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Centre Pompidou

Boltanski
Dossier
de presse
Direction de la communication
et du numérique
Faire son temps
centrepompidou.fr

13 novembre 2019 – 16 mars 2020


#ExpoBoltanski
Centre Pompidou

Boltanski
Faire son temps
13 novembre 2019 – 16 mars 2020
Galerie 1, niveau 6

Dossier Sommaire
de presse
Direction de la communication
Direction de la communication
et du numérique Faire son temps p. 3 - 5
et du numérique
75191 Paris cedex 04 À propos de l’exposition
centrepompidou.fr
Directrice
Agnès Benayer Christian Boltanski et Bernard Blistène p. 6 - 16
T. 00 33 (0)1 44 78 12 87
agnes.benayer@centrepompidou.fr
Entretien
Attaché de presse Le parcours de l’exposition p. 17 - 18
Timothée Nicot
T. 00 33 (0)1 44 78 45 79 Autour de l’exposition p. 19
timothee.nicot@centrepompidou.fr
assisté de Publications p. 20
Grégoire Samson
T. 00 33 (0)1 44 78 12 49
gregoire.samson@centrepompidou.fr Informations pratiques p. 21
centrepompidou.fr
#ExpoBoltanski
Boltanski Faire son temps Dossier de presse

Boltanski
Faire son temps
13 novembre 2019 – 16 mars 2020
Galerie 1, niveau 6

Vaste déambulation en forme de méditation sur la vie et son cours, Misterios


2017
l’exposition de l’œuvre de Christian Boltanski au Centre Pompidou
entre le 13 novembre 2019 et le 16 mars 2020, propose un regard Pour trouver une réponse à la question
de la destinée, Boltanski, ayant appris
singulier sur l’un des principaux artistes de notre temps.
que chez les Amérindiens les baleines la
Après la première rétrospective que le Centre Pompidou lui consacrait connaissent, s’est rendu au nord de la
Patagonie, dans le village de
en 1984, cette nouvelle exposition développe un parcours de 2000
Bustamante. Les baleines se réunissent
mètres carrés au cœur duquel Boltanski met en scène un choix à certains moments de l’année.
d’œuvres par lesquelles il ne cesse d’explorer la frontière entre Il y a installé, avec l’aide d’ingénieurs
présence et absence. acousticiens, des trompes dont la forme
a été étudiée pour que le vent puisse
Conjuguant mémoire individuelle et collective à une réflexion toujours s’engouffrer à l’intérieur et émettre des
plus approfondie sur les rites et les codes sociaux, Boltanski développe sons très proches du chant des baleines.
Ces objets sonores, situés dans cet
depuis un demi-siècle une œuvre sensible et corrosive, tel un état de
endroit désertique, sont voués à la
veille lucide sur nos cultures, leurs illusions et désenchantements. disparition ; il n’en restera que le récit.

Vidéoprojection sur 3 écrans,


format 16/9, son stéréo, couleur,
durée : 12 heures
Archives Christian Boltanski
Photo © Christian Boltanski
© Adagp, Paris, 2019
Centre Pompidou

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Boltanski Faire son temps Dossier de presse

Depuis ses débuts, en 1967, Boltanski scrute la vie des hommes et ce


qui en subsiste après la mort, une fois qu’ils ont fait leur temps. Commissaire
En recourant à l’inventaire et l’archive, il développe au gré d’albums Bernard Blistène
photographiques ou d’objets reconstitués comme autant de souvenirs Directeur du Musée national d’art moderne,
d’enfance, un essai de reconstitution de la vie des êtres pris dans Centre de création industrielle
l’anonymat de leur disparition. Par le biais de « petites histoires », Avec la collaboration d’Annalisa Rimmaudo
il met en exergue tout un chacun et personne et s’attache à la mise en Attachée de conservation, Musée national d’art moderne,
forme fragile et troublante d’une mémoire collective de l’humanité. Service des collections contemporaines

D’envois postaux en documents mêlant fictions et vies réelles, Chargé de production Hervé Derouault
Architecte scénographe Jasmin Oezcebi
d’évocations de l’enfance perdue à la suggestion de la mort latente,
Boltanski a toujours mis en scène la fragilité de l’être. L’éphémère Avec le soutien de la société Raja
gouverne toute l’œuvre et l’utilisation d’éléments voués à la
conservation, à la pérennisation, tels les boîtes métalliques ou les
vitrines, apparaît d’abord comme un vocabulaire plastique récurrent
En partenariat avec Vranken-Pommery Monopole
au cœur de ses premières œuvres.
La pratique de Boltanski concilie ainsi le caractère dérisoire de toute En partenariat média avec :
action avec le désir de permanence et de préservation propre à toute
civilisation. Elle témoigne aussi de l’acharnement avec lequel l’art
tente de réussir à se saisir de la vie et de lutter contre l’oubli. L’art de Remerciements
Boltanski est d’abord un art du temps qui passe. Galerie Marian Goodman, Paris - Londres - New York
À partir de 1984, ses œuvres se détachent de l’ironie et de l’humour Galerie Kewenig, Berlin
qui les constituaient et se font plus sombres. Les Monuments, les Galeria Albarrán Bourdais, Madrid
Raphaële Coutant, Clémence Ouazana, Charlotte Richard
Reliquaires, les Réserves conjuguent les thèmatiques du souvenir et
de la disparition. Au-delà de ses travaux liés à la mémoire du monde,
les œuvres de Boltanski tendent à montrer, de manière chorale, les
structures mises en place par l’homme pour faire face à la mort.
Les années 1990 voient son travail s’orienter de plus en plus vers une
recherche portée par des mythes et des légendes puisant à
l’imaginaire collectif. En privilégiant des projets au contenu
« humaniste » comme le démontre la conception des Archives du
cœur, enregistrements d’innombrables battements de cœurs,
collectés, au fil du temps, à travers le monde et conservés à l’abri du
temps sur l’île de Teshima, au Japon, Boltanski fait de son œuvre une
ample allégorie de l’éternité. Crépuscule
2015
Dans ses œuvres plus récentes, Boltanski explore la fatalité et
questionne le hasard en construisant des dispositifs où la vie Chaque jour une des nombreuses
ampoules, composant l’installation
s’apparente toujours plus à une loterie. Plus près de nous encore, les s’éteint. Le temps d’une exposition,
immenses installations immersives de l’artiste se confrontent aux la pièce, qui est au début très éclairée,
espaces du bout du monde où il aime se rendre, à la recherche de devient à la fin complètement sombre.
mythes enfouis qui deviennent le support de ses propres installations. Avec cette œuvre, Boltanski apporte une
autre image à sa réflexion sur l’avancée
Conçue sous la forme d’un chemin et comme une œuvre en soi, du temps et sur la précarité de
l’exposition conduit le visiteur à s’immerger au cœur d’une méditation l’existence.

sur la préservation de l’être. Se rapprochant du champ plastique et Ampoules, douilles,


temporel du théâtre, domaine qu’il investit depuis plusieurs années, fils électriques noirs,
dimensions variables
l’artiste dresse la scène d’une grande métaphore du cycle humain, Archives Christian Boltanski
de la naissance à la disparition. Photo © Joana França
© Adagp, Paris, 2019
Centre Pompidou

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Boltanski Faire son temps Dossier de presse

J’ai décidé de m’atteler au projet qui me tient à cœur depuis longtemps :


se conserver tout entier, garder une trace de tous les instants de notre vie,
de tous les objets qui nous ont côtoyés, de tout ce que nous avons dit et
de ce qui a été dit autour de nous, voilà mon but.
Christian Boltanski

Christian Boltanski naît à Paris en 1944. Il pratique la peinture entre Départ


2015
1957 et 1968, puis s’en éloigne pour réaliser de courts films d’artiste.
En 1969, il expose au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Le titre prend son origine dans le titre
qu’Alain Resnais aurait voulu donner
Ses œuvres autour des rites sociaux, réalisées avec diverses à son dernier film : Arrivée et départ.
techniques, attirent l’attention de la galeriste Ileana Sonnabend. Ces deux mots, un peu comme le tiret
qui relie les dates de naissance et de
Il expose ensuite à la Documenta 5 d’Harald Szeemann en 1972 dans
mort dans Mes Morts, signifient pour
la section « Mythologies individuelles ». Boltanski la vie, celle qui s’écoule entre
les deux.
Son travail prend une autre orientation en 1986 pour son exposition
à la Chapelle de la Salpêtrière à Paris, où il commence à réaliser des Douilles, ampoules, fils électriques,
170 × 300 × 10 cm
installations in situ incluant la lumière.
Courtesy Christian Boltanski
À partir de 1998, il pense ses expositions comme des œuvres à part et Galerie Marian Goodman.
Photo © Rebecca Fanuele
entière. Depuis 2008, il crée des installations dans des endroits
© Adagp, Paris, 2019
reculés du monde.
Lauréat de plusieurs prix internationaux dont le Praemium Imperiale
japonais reçu en 2006, il a exposé dans le monde entier et a représenté
la France à la Biennale de Venise en 2011.
Centre Pompidou

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Boltanski Faire son temps Dossier de presse

Christian Boltanski et Bernard Blistène


Entretien
Extraits du catalogue de l’exposition
(cf. p.20)

Jour 1 — C.B. Je pense que je suis désormais dans le temps additionnel, — C.B. L’Homme qui tousse est très proche de certains tableaux,
j’aurais pu mourir il y a une dizaine d’années. Et en fait, dans ma vie comme La Chambre ovale que vous avez dans votre collection. J’ai
d’artiste, il y a eu deux mi-temps et depuis une dizaine d’années, je peint de nombreux tableaux dont une grande partie a été détruite.
suis dans un temps additionnel. Dans une vie d’artiste, on répète Dans cette période de ma vie, j’étais très étrange, au point que je
toujours les mêmes choses, mais il y a des moments de grande pense que c’était un travail d’outsider. J’aurais pu, si les conditions
rupture. Donc, il y a eu les premières œuvres qui ont vu le jour quand avaient été différentes, être un artiste de l’art brut.
je suis devenu adulte ; un deuxième moment, quand j’ai perdu mes — B.B. « Les conditions » ? Mais qu’est-ce qui t’a alors amené au
parents ; et un troisième quand je suis devenu vieux... C’est le temps cinéma ?
additionnel.
— C.B. J’aimais beaucoup le cinéma. Je construisais de grandes
— B.B. On dit parfois « le deuxième souffle » ; on dit d’une œuvre ou poupées et j’ai fait, comme tu sais, une sorte de petit film qui
d’une vie en général qu’il y a un mouvement ascendant et puis, il faut s’appelait La Vie impossible de Christian Boltanski, où je manipule ces
un deuxième souffle. En fait, quand je pense à toi, il y a eu ce moment poupées dans une maison qui était en ruine et je les jette d’un
où ton œuvre a perdu de son ironie et de tout ce qui t’avait fait escalier, je les bats, etc. C’est comme ça, d’ailleurs, que j’ai exposé au
Christian Boltanski, et tu es entré, je ne sais pas si on peut parler d’un cinéma-théâtre Le Ranelagh. Le directeur, Jean Genet, était un vieux
autre souffle, tu es entré absolument dans une autre dimension, au critique de cinéma surréaliste.
propre comme au figuré. [...]
— B.B. En fait, tu ne te sentais déjà pas davantage soumis à la
— B.B. Il y avait cette tension entre ce qu’on avait formalisé logique d’un matériau précis. Tu aimais l’idée du plasticien naissant
ensemble, à l’occasion de ta première rétrospective au Centre qui faisait des films et qui se retrouvait dans un théâtre ?
Pompidou, entre C.B. et Christian Boltanski.
— C.B. J’ai fait venir Genet dans ce qui me servait d’atelier, et je lui
— C.B. Oui, absolument, il y a eu un début, la vie de C.B. Parmi les ai demandé de m’aider à réaliser des films. Il m’a répondu en
premières œuvres, en 1969, figure L’Homme qui tousse, qui est l’un m’invitant à exposer et sans doute parce que le travail que je faisais à
des petits films d’une série que j’ai faite à ce moment-là... Dans ce moment-là pouvait l’intéresser. Pour l’exposition « La Vie impossible
l’ensemble, il y a eu quatre ou cinq films très courts et puis il y en a eu de Christian Boltanski », réalisée en 1968, j’ai pris tout l’espace. J’ai
un plus long fait avec le GREC et c’était Essai de reconstitution des 46 été quelqu’un d’étrange mais en même temps, j’ai toujours eu une
jours qui précédèrent la mort de Françoise Guiniou. Ces films ont eu un activité prodigieuse, j’ai peint un nombre inimaginable de tableaux.
peu de succès mais j’ai compris que le cinéma n’était vraiment pas Et quand on m’a donné Le Ranelagh, je l’ai rempli complètement, j’ai
pour moi ! fait des caisses énormes, dont une dans laquelle on projetait le film.
J’ai eu le désir de faire d’autres films. J’ai rencontré un jeune preneur
La chambre ovale d’images, Jean-Claude Valésy, qui m’a aidé. On avait une caméra qui
1967 se remontait à la main – c’est pour ça que les plans de L’Homme qui
Ayant quitté l’école très tôt, confiné tousse, dans lequel mon frère jouait, sont extrêmement courts. Après
dans la maison familiale, Christian ça, Alain Fleischer m’a aidé. J’ai travaillé avec lui sur un film qu’il n’a
Boltanski a peint entre 1965 et 1968 de finalement jamais conclu. En tout cas, il s’agissait de films courts.
nombreux tableaux sur Isorel ou sur bois
Je ne connaissais pas du tout la vidéo. Je l’ai vraiment ratée, parce
dont la plupart ont été détruits.
La Chambre ovale est l’un des rares qui qu’elle est née à peu près à ce moment-là : j’ai vu une première vidéo
a subsisté grâce à son achat en 1968 par en 1972, à la Documenta. Les films étaient chers à couper et tout ça
Blaise Gauthier pour le compte de l’État. m’a semblé très lourd et je me suis arrêté. Essai de reconstitution des
Peinture acrylique sur Isorel, 46 jours qui précédèrent la mort de Françoise Guiniou est le dernier film
115 × 146,5 cm que j’ai fait et il est de 1971.
Centre Pompidou,
Musée national d’art moderne, Paris — B.B. Parallèlement, il y avait la photographie et tu as fait à ce
Achat de l’État, 1968 moment-là ton premier livre.
Attribution au Centre Pompidou,
Musée national d’art moderne, 2008 — C.B. Mon premier livre est de 1969 et s’intitule Recherche et
Photo © Adam Rzepka / Dist. RMN-GP présentation de tout ce qui reste de mon enfance, 1944-1950. Il s’agit
© Adagp, Paris, 2019
d’un petit livre qui est pour moi déterminant, où se concentre tout
mon travail futur. Je l’ai imprimé chez Claude Givaudan, qui avait une
— B.B. Dans cette exposition, tu présentes L’Homme qui tousse mais
Centre Pompidou

