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Revue des Sciences Religieuses

Comment le même est-il devenu l'autre ? (ou comment juifs et


nazaréens se sont-ils séparés ?)
François Blanchetière

Abstract
Since F.C. Baur in 1831, many are the definitions and the explanations of the term 'jewish-christian' as the denomination of the
first disciples of the Rabbi Yeshua of Nazareth. This paper try to deal with the difficulties about the use of this term and to
suggest another that is found into the Palestinian literature Jewish as well as Christian : Nozri. Afterwards, we would try an
approach of the self understanding of those first disciples and then, to undertand how they lived the parting of the ways and its
stapes.

Résumé
Depuis l'article de F.C. Baur de 1831, nombreuses ont été les définitions et explications de l'expression judéo-chrétien comme
dénomination des premiers disciples du Rabbi Yeshua de Nazareth. Nombreux sont ceux qui en récusent la validité parce
qu'incompatible avec le regard que ces premiers disciples portaient sur eux-mêmes. On se propose d'abord de revenir sur ces
difficultés et d'avancer une autre dénomination que l'on retrouve dans les textes palestiniens tant juifs que chrétiens : Nozri.
Dans un deuxième temps, on tentera d'approcher le self-entendment, c'est-à-dire d'aborder la réelle identité de ces premiers
disciples. Enfin on essaiera de comprendre comment le Nozri est devenu progressivement Nokhri, en d'autres termes comment
a été vécue la rupture et ses étapes.

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Blanchetière François. Comment le même est-il devenu l'autre ? (ou comment juifs et nazaréens se sont-ils séparés ?). In:
Revue des Sciences Religieuses, tome 71, fascicule 1, 1997. pp. 9-32;

doi : https://doi.org/10.3406/rscir.1997.3386

https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1997_num_71_1_3386

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Revue des sciences religieuses 71 n° 1 (1997), p. 9-32

COMMENT LE MEME EST-IL DEVENU L 'A UTRE ?

ou comment Juifs et Nazaréens se sont-ils séparés ?

« Les Juifs leur font la guerre comme à des étrangers »


à Diognète 5, 17

Pendant fort longtemps (*) et jusqu'à une date relativement


récente, le Judaïsme des premiers siècles de notre ère n'a été envisagé
par les historiens du christianisme que dans une perspective heilsges-
chichtliche, en tant que pédagogie pour emprunter à V épure aux Gala-
tes de l'Apôtre Paul (Gai 3, 24-25) la thèse de la Loi pédagogue ou en
tant que praeparatio evangelica, selon l'expression d'Eusèbe de Césa-
rée le « Père de PHisoire ecclésiastique », ainsi qu'il se dénomme
personnellement. En d'autres termes, le Judaïsme n'a pas été abordé
pour lui-même, mais en tant qu'il aurait pavé la route au christianisme,
celui-ci devant se substituer à celui-là. Souvenons-nous de Y Eve de
Péguy et de la théologie de l'histoire. Il est vrai que ces mêmes
historiens chrétiens n'abordaient guère autrement l'ensemble du monde
antique et plus particulièrement l'apport du monde gréco-romain.
Analysant le statut actuel des études juives dans les universités
européennes, P. Schàfer a récemment démontré que le « Judaïsme » y était
essentiellement étudié soit dans le cadre des facultés de théologie, soit
dans les départements de langue et non pour lui-même (Schâfer, 1 992).
Il serait par ailleurs intéressant d'envisager la situation des études jui-

(*) Sous une forme quelque peu différente, ce texte a fait l'objet d'une
intervention en hébreu dans le cadre du colloque Jewish-Gentile Relations in the Time
of The Second Temple, the Mishna and the Talmud, qui s'est tenu à l'Université de
Haïfa du 13 au 17 novembre 1995. Il sera publié en hébreu dans les actes du colloque
sous la responsabilité des Professeurs A. Oppenheimer Tel Aviv University et M. Mor
University of Haifa.
En conformité avec une convention qui tend à se généraliser, les notes ont été
purement et simplement supprimées. On trouvera au fil du texte et entre parenthèses
des références à un auteur suivies d'une date, celle de l'édition de l'ouvrage, enfin
et éventuellement référence à telle page précise, ceci pour renvoyer à la bibliographie
transcrite à la fin de l'article.
10 F. BLANCHETIÈRE

ves dans les universités israéliennes (Heymann, 1992 ; Rein, 1995).


Parallèlement, la dimension proprement historique est demeurée
totalement en dehors des préoccupations du Judaïsme traditionnel et de la
littérature rabbinique, compte tenu de l'axiome : il n'y a ni avant ni
après dans la Torah, c'est-à-dire que tout est considéré sub specie
aeternitatis, comme l'a superbement démontré H. Y. Yérushalmi dans
Zakhor (Yérushalmi, 1984).
Il n'en est plus tout à fait de même aujourd'hui. Reste qu'une
approche historique du Judaïsme des premiers siècles de notre ère ou
des siècles immédiatement antérieurs n'est pas sans poser des
problèmes méthodologiques fort complexes. La présentation en quatre
sectes que nous a donnée Flavius Josèphe, mais antérieure à lui (Flus-
ser, 1992, 366 sq.), nous apparaît aujourd'hui de plus en plus proche
de la réalité, à telle enseigne que les spécialistes en viennent à parler
non plus du Judaïsme, mais des Judaïsmes, ou, si l'on préfère, de
multiples courants juifs. Rien de monolithique, de monophonique, au
contraire une superbe polyphonie, ou, pour reprendre une
comparaison dont Philon d'Alexandrie fait la théorie dans le de Iosepho 32,
un poikilon, cette robe aux couleurs bigarrées don de Jacob à son
fils Joseph (Gn 37, 3). On évite de parler de « Judaïsme rabbinique »,
a fortiori de « Judaïsme normatif» et l'on s'interroge sur de possibles
« courants » esséniens, para/péri-esséniens, qumraniens etc.. Est-il
plus éclairant de parler avec E.P. Sanders de « common Judaism »
défini comme « what the priests and the people agreed on »,
définition que E. Meyers adopte pour parler du Judaïsme de la diaspora,
hormis le culte dans le Temple (Basor 297 [1995] 18).
Qui plus est, si les sources chrétiennes les plus anciennes
connaissent les différentes écoles juives, sadducéens, pharisiens etc., elles
n'évoquent pas directement les esséniens, pas plus que les courants
baptistes. A l'inverse, les sources juives de la même époque restent
très allusives quant à Jésus de Nazareth et à ses disciples, et ces maigres
renseignements sont d'interprétation difficile et donc controversée.
Il n'est donc pas sans intérêt de se pencher sur le cas de ces premiers
disciples du Rabbi Jésus de Nazareth en tant que l'une des composantes
de ce poikilon, en tant que l'une des voix de cette polyphonie.
L. H. Schiffmann a déjà posé la question : « when and how
Judaism sought to dissociate itself fully from Christianity » (SchifF-
mann, 1981, 115). Pourtant formulée en ces termes la question me
semble irrecevable du fait de ses prémisses. L'auteur donne en effet
l'impression de postuler l'existence d'une quelconque autorité
centrale dénommée Judaïsme qui aurait accepté tout au long de la période
du second Temple - soit du retour de l'exil de Babylone en 532 à la
seconde révolte contre Rome en 132-135 - sectes et schismes. D'autre
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part, la formulation de la question donne à croire que c'est le Judaïsme


qui rompt, alors que, ce me semble, il s'agit d'un processus dans
lequel les deux parties sont personnellement engagées et
responsables. En d'autres termes, le point de vue paraît paradoxalement chez
Schifrmann par trop christiano-centriste. Il est vrai que cette première
formulation est peu après corrigée par cette autre : « What caused the
Jews of the tannaitic period to reject the Christians ? - how the Jews
viewed their own identity and how they evaluated Christianity and
the Christians within this framework ? »
Comme déjà L.H. Schifrmann, dans son article « The Jewish-
Christian Schism » David Flusser de son côté s'interroge lui aussi
sur le rapport du Christianisme à son milieu d'origine et sur la maïeu-
tique qui a aboutit à l'apparition d'un nouveau système religieux
spécifique (Flusser, 1984).
Adoptant résolument un point de vue existentiel, historico-cri-
tique, il me paraît préférable de se demander quand, comment,
pourquoi le Même est-il devenu Y Autre, ce qui revient, comme l'a
parfaitement compris L.H. Schiffmann, à poser le problème de
l'identité juive : qu'est-ce qu'un juif au début de notre ère ? (Schiff-
man, 1981 et 1985) Qu'est-ce qui fait d'une personne un juif? En
conséquence, comment, selon quelles procédures et à partir de
quelle date les disciples de Jésus de Nazareth ont-ils été repérés et
identifiés sous une dénomination propre par leurs contemporains,
juifs ou non? Si l'on préfère, qu'est-ce qui les singularise dans
une société polymorphe, plurielle et va conduire à leur
marginalisation puis à leur exclusion? Ce qui revient encore à poser le
problème du rapport originel d'un système religieux à son milieu
d'origine, puis de leur séparation, le nazaréisme en l'occurrence ne
constituant qu'un exemple parmi bien d'autres, comme le relève
D. Flusser (Flusser, 1984,617-619). A partir de quelle date, pour
quels motifs et selon quelles procédures furent-ils marginalisés et
bientôt exclus ? Comment les « exclus » ont-ils vécu ce processus
d'exclusion, the parting of the ways ? Comment se considèrent-ils
eux-mêmes? Dès lors, comment pouvons-nous aujourd'hui les
identifier, puisque ils furent rejetés et par le monde juif et bientôt
par tout un pan du mouvement chrétien ? Double excommunication
qui les a laissés dans une sorte de no man's land avant qu'ils ne
disparaissent définitivement, mais à quelle date ?

