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La didactique intégrée au service du

plurilinguisme :
Comment faciliter et rendre plus efficace l’apprentissage des langues d’élèves
inscrits en 7 e O grâce à un décloisonnement des cours de langues ?
Par la présente, je déclare avoir réalisé ce travail de candidature par mes propres moyens et
avoir mentionné toutes les sources d’information utilisées pour son élaboration.

Syren, le 9 mai 2011

BENTNER Liss

Je tiens à remercier M. Michael Langner pour l’ attention qu’il m’a accordée tout au long de ce
travail, pour sa disponibilité et pour les conseils fructueux qu’il m’a apportés.
Il en va de même pour Mme Marguerite Krier et Mme Sabine Ehrhart qui m’ont soutenue par
leurs précieuses recommandations.
J’exprime également ma profonde reconnaissance à Mme Claudine Schmit, sans qui la
réalisation de ce projet n’aurait pas été possible.
Je tiens aussi à remercier sincèrement Guy et Jody pour leur soutien inconditionnel ainsi que
les employés des services de statistiques et d’analyses du MENFP pour leur aide précieuse.

2
BENTNER Lis s
Candidate dans la carrière de professeure de français au Lycée Aline Mayrisch Luxembourg
– annexe Sports-études (Sportlycée)

La didactique intégrée au service du


plurilinguisme :
Comment faciliter et rendre plus efficace l’apprentissage des langues d’élèves
inscrits en 7 e O grâce à un décloisonnement des cours de langues ?

Luxembourg
2011
Résumé

Résumé

Dans le présent travail de candidature, j’ai poursuivi un triple but.

Tout d’abord, je voulais m’informer sur la manière dont l’Europe en général, et le


Luxembourg en particulier, comptent réagir –au niveau de l’enseignement des langues- face à
la diversité linguistique très riche de leurs citoyens. Ainsi, la lecture de divers documents
officiels, comme notamment le Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques
éducatives en Europe - De la diversité linguistique à l’éducation plurilingue, publié en 2007
par le Conseil de l’Europe et le Profil de la politique linguistique éducative du Luxembourg
ainsi que le Plan d’Action pour un réajustement de l’enseignement des langues, publiés par le
Ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du Luxembourg, m’ont
permis de prendre connaissance des propositions formulées par des auteurs internationaux et
nationaux pour adapter les politiques linguistiques aux nouvelles exigences concernant
l’enseignement et l’apprentissage des langues étrangères. De ces lectures, j’ai avant tout
retenu le concept de plurilinguisme, présenté comme nouveau principe fondateur des
politiques linguistiques éducatives européennes.

Dans une deuxième phase, je me suis interrogée sur la manière dont je pouvais agir
concrètement sur le terrain pour aider les élèves à développer leurs compétences plurilingues
et pluriculturelles dans mes cours. Ainsi, j’ai tâché d’approfondir mes connaissances
concernant les nouvelles méthodes didactiques permettant de promouvoir le plurilinguisme.
Chacune de ces méthodes découvertes, comme entre autres l’éveil aux langues, l’option
CLIL/EMILE, ou l’intercompréhension, a été brièvement présentée, avant que je me sois
attardée sur celle qui me semblait la mieux adaptée pour atteindre mes objectifs fixés : la
didactique intégrée.

J’ai analysé les différents principes-clé de ce concept innovateur, en prenant appui sur des
projets réalisés à l’étranger, et j’ai de plus étudié ses théories sous-jacentes, notamment en me
basant sur des travaux sur le transfert de J. Cummins.

Mon but était de me familiariser avec les différents domaines de transferts activés lors de
l’apprentissage d’une nouvelle langue, pour ainsi savoir comment mieux pouvoir guider les

4
Résumé

élèves dans leur processus d’apprentissage. Je me suis en outre informée sur le rôle que doit
jouer un enseignant qui cherche à provoquer une conscientisation du fonctionnement
langagier chez les apprenants et qui veut promouvoir systématiquement des phénomènes de
synergies entre les langues dans ses cours. Le but était d’amener les élèves à travailler de
façon ciblée sur des comparaisons entre les langues, notamment pour qu’ils apprennent ainsi à
tirer profit de ressources déjà présentes dans leur répertoire de langues pour les appliquer lors
de nouveaux apprentissages en ayant recours à des stratégies cognitives, métacognitives et
métalinguistiques efficaces.

Parallèlement à toutes ces recherches théoriques, il était important pour moi de réagir
concrètement par rapport aux demandes des politiques linguistiques européennes et nationales
en tâchant de mettre en pratique une soi-disant didactique intégrée devant favoriser le
plurilinguisme des élèves. Ainsi, la dernière partie du travail résume les différentes activités
expérimentées sur le terrain, menées à bien en étroite collaboration avec la titulaire
d’allemand de la classe choisie (7e O). Dans le cadre de ce décloisonnement de langues, nous
avons essayé de coopérer le plus étroitement possible pour amener les élèves à prendre
l’habitude de comparer et d’établir des parallèles entre les langues au programme pour qu’ils
puissent ainsi avancer plus efficacement dans leur apprentissage. Nous les avons aussi
sensibilisés à l’interculturel, notamment pour les pousser à faire preuve d’une attitude positive
vis -à-vis d’autres cultures. Les activités étaient choisies de façon à ce qu’elles contribuent à
développer des compétences dans les quatre domaines langagiers majeurs (production et
réception orale et écrite) et peuvent être réparties en cinq grandes catégories : la
sensibilisation aux différences entre les langues et les cultures y relatives, les exercices de
vocabulaire (portant notamment sur les expressions idiomatiques en allemand et en français),
l’étude et l’exploration de textes en deux langues, les comparaisons grammaticales et la
traduction (orale et spontanée).

Afin de pouvoir évaluer l’efficacité des exercices réalisés, nous avons pour chaque activité
demandé aux élèves d’indiquer le degré d’importance qu’elle présentait à leurs yeux, avec une
brève justification. Nous avons ainsi pu nous rendre compte des avantages ou désavantages
liés à ces exercices, ce qui nous permet de perfectionner leur mise en œuvre à l’avenir.

5
Sommaire

Sommaire

Introduction ..................................................................................................................................... 7

I. L’Europe, sa diversité linguistique et l’éducation plurilingue : une présentation


détaillée du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en
Europe publié en 2007 par le Conseil de l’Europe........................................................ 17

A. Vers une cohérence nécessaire dans les politiq ues linguistiques communes des Etats
membres du Conseil de l’Europe ..................................................................................... 19
B. Le pluriliguisme comme principe fondateur des politiques linguistiques éducatives
européennes ....................................................................................................................... 27

II. Mener le Luxembourg vers une éducation plurilingue : le réajustement de


l’enseignement des langues au niveau national ............................................................. 39

A. La naissance du Plan d’Action......................................................................................... 40


B. Les quatre volets complémentaires du Plan d’Action .................................................... 45
C. Le Luxembourg et sa situation linguistique particulière ................................................ 51
D. Les réticences vis-à -vis d’un réajustement de l’enseigement des langues et leurs causes
............................................................................................................................................ 53

III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous -jacentes ............................. 57

A. ELBE : Conscience des langues et des cultures .............................................................. 59


B. L’option CLIL-EMILE : l’enseignement bilingue de disciplines non -linguistiques ou
l’immersion ....................................................................................................................... 60
C. La promotion intégrée des langues .................................................................................. 62
D. Didactique des échanges et rencontres............................................................................ 62
E. L’enseignement des langues étrangères axé sur les contenus et les actes ..................... 63
F. La didactique plurilingue .................................................................................................. 64

IV. Le volet pratique : les méthodes expérimentées pour mettre en œuvre une
didactique intégrée en classe de 7e O .............................................................................. 87

Conclusion……………………..…………………………………………………………………….123

Annexes……………………...……………………………………………………………………….127

Bib liographie…………………………………...……………………………………………………192

Table des matières...…………………………...……………………………………………………195

6
Introdu ction

Introduction

a. Situation interpellante :

Quand on entre dans le métier d’enseignant, on repense forcément à sa propre formation pour
évaluer le pour et le contre de la pratique de ses anciens professeurs, dans le but d’éviter les
faiblesses dans leur pratique qui nous ont gênés personnellement. Or, en passant en revue mon
propre apprentissage des langues dans le contexte scolaire, je me suis souvenue d’un
sentiment de frustration qui m’a envahie lors d’exercices de traduction que je devais faire à
l’université ou encore lors des examens-concours en vue de l'admission au stage pédagogique
pour l'enseignement secondaire et secondaire technique. En effet, ces exercices de traduction,
encore peu familiers pour moi à ce moment-là, et lors desquels j’étais amenée à comparer
minutieusement le fonctionnement des trois langues en question (le français comparé à
l’anglais à l’université et à l’allemand lors du concours) pour pouvoir opérer des transferts et
éviter de transposer aveuglément des mots ou processus linguistiques d’une langue à l’autre,
notamment pour ne pas risquer de tomber dans le piège des soi-disant « faux amis », je les ai
ressentis comme difficiles mais en même temps, j’avais du plaisir à confronter les différents
systèmes linguistiques. J’ai réalisé à ce moment-là que le français, l’allemand et l’anglais,
trois langues que j’avais apprises au lycée, présentaient de nombreuses parallèles (et aussi des
différences, bien évidemment), dont je n’étais pas consciente jusque-là. Devant cet exercice
qui s’était révélé comme nouvel obstacle pour moi, je me suis mise à réfléchir,
rétrospectivement, à mon apprentissage des quatre langues (allemand, français, anglais,
italien) étudiées à l’école luxembourgeoise et j’ai alors ressenti comme un choc le fait que ces
apprentissages correspondaient pour moi à quatre situations totalement différentes, comme si
c’était quatre cours de matières différentes que j’avais fréquentés, à côté des disciplines non
linguistiques comme la géographie, les mathématiques, la chimie, etc.

C’est donc seulement à l’âge de 20 ans environ, au moment où j’étais étudiante à l’université,
que j’ai réalisé que les différentes langues présentent de nombreuses parallèles mais que, dans
ma tête, chaque langue avait son propre fonctionnement. En outre, je me suis rendu compte
que lors de mon parcours scolaire, j’ai appris des règles similaires à quatre reprises, sans
vraiment me rendre compte des points communs existants. Il se peut en effet que nos
professeurs de langue au lycée nous aient indiqué ponctuellement certains de ces phénomènes
d’interférence, notamment lors d’exercices de traduction de phrases isolées en cours de

7
Introdu ction

français (tels qu’ils figuraient dans le manuel au programme à ce moment-là, la Grammaire


française de Schanen, Herrmann et Dockendorf), et il est fort probable que je n’avais pas la
maturité nécessaire pour bien assimiler ces parallèles ou différences entre les langues
apprises, mais en même temps, je me dis que ces explications comparatives, si elles avaient eu
lieu, n’ont pas pu être assez systématiques vu qu’elles ne sont guère restées ancrées dans ma
mémoire. En tout cas, il était assez frustrant pour moi de constater que mes enseignants des
différentes langues m’ont fait apprendre et réapprendre des règles grammaticales ou autres
que j’avais déjà étudiées préalablement, les présentant comme une matière tout à fait
nouvelle, négligeant de se baser sur nos apprentissages déjà réalisés lors d’autres cours. Ma
frustration s’expliquait avant tout par le sentiment d’une « perte de temps » considérable et
j’ai regretté que l’on n’ait guère entrepris les efforts nécessaires pour nous faciliter notre
apprentissage en nous rendant conscients des rapports qu’entretiennent les diverses langues
enseignées.

Or, pendant les premières années de ma pratique professionnelle, je n’ai moi-même entrepris
guère d’ efforts pour rendre mes élèves conscients des parallèles qui existent entre les langues,
notamment l’allemand et le français, mis à part quelques explications futiles lors des exercices
de traduction de phrases isolées proposés dans le manuel Portail, ressemblant fort à ceux que
j’avais dû faire moi-même jadis dans la Grammaire française. Parallèlement au manque
d’expérience et à l’absence d’exercices (de comparaison) appropriés dans les manuels au
programme, qui auraient pu me soutenir dans un tel projet, je considérais que le recours à une
autre langue que le français dans mes cours était inapproprié vu que l’on nous enseignait lors
du stage pédagogique à l’Université du Luxembourg l’importance de l’emploi strict de la
langue véhiculaire dans nos cours de langues, selon l’idée que c’est « en forgeant que l’on
devient forgeron ».

C’est en effet en rencontrant un autre « problème » souvent intrinsèque à l’enseignement du


français, que j’étais de nouveau amenée à réfléchir à l’utilité respectivement aux faiblesses
d’un cours cloisonné, dans lequel seul l’emploi de la langue-cible, le français, est toléré. En
effet, dès le début de mon expérience professionnelle en tant qu’enseignante de français, j’ai
souvent pu constater que certains apprenants, et surtout les plus jeunes, se montraient quelque
peu déstabilisés dans mes cours, où j’avais donc seulement recours à la langue enseignée. Ces
élèves se montraient très discrets, ne prenaient presque jamais volontairement la parole et
j’observais chez eux une gêne manifeste lors d’exercices d’expression orale.

8
Introdu ction

Cette situation m’interpellait constamment, surtout parce que j’ai souvent observé, après les
cours ou hors de la salle de classe, que les élèves que je croyais très timides communiquaient
avec enthousiasme -en luxembourgeois pour la plupart d’entre eux - avec leurs camarades ou
professeurs, moi incluse. A plusieurs reprises, j’ai découvert, lors de discussions avec d’autres
professeurs de la classe, que des élèves très réservés dans mes cours participaient en revanche
régulièrement et de façon active aux autres cours, dont la langue d’enseignement était
l’allemand.

C’est ce blocage face à la langue française, très regrettable dans la mesure où il interdit à
certains élèves de vivre pleinement leur personnalité dans la salle de classe et de participer
activement à la construction de nouvelles compétences langagières, qui m’a donné à réfléchir
sur l’utilité du recours exclusif au français dans l’échange avec les élèves et dans les situations
d’enseignement/apprentissage.

Par ailleurs, j’ai à maintes reprises constaté que de nombreux élèves se basent aveuglément
sur leur langue première, le luxembourgeois, ou l’allemand, première langue « étrangère »
apprise à l‘école primaire, pour s’exprimer en français ; ainsi, dans leurs productions écrites
ou orales, on retrouve beaucoup de structures grammaticales ou des expressions inexistantes
en français, qui s’expliquent par une traduction mot à mot maladroite des langues qui leur
sont plus familières. Ne pouvant pas ignorer ces phénomènes d’interférence, il était important
pour moi de trouver une méthode pour arrêter de considérer ces recours à une autre langue
mieux développée chez l’apprenant comme un signe d’incompétence ou de confusion de
langues, et, en revanche, de les prendre en considération de façon plus ciblée, dans le contexte
d’analyses contrastives, afin de mieux pouvoir guider les élèves dans leur apprentissage.

C’est ainsi que j’ai pris l’initiative de m’informer -dans des discussions avec des spécialistes
et grâce à la lecture de documents spécifiques- sur les possibilités pédagogiques et didactiques
à ma disposition pour mieux organiser l’enseignement du français, langue dite « seconde » et
enseignée avec un délai de 4 trimestres par rapport à l’allemand au Grand -duché, notamment
en faisant référence aux connaissances que les élèves ont déjà développées en allemand.

Mon but était donc de trouver une méthode me permettant de mieux faire réaliser aux élèves
les parallèles et différences qui existent entre les langues qu’ils connaissent, pour les amener à
les comparer de façon plus ciblée, afin d’éviter des erreurs de constructions de phrases ou
d’expression dues à des traductions maladroites. De plus, je souhaitais ainsi mieux tenir
9
Introdu ction

compte des apprentissages déjà réalisés des élèves dans d’autres cours, pour éviter de leur
faire apprendre des éléments qu’ils connaissent déjà, et j’espérais aussi pouvoir ouvrir mon
cours à d’autres langues, dans lesquelles mes élèves se senten t peut-être plus à l’aise, pour les
encourager ainsi à s’exprimer de façon plus régulière et surtout avec plus d’assurance.

Lors de mes recherches, j’ai assez rapidement pris connaissance du concept du


plurilinguisme1 , que l’on considère comme solution efficace pour remédier aux problèmes de
langues rencontrés partout en Europe, où l’immigration a beaucoup changé la réalité
sociopolitique et où on s’interroge actuellement beaucoup sur des méthodes efficaces pour
pouvoir réagir –au niveau de l’enseignement des langues- face à la diversité linguistique de
plus en plus riche des citoyens.

C’est ainsi que j’ai décidé d’approfondir mes connaissances dans ce domaine, dont je n’avais
pas encore entendu parler avant, et donc de consacrer le présent travail aux didactiques du
plurilinguisme innovatrices, censées mener à une amélioration des situations regrettables
rencontrées sur le terrain et devant me permettre de trouver des approches méthodologiques
qui font une place active et assumée au recours à d’autres langues dans l’apprentissage d’une
langue étrangère.

1
Dans le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues, le plurilinguisme est défini comme « La
compétence à communiquer langagièrement et à interagir culturellement d’un acteur social qui possède, à des
degrés divers, la maîtrise de plusieurs langues et l’expérience de plusieurs cultures. On considérera qu’il n’y a
pas là superposition ou juxtaposition de compétences distinctes mais bien existence d’une compétence
complexe, voire composite, dans laquelle l’utilisateur peut puiser. », Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2000,
p.129

10
Introdu ction

b. Les choix pratiques du projet :

Durant l’année scolaire 2010-2011, j’ai réalisé en classe de 7e O1 du Sportlycee un projet qui
était destiné à expérimenter concrètement, sur le terrain, les différentes pratiques
pédagogiques innovatrices, dont notamment la soi-disant «didactique intégrée» 2 , avec
lesquelles je me suis familiarisée lors de mes recherches. Ce projet, dont j’aimerais désormais
expliquer quelques choix pratiques, a été mené à bien avec l’étroite collaboration de la
titulaire d’allemand de la classe, Mme Claudine Schmit.

i. Une nécessaire collaboration :

Un premier obstacle « pratique » que j’ai rencontré est celui de l’organisation des cours de
langues au post-primaire au Grand -Duché de Luxembourg : dans les programmes, aucun
échange entre les différents enseignants de langue d’une classe n’est prévu et les cours de
langues sont toujours organisés de façon cloisonnée, chacun ayant donc la possibilité, s’il le
souhaite, de travailler de manière tout à fait individuelle avec ses élèves. A l’école
fondamentale, en revanche, c’est un seul enseignant qui est responsable de l’enseignement de
l’allemand et du français.

Pour pouvoir réaliser mon projet, il était pourtant important que je puisse compter sur la
collaboration du/de la titulaire d’allemand de la classe choisie afin de pouvoir réaliser un
véritable décloisonnement des cours de langues, qui, seul, me semblait fructueux pour
atteindre les objectifs que je m’étais fixés. En effet, ne me sentant pas assez qualifiée pour
dégager toute seule les parallèles et différences entre l’allemand et le français, j’ai préféré
coopérer avec une spécialiste d’allemand.

2
Définition : «La didactique intégrée des langues […] vise à aider l’apprenant à établir des liens entre un
nombre limité de langues, celles dont on recherche l’apprentissage, dans un cursus scolaire (qui vise de façon
«classique» les mêmes compétences pour toutes les langues enseignées ou qui prévoit des « compétences
partielles » pour certaines d’entre elles). Le but est alors de prendre appui sur la langue première (ou la langue
de l’école) pour faciliter l’accès à une première langue étrangère, puis sur ces deux langues pour faciliter
l’accès à une seconde langue étrangère (les appuis pouvant aussi se manifester en retour) » Candelier, M. (dir.)
(2007). CARAP – Cadre de référence pour les approches plurielles des langues et des cultures, Centre Européen
pour les Langues Vivantes), Strasbourg, Conseil de l’Europe, p. 8,
(http://carap.ecml.at/Resources/Glossary/tabid/426/language/fr-FR/Default.aspx)

11
Introdu ction

Heureusement, j’ai rapidement trouvé une collègue qui s’est montrée dès le départ ouverte et
enthousiaste face à mon projet d’essayer de décloisonner les cours de langues, dans l’intérêt
de nos élèves. Rapidement convaincue de l’utilité d’un tel projet et très ouverte à toute
nouvelle idée pédagogique, Madame Schmit a spontanément accepté de collaborer
étroitement avec moi dans la planification et la réalisation de séquences d’ouverture aux
langues réalisées dans une classe de 7e O.

ii. Le choix de la classe :

Le choix de cette classe s’explique premièrement par le fait que ce sont avant tout les jeunes
élèves, qui manquent encore d’exercice et d’expérience, qui se montrent timides lors des
cours de langues qui leur posent des problèmes. Mais il s’agissait aussi d’une décision prise
pour son côté pratique : la 7e est la dernière année où les élèves n’apprennent encore que deux
langues (l’allemand et le français) et comme il s’agissait d’une première expérience basée sur
une collaboration avec un autre titulaire de la classe, je préférais la garder la plus réduite
possible. Réaliser un tel projet sans intégrer tous les professeurs de langues me paraissait peu
fructueux et ainsi, le choix de la 7e s’est presque imposé naturellement.

c. Brève description de mon travail de candidature

i. Le plan du travail

Interpellée par une expérience personnelle frustrante en tant qu’apprenante de langues, et dans
la volonté d’offrir à mes élèves un cadre d’enseignement/apprentissage dans lequel ils ont la
possibilité de se sentir bien à l’aise et qui leur permet une meilleure «conscientisation du
fonctionnement langagier et linguistique, ainsi qu’une réinterprétation orientée des effets de
distance et de proximité entre les langues » 3 , j’ai décidé de consacrer le présent travail aux
didactiques du plurilinguisme et plus particulièrement à une de leurs composantes me

3
V. Castellotti, D’une langue à d’autres : Pratiques et représentations, Collection Dyalang, Rouen, 2001, p.153
12
Introdu ction

paraissant très utile pour adapter ma pratique aux exigences linguistiques nationales et
internationales : la didactique intégrée, mise en œuvre dans le cadre d’un décloisonnement des
cours de langues.

J’aimerais désormais exposer le plan du présent travail.

Dans une première partie, je me pencherai sur l’étude du document Guide pour l’élaboration
des politiques linguistiques éducatives en Europe - De la diversité linguistique à l’éducation
plurilingue, publié en 2007 par le Conseil de l’Europe, pour résumer les raisons de
l’engagement au niveau de l’enseignement des langues, ainsi que pour présenter les idées-clé
et les exigences formulées par la Division linguistique de cette organisation internationale
réputée pour le sérieux de ses recherches dans le domaine de l’apprentissage des langues. Il
s’agira de retracer divers projets entrepris par la Division des Politiques linguistiques et aussi
de présenter leur façon de faire dans la recherche de politiques linguistiques communes et
cohérentes des Etats membres du Conseil de l’Europe.

Je m’intéresserai plus précisément à la définition que l’on donne, dans le Guide, du


plurilinguisme, qui a été retenu par le Conseil de l’Europe comme principe fondateur des
politiques linguistiques éducatives européennes, pour bien me familiariser avec toutes les
composantes de ce concept assez innovateur.

Pour clore cette première partie, je présenterai encore les deux supports choisis par la Division
des Politiques linguistiques, qui devront aider les enseignants à mettre concrètement en œuvre
la didactique plurilingue et pluriculturelle sur le terrain, le Cadre européen commun de
référence et le Portfolio européen des langues.

J’enchaînerai ensuite dans une prochaine partie avec le résumé des idées-clé présentées dans
le Profil de la politique linguistique éducative du Luxembourg et la présentation des quatre
volets du Plan d’Action pour un réajustement de l’enseignement des langues, publié par le
Ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du Luxembourg, pour
voir comment notre pays compte s’adapter aux nouvelles exigences linguistiques, en
modernisant son enseignement des langues. Après l’étude des mesures prises au niveau
politique, je vais analyser brièvement la situation sur le terrain, ou plus précisément le degré
13
Introdu ction

de réalisation des projets prévus, pour formuler ultérieurement des hypothèses concernant les
éventuelles réticences constatées face à la mise en œuvre concrète de l’éducation plurilingue
sur le plan national pour le moment.

Ensuite, dans une troisième partie, je planifierai une mise en pratique des concepts didactiques
découverts lors de mes lectures. Je présenterai quelques méthodes innovatrices concrètes
permettant de promouvoir le plurilinguisme, qui sont actuellement expérimentées dans le
cadre de plusieurs projets de l’enseignement primaire en Suisse. Ensuite, il s’agit de
sélectionner dans cet amas de possibilités les méthodes les mieux appropriées à l’âge et au
niveau de mes élèves ainsi qu’à la langue que j’enseigne, le français. L’étude de quelques
théories sous-jacentes aux didactiques du plurilinguisme et notamment celle du transfert,
devrait m’aider à consolider mes nouvelles connaissances et à bien préparer la mise en œuvre
pratique de ces méthodes dans la salle de classe.

Finalement, dans la dernière partie, je décrirai les divers projets que j’ai réalisés sur le terrain,
en étroite collaboration avec la titulaire d’allemand de la classe sélectionnée, dans le cadre de
ce projet de décloisonnement des langues basé sur la didactique intégrée. Dans cette partie, je
veillerai à prendre position par rapport aux expériences pratiques réalisées et je résumerai
également les réactions des apprenants, pour bien évaluer l’utilité des exercices proposés.

ii. Les méthodes mises en œuvre :

Dans le cadre du présent travail, j’aurai donc l’occasion d’expérimenter diverses méthodes
didactiques devant m’aider à développer une nouvelle pratique professionnelle adaptée aux
exigences de la didactique intégrée.

Ainsi, toutes les lectures des documents officiels publiés par le Conseil de l’Europe ou encore
le Ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du Luxembourg, me
permettront de bien m’informer sur la situation sociopolitique ainsi que les politiques
linguistiques dominantes sur le terrain européen.

14
Introdu ction

De plus, grâce à la consultation de livres théoriques portant plus spécifiquement sur les
théories d’acquisition de langues (qui s’intéressent entre autres aux phénomènes de transfert, à
l’intercompréhension, ou encore à des concepts connus sous les noms anglais de
l’ « interlanguage » et de la « common underlying efficiency » définie par Cummins), je
tâcherai d’approfondir mes connaissances dans le domaine de la didactique intégrée.

Pour prendre connaissance de méthodes concrètes disponibles pour promouvoir le


plurilinguisme, je prendrai appui sur des projets déjà réalisés à l’étranger, et notamment en
Suisse.

Parallèlement au volet théorique, il est très important pour moi de profiter de mes nouvelles
connaissances pour les appliquer concrètement dans ma pratique professionnelle, voilà
pourquoi je consacrerai la dernière partie aux expériences réalisées sur le terrain, en
collaboration étroite avec une enseignante d’allemand.

iii. Les objectifs poursuivis :

Le présent travail, qui se base sur des théories d’une didactique des langues et du
plurilinguisme actuelles et promues dans toute l’Europe, devra me permettre de contribuer à
développer une compétence plurilingue et pluriculturelle chez les jeunes élèves. Je tâcherai
notamment de les pousser à prendre conscience de leur répertoire linguistique et de leur
apprendre à respecter et à tolérer les langues d’autrui.

De plus, des exercices de comparaison ciblés entre les langues allemande et française devront
amener les apprenants à prendre conscience des phénomènes de transferts ou d’interférences
entre ces deux langues et leur fournir des informations comparatives sur le fonctionnement
des langues. De plus, je tâcherais de favoriser « la mise en place de démarches de
raisonnement de type métalangagier » pour entraîner chez les élèves une « réactivation des
connaissances antérieurement acquises qui leur permettent d’analyser et d’interpréter de façon
plus efficace les environnements linguistiques nouveaux »4 . L’intégration d’exercices
favorisant la métacognition devra finalement aider les apprenants à développer et à améliorer
leurs stratégies d’apprentissage.

4
V. Castellotti, D’une langue à d’autres : Pratiques et représentations, Collection Dyalang, Rouen, 2001, p.152
15
Introdu ction

En outre, ce projet devrait me permettre d’enrichir ma propre pratique professionnelle par la


mise en pratique de plusieurs méthodes didactiques innovatrices basées sur le plurilinguisme.
Je voudrais ainsi rendre mon enseignement plus efficace en collaborant étroitement avec une
professeure d’allemand lors de séquences complémentaires dans le cadre de ce qu’on pourrait
appeler la didactique intégrée. En gros, il s’agit d’orienter ma pratique vers « une conception
de l’enseignement des langues qui ne viserait pas uniquement l’acquisition d’un nouveau code
linguistique, mais qui, en prenant en compte la conscience linguistique de tout apprenant, et
en cherchant à l’approfondir, viserait, par exemple à travers l’établissement de comparaisons,
le repérage de similitudes ou de différences entre langues, à créer un outil de gestion des
connaissances linguistiques, véritable outil d’apprentissage pour d’autres langues […] » 5 .

Finalement, j’espère que les différentes mises en pratique réalisées pourraient aussi être utiles
à d’autres enseignants, avec qui j’aimerais les partager, pour les inciter ainsi à contribuer eux
aussi à la promotion d’une éducation plurilingue et pluriculturelle au Luxembourg, qui reste
aujourd’hui encore peu concrétisée dans les Horaires et Programmes et sur le terrain.

5
V. Castellotti, D’une langue à d’autres : Pratiques et représentations, Collection Dyalang, Rouen, 2001, p.56
16
I. Présentation du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe

I. L’Europe, sa diversité linguistique et l’éducation plurilingue : une présentation


détaillée du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en
Europe publié en 2007 par le Conseil de l’Europe

Dans une première partie, j’aimerais porter mon attention sur les exigences concernant les
politiques linguistiques proposées par le Conseil de l’Europe, qui a fait de la politique
linguistique un de ses champs d’action les plus forts.

Rappelons que le Conseil de l’Europe, fondé en mai 1949 et siégeant à Strasbourg, poursuit
les buts principaux suivants : « la protection des Droits de l’homme, de la démocratie
pluraliste et de l’Etat de droit, la prise de conscience de l’identité et de la diversité culturelles
de l’Europe, la recherche de solutions aux problèmes que rencontre la société européenne,
l’aide à la consolidation de la stabilité démocratique en Europe et la promotion dans la
diversité » 6 .

Depuis 1957, la Division des Politiques linguistiques7 à Strasbourg mène divers projets de
coopération intergouvernementale dans le cadre du programme du Comité directeur de
l’éducation du Conseil de l’Europe. Les activités de cette Division contribuent à promouvoir
les Droits de l’Homme, de la citoyenneté démocratique, de la cohésion sociale et du dialogue
interculturel. L’originalité de ses initiatives réside dans le fait qu’elles offrent un forum
paneuropéen unique où sont traitées les priorités politiques de tous les Etats membres,
cherchant ainsi à garantir une harmonisation et une innovation permanente en matière de
politiques linguistiques internationales. La Division réagit aux priorités définies par les Etats
membres et dans son rôle sociopolitique, elle traite toutes sortes d’usages et d’apprentissages
des langues - langues maternelle, première, seconde, régionale, minoritaire, de scolarisation,
etc.

Les membres de la Division des Politiques linguistiques se sont donné comme but de faire
l’état des lieux de la situation linguistique actuelle en Europe et présentent, dans leur souci de
souligner l’importance d’une discussion renouvelée sur la question des langues, des
propositions de changements concrets plus ou moins urgents. Le Guide ne cherche pas à
imposer une politique linguistique particulière, mais il met l’accent sur l’importance de

6
Texte proposé sur le site www.coe.int
7
Remarque : les « politiques linguistiques éducatives » ont pour domaines d’intervention les droits
linguistiques, les tribunaux et administrations, l’affichage public, les médias et les enseignements de langue
17
I. Présentation du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe

trouver des principes et objectifs communs, pertinents pour l’Europe et se veut « un


instrument, parmi d’autres, destiné à structurer des actions ultérieures ». Il importait à la
Division des Politiques linguistiques « d’ouvrir un débat pour aller vers une prise de
conscience collective des enjeux multiples auxquels répondent l’enseignement et la maîtrise
des langues et parvenir ainsi à encourager la création d’un consensus accru, porteur de
nouvelles coopérations entre les Etats membres »8 .

Nous verrons maintenant plus en détail les différentes analyses et recommandations proposées
par la Division des Politiques linguistiques dans son Guide pour l’élaboration des politiques
linguistiques éducatives en Europe, dont la version intégrale a été publiée en 2007.

Précisons encore que ce Guide reprend les idées fortes rassemblées lors de réunions d’un
Comité scientifique créé pour préparer la conférence « Diversité linguistique en faveur de la
citoyenneté démocratique en Europe », qui a eu lieu à Innsbruck en 1999. La version finale,
qui a remplacé la version pilote de 2002 et la première version de 2003, a notamment pris en
considération des suggestions formulées lors des deux conférences suivantes : « Langues,
diversité, citoyenneté : politiques pour la promotion du plurilinguisme en Europe »
(Strasbourg novembre 2002) et « Approches globales en faveur d’une formation plurilingue »
(Strasbourg, juin 2004).

Le Guide est par ailleurs complété par une vingtaine d’ Etudes de référence, qui
approfondissent certains éléments de sujets particuliers en relation avec les problématiques
développées.

Toutes ces études, ainsi que le Guide lui-même, dont la refonte a été confiée à Jean -Claude
Beacco, nommé depuis 1998 conseiller de programme de la Division des Politiques
linguistiques du Conseil de l'Europe, peuvent être consultés sur le site Internet de la Division
des politiques linguistiques : www.coe.int/lang/fr.

8
Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe, Conseil de l’Europe-Division des
Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007, p.122

18
I. Présentation du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe

A. Vers une cohérence nécessaire dans les politiques linguistiques communes

des Etats membres du Conseil de l’Europe

a. Les changements socioculturels et la question de la langue

L’Europe est actuellement marquée par d’importantes évolutions sociétales : ainsi, on assiste
par exemple à une mondialisation de plus en plus importante et à un impact énorme de la
culture télévisuelle, sans oublier le tourisme. De plus, les échanges commerciaux
internationaux se multiplient à rythme croissant.

Ces nouveaux échanges ainsi que l’internationalisation culturelle posent un défi important à
l’Europe concernant sa diversité linguistique, qui risque d’entraîner des problèmes de
communication entre les citoyens originaires de pays différents voulant entrer en contact. On
pense notamment aux flux migratoires et au problème de l’intégration des immigrés. En effet,
il existe aujourd’hui en Europe plus de 220 variétés linguistiques autochtones, dont environ
40 ont le statut de langue officielle, nationale ou d’Etat. La plupart d’entre elles peuvent être
réparties en trois grandes familles de langues : langues romanes (français, italien, espagnol,
portugais, roumain…), langues germaniques (allemand, anglais, néerlandais, suédois,
danois…) et langues slaves (polonais, tchèque, slovaque, bulgare…). L’Europe se retrouve
devant un devoir de grande envergure : elle doit réussir à garantir une bonne communication
entre tous les citoyens, tout en continuant à promouvoir cette diversité linguistique
énormément riche, sans pour autant tomber dans une homogénéisation culturelle.

b. L’option de la lingua franca

En effet, à un moment donné, l’Europe, face à ces changements socioculturels, s’est


interrogée sur l’utilité d’une lingua franca, terme sous lequel on entend traditionnellement la
langue médiévale à base de français et d’occitan utilisée dans le bassin méditerranéen , et sous
lequel on entend aujourd’hui une langue commune maîtrisée par tous les ressortissants de
l’Europe. On a relevé l’avantage qu’une telle lingua franca facilite énormément la
communication entre des personnes de langues maternelles différentes et présente des

19
I. Présentation du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe

avantages financiers, vu qu’elle évite les coûts liés à l’apprentissage et aux besoins de
traduction pour minimiser les difficultés de compréhension mutuelle.

Or, de nos jours, le recours à une telle langue universelle est souvent critiqué parce que, selon
de nombreux spécialistes, il présente de graves inconvénients ; ainsi, Peter Doyé affirme par
exemple que « cette langue mondiale est détachée de toutes racines culturelles et risque d’être
exposée à une superficialité. De plus, elle entraînerait une utilisation insuffisante et la
dépréciation potentielle des autres langues et présente ainsi le danger d’un impérialisme
linguistique. » 9

Notons encore que, étant donné sa place prépondérante dans la communication internationale
et dans divers secteurs comme notamment l’économie, on a envisagé le choix de l’anglais
comme langue unique de l’avenir pour établir une homogénéisation linguistique de l’Europe.

