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concernant le décès de
Daphné Huard-Boudreault
2017-01573
Me Stéphanie Gamache
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Québec (Québec) G1V 5B1
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BUREAU DU CORONER
2017-03-22 2017-01573
Date de l'avis No de dossier
IDENTITÉ
Daphné Huard-Boudreault
Prénom à la naissance Nom à la naissance
18 ans Féminin
Âge Sexe
Mont-Saint-Hilaire Québec Canada
Municipalité de résidence Province Pays
DÉCÈS
2017-03-22
Date du décès
Déterminé Ancien domicile Mont-Saint-Hilaire
Lieu du décès Nom du lieu Municipalité du décès
Mme Daphné Huard-Boudreault a été identifiée visuellement par des policiers sur les lieux de
son décès.
CIRCONSTANCES DU DÉCÈS
Les policiers arrivent sur les lieux à 5 h 39 et Mme Huard-Boudreault leur explique qu’elle a
quitté le domicile qu’elle partageait avec son ex-conjoint quelques jours auparavant et
souhaite maintenant y récupérer ses effets personnels pour mettre un terme final à cette
relation. Les policiers notent que Mme Huard-Boudreault est calme et qu’elle ne porte aucune
marque de violence apparente. Les policiers lui donnent donc rendez-vous au poste de
police lorsque son quart de travail sera terminé pour lui expliquer comment elle peut
procéder et, dans l’intervalle, ils lui demandent si elle veut déposer une plainte contre son
ex-conjoint en raison de ses agissements du matin, mais elle refuse.
Les policiers discutent aussi avec l’ex-conjoint qui n’est pas agressif, mais qui hausse le ton
à certains moments de leurs échanges. L’ex-conjoint quitte finalement les lieux en taxi vers
6 h en apportant avec lui le cellulaire de Mme Huard-Boudreault, sans sa connaissance. Alors
qu’il est en possession de cet appareil, durant l’avant-midi du 22 mars 2017,
Mme Huard-Boudreault remarque que son ex-conjoint utilise son compte Facebook® sans
son autorisation. Aussi, lorsqu’elle se présente au poste de police vers 12 h,
Mme Huard-Boudreault désire également obtenir des conseils concernant la fermeture
définitive de son compte Facebook®.
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Le policier qui rencontre alors Mme Huard-Boudreault lui explique que les agissements de
son ex-conjoint constituent du harcèlement et que, dans les circonstances, elle peut porter
plainte contre lui. Mme Huard-Boudreault refuse, elle veut simplement mettre un terme final à
la relation. De plus, elle ne désire pas être accompagnée à son ancien domicile par un
policier pour récupérer ses effets personnels puisqu’elle croit son ex-conjoint absent des
lieux et un autre membre de sa famille doit la rejoindre pour l’aider. Elle quitte donc le poste
de police par la porte principale vers 12 h 30 et prend sa voiture qui est garée devant
l’immeuble. Simultanément, le policier qui désire tout de même l’accompagner, en
application des procédures de ce corps de police, se rend au stationnement situé à l’arrière
du poste pour y récupérer un véhicule de service. En quittant le stationnement, le policier
constate que la voiture de Mme Huard-Boudreault n’est plus là.
Une autopsie et des analyses toxicologiques sont pratiquées le 23 mars 2017 au Laboratoire
de sciences judiciaires et de médecine légale à Montréal. Ces examens permettent de
détailler la nature et l’étendue des lésions qui ont mené au décès de Mme Huard-Boudreault.
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ANALYSE
Pour faire une analyse complète du décès de Mme Huard-Boudreault, cette section du
rapport d’investigation comporte plusieurs éléments que je me dois de considérer.
