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Manifestations oto-rhino-laryngologiques
des hémopathies de l’adulte
Q. Lisan, I. Boussen, P. Le Page, Y. Pons, S. De Regloix, M. Raynal, M. Kossowski
Les manifestations oto-rhino-laryngologiques (ORL) sont fréquentes au cours des hémopathies, qu’elles
soient malignes ou bénignes. Elles peuvent être révélatrices de la maladie et amener les patients à consul-
ter en premier lieu le praticien ORL. Il convient alors, au vu de la clinique et du contexte général, de
reconnaître les signes indiquant une étiologie hématologique afin d’orienter au mieux le patient. Un pre-
mier bilan simple et orienté permet d’adresser le patient à l’hématologue en ayant déjà avancé dans la
démarche diagnostique. Par ailleurs, au cours de leur suivi, il n’est pas rare que ces patients présentent
une symptomatologie ORL soit en rapport avec une localisation spécifique de leur maladie, soit d’ordre
hémorragique ou infectieuse. L’hématologue est alors amené à prendre avis auprès de son confrère ORL
afin d’adapter la prise en charge thérapeutique du patient. Enfin, les thérapeutiques utilisées en héma-
tologie, que ce soit la chimiothérapie, la radiothérapie ou encore les traitements associés, peuvent avoir
des effets indésirables concernant la sphère ORL. Leur diagnostic précoce, leur traitement et leur suivi
apparaissent alors indispensables à une prise en charge globale du patient.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
EMC - Oto-rhino-laryngologie 1
Volume 9 > n◦ 4 > novembre 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0351(14)58482-6
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20-915-A-10 Manifestations oto-rhino-laryngologiques des hémopathies de l’adulte
Tableau 1.
Facteurs de risque de leucémie aiguë [4] .
Chimiques Physiques Environnementaux Viraux Constitutionnels Antécédent de chimiothérapie
et/ou de radiothérapie
Benzène, Radiations Raffineries de pétrole, Infection Ataxie-télangiectasie,
chimiothérapies solvants, tabac, etc. HTVL1 agammaglobulinémie, maladie
de Fanconi, trisomie 21, etc.
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Manifestations oto-rhino-laryngologiques des hémopathies de l’adulte 20-915-A-10
Tableau 2.
Étiologies des syndromes d’hyperviscosité.
Augmentation de l’hématocrite Augmentation des protides Augmentation des éléments figurés du sang
Polyglobulies primitives (Vaquez) ou Gammapathies monoclonales (Waldenström, Leucémie aiguë hyperleucocytaire, syndromes
secondaires (insuffisance rénale, myélome) myéloprolifératifs (leucémie myéloïde
insuffisance respiratoire, etc.) Gammapathies polyclonales (maladies systémiques) chronique, thrombocytémie essentielle)
Cryoglobulinémie
Hyperfibrinogénémie (inflammation)
contemporains d’un effondrement du taux des polynucléaires multiples (lymphome, hodgkinien ou non, ou leucémie). Dans
neutrophiles inférieur à 500/mm3 . Ainsi, la réalisation d’une NFS le cadre de la leucémie lymphoïde chronique, il peut exister
toutes les semaines pendant trois à quatre semaines permet de une adénopathie plus volumineuse, pouvant être alors le témoin
mettre en évidence une neutropénie avec un caractère cyclique, de la transformation en lymphome de haut grade (syndrome
coïncidant avec la symptomatologie observée. de Richter). L’association à des adénopathies médiastinales, et
Une langue dépapillée et douloureuse (stomatodynie) avec sen- éventuellement un syndrome cave supérieur lié à la compres-
sation de brûlure de la cavité buccale est un signe en faveur sion veineuse, est évocateur de lymphome ou de leucémie
d’une anémie. Il s’agit d’un symptôme rare mais apparaissant aiguë.
à une phase précoce. Dans le cas d’une anémie de Biermer Dans le cas d’adénopathie d’origine hématologique, on ne
(avitaminose B12 ), la langue est rouge, brillante et lisse (glossite retrouve pas de cause locale, il n’existe pas de porte d’entrée
de Hunter) [22] . En cas d’anémie ferriprive, la langue peut être infectieuse, le bilan étiologique ORL classique (tumeur, infection
atrophique, avec d’éventuelles paresthésies [23] . S’y associe une locorégionale) est négatif. Une durée d’évolution supérieure à un
atrophie de la muqueuse buccale et œsophagienne, ainsi que des mois renforce la suspicion diagnostique.
signes généraux classiques d’anémie (pâleur cutanéomuqueuse, Une étiologie hématologique bénigne d’adénopathie cervicale
troubles des phanères). est la maladie de Castleman, qui est une hypertrophie ganglion-
Un érythème diffus cutanéomuqueux de la cavité buccale, pré- naire avec hyperplasie lymphoïde angiofolliculaire. Dans 10 %
dominant à la langue, de couleur pourpre est un signe en faveur des cas, on retrouve des adénopathies cervicales [30] . Le traitement
d’une polyglobulie de Vaquez. Le diagnostic est suspecté à par- comporte un geste chirurgical et/ou une radiothérapie.