galerie boulevard Saint-Germain. Quand je m’ennuyais, j’allais tout le


il y a toute cette dimension proprement picturale dont j’ai souvent temps dans cette galerie où une machine à imprimer était à la
parlé avec toi, qui précède les films et que tu ne veux pas considérer disposition de tous. Il se trouve que ma famille n’avait pas d’album de
aujourd’hui comme le fondement de ton travail, qu’en quelque sorte, photos. La plupart de mes petits livres contiennent de fausses photos
tu escamotes ! que j’avais trouvées et qui représentaient quelqu’un d’autre.
— B.B. Tu es d’ailleurs l’un des premiers à t’intéresser à la photo
d’amateur, non ?

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Boltanski Faire son temps Dossier de presse

— C.B. Oui. Il y a Hans-Peter Feldmann qui, à peu près au même — B.B. Tu as conscience que L’Album de photographies de la
moment, réalise des petits livres similaires. Une pièce comme L’Album Famille D. est une pièce absolument majeure, qu’elle condense alors
de photographies de la famille D. entre 1939 et 1964 a été l’une des tous les aspects de la création du temps et de ta propre œuvre ?
premières affirmations de la photo d’amateurs comme art. C’est un — C.B. Oui, majeure à ce moment-là. Je pense que c’est une pièce
album de photographies composé de 150 photos prises entre 1939 et importante pour la découverte à l’époque de la photographie banale
1964. Cet album m’a été confié par mon ami Michel Durand que en noir et blanc, pas pour son côté esthétique mais pour son côté
j’avais choisi parce qu’il était pour moi un représentant d’une famille historique. C’étaient vraiment des photos d’amateurs : personne ne
française normale. Et le nom Durand est parmi les plus communs de travaillait sur l’idée de la photo ordinaire en noir et blanc comme
notre pays. Les albums de photographies ne sont qu’un recueil de œuvre d’art. Ce qui m’intéressait, c’était le déroulement d’une vie.
rites sociaux. Il y a toujours les mêmes rituels : les vacances, la Le cadre en fer-blanc est venu des trains de ma jeunesse où il y avait
première communion, les mariages, les baptêmes, jamais de morts ou des photos en noir et blanc avec un cadre en métal. [...]
de personnes malades. Il s’agit d’un portrait collectif et heureux de la
société. J’ai vu tout de suite la beauté de cet album, les traces d’une — B.B. As-tu été surpris d’une certaine forme de succès que tu as
mémoire disparue, le déroulement d’une vie allant vers l’oubli. [...] connu, somme toute très vite ?
— C.B. Je ne connaissais rien à rien. J’ai eu une chance inouïe dans
ma vie et tout est arrivé avec une très grande facilité. Tout a été une
question de rencontres et de hasard. Je faisais des envois que
j’adressais à une soixantaine de personnes et notamment à la Galerie
Sonnabend. Sarkis, qui travaillait à la galerie, ouvre l’enveloppe et
m’appelle. Je deviens ami avec Sarkis. Plus tard, Suzanne Pagé l’invite
à exposer au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, et comme
c’était un jeune artiste, on lui demande s’il avait un ami pour exposer
avec lui. Et Sarkis, très gentiment, me choisit. J’expose, Mme
Sonnabend vient au vernissage et achète tout ce qu’il y avait de moi.
Et c’est ainsi que je suis entré dans la Galerie Sonnabend, sans même
avoir été dans une galerie auparavant [...] Et à ce moment, il y a eu
une exposition organisée par Harald Szeemann. J’ai bavardé avec lui.
Il venait d’organiser « Quand les attitudes deviennent formes » et il
m’a dit : « Je vous veux à la Documenta ». [...]
— B.B. Tu laisses souvent entendre qu’au fil de tout ton travail et de
toutes ces décennies, ce sont les gens qui t’entraînent, que ce sont
ces complicités qui génèrent finalement les choses.
— C.B. Pour un artiste, ce sont les rencontres qu’il fait et surtout les
bonnes rencontres qui sont importantes... Quand j’avais entre 26 et 28
ans, j’ai rencontré Jean-Hubert Martin qui allait diriger le Musée
national d’art moderne au Centre Pompidou, André Cadere, Alfred
Pacquement... Je pense que j’ai eu de la chance parce que j’étais à
Paris, et aussi parce qu’on s’attire quand on a quelque chose à se dire.
J’ai rencontré très tôt des gens qui m’ont beaucoup apporté. [...]
— B.B. Pourtant, tu racontes à l’envi combien ta jeunesse te pesait,
combien tu te sentais à la marge et quelque part, hors de la réalité du
monde. [...]
— C.B. C’est vrai qu’une certaine période de ma vie a été presque
pathologique : entre 12, 13 et 20 ans, j’étais psychologiquement
Haut Bas fragile !
L’Homme qui tousse Album de photographies de la
1969 famille D., 1939-1964 — B.B. Tu définis cette période de ta vie comme « pathologique », tu
C’est l’un des premiers films que
1971 te décris comme névrosé, peu joyeux.
Boltanski a réalisé avec Jean-Claude Boltanski emprunte à son ami Michel
— C.B. Plutôt calme que joyeux. J’étais un jeune homme étrange.
Valésy et Alain Thierry à la caméra. Durand, qui à l’époque n’avait pas
Il reprend un motif fréquent dans ses encore ouvert sa galerie, ses albums de Je ne connaissais personne. Je suis sorti pour la première fois dans la
peintures et dans les mises en scène des famille. Il agrandit 150 de ces images en rue à 18 ans et pour aller près de ma maison. Je n’ai jamais dormi une
poupées. On y voit un homme enfermé noir et blanc, format horizontal et nuit hors de chez moi avant l’âge de 24 ans. L’ensemble de la famille
qui crache du sang. Ce petit film très s’essaye à reconstituer un ordre
était, oui, très « pathologique ». J’ai eu une enfance très heureuse
expressionniste a été réalisé avec des chronologique. Les photos sont
moyens très simples et notamment une légèrement agrandies, un peu floues, mais pas normale. Le fait qu’on ne pouvait pas sortir dans la rue tout
caméra qui se remontait à la main. maladroitement cadrées et glissées dans seul, qu’on ne pouvait pas avoir une chambre à soi, que tout le monde
L’homme qui tousse est joué par le frère des cadres en fer-blanc qui rappellent dormait par terre... C’était une famille pathologique. Après mes
de l’artiste, Jean-Élie Boltanski. ceux fixés dans les compartiments des
poupées, j’ai fabriqué des petites boules en terre. Pour moi, c’était
trains de l’époque. L’œuvre a été
Film 16 mm, coul.,
présentée d’abord à la Galerie aussi une manière de m’occuper. J’ai taillé des morceaux de sucre
sonore, durée : 2 min. 44 sec.
Sonnabend en 1971, au Musée de avec l’idée de faire des gestes répétitifs comme peuvent en faire les
Caméra : Jean-Claude Valésy
et Alain Thierry ;
Lucerne et à la Documenta V de Cassel psychopathes, enfermés chez eux. J’ai toujours cru que si je n’avais
en 1972. Cette oeuvre emblématique
distributeur : Light Cone pas été artiste, j’aurais caché mes activités et j’aurais été fou mais, en
Centre Pompidou

exprime le temps qui passe dont seule


Centre Pompidou, Musée national d’art
subsiste la trace photographique. étant artiste, je les ai montrées. Je suis un artiste et donc je ne suis
moderne, Paris, achat, 1975
pas fou. L’art sauve de la folie, parce qu’on se sert d’une chose
© Darmstadt, Institut Mathildenhöhe, Tirages noir et blanc
Photo © Wolfgang Günzel 22,5 × 31 × 4 cm (chaque cadre) négative en soi pour en faire une chose positive.
© Adagp, Paris, 2019 220 × 450 × 4 cm (l’ensemble)
— B.B. Mais qu’est-ce qui guidait cette activité frénétique comme ce
IAC Villeurbanne, dépôt au Musée d’art
moderne et contemporain de goût du surcroît que tu reconnais avoir toujours eu ?
Saint-Étienne Métropole
© Musée d’art moderne et
contemporain Saint-Étienne Métropole
Photo © Yves Bresson
© Adagp, Paris, 2019
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Boltanski Faire son temps Dossier de presse

