant pour ces protéines de fusion cellulaire s’ex-

représentent près de 8 % du matériel génétique de ces espèces. priment au moment du développement embryonnaire et permettent

Fort heureusement, la plupart des rétrovirus endogènes sont inactifs. la mise en place d’une zone d’échange entre le sang de la mère et le

Quelques rares éléments sont cependant toujours capables de produire sang du fœtus : le placenta.

des protéines d’origine rétrovirale.


Les virus joueraient un rôle majeur dans la diversification du vivant
*Cellule de la lignée germinale : cellule à l’origine de gamètes.
Extrait d’une publication du CNRS 2009
Le séquençage des génomes de vertébrés montre que les gènes issus
de rétrovirus représentent près de 8 % du matériel génétique.
Source : www.cnrs.fr/insb/recherche/parutions/articles09/t-heidmann.htm
Dans l’exemple des syncytines, l’intégration et l’expression de gènes
viraux a permis l’apparition du placenta.
Analyse du sujet
Cette structure nouvelle a permis de passer d’un développement dans
Il s’agit de reconstituer une étape de l’histoire du génome des mam-
des œufs à un développement interne. 
mifères, dans laquelle les rétrovirus infectieux semblent avoir joué un
rôle majeur. L’apparition, par des mécanismes qui auront été déduits
des documents, d’une structure nouvelle comme le placenta est un
AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC SUR CE THÈME
exemple de diversification génétique du vivant.
Pour le baccalauréat, il n’est pas attendu de connaître tous les mé- Partie 2.1 :

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
– Exploiter des documents pour établir le lien entre des variations
canismes de diversification de manière détaillée. Ils sont à étudier
de l’expression de gènes homéotiques et un exemple de diversifi-
en relation avec leurs conséquences sur la diversification des êtres cation du vivant.
vivants. Les objectifs prioritaires sont la pratique du raisonnement – Exploiter des documents sur l’évolution du génome des espèces
scientifique et l’argumentation à partir de documents. cultivées.
Partie 2.2 :
– Exploiter des documents pour montrer que certains exemples de
Le corrigé diversification du vivant se réalisent sans modification du génome.
Le scénario ayant mené à l’apparition du placenta chez un ancêtre des
mammifères actuels :

Exploitation des documents 2 et 3


Ce qu’il ne faut pas faire
• Recopier à l’identique des phrases issues des documents.
– Infection par un rétrovirus d’une cellule germinale d’un ancêtre des • Utiliser systématiquement les documents dans l’ordre du sujet.
mammifères, par fusion avec sa membrane. • Étudier les documents de manière exhaustive sans les mettre en
– Intégration de l’ADN viral, issu de la « transcription inverse » de l’ARN relation.

viral, dans le génome de la cellule germinale.

ZOOM SUR…
L’ENDOSYMBIOSE dosymbiotique de ces organites plie, redevient marron et doit brou- être acquis au cours de l’évolution
L’endosymbiose est une coopéra- cellulaires. Toutefois le génome mi- ter des algues. À la lumière, elle n’a par transfert horizontal entre les al-
tion à bénéfices mutuels entre deux tochondrial a perdu certains gènes, pas besoin de manger car l’animal gues et une ancêtre de cette limace.
organismes, l’un étant contenu qui sont inclus dans le génome du agit comme un végétal chloro- Ce transfert a permis la mise en
dans l’autre. Les cellules eucaryotes noyau de la cellule eucaryote. phyllien, produisant les molécules place de cette endosymbiose par-
possèdent des mitochondries, des dont elle a besoin grâce à la pho- ticulière.
UNE LIMACE MARINE
organites cellulaires spécialisés CHLOROPHYLLIENNE tosynthèse. Des chloroplastes ont
dans la production d’énergie qui La limace marine Elysia chlorotica été extraits des premières algues
contiennent de l’ADN. Une compa- est marron à sa naissance et broute mangées. Ils sont conservés dans
raison génétique a permis de mon- des algues. Elle devient alors verte. les cellules de la paroi intestinale
trer de grandes similitudes entre À la lumière du soleil, la limace dé- mais ne sont pas transmis à la des-
le génome des mitochondries et ploie des expansions de son corps cendance. Des gènes nécessaires à
celui des bactéries de type Rickett- – des parapodes – pour capter la lu- la photosynthèse se trouvent dans
sia, ce qui suggère une origine en- mière. Élevée à l’obscurité, elle se re- le génome de la limace. Ils ont dû Elysia chlorotica (2 à 3 cm)

Génétique et évolution 15
LES ARTICLES DU

La génétique des moisissures, tout un fromage


Chaque fromage est un monde en soi. Un écosystème, dans la transfor- « Gènes de domestication »
mation duquel intervient une cohorte de bactéries, de levures et de moi- Pour tester l’avantage sélectif associé à ces « gènes de domestication »,
sissures. Elles lui donneront sa texture, sa teinte, son odeur et son goût l’équipe française a fait pousser, sur plusieurs milieux nutritifs,
singuliers. Parmi ces transformateurs minuscules, domestiqués par différentes souches de P. roqueforti, dotées ou non de l’ADN transféré,
l’homme, figurent les champignons filamenteux du genre Penicillium. face à des souches rivales. Le champignon porteur de deux régions
Cousins de ceux dont on a tiré des antibiotiques de type pénicilline, génétiques particulières, baptisées Wallaby et CheesyTer, montrait
ils confèrent par exemple au fromage son aspect blanc soyeux – c’est une meilleure faculté à transformer le substrat sur lequel il poussait
Penicillium camemberti qui effectue ce travail – ou sa couleur bleu-vert et remportait la compétition face à ses concurrents.
typique – c’est alors Penicillium roqueforti qui s’en charge. L’équipe, qui a mis au point une technique de reproduction sexuée
Ces champignons sont au cœur d’une étude publiée jeudi 24 sep- de ces champignons, imagine qu’il serait possible d’effectuer des
tembre dans la revue Current Biology. Elle met en lumière les fréquents croisements contrôlés, afin d’obtenir chez les descendants des combi-
transferts de gènes qui interviennent entre ces organismes et souligne naisons susceptibles d’intéresser l’industrie agroalimentaire. Mais cette
les bénéfices qu’on pourrait en tirer, en même temps que les risques propension à s’adapter par transfert horizontal pourrait constituer un
de contamination qui pourraient être liés à cette faculté inattendue. inconvénient « en cas de contamination de souches qui pourraient être
« Nous étudions l’adaptation des organismes à leur milieu, indique Ta- une nuisance dans le processus de production », souligne Antoine Branca.
tiana Giraud (unité écologie, systématique et évolution, CNRS univer-
sité Paris-Sud-Orsay), qui a dirigé les travaux. Les champignons, avec Contacts avec des industriels
leurs petits génomes, sont des organismes modèles très intéressants, Des contacts sont en cours avec des industriels, spécialisés dans
et plus encore ceux qui ont été domestiqués pour faire du fromage, car la production de souches utilisées pour ensemencer divers types
ils ont subi une pression de sélection très forte. » L’idée était donc de de fromages. Attachés à une image de respect des traditions et des
comparer leur génome à celui de champignons proches, qui peuvent terroirs, se laisseront-ils séduire par une approche qui les tirerait vers

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être des contaminants alimentaires « qu’on trouve régulièrement dans la modernité tapageuse de la biotechnologie ?
le réfrigérateur, comme ceux qui bleuissent les oranges par exemple », L’équipe de Tatiana Giraud va désormais se tourner vers l’étude de la
ou dans l’ensilage du fourrage destiné à l’alimentation animale, où ils diversité génétique au sein de l’espèce P. roqueforti. P.  camemberti
peuvent produire des toxines. est de ce point de vue bien moins riche, puisqu’on ne le trouve que
dans les fromages. On pense que ce clone est issu d’une lignée unique
Avantage sélectif obtenue à la fin du XIXe par une sélection de moisissures gris-bleutées
L’équipe a d’abord eu la surprise de constater que de nombreux utilisées à l’époque, P. biforme et P. fuscoglaucum.
transferts de gènes horizontaux étaient intervenus entre ces espèces. P. roqueforti, sous ses multiples avatars, pourrait aider à reconstruire
Le terme horizontal désigne un mécanisme de passage de matériel l’histoire de la domestication de ces champignons, et à résoudre son
génétique d’une espèce à une autre – voire d’un règne à un autre – plus grand mystère : comment des moisissures qui s’épanouissaient
contrairement au transfert vertical qui va d’une cellule mère à une dans un milieu végétal ont-elles été poussées à changer de régime
cellule fille. Presque 5 % du génome étaient concernés par ces trans- alimentaire pour devenir de précieuses auxiliaires des éleveurs ?
ferts. Comment ceux-ci interviennent-ils ? « Chez ces champignons
filamenteux pluricellulaires, on a constaté que des fusions de cellules Hervé Morin, lemonde.fr, 24.09.2015
d’individus ou d’espèces différentes pouvaient intervenir », indique
Antoine Branca, l’un des signataires de l’article. Cette fusion végétative POURQUOI CET ARTICLE ?
pourrait expliquer ces transferts.
Cet article montre l’importance de la pression de sélection exercée
L’étape suivante a consisté à explorer le rôle joué par les gènes ainsi
par l’homme, de manière volontaire ou non, sur les êtres vivants
transférés. Pour cinq d’entre eux, une fonction potentielle a pu être qu’il utilise, notamment pour produire sa nourriture. L’article
identifiée : dans la transformation du « caillé », la part du lait qui présente les résultats d’études génétiques sur les champignons uti-
sert de matière première au fromage, ou encore dans l’exploitation lisés pour la fabrication des fromages consommés régulièrement,
qui montrent que l’évolution de ces champignons s’est faite par des
du lactose, un sucre présent dans le lait. « Des données recueillies transferts horizontaux de gènes entre différentes espèces de cham-
par une équipe canadienne sur l’expression des gènes de Penicillium pignons. L’homme aurait alors sélectionné chez ces champignons des
camemberti au fil de la maturation du fromage montrent que certains caractères intéressants pour la transformation du lait en fromage. Or,
certains de ces caractères sélectionnés résultent de l’expression des
de ces gènes transférés horizontalement interviennent tout au début
gènes transférés horizontalement. L’homme est donc à l’origine d’une
de la transformation », souligne Antoine Branca. Les champignons pression de sélection sur ces moisissures, réalisant ainsi une domes-
qui en sont porteurs auraient donc un avantage dans la compétition tication de ces organismes. Les détails de l’évolution des différentes
souches de champignons restent cependant à préciser.
entre micro-organismes, au début de la course, et le conserveraient.

16 Génétique et évolution
LES ARTICLES DU

Casser des noix, une question de culture


chez le chimpanzé
La forme et la matière des outils utilisés varient selon la communauté d’appartenance
des primates.

La culture est-elle véritablement le propre de l’homme ? La question Jusqu’à présent, les primatologues pensaient que seuls les chimpanzés
est relancée par une étude sur le chimpanzé à paraître, le 22 mai, dans vivant dans des territoires géographiquement éloignés utilisaient
la revue Current Biology et conduite par Lydia Luncz, de l’Institut Max- des outils différents pour casser les noix de coula. « Les populations
Planck d’anthropologie évolutionniste de Leipzig. Pendant neuf mois, la étudiées par le passé présentent beaucoup de différences dans l’usage
primatologue a étudié les comportements de sélection d’outils destinés d’outils, mais l’argument des différences culturelles a été mis en doute,
à casser des noix de coula chez les chimpanzés sauvages (Pan troglodytes notamment en raison de possibles variations d’ordre écologique
verus) de trois communautés voisines de la forêt de Taï, en Côte d’Ivoire. ou génétique. En effet, 100 à 1 000 km séparent les populations de
L’utilisation d’outils pour casser ces noix, très nourrissantes mais chimpanzés qui utilisent des outils différents pour se nourrir, précise
presque aussi dures que de la pierre, est certainement le compor- Christophe Boesch. Cette fois-ci, notre étude souligne le maintien
tement le plus sophistiqué observé chez ces primates connus pour de ces différences culturelles chez des chimpanzés vivant dans des
leur organisation sociale complexe. Tous ont la même technique, environnements similaires et avec un certain brassage génétique, ce
qui consiste à placer le fruit sur une racine qui sert d’enclume et qui est difficilement contestable. Reste à savoir si ces différences sont
à le frapper à l’aide d’un percuteur en bois ou en pierre. En tenant liées à des différences d’efficacité », confie le chercheur.

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compte de la disponibilité des outils de cassage et de la résistance Longtemps sujet à controverse, la question de l’héritage culturel chez
des noix de coula au cours de la saison, l’étude révèle des différences le chimpanzé resurgit donc avec l’étude de Lydia Luncz, qui met en
dans le type et la taille des outils sélectionnés entre les communautés évidence de fortes similarités avec l’homme. « Chez les humains, les
riveraines de chimpanzés. différences culturelles sont une partie essentielle de ce qui distingue
En début de saison, ces groupes choisissent principalement des pierres, les groupes voisins qui vivent dans des environnements très similaires.
plus dures que le bois, pour casser les noix encore fraîches. Mais, la Pour la première fois, une situation très semblable a été observée chez
saison avançant, quand les noix deviennent sèches donc plus faciles à les chimpanzés sauvages vivant dans le parc national de Taï, et cela
casser, les communautés du nord et de l’est de la forêt de Taï privilégient démontre qu’ils partagent avec nous une capacité de différenciation
les marteaux en bois, plus abondants. Seuls les chimpanzés situés au sud culturelle à une échelle fine », conclut Lydia Luncz.
continuent d’utiliser des marteaux en pierre pendant toute la saison. Ces travaux qui révèlent la dimension culturelle du comportement
« La culture est avant tout un phénomène social. Les communautés des chimpanzés soulignent l’urgente nécessité de préserver l’habitat
de chimpanzés qui vivent dans le même environnement gardent de cette espèce menacée d’extinction. Pour son bien propre mais
néanmoins leurs préférences pour des types d’outils de cassage diffé- aussi pour le nôtre : la disparition de ces hominidés qui partagent
rents », souligne Christophe Boesch, coauteur de l’étude et directeur plus de 98 % de leurs gènes avec Homo sapiens pourrait compromettre
du département de primatologie de l’Institut Max-Planck. Il y a la compréhension des racines de la culture humaine. 
transmission d’une tradition entre générations au sein d’un groupe.
Jérôme Grenèche, Le Monde daté du 19.05.2012

Adaptation des comportements


Selon les communautés, les chimpanzés sélectionnent aussi des
POURQUOI CET ARTICLE ?
marteaux en bois de tailles variables : petits au nord et grands dans
les deux autres groupes. « Les différences culturelles dans la sélection Cet article révèle que la technique du cassage des noix de coula
des outils sont maintenues malgré quelques échanges d’individus entre par les chimpanzés est plus complexe qu’il n’y paraît et qu’il
s’agit d’une « question de culture ». Ce comportement transmis
les communautés de chimpanzés, notamment lors de la migration par apprentissage est un exemple de diversification non géné-
des femelles d’une communauté à l’autre », ajoute le chercheur. Des tique des êtres vivants. La question de la culture animale reste
groupes riverains auraient ainsi développé leur propre culture afin sujette à controverse tant elle fait vaciller les certitudes quant
aux spécificités de l’espèce humaine. En sciences de la vie et de la
d’adapter leur comportement de cassage selon la résistance des noix
terre, l’homme doit être étudié comme toute autre espèce.
pendant la saison.

Génétique et évolution 17
L'ESSENTIEL DU COURS

De la diversification des êtres vivants


à l’évolution de la biodiversité
Depuis l’apparition de la vie sur la Terre et leur hypothétique ancêtre commun LUCA (last
universal common ancestor), les êtres vivants se sont diversifiés. La biodiversité, qui se
définit à différentes échelles, correspond notamment à la diversité des espèces, mais aussi
à la diversité au sein de celles-ci. Au cours de l’histoire de la Terre, la biodiversité a explosé
à certaines périodes et a chuté lors de crises biologiques, en lien avec des modifications
des milieux de vie. Ainsi, la biodiversité évolue constamment selon divers mécanismes, les
innovations se maintenant ou non dans les populations sous l’effet de la dérive génétique
et de la sélection naturelle.
La diversité des populations change même espèce, car ils ne répondent pas à la définition biologique de
au cours des générations l’espèce.
Dans une population, la fréquence des différents allèles peut évoluer
de manière aléatoire si ces allèles n’apportent ni avantage ni désavan-
tage aux individus qui les portent. Le hasard des brassages au cours temps
extinction
de la reproduction sexuée détermine l’évolution de la population,
de façon d’autant plus marquée que celle-ci est petite. Il s’agit de la
dérive génétique. Dans un milieu donné, selon les allèles dont ils sont
spéciation
porteurs, certains individus vont mieux survivre (ils se nourrissent

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plus facilement ou échappent aux prédateurs) et/ ou davantage
une espèce
se reproduire (ils attirent davantage les partenaires). Ces individus
engendrent plus de descendants que les autres et transmettent ainsi une espèce
davantage leurs allèles aux générations suivantes. La conséquence
dans la population est une augmentation de la fréquence des allèles spéciation

dont ces individus sont porteurs, c’est la sélection naturelle.


spéciation isolement
reproducteur
L’espèce : un concept délicat à définir
un croisement
La définition de l’espèce a été modifiée au cours de l’histoire de la
biologie. Plusieurs définitions se sont succédé et reposent sur des
un individu
critères variés.
– Cuvier (1769-1832) : « Une espèce est un ensemble d’êtres vivants Une vision théorique de l’espèce
Un réseau généalogique fictif (cercles = individus)
partageant des critères anatomiques et physiologiques. » Or, deux (D’après Guide critique de l’évolution – G. Lecointre – Éd. Belin – 2009)
animaux se ressemblant fortement peuvent ne pas appartenir à la

ZOOM SUR…
MÊME ESPÈCE OU alors qu’ils n’habitent pas les Cette dernière colonise les îles
ESPÈCES DIFFÉRENTES ? mêmes milieux. Ils sont pourtant alentours, dont celle qui est déjà
Les lions (Panthera leo) et les considérés comme deux espèces occupée par l‘espèce B. Elles ne
tigres (Panthera tigris) peuvent différentes par les ornithologues sont pas interfécondes. Leur pos-
engendrer des descendants uni- bien que pouvant s’hybrider car, sibilité de cohabitation dépend
quement en captivité, mais leurs du fait de leurs milieux de vie très du fait qu’elles occupent ou non
petits (tigrons, ligres) sont sté- différents, les hybridations sont la même niche écologique. Si c’est
riles. Ils n’appartiennent donc pas très rares. le cas, les deux espèces entrent en
à la même espèce. compétition ce qui peut entraîner
LES PINSONS DES GALÁPAGOS Une population d’individus issus
Le fuligule morillon (Aythya la disparition de l’une d’elles.
Chez les pinsons de Darwin, qui d’une espèce A colonise une île.
fuligula) et le fuligule milouin occupent différentes îles, des Au bout d’un certain temps, elle
(Aythya ferina) sont des canards formes de bec variées ont été peut devenir une espèce B, dont
qui peuvent donner expérimen- sélectionnées en fonction de la certains individus colonisent une
talement des descendants fertiles nourriture disponible. autre île et forment une espèce C.

18 Génétique et évolution
L'ESSENTIEL DU COURS

– Définition biologique adoptée par Buffon (1707-1788) : « Une espèce Par séparation par Par colonisation Sans isolement
est une communauté d’êtres vivants pouvant produire des descen- un obstacle physique d’une nouvelle niche écologique géographique

dants eux-mêmes féconds » (critère d’interfécondité). Population


de départ
– Définition écologique : une espèce est une population adaptée à une
niche écologique particulière.
Colonisation
– Définition génétique : « Deux individus doivent avoir le même Initiation
d’une nouvelle Polymorphisme
de la spéciation génétique
niche
nombre de chromosomes et sur chaque chromosome le même nombre
À l’intérieur d’une
de nucléotides pour appartenir à la même espèce » Dawkins (1941-). Accroissement population
de l’isolement
Actuellement, on considère que « les espèces sont des populations d’in- reproductif
dividus suffisamment isolées génétiquement des autres populations ». Dans une niche
isolée
Dans tous les cas, une espèce n’est définie que durant un certain laps
Nouvelles
de temps, délimité par son apparition (spéciation) et son extinction espèces

ou son évolution vers une autre espèce.


Des mécanismes de spéciation
La spéciation ou création de nouvelles espèces
Plusieurs mécanismes permettent d’expliquer la naissance d’une L’individualisation d’une nouvelle espèce peut prendre une durée
nouvelle espèce à partir d’une espèce ancestrale. variable, de quelques années à des millions, selon la population de
– La séparation de populations par un obstacle physique. En effet, départ, l’espèce considérée, le milieu et les possibilités d’échanges
la spéciation peut être liée à la séparation de populations par une génétiques entre les individus.
barrière physique (cours d’eau, relief) qui va empêcher les échanges
génétiques entre deux populations de la même espèce initiale et L’extinction des espèces
aboutir à la divergence en deux espèces. Une espèce est considérée comme éteinte si l’ensemble de ses
– La colonisation d’une nouvelle niche écologique. Des individus individus a disparu ou s’ils cessent d’être isolés génétiquement. Il
fondateurs se séparent de l’espèce mère pour coloniser une nouvelle existe des extinctions locales (dans une niche écologique donnée)
niche, isolée (île) ou adjacente, mais soumise à d’autres pressions ou globales (à la surface de la Terre).

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de sélection. Comme peu d’individus ont migré, tous les allèles L’extinction d’une espèce peut entraîner celle d’une autre espèce.
de la population de départ ne sont pas forcément représentés aux Ainsi, si les abeilles disparaissent, toutes les espèces végétales
mêmes fréquences que dans la population d’origine. Les facteurs dont la pollinisation est strictement dépendante de ces insectes
environnementaux pouvant être différents dans le nouveau milieu disparaîtront.
colonisé, la pression de sélection peut favoriser certains allèles ou le Au cours de l’histoire de la Terre, des diminutions massives de la
maintien de certaines innovations génétiques. biodiversité ont eu lieu : la période crétacé-tertiaire est un exemple
– La spéciation sans isolement géographique. Dans un même de crise biologique, avec notamment la disparition des ammonites
milieu, au sein d’une population, l’apparition d’un nouvel allèle peut et des dinosaures (dont les oiseaux sont les descendants). 
aboutir à former une nouvelle espèce qui exploite différemment les
ressources de l’environnement ou ne peut plus se reproduire avec UN ARTICLE DU MONDE À CONSULTER
l’espèce initiale. En cause : l’incompatibilité des parades sexuelles ou,
pour des oiseaux ou des grenouilles, le fait que leurs chants soient • Maurice, laboratoire de biodiversité p. 22-23
(Viviane Thivent, Le Monde daté du 28.05.2014)
devenus très différents et ne leur permettent plus de se reconnaître.

ZOOM SUR…
DES EXEMPLES XVe siècle). Il s’agit d’un exemple la chaleur des lieux et la présence
DE SPÉCIATION de spéciation par isolement géo- de flaques d’eau ont accéléré le
• Dans l’archipel de Madère, six graphique. rythme de reproduction (plu-
espèces apparentées aux souris • Dans les sous-sols de Londres, sieurs cycles par an), ce qui a per-
domestiques européennes pré- des moustiques Culex pipiens mo- mis une spéciation rapide.
sentent entre 22 et 30 chromo- lestus sont génétiquement diffé-
• Aux États-Unis, les larves des
somes au lieu de 40, suite à la renciés selon les lignes de métro.
mouches Rhagoletis consom-
fusion de certains chromosomes. Ils ont évolué depuis une centaine
ment les baies de l’aubépine. Le
Ces populations non interfé- d’années à partir d’une espèce de
condes proviennent de l’évolu- surface, avec laquelle ils ne sont développement de la culture des
tion de souris apportées par les plus interféconds. La profusion pommes a favorisé l’individua-
bateaux des découvreurs de cette de leurs proies (les mammifères, lisation, sans isolement géogra-
île au relief escarpé (les Vikings humains comme rongeurs) tran- phique, d’une nouvelle espèce
au IXe siècle, les Portugais au sitant par ce moyen de transport, consommatrice de pommes.

Génétique et évolution 19
UN SUJET PAS À PAS

Partie 2.2 : Le sixième doigt des pandas


L’intitulé complet du sujet Document 2
Il existe actuellement deux espèces de pandas : le panda roux (Ailurus Les grands pandas géants sont des ours d’un type bien défini, membres
fulgens) et le grand panda (Ailuropoda melanoleuca). Tous deux sont de l’ordre des carnivores. Les ours ordinaires sont les représentants
végétariens, se nourrissant de grandes quantités de feuilles de bambou. les plus omnivores de leur ordre, mais les pandas ont restreint l’uni-
Ils présentent par ailleurs une particularité anatomique remarquable : versalité de leurs goûts : ils démentent l’appellation de leur ordre en
la présence d’un sixième doigt (ou « faux pouce ») à chaque main, tirant leur subsistance presque exclusivement du bambou. […] Assis
longtemps interprétée comme une adaptation à leur régime alimentaire. bien droit sur leur derrière, ils manipulent ses tiges avec leurs pattes
En 2005, on a découvert en Espagne un fossile daté de 9 millions d’années avant, se débarrassant des feuilles pour ne consommer que les pousses.
(Simocyon batalleri) apparenté aux pandas actuels et présentant lui aussi […] Comment le descendant d’une lignée adaptée à la course peut
un sixième doigt. utiliser ses mains de façon si habile ? Ils tiennent les tiges de bambou
Montrez comment l’interprétation du sixième doigt des pandas en dans leurs pattes les dépouillent de leurs feuilles en faisant passer les
termes d’adaptation au régime alimentaire végétarien (adaptation dont tiges entre un pouce apparemment flexibles et les autres doigts. […]
vous expliquerez les mécanismes) s’est nuancée à la lumière de nouvelles […] Anatomiquement, le « pouce » du panda n’est pas un doigt.
découvertes. Il est construit à partir d’un os appelé le sésamoïde radial (du
Votre réponse s’appuiera sur l’exploitation du dossier. Aucune étude radius), normalement un des petits os formant le poignet. Chez le
exhaustive des documents n’est attendue. panda, le sésamoïde radial est très développé et si allongé que sa
taille atteint presque celle des os des phalanges des vrais doigts.
Document de référence : Les trois « pandas » connus […] L’allongement du sésamoïde radial a pu être provoqué par une
transformation génétique, peut-être une seule mutation affectant
le rythme et la vitesse de la croissance. […] Le vrai pouce du panda,
trop spécialisé pour être utilisé à une autre fonction et devenir un
doigt opposable, apte à la manipulation, est relégué à un autre rôle.
Le panda est donc contraint de se servir des organes disponibles
et de choisir cet os du poignet hypertrophié, solution quelque peu
bâtarde mais très fonctionnelle.

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
Le faux pouce du panda géant est en réalité un os du carpe (os plat
de la paume) transformé en « pouce » opposable. (Noté rs pour os
sésamoïde radial)
Les documents
Document 1 : Représentation actualisée des relations de parenté Source : Extrait de Le Pouce du panda ou les grandes
énigmes de l’évolution, Stephen Jay Gould, 1980
entre ours et panda
Document 3
Middle Late Early Late Early Middle Late
40 35 30 25 20 15 10 5 0 Mya.

Ailuropoda

Autres Ours

Ailurus

Simocyon
Os de la main du panda géant

ZOOM SUR… PERSONNAGE CLÉ


LA VIE DE CHARLES DARWIN la forme des becs des pinsons, ce espèces par voie de sélection natu- STEPHEN JAY GOULD
1809 qui inspirera sa théorie. relle ou la Préservation des races (1941-2002)
Le 12 février : naissance à Shrewsbury 1837 favorisées dans la lutte pour la vie. Paléontologue américain, coauteur
(Angleterre) de Charles Darwin. En Première esquisse, par Darwin, 1871 de plusieurs idées théoriques sur
France, Lamarck présente sa théo- d’un arbre évolutionnaire figurant Darwin livre ses vues sur l’origine l’évolution. Il doit sa renommée à
rie transformiste. dans son Notebook on Transmuta- de l’homme dans La Filiation de ses nombreux essais, dont Le Pouce
1831 tion of Species. l’homme et la sélection liée au sexe. du panda, et à sa participation
Le 27 décembre, Darwin s’em- 1858 1882 active à la lutte contre le création-
barque comme naturaliste sur le Présentation à Londres d’articles en Mort de Darwin dans sa demeure nisme aux États-Unis.
Beagle pour un voyage autour du commun avec Wallace sur la perpé- de Down, dans le Kent. Il sera enter-
monde qui durera cinq ans. tuation des variétés et des espèces par ré à l’abbaye de Westminster.
1835 les moyens naturels de la sélection. Source : « Dates clés de la vie de
Le Beagle fait escale aux Galápagos, 1859 Charles Darwin », Le Monde,
où Darwin note des variations dans Publication de De l’origine des 6 février 2009.

20 Génétique et évolution
UN SUJET PAS À PAS

« En étudiant sa denture, nous sommes arrivés à la conclusion Exploitation du document 2


que cet animal mangeait essentiellement de la viande, et non des Les pandas actuels ont un sixième « doigt » adapté à leur régime
végétaux comme le petit panda actuel, annonce Stéphane Peigné, alimentaire de type végétarien (bambou). Cette particularité ana-
jeune chercheur au Laboratoire de géobiologie, biochronologie tomique a peut-être une origine génétique : une mutation dans un
et paléontologie humaine. C’est pourquoi nous pensions que gène qui modifie la croissance de l’os sésamoïde radial.
Simocyon n’utilisait pas son sixième doigt pour saisir les pousses Cette innovation génétique serait due au hasard, faisant apparaître
de bambou comme le fait aujourd’hui le petit panda, mais plus le faux pouce probablement chez l’ancêtre commun à tous les
certainement pour aider à sa locomotion dans les arbres. »… Et pandas.
comme les données recueillies sur le site indiquent qu’il vivait dans Certaines innovations peuvent donner un avantage aux individus
un environnement peuplé de nombreux prédateurs, « cette étrange dans un milieu donné. L’innovation a dans ce cas plus de chances
facétie de l’évolution de doter Simocyon d’un faux pouce apparaît, d’être transmise à la descendance et de diffuser dans la population :
dans ce contexte, vitale pour ce carnivore plutôt charognard et peu c’est la sélection naturelle.
véloce : il pouvait donc leur échapper en grimpant aisément dans Il peut donc y avoir conservation de l’innovation si elle n’est pas
les arbres », poursuit le paléontologue… une gêne et diffusion si elle confère un avantage sélectif, dans deux
situations différentes : chez Simocyon carnivore pour fuir les préda-
Source : extrait d’un communiqué de presse du CNRS teurs (document 3), chez les pandas pour se nourrir (document 2).
(Centre national de la recherche scientifique)
Cette innovation n’a pas été conservée dans le groupe des ours.
à propos de la découverte de Simocyon batalleri (mars 2005)

II. Comment l’interprétation du sixième doigt des pandas a été


Ce qu’il ne faut pas faire nuancée suite à la découverte d’un fossile
• Faire une analyse exhaustive de tous les documents sans lien avec Avant la découverte : le sixième doigt des pandas était interprété
la problématique. comme une adaptation à leur régime alimentaire.
• Se dispenser d’apporter des connaissances. Après la découverte de Simocyon : il est interprété comme une
• Omettre d’indiquer clairement les relations entre les différents ar- adaptation chez Simocyon pour fuir les prédateurs en grimpant
guments.
aux arbres ; chez les pandas, pour saisir les branches de bambou.
L’innovation, partagée par les pandas géants, les pandas roux et
Analyse du sujet Simocyon serait apparue chez l’un de leurs ancêtres communs, mais
La réponse argumentée doit s’appuyer sur les informations n’aurait pas été conservée chez les ours. 
pertinentes des documents, mises en relation entre elles et avec

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les connaissances. Elle comportera deux parties distinctes : une
proposition de scénario ayant conduit à l’apparition et au maintien
du sixième doigt chez les pandas (mécanismes évolutifs) ; puis
comment l’interprétation de cette adaptation a été nuancée suite
à la découverte d’un fossile. AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC SUR CE THÈME

Partie 1 :
Proposition de corrigé – Expliquer les mécanismes qui déterminent l’évolution de la fré-
Différents scénarios évolutifs peuvent être acceptés s’ils sont quence d’un allèle dans une population (dérive génétique, sélec-
plausibles et sans contradiction avec les documents. tion naturelle).
I. Mécanismes ayant conduit à l’apparition et au maintien du Partie 2. 1 :
sixième doigt chez les pandas : proposition de scénario – Nuancer la définition de l’espèce à partir d’exemples d’hybrides
Exploitation du document 1 interspécifiques.
Partie 2. 2 :
Les pandas ont des liens de parenté avec les ours (plus particuliè-
– Analyser, à partir de documents, des exemples de spéciation
rement le grand panda) et l’espèce fossile Simocyon est un parent
dans des contextes et selon des mécanismes variés.
plus proche des pandas roux que du grand panda.

ZOOM SUR…
LA PHALÈNE DU BOULEAU majoritaire dans les régions indus- Sacramento et San Joaquim sont comme les animaux venimeux
Papillon nocturne qui existe trialisées, où les troncs des arbres trop sèches pour permettre à vivant dans ce milieu. Les deux
sous une forme claire, camou- deviennent plus sombres. La sur- la salamandre de Californie d’y populations ont poursuivi leur
flée des prédateurs sur les troncs vie différentielle des deux formes vivre. En colonisant le milieu, une migration vers le sud jusqu’à la
clairs du bouleau, et une forme de papillons, qui échappent plus partie de la population initiale a convergence des deux vallées : les
sombre. L’étude de l’évolution de ou moins facilement à leurs pré- contourné les vallées sèches par la salamandres de l’est et de l’ouest
la fréquence relative de ces deux dateurs sur les troncs clairs ou zone montagneuse de l’est, tandis n’y sont plus interfécondes, il
formes au sein des populations de sombres, détermine le nombre de que l’autre est passée par la zone s’agit de deux espèces différentes.
papillons à partir du XIXe siècle en leurs descendants et l’évolution côtière à l’ouest. Les salamandres
Angleterre constitue un exemple de la fréquence des deux allèles des zones montagneuses sont
classique pour expliquer le prin- impliqués. tachetées, ce qui leur assure un
cipe de la sélection naturelle. La SPÉCIATION ET bon camouflage vis-à-vis des
forme sombre, observée pour la SÉLECTION NATURELLE prédateurs. Les salamandres
première fois en 1848, est devenue Aux États-Unis, les vallées de des zones côtières sont rouges,

Génétique et évolution 21
L’ARTICLE DU

Maurice, laboratoire de biodiversité


Sur cette île de l’océan Indien, les écosystèmes terrestres sont si dégradés que les ges-
tionnaires, publics ou privés, n’hésitent plus à tester des techniques de conservation
extrêmes pour tenter de les sauver.
De son promontoire en bois, petite excroissance discrète au-dessus de Une goutte dans l’océan des espèces introduites à Maurice, notamment
la canopée, du lagon et, par-delà, des côtes verdoyantes de l’île Maurice, dans le règne végétal. « Il y a une raison historique à cela, poursuit
Nicolas Zuël, la trentaine et la coupe au bol, s’amuse d’une question le chercheur : le jardin de Pamplemousses. » Créé par les Français en
posée : « Vous savez, ici, on n’a jamais eu trop de chances avec le contrôle 1770, ce jardin botanique a permis d’acclimater beaucoup d’épices et
biologique. » La sortie est spontanée. Et complètement décalée puisque de plantes comestibles (75 %) ou produisant de belles fleurs. Ainsi, la
son auteur, responsable faune au Mauritian Wildlife Foundation liane de cerf (Hiptage benghalensis) ou encore le goyavier de Chine
(MWF), travaille sur l’île aux Aigrettes, un site où justement des tortues (Psidium cattleianum) ont-ils été choyés et plantés sciemment dans
géantes venues des Seychelles (1 700 kilomètres plus au nord) ont été les jardins de Maurice avant de devenir des problèmes. « Elles étouffent
introduites pour ranimer un écosystème zombie. Difficile néanmoins les plantes indigènes et, pire, le goyavier attire en forêt les cochons »,
de contredire le jeune homme. animaux eux-mêmes introduits au XVIe siècle par les Hollandais, pour
Car si Maurice est l’une des terres les plus tardivement colonisées par faciliter le ravitaillement des navigateurs.
l’homme – en 1598 par les Hollandais –, elle est aussi l’une des plus « Du coup, même les 5 % d’habitats terrestres non détruits sont très
abîmées écologiquement. Le matin même, Vincent Florens, écologue dégradés, éclatés en confettis et envahis aux deux tiers par des espèces
à l’université de Maurice, cheveux longs et couvre-chef d’aventurier, étrangères », poursuit l’écologue. D’après les estimations, seul 1,2 %
le rappelait d’un autre point de vue situé de l’autre côté du lagon, au du territoire, soit à peine 30 km2, est encore dominé par des espèces
sommet du mont Camisard : « A Maurice, 95 % des habitats terrestres indigènes. Résultat : 80 % des espèces endémiques sont en voie
ont été détruits par les plantations de cannes à sucre [70 % de la surface d’extinction. « Voilà pourquoi, ici, on tente un peu tout pour empêcher
de l’île] et par la pression démographique », soit 648 habitants au l’homogénéisation du milieu, reprend le chercheur. On n’a plus grand-
kilomètre carré contre 113 en France. chose à perdre. » Les premiers programmes innovants débutent dès les

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Un délabrement qui, autant le dire tout de suite, ne saute pas aux années 1930 avec la mise en place de microréserves, les Conservation
yeux. « Les Mauriciens réagissent comme vous, explique Christine Management Areas (CMA), des parcelles de forêts protégées d’un
Griffiths, la jeune gestionnaire irlandaise d’une parcelle privée du enclos et désherbées dès que nécessaire. Gérés principalement par
mont Camisard, “la vallée de l’Est”. Ils voient du vert, des oiseaux, de la le Service de conservation des parcs nationaux (NPCS), ces CMA, une
variété et ne comprennent pas pourquoi on leur parle de dégradation vingtaine aujourd’hui, couvrent près de 300 hectares et servent de
de la biodiversité. Mais c’est parce qu’ils ne discernent pas ce qui est refuges à plusieurs espèces endémiques.
originaire de l’île de ce qui ne l’est pas. » Pas étonnant vu que tout ce D’un geste délicat, Christine Griffiths ouvre une barrière et, par là
qui se remarque ici, tout ce qui prolifère, tout ce qui est banal est le même, la voie vers l’une des zones les mieux conservées des terrains
fruit d’une introduction biologique, volontaire ou non. privés qu’elle a en gestion. « Ici, une nouvelle espèce a été découverte »,
Ainsi les martins tristes, ces oiseaux sombres fréquents comme les s’enthousiasme Vincent Florens. Cette forêt d’altitude est aérée, très
pigeons à Paris, sont le fruit du premier essai de lutte biologique de différente de l’impénétrable végétation mauricienne décrite par les
l’histoire moderne. Originaires d’Inde, ils ont été introduits en 1762 premiers Hollandais. « Les plantes invasives poussent très rapidement,
par les Français pour contrôler les populations de sauterelles qui reprend Christine Griffiths. Elles aiment la lumière et profitent de la
ravageaient les plantations. « Un succès mais qui s’est toutefois soldé moindre trouée pour s’implanter. » Ce qui empêche les plantes natives,
par la prolifération des martins, peut-être au détriment d’oiseaux plus lentes, de pousser. « Et pour ne rien arranger, nos études ont montré
endémiques, même si cela reste à démontrer. Attention ! Sous votre que l’arrachage systématique des plantes invasives avait tendance à
pied ! », s’interrompt Vincent Florens. aggraver la situation à cause du piétinement, qui détruit les jeunes
Sous mon pied, un escargot gros comme le poing et pourvu d’une pousses d’espèces natives. »
épaisse coquille conique. C’est l’escargot géant d’Afrique (Lissachatina Ce type de constat a amené la jeune femme et son patron, Owen
fulica). Introduite (sans succès) pour soigner les douleurs de poitrine Griffiths (de simples homonymes), à tester de nouvelles approches
de la femme d’un gouverneur au début du XIXe siècle, l’espèce a proli- de conservation sur des terres acquises dans le milieu des années
féré, au détriment des mollusques locaux et des cultures. Un problème 2000. La vallée de l’Est donc mais aussi Ebony Forest, où des associa-
que les autorités mauriciennes ont tenté d’endiguer dans les années tions d’essences forestières à croissance rapide, capables de faire de
1960 en introduisant deux autres espèces d’escargots carnivores, l’une l’ombre sans couvrir le sol, sont évaluées afin de réduire le coût de
africaine, l’autre américaine, censées manger les jeunes Lissachatina. gestion. « Ah mon bébé ! », s’exclame Vincent Florens en enlaçant un
« Mais cela n’a jamais fonctionné, continue Vincent Florens, ce qui n’a tronc rachitique. Plutôt une tige en fait. Un Harungana, une plante
pas empêché le gouvernement mauricien de protéger ces deux espèces invasive pour Christine Griffiths, indigène et précieuse aux yeux de
pendant plus de trente ans... » Jusqu’à ce que des scientifiques, comme l’écologue. Selon lui, il s’agit d’une plante pionnière, mentionnée par
le malacologiste australien Owen Griffiths, démontrent, en 1991, que les premiers botanistes de l’île, qui prolifère dans les premiers stades
les estomacs des escargots carnivores contenaient à peu près tout sauf du développement forestier mais qui disparaît au bout de vingt à
de la Lissachatina. « En tentant de réguler une espèce invasive, on en trente ans. « C’est un classique de l’écologie forestière », insiste-t-il sans
avait ajouté deux autres. » convaincre la jeune Irlandaise. « Cette plante est un cauchemar, elle

22 Génétique et évolution
L’ARTICLE DU

prolifère dès qu’il y a une trouée. Nous l’enlevons systématiquement. » endémique de Maurice. Des tortues géantes sur la carapace desquelles,
Les vérités en écologie sont ainsi : discutables. ont raconté les Hollandais, huit à neuf personnes pouvaient s’asseoir
Nous faisons ensuite marche arrière, dans l’espoir, complètement pour prendre leur repas... non sans avoir pris auparavant soin de les
vain, d’échapper aux moustiques. Sur le chemin du retour, nous déguster jusqu’à la dernière en 1844.
croisons des techniciens, une bouteille remplie de peinture à la main. De ce double constat est née l’hypothèse que les tortues pourraient
« Du désherbant, indique l’Irlandaise. Depuis quelques années, sur nos être nécessaires au fonctionnement de l’écosystème mort-vivant de
terres, nous n’arrachons plus les plantes invasives, nous les blessons et l’île aux Aigrettes. Faute de pouvoir ressusciter les espèces disparues,
couvrons leur blessure avec un désherbant coloré, pour voir la zone le MWF songe à introduire une espèce analogue capable de remplir la
d’application. Puis nous laissons les plantes pourrir sur pied. » Elles même fonction. Un plan très discuté, mais que le MWF met à exécution
continuent ainsi à faire de l’ombre, servent d’habitats aux insectes en 2000. Quatre tortues géantes des Seychelles sont alors introduites.
et se changent, après décomposition, en nutriments. Testée depuis « Un succès sans précédent, raconte Christine Griffiths, qui a effectué sa
quelques années, la pratique a fait ses preuves et diminue par trois les thèse sur le sujet. D’abord parce que les tortues se sont mises à brouter
coûts de gestion. Pourtant, elle a du mal à s’implanter dans les parcs les plantes invasives et ensuite parce que, en mangeant les fruits mûrs
nationaux. « Cela doit en arranger certains de payer plus qu’il ne faut », tombés au sol, elles ont permis la dissémination des graines qui ont
insinue Vincent Florens qui, en 2013, a posé ouvertement la question, germé mieux et plus vite. » « La preuve, intervient Nicolas Zuël, en
s’attirant les foudres des autorités. « Les pratiques sont juste lentes à désignant une touffe bien serrée de tiges, presque des troncs : elles sont
évoluer », rétorque Christine Griffiths. Le début d’un autre débat, et issues d’une crotte de tortues. » Ces reptiles sont désormais au nombre
donc d’un autre festin des moustiques. de 21 sur l’île, tous introduits à l’âge adulte.
« À Maurice, plusieurs écoles de pensée de la conservation s’affrontent, L’expérience est si probante que des réintroductions de tortues sont
expliquera plus tard Stéphane Buord, directeur scientifique du Conser- en cours dans d’autres îles mauriciennes. « En théorie, elles pourraient
vatoire botanique national de Brest. Il y a la logique du gestionnaire, être introduites sur l’île principale, poursuit Christine Griffiths. Mais
du forestier, du NPCS qui, dans son parc, plante les espèces qui lui c’est délicat à cause des vols observés dans les élevages. » La présence
semblent intéressantes, la logique de l’écologue qui réfléchit en termes des tortues ne règle pas tout puisque certaines plantes invasives ne
de dynamiques lentes des milieux et, enfin, il y a le Mauritian Wildlife sont pas broutées. Comme les queues-de-rat qui forment des parterres
Foundation qui tente de reconstruire des habitats », comme d’autres compacts qu’il faut arracher à la main. « Et puis d’autres espèces
construisent des maisons avec un jeu de construction. L’histoire de invasives poussent en haut de la canopée, hors de portée des tortues,
cette organisation non gouvernementale (ONG) commence dans les poursuit Nicolas Zuël. Leurs graines sont apportées par les oiseaux
années 1970 avec un coup de poker qui a fait entrer Maurice dans venus de Maurice. » Qui côtoient ceux réintroduits par le MWF. « Notre
l’histoire mondiale de la conservation. objectif est de reconstruire brique par brique l’écosystème de cette île.

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À l’époque, un oiseau de proie, le faucon crécerelle de Maurice, est Nous avançons en découvrant les problèmes au fur et à mesure. » Après
en phase d’extinction à cause de l’insecticide DDT. Seuls quatre les tortues et autres reptiles, les passereaux, le MWF travaille sur les
individus sont répertoriés, dont une femelle. La décision, alors, est oiseaux marins, dont le guano serait un bon fertilisant.
prise de récupérer leurs œufs pour les faire éclore en incubateur, « Le problème, critique Vincent Florens, c’est que des libertés sont prises
élever les oisillons et les faire se reproduire en captivité. Un succès : avec l’écologie. Certaines espèces, notamment des plantes indigènes
un demi-millier d’individus volettent aujourd’hui à Maurice. De quoi d’intérêt surtout ornemental, n’ayant jamais poussé dans cet îlot, y sont
donner des ailes à certains qui fondent le MWF en 1986 et sauvent de plantées, ce qui transforme l’écosystème en jardin. Rien ne dit que ces
l’extinction d’autres oiseaux, comme le pigeon des mares ou encore introductions ne poseront pas à terme des difficultés. » A ce jour, rien
la perruche de Maurice. C’est par ce biais que le MWF s’est par la suite ne permet non plus d’affirmer que l’écosystème sous perfusion de l’île
posé la question des habitats, appréhendés de façon singulière par aux Aigrettes parviendra un jour à l’équilibre.
l’ONG, notamment à l’île aux Aigrettes.
Ce plateau corallien de 25 hectares est posé sur le lagon, à quelques Viviane Thivent, Le Monde daté du 28.05.2014
minutes en bateau de Mahébourg, au sud-est de Maurice, et sa
gestion est déléguée au MWF depuis les années 1990. « Ce site était POURQUOI CET ARTICLE ?
intéressant à plus d’un titre, explique Nicolas Zuël en descendant de
son promontoire. D’abord, il contenait quelques ébènes blanches, une Cet article fait le point sur la dégradation des écosystèmes ter-
espèce végétale très menacée à Maurice. » En outre, il était proche de restres, et donc de la biodiversité, sur l'île Maurice. Il revient éga-
la côte et avait des berges en forme de surplomb, ce qui le rendait lement sur les solutions mises en œuvre pour tenter d'y remédier.
difficile d’accès pour les espèces invasives de Maurice. En théorie, un Les plantations de cannes à sucre et la forte densité de population
ont eu raison de la quasi-totalité des écosystèmes terrestres. Pour-
simple travail de nettoyage et d’éradication devait ainsi permettre de
tant, cette dégradation de la biodiversité reste peu visible du fait de
restaurer le milieu. En pratique, rien de tel : l’écosystème originel ne
l’introduction volontaire ou involontaire d’un grand nombre d’es-
reprenait jamais le dessus. Les graines d’ébènes blanches tombaient au pèces étrangères à l’île. Certaines de ces espèces supplantent même
sol, parfois germaient, mais mouraient dans la foulée. « L’écosystème parfois les espèces endémiques, celles-ci n’occupant plus mainte-
paraissait vivant mais il n’était pas fonctionnel, continue le jeune nant qu’une minuscule portion de l’île. Des programmes de conser-
Mauricien. Il lui manquait quelque chose. » Mais quoi ? vation des espèces endémiques ont donc été mis en œuvre depuis
La réponse a été trouvée au terme d’une série d’observations : d’abord, 1930. Cependant, les avis sont divergents, notamment sur la pré-
l’ébène blanche ainsi que d’autres espèces partageant le même habitat servation ou non de certaines plantes invasives, sur le bien-fondé
sont hétérophiles, c’est-à-dire que les feuilles situées à proximité de l’introduction de certaines espèces étrangères… Les expériences
menées sur l’île aux Aigrettes montrent des résultats intéressants,
du sol sont différentes en forme et en couleur de celles situées en
mais elles ne résolvent pas tous les problèmes. L’île Maurice semble
hauteur. Un trait évolutif qui apparaît souvent pour lutter contre les donc servir de « laboratoire » de biodiversité, même si les résultats
brouteurs. Ensuite, dans une grotte de l’île, les chercheurs mettent au de cette « expérience » ne sont pas encore connus.
jour les os datant de plusieurs milliers d’années d’une espèce de tortue

Génétique et évolution 23
L'ESSENTIEL DU COURS

Un regard sur l’évolution de l’homme


L’espèce humaine appartient à l’ordre des primates, qui regroupe environ 230 espèces
d’une grande diversité et dont les comparaisons anatomiques et moléculaires permettent
de préciser les liens de parenté. Le séquençage des génomes de l’homme et du chim-
panzé a révélé une identité de plus de 99 %. Ainsi, les études génétiques et l’observation
du développement de l’homme et de son plus proche parent permettent de comprendre
comment se construisent leurs phénotypes différents à partir d’un patrimoine génétique
très proche. L’histoire de la lignée humaine, dont l’homme actuel est l’unique représen-
tant, montre une évolution buissonnante. Sa phylogénie reste discutée et révisable à tout
moment, au gré des découvertes de fossiles.

La place de l’homme parmi les primates Les plus lointains ancêtres communs à l’ensemble des primates
Les primates partagent des caractères communs, dont un pouce seraient apparus il y a 65 à 50 millions d’années (Ma) en Afrique. Les
opposable aux autres doigts de la main, des ongles plats et des orbites hominoïdes seraient apparus il y a 23 millions d’années, les hominidés
en façade (favorisant une vision binoculaire). Les grands singes dits (dont font partie les gorilles, les chimpanzés et les hommes), il y a
« hominoïdes » se caractérisent par l’absence de queue et la pratique 10 millions d’années. Les primates partageant l’ancêtre commun le
au moins partielle de la bipédie. Excepté l’homme, qui a colonisé plus récent avec l’homme actuel sont les chimpanzés (Pan troglodytes)
toute la planète, les primates vivent dans les régions intertropicales et les bonobos (Pan paniscus).
du globe (Australie exclue). Les premiers représentants de la lignée humaine, qui ont donc un
L’étude des caractères anatomiques ne permet pas forcément de ancêtre commun avec l’homme plus récent qu’avec les chimpanzés,
préciser les liens de parenté au sein du groupe des hominoïdes dont seraient apparus il y a 5 à 10 millions d’années.
fait partie l’homme. Les comparaisons chromosomiques et molécu-
laires sur de nombreux gènes montrent que les plus proches parents Les caractères distinctifs de l’homme

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de l’homme sont les chimpanzés. Elles ont permis d’établir l’arbre L’homme se distingue du chimpanzé par un ensemble de caractères dont
phylogénétique des primates et d’estimer les dates de divergence certains sont liés à la bipédie permanente : un trou occipital avancé, des
entre les lignées. membres antérieurs réduits par rapport aux membres postérieurs, un
bassin court et large et des fémurs convergents en sont des exemples.
autres Primates Par rapport à celui du chimpanzé, le crâne de l’homme témoigne d’un
volume cérébral plus important, et sa face est aplatie. D’autres différences
Hylobatoïdés (Gibbon, etc.) s’observent dans la mâchoire et la dentition. Les témoignages d’activités
Primates
Pongidés (Orang-outan) culturelles (outils, gravures, peintures rupestres, etc.) sont très dévelop-
Hominoïdes pés. Lorsqu’un fossile présente au moins l’un de ces caractères distinctifs,
Gorillinés (Gorille) il est susceptible d’être placé au sein de la lignée humaine, sans pour
Hominoïdés
autant être considéré comme un ancêtre direct de l’homme actuel.
Paninés (Chimpanzé)
Hominidés

Homininés
Homme (Homo sapiens) La construction du phénotype humain
Homo sp. L’analyse de 97 gènes fonctionnels de l’homme et du chimpanzé a montré
Australopithecus sp. une coïncidence de 99,4 %. L’étude du développement pré et post-natal
chez les deux espèces permet de comprendre comment de si petites
Arbre phylogénétique des primates différences génétiques peuvent aboutir à des phénotypes distincts. Dans

ZOOM SUR… NOTIONS CLÉS


LA PLACE DE L’HOMME ARBRE PHYLOGÉNÉTIQUE génétique dit « qui partage quoi PARENTÉ
DANS LE MONDE VIVANT Traduit des liens de parenté entre avec qui » et donc « qui est le plus Chercher la parenté c’est « chercher
L’homme fait partie, avec les des espèces. Pour chaque caractère proche parent de qui » et non pas le groupe frère, et non l’ancêtre. Il
grands singes, du groupe des ho- on définit deux états, l’un étant dé- « qui descend de qui » (G. Lecointre, s’agit, pour une espèce donnée, du-
minoïdes, qui appartient à l’ordre rivé de l’autre. Le passage de l’état « La construction de phylogénies », groupe avec lequel elle partage une
des primates. Comme tous les ancestral à l’état dérivé d’un carac- APBG, 1995 ; 1 : 109-36). innovation évolutive exclusive :
mammifères, il est un vertébré am- tère est une innovation évolutive
LES FOSSILES NE SONT PAS elle ne la partage avec aucun autre
niote et tétrapode, caractéristique qui a nécessairement été trans-
partagée avec les amphibiens, les mise de génération en génération DES ANCÊTRES groupe. L’ancêtre au sens propre
reptiles et les oiseaux. Enfin, il par- jusqu’aux organismes observés. Les fossiles correspondent à des restera toujours inconnaissable,
tage avec tous les autres animaux Les nœuds de l’arbre indiquent le espèces réelles ayant vécu durant mais on peut déduire certains des
des caractéristiques encore plus dernier ancêtre commun des es- une période géologique donnée et caractères qu’il devait posséder, les
anciennes, comme la nature de ses pèces qui partagent des caractères ne coïncident pas avec les nœuds caractères dérivés qui définissent le
cellules, qui sont eucaryotes. dérivés exclusifs. L’arbre phylo- des arbres phylogénétiques. groupe » (G. Lecointre, op. cit.).

24 Génétique et évolution
L'ESSENTIEL DU COURS

les deux cas, le phénotype s’acquiert sous l’effet de l’interaction entre Orrorin tugenensis et Ardipithecus kadabba (− 6 Ma) en Afrique
l’expression de l’information génétique et l’environnement. orientale et Sahelanthropus tchadensis « Toumaï » (− 7 Ma) en Afrique
centrale sont les plus anciens homininés découverts.
Les australopithèques ont vécu de − 4,2 Ma à − 1 Ma ; on trouve de
Caractères qui distinguent homme et chimpanzé
nombreux fossiles en Afrique de l’Est. Les traces de pas du site de
Laetoli en Tanzanie attestent de leur bipédie, il y a 3,6 Ma.
Le genre Homo regroupe des espèces bipèdes avec une boîte crânienne
plus volumineuse, une réduction de la face et des canines réduites.
Homo habilis en est le premier représentant connu, les fossiles les
plus anciens retrouvés en Afrique sont datés de – 2,3 Ma.
Homo erectus (− 1,8 à − 0,6 Ma) est le premier à domestiquer le feu et
à produire et utiliser des outils plus sophistiqués : les bifaces. Certains
groupes d’Homo erectus s’aventurent hors d’Afrique et partent à la
conquête de l’Eurasie en plusieurs vagues, de − 1,7 Ma à − 120 000 ans.
Leur arrivée en Europe serait datée de − 650 000 ans.
colonne vertébrale bassin Homo sapiens serait apparu en Afrique il y a moins de 200 000 ans et
position du trou occipital longueur relative des
rapport volume crânien / face membres et position aurait remplacé les populations d’Homo erectus au cours de ses migra-
de la jambe
tions successives. Ces groupes produisaient des outils perfectionnés
et variés, et enterraient leurs morts. De nombreux témoignages
artistiques ont été découverts.
Homo neanderthalensis (− 80 000 à − 35 000 ans), retrouvé exclu-
sivement en Europe, présente un crâne volumineux et un bourrelet
sus-orbitaire épais. Il fabriquait des outils de pierre taillée et enterrait
ses morts. Les raisons de son extinction ne sont pas totalement
élucidées. Il a certainement été en compétition avec Homo sapiens,
avec lequel des échanges génétiques ont pu avoir lieu.
La lignée humaine montre une évolution qui n’est pas linéaire mais
Deux exemples d’outils découverts à proximité de fossiles de la lignée buissonnante : plusieurs lignées ont évolué et cohabité, voire ont été
humaine (à gauche : galet aménagé ; à droite : biface). interfécondes. L’histoire récente montre une réduction de la diversité :
Homo sapiens est le seul représentant actuel de ce buisson touffu. Cette
Des mutations affectant l’expression des gènes homéotiques peuvent réduction de la diversité concerne plus généralement les hominoïdes,
induire des ralentissements ou accélérations de certaines phases du dont certains sont en voie d’extinction. À l’inverse, d’autres primates

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développement, ayant pour conséquence des modifications anato- comme les cercopithécoïdes montrent une grande diversification à
miques (taille, forme et position d’éléments du squelette). Ainsi, lors du l’heure actuelle.
développement embryonnaire chez l’homme, l’allongement des phases Une grande partie des connaissances qui permettent d’établir les
de mise en place du système nerveux conduit à un développement arbres phylogénétiques des primates sont fondées sur des découvertes
plus important du cerveau que chez le chimpanzé. paléontologiques. Ces connaissances sont donc révisables. 
L’homme conserve à l’âge adulte des caractéristiques qui n’existent
que chez les jeunes primates : on parle de néoténie. En particulier le
trou occipital reste central et permet la bipédie chez l’homme, tandis
qu’il recule au cours du développement post-natal du chimpanzé
quadrupède. DEUX ARTICLES DU MONDE À CONSULTER
La relation aux autres individus, les interactions sociales (appren-
tissages, transmission des cultures, etc.) contribuent à façonner ce • Dans le berceau de l’humanité p. 27-28
phénotype déterminé génétiquement. (Nathaniel Herzberg, Le Monde Science et ­ médecine daté du
26.08.2015)
Une évolution buissonnante • Une espèce humaine liliputienne peuplait une île d'Indonésie
De nos jours, la lignée humaine est représentée par la seule espèce il y a 700 000 ans p. 29
Homo sapiens, mais elle a été précédée par de nombreuses espèces (Hervé Morin, Le Monde daté du 10.06.2016)
disparues, notamment des genres Australopithecus et Homo.