tir de la NFS (hématocrite supérieur à 54 % chez l’homme ou à
47 % chez la femme, taux d’hémoglobine supérieur à 18 g/dl chez Région parotidienne
l’homme ou à 16 g/dl chez la femme), et affirmé par la mise en
évidence en biologie moléculaire d’une mutation V617F du gène La région parotidienne peut être concernée par les hémopa-
JAK2. thies, avec en particulier des tuméfactions parotidiennes fermes
Des lésions cutanées d’aspect bleuâtre ou verdâtre de la tête et une peau saine en regard évoquant un lymphome malin non
et du cou, associées à une symptomatologie de pharyngite et des hodgkinien ou encore une infiltration parotidienne dans le cas
hémorragies gingivales ou linguales font évoquer un chlorome [24] . des leucémies aiguës. Là encore, l’aspect est lié à l’infiltration
Le chlorome, ou sarcome granulocytaire, ou encore sarcome myé- leucosique.
loïde, est une tumeur constituée de cellules myéloïdes immatures,
de localisation extramédullaire, accompagnant 3 à 8 % des leucé- Signes otologiques cochléovestibulaires
mies aiguës myéloïdes [25] . Une de ses localisations possible est la
sphère ORL. Les autres sites de prédilection de développement de Toutes les pathologies entraînant une hyperviscosité (Tableau 2)
la tumeur au niveau cutané sont le torse et les extrémités. Rare- peuvent être responsables de signes cochléovestibulaires : acou-
ment, le chlorome peut précéder l’atteinte de la moelle osseuse. La phènes, surdité brusque et vertiges. Ces symptômes seraient en
symptomatologie qu’il entraîne peut ainsi être révélatrice d’une rapport avec des troubles de la microcirculation. Il est toutefois
leucémie aiguë myéloïde. Selon certaines séries, plus de la moitié rare que ces signes constituent le mode de révélation.
des cas de chloromes identifiés ont été révélateurs de leucémie Dans le cas des leucémies (myéloïdes ou lymphoïdes, aiguës
aiguë [25] . Ce mode de présentation rare entraîne fréquemment ou chroniques), des symptômes cochléovestibulaires peuvent
un retard diagnostique [26] . Une biopsie s’impose, pour analyse être présents, mais sont rarement révélateurs de la maladie.
anatomopathologique mais aussi une analyse en cytométrie de L’étiopathogénie paraît complexe, et pourrait inclure des méca-
flux et immunohistochimie. Un myélogramme est réalisé rapide- nismes différents tels que l’infiltration leucémique de l’oreille, des
ment par le spécialiste hématologiste. Le traitement est celui de hémorragies de l’oreille interne, des épisodes infectieux ou encore
la leucémie aiguë. Effectivement, presque 100 % des cas de loca- être liée au syndrome d’hyperviscosité sanguine.
lisation extramédullaire de leucémie aiguë évolueront vers une Concernant le myélome, la symptomatologie cochléoves-
authentique atteinte médullaire [27] . Le retard diagnostique et thé- tibulaire peut être liée à deux phénomènes. D’une part,
rapeutique peut alors être gravissime. l’hyperviscosité entraînant plus fréquemment des acouphènes.
La symptomatologie laryngée est plus rarement révélatrice D’autre part, une localisation myélomateuse à l’os temporal peut
d’hémopathie. On peut rencontrer une atteinte laryngée pri- être à l’origine d’une hypoacousie, d’acouphènes ou encore d’une
maire, plutôt supraglottique, dans le cadre d’un plasmocytome paralysie faciale [31] .
extramédullaire ou dans le cadre d’un lymphome malin non En cas de thrombocytémie essentielle, la symptomatologie
hodgkinien [28] . Au niveau laryngé, un plasmocytome peut aussi cochléovestibulaire paraît plus fréquente (65 % des cas) [32] et serait
se révéler par une atteinte cordale isolée [29] . due à une occlusion de la microcirculation, tant au niveau péri-
De manière générale, toute lésion suspecte, inexpliquée ou trai- phérique que central.
nante et ne répondant pas aux traitements habituels doit être Une atteinte cochléaire (surdité de perception bilatérale) et/ou
biopsiée. vestibulaire est présente dans 22 % des cas de cryoglobulinémie.
Cette atteinte de l’oreille interne est liée à la vascularite [33] .
Il faut néanmoins savoir relier un vertige à une anémie, quelle
Signes cervicaux que soit sa cause (carencielle, ou insuffisance médullaire par
exemple).
Adénopathies
Il est important de savoir reconnaître des adénopathies évo- Signes hémorragiques
quant préférentiellement une origine hématologique, évitant
ainsi un bilan inutile car mal orienté. Les adénopathies d’étiologie Les anomalies de l’hémostase peuvent se révéler par des hémor-
hématologique sont typiquement fermes, mobiles, indolores et ragies des VADS, spontanées ou provoquées par une intervention
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Tableau 3.
Bilan minimum devant une suspicion de trouble de l’hémostase.
NFS, plaquettes
Temps de saignement
TP, TCA
Fibrinogène
Temps de thrombine
Tableau 4.
Triade symptomatique du syndrome d’hyperviscosité [45, 46] .
Neurologique Troubles visuels Saignements
Céphalées, confusion, Fond d’œil : Purpura, saignements
nystagmus, vertiges, hémorragies muqueux
ataxie, paresthésies, rétiniennes, dilatation
épilepsie, coma des veines de la rétine,
Figure 1. Bulle hémorragique linguale, purpura pétéchial du voile du jusqu’à l’occlusion
palais et quelques pétéchies linguales. veineuse complète en
l’absence de traitement
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Tableau 6.