Selon la déclaration d’un proche de Mme Huard-Boudreault recueillie par les enquêteurs dans
ce dossier, elle a déjà été en couple avec son ex-conjoint en 2015, mais, à cette époque, ils
se disputaient souvent. L’ex-conjoint aurait poussé Mme Huard-Boudreault au moins une fois
et le couple s’est séparé pendant quelques mois. Ils reprennent leurs fréquentations au
début de 2016 et habitent ensemble au domicile de l’ex-conjoint depuis le 18 décembre
2016. Ce proche mentionne aux enquêteurs que le couple va bien au début de cette
deuxième reprise, mais, environ une semaine avant le décès de Mme Huard-Boudreault, elle
décide de rompre et quitte alors le logement de son ex-conjoint. De plus, Mme Huard-
Boudreault explique à ce proche que son ex-conjoint est contrôlant, possessif et jaloux et
qu’il veut connaître ses allées et venues suite à leur rupture.
Lors de la première intervention des policiers vers 5 h 39, le matin du 22 mars 2017, ils
expliquent à l’ex-conjoint de Mme Huard-Boudreault qu’elle désire récupérer ses effets
personnels au domicile qu’ils partageaient ensemble. L’ex-conjoint exprime alors qu’il ne
désire aucune présence policière chez lui pour éviter d’alerter le propriétaire de l’immeuble
où il habite de la situation et, ultimement, risquer de perdre son logement.
Pour quelle raison Mme Huard-Boudreault ne veut-elle pas être accompagnée des policiers
lorsqu’elle retourne à son ancien domicile vers 12 h 30, le 22 mars 2017? A-t-elle peur que
son ex-conjoint apprenne qu’elle s’y est présentée avec les policiers?
Les détails des circonstances ayant mené au décès de Mme Huard-Boudreault devaient être
établis au tribunal. Cependant, dans les jours qui précèdent le début du procès criminel, en
mai 2019, l’auteur présumé de cette mort violente plaide coupable à un chef d’accusation de
meurtre au deuxième degré (non prémédité). Le procès est ainsi évité et il est important de
souligner que ce rapport d’investigation ne le remplace pas.
En effet, selon la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès, je ne
peux me prononcer sur la responsabilité civile ou criminelle d’une personne. Mon mandat est
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plutôt d’établir les causes probables et les circonstances du décès de Mme Huard-Boudreault
et ce rapport en fait état ci-dessus.
Quant au travail des policiers qui sont intervenus dans cette affaire à trois moments de la
journée du 22 mars 2017, c’est le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) qui a procédé à
son enquête et qui a remis ses conclusions au Directeur des poursuites criminelles et
pénales (DPCP). Mon rapport ne constitue donc pas une analyse de la décision du DPCP en
lien avec le décès de Mme Huard-Boudreault.
Par ailleurs, mon mandat me permet de faire des recommandations pour une meilleure
protection de la vie humaine et ce rapport contient cinq recommandations. En effet, suite à
cette investigation, je considère que certains organismes devraient bonifier les initiatives et
les procédures déjà en place pour lutter contre la violence conjugale dans le but de prévenir
des décès comme celui de Mme Huard-Boudreault dans le futur.
Cette problématique était autrefois ignorée et banalisée, car elle était considérée comme un
problème de relation de couple relevant du domaine de la vie privée. Aujourd’hui, la violence
conjugale est décriée et réprouvée, car elle produit des conséquences désastreuses pour les
victimes et leurs proches à plusieurs niveaux ainsi que des répercussions néfastes pour la
société en général. Au Québec, depuis les années 1970, le gouvernement a mis de l’avant
plusieurs initiatives pour venir en aide aux personnes touchées par la violence conjugale et,
en 1995, suite à une grande réflexion sociétale, le gouvernement a élaboré une politique
d’intervention en matière de violence conjugale avec comme objectifs de prévenir, dépister
et contrer la violence conjugale.
Depuis son élaboration en 1995, cette politique conditionne les interventions en matière de
violence conjugale pour tous les ministères signataires de cette politique grâce à ses
définitions, l’identification de ses objectifs, ses principes directeurs et axes d’intervention
ainsi que les plans d’action quinquennaux qui s’y rattachent. À cet effet, le ministère de la
Sécurité publique a intégré le sujet de la violence conjugale dans son Guide des pratiques
policières (GPP) pour l’usage des différents corps de police de la province. Il est donc
important de regarder comment la violence conjugale est traitée par le corps de police
concerné par ce décès.