MOTS CLÉS NOTIONS CLÉS ZOOM SUR…


HÉTÉROCHRONIE ÉVOLUTION HOMO SAPIENS LUCY
Modification de la durée ou de la BUISSONNANTE Sur le plan de l’évolution, Homo Cette australopithèque décou-
vitesse des phases du développe- Les nombreux fossiles découverts sapiens est une espèce comme verte en Éthiopie en 1974 a 3 mil-
ment au cours de l’évolution. ne doivent pas être considérés les autres. Il n’est pas l’aboutisse- lions d’années. Son squelette a
comme une succession d’espèces ment de l’évolution, et l’établisse- été reconstitué à 40 % grâce aux
HORLOGE MOLÉCULAIRE descendant les unes des autres. ment de ses liens de parenté avec 52 fragments osseux découverts.
Estimation de la date de divergence
Ces fossiles peuvent être des re- les fossiles de la lignée humaine Les australopithèques sont de pe-
entre différentes lignées depuis
présentants de lignées disparues. doit être mené avec la même ri- tite taille, présentent une faible
leur dernier ancêtre commun par
L’arbre phylogénétique des ho- gueur que pour n’importe quelle capacité crânienne, sont bipèdes,
comparaisons moléculaires. Pour
mininés ressemble à un buisson espèce. Cependant, plus les fos- mais leur démarche devait être
un gène donné, plus les séquences
avec de multiples branches. siles sont récents et nombreux, « chaloupée ».
de deux espèces sont différentes,
plus des liens de parenté précis
plus la divergence entre les lignées
peuvent être établis.
de ces deux espèces est ancienne.

Génétique et évolution 25
UN SUJET PAS À PAS

Partie 2.1 : Liens de parenté au sein des primates


L’intitulé du sujet La bipédie est un caractère dérivé uniquement présent chez l’homme : ce
À partir des seules informations recueillies par l’exploitation du docu- caractère n’existait pas chez le dernier ancêtre commun de l’homme et du
ment :
– placez sur l’arbre phylogénétique les innovations évolutives à l’origine Ce qu’il ne faut pas faire
des caractères dérivés du tableau ; • Utiliser uniquement vos connaissances pour répondre aux ques-
– citez les caractéristiques du plus récent ancêtre commun à l’homme, au tions sans faire de raisonnement logique à partir du document.
chimpanzé et au gorille ;
– placez l’orang-outan sur l’arbre phylogénétique et précisez le degré de
parenté entre l’orang-outan et chacune des autres espèces de l’arbre. chimpanzé, il est à placer après le nœud.
Caractéristiques du plus récent ancêtre commun à l’homme, au chim-
panzé et au gorille
Cet ancêtre commun présentait les caractères dérivés communs aux
trois espèces : absence de queue, présence d’un sinus frontal et fusion
prénatale des os du poignet. Il ne présentait pas le caractère dérivé propre
à l’homme : la bipédie.

Arbre phylogénétique de Degré de parenté entre l’orang-outan et les autres espèces de l’arbre
quelques espèces de primates
actuels à compléter Gibbon Homme Chimpanzé Gorille
Orang-
Outan
Le document 4
Espèces
Gibbon Homme Chimpanzé Gorille Orang-outan
Caractères dérivés 3  
1- Absence de queue

2  
2- Présence d'un sinus frontal
3- Fusion prénatale des os
Absence de queue + + + + +
Fusion prénatale du poignet
– + + + –
des os du poignet 1 4- Bipédie
Présence
d'un sinus frontal – + + + +
Bipédie permanente Arbre phylogénétique de quelques espèces de primates actuels
– + – – –
L’orang-outan partage deux caractères dérivés avec l’homme, le chimpanzé

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Le signe + signifie que le caractère dérivé est présent,
le signe – signifie qu’il est absent. et le gorille. Il ne présente pas de fusion prénatale des os du poignet. Sa
branche s’intercale donc entre le dernier ancêtre commun de l’ensemble
des espèces et le dernier ancêtre commun de l’ensemble homme-chim-
L’analyse du sujet panzé-gorille.
Pour traiter ce sujet, il faut avoir compris la construction d’un arbre L’orang-outan possède avec l’homme, le chimpanzé et le gorille deux ca-
phylogénétique à partir de l’étude des caractères dérivés présentés par ractères dérivés et un ancêtre commun qu’il ne partage pas avec le gibbon
différentes espèces. (un seul caractère dérivé en commun). Il est donc plus proche de l’homme,
du chimpanzé et du gorille que du gibbon. 

Proposition de corrigé
Les innovations se placent sur les entre-nœuds AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC SUR CE THÈME
L’absence de queue est un caractère dérivé présent chez les quatre espèces,
donc chez leur dernier ancêtre commun. L’innovation évolutive est à placer
Partie 2.1  : Positionner des espèces de primates fossiles dans un
avant le nœud correspondant.
La fusion prénatale des os du poignet et la présence d’un sinus frontal arbre phylogénétique à partir de l’étude de leurs caractères.
sont deux caractères dérivés exclusivement communs à l’homme, au Partie 2.2 : Discuter de la remise en question d’un arbre phylogéné-
chimpanzé et au gorille. Ces innovations sont à placer avant le nœud tique de la lignée humaine suite à la découverte d’un fossile.
représentant le dernier ancêtre commun de ces trois espèces. Partie 2.2 : Mettre en relation la comparaison de séquences de certains
gènes et les différences morphologiques entre le chimpanzé et l’homme.

ZOOM SUR…
LA CONTROVERSE IDA chez plus d’une centaine de pri- 2001. Daté de 7 millions d’an- L’ÉVOLUTION N’A PAS DE BUT
En mai 2009, à New York, Darwi- mates a permis de réfuter l'hy- nées, proche de la divergence Pour Teilhard de Chardin (1881-
nius masillae, un fossile de 47 mil- pothèse initiale. Les caractères entre la lignée humaine et celle 1955), l’hominisation est « l’en-
lions d’années baptisé « Ida », ressemblants chez Darwinius des chimpanzés, Sahelanthropus semble des processus évolutifs
était présenté comme un possible masillae et les anthropoïdes se- tchadensis a semé le trouble en par lesquels les hommes ont
ancêtre commun à l’ensemble des raient apparus indépendamment raison du lieu de sa découverte, acquis les caractères qui les dis-
singes anthropoïdes et qualifié par convergence évolutive, sous la et de sa morphologie. Bien plus tinguent des autres primates ».
de « chaînon manquant » par ses pression du milieu identique. âgé que les australopithèques, il L’hominisation concerne notam-
découvreurs. Les études qui ont présente des caractères « plus hu- ment « l’acquisition d’une bipé-
suivi cette découverte médiatisée LE TROUBLE JETÉ PAR LA mains » : une face peu prognathe, die de plus en plus parfaite et d’un
et controversée ont montré qu’Ida DÉCOUVERTE DE TOUMAÏ des canines réduites et une pro- encéphale de plus en plus volumi-
était en fait un représentant d’un La découverte d’un fossile peut bable bipédie, alors que sa ca- neux ». Attention toutefois aux
groupe ancêtre des lémuriens. Les poser davantage de problèmes pacité crânienne et sa taille de- formulations qui suggèrent une
comparaisons de la dentition, des qu’il n’en résout. Ce fut le cas de vaient être comparables à celles finalité à l’évolution, l’homme
mâchoires et de 360 caractères Toumaï, découvert au Tchad en d’un chimpanzé. n’en est pas l’aboutissement.

26 Génétique et évolution
LES ARTICLES DU

Dans le berceau de l’humanité


Douze sites répartis dans un rayon de 10 kilomètres… Bienvenue dans la vallée du
Bloubank, en Afrique du Sud, qui a offert au monde le tiers de ses fossiles hominidés, dont
le squelette de Little Foot, l’australopithèque le plus complet jamais découvert.

Il a descendu une quarantaine de marches, obliqué à droite, et averti : fraise, cinq années supplémentaires pour assurer sa datation et faire
« Là, il va falloir allumer vos lumières. » L’une après l’autre, Dominic de « Petit Pied » non seulement le squelette d’australopithèque le
Stratford, a déverrouillé les deux portes métalliques séparant la zone plus complet jamais découvert (90 %, contre 40 % pour Lucy) mais
ouverte au public du terrain réservé aux scientifiques. Puis il a repris aussi un des plus anciens : 3,67 millions d’années, là où Lucy affiche
sa descente. Arrivé en haut de la grotte Silberberg, il s’est arrêté un 3,2 millions de printemps.
moment. Après tout, quelques millions d’années valaient bien un Encore n’a-t-on qu’entrevu l’ampleur du miracle. Pour bien le mesurer,
quart d’heure d’attente. Il a donc décrit la formation géologique il faut suivre Laurent Bruxelles, géomorphologue à l’Institut national
complexe de cette enceinte de 40 mètres sur 6 et de quelque 25 mètres de recherches archéologiques préventives (Inrap). De la main, il
de hauteur. Enfin il a montré le « talus ». « C’est là qu’il est tombé, montre les traînées de matière blanche, plus ou moins épaisses, qui
une chute accidentelle de 30 mètres, puis il a dévalé et a dû s’arrêter nappent la roche brune. De la calcite, un minéral accumulé au cours
à mi-pente, avant d’être recouvert par les sédiments, reconstitue des millénaires par infiltration d’eau. « L’industrie minière avait
l’archéologue, directeur des fouilles du site de Sterkfontein. Protégé découvert qu’elle permettait d’abaisser le point de fusion de l’or,
de toute intrusion, conservé à température stable. C’est notre chance. » raconte-t-il. Son extraction est devenue essentielle. Ici, la nappe était
Une de nos chances, devrait-il dire, tant la préservation et surtout la immense, on l’appelait “The Boss”. Pendant quarante ans, ils ont fait
découverte de « Little Foot », cet extraordinaire squelette fossilisé sauter la roche à la dynamite. Quand ils trouvaient des fossiles, ils les
d’australopithèque, semblent une succession d’incroyables hasards. mettaient de côté. Mais ils ne s’embarrassaient pas de précautions. Ils

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L’épisode a marqué à tout jamais le monde de l’archéologie, comme descendaient, toujours plus profond. Et puis un jour, en 1920, ils ont
vingt ans plus tôt la mise au jour de sa « cousine » Lucy. Le 6 septembre trouvé un substitut, moins cher. Le cours de la calcite s’est effondré.
1994, Ron Clarke, paléontologue à l’université du Witwatersrand, à Ils ont tout arrêté. » Il regarde la nappe, et poursuit : « Une explosion
Johannesburg, trie une caisse de cailloux. Des fossiles venus du site de moins, on n’aurait jamais rien trouvé, une de plus et le squelette
de Sterkfontein, à 35 km de là. Piégés dans la roche, il y a là des restes était pulvérisé. »
de rongeurs, de félins, de bovidés… Soudain, il repère quatre petits Laurent Bruxelles connaît celle qui est devenue « sa » grotte sur le
ossements, qu’il attribue vite à un hominidé. Quatre portions d’un bout des doigts. Il en a parcouru chaque salle, dessiné chaque strate
même pied gauche. La découverte n’est pas banale. Pas extraordinaire minérale. C’est en 2007 que Ron Clarke l’a appelé à la rescousse pour
non plus : depuis la mise au jour de « Mrs Ples », en 1947, de nombreux l’aider à dater Little Foot. Plusieurs chiffres, établis selon plusieurs
fragments d’australopithèques ont déjà été exhumés de la vallée méthodes, avaient déjà été avancés. 3,3 millions d’années, avait
du Bloubank. Ron Clarke et son mentor Phillip Tobias (1925-2012) calculé une première équipe, s’appuyant sur les traces laissées dans
prennent quand même la peine de lui donner un nom : Little Foot. la roche par les inversions de pôles magnétiques. 4 millions, avait
Et ils l’oublient jusqu’à ce jour de mai 1997 où, vidant un autre sac de renchéri une seconde, sur la foi de mesures dites « cosmogéniques »
fossiles, Clarke repère de nouveaux fragments de pied gauche et une alors balbutiantes. 2,2 millions, avait finalement asséné en 2006 un
portion de tibia droit. laboratoire américain. Mesurant le rapport uranium/plomb dans les
Convaincu qu’il s’agit là du même individu, il réalise un moulage de coulées de calcite retrouvées sous une partie du squelette, ce dernier
l’os et envoie ses deux assistants dans la grotte Silberberg. « Il faut résultat avait douché les espoirs de Ron Clarke.
imaginer ce que c’était, insiste Dominic Stratford. Une cavité immense, Alors Laurent Bruxelles a tout analysé. La première formation mi-
qui n’avait pas été déblayée. Ils progressaient dans la poussière, sans nérale, il y a 2,6 milliards d’années, au fond d’une mer chaude. Puis
trop savoir où aller. » Pourtant, après trente-six heures seulement de le retrait marin, l’altération de certaines poches, sans doute sous
recherche, Stephen Motsumi et Nkwane Molefe débusquent, encastré l’effet de bactéries, et ce « fantôme de roche » qui ne tient que sous
dans la roche, le morceau de connexion osseuse du tibia. « Ils ont la pression des eaux souterraines. Et enfin, beaucoup plus tard, il y
sorti le moulage et, comme dans un puzzle, ça collait parfaitement », a quelques dizaines de millions d’années, le creusement des vallées,
raconte Francis Thackeray, l’ancien directeur de l’Institut d’évolution la nappe phréatique qui descend, laissant cette dolomie rongée par
humaine de l’université du Witwatersrand. le temps et désormais asséchée s’effondrer sur elle-même. Des dents
Little Foot est derrière, pris dans sa gangue rocheuse. Il faudra treize creuses que vont remplir sédiments et restes de tous ordres, formant
ans pour l’en extraire, avec la minutie d’un dentiste œuvrant à la un complexe millefeuille rocheux. Sur le bord du fameux talus, le

Génétique et évolution 27
LES ARTICLES DU

géoarchéologue s’allonge, prend la pose de Little Foot, face contre


terre, un bras au-dessus de la tête, l’autre sous le corps, et bascule le POURQUOI CET ARTICLE ?
buste vers le bas. « La calcite s’est glissée dessous, mais beaucoup plus L’Afrique est considérée comme le berceau de l’humanité depuis que
tard », assure-t-il. de nombreux fossiles ont été trouvés dans l’est et le sud du conti-
Ce sont donc bien les sédiments qu’il fallait mesurer. L’université nent. Dans cet article, Nathaniel Herzberg relate la découverte,
dans la vallée du Bloubank, en Afrique du Sud, d’un fossile d’aus-
Purdue (Etats-Unis) reprend sa datation cosmologique qui, entre-
tralopithèque appelé « Little Foot », ou « Petit Pied ». Il présente les
temps, a fait d’immenses progrès. La méthode consiste à analyser conditions hasardeuses de cette découverte ainsi que les résultats
les minéraux – bombardés par les rayons cosmiques à la surface de contradictoires des datations réalisées avec des techniques diffé-
rentes. Finalement daté de – 3,67 millions d’années, Little Foot serait
la Terre, ils se sont chargés en isotopes radioactifs – comme l’alumi-
l’un des plus anciens fossiles d’australopithèques connus à ce jour.
nium 26 et le béryllium 10. Une fois enfouis dans la grotte, ils se sont La vallée du Bloubank recèle de nombreuses grottes, qui livreront
déchargés, selon une vitesse connue. Sur les dix échantillons retenus, certainement dans le futur d’autres fossiles d’australopithèques,
huit fourniront la même date : 3,67 millions d’années. de paranthropes et d’Homo, permettant ainsi d’approfondir notre
connaissance de l’évolution de la lignée humaine.
Certes, l’Afrique de l’Est recèle des australopithèques de plus de 4 mil-
lions d’années. Sans compter les quelque 7 millions d’années de Toumaï,
pré-humain retrouvé au Tchad en 2001, et les presque 6 millions qui court comme ça de – 2,2 millions d’années jusqu’à – 100 000 ans,
d’Orrorin tugenensis, exhumé du sous-sol kenyan l’année d’avant. Mais c’est unique. Et nous pensons trouver plus ancien, une histoire à
en dépassant largement Lucy et ses 3,2 millions d’années, la découverte 3 millions. »
remet l’Afrique australe dans la course. Et rappelle pourquoi l’Unesco Appelé d’abord pour aider à dater Little Foot, le scientifique français
a baptisé, en 1999, la vallée du Bloubank « berceau de l’humanité ». s’est attelé à la réalisation d’une carte 3D de plusieurs autres sites. Et à
Une concentration presque vertigineuse. Douze sites, répartis dans la recherche de nouvelles cavités. « Le plus fou, c’est que l’essentiel n’a
un rayon de 10 km. Près de mille fossiles d’hominidés déjà recueillis, encore pas été mis au jour, s’éblouit-il. Regardez les bosquets autour de
soit le tiers de tout ce qui a été retrouvé dans le monde. Et dans chaque vous. » A l’horizon, des taches vertes constellent le paysage. « Ce sont
grotte, une –histoire étonnante. A Kromdraai, c’est le premier crâne de des entrées de grottes, poursuit-il. En bas, la température est constante,
Paranthropus robustus (2,2 millions d’années), découvert en 1938 par 17° C. Nous avons fait voler un drone de nuit, l’hiver, avec une caméra
Robert Broom. L’archéologue avait été mis sur la piste par un écolier thermique. Nous avons repéré cinquante nouveaux trous. »

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qui avait ramassé quelques dents. Dans la grotte de Cooper, au-delà De quoi exhumer encore quelques merveilles. Car dans le Bloubank,
des fossiles de paranthropes, ce sont des centaines d’outils en pierre, l’histoire ne s’arrête jamais. Il y a quelques années, des archéologues
véritable musée de la première industrie lithique, dite oldowayenne français annonçaient, sous le titre évocateur « Sex at Sterkfontein »,
– d’après les gorges d’Olduvai, en Tanzanie. Des paranthropes et des que la fine Mrs Ples, fossile iconique du pays, premier crâne d’Aus-
outils, toujours, à Drimolen, mais aussi une espèce plus récente du tralopithecus africanus adulte jamais découvert (1947), était très
genre Homo. Et que dire des sites de Rising Star et Malapa, dans les probablement un homme. « More sex at Sterkfontein », répliquaient
vallées voisines ? Une douzaine d’individus trouvés dans le premier Thackeray et ses collègues sud-africains. Nouvelles études au scanner
depuis deux ans, une nouvelle espèce d’australopithèque, sediba, d’un à l’appui, ils rendaient à dame Ples ce qui lui appartenait. La bataille
genre jusqu’ici inconnu, dénichée dans le second. n’est pas tout à fait terminée. Quant à Little Foot, Dominic Stratford
Enfin il y a Swartkrans, à un jet de pierre de la grotte Silberberg. nous a révélé, lors de notre visite, que ses os massifs et son crâne large
A première vue, un trou beaucoup plus modeste, plus discret, équipé étaient ceux… d’une femme. Une mise en bouche avant la publication,
de marches glissantes. Pas question, ici, de faire venir les touristes, attendue pour la fin de l’année, de la description générale de cette
encore moins d’installer un restaurant et une boutique, comme à Australopithecus prometheus, aujourd’hui conservée dans un coffre.
Sterkfontein. Seule une poignée d’étudiantes du Midwest accompagne Mais c’est autour de la cohabitation entre les deux espèces, la gracile
cet après-midi Trevor Pickering, de l’université du Minnesota. « Pour- et la trapue, avérée il y a quelque 2,6 millions d’années, que Stratford
tant, c’est un site particulier, ici, avertit modestement l’archéologue et Bruxelles rêvent de frapper un grand coup. Avec prometheus à
américain, voix monocorde mais regard brillant sous sa casquette. 3,67 millions d’années, ils ont déjà secoué leur petit monde. Fin juin
Disons qu’il y a… à peu près tout. » Tout, autrement dit pas moins a commencé la datation d’un crâne africanus découvert par Ron
de trois types d’hominidés : Paranthropus, Homo habilis et Homo Clarke dans la grotte Jacovec, l’appartement voisin, voudrait-on dire
ergaster, mais aussi deux types d’outils (pierre et os), des animaux en (mais plus humide, plus boueux et nettement moins bien équipé,
pagaille, répartis sur plusieurs niveaux rocheux. Et surtout, dans la nous avons testé…). « Si, comme la stratigraphie permet de le penser,
couche supérieure, les paléontologues ont retrouvé les plus anciens on sort autour de 4 millions, ça voudra dire que les deux ont vécu côte
feux maîtrisés jamais répertoriés : pas un foyer proprement dit, à côte pendant près d’un million d’années », rêve Dominic Stratford.
mais 23 couches successives de cendres vieilles de 900 000 ans. « La Le berceau de l’humanité, décidément.
température a été évaluée à 800 °C, explique Pickering. Trop chaud
pour un incendie naturel. Et l’état des os retrouvés ressemblait aux Nathaniel Herzberg (Sterkfontein en Afrique du Sud, envoyé spécial),
restes d’un feu de camp. » Laurent Bruxelles prend le relais : « Un site Le Monde Science et médecine daté du 26.08.2015

28 Génétique et évolution
LES ARTICLES DU

Une espèce humaine lilliputienne peuplait


une île d’Indonésie il y a 700 000 ans
La présence ancienne du hobbit sur l’île de Flores confirme la thèse du nanisme insulaire.

C’est une belle victoire, posthume, pour le paléoanthropologue australien semble avoir ensuite relativement peu évolué du point de vue de la taille
Michael Morwood, mort en 2013. La revue Nature a publié, entre autres, comme de celui de ses productions lithiques [objets en pierre]. »
jeudi 9 juin, deux articles, dont il est cosignataire, qui entérinent sa L’homme de Flores est donc le premier exemple de nanisme insulaire
théorie : l’homme de Flores, alias « le Hobbit », qu’il avait découvert en affectant une espèce humaine, un phénomène de sélection naturelle
2003 dans une grotte de cette île indonésienne, n’était pas un Homo bien connu pour de nombreux autres animaux. « Ce mécanisme de
sapiens nain, atteint de microcéphalie ou d’autres pathologies pouvant variation de taille va dans les deux sens, explique le paléoanthropo-
expliquer la taille réduite de son crâne. Ce petit homme d’à peine plus logue Antoine Balzeau (Muséum national d’histoire naturelle). Dans
d’un mètre de haut appartenait bien, comme il en était persuadé, à une les îles, où il y a moins de nourriture disponible, les gros carnivores ont
espèce à part entière. Elle a subsisté sur l’île pendant plusieurs centaines tendance à disparaître. Les proies des petits carnivores grandissent
de milliers d’années – jusqu’à sa disparition il y a environ 50 000 ans. pour leur échapper, et les gros animaux rapetissent pour faire face
Les travaux publiés dans Nature présentent de nouveaux restes à la restriction alimentaire.  » A Flores, qui abrite des rats géants,
fossiles – un fragment de mâchoire inférieure droite et six dents H. floresiensis et ses ancêtres devaient chasser des stégodons nains,
– retrouvés fin 2014 sur un autre site et datant de 700 000 ans. Ils des cousins de l’éléphant.
montrent qu’une humanité de petite taille (au surnom emprunté aux Si le Hobbit a engendré tant de scepticisme de la part d’une frange de la
personnages de Tolkien) était déjà présente sur place alors qu’Homo communauté scientifique, qui a voulu à toute force voir en lui une ano-
sapiens n’avait pas encore vu le jour en Afrique ! malie médicale plutôt qu’une nouvelle espèce, c’est aussi pour des raisons

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Gerrit van den Bergh (université de Wollongong, Australie), qui a culturelles, analyse Antoine Balzeau : « Imaginer qu’un homme récent ait
dirigé ces fouilles dans le lit d’une ancienne rivière, sur le site de Mata pu à ce point être influencé par son environnement était contraire à notre
Menge, avait choisi avec Michael Morwood les couches sédimentaires vision d’Homo sapiens comme maître du monde. L’idée que la taille du
qui étaient le plus susceptibles de livrer des restes d’homininés. « Mon cerveau conditionne l’intelligence a aussi joué, certains jugeant impossible
seul regret est que Mike n’ait pas vécu pour partager l’expérience et que [l’homme de Flores] ait pu fabriquer des outils. »
l’excitation de la découverte de ces nouveaux fossiles. Nous savions L’origine de ces petits hommes garde pourtant encore une part de mys-
tous deux qu’ils devaient être là », dit-il. tère. « Reste à savoir par quels moyens Homo erectus est arrivé jusqu’à
Flores en compagnie d’un petit nombre d’autres espèces de vertébrés »,
s’interroge Jean-Jacques Hublin. La fin de l’histoire semble moins énig-
« Restriction alimentaire » matique : on perd la trace du Hobbit au moment où Homo sapiens arrive
« Tous ces fossiles sont indiscutablement des homininés et sont remarquable- dans la région, il y a environ 50 000 ans.
ment similaires à Homo fl
­ oresiensis », indique, avec prudence, Yousuke Kaifu
(Muséum national des sciences et de la nature de Tokyo), qui les a comparés Hervé Morin, Le Monde daté du 10.06.2016
à une vaste collection de fossiles et de squelettes humains modernes. « La
morphologie des dents suggère aussi que cette lignée humaine représente
une descendance naine d’Homo erectus qui, d’une façon ou d’une autre, s’est
POURQUOI CET ARTICLE ?
trouvée isolée sur l’île de Flores. » En 2003, des restes fossiles d’individus humains de petite taille sont
Ce qui surprend le plus les chercheurs, c’est que la nouvelle mandibule découverts dans une grotte de l’île indonésienne de Florès. Ces pe-
est encore plus petite que celles retrouvées depuis 2003 dans la grotte tits hommes, également appelés « Hobbits », seraient-ils des Homo
sapiens affectés d’une pathologie responsable de leur nanisme ou
de Liang Bua, distante de 74 kilomètres. Cela implique que la réduction une nouvelle espèce caractérisée par une petite taille ? Cet article re-
de taille est survenue très tôt dans l’histoire de cette lignée. En effet, les late les conséquences de la découverte en 2014, sur l’île de Florès,
outils les plus anciens retrouvés à ce jour sur l’île de Flores datent d’un de nouveaux restes fossiles datés de –700  000 ans. Il en résulte
que l’homme de Florès constituerait bien une espèce à part entière,
million d’années, et sont généralement attribués à des Homo erectus,
issue d’Homo erectus. Ces descendants d’Homo erectus auraient
présents en Asie à cette période et qui faisaient un peu plus de 1,50 m de évolué en présentant un nanisme insulaire, phénomène bien connu
haut. La diminution de taille serait donc intervenue dans les premiers mais jamais observé jusqu’à présent chez les primates et lié aux les
faibles ressources alimentaires de l’île. Cette espèce naine, malgré la
300 000 ans de l’occupation de l’île. « Ce nanisme insulaire est un cas
petite taille de son cerveau, aurait fabriqué des outils et disparu vers
unique au sein des primates, relève Jean-Jacques Hublin (Institut Max –50 000, au moment de l’arrivée des Homo sapiens dans cette région.
Planck d’anthropologie évolutionnaire de Leipzig). Homo floresiensis

Génétique et évolution 29
L'ESSENTIEL DU COURS

Les relations entre organisation et mode de vie,


résultat de l’évolution : l’exemple de la vie fixée
chez les plantes
À la différence des animaux – qui sont généralement mobiles dans leur environnement,
ce qui leur permet de chercher leur nourriture, de se protéger des agressions de l’environ-
nement, d’échapper à leurs prédateurs et de se reproduire –, la plante est constituée
de racines ancrées dans le sol portant des tiges feuillées qui se développent en milieu
aérien. Comment l’organisation des plantes à fleurs est-elle adaptée à leur mode de vie
fixé à l’interface entre le sol et l’atmosphère ?

Les échanges entre la plante et son milieu Les feuilles, portées par les tiges, sont majoritairement formées de
La plante réalise des échanges d’énergie et de matière avec son milieu cellules chlorophylliennes, contenant des chloroplastes. Ces organites
de vie à travers des surfaces d’échanges externes très développées, captent la lumière et synthétisent, à partir du dioxyde de carbone et de
en lien avec son mode de vie fixé. La partie souterraine de la plante l’eau, des molécules organiques lors de la photosynthèse. Les feuilles
est constituée de l’appareil racinaire, qui assure l’ancrage du végétal constituent alors une vaste surface d’échange avec l’atmosphère. Les
dans le sol et l’absorption de l’eau et des ions minéraux du sol pour échanges de molécules gazeuses de CO2, d’O2 et d’H2O entre les feuilles
permettre la photosynthèse. Les racines des plantes présentent des et l’atmosphère s’effectuent au niveau des stomates, dont l’orifice
structures spécialisées dans l’absorption : les poils absorbants. Un poil – l’ostiole – peut être ouvert ou fermé. Les feuilles sont également
absorbant est formé d’une cellule très allongée de l’épiderme racinaire. responsables de la capture de l’énergie lumineuse. Ainsi l’organisation
L’ensemble des poils absorbants de la plante constituent une surface fonctionnelle des plantes présente d’importantes surfaces d’échanges
d’échange importante entre la plante et le sol. en relation avec leur mode de vie fixé. De plus la croissance continue

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des plantes participe à augmenter les possibilités d’échanges entre la
Bourgeon
plante et son milieu.
Fleur
Lumière (UV)
H2O
La circulation de matière au sein de la plante
O2 Dans la plante, des échanges de matières sont indispensables entre
Feuille
CO2 les parties souterraines (lieu de l’absorption des ions minéraux et de
l’eau) et les parties aériennes (lieu d’exposition à la lumière, d’échanges
des molécules gazeuses et de production de molécules organiques).
Tige Ces échanges de matières dans la plante ont lieu dans deux réseaux
Collet distincts de vaisseaux conducteurs. Le xylème transporte la sève
Racine brute, composée d’eau et d’ions minéraux, des racines vers le reste de
secondaire
H2O la plante. Le phloème transporte la sève élaborée, riche en molécules
Poils Ions minéraux organiques synthétisées par la plante, des organes chlorophylliens
absorbants
producteurs, dont les feuilles, vers les autres organes consomma-
Racine teurs de la plante (les racines mais aussi les organes comme les
fruits, les tubercules, etc.).
L’organisation d’une plante à fleur et les échanges avec son milieu

MOTS CLÉS
DISSÉMINATION et les tiges feuillées sont reliées transport du pollen sont le vent, permet le passage des gaz entre
Transport des graines ou des par des tissus conducteurs (le l’eau et les animaux. l’atmosphère et la cavité située
xylème et le phloème transpor- sous l’ostiole, la chambre sous-
fruits contenant des graines per- STOMATE
tant respectivement la sève brute stomatique. Cette dernière est le
mettant le développement d’une Structure située au niveau de
et la sève élaborée). Parmi les lieu d’échanges gazeux entre l’air
nouvelle plante à partir d’une l’épiderme des feuilles, princi-
plantes, on distingue notamment et les cellules chlorophylliennes
graine. Les principaux agents dis- palement sur la face inférieure
les plantes à fleurs, ou Angios- environnantes, comme les cel-
séminateurs sont le vent, l’eau et de ces dernières, qui permet
permes, et les plantes sans fleurs, lules du parenchyme lacuneux.
les animaux. La dissémination as- les échanges de gaz (CO2, O2 et
contenant en particulier les Pino- Les plantes ont la capacité de
sure le maintien de l’aire de répar- H2O) entre les feuilles et l’atmos-
phytes (pins, sapins). réguler l’ouverture de leurs sto-
tition de la plante mais également phère. Un stomate est constitué
son extension.
POLLINISATION de deux cellules épidermiques mates en fonction des conditions
Transport des grains de pollen des spécialisées, les cellules stoma- climatiques, ce qui leur permet de
PLANTE étamines jusqu’au pistil d’une tiques, encadrant un orifice, contrôler la perte d’eau au niveau
Végétal terrestre dont les racines fleur. Les principaux vecteurs de l’ostiole. L’ouverture de l’ostiole des feuilles.

30 Génétique et évolution
L'ESSENTIEL DU COURS

La plupart des fécondations chez les plantes sont croisées : elles ont
lieu entre deux gamètes provenant de deux individus différents de
la même espèce. Dans ce cas, le mode de vie fixé des plantes impose
un transport du pollen appelé pollinisation. La pollinisation peut
être effectuée par le vent (anémogamie), l’eau (hydrogamie) ou des
animaux (zoogamie), majoritairement des insectes. Dans le cas d’une
collaboration entre un animal pollinisateur et la fleur, des adaptations
souvent très étroites entre ces derniers sont observées. Par sa couleur,
sa forme, la sécrétion de nectar ou encore son parfum, la fleur attire
spécifiquement l’animal capable de la polliniser. L’animal pollinisateur
présente des adaptations morphologiques à l’accrochage du pollen.
Ces adaptations sont le résultat d’une coévolution entre l’insecte
pollinisateur et la plante à fleur.
Coupe longitudinale de tige montrant les vaisseaux conducteurs

Les mécanismes de défense des plantes


Les plantes présentent une grande variété de défense contre les
agressions du milieu. Elles sont capables de résister aux variations
saisonnières. Par exemple, les arbres des régions tempérées résistent
au froid de l’hiver en perdant leurs feuilles et en protégeant leurs
bourgeons sous des écailles protectrices. Les plantes annuelles
passent la saison froide sous forme de graines qui assurent la reprise
de la végétation aux beaux jours. Chez les plantes adaptées au climat
méditerranéen, la présence de poils et de cuticule épaisse au niveau
des feuilles limite les risques de déshydratation en été. Les plantes
L’organisation de la fleur : A : coupe transversale d’une fleur ;
présentent également des mécanismes de défense contre leurs
B : vue de dessus ; C : diagramme floral
prédateurs : des piquants (comme les cactus), des feuilles épineuses
(comme le chardon). Certaines plantes synthétisent des toxines les Après la fécondation des ovules contenus dans le pistil par les gamètes
rendant impropres à la consommation. Ainsi, la consommation, par mâles des grains de pollen, les ovules fécondés se transforment en
les antilopes, de feuilles d’acacias entraîne une augmentation de la graines, tandis que la fleur se transforme en fruit.
production de tanins au niveau des feuilles, qui limite le broutage de De par le mode de vie fixée de la plante, les graines sont responsables

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
ces herbivores. Enfin, certaines plantes sont même capables d’émettre de la dispersion de l’espèce et de la colonisation de nouveaux mi-
des signaux attirant des insectes parasites de leurs prédateurs. C’est le lieux. Les graines ou les fruits contenant les graines sont disséminés
cas de la vesce des champs, qui produit du nectar attirant des fourmis, par le vent, l’eau ou encore les animaux qui les transportent accrochés
lesquelles attaquent les acariens et les insectes herbivores qui sont à leur corps ou en les consommant et en les rejetant dans le milieu
ses prédateurs. par leurs excréments. Là aussi, il peut y avoir une collaboration étroite
entre l’animal disséminateur et la plante, suite à une coévolution. 
La reproduction des plantes à fleur
Les fleurs sont constituées de différentes pièces florales, situées sur des
cercles concentriques, appelés verticilles. De l’extérieur vers l’intérieur TROIS ARTICLES DU MONDE À CONSULTER
de la fleur se trouvent les sépales, les pétales, les étamines et le
pistil. La mise en place des verticilles est sous le contrôle de gènes du • Le déclin massif des insectes menace l’agriculture p. 34-35
développement floral. Les étamines et le pistil constituent les organes (Stéphane Foucart, Le Monde daté du 25.06.2014)
reproducteurs de la plante. Le pistil, renfermant les ovules contenant •Les insecticides néonicotinoïdes triplent la mortalité des abeilles p. 35
les gamètes femelles, forme l’organe reproducteur femelle. (Martine Valo, Le Monde daté du 18.08.2016)
Les étamines, qui abritent les grains de pollen contenant les gamètes • Des jachères transformées en garde-manger pour les abeilles p. 36
mâles, forment l’organe reproducteur mâle. (Jean-Pierre Tenoux, Le Monde daté du 28.12.10)

ZOOM SUR…
LE SEXE DES PLANTES dioïques, comme le saule, chaque gène donné) importante chez chez le maïs, où le pollen est émis
La majorité des plantes portent individu ne porte qu’un type de les descendants et réduire ain- alors que le pistil n’est pas encore
des fleurs hermaphrodites ou bi- fleurs unisexuées, soit mâles soit si les possibilités d’adaptation réceptif) ou, le plus souvent, gé-
sexuées, contenant à la fois un femelles. des individus aux variations des nétique (des mécanismes d’in-
organe reproducteur mâle, les AUTOFÉCONDATION ET conditions de l’environnement. compatibilité génétique rendant
étamines, et un organe reproduc- FÉCONDATION CROISÉE Chez de nombreuses espèces
impossible l’autofécondation
teur femelle, le pistil. Mais chez Chez certaines espèces comme le monoïques ou hermaphrodites,
chez de nombreuses espèces).
certaines espèces dites « mo- blé, il peut y avoir autofécondation. l’autofécondation est rendue im-
La fécondation croisée, qui a lieu
noïques », comme le maïs, un indi- L’autofécondation, impossible possible par des barrières mor-
phologiques (chez les orchidées, entre deux fleurs situées sur deux
vidu porte des fleurs unisexuées, chez les espèces dioïques, a lieu
c’est-à-dire des fleurs mâles (avec une structure anatomique, le ros- plantes différentes d’une même
entre un grain de pollen et l’ovule,
des étamines mais sans pistil) et issus d’un même individu. Cette tre, sépare le pistil des étamines), espèce, est donc courante chez
des fleurs femelles (avec un pis- autofécondation peut entraîner temporelle (les étamines et le les plantes et présente l’avantage
til mais sans étamines) sur un une homozygotie (présence de pistil n’atteignent pas leur ma- d’être à l’origine d’une diversité
même pied. Enfin, chez les espèces deux allèles identiques pour un turité en même temps, comme génétique.

Génétique et évolution 31
UN SUJET PAS À PAS

Partie 2.2 : La culture en Europe


de yuccas originaires d’Amérique
L’intitulé complet du sujet Document 3 : Yucca glauque (Yucca glauca) et teigne du yucca (Tegeticula
Les yuccas sont des plantes originaires du continent américain. Dans leurs yuccasella), deux espèces en voie de disparition ?
pays d’origine, les pieds portent de nombreux fruits charnus, généralement co-
mestibles. Un horticulteur installé en région parisienne a le projet de cultiver
des yuccas destinés à la production de fruits qui seront commercialisés sous
forme de préparations culinaires et cosmétiques. Dans un premier temps, il
prévoit la mise en culture de nombreux individus, afin de sélectionner, par des
croisements, les pieds produisant les fruits avec les qualités requises. Ensuite
viendra la production en masse des fruits.
On vous demande de poser un regard critique sur le projet de l’horticulteur.
Montrez que le projet est techniquement réalisable à condition de respec-
ter certaines contraintes (que vous préciserez) et de prendre en compte
les conséquences éventuelles sur la biodiversité.
Votre réponse s’appuiera sur l’exploitation du dossier. Aucune étude exhaustive
des documents n’est attendue.
La teigne du yucca et le yucca glauque
Les documents Nom : teigne du yucca (Tegeticula yuccasella) et yucca glauque (Yucca glauca)
Document 1 : La reproduction sexuée chez les yuccas Description : La teigne du yucca est un petit papillon au corps brun et à la
tête blanche, dont l’envergure des ailes varie de 18 à 28 mm.
Dans leurs contrées d’origine, la fécondation des yuccas est réalisée par des
Le yucca glauque est une grande plante vivace qui peut atteindre une hauteur
espèces de papillons absentes en Europe. Certaines espèces de yuccas ont été
de 100 cm et qui produit une grappe de fleurs blanches à son extrémité.
importées avec succès en Europe dès le milieu du XIXe siècle. Elles poussent Habitat : Alberta
sans difficulté dans les jardins ou en pots dans la plupart des régions. Parmi Situation actuelle : La teigne du yucca est en voie de disparition (exposée à
elles, le yucca glauque est sans doute le plus robuste car il supporte des gels une disparition imminente de la planète ou du pays). Le yucca glauque est une

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sévères de l’ordre de - 20° C, voire beaucoup moins. En Europe, les yuccas espèce menacée (elle pourrait être en voie de disparition si aucune mesure
portent des fleurs mais ne donnent jamais de fruits. Ils se reproduisent n’est prise pour enrayer les facteurs susceptibles de la faire disparaître de la
uniquement par multiplication végétative. planète ou du pays).
Mesures de rétablissement : Ces deux espèces sont interdépendantes,
chacune ayant besoin de l’autre pour survivre. La teigne du yucca se nourrit
Document 2 : Influence de l’insecte teigne du yucca (Tegeticula yuccasella)
exclusivement de graine de yucca glauque, qui ne sont produites que lorsque
sur la production de fruits par les yuccas glauques en Alberta (États-Unis) la plante est pollinisée par les teignes adultes.

Source : site du ministère de l’Écologie canadien

Document 4 :
Pollinisation du Yucca aloi-
folia par l’insecte Pronuba
yucasella
Dessins extraits de The
Popular Science Monthly,
Edouard L. Youmans, 1882

Source : rapport du COSEPAC, Canada, 2002 Femelle de Pronuba yuccasella


en train de pondre dans le pistil

ZOOM SUR… de la fleur de yucca

LES SURFACES d’échange d’eau et d’ions rappor- champignons en glucides. Chez veloppement floral montre que
D’ÉCHANGES tée à la masse du végétal de plu- certaines plantes comme les celui-ci est sous le contrôle de
DES VÉGÉTAUX sieurs centaines de m2 /kg. Fabacées, une symbiose existe gènes de développement. Ainsi,
Le mode de vie fixé de la plante avec des bactéries situées au ni- chez Arabidospsis thaliana, plante
LES ASSOCIATIONS
et la pauvreté de son milieu de SYMBIOTIQUES veau de nodosités racinaires. Ces très étudiée en laboratoire, une
vie (eau et ions en faible quantité DES RACINES bactéries du genre Rhizobium mutation dans le gène Agamous
dans le sol, CO2 peu abondant dans Chez de nombreuses plantes, la sont capables de fixer le diazote entraîne des fleurs dont le pistil et
l’atmosphère) donnent lieu au dé- surface d’absorption racinaire de l’air et de fournir des com- les étamines sont remplacés par
veloppement de vastes surfaces est fortement augmentée grâce posés azotés à la plante, qui, en des pétales. Une mutation dans
d’échanges. La surface moyenne à une symbiose avec des cham- échange, la nourrit en molécules le gène Apetala est à l’origine de
d’échange de nutriments, d’eau pignons : les mycorhizes. Ces carbonées, comme des glucides. fleurs sans pétales.
et d’ions minéraux d’un animal champignons fournissent la LES GÈNES DE
rapportée à la masse de l’animal plante en éléments de la solution DÉVELOPPEMENT FLORAL
est d’environ 3 m2/kg, alors qu’un du sol, comme les phosphates, L’existence de plantes mutantes
végétal développe une surface tandis que la plante fournit les présentant des anomalies du dé-

32 Génétique et évolution
UN SUJET PAS À PAS

le Yucca aloifolia, dépend pour sa pollinisation d’une autre espèce d’insecte


abdomen appelée Pronuba yucasella. Cet insecte présente un organe spécialisé à
l’extrémité de l’abdomen, l’ovipositeur, lui permettant de pondre ses œufs
ovipositeur directement dans les ovaires de la fleur du Yucca aloifolia (document 4).
Ainsi la coévolution a abouti à des spécialisations anatomiques poussées
de l’insecte pollinisateur (forme de l’ovopositeur) et de la plante (forme de
l’ovaire), d’où une forte interdépendance. Comment l’horticulteur peut-il
réaliser la pollinisation des yuccas en Europe pour réaliser la fécondation et
obtenir des fruits ? Il peut envisager d’introduire les insectes pollinisateurs
dédiés aux espèces de yuccas choisies. Il devra veiller à équilibrer les popula-
tions de pollinisateurs et de yuccas pour optimiser son rendement en fruits.
Mais l’horticulteur peut également envisager un mode très différent
de pollinisation, lui évitant de faire appel aux insectes pollinisateurs
Pièces génitales de Pronuba yuccasella inféodés aux yuccas : il peut recourir à la pollinisation manuelle,
Extrémité de l’abdomen prolongée par un ovipositeur, organe spécialisé permettant comme dans la culture de la vanille.
de pondre les œufs directement dans les ovaires, au contact de l’ovule
Une autre contrainte : les conditions climatiques
ovaire L’horticulteur doit choisir ses espèces de yuccas en tenant compte des
conditions climatiques, pour réussir leur adaptation à leur nouvel
A environnement : par exemple, le yucca glauque est capable de supporter

B ovule des gels sévères (document 1).

Des contraintes écologiques liées à l’introduction de nouvelles espèces


L’introduction de nouveaux insectes peut présenter des conséquences
écologiques : les espèces ainsi introduites peuvent se révéler invasives et
déséquilibrer les écosystèmes environnants. Pour protéger les écosystèmes
existants, l’horticulteur peut envisager le confinement des espèces nou-
velles. D’un autre côté, ces introductions pourraient contribuer à sauver
des espèces en danger : la teigne du yucca glauque est en voie de dispari-
tion et le yucca glauque est menacé (document 3). Dans tous les cas, les
solutions techniques retenues et commercialement viables doivent s’ac-
compagner d’une étude rigoureuse de leurs impacts écologiques. 

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
Coupe transversale dans le pistil de la fleur de yucca
A : emplacement de l’ovipositeur ; B : position des œufs Ce qu’il ne faut pas faire
• Analyser de manière intégrale les documents dans l’ordre donné,
sans dégager les contraintes techniques pour l’horticulteur et les
Proposition de corrigé
conséquences écologiques.
Une contrainte : l’interdépendance entre les yuccas et leur insecte pollinisateur
Les yuccas originaires du continent américain et cultivés en Europe ne
portent pas de fruits, car les espèces d’insectes responsables de leur polli-
nisation sont absentes (document 1). En effet, le yucca glauque est inféodé
à une pollinisation effectuée par un insecte particulier, la teigne du yucca. AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC SUR CE THÈME
Cet insecte ne se nourrit que des fruits de cette plante, qui ne sont produits
que lors la pollinisation effectuée par les teignes du yucca adultes (document  Partie 2.2 : Études de documents
3). En effet, en absence d’œufs de teigne présents dans le pistil des fleurs de – Les liens entre la morphologie et l’anatomie de la plante et son
yucca, c’est-à-dire en absence de teignes adultes ayant pondu, les yuccas mode de vie fixée à l’interface entre le sol et l’atmosphère.
glauques ne produisent aucun fruit. En revanche, en présence de teignes de – La lutte contre les prédateurs et les variations des conditions du milieu.
yucca, une quantité optimale d’œufs pondus dans le pistil correspond à un – Les modalités de la pollinisation et de la dispersion des graines
nombre maximal de fruits formés (document 2). Une autre espèce de yucca, ou des fruits.

ZOOM SUR…
LA COÉVOLUTION le pétale de l’orchidée qu’ils pol- gumes, mais le concombre, la nombreux « légumes » consom-
La coévolution se définit comme linisent. Grâce à cet organe de tomate, la courgette… sont des més comme le concombre, la
l’évolution coordonnée de deux succion, les papillons récoltent fruits ! tomate, la courgette sont en fait
le nectar situé au fond de l’épe- Dans le langage courant est appe- des fruits car ils proviennent du
espèces en relation étroite l’une
ron nectarifère et se chargent en lé « légume » tout aliment végétal développement de l'ovaire de la
avec l’autre.
pollen, qu’ils vont emporter vers accompagnant un plat au cours fleur après fécondation. D’autres
Il existe une véritable collabo-
d’autres fleurs de la même espèce. d’un repas. Mais en botanique le
ration entre les animaux polli- « légumes », comme les pois et les
Il s’agit par exemple de l’orchidée terme « légume » désigne uni-
nisateurs et la plante à laquelle lentilles, sont en fait des graines.
Angraecum sesquipedale, que l’on quement la gousse formée par
ils sont souvent inféodés. Par le fruit d’une famille de plantes Et de nombreuses autres parties
exemple, certains papillons pol- trouve à Madagascar et qui est végétales sont également utili-
à laquelle appartiennent le pois,
pollinisée par le papillon Xantho- sées pour l’alimentation : des
linisateurs présentent un organe les haricots, la lentille, etc., que
pan morgani praedicta. racines (la carotte), des tiges mo-
de succion extrêmement long et l’on appelle parfois les « légumi-
effilé, qui s’adapte exactement FRUIT OU LÉGUME ? neuses ». Ainsi, en appliquant difiées en organes de réserve (les
à l’éperon nectarifère formé par Les haricots verts sont des lé- ces définitions botaniques, de pommes de terre), etc.

Génétique et évolution 33
LES ARTICLES DU

Le déclin massif des insectes menace l’agriculture


Une vaste étude scientifique dénonce le rôle des pesticides systémiques dans
l’érosion globale de la biodiversité.

Je pense que j’ai dû me réveiller vers le milieu des années 2000. Un jour, fipronil et de leurs produits de dégradation ». Entre autres exemples, les
alors que je marchais près de chez moi, dans la garrigue, je me suis experts du TFSP notent que de l’imidaclopride a été détecté dans 91 %
demandé où étaient passés les insectes, car il me semblait qu’il y en avait de 74 échantillons de sols français analysés en 2005 : seuls 15 % des sites
beaucoup moins qu’avant », raconte Maarten Bijleveld van Lexmond. avaient été traités…
« Et puis j’ai réalisé qu’il y en avait aussi de moins en moins collés sur le Les concentrations relevées ne conduisent généralement pas à une toxicité
pare-brise et la calandre de ma voiture. Presque plus, en fait. » En juillet aiguë. Mais l’exposition chronique à ces faibles doses fragilise les popula-
2009, dans sa maison de Notre-Dame-de-Londres (Hérault), le biologiste tions de nombreuses espèces : troubles de reproduction, facultés de survie
néerlandais, 77 ans, réunit une douzaine d’entomologistes partageant réduites, etc. Cette « contamination à large échelle » de l’environnement
la même inquiétude. est, selon le TFSP, un « élément déterminant » dans le déclin des abeilles
Tous notent un déclin accéléré de toutes les espèces d’insectes depuis les et joue un rôle « irréfutable » dans celui des bourdons. Pour les papillons,
années 1990. Selon eux, l’effondrement des abeilles domestiques n’est les tendances dégagées sont de l’ordre d’une réduction de moitié des
que la partie visible de ce phénomène aux conséquences considérables populations européennes en vingt ans. Pour M. Bijleveld, le déclin en
pour l’ensemble des écosystèmes. « Au terme d’une longue journée de cours de l’ensemble de l’entomofaune relève d’un « effondrement brutal ».
discussions, nous avons décidé d’examiner tout ce qui avait été publié dans la Son ampleur se mesure notamment sur les niveaux supérieurs de la chaîne
littérature scientifique sur les insecticides systémiques dits “néonicotinoïdes”, alimentaire. « Le déclin des insectes, c’est aussi le déclin des oiseaux, dont plus
poursuit-il. Cette nouvelle génération de molécules, mise sur le marché dans de la moitié sont insectivores », note François Ramade (université Paris-Sud),
les années 1990, nous semblait être un élément déterminant pour expliquer l’une des grandes figures de l’écotoxicologie française, cofondateur du TFSP.
la situation. » De fait, le programme de suivi européen ad hoc montre par exemple une
Encore fallait-il étayer ce soupçon. Au fil des mois, le petit groupe de perte de 52 % des oiseaux des champs au cours des trois dernières décennies
chercheurs est devenu un consortium international – le Groupe de – cependant, les auteurs se gardent d’attribuer l’ensemble de cette perte aux
travail sur les pesticides systémiques (TFSP, pour Task Force on Systemic seuls insecticides systémiques, d’autres facteurs entrant en ligne de compte.

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Pesticides) – d’une cinquantaine de scientifiques de 15 nationalités, pour la Une variété d’autres espèces importantes pour les écosystèmes est égale-
plupart universitaires ou chercheurs au sein d’organismes publics, ayant ment affectée par ces substances. En particulier, les micro-organismes du
tous rejoint le groupe d’experts intuitu personae. sol et les lombrics, animaux essentiels au maintien de la fertilité des sols.
Le résultat de leurs cinq années de travail, à paraître dans la prochaine édi- L’ensemble des informations rassemblées par le TFSP ayant été publié,
tion de la revue Environmental Science and Pollution Research, devait être reste à comprendre comment des effets d’une telle magnitude ont pu
rendu public mardi 24 juin. « Les preuves sont très claires, affirme Jean-Marc demeurer si longtemps sous le radar des autorités sanitaires – à l’exception
Bonmatin (Centre de biophysique moléculaire du CNRS), membre du TFSP. de l’Europe, qui a commencé, en 2013, à prendre des mesures. « Aujourd’hui,
Nous assistons à une menace pour la productivité de notre environnement le savoir est fragmenté, juge Maarten Bijleveld. Il n’y a plus de généralistes. »
agricole et naturel. Loin de sécuriser la production alimentaire, l’utilisation Le diagnostic de François Ramade est plus sévère. « La recherche en
des néonicotinoïdes met en péril les pollinisateurs qui la rendent possible. »
Au total, les experts du TFSP ont passé en revue quelque 800 études
publiées dans la littérature savante sur ces insecticides. Ils en ont tiré sept POURQUOI CET ARTICLE ?
longues synthèses thématiques sur leurs modes d’action, leur devenir dans
l’environnement, leurs impacts sur divers organismes, etc. Cet article fait le point sur les résultats récents publiés par le groupe
Ces molécules (imidaclopride, thiaméthoxame, clothianidine, mais aussi de travail sur les pesticides systémiques et leur impact sur les in-
fipronil) se partagent aujourd’hui environ 40 % du marché mondial des sectes. L'utilisation de ces pesticides dit « néonicotinoïdes » a des
répercussions sur la productivité agricole et sur notre environne-
insecticides agricoles et représentent un marché de plus de 2,6 milliards de
ment naturel. En effet, ces pesticides sont toxiques et, du fait de leurs
dollars (1,9 milliard d’euros). Elles se distinguent d’abord des précédentes
modes d’application multiples (pulvérisation, traitement des sols, en-
générations par leur toxicité, 5 000 à 10 000 fois celle du célèbre DDT, robage des semences), ils ne peuvent être absorbés en totalité par les
par exemple. plantes. Ils persistent donc dans les sols, dans l’eau et peuvent donc
Leur mode d’application est également différent. Ces produits sont en être retrouvés sur des sites n’ayant jamais été traités. En étant expo-
effet non seulement appliqués en pulvérisation, mais sont aussi utilisés sés de façon chronique à ces pesticides, les insectes, et notamment
en traitement des sols et en enrobage des semences, dans le cadre d’une les pollinisateurs qui sont un maillon essentiel de la reproduction de
utilisation systématique et préventive. nombreuses plantes à fleurs (dont les plantes cultivées), voient leur
Or, une part importante – jusqu’à plus de 90 % – des quantités ainsi nombre diminuer – ce qui a un impact sur les cultures et sur l’envi-
utilisées n’est pas absorbée par les plantes au cours d’une seule saison ronnement non négligeable. Mais les effets de ces pesticides se font
également sentir chez les oiseaux insectivores (même si à ce niveau
végétative. Ces produits s’accumulent ainsi dans les sols où ils persistent
ils ne sont pas les seuls responsables), sur les micro-organismes du
de plusieurs mois à plusieurs années. De plus, ajoutent les chercheurs,
sol et les lombrics : c’est l’ensemble de la chaîne alimentaire qui est
ces molécules sont hautement solubles dans l’eau et peuvent migrer et touchée, et on assiste à une érosion globale de la biodiversité… La
contaminer des zones n’ayant jamais été traitées. question est maintenant de savoir pourquoi, mis à part en Europe,
Selon le TFSP, « il y a des preuves fortes que les sols, les cours d’eau et les ces effets des pesticides n’ont pas été signalés plus tôt, d’autant plus
plantes, dans les environnements urbains ou agricoles, sont contaminés, qu’ils auront à terme un impact négatif sur l’économie.
à des concentrations variables, par des mélanges de néonicotinoïdes, de

34 Génétique et évolution
LES ARTICLES DU

agronomie est sous la tutelle des pouvoirs publics, qui sont généralement pour l’homme. Il n’en reste pas moins qu’elles finiront par avoir un im-
soucieux de ne pas gêner l’activité économique et donc l’emploi, estime- pact économique négatif important. »
t-il. De plus, les agences de sécurité sanitaire ne se sont guère préoccupées
de ce problème car ces substances ne posent pas de graves problèmes Stéphane Foucart, Le Monde daté du 25.06.2014

Les insecticides néonicotinoïdes triplent la


mortalité des abeilles
Une étude menée au Royaume-Uni sur dix-huit ans illustre de façon incontestable la rela-
tion entre pesticides et déclin des butineurs sauvages.
Les insecticides de la famille des néonicotinoïdes, les plus efficaces jamais L’année 2002 sert enfin de référence : c’est celle où s’est répandue outre-
synthétisés, tuent massivement abeilles et bourdons. Il n’y a plus désormais Manche cette famille de pesticides qui a pour caractéristique d’enrober la
que les firmes agrochimiques pour le nier. Ou du moins pour sous-estimer semence, puis de persister dans toute la plante, fleurs y compris, et dans
le rôle de ces pesticides dans le déclin catastrophique des colonies d’insectes les sols. Les chercheurs ont comparé les courbes d’abondance que chaque
butineurs. Ces sociétés préfèrent le réduire à un facteur pathogène parmi espèce d’abeille saurait dû suivre si ses effectifs avaient poursuivi la tendance
d’autres : virus, monocultures réduisant et fragmentant leurs habitats, dessinée avant 2002, avec les trajectoires réelles ultérieures.
champignons, invasion de frelons, réchauffement climatique…
Il semble, au contraire, que les néonicotinoïdes multiplient par trois cette Un déclin accéléré
mortalité accélérée. C’est ce que défend une étude britannique publiée Leurs modèles en ont déduit que, dans un premier temps, le colza fournit
mardi 16 août par la revue Nature Communications et signée par sept cher- aux abeilles de quoi butiner, mais ce bienfait ne compense pas la toxicité
cheurs du centre pour l’écologie et l’hydrologie de Wallingford et de Fera des pesticides. Au contraire. « Nous estimons que, depuis 2002, l’usage de
Science Limited, un centre de recherche semi-privé sur l’environnement néonicotinoïdes est à lui seul responsable d’une perte supérieure à 20 % pour
et l’alimentation sis à York (nord de l’Angleterre). cinq espèces [Halicte tumulorum, Lasioglossum fulvicorne, L. malachurum,

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Voilà des années que les apiculteurs alertent sur l’impact des néoni- L. pauxillum et Osmia spinulosa] », affirment les auteurs. La même cause
cotinoïdes, qu’ils lient à l’effondrement du nombre de leurs colonies suscite un déclin de 10 % chez vingt-quatre espèces, de plus de 15 % pour onze
d’abeilles, depuis que l’usage de ces produits chimiques s’est généralisé autres, voire de 30 % chez les plus touchées.
dans les campagnes occidentales, à partir de 1995. Au total, les espèces sauvages friandes de colza traité aux néonicotinoïdes dé-
De précédentes études scientifiques ont évalué leurs effets sublétaux et clinent trois fois plus que les autres, observent-ils. Cependant, les non-butineuses
neurotoxiques sur les abeilles domestiques, en particulier. Elles ont montré ne sont pas non plus épargnées et semblent contaminées par d’autres fleurs
notamment que celles-ci perdent leur sens de l’orientation, ou que les ayant poussé à proximité de ces oléagineux.
bourdons donnent naissance à 80 % de femelles en moins… Après bien des atermoiements, l’Union européenne a accepté, en 2013,
d’interdire sur son territoire trois insecticides néonicotinoïdes sur certaines
Des preuves solides cultures. Officiellement décidé pour deux ans, le moratoire est encore en
Mais tous ces travaux n’ont pas apporté de « preuves solides » de l’impact vigueur aujourd’hui.
de ces pesticides sur la disparition des espèces sauvages dans la nature, En France, la nouvelle loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature
avancent les auteurs de la présente étude. A défaut d’établir un lien irréfu- et des paysages, adoptée le 20 juillet, prévoit de tous les bannir au 1er sep-
table de cause à effet, ces derniers estiment qu’ils illustrent cette fois de façon tembre 2018 sur l’ensemble des terres agricoles… mais avec de possibles
incontestable la relation entre produits chimiques et déclin des insectes dérogations jusqu’en 2020.
en ayant croisé dix-huit années de données nationales, portant sur 62 des
250 espèces sauvages d’Angleterre, avec leur exposition aux champs de Martine Valo, Le Monde daté du 18.08.2016
colza traités aux néonicotinoïdes. Cette échelle de temps paraît pertinente,
écrivent-ils, pour observer les évolutions des populations d’insectes et, en
parallèle, « les répercussions des changements historiques dans la gestion POURQUOI CET ARTICLE ?
de l’agriculture ».
Cet article relate la méthodologie et les résultats d’une étude anglaise
Les chercheurs ont eu recours aux relevés rigoureusement effectués au
concernant la toxicité des insecticides néonicotinoïdes, largement uti-
Royaume-Uni par des entomologistes volontaires, amateurs ou non, de la
lisés en agriculture. Depuis plus d’une vingtaine d’années, les apiculteurs
société nationale Bees, Wasps and Ants Recording, de 1994 à 2011. Ils en ont s’inquiètent de la forte baisse de leurs populations d’abeilles domestiques et
écarté les abeilles domestiques, car les apiculteurs les déplacent parfois accusent ces puissants insecticides d’être à l’origine de la mortalité accrue de
en fonction des floraisons. Ils ont retenu les insectes sauvages repérés au leurs insectes. L’étude présentée ici a caractérisé l’influence de la culture de se-
moins cinq cents fois sur des parcelles d’un kilomètre carré ayant fait l’objet mences de colza enrobées de néonicotinoïdes sur des populations d’insectes
d’au moins deux recensements complets en dix-huit ans. Soit au final, une sauvages suivies sur plusieurs années. Le résultat semble sans appel : la pré-
collection de 31 800 inventaires. sence des néonicotinoïdes est bien corrélée avec une augmentation impor-
Quant au colza, il a été choisi pour sa progression fulgurante. Cet oléagineux tante de la mortalité de plusieurs espèces d’insectes. Aujourd’hui, la toxicité
est désormais la principale culture traitée aux néonicotinoïdes et couvre des néonicotinoïdes sur les insectes est solidement établie, il est donc urgent
d’en tirer toutes les conséquences concernant l’utilisation de ces insecticides.
ainsi 8,2 millions d’hectares en Europe.

