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Patrimoine architectural

CONSEIL GÉNÉRAL DU LOT


Inventaire de l’architecture médiévale du Lot

SAINT-SOZY

La tour
de Lachièze
Étude monumentale

GILLES SÉRAPHIN - MARS 2008


SAINT-SOZY
TOUR FÉODALE DE L’ANCIEN REPAIRE DE LACHIÈZE

La tour de Lachièze est un édifice médiéval attribuable par ses caractères stylistiques à la fin
du 12e siècle ou au début du 13e siècle. Elle constitue un remarquable exemple d’un type
d’édifice répandu dans les établissements féodaux du Sud de la France et des régions
germaniques, que les archéologues désignent sous l’appellation de « tour-beffroi », « tour
féodale », « tour-maîtresse » ou « turris ».

Identité de l’édifice
Le caractère de ces tours , semble-t-il, est avant tout juridique. La tour féodale édifiée par un
seigneur châtelain dans l’enceinte de son castrum ou par un simple chevalier ou donzel dans
celle de son repaire, est par essence « rendable ». Il s’agit donc, au sein du castrum ou du
repaire, d’un édifice par l’existence même duquel un tenancier affiche être vassal d’un
suzerain pour l’ensemble du castrum et du repaire et de leurs dépendances. Le fait que la tour
soit rendable implique qu’à chaque succession de vassal ou de suzerain la tour sera récupérée
en pleine propriété par le suzerain pour quelques jours avant d’être restituée au vassal. Cette
reddition s’opère dans le cadre d’un acte officiel et d’une cérémonie au cours de laquelle les
représentants du suzerain se hisseront jusqu’au sommet de la tour pour hisser son étendard et
crier sa devise.
Plus qu’un édifice fonctionnel, la tour féodale est avant tout un édifice emblématique. Son
caractère juridique, distinct de celui des autres parties du castrum ou du repaire, explique
qu’elle soit par définition un édifice singulier, isolé des autres constructions.
La tour n’est pas pour autant dépourvue de programme fonctionnel. Ses fonctions sont
directement associées à l’exercice de l’autorité seigneuriale. Elle sert notamment de cachot
pour les justiciables du tenancier, de poste de garde, de refuge pour les biens et les personnes.
Parmi les exemples de tours du même type on peut mentionner celles de Saint-Laurent-les-
Tours, de Cardaillac, de Castelnau-Bretenoux, de Béduer, de Cavagnac etc.

Description
La tour de Lachièze offre la particularité assez rare d’être établie sur plan rectangulaire et non
sur plan carré. Son état de conservation est remarquable du point de vue de l’archéologie en
dépit du fait que de nombreux percements modernes y ont été pratiqués et l’ont en partie

-1-
défigurée. Édifice par définition peu ouvert, l’essentiel de ses baies se concentre sur les faces
est et sud, disposition qui désigne l’avant-cour actuelle comme l’ancienne cour principale du
repaire.
Sur la face sud (Fig. 2) ouvraient deux fenêtres dont les vestiges apparaissent encore dans les
élévations intérieures de l’édifice. L’une d’entre elles est restituable sous la forme d’une
fenêtre triple (Pl. 3 : n°13 ; Fig. 9&10), comparable à celle qui éclaire le logis médiéval du
château de Loubressac. Sur la face ouest, il est possible qu’ait existé une porte d’accès au rez-
de-chaussée de la tour. Des sondages seraient nécessaires pour vérifier cette hypothèse.
La face est (Fig. 3), mieux conservée, présente deux portes superposées liées à des dispositifs
de charpente disparus mais dont subsistent les encastrements. La plus basse des deux (Pl. 3,
5&6 : n°4 ; Fig. 5&6) a pu offrir un accès direct au premier étage par l’intermédiaire d’un
degré de charpente analogue au « bolet » des maisons rurales modernes. La porte haute (Pl. 3,
5&6 : n°11) ouvrait probablement sur un balcon ou une galerie destinée entre autres à
l’exercice de la garde. Des latrines en encorbellement apparaissent sur la face nord (Fig. 4)
qui était manifestement hors enceinte dans l’état primitif de l’édifice. Toutes les autres
ouvertures sont modernes.
Les niveaux de l’édifice ont été modifiés à l’époque moderne (sans doute au 17e siècle). La
présence de gargouilles d’évacuation (Pl. 3, 5&6 : n°21 ; Fig. 15) indique le niveau primitif
d’un couronnement non couvert (cf. Pl. 4&6 : hypothèse de restitution ; Fig. 16). Par
ailleurs, les niveaux de planchers ont été modifiés au deuxième et au troisième étage.