1° Les dénominations originelles des disciples de Jésus :

Les premiers disciples du Rabbi Jésus de Nazareth semblent à


l'origine s'être appelés mutuellement au moyen de dénominations
diverses dont nous trouvons mention dans les premiers écrits cano-
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niques sans que nous ayons quelque possibilité que ce soit de savoir
ce qu'il en était de la réalité. Au nombre de ces dénominations que
nous lisons le plus fréquemment nous trouvons « frères » Act 1,15,
etc., « croyants/fidèles » 1 Th 1, 7 ; 2, 10 ; Act 4, 32, etc. ; « saints »
1 Co 1, 2 ; 6, 1-2 ; « élus » 2 Tim 2, 10 ; « adeptes de la Voie » Act
9,2; 19, 9, 23; 22, 4; 24, 14,22.
Par ailleurs, dans les Actes des Apôtres 6, 1, nous rencontrons un
autre type de détermination fort intéressante puisque se référant aux
différences culturelles. Ce texte pose en effet une distinction entre les
hébreux, soit les hébréo/araméophones détenteurs d'une culture
sémitique, et les hellènes soit les hellénophones relevant de la culture
hellénistique largement répandue à l'époque, y compris en Palestine. Il
s'agit donc bien dans tous ces cas de membres de la communauté de
Jérusalem d'origine juive, mais issus de milieux culturels différents,
encore que l'on puisse rencontrer aussi des hommes à la double culture
dont l'exemple le plus typique reste « Saul qui est aussi Paul » Act
13, 9, né à Tarse, citoyen romain et éduqué « aux pieds de Gamliel »
Act 22, 3 soit Rabban Gamliel l'Ancien à Jérusalem (Basiez, 1991).
En contexte sémitique hébréo — ou mieux araméophone comme
c'était le cas en Eretz Israel au Ier siècle, les plus anciennes
dénominations des disciples de Jésus furent Galiléen, le complexe détermi-
natif min et surtout nozri (Herford, 1903 ; Lauterbach, 1951 ; Simon,
1964 : 214-222 ; Bammel, 1966 ; Legasse, 1974). Contentons-nous à
ce propos de résumer ici un travail antérieur sur la question (Blan-
chetière, 1993b). Nozri, traduit en grec nazoraios ou nazarenos,
revient dans les Evangiles et les Actes des Apôtres une vingtaine de
fois pour qualifier Jésus à une exception près, mais d'importance
puisqu'il s'agit de Paul. Au cours du procès de Césarée devant le
procurateur Félix, Tertullus l'avocat du Sanhédrin s'écrie : « nous
avons découvert que cet homme était une peste, qu'il provoquait des
émeutes parmi les Juifs du monde et que c'était l'un des chefs de file
de la secte des Nazaréens/tés ton nazôraiôn haireseos Act 24, 5, cf.
25, 14. Cette information est recoupée pour ce qui concerne l'Afrique
par les affirmations de Tertullien selon lesquelles « nazaréen » a
constitué la plus ancienne appellation des disciples de Jésus, ce que
confirme pour la Palestine Epiphane de Salamine né de parents juifs
près de l'actuelle Beth Guvrin, donc en Palestine, et converti
simultanément au christianisme et au monachisme entre 314 et 320 (cf.
P.G. 41 24-26 et 34-36). Le terme nozri aurait d'abord fait référence
à la ville de Nazareth « la ville où il (Jésus) avait été élevé » Le 4,
16, lui « le prophète de Nazareth en Galilée » Mt 21, 11 pour faire
bientôt l'objet d'une interprétation messianique à la lumière de Is
11, 1 « un rejeton sortira de la souche de Jessé, un surgeon poussera
de ses racines ». Il n'est pas sans intérêt de relever que de nos jours
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les chrétiens d'Orient en syriaque, en arabe, en arménien par exemple


sont désignés par un terme dérivé de nazaréen.
Cette interprétation se trouve indirectement confirmée par le fait
suivant : « C'est à Antioche que, pour la première fois, le nom de
chrétien fut donné aux disciples» Act 11, 26. Si nous suivons les
explications de Justin Taylor, les fondements de Yecclesia d' Antioche
Act 11, 26 furent assez rapidement jetés et vraisemblablement vers
39-40 du fait d'hellénistes, à savoir de disciples d'expression grecque
s'adressant aux Juifs Act 11, 19, puis du fait de Barnabe et Paul,
enfin du fait de Simon-Pierre ayant quitté Jérusalem après la mort du
premier apôtre Act 12, 17. La proclamation de Jésus messie n'aurait
qu'exaspéré le nationalisme juif à l'heure où Caligula aurait voulu
introniser sa statue dans le Temple de Jérusalem, et de même à Thes-
salonique (Act 17, 3, cf. Le 4, 16 et 24, 45-46 textes parallèles ou
calqués l'un sur l' autres Taylor 1994a, 279) entraînant des
mouvements de foule; idem à Rome en 41 Iudœi tumultuentes impulsore
Chresto - Suétone Claudius 25 ; Dion Cassius Lx 6, 6 et Act. 18. 2.
Chris tianos en vint donc à désigner dans le monde d'expression
grecque les partisans d'un certain Chris tos considéré par eux comme le
Messie ; christianos aurait d'autre part impliqué une connotation de
séditieux, de turbulent, de perturbateur de l'ordre public (Taylor,
1994a, 55-83 ; Taylor, 1994b ; Blanchetière 1993b).
Revenons donc aux nozrim et tentons de préciser la sociologie de
ce courant, tâche délicate compte tenu de nos sources. A l'origine,
ce sont des juifs, le plus souvent anonymes, pour le plus grand
nombre très plausiblement des galiléens, mais aussi des samaritains et des
judéens, des gens issus de toutes les couches sociales et de toutes
origines : des prêtres Act 6, 7 et He, des lévites comme Barnabe, des
pharisiens comme Saul-Paul.
De cette masse anonyme se dégagent pourtant quelques noms. En
premier lieu, ceux de la famille de Jésus, Marie sa mère, Jacques frère
du Seigneur Gai 1, 19, Jude frère de Jacques Jude 1, 1 et donc du
Seigneur, plus tard Shiméon bar Clopas son cousin qui succédera à
Jacques comme chef de la communauté de Jérusalem ; puis la majorité
du groupe des disciples que nous connaissons nommément et quelques
autres dont Saul-Paul, Barnabe, tandis que, bien individualisés tout en
restant anonymes, il faut encore évoquer après quelques années « ceux
du parti de Jacques » Gai 2, 12 et Act 21, 18 et les Anciens.

2° Quels sont les critères d'identification des Nozrim ?

Ceci ne nous est guère précisé dans les sources juives tout autant
que non-juives, latines ou grecques. Dans les sources chrétiennes des
trois ou quatre premiers siècles en revanche les données sont plus
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précises, encore qu'il nous faille être d'une grande prudence lorsque
nous consultons les notices des hérésiologues, ainsi que je l'ai
expliqué ailleurs (Blanchetière, 1993b).