Génétique et évolution 35
LES ARTICLES DU

Des jachères transformées en garde-manger


pour les abeilles
En Franche-Comté, 700 hectares ont été semés de plantes très nutritives pour aider les
butineuses à passer l’hiver.

Combien d’abeilles en hibernation survivront-elles au froid ? En et les mélanges utilisés pour ces « rotations » automnales
Franche-Comté, « beaucoup plus qu’ailleurs », espère Raymond sont autorisés par la politique agricole commune (PAC) sans
Borneck. À 86 ans, l’ancien président de la Fédération mondiale dérogation sur les surfaces en jachère, car les espèces sont non
d’apiculture (Apimondia), retiré dans son Jura d’origine, se bat invasives et certifiées.
toujours pour ses « protégées ». En lien avec les agriculteurs et Le 18 novembre, le conseil régional de Franche-Comté a réitéré
les chasseurs, l’homme y plaide la cause des jachères apicoles ou son appui à l’opération, inscrit dans une convention plurian-
« cultures interstitielles » expérimentées localement par le réseau nuelle relative au « développement des couverts ». Signé avec la
Biodiversité pour les abeilles. Sur le plan financier, l’initiative, Fédération des chasseurs, qui conduit et coordonne les actions
d’un coût de 180 000 euros sur trois ans, est soutenue par le en faveur de la faune sauvage et de ses habitats sur le territoire,
conseil régional, dont son fils Marc préside le groupe des élus ce programme vise à « promouvoir la démarche dans les milieux
Europe Écologie-Les Verts. « Sans lien de cause à effet », se hâte de agricoles et apicoles, accumuler des connaissances agronomiques
préciser celui-ci. sur cette pratique nouvelle, en démontrer la faisabilité réglemen-

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L’idée de ce projet, labellisé par le ministère de l’Écologie au titre taire et mesurer l’intérêt pour les colonies d’abeilles ».
de l’année 2010 de la biodiversité, est simple : fournir aux colonies Sur la microparcelle de 0,5 hectare qui jouxte le musée de l’Abeille
de butineuses domestiques, durant l’arrière-saison, l’alimentation à Mesnay (Jura), Raymond Borneck, qui a créé l’Institut technique
la plus équilibrée et la plus riche possible pour leur permettre d’apiculture de l’INRA, poursuit ses propres expérimentations.
ensuite de passer l’hiver. En Franche-Comté, région pilote, plus de En 2011, il ne mélangera plus les graines. Les espèces seront se-
700 hectares ont été convertis en zones d’intercultures et semés mées sur des bandes séparées, par types, « pour faire des comp-
d’espèces connues pour leur valeur nutritive. tages sur l’intensité des butinages ». L’évolution agronomique
« Les abeilles d’hiver ne sont pas biologiquement semblables à celles des différentes plantes pourra ainsi être mieux analysée. 
qui travaillent l’été, souligne M. Borneck. Elles ne vivent en moyenne
qu’un mois et demi, contre cinq ou six mois pour ces dernières. Leur Jean-Pierre Tenoux, Le Monde daté du 28.12.2010
mettre à disposition, par exemple, certaines variétés de tournesol
donnant un pollen très supérieur à d’autres permet de leur faire
gagner jusqu’à un mois de longévité. »
POURQUOI CET ARTICLE ?
Sarrasin, avoine, vesce, phalécie, sainfoin, lierres, trèfle blanc, de
Perse et incarnat, mélilot, lotier corniculé rendent plus résistantes Cet article montre comment plusieurs types d’intervenants se mo-
bilisent en France pour venir en aide aux populations d’abeilles.
les ruches installées dans un rayon d’environ trois kilomètres au- En effet, durant l’hiver, des abeilles particulières, à plus longue du-
tour des parcelles. « L’important est de leur offrir une floraison plus rée de vie que celles d’été, habitent la ruche. Elles se nourrissent des
réserves accumulées dans la ruche avant que le froid ne devienne
étalée dans le temps, donc un garde-manger avec des ressources en
trop important. Quand la température devient trop faible (autour de
nectar et pollen suffisantes pour accroître leurs défenses immuni- 10 °C), les abeilles ne quittent plus la ruche. À l’intérieur, les abeilles
taires et la production de miel », résume Pierre Testu, animateur luttent contre le froid en se serrant les unes contre les autres et en
battant des ailes. L’article montre que des apiculteurs, sensibles à la
du réseau Biodiversité pour les abeilles. mortalité des abeilles, se sont mobilisés avec l’aide des agriculteurs
Les agriculteurs qui prêtent leurs sols pendant six mois y trouvent pour organiser la culture de plantes dont le butinage en automne
permet aux abeilles de préparer efficacement le passage de la mau-
leur avantage. « Entre deux récoltes d’orge ou de maïs, le terrain
vaise saison. Ces cultures sont réalisées sur des terres qui sont alors
ne reste pas nu, ces plantes empêchent l’apparition de mauvaises en jachère, c’est-à-dire non cultivées. Ce projet est un bel exemple
herbes, limitent l’érosion et apportent de la matière organique », de coopération entre plusieurs intervenants économiques, scienti-
fiques et institutionnels.
témoigne Inès Jacquet, exploitante à Rigney (Doubs). Les espèces

36 Génétique et évolution
ur Plaque sus-jacente Plaque plongeante

Roches Croûte continentale


Magma
sédimentaires (30-70 km) Volcanisme Point A On précise que le ma
est constitué de périd
Croûte océanique
(7 km) LE DOMAINE CONTINENTAL Échelle non
respectée
et la croûte océanique
de basaltes et de gabb
00°C ET SA DYNAMIQUE
SV
Croûte océanique Lave andésitique

Andésites, rhyolite
Légende :

Lithosphère
océanique
Fosse océanique

00°C
Croûte continentale
Zone de
Océan Pluton de
Manteau supérieur

Lithosphère continentale
SB granodiorite de la pé

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Croûte océanique MOHO
H20

Schi
Manteau stes Magma 1200°C SV Faciès
Lithosphère

verts
océanique

00°C
supérieur
100-150 km Sc
remonte
Manteau lithosphérique hi
ste
sb
Fusion partielle
des péridotites hydratées
SB Faciès
leu
E Faciès
H20

s
00°C Subduction
Manteau asthénosphérique

Éc
700 km lo
gi
Manteau tes

Manteau Iso
00°Cinférieur E th
er
m
e1
30
0C
°

GUTENBERG Séismes Déshydratation


(2885 km)

Noyau
externe

Noyau LEHMANN
nterne (5155 km)
L'ESSENTIEL DU COURS

La caractérisation du domaine continental :


lithosphère continentale, reliefs et épaisseur crustale
Environ 30 % de la superficie totale du globe terrestre sont occupés par les terres émer-
gées. L’altitude moyenne
Composition chimique des continents est de 870 m au-dessus du niveau de la mer,
culminantSilice
à 8 847 m
Alumine (mont
Alcalins Everest). Les caractéristiques de la croûte continentale per-
mettent d’expliquer
(SiO ) (Al O ) son
2 2 épaisseur,
(Na O,K
3 O) 2
son comportement et ses reliefs.
2

70% 14,5% 8,6%

La composition de la croûte continentale Au niveau des chaînes de montagnes, on observe un épaississement


La croûte continentale Magnésium
Calciumest majoritairement
Fer formée de roches magma- crustal lié à un raccourcissement dont les preuves sont visibles sur le
(CaO) et(FeO+Fe
tiques (dont le granite des roches2O3)voisines
(MgO)
du granite), mais aussi terrain (voir ci-contre).
de roches sédimentaires
2,6% et de 3%
roches métamorphiques.
1%
Les roches compressées, transportées à haute altitude ou au contraire
Observé à l’œil nu et au microscope polarisant, un échantillon de enfouies sous de grandes profondeurs, subissent des modifications
granite montre trois types de minéraux : du quartz, des feldspaths liées aux variations de pression et de température (métamorphisme).
Remarque : il est d’usage en géologie
(alcalins comme l'orthoseles
de désigner ouéléments
plagioclases) et des micas.
par leur Les transformations minéralogiques sont accompagnées de change-
oxyde. ments de texture, les minéraux s'alignant progressivement en feuillets
(schistes, gneiss). Ces variations de pression et de température peuvent
Q entraîner une fusion partielle et produire du magma.
Q
PL
Densité et isostasie
Roches Croûte continentale
BI Q sédimentaires (30-70 km)
Atmosphère Croûte océanique Échelle non

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Q (7 km) respectée

Biosphère &
Hydrosphère

Lithosphère
BI MOHO
Q Manteau
supérieur
100-150 km
Asthénosphère

Schéma interprétatif d'une lame mince de granite observée au microscope. 700 km

Q : Quartz, BI : Biotite (mica noir), PL : Feldspaths plagioclases.


Manteau
inférieur

L’épaisseur de la croûte continentale


Le forage le plus profond réalisé dans la lithosphère (en péninsule GUTENBERG
(2885 km)
de Kola) est d’environ 12 km et n’a pas pu traverser la croûte. Des
Noyau
études sismiques indirectes permettent d’estimer la profondeur de externe

la discontinuité de Mohorovi i (Moho), qui correspond à la limite L’épaississement crustal observé au niveau des chaînes de montagnes
entre la croûte et le manteau. Elle est estimée à 30 km en moyenne, pourrait suggérer un excès
Noyau
interne
de masse. Mais enLEHMANN
réalité
(5155 km) elles exercent une
mais n’est pas identique en tout point du globe. attraction moindre que celle à laquelle on pourrait s’attendre. Ceci

PERSONNAGE ZOOM SUR…


ANDRIJA MOHOROVI I LES PLIS ET LES FAILLES Pli Faille
Faille Chevauchement

(1857-1936)
Au début du XXe siècle, ce mé-
Roches
téorologue et sismologue croate plus récentes
commença à s’intéresser à la
Roches
propagation des ondes sis- plus anciennes

miques. Suite au tremblement Force de


de terre de Pokuplje, à proximité compression Un chevauchement conduit des
de Zagreb, le 8 octobre 1909, il ensembles de terrains anciens à
Mouvement
interpréta les sismogrammes et Faille inverse des blocs Les mouvements relatifs des en recouvrir de plus récents. Un
mit en évidence la discontinuité roches le long des failles in- charriage est un chevauchement
entre la croûte et le manteau qui Les plis se forment par flexion verses témoignent du raccour- de grande ampleur pouvant dé-
porte son nom (Moho). plastique des roches. cissement. passer la centaine de kilomètres.

38 Le domaine continental et sa dynamique


L'ESSENTIEL DU COURS

l’isostasie. Au cours du temps, l’érosion élimine progressivement


une partie du massif, ce qui provoque une remontée isostatique de la
racine crustale. Des roches initialement en profondeur peuvent alors
parvenir en surface.

L’âge des roches


Alors que la croûte océanique n’excède pas 200 Ma, la croûte conti-
nentale peut en certains endroits du globe dépasser 4 Ga. Une roche
sédimentaire est plus récente que celle qu’elle recouvre (sauf accident
tectonique) et peut être datée en fonction des fossiles qu’elle contient.
Pour les roches magmatiques, il est nécessaire de recourir à la datation
absolue. Cette méthode de datation est basée sur la décroissance ra-
Cascade de l’Arpenaz dioactive de certains isotopes radioactifs comme le 87Rb. Leur désinté-
gration en fonction du temps constitue un chronomètre naturel. Le
peut s’expliquer par la présence d’une racine crustale, compensant rubidium (Rb) et le strontium (Sr) sont présents en très faible quantité
les reliefs en profondeur, en accord avec les mesures de profondeur (traces) dans les roches magmatiques. Ils présentent différents isotopes.
du Moho. En effet, la densité moyenne de la croûte continentale est Le spectromètre de masse permet de faire la différence entre ces iso-
de 2,7, tandis que celle du manteau lithosphérique est de 3,3. topes car ils n’ont pas la même masse atomique. Le 87Rb se désintègre
Il existe en profondeur une surface de compensation sur laquelle en 87Sr, avec une période de 48,8. 109 ans ( = 1,42. 10−11 an−1) ; le 86Sr est
les pressions exercées par les roches sont égales : il y a équilibre un isotope stable. Lors de la formation d’une roche magmatique, les
isostatique. feldspaths (orthose, plagioclase) et micas incorporent des quantités
Selon le modèle d’Airy, en fonction du relief en surface et de la densité variables de Rb et Sr. Il n’est pas possible de connaître la quantité initiale
des matériaux, des « colonnes » de roches sont donc plus ou moins d’isotopes radioactifs au moment de la formation de la roche : on utilise
épaisses en profondeur. Au niveau des domaines continentaux, la les rapports 87Rb/86Sr et 87Sr/86Sr. Après refroidissement du magma, la
racine crustale constituée de matériaux peu denses s’étend sur une roche formée ne va plus échanger avec le milieu environnant, on parle
épaisseur proportionnelle à l’altitude du massif, à la profondeur de de fermeture du système. Les isotopes évoluent spontanément selon
compensation. les lois physiques de désintégration radioactive : la quantité d’éléments
Cet état d’équilibre réalisé à une profondeur variable de la Terre est pères diminue, la quantité d’éléments fils augmente. En mesurant les
quantités actuelles des éléments pères et fils dans un échantillon pour

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
au moins deux minéraux différents, on peut tracer une droite (iso-
chrone) et déterminer le temps écoulé depuis la fermeture du système,
c’est-à-dire depuis la cristallisation des minéraux lors de la mise en
place de la roche par refroidissement du magma. 

TROIS ARTICLES DU MONDE À CONSULTER

• Voyage vers le manteau de la Terre, dans la croûte océanique


du Pacifique p. 41-42
(Pierre Le Hir, Le Monde daté du 16.04.2011)
• Le voyage sous la Terre du satellite Goce p. 42
(Christiane Galus, Le Monde daté du 17.03.2010) 
• La structure interne des Pyrénées dévoilée p. 43
(Pierre Rimbert, Le Monde daté du 07.09.1995)

ZOOM SUR…
NOTIONS CLÉS
LE PROGRAMME ECORS
Le programme Étude continentale LA STRUCTURE INTERNE L’ISOSTASIE D’APRÈS
et océanique par réflexion et réfrac- DU GLOBE LE MODÈLE D’AIRY
tion sismiques (ECORS), débuté en La Terre est constituée d’enve- d1 = densité de la croûte continen-
France en 1983, consiste à explorer loppes de compositions chimiques tale = 2,7 ; d2 = densité du man-
la croûte terrestre, ses variations différentes : la croûte, le manteau teau = 3,3.
d’épaisseur et sa structure interne (constitué de péridotites) et le noyau Selon le modèle d’Airy, en fonc-
afin de déterminer ses proprié- (contenant principalement du fer et tion du relief en surface et de la
tés et son évolution. La recherche du nickel). La discontinuité de Mo- densité des matériaux, les « co- d1
d’hydrocarbures, l’exploration géo- horovi i marque la limite entre lonnes » de roches sont plus ou
thermique et l’évaluation du risque la croûte et le manteau. La croûte moins épaisses en profondeur.
sismique sont des applications pra- et la partie rigide du manteau su- Les pressions qu’elles exercent
tiques qui en découlent grâce à la périeur constituent la lithosphère, sont égales au niveau de la sur-
connaissance précise des zones sé-
d2
découpée en plaques, reposant sur face de compensation, où il y a
dimentaires et des zones fracturées. l’asthénosphère, plus ductile. équilibre isostatique.

Le domaine continental et sa dynamique 39


UN SUJET PAS À PAS

Partie 1 : La caractérisation du domaine continental


L’intitulé complet du sujet 6. Des mesures isotopiques effectuées sur des minéraux des gra-
nites G1 et G2 ont permis de construire le graphique ci-dessous.
Sélectionnez la proposition exacte pour chaque question de 1 à 6.
Les droites ont pour équation : 87Sr/86Sr = ( t) 87Rb/86Sr + 87Sr0/86Sr.
a) Le granite G1 est plus âgé que le granite G2.
1. La croûte continentale est principalement formée :
b) Le granite G2 est plus âgé que le granite G1.
a) de gabbros et de granites.
c) Les granites G1 et G2 sont de même âge.
b) de roches sédimentaires et de granites.
d) Le coefficient directeur de la droite isochrone ne varie pas de la
c) de péridotites.
même façon que t, le temps écoulé depuis la fermeture du système.
d) de roches voisines du gabbro.
2. Les différences d’altitude entre continents et océans sont dues au fait que :
a) la croûte continentale est moins dense et plus épaisse que la croûte
océanique.
b) la croûte continentale est plus dense et plus épaisse que la croûte
océanique.
c) la croûte continentale est moins dense et plus fine que la croûte
océanique.
d) la croûte continentale est plus dense et plus fine que la croûte
océanique.
3. Un granitoïde est une roche :
a) magmatique à structure grenue.
b) magmatique à structure vitreuse. Ce qu’il ne faut pas faire
• Se dispenser d’une relecture attentive en fin d’épreuve car il s’agit
c) sédimentaire à structure vitreuse. d’un QCM : les réponses peuvent beaucoup se ressembler et une
d) sédimentaire à structure grenue. faute d’inattention est possible.
4. La croûte continentale :

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a) est en moyenne plus jeune que la croûte océanique.
b) est plus dense dans les zones de collision. Le corrigé
c) s ’épaissit progressivement dans les zones de collision anciennes. 1. b), 2. a), 3. a), 4. d), 5. c), 6. b) 
d) s’altère sous l’effet des agents de l’érosion.
5. La méthode de datation rubidium-strontium est fondée sur la dé-
croissance radioactive du 87Rb, qui se désintègre spontanément en
87Sr, un isotope stable. On mesure dans la roche à dater les quantités
AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC SUR CE THÈME
de 87Rb, 87Sr et 86Sr, un isotope stable dont la quantité est supposée
constante au cours du temps.
Partie 2.1
a) On connaît les quantités initiales des éléments pères et fils. – Exploiter des documents pour mettre en relation un modèle et
b) Le 86Sr est un élément fils du 87Sr. des mesures afin d’expliquer la notion d’isostasie.
Partie 2.1
c) Il est indispensable d’effectuer des mesures sur plusieurs minéraux
– Identifier dans des documents les preuves d’un raccourcissement
de la roche à dater. et d’un épaississement crustal au niveau d’une chaîne de montagnes.
d) Cette méthode de datation est adaptée aux roches sédimentaires.

ZOOM SUR…
LA DATATION ABSOLUE d’un magma. En effet, une roche adapté selon sa demi-vie et l’âge fils présente actuellement dans
La datation isotopique a révolution- sédimentaire est notamment à déterminer. Au-delà de dix fois l’échantillon, F0 celle présente ini-
né la mesure du temps en géologie. constituée de fragments de reliefs la demi-vie de l’isotope, toute me- tialement, P la quantité de l’iso-
En complément de la datation rela- érodés, dont la datation ne don- sure est impossible. On mesure tope père,  la constante carac-
tive, qui permet d’ordonner chro- nerait pas l’âge de la formation de les quantités d’isotopes radioac- téristique du couple isotopique :
nologiquement des événements la roche sédimentaire elle-même tifs présents dans l’échantillon F = ( t) P + F0.
géologiques les uns par rapport aux mais de la roche magmatique en utilisant un spectromètre de La quantité de 86Sr étant stable, on
autres, la datation absolue permet dont elle est issue par érosion et peut utiliser les rapports 87Rb/86Sr
masse. On procède ensuite aux
de leur attribuer un âge, en millions sédimentation ; et 87Sr/86Sr.
calculs.
d’années par exemple. – le système doit être fermé de- Ainsi 87Sr/86Sr = ( t) 87Rb/86Sr +
Cependant l’échantillon à dater puis la formation de la roche. Au- LA DÉTERMINATION DE 87
Sr0/86Sr, soit l’équation d’une
doit satisfaire à certains critères : cun élément ne doit avoir quitté L’ÂGE D’UNE ROCHE PAR droite de coefficient directeur ( t)
– il doit s’agir d’une roche mag- l’échantillon ou y être entré. LA MÉTHODE 87RB/87SR Le coefficient directeur de la droite
matique dont on datera la cris- Pour dater un échantillon, il faut Rb87Sr + e−
87
permet de calculer t, le temps écou-
tallisation par refroidissement choisir l’isotope radioactif le plus Soit F la quantité de l’isotope lé depuis la formation de la roche.

40 Le domaine continental et sa dynamique


LES ARTICLES DU

Voyage vers le manteau de la Terre, dans la


croûte océanique du Pacifique
Au large du Costa Rica, une mission internationale va forer l’écorce terrestre sur 2 km
pour prélever des roches profondes, témoins de l’histoire géologique de notre planète.

À mesure que nous descendions, la succession des couches composant le projet Mohole, du nom du géologue croate Andrija Mohorovi i qui,
le terrain primitif apparaissait avec plus de netteté. […] Jamais minéra- dès 1909, avait découvert l’existence, à la limite entre l’écorce et la partie
logistes ne s’étaient rencontrés dans des conditions aussi merveilleuses supérieure du manteau terrestre, d’une discontinuité se manifestant
pour étudier la nature sur place. » Dans son Voyage au centre de la par une accélération de la vitesse de propagation des ondes sismiques.
Terre, publié en 1864, Jules Verne imagine la jubilation du professeur Au printemps 1961, au large de l’île mexicaine de Guadalupe, les Amé-
Lindenbrock et de son neveu Axel devant « ces richesses enfouies dans ricains percèrent plusieurs trous jusqu’à près de 200 m. Mais, faute de
les entrailles du globe ». techniques de forage adaptées, le projet fut abandonné cinq ans plus
Un siècle et demi plus tard, l’enthousiasme de Benoît Ildefonse (Labora- tard, après avoir englouti plus de 50 millions de dollars (34,6 millions
toire de géosciences, CNRS-université de Montpellier-II) n’est pas moins d’euros environ). Par dérision, l’entreprise fut rebaptisée « Nohole »,
vif à l’idée de creuser jusqu’aux couches inférieures de l’écorce terrestre, pas de trou.
à 2 km de profondeur, et d’en remonter à la surface, pour la première Depuis, plusieurs milliers de forages scientifiques ont été conduits, dans
fois, des roches encore jamais extraites de leur gangue. En attendant de le cadre de collaborations internationales dont l’actuelle est l’Integrated
pouvoir un jour traverser cette pellicule superficielle pour accéder, sous Ocean Drilling Program (IODP). Mais aucun n’a atteint la discontinuité
la croûte terrestre – épaisse de 30 km en moyenne sur les continents et de Mohorovi i , plus simplement appelée le Moho. Le plus profond n’a
de 6 km sous les océans –, au manteau qui entoure le noyau de notre pas dépassé 2 111 m. L’exploitation pétrolière offshore va bien au-delà

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
planète et qui représente les deux tiers de sa masse. – au large de Cayenne, en Guyane, la compagnie britannique Tullow
Le chercheur est l’un des deux codirecteurs, avec le Britannique Damon vient d’entreprendre un forage d’exploration jusqu’à 4 300 m sous le
Teagle (Centre national d’océanographie de l’université de Southamp- plancher océanique –, mais dans des couches sédimentaires recelant
ton), de la mission scientifique internationale qui, du 13 avril au 30 juin, des gisements d’hydrocarbures, et sans carottage de roches, qui exige
va réaliser un forage océanique dans le Pacifique est, au large du Costa un équipement plus sophistiqué.
Rica, avec le bateau américain Joides Resolution. Un bâtiment de 143 m La mission en cours servira de repérage pour une nouvelle tentative
de long, équipé d’un derrick de 61 m de hauteur qui permet de déployer de creusement jusqu’au Moho, 4 000 m plus bas. Elle pourrait être
plus de 9 km de tubes de forage dans les abysses, pour atteindre l’écorce décidée, espère Benoît Ildefonse, dans la décennie à venir. Il y faudra
terrestre. À bord, un laboratoire peut effectuer l’analyse physique, des moyens de forage et de carottage encore plus performants. Et un
chimique et magnétique des carottes minérales extraites du sous-sol. financement international de plusieurs centaines de millions d’euros.
Cette campagne doit pousser plus avant les forages déjà effectués dans le C’est à ces conditions que seront mieux compris « la dynamique interne
même puits, en 2002 et 2005, jusqu’à une profondeur de 1 500 m. C’est- de notre planète, la tectonique des plaques à l’origine des séismes tels que
à-dire sans dépasser la croûte océanique supérieure. L’objectif est cette celui du 11 mars au Japon, ou encore le rôle de la croûte et du manteau
fois de descendre jusqu’à 2 000 m, au niveau de la croûte océanique terrestres dans le cycle du carbone », plaide le chercheur.
inférieure. Là où les basaltes de surface, nés du refroidissement rapide « Forer jusqu’au manteau est le plus grand défi de l’histoire des sciences
du magma issu de la fusion des roches du manteau, cèdent la place aux de la Terre, dit-il. Paradoxalement, nous en savons davantage sur d’autres
gabbros, des roches formées par une cristallisation plus lente du magma. planètes, grâce aux missions spatiales, que sur la nôtre. » 
Le site prospecté se trouve sur la plaque Cocos, près d’une dorsale
Pierre Le Hir, Le Monde daté du 16.04.2011
océanique (zone de divergence entre deux plaques tectoniques où se
produisent des remontées de magma) où la formation de la croûte,
voilà quinze millions d’années, a été particulièrement rapide. La croûte POURQUOI CET ARTICLE ?
supérieure y est plus mince qu’ailleurs, ce qui rend les gabbros plus
Cet article montre que, malgré les techniques de prospection in-
accessibles. « L’examen d’échantillons de ces roches permettra de mieux
directe, les tentatives de forage dans la croûte terrestre à des pro-
connaître la structure de la croûte, la façon dont elle se forme à partir fondeurs de plus en plus importantes sont toujours d’actualité.
du magma du manteau et leur mode de refroidissement », explique Aucun forage n’a jamais atteint la discontinuité de Mohorovi i (le
Benoît Ildefonse. Moho), mais cet objectif est plus envisageable en milieu océanique,
où la croûte de 6 km est bien moins épaisse que la croûte continen-
Ce n’est qu’un début. L’expédition coïncide avec le 50e anniversaire du tale (30 km).
plus ambitieux programme de forage scientifique de tous les temps :

Le domaine continental et sa dynamique 41


LES ARTICLES DU

Le voyage sous la Terre du satellite Goce


En mesurant des variations de gravité, l’engin a fourni une carte mondiale d’une frontière
géologique, le Moho.

Lorsque Isaac Newton conçut la loi de la gravitation universelle, du globe de Paris. Or la croûte terrestre et le manteau supérieur
il n’imaginait pas que, trois siècles plus tard, des scientifiques sont d’un grand intérêt pour les scientifiques. C’est l’endroit où se
utiliseraient les données du champ de gravité terrestre obtenues situe la plus grande partie des processus géophysiques importants
par des satellites pour étudier les profondeurs inaccessibles de liés à la tectonique des plaques, tels les séismes, les volcans et la
notre globe. Des chercheurs de l’École polytechnique de Milan naissance des montagnes.
(Italie), dirigés par Daniele Sampietro, viennent en effet de réaliser Mais comment des données gravimétriques peuvent-elles fournir
la première carte mondiale du Moho, cette zone frontière située des renseignements sur la structure interne de la Terre ? « Si la
entre la croûte terrestre et le manteau supérieur. Ils ont obtenu Terre était un oignon, avec des couches homogènes et sphériques,
ce résultat en interprétant les données recueillies par le satellite la pesanteur serait partout la même à la surface du globe, précise
Goce de l’Agence spatiale européenne (ESA), en orbite à 265 km Michel Diament. Or la Terre est hétérogène. Il y a des endroits plus
de la Terre. Cet engin, lancé en mars 2009, a fourni des données ou moins denses, si bien que la pesanteur est variable et reflète la
gravimétriques d’une finesse inégalée – à l’échelle de 80 km – de répartition hétérogène de la matière à différentes profondeurs. »
l’ensemble du globe. Cette image du Moho a été réalisée dans le Cette répartition hétérogène des masses à l’intérieur de la Terre
cadre d’un projet (Gemma) financé par l’ESA. contrôle également le géoïde, la forme qu’aurait la Terre si elle
Le Moho est le nom de la discontinuité découverte par le sismo- était recouverte entièrement d’océans. Et les scientifiques ont

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logue croate Andrija Mohorovi i , alors qu’il étudiait la propaga- découvert des choses surprenantes. En étudiant la trajectoire des
tion des ondes sismiques générées par le séisme du 8 octobre satellites, qui subit l’influence du champ de gravité terrestre, ils
1909 en Croatie. Il avait découvert à cette occasion que les ondes ont mis en évidence une Terre cabossée, invisible à l’œil nu, avec
accéléraient après le Moho. Ce dernier est situé en moyenne à une des bosses sur la Papouasie-Nouvelle-Guinée et le Pacifique ouest,
profondeur de 25 km à 60 km sous les continents et de 5 km à et un grand creux associé à l’océan Indien. Les six accéléromètres
8 km sous les océans. Au-delà, on trouve le manteau, puis le noyau de Goce ont confirmé ces données avec une précision inégalée. 
liquide et la graine (le noyau solide), située à plus de 5 000 km de
profondeur. Christiane Galus, Le Monde daté du 17.03.2010

« Cartographie globale »
Toutes ces données ont été fournies grâce aux ondes sismiques.
Car personne – contrairement aux héros de Jules Verne – n’a pu
POURQUOI CET ARTICLE ?
aller sonder le centre de la Terre. Les Américains, les Allemands Cet article récent montre l’évolution des techniques de détermina-
et les Russes ont bien tenté de forer le Moho, sans résultat, bien tion de la profondeur du Moho, la limite entre la croûte terrestre
et le manteau. C’est un satellite mesurant les variations de la gra-
que les Russes aient atteint la profondeur de 12 km en 1989 dans vité, liées à l’hétérogénéité de densité des matériaux, qui a permis
la presqu’île de Kola. d’en réaliser une carte mondiale.
Jusqu’à présent, on possédait bien des données éparses sur les
différentes profondeurs du Moho, obtenues par les ondes sis-
miques ou des données gravimétriques locales, dont les variations
reflètent la différence de densité entre les roches de la croûte et
celles du manteau. Mais « l’hétérogénéité de ces informations dans
le temps et dans l’espace se traduit par de grandes erreurs dans le
résultat final », estime Daniele Sampietro.
Aujourd’hui, grâce à Goce, « les chercheurs italiens ont réalisé une
cartographie globale de l’épaisseur de la croûte terrestre », explique
Michel Diament, spécialiste de gravimétrie à l’Institut de physique

42 Le domaine continental et sa dynamique


LES ARTICLES DU

La structure interne des Pyrénées dévoilée


Des chercheurs dressent une carte tridimensionnelle de la chaîne.

Il y a 65 millions d’années, l’Espagne faisait une entrée « fra- séismes locaux ou lointains. Chaque couche traversée par le train
cassante » au sein de l’Europe. De la collision entre les plaques d’ondes est caractérisée par une vitesse de propagation spécifique.
tectoniques Eurasie, au nord, et Ibérie, au sud, naissait alors la Si le sous-sol est homogène, le temps de propagation des ondes
chaîne des Pyrénées. Les mécanismes géologiques ayant conduit ne dépend que de la distance de leur foyer. En revanche, toute
à cette formation sont encore controversés. Annie Souriau, du discontinuité de la structure interne provoque une avance ou un
Laboratoire de dynamique terrestre et planétaire, de Toulouse, et retard du front d’ondes. Ainsi, la traversée d’une structure à vitesse
Michel Granet, de l’Observatoire de physique du globe, de Stras- de propagation élevée sera mise en évidence par une légère avance
bourg, ont mené une étude sur la structure profonde des Pyrénées. du signal. La comparaison des temps d’arrivée permet de localiser
Les chercheurs ont utilisé pour cela une technique, très promet- la position de chaque anomalie.
teuse, d’analyse du temps de propagation des ondes sismiques qui Mais, pour obtenir une carte tridimensionnelle à grande échelle
diffère des systèmes (camions vibreurs) habituellement utilisés d’une chaîne de collision, il faut disposer d’un large réseau de sta-
par les pétroliers. Résultat : une véritable radiographie d’est en tions capables de recevoir et d’enregistrer les ondes sismiques. La
ouest des Pyrénées, interprétable en trois dimensions, détaillant précision de l’étude en dépend. Le massif pyrénéen est équipé d’un
avec précision la situation des couches géologiques jusqu’à une grand nombre de sismographes, installés notamment à la suite

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profondeur de 200 kilomètres. du tremblement de terre qui secoua le village d’Arette, le 13 août
Cette étude valide un modèle de formation de la chaîne monta- 1967, au sud-ouest de Pau (Pyrénées-Atlantiques). Ce séisme, d’une
gneuse, lié à l’histoire tectonique mouvementée de l’Espagne. magnitude de 5,7 sur l’échelle de Richter, détruisit le petit village
Située, il y a 200 millions d’années, à l’ouest de la France, alors pyrénéen et causa la mort d’une personne.
que la Galice est en face du Finistère, la plaque Ibérie entame une Annie Souriau et Michel Granet ont ainsi bénéficié des données
lente rotation vers le sud. Tournant autour d’un axe situé à l’ouest issues d’une quarantaine de stations fixes françaises et espa-
des Pyrénées, elle ouvre, sur son passage, le golfe de Gascogne. gnoles, dont certaines mises en place dans des buts très divers :
Repoussée par la plaque africaine, elle entre en contact avec enregistrements sismiques, contrôle des avalanches en Espagne
l’Europe. Lors de cet affrontement tectonique, la plaque Ibérie ou surveillance du gisement de gaz de Lacq en France. Mais, re-
s’encastre dans son vis-à-vis européen. La partie supérieure de la grette Annie Souriau, le fonctionnement du réseau pyrénéen,
croûte s’élève alors et forme les Pyrénées. géré par l’Observatoire Midi-Pyrénées, est aujourd’hui menacé
L’étude des chercheurs a montré que la partie inférieure de la d’interruption. Les stations nécessitent un entretien régulier et
croûte ibérique a amorcé un plongeon sous son homologue minutieux. Or, les ingénieurs en charge de cette tâche, bientôt à
européenne. Elle s’est ensuite enfoncée sous l’écorce terrestre, la retraite, ne seront pas remplacés cette année. 
dans une zone connue sous le nom de manteau, jusqu’à une
profondeur de 100 kilomètres. Ces travaux ont également mis en Pierre Rimbert, Le Monde daté du 07.09.1995
évidence la remontée et la percée à travers la croûte de deux gros
blocs d’origine profonde. Invisibles en surface, ils coïncident avec
des anomalies gravimétriques connues par ailleurs. La morsure
de ces deux « dents » rocheuses à travers la couche sédimentaire POURQUOI CET ARTICLE ?
pourrait expliquer une partie importante de l’activité sismique
de cette région. Cet article déjà ancien décrit le principe et les intérêts de la pros-
pection sismique pour la compréhension de la structure pro-
fonde des chaînes de montagnes. Complémentaires de l’étude des
Un large réseau de stations affleurements et des roches, ces techniques permettent de recons-
Pour parvenir à ces résultats, les chercheurs ont mesuré et ana- tituer l’histoire d’un relief, selon des scénarios qui ont évolué de-
puis 1995 au gré des nouvelles découvertes.
lysé les temps de propagation des ondes sismiques provenant de

Le domaine continental et sa dynamique 43


L'ESSENTIEL DU COURS

Contexte de la formation des chaînes de


montagnes et disparition des reliefs
Une partie des terres émergées est formée de chaînes de montagnes, anciennes ou tou-
jours en cours de surrection. L’exemple des Alpes permet d’étudier la formation d’une
chaîne de collision dans un contexte de convergence lithosphérique. Les traces d’un
ancien domaine océanique y témoignent de sa fermeture par subduction. Au cours du
temps, les chaînes de montagnes, comme tous les reliefs formés à la surface de la Terre,
tendent à disparaître : la lithosphère continentale est recyclée en permanence.
Les traces d’un ancien océan L’une des causes de la subduction
Le mont Chenaillet, situé dans les Alpes, est composé de roches La lithosphère océanique est formée de croûte océanique (densité 2,9)
basaltiques en forme de coussins, qui rappellent les pillow-lavas des et de manteau lithosphérique (densité 3,3). La densité globale de la
dorsales océaniques. Sous ce basalte se trouvent successivement des lithosphère océanique dépend des épaisseurs relatives de croûte et
gabbros et des péridotites : il s’agit d’une série ophiolitique, vestige de manteau. La limite avec le manteau asthénosphérique est une
d’une lithosphère océanique de 155 Ma, charriée sur le continent. limite physique qui définit le comportement plus ou moins ductile
Dans la zone dauphinoise, près du Bourg-d’Oisans, des blocs basculés des péridotites : l’isotherme 1 300 °C. En s’éloignant de la dorsale, la
séparés par des failles normales sont recouverts de formations lithosphère océanique se refroidit, l’isotherme 1 300 °C s’enfonce,
sédimentaires, rappelant les dépôts des marges passives. Ce sont les et le manteau lithosphérique s’épaissit : la densité de la lithosphère
vestiges de la naissance d’un océan. océanique augmente au cours du temps.

distance à l’axe de la dorsale


Coupe des blocs basculés Mure/Taillefer/Rochail

a
M

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5

a
M
Le Taillefer Le Rochail

25

a
M

a
Âge

M
35
Ouest Est 5 km

40
MOHO

58 km

isoth
erme
130 0 °C
Profondeur
(en km)
Croûte océanique d=2,9
Jurassique supérieur et crétacé (- 96 à - 154 Ma) : Carbonifère (- 295 à - 355) : schistes noirs et conglomérats
Hc
MOHO ρ moyenne = Hc ρ croûte + Hm ρ
calcaires et marnes à ammonites et calpionelles
d = 2,9 manteau lithosphérique / H
Jurassique inférieur et moyen (- 54 à - 154 Ma) : Socle primaire : roches magmatiques et métamorphiques
calcaires et schistes à ammonites, bélemnites et crinoïdes Manteau
lithosphérique d=3,3 Hm H
Trias (- 205 à - 245 Ma) : dolomites très pauvres en fossiles Faille
d = 3,3

Ammonites et bélemnites : mollusques marins pélagiques (nageant en pleine mer) isotherme 1300 °C
Crinoïdes : organismes benthiques (fixés sur les fonds marins) Asthénosphère d=3,25
Calpionelles : organismes unicellulaires marins pélagiques

Détail de la structure d’une lithosphère océanique /


Vestiges de marges passives dans les Alpes Évolution de la lithosphère océanique au cours du temps

MOTS CLÉS NOTION CLÉ


DENSITÉ MARGE PASSIVE PLAQUE LA TECTONIQUE DES PLAQUES
Rapport de la masse d’un cer- Zone de transition entre une LITHOSPHÉRIQUE Il s’agit d’une théorie élaborée à la
tain volume d’un corps à celle croûte continentale et une Portion de lithosphère d’une fin des années 1960.
du même volume d’eau (ou d'air croûte océanique au sein d’une centaine de kilomètres d’épais- Trois types de mouvements relatifs des
pour les gaz). même plaque lithosphérique. seur, aux frontières de laquelle plaques sont observés à leurs limites :
L’histoire de la naissance des des reliefs (dorsales, chaîne de – des mouvements de convergence
MARGE ACTIVE montagnes, fosse océanique)
océans est enregistrée au niveau au niveau des chaînes de mon-
Limite océan/continent qui
de leurs marges passives (failles et une activité sismique et/ou tagnes et des zones de subduction ;
correspond à une frontière de
normales et sédimentation ca- volcanique sont observés en re- – des mouvements de divergence au
plaque convergente.
ractéristiques du rifting). lation avec les mouvements rela- niveau des dorsales océaniques où il y
Les marges actives sont le siège
tifs des autres plaques. a création de lithosphère océanique ;
de la subduction et se caracté-
– des zones de coulissage où il n’y
risent par une importante acti-
a ni création ni destruction de
vité sismique et volcanique.
surface lithosphérique.

44 Le domaine continental et sa dynamique


L'ESSENTIEL DU COURS

Entre 30 et 50 Ma, la lithosphère océanique devient plus dense que La disparition des reliefs
l’asthénosphère (densité 3,25) et peut plonger par subduction, si Plusieurs orogenèses se sont succédé au cours de l’histoire de la Terre :
les conditions y sont favorables. Ceci explique qu’il n’existe pas de calédonienne (480-420 Ma), hercynienne (320-260 Ma) et alpine. Les
lithosphère océanique plus ancienne que 200 Ma. reliefs de la Grande-Bretagne, de la Scandinavie et du Groenland sont
des vestiges de la première ; les Ardennes, les Vosges, le Massif central
La collision et le Massif armoricain, de la deuxième. Ces reliefs ont depuis été
Lorsque l’océan séparant deux continents s’est refermé et que la croûte érodés. Tout relief est donc un système instable qui tend à disparaître
océanique est entièrement subduite, les deux masses continentales aussitôt qu’il se forme.
s’affrontent. Entre elles subsiste la « suture » de matériaux océaniques. Des événements tectoniques peuvent fragiliser des édifices rocheux.
L’essentiel de la lithosphère continentale continue de subduire, mais D’autres facteurs, liés au climat et à l’altitude, participent à l’érosion
la partie supérieure de la croûte s’épaissit par empilement de nappes (eau, vent). Les végétaux y contribuent également par la sécrétion de
dans la zone de contact entre les deux plaques. substances acides ou en s’insinuant dans les fissures déjà formées. L’eau
est un facteur chimique, mais aussi physique, d’érosion : les vagues, les
Phase de convergence torrents, les glaciers modifient les paysages. Chargé de particules de
sable, le vent rabote et polit les amas rocheux. Les blocs et les particules
glissent le long de la pente formée par le relief, puis peuvent être
Crétacé sup
80 Ma transportés par l’eau ou le vent très loin du lieu d’altération, en fonction
Subduction de la lithosphère océanique de leur taille. Les sédiments se déposent lorsqu’ils rencontrent un
Épaississement Ophiolite obductée obstacle ou un bassin. Ils peuvent alors former une roche sédimentaire.
de la croûte est La croûte continentale est recyclée en permanence 
continentale

Eocène
50 Ma

Collision

La naissance d’une chaîne de montagnes

Des transformations minéralogiques


Au cours de la subduction et de l’épaississement, les roches sont

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soumises à des variations importantes de pression et de température, à
l’origine de la transformation des minéraux : c’est le métamorphisme.
Les minéraux trouvés dans les roches alpines montrent que celles-ci ont
été soumises à des pressions et des températures élevées avant de revenir
en surface. Dans le domaine interne des Alpes, le métamorphisme a une
intensité croissante de l’ouest vers l’est (la pression et la température
auxquelles ont été soumises les roches sont de plus en plus élevées) : Le cycle des roches
ceci indique le sens de la subduction. Les basaltes et les gabbros sont
métamorphisés en métagabbros à faciès à schistes vert à chlorite et
DEUX ARTICLES DU MONDE À CONSULTER
actinote, puis à faciès à schistes bleus à glaucophane, puis à faciès à
éclogite à grenat, témoignant du métamorphisme haute pression / basse • Le Népal est sous la menace d’un séisme encore plus puissant p. 48
température, caractéristique de la subduction ayant précédé la collision. (Pierre Le Hir, Le Monde daté du 28.04.2015)
Ces roches métamorphiques ont une densité plus élevée que les roches • Pour les sismologues, ce tremblement de terre n’est pas encore
d'origine. Ceci a renforcé l'enfoncement de la lithosphère océanique le « big one » p. 49 (Hervé Morin, Le Monde daté du 12.03.2011)
dans l'asthénosphère au cours de la subduction.

MOT CLÉ ZOOM SUR…


MÉTAMORPHISME DES TÉMOINS DE supérieures à 30 kbars (90 km de au soleil, le mica noir emmagasine la
Transformations minéralogiques L’HISTOIRE ALPINE profondeur). chaleur et se dilate. Pendant la nuit,
et structurales d’une roche à l’état • Des roches prélevées en Vanoise On peut dater les événements mé- la roche refroidit et se contracte de
solide, sous l’effet de variations ont été soumises à une pression de tamorphiques et les placer dans un façon différente dans les parties su-
de température et de pression, 11 kbars, correspondant à une pro- diagramme afin de tracer un trajet perficielles et profondes. Des fissures
sans modification importante de fondeur de 33 km et à une tempé- pression-température-temps et de se forment, dans lesquelles l’eau de
sa composition chimique. rature de 390 °C. reconstituer une partie de l’his- pluie va pouvoir s’insinuer. Une suc-
• Des roches prélevées au mont toire de la chaîne de montagnes. cession de gel/dégel fragilise la roche
Viso (zone de fort métamorphisme) et élargit les fissures.
L’ÉROSION DU GRANITE
témoignent d’une pression de Un massif granitique va s’altérer, de- Boule granitique
21 kbars (63 km de profondeur) et venant du granite pourri et une arène Granite pourri
d’une température de 550 °C. granitique, un sable dans lequel des
• La coésite trouvée dans le massif grains de feldspaths, des paillettes Arène granitique
italien Dora-Maira correspond à de mica et des grains de quartz sont
du quartz soumis à des pressions identifiables. Si le massif est exposé

Le domaine continental et sa dynamique 45


UN SUJET PAS À PAS

Partie 2.2 : La formation des Alpes


L’intitulé complet du sujet Document 2 : Domaines de stabilité de quelques associations de
On cherche à montrer comment des données de terrain peuvent minéraux de la croûte océanique
permettre de comprendre des événements géologiques anciens. 100 200 300 400 500 600 700 800 Température (en °C)

Vous avez effectué une excursion géologique dans les Alpes et hornblende pyroxène
pagaioclase pagioclase
rapporté des échantillons et des photographies. En vous appuyant 0,5
chlorite
actinote
glaucophane
plagioclase
sur ces données de terrain et d’autres informations présentes dans le plagioclase

dossier, rédigez un compte-rendu de votre excursion, illustré par un ou (glaucophane


1 glaucophane grenat plagioclase)
plusieurs schémas, pour montrer que les indices recueillis permettent jadéite
quartz
de comprendre certaines étapes de l’histoire de la formation de cette glaucophane
grenat
plagioclase
grenat grenat
chaîne de montagnes. Votre réponse s’appuiera sur l’exploitation 1,5 jadéite jadéite
quartz quartz
du dossier. Aucune étude exhaustive des documents n’est attendue.

Document de référence : Carte simplifiée des Alpes


Remarque : les transformations minérales étant très lentes,
des minéraux formés dans un domaine de température
JURA et pression donné peuvent être encore présents même si la roche
Genève
A
L n’est plus dans ce domaine (minéraux reliques).
TR
EN
IF
C Source : Centre Briançonnais de Géologie Alpine
SS
A
M
Massif des Bornes Document 3 : Observation microscopique d’un métagabbro du
Grenoble
mont Viso (Alpes italiennes) et son schéma interprétatif
Briançon Chenaillet
e

Mont Viso
Rhôn

J
GT

PROVENCE Nice

Marseille
0 50 km J GI

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
UNITÉS ALPINES : GT : grenat
Gl : glaucophane
de la marge continentale européenne 0,7 mm
Originaires
J : jadéite
sédiments
de l’océan alpin
ophiolites
de la marge continentale africaine Document 4  : Rochers de Leschaux dans les Alpes (massifs des
Bornes, Haute Savoie, Nord de Grenoble) et croquis d’interprétation.
(Crédit photographique : Christian Nicollet/ UBP Clermont-Ferrand)
Les documents
Document 1 : Coupe géologique schématique des ophiolites du Chenaillet

Coupe géologique schématique des ophiolotes du Chenaillet.


Les basaltes supérieurs sont
Altitude (en m) Le Chenaillet
âgés de 100 millions d’années
Les plus vieux sédiments
2600

2400
océaniques (non figurés sur
500 m
la coupe) qui surmontent
2200 les basaltes ont 65 millions
d’années.
Péridotites métamorphisées
Basaltes en filons
Gabbros
Basaltes en coussins Brèches magmatiques Cinf 1 et Cinf 2 : couches datées du crétacé inférieur.
Source : Comprendre Cinf 1 est une couche plus ancienne que Cinf 2. Elle est constituée
et enseigner la planète terre. d’épaisses masses de calcaires blancs à Rudistes et Orbitolinidés
ZOOM SUR…
Caron et al. Ophrys (mollusques et foraminifères marins fossiles).

L’HISTOIRE DES ALPES se déposent. La datation paléon- ropéenne est entraînée à son tour fossiles marins, témoins de l’an-
Elle commence par la mise en tologique de roches contenant dans la subduction, puis la colli- cien domaine océanique :
place d’un fossé d’effondrement des fossiles marins indique que sion proprement dite débute, aux – les calcaires à rudistes (mollusques
continental, prélude du futur l’ouverture océanique (accré- alentours de − 35 Ma. Un vestige bivalves) ou à orbitolines (animaux
océan alpin. Une mer de faible tion) s’est déroulée du jurassique de croûte océanique a échappé à unicellulaires) des massifs du Ver-
profondeur s’engouffre. Au juras- (− 170 Ma) au crétacé supérieur la subduction, ce sont les ophio- cors et de la Chartreuse témoignent
sique, l’océanisation proprement (− 70 Ma), avec une vitesse d’ex- lites : les nappes ophiolitiques de récifs coralliens dans une mer
dite est en marche : l’océan alpin pansion de l’ordre de 1 cm par (Chenaillet) viennent reposer sur peu profonde et chaude ;
sépare l’Europe de l’Afrique. De la an. Au crétacé inférieur, l’océan le domaine briançonnais de la – les radiolarites du Chenaillet
lithosphère océanique est créée alpin a atteint sa taille maximale marge européenne. sont formées par l’accumula-
vers − 140 Ma au niveau d’une (1 000 km de largeur estimée). DES TÉMOINS tion de squelettes en silice de
dorsale ; l’océan est en expan- Au crétacé supérieur, la ferme- OCÉANIQUES radiolaires, des animaux planc-
sion. Les marges de l’océan sont ture de l’océan s’enclenche par Certaines régions des Alpes pré- toniques unicellulaires ; elles té-
passives, des sédiments post-rift subduction. Après disparition de sentent des affleurements de moignent d’un océan de grande
témoignant de l’arrêt du rifting l’océan, la marge continentale eu- roches sédimentaires riches en profondeur.

46 Le domaine continental et sa dynamique


UN SUJET PAS À PAS

Cette déformation importante des roches résulte d’une tectonique en


Ce qu’il ne faut pas faire
compression qui s’inscrit dans le cadre de la collision continentale, à
• Faire une étude exhaustive des documents
l’origine de la surrection des Alpes.
sans faire de liens entre les indices recueillis.
De plus, nous avons observé dans les calcaires du crétacé inférieur 1
• Omettre de respecter la forme imposée par le sujet :
la présence de fossiles marins de rudistes (mollusques) et orbitolinidés
un compte-rendu d’excursion.
(foraminifères), prouvant qu’ils se sont mis en place dans un domaine
• Se dispenser de faire appel à ses connaissances.
océanique. 
• Négliger les schémas.

L’analyse du sujet CHENAILLET


sédiments
océaniques
Il s’agit de retracer, dans l’ordre chronologique, certaines étapes de
l’histoire de la formation des Alpes à partir de documents de terrain.
basaltes en coussins
Après avoir exploité les indices de l’existence d’un océan alpin par le croûte
océanique ( et brèches magmatiques)
passé, la subduction est mise en évidence par l’étude des minéraux
du métamorphisme. Enfin, le raccourcissement et l’épaississement -1 gabbros
crustal permettent de décrire la collision continentale ayant succédé (et basaltes en filons)
à la fermeture océanique. manteau

péridotites
Proposition de corrigé km
métamorphisées
I. Le massif du Chenaillet : des lambeaux d’un océan disparu ( Ex-
L’ophiolite du Chenaillet :
ploitation du document 1) une ancienne lithosphère océanique
Dans le massif du Chenaillet, nous avons observé des péridotites
métamorphisées (à 2 200 mètres), puis des gabbros et, à partir de
2 400 m, des basaltes en coussins. Il s’agit de roches de la lithosphère
océanique, qui se trouvent normalement au fond des océans. Les Chevauchement
ophiolites témoignent de la présence à l’emplacement actuel des Alpes Faille
d’un océan aujourd’hui disparu. On peut estimer que la mise en place
de cette partie de lithosphère océanique date d’environ − 100 Ma.