Intérêt de l’édifice et orientations


Au sein du corpus d’édifice que constituent les tours féodales du département du Lot, aucune
d’entre elles ne présente d’intérêt secondaire. Toutes participent à la définition d’un concept
et de ce point de vue ont valeur de « document ». Ainsi, il convient de considérer que l’intérêt
de la tour de Lachièze est avant tout d’ordre archéologique plutôt que d’ordre esthétique.
La valeur de document bâti que présente la tour féodale de Lachièze implique que des
précautions particulières soient prises à son égard et qu’elle fasse davantage l’objet d’une
démarche de conservation que d’une démarche de réhabilitation. A priori, l’importance des
percements modernes dissuade d’envisager tout retour en arrière et toute démarche de
restitution. L’attitude préconisée consisterait donc à maintenir l’édifice au plus près de son
état actuel en tirant parti au maximum des commodités liées aux dégradations déjà subies. Les
mortiers anciens et les éléments de bois devraient, dans la mesure du possible être conservés,
toute modification de matériau supposant un suivi archéologique.
La restitution des parties en charpente disparues, sur la face est peut être envisagée dans une
démarche d’évocation, mais ne peuvent être restituées avec précision dans l’état actuel des
connaissances.

Caractère architectural de l’édifice.


Par nature, la tour féodale est un édifice singulier qui se désolidarise des bâtiments voisins et
qui affirme son isolement. Elle est également un édifice fermé, dans lequel les ouvertures sont
en principe réduites au minimum.

Relations avec les bâtiments voisins


La conservation d’une cave au nord de la tour démontre qu’un bâtiment attenant à l’élévation
nord a bien existé. L’intégrité des chaînes d’angle de la tour, de même que les caractères
stylistiques de la cave conservée montrent cependant que ce bâtiment adossé, nettement plus
récent, n’était pas antérieur au milieu du 16e siècle ou au début du siècle suivant. Sa
construction semble avoir été liée à l’édification des logis du 16e siècle répartis autour de
l’actuelle cour nord. Ce bâtiment qui n’avait apparemment aucune communication directe

-2-
avec la tour, ne peut donc servir de référence à la restitution de l’état médiéval supposé. La
singularité de la tour féodale suppose que des logis l’aient accompagné. Aucun vestiges de
logis médiéval n’a été décelé dans les structures conservées mais celles-ci n’ont fait l’objet
que d’un examen superficiel et toutes n’ont pas été visitées. Détachés de la tour, les bâtiments
d’habitation pouvaient cependant en être rapprochés jusqu’à n’être séparés que par une étroite
venelle. La position des portes incite à imaginer un tel logis du côté est de la tour ou, plus
vraisemblablement encore, du côté ouest, plutôt qu’au voisinage de ses faces nord et sud.

-3-
Figures

Fig. 1 – Repaire de Lachièze, vue d’ensemble du front est

Fig. 2 – Repaire de Lachièze, élévations ouest et sud de la tour

-4-
Fig. 3 – Repaire de Lachièze, élévation
est de la tour.

Fig. 4 – Repaire de Lachièze, élévation


nord de la tour.

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Fig. 5 – Repaire de Lachièze, élévation est de la tour, détail de la porte du niveau 1 et de la série de trous
d’encastrements qui l’accompagne.

Fig. 6 – Repaire de Lachièze, élévation est de la tour. Embrasure intérieure de la porte médiévale du niveau 1.

-6-
Fig. 7 – Repaire de Lachièze, élévation sud de la tour. Vestiges d’un arc d’arrière voussure correspondant à
une baie médiévale condamnée au niveau du vide entre les étages 1 et 2.

-7-
Fig. 8 – Repaire de Lachièze, élévation
est de la tour, détail de la porte du niveau
2 et de la série de trous d’encastrements
qui l’accompagne.

Fig. 09 – Repaire de Lachièze, élévation


sud de la tour, détail de l’ancienne
fenêtre triple remaniée au 18e siècle.

Fig. 10 – Repaire de Lachièze, élévation


sud de la tour, troisième étage. Vestiges
de l’arrière voussure de la fenêtre triple
du niveau 2.

-8-
Fig. 11 – Repaire de Lachièze, élévation
nord de la tour, deuxième étage. Vestiges
du caisson de latrines en encorbellement.

Fig. 12 – Repaire de Lachièze, élévation


est de la tour, troisième étage. Série de
trous d’encastrement repercés dans la
maçonnerie médiévale et détail de la
sablière porteuse de la charpente de
couverture.

Fig. 13 – Repaire de Lachièze, élévation


est de la tour, troisième étage. Corbeau
relancé dans la maçonnerie médiévale.

-9-
Fig. 14 – Repaire de Lachièze, élévation
est de la tour, couronnements. Corbeaux
appartenant à une ancienne bretèche de
défense liée à la porte du premier étage.

Fig. 15 – Repaire de Lachièze, élévations


est et nord. Gargouilles d’écoulement
liées à la présence de couronnements
découverts et d’un ancien crénelage.

Fig. 16 – Repaire de Lachièze, élévation


intérieure nord. Vestiges des merlons
d’un ancien crénelage.