Or, le Guide met l’accent sur le fait que « l’Europe n’est pas une entité politique de même
nature qu’un Etat nation à qui il suffirait de se doter d’une (ou de plusieurs) langue(s)
nationale(s) officielle(s) pour en tirer une forme d’unité ou d’identité »10 . Dans cet espace
pluriel, il s’agit plutôt de protéger les différentes variétés linguistiques, considérées comme
l’expression d’une diversité culturelle constitutive. Il faut donc aller dans le sens d’une
adhésion commune à des principes définissant, ce que Jean -Claude Baecco appelle une
« manière d’être aux langues », plutôt que de vouloir identifier l’espace européen par les
différentes langues qui s’y parlent. Selon ce dernier, « la constitution d’une appartenance
culturelle ouverte passe, entre autres, par la capacité à la richesse des répertoires linguistiques
et à se reconnaître collectivement ou affectivement dans cette pluralité. La civilité et la
bienveillance linguistique pour l’Autre […] sont susceptibles de fonder une forme
d’appartenance non ancrée dans la valorisation de telle ou telle langue particulière, mais
fondée sur une « manière d’être aux langues » comme conscience de la diversité des
répertoires plurilingues des citoyens européens et comme manifestation commune mais
plurielle de leur(s) identité(s). » 1 1

9
Ces inconvénients ont été retenus par P. Doyé dans son Etude de référence L’intercompréhension, Conseil de
l’Europe-Division des Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007, p.7-8
10
Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe, Conseil de l’Europe-Division des
Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007, p.32
11
Beacco dans son étude de référence Langues et répertoire de langues : le plurilinguisme comme « manière
d’être » en Europe, Conseil de l’Europe-Division des Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007, p. 21-22

20
I. Présentation du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe

Ces arguments, entre autres, ont conduit des experts à se pencher sur une réévaluation du
statut de la langue maternelle et ils mettent l’accent sur l’importance de l’apprentissage de la
langue maternelle afin d’éviter une homogénéisation linguistique. Le Guide retient que
l’essentiel reste de « percevoir la dignité égale reconnue à toutes les variétés linguistiques
entrant dans le répertoire des individus et des groupes, quel que soit leur statut dans la
communauté »12 . On peut aussi y lire que « pour les citoyens européens, il n’existe
probablement aucune langue qui puisse, à elle seule, représenter la langue d’appartenance à
cet espace (qu’est l’Europe)»1 3 . En réponse à l’idée de créer et d’utiliser une ou plusieurs
lingua franca, rejetée pour les arguments énoncés ci-dessus, le Guide affirme clairement que
« l’Europe a besoin de principes linguistiques communs davantage que de langues
communes »1 4 .

Ainsi est née la volonté de s’engager au niveau international pour la promotion du


plurilinguisme en Europe, que nous allons définir plus précisément dans une prochaine partie.
En effet, vu que les situations sociolinguistiques présentent d’importantes différences dans
chaque Etat, on ne pourrait jamais s’accorder sur la prédominance de telle ou telle langue
parce que ces choix ne pourront jamais être concordants.

Notons encore que les experts sont pourtant d’avis que l’anglais doit continuer à jouer un rôle
privilégié dans les enseignements linguistiques en Europe, mais plutôt que de bloquer le
développement du plurilinguisme des interlocuteurs au nom d’une idéologie monolingue,
cette langue ayant un statut particulier doit en revanche servir à contribuer à le dynamiser.

c. Les soucis démocratiques

Nous allons désormais préciser l’enjeu démocratique de la promotion du plurilinguisme. Le


Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, dans la Déclaration et le Programme concernant
l’éducation à la citoyenneté démocratique du 7 mai 1999, souligne que « la préservation de la
diversité linguistique européenne n’est pas une fin en soi » mais qu’elle doit contribuer à la

12
Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe, Conseil de l’Europe-Division des
Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007, p.31
13
Ibid., p.32
14
Ibid p.32
21
I. Présentation du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe

construction d’une « une société plus libre, plus tolérante et plus juste, fondée sur la solidarité,
des valeurs partagées et un héritage culturel riche de sa diversité. » 15

En effet, l’Europe ne saurait être démocratique si ses citoyens ne peuvent pas participer
activement aux décisions politiques et à la vie sociale au niveau européen, faute de
compétences linguistiques appropriées. Ainsi, la compétence plurilingue s’avère nécessaire
pour garantir la possibilité pour tous de prendre part à la vie politique et publique de l’Europe.

Il faut donc tâcher de créer matériellement « un espace public dans lequel chacun peut
intervenir et se voir reconnaître son appartenance à cette communauté des citoyens »16 . Le but
est d’assurer mieux qu’avant la communication entre Européens car « la connaissance des
langues est indispensable à la libre circulation des marchandises et des services, aux échanges
d’informations et de connaissances ainsi qu’à la mobilité des personnes »17 . Il est donc
essentiel qu’on évite une éventuelle exclusion de la vie publique à cause de l’emploi de
variétés linguistiques différentes.

Parallèlement à ce besoin de communication, il faut également tenir compte de la nature


juridique de la citoyenneté européenne ; dans le Guide, nous pouvons lire que le principe est
de « transcender les différences ou les particularismes, po ur appréhender tous les membres de
la communauté européenne sous les aspects du citoyen, c’est-à-dire en fonction de droits et
devoirs, identiques pour tous et réciproques entre l’Etat et les individus »18 . On devrait ainsi
définir les droits et les obligations communs et les différencier ensuite de ceux qui répondent
à des exigences particulières, p.ex. celles de groupes minoritaires, pour garantir ainsi l’équité
et la solidarité et pour prendre en considération les spécifications culturelles.

L’enseignement des langues, en tant que lieu privilégié du contact interculturel, constitue un
secteur dans lequel il est possible d’intégrer concrètement une éducation à la vie démocratique
dans ses dimensions interculturelles. En gros, la bienveillance linguistique ne peut être
garantie que si chacun fait l’effort d’apprendre et d’utiliser les langues de ses voisins ou
partenaires, même si ce n’est que partiellement.

15
Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe, Conseil de l’Europe-Division des
Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007, p.37
16
Ibid, p.77
17
Ibid, p.38
18
Ibid, p.77
22
I. Présentation du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe

Le Guide rappelle par ailleurs que le patrimoine anthropologique et culturel, avec ses 220
variétés linguistiques ainsi que les droits linguistiques, qui sont constitutifs des Droits de
l’Homme, doivent être protégés. On y précise que l’enjeu est également d’ordre social : on
n’arrive pas à lutter efficacement contre la pauvreté, la marginalisation ou les inégalités sans
tenir compte des langues, peu importe leur statut. De plus, la maîtrise des langues nationales
et étrangères est devenue une compétence indispensable à un grand nombre d’activités
professionnelles et aujourd’hui, on ne peut plus guère réussir sur le marché de l’emploi
européen si on ne possède pas des compétences en plusieurs langues (à des degrés de maîtrise
divers, bien entendu).

Ainsi, la dimension démocratique ne peut être respectée que si l’on éduque tous les citoyens
européens au respect des différences linguistiques, notamment en mettant l’accent sur la
coexistence des langues et non pas sur leur juxtaposition. Tous les répertoires linguistiques
devraient être reconnus, et cette tolérance est multiple : respect des droits linguistiques des
groupes ou individus dans leur relation avec l’Etat et avec les majorités linguistiques, respect
de la liberté d’expression, respect des minorités linguistiques et des langues les moins parlées
et les moins enseignées, etc.

Pour résumer, nous pouvons affirmer qu’il faut donc que les langues soient et restent un
véritable mode de communication et qu’elles permettent une ouverture à autrui ; voilà
pourquoi on doit explorer le mieux possible toutes les ressources du plurilinguisme,
notamment en accordant une place plus importante aux langues moins parlées (nationales,
régionales ou minoritaires). Ce n’est qu’ainsi qu’on « peut garantir la protection légale des
groupes minoritaires, la préservation du patrimoine linguistique européen, le développement
des compétences linguistiques des individus et participer activement à la création d’un
sentiment d’appartenance à l’Europe dans le cadre de la citoyenneté démocratique »1 9 .

Selon Albert Raasch, on exige aujourd’hui des jeunes Européens « de connaître « l’autre », de
connaître « les autres », de s’arranger avec la vie multiculturelle, d’en comprendre les chances
sans en oublier les risques, et de s’arranger avec « autrui » » 20 . Il faut ainsi que les apprenants

19
Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe, Conseil de l’Europe-Division des
Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007, p.32
20
A. Raasch dans son étude de référence L’Europe, les frontières et les langues, Conseil de l’Europe-Division des
Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007, p.12
23
I. Présentation du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe

connaissent « les interdépendances entre apprentissage, carrière professionnelle individuelle,


devoir social et chance du voisinage » 21 .

Nous venons de voir que la promotion du plurilinguisme est couplée à un but essentiel, à
savoir celui de garantir la solidarité et la démocratie sur le territoire européen, et que, par
conséquent, sa réalisation semble donc urgente.

d. Etat des lieux : L’organisation institutionnelle et la dominance du monolinguisme

Or, les politiques linguistiques européennes semblent encore assez loin de leur objectif final,
parce que les pays traînent à instaurer une véritable culture du plurilinguisme. En effet, lors
des recherches menées dans le cadre de diverses conférences portant sur la diversité
linguistique en Europe, les experts ont constaté que dans beaucoup de pays européens, les
politiques linguistiques restent fortement marquées par une sorte de monolinguisme et le
Guide déplore que les principes linguistiques en vigueur dans les différents Etats nations ne
soient pas tous pertinents pour l’Europe.

Ainsi, de façon générale, la plupart des systèmes éducatifs européens fonctionnent sur le
principe du cloisonnement disciplinaire, c’est-à-dire que l’on ne met pas assez en évidence,
pour les élèves, la corrélation entre les différentes langues, enseignées chacune isolément,
souvent par des professeurs différents au niveau de l’enseignement secondaire. Généralement,
les différentes langues sont encore enseignées au sein de disciplines scolaires distinctes et
souvent, l’acquisition de chacune d’elle est présentée et aussi ressentie comme concurrente de
l’acquisition des autres, ce qui risque de mener à l’instauration d’une hiérarchie entre les
langues, le plus souvent selon l’ordre dans lequel elles sont enseignées. De plus,
traditionnellement, on laisse à l’apprenant la charge de mettre en relation ses différentes
connaissances et compétences, mais ce dernier risque de faire cela de façon incontrôlée.

Les experts ont par ailleurs constaté que certains Etats continuent à accorder une place
prépondérante à l’enseignement de la langue nationale, ce qu’ils s’expliquent par une volonté
de fonder ainsi la cohésion nationale ou alors l’identité régionale. Ainsi, dans de nombreux

21
A. Raasch dans son étude de référence L’Europe, les frontières et les langues, Conseil de l’Europe-Division des
Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007, p.14
24
I. Présentation du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe

pays européens, les enseignements de la/des langue(s) nationale(s) ou régionale(s) sont


nettement distingués de ceux des langues étrangères.

De plus, les experts regrettent qu’on accorde, de façon générale, encore peu de place aux
langues des groupes venus s’installer récemment en Europe.

Ainsi, la Division des Politiques linguistiques du Conseil de l’Europe s’est fixé comme
objectif de montrer que ces différentes idéologies linguistiques sont antagonistes et elle
cherche parallèlement à formuler des principes pour fonder des politiques linguistiques
éducatives en cohésion. Parallèlement, on souhaite continuer à promouvoir l’hétérogénéité
linguistique, et donc à encourager l’enseignement des différentes langues nationales, étant
donné qu’elles représentent une composante des nationalités et constituent des symboles
nationaux.

Pour réaliser ce but, il fallait d’abord dégager les stéréotypes au sujet de l’enseignement des
langues qui risquent de faire barrière à une politique linguistique internationale cohérente
faisant du plurilinguisme son principe dominant.

e. Agir contre les représentations sociales

En effet, les experts de la Division des Politiques linguistiques ayant publié le Guide ont
étudié l’opinion publique dans plusieurs Etats européens afin de découvrir les représentations
sociales 22 dominantes en ce qui concerne l’enseignement des langues, un sujet qui est souvent
objet de débats non seulement limités aux experts. Comme chaque citoyen possède sa propre
expérience de variétés linguistiques, c’est en effet un sujet ouvert à tous.

Vu que ces représentations ou stéréotypes, même s’ils ne sont pas toujours fondés, peuvent
influencer la motivation liée à l’apprentissage, il semblait particulièrement utile aux experts
de se pencher sur leur analyse. En effet, ils mettent l’accent sur le fait qu’il est très important
de connaître les clichés, ces jugements de valeur, pour déterminer où et comment il faut
intervenir à l’avenir (par exemple à l’aide de campagnes d’informations ou d’actions de
formation).
22
Ces dernières sont définies comme « une connaissance spontanée, socialement élaborée et partagée
relativement à un objet » dans le Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe,
Conseil de l’Europe-Division des Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007, p.46

25
I. Présentation du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe

Je n’aimerais relever que quelques-uns de ces stéréotypes et j’ai retenu ceux qui, à notre avis,
dominent aussi l’opinion publique concernant les langues au Luxembourg.

En effet, les spécialistes ont constaté que pour beaucoup de citoyens, l’apprentissage d’une
langue est un exercice de longue durée perçu comme dur, et beaucoup espèrent atteindre une
maîtrise parfaite de la langue apprise, le modèle à atteindre étant celui du locuteur natif. Une
maîtrise incomplète est encore souvent considérée comme un signe d’échec. De plus, on
pense volontiers les langues en termes d’exclusion réciproque et beaucoup de gens sont
toujours d’avis que la connaissance d’une langue gêne l’apprentissage d’une autre.

En ce qui concerne les méthodes d’apprentissage, certains enseignants sont toujours d’avis
que les exercices de grammaire ainsi que les traductions et la lecture de grands textes de la
tradition littéraire ou intellectuelle mènent l’élève de la façon la plus sûre à la maîtrise d’une
langue. Evidemment, ces conceptions ont été héritées des générations antérieures.

Afin de faire face à ces idées reçues et pour remettre en cause ces préjugés risquant de gêner
l’évolution vers un enseignement plurilingue généralisé, les responsables du Conseil de
l’Europe cherchent donc maintenant à incorporer de façon plus systématique de nouvelles
orientations didactiques à la formation scolaire, et de présenter des arguments simples, mais
convaincants, aux citoyens. Or, selon le constat de ces experts, la réflexion didactique
contemporaine, qui essaie par exemple de faire comprendre aux apprenants que les activités
en classe doivent avoir comme but d’être recyclables dans la communication quotidienne et
qui tend aujourd’hui à garantir une place beaucoup plus importante à l’oral, pour ne citer que
deux points, devra encore convaincre et influencer une grande partie des citoyens européens.

Ceci nous mène à la présentation de l’un des buts principaux du Guide, qui veut en effet
démontrer à ses lecteurs l’importance et surtout la faisabilité d’une éducation plurilingue et
pluriculturelle, que nous allons désormais définir plus précisément.

26
I. Présentation du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe

B. Le plurilinguisme comme principe fondateur des politiques linguistiques


éducatives européennes

Comme nous l’avons déjà précisé, les experts ont cru avoir trouvé une solution idéale pour
promouvoir et pour assurer le respect et la survie de toutes les variétés linguistiques utilisées
sur le continent européen et pour faire face aux éventuels problèmes de communication ;
ainsi, dans le Guide, le Conseil de l’Europe retient le plurilinguisme comme principe
fondateur des politiques linguistiques éducatives. Répétons-le : l’éducation plurilingue, qui est
nécessairement couplée à une éducation pluriculturelle, cherche à faciliter l’intégration sociale
et doit contribuer à maintenir le multilinguisme des communautés et avec lui, le patrimoine
anthropologique et culturel européen.

Stephan Breidbach résume les avantages d’une éducation plurilingue en ces mots : « Le
plurilinguisme fournit les conditions nécessaires à la mobilité en Europe, que ce soit pour le
travail ou pour les loisirs, mais il est en outre crucial pour l’intégration politique et sociale de
tous les Européens, quelles que soient leurs compétences linguistiques, ainsi que pour la
création d’un sentiment d’identité européenne. Les politiques linguistiques éducatives en
Europe devraient donc permettre aux individus d’être plurilingues, soit en entretenant et en
développant le plurilinguisme qu’ils possèdent, soit en les aidant à passer du quasi
monolinguisme (ou du bilinguisme) au plurilinguisme. […] Le sentiment d’appartenir à
l’Europe et l’acceptation d’une identité européenne dépendent de la capacité à échanger et à
communiquer avec d’autres Européens en utilisant toutes les possibilités de son répertoire
linguistique » 23 .

Le Conseil de l’Europe s’attend donc à ce que l’éducation plurilingue et pluriculturelle


entraîne une multitude de bénéfices sociopolitiques pour l’espace européen. Selon les experts
du Guide24 , le plurilinguisme permet entre autres :

- d’adapter les enseignements aux évolutions des sociétés européennes, qui sont de plus
en plus multiculturelles et multilingues ;

23
Stephan BREIDBACH dans son étude de référence Le plurilinguisme, la citoyenneté démocratique en Europe
et le rôle de l’anglais, Conseil de l’Europe-Division des Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007, p.8
24
Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe, Conseil de l’Europe-Division des
Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007p.79
27
I. Présentation du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe

- de mieux gérer le capital langagier constitué par les répertoires existants des locuteurs
et de développer ceux -ci, notamment parce que les compétences linguistiques peuvent
s’avérer des atouts clé pour l’ouverture des marchés à d’autres Etats ;

- de rapprocher les groupes culturels constituant l’Europe autour d’une philosophie


pacifique des langues, qui devrait contribuer à prévenir des conflits ;

- de contribuer à créer un sentiment d’appartenance commune à un espace politique et


culturel ;

- du point de vue de la rentabilité éducative, de chercher à limiter les effets de


déperdition créés par des enseignements de langues distendus dans le temps et sans
connexions explicites entre eux, en réduisant cette dispersion par des enseignements
plus ciblés et décloisonnés, qui permettent à la compétence plurilingue de se déployer.

a. La double composante du plurilinguisme

Nous présenterons maintenant le plurilinguisme dans sa double composante, tel qu’il est
défini dans le Guide. En effet, la Division des politiques linguistiques du Conseil de l’Europe
y souligne que « le plurilinguisme est à considérer sous un double aspect : comme
compétence et comme valeur » 2 5 .

Le plurilinguisme en tant que compétence est à entendre comme « la capacité intrinsèque de


tout locuteur à employer et à apprendre, seul ou par un enseignement, plus d’une langue ».
Savoir utiliser plusieurs langues, à des degrés de compétence différents et pour des buts
distincts est d’ailleurs définie dans le Cadre européen commun de référence comme
« compétence à communiquer langagièrement et à interagir culturellement d’un acteur social,
qui possède, à des degrés divers, la maîtrise de plusieurs langues et l’expérience de plusieurs
cultures. » 26 Cette compétence se matérialise dans un répertoire de langues variées que le
locuteur peut utiliser et la finalité des enseignements sera donc de développer cette dernière.

25
Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe, Conseil de l’Europe-Division des
Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007, p.18
26
Ibid, p.18
28
I. Présentation du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe

Parallèlement, le plurilinguisme peut être envisagé comme une valeur dans la mesure où il
mène vers une acceptation positive de la diversité linguistique et constitue ainsi le fondement
d’une tolérance linguistique. En effet, « la prise de conscience par un locuteur du caractère
plurilingue de ses compétences peut l’amener à accorder une valeur égale à chacune des
variétés utilisées par lui-même et par les autres locuteurs, même si celles-ci n’ont pas les
mêmes fonctions (communication privée, professionnelle, officielle, etc.) » 27 .

Il est important de mettre l’accent sur le fait que le Guide nous demande de ne pas confondre
une personne plurilingue et une personne polyglotte ; on y précise que le plurilinguisme ne
vise pas à former des locuteurs d’exception et que la compétence plurilingue peut bien
demeurer à l’état de potentialité. Il ne s’agit donc pas de maîtriser à un très haut niveau un
nombre élevé de langues mais plutôt de se créer une compétence d’utilisation de plusieurs
langues ou variétés linguistiques, que ce soit pour communiquer oralement ou par écrit, dans
des situations diverses comme p.ex. en famille, au travail, etc. Bien évidemment, le degré de
maîtrise pourra évoluer dans le temps. En outre, il faut convaincre les gens que la
connaissance d’une variété linguistique ne relève pas du tout ou rien, comme on croit souvent
que tant que l’on n’a pas acquis une compétence de natif, on parle mal. Contre cette croyance
ordinaire, on proposera des enseignements conduisant à des compétences diversifiées :
compréhension et production, connaissance de la culture, etc.

Concernant la mise en pratique du plurilinguisme, les experts de la Division des Politiques


linguistiques affirment que les enseignements plurilingues, quelles qu’en soient la nature
institutionnelle et la forme d’organisation, devront avoir pour objectifs2 8 :

- de faire en sorte que chacun prenne conscience de la nature de son répertoire


linguistique et culturel, en le valorisant ;

- de développer et d’améliorer celui-ci ;

- de donner à chaque locuteur les moyens de le développer par lui-même, par une
acquisition autonome réflexive.

27
Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe, Conseil de l’Europe-Division des
Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007, p.18
28
Ibid, p.40
29
I. Présentation du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe

L’enseignement devra donc se donner comme objectif de valoriser le répertoire de départ des
apprenants et de le développer. En d’autres, mots, il s’avère utile de tenir compte des acquis
individuels et scolaires antérieurs ou parallèles et de montrer aux apprenants comment ils
peuvent profiter des ressources de leur répertoire dans une communication. De plus, les
compétences ou connaissances sont à transférer d’une variété linguistique à l’autre,
notamment en privilégiant des méthodologies communes.

Un des objectifs centraux visés est ainsi de garantir une plus grande autonomisation des
apprenants, notamment en les sensibilisant aux stratégies d’apprentissage ou en développant
chez eux une attitude réflexive par rapport à leur méthodologie ou à leurs acquis, savoirs et
besoins.

Or, pour pouvoir bien réaliser ces buts, les pays doivent reconsidérer leur système éducatif et
notamment leurs programmes. Toute absence de coordination est, selon le Guide, « source
d’inefficacité qui contribue à masquer la nature unique de la compétence plurilingue. » 29 , et il
faut donc homogénéiser davantage l’approche des enseignements des langues étrangères, qui
restent encore souvent marqués par une fragmentation, notamment parce que chaque langue
est enseignée isolément des autres, par des enseignants différents. Donc, pour bien mettre en
place une véritable éducation au plurilinguisme, qui permet de faire saisir les valeurs
multiples des langues, il faut éviter une superposition ou juxtaposition de compétences
linguistiques distinctes, et, tâcher, en revanche, « de réaliser l’existence d’une compétence
complexe, voire composite, dans laquelle l’utilisateur peut puiser. » 30 De plus, il faut
introduire le maximum de cohérence possible entre les différents cycles de formation
(obligatoire, secondaire, professionnel, universitaire, en entreprise…).

Si les enseignements plurilingues connaissent une mise en œuvre respectant ces critères, ils
promettent de devenir efficaces et d’être parfaitement adaptés aux exigences culturelles et
démocratiques en Europe.

29
Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe, Conseil de l’Europe-Division des
Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007, p.26
30
V. CASTELLOTTI et D. MOORE dans leur Etude de référence Représentations sociales des langues, Conseil de
l’Europe-Division des Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007, p.22
30
I. Présentation du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe

A titre d’exemple, nous pouvons encore citer Albert Raasch, qui s’intéresse plus précisément
à une collaboration entre pays ou régions voisins (telle la région Sar-Lor-Lux), et qui propose
une liste non exhaustive de plusieurs idées concrètes permettant le développement de la
compétence plurilingue et pluriculturelle. Nous y trouvons, entre autres, les propositions
suivantes3 1 :

- apprentissage bilingue/biculturel/multiculturel

- enseignement précoce de la langue du voisin

- didactisation des médias de la langue du voisin

- langue du voisin en tant que véhicule de l’enseignement

- thématisation du voisin

- développement commun et transfrontalier du matériel d’apprentissage

- échanges et rencontres scolaires dans le primaire et le secondaire, etc.

b. La composante pluriculturelle :

Intéressons-nous maintenant à la composante pluriculturelle, qui fait, comme nous l’avons


déjà souligné, partie intégrante de l’éducation plurilingue. En effet, on précise de façon claire
qu’il ne suffit pas, dans la cadre d’enseignements, de faire acquérir des connaissances
linguistiques mais qu’il faut de plus développer la compétence pluriculturelle des apprenants
afin de « garantir une coopération bienveillante réciproque entre interlocuteurs de groupes
différents. » 32

Etant donné que l’acquisition de toute langue est couplée à un sentiment d’appartenance à un
ou plusieurs groupe(s) sociaux et culturels, elle s’accompagne naturellement de l’acquisition
d’une compétence culturelle, notamment parce qu’il s’agit de développer sa capacité de vivre
ensemble avec les autres. La conscience d’autres cultures peut donc mener l’apprenant à

31
Albert RAASCH dans son étude de référence L’Europe, les frontières et les langues, Conseil de l’Europe-
Division des Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007, p.19
32
Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe, Conseil de l’Europe-Division des
Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007, p.77
31
I. Présentation du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe

engager des relations avec les citoyens parlant les langues qu’il est en train d’apprendre et à
comprendre les valeurs et les comportements de ces groupes ou communautés.

Toute éducation linguistique a pour rôle, à côté de la valorisation et du développement des


répertoires plurilingues, d’éduquer les apprenants aux différences culturelles et à l’altérité. Il
s’agit, au plan affectif et cognitif, de contribuer à éviter les malentendus d’une culture à
l’autre, qui peuvent par exemple tenir à des différences dans les comportements
communicationnels (comment les gens s’excusent, expriment leur désaccord, prennent congé,
etc.). De plus, la compétence pluriculturelle devra permettre de faire face aux préjugés et
stéréotypes. Ainsi, elle doit jouer le rôle de « médiateur culturel » et permettre aux citoyens
européens de vivre dans l’environnement multilingue que forme l’Europe contemporaine.

Selon le Guide33 , pour réussir ce défi, chaque individu qui apprend une nouvelle langue
devrait parallèlement apprendre à :

- développer ses connaissances relatives à d’autres sociétés en identifiant les


informations et les sources d’informations pertinentes ;

- donner du sens à des objets culturels ou de valeurs en adoptant le point de vue d’un
observateur extérieur, qui peut fonder ses interprétations sur d’autres systèmes de
références et d’autres expériences sociales. Cette capacité de distanciation critique
devra être distincte de jugements de valeur dépendant de sa propre insertion
culturelle ;

- neutraliser ses représentations sur les autres et se décentrer par rapport à sa propre
culture d’appartenance.

Il est donc désormais possible de dresser le portrait d’une personne plurilingue et


pluriculturelle telle qu’elle ressort de la définition du Guide : elle possède un répertoire de
variétés linguistiques différentes ainsi que des compétences de nature et de niveau différents,
selon les langues, au sein de son répertoire. En outre, elle a l’occasion, tout au long de son

33
Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe, Conseil de l’Europe-Division des
Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007, p.76
32
I. Présentation du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe

parcours de formation, de prendre conscience des raisons et des manières d’apprendre des
langues et a l’occasion de développer des compétences transposables à réutiliser dans
l’apprentissage d’autres langues. Finalement, elle se montre respectueuse envers le
plurilinguisme d’autrui et reconnaît la valeur de toutes les langues et variétés linguistiques
ainsi que des cultures y inhérentes.

c. Les variantes nationales du plurilinguisme

Au niveau des politiques éducatives nationales, chaque Etat européen doit, avant de réaliser
une mise en place d’un enseignement plurilingue (du moins en ce qui concerne la scolarité
obligatoire) s’appuyer sur une analyse préalable des conditions sociales où elle sera mise en
place et de ses profits et coûts ainsi que sur la détermination des ressources nécessaires. Il faut
également prendre en considération les priorités générales que l’on assigne à l’éducation, de
même que la situation sociolinguistique interne, le contexte diplomatique et les traditions
éducatives et/ou didactiques, pour ne nommer que quelques-uns des critères les plus
importants. De plus, les pays sont invités à tenir compte du fait que l’on acquiert une langue
selon des modalités variées et à des degrés différents ; il est donc essentiel de « définir les
types de compétences (p.ex. production ou réception orale), les niveaux à atteindre et encore
les genres de discours à maîtriser » 34 , sans oublier de prendre en considération les moments
d’apprentissage, c’est-à-dire l’ordre dans lequel on apprend les langues.

En effet, le Guide présente une longue liste de différents principes permettant d’organiser
l’éducation plurilingue de façon efficace au niveau politique, mais ces propositions dépassant
le propos de notre travail, nous nous contentons de renvoyer les intéressés au dernier chapitre
de la version intégrale du Guide : « Organiser l’éducation plurilingue » (p.88-119), qui
présente tout un inventaire de ressources organisationnelles disponibles.

Ce qui importe pour nous, c’est de souligner que la nature plurielle du plurilinguisme ne peut
en aucun cas être interprétée comme une sorte de répertoire standard qui serait partout unique.
En revanche, il aura toujours des formes multiples, « en fonction des langues utilisées dans un

34
Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe, Conseil de l’Europe-Division des
Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007, p.88
33
I. Présentation du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe

contexte national et international donné, en fonction des besoins nationaux et interrégionaux


ainsi qu’en fonction des appartenances de chaque citoyen et de ses besoins ou désirs. »35
Avant de nous intéresser à la situation particulière du Luxembourg, nous aimerions encore
présenter les deux supports didactiques essentiels proposés par le Conseil de l’Europe pour
réussir la mise en place de l’enseignement plurilingue et pluriculturel.

d. Les deux supports

Il s’agit du Cadre européen commun de référence pour les la ngues (CER) et du Portfolio
européen des langues (PEL), dont je résumerai maintenant les principes et avantages majeurs.

Commençons avec la présentation du Cadre commun de référence pour les langues,


désormais désigné sous son abréviation le CER dans ce travail, qui est le fruit de dix ans de
travaux scientifiques (entre 1991 et 2001, sa publication ayant eu lieu lors de l’année
européenne des langues) menés sous la direction du Conseil de l’Europe, soucieux de
promouvoir et de défendre le plurilinguisme. La longueur de la phase d’élaboration s’explique
entre autres par le fait que le Conseil de l’Europe a jugé important d’analyser d’abord les
systèmes éducatifs des différents pays européens, avant de décrire l’apprentissage et
l’enseignement des langues à tous les niveaux, pour être sûr de mettre en place un cadre
approprié et adapté aux situations réelles.

Le CER privilégie la perspective actionnelle de l’enseignement des langues, c’est-à-dire qu’il


considère que le but de l’apprentissage des langues est « une préparation à une utilisation
active de la langue pour communiquer » 36 . Les responsables de l’élaboration de cet outil
partent du principe que l’on apprend une langue pour arriver à s’intégrer dans une
communauté différente et pour y devenir un acteur social à part entière.

En d’autres mots, selon cette approche, apprendre une langue signifie apprendre à accomplir
diverses tâches qui se mesurent en compétences différentes, que l’on peut développer à des
degrés différents. Comme exemples de telles compétences, nous pouvons évoquer l’objectif

35
Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe, Conseil de l’Europe-Division des
Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007, p.41
36
E. Rosen, Le point sur le Cadre européen commun de référence des langues, CLE, 2006, p.17
34
I. Présentation du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe

de savoir appeler un médecin pour fixer un rendez-vous, de comprendre un mode d’emploi,


ou de réserver une chambre d’hôtel, etc.

Dans le CER, les niveaux de compétences sont définis en fonction du nombre de tâches que
l’apprenant est capable de réaliser correctement, et ils sont proposés sous forme d’échelles,
avec des descriptions détaillées. Il propose une répartition en trois niveaux, donc chacun est
subdivisé en 2 sous-niveaux : A1/A2/B1/B2/C1/C2, le niveau A définissant l’utilisateur
novice, le niveau B l’utilisateur indépendant et le niveau C l’utilisateur expérimenté. A
chacun de ces niveaux correspondent alors des descripteurs définissant les compétences dans
chacune des activités figurant sur la liste et on précise les situations, les thèmes ou objets de la
prise de parole ainsi que les performances attendues. Notons encore que ces descripteurs sont
indépendants des langues apprises.

On y distingue les compétences langagières suivantes :

- la production orale (parler, au sens de faire un exposé devant un auditoire, p.ex.)

- la production écrite

- la compréhension orale et audiovisuelle (écouter une chanson, regarder la


télévision…)

- la compréhension écrite (dans le sens traditionnel de lire)

- l’interaction orale (au sens de participer à une conversation)

- l’interaction écrite (en temps réel : forums sur Internet, échange de courriels…)

Toutes ces stratégies communicatives sont définies comme l’application de quatre principes
métacognitifs : la pré-planification, l’exécution, le contrôle (p.ex. vérifier des hypothèses,
évaluer des résultats, etc.) et la remédiation et peuvent être atteintes par le développement de
savoir-faire stratégiques et/ou de connaissances linguistiques (compétence lexico -sémantique,
compétence syntaxique, compétence graphique, etc.).

E. Rosen affirme que le but du CER est très ambitieux : « Il veut servir de cadre de référence
transparent et cohérent qui pourrait être partagé par des professionnels des langues, les
étudiants et d’autres acteurs -indirects- de l’enseignement/apprentissage des langues. C’est
avec une clarification apportée autour de la notion de compétence et surtout avec des niveaux

35
I. Présentation du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe

de compétence sous forme d’échelles accompagnées de descripteurs précis et fiables qu’il se


donne les moyens d’accomplir une telle ambition. Grâce à ces propositions détaillées et/mais
ouvertes, il devient en effet possible de comparer les objectifs, les niveaux et les capacités de
différents apprenants de langue. » 37

Ce qui est le plus intéressant pour notre propos, c’est bien évidemment le fait que le CER
repose sur la défense du plurilinguisme. Ainsi, le chapitre 8 est réservé à l’éducation
plurilingue et il « propose de concevoir un système dans lequel l’apprentissage d’une langue
doit être observé conjointement avec l’enseignement d’autres langues, avec la mis en place de
passerelles entre enseignements et, de plus, il pousse à réfléchir sur la manière de s’appuyer
sur la diversité linguistique présente dans de nombreuses classes pour développer le
plurilinguisme » 3 8 .

Ainsi, le CER se présente comme un outil de politique éducative, ayant pour but de rendre
possible la réalisation d’une éducation plurilingue, tout comme le Portfolio auquel nous allons
nous consacrer désormais.

Le Portfolio est un autre outil, élaboré directement à partir du CER, qui sert d’une sorte de
« passeport linguistique » et qui accompagne un individu tout au long de sa vie ; il garde la
trace de tous les apprentissages et expériences faits dans les langues-cultures différentes tout
au long de la vie de ses utilisateurs et peut ainsi être caractérisé lui aussi comme un excellent
outil de promotion du plurilinguisme.

Le Portfolio a une structure en trois volets complémentaires. Le premier comporte le


passeport de langues présentant le profil linguistique de l’apprenant dans les différentes
activités, établi à partir de grilles d’auto -évaluation synthétisant ses expériences linguistiques.
Ensuite, la biographie langagière retrace pour chaque langue les différents enseignements
suivis ainsi que toutes les autres occasions de contact avec une langue étrangère. Finalement,
il y a le dossier, dans lequel l’individu peut rassembler tous les documents, que ce soient des

37
E. Rosen, Le point sur le Cadre européen commun de référence des langues, CLE, 2006, p.46
38
Ibid. p.49-50

36
I. Présentation du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe

diplômes officiels ou des travaux réalisés personnellement, pour donner davantage


d’informations sur les apprentissages réalisés.

Pour résumer l’utilité de cet outil, nous pouvons citer E. Rosen, qui précise que « le portfolio
européen des langues est un instrument qui permet non seulement aux apprenants de faire le
point sur leurs initiatives dans les apprentissages linguistiques, sur les objectifs qu’ils
souhaitent atteindre et sur les progrès réalisés, mais qui permet de surcroit d’unir plus
étroitement curricula scolaire et existentiel : c’est une possibilité inédite offerte à un individu
de gérer ses différents parcours d’apprentissage et de les faire valoir. » 39 Elle affirme en outre
qu’« avec un tel cadre de référence en mains, nous pouvons nous tourner avec optimisme vers
l’avenir et contribuer activement à l’avènement d’une Europe plurilingue et pluriculturelle» 4 0 .