II. Les métagabbros du mont Viso : témoins d’une subduction passée


(Exploitation des documents 2 et 3)

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En Italie, dans le massif du mont Viso, nous avons trouvé des échan- Coupe d’un chevauchement
tillons de métagabbros, des gabbros d’une ancienne croûte océanique
qui ont subi du métamorphisme. Ils contiennent des minéraux
du métamorphisme : grenat, glaucophane et jadéite. L’étude du Schéma du chevauchement indiquant les contraintes compressives
diagramme de stabilité montre que cette association correspond à
une température d’environ 500 °C et une pression de 1 GPa. Il s’agit
donc d’un métamorphisme haute pression – basse température –,
caractéristique d’une zone de subduction. AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC SUR CE THÈME
Ainsi les métagabbros du mont Viso témoignent d’une subduction
passée de la lithosphère océanique de l’océan alpin. Partie 2 : – Établir un schéma-bilan du cycle des matériaux de la
croûte continentale, avec ou sans documents.
III. Le chevauchement des rochers de Leschaux : indice d’une com- Partie 2.1 : – Exploiter des documents et raisonner pour mettre en
pression (Exploitation du document 4) évidence le lien entre l’âge d’une lithosphère océanique, sa densité
Enfin, nous sommes allés dans le massif des Bornes, où nous avons et la subduction.
observé un contact anormal montrant un chevauchement du crétacé Partie 2.2 : – Exploiter des données cartographiques, des images ou
inférieur 2 sur l’unité formée du crétacé supérieur et du crétacé des données satellitales pour apprécier l’érosion d’un massif actuel.
inférieur 2.

ZOOM SUR…
LE DIAGRAMME des presses appelées « cellules à Ainsi, les minéraux du méta- à une force par unité de surface.
DE STABILITÉ enclumes de diamant ». Ces outils morphisme observés dans une Le principe de cette technique
DES MINÉRAUX permettent de couvrir pratique- roche permettent de reconsti- repose ainsi sur l’application
DU MÉTAMORPHISME ment tout le domaine de pres- tuer les conditions auxquelles d’une force très importante sur
Il s’agit d’un graphique qui per- sions et de températures que l’on cette roche a été soumise au la surface la plus réduite possible.
met de visualiser dans quelles rencontre à l’intérieur de la Terre. cours de l’histoire de la chaîne Le diamant est utilisé à cette fin
conditions de pression (donc de Le diagramme peut être décou- de montagnes. depuis les années 1950 pour ses
profondeur) et de température les pé en faciès métamorphiques propriétés de résistance excep-
minéraux peuvent exister. (schistes verts, schistes bleus, LE PRINCIPE DES tionnelles. En effet, les diamants
Les domaines de stabilité des dif- éclogites, etc.) qui n’indiquent « PRESSES À MINÉRAUX » se forment eux-mêmes à grande
férents assemblages de minéraux pas la nature de la roche, mais Les cellules à enclumes de dia- profondeur, c’est-à-dire à des
sont déterminés expérimentale- les conditions de pression et de mant permettent de soumettre pressions très élevées.
ment en laboratoire, en les sou- température qui font apparaître les minéraux à des pressions
mettant à des pressions et des des associations minérales carac- allant jusqu’à 500 gigapascals
températures croissantes dans téristiques. (GPa). Une pression correspond

Le domaine continental et sa dynamique 47


LES ARTICLES DU

Le Népal est sous la menace d’un séisme


encore plus puissant
L’instabilité de la région himalayenne est due à l’affrontement des plaques tectoniques
indienne et eurasienne.

Le Népal est malheureusement coutumier des soubresauts destruc- C’est ce qui s’est passé dimanche matin, avec une réplique de ma-
teurs de la croûte terrestre. Alors que le pays est encore plongé dans gnitude 6,7, dont l’épicentre était situé à l’est de Katmandou. Il faut
le chaos après la violente secousse qui, samedi 25 avril, a ravagé la s’attendre à des répliques « qui peuvent être aussi puissantes, voire
vallée de Katmandou, il vit sous la menace d’un séisme annoncé de plus puissantes », et qui « pourraient survenir pendant plusieurs mois
beaucoup plus grande ampleur encore. ou même plusieurs années », prévient le sismologue.
Cette extrême instabilité de la lithosphère a pour origine ce que les
scientifiques nomment le « méga-chevauchement himalayen ». Il
s’agit de l’affrontement entre, au sud, la plaque tectonique indienne Magnitude 8 en 1934
et, au nord, la plaque eurasienne, dont le massif himalayen constitue Le pire reste toutefois à venir. La secousse de samedi, bien que consi-
la bordure. Le processus a commencé voilà quelque 100 millions dérée comme un « gros séisme » par les spécialistes, est restée de plus
d’années, lorsque le sous-continent indien s’est définitivement détaché faible importance que celle de 1934, de magnitude 8, qui avait semé la
du supercontinent Gondwana (qui réunissait autrefois l’Antarctique, désolation dans les trois grandes villes de la vallée, Katmandou, Patan
l’Amérique du Sud, l’Afrique, l’Australie et l’Inde), pour dériver vers le et Bakhtapour, en faisant entre 10 000 et 20 000 morts. En 1505, un
nord, en direction du continent asiatique. autre tremblement de terre avait, lui aussi, atteint la même magnitude.

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C’est la collision titanesque entre les deux blocs continentaux, voilà un Mais, souligne Pascal Bernard, « nous estimons que la magnitude
peu plus de 50 millions d’années, qui a donné naissance à la chaîne de maximale qu’on peut attendre pour un séisme au Népal est de 8,5 à 9,
l’Himalaya. Aujourd’hui, décrit Pascal Bernard, sismologue à l’Institut soit une énergie trente fois supérieure à celle libérée par la secousse de
de physique du globe de Paris (IPGP), la plaque indienne continue de samedi ». Des indices géologiques laissent penser qu’un tel événement
s’enfoncer comme un coin, sur un plan incliné, sous la plaque eura- s’est produit dans les années 1100. Or, le temps de récurrence de ce
sienne dont elle provoque l’élévation. Ce chevauchement, dont la vitesse genre de cataclysme est estimé « à un millier d’années, avec une marge
s’est beaucoup réduite depuis le télescopage des deux masses continen- d’incertitude de 20 % ou 30 % ». La conclusion est sans appel : « A une
tales, se poursuit désormais à une vitesse de l’ordre de 2 centimètres échéance qui peut être celle du siècle ou de quelques siècles, le Népal
par an. n’échappera pas à la catastrophe d’un séisme géant. » Et la menace
« Cette zone de contact, sur une immense faille qui court tout le long vaut pour toute la bordure sud de l’Himalaya, Inde et Bangladesh
de la chaîne himalayenne, accumule d’énormes tensions », explique compris.
le chercheur. Le Népal en particulier, au pied de l’Himalaya, se
« contracte » en quelque sorte, chaque année, de 2 centimètres. Ce Pierre Le Hir, Le Monde daté du 28.04.2015
sont ces contraintes colossales qui se libèrent lors des ruptures de la
faille. Voilà pourquoi la région himalayenne est la partie continentale POURQUOI CET ARTICLE ?
du globe la plus exposée aux tremblements de terre, même si les
zones de subduction proches des côtes, où se confrontent plaques Cet article explique le contexte géodynamique du Népal, à l’ori-
gine du séisme meurtrier du 25  avril 2015, de magnitude 7,8 et
océaniques et plaques continentales, peuvent engendrer des secousses
dont l’épicentre était à 80  km de Katmandou. En effet, la chaîne
plus violentes, comme au Chili ou au Japon. de l’Himalaya résulte de la collision entre les parties continentales
C’est une telle rupture qui s’est produite samedi matin, avec le séisme de la plaque lithosphérique indienne et de la plaque lithosphé-
rique eurasienne. L’Himalaya présente plusieurs chevauchements
de magnitude 7,8 dont l’épicentre était situé à environ 80 km au nord-
importants et la plaque indienne continue de s’enfoncer sous la
ouest de la capitale népalaise et dont l’onde de choc s’est propagée, en plaque eurasienne. Les forces en jeu lors de la convergence des deux
une quarantaine de secondes, sur une distance de 150 km, dévastant la plaques sont responsables de l’accumulation de contraintes le long
vallée de Katmandou. En dépit de la brutalité du phénomène, « seule de ces chevauchements, qui peuvent être libérées brutalement lors
de séismes potentiellement très violents. L’étude de l’accumulation
la partie profonde de la zone de contact a cassé, dans la partie centrale des contraintes tectoniques montre qu’un séisme majeur, plus im-
du Népal », indique Pascal Bernard. Si bien qu’« il reste des zones portant que celui-ci d’avril 2015, aura certainement lieu dans le fu-
bloquées » et qu’« on peut craindre de nouvelles ruptures engendrant tur, mais les scientifiques ne sont malheureusement pas en capacité
d’en prédire la date et la localisation précise.
de nouveaux séismes, plus à l’est ou plus à l’ouest ».

48 Le domaine continental et sa dynamique


LES ARTICLES DU

Pour les sismologues, ce tremblement de terre


n’est pas encore le « big one »
Le séisme de Honshu n’est pas le « big one » que les spécialistes tectonique plus proche de Tokyo, où le « big one » était redou-
redoutaient dans la région de Tokyo. Mais avec une magnitude té. « La menace est d’autant plus grande que la zone a été per-
de moment de 8,9, selon le service géologique américain turbée. C’est cela que nous allons désormais étudier. » 
(USGS), c’est lui aussi un « big one ». « Il s’agit de la secousse la
plus puissante qu’ait connue le Japon depuis que des réseaux Hervé Morin, Le Monde daté du 12.03.2011
de sismomètres sont en place », indique Jérôme Vergne, de
l’Institut de physique du globe (IPG) de Strasbourg. Il fait
partie des dix plus gros séismes enregistrés dans le monde POURQUOI CET ARTICLE ?
depuis un siècle, indique le chercheur. « Ce séisme, qui n’est
L’actualité récente au Japon met en exergue l’importante sismicité
pas une surprise dans la région, a été plus puissant que ce à liée aux zones de subduction. Dans ce cas, il s’agit de la plaque Paci-
quoi on s’attendait », confirme son collègue Pascal Bernard, fique qui plonge sous l’Eurasie avec une vitesse de plus de 8 cm/an.
L’article montre ainsi la nécessité d’une connaissance approfon-
de l’IPG de Paris. die des structures géologiques et de la dynamique des plaques
Le tremblement de terre est survenu près de la côte est de l’île pour la protection des populations vivant dans les zones actives
du globe.
principale de l’archipel, à 130 km au large de la ville de Sendai,
par 25 km de profondeur. Il résulte des mouvements relatifs
entre la plaque nord-américaine, qui englobe une portion de
l’Eurasie, et la plaque pacifique, celle-ci glissant vers l’ouest à

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une vitesse de 83 millimètres par an à la latitude du séisme.
« Le mécanisme au foyer séisme, que nous commençons à
analyser, est dit “en faille inverse” : la plaque Pacifique plonge
à cet endroit sous l’Eurasie », indique Jérôme Vergne.
Cette rupture a engendré une série de vagues parce qu’elle
est intervenue près de la surface et a entraîné un mouvement
de masse d’eau important. Là encore, des analyses sont en
cours pour déterminer l’ampleur du déplacement vertical,
probablement de quelques mètres, qui pourra être précisée à
l’aide d’images radar du relief de l’île de Honshu.
Le séisme a été précédé par une série de gros tremblements de
terre : le 9 mars, une secousse d’une magnitude de 7,2 avait eu
lieu à 40 km environ, suivie de trois autres événements d’une
magnitude supérieure à 6 le même jour.
La zone de subduction de la fosse du Japon a été le théâtre de
neuf événements d’une magnitude supérieure à 7 depuis 1973,
rappelle l’USGS. Le plus gros était un séisme de magnitude
7,8 survenu en décembre 1994 à 230 km au nord du séisme de
Honshu. Il avait fait trois morts et 700 blessés.
Les sismologues vont se concentrer sur l’évaluation de l’éten-
due de la fracture. « Il est important de déterminer la longueur
de cette faille, car cela nous donnera des indications sur l’am-
pleur possible des répliques », indique Pascal Bernard, qui
n’exclut pas des secousses d’une magnitude de 7,5 à 8, accom-
pagnées de risques de tsunami importants. Le chercheur
s’inquiète aussi de l’impact du séisme de Honshu sur la zone

Le domaine continental et sa dynamique 49


L'ESSENTIEL DU COURS

Le magmatisme en zone de subduction : une


production de nouveaux matériaux continentaux
Les océans peuvent être bordés par des marges actives, correspondant à des zones au
niveau desquelles la lithosphère océanique plonge dans l’asthénosphère. Les zones de
subduction sont le siège d’une importante activité magmatique qui aboutit à la produc-
tion de croûte continentale par des mécanismes liés aux transformations minéralogiques
de la plaque plongeante.

Un volcanisme explosif – des granodiorites, roches plutoniques formées de quartz, feldspaths


Les zones de subduction présentent une importante activité volca- plagioclases, micas et amphiboles, faisant partie des granitoïdes.
nique et sismique : ce sont des marges dites « actives ». Les volcans Une grande partie des magmas cristallisent en profondeur sous la
se situent sur la plaque lithosphérique chevauchante et sont alignés forme de granitoïdes, que l’érosion finit par mettre à jour. Ces roches
parallèlement à la fosse océanique. L’activité volcanique des zones forment donc de la nouvelle croûte continentale : on parle d’accrétion
de subduction est caractéristique : les laves émises sont visqueuses, continentale.
car riches en silice et de température assez faible. Elles s’écoulent
difficilement et bouchent la cheminée du volcan. Les gaz, issus du
L’origine des magmas
L’étude de la composition chimique des granitoïdes montre qu’ils
dégazage du magma lors de sa remontée, s’accumulent dans ces
sont issus du refroidissement d’un magma d’origine mantellique.
laves, exercent une pression de plus en plus importante qui finit
Cela suggère une fusion partielle des péridotites à l’aplomb des
par être à l’origine d’explosions violentes donnant des coulées
zones d’activité volcanique, c’est-à-dire dans le manteau de la plaque
pyroclastiques et des nuées ardentes.
chevauchante.

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Des zones d’accrétion continentale
Les roches issues du magmatisme des zones de subduction peuvent pré- 1 000 2 000 T (°C)
0
senter des compositions chimiques proches, mais sont de deux types : 0

– des andésites, roches associées au volcanisme explosif, qui contiennent SOLIDE


SOLIDE + LIQUIDE
des phénocristaux, dont de nombreux feldspaths plagioclases ; 25.103
80 LIQUIDE

50.103 160

Une lame mince


75.103 240
d’andésite observée
au microscope en Pression Profondeur
H
lumière polarisée- (hPa)* (km) YD
RA
analysée TÉ
* hPa : hectopascals
1. feldspath
plagioclase
2. amphibole
3. pâte Diagramme pression/température,
microlitique d’après Comprendre et enseigner la planète Terre, Caron-Ophrys

MOTS CLÉS NOTIONS CLÉS


ACCRÉTION CONTINENTALE située sous une autre plaque, elle- ROCHES MAGMATIQUES froidissement rapide du magma
Formation de nouvelle croûte même constituée de lithosphère • Les roches plutoniques comme à la surface. La structure est dite
continentale au niveau des zones océanique ou continentale. Une la granodiorite et le granite pro- « microlitique » (ou vitreux) : des
de subduction. Les roches se for- zone de subduction constitue viennent du refroidissement lent cristaux sont noyés dans un verre,
ment par cristallisation du mag- une limite de plaque caractérisée du magma en profondeur (pen- qui correspond au magma dont
ma, issu de la fusion partielle des par la présence d’une fosse océa- dant plusieurs dizaines de mil- les atomes n’ont pas eu le temps
péridotites hydratées du manteau nique et une activité sismique et liers d’années). Les minéraux ont de s’ordonner en cristaux.
de la plaque chevauchante. volcanique. le temps de cristalliser : la struc- PHÉNOCRISTAUX
ture est dite « grenue » (grains vi- Désignent dans une roche volca-
SUBDUCTION
sibles à l’œil nu). nique les cristaux de grande taille,
Plongement d’une lithosphère
• Les roches volcaniques, comme visibles à l’œil nu.
océanique dans l’asthénosphère
l’andésite, proviennent du re-

50 Le domaine continental et sa dynamique


L'ESSENTIEL DU COURS

Or les conditions de pression et de température qui règnent au niveau une libération d’eau. Elle percole dans le manteau de la plaque che-
des zones de subduction ne permettent pas d’envisager une fusion vauchante et abaisse la température de fusion des péridotites. Entre
partielle des péridotites (le solidus ne recoupe pas le géotherme), à 80 et 180 km de profondeur, le « solidus hydraté » croise le géotherme
moins que celles-ci ne soient hydratées. de subduction : il y a fusion partielle et production de magma. Le
magma ainsi produit alimente les volcans des zones de subduction,
L'origine de l'eau et l'origine du ce qui donne des andésites et forme également des plutons de grani-
magmatisme en zone de subduction toïdes en profondeur.
Depuis sa formation au niveau de la dorsale, la lithosphère océanique
qui entre en subduction s’est hydratée : elle est riche en minéraux
hydroxylés (OH–). Entraînées en profondeur, les roches subissent
un métamorphisme de haute pression mais à basse température, la UN ARTICLE DU MONDE À CONSULTER
subduction étant plus rapide que le réchauffement de la lithosphère.
• Séisme : le Chili, un pays qui enregistre deux « big one » par
Les minéraux caractéristiques de la subduction (glaucophane, jadéite, siècle p. 54
grenat) sont moins riches en eau : les réactions caractéristiques du (Propos reccueillis par Audrey Garric, lemonde.fr, daté du 17.09.2015)
métamorphisme de haute pression / basse température entraînent

Arc magmatique Fosse


0
Lave andésitique
200°c 200°c Andésites, rhyolite

00°c
Fosse océanique
400°c 4 Croûte continentale
Océan Pluton de

Lithosphère continentale
c granodiorite
600°c 0° 100
60 Croûte océanique
Schis
tes v Magma
Lithosphère

800°c
océanique

erts remonte
Manteau lithosphérique Sc
hi Fusion partielle
c

1000°c ste

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
200 sb des péridotites hydratées
80

leu
s
1200°c Subduction
Manteau asthénosphérique

Éc
°c

lo
gi
00

tes
10

Iso
th
er
°c

m
e1
00

30
0C
12

Profondeur
Séismes Déshydratation
Km

Modèle en coupe de tracé des isothermes (lignes d’égale température)


dans une zone de subduction Schéma bilan de l'origine du magmatisme en zone de subduction

ZOOM SUR…
L’ACTIVITÉ SISMIQUE DES mettent à l’eau de mer très froide nouveaux minéraux sont « hy- C’est donc une lithosphère océa-
ZONES DE SUBDUCTION de pénétrer. dratés » : ils possèdent dans leur nique froide, dense et hydratée
Au niveau des zones de subduc- Elle ressort à haute température formule chimique des radicaux qui entre en subduction.
tion, des séismes à foyers pro- (350 °C) au niveau de cheminées hydroxyles OH–. Ils sont stables à
hydrothermales (fumeurs noirs). basse température. LES RÉACTIONS DU
fonds sont enregistrés (jusqu’à MÉTAMORPHISME HP-BT
plusieurs centaines de kilomètres On parle de « circulation hydro- À la place des feldspaths plagio-
thermale ». clases et pyroxènes du basalte
AU COURS DE LA
de profondeur). Les foyers des SUBDUCTION
séismes sont alignés le long du Le flux thermique de la lithos- et du gabbro, on trouve des am-
(1) plagioclase + chlorite* + acti-
plan de Wadati-Benioff, qui maté- phère diminue avec l’âge : en phiboles, de la chlorite et de l’ac-
s’éloignant de l’axe de la dor- tinote (faciès schistes verts). Les note*  glaucophane + eau (fa-
rialise la plaque plongeante. ciès schiste bleu)
sale, la lithosphère océanique péridotites sont serpentinisées :
L’ÉVOLUTION DE LA refroidit. on constate l’apparition de la ser- (2) plagioclase + glaucophane
LITHOSPHÈRE OCÉANIQUE La diminution de la tempéra- pentine, au détriment de l’olivine  grenat + jadéite + eau (faciès
Au cours de l’expansion océa- ture et la circulation d’eau sont et des pyroxènes. éclogite)
nique, la déformation est cas- à l’origine de changements mi- Il s’agit d’un métamorphisme à * Chlorite et actinote sont des mi-
sante, la croûte océanique se néralogiques au sein des roches basse pression / basse tempéra- néraux hydratés.
fracture. Les fracturations per- de la lithosphère océanique. Les ture (BP-BT).

Le domaine continental et sa dynamique 51


UN SUJET PAS À PAS

Partie 2.2 : Modélisation de la formation des


croûtes continentales primitive et actuelle
L’intitulé complet du sujet Document 2 : Conditions de fusion de la croûte océanique anhydre
et hydratée et gradients géothermiques dans une zone de subduc-
À l’Archéen, période comprise entre − 4 et − 2,5 milliards d’années, la Terre, tion actuelle et archéenne
beaucoup plus chaude, était le siège d’une activité magmatique intense,
qui a donné naissance à la majeure partie de la croûte continentale
actuelle.
Notre planète s’est ensuite progressivement refroidie, ce qui a entraîné
des changements dans la source et dans les mécanismes de production
de la croûte continentale.
Comparez les deux modèles de formation de la croûte continentale
primitive et actuelle, au niveau d’une zone de subduction, puis discutez
de la validité de chacun d’entre eux.

Les documents Source : d’après Hervé Martin et Jean-François Moyen, Geology, 2002
Document 1 : Modèles de genèse de la croûte continentale ar-
chéenne et actuelle Document 3 : Conditions de fusion d’une péridotite anhydre et hydra-
tée et gradients géothermiques dans une zone de subduction actuelle

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
Source : d’après Hervé Martin et Jean-François Moyen, Geology, 2002

Source : d’après Hervé Martin et Jean-François Moyen, Geology, 2002 L’analyse du sujet
Le sujet présente deux modèles de formation de la croûte continentale au
niveau des zones de subduction : l’un à l’Archéen (− 4 à − 2,5 Ga) pour la

ZOOM SUR… formation de la croûte continentale primitive, l’autre actuel à l’origine de


la croûte continentale nouvellement formée. La question est clairement
sera alors baptisé « plan de Wa- structurée en deux parties. Il s’agit d’abord de comparer les deux modèles
LA DÉCOUVERTE DES
ZONES DE SUBDUCTION dati-Benioff ». Certains séismes de formation de la croûte continentale, puis de discuter de la validité de
Plusieurs années avant l’élabora- se localisent à des profondeurs si ces modèles à partir de l’étude des conditions de fusion des roches de la
tion du modèle de la tectonique importantes qu’il ne devrait pas
y avoir de déformation cassante croûte océanique et des péridotites mantelliques au niveau des zones de
des plaques par le Français Xavier
Le Pichon et ses collaborateurs en raison des températures éle- subduction archéennes et actuelles.
(1968), le sismologue américain vées qui rendent les matériaux
Hugo Benioff a redécouvert et
généralisé les travaux du Japo-
ductiles. Les études menées dans
les années 1950 ont montré que
PERSONNAGES CLÉS
nais Wadati. Ce dernier avait lié ces régions coïncidaient aussi
séismes et volcans japonais à la avec des fosses sous-marines très LES « DIABLES DES VOLCANS » comme celles des 300 000 per-
« dérive des continents » dès 1935, profondes. Dans les années 1960, Maurice et Katia Krafft sont des sonnes ayant accepté d’évacuer la
alors que les idées de Wegener des chercheurs américains ont volcanologues français, nés en zone du Pinatubo aux Philippines
étaient encore refusées. Benioff montré que le plan de Wadati-Be- 1946 et 1942, ayant œuvré dans le après avoir vu un de leurs films.
a constaté que dans ces régions nioff correspondait à une plaque monde entier pour la prévention Ironie du sort, le volcan entra en
à la sismicité et au volcanisme plongeante de lithosphère océa- des risques volcaniques auprès éruption quelques jours après la
parfois spectaculaires les trem- nique froide et suffisamment ri- des populations. Ils ont sans doute mort du couple, emporté par une
blements de terre étaient loca- gide pour se casser, provoquant contribué à sauver des centaines nuée ardente sur le mont Unzen
lisés sur un plan plongeant, qui les séismes. de milliers de vies humaines, au Japon le 3 juin 1991.

52 Le domaine continental et sa dynamique


UN SUJET PAS À PAS

La principale difficulté de ce sujet réside dans la lecture correcte des roches empêche leur fusion partielle (document 2). À l’Archéen, le gradient
diagrammes pression-température pour déterminer les conditions de géothermique croise le solidus de la péridotite hydratée vers 800 °C à 60 km
formation du magma à l’origine de la croûte continentale au niveau (document 3). On sait que l’eau responsable de l’hydratation des péridotites
des zones de subduction. peut provenir de la déshydratation de la croûte océanique sous-jacente. Or,
avant d’atteindre 800 °C vers 60 km, les roches de la croûte océanique étaient
déjà déshydratées à l’Archéen, ne pouvant plus céder d’eau aux péridotites
Ce qu’il ne faut pas faire
• Rédiger la réponse sans tenir compte des deux parties indiquées sus-jacentes (document 2). Ainsi, la fusion partielle de ces péridotites
dans l’énoncé. demeurées anhydres n’était pas possible à l’Archéen.
• Ne pas mettre en relation les documents 2 et 3 pour discuter de la
Dans les zones de subduction actuelles, le gradient géothermique croise
validité des deux modèles proposés.
le solidus des péridotites hydratées vers 90 km de profondeur à une
température de 800 °C, permettant la fusion partielle de ces péridotites
Proposition de corrigé dans ces conditions (document 3). De plus, le gradient géothermique
La majeure partie de la croûte continentale se forme au niveau des zones actuel ne croise pas le solidus de la croûte océanique hydratée dans la
de subduction, caractérisées par le plongement d’une lithosphère océa- zone où ces roches sont hydratées (document 2). La croûte océanique
nique dans l’asthénosphère. À l’Archéen (− 4 à − 2,5 Ga), la production de actuelle ne rentre donc pas en fusion partielle car sa température est
la croûte continentale, dite primitive, fut intense. Quels sont les modèles trop faible. La croûte océanique reste donc hydratée jusqu’à au moins
expliquant la formation des croûtes continentales primitive et actuelle ? 90 km, profondeur à laquelle elle se déshydrate. L’eau de faible densité par
Quelle est la validité de chacun de ces deux modèles ? rapport aux roches environnantes migre vers les péridotites du manteau
Pour répondre à ces problématiques, nous comparerons d’abord le modèle sus-jacent, provoquant la fusion partielle de ces péridotites, qui forment
de formation de la croûte continentale à l’Archéen et celui de formation un magma à l’origine des roches magmatiques de la croûte continentale.
de la croûte continentale actuelle. Puis, nous déterminerons dans quelle Ainsi, les modèles de formation des croûtes continentales primitive et
mesure les conditions de fusion des roches de la croûte océanique et des actuelle au niveau des zones de subduction sont validés. La croûte
péridotites mantelliques dans les zones de subduction passée et présente continentale primitive a pour origine la fusion partielle de la croûte
permettent de valider les modèles de formation de la croûte continentale. océanique hydratée plongeante tandis que la croûte continentale actuelle
D’après le modèle de formation de la croûte continentale à l’Archéen, est formée à partir de la fusion partielle des péridotites hydratées du

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les roches de la croûte océanique hydratée de la lithosphère plongeante manteau. Dans les deux modèles, l’hydratation de la croûte océanique
entrent en fusion partielle à des profondeurs comprises entre 40 km et plongeante permet la fusion partielle des roches, à l’origine de l’accrétion
70 km, permettant ainsi l’activité magmatique des zones de subduction continentale. La dissipation de l’énergie géothermique au cours des temps
(document 1). Selon le modèle actuel de formation de la croûte conti- géologiques est à l’origine des différences constatées entre les modèles
nentale, les péridotites hydratées du manteau situées sous la croûte de formation des croûtes continentales primitive et actuelle.
continentale de la plaque chevauchante entrent en fusion partielle
lorsqu’elles sont localisées entre 60 km et 100 km, entraînant la formation
AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC SUR CE THÈME
de la croûte continentale (document 1).
À l’Archéen, l’intersection du gradient géothermique des zones de subduction Partie 1, synthèse sans documents :
– Montrer comment la transformation des roches, qui survient lors
avec le solidus de la croûte océanique hydratée montre l’existence une zone
de la plongée de la lithosphère océanique, est à l’origine du magma-
de fusion partielle entre 45 à 55 km de profondeur. À ces profondeurs, les tisme caractéristique des zones de subduction. Schémas attendus.
roches de la croûte océanique sont encore hydratées, rendant possible leur Partie 2.2 :
fusion partielle. Au-delà de 55 km de profondeur, la déshydratation de ces – Exploiter des documents pour montrer qu’une région corres-
pond bien à une zone de subduction.

ZOOM SUR…
LES ÉRUPTIONS EXPLOSIVES – le Krakatoa en Indonésie en 1883 ; quelques minutes au cours de Le terme « nuée ardente » a été in-
L’accumulation d’une forte pres- – la montagne Pelée à la Martinique l’éruption explosive de la mon- troduit suite à l’éruption de la mon-
sion dans la chambre magmatique en 1902 ; tagne Pelée. 28 000 victimes et seu- tagne Pelée.
d’un volcan dont les magmas sont – le mont Saint Helens aux États- lement 2 survivants : un lourd bilan Depuis, la surveillance des volcans,
visqueux peut déclencher une Unis en 1980 ; lié à la minimisation du danger par en particulier ceux des Antilles
éruption explosive. Les nuées ar- – le Nevado del Ruiz en Colombie les autorités, malgré les signaux françaises, s’est développée autour
dentes qui peuvent en résulter sont en 1985 ; d’alerte. Fumerolles, explosions, d’observatoires volcanologiques.
très destructrices, et le panache de – le Pinatubo en 1991 aux Philip- tremblements de terre, panaches Mais dans différentes régions du
cendres peut atteindre plusieurs pines ; de vapeur et de cendres… sont au- globe, les recommandations de me-
dizaines de kilomètres d’altitude. – le Merapi en 2010 en Indonésie. tant de manifestations témoignant sures préventives des scientifiques
de l’imminence d’une éruption. Le se sont souvent heurtées aux déci-
QUELQUES ÉRUPTIONS UNE VILLE RAYÉE
DE LA CARTE 7 mai, le volcan est calme et une sions politiques et aux intérêts éco-
MARQUANTES : commission scientifique a déclaré
Le 8 mai 1902 à la Martinique, la nomiques, avec des conséquences
– le Vésuve en l’an 79 ; qu’il n’y avait pas de risque.
ville de Saint-Pierre disparaît en parfois dramatiques.

Le domaine continental et sa dynamique 53


L’ARTICLE DU

Séisme : le Chili, un pays qui enregistre


deux « big one » par siècle
Les autorités chiliennes ont levé, jeudi 17 septembre, l’alerte au tsunami lancée la veille au
soir après un violent séisme qui a frappé le centre du pays, à 230 km au nord de la capitale
Santiago, et fait huit morts. Ce séisme de magnitude 8,3, le plus fort à l’échelle mondiale
pour 2015, a provoqué l’évacuation massive d’un million de personnes. Raul Madariaga,
sismologue et professeur à l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm, revient sur les
puissants tremblements de terre que connaît le pays sud-américain.
Le séisme qui vient de toucher le Chili est-il exceptionnel ? Ce fort séisme, après celui de magnitude 8,2 en avril 2014 dans le
Le tremblement de terre de magnitude 8,3 qui vient de frapper la nord du pays, peut-il accélérer la survenue d’un « big one » ?
région de Coquimbo, dans le Centre-Nord, est très fort, mais pas Il y a trois zones dangereuses dans le pays, susceptibles d’être touchées
exceptionnel non plus : le bilan, qui reste à confirmer, fait état de par un « big one » [du nom donné au séisme dévastateur qui devrait
huit morts, de dégâts sur des vieilles constructions et une montée toucher la côte ouest des Etats-Unis dans les prochaines années] :
des eaux de 5 mètres dans quelques villes seulement (à Coquimbo, le Nord, la région de Coquimbo, au centre-nord (que les Chiliens
La Serena et Tongoy) et non sur toute la côte. appellent le « Norte chico ») et le Centre-Sud. Après deux séismes en
Le Chili est malheureusement habitué : il est situé sur la zone de deux ans, à Coquimbo et Iquique, il est très improbable que le Chili
contact entre la plaque tectonique de Nazca et la plaque sud-améri- soit touché par un « big one » dans les années qui viennent.
caine – la première plongeant sous la seconde selon un mouvement Le Chili enregistre en effet deux « big one » par siècle, selon les statistiques
de subduction. C’est le pays le plus sismique de la planète, devant que nous tenons depuis 1575 – après la conquête du pays par les Espagnols
le Japon. Le séisme le plus puissant enregistré dans le monde l’a été en 1541. Au XXIe siècle, pour l’instant, le pays a été touché par le séisme

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dans le sud du pays, en 1960 – d’une magnitude de 9,5, tuant plus de de 2010, qui a affecté les régions du Maule, de Santiago et de Valparaíso
5 000 personnes. En moyenne, le Chili connaît tous les dix ans un (centre). Avant celui de 1960, dans le sud du pays, le Chili avait connu un
tremblement de terre de magnitude 8 et entre dix et vingt secousses très fort tremblement de terre de magnitude 8,8 en 1922, dans la région
de magnitude 7. Mais depuis quelques années, la sismicité du pays du désert d’Atacama (nord-est).
s’est accrue, à l’image de celle du globe – avec notamment les forts Mais nous manquons de données historiques pour améliorer nos
séismes de Sumatra (2004), Tohoku (2011) ou Bohol (2013). prévisions. Le nord du Chili est par exemple resté désertique et inha-
bité jusqu’en 1860, quand des compagnies étrangères ont commencé
Ce tremblement de terre a donc provoqué beaucoup moins de à exploiter les nitrates, le cuivre et le lithium. On ne sait pas quand
dégâts humains et matériels que le dernier gros séisme de 2010, sont survenus les précédents grands séismes antérieurs à celui de 1877,
qui avait fait plus de 500 morts. Comment expliquer cette diffé- qui avait affecté la région avec une magnitude de 8,8. Les experts ne
rence ? sont pas d’accord pour prévoir la date de la prochaine très grande
Il y a trois raisons majeures. Tout d’abord, le séisme de cette nuit a secousse à cet endroit. Les sismologues chiliens penchent pour une
touché une région très peu habitée, plutôt désertique. Il n’est pas fréquence de trois à cinq cents ans. 
rare, dans cet endroit, de parcourir plus de 200 km sans trouver
de station-service. Ensuite, le séisme de 2010 était de magnitude Propos recueillis par Audrey Garric, lemonde.fr, 17.09.2015
8,8, soit une puissance dix fois supérieure à celle d’une secousse de
magnitude 8,3.
Enfin, en 2010, le Chili n’était pas du tout préparé à un tel trem- POURQUOI CET ARTICLE ?
blement de terre : les services sismologiques ont par exemple
arrêté de fonctionner en raison des coupures d’électricité. Depuis, de Cet article présente les propos d’un sismologue français concernant
les séismes touchant le Chili. Le Chili est le pays du monde qui pré-
nombreuses stations sismologiques ont été installées sur l’ensemble
sente la plus forte sismicité et il a d’ailleurs connu en 1960 le plus fort
du territoire et elles peuvent toutes fonctionner avec une source séisme jamais enregistré, avec une magnitude de 9,5. Cette forte sismi-
d’énergie secondaire. Elles ont donc pu communiquer toutes les cité s’explique par le contexte géodynamique du Chili : ce pays est situé
informations importantes. au niveau de la zone de subduction où la plaque de Nazca plonge sous
Les normes de constructions parasismiques, prévues par une loi de la plaque sud-américaine. De nombreux séismes moyens à forts af-
1960, ont également été renforcées, notamment pour l’appui des fectent régulièrement le Chili et des séismes d’intensité exceptionnelle
ponts. Enfin, il y a une réelle prise de conscience de la population des se produisent de temps en temps. Cependant, les avis des experts sont
partagés sur la fréquence de survenue de ces séismes de très forte ma-
risques encourus avec les tremblements de terre. C’est pourquoi les
gnitude, surnommés les « big one ». De réels progrès dans la prévention
autorités ont réussi à évacuer rapidement un million de personnes, des risques sismiques ont été accomplis ces dernières années au Chili,
grâce aux sirènes, à des SMS envoyés aux habitants et aux médias. mais ce pays reste sous la menace constante de tremblements de terre
Malgré tout, il reste des risques, notamment dans le nord du pays, où pouvant se révéler dévastateurs.
l’urbanisation s’est faite très près des côtes, pour avoir accès à l’eau.

54 Le domaine continental et sa dynamique


Flux de chaleur (corrigé)
0'0''W 0°0'0''E 2°0'0''E 4°0'0''E 6°0'0''E 8°0'0''E

51°0'0''N

ENJEUX PLANÉTAIRES CONTEMPORAINS


subduction et cordillère associée Flux de chaleur
mW.m-2

point chaud
49°0'0''N 130
dorsale
120 océanique

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110
47°0'0''N
4 point
1 100 chaud
90
45°0'0''N

2 80 3

70

1. manteau inférieur 43°0'0''N


60
200 KM 2. noyau
3. asthénosphère
0°0'0''E 2°0'0''E 4. lithosphère
4°0'0''E 6°0'0''E 8°0'0''E
L'ESSENTIEL DU COURS

Géothermie et propriétés thermiques de la Terre


La grande majorité de l’énergie actuellement utilisée (agriculture, industrie, transport,
etc.) provient soit de la combustion d’énergies fossiles, comme le pétrole ou le charbon,
soit du nucléaire. Or, les énergies fossiles ne sont pas renouvelables et pourraient man-
quer dans l’avenir. De plus, leur combustion, en faisant augmenter le niveau de CO2 dans
l’atmosphère, est à l’origine d’un effet de serre entraînant une augmentation de la tem-
pérature terrestre. Avec l’énergie nucléaire se posent le problème de sa sûreté et celui
de la gestion des déchets à long terme. Le développement durable s’intéresse à d’autres
filières énergétiques, plus respectueuses de l’environnement et quasiment inépuisables
pour l’homme, comme la géothermie. Où et comment est exploitée l’énergie géother-
mique et quelle est son origine ?
Flux de chaleur (corrigé)
Flux et gradient géothermiques 4°0'0''W 2°0'0''W 0°0'0''E 2°0'0''E 4°0'0''E 6°0'0''E 8°0'0''E

À la surface de la Terre, de nombreuses manifestations témoignent de l’exis-


51°0'0''N 51°0'0''N
tence de matériaux chauds en profondeur : éruptions volcaniques, sources
Flux de chaleur
chaudes hydrothermales, augmentation de la température dans les mines, mW.m-2
etc. Des sources d’eau chaude, comme à Chaudes-Aigues dans le Massif
49°0'0''N 49°0'0''N
central, sont utilisées depuis l’Antiquité, alors que les premières mesures 130

de flux géothermique ont été réalisées, en France, dans les années 1960. 120
Le flux géothermique correspond au produit du gradient géother-
110
mique vertical par la conductivité thermique des roches. Le flux 47°0'0''N 47°0'0''N

géothermique et le gradient géothermique sont mesurés sur chaque 100

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
site d’étude, tandis que la conductivité thermique des roches est
90
déterminée en laboratoire.
45°0'0''N 45°0'0''N
Les valeurs des gradients et des flux géothermiques varient selon 80

le contexte géodynamique. En domaine océanique, les flux géother-


70
miques sont élevés au niveau des dorsales océaniques, des points
chauds (île de La Réunion, par exemple) et des arcs volcaniques 43°0'0''N 43°0'0''N
60
0 200 KM
ou cordillères liés à la subduction (Japon, Andes, Antilles, etc.). En
domaine continental, les flux géothermiques sont forts au niveau
4°0'0''W 2°0'0''W 0°0'0''E 2°0'0''E 4°0'0''E 6°0'0''E 8°0'0''E
des zones avec magmatisme (vallée du rift africain). De plus, des
bassins sédimentaires ayant une croûte amincie présentent un flux
Le flux géothermique en France (obtenu à partir de 479 mesures et
géothermique élevé, tels les bassins d’effondrement de l’Alsace ou de complété par des mesures en mer et dans les pays limitrophes, d’après
la Limagne en France. Quelle est l’origine de cette énergie thermique Lucazeau et Vasseur, 1989)
observable en surface ?

L’origine de l’énergie géothermique et les


transferts thermiques dans la Terre
CHIFFRES CLÉS L’énergie géothermique interne provient essentiellement de la désinté-
gration des éléments radioactifs (uranium : 238U et 235U ; thorium : 232Th ;
En 2010, la France a consommé potassium : 40K) présents dans les roches des différentes enveloppes du globe.
266 Mtep (1 Mtep = 1 million de
tonnes d'équivalent pétrole, soit
l’énergie dégagée par un million de
MOTS CLÉS
tonnes de pétrole). En quarante ans,
la consommation énergétique de la CONDUCTION FLUX GÉOTHERMIQUE GRADIENT THERMIQUE
France a presque doublé mais se Transfert d’énergie thermique de Quantité d’énergie thermique Augmentation de la température
stabilise depuis quelques années. proche en proche sans déplace- dissipée par unité de surface avec la profondeur à l’intérieur du
Ses besoins énergétiques sont cou- ment de matière sous l'effet d'une terrestre et par unité de temps globe. Le gradient géothermique
verts par le pétrole (30,9 %), le char- agitation des atomes. (unité : W.m−2). Le flux géother- moyen est de l’ordre de 30°C.km-1.
bon (4,1 %), le gaz naturel (15,0 %), mique moyen est de l’ordre de
CONVECTION MACHINE THERMIQUE
l’électricité d’origine nucléaire 87 mW.m−2. En général, il est
Transfert d’énergie thermique La Terre produit de l’énergie sous
(41,8 %) et l’ensemble des éner- plus faible sur les continents
avec déplacement de matière forme de chaleur et la transfère
gies renouvelables (8,2 %, énergies (~ 65 mW.m−2) que sur les océans
sous l'effet de différences de par convection en la transformant
hydraulique, éolienne, photovol- (~ 100 mW.m−2).
densité et de température et qui en mouvement avant de l’évacuer
taïque, géothermique, issue de la constitue un mécanisme de trans- par conduction.
valorisation des déchets, etc). fert d’énergie efficace.

56 Enjeux planétaires contemporains


L'ESSENTIEL DU COURS

et la production de chaleur. Le principe de la production de chaleur par


géothermie consiste en la récupération de l’énergie thermique d’eaux
profondes, naturellement présentes ou apportées par des conduites en
profondeur. À travers le monde, environ 350 centrales géothermiques
produisent de l’électricité. Ces centrales géothermiques sont en majorité
implantées dans des zones de subduction (Japon, Nouvelle-Zélande, An-
tilles, etc.). D’autres centrales sont situées au niveau de dorsales océaniques
(Islande, Açores), de fossés d’effondrement (Alsace, Kenya) ou de points
chauds (Islande, Hawaï), mais également dans des régions stables du globe,
comme les bassins sédimentaires (États-Unis, Chine, etc.).
subduction et cordillère associée
point chaud
dorsale
Le flux géothermique mondial océanique

L’énergie thermique produite dans la Terre est transférée dans le


globe selon deux modalités : la conduction et la convection. L’efficacité point
du transfert thermique de la conduction dépend de la conductivité 5 chaud
1
thermique des matériaux. 2
Ainsi au sein de la lithosphère et à l’interface noyau/ manteau, l’éner-
gie thermique est transférée par conduction. Par exemple, dans la
3 4
croûte terrestre, le gradient géothermique moyen est de 30 °C.km–1. La
convection se met en place lorsqu’un matériau chaud et peu dense est
situé sous un matériau plus froid et plus dense. Le matériau chaud et 1. manteau inférieur
peu dense s’élève, tandis que le matériau froid et plus dense descend 2. noyau externe
et se réchauffe à son tour. Ces mouvements de matière constituent 3. noyau interne
des cellules de convection qui existent dans le manteau et le noyau. 4. asthénosphère
5. lithosphère
Le manteau est ainsi animé de mouvements lents de convection, qui

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entraînent le déplacement des plaques lithosphériques situées au-dessus. La convection dans le manteau (modèle à deux étages de cellules de convection)
Le fort flux géothermique dans les dorsales s’explique par la remontée de
matériel chaud et la production de lithosphère océanique nouvelle. Dans Le prélèvement de l’énergie géothermique par l’homme ne représente
les zones de subduction, la faible valeur du flux géothermique moyen qu’une infime partie de l’énergie thermique dissipée à la surface de
s’explique par le plongement de la lithosphère océanique âgée, froide et la Terre. La géothermie constitue une source d’énergie inépuisable à
dense. Localement, dans les zones de subduction, le magmatisme lié à l’échelle humaine, propre, écologique et économique. La géothermie
la remontée de matériel chaud est à l’origine d’un flux thermique élevé est une source d’énergie au service du développement durable. La
au niveau des arcs volcaniques ou des cordillères. Ainsi, la Terre est une diversité des implantations géothermiques actuelles dans le monde
machine thermique, dont la dissipation de l’énergie interne constitue montre l’importance de cette source d’énergie, que l’homme pourrait
le moteur de la dynamique des plaques lithosphériques. utiliser davantage qu’il ne le fait actuellement. 

La géothermie : une source d’énergie au service


du développement durable UN ARTICLE DU MONDE À CONSULTER
L’énergie géothermique utilisée actuellement par l’homme couvre environ
• Islande, la chaleur en ­partage p. 59
1 % des besoins énergétiques mondiaux pour la production d’électricité
(Marie Charrel, Le Monde daté du 23.04.2015)

ZOOM SUR…
LE GRADIENT GÉO- LES EXPLOITATIONS GÉO- de 5 000 m de profondeur dans L’exploitation géothermique basse
THERMIQUE EN FRANCE THERMIQUES EN FRANCE des roches fracturées. Cette eau se energie, servant notamment à
Le gradient géothermique peut La seule centrale géothermique réchauffe au contact des roches. chauffer des bâtiments, est locali-
être comparé en différents de France métropolitaine, mise en L’eau chaude est alors extraite à sée dans les bassins sédimentaires
points du territoire français : à service depuis 2008, est installée une température de 200 °C et est (Île-de-France, Aquitaine).
1,5 km de profondeur, la tem- à Soultz-sous-Forêts, en Alsace, au utilisée pour alimenter des tur- Actuellement la géothermie repré-
pérature est de 70 °C dans le niveau du fossé rhénan. En effet, bines produisant de l’électricité. sente environ 0,44 % de la couver-
Bassin parisien, alors qu’elle le fossé rhénan présente le plus La Guadeloupe, située dans une ture énergétique française, mais
est de 100 °C en Alsace. Dans les fort gradient géothermique de la zone de subduction, présente un sa part dans l’approvisionnement
Antilles, au niveau de l’île de la métropole et est donc propice à fort flux géothermique. À la cen- énergétique français devrait aug-
Guadeloupe, la température est l’installation d’une centrale géo- trale géothermique de Bouillante, menter dans les années à venir,
de 250 °C à 1 km de profondeur. thermique. Cette centrale géother- de la vapeur d’eau à 250 °C jaillit comme les autres énergies renou-
Cette valeur élevée s’explique mique utilise la technique de la directement du forage et est utili- velables que sont l’éolien terrestre
par la subduction affectant géothermie des roches fracturées : sée pour alimenter des turbines et et en mer, et le photovoltaïque.
cette région. de l’eau froide est injectée à plus produire de l’électricité.

Enjeux planétaires contemporains 57


UN SUJET PAS À PAS

Partie 1 : L’énergie géothermique


L’intitulé complet du sujet Le document ci-dessous représente le flux thermique au niveau du
Cochez la proposition exacte pour chaque question de 1 à 6. plancher océanique en fonction de son âge en millions d’années. Chaque
boîte représente la variabilité des données dans la tranche d’âge considérée.
400

. 300

200

100

mW m-2
0
0 40 80 120 160 200
0 85 120 180 350 Âge (Ma)

Les lignes noires représentent les contours


continentaux et les limites de plaque
5. Le graphique montre que :
Carte mondiale des flux thermiques exprimés en milliwatts par mètre carré (mW.m–2) a) le flux thermique du plancher océanique augmente lors de son
vieillissement.
1. Les zones noires et en grisé visibles sur la carte représentent : b) le plancher océanique s’enfonce au fur et à mesure de son vieil-
a) un flux thermique élevé. lissement.
b) un flux thermique faible. c) le plancher océanique se refroidit en vieillissant.
c) des différences de température océanique. d) l e flux thermique est constant au niveau du plancher océanique.
d) des courants océaniques chauds.
2. Les zones de flux fort visibles sur la carte : 6. On peut associer les zones du plancher océanique à flux ther-
a) sont liées à une plus forte énergie solaire arrivant à la surface de mique faible avec :
la Terre. a) une lithosphère sous-jacente plus fine et plus dense.
b) sont liées à un volcanisme de point chaud. b) une lithosphère sous-jacente plus épaisse et plus légère.
c) sont en relation avec des dorsales. c) u
 ne lithosphère sous-jacente plus fine et plus légère.

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d) sont liées à la présence desocéans à la surface du globe. d)une lithosphère sous-jacente plus épaisse et plus dense
3. Les zones de flux fort sont associées :
a) aux zones de subduction. Le corrigé
b) à la création d’asthénosphère. 1. a), 2. c), 3. c), 4. c), 5. c), 6. d) 
c) à la création de lithosphère océanique.
d) à la création de lithosphère continentale.
4. L’énergie géothermique exploitable par l’homme :
a) est constante d’une région à l’autre. AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC SUR CE THÈME
b) e
 st maximale au niveau de la lithosphère continentale.
c) est optimale en Islande au niveau d’un rift. Maîtrise des connaissances avec question de synthèse :
d) contribue fortement à la couverture énergétique de l’humanité. – En vous appuyant sur quelques exemples, montrez que le flux
et le gradient géothermiques varient en fonction du contexte géo-
dynamique.
Ce qu’il ne faut pas faire Étude de documents :
• Cocher deux réponses ou ne cocher aucune réponse. – Étude d’une région : relations entre flux et gradient géother-
• Négliger les documents quand leur utilisation est nécessaire miques, données de la tomographie sismique, contexte géodyna-
pour répondre à la question. mique et possibilité d’exploitation géothermique.

ZOOM SUR…
LA TOMOGRAPHIE correspond, dans une région phie sismique permet d’accéder ainsi possible de chauffer et de
SISMIQUE donnée, à une diminution de la à la connaissance des caractéris- produire de l’eau chaude pour
Il s’agit d’une technique per- vitesse des ondes sismiques. À tiques des enveloppes internes de des maisons individuelles ou des
mettant de cartographier l’inté- l’inverse, une anomalie « posi- la Terre. immeubles de petite taille. Cette
rieur de la Terre en étudiant la tive » correspond à une augmen- LA GÉOTHERMIE TRÈS géothermie domestique à très
vitesse des ondes sismiques. La tation de la vitesse de ces ondes. BASSE ÉNERGIE basse énergie n’utilise pas l’éner-
tomographie vise à corréler les Dans une zone du globe terrestre La géothermie domestique dite gie géothermique d’origine in-
anomalies de vitesse des ondes où la minéralogie des roches est « très basse énergie » utilise des terne mais la chaleur solaire em-
sismiques avec des variations identique, une anomalie négative sources d’énergie thermique dont la magasinée par le sol et le sous-sol.
de composition chimique, d’état indique une zone moins dense, température est de moins de 30 °C. La géothermie très basse énergie
physique ou de température donc plus chaude. Une anomalie Des pompes à chaleur permettent devrait se développer dans les an-
des différents milieux compo- positive est interprétée comme de puiser l’énergie thermique nées à venir avec l’amélioration
sant les enveloppes de la Terre. l’existence d’une zone plus dense, contenue dans les couches su- des rendements des pompes à
Une anomalie dite « négative » donc plus froide. Ainsi la tomogra- perficielles du sous-sol. Il est chaleur mises sur le marché.

58 Enjeux planétaires contemporains


L’ARTICLE DU

Islande, la chaleur en partage


Les baigneurs pataugent dans une eau turquoise tandis que des volutes de vapeur Mais cela pourrait peut-être changer. Depuis plusieurs années, certaines entre-
s’élèvent des corps. La température frôle 0 degré. Tout autour, un champ de lave prises du pays songent à construire un câble reliant l’île au Royaume-Uni. De plus
s’étire à perte de vue sous un ciel de nacre. Le Blue Lagoon, station thermale prisée de 1 100 kilomètres de long, il s’agirait du plus grand du monde. « Sa faisabilité
à 40 minutes de Reykjavik, la capitale islandaise, est une improbable oasis posée n’est pas encore établie, mais cela nous permettrait de vendre notre électricité au
sur une terre lunaire. Le magazine National Geographic la considère comme l’une Vieux Continent au prix du marché », explique Ketill Sigurjonsson, d’Askja Energy,
des vingt-cinq merveilles du monde, aux côtés de la vallée africaine du grand rift une société d’analyse spécialiste du secteur. C’est-à-dire beaucoup plus cher que
ou de la forêt équatoriale de Bornéo. Et pourtant, le Blue Lagoon n’a rien de naturel. les tarifs aujourd’hui offerts aux usines d’aluminium.
À quelques kilomètres de là se dresse la centrale géothermique de Svartsengi. Mais, là encore, les écologistes appellent à la vigilance. Dans son petit bureau
Asgeir Margeirsson, PDG de HS Orka, le producteur-distribueur d’électricité près du port de Reykjavik, « Mummi » étale une carte : «  Si l’on construit le
exploitant le lieu, inspire un peu de tabac à priser tout en désignant les énormes câble, il faudra probablement bâtir de nouvelles centrales et installer des lignes
pipelines rouges quittant les bâtiments. « Depuis 1976, nous puisons de l’eau à haute tension à travers les territoires vierges, au cœur de l’île. » De quoi, selon lui,
plus de 700 mètres de profondeur pour produire chauffage et électricité, explique défigurer les paysages sauvages chéris par les touristes, toujours plus nombreux
ce grand gaillard. Par accident, l’eau rejetée a formé un lac, riche en micro-algues chaque année. En 2014, plus d’un million d’entre eux ont visité l’Islande, qui ne
bleues et silicates excellents pour la peau : le Blue Lagoon était né. » compte que 320 000 habitants. « Le développement à tous crins du tourisme et
celui de l’énergie seront difficilement compatibles », prévient « Mummi ».
Le gouvernement, lui, assure que les deux activités peuvent cohabiter harmo-
Des allures de planète mars nieusement. « Le Blue Lagoon en est une belle illustration », insiste Mme Arnadottir,
En Islande, la géothermie est partout, et ses habitants sont passés maîtres dans
précisant que l’Etat étudie sérieusement l’impact environnemental de chaque
l’art d’en exploiter toutes les facettes. Y compris les plus inattendues. « Cette
projet avant de donner son feu vert.
ressource fait partie de notre quotidien à un point que les étrangers n’imaginent
Reste la délicate question de la surexploitation des champs géothermiques.
pas », explique Ragnheidur Elin Arnadottir, la ministre de l’industrie, qui défend
« Lorsqu’un premier puits d’étude est foré, il faut au moins cinq ans pour établir
cette semaine le savoir-faire de son pays au congrès mondial de la géothermie, à
que le réservoir est exploitable, puis cinq ans encore avant de s’assurer qu’il se
Melbourne, en Australie (19 au 24 avril). Car l’ambition du pays est, aujourd’hui,
stabilise », explique M. Ragnarsson. « Si l’on pompe trop vite, il peut s’assécher,
d’exporter son modèle de développement en la matière.
comme cela s’est produit en Californie. » Des décennies sont alors nécessaires
Il suffit de faire un tour dans les rues de Reykjavik pour comprendre ce qu’elle
pour que la poche d’eau se reconstitue.
veut dire. En hiver, malgré les effroyables tempêtes et le froid glacial, les trottoirs
restent miraculeusement dégagés : des tuyaux d’eau chaude courent sous le
béton pour faire fondre la neige. Dans les appartements, il n’est pas rare que Inspiration texane
la température dépasse les 20 degrés : 90 % des habitations sont chauffées Hengill, dans le sud-ouest de l’île. Au creux d’une montagne battue par les vents,
grâce à l’eau brûlante pompée dans le sol. A Hveragerdi, non loin de la capitale, des nuages de vapeur se mêlent à la tempête de neige. Il s’agit de la centrale de

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d’immenses serres chauffées grâce au même système s’étirent sur des kilomètres, Hellisheidi, aujourd’hui pointée du doigt par certains écologistes islandais. Bâtie
donnant à la ville des allures de planète Mars. A l’intérieur : tulipes, tomates, en 2006, elle a été agrandie trop vite. La capacité du réservoir a été surestimée.
concombres, bananes… « Il est vrai que le rendement est moindre que celui que nous espérions », reconnaît
Sans oublier, bien sûr, la production d’électricité. Grâce aux centrales comme celle Eirikur Hjalmarsson, responsable de communication de Reykjavik Energy,
de Svartsengi, l’Islande profite d’une électricité trois à cinq fois moins chère que l’entreprise exploitant la centrale. « Mais cela nous a servi de leçon pour l’avenir. »
sur le Vieux Continent – l’équivalent de 5 % à 7 % du produit intérieur brut écono- De fait, l’île ne mise plus uniquement sur le développement de la géothermie
misé chaque année sur la facture énergique. Au total, la géothermie représente sur son seul territoire. La crise de 2008, qui a vu le système bancaire islandais
aujourd’hui 70 % de l’énergie primaire consommée. « Sans elle, notre île serait s’effondrer, a agi comme un électrochoc. « Terminé la finance, nous avons compris
à peine vivable : nous avons un trésor sous les pieds », explique M. Margeirsson. que les seules ressources sur lesquelles nous pouvions compter sont celles offertes
Ce trésor, l’Islande le doit à sa géologie. L’île est en effet située sur un point chaud, par la nature », explique Hakon Gunnarsson, patron du cluster islandais dédié à
pile entre les plaques tectoniques américaine et eurasienne. « Elles s’écartent la géothermie. « Mais aussi que nous pouvions exporter nos savoir-faire. »
de 2 centimètres par an, d’où nos 130 volcans actifs », résume Arni Ragnarsson, Son modèle : Houston, la capitale de l’or noir, au Texas (Etats-Unis). Loin de se
ingénieur à l’ISOR, l’institut de recherche géothermique de l’île. Résultat : le long contenter d’exploiter les puits, la ville a développé une expertise technique
du rift, des poches d’eau à plus de 150 °C bouillonnent à 1 000 mètres sous la et scientifique autour du pétrole, qui fait aujourd’hui sa renommée. L’Islande
surface. Aujourd’hui, le pays compte sept centrales géothermiques, produisant compte en faire de même. Et cette stratégie se révèle déjà payante.
plus de 4 500 GWh par an. Si l’on ajoute à cela l’électricité hydraulique issue des En 2014, la société Orka Energy a aidé la ville chinoise de Xianyang à remplacer
barrages, plus de 80 % de l’énergie consommée dans le pays est renouvelable. Et le chauffage au charbon par de la géothermie basse température. L’entreprise
les Islandais en sont très fiers. Reykjavik Geothermal planche sur la construction de la plus grande centrale
Il faut dire que leur île n’a pas toujours été la championne des énergies propres. géothermique d’Afrique en Ethiopie. Et étudie un projet au Nicaragua.
« Dans les années 1940, un nuage noir de pollution planait au-dessus de Reykjavik, « La révolution géothermie ne fait que commencer », s’enthousiasme le président
se rappelle Olafur Ragnar Grimsson, 72 ans, président d’Islande depuis 1996. Nous Grimsson, en rappelant que moins de 1 % du potentiel géothermique de la planète
importions massivement du charbon pour nous chauffer. » Le choc pétrolier de est aujourd’hui exploité. « En la matière, l’Islande peut être un guide et un mo-
1973 a changé la donne : pour réduire sa dépendance aux importations d’hydro- dèle. » Petite île, grandes ambitions…. 
carbures, le gouvernement a lancé un plan pour développer massivement la
géothermie. Avec succès. Marie Charrel (Reykjavik, envoyée spéciale), Le Monde daté du 23.04.2015
Mais la petite île, isolée au milieu de l’Atlantique Nord, a été vite confrontée à un
dilemme : une fois le réseau déployé, que faire de cette abondante électricité à bas
coût ? « Puisque nous ne pouvions pas l’exporter, nous avons décidé de faire venir à POURQUOI CET ARTICLE ?
nous des industriels gourmands en énergie », résume Petra Steinunn Sveinsdóttir,
de l’Autorité nationale de l’énergie. A savoir : des producteurs d’aluminium. En Située à la fois sur un point chaud et sur la dorsale Atlantique, l’Is-
1969, Rio Tinto Alcan installa une première fonderie dans le sud-ouest du pays. lande possède un potentiel géothermique très élevé. L’exploitation de
Deux autres suivirent. Aujourd’hui, ces trois usines consomment à elles seules cette ressource renouvelable permet de réduire l’utilisation des com-
70 % de l’électricité produite en Islande. bustibles fossiles, de produire une électricité bon marché et d’amélio-
Au grand dam des écologistes, qui s’interrogent sur les choix stratégiques du rer la qualité de vie sur l’île. Grâce à la géothermie, la production éner-
gouvernement. « Comme ces industriels sont les seuls acheteurs étrangers de notre gétique de l’Islande est excédentaire : il s’agit maintenant de concilier
électricité, ils ont négocié des tarifs très bas : nous n’y avons pas gagné grand- l’exploitation industrielle de ce potentiel géothermique avec un déve-
chose », se désole Gudmundur Ingi Gudbrandsson, de Landvernd, l’association loppement respectueux de l’environnement.
islandaise pour l’environnement – ici, tout le monde l’appelle « Mummi ».