- 10 -
SAINT-SOZY Légende des plans
Château de Lachièze
G. Séraphin - avril 2007

1. Percement moderne ou récent. Epoque : 17e, 18e et 19e s.


2. Rez-de-chaussée, élévation ouest. Ancienne porte d’accès condamnée et transformée
en fenêtre. Epoque médiévale ?
3. Rez-de-chaussée, élévation est raccord de maçonnerie et changement dans la qualité
de l’appareil des maçonneries.
4. Premier étage, élévation est : ancienne porte d’accès au premier étage ( ?) en arc brisé,
liée à la présence d’un ouvrage extérieur de charpente. Epoque : 12e ou 13e siècle.
5. Premier étage, élévation est : série de trous d’encastrement liés à la porte du premier
étage et à un ouvrage de charpente extérieur disparu. Epoque : 12e ou 13e siècle.
6. Premier étage, élévation est : corbeau lié à la porte du premier étage et à un ancien
ouvrage de charpente disparu. Epoque : 12e ou 13e siècle ?
7. Premier étage, élévation est : trous d’encastrement liés à un ouvrage de charpente
disparu (repercés après coup ?). Epoque : indéterminée.
8. Entresol, élévation sud (anciennement premier étage) percement médiéval condamné
(ancienne fenêtre). Arrière voussure en arc segmentaire. Epoque : 12e ou 13e siècle.
9. Plafond du premier étage sur sablières moulurées. Epoque : 16e ou 17e siècle ?
10. Plancher moderne du deuxième étage sur entresol, correspondant à l’ancien niveau
de plancher médiéval. Epoque : indéterminée.
11. Deuxième étage, élévation est : ancienne porte médiévale en arc brisé, liée à un ouvrage
de charpente extérieur (galerie ?). Epoque : 12e ou 13e siècle.
12. Deuxième étage, élévation est : série de trous d’encastrement correspondant au plancher
et à la couverture d’un ouvrage extérieur de charpente lié à la porte 11.
Epoque : 12e ou 13e siècle.
13. Deuxième étage, élévation sud : fenêtre moderne réaménagée dans une ancienne fenêtre
médiévale à triple forme. Epoque : 12e ou 13e siècle.
14. Deuxième étage, élévation ouest : ancienne armoire murale (médiévale ?)
15. Deuxième étage, élévation nord : grande arcade aveugle en plein cintre paraissant repercée
dans la maçonnerie médiévale. Epoque : indéterminée.
16. Deuxième étage, élévation nord : ancien caisson des latrines en encorbellement. Le caisson
d’origine semble avoir été en chicane et avoir partiellement utilisé l’actuelle embrasure 17.
Epoque : 12e ou 13e siècle.
17. Deuxième étage, élévation nord :embrasure moderne réaménagée dans l’ancien accès en
chicane des latrines 16. Epoque : indéterminée.
18. Troisième étage, élévations est et ouest. Série de corbeaux relancés tardivement dans la
maçonnerie médiévale. Epoque : moderne (17e ou 18e s.)
19. Bande horizontale d’enduit lisse liée à l’usage de colombier des combles de la tour.
Epoque : moderne.
20. Couronnements, élévation est : corbeaux conservés d’une ancienne bretèche de défense liée
à la porte 4. Epoque : 17e siècle ?
21. Couronnements : gargouilles d’écoulement liées à un ancien couronnement découvert et
crénelé. Epoque : 12e ou 13e siècle.
22. Combles, élévations nord et sud : vestiges de merlons liés à un ancien couronnement crénelé.
Epoque : 12e ou 13e siècle ?
23. Charpente de couverture avec fermes à poinçon. Epoque : moderne, 17e siècle ?
SAINT-SOZY Planche 1
Château de Lachièze
Plans aux niveau 0 et 1
Dessin G. Séraphin d'après relevé Jammes

1 1

NIVEAU 1
5 4 6

NIVEAU 0
1
N

0 1 2 3 4 5m
SAINT-SOZY Planche 2
Château de Lachièze
Plans aux niveau 2 et 3
Dessin G. Séraphin d'après relevé Jammes A

13

NIVEAU 3
1
A

14 16

17

13

15

NIVEAU 2
12 11 1
A
N

0 1 2 3 4 5m
SAINT-SOZY Planche 3
Château de Lachièze
Coupe-élévation
Dessin G. Séraphin d'après fond de plan Jammes

22 22

23
21

18

12
11

13
12
10

6 4

0 1 2 3 4 5m
SAINT-SOZY Planche 5
Château de Lachièze
Elevation est, hypothèse de restitution
Dessin G. Séraphin d'après fond de plan Jammes

21 20 21

19

12

11

12

7
6

0 1 2 3 4 5m
22

21

12

11

12

7
6

4
7
3

SAINT-SOZY
Château de Lachièze - Planche 6 0 1 2 3 4 5m
Elevation est, hypothèse de restitution
Dessin G. Séraphin d'après fond de plan Jammes

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