Classement des hémopathies par lignées.
Lignées Anomalies quantitatives Anomalies qualitatives
Globules rouges Anémie : carentielle (B12 , fer), Hémoglobine : thalassémie,
(GR) hémolytique drépanocytose
Polyglobulie primitive (Vaquez) ou GR : sphérocytose héréditaire, déficit
secondaire (insuffisance respiratoire) G6PD
Thrombopénie : auto-immune (PTI), Thrombopathie congénitale ou acquise
Plaquettes immunoallergique, virale (aspirine)
Thrombocytose : syndrome
myéloprolifératif (thrombocytémie
essentielle) ou réactionnelle
Globules blancs Lignée myéloïde Leucémie aiguë myéloïde Syndromes myélodysplasiques
Syndromes myéloprolifératifs : leucémie
myéloïde chronique
Neutropénie : toxique (agranulocytose Déficit congénital de la phagocytose
médicamenteuse), infectieuse, (granulomatose septique chronique)
congénitale (neutropénie cyclique
idiopathique)
Lignée lymphoïde Leucémie aiguë lymphoïde Agammaglobulinémie
Leucémie lymphoïde chronique Déficit immunitaire
Lymphome non hodgkinien et maladie commun variable
de Hodgkin
Myélome et maladie de Waldenström
Lymphopénie : infectieux (VIH)
G6PD : glucose-6-phosphate déshydrogénase ; PTI : purpura thrombopénique idiopathique ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine.
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Tableau 7.
Critères d’interprétation de la tomographie à émission de positons (TEP) en fin de traitement dans le cadre du lymphome [53] .
Maladie métaboliquement progressive Maladie métaboliquement Réponse métabolique partielle Réponse métabolique complète
stable
Apparition d’une nouvelle lésion de plus TEP toujours positive mais stable Régression de plus de 50 % de la Clinique et TEP négatives
de 1,5 cm (même si diminution de taille somme des produits des plus
des autres lésions) ou augmentation grands diamètres d’au moins six
(≥ 50 %) de la somme des lésions ganglions
initialement considérées comme
pathologiques
Pour le diagnostic d’extension : bilan initial (Tableau 7) [53] . À tout moment, une hyperfixation suspecte de la
oto-rhino-laryngologique sphère ORL doit être explorée par un examen clinique spécialisé,
et éventuellement un scanner ou la réalisation de biopsies.
Dans le cadre d’une hémopathie connue ou suspectée
Lorsqu’une hémopathie est connue ou fortement suspectée, il
peut exister des symptômes ORL. Un examen clinique spécialisé
Complications oto-rhino-laryngologiques
est nécessaire, notamment pour savoir rattacher la symptomato- au décours d’une hémopathie
logie à la pathologie hématologique ou pour affirmer l’absence de Complications infectieuses
lien. La symptomatologie ORL reliée aux différentes pathologies Les complications infectieuses sont dominées par les infections
hématologiques a déjà été largement abordée dans la première bactériennes.
partie. Les signes pouvant révéler une hémopathie peuvent Les infections fongiques sinusiennes chez le patient atteint
également apparaître au cours de l’évolution. Ainsi, la grande d’hémopathie sont principalement dues aux pathogènes suivants,
majorité des points vus dans la première partie restent valables à par ordre de fréquence décroissante : Aspergillus, Candida, Muco-
ce stade. rales et Fusarium [54, 55] . Toutes les infections sinusiennes liées
à ces germes peuvent donner les signes suivants : fièvre, obs-
Découverte d’une hyperfixation à la tomographie à émission truction nasale, rhinorrhée, exophtalmie, douleur faciale [55–57] .
de positons dans la sphère oto-rhino-laryngologique Le traitement est une urgence, le diagnostic se doit d’être
La TEP couplée à la TDM est un examen fréquemment réalisé précoce.
dans les pathologies hématologiques, autant pour le diagnostic La mucormycose est une infection fongique à Mucorales, dont
initial que lors du suivi [51] . Elle est systématique dans le cadre du le risque d’apparition est grand après une neutropénie prolongée
lymphome. À cette occasion, il peut être découvert de manière ainsi que sur les terrains diabétiques. Six formes de mucormy-
fortuite une fixation dans la sphère ORL. Un examen clinique coses existent. Les formes rhinocérébrales et pulmonaires sont
spécialisé est alors nécessaire afin de reconnaître l’origine de cette les plus fréquentes chez les patients atteints d’hémopathies [58–60] .
hyperfixation, liée ou non à l’hémopathie, traduisant un proces- Existent également les localisations gastro-intestinales, du sys-
sus pathologique ou étant aspécifique. Tant au diagnostic qu’au tème nerveux central, sous-cutanées et enfin la forme disséminée.