Le Cadre européen commun de référence pour les langues et le Portfolio , qui a d’ailleurs été
traduit en plus de 30 langues, devront donc contribuer à favoriser la mise en place d’une
politique des langues vivantes cohérente au sein de l’Europe, ainsi que la coopération entre les
établissements d’enseignement de différents pays, qui sont invités à tenir compte du
plurilinguisme dans l’élaboration de leurs programmes d’enseignement.

39
E. Rosen, Le point sur le Cadre européen commun de référence des langues, CLE, 2006, p.72
40
Ibid, p.140
37
38
II. Le réajustement de l’enseignement des langues au niveau national

Les différentes réflexions menées par le Conseil de l’Europe me semblent très convaincantes
et leurs propositions pédagogiques ainsi que l’élaboration de nouveaux outils paraissent bien
prometteuses (du moins pour les pays monolingues) mais il ne faut pas négliger que le
Luxembourg connaît, vu son trilinguisme, une situation linguistique particulière et son
enseignement a donc forcément aussi besoin de principes pédagogiques particuliers. Pour
déterminer quelles réformes sont prévues dans notre pays, je m’intéresserai dans une
prochaine partie aux efforts que le Luxembourg fait actuellement pour adapter son système
éducatif aux exigences européennes que je viens de présenter.

II. Mener le Luxembourg vers une éducation plurilingue :

le réajustement de l’enseignement des langues au niveau national

En 2007, le Ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, sous la


direction de Mady Delvaux -Stehres, a publié le Plan d’Action , fruit d’un important travail
d’analyse et de concertation, qui cherche à donner des solutions pour rendre l’action de
l’école luxembourgeoise plus juste et plus performante, dans la mesure où elle se doit de bien
exercer sa triple mission, à savoir instruire, socialiser et qualifier les jeunes citoyens. En gros,
le Plan fait des propositions comment l’école pourra s’adapter, en se modernisant, aux
exigences du nouveau contexte national, ainsi qu’aux changements, sur le plan éducatif, en
cours au niveau international. L’idée de son élaboration est née en 2004, au moment où le
Programme Gouvernemental a prévu de réajuster l’enseignement des langues, notamment
parce que la situation linguistique a beaucoup changé ces dernières années, ce qui s’explique
entre autres par une immigration toujours plus importante et également de plus en plus variée.
Précisons d’emblée que le but du réajustement de l’enseignement des langues n’est pas de
changer radicalement le système éducatif luxembourgeois, mais il s’agit plutôt de proposer
des pistes d’innovation réalistes en s’attaquant aux points faibles du système en vigueur, sans
pour autant déclencher un bouleversement radical.

Soulignons encore que la prise de conscience de la nécessité d’un besoin de changements est
née plus ou moins au même moment où on s’est interrogé au niveau européen sur la nécessité
de politiques linguistiques cohérentes, comme nous l’avons vu au premier chapitre.

39
II. Le réajustement de l’enseignement des langues au niveau national

Les auteurs du Plan d’Action affirment que le réajustement de l’enseignement des langues
poursuit un double objectif : « Il s’agit d’abord de doter la génération future d’un
plurilinguisme de haut niveau et d’agir simultanément contre les effets d’exclusion que
produit le système éducatif luxembourgeois, notamment par l’enseignement des langues. »41
En d’autres mots, on veut « améliorer la qualité des connaissances langagières et des capacités
communicatives des jeunes, tout en évitant que les exigences scolaires en langues ne se
transforment en barrière insurmontable pour l’accès à une qualification et à l’emploi. » 42

L’action gouvernementale en matière de réajustement de l’enseignement veut s’inscrire dans


le contexte des principes généraux de la politique scolaire et éducative du Gouvernement,
c’est-à-dire qu’elle cherche à 43 :

- promouvoir d’un côté le développement d’une société démocratique se fondant sur la


solidarité, l’équité et la participation et promouvoir de l’autre côté la compétitivité
économique ;

- assurer un pilotage cohérent et transparent du système éducatif ;

- promouvoir l’autonomie et la responsabilité des communautés scolaires et repenser le


nouveau rôle à jouer alors par l’administration ;

- fonder la gestion du changement sur des résultats produits par l’évaluation en


analysant notamment les acquis des élèves, les effets de différentes pratiques
pédagogiques et l’efficacité du système éducatif en général.

A. La naissance du Plan

a. Les démarches poursuivies

Tout d’abord, je m’intéresserai plus précisément à la naissance du projet du Plan d’Action


proposant un réajustement de l’enseignement des langues. En effet, les résultats de l’enquête
PISA en 2003 ayant dégagé des failles manifestes de l’enseignement luxembourgeois, la
Chambre des Députés a prié le Gouvernement de trouver des mesures efficaces pour

41
Réajustement de l’enseignement des langues, Plan d’Action 07-09, éd. du CESIJE, Luxembourg, 2007, p. 12
42
Ibid p.12
43
Ibid., p.11
40
II. Le réajustement de l’enseignement des langues au niveau national

améliorer l’efficacité de l’école luxembourgeoise et les travaux concrets ont été lancés en
automne 2004.

Pendant la première étape, s’étalant sur deux ans, les responsables se sont fixé le but de mener
tout d’abord une analyse de la situation, pour se familiariser avec les réalités du terrain. Ainsi,
la Ministre a décidé d’avoir recours à une expertise externe et donc non -partisane pour une
grande partie des analyses ; c’étaient le Conseil de l’Europe et le Centre d’études sur la
situation des jeunes en Europe (CESIJE) qui ont finalement proposé leur collaboration au
Ministère de l’Education nationale.

Comme je l’ai déjà précisé plus tôt dans mon travail, le Conseil de l’Europe met l’accent sur
l’importance d’une analyse préalable du système éducatif, de ses forces et faiblesses, afin de
déterminer où et comment intervenir exactement pour obtenir de manière efficace les résultats
finaux espérés. Ainsi, c’est lui qui a proposé au Luxembourg des instruments aidant à évaluer
et développer les méthodologies d’apprentissage des langues pour réaliser son expertise. Le
Conseil a notamment étudié s’il y a cohérence des politiques linguistiques éducatives avec le
développement de l’intégration sociale et de la citoyenneté en Europe, c’est-à-dire que les
chercheurs ont analysé si le plurilinguisme est effectivement promu et si la diversité
linguistique est respectée au Luxembourg.

Les experts internationaux du Conseil de l’Europe, après avoir étudié, en 2005, le Rapport
national, rédigé en coopération avec le CESIJE et décrivant la complexité de la situation
linguistique du Luxembourg, ont visité différentes écoles dans notre pays et ont mené des
discussions avec des ministres, administrateurs, chefs d’entreprises, parents d’élèves, etc.
Ensuite, ils ont rédigé leur propre rapport, qui a été discuté quelques mois plus tard lors d’une
table ronde, pour finalement passer à la rédaction du document final, le Profil de la politique
linguistique éducative du Luxembourg44 , proposant des pistes d’action concrètes que pourra
suivre le Ministère de l’Education nationale pour orienter sa politique. J’aimerais désormais
en présenter les idées centrales.

44
http://www.men.public.lu/publications/etudes_statistiques/etudes_nationales/etude_profil_linguist/profil_lu
xembourg_fin_28_fevrier_20061.pdf
41
II. Le réajustement de l’enseignement des langues au niveau national

b. Le Profil de la politique linguistique éducative du Luxembourg

Dans ce document, les trois experts Mme Cavalli, M. Maradan et Mme Perez mettent tout
d’abord l’accent sur le fait que « la question de l’ apprentissage et de la maîtrise des langues
doit toujours être perçue par tous les acteurs de la société luxembourgeoise dans sa véritable
dimension sociétale, au -delà des aspects didactiques et pédagogiques » 45 . Ils y précisent que
les évolutions démographiques importantes du pays, ainsi que les enjeux de
l’internationalisation et de la mondialisation rapides, sont en train de « bouleverser les
évidences sur lesquelles repose la politique linguistique suivie depuis des décennies » et sans
réformes, le système éducatif luxembourgeois risque de « mettre en péril l’intégration sociale
de tous les habitants et la compétitivité économique du Grand -Duché »46 .

Les experts se sont chargés de trouver et d’expliquer les points forts et les faiblesses du
système éducatif luxembourgeois et ils ont proposé toute une panoplie de recommandations
pour orienter la politique linguistique éducative nationale.

Dans leur rapport ressort clairement l’idée que le Luxembourg, au lieu de tirer un maximum
de profit de son trilinguisme exceptionnel, en a fait une source d e plusieurs faiblesses au
niveau de l’enseignement, notamment à cause d’une mauvaise organisation du curriculum. En
effet, comme il est indéniable que la réussite scolaire des élèves dépend de l’acquisition des
langues d’enseignement pour les différentes disciplines, il serait par exemple logique de
proposer aux enfants romanophones un enseignement en français, si on veut qu’ils aient les
compétences langagières nécessaires pour aborder les contenus du curriculum. Or, au
secondaire technique, là où il y a le plus d’étrangers, l’allemand est le plus fréquemment
langue d’instruction , mais elle est en même temps la matière qui cause le plus l’échec scolaire
vu qu’elle écarte souvent les élèves romanophones, très nombreux, du système scolaire. Ceci
est l’incohérence majeure de notre système éducatif relevée dans le Profil.

Pour remédier à cette situation déplorable, les experts du Conseil de l’Europe suggèrent
plusieurs changements au niveau du curriculum scolaire. Parmi les options, n ous trouvons,
entre autres, l’idée de proposer le choix entre l’allemand et le française comme langue
d’enseignement (l’étude de l’autre langue restant obligatoire !). Il est aussi envisageable de
demander aux jeunes de choisir une 1ière ou 2ième langue et d’adapter ensuite pour chaque
45
Profil de la politique linguistique éducative du Luxembourg, Conseil de l’Europe et Ministère de l’Education
nationale et de la Formation professionnelle du Luxembourg, 2006, p.9
46
Ibid. p.50
42
II. Le réajustement de l’enseignement des langues au niveau national

groupe les programmes, les méthodes de travail et d’évaluation, etc. Le risque lié à ces
modalités est de provoquer de cette manière une mauvaise intégration des jeunes dans la
communauté scolaire, ce qu’il faut absolument éviter.

En tout cas, l’avis d es experts est unanime : « La différenciation doit devenir progressivement
le principe fondamental de la conduite des enseignements dispensés »47 . Selon eux, il faut
mieux prendre en compte la situation linguistique individuelle des apprenants et garantir un
meilleur respect des rythmes individuels d’acquisition des langues, afin d’éviter une sélection
précoce des élèves sur la base du niveau atteint dans les langues enseignées. Ce n’est qu’ainsi
que l’on peut « passer d’une homogénéité supposée à une hétérogénéité consciente »48 ,
reflétant les réalités sociales actuelles du pays.

Pour que le Luxembourg puisse tirer profit de son trilinguisme, il est de plus nécessaire que
les gens se débarrassent de l’idée que le trilinguisme se résume à l’addition de la maîtrise
complète et parfaite des trois langues (luxembourgeois, allemand et français), ce qui revient
en effet à juxtaposer des monolinguismes. Selon les experts, les fausses évidences
pédagogiques concernant le processus d’acquisition des langues par tous les élèves dominent
encore et les Luxembourgeois doivent arrêter d’accepter uniquement l’excellence comme
norme. Les experts demandent ainsi un changement de ces représentations sociales et relèvent
l’importance « d’arrêter de présupposer que le même parcours linguistique pourrait être
imposé sans précautions à tous les élèves avec des objectifs identiques » 49 , ce qui est
irréaliste.

Ainsi, ils soulignent l’importance d’une redéfinition de l’objectif du trilinguisme au


Luxembourg pour proposer un concept qui tienne mieux compte de la conception du
plurilinguisme développée par le Conseil de l’Europe. Il est notamment important de définir
le plus vite possible, sur la base d’un bilan , le niveau de compétences nécessaire inspiré du
Cadre commun de référence, et le niveau attendu pour chaque activité langagière (lire, parler,
etc.).

47
Profil de la politique linguistique éducative du Luxembourg, Conseil de l’Europe et Ministère de l’Education
nationale et de la Formation professionnelle du Luxembourg, 2006, p.37
48
Ibid., p.31
49
Ibid., p.29/30
43
II. Le réajustement de l’enseignement des langues au niveau national

Le rapport met par ailleurs l’accent sur l’importance d’une évaluation résolument positive,
seule capable de motiver véritablement l’élève dans son apprentissage (surtout au début), et
d’une meilleure collaboration entre professeurs, p.ex. grâce à la création de réseaux
d’en seignants ou au développement d’une approche didactique intégrée des langues.

En effet, les experts internationaux regrettent qu’il n’y ait pas suffisamment de synergies entre
les langues et les matières linguistiques et non -linguistiques et que le système éducatif se base
toujours sur un isolement des enseign ements. Ainsi, il manque notamment la formulation
« d’objectifs langagiers communs à toutes les langues enseignées, avec des indications de la
chronologie des acquisitions correspondantes dans chaque langue, des moyens linguistiques
adaptés propres à chacune ainsi que des recommandations sur les passerelles à établir entre les
connaissances dans différentes langues et sur les renforcements méthodologiques souhaitables
entre les enseignements de ces langues »50 . En d’autres mots, les professeurs devraient faire
des efforts pour coopérer plus étroitement et ils sont priés de s’accorder sur des principes
communs (p.ex. concernant l’acquisition des langues en milieu scolaire), le statut de l’erreur,
le rôle et la place de la métalinguistique et de la métacognition dans leurs cours, etc.

Pour qu’une didactique intégrée puisse être mise en place, il faut que les programmes
prévoient des progressions cohérentes et harmonisées (même si elles sont décalées dans le
temps), et que les enseignants de langue soient prêts à s’appuyer dans leurs cours sur les
similarités ou différences entre les langues. Par ailleurs, ils devraient s’efforcer à développer
une conscience métalinguistique et métacognitive chez les apprenants pour pouvoir
encourager chez eux des processus de généralisation, qui évite une perte de temps et
d’énergies. Il paraît donc essentiel de s’appuyer dans tout apprentissage sur des compétences,
connaissances et stratégies déjà acquises ou apprises pour « accélérer » le processus
d’apprentissage. Dans ce contexte, les enseignants de langue devraient notamment prendre
leurs responsabilités et préparer le mieux possible les élèves aux tâches demandées dans les
matières non -linguistiques, notamment en développent leurs compétences cognitives, comme
par exemple savoir décrire/raconter/résumer/argumenter, etc.

Une autre alternative citée pour garantir un enseignement plurilingue serait de développer le
bilinguisme en employant des stratégies d’alternance des langues dans les cours (notamment
grâce à l’introduction de manuels bilingues (allemand/français)).

50
Profil de la politique linguistique éducative du Luxembourg, Conseil de l’Europe et Ministère de l’Education
nationale et de la Formation professionnelle du Luxembourg, 2006, p.28
44
II. Le réajustement de l’enseignement des langues au niveau national

Pour conclure, le Profil explique qu’ « une didactique intégrée des langues suppose que soient
conscientisés et systématisés les transferts de compétences, de connaissances et de stratégies
dont on sait qu’ils ne surviennent que rarement de façon tout à fait spontanée. Il s’agit, dans
un premier moment, de les impulser, de les encourager, de les amener à la surface de la
conscience, de les guider et de les étayer pour les transformer, dans une deuxième temps, en
processus réfléchis et autonomes »5 1 .

Force est de constater que la taille du chantier ainsi dégagée est assez importante et les
notions d’enseignement différencié, de didactique intégrée, etc. tardent encore souvent à être
concrétisées sur le terrain. Pour bien mener les travaux de réaménagement, il fallait prévoir
une réforme assez large et surtout pouvoir compter sur la collaboration de tous les acteurs de
l’Education nationale.

Nous allons désormais nous consacrer à la présentation du Plan d’Action , qui a essayé de tenir
compte de toutes les composantes nécessaires d’une réforme respectant les propositions du
Conseil de l’Europe, en définissant quatre volets différents qui proposent des améliorations
concrètes pour différents champs d’action.

B. Les quatre volets complémentaires du Plan d’Action

a. Le volet communicatif

Le premier volet concerne la communication. Malheureusement, on constate souvent que les


échanges entre le Ministère et les enseignants se passent assez mal et que ces derniers, s’ils
ont le sentiment que la situation est en train de s’empirer, se montrent souvent désillusionnés
et désengagés. Un des buts du Plan d’Action est donc de montrer aux enseignants que le
réajustement durable ne peut se faire qu’avec leur collaboration pédagogique, en leur faisant
réaliser que leur engagement est primordial. Plusieurs mesures sont énumérées dans le
premier volet du Plan , qui cherche à créer l’espace nécessaire pour trouver un accord
concernant les stratégies méthodologiques ainsi que les objectifs. Ceci devrait notamment être
réalisé grâce à un échange direct avec les écoles et lycées plutôt que par procédure écrite. De

51
Profil de la politique linguistique éducative du Luxembourg, Conseil de l’Europe et Ministère de l’Education
nationale et de la Formation professionnelle du Luxembourg, 2006, p.42/43
45
II. Le réajustement de l’enseignement des langues au niveau national

plus, les différents établissements scolaires sont invités à prendre position par rapport aux
documents du Ministère, lors de réunions régionales où ils sont représentés par une délégation
de leur personnel. Même si on est conscient de la difficulté de convaincre tous les acteurs très
hétérogènes (enseignants, syndicats, parents d’élèves, etc.) de leur responsabilité, le Plan met
l’accent sur le fait qu’une réforme ne peut être réalisée que si le monde éducationnel s’engage
dans son ensemble et il précise d’ailleurs qu’elle ne pourra pas être menée à bien par une
« nomenklatura pédagocrate » 5 2 exclusivement.

b. Le volet curriculaire

Le second volet du Plan d’Action est réservé à l’explication cohérente des objectifs et des
contenus d’enseignements formulés par tous les acteurs concernés. Il s’agit ainsi de revoir les
finalités de l’école pour arriver à instaurer une approche plus pragmatique, un but devenu
indispensable depuis la publication des résultats de l’étude PISA, qui a révélé comme
faiblesses majeures le fait que le système éducatif luxembourgeois a du mal à faire face à la
fois à l’hétérogénéité croissante de la population scolaire et à une expansion considérable des
connaissances à transmettre. Remarquons que d’autres enquêtes ont confirmé ces points
faibles et en ont trouvé encore d’autres53 , comme par exemple une performance moindre par
rapport à beaucoup d’autres pays, un écart entre les objectifs fixés et ceux qui sont finalement
atteints (les élèves ne savent donc pas réutiliser dans des situations diverses et inconnues ce
qu’ils ont appris en classe, c’est-à-dire qu’ils ont du mal à relier les connaissances acquises à
l’école aux problèmes réels de la vie), des faiblesses en compréhension, ainsi que des failles
du système éducatif dans le processus de sélection voire de discrimination et exclusion
sociales. Le Plan d’Action précise de façon détaillée un grand nombre de mesures devant
servir à remédier à ces faiblesses ; elles sont énumérées dans le troisième volet, qui se charge
de la mise en pratique.

52
Réajustement de l’enseignement des langues, Plan d’Action 07-09, éd. du CESIJE, Luxembourg, 2007, p. 24
53
Ibid., p. 35
46
II. Le réajustement de l’enseignement des langues au niveau national

c. Le volet des pratiques

Le troisième volet, celui des pratiques, comprend toute une panoplie de propositions de
réajustements, voilà pourquoi nous avons préféré l’organiser en plusieurs sous-parties.

i. Les compétences

Une des solutions majeures proposées est celle d’instaurer un enseignement basé sur les
compétences, dans le but de rendre les élèves capables de participer pleinement à la vie
sociale et culturelle. En s’inspirant du Cadre européen commun de références pour les
langues, dont nous avons parlé dans la première partie, on tâchera de reformuler les objectifs
anciens afin de les redynamiser et revaloriser. Un groupe d’experts devra établir un référentiel
de compétences national, adapté à la situation linguistique particulière du pays. Ce référentiel
est à considérer comme complémentaire au programme, auquel il ne cherche donc pas à se
substituer. Précisons encore qu’il ne s’agit pas de négliger la transmission des savoirs et
connaissances, souvent prioritaire dans les programmes, mais plutôt d’instaurer un système
qui reconnaît aussi les compétences que l’élève aurait acquises hors contexte scolaire.

Le Plan d’Action relève avant tout l’urgence de développer mieux la compétence de la


compréhension de l’écrit des élèves, qui est, selon diverses études, moins développée chez
nos élèves que chez des jeunes du même âge d’autres pays. De plus, on y regrette que l’école
arrive rarement à démarrer une biographie de lecteur, c’est-à-dire à transmettre aux jeunes une
envie de lire durable.

Pour bien développer les différentes compétences langagières des apprenants, il faut entre
autres faire vivre des situations-problèmes authentiques en classe et organiser avec les élèves
des projets concrets.

Il est en outre important de revoir le système d’évaluation, en remplaçant, grâce au référentiel,


une simple note globale par une appréciation plus nuancée qui évalue l’écrit, l’oral et la
compréhension de l’écrit et de l’oral. Ainsi, à la rentrée 2007, a été introduit pour plusieurs
classes le « Complément au bulletin », un document précisant le degré de ces quatre
compétences, et qui fournit un feed -back plus nuancé aux élèves et à leurs parents. Le
portfolio européen des langues devra en outre permettre à ces derniers d’être mieux informés
sur les performances et le développement pas à pas des compétences de leur(s) enfant(s).

47
II. Le réajustement de l’enseignement des langues au niveau national

ii. La promotion du plurilinguisme

Une grande partie des propositions du Ministère, qui cherche à instaurer un système éducatif
en harmonie avec les exigences au niveau européen, sont des mesures permettant de
promouvoir le plurilinguisme à l’école. Pour arriver à redynamiser l’enseignement des
langues, on propose entre autres d’introduire « l’éveil aux langues » au curriculum, pour
développer l’intérêt pour les langues de façon générale et aussi pour créer une plus grande
tolérance des élèves vis-à -vis de la diversité linguistique et culturelle. En gros, il s’agit de
trouver des activités menant les jeunes à reconnaître les racines culturelles d’une grande partie
des habitants du pays, comme notamment celles de la population portugaise. Notons que la
brochure « Ouverture aux langues à l’école », publiée en 2010, présente de nombreuses
activités concrètes permettant de développer les compétences plurilingues et pluriculturelles
des jeunes enfants de l’école fondamentale. Nous allons réserver une partie ultérieure à sa
présentation plus détaillée.

De plus, pour les plus âgés, il y a l’option, entre autres, de l’introduction d’un cours de
grammaire comparative, lors duquel l’enseignant dégagera les différences et ressemblances
entre les langues pour mieux faire comprendre leur fonctionnement et celle de la création
éventuelle d’un cours de linguistique au cycle supérieur.

Afin d’encourager les élèves les plus doués en langues et pour promouvoir la diversité
linguistique, le Plan d’Action prévoit d’inviter les lycées à élargir l’offre des options de
langues, que ces jeunes adultes pourraient apprendre dans un cadre parascolaire, ou encore de
lancer des cours intensifs menant éventuellement les élèves les plus forts à acquérir des
compétences de niveau C2.

On répète à plusieurs reprises l’importance de promouvoir davantage l’apprentissage de la


langue luxembourgeoise, et déplore qu’une importante partie des résidents étrangers et
immigrés, même s’ils vivent depuis plusieurs années sur notre territoire, ne savent pas utiliser
la langue dans leur vie quotidienne. Il s’agira donc également de motiver davantage tous les
habitants à apprendre la langue luxembourgeoise, pour qu’elle garde le même statut que les
deux autres langues officielles, l’allemand et le français. L’enjeu est plutôt d’ordre
socioculturel que scolaire et cette charge devra ainsi être menée par une politique plus globale
et transversale. Ainsi, parallèlement aux enseignants, instituteurs et formateurs, les maisons de
jeunes et entreprises ainsi que les différents médias, comme la radio ou la télévision, devront
48
II. Le réajustement de l’enseignement des langues au niveau national

être conscients de leur rôle important dans ce processus de l’avenir plurilingue du pays et
contribuer à favoriser l’apprentissage de la langue luxembourgeoise.

En outre, le Ministère met l’accent sur l’importance de renforcer les synergies entre les cours
linguistiques et les disciplines non -linguistiques, comme la géographie, l’histoire, les sciences
naturelles, etc., notamment en incitant les enseignants de matières non -linguistiques à assumer
pleinement la composante langagière de leur enseignement54 , en leur demandant de présenter
leur matière de façon à ce qu’ils dégagent les difficultés en matière de langues des élèves et
développent le mieux possible leurs compétences linguistiques dans leurs cours. Cet
enseignement intégré des langues et matières non -linguistiques, primordial dans un contexte
pédagogique bilingue, contribue efficacement à éviter que l’échec de l’apprentissage des
langues bloque l’accès aux savoirs. Cette forme d’enseignement d’une matière non-
linguistique réalisé à l’aide d’une langue étrangère, constituant une forme
d’interdisciplinarité, est aujourd’hui largement théorisée par divers groupes de travail dans le
domaine de recherche CLIL/EMILE, principe didactique auquel nous allons revenir plus en
détail ultérieurement.

Finalement, afin de mieux tenir compte de la dimension pluriculturelle dans l’enseignement,


le Plan d’Action prévoit également une réalisation plus régulière de projets contenant des
éléments de communication multilingue, comme par exemple des ateliers d’écriture ou de
poésie, des projets de revues, des mises en scène de pièces de théâtre, etc. Il évoque aussi
l’importance de mieux promouvoir la culture et la littérature luxembourgeoise, et propose
entre autres des visites plus régulières d’auteurs contemporains nationaux dans les écoles.

iii. La prise en compte de l’hétérogénéité des élèves

Le Ministère propose également de nombreux projets pédagogiques permettant de mieux tenir


compte de l’hétérogénéité des élèves au Luxembourg. Ainsi, il réfléchit à un recours plus
systématique à du matériel bilingue pour les différentes matières, et souhaite éventuellement
donner aux élèves plus âgés le choix dans quelle langue ils aimeraient répondre aux questions
posées dans les épreuves des matières non -linguistiques, peu importe si les textes étudiés sont
rédigés en allemand, français ou anglais.

54
Voir aussi l’instruction ministérielle sur l’utilisation de la langue véhiculaire publiée en septembre 2010
49
II. Le réajustement de l’enseignement des langues au niveau national

Dans le but de mieux intégrer les élèves de langue étrangère et/ou les primo -arrivants,
plusieurs projets ont été lancés, comme notamment le Bac International, le Lycée Schengen
ou encore la création de classes à régime linguistique spécifique à l’EST. Dans les écoles, on
aimerait créer encore plus de Cellules d’accueil scolaires, qui proposent un enseignement
intensif de langues pour les élèves ne maîtrisant pas encore bien les langues officielles et de
scolarisation du Luxembourg.

Des cours similaires devraient, à l’avenir, être proposés aux élèves montrant des difficultés
dans une langue donnée, qui sont inscrits dans une classe d’orientation, c’est-à-dire la 7e
O/ST, la 9e et la 4e . Afin de remédier le plus efficacement possible à des faiblesses
potentielles de maîtrise de langue/s, les écoles sont soutenues à intervenir de façon intense,
par exemple en offrant des soi-disant « crash-courses » adaptés au profil de l’apprenant ou
encore en encourageant ces élèves, en étroite collaboration avec leurs parents, à s’inscrire à un
séjour linguistique à l’étranger.

Parallèlement, les élèves défavorisés à cause de faiblesses particulières, comme par exemple
les jeunes souffrant d’une dyslexie, devraient eux aussi pouvoir profiter de tels cours intensifs.
En outre, le Ministère est déterminé à multiplier les démarches de dépistage et à mettre à
disposition des écoles des spécialistes en dyslexie et des pédagogues curatifs pour aider les
jeunes.

Pour finir, notons encore que, pour munir les enseignants de stratégies efficaces permettant de
favoriser le plurilinguisme dans leur pratique pédagogique quotidienne, le choix de
formations continues a été élargi. En effet, un réseau de délégués à la formation continue,
permettant une planification à long terme ainsi qu’un échange d’expériences et de réflexions,
a été créé sous le nom de SCHILW, schulinterne Lehrpersonenweiterbildung .

d. Le volet réflexif

Le dernier volet du Plan d’Action, appelé volet réflexif, définit le rôle des instances de
formation et de recherche. Pour développer efficacement le système éducatif à long terme, il
faut avoir recours à des compétences spécifiques et garantir une bonne coopération entre tous
les acteurs nationaux, dont les principaux sont le Service de Coordination de la recherche et
de l’innovation pédagogiques et technologiques (SCRIPT) du Ministère, l’Université du

50
II. Le réajustement de l’enseignement des langues au niveau national

Luxembourg et le Fonds national de recherche, ainsi qu’avec des acteurs internationaux,


comme des universités étrangères. On donne aussi aux enseignants qui travaillent sur le
terrain l’occasion de réfléchir à et de systématiser leurs savoirs pratiques, qui doivent par la
suite être comparés aux modèles pédagogiques innovants à un niveau international. Tout ceci
se fera dans le but de progresser ensemble vers une gouvernance nationale cohérente et de
créer des lieux d’échange entre les responsables et les praticiens du système éducatif ainsi que
les chercheurs, pour que l’utilité publique et la qualité scientifique puissent être combinées.

L’Université du Luxembourg a d’ailleurs fait des sciences de l’éducation une de ses priorités
et plusieurs unités de recherche se consacrent à des aspects particuliers du réajustement des
langues : nous pouvons relever, à titre d’exemples, que l’unité EMACS5 5 étudie divers
moyens d’évaluation des connaissances afin que la méthodologie de la recherche soit
développée, et l’unité LCMI 5 6 se consacre à étudier le plurilinguisme des enfants et leur
développement dans des contextes multilingues.

Toutes ces différentes propositions concrètes devant contribuer à instaurer une culture
pluriculturelle au Luxembourg nous indiquent que l’initiative lancée par le Ministère de
l’Education nationale et de la Formation professionnelle est de très grande envergure et
qu’elle se veut en accord avec les politiques linguistiques européennes, telles qu’elles ont été
proposées dans le Guide.

C. Le Luxembourg et sa situation linguistique particulière :

Or, il ne faut pas négliger de prendre en considération que le problème que pose
l’enseignement des langues au Luxembourg est très spécifique, vu sa situation multilingue
particulière, par rapport aux pays monolingues. Etant donné qu’il y a trois langues officielles
dominant la réalité sociale et culturelle de notre pays, la promotion des langues étrangères
semble plus naturelle qu’ailleurs. Les langues allemande et française dominent en effet la vie
socioculturelle des Luxembourgeois au quotidien et dans notre système scolaire, les deux
langues (surtout l’allemand) sont d’ailleurs utilisées dès un jeune âge comme langues

55
EMACS : Educational Measurement and Applied Cognitive Science
56
LCMI : Language, Culture, Media and Identities
51
II. Le réajustement de l’enseignement des langues au niveau national

véhiculaires pour l’enseignement des disciplines non linguistiques, comme les


mathématiques, l’histoire, la géographie, etc.

Traditionnellement, le système éducatif luxembourgeois vise, du moins chez les élèves du


secondaire classique, un niveau de compétences très élevé, qu’on cherche à atteindre
notamment par l’étude de textes et d’œuvres littéraires de tradition (du Moyen -âge au XXIe
siècle) ou la maîtrise d’exercices littéraires jugés assez difficiles, comme par exemple la
dissertation, introduite dès la 4e . Bien évidemment, cette excellente maîtrise des langues
étrangères présente de nombreux avantages, et il suffit de penser à tous les bacheliers qui
quittent le Luxembourg pour poursuivre leurs études universitaires à l’étranger, après avoir
obtenu leur diplôme de fin d’études secondaires, et qui y réussissent. Or, en consultant les
statistiques, on constate qu’il y a de moins en moins d’élèves (surtout étrangers) qui peuvent
suivre cette piste et l’enseignement orienté vers une excellente maîtrise des langues allemande
et française, ayant indubitablement porté ses fruits il y a vingt ans encore, semble de plus en
plus inadapté à la situation contemporaine. En effet, M. Peter Wallossek et M. Jérôme Lévy,
du service des statistiques et analyses du Ministère de l’ Education Nationale m’ont expliqué,
suite à ma demande, que seulement 49,7% des élèves inscrits en 2003/04 en 7e O ont réussi à
obtenir leur diplôme de fin d’études secondaires en 2009/10 et seulement 5,6% (!) des élèves
inscrits en 2003/04 en 7e ST ont obtenu leur diplôme de fin d’études secondaires techniques
en 2009/10, sans avoir redoublé.

Ce phénomène s’explique bien évidemment en partie par le fait qu’il y a de plus en plus
d’élèves immigrés, dont une grande partie ne savent parler aucune des langues officielles et de
scolarisation à leur arrivée, mais il faut aussi penser au fait que l’anglais occupe aujourd’hui
une place beaucoup plus importante dans notre enseignement, ce qui n’a pas été le cas il y a
vingt ans encore. Pour un élève plus faible, une excellente maîtrise de trois langues étrangères
semble tout simplement impossible.

La question qui se pose maintenant est de savoir si le système éducatif du Luxembourg est
prêt à abandonner son enseignement des langues très poussé et ayant comme but de faire
acquérir à ses élèves de remarquables compétences linguistiques en plusieurs langues, pour
mettre en œuvre un enseignement plurilingue moins strict, tel qu’il est défini par la Division
des politiques linguistiques dans son Guide ?!

52
II. Le réajustement de l’enseignement des langues au niveau national

D. Les réticences vis -à-vis d’un réajustement de l’enseignement des langues et leurs
causes

Force est de constater que pour l’instant, malgré les propositions innovatrices et certainement
nécessaires du Conseil de l’Europe ou encore du Ministère de l’Education nationale et de la
Formation professionnelle, l’application de ces nouvelles didactiques traîne à être réalisée
concrètement sur le terrain. Beaucoup d’enseignants semblent encore sceptiques vis-à -vis des
mesures internationales et nationales proposées et la plupart d’entre eux tardent à s’ouvrir à
cette nouvelle forme d’enseignement qu’est le plurilinguisme. Ainsi domine chez nous encore
largement le « mythe du tout L2 », encore appelé « le tabou de la L1 » 5 7 . En d’autres mots, la
plupart des professeurs de langues ne semblent pour l’instant tolérer que le recours à la
langue-cible dans leurs cours.

Nous aimerions maintenant formuler quelques hypothèses pour expliquer ces réticences
manifestes face à un réajustement de l’enseignement des langues.

Premièrement, il y a des chances qu’une partie des professeurs se montrent pessimistes face à
ces nouveaux principes didactiques devant mener à une ouverture à des langues multiples
plutôt qu’à une maîtrise langagière poussée d’un petit nombre de langues étrangères, parce
qu’ils craignent que les bacheliers luxembourgeois aient par après du mal à poursuivre avec
autant de facilités leurs études à l’étranger. De plus, on s’interroge certainement sur les
chances des jeunes, s’ils ne profitent plus du même enseignement des langues, à bien réussir
sur le marché de l’emploi où ils seront en concurrence avec des étrangers.

Dans le Profil, les experts internationaux remarquent que « le système éducatif


luxembourgeois a la chance de disposer d’un corps enseignant possédant de très hautes
compétences linguistiques », mais ils précisent que cette situation incarne en même temps « le
désavantage que, pour les professeurs de langue dont le niveau est très proche d’un locuteur
natif, l’adoption implicite d’une telle norme mène à dévaloriser les compétences des élèves
(en l’absence de d’objectifs précis) ». Selon eux, « la formation universitaire reçue à
l’étranger semble conforter les enseignants dans une représentation de l’usage et de
l’apprentissage de la langue enseignée comme langue maternelle et cette expérience ne les

57
Terme emprunté à V. Castellotti in D’une langue à d’autres : Pratiques et représentations, Collection Dyalang,
Rouen, 2001, p.17
53
II. Le réajustement de l’enseignement des langues au niveau national

prépare pas en soi à l’enseignement des langues et/ou des disciplines à l’aide d’une langue
particulière dans le contexte très spécifique du Luxembourg » 58 .