Première caractéristique, les Nozrim sont d'abord et avant tout


des Juifs selon les critères d'identité que l'on retrouve dans les dits
des Tannaim, des Juifs parmi bien d'autres qui vivaient alors à
Jérusalem, en Judée mais surtout en Galilée où l'on cite Nazareth et
Kokaba comme deux de leurs centres, parce que berceau ou lieux de
résidence de la famille de leur Maître, mais aussi sur le Golan à partir
du 11e siècle, ce dont témoigne la documentation archéologique. Ils
vivent aussi dans les provinces orientales de l'Empire, principalement
en Syrie autour d'Antioche, en Egypte à Alexandrie surtout, en Ana-
tolie et jusque dans Rome. « Hébreu fils d'hébreux » (2 Co 1 1, 22 ;
Phil 3, 5) comme l'écrit Paul à propos de lui-même, ils se montrent
soucieux de conserver leurs généalogies familiales s'il faut en croire
Jules l'Africain (Eusèbe H.E., 1, 7, 14), à commencer par celle de
leur Maître que nous transmettent les Evangiles de Matthieu et de
Luc. Ils revendiquent leur qualité de «fils d'Abraham» (2 Co 11,
22 ; Rm 4, 16 ; Gai 3, 6-9), de membres du « peuple ë\u-am nivhar/am
segulato », revendication particulièrement controversée, et
pareillement se proclament « l'Israël de Dieu » (Gai 6, 16), le Verus Israël.
Le rejet et du marcionisme et de la gnose constitue une preuve
supplémentaire de cette revendication d'une continuité vitale, de ce refus
de rompre lorsqu'ils rappellent avec Paul que « c'est la racine qui te
porte » (Rm 11, 18). Chez eux encore, une identique référence à la
même Histoire, au Dieu des Pères, aux Patriarches. Engagés dans
l'histoire, parmi eux il y a ceux qui fuiront Jérusalem assiégée, mais
aussi des zélotes anti-Romains, même s'il y a lieu de nuancer
singulièrement les thèses de Brandon (Blanchetière, 1993c). «Le trait
dominant du judéo-christianisme, c'est son indéfectible attachement
aux institutions religieuses d'Israël. Il détermine chez les Ebionites,
envers la Nation juive, une solidarité que les catastrophes
palestiniennes n'ont pas entamée » (Simon, 1964, 88).

Autre caractéristique, « circoncis le huitième jour » (Phil. 3, 5) ou


plus tardivement comme Timothée (Act 16, 1-2), ils constituent
Yecclesia ex circumcisione. L'observance scrupuleuse des mitzvot est
un trait que soulignent à l'envie les hérésiologues chrétiens, à
commencer par Justin dans son Dialogue avec Tryphon (D.T. 47, 1-4) et
pareillement le païen Celse (C. Celse 2, 1). Observants et partisants de la
praxis, ils imposent l'observance. Ce qui ne peut nous étonner si nous
nous souvenons de ce que rappelle Paul : «j'atteste encore une fois à
tout homme qui se fait circoncire qu'il est tenu de pratiquer la Loi
intégralement » (Gai 5, 3, cf. 3, 10 ; Jac 2, 10 ; Mt. 5, 19).
COMMENT LE MÊME EST-IL DEVENU L 'A UTRE ? 15

La question de la circoncision des non-juifs désirant se joindre à


la communauté des disciples de Jésus est de celles qui en ont le plus
perturbé la vie quotidienne au cours des premières décennies, car la
circoncision de l'étranger « en résidence chez toi » est indispensable
à tout le moins pour la participation au seder pascal (Ex 12, 48). Or
l'admission des païens pour la première fois au sein de la
communauté des croyants est attribuée soit à Philippe baptisant l'eunuque
de la Candace d'Ethiopie (Act 8, 26-40), soit à des gens de Chypre
et de Cyrène (Act. 11, 20), soit à Pierre dans l'épisode du baptême
du Centurion (Act 10), mais sous l'influence de l'Esprit, ce qui va
susciter les décisions de l'Assemblée de Jérusalem (Act 15).
Au cœur même du livre des Actes, ce ch. 15 rapporte en effet un
moment clé de l'expansion de l'Eglise primitive et sans doute assez
tôt. Le mouvement chrétien allait-il demeurer un courant parmi
d'autres au sein du Judaïsme ou s'ouvrir largement à toutes les
Nations et au prix de quelles concessions ? Le problème soulevé déjà
au ch. 10 à propos de Corneille (Act 11, 2-18 ; 15, 5, 7 sq.) aurait
suscité la jurisprudence arrêtée par Jacques lors de « l'Assemblée de
Jérusalem» (Act 15, 13b- 14, 19-20, Tissot, 1970) à une date qu'on
ne peut guère fixer. Il est à remarquer que les paroles prêtées à
Jacques n'évoquent en rien la circoncision, mais seulement les sept
préceptes noachiques fondements des bons rapports entre juifs et non-
juifs. Il se trouvait à nouveau posé avec acuité lors de « l'incident »
entre Pierre et Paul (Gai 2, 1 1 sq.), suite aux missions vers les non-
juifs à Chypre, mais surtout à Antioche (Act 15, 20-21), suite enfin
à la contre-propagande des « gens de Jacques » (Gai 2, 12 ; Taylor,
1994a : 45-49). En résumé, ce qui était au départ un moment de la
« geste de Pierre » est devenu du fait de l'activité rédactionnelle de
Luc et de son réviseur un épisode de la « geste de Paul » sous
l'influence des données de l'épître aux Galates.
Or le texte de Act 15,5 présente des variantes importantes : le texte
occidental dit des fidèles issus du pharisaïsme intervinrent alors pour
soutenir qu 'il faut les circoncire et garder la Loi de Moïse^ donc les
juifs convertis doivent circoncire les païens et eux-mêmes maintenir
l'observance ; en revanche le texte dit Antiochien porte il faut les
circoncire et (leur) prescrire l 'observance de la Loi de Moïse, ce qui
représente une formulation nettement aggravante (Taylor, 1 994a, 204).
Comme le prouvent les trois exemples évoqués à l'instant, la
suppression de l'obligation de la circoncision pour les non-juifs devenant
« chrestianoi/chrétiens » n'est pas imputable à Paul comme on va le
répétant depuis fort longtemps (Act 21, 21). On la trouve donc déjà
dans la « geste de Simon-Pierre » du « document pétrinien » discerné
par Boismard-Lamouille à la source de la version la plus ancienne
16 F. BLANCHETIÈRE

des Actes (Boismard-Lamouille 1990) et plus spécialement dans le


récit de la conversion du centurion Corneille (Act 10, 34-35) : Dieu
n'exclut personne, circoncis ou non, comme le prouve le don de
l'Esprit. Il accepte les goim non circoncis, tels qu'ils sont, à condition
qu'ils craignent Dieu et pratiquent la justice (Taylor, 1994a, 41). De
même la dispense des obligations des mitzvot - les sheva mitzvoth
benei NoahAes sept préceptes noachiques exceptés (Taylor, 1994a,
21 1) - vient non de Paul, [tel serait le sens de la relecture du «
document pétrinien » d'Act. II visant à laver Paul de cette accusation
(Taylor, 1994a, 223)], mais d'abord d'un accord avec les « colonnes
de l'Eglise » (Gai 2, 1-10) puis, suite à l'incident d'Antioche, de la
position de Jacques exprimée lors de l'Assemblée de Jérusalem, l'une
et l'autre décisions n'ayant pas été acceptées sans mal.
Sur la base de notre documentation la plus ancienne, nous
pouvons procéder à l'inventaire des mitzvot dont la pratique est attestée
par les premiers nazaréens :
• la circoncision et autres observances ou m/Yzvof/préceptes (cf.
Gai 5, 3, cf. 3, 10 ; Jac 2, 10 ; Mt 5, 19 a contrario Act 21, 21), parce
que Jésus avait observé la Loi. Soulignons au passage que le latin
Lex traduit mal le grec Nomos et a fortiori les termes hébreux Torah,
mitzvot et halacha c'est-à-dire la jurisprudence rabbinique ;
• le shabbat et les fêtes Act 2, 1 ; 18, 4 ; 20, 6, 16 (cf. Rordorf,
1972) ; plus tard, les ébionites ajouteront la pratique du dimanche au
respect du shabbat (Eusèbe H.E. 3 27, 5) ;
• la fréquentation du Temple Act 2, 46 ; 5, 42 que ne semblent
pas prôner des hellénistes comme Etienne Act 7. Souvenons-nous que
c'est déjà d'une certaine façon la position des pharisiens adonnés à
l'étude MPéa 1,1, TBShab 119b, sans parler de la communauté de
la Nouvelle Alliance à Damas et plus encore des esséniens (Simon,
1964, 56-60). Cependant les sacrifices du Temple ne semblent pas
acceptés par ces nazaréens He 8, 13 et 10, 9, de même qu'à Qumran
(Simon, 1964, 27 sq.) ;
• la prière Act 3, 1 ; 10, 9;
• les jeûnes;
• les règles alimentaires (cf Act 10, 14), à tout le moins les shiva
mizvot benei Noah ou préceptes noachiques si on se réfère aux
décisions de « l'assemblée de Jérusalem » Act 16 ; cf. I Co 8 ; 10, 14-33 ;
Rm 14 ; ces préceptes noachiques sont dans la tradition rabbinique
autant d'interdits de l'idolâtrie, de la consommation du sang, du
meurtre, de certains mariages prohibés par le Lévitique (Lev 1 8), du
blasphème, du vol, de la consommation d'un être vivant.
• l'observance des lunes et calendriers, ce que leur reproche Paul
Col 2, 16 et plus tard le Kerygma Petrou dont il ne nous reste que
COMMENT LE MÊME EST-IL DEVENU L 'A UTRE ? 17

des fragments, principalement chez Clément d'Alexandrie, [cf.


