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A Hong Kong, un quart de la population
manifeste. Qui sont ces manifestants?
PAR MARGOT CLÉMENT
ARTICLE PUBLIÉ LE JEUDI 22 AOÛT 2019
Manifestant dénonçant les violences policières. © Reuters
Dimanche dernier, plus de 1,7 million de personnes
ont contesté l’autorité de Pékin à Hong Kong. Ils
s’apprêtent à récidiver en fin de semaine à l’appel
du Front civil des droits de l’homme. La moitié des
manifestants se considèrent issus de la classe moyenne
et 41 % sont issus des classes populaires. « Ils sont loin
d’avoir tous 20 ans », constate un retraité manifestant.
Hong Kong, correspondance.– Jusqu’où devra aller
à la désobéissance civile pour faire plier les autorités ?
Le mouvement massif de contestation à Hong Kong,
initialement modéré dans ses modes d’action, a semblé
de plus en plus tenté par les méthodes plus radicales.
Ce qui en dit long sur l’exaspération sociale et
politique, mais aussi sur la politisation de la société.
Plus les années passent, plus Pékin accroît son
influence et moins les Hongkongais acceptent l’idée
de devoir se soumettre au gouvernement central.
Étudiants, bien sûr, mais aussi jeunes actifs, retraités,
avocats, employés de la finance, salariés du métro,
personnel médical hospitalier ou bien encore cadres,
commerçants et entrepreneurs, la liste s’étire des
catégories socio-professionnelles ayant rejoint le
mouvement de défiance à l’égard de Pékin. Des zones
populaires de Tuen Mun ou Shatin aux secteurs aisés
de l’île de Hong Kong, tous les quartiers du territoire
de 1 100 km2 sont impliqués dans cette contestation
intergénérationnelle déclenchée par un projet de loi
qui visait à autoriser les extraditions vers la Chine. Et
alors même que Pékin vient de muscler sa rhétorique,
plus de 1,7 million de personnes, soit près d’un quart
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de la population, ont contesté à nouveau son autorité
dimanche dernier et s’apprêtent à récidiver en fin de
semaine à l’appel du Front civil des droits de l’homme.
Et d’autres grèves sont en gestation.
La cheffe de l’exécutif hongkongais, Carrie Lam,
accuse depuis le début les jeunes en première ligne
d’être des émeutiers et de déstabiliser l’économie de
Hong Kong. « C’est faux. La plupart des manifestants
sont pacifiques et modérés », critiquait ainsi dimanche
un retraité rencontré lors de la marche massive.
«Carrie Lam s’obstine dans son arrogance et ses faux
arguments, c’est cela aussi qui explique pourquoi il y
a autant de gens mobilisés, et ils sont loin d’avoir tous
20 ans », expliquait cet ancien postier. La contestation
en cours est « loin d’être un simple mouvement
d’étudiants. La crise est bien plus profonde. Et même
si je désapprouve parfois certaines méthodes des
manifestants et que certains ont pu dépasser les
limites, nous les soutenons dans le combat ».
Manifestant dénonçant les violences policières avec le
portrait de la cheffe du gouvernement Carrie Lam. © Reuters
Même discours chez trois trentenaires rencontrés lors
de mobilisations récentes et qui ne s’intéressent que
depuis début juin à la politique. « Le gouvernement
s’entête à ne pas répondre à nos demandes [dont
le retrait du texte sur les extraditions, une enquête
indépendante sur les actions policières et l’application
du suffrage universel – ndlr], et ça explique la
radicalisation du mouvement et des méthodes ». Et une
augmentation de la participation.
Une étude publiée mi-août par des chercheurs de
quatre universités du territoire a permis de dresser
le profil des protestataires interrogés au cours
de 12 manifestations – rassemblements de masse,
manifestations mobiles et statiques. Les 20-29 ans sont
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les plus représentés (49 %), suivis par les 30-39 ans
(19 %), puis les moins de 20 ans (11 %), alors que 16 %
ont plus de 40 ans.
Dès le printemps, une partie des Hongkongais se sont
élevés contre le projet de loi sur les extraditions, car
il mettait selon eux en péril les valeurs fondamentales
du territoire semi-autonome, mais aussi ses avantages
économiques. Autoriser que l’on remette des gens à
la justice chinoise, opaque et corrompue, aurait porté
un coup à l’indépendance de la justice hongkongaise,
et donc à l’attractivité de son économie pour les
entreprises du monde entier. Les autorités refusant de
transiger, le mouvement a évolué, dans ses méthodes,
ses revendications et sa participation.
Selon l’étude universitaire publiée mi-août, 50 %
des manifestants se considéraient issus de la classe
moyenne, et 41 % des classes populaires.
Fin juillet, par exemple, plus de 600 fonctionnaires
(plutôt bien lotis au niveau des salaires par
comparaison avec le privé) sont sortis de leur réserve
et ont signé une pétition pour dénoncer la gestion de
la crise par le gouvernement et surtout par la police,
avant que 40 000 d’entre eux (sur un total de près de
180 000) ne manifestent le 2 août, malgré leur devoir
de réserve et les risques de sanctions.
« La police traite les manifestants de
“cafards” »
Des enseignants envisagent de ne pas faire cours en
septembre, faisant valoir leurs « responsabilités dans
l’éducation et la protection de la jeune génération ».