Parallèlement à cette peur de voir le niveau de maîtrise des langues des Luxembourgeois se
détériorer avec les conséquences éventuelles que cela entraîne pour la vie professionnelle, il y
a certainement d’autres raisons liées plus précisément aux programmes en vigueur. En effet,
on constate que les programmes sont pour la plupart d’entre eux encore les mêmes que ceux
d’il y a dix ans et il semble logique que les enseignants continuent à appliquer les mêmes
méthodes didactiques qu’à l’époque, pour atteindre les objectifs restés identiques. Voici, à
titre d’exemple le premier paragraphe du programme de la 7e O, tel qu’il figure actuellement
sur le site www.men.lu sous la rubrique des Horaires et Programmes :

I. Programme

Pour atteindre les compétences énumérées ci-dessous il est indispensable que l’élève dispose
de compétences grammaticales et lexicales solides.
*L’élève distingue les éléments essentiels d’une phrase (S-V-COD-COI-CCT -CCL-CCC-
CCM).
* Il sait rédiger des phrases simples et des phrases complexes (coordination) au présent, au
passé (p.c.), au futur.
* Il maîtrise la négation (ne-pas, ne-plus, ne-rien, ne-personne, aucun ne, ne-jamais,).
* Il maîtrise l’interrogation (est-ce que, inversion simple, inversion complexe).
* Il maîtrise les temps de l’indicatif présent et du passé composé, de l’imparfait et du plus-
que-parfait, du futur simple et du conditionnel, de l’impératif et du subjonctif présent, il
connaît le passé simple et le subjonctif passé (sans pour autant les utiliser dans ses propres
productions) pour les verbes réguliers en –er, en –ir, les verbes avoir, être, aller, envoyer,
prendre, mettre, dire, faire, écrire, boire, lire, croire, connaître, sentir, servir, dormir, mentir,
partir, tenir, venir, courir, ouvrir, recevoir, devoir, pouvoir, vouloir, savoir.
* Il respecte les règles essentielles de l’accord du pluriel et du féminin (l’accord du participe
passé sans auxiliaire, avec être et avec avoir).
* Il sait utiliser les pronoms personnels (S-COD-COI).
* Il connaît la transformation passive et peut l’utiliser pour des phrases simples.

58
Profil de la politique linguistique éducative du Luxembourg, Conseil de l’Europe et Ministère de l’Education
nationale et de la Formation professionnelle du Luxembourg, 2006, p.27
54
II. Le réajustement de l’enseignement des langues au niveau national

Notons encore que le curriculum pour le secondaire ne prévoit actuellement encore aucun
cours de grammaire comparée ou de linguistique, tels qu’ils ont été proposés pour l’avenir
dans le Plan d’Action (voir plus haut).

Le même constat vaut d’ailleurs pour le matériel didactique : les manuels utilisés, dont une
grande partie sont empruntés à nos pays voisins, ne semblent guère adaptés à un
enseignement/apprentissage dirigé vers le plurilinguisme et le pluriculturalisme.

De plus, nous sommes d’avis que les réticences s’expliquent en partie par un simple manque
d’informations. En effet, on constate souvent, dans des discussions avec d’autres enseignants,
que les termes comme didactique intégrée ou enseignement plurilingue restent encore
relativement inconnus. J’aimerais d’ailleurs souligner que, personnellement, je les ai
découverts assez tard, après le stage pédagogique, grâce à mon accompagnateur du présent
travail, Michael Langner. Selon mes informations, les responsables de la Formation
pédagogique envisagent la création d’une unité de recherche consacrée au plurilinguisme en
vue de l’accueil de la promotion 13, qui entre en stage en avril 2011.

Même si une bonne partie des documents dont nous avons parlé antérieurement sont
disponibles gratuitement sur Internet, la plupart des enseignants ignorent tout simplement leur
existence. Il serait donc certainement utile de faire de façon plus ciblée de la publicité pour les
nouvelles didactiques auprès du corps enseignant.

Pendant que, au Luxembourg, pour l’instant, les didactiques du plurilinguisme ne sont que des
îlots qui commencent à émerger et qui occupent encore une place marginale par rapport aux
pratiques plus traditionnelles dans l’enseignement-apprentissage des langues étrangères, dans
d’autres pays, et notamment en Suisse, on a déjà lancé plusieurs projets concrets pour
promouvoir le plurilinguisme des plus jeunes citoyens.

Etant personnellement très intéressée par une mise en pratique de ces concepts innovateurs,
dont je reconnais pleinement l’importance et l’utilité, je me suis lancée à la recherche de
théories didactiques à appliquer, ainsi que d’exemples de projets concrets devant servir à
promouvoir le plurilinguisme à imiter, afin d’avoir des idées pour réaliser diverses
expériences sur le terrain. C’est donc à ces projets ainsi qu’à l’ancrage théorique des
didactiques du plurilinguisme, que je consacrerai la prochaine partie.

55
56
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

Le domaine de la didactique du plurilinguisme est très moderne et toujours en pleine


évolution, ce qui explique pourquoi il est encore difficile actuellement d’en trouver des
définitions et principes clairement définis. En Suisse, un groupe de travail a publié en 2008 un
document, élaboré dans le cadre du projet Passe-Partout, Fremdsprachen in der Volksschule,
visant à introduire grâce à une collaboration intercantonale une nouvelle conception de
l’enseignement des langues étrangères, qui s’intitule : « Aspects d’une didactique du
plurilinguisme : Propositions terminologiques »59 . Le but de ce document, reprenant des idées
rassemblées par Esther Sauer et Victor Saudan, était de trouver une terminologie
compréhensible et univoque afin de définir des concepts clairs et délimités les uns par rapport
aux autres, qui permettent un usage homogène des différents instruments du matériel
didactique à utiliser par les enseignants en classe. Le groupe de travail a élaboré son ouvrage
de clarification en collaboration avec plusieurs spécialistes, comme notamment le Groupe de
coordination de l’enseignement des langues de la CDIP60 , les auteurs du manuel pour
l’enseignement des langues étrangères de la PHZH 61 en Suisse, ainsi que plusieurs
didacticiens suisses et étrangers.

J’aimerais maintenant résumer les idées-clés de la version publiée en août 2008 de ce


document (qui est la référence la plus précise que j’aie pu trouver), afin de présenter les
différents principes didactiques que l’on peut respecter dans sa pratique pédagogique.

Le groupe de travail suisse insiste sur le fait que le but premier de tout apprentissage des
langues est le développement d’un plurilinguisme individuel fonctionnel, c’est-à-dire qu’il
doit mener à une « capacité à utiliser des langues à des fins de communication et à participer
aux interactions interculturelles » 62 , et rappelle, en se basant sur le Cadre européen commun
de référence que « ces langues et cultures ne sont pas enregistrées dans des domaines mentaux
strictement séparés les uns des autres, mais forment plutôt une compétence communicative
globale à laquelle contribuent toutes les connaissances et expériences linguistiques et dans

59
http://clil-lote-go.ecml.at/LinkClick.aspx?fileticket=ZxUo02m2OC8%3D&tabid=775&language=fr-FR
60
Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique
61
Pädagogische Hochschule Zürich
62
Document « Aspects d’une didactique du plurilinguisme : Propositions terminologiques », p.5
57
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

laquelle les langues sont reliées entre elles et interagissent. » 6 3 Il est donc essentiel de
construire un enseignement/apprentissage combiné et coordonné.

Afin de pouvoir développer une telle compétence du plurilinguisme, il faut abandonner


l’enseignement isolé et distinct des langues L1, L2, L3, …, pour mieux exploiter les synergies
entre elles. Il est ainsi nécessaire de « créer un rapport interne entre les différents domaines de
l’enseignement scolaire dans lesquels ont lieu l’encouragement et l’apprentissage des
langues » 6 4 , comme notamment entre les disciplines linguistiques et non -linguistiques, entre
apprentissage scolaire et extrascolaire, entre programme d’études, matériel didactique et
pratiques d’évaluation ou encore entre des séquences centrées sur le contenu et des séquences
réflexives. Ce rapport interne est encore désigné sous le terme « cohérence didactique
horizontale », dont le schéma suivant résume les aspects les plus importants :

J’expliquerai désormais avec plus de précision les différentes composantes de la cohérence


didactique horizontale ; cinq des ressources seront présentées plus brièvement et la dernière,
la didactique plurilingue, nous intéressera plus en détail vu que c’est elle qui nous offre les
possibilités d’activités pratiques les plus intéressantes à réaliser sur le terrain.

63
Document « Aspects d’une didactique du plurilinguisme : Propositions terminologiques », p.5
64
Ibid., p.6
58
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

A. ELBE : Conscience des langues et des cultures

La première composante présente le projet suisse ELBE, nom formé à partir des initiales des
trois termes suivants : Eveil aux langues, Language awareness et BEgegnung mit Sprachen . Il
a pour but de promouvoir une conscience linguistique chez les jeunes, que l’on aimerait
sensibiliser aux langues de leur entourage et chez qui on aimerait faire naître une attitude
d’ouverture aux langues et de respect vis-à-vis des cultures véhiculées par ces langues. Ces
approches transdisciplinaires ont d’abord été développées en Grande-Bretagne, dans les
années 80, par le sociolinguiste Eric Hawkins.

Comme nous l’avons déjà annoncé, l’école luxembourgeoise est actuellement en train de faire
des efforts pour garantir une place importante à l’éveil aux langues, comme le prouve
d’ailleurs l’exemple de la brochure « Ouverture aux langues à l’école » 65 , publiée par le
Ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, sous la direction de
Christiane Tonnar. Elle présente une mise en pratique réussie de ce concept didactique
cherchant à contribuer à promouvoir le plurilinguisme dans les écoles luxembourgeoises. On
y lit que le but de projets comme ELBE est de pousser les jeunes à s’interroger sur leurs
compétences langagières et à partager leurs observations et leurs découvertes faites lors de
leur apprentissage, sous forme ludique de préférence. Ainsi, on essaie de provoquer chez les
élèves une prise de conscience de la diversité, mais aussi des ressemblances entre les langues,
en les amenant à comparer les langues entre elles. Selon la brochure66 en question, les
activités d’ouverture aux langues, qui peuvent être intégrées dans des situations
d’apprentissage, mènent les apprenants, entre autres, à :

- savoir qu’il existe une grande diversité de langues, qui peuvent être regroupées en
familles qui ont des racines communes et qui présentent des similitudes et des
différences intéressantes à analyser ;

- comprendre que dans une société donnée, les langues n’ont pas toutes le même statut
social ;

- reconnaître et valoriser les compétences en langues de tous leurs camarades de classe


quelles que soient les langues ;

65
http://www.men.public.lu/publications/syst_educatif_luxbg/langues/100222_ouverture_langues/100222_ou
verture_langues.pdf
66
« Ouverture aux langues à l’école : Vers des compétences plurilingues et pluriculturelles », p 12
59
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

- développer des représentations positives par rapport aux langues qu’ils connaissent et
à celles qu’ils apprennent, et à acquérir une sensibilité plurilinguistique et
pluriculturelle ;

- développer leur curiosité vis-à -vis du fonctionnement du langage et des langues ;

- mobiliser leurs connaissances partielles dans ces langues et à prendre l’habitude


d’opérer des synergies entre elles, en vue d’apprendre les langues avec plus de facilité
et de plaisir

Notons encore que les stratégies didactiques censées mener à une ouverture aux langues, tel
l’éveil aux langues, sont adaptées avant tout aux plus jeunes citoyens et les activités pratiques
citées dans la brochure luxembourgeoise s’adressent elles aussi aux élèves de l’école primaire.
Il est en effet important de lancer la sensibilisation aux différentes langues et cultures dès le
plus jeune âge, de façon ludique, pour que les élèves apprennent à respecter les langues de
leurs camarades et voisins et développent une motivation à les apprendre ultérieurement.

B. L’option CLIL-EMILE : l’enseignement bilingue de disciplines non -linguistiques ou


l’immersion

Un deuxième moyen pour réaliser un enseignement plurilingue est l’option CLIL-EMILE ; on


parle aussi d’apprentissage intégrant le contenu et la langue (content and language integrated
learning , CLIL) [ou enseignement d’une matière par intégration d’une langue étrangère
(EMILE)]. Selon cette didactique, le but de tout enseignement bilingue de disciplines non-
linguistiques est de combiner systématiquement apprentissage des contenus et apprentissage
de la langue.

On distingue généralement entre enseignement bilingue, qui prévoit que l’enseignant passe de
manière planifiée de la langue d’enseignement à la langue étrangère, selon le principe « autant
que possible en langue étrangère, autant que nécessaire en langue d’enseignement », et
l’immersion , une forme d’enseignement où les cours de matières non -linguistiques sont
exclusivement donnés en langue étrangère. Notons encore que pour les deux formes, l’objectif
central est d’évaluer les connaissances des branches et non pas les compétences langagières.

60
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

Selon H.J. Vollmer, qui se dit conscient que « la langue joue un rôle fondamental dans
l’apprentissage » et que « quelle que soit la discipline, les élèves assimilent les nouveaux
concepts en grande partie à travers la langue, c.- à-d. lorsqu’ils écoutent, parlent de, lisent et
écrivent sur ce qu’ils sont en train d’apprendre, et qu’ils établissent des liens entre ces
nouvelles connaissances et ce qu’ils savent déjà », souligne que cette méthode doit
« contribuer à une politique globale d’apprentissage scolaire en incitant tous les enseignants à
participer à l’acquisition de capacités et compétences langagières dans leur discipline. » 6 7

La méthode CLIL-EMILE est en quelque sorte une réponse au problème récurrent de trouver
un moyen qui permet de consacrer davantage de temps aux langues, alors que les programmes
scolaires sont déjà très chargés. Comme nous l’avons déjà relevé antérieurement, elle figure
dans le Guide du Conseil de l’Europe ainsi que dans le Plan d’Action du Ministère de
l’Education nationale, comme méthode innovante destinée à améliorer la qualité de
l’enseignement des langues.

Or, pour que les méthodes CLIL-EMILE puissent porter leurs fruits, il est nécessaire de
renforcer la collaboration entre les enseignants. Ainsi, Vollmer précise que « les enseignants
de disciplines non linguistiques s’attendent souvent à ce que certaines compétences aient déjà
été transmises aux apprenants par le biais de l’enseignement [des branches linguistiques], et
donc à ce que ces compétences soient déjà mobilisables dans des contextes d’apprentissage
spécifiques à leur discipline, sans autre exercice ou réflexion sur leur signification ou leur
utilisation dans ces nouveaux contextes ». Cela expliquerait en partie les nombreuses
remarques faites par les enseignants au sujet des « bases » qui feraient défaut à leurs élèves en
matière de langues. Vollmer leur accorde que ces attentes sont justifiées d’une certaine
manière, mais qu’il faudrait les formuler « explicitement sous la forme d’un « contrat » entre
les enseignants en « langue comme matière » et leurs collègues enseignants de disciplines
non-linguistiques. En outre, ces derniers devraient également établir une liste claire des
objectifs langagiers minimaux qu’ils souhaitent faire atteindre à leurs élèves, ceux -ci étant
reliés aux objectifs fixés pour leur discipline de spécialité. Cet accord […] doit également
porter sur le moment et le niveau auquel ces compétences doivent être acquises » 68 .

67
Vollmer, H.J., Langues d’enseignement des disciplines scolaires, Conseil de l’Europe, Division des Politiques
linguistiques, Strasbourg. p.7
68
Ibid., p.8-9
61
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

Alors que les principes didactiques devant mener à une ouverture aux langues s’adressent
plutôt aux élèves très jeunes, l’enseignement bilingue de matières non -linguistiques est plus
particulièrement destiné aux élèves inscrits au secondaire, vu que ces derniers disposent déjà
d’une base solide de compétences de compréhension et de communication en langues
étrangères.

Comme je n’ai pas choisi de suivre la piste CLIL -EMILE dans le présent travail, je ne vais
pas approfondir sa présentation, mais j’aimerais quand même souligner que je juge cette
méthode très fructueuse et ainsi, je tâche de tenir systématiquement compte de la double
dimension de la langue que j’enseigne, en tant qu’objet à apprendre et en tant qu’outil
transversal pour d’autres disciplines, notamment en veillant à développer des stratégies
cognitives réutilisables dans ces branches (apprendre à argumenter, à structurer un texte, etc.)

C. La promotion intégrée des langues

L’idée de la promotion intégrée des langues est complémentaire au concept CLIL-EMILE, il


s’agit de nouveau de faire réaliser aux enseignants que tout enseignement (de savoirs) est
aussi un enseignement de la langue dans laquelle on enseigne. Ainsi, chaque apprentissage
d’une matière non linguistique doit être couplé à une promotion explicite de la langue
d’enseignement.

D. Didactique des échanges et rencontres

Intéressons-nous désormais à « la didactique des échanges et des rencontres », telle qu’elle est
définie par le groupe de travail suisse, qui cherche à l’inclure dans le projet Passe- Partout .

Premièrement, les échanges linguistiques promettent d’être une option bien utile et
complémentaire aux cours linguistiq ues : faire un séjour dans l’espace de la langue cible et
établir des contacts directs avec les locuteurs natifs, sont des activités qui permettent aux
jeunes d’immerger dans une autre langue et culture et qui les encouragent à développer leur
autonomie et leurs facilités de s’adapter, voilà pourquoi ils constituent des moments
d’apprentissage extrêmement riches. En effet, il est essentiel que le jeune réalise que

62
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

l’apprentissage d’une langue étrangère à l’école lui servira concrètement dans la vie réelle,
comme cela le motivera sans doute à poursuivre son apprentissage avec application.

Si les possibilités de déplacements ne sont pas données, l’enseignant peut également proposer
d’autres formes d’échanges à ses élèves, comme par exemple l’échange de lettres ou de
courriels avec des jeunes d’autres régions, ou pays, qui permettent également de développer
de façon efficace leurs stratégies communicationnelles et interculturelles.

E. L’enseignement des langues étrangères axé sur les contenus et les actes

Dans le document « Aspects d’une didactique du plurilinguisme : Propositions


terminologiques », on souligne clairement l’importance d’abandonner la conception d’un
enseignement de langues étrangères qui suivrait une simple progression grammaticale, si l’on
veut garantir un enseignement basé sur le plurilinguisme. Il faut en revanche mettre en place
un enseignement basé sur le développement des compétences, en ayant recours à un
enseignement/apprentissage par tâches, qui met les élèves dans différentes situations-
problèmes pour ensuite les motiver à les résoudre en utilisant concrètement leurs compétences
langagières. Notons que cette forme d’enseignement est en accord avec les principes du
Cadre commun de référence, qui prévoit le développement de savoir-faire dans de telles
situations-problèmes et pour de nombreux chercheurs, la tâche est en effet devenue un
élément pédagogique incontournable. Selon Morissette69 , par exemple, la tâche permet
d’augmenter le niveau d’engagement de l’élève, elle le rend responsable et actif, ce qui
garantit que ses apprentissages deviennent plus durables. Elle ajoute qu’en choisissant une
situation contextualisée et authentique, on peut grandement influer sur le degré de motivation
des élèves et surtout sur la construction du sens. Si la tâche est bien planifiée, elle présente
finalement aussi l’avantage que les apprentissages faits en milieu scolaire sont transférables
dans des contextes extérieurs à l’école.

Dans le monde germanophone, on utilise généralement le terme de « handlungsorientierter


Unterricht » pour désigner cette forme d’enseignement/apprentissage. Bien évidemment, cet
enseignement par tâches ne peut être réalisé que si l’on dispose également d’un matériel

69
MORISSETTE R., Accompagner la construction des savoirs, Chenelière Education, Montréal, 2002, p.75-80

63
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

linguistique authentique, qui propose des activités permettant aux apprenants d’agir et de
créer des interactions sociales et qui correspond à l’âge des élèves qui travaillent avec lui.

F. La didactique plurilingue

La didactique plurilingue désigne tous les principes didactiques qui tâchent de relier les
différentes langues entre elles, comme par exemple l’exploitation des possibilités de transferts
entre les langues ou la sensibilisation aux ressemblances et divergences entre elles, par
exemple à l’aide d’études comparatives. Les buts liés à cette forme didactique sont entre
autres d’améliorer l’apprentissage des langues étrangères et de permettre aux élèves de
prendre concrètement appui sur leurs compétences langagières existantes pour en construire
d’autres, en évitant ainsi que des règles similaires soient enseignées et apprises plusieurs fois
sans que les élèves s’en rendent compte. On peut garantir ainsi ce que les spécialistes
allemands appellent plus communément une « didaktische Ökonomie » 70 .

En effet, il y a toute une panoplie de concepts didactiques répondant à ces exigences et


j’aimerais maintenant me consacrer à la présentation de quelques-uns, sans négliger de
m’appuyer également sur les théories linguistiques sous-jacentes pour prouver le bien -fondé
de leur caractère. Je sélectionnerai ensuite les plus adaptés à notre projet, pour expérimenter
leur mise en pratique dans la classe sélectionnée.

a. L’intercompréhension et EuroComDidact

Je vais m’intéresser tout d’abord à l’intercompréhension, une approche didactique née dans
les années 1990 et qui n’est que depuis quelques années considérée comme un concept
didactique fructueux. En effet, on a commencé à reconnaître ses avantages à partir du moment
où différents organismes intergouvernementaux, comme l’UNESCO ou le Conseil de
l’Europe, voulant instaurer une nouvelle « éthique de communication », ont mis l’accent sur
l’importance de donner à chacun les moyens de développer tout au long de sa vie, de manière
autonome, son répertoire de langues.

70
Terme emprunté à Susanne Wokusch, citée dans le document Symposium « Mehrsprachigkeitsdidaktik –
Didactique intégrée des langues », p. 26
(http://www.ag.ch/nwedk/shared/dokumente/pdf/bericht_symp_mds_synth.pdf)
64
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

L’intercompréhension, qui se base sur l’idée que chacun possède des capacités plurilingues et
rejette en même temps la conception selon laquelle nous ne pouvons apprendre les langues
que séparément, fonctionne par affinité ou proximité géolinguistique et croit en un continuum
des langues, en tout cas de même famille.

En gros, cette approche didactique est fondée sur l’idée qu’un apprenant peut facilement, à
partir d’une langue donnée, aller vers la compréhension des langues voisines, en employant
des stratégies de compréhension se bâtissant sur des transferts et des similitudes linguistiques
et culturelles. Ainsi, pour donner un exemple précis, selon cette théorie, un individu ayant
appris le français peut facilement partir de ses connaissances et compétences déjà développées
pour se lancer dans un apprentissage des langues romanes apparentées, comme l’espagnol ou
l’italien.

L’enjeu didactique est de « rendre assimilable l’attention à la forme ; il consiste à trouver


derrière les irrégularités, les différences et les codifications spécifiques, des phénomènes de
régularités et de sens. »71 De plus, il faut « apprendre à traiter simultanément deux aspects :
reconnaître les phénomènes lexico -morphologiques communs sans être arrêté par la
singularité propre à telle(s) langue(s) ; laisser agir en somme son intuition à inférer le sens
d’une langue vers l’autre, tout en restant conscient que cette régularité n’est jamais totalement
acquise » 7 2 . Ce sont, entre autres, les indices donnés par le contexte qui devront aider à
dépasser les obstacles d’irrégularités qui risquent d’empêcher une bonne compréhension.

Selon P. Escudé et P. Janin, auteurs du livre Le point sur l’intercompréhension, clé du


plurilinguisme, la véritable visée de l’intercompréhension est « de se donner les moyens
d’apprendre à apprendre les langues. En ce sens, l’intercompréhension, loin de s’opposer à un
apprentissage complet des langues (dans toutes ses dimensions de réception et de production),
73
le prépare, le favorise et le rend efficace » . Les mêmes auteurs affirment par ailleurs que
« l’avancée didactique qu’offre l’intercompréhension est l’une des plus prometteuses, parce
qu’elle est fondée sur un décloisonnement de l’apprentissage, une prise en compte de la
continuité des familles de langues et du décloisonnement entre les familles de langues elles-
mêmes »74 .

71
Le point sur l’intercompréhension, clé du plurilinguisme, CLE INTERNATIONAL, Paris, 2010, p.43
72
Ibid., p.44
73
Ibid., p.8
74
Ibid., p.18
65
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

L’intercompréhension sait donc combiner des visées d’ordre linguistique et d’ordre culturel.
Paul Teyssier explique les avantages de l’intercompréhension par rapport à l’enseignement
des langues isolé en ces termes : « Nous pensons que cette démarche peut conduire à un
véritable renouvellement de la pédagogie. La comparaison des langues révèle leur
fonctionnement, dévoile une partie de leur histoire et projette une vive lumière sur la façon
dont les hommes, à travers elles, appréhendent le monde. La connaissance d’une seule d’entre
elles, même approfondie, trouve vite ses limites. L’étude parallèle, même superficielle, de
plusieurs apporte une dimension d’une incomparable richesse. Elle peut constituer la base
d’une culture, comme le faisait autrefois le latin. » 75

Aujourd’hui, les bienfaits de l’intercompréhension sont largement reconnus et nous pouvons


citer Peter Doyé, qui, dans son étude de référence « L’intercompréhension », dépasse le cadre
didactique pour relever aussi ses avantages d’ordre politique et psychologique. Il souligne
ainsi par exemple qu’elle est « parfaitement conforme aux impératifs politiques de l’Europe,
qui veut préserver sa richesse linguistique, […] et notamment dans le domaine de l’éducation,
où il s’agit de promouvoir le plurilinguisme, la diversification et la flexibilité. En outre, elle
s’appuie sur un fondement psychologique très solide : l’interaction entre les facultés
linguistiques de l’homme et sa capacité d’exploiter les connaissances acquises
antérieurement. » 7 6

Il existe différents types de méthodes de l’intercompréhension, qui partagent pourtant tous


certains principes théoriques et didactiques principaux77 , dont quelques-uns ci-dessous. Il
s’agit, entre autres :

- de donner à l’apprenant la conscience du continuum des langues en proposant un


apprentissage simultané de plusieurs langues, de manière à expliciter les invariants ;

- de pousser l’apprenant à mobiliser ses ressources cognitives pour lui faire acquérir la
plus grande autonomie possible, en demandant de lui une implication personnelle
importante qui l’amènera à développer ses stratégies d’in terférence ;

75
P. Teyssier dans Le point sur l’intercompréhension, clé du plurilinguisme, CLE INTERNATIONAL, Paris, 2010,
p.95
76
Peter Doyé dans son étude de référence L‘intercompréhension, Conseil de l’Europe-Division des Politiques
linguistiques, Strasbourg, 2007, p.9
77
Le point sur l’intercompréhension, clé du plurilinguisme, CLE INTERNATIONAL, Paris, 2010, p.96-97
66
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

- de permettre à l’apprenant d’entrer dans la langue à travers la compréhension des


énoncés (écrits ou oraux) ;

- d’inciter l’apprenant, après qu’il se sent sécurisé par sa maîtrise des compétences de
réception, à acquérir également des compétences de production, la maîtrise passive
d’une langue étrangère évoluant ainsi vers une capacité d’utilisation active ;

- de lui faire acquérir une compétence méta-langagière, transposable à un maximum


d’énoncés dans des langues non connues (même si ce n’est que de façon partielle).

Actuellement, c’est la section des langues romanes qui nous fournit le plus d’exemples de
projets internationaux d’intercompréhension. Nous nous limitons à en présenter brièvement
un des plus connus, le projet EuroComRom, initié par trois chercheurs allemands, H. Klein,
T.Stegmann et F.-J. Meissner, qui concerne l’intercompréhension entre les six langues
suivantes : le français, l’espagnol, le catalan, l’italien, le portugais et le ro umain. Ce projet se
base sur la théorie appelée « les sept tamis » 78 (die sieben Siebe), destinés à filtrer les
analogies entre les langues, à savoir :

1. le lexique international commun à l’ensemble des langues de familles différentes

2. le lexique « pan-roman » permettant d’opérer des transferts de sens immédiats entre


langues de même famille

3. les correspondances phonétiques

4. les conventions graphiques et la prononciation

5. les structures syntaxiques pan -romanes

6. l’étude des éléments morphosyntaxiques

7. les préfixes et suffixes de même origine (grecque ou latine)

78
EuroComRom - Die sieben Siebe : Romanische Sprachen sofort lesen können, Shaker Verlag, Aachen, 2000,
p.14-15
67
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

Tout un ensemble didactique, comprenant de brefs résumés de l’histoire et les principales


caractéristiques linguistiques des langues concernées ainsi qu’un cédérom avec des textes
parlés, doit guider l’individu dans son apprentissage, réalisé de façon autonome.

Notons encore les noms de quelques autres programmes d’intercompréhension :

- pour les langues romanes : GALATEA, GALANET, VRAL, le forum BABELWEB

- pour les langues germaniques : EuroComGerm, SIGURD, IGLO

- pour les langues slaves : EuroComSlave

Pour finir, j’aimerais encore m’intéresser brièvement à la question de savoir pourquoi cette
didactique n’a pas, pendant assez longtemps, connu les échos favorables qu’elle connaît
aujourd’hui. En effet, on a observé dès la naissance de cette nouvelle didactique une peur chez
les gens qu’une approche comparative ou contrastive de systèmes de langues en contact
engendre des problèmes de « mauvais transfert », comme le pose notamment celui des « faux
amis ». De plus, on n’a guère apprécié que l’intercompréhension ne présente, le plus souvent,
qu’un apprentissage « partiel », c’est-à-dire qu’on ne choisit qu’une ou deux compétences à
développer, généralement les stratégies de réception et de compréhension plutôt que celles de
production. Mais les spécialistes en intercompréhension, pour défendre leur démarche et en
prouver le bien -fondé, renvoient aujourd’hui aux différentes définitions du plurilinguisme,
telles qu’elles sont données dans le Guide ou le Cadre commun de référence, qui, tous les
deux, mettent l’accent sur le fait que la connaissance d’une langue ne relève pas du « tout ou
rien », et que le but est plutôt de développer des compétences diversifiées, selon ses besoins
individuels.

Un autre facteur pour lequel on considère souvent l’intercompréhension comme un principe


didactique très difficile voire impossible à réaliser est le fait qu’on croit que l’enseignant qui
la prend en charge doit forcément être p olyglotte. Or, P. Escudé et P. Janin 79 précisent que ce
dernier ne doit en aucun cas maîtriser toutes les données linguistiques, grammaticales et
phonologiques de l’ensemble des langues en contact, mais qu’il lui suffit de connaître les
méthodologies de l’intercompréhension pour pouvoir guider les élèves dans leurs démarches
79
Le point sur l’intercompréhension, clé du plurilinguisme, CLE INTERNATIONAL, Paris, 2010, p.59
68
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

et hypothèses. Le rôle de l’enseignant se limite donc à fournir des informations pour faire
avancer l’apprenant dans la compréhension et à rectifier les éventuelles fausses pistes.

La méthode de l’intercompréhension me paraît personnellement très intéressante et je suis


convaincue de ses atouts à faire promouvoir le plurilinguisme, mais j’ai décidé de ne pas
approfondir cette piste dans le cadre de ce travail parce que, premièrement, je suis d’avis que
les élèves sélectionnés ne disposent pas encore de bases langagières assez solides en français
pour le comparer à des langues totalement nouvelles pour eux, et dont l’apprentissage n’est
pas prévu par le programme de la 7e . De plus, la méthode de l’intercompréhension, comme
nous venons de le voir, s’applique avant tout aux langues de la même famille et l’allemand et
le français sont des langues trop éloignées l’une de l’autre et ne sont donc guère appropriées à
un tel projet. Finalement, ce programme me paraît avant tout fructueux pour développer des
compétences de réception des apprenants, alors que notre curriculum oblige les enseignants à
garantir un enseignement plus varié, faisant également acquérir aux élèves des compétences
de production.

En revanche, le concept de la didactique intégrée des langues a pleinement captivé mon


attention lors de mes recherches, parce qu’elle propose de nombreuses pistes intéressantes
pour mettre en pratique une pédagogie basée sur le décloisonnement des cours de langues
(allemande et française) dans une classe de 7e O. Intéressons-nous donc maintenant à sa
définition précise ainsi qu’à la notion du transfert, à laquelle elle est forcément couplée.

69
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

b. La didactique intégrée des langues et les phénomènes de transfert

L’idée d’une didactique intégrée des langues est née il y a une dizaine d’années et elle
s’annonce comme le résultat de l’intérêt croissant pour les théories d’acquisition des langues
secondes et encore sur le plurilinguisme. Ce domaine de recherche assez moderne est encore
connu, dans le monde germanophone, sous les termes de « integrative Sprachendidaktik » ou
« integrale Sprachendidaktik ».

i. Principes de la didactique intégrée :

Intéressons-nous d’abord à une définition de la didactique intégrée, dont les principes sont en
accord avec les objectifs linguistiques formulés au niveau européen, que nous avons présentés
dans la première partie. Pour dégager une première définition assez vaste de cette nouvelle
méthode prometteuse, j’aimerais me référer au projet suisse PassePartout devant servir à
réformer l’école suisse, et dans le cadre duquel on a opté pour une mise en pratique d’une soi-
disant « didactique intégrée » pour adapter le système éducatif aux exigences postulées par le
Conseil de l’Europe. Dans le «Lehrplan » de ce projet, on précise l’enjeu et les atouts d’une
telle didactique basée sur le décloisonnement des langues en ces termes : « Bewusstheit für
Sprache und Kulturen zu fördern heißt, Schülerinnen und Schüler anzuregen, über Sprache
nachzudenken, sie zu ermutigen, sprachliche Gesetzmäßigkeiten, Grundmuster und
Strukturen, sprachliche Variationen, Eigenheiten und kulturelle Stereotypen zu erkennen.
Sprachvergleiche führen zu Sprachsensibilisierung und Sprachreflexion […]. Bewusstheit für
Sprache und Kulturen zielt über die Fähigkeit hinaus, sich in konkreten Situationen in der
Zielsprache zu verständigen. Sie hat eine positive Rückwirkung auf die Erstsprache. In der
Lage zu sein, über sprachliche Mechanismen sowie die eigene und anderen Kulturenvielfalt
nachzudenken, fördert eine positive Haltung zur Sprachen - und Kulturvielfalt und führt zum
Abbau von Vorurteilen. Diese Offenheit, gepaart mit Techniken für das Sprachenlernen
(Lernstrategien), legt die Basis für ein lebenslanges selbstständiges Weiterentwickeln des
mehrsprachigen Repertoires.» 80 Nous retrouvons dans cette présentation de nombreuses
parallèles avec les buts définis pour l’éducation plurilingue et pluriculturelle, tels qu’ils sont
formulés dans le Guide ou le Plan d’Action .

80
Citation tirée du Lehrplan élaboré dans le cadre du projet PassePartout, présenté dans la brochure
«Integrierte Sprachendidaktik und Mehrsprachigkeit», Babylonia 4/2009, p.22
70
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

Christine Le Pape Racine précise dans son article « Immersion und integrierte
Sprachendidaktik - Modelle auf dem Weg zur Mehrsprachigkeit81 », qu’il s’agit d’une
didactique qui prévoit un enseignement/apprentissage complémentaire de deux ou plusieurs
langues étrangères, guidé par des enseignants (de langues mais aussi de disciplines non
linguistiques) qui collaborent étroitement. Selon elle, cette coopération ne peut bien
fonctionner que si les enseignants concernés sont toujours informés sur les programmes précis
de leurs collègues, s’ils indiquent précisément à leurs élèves comment réinvestir les
différentes compétences ou stratégies d’apprentissage apprises dans une langue déterminée et
s’ils tâchent de se baser dans leurs cours sur les acquis des apprenants en veillant à toujours
les lier aux nouvelles matières traitées afin de tout relier dans un réseau cohérent. De plus,
selon C. Le Pape Racine, il fau drait adapter les différents curricula de langues les uns aux
autres en fixant des objectifs et des contenus de cours communs ou parallèles.