cours du suivi, une nouvelle localisation dans la sphère ORL peut Au niveau rhinocérébral, après inhalation des spores, apparaît une
amener à modifier le stade et donc la prise en charge thérapeu- rhinite nécrotique de diffusion rapide vers les sinus paranasaux,
tique. En cas d’hyperfixation ganglionnaire, il faut savoir éliminer puis une extension à l’orbite et enfin en intracérébral [54] . Clini-
les causes classiques d’adénopathie [52] avant de pouvoir rattacher quement, les symptômes les plus fréquents témoins de l’infection
celle-ci à la pathologie hématologique. sont une rhinorrhée, une exophtalmie ainsi qu’une ophtalmo-
plégie [61] . Peuvent également exister une nécrose cutanée ou une
paralysie faciale périphérique [61] . En pratique, le diagnostic est
Au cours de l’évolution souvent difficile et n’est fait qu’après un certain délai [54, 62] . Le
diagnostic de certitude est effectué grâce à un prélèvement et une
Bilan d’évaluation et/ou de rechute analyse mycologique [54, 57, 62] . L’imagerie (TDM sinusienne) est
La symptomatologie ORL présentée au cours de l’évolution indispensable. Elle apporte des arguments en faveur du diagnostic
d’une hémopathie est similaire à celle qui peut être révéla- et précise la localisation ainsi que les extensions. En endoscopie,
trice (cf. « Quand suspecter une hémopathie devant des signes l’aspect est celui de croûtes de couleur noire [54] . Le traitement
oto-rhino-laryngologiques »). Les manifestations hémorragiques est une urgence, tout retard de prise en charge étant responsable
peuvent être plus importantes, de même que les complications d’une augmentation de la mortalité [54] . Le traitement est chirurgi-
infectieuses, liées à la défaillance médullaire d’une part, et aux cal, par voie endonasale ou transfaciale si besoin [63] . Il consiste en
chimiothérapies aplasiantes d’autre part. Au contraire d’une une résection large du tissu nécrosé [54, 59] . Cela permet le contrôle
atteinte initiale, les infiltrations laryngées leucémiques (sur- de la maladie et l’amélioration de la survie [54, 63] . À la chirurgie
tout myéloïde, que la pathologie soit aiguë ou chronique) ou est associé un traitement médicamenteux par amphotéricine B en
les infiltrations lymphomateuses secondaires, sont de mauvais intraveineux [55, 56] . La mortalité due à cette infection est comprise
pronostic [28] . entre 30 et 77 % selon les séries [64–66] .
Parmi les patients présentant un chlorome, environ 50 % sont Les infections à Fusarium avec atteinte sinusienne relèvent de
révélateurs de la leucémie aiguë myéloïde, tandis que 50 % appa- la même prise en charge, à savoir une chirurgie sinusienne large
raissent au cours de l’évolution [25] . L’atteinte peut être sinusienne, associée à un traitement intraveineux par voriconazole (VFEND® )
buccale avec des gingivorragies et des hémorragies linguales, ainsi ou par amphotéricine B, éventuellement associé à de la rifampi-
qu’une atteinte cutanée (cf. « Quand suspecter une hémopathie cine [67] .
devant des signes oto-rhino-laryngologiques »). En cas de leucé- L’aspergillose invasive relève également d’un traitement chi-
mie connue, la biopsie est inutile si l’aspect clinique est typique, rurgical endoscopique agressif. On lui associe un traitement par
sauf s’il existe un doute diagnostique quant à une rechute isolée voriconazole ou par amphotéricine B en seconde intention par
extramédullaire. voie systémique. Il a été décrit l’utilisation d’amphotéricine B en
Dans le cadre du lymphome, une TEP-TDM est pratiquée au irrigation locale [68] .
moment du bilan initial, du bilan intermédiaire et en fin de trai- Ces différentes infections sévères se doivent de bénéficier d’un
tement. Au bilan intermédiaire, c’est-à-dire après deux ou quatre diagnostic le plus précocement possible. La rapidité du diagnos-
cures de chimiothérapie, elle évalue la réponse aux traitements [51] . tic permet d’intervenir à des stades encore peu étendus (éviter
En fin de traitement, des critères internationaux d’interprétation l’extension vers l’orbite, le système nerveux central, voire la diffu-
ont été instaurés (International Harmonize Project [IHP], 2007) sion systémique). Cela permet, en outre, de diminuer la mortalité
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liée à ces infections gravissimes. Il est estimé qu’environ 2 % des d’aspirine, un traitement local est généralement suffisant. Il faut
transplantés de moelle vont avoir une sinusite fongique néces- savoir éviter la chirurgie si le taux de plaquettes est inférieur à
sitant un traitement chirurgical [69] . On comprend alors l’intérêt 50 000/mm3 .
de traiter toute sinusite chez ces patients fragiles, pour qui une Chez tout patient suivi pour trouble de l’hémostase, il faut
infection de cette sorte peut devenir menaçante pour le pronostic prendre avis auprès de son médecin référent, ou consulter son car-
vital [70] . De manière générale, toute infection survenant sur ces net de suivi, afin de prendre connaissance des modalités de prise
terrains fragiles, même banale, doit être traitée. en charge périopératoire. Par exemple, dans le cadre de la mala-
Une fièvre inexpliquée chez un patient atteint d’une hémopa- die de Willebrand, celles-ci peuvent comporter un traitement par
thie est également un motif de consultation. L’examen clinique Minirin® ou une transfusion de facteurs de la coagulation dans les
se doit alors d’être soigneux. Toute suspicion clinique conduit à formes sévères.
la réalisation d’une imagerie, et d’un prélèvement s’il est possible.