Aristide Apol 14, 4 ; Justin IA 48]...
• l'entraide à l'occasion des famines Act 11, 27-30 ; Rm 15, 25-
28 ; 1 Co 16, 1-4 ; 2 Co 8-9 ; Gal 2, 10 ;
• L'usage quarto-déciman, c'est-à-dire le respect du calcul
biblique pour la célébration du seder de Pâque le 14 Nisan au soir, usage
qui passera dans certaines communauté pagano-chrétiennes d'Asie et
suscitera une vigoureuse controverse entre asiates et romains durant
la seconde moitié du ne siècle (Blanchetière, 1997).
Pastichant une description des chrétiens par l'auteur anonyme de
la Lettre à Diognète, nous pouvons reprendre les mêmes termes pour
évoquer aussi les proto-nazaréens :

« ne se distinguant des autres hommes ni par le pays ni par


le langage, ni par le vêtement, ils n 'habitent pas des villes qui
leur soient propres, ils ne se servent pas de quelque dialecte
particulier, leur genre de vie n'a rien de singulier... ils se
conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture
et la manière de vivre » (Diogn. 5, 1-4).

En d'autres termes, profondément insérés dans un même tissu


social, ils partagent une même « nationalité », car, aux yeux des
Romains, ils sont de la « Nation juive », à preuve d'une part qu'ils
se verront interdire l'accès à Jérusalem devenue la païenne colonie
Aelia Capitolina après la seconde révolte en 135 (Eusèbe H.E. 4.6.3 ;
Justin IA 47 ; D.T. 16, 2 ; Tertullien adv. Iud. 13) ; à preuve d'autre
part qu'ils ont bénéficié des « privilèges » octroyés par César et qu'ils
ont pu propager leurs idées sans être inquiétés sub umbraculo reli-
gionis certe licitœ comme le rappelle Tertullien (Apol. 21, 5).
Ultime caractéristique, ils partagent avec leurs contemporains ou
du moins avec nombre d'entre eux une même culture profondément
nourrie de l'Ecriture et fondée sur la tradition, un ensemble d'idées,
une commune herméneutique.
• Et d'abord les croyances partagées avec l'immense majorité des
juifs telles qu'on les trouve dans l'Ecriture ; une même culture
enracinée dans l'Ecriture conçue comme parole de Dieu et commentée
selon les principes de l'herméneutique - middot-cn honneur à
l'époque en Palestine. Un même canon scripturaire. Cependant, des
documents aussi discutés que les paraboles du Livre d'Hénoch ou les
Psaumes de Salomon démontrent la complexité du problème, puisque le
Livre d'Hénoch a été inclus dans le canon de certaines églises et que
les spéculations des seconds ont été rattachées par certains spécialistes
aux courants pharisiens, tandis que d'autres en faisaient des textes
chrétiens. Et que dire de Y Ascension d'Isaïe ou des Oracles sibyllins.
18 F. BLANCHETIÈRE

• On en trouve d'autres il est vrai partagées seulement avec tel


ou tel courant, ainsi par exemple la croyance en la résurrection des
morts tenue tant par les pharisiens que par les esséniens (Puech, 1994)
mais rejetée par les sadducéens - Paul saura s'en souvenir en un
moment difficile (Act 23, 6-11) -, mais surtout les croyances
messianiques partagées en particulier avec les esséniens. Distinct de
l'apocalyptique mais pouvant s'y intégrer, le messianisme constitue
à l'époque une catégorie de spéculations relatives à l'avenir, à la fin
des temps ou eschaton, autour d'un personnage précis auquel sont
attribués des qualifications et des rôles divers selon les milieux, en
réaction à une conjoncture précise. Le messianisme a de ce fait connu
une multitude d'expressions en fonction de multiples contingences :
messie royal et davidique, messie prophète, nouveau Moïse, messie
sacerdotal, messie souffrant...
Sur ce point s'affiche toutefois le particularisme des disciples du
Rabbi de Nazareth, du fait que conscients de vivre « les derniers
jours » (He 1, 1 ; Act 2, 17 ; 1 Co 10, 1 1 ; 1 P 4, 7), de constituer
« l'assemblée de la Nouvelle Alliance », le « peuple élu », le « reste »,
le « vends Israël », ils sont convaincus avec bien d'autres que « les
temps sont accomplis » (Me 1,15), ceux de la « restauration d'Israël »
(Act 1, 6) et qu'en Jésus de Nazareth est advenu le messie de Dieu
promis de longue date.
A titre d'illustration, arrêtons-nous au cas de Jacques frère du
Seigneur dont nous parlent les sources chrétiennes, mais aussi la
notice que lui consacre Flavius Josèphe (Nodet, 1985). Il en ressort
que c'était un juif de très stricte observance et profondément respecté
comme tel par ses contemporains, au témoignage d'Hégésippe
transmis par Eusèbe de Césarée (H.E. 2, 23). Sa mort violente due à la
direction sadducéenne du Temple en l'absence de tout procurateur a
été désapprouvée par les pharisiens au dire de Josèphe (Ant XX,
200-201). Le cas de Saul/Paul se révèle en revanche beaucoup plus
controversé. Si nous rassemblons ce qu'il nous dit de lui-même, il
nous apparaît à son tour comme un pratiquant de stricte observance
comme il le dit de lui-même Phil 3, 5 allant jusqu'au vœu de naziréat
Act 18, 18 et rappelant à tout circoncis l'obligation d'observer toute
la Loi, lui qui est par ailleurs désigné comme « le chef de la secte
des nazaréen » Act 24, 5 et qui se proclame tellement solidaire de
son peuple Rm 9, 3-5.

3° Comment et quand le Nozri est-il devenu Nokhri ?

Ou plus précisément comment le Même, le proche et le connu


est-il devenu l'Autre-Aher, en quelque sorte Y étranger/nokhril Pour
désigner le non-juif en effet l'hébreu dispose en fonction de réactions
COMMENT LE MÊME EST-IL DEVENU L 'A UTRE ? 19

affectives spontanées très variées, de différents concepts dont les


significations tantôt ne se recouvrent pas et tantôt se recoupent : le
zar ou le nokhri, le gèr et le goi tous termes désignant celui qui ne
fait pas partie de l'Alliance. Le terme goi qui parfois remplace nozri
sous l'influence de la censure médiévale, exprime une approche
négative de celui ainsi désigné ; le goi est surtout l' incirconcis - 'arel -
(Eph. 2, 11) donc l'impur - tamè - Is 52, 1 ; Ez 31, 18 ; 32, 19.32
le violent, le sexuellement corrompu ; c'est aussi Vakkum c'est-à-dire
l'adorateur des astres et constellations, en d'autres termes l'idolâtre
qu'il faut à tout prix éviter. On s'est en conséquence employé, tout
particulièrement après la destruction du Temple en 70, à multiplier
les barrières pour empêcher autant que possible tout rapport avec
l'étranger : « ne t'acoquine pas avec le méchant-rac/j 'a » MAvot 1, 7
(Cohen, 1979 ; Oppenheimer, 1996). Relevons par ailleurs cette
citation de l'Evangile présentée comme une parole de Jésus, à propos de
qui refuse de se réconcilier avec son prochain : « qu'il soit pour toi
comme un étranger ou un publicain » Mt 1 8, 1 8, [termes qui ne
figurent pas dans le passage parallèle chez Luc, Le 17, 3] pour désigner
celui avec qui on ne doit plus frayer, ou cette autre : « ne prenez pas
le chemin des païens et n'entrez pas dans une ville de Samaritains »
Mt 10, 5 et parallèles.
Qui plus est, parmi les Maîtres de la génération des Tannaim
- ier-ne siècles - il en est un, Elisha ben Abuya, que l'on ne désigne
pratiquement dans les sources rabbiniques que sous le surnom de
Aher-Y Autre. Et pourquoi est-il l'Autre, si ce n'est parce qu'il s'est
exclu de la communauté, il s'est au sens propre excommunié. En
d'autres termes, il a changé de nature, il a coopéré avec les Romains
à l'heure où, après la révolte de Bar Kochba, ils ont multiplié les
mesures d'exception et de persécution, il est entré en contact avec
des gnostiques ou des groupes ésotériques et de ce fait est tombé dans
l'hérésie. C'est de cette façon qu'il est devenu Aher-Autre. Ce cas
est intéressant pour nous, parce qu'il témoigne de la complexité des
rapports entre juifs et nazaréens. D'un côté, on les reconnaît comme
des observateurs des mitzvot, mais de l'autre, ils s'écartent de la
tradition par certains de leurs comportements et par quelques unes de
leurs idées ou croyances - emunot ve de 'ot-.
En effet, la première spéculation chrétienne, la première théologie
chrétienne a été une christologie, une réflexion sur le Maître, sa
personne et son message (Jn 21, 25). Témoins de ses dits et faits, les
premiers disciples ont cherché à en rendre compte et à prouver leurs
convictions messianiques. « Es-tu celui qui doit venir ou nous faut-il
en attendre un autre ? » (Mt 11,2), cette question au cœur de l'Evangile
est demeurée depuis vingt siècles au centre du débat entre juifs et
chrétiens. Et chacun de fourbir les armes à sa disposition : l'Ecriture,
20 F. BLANCHETIÈRE