S. Wokusch propose dans son rapport du colloque suisse organisé en 2008 et regroupant
différentes interventions faites dans le but de déterminer comment introduire l’enseignement
plurilingue et pluriculturel concrètement dans le système éducatif suisse, six principes pour
une didactique intégrée, résumés dans le schéma82 suivant:

81
Immersion und integrierte Sprachendidaktik-Modelle auf dem Weg zur Mehrsprachigkeit,
http://www.irdp.ch/l3/exemple_lepaperacine.pdf
82
Symposium : Mehrsprachigkeitsdidakitk-Didactique intégrée des langues, réf internet, HEP Vaud, 2008, p.20

71
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

Dans le même document, on retrouve un deuxième schéma plus précis de la même experte,
qui présente à peu près les mêmes composantes de la didactique intégrée et que voici :

Une large partie de ces principes faisant partie intégrante de la didactique intégrée des langues
qui sont énumérés dans ces deux schémas ont déjà été exploités dans le présent travail,
comme notamment l’éveil aux langues, l’ouverture aux langues, les aspects pluri- ou
interculturels, la pédagogique des contacts, le développement des compétences fonctionnelles,
le support Portfolio etc., voilà pourquoi je ne vais pas m’y attarder.

La mise en place d’un curriculum diversifié et coordonné me semble un devoir plutôt


politique et en tant qu’enseignant, nous n’avons guère d’influence sur la création de ce
dernier. Je suis pourtant convaincue de l’importance de définir des objectifs et contenus
identiques ou complémentaires pour les différents cours de langues au programme et comme
je l’ai déjà précisé, le Ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle
cherche actuellement des solutions pour garantir une meilleure cohérence horizontale, tâche
pas toujours évidente vu que l’apprentissage des langues en question est introduite à des
moments différents dans les Horaires et Programmes.

72
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

Je ne vais pas non plus approfondir mes réflexions en ce qui concerne le rôle et le profil qui
sont à définir pour chaque langue, ainsi que les modalités de travail définis pour chaque cours
de langue, vu qu’il ne s’agit pas de problèmes concernant directement le décloisonnement des
cours de langues, tel que j’aimerais le réaliser et tel qu’il sera présenté dans la dernière partie
du présent travail, portant sur la mise en pratique.

Pour montrer comment j’ai tenté de garantir une cohérence et une continuité des démarches
proposées aux élèves dans les cours de langues de la 7e O, je vous renvoie à la dernière partie
portant sur la mise en pratique et mettant en lumière ma coopération avec la titulaire du cours
d’allemand de la classe choisie.

Désormais, ce sera avant tout le point 5 du premier schéma, à savoir l’exploitation du


potentiel de transfert des savoir-faire langagiers généraux et des processus de haut niveau, qui
m’intéressera. Le but sera de découvrir de quelle façon je pourrai développer des stratégies de
communication et surtout d’apprentissage efficaces chez les élèves (point 6.), tout en me
basant sur les phénomènes d’alternance de langues.

ii. Les phénomènes du transfert :

De nos jours, le « transfert » est considéré par de nombreux théoriciens comme la base même
des didactiques du plurilinguisme. On trouve de nombreuses définitions du transfert et je me
limiterai à en présenter une en français, une en allemand et une en anglais, qui reprennent
d’ailleurs toutes à peu près les mêmes idées-clés. Raynal et Rieunier, cités par Wokusch,
affirment que « le transfert, qui repose sur une aptitude à la généralisation et une capacité
d’abstraction, est sûrement le phénomène le plus important et le plus mal connu du processus
d’apprentissage. » Selon Rombach, il y a transfert « wenn zwei verschiedene Lernvorgänge
sich gegenseitig beeinflussen » et Cherrington, qui se base sur le contexte plus précis du
transfert lors de l’acquisition d’une langue seconde, le définit comme suit : « Sometimes
referred to as ‘interference’, this is the process whereby the learner transfers features of the

73
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

first language (L1) into the target language (TL) during Second Language Acquisition (SLA).
This may be done either consciously or unconsciously […] »83

Aujourd’hui, nous pouvons admettre que les phénomènes de transfert ont lieu dans tout
apprentissage, même si les langues apprises sont assez éloignées l’une de l’autre. En effet,
c’est à partir des années 60 que l’on a commencé à croire que toutes les langues (maternelles
et non -maternelles) peuvent constituer une potentielle source de transferts et plus tard, l’idée
d’une compétence communicative basée sur les phénomènes de transferts est devenue la base
même de la compétence plurilingue. Les auteurs du livre Do you parlez andere lingue ?-
Fremdsprachen lernen in der Schule84 , précisent par ailleurs que ce sont avant tout les
ressemblances ressenties (« empfundene Nähe » ou « perceived language distance ») entre les
langues qui ont des conséquences sur l’apprentissage, plutôt que les ressemblances ou
divergences linguistiques réelles.

Cummins, auteur de l’hypothèse d’interdépendance, est aujourd’hui reconnu comme un des


théoriciens les plus importants des phénomènes de transfert lors de l’acquisition d’une
nouvelle langue. Selon ce dernier, cet apprentissage est forcément marqué par les
connaissances antérieures déjà acquises et il précise que « the language learner is not
necessarily ‘in between‘ something; rather s/he is in the process of adding new information to
her/his existing conceptual and linguistic systems. The results are qualitative changes in the
original conceptual system and the eventual emergence of a new linguistic system rooted in
the same conceptual system. The two language channels are in constant interaction, and
mutually affect each other through their common underlying conceptual system. »85

Le schéma ci-dessous résume l’idée-clé de la théorie de Cummins:

83
Ces 3 définitions sont citées par Wokusch dans Symposium : Mehrsprachigkeitsdidakitk-Didactique intégrée
des langues, réf internet, HEP Vaud, 2008, p.32
84
Hutterli, Stotz, Zappatore, Do you parlez andere lingue ?- Fremdsprachen lernen in der Schule, Verlag
Pestalozzianum, Zürich, 2008, p. 110
85
Cummins cité dans Symposium : Mehrsprachigkeitsdidakitk-Didactique intégrée des langues, réf internet,
HEP Vaud, 2008, p.29
74
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

Dans le livre Do you parlez andere lingue ?- Fremdsprachen lernen in der Schule, on résume
la théorie centrale de Cummins en ces termes : « Auch wenn Sprachen sich in den
Oberflächenmerkmalen, d.h. in der Aussprache, dem Wortschatz und der Grammatik, deutlich
voneinander unterscheiden, ermöglicht die Existenz einer gemeinsamen Sprachkompetenz86
(„ common underlying proficiency“) die Übertragung der kognitiv -akademischen
Sprachkompetenz von einer auf eine andere Sprache, worunter z.B. das Wissen um die
allgemeinen Strukturen von Texten ebenso wie kognitive Fähigkeiten, z.B. Analysefähigkeit,
fallen » 8 7 .

De Angelis appelle ce processus complexe d’interactions possibles entre différentes langues


« combined CLI » (cross-linguistic influence ou effet translinguistique), qu’elle définit
comme « a type of transfer that occurs when two or more languages interact with one another
and concur in influencing the target language, or whenever one language influences another,
and the already influenced language in turn influences another language in the process of
being acquired. » 88

Les théoriciens Hufeisen et Gibson sont eux aussi convaincus de l’existence de phénomènes
d’interdépendance lors de chaque nouveau processus d’apprentissage et dans leur

86
Cummins différencie entre la compétence cognitive et académique, la CALP (Cognitive Academic Language
Proficiency), et la compétence conversationnelle, appelée BICS (Basic Interpersonal Communicative Skills).
87
Hutterli, Stotz, Zappatore, Do you parlez andere lingue ?- Fremdsprachen lernen in der Schule, Verlag
Pestalozzianum, Zürich, 2008, p. 111
88
C. de Angelis, Third or Additional Language Acquisition, Cromwell Press, 2007, p.49
75
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

« Faktorenmodell », ils précisent les différents facteurs intervenant dans l’apprentissage d’une
nouvelle langue. En étudiant ces schémas8 9 , publiés en 2000, on constate clairement que
chaque nouvelle langue qui vient s’ajouter dans le répertoire linguistique d’un individu
complexifie nettement le processus d’apprentissage. Ainsi, à côté des facteurs intervenant dès
l’apprentissage de la langue maternelle, comme notamment des facteurs neurophysiologiques,
émotionnels ou cognitifs, il y a des facteurs linguistiques des langues apprises antérieurement
(L1 ou L2…) ainsi que les éléments de transfert tels l’« interlanguage » ou le
« codeswitching » qui interviennent parallèlement, rendant tout nouvel apprentissage
nettement plus complexe.

En effet, la théorie de Cummins s’applique exclusivement aux phénomènes de transfert entre


une L1 et L2 et seulement aux transferts au niveau cognitif, mais ses recherches ont été
généralisées depuis. En effet, d’autres théoriciens ont plus tard repris sa théorie pour
l’appliquer à l’apprentissage d’individus multilingues parlant au moins trois langues
différentes. Nous pouvons citer Lasagabaster qui affirme: « If we assume L2 competence to
depend upon the competence achieved in L1, as the Developmental Interdependence
hypothesis would predict, then we may consider the possibility that multilingual learners may
transfer the skills developed in L1 or in any other language to another non -native language. In
other words, if two languages can have an interdependent relationship with each other, i.e. can
influence each other, the same can occur between a second and a third language, or a third and
a fifth language and so forth. The higher the competence attained in the previous languages,
the stronger the likelihood that some influence will occur. » 90

iii. Les domaines du transfert

Intéressons-nous désormais plus précisément aux différents domaines dans lesquels peuvent
avoir lieu des transferts d’une langue à l’autre lors d’un nouvel apprentissage.

Selon Cummins, il y a cinq différents domaines d e transfert :

a. le transfert d’éléments conceptuels ;

89
Hutterli, Stotz, Zappatore, Do you parlez andere lingue ?- Fremdsprachen lernen in der Schule, Verlag
Pestalozzianum, Zürich, 2008, p. 113-116
90
Lasagabaster cité par C. de Angelis, Third or Additional Language Acquisition, Cromwell Press, 2007, p.116
76
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

b. le transfert de stratégies métacognitives au service de la planification, du contrôle


et de l’évaluation de tâches ainsi que de stratégies cognitives ;
c. le transfert d’aspects pragmatiques liés à la communication (p.ex. les gestes) ;
d. le transfert d’éléments linguistiques spécifiques (p.ex. la signification du mot
‘photo’ dans le terme photosynthèse) ;
e. le transfert du savoir phonologique, c’est-à-dire le savoir que les mots sont formés
de différents sons.

Lors du colloque dédié à la didactique intégrée des langues qui a eu lieu fin octobre 2008 en
Suisse, on a distingué les différents domaines de transfert suivants9 1 :

- Transfer von sprachlichen Elementen und Strukturen (zwischen verwandten Sprachen


vor allem);

- Transfer von prozeduralem Wissen (z.B. Lesefähigkeit, die nicht neu entwickelt
werden muss beim Zweit- resp. Drittsprachenerwerb);

- Transfer von Methodenkompetenz (z.B. Umgang mit dem Wörterbuch);

- Transfer von metakognitiven Strategien/Elementen (z.B. Planen von Lernaktivitäten);

- Transfer von Haltungen, Einstellungen, Motivation .

Parallèlement aux transferts concernant des phénomènes linguistiques, différents savoirs et


savoir-faire ainsi qu e des processus cognitifs et métacognitifs énumérés, différents spécialistes
citent encore les possibilités de transfert dans le domaine interculturel.

De Angelis a étudié, en se basant sur les travaux de nombreux spécialistes, les différents
champs linguistiques où l’on peut observer des phénomènes de transfert et elle retient que la
« non-native linguistic influence » est particulièrement visible dans le domaine du lexique
mais peut également être observée dans celui de la phonologie, morphologie ou de la syntaxe.
Elle reste fidèle à la théorie de Cummins en précisant que les stratégies cognitives92 sont elles
aussi transférables d’une langue et l’autre et souligne que, de ce fait, le plurilinguisme

91
Wokusch dans Symposium : Mehrsprachigkeitsdidakitk-Didactique intégrée des langues, HEP Vaud, 2008,
p.29-30
92
Définition de la compétence cognitive : « Ensemble des outils, nécessaires à toute activité mentale, avec
lesquels nous organisons nos expériences, nous nous les représentons, nous les fixons dans notre mémoire,
nous en tirons des leçons, c’est-à-dire nous les généralisons et devenons ainsi capables de mieux comprendre
les expériences suivantes » in « Integrierte Sprachendidaktik und Mehrsprachigkeit», Babylonia 4/2009, p.11
77
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

présente de nombreux avantages. En effet, ces stratégies s’enrichissent avec chaque nouvelle
langue apprise, et facilitent ainsi tout apprentissage ultérieur et le rendent en même temps plus
efficace.

Selon V. Castellotti, « si plusieurs langues font partie, à des titres divers, du « déjà-là » des
apprenants, alors ces derniers ont la possibilité de diversifier les sources et les repères,
peuvent construire des apprentissages au moyen d’ancrages multiples, auxquels ils feront
appel de manière différenciée et sélective en fonction de leur répertoire propre, des contextes
d’appropriation et des objets à traiter. » 93

Notons encore que certains théoriciens, comme par exemple Hammarberg, attribuent à
chacune des langues précédemment acquises un rôle spécifique dans l’apprentissage de la
L3/L4. Ce dernier postule que « la L1 est instrumentale et sert essentiellement à la
métalangue en permettant ainsi la mise en place de comportements pragmatiques et
d’alternances codiques lors des débuts d’appropriation de L3/L4 » alors que la L2 fournit,
selon lui, plutôt « des éléments linguistiques, essentiellement du lexique et des ressources
grammaticales pour l’appropriation de la L3/L4 ; c’est donc le fournisseur externe d’éléments
linguistiques par défaut. » 94

iv. La fonction de régulation des compétences métacognitives

Il est très important de relever que, parallèlement au transfert des stratégies cognitives, ce sont
également les stratégies métacognitives de l’apprenant plurilingue qui sont transférées d’une
langue à l’autre. Ainsi, De Angelis affirme par exemple que: « metalinguistic awareness95 is
likely to be among the most important factors that contribute to increase multilinguals’ ability
to learn languages ».

93
V. Castellotti, D’une langue à d’autres : Pratiques et représentations, Collection Dyalang, Rouen, 2001, p.12
94
Ehrhart,Hélot,Le Nevez, Plurilinguisme et formations des enseignants-Une approche critique, Peter Lang,
Frankfurt am Main, 2010, p. 162-163
95
De Angelis définit la « metalinguistic awareness » comme « a learners’ ability to think of language and of
perceiving language, including the ability to separate meanings and forms, discriminate language components,
identify ambiguity and understand the use of grammatical forms and structures. » , in Third or Additional
Language Acquisition, Cromwell Press, 2007, p.121
78
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

La métacognition, qui permet aux apprenants de surveiller leurs méthodes et leurs


performances, se développe avec chaque nouvel apprentissage et aide donc les individus à
réguler plus efficacement leurs futurs apprentissages.

L’importance du développement des stratégies métacognitives et métalinguistiques est


également soulignée par G. Lüdi qui affirme qu’« il est important de comprendre comment les
acteurs perçoivent, vivent et interprètent les opérations d’apprentissage » 9 6 . Selon lui, « la
conscience métalinguistique, comprise comme le savoir de l’apprenant sur ce que c’est qu’une
langue, comment on apprend des langues, quelles sont les différences de structure entre la
langue cible et les langues déjà comprises dans son répertoire, etc., acquiert une importance
nouvelle. Qui perçoit deux langues de la même famille comme très différentes l’une de l’autre
les abordera tout autrement que celui qui a conscience de leur proximité, avec des
conséquences sur les stratégies et les opérations acquisitionnelles mises en œuvre » 97 .

V. Castellotti confirme cette idée : « Les capacités métalinguistiques des sujets, forgées dans
l’acquisition de la première langue et confortées à chaque étape de l’accès à de nouvelles
langues, acquièrent une dimension fondamentale, une fonction heuristique et fédératrice » 98 .

Hufeisen et Gibson, de leur part, soulignent que chaque nouvel apprentissage aide l’individu à
développer sa soi-disant « Fremdsprachenlernkompetenz », en améliorant ses stratégies
d’apprentissage métacognitives, et Williams et Hammarberg (1998) 99 , dans leurs études sur
l’acquisition d’une L3/L4, ont identifié différents types de traces des langues antérieurement
acquises et concernant directement la métacognition dans le discours oral de l’apprenant
plurilingue, comme notamment des autocorrections et des commentaires sur la tâche.

Un grand avantage lié à l’apprentissage plurilingue relevé est celui que chaque « additional
knowledge also provides more languages in which metalinguistic thoughts can be held » 1 00 , ce
qui laisse donc plus de choix et libertés aux individus pour analyser et s’exprimer sur leur
propre processus d’apprentissage.

96
Coste, Moore, Zarate, Plurilinguisme et apprentissages, Ecole normale supérieure – Lettres et sciences
humaines, Lyon, 2005, p.152
97
Ibid., p.150-151
98
V. Castellotti, D’une langue à d’autres : Pratiques et représentations, Collection Dyalang, Rouen, 2001, p.30
99
Cités dans Ehrhart,Hélot,Le Nevez, Plurilinguisme et formations des enseignants-Une approche critique, Peter
Lang, Frankfurt am Main, 2010, p. 162
100
C. de Angelis, Third or Additional Language Acquisition, Cromwell Press, 2007, p.121
79
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

Finalement, la motivation et l’attitude face aux apprentissages à réaliser, deux autres


domaines liés à la métacognition, jouent aussi leur rôle dans les transferts.

Toutes ces idées nous confirment donc le rôle important que joue la métacognition dans un
processus d’apprentissage, voilà pourquoi l’enseignant devrait absolument prendre en compte
son développement dans ses situations d’enseignement-apprentissage.

v. L’interlangu e

Pour comprendre comment les apprenants passent d’une langue à l’autre, il est encore utile de
s’intéresser au concept de l’« interlanguage », une sorte de grammaire intermédiaire que l’on
se crée lors de tout processus d’apprentissage d’une langue étrangère.

Hutterli, Stotz et Zappatore, dont les idées sont basées sur la « Interlanguagehypothese » de
Selinker publiée en 1972, décrivent ce phénomène dans les termes suivants : « Wird eine
zweite Sprache erworben, greift der Lernende auf das bereits vorhandene Sprachsystem, d.h.
die ihr zugrundeliegenden Regeln und Normen, zurück und leitet davon für die weiteren
Sprachen Regelsysteme ab. Dieses Sprachsystem, die Interlanguage, weist Züge des
Ausgangs- (source language) und der Zielsprache (target language) auf, aber charakterisiert
sich auch durch eigenständige, von diesen Sprachen unabhängige sprachliche Merkmale.
Beeinflusst wird die Bildung dieser Interlanguage, auch Lernergrammatik genannt,
insbesondere durch Strategien und Regelsysteme der entsprechenden Ausgangssprache. […]
Auf der Grundlage des Inputs werden Hypothesen gebildet, die in der Interaktion überprüft
und je nach Richtigkeit in das bestehende Wissen integriert oder revidiert werden.» 101

Selon les experts suisses ayant contribué à la publication du document Symposium


„Mehrsprachigkeitsdidaktik-Didactique intégrée des langues“, « l’interlanguage » est une des
trois composantes essentielles lors de tout apprentissage d’une langue étrangère : « Bei einem
mehrsprachigen Individuum gibt es zunächst die Sprachkompetenz in jeder einzelnen
Sprache; daneben gibt es die intersprachliche Kompetenz, d.h. eine Kompetenz, die es erlaubt,
von einer Sprache zur anderen zu gehen, z.B. über Regularitäten syntaktischer,

101
Hutterli, Stotz, Zappatore, Do you parlez andere lingue ?- Fremdsprachen lernen in der Schule, Verlag
Pestalozzianum, Zürich, 2008, p. 22 et p.40
80
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

morphologischer, phonologischer Art. Dazu kommt die translinguale Kompetenz; sie umfasst
das, was zu allen Sprachkompetenzen gehört, Textkompetenz, Textsortenkompetenz, etc. »1 02

Franz-Joseph Meißner postule que le système linguistique intermédiaire qu’est


« l’interlanguage » matérialise en grande partie la qualité de l’apprentissage des langues, car
elle contient les bases de ce qu’il appelle « die metakognitive Lern - und Erwerbssteuerung »,
connue également sous le terme de « Monitoring » et dont nous venons de relever
l’importance. Ainsi, selon ce dernier, « das didaktische Intersystem muss als der Ort begriffen
werden, an dem Sprachen - und Sprachlernbewußtheit entsteht, deren Vorteile im
Zusammenhang mit der Ausbildung von Lernstrategien und Lerntechniken bzw. dem
autonomen Lernen erörtert werden. Die Zahl und Qualität der im Intersystem verfügbaren
linguistischen und didaktischen Transferbasen entscheiden weitgehend über die Qualität des
erfolgreichen, also den positiven Transfer generierenden und den negativen Transfer
ausschließenden Vergleichens. » 1 03

vi. Transfert positif vs. Transfert négatif

J’aimerais brièvement donner des informations supplémentaires sur la distinction entre ces
deux formes de transferts cités par J.-F. Meißner, les transferts positif et négatif. En effet, on
parle d’un transfert positif « wenn sich die beiden Sprachen in einem grammatischen Bereich
gleichen und der Lerner die Regularitäten übernehmen kann und sich somit ein problemloser
Erwerbsverlauf abzeichnet » et, en revanche, il y a un transfert négatif « wenn die beiden
Sprachen […] für einen bestimmten grammatischen Bereich unterschiedlich sind und der
Lerner die grammatischen Regularitäten der Erstsprache auf die Zweitsprache anwendet. » 10 4

Logiquement, le transfert négatif se manifeste le plus souvent au début d’un apprentissage;


selon Odlin, « in the early stages of acquisition, transfer is often negative as it is the result of a
general strategy to fill knowledge gaps in the target language. In comprehension, on the other
hand, the effects of positive transfer are most typically found at the advanced stages of

102
Symposium : Mehrsprachigkeitsdidakitk-Didactique intégrée des langues, HEP Vaud, 2008, p.29-30,
(http://www.ag.ch/nwedk/shared/dokumente/pdf/bericht_symp_mds_synth.pdf)
103
F.-J. Meißner, Transfer aus der Sicht der Mehrsprachigkeitsdidaktik, p.3, http://www.fernuni-
hagen.de/sprachen/kongress/Abstracts/MeissnerDE.pdf
104
Müller, Kupisch, Schmitz, Cantone, Einführung in die Mehrsprachigkeitsforschung, narr studienbücher,
Tübingen, p.22
81
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

acquisition, when learners are more likely to benefit from their knowledge of other languages,
and of cognate vocabulary in particular. » 10 5

Divers experts ont aussi dégagé l’idée que le type de compétences a une influence sur la
forme du transfert : selon Hufeisen et Gibson10 6 par exemple, ce sont en effet les compétences
de réception (lire/écouter) qui profitent souvent à l’apprentissage de la nouvelle langue, plutôt
que les compétences de production (écrire/parler), qui, elles, risquent plus souvent de mener à
des « transferts négatifs ».

vii. Le transfert positif et la « didaktische Ökonomie »

Si l’apprenant arrive à réaliser des transferts positifs alors son apprentissage se voit nettement
facilité dans le sens où il sera plus rapide. Soutenir les phénomènes de transferts en se basant
sur les pré-acquis des élèves et en les matérialisant concrètement dans les cours est devenu un
devoir pour les enseignants soucieux d’atteindre une soi-disant « didaktische Ökonomie » ou
rentabilité éducative, dont j’ai déjà parlé antérieurement. Le but est donc d’éviter des
répétitions superflues trop abondantes, notamment en se basant sur des savoir-faire identiques
à tout apprentissage de langues et en faisant ressortir le caractère trans- ou intralinguistique de
certains d’entre eux, comme par exemple la connaissance des genres de textes, le résumé des
idées-clé, la formulation d’hypothèses, etc. Pour guider le mieux possible l’élève dans son
apprentissage basé sur les transferts, les différents enseignants de langues se voient contraints
de collaborer étroitement, et devraient aussi utiliser des méthodes similaires.

Pour souligner encore une fois l’importance de permettre aux élèves de profiter de ses
compétences et savoirs déjà acquis, citons B. Hufeisen qui met en évidence les atouts
multiples liés à l’acquisition d’une nouvelle langue pour un individu en ces termes : « Adding
a language is not just a matter of adding knowledge to the mind and defining how this
knowledge is used. Adding languages to the mind brings about an entire range of effects
which can influence the individual’s personal life and learning experience, individual learning
strategies […] and/or knowledge about one’s own learner type » 10 7 .

105
Odlin cité dans C. de Angelis, Third or Additional Language Acquisition, Cromwell Press, 2007, p.33
106
Cenoz, Hufeisen, Jessner, Cross-linguistic influence in third language acquisition: Psycholoinguistic
perspectives, Multilingual Matters Ltd, 2001
107
Hufeisen citée dans C. de Angelis, Third or Additional Language Acquisition, Cromwell Press, 2007, p.137-138
82
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

viii. Le rôle de l’enseignant cherchant à promouvoir les transferts

Pour finir cette troisième partie, j’ aimerais maintenant encore nous intéresser au rôle que
devrait jouer l’enseignant qui cherche à aménager une place à la didactique intégrée dans sa
pratique pédagogique. Tout d’abord, il est sous-entendu qu’on doit soi-même faire preuve
d’une attitude positive face au plurilinguisme et de préférence disposer d’un savoir théorique
concernant ce dernier ainsi que d’un répertoire de langues assez varié .

De plus, les membres du groupe de travail suisse ayant participé au colloque sur la didactique
intégrée, dont les interventions ont été publiées fin 2008, soulignent l’importance d’avoir de
bonnes compétences en introspection ainsi que de l’empathie pour des processus
d’apprentissage difficiles ; il est ainsi par exemple nécessaire de ne pas traiter l’erreur comme
une barrière mais comme un élément constructif nécessaire à l’apprentissage. Afin de rendre
les apprenants plus autonomes, il est en outre nécessaire de leur fournir des feed -back
réguliers qui leur servent à perfectionner leurs stratégies.

Dans le livre Do you parlez andere lingue ?- Fremdsprachen lernen in der Schule, on trouve
une liste de propositions destinées à encourager le transfert ; on les y a résumées sous la
devise « Teach for Transfer »1 08 :

- Verstehendes Lernen, bei dem Texte und Inhalte anhand von Inferenzen und
Elaborationen vertieft verarbeitet werden (d.h. dass Beziehungen und
Zusammenhänge zwischen Informationen und Textteilen hergestellt werden um eine
reiche Bedeutungsstruktur aufzubauen), fördern Transfer eher als einfaches
Auswendiglernen von Informationen und Texten ;

- Wissen, das in unterschiedlichen Kontexten vermittelt wird, wird eher flexibel


transferiert, als Wissen, das nur in einem Kontext vermittelt wurde;

- Anhand von Abstraktions- und Inferenzprozessen entwickeln Lernende ein flexibles


Verständnis, wann, wo, weshalb und wie sie ihr Wissen einsetzen können, um neue
Probleme zu lösen und ihr Lernen zu beschleunigen;

- Transfer bedingt die aktive Wahl und Evaluation von Strategien und Vorgehensweisen
sowie der Ressourcen und Materialien. Es bedingt aber auch Feedback und Austausch ;

108
Hutterli, Stotz, Zappatore, Do you parlez andere lingue ?- Fremdsprachen lernen in der Schule, Verlag
Pestalozzianum, Zürich, 2008, p. 123-124
83
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

- Transfer kann zusätzlich verbessert werden, indem die Lernenden unterstützt werden,
Kontrolle und Verantwortung für ihr eignes Lernen zu übernehmen. Die
Metakognition der Lernenden soll gefördert werden, wodurch sie selbstbewusst
Lernziele definieren und ihren Fortschritt beobachten.

L’enseignant devrait particulièrement bien faire attention aux transferts négatifs, qui
pourraient venir compliquer le processus d’apprentissage. Ce sont notamment les « faux
amis » qui posent un des problèmes d’in terférences les plus dangereux. La confusion entre le
verbe allemand « bekommen » et le verbe anglais « to become » en est révélateur.

Ainsi, il ne suffit pas que l’enseignant se base sur les parallèles ou points communs mais il est
également très important de mettre l’accent sur les divergences entre deux ou plusieurs
langues pour en rendre les apprenants conscients et ne pas les laisser tomber dans ces pièges.
Si l‘enseignant garantit dans sa pratique ce double volet du transfert, elle sera en accord avec
la définition proposée par G. Neuner10 9 , qui affirme que la didactique intégrée « begünstigt
durch den Vergleich der Sprachen die Herausarbeitung von Gemeinsamkeiten, die
Transfermöglichkeiten bieten, aber auch die Bewusstmachung von Unterschieden, die zu
Interferenzen und fehlerhaftem Sprachgebrauch führen können. »

Notons encore que le Portfolio, le support proposé par le Conseil de l’Europe que nous avons
présenté dans la première partie, peut assumer une fonction de passerelle en rendant visible
les possibilités de synergies et de transferts entre les langues.

Il est donc nécessaire que le professeur abandonne la conception selon laquelle il suffit de
développer des compétences langagières dans la langue qu’il enseigne chez les élèves et qu’il
accepte de garantir, en plus, le développement de compétences plurilinguistiques, permettant
un apprentissage plus autonome (dans un contexte scolaire ou extrascolaire) aux apprenants.

Pour bien réussir cette tâche, la collaboration avec d’autres enseignants est primordiale,
comme le souligne S. Wokusch : « Bis heute werden Sprachen oft nebeneinander, isoliert
gelernt; unterrichtet eine Lehrperson nur eine Fremdsprache, weiß sie oft nicht, was die
Lernenden in den anderen Sprachen durchnehmen. In einem mehrsprachigen Ansatz sollen
Verbindungen zwischen Sprachen den Erwerb von Lernstrategien erleichtern (prozedurale

109
G.Neuner cité dans « Integrierte Sprachendidaktik und Mehrsprachigkeit», Babylonia 4/2009, p.15
84
III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes

Ebene), wohingegen die Wahrnehmung von Gemeinsamkeiten auf lexikalischer, morpho-


syntaktischer Ebene den Spracherwerb auf deklarativer Ebene erleichtern sollen » 11 0 .

Il faut donc continuer -au niveau politique- à informer le corps enseignant sur les avantages
liés à cette nouvelle didactique et à les motiver à la mettre en œuvre.

De plus, il est temps de réfléchir à l’élaboration d’un curriculum intégré, qui, selon Elorza et
Munoa, présente les avantages suivants : « An integreted curriculum brings together
complementary facets of the learning processes, while contrasting the specific linguistic
aspects of each language. At the same time it transfers, applies and generalizes what has been
learned in one language to the others. » 111

En outre, chaque établissement devrait faire des efforts pour soutenir le mieux possible la
collaboration entre les enseignants, par exemple en prévoyant des soi-disant
«concertations» hebdomadaires dans les horaires d’enseignants (de langues ou autres) d’une
même classe.

En effet, Wiater, tout comme Le Pape Racine, mettent l’accent sur le fait qu’il faut
absolument garantir une bonne cohérence entre les différents cours de langues ainsi que dans
les curricula pour pouvoir aider les jeunes à construire durablement leurs savoirs et savoir-
faire en leur permettant de se baser dans chaque nouvel apprentissage sur leurs pré-
connaissances encyclopédiques, langagières ou stratégiques.

110
in « Symposium : Mehrsprachigkeitsdidakitk-Didactique intégrée des langues », HEP Vaud, 2008, p.12
111
Elorza et Munoa cités dans Ehrhart,Hélot,Le Nevez, Plurilinguisme et formations des enseignants-Une
approche critique, Peter Lang, Frankfurt am Main, 2010, p. 74
85
86
IV. Le volet pratique

IV. Le volet pratique : Les méthodes expérimentées pour mettre en


œuvre une didactique intégrée en classe de 7e O

Dans cette dernière partie d u travail, j’aimerais présenter les différentes activités pratiques
faisant partie d’une didactique intégrée que nous avons mises en œuvre en classe de 7e O1 du
Sportlycée au cours des deux premiers trimestres de l’année scolaire 2010/2011.

Une bonne partie de ces exercices ont été élaborés en étroite collaboration avec la titulaire
d’allemand de la classe, Mme Claudine Schmit, et les élèves ont été invités à travailler
parallèlement, dans les deux cours, sur un sujet similaire. Lors d’un cours, où les élèves ont
dû réaliser une tâche de production lors de laquelle le recours aux deux langues, l’allemand et
le français, était nécessaire simultanément, nous avons été présentes toutes les deux en classe
pour pouvoir guider le mieux possible les apprenants. Heureusement, nos horaires respectifs
nous ont permis cette possibilité du « team-teaching ».

Par contre, il y avait aussi plusieurs activités qui ont été élaborées et mises en pratique par
moi seule en cours de français exclusivement. Si un enseignant prend la décision de mettre en
œuvre une didactique intégrée dans sa pratique et d’ouvrir son cours à d’autres langues (ou
matières, dans le cas du CLIL/EMILE), il serait bien évidemment idéal de pouvoir compter
sur la coopération d’un ou de plusieurs autres enseignants spécialistes dans la/les langue/s
concernée/s, comme c’était le cas pour moi. Or, je voulais aussi expérimenter dans le cadre de
ce travail s’il n’était pas possible, même sans la participation d’un/d’une collègue d’une autre
langue, d’intégrer quelques activités typiques de la didactique intégrée dans sa pratique afin
de faciliter à ses élèves l’apprentissage parallèle des différentes langues au programme. Je
voulais ainsi montrer aux enseignants ne pouvant pas compter sur la participation d’un
collègue qu’il ne faut pas pour autant abandonner complètement l’idée d’un tel projet, et leur
proposer une série d’activités pouvant être réalisées individuellement pour les encourager à
mettre en pratique un minimum d’exercices de didactique intégrée ou d’ ouverture aux langues
dans leurs cours.

87
IV. Le volet pratique

Le choix des différentes méthodes et activités expérimentées s’explique d’un côté par la
volonté de prendre en compte toutes les compétences langagières (production et
compréhension écrite et orale) et de l’autre côté par le désir de respecter les différentes
composantes de la définition du plurilinguisme donnée par le Conseil de l’Europe (notamment
en ce qui concerne l’aspect très important du pluriculturel) ainsi que les différents aspects
théorisés par les spécialistes de la didactique intégrée, que j’ai présentés dans la partie
précédente de ce travail.

Quelques-unes des activités réalisées en classe sont des exercices que j’ai trouvés dans divers
manuels ou documents consultés, comme par exemple dans Education et ouverture aux
11 2
langues à l’école (EOLE) -volume 2 ou dans l’article « Integrative Sprachdidaktik-
Einige Überlegungen»1 13 de Rita Gelmi, mais la plupart d’entre elles ont été inventées par
Mme Schmit et moi au cours de l’année scolaire. Il était très utile pour moi de pouvoir
recourir à ces documents afin de trouver des idées sur comment mettre en œuvre une
didactique intégrée, dont je n’avais encore jamais entendu parler auparavant, mais en même
temps il était aussi important pour Mme Schmit et moi de rester flexibles et d’expérimenter
toujours de nouvelles activités, pour en sélectionner les mieux adaptées aux besoins de nos
élèves et je pense que cette spontanéité dans notre travail explique en partie son succès auprès
des jeunes. Etant donné que les théories sur la didactique intégrée sont encore assez jeunes, il
existe relativement peu de documentation sur la mise en pratique (excepté pour les activités
d’ouverture aux langues, pour lesquelles nous avons trouvé un bon nombre de références,
mais ces dernières ne correspondaient pas toujours à nos objectifs vu qu’il s’agit plus de
sensibiliser les élèves les plus jeunes à l’existence d’une multitude de langues et de leur
donner le goût d’en découvrir le plus possible, que de les aider concrètement dans leur
processus d’apprentissage de langues étrangères en faisant constamment des parallèles avec
des langues déjà étudiées) et c’est en partant des principes-clé de l’enseignement plurilingue,
que nous avons donc élaboré notre matériel original.

112
C. Balsiger, C.Berger, J.Dufour, L. Gremion, D. De Pietro, E. Zurbriggen, Education et ouverture aux langues à
l’école-volume 2, SG/CIIP, Neuchâtel, 2003
113
Article publié sur le site : http://www.pze.at/memo/download/ge030301.pdf
88
IV. Le volet pratique

Les différentes activités expérimentées peuvent être classées selon les cinq catégories
suivantes : la sensibilisation aux différences entre les langues et les cultures y relatives,
l’enrichissement du vocabulaire en allemand et français, l’étude et l’exploration de textes en
deux langues, les comparaisons linguistiques (grammaticales) et la traduction.