Dans ce contexte, une TEP-TDM peut être réalisée à la recherche Cas particulier de la drépanocytose
d’une hyperfixation pouvant expliquer la fièvre. Les signes fonctionnels cochléovestibulaires chez le drépanocy-
Des ulcérations buccales dans un contexte d’agranulocytose taire sont fréquents.
doivent conduire à la prescription d’une antibiothérapie à large On estime que 10 à 40 % des patients atteints de drépanocytose
spectre. Le but principal est de limiter l’extension des lésions. homozygote présenteraient une surdité de perception, d’origine
La cicatrisation se fait lorsque les polynucléaires neutrophiles multifactorielle (secondaire à l’anémie, accidents vaso-occlusifs
retrouvent un taux suffisant. Des prélèvements sont éventuelle- ou accidents hémorragiques) [74] . En cas de symptomatologie
ment réalisés pour mettre en évidence un germe pathogène pour aiguë, il est généralement nécessaire de recourir à une hospitalisa-
lequel la remontée des polynucléaires ne suffit pas pour la guéri- tion pour hydratation, saignées répétées si le taux d’hémoglobine
son, justifiant ainsi d’une antibiothérapie ciblée. Chez un patient est supérieur à 10,5 g/dl ou réaliser des échanges transfusionnels.
atteint de leucémie aiguë myéloïde, la survenue d’un état infec- L’apparition de vertiges serait liée à des phénomènes vaso-
tieux est le témoin de la défaillance médullaire [4] . occlusifs de la microcirculation de l’oreille interne [75] . Il est
Chez le patient atteint d’hémopathie, plusieurs facteurs de nécessaire de réaliser en urgence une NFS (à la recherche d’une
risque existent vis-à-vis des complications infectieuses. Elles aggravation de l’anémie ou d’une hyperviscosité sanguine avec
peuvent être liées à : un taux d’hémoglobine supérieur à 10–11 g/dl), un groupage avec
• la corticothérapie (cf. « Préthérapeutique ») ; phénotype étendu, une recherche d’agglutinines irrégulières, un
• une neutropénie, liée à l’insuffisance médullaire. Les infections ionogramme, une créatininémie, le dosage des lactates déshydro-
sont principalement fongiques et à bactéries encapsulées ; génases (LDH), de la protéine C réactive (CRP) et de la calcémie [75] .
• une lymphopénie liée à l’insuffisance médullaire ou iatrogène. Il faut bien entendu éliminer une origine neurologique. Un audio-
Les infections sont fongiques ou virales ; gramme avec impédancemétrie et une vidéo-nystagmographie
• une hypogammaglobulinémie, responsable d’infections bacté- sont réalisés. Le traitement est effectué en ambulatoire ou au
riennes. cours d’une hospitalisation. Il repose sur l’hydratation, une oxygé-
nothérapie, un traitement par acétyl-dl-leucine, éventuellement
Complications hémorragiques et troubles de l’hémostase relayé par du bétahistine. Une rééducation vestibulaire peut venir
Les symptômes hémorragiques au cours des hémopathies sont dans un second temps. Il faut éviter les régimes sans sel, les traite-
identiques aux symptômes pouvant être inauguraux de la mala- ments par corticoïdes, les diurétiques, les traitements osmolaires
die, décrits dans la première partie de ce chapitre. Généralement, type acétazolamide. Selon le taux d’hémoglobine, peuvent être
le traitement symptomatique (transfusion plaquettaire ou facteurs réalisées des saignées (si le taux est supérieur à 10–11 g/dl), des
de la coagulation), et éventuellement le traitement étiologique transfusions (si le taux d’hémoglobine est inférieur de 2 g/dl par
(traitement d’une carence, chimiothérapie), suffit. Si un geste est rapport au taux de base), ou encore des échanges transfusionnels
nécessaire, il est le moins agressif possible (matériel résorbable), (si l’hémoglobine est normale).
ce dernier ayant généralement pour objectif de donner du répit le Une surdité brusque peut justifier un traitement par corticoïdes,
temps que le traitement étiologique soit efficace. Dans quelques mais uniquement après des échanges transfusionnels ou des sai-
cas, le traitement est une urgence. Ces situations sont soit fonc- gnées [75] .
tion de l’état particulier du patient (trouble majeur de l’hémostase Un syndrome obstructif des voies respiratoires supérieures doit
et complication infectieuse grave de type mucormycose impo- faire systématiquement rechercher une cause ORL quand il est
sant une chirurgie en urgence par exemple), soit fonction de constaté une aggravation de la drépanocytose. S’il existe une
la survenue spontanée d’hémorragies. Ainsi, les hématomes de hypertrophie amygdalienne, l’amygdalectomie (après échanges
base de langue ou de la paroi pharyngée postérieure peuvent être transfusionnels) peut permettre le retour à la stabilité de la dré-
d’une extrême gravité, entraînant rapidement une détresse respi- panocytose [75] . Une sinusite est à rechercher systématiquement
ratoire [71] . Ils s’observent plus fréquemment dans le cadre d’une devant une crise vaso-occlusive ou un syndrome thoracique aigu,
hémophilie sévère. car il peut s’agir du facteur déclenchant de la crise.