de constituer des argumentaires à partir de santons de citations, ce que


les spécialistes dénomment aujourd'hui des testimonia. Qu'il en ait été
effectivement ainsi ressort par exemple de l'épisode des disciples
d'Emmaus dans l'Evangile de Luc : « Et commençant par Moïse et
les prophètes [la double division Torah/neviim traditionnelle de la
Bible], il [Jésus] leur expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le
concernait » Le 24, 27. Cela ressort tout autant du seul écrit important qui
nous soit intégralement parvenu de cette époque, ainsi que l'a
démontré P. Prigent (Prigent, 1961), le dialogue avec Tryphon de Justin le
philosophe et martyr composé vers 165 et le plus important des écrits
composés kata Ioudaious à l'adresse des Juifs, principalement en Asie
mineure, mais qui malheureusement ne sont pour nous,
vraisemblablement à jamais, que des titres (Blanchetière, 1973, 355-364).
Reste donc à nous interroger sur les étapes, les raisons et les
modalités de la différenciation qui s'est progressivement établie après la
première révolte contre Rome (66 et 72) entre les milieux juifs
majoritairement de tendance pharisienne et les disciples du Nazaréen, à
savoir les nazaréens qu'il nous faut toujours distinguer des chrétiens.

• Les étapes d'une différenciation :


Contentons-nous ici d'une simple évocation schématique :
- vers 30 : mort de Jésus décrétée par Pilate, mais sous la pression
de certains membres des hautes instances dirigeantes du Judaïsme
palestinien. Débuts de la communauté proto-nazaréenne ;
- 34/35 : dissensions au sein de Vecclesia, de la communauté des
premiers disciples à Jérusalem entre Hellènes/Hébreux Act 6, 1 ;
- 36 : mort d'Etienne sans doute alors que Pilate a été convoqué
à Rome pour s'expliquer devant l'Empereur de sa gestion, et donc
en l'absence de tout gouverneur romain ; simultanément, «
conversion » de Saul-Paul ; de l'avis de J. Taylor, le lien marqué entre les
deux événements par les Actes des Apôtres serait d'ordre purement
rédactionnel sans fondement historique réel (Taylor, 1994a, 8-9);
- vers 39 : prédication aux Grecs d'Antioche Act 1 1, 20 par des
hellènes issus de Chypre et de Cyrène, ainsi qu'aux juifs du fait de
nazaréens ;
- vers 44 : Pierre, miraculeusement libéré des geôles d'Hérode
Agrippa II quitte Jérusalem « pour une autre destination » (Act 12, 17)
ce qui, selon une suggestion de D. Schwartz reprise par J. Taylor,
marquerait le début de ses déplacements missionnaires (Act 9, 32 sq.) vers
Lydda, Césarée et bientôt Antioche. Jacques frère du Seigneur devient
le chef de « ceux de la circoncision » Gai 2, 1 1 sq. (Taylor, 1994a, 34).
- 62 : mort de Jacques frère du Seigneur du fait des sadducéens
COMMENT LE MÊME EST-IL DEVENU L 'A UTRE ? 21

et au grand dam des pharisiens, s'il faut en croire Josèphe Ant XX


200-201 (Nodet, 1985)
- 68 : exode-fuite-exil à Pella où une communauté se reconstitue
composée de fidèles principalement venus de Jérusalem - Scission
entre Nazaréens et Ebionites (Blanchetière, 1993c) ;
- Vers 72/73 soit après la prise de Massada : - la 4e année de
Vespasien selon Eutychius d'Alexandrie - retour d'une communauté
nazaréenne à Jérusalem en tant que courant spécifique.
- Siméon bar Clopas succède à Jacques soit dès avant la première
révolte peu après la mort de son oncle, soit plus vraisemblablement
après la réinstallation d'une communauté nazaréenne dans Jérusalem
ravagée. Eusèbe H.E. 3, 1 1 ; 3, 33 ; 4, 22.4-
- Durant le courant du dernier quart du Ier siècle, alors que les
Maîtres multiplient les efforts pour restructurer le Judaïsme et lui
redonner des bases perdues du fait de la ruine du Temple (Oppen-
heimer, 1995), se multiplient débats et disputes entre partisans du
Rabbi de Nazareth et pharisiens dont l'Evangile de Matthieu, tout
particulièrement, aurait conservé le souvenir.
- La birkat ha-minim est alors « corrigée » par Shemouel ha-
Qatan à Yavné, pour reprendre la formule des sources rabbiniques
(Alon, 1967, 288-307). Nous aurons à y revenir sous peu en détail.
- 132 : refus des nozrim de prendre part à la révolte de Bar
Kochba, vraisemblable suite aux prétentions messianiques des chefs
de la révolte et de leurs partisans ; ils auraient pour cela été persécutés
(Justin IA 31).
- 135 : interdiction faite par les autorités romaines aux Juifs quels
qu'ils soient d'accéder à Jérusalem (Justin D.T. 16, 2 ; IA 47, Irshai,
1995). Au témoignage d'Ariston de Pella conservé par Eusèbe (H.E.
4.5.4), la communauté de Jérusalem de nazaréenne devint alors hel-
léno-chrétienne et Marc en prit la tête.

IVe siècle,
- La rupture
le concile
institutionnelle
de Nicée de définitive
325) à l'unanimité
interviendra
rejetant
lorsque,
la au
pratique quarto-décimane imposera à tout le Christianisme la pratique
dominicale pour la célébration de Pâques. Qu'il suffise de retranscrire
un passage d'une lettre de Constantin conservée par Eusèbe dans sa
Vita Constantini dont nous avons proposé un long commentaire par
ailleurs (Blanchetière, 1996) :
« On déclara qu 'il était particulièrement indigne de suivre
pour cette fête, la plus sainte de toutes, l'habitude des Juifs qui
ont souillé leurs mains du plus effroyable des forfaits et dont
l'âme est aveuglée. En rejetant leur coutume, nous pouvons
transmettre à nos descendants le mode légitime de célébration
22 F. BLANCHETIÈRE

de la Pâque que nous avons observé depuis le premier jour de


la passion du Christ jusqu 'à présent. Nous ne devons par
conséquent avoir rien de commun avec le peuple des Juifs. Le Sauveur
nous a montré une autre voie... en adoptant unanimement ce
mode, nous voulons, frères très chers, nous soustraire à la
détestable compagnie des Juifs... Comment donc irions-nous suivre
ces Juifs que l 'erreur aveugle incontestablement ? Célébrer
deux fois la Pâque en une année est parfaitement inadmissible...
C'est pour nous un devoir de n 'avoir rien de commun avec les
meurtriers du Christ... nous ne devons avoir rien de commun
avec les Juifs. En résumé, le jugement unanime a décidé que la
très sainte fête de Pâques serait célébrée partout le même
jour... » (V.C.III 17 Hefele-Leclerc, I, 460-462 ; Cantalamessa,
1978, n° 52).
• Les motivations d'une différenciation :
II est impossible d'évaluer à leur juste proportion les motivations
de cette différenciation qui s'est élaborée entre le nazaréisme primitif
et le Judaïsme en Palestine au cours des deux premiers siècles de
notre ère si l'on ne prend pas en considération la conjoncture
historique de cette même période.
Avant la première révolte contre Rome qui éclate en 66, la Judée
sous occupation romaine ou sous le gouvernement d'un des Hérode
inféodés à l'occupant connait une agitation récurrente souvent à
caractère nettement messianique. Encore une fois, sans vouloir épouser
sans réserve les thèses de Brandon, les discours et le comportement
du Rabbi de Nazareth ont pu aisément être compris par certains dans
un sens nationaliste comme le laisserait entendre cette question :
« Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le Royaume
pour Israël ? » Act 1, 6. Ainsi donc les convictions messianiques des
premiers disciples du Nazaréen ont pu être ressenties comme
constituant une menace par les différents pouvoir en place. Et d'abord par
le milieu du haut sacerdoce sadducéen nommément « le Grand Prêtre
et son entourage - il s'agissait du parti des Sadducéens - ...» Act
5, 17 responsable de la mort de Jacques et déjà de celle d'Etienne
Act 6, 8-7, 58 ; ensuite par Hérode Agrippa Ier qui jeta Pierre en
prison et fit périr Jean Act 12, 1 (Boismard, in Taylor, 1994a, 339-
379) et par dessus tout par le pouvoir occupant qui fit crucifier Jésus.
Il est à relever qu'à la même époque nos sources n'évoquent
aucune crise entre nazaréens et pharisiens. Tout donne à croire que
les pages les plus dures contre les pharisiens dans l'évangile de
Matthieu, a fortiori les imprécations contre les juifs contenues dans le
quatrième évangile sont l'écho d'une situation plus tardive et
largement postérieure à la destruction du Temple (Stanton, 1992). Pour ce
COMMENT LE MÊME EST-IL DEVENU L 'A UTRE ? 23