— C.B. J’essayais de développer une idée d’universalité. J’ai fait ce — C.B. Je n’ai jamais voulu parler de héros mais de gens communs
petit livre des 10 Portraits photographiques de Christian Boltanski, par chacun est unique et a des choses à raconter. La Grande Histoire
1946-1964. Il s’agissait de photographies prises par Annette Messager est dans les livres, je me suis intéressé à la petite histoire qui rend
au parc Montsouris mais, à chaque fois, c’est un autre enfant à une chacun différent. J’ai même éprouvé le désir de créer un musée pour
date différente ; il suffit de regarder le livre pour comprendre que c’est chaque individu. Tout le monde est intéressant, on prend quelqu’un
un leurre. Ce n’est pas moi mais tous les autres. À ce moment, il y purement au hasard et il est extrêmement passionnant. Tous ces
avait un refus de parler de moi et de mon enfance marquée par la inventaires ont plusieurs ouvertures, plusieurs sens, et entre autres
guerre et par une mère ayant souffert de la polio. Je voulais me perdre l’ethnologie.
dans un collectif normal de petits français sans histoire et que chacun — B.B. L’inventaire des objets ayant appartenu à une femme de
puisse reconnaître cette histoire comme la sienne. Jusqu’en 1985- Baden-Baden est le premier inventaire que tu réalises en 1973. Quand
1986, année de l’exposition à La Salpêtrière, j’ai refusé mon anormalité est-ce qu’intervient l’idée de l’inventaire ?
et j’ai essayé de me fondre dans une normalité. Après, il y a eu une
acceptation du tragique qui, lui aussi, appartient à la normalité. — C.B. Tout ça dérive sans doute du premier livre Recherche et
présentation... et finalement de l’idée de faire un portrait de quelqu’un
— B.B. Sorti de chez toi, c’est sans doute ce qui t’a conduit à visiter par le biais de ses objets, de même que tu as l’album des photos qui
d’autres lieux que les musées d’art moderne, à devenir presque est une sorte de portrait. Ce sont à chaque fois des portraits en creux
malgré toi, une sorte d’archéologue de la vie quotidienne. car dans ces portraits, la personne est absente, ce sont des portraits
— C.B. Les pauvres reliques qui restent de quelqu’un, les photos post-mortem. Le premier inventaire était bien celui de quelqu’un qui
jaunies... J’ai été influencé par le Musée de l’Homme et ses vitrines était mort dont on ne voit jamais la photo. Quand j’ai décidé de faire
où tu as un petit couteau, et puis il y a une photo d’un monsieur cet inventaire, j’ai écrit à quarante musées en leur proposant ce
sauvage et plus personne ne sait à quoi tout ça servait. Tout a été projet, pas seulement à des musées d’art, mais aussi à des musées
oublié mais il reste dans cette vitrine une sorte de tombeau de culture. d’archéologie, d’ethnologie... J’ai eu beaucoup de réponses négatives
J’ai voulu conserver toute cette activité répétitive que j’avais faite, et et une positive de la Kunsthalle de Baden-Baden, où j’ai exposé dans
je l’ai mise dans des vitrines muséales. De même qu’on trouve ces une exposition collective avec Anselm Kiefer. Les inventaires ont tous
vitrines au Musée de l’Homme où sont rassemblés les restes été détruits après. Il y en a un qui se trouve au CAPC Musée d’art
incompréhensibles d’une culture disparue, j’ai voulu mettre cette contemporain de Bordeaux et c’est un inventaire photographique. Ces
période de ma vie dans ces vitrines comme des restes d’une activité œuvres portent aussi une réflexion sur le musée, sur son rôle et ses
que j’avais eue et qui demeure pour le public, incompréhensible. pratiques : si tu mets cette tasse dans une vitrine, elle ne sera jamais
« Il y a eu quelqu’un qui a fait des boulettes de terre, de même qu’il y cassée mais ce n’est plus une tasse. Dès que tu préserves quelque
a eu quelqu’un qui a fait ce tressage en roseau. » Replacer en quelque chose, tu le tues. La vie est la destruction. [...]
sorte mon activité dans l’histoire des hommes et ne plus être le fou — B.B. De ces premières années, j’ai le sentiment que celles et ceux
qui fait ses objets dans sa chambre. C’est moi regardant ce fou qui fait qui s’intéressaient à tes travaux retenaient de toi la dimension
les objets et qui les montre comme une bizarrerie, une curiosité d’une mémorielle, l’attachement au souvenir et sans doute, la conscience
culture disparue mais qui appartient à tout le monde. Il y a une pièce plus aiguë que tu ne le reconnais de dire quelque chose de nouveau.
de 1975 qui s’appelle 20 règles et techniques utilisées en 1972 par un
enfant de 9 ans décrites par Christian Boltanski et qui fonctionne de la — C.B. Je rentre chez Sonnabend, je suis à la Documenta, j’ai une
même manière : c’est moi travaillant comme un ethnologue qui petite place à la Biennale de Venise et puis les Français commencent
demande à mon neveu de 9 ans de me parler de mon enfance. Par à dire que je suis un artiste proustien travaillant sur le passé et la
exemple, de m’apprendre comment on fait un avion en papier, nostalgie. J’ai ressenti un danger et le besoin de m’éloigner. Le côté
comment on joue aux billes, etc. Je me renseigne sur moi même en « proustien » m’énervait, et j’ai voulu transformer les souvenirs de
regardant un autre, comme un ethnologue pourrait regarder un jeunesse en en construisant des nouveaux qui seraient issus d’un
sauvage qui lui apprend quelque chose qu’il savait peut-être. [...] personnage inventé, un comique. J’avais connu l’oeuvre de Karl
Valentin, le comédien allemand, qui m’a beaucoup impressionné.
— B.B. Tu dis souvent qu’on ne fait jamais les choses en les Je crois que c’est cet ami allemand que j’ai beaucoup aimé, Günter
dissociant du temps dans lequel elles existent. Or, l’époque dans Metken, qui m’a amené au Goethe Institut voir les films de Karl
laquelle tu travailles alors est liée à l’impact de la photographie dont Valentin et ça a été déterminant. Dans la série des Saynètes comiques,
la sociologie de Pierre Bourdieu et de ses comparses d’Un art il y a le fils, le père, le grand-père, de petites histoires collectives,
moyen 2, parmi lequel ton frère, nous apprend que rien n’est plus réglé totalement collectives, tenant des rites ordinaires de la vie
et fait de conventions que ces photos d’amateurs qui t’intéressent quotidienne.
tant.
— B.B. Des rites et des normes familiales que tu mets en scène et qui
— C.B. Oui, bien-sûr, j’ai compris l’importance des travaux de te permettent de te perdre à la fois dans le monde où tu habites ?
Bourdieu et de Luc sur la photographie comme j’ai compris que, pour
Roland Barthes, la photo fait preuve. Chez moi, cela ne fait aucun — C.B. Le gâteau d’anniversaire, la mort du grand-père sont des
doute, l’utilisation de la photo est dans l’idée de preuve. À ce moment- souvenirs de jeunesse communs à beaucoup de personnes.
là, je disais que, de même qu’il y a les journaux dans les tableaux — B.B. Pour autant, tout cela est traité sur le mode comique.
cubistes de Picasso ou de Braque, moi, pour montrer une part de Le Boltanski d’alors est farceur, touche au burlesque comme il y a du
réalité, je montrais une photo. burlesque dans Samuel Beckett, Buster Keaton, Valentin ou quelques
— B.B. Soit, mais voulais-tu montrer une part de la réalité ou autres. Comme il y a du burlesque dans les œuvres qui charrient du
t’absenter de la réalité ? tragique, voire quelque chose d’impitoyable dans lequel je
reconnaîtrais bien certains de tes travaux d’alors.
— C.B. Ce que je cherchais à montrer, c’était une réalité collective et
pas ma réalité. C’est eux mais ce n’est pas eux… Les albums de — C.B. Je ne connaissais pas encore Tadeusz Kantor, et je ne
photographies enregistrent les rituels de tout le monde. [...] connaissais pas du tout Beckett, mais je rentrais dans cette tradition
Centre Pompidou

du grotesque. J’ai eu ce désir de raconter les histoires d’un comique :


— B.B. Tu évoques des anonymes au point que tu nommes les êtres on reprend exactement Les Souvenirs de jeunesse de Christian
en ne retenant que leur prénom ou l’initiale de leur nom ou que tu Boltanski, mais d’un côté grotesque.
t’attaches à des gens qu’on ne connaît pas. Finalement, voulais-tu
d’abord t’attacher aux sans-nom, à ceux que l’on n’identifiera jamais, — B.B. Pour autant, l’idée de mettre en scène, de devenir l’acteur et
aux anonymes dont la vie ne dit rien à personne pour raconter quelque le fantaisiste de ta propre œuvre ne te posait aucun problème, toi qui
chose ? Michel D., François C., même pas nommés, la femme de Bois es pudique, caché...
Colombes...

8
Boltanski Faire son temps Dossier de presse

— C.B. Il ne s’agissait pas de faire des performances mais de créer le — B.B. Dans la photographie noir et blanc, il y a par définition une
musée d’un clown qui serait mort. Pour lui créer un passé, j’ai fait forme d’austérité. Dans la photo couleur, il y a une forme
deux petits spectacles mais pas dans un cadre artistique : un à d’hyperréalisme qui semble coller à la description des choses mais
La Rochelle, dans un square avec des enfants en bas âge et un autre aussi, une sorte de lyrisme. Qu’est-ce qui fait qu’alors, ces deux
à Malmö, dans une journée récréative devant des mamans et des modes de reproduction et de représentation par nature opposée ne
enfants. Ce qui m’intéressait, ce n’était pas de faire des performances semblent plus à un moment donné te suffire ? Qu’est-ce qui fait que
mais le musée de ce personnage duquel ne restait plus rien, comme tu passes à autre chose ?
pour Karl Valentin, même s’il était très connu, et qui était mort bien — C.B. Je pense qu’il y a une première période qui va en gros de
avant que je ne le connaisse. Là encore, ça reprenait mes idées : ce 1969 à 1976. Elle tourne autour de l’ethnologie et les Saynètes
vieux clown, c’est en même temps un peu moi et, de même que j’avais comiques, que j’ai d’ailleurs parfois coloriées pour en faire des sortes
fait mes Vitrines de référence avec tout ce que j’avais construit, j’ai d’affiches en 1974, sont une sorte de parenthèse dans mon travail.
décidé de faire des vitrines de références de ce personnage qui Après, j’ai fait Les Images modèles. Tu m’as invité en 1984 au Centre
n’existait pas et qui n’avait jamais existé. La première fois que je l’ai Pompidou, tu étais mon commissaire, et cette exposition a été
fait, c’était à Münster, où j’avais mis une très grande vitrine avec les importante pour moi parce qu’elle a marqué la fin d’un cycle. Elle se
objets que je fabriquais et qui étaient les accessoires que le clown composait de deux parties : une partie réellement rétrospective avec
utilisait. [...] les œuvres dont on a parlé précédemment et une partie qui était liée
— B.B. [...] Sur ce qui distingue les images en noir et blanc de celles à un travail que je faisais depuis deux ans. Il s’agissait des
en couleurs, qu’est-ce qui te conduit à passer de l’une à l’autre ? Compositions. C’étaient de très grandes photographies couleur
Est-ce une sorte de refoulé pictural ? encadrées, de très petits objets que je fabriquais en carton et que
j’agrandissais. Il est certain que nous étions dans une période d’un
retour à la peinture, que j’avais été extrêmement impressionné par les
peintures de Georg Baselitz, et sans doute qu’inconsciemment je
voulais me confronter avec ces grands tableaux que je voyais un peu
partout. Donc, j’ai fabriqué toutes ces immenses photographies,
certaines de trois mètres par deux que j’ai présentées à l’exposition
du Centre Pompidou. J’ai montré trop d’images. Tous ces cadres,
ces immenses photos sont ensuite rentrés dans mon atelier en
suscitant en moi un dégoût et pendant quelque temps, je n’ai rien pu
faire. Puis, j’ai recommencé à jouer avec mes petits jouets en carton
que j’avais découpés. Ce qui me plaisait c’est que tout tenait dans ma
poche. J’ai compris qu’au lieu d’avoir cette lourdeur de l’image et du
cadre, je pouvais avoir la même chose en mieux, seulement par les
ombres. J’ai donc commencé à projeter sur les murs ces petites
figurines qui sont devenues immenses et qui, pour moi, avaient
beaucoup plus un côté magique. Je lisais un peu Proust et dans
À la recherche du temps perdu, il y a ce passage très beau où il est seul
dans sa chambre et avec la lanterne magique, il projette un château
sur la poignée d’une porte et une forêt sur les rideaux. J’aimais
beaucoup cette idée de l’image immatérielle qui pouvait prendre
toutes les formes du mur et disparaître en une seconde. C’est comme
ça que j’ai commencé mes Théâtres d’ombres que j’ai montrés pour la
première fois à la Biennale de Paris en 1985.
Théâtre d’ombres — C.B. Je pense que c’est encore le reflet de la nostalgie. Comme j’ai — B.B. Dans ces Théâtres d’ombres, tu joues avec le principe de la
1984-1997 lanterne magique et du merveilleux. D’où viennent-ils ? Viennent ils
dit, j’avais découvert que les gens préféraient les photos faites avant-
Après l’exposition au Centre Pompidou guerre que celles d’après-guerre. Les premières images sont de 1937- des carnavals, des danses macabres ? Sont-ils cette fois encore,
en 1984, où étaient exposées des cet attachement intense à ces images anonymes et populaires, à ces
1938 et puis ça va jusqu’aux années 1960. Les gens trouvaient
photographies de grand format
représentant de petits pantins agrandis, toujours plus belles les premières que les dernières, donc si tu veux, le rituels racontant la mort et le passage dans l’au-delà ? Bref, quelque
Boltanski a repris ces figurines en temps rajoute de la beauté aux choses, c’est-à-dire que les images chose qui touche au culte comme au mémoriel ?
choisissant de les projeter. Les Théâtres d’avant-garde paraissaient plus belles alors qu’elles étaient faites par — C.B. Sûrement, je les ai même portés une fois dans un cimetière
d’ombres, qui réunissent les esprits,
les mêmes gens. C’est important pour les Images modèles, on trouve en Allemagne. Le premier Théâtre d’ombres que j’ai fait, c’était avec
les fantômes qui nous entourent, sont
fabriqués de manière artisanale avec beau ce qui n’a plus valeur d’usage. La photo couleur d’un enfant des petits pantins en carton et puis je les ai améliorés. Ils avaient une
des matériaux disparates : fil de fer, courant sur une plage n’est pas considérée comme belle puisqu’à ce sorte d’humilité par rapport à l’énormité d’une exposition. [...]
cuivre découpé. Éclairées et agrandies moment-là, tout papa avait dans sa poche la photo en couleurs de son
dans leurs projections, ces silhouettes
fils courant sur une plage. Par contre, si c’était une photo en noir et — B.B. Les Théâtres d’ombres que tu as réalisés sont aussi, à mon
se détachent sur des fonds obscurs sens, un nouveau pas vers ton amour du théâtre, de la scène et de ses
donnant vie à des personnages comme blanc faite dans les années 1930, on pouvait voir une sorte de beauté
le pendu ou la faucheuse. Boltanski alors que c’était le même sujet. effets merveilleux.
s’est inspiré des théâtres d’ombres — C.B. Naturellement ! Et le Théâtre d’ombres, c’est le début de plein
asiatiques et d’un passage de — B.B. Était-ce ce que tu appelles « la recherche de la beauté » ou
À la recherche du temps perdu de Proust, l’émotion ? des choses ! Il est aussi lié à l’idée de la mort, des fantômes, de la
dans lequel l’enfant transforme par disparition. D’ailleurs, il suffit d’allumer la lumière et il n’y a plus rien.
magie son environnement. L’œuvre est — C.B. Elles semblaient plus émotionnelles. Tout ce qui paraît vieux, [...] C’est sûr que le Théâtre d’ombres que j’ai fait, je l’avais vu dans les
présentée à la Biennale de Paris paraît beau et tout ce qui n’a plus de valeur d’usage paraît intéressant. livres et pratiquement au même moment, il y a eu les Monuments,
en 1985. Et donc L’Album de photographies de la famille D. était considéré
Centre Pompidou

et là encore, c’est toujours étrange comme les choses se font. Nous


Figurines en carton, comme beau puisque noir et blanc nostalgique, alors que les photos avions montré au Centre Pompidou en 1984 une pièce déterminante
projecteurs, plate-forme mobile, en couleurs des Images modèles, qui sont exactement comme celles pour moi : Composition occidentale, cette sorte d’arbre de Noël avec
structures en métal, ventilateurs,
que les gens ont dans leur portefeuille et qui montrent leur famille, des petites ampoules. C’était la première fois que j’utilisais les petites
dimensions variables
Photo © André Morain étaient considérées comme nulles. Le fait que ces photos soient ampoules et les fils. Et il y avait un côté merveilleux. Par la suite, j’ai
© Adagp, Paris, 2019 identiques à celles que les gens considéraient comme de jolies photos photocopié des papiers de Noël pour emballer les cadeaux et ajouté
familiales n’était plus du tout intéressant. Et encore aujourd’hui, une les petits cadres. Je m’amusais chez moi, j’avais un atelier qui était
photo en noir et blanc a toujours un côté plus artistique qu’une photo très petit et je faisais constamment des essais.
couleur.