Enjeux planétaires contemporains 59


L'ESSENTIEL DU COURS

La plante domestiquée
La culture des plantes pour l’alimentation humaine mais aussi l’habillement, l’énergie,
la médecine, etc., constitue un enjeu majeur pour l’humanité. Au Néolithique ( 12 000
à  4 000 environ avant J-C), la sédentarisation de l’homme s’est accompagnée d’une
domestication des espèces végétales, qui s’est poursuivie depuis. Comment des plantes
sauvages ont-elles été domestiquées par l’homme dans le passé ? Quelles méthodes
l’homme utilise-t-il actuellement pour modifier les plantes qu’il cultive ?

La domestication à l’origine des plantes cultivées


Les espèces végétales actuellement cultivées sont issues d’un processus
de domestication d’espèces initialement sauvages qui s’est déroulé sur
Asie, Chine
plusieurs milliers d’années, comme l’attestent les études archéologiques. Méso Amérique
Maïs, haricot, courgette, tomate,
Soja, riz, chou, oignon,
canne à sucre, concombre
tournesol, cacao
La domestication consiste en une sélection artificielle, au cours de -9 000 / -3 500 ans
Asie du Sud-Est, Océanie
-8 500 / -6 500 ans

laquelle l’homme choisit des caractères intéressants pour la culture et Croissant fertile
Blé, orge, pois, lin,
l’utilisation de la plante. Ces caractères sont généralement contrôlés oignon, lentille
-10 000 / -9 000 ans
Amérique du Sud
génétiquement et sont donc transmis à la descendance de la plante. Par Tabac, pomme de terre, coton,
manioc, tomate
-6 000 ans Afrique
exemple, les premiers agriculteurs ont sélectionné les grains de blé les Sorgho, melon, blé, orge
-5 000 ans

plus lourds pour servir de semences à leurs cultures suivantes. Après


plusieurs générations et sélections successives des grains les plus
lourds, les grains produits ont une masse plus élevée que ceux initiaux. L’origine d’espèces végétales cultivées actuellement

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Les caractères des plantes favorables à leur utilisation par l’homme
Dans le passé, une espèce était souvent soumise à une sélection varié-
sont en général défavorables à la croissance de la plante en milieu
tale, consistant à générer différentes variétés de cette même espèce.
sauvage.
Chaque variété présentait alors des caractères propres, sélectionnés
Le croissant fertile (Moyen-Orient), l’Amérique centrale et l’Asie
en fonction des conditions de cultures locales. L’existence de ces
du Sud-Est sont les berceaux de la majorité des espèces végétales
différentes variétés d’une même espèce végétale cultivée constitue
cultivées aujourd’hui dans le monde entier.
une forme de biodiversité.
La sélection artificielle se poursuit après la Actuellement, la création de nouvelles variétés se poursuit. Ainsi, dans
domestication une espèce donnée, on peut conférer un caractère intéressant d’une
Après domestication, la sélection artificielle se poursuit par différentes variété dite « donneuse » à une autre variété dite « receveuse », qui,
modalités : sélection des caractères intéressants, mais aussi hybri- elle-même présente d’autres caractères intéressants. Pour cela, les
dations (spontanées ou provoquées) entre deux espèces différentes, deux variétés sont croisées, et les descendants du croisement présen-
doublement spontané du nombre de chromosomes après hybridation, tant le caractère d’intérêt sont sélectionnés et croisés à nouveau avec
mutations spontanées, etc. la variété receveuse. Après répétition des étapes de croisement et de

ZOOM SUR…
DOMESTICATION OGM LA RÉVOLUTION le chien et le cheval. La chasse et la
Processus de sélection par Organisme génétiquement mo- DU NÉOLITHIQUE cueillette restent toutefois pratiquées.
l’homme d’espèces végétales sau- difié, dont le génome a été mo- À partir d’environ  9 000 avant J-C, Cette transformation du mode de
vages à l’origine des premières difié par transgénèse, c’est-à-dire d’abord en Orient puis en Occident, vie, qualifiée de « révolution », a
espèces cultivées. par l’insertion de matériel géné- notamment dans le bassin méditer- de nombreuses conséquences :
tique exogène. ranéen, les populations connaissent amélioration et diversification
GÉNIE GÉNÉTIQUE un changement radical de leur mode de l’alimentation, modification
Ensemble de techniques de mo- SÉLECTION ARTIFICIELLE de vie. Auparavant chasseurs-cueil- de l’habitat, de la vie culturelle et
dification du génome d’un être Choix effectué par l’homme des spirituelle, etc. Elle s’accompagne
leurs, ils deviennent des producteurs,
vivant sans intervention des espèces à cultiver en fonction également du développement de
pratiquant cultures et élevages. Des
moyens naturels de reproduction. des caractères jugés intéressants la céramique. Le Néolithique prend
céréales et légumineuses sont sélec-
pour lui et qui seront transmis à fin avec le développement de la mé-
tionnées et cultivées, et des animaux
la descendance de ces espèces. tallurgie et l’invention de l’écriture
domestiques sont élevés : porc, bœuf,
mouton, chèvre, sans oublier le chat, vers  3 300 avant J-C.

60 Enjeux planétaires contemporains


L'ESSENTIEL DU COURS

sélection, la variété receveuse présente le caractère d’intérêt, tout en sur des pieds de vignes américains naturellement résistants au phylloxera.
ayant conservé ses autres caractères intéressants. Cette amélioration Il est toujours judicieux, comme le démontrent ces exemples, de conserver
variétale est un long processus. des variétés végétales moins productives mais susceptibles d’être por-
Les croisements peuvent aboutir à l’émergence d’une nouvelle espèce. Ainsi teuses de caractères pouvant se révéler intéressants, comme la résistance
la clémentine est-elle un hybride entre la mandarine et l’orange douce. à des maladies.

La biodiversité des plantes cultivées Génie génétique et plantes cultivées


La biodiversité des plantes cultivées a, pendant longtemps, été assez im- Le génie génétique permet de modifier le génome d’un être vivant. Les outils
portante. Mais depuis quelques dizaines d’années, la sélection des variétés du génie génétique introduisent un gène d’intérêt dans le génome des cellules
les plus productives aboutit à la culture d’un nombre réduit de variétés. d’une plante : il s’agit d’un transfert de gène ou transgénèse. La présence
Or, cette réduction de la biodiversité peut avoir de graves conséquences. du gène transféré ou transgène confère à la plante de nouveaux caractères.
Par exemple, au début du XIXe siècle, un champignon, le mildiou, s’attaqua La plante ainsi modifiée est un OGM (organisme génétiquement modifié).
aux plants de pommes de terre en Irlande et provoqua une immense Des OGM, comme le maïs transgénique résistant à des herbicides, sont
famine. À la même époque, l’Europe fut touchée par une épidémie d’un cultivés dans plusieurs pays. Les avantages et les inconvénients des OGM
insecte piqueur, le phylloxera, qui décima presque tous les ceps de vigne. sont encore largement débattus et sont sujets à controverse. 
Le vignoble français fut reconstruit à partir de greffes de cépages français

Espèce sauvage

nombreuses variétés
forte diversité allélique

Domestication

Sélection par
l’Homme des variétés
intéressantes Biodiversité
des plantes cultivées

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Premières espèces cultivées
+++

Principe du transfert biologique de gènes pour créer


Sélection des organismes génétiquement modifiés (OGM)
variétale Un cal est un amas de cellules végétales non différenciées
+ pouvant générer in vitro une plante.

Variétés cultivées
actuelles Génie génétique DEUX ARTICLES DU MONDE À CONSULTER
(OGM)

• Les insectes survivent de mieux en mieux aux OGM p. 63


Variétés transgéniques
(Stéphane Foucart, Le Monde daté du 13.06.2013)
• Une étude américaine banalise les effets des OGM p. 64
Évolution de la biodiversité des espèces cultivées (Stéphane Foucart, Le Monde daté du 20.08.2016)

ZOOM SUR…
UN OGM : LE MAÏS BT pour fabriquer les premiers OGM. ayant intégré le plasmide Ti dans cet OGM porte un gène d’origine
Les végétaux peuvent être attaqués Pour la construction de l’OGM, le leur génome sont sélectionnés bactérienne codant une protéine,
par une bactérie appelée Agrobac- plasmide Ti est modifié. Le gène et sont alors capables de générer l’enzyme EPSPS, qui permet la
terium tumefasciens. Cette bactérie responsable de la virulence de la des plantes entières de maïs dont croissance de la plante en présence
porte des petites molécules circu- bactérie est remplacé par le gène toutes les cellules sont transgé- de l’herbicide. La plante possède
laires d’ADN, appelées plasmides Ti, codant la toxine d’une autre bac- niques. Ainsi, le maïs transgénique une autre enzyme EPSPS végétale
qui sont distinctes du chromosome térie appelée Bacillus thurigiensis. obtenu, appelé « Bt » (car produi- qui est bloquée par l’herbicide.
bactérien. À la faveur d’une bles- Cette protéine est toxique pour un sant la toxine de Bacillus thurigien- Seules les plantes transgéniques
sure du végétal, la bactérie l’infecte insecte ravageur, la pyrale. Le plas- sis), a acquis un nouveau caractère : ayant l’enzyme EPSPS microbienne
et injecte ses plasmides Ti dans les mide Ti portant le gène d’intérêt capable de synthétiser une molé- poussent en présence de l’herbi-
cellules végétales. Les plasmides Ti (ici celui de la toxine de la bactérie cule toxique pour la pyrale, il lui est cide, mais pas les autres végétaux,
sont alors capables de s’intégrer Bacillus thurigiensis) est introduit devenu résistant. comme les mauvaises herbes, ainsi
dans le génome des cellules de la dans des cals. Les cals sont des amas UN OGM  : LE SOJA éliminés par l’herbicide.
plante. C’est ce système naturel de de cellules végétales indifféren- TOLÉRANT À UN HERBICIDE
transfert de gène qui a été utilisé ciées obtenus in vitro. Seuls les cals Plante transgénique la plus cultivée,

Enjeux planétaires contemporains 61


UN SUJET PAS À PAS

Partie 2.1 : Un OGM riche en précurseurs de vitamine


Les documents autres molécules dont il est également le précurseur. Autrement dit, il est
La carence en vitamine A affecte, d’après l’Organisation mondiale
1 probable que le riz doré, qui fabrique du bêta-carotène, fabrique moins
de la santé (OMS), entre 100 et 200 millions d’enfants. Cette carence de vitamine E, et que les rendements obtenus avec ce riz transgénique
est responsable de graves troubles oculaires, de cécité infantile et du soient nettement diminués en raison d’une synthèse amoindrie de
décès de plus d’un million d’enfants chaque année. Or, les tentatives chlorophylles et d’acide gibbérellique.
de diversification nutritionnelle ou de suppléments en vitamines
atteignent difficilement toutes les personnes concernées. Des cher- Les questions
cheurs ont donc travaillé sur l’enrichissement en vitamine A (ou en 1. Le bêta-carotène, contenu notamment dans le riz doré :
précurseurs de vitamine A) de certains aliments de base dans certains a) permet de pallier les carences en GPP.
régimes alimentaires. Ils ont ainsi mis au point un riz transgénique b) empêche la synthèse de la vitamine E de l’individu qui ingère du riz doré.
appelé « riz doré ». c) p
 ermet de pallier à 100 % les carences en vitamines A.
d) se transforme en vitamine A chez la personne qui ingère du riz doré.
Document 1 : Particularités du riz doré
« Le bêta-carotène qui, une fois assimilé dans le corps humain, se 2. Le riz doré est issu d’une transgénèse de trois gènes codant pour
transforme en vitamine A existe naturellement dans l’enveloppe du riz la synthèse :
mais pas dans sa partie comestible, c’est-à-dire l’albumen. L’enveloppe a) de la vitamine A du riz dans le génome d’une bactérie.
du riz étant éliminée de manière à améliorer sa conservation, les grains b) d es enzymes permettant la production du bêta-carotène.
consommés ne contiennent plus de bêta-carotène. Par l’introduction c) d
 e la vitamine A d’une jonquille dans le génome du riz.
de trois gènes dans du riz, des chercheurs allemands ont réussi à d) des enzymes activant la voie de la biosynthèse de la vitamine A.
restaurer dans l’albumen une voie de biosynthèse du bêta-carotène
à partir de son précurseur : le GPP. Le bêta-carotène alors synthétisé 3. La fabrication du riz doré transgénique a été faite pour :
colore les grains en jaune, d’où le surnom de “riz doré”. Cependant, les a) pallier les problèmes liés à l’utilisation de pesticides.
teneurs obtenues jusqu’à présent ne fourniraient pas aux populations b) améliorer le rendement des rizicultures pour nourrir certaines
démunies en vitamine A les quantités de bêta-carotène qui leur se- populations humaines.
raient nécessaires. Mais les effets de carences plus ou moins prononcés c) diminuer les effets d’une carence alimentaire touchant certaines
pourraient être sensiblement allégés. Le génome du riz doré contient populations humaines.
trois gènes codant pour la synthèse d’enzymes impliquées dans la e) éviter l’apport massif d’engrais dans les cultures.

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chaîne de biosynthèse du bêta-carotène à partir du GPP à savoir :
deux gènes de jonquille, qui permettent la fabrication des enzymes 1 4. D’après certains scientifiques, la modification génétique du riz
et 2 ; un gène de bactérie, qui permet la fabrication de l’enzyme 3. » aboutissant à des plants de riz doré pourrait entraîner une pro-
duction :
Source : www.maison-des-sciences.ac-versaillers.II.docs/OGM.pdf
a) moindre du fait d’un rendement végétal diminué.
1. apport insuffisant voire manque
b) accrue de vitamine E par la plante.
GPP c) de plantes plus riches en pigments chlorophylliens.
Document 2 : Incertitudes scientifiques autour
Enzyme 1 d) de plantes plus résistantes aux parasites.
du riz doré
Le GPP, naturellement présent dans le riz, permet Produit
intermédiaire A Le corrigé
à la cellule de fabriquer un certain nombre de
molécules, dont la vitamine E, des chlorophylles Enzyme 2 1. d), 2. b), 3. c), 4. a). 
et de l’acide gibbérellique (substance favorisant la
Produit
croissance végétale). La fraction du GPP, qui dans le intermédiaire B
riz doré sera utilisée pour fabriquer du bêta-caro-
tène, ne sera plus disponible pour la synthèse des Enzyme 3 Ce qu’il ne faut pas faire
Bêta-carotène
• Cocher deux réponses, ou ne cocher aucune réponse.
La chaîne de biosynthèse du bêta-carotène • Négliger les informations apportées par les documents.

ZOOM SUR…
L’ORIGINE DES BLÉS CULTIVÉS actuel (comportant également 2n l’amidonnier cultivé ont ainsi été L’ORIGINE DU MAÏS
Actuellement, nous consommons =14 chromosomes). Cette hybrida- peu à peu modifiés pour donner, Le maïs, originaire du Mexique,
du blé tendre, utilisé pour les fa- tion s’est accompagnée d’un dou- il y a environ – 2 000 ans, le blé est issu d’une domestication, da-
blement du nombre de chromo- dur, dont le génome comporte
rines de pain, de pâte à pizza, et tée vers – 7 000 ans, d’une espèce
somes et a donné naissance à une 2n = 28 chromosomes. D’autre
du blé dur pour la semoule et les ancestrale, proche d’une espèce
nouvelle espèce : l’amidonnier part, vers – 9 000 ans, une hybri-
pâtes. Quelle est l’origine de ces sauvage actuelle : la téosinte.
sauvage, dont les cellules com- dation a eu lieu entre l’amidon-
deux blés ? Suite à cette domestication, les
portent 2n = 28 chromosomes. nier cultivé et l’égilope rugueux
Il y a - 17 000 ans, a eu lieu une hy- Au tout début du Néolithique, (espèce à 2n = 14 chromosomes), populations amérindiennes ont
bridation spontanée entre deux vers – 12 000 ans, l’homme a suivie d’un doublement du procédé à une sélection variétale
espèces sauvages de céréales : domestiqué cet amidonnier nombre de chromosomes, qui générant plusieurs variétés adap-
l’engrain sauvage (dont le génome sauvage. Puis, il a continué de a abouti à la formation d’une tées localement. Introduite en Eu-
comporte 2n = 14 chromosomes) sélectionner des phénotypes de nouvelle espèce : le blé tendre, rope au XIXe siècle, le maïs est une
et un égilope inconnu mais l’amidonnier intéressants pour dont le génome comporte des céréales les plus produites au
proche de l’égilope faux épeautre sa culture. Les caractères de 2n = 42 chromosomes. monde, avec le blé et le riz.

62 Enjeux planétaires contemporains


LES ARTICLES DU

Les insectes survivent de mieux en mieux aux OGM


Cinq espèces de coléoptères et de lépidoptères ont développé, surtout aux Etats-Unis,
des résistances aux plantes transgéniques insecticides.

La théorie de l’évolution fonctionne à merveille. Face à l’augmentation lations de nuisibles peuvent en effet s’adapter en deux à trois ans ou,
du nombre de surfaces de cultures transgéniques, modifiées pour au contraire, demeurer vulnérables après quinze ans de cultures Bt.
sécréter des toxines insecticides Bt (Bacillus thurigensis), coléoptères et Pourquoi ? Les auteurs montrent toute l’importance de planter, autour
lépidoptères développent mécaniquement toujours plus de résistances. des champs Bt, des surfaces « refuges » de cultures conventionnelles.
C’est le principal constat d’une synthèse de la littérature scientifique, Dans ces zones exemptes de toxines, les insectes non résistants
publiée le 10 juin dans la revue Nature Biotechnology qui soulève la peuvent prospérer et se reproduire avec ceux qui le sont devenus :
question des précautions à prendre avec ces cultures. c’est une sorte de « dilution génétique » de la résistance.
Selon ces travaux, conduits par Bruce Tabashnik (université d’Arizona « Il faut adapter cette politique de refuge, notamment en fonction de
à Tucson, Etats-Unis) des résistances à des toxines Bt sont établies la situation locale, explique Denis Bourguet, chercheur à l’Institut
pour cinq des treize grandes espèces d’insectes ravageurs ciblées national de recherche agronomique (INRA). Par exemple, selon la
par ces végétaux modifiés, à l’instar de la chrysomèle du maïs, un fréquence de gènes de résistance à la toxine Bt déjà présents dans les
coléoptère. En 2005, voilà moins d’une décennie, seule une espèce populations d’insectes, avant même l’implantation d’une culture Bt. »
était, localement, parvenue à s’adapter à ces cultures. Une faible proportion de ravageurs possède naturellement un gène de
L’émergence accélérée de ces résistances cadre avec la forte augmen- résistance. C’est lorsque ce gène, par le biais de la sélection naturelle,
tation des surfaces cultivées de maïs et de coton Bt. En 2011, celles-ci devient présent chez la moitié des individus au moins qu’on parle de
représentaient au niveau mondial environ 66 millions d’hectare, soit population devenue résistante. L’étendue des surfaces refuges doit
près de soixante fois plus qu’en 1996. Les Etats-Unis, qui représentent être adaptée à cette proportion initiale. Un autre paramètre entre
la moitié des superficies mondiales de cultures Bt, hébergent trois des également en ligne de compte : moins la plante transgénique est

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
cinq espèces ayant développé des résistances. efficace, plus les refuges doivent être étendus.
Les auteurs ont passé en revue 77 études documentant l’apparition Dans certains pays, comme la Chine, les refuges ne sont pas obliga-
de ces résistances dans huit pays et, surtout, les conditions dans toires. Une situation qui rend non durable le bénéfice procuré par
lesquelles celles-ci surviennent. « L’objectif était d’expliquer pourquoi les cultures Bt. « Ailleurs, en Australie par exemple, cette politique a été
la résistance a évolué très rapidement dans certains cas et pas dans menée avec succès avec, initialement, l’obligation de maintenir 70 % de
d’autres », explique l’entomologue Yves Carrière (université d’Arizona), zones refuges dans les cultures Bt », dit M. Bourguet.
coauteur de ces travaux. Dans des situations comparables, les popu- Pour gérer l’apparition des résistances, les chercheurs notent l’utilisa-
tion accrue de plantes transgéniques sécrétant deux toxines Bt (dites
« pyramides »), et non plus une seule. Mais là encore, les chercheurs
POURQUOI CET ARTICLE ? recommandent certaines bonnes pratiques.
Cet article a la particularité de se rapporter à la fois au chapitre sur « L’efficacité des «pyramides» est réduite dans le cas où les plantes à deux
la plante domestiquée, car il traite des OGM, et au chapitre sur l’évo- toxines sont cultivées en même temps que des plantes n’en produisant
lution et la sélection naturelle. Depuis une vingtaine d’années, des qu’une seule des deux, ou lorsque les insectes ont déjà acquis une résis-
cultures transgéniques, principalement de maïs et de coton, sécré-
tance », explique Thierry Brévault, chercheur au Centre de coopération
tant des toxines insecticides Bt (Bacillus thurengensis), sont réali-
sées à grande échelle. Ces OGM permettent à l’agriculteur de limiter internationale en recherche agronomique pour le développement
le recours à des insecticides. (Cirad) et coauteur de l’étude.
Aujourd'hui, on sait que près de la moitié des insectes ravageurs Paradoxe : l’apparition de populations résistantes oblige les agricul-
ciblés par ces OGM ont développé une résistance, d'autant plus
que les surfaces cultivées avec ces OGM augmentent.
teurs à employer davantage d’insecticides utilisés en pulvérisation.
L’intérêt d’utiliser ces OGM « insecticides » diminue donc avec l’aug- Une sorte de retour à la case départ. « C’est cet indicateur qui a permis
mentation de la résistance à la toxine Bt et oblige les agriculteurs à de déceler dans certaines régions des Etats-Unis, une perte d’efficacité du
pulvériser des insecticides.
coton Bt vis-à-vis d’une espèce de chenille devenue résistante aux plantes
Une solution pour ralentir l’apparition des résistances est de cultiver
des surfaces dites « refuges » sans OGM. Cela permettrait de limiter produisant deux toxines Bt », dit M. Brévault.
la sélection naturelle des insectes devenus résistants puisque ces Les cultures Bt ont jusqu’à présent permis de limiter l’épandage d’in-
derniers pourraient se reproduire avec des insectes non résistants. secticides chimiques. L’agronome Charles Benbrook (Washington State
Une deuxième solution consiste à utiliser des OGM produisant deux
University) estime que ces cultures en ont « économisé » 56 000 tonnes,
toxines Bt mais, là encore, des insectes développent des résistances.
Les cultures de ces OGM « insecticides » avaient permis de limiter aux Etats-Unis, entre 1996 et 2011. Mais jusqu’à quand ?
l’utilisation des pesticides, mais cette « économie » semble de plus
en plus compromise par l’apparition de ces insectes résistants. Stéphane Foucart, Le Monde daté du 13.06.2013

Enjeux planétaires contemporains 63


LES ARTICLES DU

Une étude américaine banalise les effets des OGM


L’Académie des sciences ne relève ni impact négatif sur la santé ni impact positif sur les
rendements agricoles.

Jusqu’à présent, les cultures transgéniques déployées outre-Atlantique la technologie OGM sur les taux d’augmentation des rendements », notent
n’ont globalement pas eu d’impacts plus négatifs sur la santé et l’envi- en effet les experts. Ces derniers ajoutent que ce fait n’est pas contradictoire
ronnement que les cultures conventionnelles. C’est la conclusion majeure avec des bénéfices économiques pour les producteurs (traitements moins
d’un épais rapport d’expertise rendu public, mardi 17 mai, par l’Académie coûteux, simplicité d’utilisation, réduction des emplois agricoles, etc.).
des sciences américaine. Rédigé avec une bienveillance certaine vis-à-vis des biotechnologies végétales,
L’institution a adopté une approche globale : elle a constitué plusieurs le rapport américain ne suffira pas à éteindre toutes les polémiques. Il n’échap-
comités scientifiques afin d’examiner les différents aspects liés au dévelop- pera pas aux critiques, en particulier sur la question délicate des variétés
pement des OGM : effets sanitaires, environnementaux, mais également tolérantes au glyphosate. La présence de ce produit – le pesticide le plus utilisé
impacts agronomiques, économiques et sociaux. Les auteurs se sont fondés au monde – est en effet mécaniquement accrue par l’adoption des cultures
sur près d’un millier d’études publiées dans la littérature scientifique, mais capables de le tolérer et ses effets sanitaires sont au cœur d’une intense
ont également reçu, de la part de la société civile ou d’autres chercheurs, controverse, notamment en Europe où il est en cours de réhomologation.
des dizaines de commentaires et de questions spécifiques. Or le rapport américain, s’il fait état de divergences de vue, dédouane
Le premier constat du rapport est l’absence d’effets sanitaires associés à la largement le produit, en mettant en avant une étude épidémiologique,
consommation de végétaux transgéniques. Les auteurs ont passé en revue dite « Agricultural Health Study ». «  Une grande étude prospective sur
un grand nombre d’études toxicologiques, mais ont également comparé, à les travailleurs agricoles américains ne montre aucune augmentation
l’ouest de l’Europe, l’évolution des grandes maladies chroniques (cancers, significative de cancers ou d’autres problèmes de santé, qui serait due à
obésité, diabète, etc.) rencontrées aux Etats-Unis. L’intérêt de la comparai- l’utilisation du glyphosate », note le rapport.
son est simple : outre-Atlantique, les OGM ne sont pas étiquetés et sont
largement présents dans l’alimentation, tandis que les règles européennes,
qui imposent d’informer les consommateurs, réduisent considérablement
Constat très différent
Mais, évaluant la même étude, le Centre international de recherche sur
leur présence dans la chaîne alimentaire. Les comparaisons faites entre
le cancer (CIRC), l’agence de l’Organisation mondiale de la santé chargée
populations européennes et nord-américaines ne montrent aucune
d’inventorier et de classer les agents cancérogènes, fait un constat très
différence potentiellement attribuable à la consommation d’OGM.

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différent. « La faiblesse de cette étude est que les individus n’ont été suivis
De plus, aux Etats-Unis, l’arrivée des plantes transgéniques dans les
que pour une courte période de temps, au cours de laquelle peu de cas de
champs et les assiettes, en 1996, n’a, semble-t-il, pas accentué les tendances
cancer ont eu le temps d’apparaître, écrit le CIRC dans un document de
des grandes maladies non transmissibles. « Le comité énonce ce résultat
décryptage éclairant sa décision de classer le glyphosate « cancérogène
avec beaucoup de précaution, écrivent les rapporteurs. Toute nouvelle
probable ». Ainsi, bien qu’il s’agisse d’une grande étude de qualité, ses
alimentation – transgénique ou non – peut avoir des conséquences subtiles,
résultats sur le glyphosate et le risque de lymphome non hodgkinien [un
favorables ou délétères, qui ne sont pas détectées et des effets sanitaires
cancer du sang] ne contrebalancent pas ceux d’autres études qui mettent
peuvent se développer avec le temps. » A l’appui de cette grande prudence,
en évidence un lien [entre le produit et la maladie]. »
le rapport note qu’aucune étude épidémiologique conduite dans les règles
Le cadre de travail des experts, bien que très large, était en outre restreint
de l’art n’a jamais été menée pour comparer des populations se nourrissant
aux seules biotechnologies végétales. «  Nous avons reçu de nombreux
d’OGM à des populations comparables n’y étant pas exposées.
commentaires nous demandant d’examiner et d’évaluer les mérites des
technologies d’agriculture intensive par rapport aux approches plus
Question délicate du glyphosate agroécologiques, explique l’entomologiste Fred Gould (université de Ca-
Au plan environnemental, certains résultats présentés paraîtront contre-in- roline du Nord), président du comité d’experts, dans sa préface au rapport.
tuitifs aux adversaires des biotechnologies végétales. Ainsi, les quantités C’est une comparaison qu’il serait important de conduire, mais cela était
d’insecticides épandues sur les champs de variétés conventionnelles sont hors du mandat donné à notre comité. »
généralement supérieures à celles utilisées sur les parcelles plantées de
variétés transgéniques résistantes aux ravageurs. Conséquence : l’utili- Stéphane Foucart, Le Monde daté du 20.08.2016
sation de ces OGM permet de maintenir « une plus haute biodiversité des
insectes » par rapport à des parcelles plantées de variétés conventionnelles
soumises à plus de traitements chimiques.
D’autres constats sont plus mitigés. Ainsi, les variétés tolérantes à des POURQUOI CET ARTICLE ?
herbicides (essentiellement le glyphosate, principe actif du Roundup de
Les OGM sont largement cultivés sur le continent américain, un peu en Asie et
Monsanto) n’ont ainsi pas fait baisser les tonnages des produits utilisés.
en Afrique et très peu en Europe, ce qui permet de comparer les conséquences
« Dans les zones où les cultures tolérantes aux herbicides ont conduit à une
des cultures OGM selon les continents. Cet article rend compte de l’étude
dépendance forte au glyphosate, écrivent les auteurs, certaines mauvaises
effectuée par l’Académie des sciences américaine sur les conséquences de
herbes ont développé des résistances, ce qui représente un problème l’utilisation des OGM. L’étude de l’Académie des sciences américaine ne met
agronomique majeur. » pas en évidence d’effets néfastes des OGM sur les plans sanitaire et écologique.
De plus, les OGM sont également associés à une érosion des compétences La culture d’OGM résistants aux insecticides permettrait une baisse de l’utili-
agronomiques des agriculteurs, de même qu’à une baisse de la diversité sation de ces produits, ce qui est favorable à la biodiversité. Mais les cultures de
des cultures et des rotations… Cependant, la responsabilité univoque des maïs, coton et soja OGM ne se sont pas accompagnées d’une augmentation des
OGM n’est pas formellement établie, cette tendance ayant commencé à rendements comme espéré. Enfin, la culture d’OGM tolérants aux herbicides
la fin des années 1980. est responsable d’une augmentation de l’utilisation de ces produits, alors que
L’évaluation des bénéfices des OGM en termes de rendement surprendra, certains herbicides sont suspectés de toxicité pour l’homme. Finalement, l’Aca-
elle, les partisans de la transgenèse. « Les données nationales sur le maïs, le démie des sciences américaine, plutôt bienveillante envers les OGM, livre un
coton ou le soja aux Etats-Unis ne montrent pas une signature spécifique de bilan mitigé de l’utilisation des OGM en agriculture.

64 Enjeux planétaires contemporains


LE MAINTIEN DE L’INTÉGRITÉ DE L’ORGANISME :
QUELQUES ASPECTS DE LA RÉACTION IMMUNITAIRE
1. La bactérie est
endocytée par le Chronologie de l'infection par le VIH
phagocyte
2. La bactérie est Phase de Phase asymptomatique Phase SID
contenue dans
une vésicule =
Concentration
en LT CD4
primo
infection LT CD8 C

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
le phagosome (par mm3 de sang)

3. Le phagosome
fusionne avec un
1200
le
1000 Anticorps anti VIH
lysosome riche
en enzymes
800
LT CD4
4. Digestion de la 600
bactérie dans le
phagolysosome 400
5. Exocytose des
éléments non 200
Taux de VIH détecté dans le sang Répon
digérés
0
1 semaines 12 1 à 12 ans anné

Réponse humorale
Contamination

BcR CM

LB

Lymphocyte T CD4
auxiliaire activé
LT
CD4+
LT
L'ESSENTIEL DU COURS

La réaction inflammatoire,
un exemple de réponse innée
L’organisme humain est pourvu d’un système de protection contre les éléments patho-
gènes qui menacent son intégrité. Ces éléments pathogènes peuvent être des virus, des
bactéries, des eucaryotes, des parties d’êtres vivants (pollens, poils, etc.), des éléments
physico-chimiques (fibres d’amiante, poussières, etc.) ou encore les propres cellules
modifiées de l’organisme, comme les cellules cancéreuses. Ces éléments pathogènes
sont potentiellement dangereux pour l’organisme et le système immunitaire est chargé
du maintien de l’intégrité de ce dernier. Comment le système immunitaire protège-t-il l’or-
ganisme des éléments pathogènes ?
seconde ligne de défense est alors opérationnelle pour les neutraliser.
Cette défense, l’immunité innée, se caractérise par la mise en place
de la réaction inflammatoire aiguë. Cette réaction inflammatoire
aiguë est stéréotypée : elle se déroule de la même façon, quel que
soit l’agresseur, et se met en place dès son entrée, que l’agresseur soit
connu ou non de l’organisme.

La réaction inflammatoire aiguë


Dans les tissus, des cellules comme les mastocytes, les macrophages,

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
les cellules dendritiques sont présentes, en attente d’une rencontre
éventuelle avec un pathogène. Ces cellules font partie des leucocytes
(ou globules blancs) : ce sont des cellules sentinelles. Les pathogènes
sont détectés par les récepteurs PRR à la surface de ces leucocytes. La
détection de ces agents infectieux entraîne la sécrétion des médiateurs
Les défenses de l’organisme contre l’intrusion des
pathogènes chimiques de l’inflammation par ces leucocytes. Il existe différents
Nous possédons des défenses physiques, comme l’imperméabilité de médiateurs chimiques de l’inflammation, comme l’histamine, la
notre épiderme et de nos muqueuses. Ces défenses sont complétées sérotonine, les cytokines pro-inflammatoires (IL-1, IL-6, TNF-, etc.)
par des défenses chimiques (larmes, sueur, mucus) et microbiolo- et les éicosanoïdes (molécules dont font partie les prostaglandines,
giques (flore bactérienne, présente naturellement sur et dans notre le thromboxane, la prostacycline et les leucotriènes). Ces médiateurs
corps). Malgré tout, à la faveur d’une blessure, d’une morsure ou d’une chimiques de l’inflammation activent la vasodilatation des capillaires.
piqûre, des pathogènes peuvent pénétrer dans notre organisme. Une Ce qui entraine une augmentation du flux sanguin irriguant le site

NOTIONS CLÉS ZOOM SUR…


IMMUNITÉ INNÉE PHAGOCYTOSE LES MALADIES des poussées inflammatoires très
Ensemble des défenses de l’orga- Mécanisme assurant l’ingestion INFLAMMATOIRES douloureuses. La prise en charge
nisme existant dès la naissance, ne par les cellules phagocytaires de CHRONIQUES médicale consiste en des traite-
nécessitant pas d’apprentissage et particules ou de cellules à l’inté- Ces maladies se caractérisent par ments anti-inflammatoires visant
qui se mettent en place très rapide- rieur de vésicules, les phagosomes, une inflammation quasi perma- à réduire les poussées inflamma-
ment dans des situations diverses. en vue de leur élimination. nente des tissus touchés. On peut toires douloureuses lors des crises.
mentionner : Des traitements de fond, notam-
INFLAMMATION – la polyarthrite rhumatoïde. Les ar- ment avec des immunosuppres-
Ensemble des réactions se produi- ticulations sont le siège d’une réac- seurs, sont prescrits pour réduire
sant au niveau d’une lésion de l’or- tion inflammatoire, elles deviennent la réaction immunitaire à l’origine
ganisme, où des éléments patho- douloureuses et déformées ; de l’inflammation. Ces maladies
gènes peuvent se trouver. – la maladie de Crohn. Elle consiste affectent des adultes plutôt jeunes
en une inflammation pouvant tou- et sont handicapantes dans la vie
cher la paroi de l’ensemble du tube quotidienne. Le patient doit être
digestif et se manifeste par des diar- suivi toute sa vie : il n’y a pas pour
rhées et des douleurs abdominales. l’instant de traitement conduisant à
Ces maladies se caractérisent par une guérison complète.

66 Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire


L'ESSENTIEL DU COURS

inflammatoire. Les cellules des parois des capillaires s’écartent, faci- déclenchement des réactions immunitaires détruisant les pathogènes.
litant le passage des leucocytes du sang vers les tissus, mais aussi du Il s’agit de médicaments anti-inflammatoires comme par exemple
plasma : cela induit chaleur, rougeur et gonflement. La stimulation des l'aspirine ou l'ibuprofène. Les anti-inflammatoire inhibent la synthèse
terminaisons nerveuses voisines provoque une sensation de douleur. des médiateurs chimiques de l’inflammation. Ces molécules ont
Les leucocytes attirés sur le site inflammatoire éliminent différem- également une action antalgique, qui diminue la sensation de douleur
ment les pathogènes. Les granulocytes, les cellules dendritiques et les et certains anti-inflammatoires font également baisser la fièvre.
monocytes transformés en macrophages à leur arrivée dans les tissus
réalisent la phagocytose du pathogène. La phagocytose est l’ingestion La réponse innée prépare la réponse adaptative
et l’élimination d’éléments considérés comme étrangers par les cel- Après digestion du pathogène, une partie des molécules restantes sont
lules phagocytaires. La phagocytose nécessite la reconnaissance du exposées sous forme de peptides (ou antigènes) sur des récepteurs
pathogène par des récepteurs membranaires des cellules phagocytaires membranaires des phagocytes, les molécules du CMH. Si l'infection
(récepteurs PRR). La membrane du phagocyte se déforme et emprisonne persiste, ces phagocytes, notamment les cellules dendritiques, quittent
le pathogène dans une vésicule, appelée « phagosome ». Cette vésicule le site inflammatoire et migrent jusqu’aux ganglions lymphatiques.
fusionne avec des lysosomes, vésicules cytoplasmiques à contenu acide Les fragments protéiques provenant du pathogène détruit, associés
et riches en enzymes. Les enzymes contenues initialement dans les aux récepteurs du phagocyte, sont alors présentés à des lymphocytes
lysosomes digèrent le pathogène. Ainsi la réaction inflammatoire aiguë T, déclenchant ainsi la réponse immunitaire adaptive, spécifique de
constitue la première ligne de défense active du système immunitaire l’agent infectieux.
qui vise à éliminer les pathogènes dès leur entrée dans l’organisme.
Les caractéristiques de l’immunité innée
Les mécanismes de l’immunité innée, qui existent chez tous les ani-
maux, sont conservés au cours de l’évolution. L’immunité innée
correspond aux réactions se mettant en place rapidement et se dé-
roulant de manière stéréotypée, quelle que soit la situation initiale
l’ayant déclenchée (infection, lésion des tissus, tumeur, etc.). La réac-
tion inflammatoire aiguë est l’un des mécanismes essentiel de l’im-
munité innée. L’immunité innée est fonctionnelle dès la naissance
et ses caractéristiques sont héritées génétiquement. Elle ne nécessite

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
aucun apprentissage : les réactions de l’immunité innée sont simi-
laires lors de la première rencontre avec un pathogène et lors des
suivantes. Enfin, l’immunité innée coopère avec l’immunité adapta-
tive, qui n’existe que chez les seuls vertébrés. 

DEUX ARTICLES DU MONDE À CONSULTER


La phagocytose (d’après Immunologie : le cours de Janis Kuby) • Trois chercheurs qui ont révolutionné la compréhension du
système immunitaire. p. 70
La réaction inflammatoire aiguë peut produire des effets gênants (Sandrine Cabut et Hervé Morin, Le Monde daté du 05.10.2011)
(douleur, gonflement, fièvre) voire délétères pour certains organes si • L’aspirine, un nouvel espoir contre le cancer p. 71
elle se prolonge trop longtemps. Il peut être nécessaire d’utiliser des (Paul Benkimoun, Le Monde daté du 28.03.2012)
médicaments qui limitent cette réaction inflammatoire sans limiter le

REPÈRES
LES DIFFÉRENTES CELLULES – les cellules dendritiques sont leur maturation dans le thymus, des hématies. L’inflammation en-
SANGUINES présentes dans tous les tissus et en tandis que les lymphocytes B traîne la production d’une proté-
• Les hématies, ou globules faible quantité dans le sang. Dans naissent puis mûrissent dans la ine, le fibrinogène, qui augmente
rouges, sont des cellules sans les tissus, elles détectent les agents moelle osseuse. l’agrégation des plaquettes et
noyau, biconcaves et aplaties au pathogènes et déclenchent la réac- • Les plaquettes sont des fragments donc la sédimentation des héma-
centre. Elles assurent le transport tion immunitaire adaptative ; cellulaires qui interviennent dans ties. La vitesse de sédimentation
de dioxygène dans le sang. – les monocytes se différencient la coagulation du sang. est donc augmentée ;
• Les leucocytes, ou globules en macrophages dans les tissus et – la protéine-C-réactive (CRP).
blancs, interviennent dans la réalisent alors la phagocytose et LA DÉTECTION D’UNE RÉ- Cette protéine est produite rapi-
défense immunitaire de l’orga- la présentation de l’antigène aux ACTION INFLAMMATOIRE dement lors de l’inflammation.
nisme : autres cellules immunitaires ; Une analyse sanguine permet la La mesure de la concentration
– les granulocytes (également appe- – les lymphocytes participent à la détection de la survenue d’une de la protéine-C-réactive permet
lés « polynucléaires ») ont une acti- réponse immunitaire adaptative. réaction inflammatoire chez un d’estimer quand est survenue la
vité antibactérienne (diapédèse, Les lymphocytes T sont produits patient. Pour cela, on mesure : réaction inflammatoire.
chimiotactisme et phagocytose) ; dans la moelle osseuse et subissent – la vitesse de sédimentation (VS)

Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire 67


UN SUJET PAS À PAS

Partie 1 : La réaction inflammatoire aiguë et


l’intérêt des anti-inflammatoires
L’intitulé complet du sujet b. Le recrutement des défenses innées lors de la RIA
Un camarade s’est blessé lors d’une chute. Quelques jours plus tard, il Des cellules immunitaires, comme par exemple les mastocytes,
a mal, sa plaie est gonflée, rouge et purulente ; il consulte un médecin. les cellules dendritiques ou les macrophages, sont constamment
Celui-ci, après avoir bien nettoyé la plaie, lui donne un médicament présentes aux lieux d’entrée potentielle de micro-organismes dans
anti-inflammatoire. Votre camarade ne comprend pas la prescription l’organisme. Par leurs récepteurs présents à leur surface, ces cellules
du médecin : « Pourquoi dois-je prendre un médicament puisque je immunitaires sont capables de reconnaître des molécules présentes
ne suis pas malade ! », vous dit-il. sur la paroi de nombreuses espèces de bactéries. Cette reconnaissance
Expliquez les mécanismes immunitaires mis en jeu dans ce cas entraîne la sécrétion par ces cellules immunitaires de molécules :
précis et l’intérêt de prendre un anti-inflammatoire. Des schémas les médiateurs chimiques de l’inflammation, comme l’histamine, la
explicatifs sont attendus. sérotonine, les cytokines pro-inflammatoires (IL-1, IL-6, TNF-, etc.)
et les éicosanoïdes. Ces médiateurs chimiques de l’inflammation
déclenchent une réaction inflammatoire aiguë. Ainsi l’histamine,
Proposition de corrigé en augmentant la perméabilité de la paroi des vaisseaux sanguins,
Introduction entraîne une vasodilatation et un afflux local de plasma, d’où la
Un camarade a fait une chute et s’est blessé. Quelques jours après rougeur observée. De plus, les médiateurs chimiques de l’inflamma-
qu’il est tombé, sa plaie est rouge, gonflée et du pus s’en écoule. Son tion attirent sur le lieu de l’inflammation les cellules immunitaires
médecin a nettoyé la plaie et lui a prescrit un anti-inflammatoire. sanguines, comme les granulocytes et les monocytes sanguins, qui
Quels sont les mécanismes de la réaction inflammatoire et quel est se différencient dans le tissu lésé en macrophages.
l’intérêt de prescrire un anti-inflammatoire ? Dans une première

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
partie, nous allons expliquer à notre camarade les mécanismes de la c. L’action des cellules immunitaires lors de la RIA
réaction immunitaire, puis, dans une seconde partie, nous lui expli- Les cellules immunitaires, comme les granulocytes et les macro-
querons pourquoi le médecin lui a prescrit un anti-inflammatoire. phages présents dans le tissu lésé, réalisent la phagocytose, c’est-
à-dire qu’ils ingèrent puis éliminent les agents infectieux.
I. Les mécanismes de la réaction inflammatoire aiguë (ou RIA) Dans le cas où cette première réponse immunitaire n’est pas
La chute s’accompagne de lésions cellulaires avec un risque élevé suffisante pour éliminer les micro-organismes pathogènes, inter-
d’entrée de micro-organismes pathogènes dans l’organisme : une viennent d’autres cellules immunitaires : les cellules dendritiques,
réaction immunitaire aiguë se met alors en place très rapidement. présentes dans le tissu lésé. Ces cellules fixent sur leurs molécules
membranaires du CMH (complexe majeur d’histocompatibilité)
a. Les symptômes stéréotypés de la RIA
des antigènes de l’élément infectieux. Ces cellules migrent alors
La réaction inflammatoire aiguë se caractérise au niveau de la plaie
jusqu’aux ganglions lymphatiques, où elles présentent les anti-
par un gonflement, une rougeur, une douleur, une chaleur et une
gènes liés aux molécules du CMH aux lymphocytes T. Les lympho-
impotence fonctionnelle.
cytes ainsi activés interviendront dans l'élimination des agents
pathogènes, dans le cadre de l'immunité adaptative.

ZOOM SUR…
LES ANTI-INFLAMMATOIRES boxane, la prostacycline et les pas prescrit comme anti- en l’inhibition de la formation des
Parmi les anti-inflammatoires, on leucotriènes) ; inflammatoire mais comme an- prostaglandines. En plus de ses
distingue : – les anti-inflammatoires non sté- talgique et antipyrétique. actions anti-inflammatoire, an-
– les corticoïdes, dérivés de la cor- roïdiens (AINS), comme l’aspirine talgique et antipyrétique, l’aspi-
et l’ibuprofène. Le mode d’action
L’ASPIRINE rine a une action anticoagulante
tisone. Les corticoïdes inhibent la
commun des AINS repose sur Depuis l’Antiquité, des décoctions en limitant l’agrégation des pla-
plupart des phénomènes immu-
l’inhibition de la formation d’une d’écorce de saule, contenant de quettes et peut être utilisée pour
nitaires, dont la production des
médiateurs chimiques de l’in- partie des éicosanoïdes : les pros- l’acide salicylique, étaient utili- prévenir des maladies cardio-vas-
flammation comme l’histamine taglandines. Les AINS ont donc sées contre la douleur et la fièvre. culaires. Des études récentes
et les éicosanoïdes (molécules dé- aussi une action antalgique (lutte En 1899, la société Bayer commer- montreraient que l’aspirine à
rivées de l’oxydation d’acides gras contre la douleur) et antipyré- cialise l’acide acétylsalicylique faible dose réduirait les risques de
de la membrane plasmique des tique (diminution de la tempéra- obtenu par synthèse chimique. Ce survenue de certains cancers.
cellules immunitaires, comme ture de l’organisme). n’est qu’en 1971 qu’est élucidé son
les prostaglandines, le throm- À noter : le paracétamol n’est mécanisme d’action, qui consiste

68 Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire


UN SUJET PAS À PAS

II. L’intérêt de la prescription d’un anti-inflammatoire Ainsi, les anti-inflammatoires permettent de réduire certains
Les médicaments anti-inflammatoires, comme l’aspirine, symptômes de la réaction inflammatoire aiguë sans empêcher le
bloquent la sécrétion de certains médiateurs chimiques de déroulement des mécanismes immunitaires qui permettent de
l’inflammation. Ils permettent de limiter la vasodilatation, la lutter contre les micro-organismes pathogènes et qui sont donc
douleur ou la chaleur. bénéfiques à l’organisme.

Conclusion
Ainsi, lors d’une chute, une réaction inflamma-
toire aiguë se met en place rapidement. Elle se
caractérise par des symptômes stéréotypés. En
faisant intervenir des cellules immunitaires et
des médiateurs chimiques, elle vise à éliminer
les agents pathogènes présents sur les lésions
cellulaires. Si nécessaire, la RIA déclenche l’acti-
vation de l’immunité adaptative qui interviendra
par la suite. Les anti-inflammatoires permettent
de réduire les symptômes de l’inflammation sans
diminuer l’efficacité de celle-ci. Quels sont alors
les mécanismes immunitaires mis en jeu dans la
réponse immunitaire adaptative ? 

Ce qu’il ne faut pas faire


• Ne pas tenir compte des deux parties
de la réponse imposées par l’énoncé.
• Ne pas faire de schéma(s).

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AUTRES SUJETS POSSIBLES AU
BAC SUR CE THÈME
Étude de documents
– Étude des mécanismes de la réaction in-
flammatoire aiguë : cellules immunitaires,
molécules de l’inflammation.
– Étude des modes d’action des anti-inflam-
matoires.
– Mise en évidence de la conservation des
molécules de l’immunité innée lors de l'évo-
lution.

ZOOM SUR…
LES RÉCEPTEURS ceptors, capables de reconnaître des champignons. Les PRR recon- tion par un champignon entraîne
DE L’IMMUNITÉ INNÉE : les pathogènes. Les éléments pa- naissant les PAMP sont localisés sa reconnaissance par les récep-
LES PRR thogènes présentent des motifs à la surface des cellules immuni- teurs appelés « Toll », présents
Pendant longtemps, on pensait moléculaires caractéristiques ap- taires ou à l’intérieur de ces cel- sur des cellules immunitaires de
que les mécanismes de l’immu- pelés PAMP (Pathogen Associated lules : ces localisations augmen- l’insecte et déclenchant l’élimi-
nité ne faisait pas intervenir la Molecular Patterns) qui sont re- tent la possibilité de rencontre nation de ce pathogène. Chez les
reconnaissance spécifique des connus par les PRR des cellules de entre les PRR et les PAMP. mammifères, une famille de ré-
pathogènes. Or, dans les années l’immunité innée. LES RÉCEPTEURS cepteurs proches des récepteurs
1980 furent découvertes chez Les PAMP sont des molécules DE L’IMMUNITÉ INNÉE : de la drosophile a été identifiée
les cellules de l’immunité innée abondantes des micro-orga- DES MOLÉCULES récemment : il s’agit des récep-
(mastocytes, macrophages, gra- nismes : les acides nucléiques TRÈS CONSERVÉES teurs TLR pour Toll Like Receptors.
nulocytes, cellules dendritiques) (ADN ou ARN) constituent les On distingue plusieurs familles de Ainsi les récepteurs de l’immunité
des récepteurs cellulaires, appelés PAMP des virus, alors que les récepteurs de l’immunité innée innée semblent fortement conser-
PRR pour Pattern Recognition Re- mannanes constituent les PAMP ou PRR. Chez la drosophile, l’infec- vés lors de l’évolution.

Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire 69


LES ARTICLES DU

Trois chercheurs qui ont révolutionné la


compréhension du système immunitaire
À eux trois, ils ont révolutionné la compréhension du système im- Jean-Luc Dimarcq, qui a passé sa thèse sous la direction de Jules
munitaire, ouvrant la voie à des progrès décisifs dans la lutte contre Hoffmann, salue la « vista » de son ancien patron, qui l’a conduit « à
les infections, les cancers ou encore les maladies inflammatoires. Le prendre les bonnes décisions au bon moment ». Réorienter l’ensemble
Français Jules Hoffmann, 70 ans, l’Américain Bruce Beutler, 53 ans, et des ressources du laboratoire qu’il dirigeait vers l’étude de l’immunité
le Canadien Ralph Steinman, 68 ans, sont les trois lauréats 2011 du chez les insectes était un pari audacieux. « À l’époque, on considérait
prix Nobel de médecine, décerné lundi 3 octobre par le comité Nobel cette immunité comme ancestrale, on hésitait même à employer
de Stockholm. ce terme dans les congrès », se souvient-il. En effet, les insectes ne
Hoffmann et Beutler, qui se partagent la moitié du prix (doté de disposent pas d’anticorps, qui constituaient alors pour la médecine
10 millions de couronnes suédoises, soit 1,08 million d’euros), sont le cœur du système immunitaire. « Mais cette caractéristique a sans
récompensés pour leurs travaux sur l’immunité innée, première ligne doute rendu l’étude de l’immunité innée plus facile », note M. Dimarcq.
de défense de l’organisme contre les agressions extérieures. L’immu- À Strasbourg, entre sablage de champagne et sollicitations média-
nologiste Ralph Steinman, qui avait obtenu l’autre moitié du prix tiques, Jean-Marc Reichhart, qui a succédé à Jules Hoffmann à la tête
pour sa découverte de cellules appelées « dendritiques », impliquées de l’unité 9022 du CNRS, confirme que cette orientation, également
dans l’immunité dite « spécifique », est, lui, décédé le 30 septembre. portée par son épouse Danielle Hoffmann, était risquée. « Pour
Comment les espèces vivantes, et en particulier l’homme, convaincre nos tutelles, nous avons eu la chance que Nicole Le Douarin
résistent-elles aux multiples attaques, infectieuses et autres, dont elles plaide pour nous », note-t-il. Il y voit « une morale à tirer pour nos
font l’objet en permanence ? Les travaux de Jules Hoffmann et de Bruce instances : laisser les chercheurs se lancer dans de telles aventures,
Beutler ont été décisifs pour la compréhension de l’immunologie dans des zones qu’ils explorent sans être assurés qu’elles conduiront
« innée », c’est-à-dire des tout premiers mécanismes de défense de à des innovations ».

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
l’organisme. Le point commun de ces deux chercheurs est d’avoir L’équipe de Jules Hoffmann a peut-être été en avance sur son temps
découvert des récepteurs qui interviennent dans la reconnaissance en créant, en 1999, une start-up, Entomed, destinée à la production
comme non-soi des germes pathogènes (bactéries, champignons…) : de peptides antimicrobiens tirés du vaste arsenal des insectes. « Ces
Jules Hoffmann chez les insectes, en 1996, et Bruce Beutler chez les grosses molécules étaient difficiles à synthétiser, trop onéreuses à faire
souris, en 1998. Le lien entre l’insecte – en l’occurrence, la mouche fabriquer par des levures : c’est là que le bât a blessé », se souvient
drosophile –, la souris et l’homme a été rapidement établi avec Roland Lupoli, qui a participé à cette initiative, stoppée en 2005 après
l’identification de récepteurs de type Toll, permettant d’enclencher le retrait d’investisseurs américains. Mais les « Hoffmanniens » sont
la réponse innée chez toutes ces espèces. persuadés que cette approche finira par aboutir. 

« Étudier la biodiversité » Sandrine Cabut et Hervé Morin, Le Monde daté du 05.10.2011


Quant à Ralph Steinman, il a découvert, en 1973, des cellules appelées
« dendritiques », qui interviennent en deuxième ligne. « Ces cellules
sont capables de sentir les dangers extérieurs et de déclencher les POURQUOI CET ARTICLE ?
réponses immunitaires dites “adaptatives”, spécifiques pour chaque
pathogène et qui nous protègent à long terme, précise Sebastian Cet article détaille les découvertes qu’a récompensées la plus haute
distinction internationale dans le domaine de la médecine. En 2011,
Amigorena, immunologiste et biologiste cellulaire, directeur de
le prix Nobel de médecine fut décerné conjointement à trois im-
recherche au CNRS. Les applications de ces travaux sont énormes, dans munologistes, un Français, Jules Hoffmann, un Américain, Bruce
de multiples domaines, comme les cancers, les vaccins synthétiques, les Beutler et un Canadien, Ralph Steinman. Jules Hoffmann et Bruce
maladies auto-immunes. » Beutler ont fait progresser les connaissances sur les mécanismes
de l’immunité innée. Chez les insectes, où seule existe la réponse
Pour Nicole Le Douarin, professeur honoraire au Collège de France,
immunitaire innée, Jules Hoffmann et son équipe ont découvert les
qui a beaucoup soutenu les recherches de Jules Hoffmann, ses travaux récepteurs Toll capables de reconnaître les agents pathogènes. Bruce
« ont permis d’éclairer une question essentielle restée longtemps sans Beutler a identifié chez les mammifères des récepteurs TLR (Toll Like
réponse, celle de l’initiation de la réponse immunitaire, avant la phase Receptors) semblables aux récepteurs Toll des insectes. Enfin Ralph
Steinman a découvert chez l’homme les cellules dendritiques et leur
d’activation des lymphocytes T ou la fabrication d’anticorps ». Surtout,
importance dans la coopération entre l’immunité innée et l’immuni-
continue la chercheuse en embryologie et biologie, « ils ont établi té adaptative. Enfin, l’article montre que la recherche comporte sou-
que les mécanismes de défense des insectes étaient conservés chez des vent une part non négligeable d’inconnu : Jules Hoffmann choisit de
espèces plus évoluées. Cette persistance d’un processus ancien dans travailler sur l’immunité innée des insectes, sujet qui paraissait bien
peu porteur à l’époque et qui se révéla à l’origine d’un prix Nobel des
l’évolution est un argument de poids pour étudier la biodiversité. Il y a
années plus tard.
une grande unité dans le monde vivant. »

70 Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire


LES ARTICLES DU

L’aspirine, un nouvel espoir contre le cancer


Le médicament réduit les risques de métastases et de décès, mais sa prescription
généralisée est encore prématurée.