Par ailleurs, fait rare, des avocats ont par deux fois
organisé des marches silencieuses afin de dénoncer
des poursuites judiciaires parfois politiques et allant
à l’encontre de l’indépendance du système judiciaire
garantie par le principe « un pays, deux systèmes ».
Ils citaient notamment le cas d’un étudiant arrêté pour
« port d’arme », en l’occurrence un stylo muni d’un
pointeur laser.
Mais ce mouvement populaire, s’il s’éternise, peut
porter atteinte la stabilité de la place financière
hongkongaise, qui est à la fois une véritable porte
sur l’économie mondiale pour la Chine et un lieu
privilégié des investissements des oligarques chinois.
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Pékin a donc haussé le ton la semaine dernière et
menacé des entreprises de boycott en cas de soutien à
la contestation. La compagnie aérienne hongkongaise
Cathay Pacific a notamment servi d’exemple. Cathay
s’était attiré les foudres des nationalistes chinois après
que certains des 27 000 employés eurent pris part
aux manifestations pro-démocratie ou exprimé leur
soutien au mouvement. Résultat : deux pilotes ont été
limogés, le PDG a été débarqué.
Malgré les risques encourus, comment
expliquer que des catégories socio-professionnelles
traditionnellement modérées et apolitiques rejoignent
la contestation ? « La cause immédiate de la colère
des gens est la violence de la police », estime Benson
Wong.
Le 21 juillet a marqué à cet égard un tournant et
accentué les clivages dans la société. Ce jour-là, une
centaine d’hommes armés de bâtons ont tabassé des
manifestants à Yuen Long, dans le nord des Nouveaux
territoires, près de la frontière avec la Chine. La
police n’est pas intervenue, signe pour beaucoup de la
collusion entre les forces de l’ordre et les triades.
« La police traite désormais les manifestants de
“cafards”, elle nous déshumanise et tire sur des
manifestants presque à bout portant », dénonçait
une mère venue manifester avec son fils dimanche
dernier. D’autres riverains et des commerçants se sont
également offusqués des tirs de lacrymogènes dans
des zones touristiques et des centres commerciaux
ou à proximité de tours d’habitation. « Les méthodes
de la police de Hong Kong ressemblent désormais à
celle de la police chinoise et c’est insupportable. Nous
ne sommes pas en Chine ici », s’indigne la mère de
famille.
De même, les autorités ont refusé à plusieurs reprises
de délivrer des autorisations à manifester, sous couvert
de maintien de l’ordre et de sécurité. Cela a échauffé
les esprits et conduit des milliers de gens, y compris
des retraités ou des familles, à participer à des
rassemblements illégaux – en dépit du risque de
poursuites judiciaires –, et cela pour défendre le
droit même de pouvoir manifester et de signifier leur
attachement à des droits constitutionnels. « On en
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est réduits à manifester pour défendre des droits de
l’homme, nos libertés civiques de base », résumait
dimanche à Causeway Bay Mme Wong, professeur de
piano de 36 ans.
« Beaucoup de gens estiment que les perturbations ne
sont pas le fait des manifestants mais de la police.
Et alors qu’ils condamnaient inconditionnellement la
violence dans le passé, de plus en plus de Hongkongais
estiment désormais qu’elle est nécessaire pour les
protéger et pour pousser le gouvernement à accéder à
leurs demandes », estime Benson Wong, politologue
hongkongais indépendant. Selon lui, « beaucoup de
personnes dans la société civile ne sont pas actrices
du mouvement, mais elles le comprennent, voire le
rejoignent ».
Alors le gouvernement local tente comme il peut de
retourner une partie de l’opinion. Et plus seulement en
promettant les monts et merveilles d’une plus grande
intégration à la Chine, au travers notamment de la
gigantesque région de la Grande Baie, censée aller de
Hong Kong à Macao et Canton et générer des millions
d’emplois et de gigantesques profits.
Subventions pour les crèches, allègement des taxes
sur les salaires, coup de pouce pour les factures
d’électricité ou autres gestes pour les particuliers ont
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Directeur éditorial : François Bonnet
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Société des Amis de Mediapart.
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été annoncés vendredi dernier par le ministre des
finances hongkongais comme autant d’onguents pour
les plus âgés, les plus jeunes et les plus défavorisés.
Des baisses de loyers et d’autres aides financières
ont également été promises aux petites et moyennes
entreprises, qui représentent près de la moitié des
emplois et commencent à pâtir de la crise actuelle,
notamment les secteurs de la distribution, de la
restauration et du tourisme.
« À Hong Kong, la redistribution d’argent ne
concerne que certaines catégories de la société »,
souligne Benson Wong. « C’est la politique du
diviser pour mieux régner. Alors qu’à Macao »,
l’autre région administrative spéciale de Chine,
« les autorités locales arrosent tous les citoyens,
résidents permanents ou non », qui reçoivent chacun
l’équivalent de 10 000 patacas par an (1 100 euros)
d’aide publique.
Mais cela ne suffira sans doute pas à calmer
l’exaspération des Hongkongais. Depuis 2014 surtout,
et l’échec relatif du Mouvement des parapluies,
beaucoup avaient abandonné l’idée de protester, de
peur de se heurter à l’ire des autorités chinoises. La
contestation en cours leur a redonné espoir et montré
qu’une mobilisation populaire pouvait faire reculer
Pékin.
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