9
Boltanski Faire son temps Dossier de presse

À l’époque, j’avais un vrai désir, un vrai besoin de toucher, faire les — B.B. Ton œuvre n’a jamais été en pleine lumière.
choses moi-même, j’avais vraiment un plaisir à bricoler ! Ensuite la — C.B. Non, mais ensuite les œuvres ont été caractérisées par ce
mort de mon père, en 1984, a été déterminante. Je pense qu’il y a peu que tu relevais : une lumière de veilleuse ou de bougie, une lumière
de changements dans une œuvre et qu’ils sont dus aux intégrant l’œuvre. On peut toujours trouver des exemples comme les
bouleversements de notre vie. Il se trouvait que j’avais, à la demande autoportraits qui peuvent rester à la lumière du jour, mais presque
du Festival d’automne, une commande pour la chapelle de toutes les œuvres que j’ai faites depuis 1986 portent leur propre
La Salpêtrière où mon père était mort peu avant : une autre période de lumière. Et je pense d’ailleurs que c’était aussi pour moi, une façon de
ma vie s’ouvrait, une période sombre. Toute cette période des me situer par rapport à tant d’oeuvres qui, dans cette seconde moitié
Monuments est probablement liée à une religion imprécise et au fait du 20e siècle, chez beaucoup d’artistes, témoignent d’un intérêt pour
de rendre un culte aux vivants, aux morts et aux morts à venir. la lumière, pour une source d’éclairage électrique.
— B.B. Toujours ce contre-pied ! Soit, mais ce que je retiens de ton
usage de la lumière, c’est somme toute aussi que de fait, elle est une
composante de la photographie et bien sûr du cinéma. Ne peut-on
pas voir un lien qui, par-delà la dimension symbolique que tu donnes
à tes travaux, nous ramène aussi à tes toutes premières pièces,
comme un fil rouge qui, dans ton œuvre serait tenu par la lumière ?
— C.B. Le film L’Homme qui tousse, tel que je le montre, en boucle
sans début ni fin – de toute façon il n’y a ni début ni fin –, c’est de la
lumière, uniquement de la lumière. Peut-être que le film, comme plus
tard la photo, m’a donné un lien plus grand avec la réalité. Et il est
possible que l’utilisation chez moi d’abord du film et ensuite de la
photo, produise ce que je crois que Roland Barthes a dit : « Il y a eu. »
C’est ce lien qui m’intéressait et aussi, le fait qu’il y avait dans le film
une sorte de légèreté. Mon travail est devenu beaucoup plus
monumental à partir de 1985 mais en même temps, je travaillais dans
le monumental avec des choses très petites. [...]
— B.B. Je me souviens que tu disais souvent que l’artiste tenait du
magicien, qu’il était celui qui, tel l’alchimiste, avait le pouvoir de
transformer le plomb en or. C’est là où le profane et le sacré se mêlent
à mon sens intensément dans ton travail. C’est là où d’ailleurs, je me
Monument collège d’Hulst — B.B. Sont-ils pour autant des « monuments » ou n’en ont-ils que le refuse à parler de travail pour préférer parler d’œuvre. Car il y a quand
1986 même eu indubitablement un passage d’une sorte de vision plus
nom ? L’ironie – si ironie, il y a – tient sans doute dans l’intitulé, tant
Les Monuments ont comme ancêtre ces œuvres sont tout sauf des monuments. Ils célèbrent et profane du monde à une vision plus religieuse. Tu dis toi-même que
La Composition occidentale exposée au cette transformation s’est faite à la mort de tes parents en 1984. Entre
commémorent sans doute, mais leur forme, en tant que telle, est
Centre Pompidou en 1984. La pièce
évoque un arbre de Noël composé de davantage de l’ordre d’une construction fragile et intime, plus proche lumière et ténèbres, comme entre vie et mort, tes expositions vont
papiers d’emballage, éclairé par des de la culture populaire, voire du culte des morts propres à des rites d’ailleurs porter des titres où l’idée de « leçons de ténèbres » est
lampes à filament alimentées par des domestiques à mille lieues de toute pompe. Alors que les Leçons de réapparue à de nombreuses reprises.
fils laissés apparents. Ce dispositif a
ténèbres, ce sont les pièces magnifiques de François Couperin sur les — C.B. Oui et d’ailleurs, même aux États-Unis, grâce aux expositions
influencé les Monuments qui, avec une
tout autre signification, ont été réalisés lamentations de l’Ancien Testament où le prophète déplore la organisées par Lynn Gumpert et Mary Jane Jacob qui ont permis que
en honneur des enfants du CES de destruction de Jérusalem par les Babyloniens ! J’ai le sentiment que mon travail soit exposé dans différents musées américains, comme
Lentillères à Dijon (œuvre datée 1973 nous sommes assez loin de tout cela, non ? après à la Whitechapel de Londres. J’ai pendant cinq/six ans construit
pour laquelle Boltanski avait réuni les
photographies de tous les enfants de — C.B. Je ne crois pas et c’est vrai que j’aurais pu faire ces des expositions rétrospectives qui se sont succédé avec l’idée que la
l’école en tapissant un couloir de monuments en marbre. Je les ai faits en papier et en carton. Il y a eu lumière et la pénombre dans lesquelles je les installais, soient un
l’établissement). Treize ans après, les élément essentiel. D’ailleurs, ce que j’ai fait de ce point de vue, autour
autour de La Salpêtrière, une volonté de travailler sur l’espace, d’être
visages de ces enfants devenus adultes
n’étaient plus les mêmes. Par la suite plus inventif visuellement. Cette période a été pour moi le temps de 1989 et 1990, est sensiblement la même chose que ce que je fais
Boltanski a utilisé une photographie d’une découverte formelle : d’abord les Monuments avec les câbles aujourd’hui : construire l’espace, construire l’exposition, la mettre
de fin d’année prise au collège d’Hulst, pendants, ensuite les Reliquaires avec les boîtes à biscuits. La dans le noir, créer une ambiance et une émotion en relation directe
où il avait été élève. Inspirés de avec le lieu. [...] Je m’intéresse beaucoup à construire mes expositions
différence entre les deux mi-temps de mon travail intervient au niveau
monuments religieux et, contrairement
aux monuments commémoratifs, ils de la forme et de l’espace. [...] qui sont des oeuvres en tant que telles. [...]
n’ont pas été construits en marbre ou en
— B.B. Et puis, par-delà les images – je dis « image » comme on
bronze. L’installation la plus importante
de ces oeuvres a eu lieu à Paris dans la pourrait dire « image pieuse » – il me semble que l’un des aspects
chapelle de La Salpêtrière lors du essentiels de ces pièces réside dans le fait qu’elles sont en quelque
Festival d’automne en 1986. sorte « auto-éclairées ». Une lumière faible, sans doute plus proche de
Photographies, douilles, ampoules, celle d’une bougie ou d’une veilleuse.
fils électriques, 60 × 45 cm
(chaque photo) — C.B. Elles manifestent pour la première fois l’importance que la
© Courtesy Kewenig Galerie lumière a dans mon travail. L’arbre de Noël de la Composition
© Adagp, Paris, 2019 occidentale, comme on disait tout à l’heure, marque le début des
Photo © Stefan Müller
Monuments. Mes œuvres, à partir de 1985-1986 sont éclairées par
elles-mêmes. À un moment, j’ai renoncé à la lumière qui venait du
Centre Pompidou

plafond et qui était une lumière donnée par le lieu où j’exposais,


notamment une galerie, un musée. Alors la lumière a commencé à
faire partie intégrante de l’oeuvre que je réalisais.

10
Boltanski Faire son temps Dossier de presse

Jour 2 — C.B. Une des clés de ma vie est que je pense que chacun est — B.B. J’ai une grande admiration pour les tableaux que tu faisais au
unique et pour cela très important et qu’en même temps, chacun commencement de ton travail et qui, pour ceux que je connais,
disparaît tellement vite ! On se souvient de son grand-père mais pas portent en germe les intentions des œuvres à venir. Pourtant, tu t’es
de son arrière-grand-père. Tout ce monde est remarquable et en éloigné de la peinture, comme si ce médium ne te convainquait plus.
même temps, tout ce monde est tellement vite oublié, et c’est tant — C.B. Peut-être que la peinture était une chose trop sacrée pour
mieux peut-être aussi. moi. J’avais cette peur d’y toucher et il y avait cette distance donnée
— B.B. Alors, pourquoi toutes ces reconstitutions qui plutôt que de par la photographie. Par leur côté dérisoire, les lampes de Noël, les
tenter de cerner la personne, ont finalement créé de fausses pistes, de petites loupiotes qui expriment un grand désir de cérémonial, mais
fausses identités, de faux samovars et de faux souvenirs ? aussi les choses du quotidien comme les boîtes à biscuits ont été
importantes pour moi. Je les avais déjà utilisées chez Daniel Templon
— C.B. Tout d’abord à l’origine des Reconstitutions, il y a eu l’idée de
en 1969. J’ai repris ces boîtes parce qu’elles étaient en quelque sorte,
les faire en pâte à modeler, ce qui fait qu’aujourd’hui, presque plus
un objet de type minimaliste. [...] Tout le monde a une boîte à biscuits
aucune d’elles n’existe et qu’elles sont réduites en poussière. J’aurais
chez soi, ou en avait en tout cas. Dans tout travail, il y a un côté
pu les faire dans un matériau dur, mais je les ai faites dans un
mystique et un autre totalement dérisoire. [...]
matériau qui se détruisait. J’étais sans doute habité par le désir de
protéger les choses mais en même temps, d’employer des matériaux — B.B. Mais à quoi touche ce que tu dis ici ? À la misère de l’être
qui font que forcément, cela allait disparaître. Les autres pièces sont humain, à la fragilité des choses, au peu de ce que nous sommes !
avant tout collectives. Il y a le samovar, effectivement, qui est une Pense au Beckett d’En attendant Godot : « Rien n’est plus drôle que le
chose plus liée à une piste de l’histoire de ma famille. Peut-être malheur, je te l’accorde ! » Ou encore à cette autre réplique qui t’irait
qu’inconsciemment, l’un de mes problèmes a été l’identité : j’étais à comme un gant : « Se donner du mal pour les petites choses c’est
la fois corse chrétien et juif ukrainien, je suis baptisé et je ne suis parvenir aux grandes avec le temps. » Il y a ce mélange de pitié et de
jamais entré de ma vie dans une synagogue. J’avais une identité grâce, de moquerie et de tendresse, qu’un jour tu délaisses pour autre
présente et cachée à la fois. [...] chose mais toujours les rites, ceux de l’église et de la chaisière qui met
un lys dans une bouteille en plastique ! Ce sont les rites qui t’ont
toujours fasciné. Les rites, les célébrations, les cérémonies, cette
Réserve : Les Suisses morts
1991 capacité à se fondre quand on est à plusieurs dans une sorte de
partage collectif qui, quelque part, effraie et rassure en même temps.
Boltanski a beaucoup travaillé autour
des Suisses morts, parce que leur pays, Le rite religieux ne te fascine-t-il pas davantage que la religion elle-
en choisissant la neutralité, a peu même ?
souffert des guerres. Il a réalisé
plusieurs compositions en particulier en — C.B. Pour mes expositions, je dis toujours que c’est comme si on
collant des photographies sur des boîtes était dans des pays du Sud, par exemple en l’Italie ou en Espagne. Par
empilées sous diverses formes dont des une porte ouverte pénètre beaucoup de soleil. On entre. On voit un
tours fragiles qui, à l’image de
monsieur qui lève les bras, il y a une odeur, il y a parfois de la musique.
l’existence, peuvent s’écrouler à chaque
instant. Ce dispositif de présentation a On s’assoit dix minutes, on ne comprend rien à ce qui se passe mais il
été inauguré à la Galerie se passe quelque chose. Et puis on ressort dans la vie, on sort au
Ghislaine-Hussenot en 1991. milieu des voitures, on va manger quelque chose, toujours au soleil.
Boîtes en métal, photographies noir et C’est sûr que l’expérience que je souhaite pour les gens qui viennent
blanc,12 × 23 × 21,3 cm (chaque boîte) ; visiter chacune de mes expositions est celle-là : ne pas comprendre
6 × 4 cm (chaque photo)
mais ressentir que quelque chose a eu lieu.
IVAM, Institut Valencià
d’Art Modern, Generalitat — B.B. En revenant aux Saynètes comiques que tu sais que j’aime — B.B. C’est de l’ordre de la définition que Marcel Duchamp donnait
Photo © IVAM, Institut Valencia infiniment, sans doute parce qu’elles touchent au burlesque qui me de l’œuvre d’art : un rendez-vous.
d’Art Moderne
fascine tant dans sa forme que dans son fond, je ne peux m’empêcher
© Adagp, Paris, 2019 — C.B. Tout ce que j’ai fait, c’est de l’art mais il faut que pour
de reconnaître les éléments d’une culture juive dans laquelle l’humour
quelques secondes, les gens ne sachent pas s’il s’agit de l’art ou de la
est une distanciation nécessaire. Qui y avait-il derrière tout cela ?
vie. La vie étant plus touchante que l’art, il faut qu’il y ait constamment
Était-ce aussi l’envie de raconter ta propre vie, ses rites quotidiens,
quelque chose qui trouble. Si tu vois une légende à un tableau, elle te
le fait que tout le monde est différent et qu’en fait, tout le monde se
rassure en quelque sorte. Si tu ne sais pas exactement ce que tu vois,
ressemble ?
je pense que l’inquiétude peut être plus grande. Et quand je dis
— C.B. Oui, et pour employer des mots que je n’aime pas beaucoup, l’inquiétude, je dis l’émotion. [...] Dans tout mon travail, comme dans
mon travail se situe dans une tradition humaniste. Il porte sur l’humain la photographie, c’est la présence et l’absence. C’est toujours : « Il y a
tout à la fois collectif et individuel. C’est une grosse masse eu. » Tu sais d’ailleurs, à ce titre, toute l’admiration que j’ai pour
d’individualités. Dans mon travail, de manière générale, il y a l’œuvre de Félix González-Torres et l’amitié qui nous unissait. [...]
beaucoup de monde ! J’ai 7 000 Suisses morts, 6 000 bébés polonais, L’histoire du hasard ou de la chance, c’est une chose qui m’attire
70 000 coeurs, j’ai une grande masse de gens ! parce que c’est une idée religieuse. C’est-à-dire que si je me fais
— B.B. Qui es-tu par rapport à ces gens ? Tu es le marionnettiste ? écraser en sortant, on peut dire que je devais avoir ce rendez-vous
aujourd’hui et que c’était écrit. Et là, tu entres dans une construction
— C.B. J’ai le culte des ancêtres et des humains. Ce qui m’intéresse du monde que tu ne peux pas comprendre mais qui quelque part est
le plus, c’est de montrer que chacun est dans son individualité. J’ai logique. Toute la différence entre la destinée et le hasard n’est pas
fait beaucoup de livres avec seulement des listes de noms parce que seulement de l’ordre d’une notion religieuse mais elle concerne
pour moi, derrière ces noms, c’est dire qu’il y a eu quelqu’un. l’ordre du monde. À l’époque de la chute du mur de Berlin vers 1990,
— B.B. Mais alors, que se passe-t-il pour le spectateur qui se retrouve j’ai fait cette pièce La Maison manquante : une bombe est tombée et
à l’entrée du pavillon central de la Biennale de Venise sur lequel tu a détruit seulement une des ailes de la maison. Ensuite, il y a la pièce
Centre Pompidou