qui est des rapports entre nazaréens et pharisiens au contraire, les


Actes des Apôtres rapportent que Pierre et les Apôtres furent arrêtés
et déférés devant le Sanhédrin pour atteinte à l'ordre public. C'est
alors que, le grand Rabban Gamliel ayant demandé qu'on les fit sortir
déclara : « Israélites, prenez bien garde à ce que vous allez faire à
ces gens... laissez-les aller ! Si c'est des hommes que vient leur
résolution ou leur entreprise, elle disparaîtra d 'elle-même ; si c 'est de
Dieu, vous ne pourrez pas les faire disparaître. N'allez pas risquer
de vous trouver en guerre contre Dieu... » et son avis fut adopté
(Act. 5, 35, 38-39).
La situation change du tout au tout au lendemain de la première
révolte : le pays est ravagé, la population saignée à blanc, les
structures socio-économiques désorganisées. Plus que tout, avec la
destruction du Temple, le Judaïsme a perdu son centre de référence. Le
désarroi est général parmi les survivants, il suffit pour s'en convaincre
de relire par exemple Y Apocalypse de Baruch et combien d'autres
textes rassemblés par Pierre Bogaert (Bogaert, 1969, 126-176) :
« Heureux celui n 'est point né ou naquit pour mourir (aussitôt),
Mais malheur à nous les vivants qui avons vu les malheurs de Sion
et le sort de Jérusalem...
Réveillez-vous et ceignez vos reins pour le deuil.
Entonnez avec moi des chants funèbres, avec moi gémissez...
Vous, agriculteurs, cessez d'ensemencer.
Terre pourquoi donner le fruit de tes moissons ?...
Conserve en ton sein la douceur de tes aliments.
A qui bon vigne continuer de donner de ton vin ?
Car plus jamais on n'en offrira en Sion, Plus jamais on n'offrira les
prémices...

Fiancés, n 'entrez point (dans la chambre nuptiale)


Que les vierges ne ceignent point la couronne.
Femme ne priez pas pour enfanter, car les stériles se réjouiront beaucoup.

Mais à présent, notre douleur est sans borne


et nos gémissements sans mesure, car - Sion est dévastée.
Qui sera juge dans ce conflit ? (Apoc. Baruch X 6 - XI 2-3).
« Que mes yeux soient des sources, et mes paupières une fontaine de larmes.
Combien me faut-il gémir sur Sion. Combien pleurer sur Jérusalem ?
Car dans ce lieu où me voici prosterné maintenant, le grand Prêtre autrefois
offrait les sacrifices saints. Il y imposait les encens parfumés d'odeur agréble.
Mais à présent, notre gloire est devenue poussière.
La délectation de nos âmes (réduite) en cendres. » (Apoc. Baruch XXXV
1-5).

Il faudra plusieurs années pour que, autour de quelques centres


comme Yavné, Lod, lieux de résidence de Maîtres prestigieux tel Rabbi
Yohannan ben Zakkai, le Judaïsme se reprenne et retrouve
progressivement des bases stables et sa cohésion. A. Oppenheimer dans son
24 F. BLANCHETIÈRE

article de synthèse sur « Le renouveau de la halacha après la


destruction du Temple » écrit : «... il est frappant de constater qu'après la
destruction du Temple, on n'entend plus parler des sadducéens, des
zélotes et des siccaires, pas plus que de la secte de la Mer morte et des
Esséniens. Il semble que les instances dirigeantes, les Sages, qui
gouvernèrent le peuple après la destruction du Temple provoquèrent la
disparition de ces courants. Elles avaient compris que, du fait du choc
résultant de la disparition du Temple, le peuple ne pouvait se permettre
de se scinder en une multitude de courants et que la condition de sa
survie sociale et nationale était l'union derrière ses leaders. En d'autres
termes, on saluait quiconque se ralliait à la norme, quiconque
s'inscrivait dans le droit fil de la ligne pharisienne. Et ce n'est pas un hasard
si c'est à l'époque de Yavné que, dans les controverses entre Beth
Hillel et Beth Shamaï, de façon assez générale, la halacha est fixée
dans la ligne de Beth Hillel. Qui n'avait pas rallié le courant central
se trouvait exclu de la société normative - Un exemple significatif de
l'exclusion des sectes sécessionnistes hors de la communauté
normative trouva son expression dans la position des Sages par rapport au
christianisme. Les Sages de Yavné considérèrent le christianisme
comme un péril pour le Judaïsme et multiplièrent les mesures
d'exclusion à son endroit. La plus représentative restant l'introduction d'une
birkat haminim dans la prière des dix-huit bénédictions » (Oppenhei-
mer, 1996). Nous aurons à y revenir.
Ainsi donc, à l'heure où le besoin se fait sentir de resserrer les
rangs, où toutes les énergies sont mobilisées pour promouvoir la
survie de la religion ancestrale et trouver un substitut aux préceptes liés
au culte dans le Temple, toute dérive sécessioniste est
impitoyablement contrecarrée par les Sages qui perçurent dans le proto-naza-
réisme une remise en question de la tâche de restauration alors en
cours. Cette opposition des Sages aux nazaréens, en majorité des juifs
répondant encore aux critères d'identité en honneur à l'époque,
s'explique par des motifs qui ne relèvent pas au premier chef de
l'ordre des idées ou, pour reprendre le vocabulaire chrétien plus
récent, du théologique. Dans le monde antique, ainsi que l'affirme
Cicéron suacuique civitati religio (Pro Flacco 28) chaque système
politique, chaque cité est nantie d'un système religieux religio qui
les met en rapport avec leur divinité tutélaire. Ainsi, le Judaïsme est
d'abord et essentiellement le système cultuel des juifs ou habitants
de la Judée dans leur rapport avec leur divinité ancestrale - le Dieu
des Pères - qu'ils ne dénomment pas - le Nom indicible - ou qu'ils
appellent Elohim pluriel de El. Ainsi que le souligne F. Schmidt : Se
dire juif, ce n'est pas confesser une foi personnelle, mais se déclarer
solidaire d'une communauté et « plus que les croyances, qui sont
multiples et controversées, ce sont les rites qui tissent le réseau pro-
COMMENT LE MÊME EST-IL DEVENU L 'A UTRE ? 25

tecteur de l'identité juive. Les rites classent et identifient. Ils tracent


une ligne de partage entre juifs et gentils, entre ceux qui entrent dans
la communauté et ceux qui en sont rejetés. Ils forment lien entre tous
les sous-groupes, toutes les composantes de la communauté juive. En
reliant entre elles les générations, ils perpétuent l'identité du groupe »
(Schmidt, 1994, 14-15).
Cette opposition des Sages résulte surtout de l'attitude des
différents courants nazaréens sur la question de la circoncision sur laquelle
il nous faudra revenir en détail. Pour l'instant, il suffit de rappeler que
la circoncision est la condition sine qua non de l'appartenance au
peuple de l'Alliance. Ne pas l'imposer à tous revient à introduire une
fracture au sein de la communauté de ceux qui se revendiquent d'Israël,
ce qui permet de comprendre l'importance de la birkat ha-minim.
Comparons deux personnages analogues et les réactions qu'ils ont
suscitées, Yeshua de Nazareth et Shiméon bar Kochba : certes, ils
ont en commun leur forte coloration messianique, mais les différences
entre les mouvements qu'ils ont suscités sont autrement plus
nombreuses, autrement plus révélatrices. En effet,
- l'un et l'autre ont connu des partisans ou des disciples, mais
ceux de celui-ci sont sans commune mesure avec les quelques
centaines de disciples du Nazaréen
- la révolte de Bar Kochba a connu une ampleur géographique
qui nous étonne, principalement à la lumière des récentes découvertes
archéologiques - en revanche le mouvement nazaréen ne s'est
développé qu'en Galilée avant de s'étendre en diaspora.
- la révolte de Bar Kochba s'est terminée par un fiasco magistral
et une répression terrible qui a fait des milliers de morts, même s'il
ne faut pas prendre au pied de la lettre les données numériques
fournies par nos sources juives ou romaines, comme Dion Cassius - en
revanche le mouvement nazaréen-chrétien n'a cessé de s'étendre et
de se renforcer pour atteindre à la situation que nous lui connaissons
aujourd'hui
- les partisans de Bar Kochba n'ont, à notre connaissance, jamais
fait l'objet de la part des autorités rabbiniques de mesures
d'exclusions, ni même d'imprécations ; jamais ne fut rédigée à leur encontre
un équivalent de birkat ha-minim - qui plus est, R. Aqiba l'un des
principaux partisans de bar Kochba et mort al kiddush haShem/pom
la sanctification du Nom disons en martyr de la cause, loin d'avoir
été exclu, est devenu l'un des principaux Sages, et a fait l'objet d'une
sorte de « canonisation ».
Ainsi donc, ce n'est pas pour leurs idées et plus particulièrement
pour leur croyance en Jésus Messie que les proto-nazaréens ont été
rejetés par le judaisme rabbinique et pourtant, si mes interprétations
sont correctes, le nom qu'ils portent tant dans les langues sémitiques
26 F. BLANCHETIÈRE