Devons-nous tous prendre de l’aspirine pour prévenir un cancer ? La Dans un commentaire qui accompagne les trois études du Lancet, deux
question est de nouveau posée après la publication, mercredi 21 mars, médecins de Harvard saluent ces résultats « incontestables », mais
sur le site de l’hebdomadaire médical britannique The Lancet, de trois soulignent le problème du risque de saignement inhérent aux effets de
nouvelles études, menées par l’équipe du professeur Peter Rothwell. l’aspirine, qui fluidifie le sang. Un inconvénient qui tempère les béné-
Elles montrent qu’une prise quotidienne d’aspirine réduit la mortalité fices de ce médicament. L’équipe de Peter Rothwell a en effet constaté
et le risque de métastases. que le risque hémorragique augmente au début des essais, même s’il
Fondateur de l’Unité de recherche sur la prévention des accidents diminue avec le temps pour disparaître après trois ans de traitement.
vasculaires cérébraux à l’université d’Oxford, Peter Rothwell invite « Personne ne se hasardera à recommander sur la seule base de ces
toutefois à la prudence : il est trop tôt pour conclure que tout le monde études la prise quotidienne d’aspirine en prévention du cancer »,
tirerait un bénéfice d’une telle prophylaxie. Un avis qui rejoint celui, affirment en chœur Anne-Odile Hueber, Fabio Calvo, directeur de
unanime, d’autres spécialistes. la recherche à l’Institut national du cancer (INCa), et Dominique
Les chercheurs britanniques ont rassemblé des données issues d’essais Maranichi, ancien président de l’INCa.
destinés à l’origine à évaluer les bénéfices, sur le plan cardio-vasculaire, « Pour savoir à qui et à partir de quel âge donner de l’aspirine, soit en
d’une prise en continu d’aspirine. Cette méthode, si elle présente prévention de la survenue d’un cancer, soit pour éviter les métastases ou
l’avantage d’autoriser facilement l’accès aux données de plusieurs une récidive, il est indispensable de monter un essai clinique spécifique de
dizaines de milliers d’individus, ne présente pas les mêmes garanties grande ampleur. Il appartient aux organismes publics comme l’INCa et à
qu’une étude spécifiquement conçue pour étudier les bénéfices d’un ses homologues dans d’autres pays de le mettre sur pied », estime M. Calvo.
médicament vis-à-vis du cancer. Les chercheurs doivent travailler dans deux directions, selon
Dans une précédente étude, publiée en décembre 2010, M. Rothwell Mme Hueber : « La première est d’élucider les mécanismes moléculaires

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
et ses collègues avaient mis en évidence une réduction d’environ expliquant l’effet de l’aspirine sur les cellules tumorales et les étapes
20 % du risque de décès par cancer chez 25 000 participants traités initiales du développement d’un cancer. La seconde est de mettre
quotidiennement pendant quatre ans avec une faible dose (75 mg) au point des aspirines hybrides, qui conserveraient les avantages en
d’aspirine. Elle atteignait 30 % à 40 % après cinq ans de ce traitement. prévention du cancer, sans les effets indésirables. »
Les trois nouvelles études confirment la réduction des décès et du Un autre point est à éclaircir. « Nous ne savons pas pourquoi cela ne
risque de tumeurs malignes. Elles montrent aussi une diminution du marche pas avec une prise d’aspirine un jour sur deux », remarque
risque de cancer avec métastases. Les bénéfices sont particulièrement M. Calvo. Peter Rothwell ne serait pas surpris que « les effets d’un trai-
évidents sur les adénocarcinomes, les tumeurs les plus fréquentes. tement pris un jour sur deux, absents à court terme, se révèlent s’il est
La première étude regroupe les résultats de 51 essais dans lesquels les suivi sur le long terme ». Son équipe attend la publication, l’an prochain,
participants étaient répartis, de manière aléatoire, dans un groupe des résultats d’un vaste essai sur l’aspirine en prévention cardio-vascu-
avec aspirine ou un groupe sans aspirine. Le risque de cancer est laire, la Women Health Study, pour trancher cette question. 
diminué de 15 % sous aspirine. La réduction atteint 37 % avec une prise
pendant cinq ans ou plus. Le bénéfice est déjà perceptible après trois Paul Benkimoun, Le Monde daté du 28.03.2012
ans de traitement : l’incidence est alors réduite d’environ un quart.
« C’est énorme », reconnaît Anne-Odile Hueber (Institut national de
la santé et de la recherche médicale, université de Nice), spécialiste POURQUOI CET ARTICLE ?
du cancer colorectal.
L’aspirine n’a pas fini de nous surprendre ! Utilisé comme anti-in-
La deuxième étude démontre une réduction de 31 % du risque d’adé- flammatoire depuis l’Antiquité après avoir été extrait du saule, l’as-
nocarcinome déjà métastasé lors du diagnostic et de 55 % d’apparition pirine a depuis présenté d’autres indications thérapeutiques. Il est
ultérieure de métastases. Dans le cas du cancer colorectal, le risque de souvent dit que si l’aspirine était proposée actuellement pour une
métastases ultérieures est même réduit de 74 %. autorisation de mise sur le marché, celle-ci lui serait refusée à cause
des effets trop divers de cette molécule. De plus, l’article propo-
La prise quotidienne d’aspirine est aussi associée à une diminution
sé présente les résultats d’études mettant en évidence le rôle
des décès dus au cancer chez les personnes qui avaient développé un de protection de l’aspirine contre les cancers. Ces résultats très
adénocarcinome, en particulier en l’absence de métastases lors du prometteurs ne sont néanmoins que préliminaires. D’autres études
diagnostic (50 % de réduction). « Ces résultats constituent la première doivent être menées avant de formuler des recommandations thé-
preuve chez l’homme que l’aspirine prévient les métastases à distance rapeutiques, étant donné le risque hémorragique important qui ac-
compagne la prise prolongée d’aspirine. La découverte de l’origine
des cancers », se réjouissent les auteurs des trois études.
de la protection contre le cancer que confère l’aspirine pourrait éga-
Enfin, la troisième étude situe la réduction du risque de cancer lement ouvrir la voie à un nouveau champ thérapeutique dans la
colorectal aux alentours de 40 %. prévention des cancers.

Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire 71


L'ESSENTIEL DU COURS

L’immunité adaptative, prolongement de


l’immunité innée
L’immunité innée est présente chez tous les êtres vivants. Mais chez les vertébrés s’est
développée une réponse immunitaire plus spécifiquement dirigée contre le pathogène et
dotée d’une mémoire : l’immunité adaptative. Cette réponse se met en place en parallèle
de la réponse innée, avec quelques jours de délai. Quelles en sont les caractéristiques ?

La réponse immunitaire adaptative secrétée en lymphocytes T auxiliaires. Ainsi, les cellules dendritiques
Suite à la réaction inflammatoire, des cellules dendritiques phago- sont des cellules présentatrices de l’antigène activant la formation de
cytent sur les sites de l’infection l’agent infectieux, dont les fragments LT auxiliaires, dont la fonction est de sécréter des molécules activant
protéiques constituent des antigènes. Sur ces cellules dendritiques, les cellules immunitaires.
les antigènes sont exposés au sein de molécules spécifiques appelées Les lymphocytes B (LB) portent à leur surface un récepteur appelé
« complexe majeur d’histocompatibilité » (CMH). Les cellules dendri- « BCR » (B Cell Receptor), qui correspond à un anticorps membranaire.
tiques migrent vers des ganglions lymphatiques, où elles rencontrent Tous les anticorps membranaires d’un même LB ou d’un même clone
de nombreux lymphocytes T (LT). Les LT expriment à leur surface des de LB sont identiques.
récepteurs T, appelés « TCR » (T Cell Receptors), associés à d’autres mo- La reconnaissance spécifique entre un BCR et l’antigène correspondant
lécules de surface comme CD4 ou CD8. Les LT CD4 portent le récepteur entraîne l’activation du LB. Les LT auxiliaires, présentant la même
CD4 et le TCR, qui est identique pour un même clone de LT CD4. Le TCR spécificité pour l’antigène que les LB, sécrètent l’interleukine 2, qui
des LT CD4 interagit avec le peptide antigénique présenté par le CMH stimule la prolifération clonale puis la différenciation de ces LB en
des cellules dendritiques. Cette reconnaissance spécifique entraîne plasmocytes sécréteurs d’anticorps. Les anticorps sécrétés par les
l’activation des LT CD4, qui sécrètent alors des cytokines, comme l’in- plasmocytes issus d’un même clone de LB ont tous la même spécificité
terleukine 2 (IL2). IL2 est un médiateur soluble de communication qui pour l’antigène.

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induit la prolifération clonale puis la différenciation des LT CD4 l’ayant Un anticorps ne reconnaît qu’un seul type d’antigène. L’anticorps
possède, en effet, une partie constante et une partie variable, qui
reconnaît l’antigène. Les anticorps permettent la neutralisation de
l’antigène. Ils sont produits en grande quantité par les plasmocytes
et se fixent sur les virus , sur des antigènes solubles ou recouvrent
des bactéries. Il y a formation de complexes immuns. Cette fixation
empêche les virus d’infecter leurs cellules-cibles. La partie constante
des anticorps est reconnue par des récepteurs membranaires des
cellules phagocytaires, qui éliminent l’agent infectieux recouvert
d’anticorps par phagocytose. Ainsi, l’intervention des LB sécréteurs
d’anticorps ou plasmocytes constitue l’immunité adaptative à
médiation humorale, spécifique de l’antigène et qui nécessite
l’intervention des LT auxiliaires.
Les cellules infectées par des virus, sont détruites par les lympho-
cytes  T cytotoxiques (LTc). Dans les ganglions lymphatiques, des
Chronologie de la réponse immunitaire cellules présentatrices de l’antigène expriment au sein de leur

ZOOM SUR…
ANTICORPS légères identiques). Chaque an- munitaire en réponse à la présence CELLULES
Glycoprotéines synthétisées par ticorps possède deux sites de d'un antigène. PRÉSENTATRICES
les plasmocytes que l’on retrouve fixation aux antigènes situés aux D’ANTIGÈNE (CPAG)
extrémités variables des chaînes
ANTIGÈNE
dans le plasma et dans d’autres li- Les CPAg constituent une catégo-
Toute structure moléculaire pou-
quides biologiques. Les anticorps légères et des chaînes lourdes. rie de phagocytes capables d’ex-
On distingue cinq classes d’immu- vant être reconnue par un récep- primer à leur surface des déter-
sont aussi appelés « immunoglo-
noglobulines : IgG, IgM, IgA, IgE teur de l’immunité adaptative, minants antigéniques liés à des
bulines » car ils sont retrouvés après
électrophorèse dans des protéines et IgD, en fonction de la nature de soit un anticorps, soit un TCR protéines du complexe majeur
du sérum, dans les différentes la région constante de la chaîne (récepteur des LT), soit un BCR d’histocompatibilité (CMH). Il
fractions (,  et ) des globulines. lourde. La séropositivité pour un (récepteur des LB) et déclenchant s’agit, par exemple, des cellules
Chez l’homme, les anticorps ont antigène donné correspond à la ainsi une réponse immunitaire dendritiques et des macrophages.
pour forme un Y composé de quatre présence dans le sérum d’anti- adaptative. Ces cellules sont au cœur de la
chaînes peptidiques (deux chaînes corps dirigés contre cet antigène et coopération entre l’immunité in-
lourdes identiques et deux chaînes signe l'activation du système im- née et l’immunité adaptative.

72 Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire


L'ESSENTIEL DU COURS

Contamination par
le virus de la grippe

Réponse cellulaire

Réponse humorale Cellule


dendritique

Anticorps CMH
CMH
membranaire
TcR
LB
LT LT
CD4 CD8
Lymphocyte T
auxiliaire
LTaux
LT
auxiliaire

CMH
LB
LT
Cytokines cytotoxique
(IL.2)

CMH

Sécrétion
d’Anticorps
Plasmocyte
Cellule épithéliale infectée

Mort des cellules infectées


(par apoptose ou par cytolyse)

Neutralisation du virus
puis phagocytose
des complexes immuns

prolifération et différenciation antigène virus

Structure d’un anticorps Lutte contre le virus de la grippe

CMH l’antigène, qui est reconnu spécifiquement par le TCR des LT, Pendant quelques années, le système immunitaire fait diminuer le taux
porteurs également du récepteur CD8. Cette reconnaissance entraîne de virus dans le sang. Mais le VIH, toujours présent dans l’organisme,
l’activation des LT CD8, qui prolifèrent puis se différencient en LT cy- détruit les LT CD4, désorganisant le système immunitaire. Le patient est
totoxiques. Cette prolifération et cette différenciation nécessitent la dit « atteint du sida » quand il développe des maladies opportunistes,
stimulation par l’interleukine 2, secrétée par les LT auxiliaires activés pouvant entraîner son décès. Les trithérapies actuelles retardent
par le même antigène. Les LT cytotoxiques se fixent par leur TCR à l’évolution de la maladie mais n’éradiquent pas le VIH de l’organisme.

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l’antigène présenté au sein du CMH de la cellule infectée et libèrent
des molécules cytotoxiques la détruisant. Les LT cytotoxiques consti- La maturation du système immunitaire
tuent l’immunité adaptative à médiation cellulaire, spécifique de Tous les lymphocytes sont produits dans la moelle osseuse, ils ac-
l’antigène et nécessitant les LT auxiliaires. quièrent leur immunocompétence dans le thymus pour les LB, dans la
Le VIH induit un syndrome d’immunodéficience acquise (sida) moelle osseuse pour les LT. La grande diversité des récepteurs BCR des
Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) infecte et détruit LB et TCR des LT, capable de reconnaître une multitude d’antigènes, est
différentes cellules, dont principalement les LT CD4. Le patient est le résultat aléatoire de mécanismes génétiques complexes. Puis, les LB
dit séropositif pour le VIH quand il produit des anticorps anti-VIH. et LT capables de reconnaître les constituants de l’organisme et dits
auto-réactifs, sont éliminés. À l’issue de cette sélection négative, les LB
et LT sont dits naïfs : ils n’ont pas encore rencontré leur antigène. Ces
DEUX ARTICLES DU MONDE À CONSULTER lymphocytes migrent dans les organes lymphoïdes secondaires (comme
• Cancers  : la lame de fond des i­mmunothérapies p.76
les ganglions lymphatiques), où ils sont susceptibles de rencontrer leur
(Florence Rosier, Le Monde daté du 08.06.2016)
antigène. La maturation du système immunitaire est donc le produit
• VIH : de nouvelles statistiques plus ­alarmantes que les chiffres
officiels p. 77 (Paul Benkimoun, lemonde.fr, 22.07.2016) d’un équilibre dynamique entre production de cellules immunitaires
et élimination des cellules immunitaires auto-réactives.

CHIFFRES CLÉS ZOOM SUR…


LE SIDA EN FRANCE Environ 6 300 personnes ont LA TRANSMISSION ment ou lors de l’allaitement.
Au total, en 2009, 83 000 per- découvert leur séropositivité en DU VIRUS DU SIDA Dans les pays industrialisés, les
sonnes ont développé un sida de- 2010 : ce nombre est stable de- ET LA PRÉVENTION traitements ont réduit presque to-
puis le début de l’épidémie dans puis quelques années. 30 % des La transmission du sida a lieu : talement le risque de la transmis-
les années 1980, et 46 000 ma- diagnostics de séropositivité pour – lors de rapports sexuels (80 % sion de la mère à l’enfant. Préven-
lades en sont décédés. En 2009, le VIH sont établis à un stade tar- des cas). Prévention par utilisa- tion par prise en charge médicale
1 450 nouveaux cas de sida ont été dif, alors que le taux de LT CD4 est tion de préservatifs masculin ou pendant la grossesse, naissance
déclarés. déjà faible. Le diagnostic précoce féminin ; par césarienne, utilisation exclu-
En 2009, on estime à environ ne concerne que 36 % des séropo- – lors d’une contamination par le sive de lait artificiel et traitement
152 000 le nombre total de per- sitivités détectées. sang (transfusion sanguine, se- post-natal de l’enfant.
sonnes infectées en France par ringue contaminée). Prévention De fausses croyances persistent sur
le VIH, dont environ 50 000 ne par utilisation de matériel stérile la transmission du virus. Il ne peut
connaîtraient pas leur séroposi- et à usage unique ; pas se transmettre par la salive, la
tivité. – de la femme enceinte à l’enfant, sueur, les larmes, les piqûres d’in-
lors de la grossesse, à l’accouche- sectes ou encore le toucher.

Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire 73


UN SUJET PAS À PAS

Partie 2.1 : Greffe de peau chez la souris

L’intitulé complet du sujet


On sait que les greffes de tissus ne sont possibles que si le donneur et
le receveur sont compatibles. On cherche à préciser les mécanismes
immunitaires impliqués dans le rejet d’une greffe de peau chez la
souris.
Exploitez l’ensemble des résultats expérimentaux proposés dans le
document et montrez qu’ils sont en accord avec l’hypothèse selon
laquelle le rejet de greffe chez la souris repose sur des mécanismes
d’immunité adaptative impliquant des effecteurs cellulaires.

Le document
Quelques résultats expérimentaux chez les souris
Des greffes de peau ont été réalisées chez des souris de lignées pures
(homozygotes pour tous leurs gènes) appelées lignées A et lignées B.
On observe que :
– un greffon de peau issu d’une souris de lignée B implanté à une
souris de lignée B est toujours accepté ;
– un greffon de peau issu d’une souris de lignée A implanté à une
souris de lignée B est parfaitement fonctionnel six jours après la greffe,

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mais totalement détruit au bout de onze jours ;
– une souris de lignée B ayant précédemment rejeté un premier
greffon issu d’une souris de lignée A rejette un deuxième greffon de Expérience 1
souris de lignée A en six jours. Des souris de lignée B « neuves » (BN) reçoivent le sérum des souris
Des souris de lignée B sont dites “hyperimmunisées” lorsqu’on leur de lignée B hyperimmunisées, puis trois jours plus tard une greffe de
a greffé à trois reprises, à trois semaines d’intervalle, de la peau de peau de souris de lignée A. Onze jours plus tard, le greffon est rejeté,
souris de lignée A. Les chercheurs prélèvent alors chez ces souris alors qu’il était entièrement fonctionnel jusqu’au sixième jour.
d’une part leur sérum (plasma sanguin) et d’autre part des cellules Expérience 2
lymphoïdes dans les ganglions lymphatiques situés près du greffon. D’autres souris BN reçoivent des injections au jour 1, une greffe de peau
Des souris de lignée B sont dites “neuves” (notées BN) si elles n’ont issue d’une souris de lignée A au jour 3. L’état du greffon est observé
subi aucun traitement. » au jour 6. Les résultats sont les suivants :

ZOOM SUR…
LE COMPLEXE MAJEUR plexe majeur d’histocompatibi- grand nombre de récepteurs (pour les LT), les gènes codant les
D’HISTOCOMPATIBILITÉ lité forme un ensemble de gènes BCR des lymphocytes B et TCR récepteurs sont construits par
Le complexe majeur d’histocom- très polymorphes de par un des lymphocytes T. L’immensi- combinaison aléatoire de seg-
patibilité (CMH) est l’ensemble nombre élevé d’allèles : le com- té des répertoires B et T permet ments de gènes présents dans les
de six gènes principaux (A, B, C, plexe majeur d’histocompatibi- potentiellement de faire face à futurs lymphocytes B et lympho-
DR, DQ, DP) situés, chez l’homme, lité n’est jamais identique chez une multitude d’antigènes diffé- cytes T. Au cours de ce processus,
sur la paire de chromosomes 6 deux individus (sauf chez les rents. La spécificité des lympho- les lymphocytes perdent une
et codant des glycoprotéines cytes B et lymphocytes T, fondée partie de leur génome. Les pos-
vrais jumeaux).
de surface qui interviennent sur celle des récepteurs qu’ils sibilités de ces réarrangements
dans le rejet de greffes et la re- LA GRANDE DIVERSITÉ expriment, est obtenue grâce sont estimées à 1018, alors que
connaissance du soi modifié. DES RÉCEPTEURS à un réarrangement au hasard seulement 1012 à 1015 lympho-
Chez l’homme, le complexe ma- DES CELLULES de l’information génétique : au cytes sont présents ou produits
jeur d’histocompatibilité est ap- IMMUNITAIRES cours de la maturation des lym- dans le corps. Ce réarrangement
pelé « système HLA » (Human L’immunité adaptative génère, phocytes dans la moelle osseuse des gènes s’amorce avant la nais-
Leucocytes Antigens). Le com- tout au long de la vie, un très (pour les LB) et dans le thymus sance.

74 Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire


UN SUJET PAS À PAS

Infection au jour 1 Greffe Résultat au jour 6 Ce qu’il ne faut pas


au jour 3 faire
de cellules lymphoïdes vivantes de souris peau de souris la majorité des greffons sont détruits ou • Se contenter de saisir
de lignée B hyperimmunisées de lignée A présentent des nécroses partielles les données du document
sans montrer comment
de cellules lymphoïdes tuées de souris de peau de souris les résultats expérimen-
les greffons sont toujours fonctionnels
de lignée B hyperimmunisées de lignée A taux permettent de valider
l’hypothèse formulée par
de cellules lymphoïdes vivantes de souris peau de souris les greffons sont toujours fonctionnels l’énoncé.
de lignée B non immunisées de lignée A

Proposition de corrigé De plus, la greffe des souris BN ayant reçu les cellules lymphoïdes tuées
Une greffe de peau entre une souris donneuse et une souris receveuse des souris de lignée B hyperimmunisées entraîne un greffon encore
appartenant à une même lignée homozygote n’est jamais rejetée : les fonctionnel au sixième jour. Les cellules lymphoïdes injectées doivent
deux souris sont donc compatibles. donc être vivantes pour entraîner le rejet du greffon au sixième jour.
Une greffe de peau d’une souris donneuse de la lignée A à une souris Enfin, la greffe des souris BN ayant reçu les cellules lymphoïdes
receveuse de la lignée B est fonctionnelle au sixième jour mais est vivantes des souris de lignée B non immunisées entraîne un greffon
rejetée au onzième jour : les souris ne sont pas compatibles. encore fonctionnel au sixième jour. Pour entraîner un rejet précoce
La greffe de peau d’une souris donneuse de la lignée A à une souris du greffon, les cellules lymphoïdes injectées vivantes doivent provenir
receveuse de la lignée B qui a déjà rejeté un premier greffon issu de A de souris hyperimmunisées.
est rejetée beaucoup plus rapidement, en six jours. Ainsi, les cellules lymphoïdes contenues dans les ganglions lympha-
Expérience 1 tiques des souris sont responsables du phénomène de rejet lors des
Des souris de lignée B « neuves » (souris NB) n’ayant reçu aucun greffes entre donneur et receveur non compatibles. La réponse im-
traitement au préalable reçoivent le sérum des souris de lignée B munitaire est d’autant plus rapide que le receveur a déjà été en contact
hyperimmunisées, puis reçoivent trois jours plus tard une greffe avec l’antigène : cela justifie donc le caractère adaptatif de cette ré-

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de peau de souris de lignée A : la greffe n’est rejetée qu’au onzième ponse immunitaire. 
jour. Les molécules contenues dans le sérum des souris de lignée B
hyperimmunisées ne permettent pas un rejet précoce de la greffe au
sixième jour chez les souris NB, comme il est observé chez les souris
de lignée B hyperimmunisées.
AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC SUR CE THÈME
Expérience 2 Maîtrise des connaissances : question de synthèse
Des souris BN reçoivent les cellules lymphoïdes vivantes des souris – Présenter les réactions immunitaires de l’immunité adaptive en
s'appuyant sur l’exemple d’une infection virale, la grippe.
de lignée B hyperimmunisées, puis reçoivent trois jours plus tard une
– Présenter le recrutement des LB et leur fonction dans l’élimina-
greffe de peau de souris de lignée A : le greffon est rejeté dès le sixième tion des agents pathogènes.
jour. Les souris BN ayant reçu les cellules lymphoïdes vivantes des – Présenter le recrutement des LT cytotoxiques et leur fonction
souris de lignée B hyperimmunisées réagissent à la greffe comme les dans l’élimination des cellules infectées par des virus.
– En s'appuyant sur l’exemple du sida, montrer le rôle central des
souris de lignée B hyperimmunisées, comme si elles avaient déjà été LT auxiliaires dans la réponse immunitaire adaptative.
en contact avec le greffon et l'avaient rejeté.

ZOOM SUR…
LA GREFFE D’ORGANES fonctionnel. 4 945 personnes ont peut être aigu, ou chronique, en- LES MALADIES
La greffe ou transplantation d’or- été greffées en 2011 : le rein est traînant, à terme, la destruction AUTO-IMMUNES
ganes est le remplacement d’un la greffe la plus courante (60 %), du greffon ou une perte de sa Les maladies auto-immunes sont
suivie de celle du foie (26 %), du fonctionnalité. Les traitements dues à l’attaque et à la destruc-
organe ou d’un tissu défectueux
cœur (8 %), puis du poumon et immunosuppresseurs ont pro-
par un organe ou un tissu sain, tion des cellules de l’individu par
du pancréas. De 1991 à 2011, le gressé ces dernières années, mais
appelé « greffon » et provenant de son propre système immunitaire.
nombre de greffes a augmenté
la personne greffée ou d’un autre ils s'accompagnent d'un risque Par exemple, le diabète juvénile
de 41 % mais cette augmentation
donneur. La greffe d’organes est accru d’infections et de tumeurs ou insulino-dépendant est dû à
ne suffit pas à résorber l’attente :
parfois la seule issue thérapeu- 16 371 patients étaient en attente chez le patient. Les recherches l’attaque des cellules du pancréas
tique lorsque les organes vitaux d’un greffon en 2011, soit presque se poursuivent pour augmenter responsables de la synthèse d’in-
sont atteints de manière irréver- le double par rapport à 1997. la tolérance du système immu- suline ; la sclérose en plaques
sible. Le greffon étranger à l’organisme nitaire pour le greffon, tout en correspond à l’attaque de la gaine
En 2011, en France, 40 000 per- peut déclencher une réaction conservant une réactivité vis- de myéline entourant les cellules
sonnes vivent avec un greffon immunitaire de rejet. Le rejet à-vis des autres antigènes. nerveuses.

Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire 75


LES ARTICLES DU

Cancer : la lame de fond des immunothérapies


L’effervescence autour des traitements qui mobilisent nos défenses immunitaires pour
éliminer les tumeurs s’est confirmée lors de l’ASCO, grand-messe annuelle de la cancéro-
logie à Chicago.
Une nouvelle fois, les immuno­thérapies ont été à l’honneur lors du grand CD3, un récepteur exprimé par les lymphocytes intratumoraux. Grâce à ce
congrès de cancérologie de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO), contact forcé, le lymphocyte T va tuer la cellule tumorale. « Dans la leucémie
du 3 au 7 juin à Chicago. « Ce congrès le confirme : ces nouvelles armes théra- aiguë lymphoblastique B de l’adulte en rechute, cet anticorps donne 43 % de
peutiques augmentent la survie globale des patients. Et ce alors qu’elles sont rémission complète », indique le professeur Nicolas Boissel, hématologue à
administrées en deuxième ou troisième ligne de traitement, dans des cancers l’hôpital Saint-Louis (AP-HP, Paris). « De nouveaux anticorps bispécifiques
avancés ou métastatiques », relève Laurence Zitvogel, directrice scientifique sont évalués dans les tumeurs solides  », indique le docteur Marabelle. Là
du programme Immunothérapie à l’Institut Gustave-Roussy de Villejuif. encore, deux types de toxicité sont à surveiller : une libération intensive
Les immunothérapies, ou comment miser sur nos propres défenses de cytokines, qui peut provoquer des défaillances d’organes, et une toxicité
immunitaires pour combattre les tumeurs. « C’est d’abord une révolution neurologique.
conceptuelle. Cela revient à dire : le problème du cancer, ce n’est pas la cellule D’autres immunothérapies surfent sur cette lame de fond. Ainsi des très
cancéreuse mais la tolérance du système immunitaire à l’égard des tumeurs, médiatiques « CAR T-cells », ou « cellules T porteuses de récepteurs chimé-
résume le docteur Aurélien Marabelle, directeur du développement clinique riques à l’antigène ». Le principe : à partir d’une prise de sang, les cellules
du programme Immunothérapie à Gustave-Roussy. On cible l’immunité immunitaires du patient sont prélevées. Puis leur ADN est modifié in vitro
pour qu’elle fasse le boulot ! » par une thérapie génique, de façon à leur faire exprimer des récepteurs
Amorcée en 2010, cette révolution flambe en 2014, avec l’arrivée d’anticorps qui ­ciblent les cellules tumorales. Une fois multipliées hors de l’organisme,
spécifiques, conçus pour « casser » la tolérance immunitaire à l’égard des ces cellules modifiées sont réinjectées au patient. Avec ces cellules T, des
cellules cancéreuses. Leur chef de file est un « anti-CTLA-4 », l’ipilimumab. réponses cliniques étonnantes ont été obtenues dans certaines leucémies.
Avec cet anticorps, un patient sur cinq atteint de mélanome métastatique « Cette approche est aussi développée dans les mélanomes métastatiques
bénéficie d’une survie prolongée alors même qu’il souffre d’un cancer au et les cancers du poumon », dit Sébastian Amigorena, directeur de l’unité
pronostic jusque-là très sombre. Des résultats très inattendus, qui « impres- Inserm Immunité et cancer de l’Institut Curie.
sionnent » les oncologues eux-mêmes. Certaines biotechs développent des approches originales. La société belge
Celyad, par exemple, manipule les lymphocytes T pour leur faire acquérir

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des récepteurs portés par des « cellules tueuses » (NK). Ces cellules modifiées
Une survie à cinq ans
« ciblent potentiellement plus de 80 % des tumeurs », selon Celyad. « C’est
Dès 2011, d’autres anticorps arrivent : les « anti-PD1 » et les « anti-PDL1 ». Eux
un pari pour lequel nous nous associons à Curie  », annonce le docteur
aussi débloquent le système immunitaire, en levant d’autres verrous. Moins
Amigorena.
toxiques que les CTLA4, ils vont prendre le pas. Chez certains malades, la
Jusqu’où ira cette révolution ? Le coût astronomique de ces traitements est
survie peut atteindre plus de cinq ans. Les oncologues hésitent à parler de
très régulièrement pointé. Surtout, «  la chirurgie, la radiothérapie et la
« guérison », mais le mot est lâché. Ces anticorps se montrent désormais
chimiothérapie restent les trois piliers des traitements du cancer. Comme
actifs contre plus de vingt cancers : poumon, rein, vessie, ORL, estomac,
pour les thérapies ciblées, l’immunothérapie n’est efficace que dans un sous-
maladie de Hodgkin… «  Jamais un traitement antitumoral n’avait eu un
groupe de patients qu’il reste à identifier. Elle apporte une cartouche supplé-
spectre d’activité aussi large », note-t-on à l’Institut Gustave-Roussy. « Les
mentaire dans l’arsenal thérapeutique », indique le professeur Christophe
autorisations de mise sur le marché [AMM] n’arrêtent pas de tomber aux
Le Tourneau, oncologue à l’Institut Curie. L’étude des « très longs répon-
Etats-Unis », constate le docteur Marabelle. Pour autant, seule une fraction
deurs » à ces nouvelles thérapies pourrait livrer des pistes de progrès.
des patients semble bénéficier de ces traitements sur le long terme : sous
un anti-PD1, par exemple, 20 % des patients atteints de cancer du poumon
Florence Rosier, Le Monde daté du 08.06.2016
ont une survie vraiment prolongée.
A l’ASCO 2016, trois grandes tendances ont été dessinées. Tout d’abord, on
commence à tester ces immunothérapies en première ligne de traitement
des cancers du poumon, en combinaison avec la chimiothérapie. Par ailleurs, POURQUOI CET ARTICLE ?
« dans le cas du lymphome de Hodgkin, la chimiothérapie classique guérit
90 % des patients, mais au prix, parfois, d’une toxicité cardiovasculaire dix Plusieurs stratégies thérapeutiques existent pour lutter contre
à quinze ans plus tard. D’où cette interrogation : chez les sujets jeunes ou les cancers : la chirurgie, qui consiste à éliminer physiquement
âgés, chez qui les chimiothérapies sont bien plus toxiques, faut-il remplacer les tumeurs et les métastases ; la chimiothérapie, qui tue les cel-
ce traitement conventionnel par une immunothérapie d’emblée ? Le débat lules cancéreuses avec des molécules cytotoxiques ; la radiothé-
est en cours », analyse Aurélien Marabelle. rapie, qui détruit les cellules cancéreuses en les exposant à des
Seconde grande orientation : ces immunothérapies sont parfois associées radiations, et, enfin, l’immunothérapie. L’immunothérapie vise à
entre elles. « En associant un anti-CTLA-4 à un anti-PD1, par exemple, on utiliser le système immunitaire du patient pour qu’il élimine lui-
obtient jusqu’à 55 % de réponses objectives dans le mélanome métastatique. même les cellules tumorales, avec par exemple des anticorps spé-
Un essai de phase II présenté à l’ASCO montre que 64 % de patients survivent cifiques, qui restreignent la tolérance des cellules immunitaires
à deux ans  », annonce Aurélien Marabelle. «  C’est aujourd’hui l’option aux cellules cancéreuses. Le concept d’immunothérapie, pourtant
gagnante », estime Laurence Zitvogel. Pour autant, les toxicités de ces deux ancien, commence à faire ses preuves et les résultats semblent
anticorps se cumulent. Dès lors qu’on déverrouille le système immunitaire, prometteurs. Cet article fait le point sur les grandes tendances
il peut s’attaquer à des tissus normaux. A Gustave-Roussy, des programmes actuelles en immunothérapie. Ainsi, certaines immunothérapies
de gestion de cette double toxicité ont été mis en place. sont maintenant associées entre elles pour une meilleure efficaci-
Cette édition de l’ASCO a aussi entériné la montée en puissance d’autres té, l’immunothérapie commence à être envisagée comme premier
stratégies. Parmi elles, les « anticorps bispécifiques ». L’un d’eux, le traitement antitumoral et de nouvelles stratégies innovantes sont
blinatumomab, agit par deux bras armés. Le premier cible un antigène à testées en recherche clinique.
la surface de nombreuses cellules tumorales, le CD19. Le second cible le

76 Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire


LES ARTICLES DU

VIH : de nouvelles statistiques plus alarmantes


que les chiffres officiels
Selon une vaste étude publiée dans la revue « The Lancet HIV », 74 pays du monde enre-
gistrent une hausse des nouvelles infections.

Pour être très technique, le débat sur les données statistiques de l’épi- Autre donnée, la mortalité liée au VIH. L’Onusida a recensé 1,1 million de
démie de sida n’en recouvre pas moins une cruelle réalité : l’infection morts en 2015, mais le GBD donne un nombre plus précis : 1,19 million.
par le VIH ne recule pas aussi rapidement qu’annoncé. Sans une De même, le GBD estime que le nombre de personnes vivant avec le
amplification de la mobilisation de ressources, l’objectif ambitieux VIH dans le monde s’élève à 38,8 millions quand l’Onusida compte
de maîtriser durablement l’épidémie d’ici à 2030 ne sera pas atteint. 36,7 millions. Enfin, selon les Nations unies, 46 % des adultes et 49 %
D’autant qu’un énorme travail statistique réalisé par le réseau Global des enfants infectés bénéficient des traitements anti-VIH, contre 40,6 %
Burden of Diseases (GBD, « fardeau mondial des maladies »), fort au total d’après l’étude.
de 1 700 collaborateurs, présente des résultats plus sombres que les Comment expliquer de telles différences ? Les estimations de l’Onu-
données officielles de l’Onusida. sida s’appuient sur les données de prévalence fournies par les Etats
Présentée mercredi 20 juillet lors de la 21e conférence internationale et sur des modèles mathématiques, là où le GBD 2015 bénéficie de
sur le sida, qui se tient à Durban (Afrique du Sud) jusqu’au vendredi sources plus variées. « Avant tout, les estimations du GBD fournissent
22 juillet, cette étude, publiée la veille sur le site de la revue The Lancet une image plus complète et d’une plus grande cohérence interne du
HIV, a fait réagir des ONG comme Aides. « L’annonce choc de la confé- panorama du VIH/sida, y compris des estimations des co-infections
rence de Durban : non, l’épidémie de sida ne régresse pas », titrait ainsi VIH et tuberculose et des handicaps, précise le docteur Haidong Wang
dans un communiqué l’association française de lutte contre le VIH. En (IHME), principal auteur de l’étude. Cela est rendu possible grâce à des
réalité, le titre exagère les conclusions de l’étude GBD 2015. méthodes innovantes et améliorées, ainsi qu’à des données actualisées.
« Elle met en évidence des tendances allant dans le même sens que celles Ces estimations incluent des données d’état civil tels que les certificats de

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du dernier bilan de l’Onusida, indique Tom Achoki, de l’Institute for décès, l’une des sources les plus fiables sur la progression de l’épidémie.
Health Metrics and Evaluation (IHME) à l’université du Washington à Une source que n’utilise pas l’Onusida. »
Seattle, établissement qui a coordonné l’étude. Mais avec des méthodes
différentes, nous montrons que l’ensemble des progrès se fait de manière « Une issue est possible »
plus lente que ne le décrit l’Onusida. » « Cette étude montre les limites du discours sur une fin du sida qui serait
déjà engagée, juge Aurélien Beaucamp, le président de l’ONG Aides.
« Méthodes innovantes et améliorées » Certes une issue est possible, mais le niveau de financement actuel ne
Les deux sources convergent sur un point : le nombre de nouvelles permet pas d’avoir un réel impact sur l’épidémie. La réalité, c’est que
infections ne décroît que lentement depuis 2005, comparé à la dé- depuis dix ans nous parvenons tout juste à colmater les brèches. »
cennie précédente. Pour la suite, le GBD 2015 dresse un tableau plus Une analyse qui n’est pas très éloignée de celles de Peter Piot, directeur
noir : il dénombre ainsi 2,4 millions de nouvelles infections en 2015 de la London School of Hygiene and Tropical Medicine : « Ce travail
dans le monde, contre 2,1 millions relevées par l’Onusida. Il souligne montre que l’épidémie de sida n’est en aucun cas terminée et qu’elle
également que 74 pays ont connu des augmentations des nouvelles demeure l’une des plus grandes menaces de santé publique de notre
infections entre 2005 et 2015. Parmi eux l’Egypte, le Pakistan, le Kenya, époque. Le taux annuel continuellement élevé de 2 millions de nouvelles
les Philippines, le Cambodge, le Mexique et la Russie. infections représente un échec collectif auquel on doit répondre par une
intensification des efforts de prévention et un investissement continu
dans la recherche pour le vaccin contre le VIH. »
POURQUOI CET ARTICLE ? Car c’est bien la question des ressources et de l’efficacité des différentes
Cet article compare les résultats de l’analyse statistique mondiale interventions contre le virus que posent ces nouvelles données plus
sur le sida effectuée par Global Burden of Diseases, un réseau qua- précises. Le rapport du IHME, Financing Global Health 2015, publié en
lifié d’observateurs de données médicales, et le résultat des études avril, soulignait que le financement annuel mondial avait atteint un
d’Onusida, programme de l’ONU consacré au sida. Les conclusions pic à 11,2 milliards de dollars (10,15 milliards d’euros) mais était retom-
de l’étude de Global Burden of Diseases sont plus pessimistes que
bé à 10,8 milliards en 2015. Or, un travail collectif réalisé en 2015 évaluait
celles d’Onusida. Alors que les progrès des trithérapies avaient fait
espérer un recul majeur de la maladie, il apparaît que les résultats à 36 milliards de dollars le montant nécessaire pour mettre fin au sida
sont plus lents à se faire sentir que prévu. Le nombre de nouvelles comme problème de santé publique en 2030, comme les Nations unies
infections décroît faiblement et la mortalité liée au sida reste élevée. s’y sont engagées. La route est plus longue qu’on ne le pensait.
L’objectif officiel est la maîtrise de l’épidémie d’ici 2030. La réussite
de cet objectif exige de maintenir les financements alloués à la lutte Paul Benkimoun, (Durban, Afrique du Sud), lemonde.fr, 22.07.2016
contre le sida et d’accentuer le développement de politiques de santé
publique volontaristes contre l’infection par le VIH.

Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire 77


L'ESSENTIEL DU COURS

Le phénotype immunitaire au cours de la vie


Le phénotype immunitaire d’un individu est sa capacité à répondre aux agents infectieux
qu’il rencontre. Or, cette capacité de réponse n’est pas figée dans le temps mais évolue
au cours de la vie : certaines maladies ne peuvent pas être contractées deux fois et la vac-
cination confère une protection contre des infections. Comment expliquer l’évolution du
phénotype immunitaire au cours de la vie ?

Le début de la vaccination appelée la vaccination. Les travaux de Louis Pasteur sur le choléra
Les mécanismes de la réaction inflammatoire et de la mémoire des poules et sur la rage ont confirmé la protection que l’injection
du système immunitaire ne sont connus que depuis le XX  siècle, e d’un agent ressemblant à l’agent pathogène confère à l’organisme
mais la réaction de l’organisme contre les pathogènes avait déjà contre ce même agent pathogène.
été observée et étudiée de façon empirique. Depuis l’Antiquité,
on a remarqué que les survivants d’une épidémie pouvaient être Le principe de la vaccination
protégés contre l’épidémie suivante de la même maladie. Guérir La première rencontre du système immunitaire avec un agent

d’une maladie permet donc d’être protégé contre celle-ci des pathogène déclenche une réponse immunitaire dite «  primaire  »
années durant. Cependant, cette constatation empirique est loin qui consiste en la mise en place de cellules effectrices (plasmocytes
d’être systématique : ainsi, on peut à nouveau être atteint par le sécréteurs d’anticorps, lymphocytes T auxiliaires, lymphocytes T
rhume, alors qu’on en avait guéri l’année précédente. Pourquoi cytotoxiques) spécifiques de cet agent. Lors d’un contact ultérieur
existe-t-il une mémoire immunitaire contre certaines maladies avec le même agent infectieux, la réponse immunitaire dite « secon-
mais pas contre d’autres ? La lutte contre la variole permit de daire » est plus rapide et quantitativement plus importante. En effet,

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répondre à cette question. Avant le XVII  siècle, les médecins pra-
e la réaction immunitaire primaire s’accompagne de la formation de
tiquaient la variolisation, qui consistait à inoculer à des patients cellules immunitaires mémoires à longue durée de vie : il s’agit des
sains de vieilles pustules desséchées de varioleux. Cette pratique lymphocytes T et B mémoires et des plasmocytes mémoires.. Les
présentait un risque mais permettait une bonne protection contre études ont montré que certaines cellules immunitaires, dont certains
une épidémie de cette maladie mortelle. Un médecin anglais, lymphocytes B et T, peuvent vivre très longtemps, au moins une
Edward Jenner, a constaté que les paysans au contact des vaches dizaine d’années, dans l’organisme. Ainsi, lors d’un contact ultérieur
contractaient une maladie bovine proche de la variole : la vaccine, avec l’agent infectieux, les LT et LB mémoires réagissent beaucoup plus
qui les protégeait contre les épidémies de variole. En 1796, Jenner vite à l’agent infectieux en proliférant et en se différenciant beaucoup
eut l’idée (selon un protocole que l’éthique médicale réprouverait plus rapidement que les LT et LB naïfs, qui n’ont jamais été activés par
aujourd’hui) d’injecter à un jeune garçon des extraits de pustules, l’agent infectieux. L’existence de cette réaction secondaire intense et
prélevés sur une jeune vachère atteinte par la vaccine. Il inocula rapide nécessite que les LT et LB mémoires réagissent à des antigènes
ensuite la variole au jeune garçon, qui ne contracta pas la maladie. proches de ceux les ayant activés la première fois.
Cette découverte à l’orée du XIXe siècle ouvrit la porte à ce qui fut Le principe du vaccin utilise cette mémoire immunitaire : le patient

ZOOM SUR…
LA DISPARITION (OMS) a déclaré totalement éra- est l’intérêt de conserver ce virus et Joseph Meister ne développa
DES MALADIES diquée une maladie virale très particulièrement dangereux pour pas cette maladie mortelle. Les in-
De nouvelles maladies appa- contagieuse : la variole ou « petite les populations actuelles qui n’y jections ont permis à son système
raissent (sida, etc.), certaines vérole ». Cette éradication est le ont jamais été exposées ? immunitaire de développer une
disparaissent, avec ou sans vacci- résultat de campagnes de vacci- LE VACCIN DE PASTEUR réponse immunitaire primaire
nation. La peste, à l’origine d’épi- nation massive mises en œuvre CONTRE LA RAGE avant que se développe le virus.
démies meurtrières au Moyen à partir des années 1960 sur tous En 1885, un enfant, Joseph Meis- Puis, la réponse immunitaire se-
Âge en Europe, a disparu au les continents. ter, âgé de 9 ans, fut mordu par condaire a permis à l’enfant de
XVIIIe siècle car les individus pré- Actuellement, seuls quelques un chien enragé : il consulta rapi- lutter contre le virus contracté
sentant une meilleure réponse laboratoires au monde sont au- dement Louis Pasteur, bien avant lors de la morsure. Par la suite,
immunitaire contre la peste ont torisés à conserver des échantil- que sa rage soit déclarée. Pendant Pasteur fit même une injection
été sélectionnés d'un point de lons du virus de la variole. Cette une dizaine de jours, Pasteur lui de l’agent responsable de la rage
vue évolutif. En octobre 1977, l’Or- conservation fait débat au sein de inocula une suspension de moelle à l’enfant pour prouver la protec-
ganisation mondiale de la santé la communauté scientifique : quel osseuse de lapin mort de la rage tion conférée par la vaccination.

78 Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire


L'ESSENTIEL DU COURS

taux plasmatique d’anticorps Ainsi l’adjuvant du vaccin déclenche la réaction innée indispensable à
réponse secondaire l’installation de la réaction immunitaire adaptative, dont l’intensité est
réponse primaire accrue. Le rôle des adjuvants présents dans les vaccins souligne l’impor-
anticorps anti-A tance de la coopération entre l’immunité innée et l’immunité acquise.
délai délai
La vaccination et la santé publique
La vaccination a pour objectif une protection individuelle, mais aussi
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 une protection collective, et elle peut permettre une éradication du
temps (en jours) pathogène, à condition que l’homme soit le seul hôte de cet agent
premier contact second contact avec l’antigène A
avec l’antigène A pathogène. C’est le cas en particulier de la variole, éradiquée sur tous
les continents depuis 1979.
Réponses primaire et secondaire du système immunitaire
La couverture vaccinale d’une population représente le pourcentage
de la population vaccinée. On considère qu’il faut environ une cou-
est exposé à un pathogène modifié et non dangereux (pathogène tué,
verture vaccinale de 95 % pour qu’une maladie soit absente de la
inactivé ou morceau de pathogène) mais immunogène, c’est-à-dire
population. La vaccination constitue donc un véritable enjeu de
entraînant une réaction immunitaire suffisante pour former des LB
santé publique. 
et des LT mémoires.
Il est souvent nécessaire d’effectuer des rappels de vaccination pour
entretenir cette mémoire immunitaire. Ainsi, par la vaccination, le patient
Injection du vaccin
qui n’a pas développé la maladie causée par l’agent infectieux possède un
phénotype immunitaire qui lui permet lors d’un contact ultérieur avec LT et LB spécifiques de l’antigène
l’agent infectieux de déclencher une réponse immunitaire secondaire, Sélection clonale,
amplification et différenciation
suffisament rapide et intense, pour lui éviter de tomber malade.
LTaux et LTc LB et LT mémoire Plasmocytes Plasmocytes mémoire

L’adjuvant, déclencheur de la réaction innée,


indispensable à la réaction adaptative Mémoire immunitaire

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De nombreux vaccins contiennent, en plus de l’agent vaccinant, un
adjuvant. L’adjuvant est une substance (comme les sels d’aluminium Protection de l’individu grâce à la vaccination
ou le squalène) qui déclenche une réaction immunitaire innée, c’est-
à-dire une réaction inflammatoire.
Cette réaction inflammatoire, due à la présence de l’adjuvant, stimule Vaccin et mémoire immunitaire
l’activation des cellules dendritiques, qui phagocytent l’agent vacci-
nant et le dégradent en antigène. Ces cellules dendritiques migrent
UN ARTICLE DU MONDE À CONSULTER
vers les ganglions lymphatiques et présentent l’antigène exposé au
sein de leur CMH aux lymphocytes T CD4. Ces LT CD4 activés par l’an- • Les vaccins sont-ils vraiment dangereux pour la santé  ? p.  81-82
tigène deviennent des LT auxiliaires qui stimulent la différenciation (Gary Dagorn, lemonde.fr, 16.09.2016)
des LB en plasmocytes sécréteurs d’anticorps et la différenciation des
LT CD8 en LT cytotoxiques.
REPÈRE
LES VACCINATIONS miliaux de tuberculose, etc.) : injec-
ZOOM SUR… • Diphtérie, tétanos, coqueluche, tion dès la naissance et injections
poliomyélite (vaccination obliga- supplémentaires entre 3 et 11 mois,
toire) : 3 injections à 2, 3 et 4 mois, et après 12 mois si nécessaire.
L’IMMUNOLOGIE 1983  : identification du VIH par
puis 4 rappels avant 18 ans. Rap-
• Grippe saisonnière : vaccination
1796  : Jenner pratique les pre- l’équipe de Montagnier. recommandée à partir de 65 ans,
pels tous les dix ans chez l’adulte.
mières vaccinations contre la 2011  : prix Nobel de Médecine aux femmes enceintes, aux per-
• Rougeole, oreillons, rubéole :
variole avec la vaccine bovine. décerné à Hoffmann, Beutler sonnes avec diverses pathologies
1 injection à 12 mois, puis une 2e
1878 : mise au point par Pasteur et Steinmann pour leurs tra- (dont l’obésité) : une injection
vaux sur l’immunité innée entre 13 et 24 mois. tous les ans.
de la vaccination avec des agents
(récepteurs Toll et TLR, cellules • Hépatite B : 3 injections à 2, 4 et • De nombreuses autres vaccina-
pathogènes.
1882 : découverte de la phagocy- dendritiques). 16-18 mois. tions existent (coqueluche, va-
tose par Metchnikoff. • Tuberculose : vaccination non ricelle, hépatite A, papillomavirus
1890  : isolement des anticorps obligatoire pour l’entrée en col- humain, pneumocoque, ménin-
par von Behring et Kitasato. lectivité depuis 2007 mais recom- gocoque, etc.) La vaccination est
1980  : identification des gènes mandée pour les enfants à risque à adapter à chaque individu en
codants pour les LCR des LT et élevé de tuberculose (Île-de-France, fonction de son lieu de vie, de son
BCR des LB. Guyane, Mayotte, antécédents fa- mode de vie et de son état de santé.

Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire 79


UN SUJET PAS À PAS

Partie 2.1 : Diagnostic immunitaire chez un enfant


L’intitulé complet du sujet Proposition de corrigé
Entre 3 et 18 mois, un enfant a été admis de très nombreuses fois à l’hôpital L’enfant a reçu tous les vaccins prévus à l’âge préconisé, mais les tests
pour diverses infections bactériennes graves. II a reçu tous les vaccins réalisés montrent l’absence d’anticorps spécifiques dirigés soit contre
(tétanos, diphtérie, rougeole, etc.) prévus à l’âge de 2, 3 et 4 mois. Des ana- l’anatoxine diphtérique (vaccination contre la diphtérie), soit contre
lyses ont été réalisées et ont permis de déterminer qu’il était atteint d’une l’anatoxine tétanique (vaccination contre le tétanos), soit contre le
maladie héréditaire (la maladie de Bruton). Exploitez les informations virus de la rougeole (vaccination contre la rougeole). La vaccination
saisies dans le document proposé afin d’expliquer pourquoi l’organisme n’a pas entraîné l’apparition d’anticorps dirigés spécifiquement
de cet enfant est incapable de lutter contre les infections bactériennes. contre les antigènes contenus dans les vaccins comme cela aurait dû
être le cas. La vaccination n’a donc pas été effective et elle n’a pas pu
Le document conférer de protection.
Résultats des examens de laboratoire ayant permis le diagnostic Le taux d’immunoglobulines G de l’enfant est très faible (0,17 g.L-1 alors
Dosage des anticorps** spécifiques que le taux normal est de 5,5 à 10,0 g.L-1) et les immunoglobulines A ne
Vaccins reçus en réponse aux vaccinations
sont pas détectées (leur taux normal est de 0,3 à 0,8 g.L-1). Cet enfant
Pas d’anticorps spécifiques
Anatoxine* tétanique détectés
produit donc très peu d’immunoglobulines, ce qui explique ses graves
Pas d’anticorps spécifiques infections microbiennes répétées et l’inefficacité de la vaccination.
Anatoxine diphtérique
détectés Enfin, l’étude des populations lymphocytaires de l’enfant montre
Pas d’anticorps spécifiques
Virus de la rougeole détectés
que le nombre de lymphocytes totaux est normal chez cet enfant
Dosage des immunoglobulines** Valeurs normales
(3,05.107 L-1 pour un taux normal de 2,5.107 L-1 à 5.107 L-1). Mais si le taux
du sérum chez le patient pour l’âge de 18 mois
de LT est dans la norme (3,02.107.L-1 pour un taux normal de 1,5.107 L-1
Immunoglobulines G 0,17 g.L-1 5,5 à 10,0 g.L-1 à 3,0.107  L-1), le taux de LB de 0,03.107.L-1 est très faible, représentant
environ un tiers de la valeur minimale.
Immunoglobulines A Non détectées 0,3 à 0,8 g.L-1 Ainsi cet enfant présente une anomalie importante du nombre de LB.
Sous-population lymphocytaire Valeurs normales Son très faible taux de LB ne lui permet pas de produire assez d’anti-
du sang pour l’âge de 18 mois

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corps pour lutter efficacement contre des infections bactériennes. De
Lymphocytes totaux 3,05.107 L-1 2,5.107 g.L-1 à 5.107 g.L-1
plus, sa carence en LB rend inefficace toute vaccination : il est donc
susceptible de contracter des maladies que les autres enfants vaccinés
Lymphocytes B 0,03.107 L-1 0,1.107 g.L-1 à 0,4.107 g.L-1 ne déclarent pas. Cette très faible quantité de LB dans son organisme
a une origine héréditaire. 
Lymphocytes T 3,02.107 L-1 1,5.107 g.L-1 à 3,0.107 g.L-1

D’après H. Chapel, M. Haeney, S. Misbah, N. Snowden, Immunologie clinique

*Les anatoxines sont des protéines bactériennes. AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC SUR CE THÈME
**Anticorps et immunoglobulines sont des synonymes ; ces molécules
Étude de documents
sont produites par les lymphocytes B. – Mise en évidence de la mémoire immunitaire.
– Justification du calendrier de vaccination.
Ce qu’il ne faut pas faire – Étude de mise au point de vaccins (VIH, trypanosome, paludisme,
• Se contenter de saisir les données du document sans les mettre en re- vaccin anti-tumeur, etc.).
lation et sans expliquer l’origine des infections bactériennes répétées. – Étude du rôle des adjuvants.

ZOOM SUR…
VACCIN ANTI-VIH : tion d’être pris quotidiennement. CANCERS ET mobiliser ou à renforcer les res-
DES PISTES, MAIS En 2009, des essais cliniques IMMUNOTHÉRAPIE sources du système immunitaire
UN VACCIN EFFICACE d'un vaccin anti-VIH ont mon- L’immunothérapie passive consiste pour accroître l’élimination des
TOUJOURS ATTENDU tré une efficacité partielle (31 %) à administrer au malade des an- cellules cancéreuses. Elle consiste
L’isolement du VIH en 1983 avait mais intéressante. Les chercheurs à stimuler l’activité globale du
ticorps artificiels dits « monoclo-
ouvert la perspective de l’obten- progressent actuellement dans système immunitaire du ma-
naux », ayant une cible moléculaire
tion rapide d’un vaccin. Mais l’explication de ces résultats et lade en utilisant des cytokines
précise à la surface des cellules can-
l’extrême variabilité du VIH a espèrent pouvoir améliorer l’effi- (interféron   par exemple). Des
jusqu’à maintenant rendu diffi- céreuses dans l’objectif de détruire
cacité de ce vaccin. Actuellement, cellules tumorales du patient
cile la mise au point d’un vaccin. ces dernières. Des anticorps contre peuvent être cultivées pour les
aux États-Unis, l’efficacité d’un des facteurs qui interviennent dans
Les traitements antirétroviraux rendre plus immunogènes avant
autre vaccin ayant montré son in- la multiplication des cellules sont
(comme le Truvada) ont récem- de les réinjecter. Enfin les cellules
nocuité est en cours d’étude chez
ment montré qu’ils réduisaient également utilisés pour bloquer la immunitaires peuvent être modi-
l’homme.
le risque de transmission du VIH prolifération cellulaire. fiées pour les rendre plus efficaces
par voie sexuelle, mais à la condi- L’immunothérapie active vise à contre les cellules tumorales.