écris le nom de tous ceux qui y ont exposé ? de la Biennale de Venise, Chance qui est sur le hasard de naître :
pourquoi nos parents ont-ils fait l’amour à cette seconde près ?
— C.B. C’est comme un cimetière... Ils ont tous disparu. De tous ces
La mère aurait pu avorter ? Moi, j’aurais dû être avorté par exemple !
gens, plus personne ne se souvient, comme pour ce livre que j’ai fait
Et pourquoi ne l’ai-je pas été ? Je ne sais pas. Puis, j’ai réalisé
avec tous les noms des Suisses morts dans le canton du Valais 3. C’est
Personnes qui était sur le hasard de la mort. Dans tous les cas, mon
dans la tradition des vanitas. Le seul fait qu’il y ait un nom signifie
travail portait sur cette idée du hasard. Si je m’intéresse à ça, c’est
qu’il y a eu quelqu’un. Dans le cas de la Biennale de Venise, c’était
sans doute parce que l’une des grandes questions de la Shoah est :
tout à fait dérisoire. Nous serons tous oubliés. [...]
« Pourquoi ai-je survécu ? »

11
Boltanski Faire son temps Dossier de presse

Gauche
La Vie impossible de C.B.
2001

Il s’agit de son unique autobiographie.


L’œuvre est fondée sur l’impossibilité de
pouvoir reconstruire les sentiments
d’une personne à partir de ses archives
et déterminer ce qui a été important à
ses yeux. Chaque vitrine contient, à la
fois des tickets de train, des
photographies de personnes que
Boltanski a pu aimer, des lettres de gens
très chers à l’artiste ou de
conservateurs, mais aussi des tickets de
teinturier, des pièces lisibles et illisibles.
Cette œuvre est emblématique de
l’illusion de transmettre sa propre vie à
travers ces pauvres restes.

Bois, grillage métallique, tubes — B.B. Et comme tu le sais, à travers elle, la question de la culpabilité. — B.B. Mais dans tes œuvres on ne voit pas de massacres. Tu ne
fluorescents, fils électriques, Au centre de notre exposition, tu as voulu placer le Cœur . représentes pas le mal. Tu figures les victimes ou les bourreaux sans
papier, photographies, 150 × 87 × 12 cm
que, comme tu te plais à le dire, on puisse les distinguer. D’ailleurs,
(chaque élément) — C.B. Le cœur est comme la bougie, c’est quelque chose qui peut
j’ai souvent perçu tes œuvres à l’aune de ce qu’Hannah Arendt
Centre Pompidou, Musée national d’art s’arrêter à chaque instant et quand je l’avais montré chez Marian
moderne, Paris, achat à l’artiste, 2004 appelait, par-delà toutes les analyses contradictoires qu’on a pu en
Goodman, il y a quinze ou seize ans, j’étais allé voir un cardiologue.
Photo © Philippe Migeat / faire, « la banalité du mal ». L’inhumain, tu le dis, se loge en chacun
Dist. RMN-GP C’était effrayant d’entendre son cœur, parce qu’on a toujours
de nous mais à la différence de certains autres de tes contemporains,
l’impression qu’il a du mal à repartir ou qu’il bat trop vite. Et le cœur
tu ne représentes pas pour autant les désastres de la guerre.
Droite est dans pratiquement, je crois, toutes les cultures. Il représente l’idée
Les Regards
même du vivant, de l’humain, de l’humain vivant. Parce que, si le — C.B. J’ai un interdit qui est réel de ne pas montrer des photos de
2011
cœur s’arrête, on est vraiment mort. [...] cadavres. Mon petit livre El Caso publié par Parkett, je le considère
Ces Regards sont des photographies
comme un livre pornographique, à regarder caché. Nous avons tous
d’anonymes morts, prises à partir d’une — B.B. Comment définirais-tu alors le fil rouge de ton œuvre ?
émission télévisée sur la Shoah. une fascination-répulsion pour les photos répugnantes. On ne doit
Cette œuvre a eu beaucoup de variantes — C.B. Ce que j’ai essayé de faire, c’est qu’on ne découvre pas mais pas les voir mais on le fait. J’ai une série d’œuvres sur cela comme les
en particulier d’énormes formats qu’on reconnaisse. J’ai donc utilisé des éléments que chacun connaît. Scratch. On gratte une surface argentée et au fur et à mesure on
dispersés dans des villes. Exposée à Si quelqu’un regarde L’Album de photographies de la famille D., il va découvre une image affreuse. Dans les Concessions, les images sont
Athènes au centre culturel Onassis en
se voir lui-même, il ne va pas voir une œuvre mais il va dire : « Tiens, cachées derrière des tissus noirs. Par effet d’un ventilateur, le tissu se
2013, cette version est composée de
voiles sur lesquels sont imprimés la on dirait mon oncle à Deauville. » On présente constamment un miroir soulève un tout petit peu, on voit vaguement qu’il y a une image en
partie supérieure de plusieurs visages. au visiteur qui est différemment reflété parce que chacun va dessous. Cette image, on ne devrait pas la regarder mais on est
Des ventilateurs les agitent et une reconstruire ce qu’il veut par rapport à son vécu. Mais pour moi, la tenté... Nous avons tous cette fascination répulsion pour la mort. Il y a
lampe les éclaire. Ces rideaux sont faits
seule manière de travailler, c’est dans la reconnaissance de chaque quelque chose de troublant dans le fait qu’il y a quelqu’un et après ça,
pour être traversés et diffèrent des
précédents qui, tragiques, étaient personne qui me voit. [...] Il faut toujours que le spectateur se plus rien...
vraiment là pour être vus. reconnaisse et reconnaisse. Je voulais toujours le « mouiller » et
— B.B. Il y a eu quelques pièces – je songe au Terril Grand-Hornu –
En transparence en arrière plan, parfois, le mouiller corporellement. [...] Il y a un début et une fin, il y a
se devine l’œuvre La Dernière Danse, qui parlent très spécifiquement de la condition humaine.
un départ et une arrivée. Je me suis beaucoup intéressé aux arts du
(2004). Les photographies correspondent
à un dernier moment de bonheur. temps et de l’espace : les arts du temps (comme la musique ou la — C.B. Les Registres du Grand-Hornu sont liés au souvenir de ce pays
Elles ont été prises sur un navire littérature) peuvent donner de l’émotion, ça permet d’avoir des minier. Sur chaque boîte, il y a la photographie des mineurs employés
transportant des juifs roumains qui, cassures, donc tu as un début et une fin. Dans les arts de l’espace, tu du début du siècle jusqu’aux années 1950, dans ces mines fermées
fuyant le régime fasciste, tentaient de se
es dans l’espace mais tu n’as pas de contraintes temporelles, tu peux depuis. Ce qui est touchant, c’est quand les gens ont découvert cette
réfugier à Istanbul pour obtenir des
visas pour la Palestine. Torpillé, rester deux minutes dans une salle et six minutes dans la deuxième, œuvre, ils retrouvaient leur père ou grand-père sur ces images. C’est
leur bateau coula. Seul un homme tu peux regarder un tableau deux heures ou trois secondes. vraiment le portrait de la région. On lit des noms polonais, italiens...
survécut à la tragédie. J’ai essayé de mêler assez tôt dans le musée cette notion de chemin Cette œuvre, qui pour moi n’a pas une seule forme, a été montrée,
Voiles, filins métalliques, ampoules, et de progression. Dans cette exposition, tu entrais dans une chambre disposée sur un long mur ou, comme au Musée d’art moderne de la
câbles électriques, crochets, ventilateur, et tu devais passer dans un couloir très étroit, il y avait une sorte de Ville de Paris, en couloir. Elle est accompagnée par Le Terril qui a été
dimensions variables.
chemin de croix. [...] réalisé pour la première fois au Grand-Hornu. Il s’agit d’une montagne
Vue de l’exposition «Lifetime»,
de vêtements noirs et elle est en relation avec le site des anciennes
Jérusalem,The Iraël Museum, 2018 — B.B. Es-tu croyant ?
Archives Christian Boltanski mines. Au tout début, ma réflexion était tournée autour de la mort
© The Israël Museum, Jérusalem — C.B. Je ne suis pas religieux, et je pense même que toute religion collective. Aujourd’hui, il s’agit plutôt de ma propre mort.
Photo © Elie Posner est très dangereuse sauf les religions qui doutent, qui n’ont pas
trouvé la solution ou qui sont davantage des philosophies comme le
bouddhisme. Mais toute religion est belle, parce que toute mythologie
est belle, ce sont de belles histoires. Dès que tu crois trop en quelque
chose, tu deviens extrêmement nocif. La seule chose est de se poser
des questions mais de ne jamais trouver des réponses parce que,
peut-être, il n’y a rien à trouver.
— B.B. Comme aurait dit Robert Bresson, dans cette histoire, tu es le
diable. Voilà que tu t’empares des choses qui sont fondamentalement
des objets de croyance et que toi-même, tu t’en tiens à distance.
Centre Pompidou

— C.B. Oui, mais être humain, c’est chercher. Tu ne peux pas vivre
sans chercher. Le seul optimisme chez moi est que les choses
continuent. Il n’y a que des massacres et des horreurs partout et il y a
toujours trois survivants qui vont faire des enfants et qui vont
continuer et ça continue avec de nouvelles horreurs qui se préparent.
Il y a une force dans l’humanité, comme chez les animaux, qui fait que
les choses continuent.

