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Philosophie

Ennui et travail

Nous sommes finalement tous un peu Harpagon : le vieillard de la pièce de Molière.


Harpagon est un avare complètement affolé à l'idée de perdre ne serait-ce qu'une seule pièce de son
précieux trésor de dix milles écus d'or. Il l'a enterré dans une cachette secrète afin que personne ne
puisse la découvrir. Il aime tant l'argent qu'il ne vit que pour cela, il vérifie ses dépenses, est
heureux quand il en reçoit d'avantage et est malheureux quand il le perd. A la fin de la pièce, il reste,
comme au début de celle-ci, seul avec son argent tandis que son fils se marie avec la femme qu'il
aime. Cet homme complètement fou à nos yeux ne semble pourtant pas si différent de notre société
selon Nietzsche. Les deux aiment l'argent et ne vivent que pour cela et deviennent heureux quand ils
en ont plus. Le travail étant un moyen de gagner de l'argent, Nietzsche va s'interroger sur ce dernier
et aussi sur l'ennui. Ainsi, devons-nous penser le travail seulement comme un moyen ? Nietzsche
s'interroge sur ce point pour permettre de redéfinir le travail. Doit-il devenir un but en lui même ?
C'est ce dont Nietzsche va essayer de nous convaincre. Car à considérer le travail comme un simple
moyen de faire de l'argent, la société pourrait se retrouver avec pleins d' « Harpagon » qui
finalement ne chercherait le bonheur que par l'argent.
Nietzsche va d'abord établir un premier constat, de la ligne 1 à 4 : Les Hommes recherchent
au travers du leur travail une simple chose : l'argent. Ainsi de la ligne 4 à 10, va nous présenter des
Hommes différents qui utilisent le travail comme une source de bonheur. Il va de la ligne 10 à 16,
nous présenter comment ces Hommes sont capables d'obtenir leur bonheur au travers de leur travail.

Nietzsche commence déjà par définir dans le cadre qu'il évolue, il donne ainsi un repère
spatiale et temporel. Ce repère étant : « les pays de la civilisation ». Il s'agit ici des villes modernes
dans l'époque évolue Nietzsche. Il exclut donc une certaine partie de la population de son analyse
philosophique qui suit. Il exclut ainsi toutes les populations qui ne vivent pas dans les sociétés
modernes de l'époque. Il commence donc tout d'abord par faire un constat qui est le suivant. Chaque
travailleur cherche un travail en recherchant un « gain abondant » que nous pouvons traduire par de
l'argent. Le travail se définit donc comme le moyen de gagner de l'argent. C'est la première
définition que pose Nietzsche concernant le travail. Celui-ci aurait donc une simple fonction
utilitariste qui permet de se procurer des biens matériels. Cette définition rejoint celle de Marx. Ce
dernier stipulant que le travail est une interaction avec la Nature. L'Homme modelant la Nature et la
modifiant dans l’intérêt de survivre. L'argent que récolte donc le travailleur lui permet alors de
survivre et de satisfaire ses besoins primaires. Cependant Nietzsche ne s'arrête pas là. Il introduit la
notion de but. Selon lui, il existe une autre façon de voir le travail que la première vision donnée ci
dessus. Cette vision voit le travail comme un but et non un moyen. Il dit en même temps que cette
seconde vision du travail n'est pas celle partagée par les Hommes. Ces derniers, cherchant à
acquérir de l'argent, ne cherche pas à travailler pour travailler. Il ne voit pas le travail comme une
source d'accomplissement mais comme une source de revenu. Ce qui les amène à choisir le premier
travail qu'il trouve convenable, dans le sens où celui-ci est une forte source de bénéfice financier.
Leur travail ne répondant donc pas forcement à ce qu'ils aiment faire, à ce qu'ils désirent
entreprendre. Ainsi Nietzsche annonce sa thèse et fait un constat. Il affirme donc sa position sur le
travail des Hommes et cherche de même à dénoncer le paradoxe suivant: les Hommes veulent de
l'argent pour vivre mais ne peuvent en profiter il la passe à travailler.

Il laisse alors une solution s'entrevoir : considérer le travail comme un but.

