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Modes à transposition limitée

Les modes à transposition limitée sont des modes musicaux possédant certaines propriétés de
symétrie et de répétition sur un nombre limité de transpositions. Ces modes sont au nombre de 7
et retrouvent leur forme initiale après 2, 3, 4 ou 6 transpositions1.
Ils ont été codifiés pour la première fois par le compositeur Olivier Messiaen dans son livre La
technique de mon langage musical. Il les étudia en même temps sous leurs
aspects harmoniques et mélodiques.
Il faut ajouter aussi que les deux premiers modes : la gamme par tons (Mode 1) et la succession
tons demi-tons (Mode 2) ont été utilisés bien avant leur théorisation par Messiaen, par des
compositeurs tels que Vincent d'Indy (Diptyque méditerranéen pour orchestre), Claude
Debussy (nombreuses œuvres), Maurice Ravel, Rimski-Korsakov(Schéhérazade) pour la gamme
par tons ; et par Franz Liszt (Après une lecture de Dante ou Feux Follets), Wagner (Tristan et
Isolde), Rachmaninoff (Sonate pour violoncelle et piano), César Franck (Sonate pour piano et
violon), Debussy, pour le deuxième mode. Celui-ci avait au XIXe siècle été théorisé sous le nom
de « Mode de Bertha », et est couramment appelé au XXe siècle « Mode diminué » (jazz), « Mode
octotonique » ou « octatonique ». Même le 3e mode se retrouve une fois dans le 4e mouvement
de la sonate pour violoncelle et piano de Rachmaninoff, et le 4e mode dans
le prélude de Debussy La Terrasse des Audiences au Clair de Lune ainsi que dans le « leitmotif
du Désir Ø dansTristan et Isolde de Wagner2. Fondés sur l'échelle chromatique de douze notes,
ces modes sont constitués de plusieurs groupes symétriques qui structurent l'octave en parties
égales ou en intervalles égaux, la dernière note de chacun étant la première du suivant.
La transposition chromatique (c'est-à-dire d'un demi-ton supérieur ou inférieur) applicable à
chacun de ces modes est limitée en nombre, car la transposition suivante aboutit à la restitution
de la gamme de départ. Par exemple le premier mode (qui comporte les notes do, ré, mi, fa #, sol
#, la #, do) ne peut être transposé qu'une seule fois d'un demi-ton supérieur (ou inférieur). La
transposition d'un demi-ton supérieur donnant do #, ré #, fa, sol, la, si, do #, une nouvelle
transcription aboutirait à ré, mi, fa #, sol #, la #, do, ré, c'est-à-dire exactement la gamme de
départ.
Définition
Il y a deux manières complémentaires de voir ces modes : selon leurs transpositions possibles ou selon les
différents modes qu'ils représentent.

Construction par transposition chromatique[modifier | modifier le code]


Les modes à transposition limitée ont tous moins de 12 transpositions par demi-tons (les
modes majeurs et mineurs en ont exactement 12)1.

Par exemple, le Mode 1 de Messiaen n'a que deux transpositions : en transposant l'échelle do ré mi fa♯
sol♯ la♯ d'un demi-ton, on obtient do♯ ré♯ fa sol la si ; si on transpose une seconde fois d'un demi-ton on
retombe sur la première échelle3.

Construction des modes par degrés[modifier | modifier le code]


Le mode majeur est caractérisé par la suite d'intervalles : ton, ton, demi-ton, ton, ton, ton, demi-ton. Selon
le degré de départ dans cette suite, on construit un mode différent. Avec cette technique on obtient pour les
modes de Messiaen un nombre limité d'échelles.

Par exemple, le Mode 1 de Messiaen qui est défini par les intervalles ton, ton, ton, ton, ton, ton donne
toujours la même suite quel que soit le degré de départ : il ne contient qu'un seul mode.

De même, le Mode 2 de Messiaen défini par la séquence demi-ton, ton, demi-ton, ton, demi-ton, ton, demi-
ton, ton ne donne que deux suites différentes (commençant soit par un ton soit par un demi-ton) et ne
contient donc que deux modes distincts.

Les sept modes de Messiaen


Premier mode

Le premier mode de Messiaen, aussi appelé gamme par tons, est constitué de six secondes majeures. Il
est défini par les intervalles : ton, ton, ton, ton, ton, ton. Il a deux transpositions et un mode. Ce mode n'est
pas une invention de Messiaen, mais existait déjà dans la littérature musicale : Franz Liszt, Rimski-
Korsakov (Le coq d'or), et surtoutVladimir Rebikov, Claude Debussy et Béla Bartók (qui le considérait
comme un mode intermédiaire entre le diatonisme et le chromatisme) l'ont abondamment utilisé avant
Messiaen.
Deuxième mode

Le second mode ou échelle octotonique est divisé en quatre groupes de trois notes chacun. Il a trois
transpositions, comme l'accord de septième diminuée.On peut donc y enchaîner quatre septièmes ou
neuvièmes mineures de dominante à distance de tierces mineures. Il est également appelé « mode
diminué », mode « demi-ton − ton » ou « mode de Bertha ».

Troisième mode

Le troisième mode (échelle nonatonique) est divisé en trois groupes de quatre notes chacun. Il a quatre
transpositions, comme l'accord de quinte augmentée. On peut y enchaîner trois septièmes ou neuvièmes
majeures de dominante à distance de tierces majeures. Notons que la gamme par tons (1er mode) s'y
trouve incluse.

Quatrième au septième modes


Les quatrième, cinquième, sixième et septième modes ont six transpositions chacun, comme le triton.
Intervalles des modes
Alors que la gamme majeure a pour motif "T T 1/2T T T T 1/2T", soit, en nombre de demi-tons "2 2 1 2 2 2
1" (dont la somme couvre les 12 demi-tons de l'octave), les modes à transposition limitée ont pour motif:

Mode Nombre de demi-tons

"premier mode" 222222

"deuxième mode" 12121212

"troisième mode" 211211211

"quatrième mode" 11311131

"cinquième mode" 141141

"sixième mode" 22112211

"septième mode" 1112111121

Analyse
La symétrie inhérente à ces modes (signifiant qu'aucune note ne peut être perçue comme la tonique), de
même que certains dispositifs rythmiques comme les rythmes non rétrogradables, fut décrite par Messiaen
comme « le charme des impossibilités ». Cette symétrie produit un « effet couleur de vitrail » aux dires du
compositeur et crée une ambiguïté harmonieuse entre plusieurs tonalités d'où une polytonalité. On peut
considérer aussi que, contrairement aux séries dodécaphoniques qui procèdent d'une permutation d'un
nombre donné de notes, les modes à transposition limitée procèdent d'une combinaison de notes.

Notes et références
(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Modes of
limited transposition » (voir la liste des auteurs).

1. ↑ a et b Abromont 2001, p. 213

2. ↑ Pour en finir avec le Désir, Amiot, E., Revue d'Analyse Musicale, 22, février 1991.

3. ↑ Abromont 2001, p. 210

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