12
Boltanski Faire son temps Dossier de presse

Jour 3 [...] — C.B. Aujourd’hui, en tout cas, il y a l’aboutissement de ce que Je les considère comme une sorte de partition musicale qu’on peut
j’ai fait et la disparition de l’œuvre en tant qu’objet fini et la suppression exécuter de façon différente : Sol LeWitt a, parmi les premiers, mis au
de moi en tant que personne. Tout ça est réel et n’est pas réel. Il y a point ce système, mais contrairement à moi, avec des règles très
dans la mer du Japon, une île où sont conservés 70 000 battements de précises. Et quand je parle des expositions que je fais actuellement au
cœurs. Il y a, sous la cathédrale de Salzbourg, une Horloge parlante Japon, je dis que c’est le même texte théâtral mais avec des metteurs
qui égrène chaque seconde. De toute façon, personne ne saura un en scène très différents.
jour que je suis celui qui a fait ça, mais il y a aura cette histoire qui — B.B. Cela nous amène à évoquer un aspect essentiel de ton œuvre
racontera que le temps a été dit sous la cathédrale de Salzbourg. qui tient depuis toujours, dans ta relation au théâtre. Car, somme
toute, tu y as joué tous les rôles : tu as été acteur, tu as été
Cœur
marionnettiste, tu as été mime, tu as été chef d’orchestre, tu as été
2005
librettiste. Le théâtre, peut-être même à mes yeux davantage que le
Le cœur est choisi en tant que symbole
cinéma, reste pour moi la clé de lecture la plus sensible de ton travail,
de la vie dans toutes les cultures.
Un dispositif permet de relier des une forme nécessaire pour comprendre ta méthode et tes intentions :
battements enregistrés à une ampoule ta première apparition publique, si je puis m’exprimer ainsi, c’est au
qui s’allume et s’éteint en suivant leur théâtre du Ranelagh.
rythme. Lors de la première présentation
à la Galerie Marian Goodman en 2005, — C.B. Oui. Et avec des poupées partout, comme dans un décor de
il s’agissait des battements du cœur de théâtre.
l’artiste. Par la suite, Boltanski
a construit sur l’île de Teshima au Japon — B.B. Si l’on faisait un peu d’archéologie ? Avant la découverte de
un lieu consacré à l’archivage où sont Kantor, y a-t-il d’autres souvenirs qui reviennent sur tes liens au
conservés désormais plus de 70 000
théâtre ? Tu me parlais de Günter Metken qui t’avait initié à l’œuvre de
enregistrements de cœurs provenant
de différents pays. Ce lieu est devenu Karl Valentin.
pour beaucoup de Japonais un lieu de
— C.B. Il y a eu Bob Wilson, comme pour toute ma génération.
pèlerinage où ils viennent écouter le
cœur des êtres chers. Cet archivage — B.B. Et puis, il y a eu tes Théâtres d’ombres. Comment as-tu
s’amplifie constamment.
découvert Kantor ?
Ampoule, amplificateurs, boîtier pour
transformer le son des battements de — C.B. C’est Kantor qui, quand il travaillait à Chaillot, m’a fait savoir
coeur en lumière clignotante, qu’il voulait me rencontrer. Je suis allé voir sa pièce et ça m’a
enregistrements, dimensions variables énormément plu, intrigué. On est devenus amis. Il avait tout pour me
Collection Antoine de Galbert, Paris
plaire : le côté clownesque de Fellini, le côté dérisoire, le côté Europe
Courtesy Christian Boltanski
Photo © Wolfgang Günzel de l’Est où je me sens des racines. Quand j’ai exposé à Varsovie en
© Adagp, Paris, 2019 2001, j’ai appelé l’exposition « Revenir ». Kantor parle de cette grande
plaine traversée par des armées. Même si différents, nous parlons de
la même expérience.
— B.B. Ton théâtre est un théâtre de pendillons, de lumières,
d’artifices... Somme toute, tu as fait un théâtre sans texte mais à la
différence du comédien de Denis Diderot qui ne joue pas directement
le rôle, tu t’es de fait, identifié au personnage.
— C.B. Oui. Dans mon théâtre ainsi que dans mes expositions, il n’y
a pas de texte, parfois quelques mots à peine audibles mais jamais ce
qu’on appelle un texte. Je n’ai jamais désiré travailler avec un texte et
je ne garde pas un bon souvenir des fois où j’ai voulu travailler comme
— B.B. Cela me rappelle cette collection de livres illustrés que nous scénographe avec d’autres metteurs en scène. Je ne suis pas
lisions, quand nous étions enfants et qui s’appelait Contes et légendes. quelqu’un du texte, je suis lié à l’image. Dans les spectacles qui
Cela me rappelle que je les lisais sans le souci de savoir qui les avait m’intéressent, il n’y a presque pas de textes, par exemple chez Kantor
écrits ou racontés. ou chez Pina Bausch que j’admire. Les textes sont accessoires, il s’agit
de spectacles d’images.
— C.B. Oui, voilà ! Ce sont des légendes mais elles sont créées par
quelqu’un dont on ne se souviendra plus. Mais au départ, il faut qu’il — B.B. Le texte a pourtant compté à une époque dans ton travail,
y ait eu quelque chose de réel et cette chose réelle disparaît alors que tant dans les lettres que tu écrivais, dans la maladresse assumée de
l’histoire continue. l’écriture, que dans des textes tapés à la machine où tu exprimais ta
manière de truquer les choses. Il y a eu des textes. Les Saynètes
— B.B. Ce qui suppose que le présent ne t’intéresse pas.
comiques n’existeraient pas sans les textes écrits de ta main qui sont
— C.B. Ce que je dis, c’est qu’il y a une force plus grande dans en quelque sorte des légendes.
les histoires que dans les objets. Dans ma vie, il y a eu plusieurs
— C.B. Peut-être mais en fait, c’est la parole dite qui m’intéresse.
périodes : une, où les œuvres ont existé ; une autre, où elles étaient
J’ai fait beaucoup d’entretiens dans ma vie, je n’ai écrit pratiquement
détruites mais re-fabriquées ; et puis, maintenant, il n’est plus
aucun texte théorique. C’est l’oralité qui m’importe. J’ai vraiment tout
question de voir les œuvres mais de savoir qu’elles existent. Il y aura
appris par l’oral. J’ai tout appris par l’oreille. J’aime parler et même
eu cette histoire qui va se transmettre.
ressasser. Dans la tradition zen, il y a des maîtres qui racontent de
— B.B. Mais, si elle se transmet, elle va se modifier et s’altérer. petites anecdotes qui n’appellent pas vraiment de réponses mais qui
La transmission va sans doute en modifier l’intention première. sont des anecdotes ô combien significatives. Dans mon travail,
Elle n’aura peut-être plus grand-chose à voir avec le récit original.
Centre Pompidou

j’essaie de m’approcher de ces sortes de contes, non pas par des mots
— C.B. Je suis d’accord, de même que les objets que je détruis et mais par des sensations. Plonger dans le noir change pas mal les
que je refais, pour le moment, je les rejoue mais forcément après moi, choses, on se met à chuchoter par exemple.
quelqu’un d’autre devra les réinterpréter, sans doute en les modifiant, — B.B. Les voix qui chuchotent, les cris des baleines, les hurlements
moi-même, je les modifie. des chiens, les ritournelles des chansons de l’enfance... Tout est bon
pour susciter une sensation, conduire à une émotion. Là encore, les
artifices de la mise en scène.

13
Boltanski Faire son temps Dossier de presse

— C.B. En tout cas une tentative d’approcher l’art total en employant — B.B. Ce théâtre que tu décris a une histoire qui rompt avec la
tous les modes possibles. Une de mes premières tentatives est celle pratique du théâtre classique et de la scène traditionnelle. Il renvoie à
que j’ai faite avec Ilya Kabakov et Jean Kalman, Der Ring dans la la fois au théâtre populaire, à celui qu’on jouait dans les rues ou dans
banlieue de Berlin, dans un ancien hôpital soviétique qui s’étendait des baraquements, mais il renvoie aussi à ce théâtre émancipé de la
dans plusieurs pavillons autour d’un grand jardin. Les visiteurs se scène que nombre d’artistes, au fil du 20e siècle, ont échafaudé pour
promenaient d’un pavillon à l’autre, en suivant des événements. Dans s’éloigner des conventions et rapprocher l’art et la vie.
un pavillon, il y avait de vieux chanteurs wagneriens qui prenaient le — C.B. Le théâtre est un art du temps et l’exposition est un art de
thé et de temps en temps, il y en avait un qui se levait et qui chantait. l’espace. Il fallait trouver quelque chose qui soit entre les deux. Dans
C’était avant tout une sorte d’errance dans cet hôpital en ruine. Il y les expositions que je fais, j’essaie de refléter cette idée de temporalité,
avait un grand couloir avec, au bout, un morceau de Wagner. Il y avait c’est-à-dire il y a un début et une fin mais, malgré tout, on ne sait pas
un mur de haut-parleurs, de la fumée et donc tu ne voyais pas ce mur combien de temps les gens vont rester dans la première salle ou dans
et quand tu t’approchais, le son était tellement fort que tu ne pouvais la cinquième salle. Dans les spectacles que j’ai faits, il y a vraiment ce
plus avancer. Tu étais obligé de reculer. Des expériences comme celle- mélange entre un temps, par exemple musical, et puis un espace,
ci m’ont beaucoup apporté. J’essaie dans mon théâtre comme dans l’endroit où les gens se promènent. Quand je travaillais au Châtelet,
mes expositions, de fabriquer un lieu d’errance, comme à Lyon, dans tu avais deux jours de représentation et le soir de la deuxième à la fin,
les sous-sols d’une piscine, où on avait vraiment du mal à trouver la donc à minuit, tu voyais les employés du théâtre qui balayaient et qui
sortie. Le son, le froid, l’odeur, la circulation sont des éléments préparaient le décor du lendemain. Donc, tu savais que c’était
importants pour moi. En tout cas, la dernière partie de mon œuvre définitivement terminé. Je pense que la chose qui m’a le plus plu dans
tient beaucoup de ces expériences théâtrales. le théâtre, c’est cette beauté de l’éphémère : tu travailles pendant
— B.B. Peut-on parler de cérémonies, voire de rites théâtraux ? Je longtemps sur une chose qui ne peut rester que dans la mémoire de
vois dans tes expériences théâtrales, des éléments touchant aux ceux qui l’on vue. Si tu fais une pièce de théâtre comme j’ai fait,
archaïsmes les plus profonds. Elles me rappellent tout à la fois les ça dure deux ou trois jours et après plus personne ne la verra jamais.
formes du théâtre antique mais aussi celles d’un théâtre populaire, De même, quand je fais une exposition comme celle qu’on fait, dès
voire d’un théâtre de rue où les ficelles orchestraient la fascination et qu’elle sera finie, plus personne ne la verra. On pourra voir des œuvres
la stupeur des spectateurs. ailleurs mais plus dans cette configuration. L’exposition que j’ai bien
aimée, l’année dernière à Amsterdam dans une église, plus personne
— C.B. Je crois que mon œuvre touche à des choses très anciennes.
ne la verra, il y a des photos mais ce n’est pas la même chose. Le
Peut-être qu’une des sources de mes spectacles théâtraux qui sont en
théâtre m’a finalement appris à faire des choses qui ne soient que
fait de grandes cérémonies, se trouve dans ces cérémonies mortuaires
racontables.
du 17e siècle, autour de Bossuet et de ces grandes liturgies de paroles
enflammées où l’on drapait de noir des églises entières, où l’on — B.B. Je ne sais pas si l’on peut parler d’art total, comme tu le fais
mettait de la fumée partout. en évoquant sans le nommer Harald Szeemann. Mais ce que bien sûr,
je remarque au fil de cette déambulation à laquelle tu invites, c’est
— B.B. Les rites, les cérémonies... Mais l’homme de théâtre construit
que l’exposition en tant que telle est conçue comme une œuvre dont
collectivement alors que tu as longtemps travaillé dans l’intimité de
les pièces sont les éléments du dispositif. Disons que le but est de
ton atelier. L’un des aspects qui a conduit à une rupture dans ta
produire une totalité qui ne peut subsister qu’à l’état de souvenir.
pratique, c’est ce passage d’une pratique absolument solitaire à une
pratique plus collective, disons partagée. À moins d’ailleurs que — C.B. Ces expériences m’ont donné envie de ne plus avoir d’œuvres
l’exposition qui en appelle à différents intervenants, n’ait en quelque qui soient formellement définies mais qui soient modifiables, un peu
sorte initié ce rite collectif qui t’a rapproché du théâtre. comme un morceau de musique qu’on interprète. À côté de ces
œuvres qu’on peut rejouer de manière différente, il est apparu
— C.B. Absolument et le théâtre offre ce grand bonheur de faire
récemment une autre série d’œuvres qui ont existé, vont disparaître et
quelque chose avec d’autres et avec ses amis. Je pense que cela a été
qui n’ont pas besoin d’être vues pour être comprises. Je pense par
important pour moi, ce travail du spectacle vivant avec mes amis et
exemple au Cœur à Teshima, où l’on n’a pas besoin d’aller même si
qui a commencé il y a une quinzaine d’années. Avec Jean Kalman, j’ai
l’endroit est très beau ! Je pense aussi à Misterios en Patagonie, ou
fait d’abord Voyage d’hiver à l’Opéra Comique. Notre première
aux Animitas dans différents pays.
collaboration à trois a été Ô Mensch ! Au Point P, dans le cadre du
Festival d’automne il y a quinze ans, puis au Châtelet à Paris pour — B.B. Pour autant, ces œuvres subsistent ou se métamorphosent
Pleins Jours, puis à Reggio Emilia, on a fait deux spectacles qui par des films. L’œuvre, c’est aussi le film. Voire l’installation que tu
s’appelaient Tant que nous sommes vivants. Il y a aussi ce spectacle conçois : les trois écrans de Misterios, le parterre de fleurs séchées
en parallèle à l’exposition qui s’intitule Fosse (cf. page 19) ici, au d’une des versions d’Animitas.
Centre Pompidou. Nous nous sommes fixé des règles avec lesquelles — C.B. Les films aideront à se souvenir quand il n’y aura plus rien.
nous avons réalisé tous nos travaux : le spectacle n’a pas de début ni Quand le squelette de la baleine ne sera plus que de la poussière,
de fin, le temps est long – quatre ou cinq heures – mais le spectateur quand les clochettes se seront envolées. Un jour peut-être, quelqu’un
peut rester le temps qu’il veut. Il y a des cycles musicaux qui sont passera et retrouvera quelques fragments de tout cela. Il se dira qu’il
courts et le spectateur peut entrer et sortir à sa guise. Évidemment, ce s’est passé quelque chose mais il ne fera pas nécessairement le lien
qui est important pour moi, c’est que les spectateurs ne soient pas avec les films qui vivront une autre vie.
devant quelque chose mais qu’ils soient dans l’œuvre et qu’ils
s’immergent à l’intérieur d’un espace où ils sont happés par des — B.B. À t’écouter, conteur de ta propre œuvre, on se dit qu’il y a un
événements musicaux ou théâtraux. Ces trois règles sont vraiment Boltanski peintre, un Boltanski photographe, un Boltanski sculpteur,
importantes : le temps indéfini, le fait que le spectateur soit libre et etc. Et sans doute, même si tu aurais quelque mal à le dire parce que
qu’il soit plongé dans le spectacle. D’ailleurs, je les ai reprises aussi tu serais rattrapé par la pudeur, un Boltanski poète.
dans mes expositions comme au Grand Palais, où on déambulait à — C.B. Oui, comme je le dis souvent, la beauté de la poésie est dans
l’intérieur de l’œuvre. J’avais fait couper le chauffage, il y avait des tas le précis imprécis. J’aime l’idée de la restitution par un récit qui va se
Centre Pompidou