Le constat précédant est à préciser et nous le comprenons bien grâce au mot de liaison
« or ». Selon Nietzsche, tous les Hommes ne sont pas comme ceux cités ci dessus. Ils existent des
personnes « rares » qui considèrent le travail comme un but et non comme un moyen. Dès le départ,
on comprend donc que Nietzsche met ces gens dans une autre catégorie que les précédant. Ils sont
rares c'est à dire que dans un ensemble d'Hommes, ces derniers sont très peu nombreux, ils sont
différents de la masse. Ils sont différents sur le point suivant. Ils ne peuvent travailler sans que leur
travail ne leur apporte de joie c'est à dire de la satisfaction, du bien être. Cela semble une évidence
pour ces personnes là : ils seraient prêt à « périr » pour cette cause. Ainsi cette image permet à
Nietzsche de tirer une conclusion : travailler doit être synonyme de joie. Elle permet au travailleur
de rester en vie et de ne pas tomber dans la simple survie. La joie et donc le travail sont des sources
de bien être, qui permettent au travailleur de rester vivant. Cependant, ce travail n'est pas facile à
trouver. A l'inverse de la majorité des Humains qui prennent le premier travail venu, ces Hommes
cherchent énormément avant de trouver un travail qui leur apporte de la joie. Ils écoutent leurs
désirs, leurs envies et accordent les moindres détails au choix du travail. Seuls certains travaux leur
plaisent et le choix qui en découle n'est donc pas facile. Ainsi, ces personnes ne jugent pas la valeur
du travail à la valeur du salaire de ce dernier mais à la quantité de bonheur qui en découle.
Nietzsche parle ici du « gain de tous les gains ». On en déduit que c'est le bonheur. Ce gain semble
bien supérieur au « gain abondant » qui représente l'argent. L'argent est quelque chose d'éphémère,
qui est lié à la consommation et qui n'a aucune permanence. Cela rappelle la notion d'animal
laborans de Anna Arendt. La consommation est éphémère et qu'elle n'est pas durable. L'Homme en
consommant et en recherchant le « gain abondant » se rapproche plus de l'animal que de l'Humain.
A l'inverse, le bonheur est purement humain et totalement durable, il ne permet pas de servir les
besoins primaires. C'est un sentiment de bien être et de satisfaction qui dure dans le temps. On dit
alors que l'Homme est heureux. Alors, l'Homme acquiert réellement son Humanité lorsqu'il effectue
un travail dans lequel il est heureux. Les Hommes qui utilisent simplement le travail comme un
moyen ne sont pas humains. Ils utilisent leur argent dans la consommation qui est éphémère et qui
sert leurs besoins primaires. Les Hommes rares font de leur travail une source de bonheur qui leur
permet d'acquérir leur Humanité, « le gain de tous les gains » est donc le bonheur mais aussi
l'Humanité. Il va ensuite donner un exemple de ces Hommes rares dont il parle. Il cite les
« artistes ». Ces derniers ne recherchent en effet pas le gain abondant. Ils recherchent à satisfaire
leur désir qui est de faire de l'art. De même pour les contemplatifs qui trouvent leur joie dans la
contemplation de la Nature, de la beauté des Arts etc... Les désoeuvrés sont eux aussi cités par
Nietzsche. En effet, ils font de leur vie une création artistique, au même plan que les artistes. Ils
créent leurs histoires, leurs aventures ce qui les rend heureux. Ils ne recherchent alors pas de gain
abondant. Nietzsche cherche ainsi à défendre sa thèse, il montre grâce au bonheur que le travail doit
être considéré comme un but et non un moyen. Ensuite Nietzsche va associer travail, peine et
plaisir. On peut penser pourtant au début que peine et plaisir sont contradictoires. Cependant, il nous
explique que le travail amène la peine mais que ces deux derniers amènent le plaisir. Ce plaisir
permet donc de surmonter la peine qui a été produite par le travail. Ce plaisir fourni par le travail va
permettre alors à l'Homme de surmonter toutes les difficultés liés à la peine et donc de convoiter les
travaux les plus prestigieux et les plus difficiles si cela est nécessaire. C'est à dire que peut importe
le travail, tant que celui procure du plaisir, ces Hommes la surmonteront toute la peine possible pour
effectuer ce travail. Le plaisir est une notion importante dans le bonheur, donc si ces Hommes
effectuent ce travail très difficile c'est aussi pour être heureux. Grâce à cet exemple et cet argument
Nietzsche montre le grande volonté dont font preuve ces Hommes rares. Ils sont prêt à tous les
sacrifices, à toutes les peines pour effectuer un travail qui leur amènera du plaisir et du bonheur.
C'est cette détermination qui les rend Humains aussi. Les animaux se servent de la Nature, de ce
qu'elle leur offre. A l'inverse des Hommes dont Nietzsche parlait et des animaux, ces Hommes rares
vont allé plus loin. Ils ne se contentent pas du premier travail venu, ils cherchent d'abord à
comprendre leur désir. C'est ensuite qu'ils chercheront le travail en adéquation avec leur désir et leur
envie. Ce qui les mènera vers la route du plaisir, du bonheur.