que dans le monde hellénistique et romain renvoie à leurs convictions


messianiques.
Les proto-nazaréens sont des shomerei mitzvot, donc ils observent
les commandements et les préceptes comme tout bon juif, c'est
pourquoi ils sont en délicatesse avec les chrétiens - En quoi, leur pratique,
leur orthopraxie, leur a-t-elle valu des difficultés avec les Sages de
l'époque ? Sur ce point, il faut convenir que ni les sources rabbini-
ques, ni les écrits chrétiens du premier siècle ne nous fournissent des
éléments de réponse.
En conséquence, et même si cela ne nous satisfait guère, il faut
conclure que nous constatons un changement profond de climat, un
renversement total dans les attitudes entre l'époque de Rabban
Gamliel l'Ancien et celle de son petit-fils Rabban Gamliel de Yavné ;
nous constatons pareillement que la détérioration des rapports entre
le courant proto-nazaréen et son milieu d'origine s'est produit après
la première révolte contre Rome, à l'époque de Yavné, même si
certains textes chrétiens comme certaines pages de l'Evangile de
Matthieu ou de Jean veulent donner à croire que cela s'est produit au
cours de la vie terrestre de Jésus. Nous constatons une rupture qui va
sans cesser aller en s'aggravant. Nous avons peine à en fournir les
raisons ultimes faute de données précises dans notre documentation.

• Les modalités d'une séparation :


Les modalités de la séparation nous échappent presque autant que
ses motivations. Il nous faut pour cela glaner des renseignements
parcellaires au risque de surévaluer ce qui pourrait n'être qu'argument
apologétique sans base réelle. Cependant, les passages de la polémique
anti-pharisienne que nous lisons dans l'Evangile de Matthieu semblent
bien témoigner d'affrontements et de controverses historiques. Il nous
faut aussi prendre en considération les données éparses tout au long du
Dialogue avec Tryphon, l'écrit non canonique le plus ancien à évoquer
les rapports judéo-nazaréens. Nous aboutissons sur la base de ce que
nous transmet Justin à un tableau particulièrement sombre :
• II y a d'abord ce qui relève d'un climat général de défiance et
même d'hostilité larvée se manifestant spécialement dans le cadre du
culte synagogal :
- « Vous nous haïssez » IA. 36 ; D.T. 39. 1, 82. 6, 133. 6, 134. 5,
136. 2, ce qui réalise la prophétie du Christ - 82. 2 -.
- «vous maudissez» D.T. 16. 4, 93. 4, 95. 4, 108. 3, 123.6,

133.6;
- «vous élevez des imprécations contre ceux qui croient au
Christ» D.T. 16. 4;
- « vous nous déshonorez autant qu'il est en votre pouvoir » D. T.
16.4;
COMMENT LE MÊME EST-IL DEVENU L 'A UTRE ? 27

- «vous blasphémez» D.T. 126. 1.


• Vient ensuite ce qui relève d'une attitude officielle,
généralement dans le cadre du culte et de la synagogue, vis-à-vis du Christ
et de ses disciples :
- « ...Jésus dont vous avez profané et cherchez encore à faire
profaner le nom sur la terre » D.T. 120. 4 ;
- « ceux qui ont persécuté le Christ et le persécutent encore et
ne se repentent pas... » D.T. 26. 1 ;
- « Ne dites donc rien, frères, rien de mal contre ce crucifié, ne
raillez pas ses meurtrissures par lesquelles tous peuvent être guéris
comme nous l'avons été... Reconnaissez-le donc et n'insultez pas le
Fils de Dieu ; ne vous laissez jamais entraîner par les didascales
pharisiens à railler jamais le roi d'Israël, comme vous l'enseignent les
chefs des synagogues, après la prière. » D.T. 47. 5, 108.3.
- « ...dans vos synagogues, vous élevez des imprécations contre
ceux qui croient au Christ »D.T. 16. 4, 96. 2.
• On trouve enfin des échos de ce qui apparaît comme une contre-
mission juive plus ou moins officiellement organisée à ce qu'il
semble dont nous n'avons pourtant aucun témoignage par ailleurs et de
même le souvenir d'un certain nombre d'interdits visant directement
les chrétiens :
- Interdiction d'entrer en contact avec les chrétiens : 38. 1,
1 12. 4 ; pourtant de tels contacts semblent bien avoir existé - 93. 5 -
- Interdiction de recevoir les interprétations chrétiennes de
l'Ecriture. D. T. 112. 4. Comme le remarquait M. Simon, « la base commune
à tous les écrits anti-juifs réside dans une méthode identique
d'argumentation : le recours à l'Ecriture dont le caractère révélé et l'autorité
infaillible sont reconnus par les deux partis en présence » (Simon, 1 964 :
177 ; 1984 ; Blanchetière 1973, 364 sq.). Par bien des côtés, il s'agit
réellement d'une querelle d'héritage autour d'un Testament, puisque
la controverse tourne autour de l'authenticité et de la lecture de ce que
les juifs dénomment la Torah et les chrétiens l'Ancien Testament.
- On prévient les communautés contre la « nouvelle hérésie »,
terme qu'il faut entendre dans son sens ancien de secte ou de
courant - 17. 1.
- On réfute les positions chrétiennes - 93. 4 -
- On cherche à déshonorer le nom de Jésus - 120. 4 - ce qui
entraîne la prévention des Nations - 17. 1 —
- En certains cas, l'hostilité est allée jusqu'aux voies de fait,
jusqu'à la mise à mort de chrétiens, soit directement - 16.4, 95. 4,
133. 6 - ainsi durant la révolte de Bar Kochebas - 1 A. 31 - soit avec
l'aide des Nations - 96.2, 1 10. 5, 131. 2.
Les sources rabbiniques de leur côté nous laissent entrevoir des
28 F. BLANCHETIÈRE

aspects complémentaires de ce que nous lisons chez les Pères de


l'Église, encore qu'il soit difficile de décoder nombre de textes qui
nous parlent de minim ou de minouth, termes qui ne recouvrent pas
toujours ceux de nozri ou de natzrouth. Evoquons rapidement l'histoire
de R. Eliézer ben Horkanos qui dans sa jeunesse aurait prêté une oreille
complaisante à un propos « hérétique au nom de Yeshoua ben Panthéra
[alias Jésus] » prononcé par Yaakov de Kfar Sikhnin ; ou encore
l'histoire de R. Elazar ben Dama à qui l'on interdit de recourir à un médecin
nozri alors qu'il avait été piqué par un serpent ce qui entraîna sa mort,
et ce pour ne pas donner à croire que le nom de Yeshoua ben Penthera
avait quelque pouvoir curatif miraculeux (Oppenheimer, 1996).
Pourtant la mesure qui a assurément le plus contribué du côté juif
à la rupture entre nazrouth et Judaïsme fut sans conteste la birkat ha
minim insérée après la destruction du Temple dans la prière
quotidienne ou Amida que chacun en tant que membre de l'assemblée devait
prononcer personnellement (Fleischer, 1993). Une baraïta rapporte :

« Nos Maîtres enseignent : Shiméon ha-Faqoli a organisé


les Dix-huit bénédictions à l'époque de Rabban Gamliel de
Yavné. Rabban Gamliel dit aux Sages : se trouve-t-il quelqu 'un
qui saurait composer une bénédiction contre les minim ? She-
muel ha-Qatan se leva et la composa » (TBBer. 28b).
En d'autres termes, à l'époque de Rabban Gamliel II de Yavné
soit à la fin du Ier siècle de notre ère, alors que tout était fait pour
déterminer définitivement la jurisprudence en matière de prière,
Shiméon ha-Faqoli organisa des éléments de prière que la tradition fait
remonter aux Hommes de la Grande Assemblée, soit près de trois
siècles plus tôt, tandis que Shiméon le Petit « retoucha » lui aussi un
texte plus ancien ainsi que nous le reverrons et qui, dans sa version
palestinienne, a été retrouvée dans la Géniza du Caire (Schechter,
1987-88), selon quatre formulations légèrements différentes (Flusser,
1992, 346 sq.), la plus simple étant la suivante :
« Que les apostats-renégats [meshoumadim = ceux qui ont
été détruits/anéantis] n 'aient plus aucun espoir ; que le pouvoir
de malheur disparaisse rapidement de nos jours, que les notzrim
et les minim aillent sur l'heure à leur perte, qu 'ils soient effacés
du livre de vie et qu 'ils ne soient pas mentionnés parmi les
justes. Béni soit le Seigneur qui courbe les méchants ».