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Le travail des policiers de la Régie intermunicipale de police Richelieu-Saint-Laurent
(RIPRSL)
J’ai discuté longuement avec les hauts dirigeants de la RIPRSL pour connaître leurs
pratiques en matière de violence conjugale. Ce corps de police participe depuis de
nombreuses années à plusieurs tables de concertation et comités en matière de violence
conjugale dans sa région administrative. De plus, la RIPRSL possède une directive intitulée
« Intervention en matière de violence conjugale et intrafamiliale ». Cette directive
volumineuse de 67 pages est en vigueur depuis février 2008 et a été modifiée en août 2018.
Les sources utilisées pour la rédaction de cette directive sont nombreuses et, parmi celles-ci,
on retrouve la politique d’intervention en matière de violence conjugale de 1995. La directive
de la RIPRSL s’inspire aussi grandement de la section spécifique sur la violence conjugale
du GPP du ministère de la Sécurité publique.
En effet, cette directive explique les principes d’orientation et les pratiques d’application de
ce corps de police. Elle réfère aussi aux intervenants sociaux, communautaires et judicaires
en matière de violence conjugale. De plus, elle contient également une grille d’évaluation
sous forme d’aide-mémoire qui permet aux policiers d’évaluer de façon précise les risques
d’homicide possibles lors d’une situation de violence conjugale. Les hauts dirigeants de ce
corps de police m’informent que cette directive est appliquée dans tous les dossiers de
violence conjugale à la RIPRSL et qu’ils ont le désir de toujours améliorer les services qu’ils
offrent à la communauté en matière de violence conjugale. À cet effet, une rétroaction du
dossier de Mme Huard-Boudreault a été effectuée, comme dans tous les dossiers
d’importance.
De plus, tous les dossiers de violence conjugale de la RIPRSL font l’objet d’un suivi auprès
des victimes par un enquêteur et un travailleur social du Centre d’aide aux victimes d’actes
criminels (CAVAC) dans un très court laps de temps. Cet intervenant travaille maintenant
dans les locaux de ce corps de police et il est avisé de chaque dossier de violence conjugale
pour ainsi mieux accompagner les victimes.
Tous ces efforts ont pour but d’assurer que la sécurité des victimes de violence conjugale
demeure au centre des préoccupations de tous les intervenants de la RIPRSL dans le
respect des objectifs de la politique d’intervention en matière de violence conjugale de 1995
et du GPP et ils sont salués.
Y a-t-il lieu cependant d’en faire plus pour éviter un tel décès dans le futur?
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Le mandat complexe des policiers en matière de violence conjugale
On ne peut nier que les policiers jouent un rôle de premier plan lors d’un signalement qui
implique de la violence conjugale, car ils sont souvent les premiers à intervenir, comme ce
fut le cas le 22 mars 2017 lorsqu’ils sont appelés au lieu de travail de M me Huard-Boudreault.
Comme intervenants de première ligne, ces policiers ont un rôle judiciaire et social
extrêmement complexe à jouer et la directive d’intervention en matière de violence conjugale
de la RIPRSL est un outil important pour l’accomplissement de leur mandat. Par contre, la
violence conjugale comporte de nombreuses facettes et l’escalade de la violence, qui est un
facteur de risque de cette problématique de santé publique, peut survenir rapidement.
Pour outiller encore mieux les policiers concernant la composante sociale de leur mandat, il
m’apparaît important pour les dirigeants de la RIPRSL de créer des ateliers de formation
continue sur la problématique de la violence conjugale pour tous leurs policiers. Un rappel
ponctuel concernant les comportements qui caractérisent les cycles de la violence conjugale
aurait possiblement permis aux policiers de détecter des signes de domination de
l’ex-conjoint de Mme Huard-Boudreault à son égard même si, le matin du 22 mars 2017, elle
est calme, n’a pas de blessure apparente et ne veut pas porter plainte contre son ex-conjoint
malgré les actions de ce dernier qui démontrent qu’il n’accepte pas leur rupture.