J’aimerais désormais présenter en détail les exercices réalisés en classe dans le cadre de
chacune de ces catégories et chaque présentation sera accompagnée par une analyse réflexive
personnelle ainsi que par une évaluation des élèves, qui ont été invités à s’exprimer sur le
degré d’importance que ces activités présentaient pour eux, avec justification 114 . Ces feed-
back se sont avérés très utiles pour pouvoir évaluer l’efficacité des exercices et savoir
comment les modifier en cas de besoin pour les classes à venir. En outre, je proposerai pour
les différentes catégories encore d’autres exercices supplémentaires pouvant être réalisés en
classe par ceux qui désirent mettre en œuvre une didactique intégrée dans leur enseignement.

A. L’ouverture aux langues : sensibiliser les jeunes aux différences entre


les langues et les cultures

Dans le contexte de ce projet ayant pour but de favoriser le plurilinguisme chez les jeunes
apprenants, il était très important pour nous de réserver une place importante à l’interculturel.
Ce sujet se prête d’ailleurs parfaitement comme matière d’introduction : vu que la classe dans
laquelle nous avons choisi de réaliser ce projet était composée d’élèves inscrits en première
année de lycée, nous avons jugé essentiel d’organiser en début d’année des activités qui leur
permettraient de faire connaissance entre eux , en apprenant plus sur les origines et les loisirs
de leurs nouveaux camarades de classe.

114
voir Annexe 1 p.128
89
IV. Le volet pratique

a. Le rap des langues de ma classe

Etant consciente que quelques élèves (étrangers) peuvent être gênés de parler de leurs origines
et de leur culture devant des gens qu’ils ne connaissent pas bien, j’ai décidé de commencer la
séquence portant sur le pluriculturel par l’écoute d’une chanson célébrant de façon ludique la
richesse de la pluralité culturelle. Il s’agit de la chanson « Le rap des langues de ma
classe » 115 publiée dans le volume 2 du manuel Education et ouverture aux langues à
l’école 1 16 par un groupe d’auteurs suisses. Lors de cet exercice, les élèves ont été amenés à
trouver un maximum de langues utilisées dans ce rap et lors d’une discussion ayant suivi cette
écoute, nous avons parlé de la diversité des langues, de l’apprentissage des langues, de son
importance et de son utilité. Je voulais ainsi créer un espace plurilingue ouvert et motiver
chacun à s’exprimer sur ses expériences personnelles avec diverses cultures, qu’il a acquises
soit lors de voyages soit dans son environnement familier.

Personnellement, je trouve que le choix de cette activité était utile dans la mesure où je
voulais enlever la peur à ceux qui se sentent mal à l’aise de parler des langues et cultures
dominantes dans leur famille en leur montrant grâce à cette chanson très joyeuse l’énorme
chance qu’ont ceux qui disposent d’un répertoire langagier plus riche, pour les encourager
ainsi à partager leurs expériences personnelles avec tout le groupe.

Or, en lisant les évaluations1 17 que les jeunes ont dû faire rétrospectivement sur toutes les
activités réalisées dans le cadre de notre projet, avant les vacances de Pâques, je me suis rendu
compte que pour la plupart des élèves, cette chanson ne présentait pas de véritable intérêt
pédagogique. Ainsi, j’étais un peu surprise de lire que plus que la moitié des élèves ont évalué
l’importance de cet exercice par le niveau 1 ou 2 sur 5 (les moins utiles donc) et la plupart
d’entre eux ont indiqué comme justification que cette chanson ne les a pas aidés à vraiment
apprendre quelque chose dans une langue mais que c’était quand même « assez rigolo ».
Selon moi, il est tout à fait compréhensible et louable que les jeunes souhaitent « apprendre
quelque chose de nouveau » à l’école mais en même temps, il est assez regrettable qu’ils
n’aient pas apprécié plus ce message très positif du respect mutuel et du fait que la différence
constitue en effet une énorme richesse - ce rap présente une véritable ode au plurilinguisme.

115
Voir annexe 2 p.130
116
C. Balsiger, C.Berger, J.Dufour, L. Gremion, D. De Pietro, E. Zurbriggen, Education et ouverture aux langues à
l’école-volume 2, SG/CIIP, Neuchâtel, 2003, p.55
117
Voir annexe 3 p.131
90
IV. Le volet pratique

b. Moi et mes langues :

i. Les fiches d’information

Après cette entrée en matière plus ludique, j’ai demandé aux 22 élèves de remplir une fiche
intitulée « Moi et mes langues » 118 sur laquelle ils devaient donner des informations sur les 5
points suivants :

- Les langues qu’ils utilisent pour communiquer avec leurs proches

- Leurs expériences faites avec d’autres langues et cultures

- Les langues/cultures qui les ont fascinés le plus jusqu’à maintenant

- Leurs projets pour l’avenir (concernant l’apprentissage de langues)

- Leurs habitudes de lecture/leur contact avec les médias

Grâce à cette tâche, je souhaitais pousser les jeunes apprenants à réfléchir à la variété de
langues et de cultures avec lesquelles ils sont déjà entrés en contact, pour qu’ils prennent
conscience de la richesse du répertoire pluriculturel dont ils disposent déjà. En même temps,
je souhaitais contribuer à ce qu’ils développent un goût pour d’autres cultures, pour créer en
eux une envie d’apprendre de nouvelles langues. Comme l’atteinte d’un but est difficilement
réalisable si on n’y voit pas de raison apparente, je leur ai de plus demandé de préciser à
chaque fois quels seraient les apports liés à l’apprentissage de telle ou telle langue pour leur
vie personnelle. Il était intéressant de voir que la plupart d’entre eux ont cité l’anglais et
l’espagnol comme langues qu’ils aimeraient apprendre prochainement, ce qui nous montre
qu’ils sont déjà conscients du caractère mondial de ces deux langues.

En outre, cet exercice était utile pour moi pour déterminer dès le début de l’année scolaire qui
est en contact régulier avec la langue que j’enseigne, voilà pourquoi je les ai également
interrogés sur leurs habitudes de lecture et leur contact avec les médias (télévision, Internet,
radio,…). Lors de la mise en commun, j’ai profité de l’occasion pour rendre les apprenants
conscients de l’importance de pratiquer régulièrement une langue -aussi dans le milieu
extrascolaire- pour pouvoir avancer dans son apprentissage.

118
Voir annexe 4 p.132
91
IV. Le volet pratique

ii. La création d’affiches

Dans un deuxième temps, j’ai demandé à la classe de créer des affiches A3 119 sur lesquelles
ils devaient coller des photos pour représenter leur pratique quotidienne de diverses langues.
Ainsi, chaque élève devait choisir une photo de lui-même qui était à coller au milieu de
l’affiche, et ensuite entourer celle-ci par plusieurs autres photos, qui montrent des personnes
(famille, amis, entraîneurs…) avec qui ils communiquent régulièrement ou qui représentent
des situations particulières dans lesquelles ils utilisent des langues étrangères (dans les
magasins, à l’école, à l’entraînement,...).

Ensuite, chacun était invité à présenter son affiche à la classe, en décrivant brièvement son
choix de photos et en parlant de sa famille, de ses voyages ou de ses loisirs. En outre, j’ai
profité de cette occasion pour poser quelques questions sur les fiches « Moi et mes langues »
remplies préalablement et ces informations nous ont souvent menés à des discussions en
grand groupe, sur les langues en général, par exemple sur les dialectes, les voyages, le rôle de
l’anglais dans notre société, etc.

Après chaque présentation, j’ai veillé à donner des commentaires toujours positifs, et j’ai
tâché de faire de mon mieux pour encourager leur motivation d’apprendre d’autres langues et
pour leur faire réaliser que c’est une véritable chance de pouvoir communiquer, même si c’est
de façon très sommaire, avec des gens d’autres cultures.

Quand tous les élèves étaient passés, nous avons accroché ces affiches dans la salle de classe,
où elles se trouvent toujours.

Personnellement, j’ai gardé un souvenir très positif de ces deux activités réalisées tout au
début de l’année et je pense qu’elles ont contribué à instaurer la bonne ambiance générale
dans la classe, caractérisée pour la plupart du temps par un respect mutuel. C’est une façon
ludique et fructueuse pour permettre aux élèves de mieux faire connaissance entre eux, mais
aussi pour le professeur qui peut ainsi déterminer dès le début de l’année quel rôle joue la
langue enseignée dans le quotidien des apprenants. D’autant plus, les différentes questions
étaient posées de façon à ce qu’elles poussent les élèves à se fixer de nouveaux buts
concernant l’apprentissage des langues et à se rendre compte des avantages que ces

119
Voir annexe 5 p.138
92
IV. Le volet pratique

apprentissages constituent pour leur vie personnelle, et , comme nous l’avons précisé
antérieurement, ces réflexions métacognitives sont essentielles pour motiver les apprenants à
s’engager le mieux possible dans leur apprentissage de langues. J’étais aussi très
agréablement surprise de voir avec quelle aisance la majorité des élèves se sont exprimés sur
leurs expériences personnelles devant les autres et je suis déterminée à répéter cet exercice
réservant une grande place au pluriculturel, cette forme originale de « biographie langagière »,
dans les années à venir.

L’avis des élèves 12 0 confirme largement la réussite de cette activ ité : à une exception près,
tout le monde a évalué l’importance de celle-ci au niveau 4 ou 5. La plupart ont indiqué
comme points positifs le fait que cela leur a permis de mieux connaître leurs nouveaux
camarades de classe, de se présenter, de parler librement devant la classe et de surmonter ainsi
leur peur ou timidité. Le seul élève qui a coché le niveau 1 a ajouté comme justification qu’il
n’a pas apprécié cet exercice vu qu’il se sentait mal à l’aise de montrer des photos de sa
famille à des gens qu’il ne connaissait pas encore. Il est très important de se rendre compte en
tant qu’enseignant que ce n’est pas facile pour chacun de révéler des informations si
personnelles à d’autres et si jamais il y a quelqu’un qui ne veut pas créer une telle affiche avec
des photos de son entourage, je pense qu’il faut l’accepter et lui donner la possibilité de
réaliser ce travail avec des images trouvées dans des magazines ou sur Internet, pour
représenter symboliquement les différents domaines en question (comme par exemple l’élève
dont l’affiche est représentée en premier dans l’annexe 5).

Finalement, j’aimerais encore proposer deux activités parmi de nombreuses autres que l’on
aurait pu réaliser dans le contexte de cette séquence d’ouverture aux langues : à partir de la
chanson étudiée, il serait envisageable d’étudier avec la classe un mot particulier, comme par
exemple « Bonjour » ou « Merci » en une quinzaine de langues (européennes ou autres) ou
encore d’organiser une séance sur les différentes familles de langues dominantes en Europe
ou ailleurs (langues romanes, germaniques, …), que l’on pourrait aussi représenter
schématiquement sur une affiche à accrocher dans la salle de classe.

120
Voir annexe 6 p.141
93
IV. Le volet pratique

c. L’étude de différences culturelles à partir de séquences vidéo

Au cours du deuxième trimestre, j’ai voulu approfondir l’étude de l’interculturel dans le cadre
de mon projet et pour atteindre ce but, j’ai décidé d’avoir recours à diverses séquences-vidéo
que j’ai trouvées sur le site Internet de la chaîne de télévision franco -allemande ARTE, qui
propose chaque dimanche une émission centrée sur les différences et ressemblances entre les
langues et les cultures allemande et française et dont le nom est Karambolage. Arte publie
chaque semaine les vidéos montrées lors de cette émission sur Internet où elles restent
accessibles pendant plusieurs semaines, proposant ainsi une base de données fantastique aux
enseignants voulant thématiser ces sujets interculturels avec leurs élèves.

Les différentes activités faites dans ce contexte ont à chaque fois été réalisées avec la moitié
de la classe (le programme prévoit 5 1/5 leçons de français par semaine et lors d’une leçon par
semaine, la classe est partagée en deux groupes, les uns fréquentant le cours de français et les
autres le cours de sciences naturelles), c’est-à-dire avec 11 élèves.

i. Les devinett es : lutter contre les stéréotypes

Au premier groupe, j’ai montré 5 différentes « devinettes » de l’émission Karambolage : il


s’agit d’une sorte de jeu où on montre aux spectateurs une petite vidéo représentant une scène
quotidienne (au marché, dans le métro, dans un bar…) de 2 minutes environ. Ces vidéos sont
montrées sans son et il s’agit de déterminer si elles ont été tournées en Allemagne ou en
France. En effet, il y a chaque fois un seul indice, souvent bien dissimulé, qui permet de
trouver la bonne réponse.

Souvent, il était assez difficile pour moi-même de savoir dans quel pays les scènes avaient été
filmées et mon but n’était pas du tout d’évaluer les connaissances culturelles des jeunes
apprenants. Ce qui m’intéressait, c’était d’analyser les raisonnements utilisés par les élèves
pour déterminer si la vidéo avait été tournée en France ou en Allemagne. Ainsi, je leur ai
distribué une fiche sur laquelle ils devaient indiquer pour chaque vidéo le pays choisi ainsi
que la justification de leur choix. Bien évidemment, le but principal était de faire dégager leur
représentation de ces deux cultures pour enchaîner ensuite avec une discussion sur les
stéréotypes ou clichés.

94
IV. Le volet pratique

Cet objectif a été très facilement atteint : en entendant (et en lisant ultérieurement) les
réponses des élèves 121 , il en est sortie très clairement l’image que les différents apprenants se
font de nos deux pays voisins. Ainsi, il n’était pas rare de les entendre expliquer que les
endroits ou les personnes filmés avaient l’air « typiquement français » ou « typiquement
allemand s ». J’ai profité de chaque occasion pour approfondir ces réflexions avec les élèves et
pour finir la leçon, j’ai demandé aux 11 élèves de noter quelques stéréotypes sur différentes
cultures européennes sur une feuille 12 2 .

Les discussions sur ces clichés ont bien amusé tous les élèves et j’avais l’impression qu’ils ne
réalisaient pas bien le danger de généralisations que présentent ces stéréotypes. Mais je pense
pouvoir affirmer que, après notre cours, chacun a retenu qu’il ne faut jamais prétendre que
« TOUS les Italiens font ceci ou cela » ou que « TOUS les Belges sont comme ceci ou comme
cela… » !

ii. Les différences comportementales : Comment offrir des fleurs en Allemagne et en


France ?

Avec le 2e groupe d’élèves, j’ai regardé un petit reportage montré dans l’émission
Karambolage du 20 février 2011, qui nous expliquait les deux manières différentes d’offrir un
bouquet de fleurs des deux côtés du Rhin. Après avoir discuté de cette différence culturelle
particulière, j’ai demandé aux élèves de rechercher d’autres différences entre les culturelles
(européennes ou autres) qu’ils ont déjà pu observer, avant de les présenter lors d’une mise en
commun. J’étais surprise de voir la quantité d’observations que les élèves voulaient partager
avec leurs camarades : il semble qu’ils sont déjà très sensibles, lors de séjours à l’étranger,
aux différentes mœurs et habitudes des cultures avec lesquelles ils entrent en contact. Les
sujets les plus communs dont nous avons discuté en grand groupe étaient les diverses façons
de dire bonjour à quelqu’un et les habitudes alimentaires.

121
Voir annexe 7 p.142
122
Voir annexe 8 p.145
95
IV. Le volet pratique

iii. Comment les animaux crient en France et en Allemagne – les onomatopées

Pour clore cette séquence de façon ludique, nous avons regardé quelques courtes vidéos,
également publiées sur le site www.arte.tv où les reporters de l’émission Karambolage
demandent à des gens, en France et en Allemagne, d’imiter les cris de divers animaux. Nous
avons ainsi pu comparer facilement ces onomatopées allemandes et françaises et cette activité
nous a permis de voir que les transcriptions phonétiques de bruits similaires varie, parfois
assez nettement, selon les deux langues123 . Ce détour par les onomatopées nous a permis de
revenir sur les différences entre les langues, après avoir insisté assez longuement sur la
richesse des différences culturelles en Europe.

Les feed -back des élèves 124 sur ces activités en relation avec les différences culturelles étaient
largement positifs, l’intégralité de la classe a évalué l’importance de cet exercice à un niveau
égal ou supérieur à 3. La plupart ont expliqué qu’ils jugent intéressant et utile d’analyser les
différences culturelles entre nos deux pays voisins, si proches géographiquement mais quand
même différents au niveau culturel.

Personnellement, je suis d’avis que ces exercices liés à l’interculturel sont très importants.
Nous avons vu antérieurement que la Division des politiques linguistiques du Conseil de
l’Europe met clairement l’accent sur le fait que la composante pluriculturelle doit faire partie
intégrante de toute éducation plurilingue parce que cette dernière, répétons-le, « permet de
garantir une coopération bienveillante réciproque entre interlocuteurs de groupes
125
différents. »

Ainsi, je pense que l’éducation aux différences culturelles et à l’altérité doit occuper une place
importante dans tout système d’enseignement-apprentissage et j’espère que j’ai pu contribuer,
en jouant à une sorte de « médiateur culturel » à apprendre aux élèves qu’il faut éviter les
préjugés envers une culture et leur montrer qu’il faut également être sensibles aux
malentendus qu’il peut y avoir d’une culture à l’autre. En gros, en mettant les jeunes

123
Voir annexe 9 p.147
124
Voir annexe 10 p.148
125
Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe, Conseil de l’Europe-Division des
Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007, p.77
96
IV. Le volet pratique

apprenants dans la position d’un observateur extérieur, je voulais créer chez eux une
distanciation critique et les pousser à neutraliser leurs représentations sur les autres en se
décentrant par rapport à leur propre culture d’appartenance, pour se montrer ainsi (plus)
ouverts vis-à -vis d’autres cultures et pour respecter celles-ci.

En ayant la possibilité de confronter deux ou plusieurs cultures entre elles, les élèves vont être
amenés plus facilement à devenir sensibles à ces différences, que s’ils devaient le faire de
façon autonome, voilà pourquoi l’étude des dimensions interculturelle et pluriculturelle
devraient avoir leur place fixe dans les Horaires et Programmes, selon moi.

Dans le contexte de l’étude des différences culturelles, on pourrait bien évidemment encore
traiter d’innombrables autres différentes coutumes quotidiennes pour lesquelles on observe
des différences d’un pays à l’autre. On pourrait ainsi par exemple étudier les cadeaux qu’on
offre traditionnellement si on est invité, les réactions face aux retards, etc.

En outre, les enseignants pourraient faire avec leurs élèves diverses études comparatives
ciblées, comme par exemple sur l’organisation des différents systèmes scolaires étrangers (le
nombre d’années d’études, le choix des filières, les matières au programme, les langues
d’enseignement,…).

Une autre option serait de comparer des publicités sur un objet particulier (p.ex. des voitures)
pour analyser et comparer les différentes stratégies empruntées par les agents des différents
pays pour vendre leur produit, pour dégager ensuite ce qu’elles peuvent nous révéler sur les
aspects culturels des pays en question.

97
IV. Le volet pratique

B. Comprendre et accepter que chaque langue a son propre


fonctionnement – le travail sur le vocabulaire

Au cours de l’année scolaire, Mme Schmit et moi avons également jugé utile de proposer à
nos élèves des activités durant lesquelles ils sont amenés à réaliser que chaque système
linguistique possède son propre fonctionnement et qu’il n’est pas possible, pour cette raison,
de transposer aveuglément ses connaissances d’une langue dans une autre. En effet, dans les
productions écrites en français des Luxembourgeois, les enseignants découvrent
régulièrement des erreurs d’expression du es à des traductions ‘mot-à-mot’ du luxembourgeois
(ou de l’allemand ). Pour pouvoir remédier à cette faiblesse et montrer aux élèves que chaque
langue dispose d’une large autonomie et qu’il y a de nombreuses différences quant à la
manière dont est organisé le lexique, le choix du genre, etc., nous avons décidé de réaliser les
deux activités suivantes : la création d’un soi-disant « Bilderlexikon » et l’étude de plusieurs
proverbes idiomatiques.

a. Notre « Bilderlexikon » :

Pour pouvoir motiver le mieux possible les élèves pour cette étude centrée sur les différences
fondamentales entre l’allemand et le français, nous avons décidé d’ancrer cette leçon dans un
contexte concret et susceptible d’éveiller la curiosité des élèves, voilà pourquoi nous avons
choisi comme sujet « la classe de neige ». En effet, notre classe est partie une semaine, début
février 2011, dans les Alpes du Sud pour y faire du ski.

Sachant qu’ils attendaient le départ avec impatience, nous avons profité de ce moment pour
réaliser cette activité de vocabulaire et de comparaison du fonctionnement des langues. En
même temps, c’était une préparation idéale à leur séjour en France vu qu’ils étaient amenés à
réfléchir aux expériences qu’ils allaient faire bientôt là-bas et en même temps, nous les avons
aidés à prendre connaissance d’une partie du vocabulaire nécessaire pour communiquer avec
les gens là-bas (leurs moniteurs, des jeunes d’autres écoles séjournant dans le même centre
UCPA,…). En outre, cette leçon donnée en team -teaching nous a permis de surveiller de près
si les élèves sont capables de travailler avec un dictionnaire (sur papier ou sur Internet) et
d’intervenir à ce niveau-là en cas de besoin.

98
IV. Le volet pratique

Nous avons divisé la classe en quatre grands groupes de 5 ou 6 et chaque élève devait à la
maison chercher et rassembler des images trouvées dans des magazines, des journaux ou sur
Internet représentant des éléments de sa catégorie :

- Les métiers dans un village montagnard ,

- Les activités sportives dans les montagnes (été/hiver) et le matériel

- La nature dans les montagnes (arbres, fleurs, animaux…)

- La vie quotidienne : vêtements typiques, plats traditionnels, types de logement, etc.

Les élèves disposaient de deux heures de cours pour sélectionner en grand groupe les images
qu’ils voulaient retenir pour leur affiche, pour rechercher le vocabulaire (en cas de besoin), et
pour finaliser leurs affiches (collage et inscription des termes en deux langues). Pendant ces
100 minutes Mme Schmit et moi étions présentes en classe pour guider les élèves dans leur
travail, répondre à leurs questions et surveiller avant tout le travail avec le dictionnaire.

Une fois que la création des affiches étaient finie, nous avons divisé la classe en deux grands
groupes et chaque enseignante travaillait plus précisément avec son groupe sur deux affiches
pour analyser ensemble quelles sont les différences majeures observées entre les deux
langues. Les différents commentaires ont ensuite été notés au tableau. L’attention a été portée
entre autres sur le fait que l’allemand est une langue à 3 genres et le français une langue à
deux genres uniquement, et que la répartition entre féminin et masculin est totalement
arbitraire et peut varier d’une langue à une autre. Ces constats n’étaient évidemment pas
nouveaux pour les élèves mais je pense qu’il est important de les thématiser avec ces jeunes
apprenants pour les rendre une fois de plus conscients qu’ils ne peuvent pas opérer des
transferts du luxembourgeois en allemand ou en français de façon aveugle.

Pour finir, nous avons accroché les affiches 12 6 dans les couloirs de l’école et nous avons prié
les enseignants des deux autres classes de 7e , ayant aussi participé à la classe de neige, d’aller
les étudier comme exercice de préparation avant le départ pour la France.

126
Voir annexe 11 p.149
99
IV. Le volet pratique

b. L’étude de proverbes idiomatiques

Pour approfondir cette séquence centrée sur la confrontation du fonctionnement des langues
allemande et française, j’ai pris la décision de travailler avec la classe sur quelques proverbes
idiomatiques pour leur faire réaliser les différences lexicales qui peuvent exister d’une langue
à une autre. L’expérience m’a montré que les élèves se montrent de façon générale motivés à
apprendre des proverbes et au moment où j’ai trouvé le livre Les Idiomatics (français-
allemand) dans lequel Nestor Salas propose un dessin révélateur pour chaque expression
idiomatique pour les deux langues, j’étais convaincue que ce serait une autre activité très utile
pour montrer aux élèves l’autonomie dans le fonctionnement de chaque langue.

L’exercice consiste à faire découvrir, à travers la comparaison de proverbes et de locutions


imagées en allemand et français, les points de divergence et de convergence entre l’expression
d’une même idée dans les deux langues et de faire reconnaître que les langues ne se traduisent
généralement pas terme à terme. Je souhaitais ainsi que les élèves se rendent encore une fois
compte du contexte culturel lié à chaque langue.

Dans le livre cité sont proposés une quarantaine de proverbes, dont j’ai sélectionné les 12 que
je jugeais le plus adaptés à l’âge des élèves et pour lesquels je pouvais m’imaginer qu’ils
allaient pouvoir les réutiliser dans leurs productions. J’ai collé ces 12 dessins en 6 couples sur
une feuille 127 présentant dans la colonne gauche l’image correspondant au proverbe allemand
et dans la colonne droite son équivalent français.

Au début, j’avais demandé aux élèves de travailler en groupes de 4 pour trouver un maximum
de proverbes (en allemand ou français) à partir des images distribuées mais comme j’ai
constaté assez rapidement qu’ils étaient en grande difficulté face à cet exercice, j’ai
interrompu ce travail en petits groupes pour réaliser l’activité en grand groupe. En effet,
j’avais surestimé le niveau d’allemand des élèves et ce n’est qu’après coup que je me suis
vraiment rendu compte de la difficulté de cet exercice qui demande une très bonne maîtrise
d’une langue vu qu’il est basé sur l’interprétation métaphorique.

Pour chaque expression, nous avons ensuite cherché un contexte concret dans lequel on
pourrait l’utiliser et nous avons discuté des différentes images utilisées pour suggérer la même
situation, travail lors duquel les élèves ont proposé de nombreuses hypothèses intéressantes.

127
Voir annexe 12 p.153
100
IV. Le volet pratique

J’ai ensuite demandé aux élèves de mémoriser ces proverbes pour le cours suivant, où j’ai
organisé une sorte de jeu pour consolider leurs connaissances. Pendant ce cours, chacun a
obtenu une image représentant un proverbe français et il y avait toujours deux élèves qui
avaient le même dessin. Moi-même, je tenais en mains les images correspondant aux
expressions allemandes et à chaque fois que je montrais une image, les deux élèves ayant
devant eux l’équivalent français devaient se lever et montrer leur dessin. Le plus rapide a
alors reçu une petite récompense.

Les avis des élèves concernant ces deux activités sont assez divergents : la plupart12 8 ont
beaucoup apprécié la création d’affiches avec le vocabulaire relatif à la vie dans les
montagnes mais la raison principale indiquée est avant tout la collaboration avec les autres
lors d u travail en groupe. Certains affirment l’avoir apprécié parce que cela leur a servi à se
sentir mieux préparés à leur séjour en France mais d’autres regrettent qu’il s’agisse de mots
qu’ils ne peuvent pas réutiliser souvent dans leur quotidien. La même remarque vaut
d’ailleurs aussi pour l’étude des proverbes où les avis sont partagés129 . Ceux qui ont aimé
l’activité ont justifié leur choix en précisant que l’exercice de comparaison était amusant et
que cela leur permettrait d’écrire de meilleures rédactions et un tiers de la classe a remarqué
que cela n’était pas très utile vu qu’il s’agit d’expressio ns qu’ils n’utilisent presque jamais et
qu’ils vont vite oublier.

Personnellement, je pense que ces deux activités étaient surtout utiles pour clarifier quelques
aspects méthodologiques, comme par exemple contrôler si les élèves savent se servir d’un
dictionnaire (le fait que nous avons été à deux en classe a beaucoup facilité ce travail) ou pour
expliquer le fonctionnement d’un travail en groupes aux jeunes apprenants. Concernant
l’objectif fixé, c’est-à-dire faire réaliser aux élèves qu’il y a de nettes différences dans le
fonctionnement de chaque langue, je pense qu’on ne peut que provoquer une prise de
conscience chez eux de l’existence de ces différences. De toute façon, l’efficacité de cet
exercice sera toujours limitée dans la mesure où cela ne leur permettra pas véritablement
d’éviter cette source d’erreurs à l’avenir, vu qu’il s’agit d’une matière à apprendre
simplement. Peut-être cela ne les a-t-il pas plus marqués parce qu’ils savent depuis longtemps
128
Voir annexe 13 p.157
129
Voir annexe 14 p.158
101
IV. Le volet pratique

que le français ne fonctionne pas comme l’allemand, par exemple qu’il y a de nombreuses
différences concernant le genre des mots. Pour éviter les reproches de certains élèves qui
jugeaient l’activité peu utile vu qu’il s’agit de mots dont ils ne peuvent pas se servir souvent
(ce que je juge injustifié dans le cas précis où ils ont appris le vocabulaire relatif à la vie en
montagne, juste avant le départ en classe de neige), une alternative serait de leur demander de
présenter chacun son sport avec toutes ses composantes (matériel, lieux de pratique…), ce qui
serait aussi une bonne façon pour présenter ses loisirs aux camarades de classe au début de
l’année.

Rétrospectivement, je me demande si l’exercice assez difficile avec les expressions


idiomatiques ne connaîtra pas un plus grand succès dans une classe plus avancée (5e ). Avec
une classe d’un tel niveau, où on enseigne déjà l’anglais, on pourrait également prévoir des
exercices portant sur les emprunts et notamment le franglais.

Même si ces activités n’ont pas connu un succès généralisé, je les juge quand même essentiels
pour montrer aux élèves que les différences ou ressemblances entre les langues proviennent
de différences et de ressemblances entre cultures et surtout pour les sensibiliser au fait que
lors du passage d’une langue à une autre, il ne suffit pas toujours de traduire mot à mot pour
accéder au sens. Ainsi, je pense que nous avons contribué à éviter les soi-disant « faux amis »
et rendu les élèves attentifs aux dangers liés aux transferts négatifs.

102
IV. Le volet pratique

C. L’exploration de textes en deux langues

Toute une série de nos activités de didactique intégrée étaient basées sur l’étude de textes en
deux langues. Ce domaine offre de nombreuses possibilités pour aider les élèves à mieux
comprendre les textes explorés en travaillant parallèlement dans les deux cours de langues sur
la même matière. En outre, ce travail de collaboration évite une perte de temps parce que les
élèves travaillent en un seul cours sur des aspects qu’ils peuvent ensuite transposer facilement
dans un autre cours de langue vu qu’il s’agit de faits très similaires voire identiques qui ne
changent guère d’une langue à l’autre, comme notamment les différentes caractéristiques d’un
genre déterminé, ou alors de compétences d’analyse translinguistiques. En collaborant
étroitement, les enseignants évitent de faire répéter aux apprenants des éléments qu’ils ont
déjà traités dans d’autres cours et garantissent ainsi, en revanche, les transferts positifs et ainsi
la mise en place d’une « didaktische Ökonomie ».

J’aimerais désormais présenter les deux activités majeures liées à l’exploration de textes
mises en œuvre au cours des deux premiers trimestres ; la première, basée sur la découverte
des cinq types de textes principaux, est une option intéressante pour les enseignants ne
pouvant pas compter sur la collaboration d’un autre professeur de langues et la deuxième, la
séquence centrée sur l’étude de contes, montre comment une étroite collaboration permet de
progresser de façon rapide et efficace avec les élèves.

a. La découverte des cinq types de textes

En début d’année, il m’a semblé important de voir avec les élèves les différents types de
textes qu’ils allaient pouvoir rencontrer au cours de leurs études, comme matière
d’introduction aux cours de lecture. L’analyse des types de texte est d’ailleurs prévue par les
Horaires et Programmes. Etant donné que Mme Schmit préférait commencer un peu plus tard
avec les activités liées à la compréhension de textes, j’ai décidé de mettre en œuvre ce cours
toute seule, en travaillant quand même parallèlement sur des textes allemands et français.
L’objectif était de faire découvrir aux élèves les 5 types de textes (texte descriptif, texte
injonctif, texte argumentatif, texte narratif, et texte explicatif) en deux langues et d’en dégager
les caractéristiques principales.

103
IV. Le volet pratique

Pendant la phase de préparation, il s’agissait de trouver un extrait d’un texte allemand et d’un
texte français correspondant aux cinq types étudiés. Même si on ne dispose pas de matériel
didactique utilisable dans une autre langue chez soi, il est facile, pour cette activité, de lancer
des recherches sur Internet pour trouver du matériel. Une fois que j’avais trouvé un exemple
dans les deux langues pour les cinq types, j’ai préparé des enveloppes contenant chacune ces
10 extraits de textes1 30 .

Lors du cours, j’ai distribué à chacun des 11 groupes binaires une telle enveloppe et je leur ai
demandé de classer ces 10 textes en 5 couples de façon à ce qu’il y ait toujours un texte
français et un texte allemand correspondant. Après avoir précisé que le contenu du texte ne
devrait pas influencer leur choix, je les ai laissé faire leur activité de tri de façon autonome et
j’ai circulé dans la classe pour demander à chaque petit groupe de me justifier le choix à l’oral
une fois la décision prise. J’étais très surprise du degré de réussite de cet exercice assez
difficile ; la plupart des groupes ont assez vite su dégager les parallèles et rassembler les bons
textes (le plus souvent après une première tentative erronée).

Dans une prochaine étape, nous avons résumé en grand groupe les caractéristiques principales
dans un tableau récapitulatif 13 1 . Les explications ont été notées seulement en français mais
j’aurais très bien pu les y inscrire dans les deux langues. Or, l’intégration du titre du texte
allemand m’a semblé suffisante, d’autant plus que ni l’enseignante d’allemand ni moi ne
comptions par après approfondir cette « théorie » qui ne devait pas prendre plus que les 2
heures de cours d’introduction à la lecture.

Comme déjà précisé, le grand avantage de cette activité est qu’on peut la réaliser facilement
tout seul, même si ce serait bien de pouvoir compter sur l’aide de l’autre titulaire, notamment
pour choisir les textes utilisés lors de la phase de préparation . Mais les exercices mis en œuvre
en classe se font sans aucun problème de façon individuelle. Mme Schmit a simplement
décidé, lors de son premier cours de lecture, de faire un rappel des caractéristiques-clé des
cinq types de textes, ce qui lui a donné l’occasion de réviser les caractéristiques en allemand
et de donner des informations supplémentaires, si nécessaire.

Je n’ai pas récolté les impressions des élèves concernant cette activité mais personnellement,
je trouvais que c’était une méthode très intéressante pour combiner les deux langues dans un

130
Voir annexe 15 p.159
131
Voir annexe 16 p.163
104
IV. Le volet pratique

seul cours, et mis à part les quelques difficultés initiales rencontrées pour trouver des textes
allemands adaptés lors de la phase de préparation, je peux affirmer que l’activité s’est
déroulée de façon très positive.

Le type de texte qui allait nous occuper plus précisément par la suite et qui nous a servi de
base pour la mise en place d’une didactique basée sur le décloisonnement des langues était le
texte narratif et plus précisément le genre du conte. Cette fois-ci, nous avons travaillé en
étroite collaboration pour encourager ainsi le développement du plurilinguisme chez les
élèves et pour rendre plus efficace leur apprentissage.

b. La séquence commune portant sur les contes

J’aimerais désormais expliquer en détail les différentes étapes de ce travail de collaboration et


de partage pendant lequel chaque titulaire s’est chargée de l’enseignement de plusieurs
aspects particuliers du conte, pouvant toujours se baser sur des savoirs déjà développés dans
l’autre cours.

i. Se partager le travail pour avancer plus efficacement

Le cours d’introduction a été fait par Mme Schmit : elle a montré aux élèves une image1 32
dans laquelle se cachaient plusieurs personnages de conte aux élèves et leur a demandé d’en
repérer le plus possible. Les noms des différents contes représentés ont ensuite été notés en
allemand au tableau et moi, ne devant plus rechercher des figures de conte avec la classe, me
suis chargée de simplement trouver avec les élèves (francophones avant tout) le titre
équivalent français lors du cours suivant et d’ajouter quelques autres titres de contes proposés.
Le fait d’introduire la matière à l’aide d’une image présente l’avantage de pouvoir travailler
en toute langue.