Dans certains cas, comme dans la maladie de Waldenström, De manière générale, les corticoïdes sont contre-indiqués chez
les manifestations hémorragiques sont synonymes de maladie un patient drépanocytaire. En cas d’utilisation, il existe un risque
symptomatique, et constituent donc une indication à initier important de déclencher une crise vaso-occlusive, et éventuelle-
une chimiothérapie [72] . La macroglobulinémie de Waldenström, ment un syndrome thoracique aigu. Si l’indication est formelle,
ou maladie de Waldenström, est une prolifération lympho- la corticothérapie est initiée après la réalisation d’échanges trans-
cytaire B avec accumulation de cellules monoclonales dans fusionnels, en concertation avec le médecin référent.
la moelle osseuse et dans les tissus lymphoïdes périphériques En cas de chirurgie chez un patient drépanocytaire,
(chaînes ganglionnaires, rate) associée à une production excessive l’intervention doit être programmée en collaboration avec
d’immunoglobulines sériques monoclonales (IgM). Il en résulte un anesthésiste habitué à la drépanocytose ainsi qu’un médecin
une hyperviscosité sanguine liée à l’augmentation du taux d’IgM référent en drépanocytose. Un bilan préopératoire complet est
et une insuffisance médullaire liée à l’infiltration tumorale. De effectué. À titre d’exemple, aucune mesure particulière n’est à
là, on observe une thrombopénie responsable d’un syndrome prendre en cas d’adénoïdectomie. En revanche, des échanges
hémorragique (gingivorragies, épistaxis [72] , infiltrats hémorra- transfusionnels sont réalisés avant amygdalectomie. Si l’analgésie
giques à l’emporte-pièce du palais, des joues ou de la langue). Des postopératoire nécessite un traitement morphinique, il n’est
troubles de la vision, liés à des hémorragies rétiniennes, peuvent prescrit que sous surveillance étroite et, en aucun cas, reconduit
s’y associer. Il s’agit d’un mode de découverte devenu rare actuel- en traitement de sortie.
lement, car le diagnostic est posé à un stade précoce de la maladie.
La prescription d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) Manifestations oto-rhino-laryngologiques au cours
ou d’aspirine en pré- ou postopératoire d’une amygdalectomie de la réaction du greffon contre l’hôte
entraîne une augmentation de réinterventions pour saigne- La réaction du greffon contre l’hôte (graft versus host [GVH]),
ments [73] . En cas de thrombopathie secondaire à la prise fréquente après allogreffe, peut revêtir de multiples présentations
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Manifestations oto-rhino-laryngologiques des hémopathies de l’adulte 20-915-A-10
cliniques. Des manifestations cutanées et/ou muqueuses sont avant la greffe est actuellement quasiment systématique [85] . On
présentes dans plus de 80 % des cas [76] . Il s’agit de lésions blan- retrouve environ 20 % de sinusites radiologiques, cliniquement
châtres en réseau, leucokératosiques, au niveau des joues ou asymptomatiques, nécessitant un traitement avant l’initiation de
de la langue. Elles sont associées à des plages érythémateuses, la greffe [85] . Une consultation stomatologique est également sys-
érosives, voire ulcérées. Les diagnostics différentiels avec ces mani- tématique.
festations cutanéomuqueuses sont les infections, qu’elles soient
bactériennes, virales ou fongiques. Il ne faut donc pas hésiter à Avant mise en route d’un traitement
recourir aux prélèvements microbiologiques. En cas de GVH chro-
nique (après trois mois), l’atteinte buccale peut être plus marquée Un avis ORL peut être utile avant l’initiation d’un traitement.
avec une chéilite, des atteintes salivaires à l’origine d’une xérosto- Il peut être réalisé avant une greffe ou une chimiothérapie,
mie importante, une atrophie papillaire, un lichen plan, ainsi que l’essentiel de l’examen étant alors axé sur la recherche de poten-
des ulcérations douloureuses [77] . tiels foyers infectieux. En fonction de la chimiothérapie envisagée,
l’examen clinique doit être orienté. Les signes spécifiques à recher-
Autres complications cher sont ceux pouvant éventuellement être secondairement la
Une surdité de transmission ou une surdité mixte serait conséquence d’effets indésirables (cf. « Conséquences oto-rhino-
présente chez 65 % des patients ayant une bêtathalassémie laryngologiques des traitements hématologiques »).
majeure ou intermédiaire. Elle serait due aux modifications
osseuses hyperplasiques de l’oreille moyenne réactionnelles, à
l’anémie et non à l’ototoxicité des transfusions ou du traitement Conséquences
chélateur [78] .
L’apparition d’une symptomatologie cochléovestibulaire chez oto-rhino-laryngologiques
un patient atteint de leucémie tient à plusieurs facteurs. Dans
des études histologiques, une infiltration leucémique a été obser-
des traitements hématologiques
vée à plusieurs endroits [79–81] : cochlée, vestibule, apex pétreux,
Avec l’amélioration des thérapeutiques actuelles, la survie
conduit auditif interne (CAI) ainsi que dans l’oreille moyenne.
des patients en onco-hématologie s’allonge. Néanmoins, ces
Des hémorragies dans l’oreille interne ont également été obser-
thérapeutiques entraînent de multiples effets indésirables. Les
vées. Ces lésions ont été majoritairement décrites dans le cadre
principaux, qu’ils soient dus aux chimiothérapies, à la radiothé-
de leucémies aiguës lymphoïdes ou de leucémies lymphoïdes
rapie ou aux traitements associés sont détaillés ici.
chroniques [79, 80] . Une effusion dans l’oreille moyenne est éga-
lement observée [81, 82] . Le traitement est celui de la leucémie.