Nietzsche montre aussi comment ces Hommes rares réussissent à trouver le travail qu'ils
aiment.

Tout d'abord, Nietzsche démontre que ces Hommes rares, si ils ne sont pas contentés par leur
travail, si il ne leur apporte ni plaisir ni bonheur, ces Hommes là vont être pris d'une « paresse
décidée ». C'est à dire qu'ils ne souhaiteront rien faire. La détermination qui les animaient pour
effectuer les travaux les plus difficiles disparaît. Celle-ci disparaît pour une raison évidente :
l'absence de plaisir dans leurs travail. Cette paresse peut aller jusqu'à des conséquences très graves :
la perte d'argent, le « déshonneur », les problèmes de santé voir la mort. Ces exemples donnés par
Nietzsche ne font que renforcer l'importance de la détermination pour trouver un travail ou du
plaisir dans le travail. Pourtant cette résignation semble totalement volontaire. C'est finalement le
rejet d'une société qui les pousse à descendre aussi bas dans l'échelle sociale. Un société qui néglige
le plaisir au travail et une société qui exalte le gain abondant. Cette résignation qui amène l'ennui.
Cette notion semble être le contraire de travail, surtout dans les pays modernes. Pas pour Nietzsche,
qui donnera une définition un peu plus tard dans le texte. En effet, il associe travail et ennuie. Pour
ces Hommes rares, l'ennuie n'est pas pire que le travail sans plaisir. C'est à dire que le travail sans
plaisir ne représente rien pour ces Hommes rares. Nietzsche va encore plus loin. L'ennui est une des
bases les plus importantes pour que ces Hommes rares réussissent leur travail. L'ennui n'est pas une
notion négative pour Nietzsche, c'est une notion positive. De même que l'ennui ne semble pas être
une action passive mais bien active. C'est donc un pilier de la réussite du travail. Nietzsche
commence donc déjà à définir la notion d'ennui. Il continue en donnant une définition de l'ennui. En
effet, selon les philosophes, « les penseurs », et les artistes, « les esprits inventifs » l'ennui est un
« calme plat ». Cette image décrit en fait un état d'attente, où l'Homme semble totalement serein et à
l'écoute de lui même. Ce calme est en fait une source d'inspiration, de réflexion. Il est propice ainsi
à la création. Cet état est ensuite suivit par la concrétisation des idées venus lors de cette phase de
calme et de réflexion. Cette concrétisation qui est remplie de plaisir et de joie. Cette concrétisation
permet aux Hommes concernés de travailler et donc de trouver le bonheur. Ainsi selon Nietzsche,
l'ennui fait travailler. Il permet aux Hommes qui s'y prête d'atteindre le bonheur, la joie. Cependant,
cet ennui, comme le travail semble être une action pleine de peine. L'ennui n'est pas facile à
supporter et l'Homme qui veut atteindre le bonheur devra prendre sur lui-même et supporter l'ennui.
S’opère alors une sélection naturelle selon Nietzsche : les plus faibles ne tiendront pas cette attente,
ce calme plat et les plus forts résisteront et atteindront le bonheur. Il emploie le terme « nature
moindre » pour désigner les Hommes qui au début de ce texte utilisait le travail telle une source de
revenu et non comme un but lui même. Il va donc faire une hiérarchie entre les Hommes. Les
personnes qui arrivent à s'ennuyer, qui arrive à s'inspirer du calme plat semblent supérieurs aux
premiers Hommes. De même, ces « natures moindres » ne semblent pas libre. Elles semblent rester
enfermée dans un système, dans une société qui décide du travail qui leur plaira rien qu'en fixant un
prix. Ils ne semblent pas pouvoir sortir non plus de cette société car ils ne sont pas capables de
supporter l'ennui qui est l'ennemi des sociétés modernes. Ils sont condamnés ainsi à vivre dans cette
société faite d'argent et de survie.

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