Ensuite, c’est moi qui ai étudié en cours de français les différentes caractéristiques principales
des contes sous forme d’un tableau dans lequel Mme Schmit et moi avions déjà indiqué les
différentes catégories qui allaient attirer notre attention. Les élèves étaient invités à proposer
des exemples concrets dans les deux langues pour chaque catégorie (la cadre spatio -temporel,
les personnages, les formules magiques, les tâches à accomplir par les héros, etc.). Il s’agissait

132
Voir annexe 17 p.164
105
IV. Le volet pratique

donc d’un cours dans lequel le recours aux deux langues était toléré, ce qui a permis à chaque
élève de s’exprimer dans sa langue de son choix. Cette expérience était très intéressante pour
moi, qui avais, avant, tendance à interdire le recours à l’allemand dans mes cours ; en effet, je
me suis rendu compte qu’il y avait plusieurs élèves plus réticents dans mes cours qui se sont
montrés très actifs étant donné qu’ils pouvaient donner leurs informations en allemand. Cet
exercice de « brainstorming » était peut-être un peu répétitif vu qu’une bonne partie du temps
était utilisée pour traduire d’une langue à l’autre mais l’activité était très utile pour garantir
que les élèves disposent à la fin du cours d’un tableau récapitulatif leur permettant d’avoir le
vocabulaire nécessaire pour analyser les caractéristiques des contes et pour en parler dans les
deux langues.

Le lendemain, Mme Schmit a pu tout de suite se baser sur ce nouveau savoir (théorique) des
élèves pour l’appliquer concrètement lors d’une analyse du conte Rumpelstilzchen.

Nous avons répété la même expérience plus tard dans l’année avec les fables. Cette fois-ci,
Madame Schmit a étudié les différentes caractéristiques (seulement en allemand) avec la
classe et j’en ai profité par après pour demander aux élèves d’appliquer directement leur
nouveau savoir, après un bref rappel, lors d’une écoute portant sur des fables d’Esope.

Grâce à ce travail de concertation permanente, chaque titulaire savait toujours où en était


l’autre par rapport au programme élaboré en commun et nous avons ainsi pu éviter des
répétitions superflues qui risquent d’ennuyer les élèves. Comme le travail était bien partagé,
chacune a pu avancer assez rapidement et les élèves ont tout de suite, lors du cours suivant,
même si c’était avec une autre titulaire, pu passer à l’étape suivante de leur apprentissage,
sans que trop de temps ne soit passé entretemps. De plus, cette façon de travailler nous a
également permis de réagir tout de suite par rapport aux éventuels déficits liés au vocabulaire
dans une des deux langues.

ii. Développer la médiation linguistique

L’exploration de textes est également une très bonne occasion pour travailler sur la médiation
linguistique, une compétence communicative spécifique souvent considérée comme une des
avancées les plus originales du Cadre européen commun de référence pour les langues. J’ai
ainsi par exemple demandé aux élèves de me résumer en français un conte étudié en

106
IV. Le volet pratique

allemand. Nous avons répété le même exercice après que nous étions allés voir le film
Raiponce avec la classe au cinéma : comme le dessin animé a été montré en allemand, nous
avons, au retour, demandé aux élèves de nous raconter les étapes majeures de l’histoire en
français. Cet exercice nous semble très utile dans la mesure où il force les apprenants à parler
d’un texte vu préalablement, en sélectionnant uniquement les éléments les plus imp ortants et
en faisant des efforts pour traduire le sens général sans vouloir rendre chaque petit détail. En
tant que titulaire, on remarque ainsi rapidement s’il y a besoin d’un approfondissement de
vocabulaire ou non et dans quel domaine. La réalisation de telles activités basées sur la
médiation semble donc très facile si les deux titulaires travaillent en même temps sur un
même type de textes ou sur une autre matière, car les parallèles sont vite établies, de façon
naturelle.

Pour tâcher de développer la médiation, on pourrait également proposer aux élèves de lire par
exemple un texte allemand et de répondre ensuite à quelques questions de compréhension en
français ou vice versa.

Cet exercice nous semblant encore un peu difficile pour des enfants inscrits en 7e , nous avons
proposé à nos élèves la lecture du conte allemand Frau Holle en français et en allemand, les
deux textes ayant été collés l’un à côté de l’autre sur la feuille. Les élèves ont été invités à lire
le texte dans la langue souhaitée et de répondre ensuite aux questions en choisissant de
nouveau librement la langue. Cet exercice permet donc aux élèves de choisir la langue dans
laquelle ils se sentent le plus à l’aise ou au contraire justement la plus faible pour faire
volontairement des efforts. Nous avons en effet demandé aux élèves de justifier leur choix de
langue 13 3 : sur 20 élèves, 15 ont choisi de développer leurs réponses en allemand, 3 en
français et 2 ont répondu dans les deux langues, en alternance. 14 élèves ont expliqué avoir
choisi leur langue en fonction de la simplicité qu’elle présente pour eux et seulement 4 élèves
ont prétendu avoir choisi l’allemand ou le français parce qu’ils voulaient s’entraîner dans la
langue qui leur pose le plus de problèmes. Les deux autres ont expliqué que le choix a été
imposé par le professeur du cours d’appui qu’ils devaient fréquenter.

133
Voir annexe 18 p.165
107
IV. Le volet pratique

iii. Faire rédiger un récit bilingue

Pour clore la séquence, nous avons demandé aux élèves de rédiger, pendant les vacances de
Noël, un conte en deux langues qui joue en Allemagne, et dans lequel un des personnages,
après un ensorcèlement, ne sait plus parler que le français, ce qui entraîne d’évidents
problèmes de communication pour lui134 . Cet exercice nous a permis de forcer les élèves à
réutiliser tous les savoirs développés au cours de la séquence sur les contes et en même temps,
nous étions curieuses de voir comment les élèves allaient faire réagir le personnage en
difficultés à cause de la langue, situation dans laquelle ils se sont probablement déjà tous
retrouvés. Mme Schmit et moi étions très satisfaites des résultats de cet exercice de rédaction
et nous vous invitons à lire quelques-uns de ces contes publiés dans l’ annexe 20135 .

L’exploration de textes réalisée dans un contexte de décloisonnement de langues est


définitivement un domaine très riche où les enseignants trouvent facilement une multitude de
possibilités pour trouver des exercices combinant plusieurs langues. Non seulement le recours
à une autre langue permet à beaucoup d’élèves d’accéder plus facilement au sens du texte et
donc de mieux le comprendre mais l’analyse de texte est également une base parfaite pour
développer les différentes compétences de production.

iv. Autres possibilités

Ainsi, si on est au courant de ce que l’autre titulaire étudie actuellement avec la classe, on
peut facilement et de façon régulière établir des parallèles avec son cours, sans forcément
devoir travailler sur la même matière. Par exemple, il serait envisageable de reprendre un ou
plusieurs personnages rencontrés dans une histoire étudiée dans le cours parallèle pour
demander aux apprenants d’inventer une petite mise en scène et de jouer un sketch
rassemblant ces figures- là devant la classe, ou encore d’inventer un récit/une prise de position,
etc., du point de vue d’un ou de plusieurs de ces héros-là. De telles activités sont ressenties
comme ludiques par les élèves et en même temps, ces derniers se rendent réellement compte
du fait que leurs professeurs collaborent étroitement, et essaient de les mener vers les mêmes
buts, ce qui peut être rassurant pour un jeune apprenant. On peut aussi espérer qu’ils vont
ainsi être amenés plus facilement à chercher de façon autonome des points communs entre

134
Voir les consignes précises dans l’annexe 19 p.169
135
Voir annexe 20 p.170
108
IV. Le volet pratique

différentes langues au moment où ils vont commencer l’apprentissage d’une nouvelle langue,
en l’occurrence l’anglais en classe de 6e .

Une autre alternative serait de travailler sur les différences de prononciation dans les deux
langues.

Il serait également intéressant de trouver, pour la lecture longue, deux livres (un en allemand
et un en français) sur un même sujet, par exemple le racisme, notamment pour comparer les
façons dont les auteurs parlent de ce thème ou pour étudier le vocabulaire de quelques champs
lexicaux y relatifs en deux langues.

Bien évidemment, dans le cadre de l’analyse de textes, il est aussi important de collaborer
étroitement pour munir les élèves des stratégies nécessaires pour bien analyser un texte (en
repérer les idées-clé, diviser le texte en plusieurs parties et les titrer,…), et pour réussir la
rédaction des réponses aux questions de compréhension (notamment structurer son texte à
l’aide de connecteurs logiques), surtout en classe d’orientation. Ainsi, Mme Schmit et moi
nous sommes concertées au début de l’année pour définir ensemble les objectifs principaux
que nous voulions voir atteints par nos élèves, pour être sûres de donner des informations
cohérentes et identiques concernant ces stratégies.

Dans tous les cas, les options d’un travail de décloisonnement des langues basé sur la lecture
sont abondantes et les avantages semblent évidents. Rita Gelmi, qui, dans son article
„Integrative Sprachdidaktik – einige Überlegungen“136 , propose une série d’activités en
relation avec l’étude de textes, met l’accent sur le fait que des contenus et objectifs communs
encouragent nettement les apprenants dans leur processus d’apprentissage et qu’il est ainsi
essentiel de garantir une meilleure coopération entre les titulaires. Elle affirme qu’un tel
travail de collaboration provoque de façon naturelle une attitude plus positive vis-à-vis des
langues chez les élèves et elle dégage trois domaines qui pourront en tirer profit : « Auf
kognitiver Ebene werden Zusammenhänge und Gemeinsamkeiten zwischen den Sprachen
erörtert, werden Fähigkeiten wie Aufmerksamkeit, Gedächtnisfähigke it, logische
Gedankenführung gestärkt. Auf sozio -kognitiver Ebene wird Flexibilität gefördert und die
Bereitschaft, mit verschiedenen Kontexten umzugehen und unterschiedliche Kulturen

136
http://www.pze.at/memo/download/ge030301.pdf
109
IV. Le volet pratique

anzunehmen. Auf pragmatischer Ebene können Kompetenzen, Strategien und Techniken, die
in einer Sprache erworben worden sind, auf andere Sprachen übertragen werden » 137 .

Le feed -back 13 8 des élèves concernant l’analyse de contes en deux langues était très positif :
tous ont indiqué un niveau égal ou supérieur à 3 et la grande majorité a même indiqué que cet
exercice avait une importance du niveau 4 sur 5 pour eux. Les raisons données sont avant tout
que cela leur a permis de mieux comprendre le récit dans leur langue plus faible, de voir les
différences entre les langues, et d’apprendre plus facilement le vocabulaire. Un élève a de
plus précisé que c’était très pratique vu qu’il ne fallait étudier qu’une seule fois pour le devoir
en classe.

Personnellement, je suis aussi convaincue des avantages de cette façon coopérative de


travailler. Non seulement, j’ai vu que cela plaisait beaucoup aux élèves et qu’ils semblaient
tirer profit de ces cours basés sur le décloisonnement de langues, mais c’était aussi très
enrichissant pour moi vu que j’ai découvert, lors des échanges avec l’autre titulaire, un certain
nombre de nouvelles méthodes intéressantes. Vu ce double avantage, je compte répéter ces
exercices et en expérimenter de nouveaux à l’avenir.

137
Rita Gelmi, „Intergrative Sprachdidaktik- einige Überlegungen“,
http://www.pze.at/memo/download/ge030301.pdf, p.2
138
Voir annexe 21 p.183
110
IV. Le volet pratique

D. Les comparaisons grammaticales

Mme Schmit et moi avons également essayé de travailler de façon coopérative sur différents
points grammaticaux afin de faciliter leur apprentissage aux élèves, en les rendant conscients
d’un côté des parallèles qui existent entre les deux langues et de l’autre côté des différences
de fonctionnement, pour qu’ils évitent les transferts négatifs. Nous voulions amener les élèves
à utiliser des connaissances et compétences déjà acquises dans une langue pour apprendre une
autre afin qu’ils s’approprient un système de correspondances et de non -correspondances
entre l’allemand et le français.

J’aimerais préciser tout de suite que c’était le domaine le plus difficile traité dans le contexte
d’un décloisonnement de langues, et cela pour plusieurs raisons. Quand Mme Schmit et moi
nous sommes rencontrées début septembre pour discuter d’une possible organisation de telles
séquences communes portant sur la grammaire, nous avons tout de suite rencontré une
difficulté majeure : les deux manuels au programme ne proposent pas exactement les mêmes
chapitres et leur enchaînement n’est pas le même. Il n’était donc pas facile de trouver un
commun accord concernant l’ordre dans lequel nous traiterions les différents éléments
linguistiques et nous avons abandonné l’idée de tout organiser parallèlement vu que cela
demandait trop de compromis ne satisfaisant pas chacune. Un autre problème rencontré est la
différence de niveau des apprenants en allemand et en français. En effet, les élèves
commencent plus tôt avec l’enseignement de l’allemand à l’école fondamentale et y ont déjà
développé plus de compétences qu’en français. Ce problème n’est pas tellement grave en
classe de 7e vu que les programmes prévoient pour les deux langues une révision générale des
points grammaticaux étudiés préalablement mais il n’empêche que nous devions trouver un
consensus. Il était donc important que chacune réfléchisse à la faisabilité du projet, se montre
flexible et surtout que nous ne perdions pas de mémoire que les apprenants doivent être au
centre de l’intérêt et que nous trouvions des situations d’enseignement/apprentissage utiles
pour eux.

Finalement, nous avons choisi de ne travailler qu’à des moments donnés sur divers éléments
de grammaire. Des 9 chapitres proposés dans le manuel Portail 1, nous en avons retenu 3 que
nous voulions traiter parallè lement : les classes de mots, les fonctions dans la phrase, et le
passif (à faire au 3e trimestre).

111
IV. Le volet pratique

J’aimerais désormais brièvement expliquer le déroulement de ces séquences grammaticales


communes portant sur les classes de mots et les fonctions dans la phrase réalisées en classe de
7e du Sportlycee.

Pour préparer les deux chapitres, Mme Schmit et moi nous sommes rencontrées plusieurs fois
afin de trouver les méthodes (déductive, inductive, partage du travail, etc.) les plus
fructueuses à appliquer pendant les cours. Nous avons constaté assez rapidement qu’il s’agit
d’un travail assez compliqué dans la mesure où chacune a ses préférences et aussi parce que
nos connaissances purement linguistiques dans l’autre langue sont assez limitées (p.ex.
concernant l’emploi des termes techniques), même si nous avons étudié et parlons
couramment la langue enseignée par l’autre titulaire. Il fallait donc tout d’abord investir un
laps de temps assez important pour que chacune explique en détail à l’autre les éléments à
traiter et pour repérer ensuite les points convergents ainsi que les différences entre les deux
langues.

Concernant les classes de mots, nous avons toutes les deux traité le français et l’allemand
dans nos cours respectifs et pour les fonctions, nous avons en revanche choisi de travailler
chacune uniquement sur sa langue, en expliquant les rapprochements à l’oral aux apprenants.

a. Se partager le travail : la séquence sur les classes de mots

Pour introduire ce chapitre, j’ai noté au tableau 4 phrases, deux en allemand et deux en
français. Etant donné que les élèves avaient déjà vu les classes de mots à l’école fondamentale
nous avons facilement pu nous baser sur leurs savoirs déjà acquis pour rechercher avec eux
les différentes classes des mots notés au tableau. Les différents termes ont été notés sous le
mot concerné, en allemand ou en français, selon les phrases analysées. Les élèves avaient
donc la possibilité de contribuer au cours dans la langue de leur choix.

Pour tout résumer, j’ai par après dessiné un schéma sous forme de « mind-map »1 39 au tableau
dans lequel nous avons mis les 9 classes dégagées, ajoutant sous chaque terme français son
équivalent allemand. Ceci a permis aux élèves de se rendre compte des ressemblances assez
fortes au niveau du vocabulaire (le verbe/das Verb ; l’adjectif/das Adjektiv ; la préposition/die

139
Voir annexe 22 p.184
112
IV. Le volet pratique

Präposition, etc.), et des différences orthographiques les plus communes entre l’allemand et le
français (-é / - ä ; –f / - v ; -c / -k), dont nous avons discuté brièvement.

La seule différence majeure à laquelle il fallait rendre conscients les apprenants était la
désignation pour la classe des « (Possessiv- ; Indefinitif-) Pronomen », pour lesquels le
manuel Portail 1 propose le terme de « déterminants ». Ainsi, nous avons encerclé ces deux
classes, déterminants/Artikel et pronom/Pronomen, en rouge afin que les élèves voient tout de
suite qu’il y a des risques de confusion à ce niveau-là et qu’ils évitent ce mauvais transfert.
Pour toutes les autres catégories, ce schéma récapitulatif leur a montré que les deux langues
présentent en effet des classes identiques.

Pendant le cours suivant, Mme Schmit a tout de suite pu passer à l’étape suivante dans
l’analyse des classes de mots en étudiant avec les élèves la différence entre classes variables
et invariables, applicables dans les deux langues, sans perdre du temps à étudier des éléments
déjà vus dans un autre cours, comme c’est souvent le cas si les professeurs ne collaborent pas
assez.

Après cette introduction en matière commune, ayant pris seulement une heure de cours pour
chaque titulaire, chacune a de nouveau continué à travailler de façon individuelle sur les
différentes classes, en faisant les exercices prévus par son manuel au programme.

Les avantages de se partager ainsi le travail sont donc multiples : on évite que les élèves
apprennent à deux reprises des matières identiques et ils n’ont besoin d’étudier qu’une seule
fois les règles. De plus, cela équivaut à un gain de temps pour les professeurs, qui peuvent se
baser sur des savoirs déjà acquis pour avancer plus rapidement et investir plus de temps pour
des activités basées sur le développement de compétences, sans pour autant avoir peur de ne
pas pouvoir finir le programme, comme c’est souvent le cas. Ainsi, on garantit de nouveau la
mise en place d’une soi-disant « didaktische Ökonomie » Un autre grand avantage est qu’on
peut rendre les apprenants tout de suite conscients des dangers de confusion au niveau de
certains éléments, ce qui les aide à éviter des transferts négatifs.

113
IV. Le volet pratique

b. Établir des parallèles avec une matière déjà étudiée : les cours sur les fonctions

Une autre alternative pour travailler de façon collaborative dans le contexte grammatical est
qu’un des professeurs se base directement sur des savoirs et savoir -faire développés (peu
avant de préférence) dans l’autre cours de langue.

Etant donné que Mme Schmit et moi avions du mal, au niveau organisationnel, de travailler
de façon tout à fait coopérative sur les fonctions, nous avons finalement choisi de procéder de
la façon suivante : en cours de français, j’ai dégagé avec les élèves les 4 fonctions principales,
en leur expliquant brièvement que le COD équivaut en allemand à un Akkusativ-Objekt et le
COI à un Dativ-Objekt, termes déjà rencontrés lors de cours d’allemand à l’école
fondamentale. C’est seulement la semaine d’après que Mme Schmit a trouvé le temps de
commencer son travail sur les « Satzglieder » mais au lieu de commencer avec une partie plus
théorique, comme elle avait l’habitude de le faire durant les années précédentes, elle a tout de
suite introduit son cours avec une activité pratique ludique lors de laquelle un petit groupe
d’élèves, à qui elle avait donné une feuille sur laquelle était inscrit un mot, ont dû essayer de
se placer l’un par rapport à l’autre devant le tableau pour former une phrase correcte ayant du
sens. Différentes combinaisons ont été testées et le but était de dégager qui devait se déplacer
avec qui, pour déterminer le rapport de dépendance ou d’indépendance des mots (ou
fonctions) par rapport aux autres. N’ayant pas pu assister à ce cours, il est difficile pour moi
de dégager le degré de réussite de cet exercice mais Mme Schmit m’a assuré que l’activité
s’est très bien déroulée et que les élèves ont fait de façon naturelle des réflexions qui
prouvaient qu’ils avaient déjà des notions grammaticales suffisamment développées pour
réaliser cet exercice sans difficulté.

Il est évidemment impossible d’affirmer avec certitude si ces pré-acquis étaient ceux
développés en cours de français ou si c’étaient des souvenirs de l’école fondamentale, mais
Mme Schmit a affirmé que c’était la première classe avec laquelle cette activité fonctionnait
tellement bien et nous pouvons donc en conclure que les apprenants ont fait des liens avec la
matière vue en cours de français pour faire des transferts logiques en allemand. Elle a
d’ailleurs aussi précisé que, au moment où elle a étudié les « adverbiale Satzglieder » avec la
classe, les élèves ont très rapidement su dégager les quatre cas, vu qu’ils venaient de voir les
compléments circonstanciels peu avant en cours de français et apparemment, ils lui ont

114
IV. Le volet pratique

souvent expliqué, lors des exercices, quel était le nom du complément français équivalent,
sans qu’elle ne leur ait demandé d’établir ces parallèles.

Une fois que Mme Schmit avait dégagé les différentes fonctions en allemand avec la classe,
elle a bien insisté, à l’oral, sur les différences majeures entre les deux langues, notamment en
ce qui concerne le Genitiv -Objekt.

c. Réaliser des cours de « team-teaching » : l’étude du passif

Nous comptons, au troisième trimestre, réaliser un cours de team -teaching pour étudier avec
la classe le fonctionnement du passif dans les deux langues. La présence de deux professeurs
en classe présente bien évidemment l’avantage qu’il y a des « spécialistes » pour chaque
matière et on ne risque pas de se retrouver dans une situation où l’on est confronté à ses
limites concernant l’étude de l’ autre langue. Cette expérience n’est bien sûr réalisable que si
les emplois du temps des deux titulaires permettent la présence de l’une dans le cours de
l’autre.

Même s’il est assez difficile d’analyser l’efficacité de notre façon de procéder pour l’étude
grammaticale, il me semble évident que les élèves en tirent ne soit qu’un petit profit, parce
qu’ils sont amenés à comparer le fonctionnement des langues et à s’interroger sur leurs
aspects communs ou divergents. Le fait qu’il y a beaucoup de points convergents est
certainement ressenti comme rassurant par les apprenants qui peuvent se baser sur leurs
connaissances fraîchement acquises dans la langue la mieux développée s’ils sont confrontés
à des difficultés quelconques dans l’autre langue. S’ils voyaient des matières identiques à
deux moments complètement différents, sans que l’en seignant ne les rende conscients des
parallèles ou différences, ils seraient certainement peu enclins à établir par eux -mêmes ces
rapprochements. En tout cas, en tant qu’élève, je ne me suis jamais rendu compte que j’ai
appris, pour chaque langue, des éléments que j’avais déjà vus auparavant, lors d’autres cours,
ce qui est, rétrospectivement, assez frustrant, comme je l’ai indiqué dans l’introduction de ce
travail.

Pour l’enseignant, ce partage de travail permet également de gagner du temps et Mme Schmit
et moi pouvons confirmer que nous avons réussi à bien avancer avec les élèves, qui avaient
115
IV. Le volet pratique

pris assez rapidement l’habitude de faires des efforts pour transposer leurs savoirs déjà
développés d’un cours de langue à l’autre.

Notons encore que le manuel français au programme propose ponctuellement des références à
l’allemand (qui se limitent le plus souvent à des traductions) mais je pense que ces remarques
ne sont pas assez régulières pour avoir un grand impact sur l’apprentissage des élèves. Je suis
d’avis que ces comparaisons ne prennent véritablement sens pour les apprenants qu’au
moment où on étudie parallèlement, en même temps, la même matière en deux ou plusieurs
langues.

Les évaluations des élèves 1 40 sur ces cours de grammaire sont assez divergentes : la moitié de
la classe a affirmé que ces activités de comparaison grammaticale leur paraissaient très
importantes (niveau 4 ou 5), et l’autre moitié a coché le niveau 2 ou 3. La plupart de ces
derniers ont donné comme justification qu’ils n’aimaient pas, de façon générale, les leçons de
grammaire, ce qui expliquait leur mauvaise note. Mais certains d’entre eux ont quand même
expliqué que c’était bien de travailler parallèlement en allemand et en français sur un même
chapitre. Ceux qui ont jugé ces exercices utiles ont ajouté comme justification que cela leur
permettait de voir tout de suite les points communs et les différences, ce qui leur facilitait la
compréhension et la mémorisation.

Personnellement, je ne suis pas tout à fait satisfaite de ce volet de mon projet de


décloisonnement de langues, surtout parce que j’ai l’impression de ne pas avoir fait des
rapprochements assez régulièrement. Il est effectivement très difficile de trouver des chapitres
dont l’étude convient aux deux titulaires au même moment, que ce soit pour des raisons
d’organisation ou en relation avec le niveau visé. En me rendant compte de toutes les
difficultés organisationnelles que pose le fait que les deux manuels au programme proposent
des progressions complètement différentes, j’ai réalisé l’importance de l’introduction d’un
curriculum intégré pour soutenir les enseignants voulant mettre en œuvre de façon régulière
une didactique intégrée dans leurs cours. En outre, il serait utile de disposer d’un manuel
national adapté au niveau de nos élèves qui établisse plus systématiquement des parallèles

140
Voir annexe 23 p.185
116
IV. Le volet pratique

entre les langues allemande et française, comme le fait, par exemple, le manuel suisse Envol
au programme des classes inférieures du régime technique.

Même si j’avais parfois l’impression d’avoir investi deux fois plus de temps lors de la phase
de préparation pour rafraîchir mes connaissances de la grammaire allemande avant d e pouvoir
élaborer mes cours, je pense pouvoir affirmer avec certitude que, grâce au travail de partage,
j’ai pu avancer plus vite en classe et que les élèves ont mieux assimilé la matière traitée s’ils
pouvaient faire des parallèles avec l’allemand. Bien évidemment, le choix de comparer entre
eux les systèmes linguistiques de l’allemand et du français n’était pas le plus éviden t vu qu’il
s’agit de langues de deux familles différentes et on aurait certainement plus de facilités à
comparer des langues de même famille et de trouver par exemple des parallèles entre l’italien
ou l’espagnol et le français, tels les exercices proposés par la méthode de
l’intercompréhension dont nous avons parlé antérieurement.

Pour finir, j’aimerais encore préciser que je suis d’avis que les comparaisons grammaticales
seraient encore plus fructueuses si on se penchait sur l’analyse d’un même texte en deux
langues pour aborder un élément grammatical particulier. Ainsi, il serait tout à fait
envisageable d’étudier de cette façon l’emploi des temps du passé dans les deux langues en
classe de 6e ou 5e . Malheureusement, en classe de 7e , il n’y a pas de ch apitre au programme
qui nous paraisse assez bien adapté à cette méthode.

117
IV. Le volet pratique

E. Les traductions orales spontanées

Un dernier type d’activités réalisées dans le contexte d’une didactique intégrée portait sur
l’interaction orale, ou pour être plus précise, sur les traductions orales spontanées. Pendant les
deux leçons réservées à cet exercice, les élèves devaient essayer de traduire, de l’allemand en
français et vice versa, le plus précisément possible des messages entendus lors d’une
discussion entre deux camarades.

Nous avions déjà à plusieurs reprises (comme notamment lors des activités décrites sous le
point B. ci-dessus) sensibilisé les élèves au fait que chaque langue a son propre
fonctionnement et qu’il est souvent impossible de transposer ses savoirs tels quels d’une
langue dans l’autre, parce qu’on risque sinon de produire des messages ne donnant aucun
sens. En demandant aux élèves de traduire de façon spontanée d’une langue dans l’autre, je
voulais poursuivre un double but : d’un côté, il était intéressant de voir quelles seraient les
difficultés majeures des élèves se trouvant dans cette situation et de l’autre côté, je voulais par
après analyser avec la classe des stratégies que l’on peut utiliser lors de traductions, pour les
aider à remédier à d’éventuelles faiblesses. J’ai choisi de réaliser cet exercice à l’oral parce
que cela me semble la situation la plus authentique possible : il est en effet très vraisemblable
que les jeunes se retrouveront un jour dans une situation similaire, à l’étranger ou à l’occasion
de rencontres avec des étrangers, où ils doivent traduire spontanément d’une langue en une
autre. En outre, cela me permettait d’inclure le travail sur la compétence de production orale
dans mon projet qui devait porter sur le développement des quatre grands domaines
langagiers.

J’aimerais désormais préciser rapidement le déroulement de la leçon : J’ai divisé la classe en


trois grands groupes à l’intérieur desquels les élèves devaient se réunir par paires pour
préparer quelques questions qu’ils pourraient vouloir poser à leur interlocuteur sur un des trois
sujets donnés :

1. Dans un camping dans le sud de la France, un Allemand demande à son voisin français
des informations sur la manière dont on prépare des crêpes.

2. Dans un camping en Bretagne, un touriste allemand cherche à se renseigner auprès


d’un Breton sur les possibilités de sorties dans la région.

118
IV. Le volet pratique

3. Dans une ville allemande, un touriste français demande des informations précises à un
vendeur dans un magasin de vêtements.

Les élèves disposaient d’environ 10 minutes pour préparer à l’écrit ces quelques questions
correspondant à leur situation.

Une fois cette phase de préparation finie, j’ai demandé à un des élèves ayant préparé le sujet
de venir s’installer devant le groupe (les bancs ont été placés en U pour que chacun puisse
bien observer et suivre les mises en scènes) et j’ai ensuite désigné, au hasard, un autre élève
devant jouer le rôle du Français au camping ou alors du vendeur allemand pour le 3e sujet.
Son rôle consistait à répondre spontanément aux questions posées par son interlocuteur.
Comme ni l’Allemand ni le Français n’était censé comprendre la langue de son interlocuteur,
il fallait pour chaque discussion un troisième personnage, un Luxembourgeois, qui avait le
rôle de traduire toutes les questions du Français (de l’Allemand) en allemand (ou en français)
et ensuite les réponses en français (respectivement en allemand) pour tout réexpliquer au
touriste.

Des 3 élèves réunis, il y en avait donc à chaque fois deux qui devaient parler spontanément
dans une ou les deux langues étrangères enseignées au Luxembourg en classe de 7e .

Deux autres alternatives ont été expérimentées.

Premièrement, voulant profiter du fait qu’il y a un élève anglophone dans la classe, j’ai décidé
de participer moi aussi à un tel dialogue en jouant le rôle d’une touriste anglaise. L’élève en
question a parfaitement bien su maîtriser la situation mais on constate, si on écoute
l’enregistrement (numéro 6), qu’il se sent assez mal à l’aise, au début, de parler anglais devant
ses camarades. J’ai fait le même constat lors d’un autre dialogue où un élève parlant le
bosniaque à la maison a proposé de traduire les paroles d’une fille roumaine en français. Or,
vu que la fille se sentait manifestement assez mal à l’aise pendant cet exercice où elle devait
parler sa langue maternelle, j’ai préféré les arrêter après deux premiers essais ratés.

A la fin, j’ai encore proposé à deux élèves d’essayer de faire des traductions d’un message
plus long (enregistrements 7 et 8). Le premier devait reproduire en français les paroles d’un
élève, qui parlait en luxembourgeois de son loisir, le basketball. Cet exercice a été réalisé avec
brio par un jeune francophone qui se sentait tout à fait à l’aise pour reproduire les
informations données par son camarade de classe.

119
IV. Le volet pratique

Pour le dernier enregistrement, j’ai demandé à un élève italien de raconter en allemand (sa
langue faible) le dernier match de football du Luxembourg contre la France, paroles qu’un
élève luxembourgeois ayant assez de difficultés en français devait ensuite traduire en français.
Cet exercice plus difficile montre bien à quel point la traduction orale spontanée mais aussi la
production orale reste un exercice parfois très compliqué pour les élèves, ayant pourtant déjà
fait plusieurs années d’études en français et en allemand .

Pour pouvoir analyser par après les productions en grand groupe, j’ai enregistré les différentes
discussions sur un dictaphone, avec l’autorisation des concernés. Vous trouverez les 8
enregistrements retenus sur le CD joint à mon travail de candidature.

Malgré de nettes difficultés ressenties par les élèves, cet exercice s’est révélé très motivant
pour la plupart d’entre eux et tous ont collaboré de façon excellente pendant ces deux heures
de cours. D’ailleurs, on se rend vite compte de leur enthousiasme face à cette activité en lisant
leurs feed -back 141 . Cela me confirme une fois de plus que les activités placées dans un
contexte authentique sont celles qui connaissent le plus de succès chez les élèves, qui
préfèrent le plus souvent faire des exercices basés sur des savoirs ou savoir-faire qu’ils
peuvent réutiliser concrètement dans leur vie quotidienne. D’ailleurs, j’ai retrouvé souvent cet
argument dans leurs justifications et le groupe intégral a jugé l’importance de cet exercice au
niveau 4 ou 5.

Pour moi personnellement, l’exercice a aussi été très réussi et ceci pour plusieurs raisons.

Premièrement, en écoutant les élèves réagir spontanément en français aux questions de leur
interlocuteur, j’ai pu réaliser les problèmes rencontrés par certains pour trouver les mots ou
formuler des phrases correctes et surtout, pendant la phase d’analyse suivant les interventions,
j’ai pu étudier avec les élèves les stratégies métalinguistiques auxquelles on peut avoir recours
pour traduire.

141
Voir annexe 24 p.186
120
IV. Le volet pratique

La difficulté majeure relevée était indéniablement l’ordre dans lequel il faut placer les mots
utilisés. Ainsi, beaucoup d’élèves essaient de traduire en français en gardant exactement le
même ordre de mots que celui que leur interlocuteur utilise en allemand. Ce phénomène peut
bien être observé dans le premier enregistrement où le traducteur utilise d’abord l’expression
« ein Laden für Sport » pour rendre l’expression « magasin de sport » avant de se rendre
compte de son erreur et de rectifier en « Sportladen ».

Cette tendance à vouloir garder le même ordre de mots entraîne que les structures de phrases
choisies sont parfois maladroites et erronées. Dans l’enregistrement 4, on entend par exemple
dire un élève « il ne peut pas ça dire », traduit de l’allemand « er kann es nicht sagen ».

Une autre difficulté centrale observée est le choix des mots : là aussi, les élèves ont tendance à
traduire tel quel de l’allemand en français, sans avoir le réflexe de préférer spontanément de
meilleures expressions ; p.ex. un élève traduit la question « Wo kann man abends
hingehen ? » par « Où est-ce qu’on peut aller le soir ? » alors qu’un Français utiliserait plutôt
le verbe « sortir » dans ce cas précis. De même, la question « Mit welchem Transportmittel
kommt man in die Stadt ? » a été traduite avec ces mots-ci : «Avec quel moyen de transport
est-ce qu’on vient… ehm... est-ce qu’on peut aller en ville ? » (enregistrement 2) .

Il est intéressant de constater que ces erreurs se produisent aussi lors de traductions de
l’allemand en français. Une élève, après avoir entendu le terme « un magasin », choisit en
allemand le même déterminant masculin et affirme deux fois « einen anderen Geschäft ».

Les situations les plus intéressantes étaient celles où les élèves utilisaient en allemand des
mots assez compliqués pour lesquels le traducteur ne connaissait pas ou ne trouvait pas
spontanément d’équivalent. Plusieurs élèves ont choisi, après une petite pause d’hésitation, un
mot erroné (parfois proche du bon terme) : ainsi, quelqu’un a traduit « die Stimmung » par
« l’atmosphère » ou lieu de « l’ambiance » et un e autre a traduit « die Grösse » par «la
mesure » au lieu de « la taille ».

Ce domaine du vocabulaire se prêtait particulièrement bien pour dégager les différentes


stratégies utilisées par les élèves en situation de difficultés : les uns ont demandé de l’aide aux
camarades assis autour d’eux (p.ex. dans l’enregistrement 8), les autres ont décidé de
simplement laisser de côté l’information exprimée par le mot inconnu en français (comme
p.ex. le terme allemand « das Lager » dans l’enregistrement 4) et d’autres encore ont, après
une pause d’hésitation, changé la structure de leur phrase pour essayer de paraphraser
121
IV. Le volet pratique

l’information reçue. Finalement, plusieurs élèves ont simplement décidé de traduire par un
mot qui pourrait être correct dans le contexte, notamment dans l’enregistrement 4 où un élève
traduit l’adjectif inconnu « imperméable » par « schön ».