Deux catégories de personnes répondant aux critères


d'identification du juif tels qu'ils apparaissent dans la littérature rabbinique de
l'époque des Tannaïm (Schiffmann, 1981 et 1985), d'une part les
minim ou sectaires de toutes tendances, d'autre part, les notzrim ou
proto-nazaréens, sont ainsi visés.
COMMENT LE MÊME EST-IL DEVENU L 'A UTRE ? 29

Selon D. Flusser, cette birkat ha minim, en réalité une


malédiction, vise tous ceux qui auraient fait preuve d'un manque de solidarité
avec le peuple juif, à savoir les minim - terme qui, selon R. Kimel-
man, a connu une évolution sémantique mais qui, dans la littérature
rabbinique < mishna-tosephta, midrashim tannaïtiques > ne désigne
que des juifs (Kimelman 1981) -, les apostats-meshoumadim et tous
ceux qui n'auraient pas respecté les mitzvot, ceux qui auraient fait
sécession, à commencer par les esséniens. Particulièrement surveillé,
tout suspect de minouth-natzrouth ne pouvant psychologiquement
prononcer sur lui-même cette bénédiction-malédiction se trouvait
explicitement exclu de la prière et partant de la communauté, c'est
ce qui découle de cette citation du Talmud :

« R. Yehouda a dit au nom de Rav : Lorsque quelqu 'un fait


une faute dans une quelconque bénédiction, on le laisse
continuer ; mais s 'il s 'agit de la birkat ha-minim, on le rappelle à
sa place, car on le soupçonne d'être un min » TBBer 28b-29a.

On peut encore s'interroger sur les raisons qui ont fait que la
birkat ha-minim en vienne à constituer un obstacle dirimant pour les
nazaréens et conduire à leur exclusion de facto. Redisons-le, à l'heure
où les Sages tentent de restreindre au maximum les rapports entre
juifs et gentils, adoptant toute une jurisprudence dont G. C. Porton
nous fournit un échatillonnage (Porton, 1985, 317-335), à l'heure où
tout est mis en œuvre par ces mêmes Sages pour réunifier le peuple
autour d'eux, sous leur gouverne exclusive et en fonction de leur
halakha, toute personne [ou tout groupe] dénoncée comme firaction-
niste ou sécessionniste, en d'autres termes singularisée comme min
ne se sentait plus, en fonction de la mentalité de l'époque, capable
de prononcer sur lui-même ainsi désigné comme min par l'autorité
cette bénédiction/malédiction. Ainsi, sans autre mesure d'exclusion
formellement prise, le min se trouvait marginalisé et exclu. Par la
suite, la birkat ha minim aurait fini en Palestine par viser les nozrim
(identifiés aux minim) nommément désignés à partir du me siècle de
n.è uniquement dans la version palestinienne retrouvée dans la géni-
zah du Caire, mais toujours selon D. Flusser visés antérieurement,
comme le prouveraient les allégations de Justin rappelées ci-dessus
(Flusser, 1984 et 1992 Simon, 1964 : 235-238 et Van der Horst, 1994
qui résume les positions récentes de ceux pour qui cette birkat ne
visait pas originellement les notzrim). On peut penser par ailleurs
qu'après l'introduction de cette birkat ha-minim dans la prière, bien
peu de nazaréens, même parmi les plus attachés à leur Judaïsme, ont
dû continuer de fréquenter la synagogue. On est de fait en droit de
parler en définitive de mesure indirecte d'exclusion (Overman, 1990,
49) et penser que le quatrième évangile y fait allusion Jn 9, 22 ; 12,
30 F. BLANCHETIÈRE

42 ; 16, 2. En revanche, ce serait sombrer dans l'anachronisme que


d'introduire ici ce qu'Epiphane et Jérôme affirment à propos des juifs
qui de leur temps « maudissent les notzrim dans leurs synagogues »
(Thornton, 1987), et pareillement de parler de formules censurées :
par qui, en référence à quoi, en vertu de quelle autorité ?
En résumé, entre les disciples du Rabbi de Nazareth les rapports
vont s'aigrir donnant naissance à l'animosité et à l'hostilité entre
hébreux-nozrim et hellènes-chrétiens qui se traduira entre autres par
Panti-paulinisme des pseudo-clémentines ou la querelle pascale : on
n'a plus de langue commune, les mêmes referents culturels. D'autre
part, polémiques, controverses, exclusive, anathèmes, la fracture ne
cesse de s'élargir entre juifs et chrétiens au moment où se constitue
et se renforce Yecclesia ex circumcisione dans le monde hellénistique
parmi des populations n'ayant plus de référence existentielle ou
culturelle avec le monde juif. Va alors se développer progressivement un
anti-judaïsme tri-dimensionnel d'installation, de différenciation - on
se pose en s'opposant - ou de ressentiment à l'endroit de ces juifs
qui s'entêtent dans leur refus de se laisser convaincre de la messianité
de Jésus, un anti-judaïsme qui est pour l'essentiel la contre-partie de
la rupture et de l'exclusion jusqu'au moment où Ignace d'Antioche,
au debut du IIe siècle soulignera que Judaïsme et Christianisme sont
exclusifs (Magn. 10 et 11).
Enfin, après 135 comme l'a écrit M. Simon, « le Judaïsme... a
cessé de poser un problème dans l'Eglise ; il continue d'en poser un
pour l'Eglise, du dehors », parce que les églises hellénophones et
bientôt latines se multiplient et deviennent dominantes, tandis que les
communautés hébreo - ou araméophones se trouvent marginalisées
(Simon, 1964, 91, n. 6).
Nous venons donc de tenter de présenter la double séparation qui
s'est opérée progressivement durant les quelque cent cinquante
premières années de notre ère : d'une part la scission au sein même de
la communauté des fidèles de Jésus de Nazareth entre nazaréens et
chrétiens qui s'est traduite par exemple par l'anti-paulinisme ou la
querelle pascale, rupture imputable d'abord et avant tout à des raisons
culturelles ; d'autre part, scission entre nazaréens et chrétiens d'un
côté, juifs traditionnels de l'autre ce qui va donner naissance à de
multiples controverses et plus encore à un anti-judaïsme théologique
multiforme (Blanchetière, 1997).
Les nazaréens sont donc des juifs soucieux d'observance des mitz-
vot, et à ce titre ils furent rejetés par leurs frères chrétiens. Mais
convaincus de la messianité de leur Maître, le Rabbi Yeshu ou Yeshua
de Nazareth, ils furent également rejetés par le Judaïsme normatif qui
se constituait au lendemain de la catastrophe de 70. D'expression
COMMENT LE MÊME EST-IL DEVENU L 'A UTRE ? 31

sémitique, rejetés des uns et des autres, les nozrim ont survécu à
l'écart, comme dans un no man 's land.
A la différence de ce qu'il en a été pour les esséniens, où l'on
peut parler de rupture, et si l'on s'en tient à la vision paulinienne de
l'Histoire, dans le cas des nazaréens, il semblerait préférable de parler
de différenciation ou de séparation transitoire parce que l'arbre ne
peut se couper de ses racines, pour reprendre la comparaison
paulinienne, parce que, toujours selon Paul, l'Eglise chrétienne attend le
« reste », la conversion eschatologique d'Israël.
Qui plus est, à l'origine, les «ofcrn/n/nazaréens ne se sont
certainement pas demandés s'ils étaient ou non juifs. C'est pourquoi, ainsi
que le souligne avec pertinence J. Taylor « (they) would not have
considered themselves to be combining two religions (ce que tendrait
à dire les dénominations modernes « Jewish-Christianity » ou
« Judaeo-Christianity »), for they never accepted that Christianity was
anything but the proper flowering of Judaism » (Taylor, 1990, 315).
Il faut en déduire que les dénominations judéo-chrétien,
judéo-christianisme sont particulièrement inadéquates et perverses, même si elles
sont reçues et se révèlent difficiles à remplacer.
François Blanchetière
Université Strasbourg II

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