D’éventuels traitements locaux peuvent être mis en œuvre (anti- Chimiothérapie
biotiques locaux) [82, 83] . Une paracentèse peut être proposée dans
certains cas, en prenant en compte qu’il s’agit d’une brèche qui Toutes les chimiothérapies utilisées en onco-hématologie
peut donc être une potentielle source de surinfection chez ces entraînent, à des degrés divers, des complications communes, elles
patients immunodéprimés [82] . Le rocher constitue une poten- sont décrites dans un premier temps. Les différentes classes utili-
tielle zone de persistance de la maladie, y compris quand la sées sont rappelées dans le Tableau 8. Certaines d’entre elles sont
rémission au niveau médullaire et/ou sanguine est obtenue. Le responsables de complications spécifiques, qui vont être détaillées
rocher constitue ainsi une zone « sanctuaire » pour la maladie. dans un second temps.
Une imagerie par résonance magnétique (IRM) de contrôle peut
être pratiquée. Elle retrouve alors un hypersignal en séquence Complications générales communes
T1 s’il existe une infiltration du rocher, et un hypersignal en
séquence T2 s’il s’agit d’une persistance de l’inflammation après Mucite
chimiothérapie [82] . Au sein des complications communes à la chimiothérapie,
Un syndrome d’hyperviscosité peut donc apparaître au cours la mucite est très fréquemment rencontrée au cours du traite-
de l’évolution de la maladie et être responsable d’une multitude ment des hémopathies malignes [86] . Il s’agit d’un phénomène
de symptômes (cf. « Quand suspecter une hémopathie devant des complexe. Il est dépendant du traitement (toxicité propre, temps
signes oto-rhino-laryngologiques ») (Tableau 4). d’exposition et propriétés intrinsèques) et du patient (comor-
bidités, infections, mauvaise hygiène buccale, traitement par
corticostéroïde, génétique). Il existe ainsi une différence de sévé-
Préthérapeutique rité de la mucite entre les individus soumis à un même traitement.
Le délai d’apparition des symptômes est d’environ cinq à huit
La nécessité d’un examen ORL avant et pendant les traitements
jours après le début du traitement. Ils durent en moyenne sept
hématologiques est depuis longtemps établie [84] .
à 14 jours. La douleur est au premier plan, responsable d’une
dysphagie et d’une hypersialorrhée, fréquemment associée à
Bilan prégreffe des symptômes digestifs (douleurs abdominales, diarrhées, etc.),
L’examen ORL est systématique. La recherche de foyers infec- témoins d’une mucite digestive. À l’examen clinique, on retrouve
tieux doit être soigneuse. Tout foyer infectieux mal traité peut être une inflammation de la muqueuse, qui est érythémateuse, asso-
source de complications graves chez ces patients lorsqu’ils sont en ciée à des degrés divers à des ulcérations. L’évaluation de la mucite
période d’aplasie médullaire. La réalisation d’une TDM des sinus repose sur des échelles, dont deux sont fréquemment utilisées :
Tableau 8.
Principales chimiothérapies utilisés en onco-hématologie.
Agents alkylants Bléomycine Poisons des Agents antimétabolites Poisons du fuseau
topoisomérases II
Oxazaphosphorines : cyclophosphamide Agents intercalants : Analogues des purines : Vinca-alcaloïdes :
(Endoxan® ), ifosfamide (Holoxan® ) anthracyclines fludarabine, vincristine, vinblastine
Melphalan (Alkéran® ), chloraminophène (daunorubicine, 6-mercaptopurine
(chlorambucil), procarbazine (Natulan® ) idarubicine), Analogues des bases
Nitroso-urées : BCNU, CCNU, estramustine, anthracènediones pyrimidiques :
fotémustine (Muphoran® ) (mitoxantrone) cytarabine
Dérivés du platine : cisplatine, carboplatine Agents non Antifoliques :
intercalants : étoposide méthotrexate
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Manifestations oto-rhino-laryngologiques des hémopathies de l’adulte 20-915-A-10
devient plus fréquente et plus sévère. La surdité est irréversible. En ont prouvé l’intérêt de l’amifostine dans la xérostomie et la
cas de traitement par carboplatine, on retrouve cette perte audi- mucite, en phase aiguë et tardive [109, 110] . Un effet indésirable est
tive pour les fréquences aiguës chez environ 15 % des patients, l’hypocalcémie.
essentiellement s’il y a eu un traitement antérieur par cispla- Des effets indésirables cutanés sont fréquents. Ils vont du simple
tine. Les analogues des purines (fludarabine, 6-mercaptopurine, érythème cutané à la nécrose tissulaire. Les facteurs de risques de
etc.) sont des agents antimétabolites qui inhibent la synthèse développer une complication grave sont l’âge, le statut nutrition-
des nucléotides puriques ou pyrimidiques ou prennent leur place nel, les comorbidités et les traitements associés (chimiothérapie,
au cours de la réplication (phase S du cycle cellulaire). Parmi corticothérapie) [106] . Des séquelles esthétiques peuvent aussi exis-
eux, le purinethol peut être à l’origine d’ulcérations buccales. ter (hyperpigmentation, alopécie, troubles des phanères).