La sécurité des victimes de violence conjugale étant l’élément central des pratiques de la
RIPRSL, il m’apparaît donc important pour ce corps de police d’effectuer des sessions de
sensibilisation concernant les vécus et les émotions des victimes ainsi que leur grande
difficulté d’effectuer les bons choix lorsqu’elles sont confrontées à différentes expressions de
violence. En effet, ces victimes ont de la difficulté à valider leurs émotions et sont bafouées
dans leur estime de soi en raison des actes de leurs agresseurs. Il est important pour les
policiers qui ont un mandat non seulement judiciaire, mais également social à remplir, de
prendre conscience de cet aspect de la violence conjugale dans le but de prévenir un
épisode de violence physique qui peut s’avérer fatal.
Comme mentionné plus tôt, la violence conjugale est un problème de santé publique
complexe et important et les événements qui ont mené au décès de Mme Huard-Boudreault
sur le territoire de la RIPRSL pourraient tout aussi bien survenir ailleurs au Québec. Aussi, il
m’apparaît essentiel que le prochain mandat d’inspection du ministère de la Sécurité
publique porte sur le traitement des dossiers de violence conjugale pour s’assurer que tous
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les corps de police de chaque région administrative du Québec traitent adéquatement ces
dossiers et utilisent tous les outils du GPP à leur disposition pour identifier les risques
d’agression et d’homicide lors de tout signalement impliquant de la violence conjugale.
- D’étudier un certain nombre de cas de décès qui font ou qui ont fait l’objet d’un
avis au coroner et pour lesquels le coroner a terminé son investigation ainsi que
l’étude systématique des cas qui se présenteront dans le futur dans le but :
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qu’au sein des organismes concernés.
Il s’agit d’un mandat large et ambitieux. Le Comité travaille présentement à formuler ses
recommandations qui seront rendues publiques lors de la diffusion de son premier rapport
annuel. Il est certain que l’expertise pointue et la contribution des représentants des
organismes membres du Comité permettront de faire des progrès pour prévenir cet
important problème de santé publique.
Le décès de Mme Huard-Boudreault sera étudié par le Comité dans le cadre de ses travaux.
En raison des actions que je recommande dans ce rapport, tant à la RIPRSL qu’au ministère
de la Sécurité publique, concernant la formation des policiers et les outils mis à leur
disposition, il serait certainement intéressant pour le Comité de revoir, au moment de l’étude
du décès de Mme Huard-Boudreault, les méthodes d’intervention de la RIPRSL en matière de
violence conjugale. En effet, le Comité pourrait alors possiblement formuler d’autres
recommandations de prévention de la violence conjugale pour tous les corps de police du
Québec.
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À cet effet, le Secrétariat à la condition féminine est grandement interpelé par cette
problématique de santé publique. Il participe aux efforts du gouvernement pour prévenir,
dépister et contrer la violence conjugale par de nombreux projets structurants et porteurs qui
ont pour but de favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes.
CONCLUSION
Mme Daphné Huard-Boudreault est décédée d’un polytraumatisme par arme piquante et
tranchante avec ou sans effet combiné d’une strangulation.
RECOMMANDATIONS
d’élaborer des ateliers de formation continue auprès des policiers concernant les
comportements qui caractérisent les cycles de la violence conjugale pour mieux en
détecter tous les signes avant-coureurs possibles;
d’effectuer des sessions de sensibilisation auprès des policiers concernant les vécus
et les émotions des victimes de violence conjugale lorsqu’elles sont confrontées à
cette réalité.
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risques d’agression et d’homicide lors de tout signalement impliquant de la violence
conjugale;
d’évaluer l’opportunité d’insérer au GPP une section concernant les situations où une
victime se présente au poste de police pour s’informer de ses droits et obtenir des
conseils pour ainsi permettre aux policiers de revoir leurs pratiques internes et les
adapter, au besoin, pour sensibiliser les victimes aux dangers potentiels auxquels
elles s’exposent et à l’utilité d’avoir recours à un accompagnement des policiers de
façon préventive.
Je soussignée, coroner, reconnais que la date indiquée, et les lieux, les causes, les
circonstances décrits ci-dessus ont été établis au meilleur de ma connaissance, et ce, à la
suite de mon investigation, en foi de quoi j’ai signé, à Montréal, ce 15 mai 2020.
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