80 Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire


L’ARTICLE DU

Les vaccins sont-ils vraiment dangereux pour


la santé ?
Près de quatre sondés français sur dix pensent que les vaccins ne sont pas sûrs. Les résul-
tats de ce sondage commandé par la « London School of Hygiene & Tropical Medicine »
peuvent surprendre mais, à bien regarder les ventes en baisse des vaccins dans l’Hexa-
gone depuis plusieurs années, il y avait là quelque chose de prévisible.
Les controverses médicales et les peurs entourant certains vaccins, grossières et la communauté scientifique ne tardera pas à émettre
voire la vaccination elle-même, expliquent en partie le rejet et la de nombreuses critiques sur les travaux du chirurgien britannique.
remise en question partielle que l’on observe en France et dans d’autres Les pairs de Wakefield pointent, à raison, que les conclusions de
pays. En la matière, les préjugés et idées reçues ont la vie dure ; nous l’étude ne s’appuient sur aucune statistique et sur un échantillon
en avons examiné plusieurs. exceptionnellement petit (12 sujets), que l’étude n’a utilisé aucun
groupe de contrôle et que le protocole établi reposait en partie sur des
Idée reçue n° 1 : « Les vaccins ne sont pas sûrs » témoignages faisant appel à la mémoire des sujets, mémoire dont on
FAUX connaît très bien le fonctionnement et dont les biais et la faillibilité
Quarante et un pour cent des Français sondés par les chercheurs du sont abondamment documentés.
Vaccine Confidence Project le pensent. Et pourtant, les conclusions Les résultats de l’étude n’ont jamais pu être reproduits par d’autres
des scientifiques sont tout à fait contraires à cette croyance. Les scientifiques, ce qui est une condition sine qua non pour valider des
nombreuses études scientifiques publiées à ce sujet confirment depuis résultats. Des études successives publiées de 1999 à 2012 portant sur un
longtemps l’innocuité des vaccins. nombre grandissant d’enfants n’ont jamais pu établir un quelconque
Comme tout traitement médical, certains vaccins peuvent engendrer lien de causalité entre le vaccin ROR et des troubles autistiques. En

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quelques effets secondaires localisés et de courte durée à une incidence 2004, The Lancet publie un communiqué réfutant totalement les
non nulle, mais toutefois faible. Des effets secondaires graves sont conclusions de l’étude de Wakefield, et qualifiant le geste de son
théoriquement possibles, mais ils restent extrêmement rares. équipe de fraude scientifique : « Ils ont délibérément sélectionné les
Les effets non désirés les plus courants sont les réactions allergiques. données qui confirmaient leur hypothèse et ont falsifié les faits. » Il a
Par exemple, le vaccin ROR (rougeole-oreillons-rubéoles) peut pro- été révélé en 2007 que Wakefield a été payé (plus de 400 000 livres,
voquer des chocs anaphylactiques (c’est-à-dire de fortes réactions soit l’équivalent de près de 600 000 euros à l’époque) par un avocat
allergiques) en de très rares occasions (incidence de 3,5 à 10 cas sur un britannique souhaitant poursuivre le laboratoire produisant le vaccin.
million de doses injectées, selon l’Organisation mondiale de la santé L’étude a été rétractée par la revue en 2010.
(OMS), soit un taux de 0,0000035 % à 0,00001 %). La fraude a eu beau être révélée et les conclusions strictement inva-
Les risques de réagir négativement ne sont pas inexistants, mais ils lidées, l’exposition médiatique dont ont bénéficié ces conclusions,
sont très limités. En comparaison, le risque qu’un enfant non vacciné certes mensongères mais choc, a durablement implanté l’idée dans
contracte une maladie provoquée par l’agent infectieux pour lequel il une partie de l’opinion occidentale que les vaccins présentent des
n’a pas été vacciné est très largement supérieur au risque de ressentir dangers pour les enfants. Aux Etats-Unis par exemple, on estime
des effets secondaires. aujourd’hui qu’un parent sur quatre croit encore que les vaccins
peuvent provoquer des troubles autistiques.

Idée reçue n° 2 : « Les vaccins peuvent ­causer


l’autisme » POURQUOI CET ARTICLE ?
FAUX
Depuis plusieurs années, une défiance importante contre les vaccins
Il n’y a aucune relation entre les troubles autistiques et les vaccins. s’est manifestée en France. Cet article fait un point scientifique-
Bien que nous n’ayons, à l’heure actuelle, pas cerné l’ensemble des ment argumenté sur plusieurs questions couramment posées sur
facteurs qui favorisent les troubles autistiques, ceux-ci n’ont absolu- la vaccination : les vaccins sont-ils dangereux ? Les vaccins sont-ils
efficaces ? Les sels d’aluminium, utilisés comme adjuvants dans cer-
ment rien à voir avec les vaccins, comme l’ont prouvé au moins cinq tains vaccins, sont-ils nocifs ? Le lien entre vaccination et autisme
études scientifiques indépendantes depuis 1998. Cette année-là, une est-il démontré scientifiquement ? Les éléments de réponse donnés
étude du docteur britannique Andrew Wakefield publiée dans la revue ici permettent d’avoir une vision précise des bénéfices et des risques
de la vaccination. Au-delà d’un questionnement légitime sur la vac-
The Lancet tentait de démontrer une relation de cause à effet entre
cination, il s’agit de ne pas oublier que cette dernière a permis la
le vaccin rougeole-oreillons-rubéoles (ROR) et l’autisme. L’article de quasi-disparition de plusieurs maladies graves de nos sociétés.
Wakefield contient pourtant des erreurs d’analyse et de méthodologie

Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire 81


L’ARTICLE DU

Idée reçue n° 3 : « Les bébés et ­prématurés sont Idée reçue n° 5 : « L’aluminium contenu dans les
trop fragiles pour recevoir des vaccins » vaccins peut être dangereux pour la santé »
FAUX PLUTÔT FAUX
Si légitimes soient les inquiétudes des parents pour la santé de leur L’aluminium est utilisé comme un adjuvant dans tous les vaccins
nouveau-né, celles-ci ne résistent pas à l’étude des faits. Le calendrier commercialisés en France. Son rôle est de stimuler ou d’amplifier
vaccinal établi chaque année par le ministère de la santé prévoit de la réponse immunitaire de l’organisme afin que celui-ci produise
nombreuses vaccinations dès la première année de vie, car de nom- les anticorps combattant la souche infectieuse contenue dans le
breuses affections peuvent toucher un petit enfant. Ces vaccinations vaccin. L’adjuvant améliore grandement l’efficacité des vaccins,
permettent aussi de stimuler le jeune système immunitaire. surtout lorsque ceux-ci sont dits « inactivés », c’est-à-dire ceux qui
Les études comparant le calendrier vaccinal classique à un calen- contiennent des agents infectieux morts. Mais l’utilisation exclusive
drier décalé dans le temps ne concluent ni à un bénéfice pour la de l’aluminium comme adjuvant depuis 2008 est régulièrement
santé de l’enfant ni à une meilleure efficacité du vaccin inoculé plus critiquée. Michèle Rivasi, candidate à la primaire EELV, milite contre
tardivement. l’aluminium dans les vaccins, mettant en avant des effets néfastes
pour la santé constatés à plusieurs reprises chez des patients ayant
reçu des vaccins contenant de l’aluminium.
Idée reçue n° 4 : « Les vaccins ne sont pas D’après nos connaissances actuelles et les études menées sur le sujet,
efficaces » aucun lien de causalité n’a été établi entre la présence d’aluminium
FAUX dans les vaccins et des troubles de la santé. Il est reconnu que la
Les campagnes de vaccination à travers le monde ont prouvé leur présence d’aluminium dans les muscles peut provoquer des lésions
grande efficacité en réduisant grandement l’incidence de nombreuses musculaires connues sous le nom de myofasciites à macrophages.
maladies infectieuses. L’OMS estime que la vaccination évite entre Ces lésions sont surtout observées en France, où l’on a dénombré en
deux et trois millions de morts chaque année, en luttant principa- 2012 environ 1 000 cas.
lement contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche et la rougeole. Si l’existence de ces lésions est avérée, il n’en est rien de ses symptômes
De nombreuses maladies ont vu leur incidence chuter après la mise supposés. Les myofasciites à macrophages sont en effet souvent asso-
au point de leurs vaccins. C’est le cas de la variole, qu’une grande

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ciés à trois symptômes majeurs : des myalgies (douleurs musculaires),
campagne mondiale a pu éradiquer totalement en 1980. Cette maladie une fatigue chronique qui peut être invalidante ainsi que des troubles
extrêmement contagieuse a tué environ 300 millions de personnes de l’attention et de la mémoire. Céphalées et troubles du sommeil font
rien qu’au XXe siècle. Toujours au niveau mondial, l’OMS a enregistré aussi partie des symptômes rapportés. Plusieurs associations, dont
une baisse de 99 % des cas de poliomyélite entre 1988 et 2003 et une l’association d’entraide aux malades de myofasciite à macrophages
baisse de 40 % des cas de rougeole entre 1999 et 2003. (E3M), se battent pour faire reconnaître ces lésions comme une
Aux Etats-Unis, une étude publiée en 2013 faisait un bilan chiffré de maladie. Mais les différents rapports scientifiques publiés jusqu’à
l’incidence de 54 maladies contagieuses de 1888 à 2013. Toutes les présent ont tous conclu à l’absence de lien entre ces symptômes et
maladies dont on a trouvé un vaccin ont connu une baisse impres- les myofasciites à macrophages.
sionnante du nombre annuel de cas. Dans un rapport datant de 2004, l’Afssaps (Agence nationale de
En France, l’incidence des oreillons est passée de 859 à 9 cas pour sécurité du médicament et des produits de santé) concluait qu’en
100 000 habitants entre 1986 et 2013. Mais l’existence de vaccins ne l’état des connaissances scientifiques il n’était pas possible d’imputer
garantit pas à elle seule le recul d’une maladie. La couverture vaccinale de symptôme clinique à la myofasciite à macrophages. Le rapport du
doit être constante et maximale afin de faire durablement reculer la HCSP (Haut-Conseil de la santé publique), publié en 2013 et synthé-
propagation des agents infectieux. tisant l’état des connaissances scientifiques, a confirmé depuis qu’il
A ce niveau-là, un manque de vigilance ou une méfiance de la part de n’existe aucune preuve tangible que ces lésions musculaires soient la
la population entraînent un manque de suivi des recommandations cause des symptômes constatés.
vaccinales et ont des répercussions immédiates. C’est ainsi que la De manière générale, les sels d’aluminium, largement utilisés dans les
France et l’Allemagne ont connu une épidémie de rougeole entre 2010 vaccins depuis les années 1920 (il s’agit précisément d’hydroxyde
et 2012. De 1 176 cas de rougeole en 2009, la France a connu 14 949 cas d’aluminium ou de phosphates d’aluminium) sont jugés efficaces et
en 2011. sont très bien tolérés par l’organisme. Le HCSP précise également que
Au Japon, la couverture vaccinale des enfants contre la coqueluche les adjuvants à base d’aluminium présentent des « limitations » dans
est passée de 80 % à 10 % entre 1974 et 1979. Alors qu’on ne comptait certains vaccins (typhoïde, influenza) et ne sont pas efficaces contre
que 393 cas de coqueluche dans tout le pays sans un seul décès en tous les pathogènes (mycobactéries). En conséquence de quoi, il conclut
1974, le nombre de cas a rapidement augmenté pour atteindre plus qu’« il y a donc un besoin de développer de nouveaux adjuvants ».
de 13 000 cas cinq ans plus tard. Cette année-là, on dénombra 41 décès
liés à cette maladie. Gary Dagorn, lemonde.fr, 16.09.2016

82 Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire


NEURONE ET FIBRE MUSCULAIRE :
LA COMMUNICATION NERVEUSE

Genou
Hanche
Tronc
Épaule
Poigne

Bras
Coude
Mai
Doi

n
t
gts
Pou
ce
Co
So

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urc

ΠCheville
il
il

Visa
ge
Orteils

Lèvres
Mâchoire

Langue

Deglutition
Aire
motrice
primaire
L'ESSENTIEL DU COURS

Le réflexe myotatique,
un exemple de commande réflexe du muscle
Rester debout, ne pas perdre l’équilibre, maintenir notre posture malgré la pesan-
teur nécessitent un fonctionnement permanent et adapté de nos muscles extenseurs
et fléchisseurs. Les muscles impliqués dans la posture comme dans le mouvement
sont des muscles striés squelettiques, attachés au squelette par des tendons. Le
mouvement des muscles se répercute sur le mouvement du squelette au niveau des
articulations. Dans le cas de la posture, ces mouvements ne sont pas commandés
consciemment, ce sont des réflexes musculaires. Comment les réflexes myotatiques
commandent-ils la contraction de certains muscles ?

Le réflexe myotatique : un outil diagnostique Ainsi, en tapant avec le marteau sur le tendon, le médecin étire arti-
Afin de vérifier l’état de tension qui s’exerce sur les muscles pour ficiellement ce dernier : ce stimulus va être perçu par des récepteurs
s’opposer à l’action de la gravité sur le corps humain, c’est-à-dire à l’étirement : les fuseaux neuromusculaires. Le message nerveux
pour tester le tonus musculaire, le médecin peut frapper avec un remonte via un neurone sensoriel du nerf rachidien qui rejoint,
marteau approprié soit au niveau du tendon d’Achille (au-dessus au niveau de sa racine dorsale (ou postérieure), la moelle épinière.
du talon), soit au niveau de la rotule (sous le genou) et observer le Les corps cellulaires des neurones sensoriels sont situés dans les
résultat. Le réflexe myotatique est une réaction rapide et invo- ganglions rachidiens et leurs extrémités sont en contact, au niveau
lontaire du corps. En réaction à son propre étirement, le muscle de la corne ventrale de la substance grise de la moelle épinière, avec
se contracte automatiquement. le corps cellulaire d’un motoneurone ou neurone moteur. Cette
Circuit nerveux du réflexe myotatique

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Diverses expériences historiques ont permis de comprendre le Racine dorsale
Récepteur sensoriel = Fibre nerveuse sensitive (afférente)
mécanisme du réflexe myotatique. Chez un chat dont la moelle 3. Perception de
l’étirement
fuseau neuromusculaire
4. Transmission de
épinière est sectionnée en-dessous de l’encéphale, le pincement de l’information Corne dorsale

la plante du pied déclenche un réflexe de retrait, impliquant une 2. Étirement du muscle Synapse
neuromusculaire
Substance grise

5. Contraction du
contraction du muscle. Mais le chat ne peut pas commander volon- 1. Stimulus muscle Flux
d’information
Ganglion rachidien Substance blanche

tairement le mouvement de sa patte. Ainsi le réflexe myotatique ne Corne ventrale


Tendon
fait pas intervenir le cerveau. Des expériences de sections des nerfs Fibre nerveuse motrice =
motoneurone (efférente)
reliant les muscles à la moelle épinière et de stimulations après Racine ventrale

sections montrent que la moelle épinière est le centre nerveux


Synapse excitatrice
des réflexes myotatiques.
Circuit nerveux du reflexe myotatique

NOTIONS CLÉS
NEUROMÉDIATEUR, MESSAGE NERVEUX Les dendrites sont les prolon- tion transitoire avant de revenir
NEUROTRANSMETTEUR Succession de potentiels d’action gements qui reçoivent des mes- à la valeur du potentiel de repos
Molécule libérée par un neurone qui se propagent le long des neu- sages nerveux tandis que l’axone (– 70 mV). La durée du potentiel
au niveau d'une synapse et capable rones. L’intensité du message ner- conduit le message nerveux vers d’action est de quelques milli-
de transmettre le message ner- veux est codée en fréquence de les terminaisons synaptiques. secondes. Le potentiel d’action
potentiels d’action. Un neurone est une cellule exci- constitue le signal élémentaire du
veux à la cellule post-synaptique.
table (capable de répondre à un message nerveux.
SYNAPSE SYNAPSE stimulus) et constitue l’unité de
NEUROMUSCULAIRE Zone de contact entre un neurone POTENTIEL
structure et de fonction du sys-
et une autre cellule excitable (ner-
DE MEMBRANE
Également appelée « jonction tème nerveux.
Différence de potentiel électrique
neuromusculaire » ou « plaque veuse ou musculaire) au niveau
de laquelle le message nerveux
POTENTIEL D’ACTION entre l’intérieur et l’extérieur de
motrice », la synapse neuromus- Séquence stéréotypée de la la membrane plasmique de toute
culaire est la zone de contact entre est transmis par l’intermédiaire
modification du potentiel de cellule. Le potentiel membranaire
la terminaison synaptique d’un des neuromédiateurs.
membrane d’une cellule exci- dit « de repos » est le potentiel de
motoneurone et une cellule mus- NEURONE table. Le potentiel d’action est membrane d’une cellule excitable
culaire. L’arrivée d’un message Ou « cellule nerveuse », il est constitué d’une dépolarisation en l’absence de stimulation et sa
nerveux à l'extrémité du motoneu- constitué d’un corps cellulaire (le potentiel d’action atteint valeur est de – 70 mV (l’intérieur
rone peut déclencher la contraction contenant le noyau et de prolon- + 30 mV), suivie d’une repolari- de la cellule est plus électronéga-
de la cellule musculaire. gements, l’axone et les dendrites. sation puis d’une hyperpolarisa- tif que l’extérieur de la cellule).

84 Neurone et fibre musculaire : la communication nerveuse


L'ESSENTIEL DU COURS

zone de contact entre les deux neurones est appelée synapse. Le Du motoneurone à la cellule musculaire :
message nerveux est alors transmis du neurone sensoriel au mo- la synapse neuromusculaire
toneurone. Les motoneurones cheminent par les racines ventrales Au niveau de la synapse neuromusculaire, zone de contact entre le
(ou antérieures) des nerfs rachidiens jusqu’aux organes effecteurs motoneurone et le muscle, le message nerveux de nature électrique
que sont les muscles. La zone de contact entre le motoneurone et le propagé dans le motoneurone est traduit au niveau de la fente synap-
muscle est appelée synapse neuromusculaire ou plaque motrice. tique en un message nerveux de nature chimique. Des neuromédia-
La stimulation du motoneurone entraîne la contraction du muscle. teurs, ici l'acétylcholine, sécrétés par le motoneurone se fixent sur des
Le trajet du message nerveux du récepteur sensoriel jusqu’à récepteurs spécifiques présents à la surface de la cellule musculaire.
l’organe effecteur constitue un arc réflexe, qualifié de monosy- Cette fixation déclenche des potentiels d’action musculaires à l’origine
naptique. En effet, durant tout le trajet nerveux, il n’existe qu’une de la contraction du muscle.
seule synapse, située dans la substance grise de la moelle épinière, Ainsi, alors qu’au niveau d’un neurone, l’intensité du message ner-
entre le neurone sensoriel et le motoneurone. veux, de nature électrique, est codée en fréquence de potentiel
d’actions, au niveau de la synapse neuromusculaire, le message
Le message nerveux nerveux est de nature chimique et son intensité est codée en concen-
Toute cellule est caractérisée par un potentiel membranaire de tration de neuromédiateurs présents dans la fente synaptique. 
repos, dont la valeur est de – 70 mV. Dans certaines cellules dites
« excitables » comme les neurones, cette valeur du potentiel
membranaire peut être modifiée. Si la stimulation du neurone est
suffisante, elle entraîne la modification transitoire de ce potentiel
membranaire, qui constitue un potentiel d’action membranaire.
Un potentiel d’action correspond à une inversion transitoire du
potentiel du neurone. Le potentiel d’action est toujours identique :
il a toujours la même durée et la même amplitude (loi du « tout
ou rien » ). Il se propage le long de l’axone du neurone de proche
en proche sans s’atténuer. Un message nerveux consiste en une
succession de potentiels d’action transmis le long de l’axone d’un
neurone. Le message nerveux est donc un message de nature élec-

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trique dont l’intensité est codée en fréquence de potentiels d’action.

Fonctionnement de la synapse neuromusculaire


Le message nerveux se propage sous forme de potentiels d’action
le long du motoneurone (1) jusqu’à la terminaison synaptique. Des
vésicules chargées d’acétylcholine (2) libèrent, par exocytose (3), leur
contenu en neuromédiateurs dans la fente synaptique (4). La fixation
de l’acétylcholine sur ses récepteurs localisés sur la membrane de
la cellule musculaire (5) génère un potentiel d’action musculaire (6).
Ce potentiel d’action musculaire déclenche la contraction du muscle
(7). L’acétylcholine est ensuite dégradée dans la fente synaptique et
des molécules sont réinternalisées par la terminaison synaptique du
motoneurone tandis que la membrane est recyclée par endocytose.

UN ARTICLE DU MONDE À CONSULTER


Le potentiel d’action : un message nerveux élémentaire
• Paralysés : des progrès à petits pas p. 87
(Florence Rosier, Le Monde Sciences et médecine daté du 09.04.2014)

ZOOM SUR…
LE SYSTÈME NERVEUX eux par des faisceaux de fibres. Il l’encéphale appartenant au sys- l’épendyme. Au niveau des racines
Ensemble de cellules, les neu- contrôle l’ensemble du système tème nerveux central. Dans la dorsales (ou postérieures) de la
nerveux ; moelle épinière, la substance moelle épinière arrivent les fibres
rones, qui transmettent l’informa-
– le système nerveux périphé- blanche, périphérique, correspond nerveuses sensorielles, dont les
tion nerveuse dans l’organisme.
rique, qui est formé de nerfs re- aux axones des neurones, tandis corps cellulaires des neurones sont
Chez les vertébrés, on distingue : que la substance grise, centrale, contenus dans les ganglions rachi-
– le système nerveux central com- liant la périphérie de l’organisme
contient les corps cellulaires des diens. Au niveau des racines ven-
et le système nerveux central.
prend deux centres nerveux : le neurones. Elle est recouverte par trales (ou antérieures) sortent les
cerveau et la moelle épinière.  Ces LA MOELLE ÉPINIÈRE des membranes, les « méninges », fibres nerveuses motrices.
centres nerveux sont reliés entre Centre nerveux situé sous et abrite en son centre le canal de

Neurone et fibre musculaire : la communication nerveuse 85


UN SUJET PAS À PAS

Partie 2.1 : La myasthénie


L’intitulé complet du sujet Proposition de corrigé
La myasthénie est une maladie caractérisée par une faiblesse mus- Dans l’expérience 1, la stimulation du motoneurone déclenche
culaire : les patients n’arrivent pas à contracter efficacement leurs un message nerveux transmis le long du motoneurone jusqu’à la
muscles. Exploitez l’ensemble des résultats expérimentaux pour synapse neuromusculaire, zone de jonction entre le motoneurone et
proposer une hypothèse expliquant la myasthénie. le muscle. Chez le sujet sain, la stimulation du motoneurone entraîne
un train soutenu de potentiels d’action musculaires (environ 6/9).
Le document Chez le sujet myasthénique, cette stimulation provoque un train de
Expérience 1 potentiels d’action musculaires de la fréquence plus faible (2/s). Chez le
Sur un muscle d’un sujet sain et sur celui d’un sujet myasthénique, sujet malade, le message nerveux ne parvient donc pas correctement
des électrodes réceptrices sont placées à proximité des synapses jusqu’au muscle.
neuromusculaires. On enregistre alors les potentiels d’actions des L’-bungarotoxine injectée à la souris l’empêche de contracter ses
cellules musculaires suite à une stimulation du motoneurone. muscles. Cette toxine déclenche des symptômes similaires à ceux de
la myasthénie. Or, l’-bungarotoxine se fixe sur les récepteurs à acétyl-
SUJET SAIN SUJET MYASTHÉNIQUE choline de la synapse neuromusculaire. On émet donc l’hypothèse
que l’-bungarotoxine en se fixant sur les récepteurs à acétylcholine
Potentiels d’action Potentiels d’action
musculaires (en mV) musculaires (en mV) empêche celle-ci de s’y fixer : le message nerveux ne franchit pas la
30 30 synapse, d’où l’absence de contraction des muscles de la souris. La
0 0
myasthénie serait donc due à un dysfonctionnement de la transmis-
sion du message nerveux au niveau de la synapse neuromusculaire.
-90 -90 D’après l’expérience 3, la densité de l’-bungarotoxine fixée sur la cellule
1 2 3 1 2 3 musculaire est moins importante chez le sujet myasthénique que chez
Temps (en s) Temps (en s) le sujet sain. On en déduit que la quantité de récepteurs capables de
fixer des molécules comme l'-bungarotoxine et l’acétylcholine est plus
Expérience 2 faible chez le sujet myasthénique que chez le sujet sain. Ainsi la
L’-bungarotoxine est une molécule toxique de venin de serpent, myasthénie serait due à un nombre insuffisants de récepteurs pouvant

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capable de se fixer sur des récepteurs à acétylcholine. L’injection fixer leur neuromédiateur : le message nerveux du motoneurone
d’-bungarotoxine à une souris la rend incapable de contracter ses n’entraîne pas alors une contraction efficace du muscle. 
muscles.
Ce qu’il ne faut pas faire
Expérience 3 • Proposer une hypothèse sans justification s’appuyant sur les ré-
On étudie par autoradiographie la fixation de sultats expérimentaux.
l’-bungarotoxine radioactive sur les cellules musculaires d’un sujet
sain et d’un sujet myasthénique ; le résultat est présenté dans le
tableau suivant :
sujet sain sujet myasthénique AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC SUR CE THÈME
densité de Maîtrise des connaissances avec question de synthèse
l’ -bungarotoxine +++ + – Montrer comment le test d’un réflexe musculaire est un outil de
radioactive fixée diagnostic des anomalies du fonctionnement du système neuro-
sur les cellules musculaire. La synthèse sera accompagnée d’un schéma présen-
musculaires
tant le réflexe myotatique.

ZOOM SUR…
LES MOLÉCULES AGISSANT comme poison pour chasser par anesthésiants permettant le relâ- laire est normalement éliminée
SUR LES SYNAPSES certaines tribus. Les pointes de chement des muscles. par une enzyme appelée « acétyl-
De nombreuses substances na- flèches enduites de curare en- • La nicotine se fixe sur les récep- choline estérase ». Or, le sarin
turelles ou de synthèse peuvent traînent la paralysie de l’animal teurs à acétylcholine et mime l’ac- inhibe cette enzyme : l’acétyl-
atteint. Comment le curare dé- tion de l’acétylcholine. Elle est quali- choline reste constamment fixée
agir sur les synapses neuromus-
clenche-t-il de graves paralysies fiée d’« agoniste » de l’acétylcholine. sur son récepteur, provoquant la
culaires et avoir une action bio-
musculaires ? Le curare se fixe à la • Le sarin est un gaz mortel, qua- contraction permanente des mus-
logique sur les muscles. Le mode
place de l’acétylcholine sur les ré- lifié de « neurotoxique », qui dé- cles. Le gaz sarin fut découvert en
d’action de ces molécules sur ces cepteurs de la synapse neuromus- clenche une puissante contrac- Allemagne en 1939 ; sa production
synapses est variable, comme l’il- culaire et empêche le message tion des muscles, c’est-à-dire et sa possession sont interdits par
lustrent les exemples suivants. nerveux de parvenir aux muscles. une paralysie totale. Au niveau l’ONU depuis 1991. Depuis 2007,
• Le curare est un poison végétal Le curare est donc un antago- de la synapse neuromuscu- plus aucun pays ne devrait déte-
obtenu à partir de lianes d’Amé- niste de l’acétylcholine. Il est uti- laire, l’acétylcholine fixée sur les nir ce gaz neurotoxique.
rique du Sud, où il est utilisé, lisé en médecine pour ses effets récepteurs de la cellule muscu-

86 Neurone et fibre musculaire : la communication nerveuse


L’ARTICLE DU

Paralysés : des progrès à petits pas


Une équipe américaine est parvenue à faire exécuter des mouvements intentionnels des
jambes à des patients paralysés des membres inférieurs.

Mardi 8 avril, la revue Brain a publié les saisissants résultats, chez l’homme, Ce qui a conduit à la mise au point d’un anticorps anti-NOGO, inhibant
d’une stratégie de stimulation électrique de la moelle épinière. Quatre cette inhibition. « Cette approche s’inscrit dans une voie qui vise à rendre
patients présentant une paralysie complète des membres inférieurs, l’environnement neuronal plus favorable à la repousse des axones », note
après un accident survenu deux à quatre ans plus tôt, ont été capables Geneviève Rougon (CNRS-université Aix-Marseille). Outre la piste de la
d’exécuter de nouveau des mouvements intentionnels assez précis des myéline, est explorée la voie des astrocytes, des cellules au rôle ambigu.
jambes. Chaque année en France, de 1 000 à 1 500 personnes sont victimes Tantôt elles semblent entraver la repousse axonale en formant une
de tels accidents — le plus souvent des adultes jeunes. A la suite d’une cicatrice autour de la lésion. Mais selon un travail publié dans Science
lésion plus ou moins complète de la moelle épinière, elles se retrouvent le 1er novembre 2013, certains astrocytes bénéfiques se différencient
paralysées à des degrés variables. à partir de cellules souches présentes dans la moelle épinière lésée.
Chez les quatre hommes suivis dans l’étude de Brain, une équipe améri- « Si l’on perturbe cette barrière d’astrocytes, il y a moins de récupération
caine (université de Louisville et université de Californie à Los Angeles) a fonctionnelle », souligne Grégoire Courtine.
implanté un module de stimulation électrique dans « l’espace épidural » Une stratégie de thérapie génique a été publiée le 2 avril dans The Journal
(entre la dure-mère et le canal vertébral) de la région lombo-sacrée. Là, of Neurosciences. Une équipe du King’s College, à Londres, a injecté un
précisément, où aboutissent les fibres des neurones qui contrôlent les vecteur viral dans la lésion médullaire de rats adultes. Ce vecteur contenait
muscles des jambes. le gène d’une enzyme : une « chondroïtinase », qui digère des molécules
La stimulation continue de ces neurones a permis aux quatre patients s’accumulant autour de la lésion. Résultats : la repousse axonale a
de bouger de façon volontaire leur hanche, leur cheville, leurs orteils… augmenté, favorisant la récupération des pattes arrière des rats traités.
« Il faut abandonner l’idée qu’aucune récupération n’est possible après Une autre approche consiste à modifier génétiquement les neurones
une paralysie complète », estime Susan Harkema, qui a conduit ce travail, lésés pour faire repousser leurs axones. « De nombreux laboratoires
financé par la Fondation Reeve et les NIH américains. Pour autant, « on ne cherchent à identifier, dans le système nerveux périphérique, les molécules
peut imaginer qu’avec cette seule intervention, ces patients remarcheront favorisant la croissance et la régénération axonales. Il s’agit ensuite de

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un jour dans la rue, tempère le professeur Grégoire Courtine, de l’Ecole promouvoir leur fabrication par les neurones lésés du système nerveux
polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Mais c’est un résultat extrê- central », dit Florence Bareyre, de l’université Ludwig-Maximilians à
mement prometteur : avec cette seule stimulation électrique, les quatre Munich (Allemagne). A cet égard, le rôle bénéfique d’une protéine, PCAF,
patients testés ont été capables de transformer une entrée auditive, par vient d’être montré (Nature Communications, 1er avril).
exemple la demande d’un médecin de bouger leur cheville, en une réponse Toutes ces approches restent très en amont d’une application chez
motrice spécifique. » l’homme. D’autant que plusieurs essais ont été abandonnés. L’intérêt de
Grégoire Courtine est un spécialiste de « neuro-réhabilitation », une l’anticorps anti-NOGO a ainsi été évalué chez l’homme. Mais cet essai,
stratégie combinant trois approches : une stimulation chimique et une promu par le laboratoire Novartis, semble avoir été stoppé — en toute
stimulation électrique de la moelle épinière, associées à un entraînement discrétion… De même, des start-up américaines avaient lancé de petits
physique. En 2012, son équipe publiait dans Science une étude qui a fait essais pour évaluer des greffes de cellules souches dans la moelle épinière
grand bruit. Les chercheurs parvenaient à rétablir une marche volontaire de patients paralysés. Ces essais ont été interrompus. « Une étape d’éva-
chez des rats rendus paraplégiques par une lésion médullaire de la moelle luation chez le primate est indispensable », note Grégoire Courtine.
épinière. Ils injectaient dans la moelle, sous la lésion, un « cocktail » de
molécules activatrices (adrénaline, noradrénaline, dopamine…). Puis Florence Rosier, Le Monde Science et médecine daté du 9 avril 2014
ils appliquaient une stimulation électrique sur la moelle épinière. Les
rats paraplégiques ainsi stimulés étaient placés sur un tapis roulant,
soutenus par un harnais robotisé. Après deux mois d’entraînement, ils POURQUOI CET ARTICLE ?
avaient réappris à marcher volontairement — quand la lésion n’était pas
Cet article montre l'importance de la moelle épinière, non pas dans
complète. « Depuis 2012, nous avons progressé dans l’optimisation des
le contrôle des réflexes, mais dans la locomotion chez les mam-
technologies de stimulation électrique et d’entraînement robotique. Nous
mifères. En effet, l’article relate que chez des petits mammifères, suite
envisageons de prochains essais chez l’homme, indique Grégoire Courtine. à la lésion de la moelle épinière, des circuits neuronaux de la moelle
Notre approche ne guérira pas les patients. Mais elle ambitionne d’améliorer épinière restent fonctionnels et peuvent être à l’origine de mouve-
leur qualité de vie. » ments volontaires lorsque la section n’est pas totale. Cette locomotion
Plusieurs approches complémentaires se consacrent à la régénération nécessite une stimulation chimique et une stimulation électrique
des neurones. « Pourquoi, chez l’homme ou la souris, les fibres du système et s’accroît avec l’entraînement. Ces observations ouvrent des pers-
nerveux périphérique parviennent-elles à repousser, tandis que celles du pectives intéressantes pour la récupération de la locomotion chez
système nerveux central [cerveau et moelle épinière] en sont incapables ? », l’homme après section de la moelle épinière.
s’interroge le professeur Bernard Zalc, qui a dirigé le Centre de recherche L’article fait également le point sur les études réalisées à l’heure ac-
de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM, UPMC, Inserm, tuelle sur la régénération des neurones. Certaines molécules et cel-
CNRS), à Paris. Une des réponses vient de la « myéline », cette gaine qui en- lules ont été identifiées comme intervenant dans le contrôle de la
repousse des neurones et font l’objet de recherches. Des essais de thé-
toure certaines fibres nerveuses. « Martin Schwab, de l’université de Zurich,
rapie génique sont également à l’étude. Bien que l’application de ses
a isolé les protéines de la myéline du système nerveux central. Et montré
recherches chez l’homme soit encore loin, cela ouvre des perspectives
que l’une d’elles, NOGO, inhibe la repousse de l’axone », ce prolongement
quant à l’amélioration de la qualité de vie des personnes paralysées.
du neurone qui transporte le message nerveux, souligne Bernard Zalc.

Neurone et fibre musculaire : la communication nerveuse 87


L'ESSENTIEL DU COURS

Motricité volontaire et plasticité cérébrale


Alors que les réflexes sont des mouvements inconscients, nous réalisons des mouve-
ments volontaires : saisir un objet, marcher, courir, etc. Chez un tout jeune enfant, les pre-
miers gestes semblent très maladroits : il ne sait pas attraper une balle ni faire quelques
pas. Mais, à force de s’entraîner, de faire des erreurs et de recommencer, il apprend à maî-
triser ses gestes. Comment les mouvements volontaires sont-ils contrôlés et comment
expliquer l’évolution des capacités motrices ?
De la volonté au mouvement Les mouvements volontaires sont directement commandés par l’aire
L’enregistrement des potentiels d’action au niveau d’un motoneu- motrice primaire située dans chaque hémisphère cérébral. La carto-
rone montre que les circuits nerveux impliqués dans le mouve- graphie précise de cette aire motrice primaire montre que chacune
ment peuvent appartenir à l’arc réflexe myotatique ou provenir de de ses régions correspond à l’innervation d’une région précise du
l’encéphale. Les mouvements volontaires sont donc contrôlés par corps. Plus la motricité de cette région corporelle est complexe, plus
l’encéphale. L’exploration du cortex cérébral par les techniques la région de l’aire motrice primaire qui lui est dédiée est importante.
d’imagerie médicale permet d’identifier les zones du cortex activées Les informations issues du cortex visuel situé à l’arrière du cerveau
lors des mouvements musculaires volontaires. L’étude de cas cliniques, sont transmises à l’aire prémotrice et à l’aire motrice supplémentaire.
comme des lésions au niveau du cerveau entraînant des paraly- L’aire prémotrice, impliquée plutôt dans la régulation de la posture,
sies, ont également participé à la connaissance du cortex moteur. dicte à l’aire motrice la position optimale pour un mouvement donné,
tandis que l’aire motrice supplémentaire influe sur la planification
et l’initiation des mouvements en fonction des expériences passées.
Le cortex pariétal postérieur joue également un rôle dans l’exécution du
Genou
Hanche
Tronc
Épaule

mouvement volontaire, en prenant en compte la position du corps, le geste


Poignet

Bras
Coude
Mai
Doi

à effectuer, etc., en intégrant les informations neurosensorielles reçues.


n
gts
Pou

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ce
Co

Aire motrice Cortex pariétal


So

u
urc

ΠCheville
il supplémentaire postérieur
il

Visa
ge
Orteils Aire motrice
Aire primaire
Lèvres
prémotrice
Mâchoire

Langue
Planification
Deglutition des mouvements
Aire
motrice
primaire Organisation du cortex moteur

Cartographie de l’aire motrice primaire (Homunculus de Penfield). Les neurones pyramidaux de l’aire motrice primaire projettent leurs
Hémisphère gauche vue en coupe. axones vers le bulbe rachidien puis vers la moelle épinière. Les voies
Les parties du corps les plus mobiles, comme les mains, motrices sont croisées : l’aire motrice primaire de l’hémisphère gauche
les lèvres ou la langue sont représentées hypertrophiées. contrôle les mouvements de la partie droite du corps et inversement.
Les terminaisons synaptiques des neurones pyramidaux entrent en
ZOOM SUR…
LES ACCIDENTS de moins de 45 ans sont victimes premiers signes, plus les chances les mouvements de la partie
VASCULAIRES d’un AVC chaque année. de survie et de limiter les sé- gauche du corps) car les voies
CÉRÉBRAUX (AVC) Un des principaux facteurs de quelles sont élevées. motrices se croisent sous le bulbe
Les accidents vasculaires cé- risque est l’hypertension arté- rachidien.
LES HÉMIPLÉGIES
rébraux touchent environ rielle. L’AVC présente des signaux Un accident (AVC, traumatisme) LES PARAPLÉGIES
150 000 personnes en France d’alerte qu’il est parfois possible affectant le cortex moteur d’un Une lésion de la moelle épinière
chaque année : dans 80 % des cas, de reconnaître (troubles brutaux seul hémisphère cérébral en- peut être à l’origine de paralysie
l’AVC est dû à une diminution de de la vision, de la parole, de la traîne une paralysie du seul côté qui affecte les parties gauche et
l’apport sanguin (suite à un caillot marche, paralysie d’une partie du du corps situé à l'opposé de l’hé- droite du corps. L’étendue de la
par exemple) et dans 20 % des cas, corps, etc.). misphère cérébral touché : il partie du corps paralysée dépend
l’AVC est causé par une hémorra- L’AVC est une véritable urgence s’agit d’une hémiplégie. En effet, de la hauteur à laquelle se situe
gie cérébrale. L’AVC ne concerne médicale : plus la victime est la commande des mouvements la lésion. La paraplégie consiste
pas uniquement les personnes prise en charge rapidement et volontaires est controlatérale (le en la paralysie du bassin et des
âgées : plus de 10 000 personnes de manière adaptée dès les tous cortex moteur droit commande jambes.

88 Neurone et fibre musculaire : la communication nerveuse


L'ESSENTIEL DU COURS

violon, les violonistes droitiers utilisent les doigts de la main gauche


(notamment l’annulaire et l’auriculaire) plus fréquemment que
les non-violonistes. Lors de l’activation de l’auriculaire gauche, le
nombre de dendrites activées au niveau du cortex est plus élevé
chez les violonistes (40 000 à 80 000 dendrites activées) que chez
les non-violonistes (1 000 à 35 000 dendrites activées). L’utilisation
préférentielle d’un doigt augmente la représentation corticale de la
zone contrôlant les mouvements du doigt stimulé, ainsi que l’activité
des neurones des zones concernées. Ainsi, le cortex moteur présente
une plasticité cérébrale, c’est-à-dire la capacité à établir de nouvelles
connections entre les neurones. De nouvelles synapses se mettent
en place : certaines vont disparaître, d’autres vont être maintenues
et renforcées. De cette façon, les différences dans le cortex moteur
s’acquièrent au cours du développement, lors de l’apprentissage des
gestes et de l’entraînement. L’architecture du cerveau de chaque
individu résultant de son développement est donc unique. Cette
plasticité cérébrale, que l’on retrouve dans d’autres parties du
cerveau, comme dans le cortex visuel, est une propriété générale
du système nerveux central.
La plasticité cérébrale est aussi à l’origine de la capacité de récupé-
ration du cerveau après un accident affectant une petite partie du
cortex moteur et entraînant une perte fonctionnelle. Par exemple,
un accident vasculaire cérébral (AVC) est un trouble de l’irrigation
sanguine du cerveau. Si une partie du cerveau cesse d’être irriguée à
cause d’un AVC, alors les neurones meurent et cette partie cesse de
Un motoneurone et ses connections fonctionner. Un AVC affectant une aire motrice peut ainsi entraîner
contact au niveau de synapses avec les motoneurones. Au niveau de la une paralysie. Une récupération du déficit moteur est parfois
synapse, est libérée une quantité de neuromédiateurs en adéquation observée. La zone affectée reste détruite, mais des remaniements
avec le train de potentiels d’action du neurone pré-synaptique. Le affectant des zones voisines, permettent la récupération de la

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motoneurone est ainsi en relation avec un grand nombre de synapses fonction motrice. Cette récupération est d'autant plus rapide qu'une
certaines étant excitatrices, d’autre inhibitrices. Le motoneurone réeducation est faite précocement.
intègre alors l’ensemble des informations nerveuses qu’il reçoit par De manière générale, le nombre de neurones diminue avec l'âge (10 %
un phénomène de sommation qui est spatiotemporelle. Le message environ de perte au cours de la vie). Les apprentissages sont souvent
nerveux résultant au niveau du motoneurone est véhiculé jusqu’au plus aisés chez les jeunes enfants que chez les adultes : il semblerait
muscle. Un même motoneurone peut innerver plusieurs fibres ou que les possibilités de plasticité cérébrale diminuent avec l’âge, sans
cellules musculaires, mais une fibre musculaire n’est toujours innervée pour autant disparaître totalement. Les neurones que nous possédons
que par un seul motoneurone. constituent donc un véritable capital à conserver et à entretenir.  

Plasticité et motricité cérébrale


La comparaison des cartes motrices chez plusieurs individus montre DEUX ARTICLES DU MONDE À CONSULTER
l’existence de différences importantes. Pendant des périodes cri-
• Des cellules souches contre les séquelles d'un AVC p. 91-92
tiques (principalement pendant l’enfance), sous l’action de stimuli
(Sandrine Cabut, Le Monde, 04.06.2016)
externes, des réorganisations des réseaux neuronaux se produisent. • Un « pacemaker pour le cerveau » contre les maladies neurolo-
Par exemple, lors de l’apprentissage d’un instrument comme le giques p. 92 (Paul Benkimoun, lemonde.fr, 10.09.2014)

NOTIONS CLÉS
CORTEX MOTEUR, du cortex est d’environ de 2 à issus de différentes synapses) plasticité cérébrale s’explique
AIRE MOTRICE 4 mm, sa superficie représente et la sommation « temporelle » par la réorganisation de circuits
Partie du cortex cérébral spé- 2 200 m2, soit plus de 80 % de la (prise en compte des différents neuronaux dus aux modifica-
cialisée dans la commande des masse totale du cerveau. Le cor- messages provenant d’une même tions des synapses.
mouvements volontaires et qui tex contient différentes aires, synapse sur un laps de temps de
SOMMATION
contient une aire motrice pri- spécialisées dans des fonctions quelques millisecondes). La plu-
Le corps cellulaire du motoneu-
maire, une aire motrice supplé- spécifiques. part du temps, la sommation réa-
rone reçoit de nombreuses infor-
mentaire et une aire prémotrice. lisée est spatio-temporelle.
INTÉGRATION NERVEUSE mations qu’il doit intégrer, c’est-
CORTEX Capacité des neurones à élabo- PLASTICITÉ CÉRÉBRALE à-dire faire le bilan « algébrique
Zone de faible épaisseur, recou- rer un message nerveux résul- Capacité du cerveau à évoluer » (ou sommation) des messages
vrant la totalité du cerveau et tant de la réception de plusieurs d’un point de vue anatomique et inhibiteurs et excitateurs reçus,
formée par la substance grise messages nerveux. On distingue fonctionnel sous l’effet de l’envi- pour créer un message moteur
(correspondant aux corps cellu- la sommation « spatiale » (prise ronnement, lors d’un apprentis- unique en direction des fibres
laires des neurones). L’épaisseur en compte des messages nerveux sage ou d’une rééducation. Cette musculaires.

Neurone et fibre musculaire : la communication nerveuse 89


UN SUJET PAS À PAS

Partie 1 : Motricité volontaire et plasticité cérébrale


1. Le neurone moteur conduit un message nerveux :
a) codé en fréquence de potentiel d’action vers les centres nerveux.
b) c odé en amplitude de potentiel d’action vers le muscle effecteur.
c) présentant toujours la même fréquence et la même amplitude de
potentiel d’action.
d) c odé en fréquence de potentiel d’action vers le muscle effecteur.
2. Une fibre musculaire :
a) reçoit un message nerveux issu de plusieurs motoneurones.
b) r eçoit un message nerveux issu d’un seul motoneurone. 7. Une lésion de la moelle épinière entraîne :
c) est capable de réaliser une intégration des messages nerveux. a) une paralysie d’un seul côté du corps.
d) se relâche lorsqu’elle reçoit un message nerveux d’un motoneurone. b) une paralysie de tout le corps.
3. Au niveau du cerveau, les cartes motrices : c) une paralysie de la partie du corps située au-dessus de la lésion.
a) sont innées, présentes dès la naissance. d) une paralysie de la partie du corps située en dessous de la lésion.
b) r estent identiques tout au long de la vie de l’individu. 8. La plasticité cérébrale :
c) sont identiques chez tous les individus d’une même espèce. a) e
 st due à une augmentation du nombre de neurones.
d) peuvent évoluer en fonction de l’apprentissage. b) est due à un remaniement des réseaux neuronaux.
4. Le cortex moteur : c) s’intensifie avec l’âge.
a) contient l’aire motrice primaire. d) est indépendante de l’environnement.
b) c ontient plusieurs aires qui communiquent entre elles.
c) est situé en profondeur dans le cerveau. Le corrigé
d) est situé à l’arrière du cerveau. 1. d), 2. b), 3. d), 4. b), 5. a), 6. d), 7. d), 8. b) 

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5. La partie du corps la plus représentée au niveau de l’aire motrice
primaire est : AUTRES SUJETS POSSIBLES AU BAC SUR CE THÈME
a) le visage.
Étude de documents
b) l’épaule. – Cartographie du cortex moteur à partir de données de l’imagerie
c) le genou. cérébrale.
d) l’avant-bras. – Fonctionnement des synapses, intégration nerveuse.
– Contrôle du muscle par les motoneurones.
6. Un accident vasculaire cérébral dans le cortex moteur de l’hémis-
– Conséquences des AVC et des lésions de la moelle épinière sur la
phère droit peut entraîner : motricité.
a) une paralysie de la partie droite du corps. – Mise en évidence de la plasticité cérébrale et évolution avec l’âge.
b) une paralysie des deux membres supérieurs.
c) une paralysie des deux membres inférieurs.
d) une paralysie de la partie gauche du corps. Ce qu’il ne faut pas faire
• Cocher deux réponses ou ne cocher aucune réponse
• Ne pas mobiliser les notions du cours.

ZOOM SUR…
LA MALADIE pamine ». Un traitement à base magnétique », est une tech- cerveau. Elle est donc particu-
DE PARKINSON de L-dopa, un précurseur de la nique d’imagerie médicale per- lièrement utilisée en recherche
La maladie de Parkinson est une dopamine, améliore les symp- mettant d’obtenir des images pour étudier le fonctionnement
maladie neurodégénérative à tômes pendant plusieurs années du cerveau, mais aussi d’autres cérébral.
évolution lente. Les principaux puis perd de son efficacité. La organes. Sa résolution est assez D’autres techniques d’imageries
symptômes sont les tremble- maladie de Parkinson concerne élevée : elle permet de voir des médicales comme la TEP (tomo-
ments de la main ou du pied, principalement les personnes de structures dont la taille est in- graphie par émission de posi-
la lenteur des mouvements et plus de 60 ans. Elle affecte 0,3 % férieure à un millimètre. Grace tons) ou encore le scanner (appe-
la raideur du corps. La maladie de la population générale. C'est à l’IRM, des coupes virtuelles du lé aussi « tomodensitométrie »
de Parkinson se caractérise par la deuxième maladie neurodégé- cerveau peuvent être réalisées ou « scanographie ») ont permis
une dégénérescence de neu- pour caractériser des patholo- ces trente dernières années de
nérative la plus courante après la
rones situés à la base du cerveau, gies. L’imagerie par résonnance progresser dans les diagnostics
maladie d’Alzheimer.
contrôlant les mouvements au- magnétique fonctionnelle (IRMf) des atteintes cérébrales et dans
tomatiques et sécrétant un neu- L’IRM permet de caractériser l’acti- les recherches en neurosciences.
rotransmetteur appelé la « do- L’IRM, ou « imagerie par résonnance vité des différentes parties du

90 Neurone et fibre musculaire : la communication nerveuse


LES ARTICLES DU

Des cellules souches contre les séquelles d’un AVC


Une étude américaine montre des récupérations motrices après des accidents vasculaires
cérébraux.

C’est un nouveau pas pour la médecine régénératrice. En injectant des patients qui étaient en fauteuil roulant remarchent », s’enthousiasme
cellules souches directement dans le cerveau de patients souffrant Gary Steinberg dans le communiqué de presse associé à l’article.
de séquelles d’un accident vasculaire cérébral (AVC), une équipe Ces bénéfices ne sont pas dus directement à la transplantation des
américaine a obtenu une amélioration de leur déficit moteur, sans cellules souches, puisque celles-ci ont disparu au bout d’un mois. Elles
complications notables avec un an de recul. Les résultats de cet essai agissent surtout en aidant le cerveau à se réparer et cicatriser, par la
préliminaire conduit par l’équipe de Gary Steinberg (université de sécrétion de diverses substances.
Stanford), pionnière dans ce domaine, sont publiés dans la revue Stroke « Six mois après un AVC, les lésions neurologiques sont en général fixées,
datée du 2 juin. et jusqu’ici, nous n’avions pas grand-chose à proposer à ces patients. Si
A l’échelle mondiale, les AVC représentent la deuxième ou troisième les résultats de cette étude peuvent être confirmés, ce sera une grande
cause de mortalité, et la première cause de handicap. En France, ils avancée », estime le professeur Jean-Marc Orgogozo, ancien chef du
frappent chaque année environ 150 000 personnes. La majorité de ces service de neurologie du CHU de Bordeaux. Le professeur Didier Leys
accidents neurologiques, dits ischémiques, résultent de l’obstruction (service de neurologie et pathologie vasculaire du CHU de Lille) insiste
d’une artère nourricière du cerveau par un caillot. aussi sur la nécessité de mener d’autres essais, avec un effectif plus
Le meilleur traitement est une désobstruction en urgence, dans les important, et comparant l’évolution des patients recevant des cellules
six premières heures, du vaisseau bouché. Celle-ci fait appel à des souches à celle de patients non traités.
médicaments, et de plus en plus, à une technique de thrombectomie, L’équipe de Stanford s’attelle justement à une telle étude, pour laquelle
qui consiste à piéger le caillot dans un filet et à le retirer, en passant elle va recruter 156 patients. Elle sera menée en double aveugle, ce qui
par l’artère fémorale. Malgré cette prise en charge et la rééducation, la signifie que ni le patient ni l’investigateur ne sauront si le traitement a été

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majorité des patients conserve des séquelles motrices ou intellectuelles. réellement effectué (certains des patients subiront en fait une « fausse »
intervention chirurgicale).
Cellules mésenchymateuses « Cette publication dans Stroke constitue une étape très importante dans
Depuis les années 2000, un vaste champ de recherche s’est ouvert pour le champ de la thérapie cellulaire des AVC, car on est passé de petites
essayer de réparer les dégâts cérébraux post-AVC grâce à des cellules études confidentielles à un travail solide, mené par une équipe sérieuse
souches. Plusieurs types cellulaires sont à l’étude, les plus fréquemment et expérimentée », souligne le docteur Olivier Detante, neurologue à
utilisés étant les cellules souches mésenchymateuses, provenant de la l’unité neurovasculaire du CHU de Grenoble et chercheur, membre
moelle osseuse ou de tissu adipeux de donneurs. Principaux avantages : d’ECell France, le réseau national de médecine régénératrice. Ce
la transplantation de telles cellules ne nécessite pas de traitement spécialiste, qui travaille depuis dix ans dans ce domaine, coordonne
immunosuppresseur, et les données de sécurité sont rassurantes. Plus un projet européen, Resstore, qui prévoit d’évaluer une thérapie
d’une vingtaine d’essais cliniques sont en cours dans le domaine de l’AVC, cellulaire chez 400 patients dans les quinze jours suivant leur accident
les cellules souches étant administrées, selon les cas, par voie veineuse, vasculaire cérébral.
artérielle ou intracérébrale.
Gary Steinberg et ses collègues ont sélectionné 18 patients, victimes
d’un accident neurologique six mois à trois ans plus tôt, avec des sé-
quelles principalement motrices. Certains ne pouvaient plus marcher, POURQUOI CET ARTICLE ?
d’autres n’avaient plus l’usage d’un bras… Les chercheurs ont eu recours Les accidents vasculaires cérébraux, ou AVC, sont une des premières
à des cellules mésenchymateuses modifiées génétiquement pour causes de handicap moteur. Cet article relate les avancées d’une
faciliter leur différenciation en cellules neurales. Elles ont été injectées équipe américaine pour faire récupérer des capacités motrices à
des patients touchés par un AVC. Les médecins ont injecté dans le
directement dans le cerveau au niveau de la zone lésée. Hormis des cerveau de ces patients des cellules souches issues d’un tissu de sou-
réactions locales mineures, attendues et réversibles, aucun problème tien embryonnaire nommé « mésenchyme » et qu’ils avaient géné-
de tolérance n’a été relevé. Et au-delà de la sécurité de la procédure, tiquement modifiées pour accroître leur capacité de différenciation
neuronale. Les patients ainsi traités ont récupéré une partie de leurs
qui était le premier objectif de l’étude, les auteurs ont observé une
capacités motrices, tout en présentant une bonne tolérance au trai-
efficacité. Alors que l’état neurologique des patients était stable, il s’est tement. Les cellules souches transplantées, qui ont disparu au bout
amélioré après l’injection. d’un certain temps, auraient permis la cicatrisation du tissu nerveux
L’évolution a été mesurée objectivement avec des échelles d’évaluation lésé. Ces résultats représentent un véritable espoir pour la médecine
régénérative liée au cerveau, mais ils demandent à être confirmés
classiques, et constatée cliniquement. « Ce n’était pas simplement qu’ils par des études cliniques de plus grande ampleur.
ne pouvaient pas bouger leur pouce et qu’ils en deviennent capables. Des

Neurone et fibre musculaire : la communication nerveuse 91


LES ARTICLES DU

« Révolution à venir » une révolution dans beaucoup de pathologies chroniques, ajoute-


Le protocole diffère de celui des Américains puisque les cellules t-il. Pour l’instant, c’est dans le domaine de l’infarctus du myocarde
souches proviennent de tissus adipeux et seront injectées en que les publications sont les plus nombreuses, mais des centaines
intraveineux. L’étude, qui attend le feu vert des autorités régle- d’études cliniques sont en cours dans de multiples champs : diabé-
mentaires, pourrait commencer d’ici à l’automne. tologie, rhumatologie… »
Pour Olivier Detante, la thérapie cellulaire pourrait bien un jour
devenir une stratégie de choix pour réduire les séquelles des AVC. Sandrine Cabut, Le Monde daté du 04.06.2016
« Dans les décennies à venir, la médecine régénératrice va amener

Un « pacemaker pour le cerveau »


contre les maladies neurologiques
Distingué, lundi 8 septembre, par un prestigieux prix de la Fon-
dation Lasker (le « prix Nobel américain »), le neurochirurgien POURQUOI CET ARTICLE ?
français Alim-Louis Benabid est récompensé avec le neurologue
La maladie de Parkinson est une maladie qui se révèle vite handica-
américain Mahlon DeLong pour leur mise au point de la technique pante pour le patient et la prise de L-Dopa, si elle améliore les symp-

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dite de « stimulation cérébrale profonde » (SCP). tômes pendant un certain temps, ne les guérit pas et cesse même
d’être efficace après quelques années. À l’occasion de l'attribution
Ce procédé neurochirurgical a été appliqué pour la première fois
d'un prix aux deux médecins qui ont inventé la « stimulation
sur un patient atteint de la maladie de Parkinson en 1993 au CHU cérébrale profonde » (SCP), le Français Alim-Louis Benabid et
de Grenoble par le professeur Benabid. l’Américain Mahlon DeLong, l'article dresse le bilan de cette thérapie
basée sur la stimulation électrique des structures profondes du
L’intervention vise à moduler grâce à un courant électrique à haute
cerveau. Initialement destinées à traiter la maladie de Parkinson,
fréquence l’activité des circuits neuronaux dont le fonctionne- ces électrodes implantées dans le cerveau régulent l’activité des
ment est perturbé par une maladie. L’hyperactivité pathologie de neurones dopaminergiques impliqués dans le contrôle de la loco-
motion, permettant ainsi la régression des symptômes parkinso-
la région ciblée est en quelque sorte « brouillée ».
niens. Si ces dernières années la SCP a réellement amélioré la prise
Pour cela, les neurochirurgiens implantent directement dans le en charge thérapeutique de patients parkinsoniens, son efficacité et
cerveau de fines électrodes qui délivrent un courant électrique son caractère éthique pour le traitement d’autres maladies, comme
continu à des structures cérébrales profondes, en l’occurrence les les maladies psychiatriques, doivent encore être prouvés.

noyaux gris centraux pour les malades parkinsoniens.


développée qui seront capable d’enregistrer l’activité électrique
Une application pour la maladie de Parkinson du cerveau et d’adapter en conséquence la stimulation électrique.
Le dispositif entièrement sous-cutané comprend une électrode, La technique de la SCP a d’abord été appliquée avec succès au trai-
une extension et un neurostimulateur, équivalent neurologique tement des manifestations de la maladie de Parkinson, puis à d’autres
du pacemaker cardiaque. pathologies du mouvement. En variant les sites d’implantation des
Reliant l’électrode au neurostimulateur, l’extension est implan- électrodes, elle a ensuite été étendue avec plus ou moins de succès à
tée sous la peau et chemine sous le cuir chevelu, descend le long la dépression sévère aux troubles obsessionnels compulsifs (TOC), à
du cou, puis jusqu’au thorax ou l’abdomen, selon le site choisi la maladie de Gilles de la Tourette.
pour implanter le stimulateur. Ce dernier est programmable par D’autres pathologies neuropsychiatriques sont envisagées, mais
radiofréquences à travers la peau. Cela permet au médecin de soulèvent des questionnements éthiques en particulier lorsque
régler de manière non invasive les paramètres de la stimulation certains médecins envisagent de l’appliquer à l’anorexie mentale
électrique. ou à l’agressivité dirigée contre les autres.
Les bénéfices de la SCP se font généralement sentir en quelques
semaines. Une nouvelle génération de neurostimulateurs est Paul Benkimoun, lemonde.fr, 10.09.2014

92 Neurone et fibre musculaire : la communication nerveuse


LE GUIDE PRATIQUE

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
LE GUIDE PRATIQUE

Épreuve écrite de SVT


Partie 1 : Maîtriser ses connaissances
Cette partie, qui porte sur une ou plusieurs parties du programme
spécifique, a pour objectif d’évaluer les connaissances du candidat selon
l’une des modalités variables :
– une question de synthèse portant sur une ou plusieurs parties du
programme spécifique ;
– un QCM portant sur une partie ou plusieurs parties du programme
spécifique, voire tout le programme. Ce QCM peut prendre appui sur
des documents ;
– l’association d’un QCM (avec ou sans documents) et d’une question
l’absence de réponse ou une réponse erronée n’enlève pas de point. Les
de synthèse.
candidats ont donc toujours intérêt à cocher une proposition, même s’ils
Dans la question de synthèse sont évaluées la maîtrise des connaissances
ne sont pas sûrs de leur réponse.
du candidat et sa capacité à les mobiliser et à les présenter de manière
cohérente pour répondre à la question posée. La qualité de la rédaction
Partie 2 – Exercice 1 : Raisonner dans le cadre d’un
est un critère important de l’évaluation. Il est donc essentiel d’identifier problème scientifique
précisément la problématique à partir de l’énoncé pour délimiter le Cet exercice de la partie 2 porte sur le programme spécifique et vise à
sujet et ainsi éviter tout hors-sujet ou tout oubli d’une partie du sujet. évaluer la capacité du candidat à raisonner dans le cadre d’un problème
La réponse attendue doit contenir une introduction (qui définit les scientifique proposé par le sujet, en s’appuyant sur l’exploitation d’un
termes du sujet, pose clairement la problématique et annonce le plan), nombre réduit de documents. La réponse peut se présenter sous forme
un développement cohérent et une conclusion (qui propose un bilan d’un QCM ou d’une réponse rédigée.
répondant à la problématique puis une ouverture vers un thème voisin du Dans le cas d’une réponse rédigée, il s’agit de construire un raisonnement
sujet étudié). Le développement est structuré en différents paragraphes

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
répondant au problème posé en exploitant les informations contenues
dont chacun développe un aspect du sujet de manière cohérente et dans les documents. Il peut s’agir par exemple de comparer des éléments,
argumentée. Des titres numérotés mis en valeur peuvent être présents d’argumenter, d’extraire et d’organiser des informations, de relier des
mais ne sont pas exigibles. Le travail au brouillon est impératif pour informations entre elles à partir des documents fournis, etc. La qualité et
construire le plan de la synthèse : lisez bien l’énoncé, qui peut indiquer la rigueur du raisonnement sont les principaux critères de l’évaluation
le plan à suivre, et mobilisez les notions vues en cours se rapportant au de cet exercice. Aucune restitution de connaissances n’est exigée mais
sujet. Prévoyez alors les schémas nécessaires pour illustrer les notions les connaissances du candidat peuvent être utiles pour analyser les
choisies. Dans tous les cas, suivez bien les consignes de l’énoncé (par documents. La réponse attendue comporte, en général, une courte
exemple un schéma-bilan est souvent exigé). Les schémas doivent être introduction posant la problématique et un développement structuré
assez grands, clairs, en couleurs et accompagnés de légendes et d’un titre. en différents paragraphes (sans titres apparents) qui présentent le
Dans le cas d’un QCM, pour chaque question, quatre propositions sont raisonnement.
faites. Une seule proposition est exacte, les autres sont fausses. Il ne faut Dans le cas d’un QCM, il faut choisir à partir de l’exploitation des do-
jamais cocher deux propositions car cela invalide automatiquement la cuments la bonne réponse parmi les quatre propositions présentées
réponse. En général, seules les bonnes réponses rapportent des points et pour chaque question. Comme pour la partie 1, aucune justification

LES SVT AU BAC


Coefficient : 6 ou 8 pour les can- gramme spécifique de SVT. Le comporte deux exercices : scientifique dans le cadre d’un
didats ayant choisi la SVT comme questionnement se présente – le premier exercice, noté sur problème scientifique à partir
enseignement de spécialité. sous forme d’un QCM ou d’une 3 points, évalue la capacité du de l’exploitation d’un ensemble
question de synthèse ou d'un candidat à raisonner dans le de documents et en utilisant ses
ÉPREUVE PRATIQUE QCM et une question de synthèse cadre d’un problème scientifique connaissances.
(évaluation des compétences qui peuvent éventuellement s’ap- proposé par le sujet, en s’ap- Pour les candidats qui n’ont suivi
expérimentales) : puyer sur un ou plusieurs docu- puyant sur l’exploitation d’un que l’enseignement spécifique de
sur 4 points ; durée : 1 h. ments. Cette partie peut porter nombre réduit de documents. SVT, les deux exercices de la par-
Épreuve écrite : sur une, plusieurs ou toutes les Le questionnement se présente tie 2 peuvent porter sur la même
sur 16 points ; durée : 3 h 30. parties du programme. sous forme d’un QCM ou d’une partie ou non du programme spé-
PARTIE 1 DE L’ÉCRIT PARTIE 2 DE L’ÉCRIT question ouverte ; cifique. Pour les candidats ayant
Notée sur 8 points, elle évalue Notée sur 8 points, elle évalue la – le second exercice, noté sur choisi la spécialité SVT, le second
la maîtrise des connaissances pratique du raisonnement scien- 5 points, évalue la capacité du can- exercice de la partie 2 porte sur
acquises dans le cadre du pro- tifique et de l’argumentation. Elle didat à pratiquer une démarche l’un des thèmes de spécialité.