Après traitement par fludarabine, des cas de sinusite fongique Les conséquences buccodentaires sont fréquentes (caries, can-
invasive ont été décrits [56] . Au sein des antifoliques, le métho- didose oropharyngée). Un bilan dentaire est systématique avant
trexate peut entraîner des troubles de l’odorat à type d’hyposmie initiation des traitements. L’ostéoradionécrose est une complica-
ou d’anosmie [99] . Les vinca-alcaloïdes (vincristine, vinblastine) tion grave. Elle est systématiquement prévenue par la réalisation
inhibent la polymérisation de la tubuline, interagissant ainsi d’un bilan dentaire préalable, avec une remise en état dentaire si
avec le fuseau mitotique. Une paralysie bilatérale des cordes cela se révèle nécessaire. S’ensuit la mise en place de gouttières
vocales après vincristine est un effet décrit, qui reste cependant fluorées, que le patient doit garder à vie.
très rare [100] . Des atteintes des paires crâniennes sont également Les moyens de prévention d’apparition de ces effets indési-
décrites. rables reposent essentiellement sur l’amélioration des techniques
En cas d’utilisation des thérapies ciblées, plusieurs d’irradiation, comme la radiothérapie conformationnelle avec
complications sont décrites. Une inflammation nasopharyn- modulation d’intensité (IMRT).
gée peut être la conséquence d’un traitement par Glivec®
(imatinib [Q1]), qui est un inhibiteur de la tyrosine kinase Cas particulier de l’irradiation corporelle totale
utilisé dans la leucémie myéloïde chronique. Des acouphènes,
des vertiges ainsi qu’une hypoacousie peuvent être des effets L’irradiation corporelle totale (total body irradiation [TBI]) est
indésirables des traitements suivants : inhibiteurs de tyrosine utilisée dans le cadre des conditionnements à une allogreffe de
kinase (imatinib, dasatinib), Velcade® , Revlimid® , rituximab, moelle. Des cancers secondaires sont décrits chez 3 à 4 % des
Nplate® ou Revolade® (analogues de thrombopoïétine), acide patients ayant reçu une TBI [111] , la relation de surrisque étant
tout transrétinoïque (ATRA) (agents différenciants dans la leu- prouvée [112, 113] . Les néoplasies observées sont des cancers thy-
cémie aiguë myéloïde de type 3). Des cancers secondaires, type roïdiens (papillaires), des carcinomes de la cavité orale. Le délai
carcinomes basocellulaire ou spinocellulaire, peuvent apparaître d’apparition est de plusieurs années, le patient nécessitant alors
après traitement par Revlimid® [101, 102] . Des troubles de l’odorat un suivi prolongé en surveillant l’apparition de ces cancers secon-
(hyposmie ou anosmie) peuvent survenir en cas de traitement daires. L’irradiation corporelle totale entraîne également des effets
par interféron [103, 104] . indésirables neurosensoriels, tels que des troubles visuels, une sur-
dité uni- ou bilatérale, des acouphènes, des vertiges [114] .
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20-915-A-10 Manifestations oto-rhino-laryngologiques des hémopathies de l’adulte
au troisième mois de traitement, de manière dose-dépendante [117] . [19] Katz J, Peretz B. Trismus in a year old child. A manifestation of
Elle est principalement utilisée dans les greffes de moelle et leukemia. J Clin Pediatr Dent 2002;26:337–9.
l’aplasie médullaire idiopathique. [20] Chen Y, Fang L, Yang X. Cyclic neutropenia presenting as recurrent
Parmi les chélateurs du fer, le Desféral® (déféroxamine) oral ulcers and periodontitis. J Clin Pediatr Dent 2013;37:307–8.
peut être à l’origine d’une surdité neurosensorielle, prédomi- [21] Dale DC, Bolyard AA, Aprikan A. Cyclic neutropenia. Semin Hematol
nant sur les hautes fréquences, éventuellement accompagnée 2002;39:89–94.
d’acouphènes [75, 118, 119] . En cas de traitement prolongé, il faut alors [22] Pétavy-Catala C, Fontès V, Gironet N, Hüttenberg B, Lorette G,
réaliser un audiogramme tous les trois mois. La surdité peut être Vaillant L. Manifestations buccales révélatrices d’un déficit en vita-
mine B12 avant l’apparition d’une anémie. Ann Dermatol Venereol
réversible après arrêt du traitement. Il n’existe pas de corrélation
2003;130:191–4.
avec la dose de traitement ou le niveau de ferritinémie et le risque
[23] Humbert PH, Vaillant L. Glossites. In: Vaillant L, Goga D, editors.
d’apparition d’une surdité. En cas de traitement par déféroxamine, Dermatologie buccale. Paris: Doin; 1997. p. 134–43.
il existe un risque d’infection à type de mucormycoses [58, 120, 121] . [24] Klco JM, Welch JS, Nguyen TT, Hurley MY, Kreisel FH, Hassan
Ce risque semble ne pas exister en cas de traitement par déféra- A, et al. State of the art in myeloid sarcoma. Int J Lab Hematol
sirox (Exjade® ) [122] . Ce dernier peut en revanche être à l’origine 2011;33:555–65.
d’une surdité et de douleurs pharyngolaryngées. Un audiogramme [25] Zhou J, Bell D, Medeiros LJ. Myeloid sarcoma of the head and neck
avant l’initiation du traitement puis tous les ans est systématique. region. Arch Pathol Lab Med 2013;137:1560–8.
De multiples traitements sont utilisés en hématologie avec [26] Rénarda C, Girardb S, Pracrosc JP, Dijoudd F, Andréa JM, Mialoua V,
un risque cumulatif d’effets indésirables. Ceux-ci doivent être et al. Granulocytic sarcoma, a diagnostic challenge: 3 pediatric cases.
connus et dépistés tôt afin de les prendre en charge et de limiter Arch Pediatr 2010;17:149–53.
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