de vêtements par terre, ce qui obligeait tous les gens à regarder au sol transformer. Je suis fréquemment au Japon et lors de l’un de mes
et faisait en sorte que le visiteur devienne partie prenante de l’ œuvre. séjours, on m’a montré l’un de ces sanctuaires shintoïstes qui sont
Et effectivement, s’il est assis dans une salle, le rideau se lève il est abattus et reconstruits tous les vingt ans. Je trouve tellement beau
devant la scène, alors que moi, je veux qu’il soit dans le théâtre et que d’avoir la transmission par le savoir et non par l’objet. Je n’ai jamais
lui-même ne sache plus trop qui est qui. On n’est pas devant mais étudié la tradition shintoïste qui condense l’amour de toutes les
dans l’œuvre. petites pierres et de tout ce qu’il y a dans le monde mais j’apprécie
simplement l’idée que l’on fait quelque chose, qu’on va la détruire
mais qu’elle survivra par la transmission orale.

14
Boltanski Faire son temps Dossier de presse

— B.B. Dans sa défiance à l’égard de ce qu’est devenu le système de


l’art aujourd’hui, nombreuses sont les œuvres qui renouent avec
l’oralité.
— C.B. Le judaïsme a survécu par la parole. Je t’ai peut-être déjà
raconté quelque chose qui m’avait beaucoup frappé. Une fois, j’ai
assisté à un Séder près de la Bastille et le plus jeune, comme c’est la
tradition, prononçait les paroles qui avaient dû être dites il y a très
longtemps à Prague, en Irak, ou je ne sais pas trop où. À Paris, il n’y a
eu rien d’autre que, simplement, cette transmission du mythe qui a
été raconté et qui un jour, on peut imaginer, sera raconté par
quelqu’un d’autre. Il n’y avait aucune chose matérielle. Dans des pays
si lointains, si différents, la tradition se transmet et vit seulement par
la parole, on n’a pas besoin d’une chose matérielle. Il n’y a pas besoin
de construire le temple.
— B.B. Il y a une chose frappante, après toutes ces années, on a le
sentiment que tu es conscient que ton travail ne te survivra qu’à partir
du moment où toi-même tu auras produit, non pas son effacement
mais cette transmutation dans cette oralité qui te fascine. Comme si
un jour, il faudra qu’on puisse raconter Boltanski.
— C.B. Absolument, je te parlais des shintoïstes et de leurs temples,
et dans beaucoup de religions orientales, la transmission ne se fait
pas par l’objet mais par la connaissance, par le savoir. Au Japon, il y a
des gens qu’on considère comme des trésors nationaux parce qu’ils
savent faire un temple ou faire un jardin.
— B.B. Donc ton obsession, ton désir, qui est aussi ta vanité, c’est
qu’on transmette Boltanski, qu’on le raconte, qu’on l’ait connu ou
pas. Comme n’importe quelle figure dans l’éternité du temps, qu’on
convoque à un moment donné, pour que son expérience aide à vivre
et à comprendre.
— C.B. Je m’intéresse surtout à l’évolution de l’œuvre et à sa
transformation par cette oralité. Mon désir est que l’œuvre soit
continuellement réinterprétée, jouée.
— B.B. En Grèce, j’avais longuement marché pour aller voir la tombe
d’Homère. Mais il n’y avait plus rien que le récit qu’en faisait un guide.
Haut Bas
Au point qu’à un moment donné, je ne m’attachais plus à ce que
Animitas Chili Animitas blanc j’aurais pu voir mais seulement à ce que j’imaginais qui,
2014 2017 paradoxalement, était plus présent que ce que j’étais venu chercher.
Lors d’une exposition à Santiago du Vidéoprojection avec son, Est-ce que cela ne répond pas à ce que tu tentes de raconter
Chili, Boltanski a l’occasion de visiter format 16/9, HD, durée : 13 h. 36 sec., aujourd’hui ?
le désert d’Atacama, lieu historiquement boules de papier de soie
chargé, occupé par un camp de Musée national des Beaux-Arts — C.B. Sur la terre des Animitas, il n’y a déjà plus rien.
concentration voulu par Pinochet. du Québec
Un site qui est très impressionnant Archives Christian Boltanski
— B.B. Il n’y a plus rien, mais le film en est la mémoire, peut-être
par la proximité du ciel étoilé. Photo © DR même la matière. Il n’y a d’ailleurs doublement plus rien de ce que tu
Le titre de cette série d’œuvres vient © Adagp, Paris, 2019 as fait, qui a disparu, mais aussi de ce sol, de cette terre dont on sait
du nom donné par les Chiliens aux qu’elle est aussi chargée d’une grande tragédie.
autels religieux édifiés au bord des
routes, là où il y a eu un accident. — C.B. En effet. J’ai été invité à faire une exposition au Chili dans le
Boltanski veut ainsi évoquer la grand musée de la capitale et j’ai demandé à la commissaire, Beatriz
présence des morts qui nous entourent.
Des petites clochettes accrochées à
Bustos, de faire en sorte que je puisse aller dans le désert d’Atacama,
des longues tiges bougent et sonnent que j’avais toujours désiré voir. Je suis arrivé dans cet endroit magique
au rythme du vent. Boltanski a réalisé au à 4 000 mètres d’altitude. Le ciel est très proche, c’est un endroit sec
total quatre Animitas : outre celle et on a l’impression qu’on peut toucher les étoiles. On sait que
d’Atacama, il en a installé une au nord
du Québec, une sur la mer Morte et une
Pinochet avait l’habitude de jeter les prisonniers d’avion dans cet
sur l’île de Teshima qui est la seule endroit désert et pendant très longtemps, des veuves ou des mères de
encore existante. C’est en effet une malheureux prisonniers ont erré dans ce désert en essayant de
œuvre votive où chaque clochette est retrouver les restes de leurs proches. Toute l’ambiance est magique et
dédiée à un être aimé.
sinistre et j’ai donc eu envie de faire une œuvre dans cet endroit, une
Vidéoprojection avec son, œuvre en hommage aux étoiles et à toutes ces âmes errantes qui se
format 16/9, durée : 13 h. 16 sec.,
foin, fleurs
trouvent dans ce désert. J’ai appelé ça Animitas et donc, j’ai planté
Archives Christian Boltanski ces clochettes qui flottent et tintent au vent. Naturellement, de cette
Photo ©Francisco, Rios Anderson œuvre qui a aujourd’hui cinq ans ne reste physiquement plus rien :
Centre Pompidou

© Adagp, Paris, 2019 des amis sont allés la chercher et n’ont rien trouvé. C’était mon but
que tout disparaisse. Il ne faut surtout pas abîmer le désert.
Matériellement, il ne reste donc que ce film. J’ai voulu faire quatre
versions : une version au nord du Québec, dans la neige, c’était la plus
difficile à faire. Une sur la mer Morte et puis une version au Japon
dans l’île de Teshima, qui est un peu différente parce qu’elle a une
signification votive. Dans les quatre versions, il s’agit d’hommages
aux esprits, d’hommages aux morts.

15
Boltanski Faire son temps Dossier de presse

— B.B. Quelle est la fonction des titres dans ton travail ? Souvent ces — C.B. J’ai le désir, sans doute impossible, de créer de nouveaux
titres sont déjà les commencements des récits. mythes qui ne s’appuient pas forcément sur des choses visuelles,
de créer quelque chose qui puisse exister après moi, sous la forme
— C.B. Oui, en tout cas, ils orientent le récit. Par exemple, le titre des
d’une histoire. [...] Fabriquer des mythes est plus important que de
Animitas correspond aux noms des petits autels religieux qu’on voit
faire des œuvres et de toute façon, Duchamp l’a bien montré, lui qui
sur les routes du Chili, posés là où il y a eu un accident de voiture,
est avant tout un créateur de mythes, avec ses objets auxquels les
mais bien sûr dans les titres, il y a aussi cette idée de petites âmes.
gens vont essayer de trouver un sens en créant une histoire. Sa
Le titre Misterios renvoie à la croyance que les baleines recèleraient
dernière œuvre Étant donnés : 1° la chute d’eau, 2° le gaz d’éclairage...
des mystères. Dans la tradition des Indiens d’Amérique du Sud,
est une œuvre totalement incompréhensible, une œuvre qui fait
la baleine est l’animal qui connaît le début de l’histoire, qui connaît la
parler, chacun peut construire son propre mythe par rapport à cette
vérité sur nous-mêmes et comme j’ai posé beaucoup de questions à
œuvre. [...] Les mythes sont toujours dits par un chaman ou par un
beaucoup de gens, comme j’ai beaucoup réfléchi et espéré
prêcheur qui les invente et/ou les transmet et peut-être que je me
comprendre ce qu’était le début de l’histoire, j’ai voulu poser ces
situe à l’intérieur de cette tradition d’un chaman ou d’un prêcheur qui
questions aux baleines. J’ai donc installé en Patagonie du Nord, à un
invente des nouveaux mythes auxquels les gens vont plus ou moins
endroit où il y a beaucoup de baleines mais qui est extrêmement
croire et qu’ils vont retransformer après eux. Et des chamans ou des
désert, des grandes trompes que j’ai fabriquées et quand le vent
prêcheurs viendront pour retransformer encore ces mythes et cela à
s’engouffre à l’intérieur, on peut entendre le langage des baleines,
l’infini.
ou en tout cas, on écoute des bruits très proches du langage des
baleines. J’ai travaillé avec des acousticiens pour cette réalisation — B.B. Dans l’exposition du Centre Pompidou de 1984, il y avait d’un
mais naturellement les baleines ne m’ont pas répondu mais même si côté, la vie de l’artiste et de l’autre côté, son œuvre. Ce qui est
les animaux connaissent plus de choses que les humains, elles ne fascinant, c’est ce que trente-cinq années après, tu soulignes
m’ont pas dit pourquoi nous sommes sur Terre. Cette expérience fait désormais que ton sujet est devenu l’indicible.
partie des projets que j’ai actuellement, concernant la création des — C.B. Plus on travaille, plus on disparaît et plus on devient son
mythes. Un jour, une tempête abattra ces grandes trompes, de toute œuvre. Je pense que le désir d’un artiste, c’est de devenir son œuvre.
façon peu de gens auront pu se rendre sur place. Il est possible que Finalement, on joue sa propre vie pour la vivre réellement : on joue la
dans plusieurs années, courra la rumeur qu’un homme fou est venu tristesse, on joue le bonheur. On est montreur, on n’est que montreur,
– mon nom sera oublié – et qu’il aura essayé de parler aux baleines. on n’a plus de vie tout comme un acteur de théâtre. Je pense qu’un
— B.B. Dans tes premières pièces, celles dont tu ne parles plus artiste doit s’effacer et, en cela, est plus universel car en principe,
aujourd’hui et qui puisaient aux livres d’histoire de l’école de ton chacun devrait se reconnaître en lui. On s’y reconnaît parce qu’il est le
enfance, tu reproduisais des faits historiques élevés au rang miroir du désir de l’autre et lui même n’a plus de distance. Je pense
d’épopées. Cinquante ans plus tard, ces images ont disparu de tes que dans mon cas, j’ai montré la vie sans jamais la vivre. C’est une
récits pour se métamorphoser dans les mythologies que tu bricoles. sorte de protection pour des gens pour qui la vie est trop difficile. J’ai
De raconteur de l’histoire des autres, tu tends à devenir conteur des fait le choix de n’être que montreur et c’est comme ça pour un certain
mythes que tu échafaudes et qui viennent s’ajouter à ceux de notre nombre d’artistes qui ne sont que leur oeuvre, ils ne deviennent que
imaginaire collectif. leur œuvre. Il y a des petites anecdotes autour mais à la fin, ils ne sont
que leur œuvre. Ils ressemblent à leur œuvre. Giacometti ressemble à
l’image de Giacometti, etc. On fabrique son temps, on fait son temps
de vie.