94 Le guide pratique
LE GUIDE PRATIQUE

écrite n’est attendue, mais la lecture attentive des documents et leur


compréhension sont indispensables pour sélectionner les bonnes
réponses du QCM.

Partie 2 – Exercice 2 : Pratiquer une démarche


scientifique
Cet exercice porte soit sur le programme spécifique pour les candidats
n’ayant pas choisi la spécialité SVT, soit sur un des thèmes de spécialité
pour les candidats ayant choisi la spécialité SVT.
L’objectif est d’évaluer la capacité du candidat à pratiquer une démarche
scientifique dans le cadre de la résolution d’un problème scientifique
en exploitant différents documents mis en relation et en mobilisant
ses connaissances. Le candidat doit exposer sa démarche personnelle
de résolution du problème en élaborant une véritable argumentation
qui conduit à une résolution possible du problème posé et en proposant
une conclusion répondant à ce problème. L’énoncé précise souvent
qu’aucune étude exhaustive des documents n’est attendue : il ne s’agit
pas d’analyser les documents dans leur intégralité mais d’en extraire les
informations utiles à la résolution du problème posé, de les relier entre
elles et aux connaissances du candidat.
Dans cet exercice sont principalement évaluées la cohérence de la
démarche proposée par le candidat, sa capacité à justifier ses choix dans
la résolution du problème et à faire preuve d’esprit critique. Plusieurs Préparer l’épreuve du bac
démarches de résolution du problème peuvent être possibles : le candidat Au cours de l’année, au fur et à mesure des chapitres, réalisez des fiches
choisit celle qui lui paraît la plus appropriée en la justifiant rigoureuse- où figurent le plan du cours, les notions essentielles, les définitions des

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
ment à l’aide des informations extraites des documents. mots clés ainsi que les schémas importants à connaître. Ce travail permet
La réponse attendue comporte, en général, une introduction présentant de sélectionner les notions essentielles, de les mémoriser et les revoir
la problématique, un développement structuré en différents para- rapidement lors des révisions avant les épreuves.
graphes (sans titres apparents) présentant la démarche de résolution, Retravaillez bien les corrections des évaluations faites en classe et entraî-
puis une conclusion résumant la résolution du problème. Le candidat nez-vous sur des sujets de type bac.
doit veiller à bien respecter la forme de la réponse exigée par l’énoncé :
compte-rendu d’une sortie sur le terrain, analyse d’un projet technique, Développer votre culture générale
etc. Les documents ne sont pas à analyser dans l’ordre donné par l’énoncé Les sujets font de plus en plus appel à votre culture générale. Celle-ci vous
mais selon l’ordre logique pour résoudre le problème. Un travail au sera également utile pour la suite de vos études, pour des concours ou des
brouillon est nécessaire pour analyser les documents, sélectionner entretiens. Suivez les grandes lignes de l’actualité régulièrement (radio,
les informations issues des documents permettant de traiter la pro- télévision, presse écrite papier ou numérique) et approfondissez, par des
blématique, puis construire le plan de la réponse à l’aide des éléments lectures, les sujets qui peuvent se référer au programme. Les articles du
issus des documents, mis en relation entre eux et avec les éléments de Monde proposés ici visent à vous faciliter cette ouverture sur l’actualité et la
connaissances nécessaires. mise relation entre avec les recherches scientifiques et le cours enseigné. 

LES SVT AU BAC


GÉRER SON TEMPS relire votre copie et corriger les votre mieux quelles que soient les gramme spécifique de SVT. Pour
Consacrez 10 minutes en début fautes de sens et d’orthographe. difficultés rencontrées et profitez les candidats ayant choisi la spé-
d’épreuve à la lecture de l’en- du temps imparti à l’épreuve pour cialité SVT, une question porte
GÉRER SON STRESS sur le programme spécifique et
semble du sujet et au choix de améliorer votre copie.
La veille de l’épreuve, éviter les
l’ordre dans lequel vous allez l’autre sur l’un des thèmes de
révisions intensives tardives et es- ÉPREUVE ORALE DE spécialité. Les sujets comportent
traiter les exercices. Fixez alors
sayez d’arriver en forme, détendu RATTRAPAGE des documents semblables à ceux
une durée de travail pour chaque
mais motivé, le jour des épreuves. Préparation : 20 minutes. étudiés en cours durant l’année.
exercice et veillez à la respecter
au mieux en contrôlant régulière- Préparez votre matériel pour com- Présentation : 20 minutes. Comme l’épreuve a lieu dans une
ment l’heure. Traitez l’ensemble poser (y compris une boisson et Le candidat tire au sort un su- salle comportant du matériel de
du sujet même si vous maîtrisez un petit en-cas). Avant le début jet de deux questions. Pour les SVT, le candidat peut être interro-
moins bien une partie du pro- de l’épreuve, prenez quelques mi- candidats qui n’ont pas choisi la gé sur le matériel expérimental et
gramme. Avant la fin de l’épreuve, nutes pour vous détendre en respi- spécialité SVT, elles portent sur son utilisation, sans être amené à
prévoyez 5 à 10 minutes pour rant calmement. Essayez de faire de deux parties différentes du pro- le manipuler.

Le guide pratique 95
Crédits
Couverture
Coupe de la Terre © Yuri_Arcurs/iStock

Génétique et évolution
Le brassage génétique et sa contribution à la diversité génétique
p. 6 gauche, DR, droite © Lézarts Création ; p. 7, DR ; p. 8, DR ; p. 9, © RDE.
Diversification génétique et diversification des êtres vivants
p. 12 © RDE ; p. 13 haut © RDE, bas, DR ;
p. 14 « Zoom sur… » © Istockphoto/ Thinkstock, partie centrale © Lézarts Création ; p. 15 DR.
De la diversification des êtres vivants à l’évolution de la biodiversité
p. 18 « Zoom sur… » gauche © RDE, « Zoom sur… » droite © Istockphoto/ Thinkstock, partie centrale © Lézarts Création ;
p. 19 partie centrale © RDE, « Zoom sur… » © Istockphoto/ Thinkstockp. 20 DR ;
p. 21 partie centrale DR, « Zoom sur… » © Istockphoto/ Thinkstock.
Un regard sur l’évolution de l’homme
p. 24 © RDE ; p. 25, DR ; p. 26 © RDE ;
Les relations entre organisation et mode de vie, résultat de l’évolution : l’exemple de la vie fixée chez les plantes
p. 30 DR ; p. 31 DR ; p. 32 DR ; p. 33 DR ;

Le domaine continental et sa dynamique


La caractérisation du domaine continental : lithosphère continentale, reliefs et épaisseur crustale
p. 38 « Zoom sur… » et partie centrale droite © Lézarts Création, partie centrale gauche DR ;
p. 39 partie centrale haut DR, partie centrale bas et « Zoom sur… » © RDE ; p.40 DR.
Contexte de la formation des chaînes de montagnes et disparition des reliefs
p. 44 © Lézarts Création ; p. 45 partie centrale gauche © Lézarts Création, partie centrale droite DR, « Zoom sur… » © RDE ;
p. 46 carte © Lézarts Création, autres visuels DR ; p. 47 © RDE
Le magmatisme en zone de subduction : uneproduction de nouveaux matériaux continentaux
p. 50 partie centrale gauche DR, partie centrale droite © RDE ; p. 51 © Lézarts Création ;

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
p. 52 gauche © Lézarts Création, droite © RDE

Enjeux planétaires contemporains


Géothermie et propriétés thermiques de la Terre
p. 56 DR ; p. 57 DR ; p. 58 gauche DR, droite © RDE
La plante domestiquée
p. 60 © Lézarts Création ; p. 61 gauche DR, droite © RDE ; p. 62 © RDE

Le maintien de l’intégrité de l’organisme : quelques aspects de la réaction immunitaire


La réaction inflammatoire, un exemple de réponse innée
p. 66 © Hemera/ Thinkstock ; p. 67 © RDE ; p. 69 DR
L’immunité adaptative, prolongement de l’immunité innée
p. 72 DR ; p. 73 gauche DR, droite © Lézarts Création ; p. 74 © Istockphoto/ Thinkstock
Le phénotype immunitaire au cours de la vie
p. 79 haut DR, bas droite © Lézarts Création ; p. 80 © RDE

Neurone et fibre musculaire : la communication nerveuse


Le réflexe myotatique, un exemple de commande réflexe du muscle
p. 84 © Lézarts Création ; p. 85 gauche © Lézarts Création, droite DR ; p. 86 © RDE 
Motricité volontaire et plasticité cérébrale
p. 88 © RDE ; p. 89 © RDE ; p. 90 © Hemera/ Thinkstock

Le guide pratique
p. 93 © iStockphoto ; p. 94 © Istockphoto/ Thinkstock ; p. 95 © Purestock/ Thinkstock

Edité par la Société Editrice du Monde – 80, boulevard Auguste Blanqui – 75013 Paris
Tél : +(33)01 57 28 20 00 – Fax : +(33) 01 57 28 21 21
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Président du Directoire, Directeur de la Publication : Louis Dreyfus
Directeur de la rédaction : Jérôme Fenoglio
Dépôt légal : mars 2017 - Imprimé par Aubin - Achevé d’imprimer : mars 2017
Numéro hors-série réalisé par Le Monde - © Le Monde – rue des écoles 2017

Imprimé sur des papiers produits en Pologne et Finlande, IFGD, 0 % de fibres recyclées.
Depuis toujours à la MAIF, nous croyons qu’en termes d’éducation, l’entraide,
le partage et l’échange des connaissances contribuent à rendre la société
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entièrement libéré - RCS Niort : B 341 672 681 - CS 20000 - 79076 Niort cedex 9. Entreprises régies par le code des assurances.
CAHIE
S P É C I AR
L

Testez-vous
pour
le bac
SCIENCES DE LA VIE
ET DE LA TERRE

55 questions
corrigées et commentées
Réviser son bac avec

Génétique et évolution
Le brassage génétique et sa Question 4
Lors d’un croisement-test, on croise des
contribution à la diversité drosophiles hétérozygotes au corps gris
génétique [eb+] et aux ailes longues [vg+] avec des
drosophiles homozygotes au corps ébène
 Le cours p. 6
[eb] et aux ailes vestigiales [vg]. Les deux
Question 1 gènes étudiés sont indépendants.

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
La méiose est différente de la mitose, car :  A. Les descendants se répartiront en
un quart [vg+ eb+], un quart [vg+ eb], un
 A. elle sépare une cellule mère en quart [vg eb+] et un quart [vg eb].
quatre cellules filles en une division.  B. Ce croisement-test permet
 B. elle n’est pas précédée d’une de mettre en évidence le brassage
réplication de l’ADN. intrachromosomique.
 C. elle répartit les chromosomes de la  C. Le résultat de ce croisement-test
cellule mère en quatre lots identiques. reflète la proportion des différents
 D. chaque cellule fille possède un types de gamètes chez le parent
homozygote.
chromosome de chaque paire de
chromosomes homologues qui est  D. Ce croisement-test permet
de mettre en évidence le brassage
présente initialement dans la cellule mère.
interchromosomique.
Question 2
Chacune des deux divisions de Diversification génétique
la méiose se déroule en 4 phases et diversification des êtres
ordonnées comme suit :
vivants
 A. télophase, métaphase, anaphase et
 Le cours p. 12
prophase.
 B. télophase, anaphase, métaphase et Question 5
prophase. La diversification du vivant s’opère :
 C. prophase, métaphase, anaphase et  A. à la fois par des modifications
télophase. affectant le génome et par des
 D. prophase, anaphase, métaphase et modifications n’affectant pas le génome.
télophase.  B. uniquement par des modifications
affectant le génome.
Question 3  C. uniquement par des modifications
À l’issue de la première division de la qui n’affectent pas le génome.
méiose, chaque cellule fille contient :
Question 6
 A. n chromosomes à 1 chromatide. Les gènes de développement :
 B. n chromosomes à 2 chromatides.
 A. peuvent être à l’origine de
 C. 2n chromosomes à 1 chromatide. différences importantes dans le plan
 D. 2n chromosomes à 2 chromatides. d’organisation des espèces.

2
Les tests

 B. s’expriment chez toutes les espèces De la diversification des


avec la même intensité en une région
donnée de l’organisme. êtres vivants à l’évolution
 C. peuvent présenter des séquences de la biodiversité
régulatrices différentes selon les  Le cours p. 18
espèces.
Question 9
 D. s’expriment chez toutes les
La dérive génétique :
espèces selon la même chronologie
d’expression.  A. est la modification aléatoire de la
fréquence des allèles d’un gène dans
Question 7 une population au cours du temps.

© rue des écoles & Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion et communication strictement interdites.
Les légumineuses, comme le haricot,  B. est d’autant plus marquée que la
portent sur leurs racines des nodosités population est grande.
remplies de bactéries, capables de fixer  C. contribue à augmenter la diversité
le diazote atmosphérique (N2). La plante génétique de la population.
obtient ainsi des composés azotés  D. concerne les allèles conférant un
provenant des bactéries tandis que les avantage ou un inconvénient sélectif
bactéries récupèrent des molécules dans un milieu donné.
organiques produites par la plante. Question 10
 A. Ces bactéries sont des parasites des Bien que le concept d’espèce soit délicat
plantes légumineuses. à définir, on peut néanmoins considérer
 B. Il s’agit d’une symbiose. qu’une espèce est :
 C. Il s’agit d’une diversification du  A. une population d’individus ayant
vivant liée à une modification du génome. le même nombre de chromosomes.
 D. Il s’agit d’une diversification du vivant  B. une population d’individus
non liée à une modification du génome. isolée géographiquement d’autres
populations.
Question 8  C. une population d’individus
Des chimpanzés sont capables de interféconds et qui est isolée
capturer des termites dans leur génétiquement d’autres populations.
termitière en utilisant des brindilles  D. une population d’individus ayant
de taille variable. Ce comportement est des caractères similaires.
partagé par plusieurs communautés de Question 11
chimpanzés. La spéciation, c’est-à-dire la formation
 A. Ce comportement est le résultat de nouvelles espèces :
d’un apprentissage basé sur l’imitation  A. résulte de l’apparition d’un
entre les individus. isolement reproducteur entre les
 B. Il s’agit d’une diversification du populations d’une même espèce
vivant liée à une modification du génome.  B. ne peut avoir lieu que si
 C. Il s’agit d’une diversification du vivant les populations sont séparées
non liée à une modification du génome. géographiquement.
 D. La transmission de  C. a lieu systématiquement dès que
comportements entre les individus n’est des populations d’une même espèce
observée que chez les primates. sont isolées géographiquement.

3
Réviser son bac avec

Un regard sur l’évolution Les relations entre


de l’homme organisation et mode de
 Le cours p. 24 vie, résultat de l’évolution :
Question 12 l’exemple de la vie fixée
Pour un fossile de grands primates, des plantes
quels sont les critères requis pour  Le cours p. 30
appartenir au genre Homo ?
 A. Être bipède, avoir un fort Question 15
prognathisme (mâchoire projetée vers En raison de leur mode de vie fixé,

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l’avant), fabriquer et utiliser des outils. les plantes à fleurs :
 B. Être bipède, avoir les deux yeux  A. présentent de vastes surfaces
orientés vers l’avant dans le même plan, des d’échange avec leur milieu.
canines proéminentes et maîtriser le feu.  B. sont incapables de se défendre
 C. Être bipède, avoir une grande contre les agressions du milieu.
capacité crânienne, fabriquer et utiliser  C. ne peuvent pas se reproduire entre
des outils. individus éloignés.
 D. Avoir une face réduite, une grande  D. ne peuvent pas coloniser de
capacité crânienne et savoir grimper nouveaux milieux.
aux arbres.
Question 16
Question 13 En relation avec la vie fixée, les plantes
Dans l’histoire du genre Homo : ont développé :
 A. les premiers représentants du  A. un système souterrain permettant
genre Homo sont apparus en Afrique. des échanges de CO2 avec le sol.
 B. les premiers Homo sapiens sont  B. un système souterrain permettant
datés de -350 000 ans. des échanges d’eau avec l’atmosphère.
 C. seul Homo sapiens est sorti  C. un système aérien permettant des
d’Afrique pour vivre sur les autres échanges d’ions minéraux avec l’air.
continents.  D. un système aérien et un système
 D. à un même moment, il n’y a souterrain échangeant de la matière par
toujours eu qu’une espèce d’Homo des systèmes de vaisseaux.
présente sur Terre, comme actuellement.
Question 17
Question 14 La collaboration entre les animaux et
L’homme et le chimpanzé : les plantes à fleurs :
 A. présentent une faible similitude  A. s’exerce lors de la pollinisation
génétique. et de la dispersion des graines.
 B. diffèrent par la chronologie et  B. s’exerce lors de la pollinisation
l’expression de certains gènes de et de la fécondation.
développement.  C. s’exerce exclusivement lors de
 C. partagent un même caryotype. la pollinisation.
 D. présentent des caractères morpho-  D. s’exerce exclusivement lors de
anatomiques similaires. la dispersion des graines.

4
Les tests

Le domaine continental
et sa dynamique
La caractérisation du continental, lié à l’épaississement de
la croûte, conduit à la formation :
domaine continental :  A. d’une rhyolite.
lithosphère continentale,  B. d’un gabbro.
reliefs et épaisseur crustale  C. d’un gneiss.

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 Le cours p. 38  D. d’une granodiorite.

Question 18 Question 21
La différence d’altitude entre les Le Moho se trouve à une plus forte
continents (+870 m) et les océans profondeur au niveau des chaînes de
(−3 870 m) s’explique par : montagnes, car :
 A. une croûte continentale plus  A. la croûte continentale est amincie.
épaisse et plus dense que la croûte  B. la croûte continentale est plus
océanique. dense que le manteau.
 B. une croûte continentale moins  C. il y a une importante racine
épaisse, mais plus dense que la croûte crustale.
océanique.  D. il y a empilement de terrains,
 C. une croûte continentale plus visible à l’affleurement (plis, failles
épaisse, mais moins dense que la croûte inverses, chevauchements).
océanique.
 D. une croûte continentale moins Contexte de la formation
épaisse et moins dense que la croûte
océanique. des chaînes de montagnes
Question 19 et disparition des reliefs
La disparition d’une surcharge  Le cours p. 44
importante, comme une calotte glaciaire,
Question 22
de la lithosphère continentale entraîne :
Les ophiolites sont :
 A. un épaississement de la croûte
continentale.  A. constituées de granitoïdes.
 B. un amincissement de la croûte  B. constituées uniquement de roches
continentale. sédimentaires.
 C. un mouvement vertical de la  C. des lambeaux de lithosphère
lithosphère continentale vers le bas. océanique présents en domaine
 D. un mouvement vertical de la continental.
lithosphère continentale vers le haut.  D. caractéristiques des zones de
subduction.
Question 20
À partir d’un granite, le Question 23
métamorphisme en domaine Au niveau d’une chaîne de montagnes

5
Réviser son bac avec
intracontinentale, il s’est produit dans  A. partielle des péridotites du
le passé : manteau situé sous la croûte de
 A. une subduction d’une lithosphère la plaque chevauchante.
continentale sous une lithosphère  B. totale des péridotites du manteau
océanique, puis une collision entre situé sous la croûte de la plaque
les deux lithosphères continentales. chevauchante.
 B. une subduction d’une lithosphère  C. partielle des péridotites du
océanique sous une lithosphère manteau situé sous la croûte de
continentale, puis une collision entre la plaque plongeante.
les deux lithosphères continentales.  D. totale des péridotites du manteau
 C. une subduction d’une lithosphère

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situé sous la croûte de la plaque
océanique sous une lithosphère plongeante.
continentale, puis une collision entre
les deux lithosphères océaniques. Question 26
 D. une subduction d’une lithosphère Dans les zones de subduction,
continentale sous une lithosphère on observe un métamorphisme :
océanique, puis une collision entre  A. haute température au niveau
les deux lithosphères océaniques. de la plaque océanique plongeante,
provoquant la déshydratation des
Question 24 roches de la croûte océanique.
Dans une chaîne de montagnes,
 B. haute température au niveau
les reliefs tendent à :
de la plaque océanique plongeante,
 A. s’accentuer uniquement sous provoquant la déshydratation de
l’effet de l’altération et de l’érosion. la péridotite mantellique.
 B. s’accentuer sous l’effet de  C. haute pression au niveau de
l’altération et de l’érosion, combinées à la plaque océanique plongeante,
l’isostasie et associées à l’effondrement provoquant la déshydratation de
gravitaire la péridotite mantellique.
 C. disparaître uniquement sous l’effet  D. haute pression au niveau de
de l’altération et de l’érosion. la plaque océanique plongeante,
 D. disparaître sous l’effet de provoquant la déshydratation des
l’altération et de l’érosion, combinées roches de la croûte océanique.
à l’isostasie et sous l’effet de
l’effondrement gravitaire. Question 27
Au niveau d’une zone de subduction,
le refroidissement en profondeur du
Le magmatisme en zone magma forme des roches :
de subduction : une  A. à structure grenue de type
production de nouveaux granitoïde.
matériaux continentaux  B. à structure grenue de type
andésitique.
 Le cours p. 50
 C. à structure microlithique de type
Question 25 granitoïde.
Dans les zones de subduction, le magma  D. à structure microlithique de type
se forme par fusion : andésitique.

6
Les tests

Enjeux planétaires contemporains


Géothermie et propriétés La plante domestiquée
thermiques de la Terre  Le cours p. 60

 Le cours p. 56 Question 31
La domestication des plantes cultivées :
Question 28
L’énergie géothermique :  A. est un processus qui a eu lieu en
quelques années.

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 A. provient de la désintégration
 B. correspond à une sélection
d’éléments radioactifs contenus dans artificielle, exercée par l’homme.
les roches terrestres.
 C. a eu lieu dans les différentes
 B. ne produit aucune manifestation régions du monde à la même époque.
à la surface de la Terre.
 D. s’est portée sur les mêmes espèces
 C. est à l’origine d’un flux végétales dans les différentes régions
géothermique identique sur toute la du monde.
surface terrestre.
 D. est utilisée par l’homme pour
Question 32
couvrir une très grande partie de ses Le maïs Bt, un OGM résistant à un
besoins énergétiques. insecte herbivore, la pyrale du maïs,
est :
Question 29  A. obtenu par une succession de
Dans la Terre, le transfert thermique croisements entre maïs résistants et
s’effectue par : maïs non résistants à la pyrale.
 A. convection seulement.  B. porteur d’un génome identique à
 B. convection et conduction. celui d’un maïs non résistant à la pyrale.
 C. l’intermédiaire du champ  C. autorisé à la culture dans tous les
magnétique terrestre. pays du monde.
 D. obtenu par transgénèse d’un gène
 D. la remontée de roches du noyau.
conférant une résistance à cet insecte
Question 30 herbivore.
Le flux géothermique est défini Question 33
comme :
La biodiversité des plantes cultivées :
 A. la quantité d’énergie thermique  A. a tendance à diminuer par les
dissipée par unité de temps et par unité méthodes modernes de sélection
de surface à la surface de la Terre. végétale privilégiant les variétés les plus
 B. l’évolution de la température productives.
en fonction de la profondeur sous la  B. est identique au cours du temps.
surface terrestre.  C. est à maintenir élevée, car il est
 C. la quantité d’énergie thermique important de conserver pour l’avenir
dissipée à la surface de la Terre. des ressources génétiques variées.
 D. la variation de température entre  D. est diminuée lors la sélection
deux points de la Terre. variétale.

7
Réviser son bac avec

Le maintien de l’intégrité de
l’organisme : quelques aspects
de la réaction immunitaire
La réaction inflammatoire,  A. en inhibant la synthèse
des médiateurs chimiques de
un exemple de réaction innée l’inflammation.

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 Le cours p. 66  B. en éliminant directement les
Question 34 pathogènes présents au niveau du site
inflammatoire.
La réaction inflammatoire aiguë :
 C. en empêchant l’élimination
 A. est caractérisée par des symptômes
des pathogènes par les cellules
stéréotypés.
phagocytaires.
 B. diffère selon que le pathogène est
 D. en inhibant l’installation de
rencontré pour la première fois ou a
la réponse adaptative.
déjà été rencontré par l’organisme.
 C. diffère selon les pathogènes Question 38
rencontrés. La phagocytose est réalisée :
 D. n’existe que chez les vertébrés.  A. par les hématies.
Question 35  B. par les macrophages.
Les symptômes de la réaction inflammatoire  C. par les granulocytes.
aiguë (chaleur, gonflement, rougeur et  D. par les lymphocytes.
douleur) sont la conséquence :
 A. de la sécrétion d’anticorps. Question 39
 B. de la vasoconstriction des Les cellules dendritiques sont :
capillaires sanguins.  A. des leucocytes.
 C. de l’action des médiateurs  B. des hématies.
chimiques de l’inflammation.  C. des cellules ne circulant que
 D. d’un afflux réduit de lymphe au dans le sang.
niveau du site de l’inflammation.
 D. des cellules présentatrices
Question 36 de l’antigène.
Les médiateurs chimiques de
l’inflammation sont sécrétés :
L’immunité adaptative,
 A. par les pathogènes.
 B. par les hématies.
prolongement de
 C. par les lymphocytes. l’immunité innée
 D. par les cellules de l’immunité innée.  Le cours p. 72

Question 37 Question 40
Les médicaments anti-inflammatoires Lors de la réponse immunitaire
agissent en : adaptative :

8
Les tests

 A. les plasmocytes se différencient Le phénotype immunitaire


en lymphocytes cytotoxiques.
 B. il se produit un gonflement, une
au cours de la vie
rougeur, une chaleur et une douleur au  Le cours p. 78
niveau de la zone infectée.
Question 44
 C. les plasmocytes produisent des
Par rapport à la réponse immunitaire
antigènes. adaptative primaire, la réponse
 D. les plasmocytes produisent des immunitaire adaptative secondaire est :
anticorps.
 A. moins rapide mais
Question 41 quantitativement plus importante.

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Un anticorps :  B. plus rapide et quantitativement
plus importante.
 A. est composé de six chaînes
 C. plus rapide mais quantitativement
peptidiques.
moins importante.
 B. possède un seul site de
 D. moins rapide et quantitativement
reconnaissance de l’antigène.
moins importante.
 C. possède des régions constantes
reconnues par des récepteurs de la Question 45
membrane plasmique des cellules La vaccination consiste à injecter dans
phagocytaires. l’organisme des produits :
 D. est capable de reconnaître des  A. immunogènes et pathogènes.
antigènes différents.  B. non immunogènes mais
pathogènes.
Question 42
 C. ni immunogènes ni pathogènes.
La sélection clonale des lymphocytes
 D. immunogènes mais non
T CD8+ est suivie immédiatement de :
pathogènes.
 A. leur multiplication clonale.
Question 46
 B. la différenciation clonale en LT
auxiliaires. Le phénotype immunitaire :
 C. la différenciation clonale en LT  A. s’enrichit tout au long de la vie
cytotoxiques. de l’individu.
 D. leur production d’interleukine 2.  B. évolue selon les anticorps
rencontrés naturellement.
Question 43  C. évolue selon les anticorps
Les LT auxiliaires présentent la rencontrés lors des vaccinations.
caractéristique suivante :  D. présente une évolution qui
 A. ils sécrètent les anticorps. s’explique par la présence d’une
mémoire immunitaire.
 B. ils sont indispensables à la réaction
immunitaire innée.
 C. ils sont cytotoxiques.
 D. ils sécrètent des médiateurs
chimiques, activant la multiplication
clonale et la différenciation clonale des
lymphocytes.

9
Réviser son bac avec

Neurone et fibre musculaire :


la communication nerveuse
Le réflexe myotatique, passent les neurones sensoriels.
 D. des racines ventrales par où
un exemple de commande passent les neurones moteurs.
réflexe du muscle Question 50
 Le cours p. 84
Au niveau de la synapse

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neuromusculaire :
Question 47  A. le message nerveux est
Le réflexe myotatique : de nature électrique.
 A. nécessite l’intervention de  B. le message nerveux est
plusieurs synapses. de nature chimique.
 B. fait intervenir une seule  C. les neuromédiateurs sont libérés
synapse entre le neurone sensoriel et par le motoneurone et se fixent
le neurone moteur. sur des récepteurs de la membrane
 C. fait intervenir une seule synapse plasmique du muscle.
entre deux neurones moteurs.  D. les neuromédiateurs sont
 D. fait intervenir une seule synapse libérés par le muscle et se fixent
entre deux neurones sensoriels. sur des récepteurs de la membrane
plasmique du motoneurone.
Question 48
Le neurone moteur, ou motoneurone,
conduit un message nerveux : Motricité volontaire et
 A. codé en amplitude de potentiel plasticité cérébrale
d’action vers le muscle effecteur.  Le cours p. 88
 B. codé en amplitude de potentiel
d’action vers le centre nerveux. Question 51
 C. codé en fréquence de potentiel La commande des mouvements
d’action vers le muscle effecteur. volontaires :
 D. codé en fréquence de potentiel  A. ne fait intervenir que les
d’action vers le centre nerveux. muscles.
 B. fait intervenir le cerveau et la
Question 49
moelle épinière.
La moelle épinière, centre nerveux  C. ne fait intervenir que le cerveau.
des réflexes myotatiques, est située
 D. ne fait intervenir que la moelle
sous le cerveau et présente :
épinière.
 A. des racines dorsales par où
passent les neurones sensoriels. Question 52
 B. des racines dorsales par où Le cortex moteur droit commande les
passent les neurones moteurs. mouvements volontaires :
 C. des racines ventrales par où  A. de la partie gauche du corps.

10
Les tests

 B. de la partie droite du corps.


 C. des membres inférieurs droit et
gauche.
 D. des membres supérieurs droit et
gauche.
Question 53
Une fibre musculaire :
 A. se relâche lorsqu’elle reçoit
un message nerveux d’un neurone
sensoriel.

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 B. se relâche lorsqu’elle reçoit un
message nerveux d’un motoneurone.
 C. se contracte lorsqu’elle reçoit
un message nerveux d’un neurone
sensoriel.
 D. se contracte lorsqu’elle reçoit un
message nerveux d’un motoneurone.
Question 54
Le cortex moteur regroupe
différentes aires :
 A. qui fonctionnement
indépendamment les unes des autres.
 B. qui sont entièrement
déterminées dès la naissance.
 C. qui communiquent entre elles.
 D. situées dans le cerveau et dans
la moelle épinière.
Question 55
La plasticité cérébrale :
 A. permet l’évolution des capacités
motrices.
 B. ne s’observe que durant
l’enfance.
 C. correspond aux modifications
des réseaux de neurones.
 D. est indépendante des
stimulations de l’environnement.

11
Réviser son bac avec
régulatrices contrôlent l’expression de ces gènes de
Génétique développement, c’est-à-dire qu’elles sont à l’origine
de variations de la localisation, de la chronologie
et évolution et de l’intensité de l’expression de ces gènes selon
les espèces. Ainsi les gènes de développement sont
Question 1 : D. à l’origine de différences importantes dans la mise
Lors d’une méiose, une cellule dont l’ADN est en place du plan d’organisation des espèces.
préalablement répliqué subit deux divisions
successives pour donner quatre cellules filles. Question 7 : B et D.
Les lots chromosomiques des 4 cellules filles sont Cet exemple montre une relation à bénéfices
différents, car l’individu est hétérozygote pour un réciproques, caractéristique d’une symbiose, et
certain nombre de gènes et des brassages intra- les génomes des organismes ne sont pas modifiés.
chromosomique et interchromosomique ont lieu Il s’agit d’une diversification du vivant non liée à
lors de la méiose. Les cellules filles ne possèdent

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une modification du génome.
qu’un seul des deux chromosomes de chaque paire
présente initialement chez la cellule mère.
Question 8 : A et C.
La transmission des savoirs se fait aisément chez
Question 2 : C. les chimpanzés, en liberté comme en captivité. Des
Chaque division de la méiose, comme la mitose, chimpanzés découvrant une technique utilisée par
se déroule en 4 phases : la prophase, la métaphase, un autre groupe, peuvent l’enseigner à la majorité
l’anaphase et la télophase. des membres de leur groupe. Il s’agit d’un appren-
Question 3 : B. tissage par imitation, donc d’une diversification
À partir d’une cellule mère, la première division de du vivant non liée à une modification du génome.
la méiose forme deux cellules filles, qui contiennent Cette capacité d’apprentissage par imitation n’est
chacune n chromosomes à 2 chromatides, c’est-à- pas observée que chez les primates : elle existe
dire un exemplaire d’un chromosome de chaque également chez les oiseaux.
paire présente initialement dans la cellule mère.
Question 9 : A.
La seconde division de la méiose aboutit alors à 4
La dérive génétique est la modification au hasard
cellules filles contenant chacune n chromosomes à
de la fréquence des allèles d’un gène dans une
1 chromatide chacun.
population au cours du temps. Elle est d’autant
Question 4 : A et D. plus marquée que la population est petite : la pro-
Il est possible de mettre en évidence le brassage babilité de disparition des allèles dans une petite
intrachromosomique en étudiant deux gènes population est d’autant plus forte. Cette disparition
liés, portés par le même chromosome. Dans le d’allèles contribue à réduire la diversité génétique
cas de deux gènes indépendants, un individu, de la population. La dérive génétique s’exerce sur les
hétérozygote pour les deux gènes étudiés, produit allèles qui ne sont pas soumis à la sélection naturelle,
par un brassage interchromosomique 4 types de c’est-à-dire les allèles ni favorables ni défavorables
gamètes de manière équiprobable (fréquence de dans un milieu donné.
25 % pour chaque type de gamètes). Le résultat
d’un croisement-test avec un individu, homozy- Question 10 : C.
gote récessif, donnera donc 4 types d’individus Le concept d’espèce est délicat à définir : on peut
équiprobables (2 types parentaux et 2 types non considérer qu’une espèce est une population
parentaux, également appelés recombinés). d’individus interféconds et qui est isolée généti-
quement d’autres populations. La similitude des
Question 5 : A.
La diversification du vivant s’opère par des caractères est le critère correspondant à la défini-
modifications affectant le génome (mutations, tion typologique de l’espèce. Un même nombre de
transferts horizontaux de gènes entre espèces, chromosomes n’est pas un critère suffisant pour
hybridations d’espèces suivies de polyploïdisa- définir une espèce.
tions, modifications des séquences régulatrices Question 11 : A.
des gènes de développement), mais aussi par des La spéciation peut résulter d’un isolement repro-
modifications affectant le génome (symbiose, ducteur entre les populations d’une même espèce.
transmission culturelle). La spéciation peut avoir lieu si les populations sont
Question 6 : A et C. isolées géographiquement, mais ce n’est pas une
Les gènes contrôlant le développement des orga- condition suffisante. De plus, des cas de spéciation
nismes présentent des séquences régulatrices qui peuvent avoir lieu sans isolement géographique
peuvent différer selon les espèces. Ces séquences entre des populations.

12
Les corrigés

Question 12 : C.
Dans le genre Homo, dont les différentes espèces Le domaine
fabriquent des outils, la capacité crânienne est
importante, la face et les canines sont réduites. La continental et
présence des yeux orientés dans un même plan,
vers l’avant, n’est pas un caractère distinctif du sa dynamique
genre Homo mais est un caractère de primate.
Question 18 : C.
Toutes les espèces appartenant à la famille hu-
La différence d’altitude entre les continents et les
maine sont bipèdes, même si elles n’appartiennent océans s’explique par une croûte continentale
pas au genre Homo. plus épaisse (30 km d’épaisseur en moyenne
Question 13 : A. par rapport à 7 km pour la croûte océanique),
Les premiers représentants du genre Homo se- mais moins dense que la croûte océanique (la

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raient apparus en Afrique vers −2,5 Ma, et dès densité de la croûte continentale est de 2,8 contre
−1,8 Ma, des Homo seraient sortis d’Afrique. Les 2,9 pour la croûte océanique). Cette différence
d’altitude s’explique également par le fait que les
premiers Homo sapiens sont datés d’environ
lithosphères continentale et océanique reposent
−200 000 ans en Afrique, puis ils sont sortis à leur
toutes les deux en équilibre sur l’asthénosphère
tour d’Afrique. À plusieurs reprises dans l’histoire
sous-jacente.
du genre Homo, plusieurs espèces d’Homo ont
cohabité (comme Homo sapiens et Homo nean- Question 19 : D.
derthalensis entre environ −35 000 ans et −25 000 La lithosphère continentale repose en équilibre
ans en Europe). sur l’asthénosphère sous-jacente : l’élimination
d’une surcharge importante, comme une calotte
Question 14 : B. glaciaire entraîne un déséquilibre isostatique, qui
L’homme et le chimpanzé présentent des carac- est suivi par mouvement vertical de la lithosphère
tères morpho-anatomiques différents, notam- continentale vers le haut jusqu’à l’établissement
ment ceux liés à la bipédie, qui n’est exclusive que d’un nouvel équilibre isostatique.
chez l’homme. L’homme et le chimpanzé ont un Question 20 : C.
caryotype différent (23 paires de chromosomes En domaine continental, un granite soumis à une
chez l’homme et 24 paires de chromosomes chez augmentation de la pression et de la température,
le chimpanzé). Ils présentent une forte simili- tout en restant à l’état solide, forme une roche
tude génétique (98,5 % des nucléotides de leurs métamorphique : le gneiss.
génomes sont identiques). Certains gènes de dé-
veloppement présentent une chronologie et une Question 21 : C et D.
La profondeur du Moho est plus élevée sous la
intensité d’expression différentes entre l’homme
chaîne de montagnes, car en surface les terrains
et le chimpanzé, à l’origine des différences dans
s’empilent (plis, failles inverses, chevauchements)
leurs caractères morpho-anatomiques. sous l’effet de la tectonique en compression. De
Question 15 : A. plus, les chaînes de montagnes sont caractérisées
Malgré leur mode de vie fixé, les plantes ont par l’existence d’une racine crustale en profondeur.
développé des adaptations permettant d’échanger Question 22 : C.
avec leur milieu, de se protéger des agressions Les ophiolites sont des lambeaux de lithosphère
de ce milieu, de se reproduire et de coloniser de océanique présents en domaine continental,
nouveaux milieux. constitués de péridotites, de gabbros et de ba-
saltes. Les ophiolites témoignent de l’existence
Question 16 : D.
d’une ancienne lithosphère océanique et de la
Les plantes possèdent un système racinaire sou-
collision aboutissant à la formation d’une chaîne
terrain permettant l’absorption d’eau et d’ions
de montagnes.
avec le sol, et un système foliaire aérien assurant
l’échange de gaz (CO2, O2, H2O) avec l’atmosphère. Question 23 : B.
Les vaisseaux du xylème et du phloème per- Les chaînes de montagnes résultent de la sub-
mettent le transfert de matière dans la plante. duction d’une lithosphère océanique sous une
lithosphère continentale, puis de la collision entre
Question 17 : A. les deux lithosphères continentales. Plus précisé-
Les animaux participent à la pollinisation (trans- ment, malgré sa faible densité, une partie de la
port du pollen des étamines vers le pistil) et à la lithosphère continentale rentre en subduction
dispersion des graines. sous l’autre lithosphère continentale.

13
Réviser son bac avec

Question 24 : D. Question 30 : A.
Dans une chaîne de montagnes, les reliefs tendent Le flux géothermique est la quantité d’énergie
à disparaître sous l’effet de l’altération et de l’éro- thermique dissipée par unité de temps et par unité
sion, combinées à l’isostasie (qui fait remonter la de surface à la surface de la Terre. L’unité du flux
racine crustale au fur et à mesure de l’élimination géothermique est donc le W.m-2. L’évolution de la
du relief en surface). De plus, l’effondrement température en fonction de la profondeur sous la
gravitaire contribue à l’aplanissement du relief. surface terrestre est le géotherme.
Question 25 : A. Question 31 : B.
Dans les zones de subduction, le magma se forme La domestication est une sélection artificielle,
par fusion partielle des péridotites du manteau exercée par l’homme, à partir d’espèces végétales
situé sous la plaque chevauchante. Cette fusion sauvages. L’homme a retenu des caractéristiques
partielle des péridotites mantelliques est permise favorables à la culture des plantes et à leur utili-
par leur hydratation avec l’eau libérée lors du sation. C’est un processus progressif qui s’étale

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métamorphisme des roches de la croûte de la sur de nombreuses années. La domestication
plaque océanique plongeante. des plantes cultivées a eu lieu dans différentes
régions du monde en différents moments (environ
Question 26 : D. entre -10 000 ans et -2 000 ans) et a concerné des
Dans les zones de subduction, un métamorphisme espèces végétales variées selon les régions : par
haute pression-basse température affecte les exemple, le blé au Moyen-Orient et le maïs en
roches de la croûte océanique de la plaque plon- Amérique centrale.
geante. Ce métamorphisme dans le faciès schiste
bleu puis éclogite se caractérise par la déshydrata- Question 32 : D.
tion des roches de la croûte océanique plongeante. La transgénèse permet de transférer un gène
d’intérêt à des organismes, qui présentent alors
Question 27 : A. un caractère intéressant pour leur culture ou leur
Au niveau d’une zone de subduction, le re- utilisation, comme la résistance à la pyrale chez le
froidissement lent du magma en profondeur maïs transgénique Bt. Le génome de ces OGM est
dans la croûte aboutit à la formation de roches donc modifié et diffère des végétaux non transgé-
à structure grenue, c’est-à-dire entièrement niques. Les OGM, comme le maïs Bt, sont cultivés
cristallisée, de type granitoïde. dans certains pays (États-Unis, Brésil, Espagne…),
mais leur culture est actuellement interdite dans
d’autres pays dont la France.
Question 33 : A et C.
Enjeux planétaires La biodiversité de plantes cultivées varie dans
le temps : par exemple, elle augmente lors la
contemporains sélection variétale. Actuellement, la majorité des
espèces cultivées modernes présente de forts ren-
Question 28 : A. dements, mais leur grande homogénéité contribue
L’énergie géothermique a, pour principale ori- à la baisse actuelle de la biodiversité des plantes
gine, la désintégration d’éléments radioactifs cultivées. Il est important de maintenir une bio-
contenus dans les roches terrestres. Cette énergie diversité assez élevée pour disposer de ressources
géothermique se dissipe et est à l’origine d’un génétiques pour le futur.
flux géothermique variable selon le contexte
géodynamique (dorsales, subduction…). Il existe
de nombreuses manifestations de la dissipa-
tion de l’énergie géothermique à la surface du
Le maintien de
globe (sources chaudes, geysers, volcans). Enfin,
cette énergie géothermique est exploitable par
l’intégrité de
l’homme pour se fournir en énergie thermique
et pour produire de l’électricité.
l’organisme :
Question 29 : B.
Dans la Terre, les transferts thermiques s’effectuent
quelques aspects de la
par conduction (transfert thermique sans transfert
de matière, qui est peu efficace) et par convection
réaction immunitaire
(transfert thermique associé à un transfert de Question 34 : A.
matière, qui est plus efficace que la convection). La réaction inflammatoire aiguë, réaction essentielle

14
Les corrigés

de la réponse immunitaire innée, existe chez tous déclenche la réponse immunitaire adaptative.
les animaux : elle se caractérise par des symptômes Lors de la réponse adaptative, les lymphocytes B
stéréotypés (chaleur, rougeur, gonflement et douleur). spécifiques de l’antigène sont activés par sélection
Elle est indépendante de la nature du pathogène clonale, se multiplient, puis se différencient en
rencontré et est identique que le pathogène ait déjà plasmocytes sécrétant de nombreux anticorps
été rencontré ou non par l’organisme. spécifiques de l’antigène. Les LTCD8+ spécifiques
de l’antigène sont également sélectionnés, se
Question 35 : C. multiplient et se différencient en lymphocytes
Les symptômes de la réaction inflammatoire sont
cytotoxiques.
la conséquence d’une vasodilatation des capillaires
sanguins, entraînant un afflux de sang (d’où la Question 41 : C.
rougeur) et de lymphe, à l’origine de la chaleur Un anticorps est composé de quatre chaînes pepti-
et du gonflement. La détection par les cellules diques, dont deux chaînes lourdes et deux chaînes
sentinelles des pathogènes entraîne la libération légères. Les extrémités variables des chaînes for-

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des médiateurs chimiques de l’inflammation ment deux sites de reconnaissance de l’antigène.
à l’origine des symptômes inflammatoires. Les L’extrémité constante des chaînes lourdes est
anticorps seront produits ultérieurement lors de reconnue par des récepteurs de la membrane
la réponse immunitaire adaptative. plasmique des cellules phagocytaires, permettant
la phagocytose des complexes anticorps-antigène.
Question 36 : D. Un anticorps donné n’est spécifique que d’un seul
En réaction à la présence des pathogènes, les antigène.
cellules de l’immunité innée (cellules dendri-
tiques, mastocytes et macrophages) sécrètent Question 42 : A.
les médiateurs chimiques de l’inflammation, Lors de la présentation de l’antigène par une cel-
qui déclenchent les symptômes de la réaction lule présentatrice de l’antigène aux LT CD8+, les LT
inflammatoire. CD8+ spécifiques de l’antigène sont sélectionnés, se
multiplient puis se différencient en lymphocytes
Question 37 : A. cytotoxiques. Ces deux dernières étapes néces-
Les médicaments anti-inflammatoires limitent sitent la présence d’interleukine 2, sécrétée par les
l’inflammation en inhibant la synthèse des mé- LT CD4+ activés, également appelés LT auxiliaires.
diateurs chimiques de l’inflammation, ce qui
réduit les symptômes gênants. Les médicaments Question 43 : D.
anti-inflammatoires n’empêchent pas l’élimina- Les LT auxiliaires ne sécrètent pas des anticorps,
tion des pathogènes par les cellules phagocytaires, qui sont produits par les plasmocytes (également
ni l’installation de la réponse adaptative. appelés LB sécréteurs d’anticorps). Les LT auxi-
liaires ne sont pas des lymphocytes cytotoxiques,
Question 38 : B et C. qui sont formés à partir des LT CD8+. Les LT
Les cellules réalisant la phagocytose sont les auxiliaires, issus des LT CD4+, sont indispen-
macrophages et les granulocytes. Les lymphocytes sables à la réaction immunitaire adaptative, car
n’interviennent que dans la réponse adaptative ils sécrètent des médiateurs chimiques (comme
tandis que les hématies, ou globules rouges, sont l’interleukine 2), qui activent la multiplication
responsables du transport du dioxygène dans le clonale et la différenciation clonale des LB, des LT
sang et ne participent pas à l’immunité. CD8+ et d’eux-mêmes.
Question 39 : A et D. Question 44 : B.
Les cellules dendritiques sont des leucocytes, Lorsque l’organisme rencontre un pathogène
circulant dans les tissus et capables de phagocyter qu’il a déjà rencontré, la réponse immunitaire
les pathogènes et de présenter les antigènes issus est plus rapide et quantitativement plus im-
de ces pathogènes au sein de leurs récepteurs portante que lors d’un premier contact avec
membranaires, appelés CMH (complexe majeur le pathogène. L’efficacité accrue de la réponse
d’histocomptabilité), à d’autres cellules immuni- immunitaire secondaire est due à la mémoire
taires, afin de déclencher la réponse immunitaire immunitaire.
adaptative. Les cellules dendritiques sont donc des
cellules présentatrices de l’antigène.
Question 45 : D.
La vaccination consiste en l’injection d’un agent
Question 40 : D. vaccinant constitué de pathogènes tués ou atté-
La réponse immunitaire innée, avec la mise en nués ou de fragments de pathogènes. Ces agents
place de la réaction immunitaire inflammatoire, vaccinants doivent être suffisamment immuno-
est responsable des symptômes inflammatoires gènes pour déclencher une réponse immunitaire
(gonflement, rougeur, chaleur et douleur) et avec mise en place d’une mémoire immunitaire,

15
Réviser son bac avec
sans être pathogènes afin que l’individu vacciné ne de neuromédiateurs dans la fente synaptique. Les
déclare pas la maladie contre laquelle il est vacciné. neuromédiateurs se fixent sur des récepteurs de
la membrane plasmique de la cellule musculaire,
Question 46 : A et D.
entraînant un potentiel d’action musculaire, à
Le phénotype immunitaire d’un individu est sa ca-
l’origine de la contraction du muscle. Au niveau de
pacité à répondre aux pathogènes qu’il rencontre :
la synapse neuromusculaire, le message nerveux
il s’enrichit en fonction des antigènes rencontrés
est de nature chimique et son intensité est codée
naturellement, mais aussi en fonction de ceux ren-
en concentration de neurotransmetteurs.
contrés – artificiellement – lors des vaccinations.
C’est la présence d’une mémoire immunitaire qui Question 51 : B.
explique cette capacité d’évolution du phénotype La commande des mouvements volontaires fait
immunitaire. intervenir le cerveau et la moelle épinière. Dans
le cerveau, le cortex moteur regroupe différentes
aires motrices, d’où partent des neurones reliés à

et communication strictement interdites.


la moelle épinière.

Neurone et fibre Question 52 : A.


Les voies de la commande de la motricité vo-

musculaire : lontaire sont croisées : le cortex moteur droit


commande donc les mouvements volontaires
de la partie gauche du corps. Le cortex moteur
la communication gauche commande inversement les mouvements
volontaires de la partie droite du corps.
nerveuse Question 53 : D.
Question 47 : B. Une fibre musculaire est innervée par un seul
Le réflexe myotatique est responsable de mou- motoneurone et elle se contracte lorsqu’elle reçoit
vements involontaires dont le centre nerveux le message nerveux du motoneurone.
est situé dans la moelle épinière. Les réflexes Question 54 : C.
myotatiques sont monosynaptiques, car l’arc Le cortex moteur contient plusieurs aires céré-
réflexe constituant l’ensemble du circuit nerveux brales : aire motrice primaire, aire prémotrice,
ne fait intervenir qu’une seule synapse entre le aire motrice supplémentaire et cortex pariétal.
neurone sensoriel et le neurone moteur. Cette Ces différences aires cérébrales échangent des

& Le Monde, 2017. Reproduction, diffusion


synapse est située dans la substance grise de la informations pour permettre la commande des
moelle épinière. mouvements volontaires. Les cartes motrices
(régions du cortex moteur activées lors d’un
Question 48 : C. mouvement volontaire) évoluent au cours de la
Le neurone moteur transmet les informations
vie, en fonction notamment des apprentissages,
nerveuses du centre nerveux situé dans la moelle
et elles ne sont donc pas totalement déterminées
épinière vers le muscle effecteur. Le message ner-
à la naissance.
veux est codé en fréquence de potentiel d’action.
Le potentiel d’action constitue un signal nerveux Question 55 : A et C.
élémentaire, ayant toujours la même amplitude La plasticité cérébrale consiste en des modifica-
et la même durée. tions des réseaux de neurones. Cette plasticité
cérébrale dépend des stimulations de l’environ-
Question 49 : A et D. nement : elle est particulièrement intense durant
La moelle épinière est un centre nerveux situé l’enfance, mais elle se poursuit le reste de la vie
sous le cerveau. Les neurones sensoriels che- de l’individu, permettant l’évolution des capacités
minent par les racines dorsales, puis, au niveau motrices.
séparément.

d’une synapse située dans la substance grise de la


moelle épinière, ils sont en contact avec le neurone
moteur (ou motoneurone). Le motoneurone che-
écoles

mine alors par les racines ventrales de la moelle


épinière et rejoint les muscles.
vendu
êtredes

Question 50 : B et C.
La synapse neuromusculaire est la zone de contact
rue

entre le motoneurone et la cellule musculaire.


peut
Ne ©

L’arrivée d’un message nerveux dans le motoneu-


rone déclenche la libération par le motoneurone

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