Après les différentes interprétations, j’ai demandé aux élèves de remplir une fiche1 42 sur
laquelle ils devaient indiquer s’ils se sentaient à l’ aise ou non lors de cet exercice, évaluer la
difficulté de l’activité et préciser les stratégies utilisées pour traduire, ainsi que les difficultés
majeures rencontrées et les éléments auxquels il faut faire particulièrement attention lors des
traductions. Une fois qu’ils avaient noté leurs réflexions sur papier, nous avons verbalisé tous
ces sujets en grand groupe pour que chacun puisse partager ses stratégies avec ses camarades
et que tout le monde puisse ainsi profiter des expériences plus ou moins efficaces des autres.

Pour finir, j’aimerais encore préciser que toute activité de traductions me paraît importante et
devait avoir une place fixe dans le curriculum de cours basés sur la didactique intégrée. Bien
évidemment, il est aussi bien envisageable de travailler sur des traductions écrites avec ses
classes pour analyser les problèmes posés et surtout pour munir les élèves de stratégies
efficaces pour passer d’un système linguistique dans un autre en évitant les transferts négatifs.
Le manuel Portail 1 propose presque dans chaque chapitre de petits exercices de traduction1 43
reprenant des difficultés grammaticales étudiées préalablement. J’ai l’habitude de les faire et
je veille à toujours insister sur les rapprochements et les différences par rapport à l’allemand,
mais je trouve pourtant regrettable que ces exercices soient purement grammaticaux et n’aient
rien d’authentique vu qu’il s’agit de phrases isolées qui ne sont ancrées dans aucun contexte
particulier. Or, ces exercices écrits me semblent aussi importants pour pousser les élèves à
confronter les structures de phrases, objectif plus difficilement réalisable lors d’activités
orales. Aux enseignants d’imaginer des contextes aussi authentiques que possibles dans
lesquels les élèves seraient amenés à traduire de petits textes cohérents de l’allemand en
français et vice versa, mais aussi de leur langue maternelle en français et vice versa.

Pour clore ce chapitre, j’aimerais encore vous renvoyer à l’annexe 27144 où vous retrouvez
l’avis personnel de la titulaire d’allemand de la classe sur les différentes activités réalisées en
commun dans le cadre de ce projet de décloisonnement de langues.

142
Voir annexe 25 p.187
143
Voir annexe 26 p.190
144
Voir annexe 27 p.191
122
Conclusion

Conclusion :

En guise de conclusion, j’aimerais souligner que ce projet réalisé dans le cadre de mon
Travail de Candidature a été très enrichissant pour moi. Grâce à toutes mes lectures, j’ai pris
connaissance de beaucoup de réflexions politiques ainsi que de concepts didactiques et
linguistiques, qui m’ont servi à mieux comprendre les enjeux de l’enseignement des langues
au Luxembourg et aussi au niveau européen ainsi que le processus très complexe de
l’apprentissage de langues étrangères. De plus, j’ai fait la découverte de nouvelles méthodes
que j’ai pu intégrer de façon ciblée dans ma pratique professionnelle afin de mieux l’adapter
aux nouvelles exigences éducatives. Ainsi, cette dernière s’est beaucoup développée au cours
de cette année scolaire pendant laquelle j’ai, pour la première fois, collaboré étroitement avec
une autre enseignante, dans le cadre d’un décloisonnement de branches, pour mettre en œuvre
un ensemble d’activités devant favoriser le développement des compétences plurilingues et
pluriculturelles des élèves, et cela dans tous les domaines langagiers.

J’espère que nous avons ainsi pu faciliter le processus d’apprentissage à nos élèves et le
rendre plus efficace, que ce soit en travaillant de façon ciblée sur les synergies entre les
langues, en faisant de constantes parallèles avec la matière étudiée dans d’autres cours pour
qu’ils puissent tirer profit de ressources déjà présentes dans leur répertoire de langues ou en
les poussant vers une meilleure conscientisation du fonctionnement langagier. Un de nos buts
était de provoquer une attitude réflexive générale chez les jeunes apprenants, qu’ils peuvent
réutiliser plus tard, de façon autonome, lors d’apprentissages (de langues) ultérieurs. Ce
cheminement vers une autonomie plus grande dans leur apprentissage nous semblait en effet
un point très important et nous sommes convaincues que ce développement ne se fera que très
difficilement si on ne munit pas les élèves de stratégies métacognitives et métalinguistiques
efficaces, à réutiliser pour chaque langue. Ainsi, nous avons tâché d’impulser régulièrement
chez les élèves des transferts de compétences, de connaissances ou de stratégies, pour les
rendre conscients des avantages liés au recours à de tels processus de généralisation lors de
l’apprentissage de langues.

Une bonne partie de nos exercices étaient inspirés de propositions notées dans le Plan
d’Action ou de documents officiels publiés par la Division linguistique du Conseil de
l’Europe, et nous voulions expérimenter la faisabilité de leur mise en œuvre en classe, malgré
123
Conclusion

l’absence de curricula intégrés, qui font encore défaut dans nos programmes actuels. Nous
avons essayé de démontrer dans ce travail que le domaine de la didactique intégrée présente
de nombreuses possibilités intéressantes pour les professeurs souhaitant assurer un
décloisonnement de langues. Il est vrai que ce n’est pas toujours évident, au niveau de
l’organisation, de trouver de bonnes occasions pour collaborer étroitement et ce travail de
partage ne peut pas se réaliser sans que chaque acteur accepte parfois de faire des compromis.
Il est donc essentiel de se montrer flexible, de faire preuve d’une ouverture d’esprit, et d’oser
sortir de ses habitudes en acceptant de recourir plus systématiquement à d’autres langues
enseignées parallèlement, pour mieux coordonner ses enseignements respectifs et mettre en
œuvre ces nouvelles expériences didactiques qui faciliteront leur tâche aux jeunes apprenants.

Pour que les enseignants soient mieux soutenus dans un tel projet, il serait souhaitable que les
différentes mesures proposées dans le Plan d’Action du Ministère de l’Education Nationale et
de la Formation Professionnelle soient un jour concrétisées et que les programmes prévoient
alors des cours de comparaison grammaticale ou d’éveil aux langues, tels qu’ils sont déjà
décrits dans le document cité. Un curriculum intégré faciliterait en effet beaucoup la tâche aux
enseignants soucieux d’adapter leur pratique aux nouvelles recommandations pédagogiques et
didactiques internationales, tout comme des progressions plus cohérentes et harmonisées des
programmes ainsi que la présence de manuels mieux adaptés. Or, malgré ces difficultés
organisationnelles qui persistent, nous espérons avoir prouvé que les enseignants disposent
quand même, et même s’ils ne peuvent pas compter sur la collaboration étroite avec un autre
titulaire, de nombreuses possibilités pour réserver une place à la didactique intégrée dans leur
pratique.

Face à une Europe toujours grandissante, où de plus en plus de gens habitent et de cultures se
rencontrent, il nous paraît également primordial d’intégrer de façon plus ciblée des cours
basés sur le pluriculturel, afin de sensibiliser les jeunes à la richesse liée à ces différences de
cultures. En tous cas, la compétence pluriculturelle visant à développer le respect mutuel ainsi
que l’envie d’apprendre les langues de nos concitoyens, nous semble capitale, voilà pourquoi
nous lui avons accordé une place importante dans notre projet, dans des séquences réservées à
l’ouverture aux langues.

124
Conclusion

Nous sommes conscientes que la situation linguistique du Luxembourg est particulière, et que
l’enseignement y vise, traditionnellement, la maîtrise complète et parfaite de trois langues, et
l’option du plurilinguisme plus flexible, selon la définition du Conseil de l’Europe, fait
certainement peur à ceux qui regretteraient de voir le niveau de langues baisser chez nous. Or,
étant donné que la formation de jeunes citoyens polyglottes semble de plus en plus difficile à
réaliser, vu les changements sociaux en cours, il nous semble essentiel que notre système
éducatif s’adapte peu à peu aux propositions faites par des spécialistes internationaux et
présentées dans le Profil de la politique linguistique éducative du Luxembourg. En donnant
aux élèves la chance de développer dès leur jeune âge une compétence plurilingue, on leur
permettra certainement d’assurer de façon plus autonome leur apprentissage de langues à
l’avenir et les équipera ainsi de façon contrôlée de stratégies leur permettant de bien faire face
aux défis scolaires et professionnels qui les attenden t.

Bien évidemment, il serait souhaitable que notre pays réussisse à atteindre ses objectifs
linguistiques très élevés, et nous sommes d’avis que les activités de didactique intégrée, loin
de s’annoncer comme une barrière à ce but, peuvent en revanche permettre aux apprenants de
les atteindre de façon plus efficace, en leur montrant comment réinvestir concrètement les
compétences ou stratégies d’apprentissage déjà développées lors de l’apprentissage d’une
nouvelle langue.

Nous avons tâché de présenter plusieurs domaines dans lesquels une collaboration entre
professeurs de langues s’annonce fructueuse (développement de compétences, emploi de
méthodes similaires, définition d’objectifs communs, principes d’évaluation identiques, etc.)
mais aimerions souligner qu’il existe encore bien d’autres champs d’action utiles, que nous
avons seulement énoncés dans la partie théorique, sans expérimenter ces options
concrètement sur le terrain. Ainsi, nous voudrions rappeler qu’un enseignement basé sur la
coopération entre un enseignant d’une matière linguistique et celui d’une matière non-
linguistique, selon le concept de CLIL/EMILE, nous semble tout autant important pour
développer plus efficacement les compétences plurilingues des élèves, tout comme une soi-
disant didactique des échanges et des rencontres faisant partie de la « cohérence didactique
horizontale » dont nous avons reproduit le schéma récapitulatif p.58.

125
Conclusion

Pour essayer de respecter encore plus minutieusement les propositions faites par la Division
linguistique du Conseil de l’Europe concernant le développement du plurilinguisme, nous
aurions également pu travailler avec le portfolio des langues, qui permet aux élèves de
documenter et d’analy ser régulièrement leurs progrès concernant leur apprentissage de
langues. Or, même si nous n’avons pas choisi d’intégrer ce support dans nos cours de façon
permanente, nous en avons quand même repris plusieurs idées-clé, comme notamment la
biographie langagière élaborée en début d’année. Les exercices d’autoévaluation proposés
dans le portfolio s’avèreraient certainement efficaces pour développer la métacognition des
élèves, ce qui leur permettra un apprentissage plus autonome à long terme.

Bref, les options données pour développer le plurilinguisme et le pluriculturalisme chez les
jeunes apprenants sont abondantes et il serait vraiment dommage si elles n’étaient pas bientôt
intégrées dans nos programmes scolaires et si les enseignants de langues n’y recouraient pas
de façon plus systématique.

Pour convaincre les derniers sceptiques des avantages liés au concept innovateur de
didactique intégrée, la démarche que nous avons adaptée pour développer les compétences
plurilingues et pluriculturelles de nos élèves, nous aimerions encore une fois résumer ses
bienfaits les plus évidents.

Les élèves sont amenés à se baser de façon naturelle sur leurs pré-acquis pour avancer plus
rapidement dans leur apprentissage en établissant constamment des parallèles avec des savoirs
ou savoir-faire développés dans d’autres cours. De plus, ils apprendront à éviter de tomber
dans le piège des phénomènes d’interférence entre les langues, en devenant conscients du
danger des transferts négatifs qu’ils risquent de courir. Finalement, ce savoir métacognitif et
métalinguistique sera facilement réutilisable lors de futurs apprentissages, que l’élève
réalisera par conséquent avec plus d’aisance.

Le décloisonnement de langues présente également de nets avantages pour les enseignants :


en étant informés sur le travail des autres enseignants de langues, ils évitent de répéter des
éléments déjà connus et assurent ainsi une meilleure rentabilité éducative, en mobilisant des
ressources cognitives déjà développées pour les lier aux nouvelles matières traitées. De plus,
une concertation permanente s’avère très utile pour découvrir de nouvelles méthodes, et elle
implique un échange culturel enrichissant pour chacun.

126
Annexes

Anne xe s

Annexe 1 : La fiche d’évaluation distribuée aux élèves p.128

Annexe 2 : Le rap des langues de ma classe p.130

Annexe 3 : Evaluations d’élèves sur l’étude de la chanson Le rap d e s lang ue s de m a classe p.131

Annexe 4 : Les fiches « Moi et mes langues » (quelques exemples) p.132

Annexe 5 : Les affiches « Moi et mes langues » (quelques exemples) p.138

Annexe 6 : Quelques évaluations d’élèves sur la création d’affiches « Moi et mes langues » p.141

Annexe 7 : Les différences culturelles entre l’Allemagne et la France p.142

Annexe 8 : Les différences culturelles – quelques clichés p.145

Annexe 9 : Les onomatopées p.147

Annexe 10 : Quelques évaluations d’élèves sur l’étude de différences culturelles p.148

Annexe 11 : Quelques photos des affiches bilingues « La vie dans les montagnes » p.149

Annexe 12 : Les proverbes idiomatiques en deux langues p.153

Annexe 13 : Evaluations d’élèves sur les affiches bilingues « La vie dans les montagnes » p.157

Annexe 14 : Quelques évaluations d’élèves sur l’étude de proverbes idiomatiques p.158

Annexe 15 : Les 5 types de textes en deux langues-extraits p.159

Annexe 16 : Le tableau résumant les caractéristiques des 5 types de textes p.163

Annexe 17 : Repérer des figures de conte dans une image p.164

Annexe 18 : Rédiger des réponses dans la langue de son choix p.165

Annexe 19 : Rédiger un conte en deux langues – consignes p.169

Annexe 20 : Quelques exemples de contes bilingues rédigés par les élèves p.170

Annexe 21 : Quelques évaluations d’élèves sur l’étude d’un même conte en deux langues p.183

Annexe 22 : Le mindmap sur les classes de mots en deux langues p.184

Annexe 23 : Quelques évaluations d’élèves sur les comparaisons grammaticales p.185

Annexe 24 : Quelques évaluations d’élèves sur les traductions orales spontanées p.186

Annexe 25 : Quelques commentaires sur la traduction orale spontanée p.187

Annexe 26 : Exemples de traductions proposées dans le manuel Portail 1 p.190

Annexe 27 : L’évaluation du projet par Mme Schmit p.191

127
Annexes

Anne xe 1 : La fic he d’é va luation distribué e aux é lè ve s

M o n a vis p e r s o n n e l s u r qu e lq u e s a c tivité s

Indiquez pour chaque activité le degré d’utilité (1 = pas important du tout et 5= très
important) pour vous et expliquez en quelques phrases pourquoi l’activité en question vous a
plu ou non et pourquo i elle vous semble importante ou non.

Vous pouvez donner les explications en allemand ou français !

- La chanson « Le rap des langues de ma classe » 1 2 3 4 5

…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………

- La création d’affiches « Moi et mes langues » 1 2 3 4 5

…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………

- Le « Bilderlexikon » sur la classe de neige 1 2 3 4 5

…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………

- L’analyse de con tes en deux langues (allemand/français) 1 2 3 4 5

…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………

128
Annexes

- L’étude et la comparaison de proverbes allemands/français 1 2 3 4 5

…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………

- L’analyse de différences culturelles (soit les vidéos sans ton + les préjugés, soit le
petit film qui nous explique comment il faut offrir des fleurs en Allemagne ou et
France) 1 2 3 4 5

…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………

- Les comparaisons grammaticales entre les deux langues 1 2 3 4 5

…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………

- Les exercices de traduction (orale) 1 2 3 4 5

…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………

Merci pour votre engagement exemplaire et votre collaboration tout


au long de l’année scolaire !!!

129
Annexes

Anne xe 2 : Le ra p de s lang ue s de m a c las s e

130
Annexes

Anne xe 3 : Que lque s é va luations d’é lè ve s s ur l’é tude de la c hans on

Le rap de s langue s de m a c lasse

131
Annexes

Anne xe 4 : Le s fic he s « Moi e t m e s la ng ue s » (que lque s e xe m ple s )

132
Annexes

133
Annexes

134
Annexes

135
Annexes

136
Annexes

137
Annexes

Anne xe 5 : Le s a ffic he s « Moi e t m e s lang ue s » (que lque s e xe m ple s )

138
Annexes

139
Annexes

140
Annexes

Anne xe 6 : Que lque s é valuations d’é lè ve s s ur la c ré ation d’affic he s

« Moi e t m e s lang ue s »

141
Annexes

Anne xe 7 : Le s diffé re nc e s c ulture lle s e ntre l’Alle m a g ne e t la Franc e


(vis ionne m e nt de vidé os de l’é m is s ion Karam b olag e s ur Arte )

142
Annexes

143
Annexes

144
Annexes

Anne xe 8 : Le s diffé re nc e s c ulture lle s – que lque s c lic hé s

145
Annexes

146
Annexes

Anne xe 9 : Le s onom atopé e s

147
Annexes

Anne xe 10 : Que lque s é valuations d’é lè ve s s ur l’é tude de diffé re nc e s


c ulture lle s

148
Annexes

Anne xe 11 : Que lque s photos de s affic he s biling ue s « La vie dans le s m ontag ne s »

149
Annexes

150
Annexes

151
Annexes

152
Annexes

Anne xe 12 : Le s pro ve rbe s idiom atique s e n de ux lang ue s

proverbe allemand : proverbe français :

(ans Bett gefesselt sein) (être cloué au lit)

(die Beine unter die Arme nehmen) (prendre ses jambes à son cou)

(Das ist nicht mein Bier !) (Ce ne sont pas mes oignons !)

153
Annexes

(Luftschlösser bauen) (construire des châteaux en Espagne)

(einen Frosch im Hals haben) (avoir un chat dans la gorge)

(über den Berg sein) (être au bout du tunnel)

154
Annexes

(sich in die Höhle des Löwen begeben) (se jeter dans la gueule du loup)

(Zwei Fliegen mit einer Klappe schlagen) (faire d’une pierre deux coups)

(seinen Senf dazugeben) (ajouter son grain de sel)


155
Annexes

(ins Fettnäpfschen treten) (mettre les pieds dans le plat)

(jemanden durch den Kakao ziehen) (casser du sucre dans le dos de qqn.)

(jemanden um den kleinen Finger wickeln) (mener qqn par le bout du nez)
156
Annexes

Anne xe 13: Que lque s é valuations d’é lè ve s s ur le s affic he s biling ue s


« La vie da ns le s m ontag ne s »

157
Annexes

Anne xe 14 : Que lque s é valuations d’é lè ve s s ur l’é tude de


prove rbe s idiom a tique s

158
Annexes

Anne xe 15 : Le s 5 ty pe s de te xte s e n de ux lang ue s -e xtra its

159
Annexes

160
Annexes

161
Annexes

162
Annexes

Anne xe 16 : Le table a u ré s um ant le s c a rac té ris tique s de s 5 type s de te xte s

Les types de textes : Caractéristiques principales

Type de texte Le texte Le texte Le texte Le texte Le texte


descriptif injonctif argumentatif narratif explicatif/
informatif

Exemples vus en La ville de Que faire en Pour ou contre Les souliers Le métier de
classe Quinsai cas d’incendie ? les sports usés au bal cascadeur
collectifs ?
Herbstbild Seiltanzen
Kochrezept Die schönsten heißt jetzt
Der Freundschafts- Ferien Slacklining
Fotoapparat suppe

Fonctions/ Buts décrire/ ordonner / convaincre/ raconter informer /


présenter un faire faire faire changer expliquer
lieu, un d’opinion
objet, une
personne

Types d’écrit
Portrait Recette Publicité Conte Article (de
journal)
Description Fiche Exposé Roman
technique
Guide (d’aventures, Reportage
Règlement policier,
Compte- d’amour, …) Fait divers
rendu Règle du jeu
Nouvelle Publicité
Consigne
Poèmes

Caractéristiques … … … … …
spécifiques

163
Annexes

Anne xe 17 : Re pé re r de s fig ure s de c onte dans une im a g e

164
Annexes

Anne xe 18 : Ré dig e r de s ré pons e s à de s que s tions de c om pré he ns ion dans la


langue de s on c hoix

165
Annexes

166
Annexes

167
Annexes

168
Annexes

Anne xe 19 : Ré dig e r un c onte e n de ux lang ue s – c ons igne s

Ein Märche n schre iben


Auf gabe :

Du hast in den letzten Wochen im Sprachenunterricht erfahren, welche


Eigenschaften Märchenfiguren haben und welche sprachlichen Mittel und
Merkmale in einem Märchen verwendet werden.

Nun sollst du selbst ein Märchen schreiben!

Doch auf ge pas s t , du s chre ibs t e in Märche n, das s owohl f ranzös is che als
auch de ut s chs prachige Pas s a ge n e nt hält !

Du musst dich beim Schreiben (und Vorbereiten) an die folgenden Punkte halten!

- Ort der Handlung: eine Stadt / Ort in Deutschland


- mindestens eine Märchenfigur kann plötzlich nur noch Französisch reden
( z. B. aufgrund eines Zaubers)
- alle Märchenmerkmale müssen in deinem Märchen enthalten sein
- Zeitform: Vergangenheit
- dein Text sollte aus mindestens 250 Wörtern bestehen!
- Folgende Bausteine müssen enthalten sein:

Gegenspieler Hilfsmittel
Held/Heldin Aufgabe Ort
/Gegenspielerin /Zaubermittel

Viel Spaß!

169
Annexes

Anne xe 20 : Que lque s e xe m ple s de c onte s biling ue s ré dig é s par le s é lè ve s

170
Annexes

171
Annexes

172
Annexes

173
Annexes

174
Annexes

175
Annexes

176
Annexes

177
Annexes

178
Annexes

179
Annexes

180
Annexes

181
Annexes

182
Annexes

Anne xe 21 : Que lque s é valuations d’é lè ve s s ur l’é tude d’un m ê m e c onte e n


de ux langue s

183
Annexes

Anne xe 22 : Le m indm a p s ur le s c las s e s de m ots e n de ux la ngue s

184
Annexes

Anne xe 23 : Que lque s é va luations d’é lè ve s s ur le s c om parais ons


g ra m m atic ale s

185
Annexes

Anne xe 24 : Que lque s é valuations d’é lè ve s s ur le s traductions orale s


s pontané e s

186
Annexes

Anne xe 25 : Que lque s c om m e nta ire s s ur la traduc tion orale s pontané e

187
Annexes

Le s s tra té g ie s utilis é e s :

Le s diffic ulté s m aje ure s re nc ontré e s :

188
Annexes

Quand on traduit, il faut faire a tte ntion à…

189
Annexes

Anne xe 26 : Exe m ple s de traduc tions propos é e s dans le m anue l Portail 1

p.129 :

p. 164 :

190
Annexes

Anne xe 27 : L’é valuation du proje t par Mm e Sc hm it

In diesem Schuljahr habe ich zusammen mit Frau Bentner an einem interessanten
interdisziplinaren Projekt gearbeitet. Das Projekt wurde auf einer Septima in den Fächern
Deutsch und Französisch im Sportlycée durchgeführt. Da die Sequenzen inhaltlich
aufeinander aufbauten, mussten wir die Lerninhalte im Vorfeld vergleichen und
Schwerpunkte setzen. Hierzu mussten zunächst Gemeinsamkeiten und Parallelen ermittelt
werden. Das Ermitteln dieser Gemeinsamkeiten stellte keine größere Schwierigkeit dar. Für
mich persönlich bestand die Herausforderung jedoch darin, von meinem üblichen
Verlaufsplan abzulassen, um die Lerninhalte aufeinander abzustimmen. Man muss also bereit
sein, flexibel und kompromissbereit zu arbeiten. Allerdings erwies sich das Resultat als
gewinnbringend. Was z.B. die Sprachreflexion angeht, so erleichterte das Projekt den
Schülern dieser Septima den Zugang zu grammatikalischen Inhalten. Zum Beispiel verstanden
die Schüler dieser Septima sehr schnell, was Adverbiale sind, da sie im Französischunterricht
die „ compléments circonstanciels“ behandelt hatten. Ohne, dass ich die Schüler darauf
hinweisen musste, gingen sie deduktiv vor, stellten Parallelen auf und verschafften sich somit
einen leichteren Zugang zu dem Lerninhalt. Es motivierte die Schüler, wenn sie
Zusammenhänge herstellen konnten. Thematisiert wurden aber auch grammatische und
sprachliche Phänomene, die es im Gegensatz zum Französischen im Deutschen gibt. So
lernten die Schüler auch über Sprachstrukturen nachzudenken, Sprachphänomene in beiden
Sprachen bewusst wahrzunehmen und ihre Funktionen zu erkennen. Ich finde es auch
sinnvoll, Textsorten parallel zu behandeln, da sich herausstellte, dass die Lerninhalte auf
diesem Weg besser verinnerlicht werden. Hervorragende Ergebnisse lieferte auch die
Unterrichtssequenz zu den Märchen. Hier lernten die Schüler nicht nur die Merkmale der
Märchen kennen, sondern sie experimentierten auch mit der Sprache, indem sie Texte mit
Passagen in beiden Sprachen verfassten.

Allgemein komme ich zu dem Schluss, dass das Unterrichtsprojekt gute Ergebnisse geliefert
hat und dass es wichtig ist in den Sprachenfächern zusammenzuarbeiten, damit identische
Inhalte nicht losgelöst voneinander betrachtet werden. Die Schüler stellten relativ einfach
Bezüge her und verstanden vieles schneller, so dass es allgemein auch dazu führte, dass es
weniger zeitaufwändig war, bestimmte Inhalte zu vermitteln. Auch für die Lehrer ist die
Kooperation gewinnbringend, da der ständige Austausch neue Erkenntnisse ermöglicht.

191
Bibliographie

Bibliographie :

Toutes les études de référence suivantes sont publiées sur le site Internet de la Division
linguistique du Conseil de l’Europe : www.coe.int/lang/fr :

- P. Doyé, « L’intercompréhension », Conseil de l’Europe-Division des Politiques


linguistiques, Strasbourg, 2007 ;
http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/DoyeFR.pdf

- J.-C. Beacco , « Langues et répertoire de langues : le plurilinguisme comme « manière


d’être » en Europe », Conseil de l’Europe-Division des Politiques linguistiques,
Strasbourg, 2007 ; http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/Beacco_FR.pdf

- A. Raasch, « L’Europe, les frontières et les langues », Conseil de l’Europe-Division


des Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007 ;
http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/RaaschFR.pdf

- S. Breidbach, « Le plurilinguisme, la citoyenneté démocratique en Europe et le rôle


de l’anglais », Conseil de l’Europe-Division des Politiques linguistiques, Strasbourg,
2007 ; http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/BreidbachFR.pdf

- V. Castellotti et D. Moore, « Représentations sociales des langues », Conseil de


l’Europe-Division des Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007 ;
http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/CastellottiMooreFR.pdf

- H.J.Vollmer, Langues d’enseignement des disciplines scolaires, Conseil de l’Europe,


Division des Politiques linguistiques, Strasbourg, 2006 ;
www.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/Vollmer_LAC_fr.doc

192
Bibliographie

Documents consultés sur Internet

« Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe », Conseil de


l’Europe-Division des Politiques linguistiques, Strasbourg, 2007 ;
http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/guide_niveau3_FR.asp

«Présentation du Profil de la politique linguistique éducative du Luxembourg»,


http://www.men.public.lu/publications/etudes_statistiques/etudes_nationales/etude_profil_lin
guist/profil_luxembourg_fin_28_fevrier_20061.pdf

« Ouverture aux langues à l’école : Vers des compétences plurilingues et pluriculturelles »,


Ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, 2010 ;
http://www.men.public.lu/publications/syst_educatif_luxbg/langues/100222_ouverture_langu
es/100222_ouverture_langues.pdf

Chr. Le Pape Racine « Immersion und integrierte Sprachendidaktik - Modelle auf dem Weg
zur Mehrsprachigkei t »; http://www.irdp.ch/l3/exemple_lepaperacine.pdf (article)

« Aspects d’une didactique du plurilinguisme : Propositions terminologiques » publié dans le


cadre du projet suisse Passepartout-Sprachen ; http://clil- lote-
go.ecml.at/LinkClick.aspx?fileticket=ZxUo02m2OC8%3D&tabid=775&language=fr -FR

S. Wokusch, « Symposium: Mehrsprachigkeitsdidaktik – Didactique intégrée des langues » ;


http://www.ag.ch/nwedk/shared/dokumente/pdf/bericht_symp_mds_synth.pdf

F.-J. Meißner, Transfer aus der Sicht der Mehrsprachigkeitsdidaktik; http://www.fernuni-


hagen.de/sprachen/kongress/Abstracts/MeissnerDE.pdf

R. Gelmi, „ Intergrative Sprachdidaktik- einige Überlegungen“,


http://www.pze.at/memo/download/ge030301.pdf

Glossaire de l’institution CARAP -Cadre de référence pour les approches plurielles (dir.
Candelier M.): http://carap.ecml.at/Resources/Glossary/tabid/426/language/fr-
FR/Default.aspx

193
Bibliographie

Ouvrages étudiés

CASTELLOTTI V. , D’une langue à d’autres : Pratiques et représentations, Collection


Dyalang, Rouen, 2001

CENOZ J., HUFEISEN B., JESSNER U., Cross-linguistic influence in third language
acquisition: Psycholoinguistic perspectives, Multilingual Matters Ltd, 2001

DE ANGELIS C., Third or Additional Language Acquisition , Cromwell Press, 2007

EHRHART S., HéLOT C., LE NEVEZ A., Plurilinguisme et formations des enseignants-Une
approche critique, Peter Lang, Frankfurt am Main, 2010

ESCUD P., JANIN P., Le point sur l’intercompréhension, clé du plurilinguisme, CLE
International, Paris, 2010

HUTTERLI S., STOTZ D., ZAPPATORE D., Do you parlez andere lingue ?-
Fremdsprachen lernen in der Schule, Verlag Pestalozzianum, Zürich

KLEIN H.G., STEGMANN T. D., EuroComRom - Die sieben Siebe : Romanische Sprachen
sofort lesen können, Shaker Verlag, Aaachen, 2000

Ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, Réajustement de


l’enseignement des langues, Plan d’Action 07 -09, éd. du CESIJE, Luxembourg, 2007

MORISSETTE R., Accompagner la construction des savoirs, Chenelière Education,


Montréal, 2002

MUELLER N., KUPISCH T., SCHMITZ K., CANTONE K., Einführung in die
Mehrsprachigkeitsforschung , narr studienbücher, Tübingen, 2007

MOCHET M.-A., BARBOT M.-J., CASTELLOTTI V., CHISS J.-L., DEVELOTTE C.,
MOORE D., Plurilinguisme et apprentissages- Mélanges Daniel Coste, ENS éd., Lyon, 2005

ROSEN E., Le point sur le Cadre européen commun de référence des langues, CLE
International, 2006

Themenheft « Integrierte Sprachendidaktik und Mehrsprachigkeit », Babylonia 4/2009,


Comano: Fondazione Lingue e Culture

194
Table des matières

Table des matières

Résumé ........................................................................................................................ 4

Sommaire..................................................................................................................... 6

Introduction ................................................................................................................. 7

a. Situation interpellante........................................................................................................ 7
b. Les choix pratiques ........................................................................................................... 11
i. Une nécessaire collaboration .................................................................................. 11
ii. Le choix de la classe.................................................................................................. 12
c. Brève description de mon travail de candidature .......................................................... 12
i. Le plan du travail ...................................................................................................... 12
ii. Les méthodes ............................................................................................................ 14
iii. Les objectifs poursuivis ............................................................................................ 15

I. L’Europe, sa diversité linguistique et l’éducation plurilingue : une présentation


détaillée du Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en
Europe publié en 2007 par le Conseil de l’Europe ...................................................17

A. Vers une cohérence nécessaire dans les politiques linguistiques communes des Etats
membres du Conseil de l’Europe ..................................................................................... 19
a. Les changements socioculturels et la question de la langue................................ 19
b. L’option de la lingua franca..................................................................................... 19
c. Les soucis démocratiques ....................................................................................... 21
d. Etats des lieux : L’organisation institutionnelle et la dominance du
monolinguisme ........................................................................................................ 24
e. Agir contre les représentations sociales ................................................................ 25
B. Le pluriliguisme comme principe fondateur des politiques linguistiques éducatives
européennes ..................................................................................................................... 27
a. La double composante du plurilinguisme (comme compétence et comme
valeur)....................................................................................................................... 28
b. La composante pluriculturelle ................................................................................ 31
c. La variantes nationales du plurilinguisme.............................................................. 33
d. Les deux supports : CER et PEL ............................................................................... 34

195
Table des matières

II. Mener le Luxembourg vers une éducation plurilingue : le réajustement de


l’enseignement des langues au niveau national .....................................................39

A. La naissance du Plan d’Action .......................................................................................... 40


a. Les démarches poursuivies ..................................................................................... 40
b. Le Profil de la politique linguistique éducative du Luxembourg ........................... 42
B. Les quatre volets complémentaires du Plan d’Action .................................................... 45
a. Le volet communicatif............................................................................................. 45
b. Le volet curriculaire ................................................................................................. 46
c. Le volet des pratiques ............................................................................................. 47
i. Les compétences ............................................................................................... 47
ii. La promotion du plurilinguisme....................................................................... 48
iii. La prise en compte de l’hétérogénéité des élèves ......................................... 49
d. Le volet réflexif......................................................................................................... 50
C. Le Luxembourg et sa situation linguistique particulière................................................ 51
D. Les réticences vis-à-vis d’un réajustement de l’enseigement des langues et leurs
causes ................................................................................................................................ 53

III. Les didactiques du plurilinguisme et leurs théories sous-jacentes............................57

A. ELBE : Conscience des langues et des cultures............................................................... 59


B. L’option CLIL-EMILE : l’enseignement bilingue de disciplines non-linguistiques ou
l’immersion........................................................................................................................ 60
C. La promotion intégrée des langues ................................................................................. 62
D. Didactique des échanges et rencontres .......................................................................... 62
E. L’enseignement des langues étrangères axé sur les contenus et les actes.................. 63
F. La didactique plurilingue .................................................................................................. 64
a. L’intercompréhension et EuroComDidact ............................................................. 64
b. La didactique intégrée des langues et les phénomènes de transfert .................. 70
i. Principes de la didactique intégrée.................................................................. 70
ii. Les phénomènes du transfert .......................................................................... 73
iii. Les domaines du transfert................................................................................ 76
iv. La fonction de régulation des compétences métacognitives......................... 78
v. L’interlangue...................................................................................................... 80
vi. Transfert positif vs. Transfert négatif .............................................................. 81
vii. Le transfert positif et la « didaktische Ökonomie »........................................ 82
viii. Le rôle de l’enseignant cherchant à promouvoir les transferts..................... 83

196
Table des matières

IV. Le volet pratique : les méthodes expérimentées pour mettre en œuvre une
didactique intégrée en classe de 7e O ....................................................................87

A. L’ouverture aux langues : sensibiliser les jeunes aux différences entre les langues et
les cultures ........................................................................................................................ 89
a. Le rap des langues de ma classe............................................................................. 90
b. Moi et mes langues.................................................................................................. 91
i. Les fiches d’informations.................................................................................. 91
ii. La création d’affiches........................................................................................ 92

c. L’étude de différences culturelles à partir de séquences vidéo........................... 94


i. Les devinettes : lutter contre les stéréotypes .............................................. 94
ii. Les différences comportementales : Comment offrir des fleurs en
Allemagne et en France ? .............................................................................. 95
iii. Comment les animaux crient en France et en Allemagne – les
onomatopées ................................................................................................. 96
B. Comprendre et accepter que chaque langue a son propre fonctionnement............... 98
a. Notre « Bilderlexikon »............................................................................................ 98
b. L’étude de proverbes idiomatiques......................................................................100
C. L’exploration de textes en deux langues.......................................................................103
a. La découverte des 5 types de textes ....................................................................103
b. La séquence commune portant sur les contes....................................................105
i. Se partager le travail pour avancer plus rapidement ...................................105
ii. Développer la médiation linguistique ...........................................................106
iii. Faire rédiger un récit bilingue........................................................................108
iv. Autres possibilités...........................................................................................108
D. Les comparaisons grammaticales..................................................................................111
a. Se partager le travail : la séquence sur les classes de mots ...............................112
b. Etablir des parallèles avec une matière déjà étudiée : les fonctions.................114
c. Réaliser des cours de « team-teaching » : l’étude du passif ..............................115
E. Les traductions orales spontanées ................................................................................118

Conclusion................................................................................................................. 123

Annexes .................................................................................................................... 127

Bibliographie ............................................................................................................. 192

Table des matières..................................................................................................... 195

197

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