Misterios
2017

Vidéoprojection sur 3 écrans, format


16/9, son stéréo, couleur,
durée : 12 heures
Archives Christian Boltanski
Photo © Christian Boltanski
© Adagp, Paris, 2019
Centre Pompidou

16
Boltanski Faire son temps Dossier de presse

Le parcours de l’exposition
Galerie 1, niveau 6

38
39 31 32 27
35
34

28
1 40 26
36

29
39 37 33 27
30

2 20 25
1 4
3
15
19
5 12

6
18 23
11 13 22
7
14
12
10
8 21
16
9
17 24

1. Départ 6. Les 62 membres du Club 10. Les Habits de François C.


Arrivée Mickey en 1955, les photos 1971
2015 préférées des enfants Tirages noir et blanc encadrés
Ampoules, douilles, fils électriques 1972 de fer blanc
Photographies noir et blanc
2. 27 possibilités d’autoportraits 11. Entre-temps
encadrées, cadre en fer-blanc
2007 2003
Photographies noir et blanc. 7. Album de photographies Vidéoprojection noir et blanc,
Édition 1/3 de la famille D., 1939-1964 1 min. 37 sec., silencieux, rideau
1971 de cordes, dimensions variables
3. La Chambre ovale
Tirages noir et blanc encadrés
1967 12. Théâtre d’ombres
de fer blanc
Peinture acrylique sur Isorel 1984-1997
8. Vitrine de référence Figurines en carton, projecteurs,
4. L’Homme qui tousse
1972 plate-forme mobile, structures
1969
Bois, photographies noir et blanc, en métal, ventilateurs,
Film 16 mm couleur, sonore,
bandelette de tissu, fil de fer, bois, dimensions variables
2 min. 44 sec.
lames de rasoir, boîte en métal,
Caméra : Jean-Claude Valesy 13. Cœur
boulettes de terre
et Alain Thierry 2005
9. La Mort du grand-père Ampoule, amplificateurs, boîtier
5. Essai de reconstitution
1974 pour transformer le son des
1970-1971
Centre Pompidou

4 photographies noir et blanc battements de coeur en lumière


Fer blanc, bois, grillage,
rehaussées de pastel sur papier clignotante, enregistrements,
pâte à modeler
et légendes dimensions variables

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Boltanski Faire son temps Dossier de presse

14. Miroirs noirs 27. La Vie impossible de C.B. 38. Prendre la parole
2005 2001 2005
Miroirs peints en noir de plusieurs Bois, grillage métallique, Bois, manteaux noirs, lampes
dimensions tubes fluorescents, papier, de bureau, ampoules, lecteur
photographies enregistreur, haut-parleurs
15. Réserve des Suisses morts
avec capteurs de mouvement,
1990 28. Menschlich
dimensions variables
Photographies, lampes à pinces, 1994
fils électriques, échelles en bois, Photographies noir et blanc, 39. Animitas Chili
linge blanc lampes 2014
et Animitas blanc
16. Les Véroniques 29. Les Portants
2017
1996 2000
Vidéoprojection avec son, format
Photographies noir et blanc Miroirs noirs, portants sur roues,
16/9, couleur, 13 heures 36 sec.,
sur calque, boîtes en bois, grillage, voiles imprimés transparents,
foin, fleurs, boules de papier de soie
tubes fluorescents, tissu tubes fluorescents
40. Le Passage
17. Le Manteau 30. Mes Morts
2019
1991 2002
Vidéo-projection sur tissu, muet,
Manteau noir, ampoules LED, Panneaux métalliques, tubes
noir et blanc, 6 min.
câbles noirs fluorescents, câbles électriques
18. Les Portraits noirs, 1993 31. Les Tombeaux
Photographies noir et blanc 1996
encadrées, lampes à pince Bois, métal, draps noirs, ampoules
19. Après / Pics 32. Les Concessions
1996 1996
Miroirs sur pied, cadres, Photographies, tissu noir,
barres métalliques, ampoule ventilateurs, dimensions variables
20. et 21. 33. Après
Monuments et Reliquaires 2016
Photographies, boites à biscuits, Photographies imprimées
lampes à pinces, douilles, ampoules, sur voile, Plexiglas, ampoules
fils électriques transparentes, lampes à pinces
22. Les Regards 34. Crépuscule
2011 2015
Voiles, filins métalliques, Ampoules, douilles, fils électriques
ampoules, ventilateur, dimensions noirs, dimensions variables
variables 35. Les Registres du Grand-Hornu
23. Réserve : Les Suisses Morts 1997
1991 Boîtes en fer-blanc, étiquettes,
Boîtes en métal, photographies photographies noir et blanc,
noir et blanc lampes de bureau
24. La Dernière danse 36. Le Terril Grand-Hornu
2004 2015
Diptyque photographique Vêtements noirs en tissu, lampe,
25. Sentimental Père-Mère
dimensions variables
de C.B. 37. Les Containers
2000 2010
Photographies noir et blanc, Chariots à roulettes, acier,
ampoules, fils électriques tubes fluorescents
boules de papier de soie
26. Misterios
2017
Vidéoprojection sur 3 écrans,
format 16/9, son stéréo, couleur,
720 min.
Centre Pompidou

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Boltanski Faire son temps Dossier de presse

Autour de l’exposition

Création
Fosse
Christian Boltanski,
Jean Kalman, Franck Krawczyk
Vendredi 10 et samedi 11 janvier 2020, 19h à 22h
(dernière entrée à 21h10)
Dimanche 12 janvier 2020, 17h à 20h
(dernière entrée à 19h10)
Parking du Centre Pompidou, niveau -1
50 minutes / 18 €, 9 € (-18 ans) © DR

Après Pleine Nuit, spectacle conçu dans le chantier de la Salle Favart Œuvre pour soprano, violoncelle solo, chœur,
en 2016, l’Opéra Comique et le Centre Pompidou invitent Christian 12 violoncelles, 6 pianos, percussions
Boltanski, Jean Kalman et Franck Krawczyk pour une création dans et guitares électriques.
le parking Berger, situé au niveau -1 du Centre. Conception
Depuis 2001, les trois artistes d’horizons différents, travaillent à Christian Boltanski, Jean Kalman, Franck Krawczyk
une nouvelle forme de spectacle qui répond à trois règles : l’espace Coordination artistique – Plein Jour
donné constitue la base du livret ; le spectacle n’a ni début ni fin Soprano – Karen Vourc’h
(on peut entrer et sortir à tout moment) ; le spectateur n’est pas Violoncelle solo – Sonia Wieder-Atherton
placé devant mais déambule au cœur même de l’espace scénique. Chœur – accentus
Tel Dante ou Orphée, le visiteur erre dans un lieu indéterminé, Commande de l’Opéra Comique
immergé dans ce qui se passe au dessous, sous la surface, sous la Production Opéra Comique
scène, déplaçant l’enjeu sur ce qui ordinairement tend à être Coproduction Centre Pompidou
dissimulé. Fosse, ou l’opéra comme mise en abîme. Avec le soutien du Fonds de Création Lyrique

Masterclasse Cycle parole


Avec Christian Boltanski Les trois temps de Boltanski
Dimanche 17 novembre 2019, 17h Le temps du spectacle
Petite salle, niveau -1 Mercredi 8 janvier, 19h
Entrée libre Petite salle, niveau -1
Le temps du musée
Jeudi 12 février, 19h
Cinéma Petite salle, niveau -1
Autour de C.B. Le temps des reliques
Jeudi 19 mars, 19h
Mercredi 15 janvier 2020, 19 h
Galerie 1, niveau 6
Cinéma 2, niveau -1
Centre Pompidou

5 € tarif plein / 3 € tarif réduit Entrée libre


Gratuit pour les adhérents

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Boltanski Faire son temps Dossier de presse

Publications

Catalogue de l’exposition
Sous la direction de
Bernard Blistène,
Christian Boltanski
et Annalisa Rimmaudo
Éditions du Centre Pompidou
Parution : 30 octobre 2019
isbn : 9782844268600
288 pages, 19.5 x 26 cm
Prix de lancement -30% : 29.77 € ht
Prix public : 45.00 €
À partir du 30 octobre 2019

Album de l’exposition
Sous la direction de
Bernard Blistène
Éditions du Centre Pompidou
Parution : 30 octobre 2019
isbn : 9782844268617
60 pages, 27 x 27 cm
Prix de lancement -30% : 6.28 € ht
Prix public : 9.50 €
À partir du 30 octobre 2019

Personnes
Sous la direction de
Christian et Christophe Boltanski
Éditions du Centre Pompidou
Parution : 30 octobre 2019
isbn : 9782844268624
96 pages, 12 x 18,5 cm
Prix de lancement - 30%: 8.27 € ht
Prix public : 12.50 €
À partir du 30 octobre 2019
Centre Pompidou

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Boltanski Faire son temps Dossier de presse

Informations pratiques

L’Exposition Le Centre Pompidou


75191 Paris cedex 04 / T. 00 33 (0)1 44 78 12 33
Boltanski Métro : Hôtel de Ville, Rambuteau / RER Châtelet-Les-Halles
Faire son temps Horaires et Tarifs
13 novembre 2019 – 16 mars 2020 Exposition ouverte tous les jours de 11h à 21h,
Galerie 1, niveau 6 le jeudi jusqu’à 23h, sauf le mardi et le 1er mai
14 €, tarif réduit 11 € / Gratuit pour les moins de 18 ans.
Les moins de 26 ans*, les enseignants et les étudiants des écoles d’art,
Commissaire Bernard Blistène
ainsi que les membres de la Maison des artistes bénéficient de la gratuité
avec la collaboration d’Annalisa Rimmaudo
pour la visite du Musée et d’un billet tarif réduit pour les expositions.
Chargé de production Hervé Derouault
Architecte scénographe Jasmin Oezcebi Accès gratuit pour les adhérents du Centre Pompidou.

Billet horodaté
Avec le soutien de la société Raja Le Centre Pompidou met en place un système de réservation préalable
recommandé avec choix de créneaux horaires pour offrir au public un
meilleur confort de visite de ses expositions en Galeries 1 et 2 durant la
rénovation de l’entrée principale et de la « Chenille ». Le billet horodaté
En partenariat avec Vranken-Pommery Monopole « Boltanski » donne accès à tous les espaces du Centre Pompidou, dont les
collections permanentes, à l’exception de l’exposition « Bacon, en toutes
En partenariat média avec : lettres ». Le billet horodaté « Bacon » donne accès à tous les espaces du
Centre Pompidou sans exception. Le mode de billetterie pour le Musée
national d’art moderne et les expositions des Galeries 3 et 4 reste inchangé.
Réservations et billet imprimable à domicile sur :
www.billetterie.centrepompidou.fr
Remerciements La réservation d’un créneau horaire s’applique à tous les visiteurs
Galerie Marian Goodman, Paris - Londres - New York excepté ceux bénéficiant d’une gratuité.
Galerie Kewenig, Berlin
* 18-25 ans ressortissants d’un état membre de l’UE ou d’un autre état partie à l’accord
Galeria Albarrán Bourdais, Madrid sur l’Espace économique européen. Valable le jour même pour le Musée national d’art
Raphaële Coutant, Clémence Ouazana, Charlotte Richard moderne et l’ensemble des expositions.

Contact presse Au même moment


Timothée Nicot Bacon
T. 00 33 (0)1 44 78 45 79 En toutes lettres
timothee.nicot@centrepompidou.fr 11 septembre 2019 – 20 janvier 2020
Galerie 2
assisté de Grégoire Samson
T. 00 33 (0)1 44 78 12 49 Dorothy Iannone
gregoire.samson@centrepompidou.fr Toujours de l’audace
25 septembre 2019 – 6 janvier 2020
Musée, salle Focus
Visuels presse Prix Marcel Duchamp 2019
Les visuels de ce dossier représentent une sélection disponible pour la 9 octobre 2019 – 6 janvier 2020
presse.Chaque image doit être accompagnée de sa légende et du crédit Galerie 4
correspondant. Toute demande spécifique ou supplémentaire concernant
Calais
l’iconographie doit être adressée à l’attaché de presse de l’exposition.
Témoigner de la « jungle »
16 octobre 2019 – 24 février 2020
Galerie de photographies
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